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PRÉCIS ANALYTIQUE
DES. TRAVAUX
L'ACADÉMIE ROYALE
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS
DE ROUEN,
Dspuis sa fondation en 1744 jusqu’à l’époque de sa
restauration , le 29 juin 1805.
PRÉCÉDÉ
DE L'HISTOIRE DE L'ACADÉMIE,
per
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Faures à corriger dans le deuxième Volume.
Pages.
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PRÉCIS ANALYTIQUE
DES TRAVAUX
DE
L'ACADÉMIE ROYALE
DES SCIENCES, DES BELLES. LETTRES ET DES ARTS
DE ROUEN,
Drpvis sa fondation en 1744 jusqu’à l’époque de sa
restauration, le 29 juin 1803 ;
PRÉCÉDÉ
DE L'HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ;
Par M. GOSSEAUME, D.-M.,
Meupre ET AncnivistTe DE L'AcADÉMiss
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TOME SECOND.
1751 à 1760.
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DE L’IMPRIMERIE DEP; PERIAUX,
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OBSERVATIONS
PRÉLIMINAIRES.
Mt du premier volume du Précis
analytique des travaux de l'Académie , depuis
son établissement en 1744 jusqu'à 17950 inclu-
sivement , n’a pas été plutôt terminée que je
me suis occupé à préparer les matériaux du se-
cond volume, J'ai suivi dans la distribution des
divers articles qui le composent le même ordre
que j'avais établi dans la rédaction du premier.
Je place en tête un exposé des événements
remarquables et relatifs à l'Académie , qui ont
eu lieu de 1751 à 1760 inclusivement ; ce qui
me donne l’occasion de faire connaître l'esprit
qui anima cette Compagnie, et les Sciences
qu'elle cultiva spécialement durant cet espace
de dix années.
Je donne ensuite le Catalogue exact de tous les
Mémoires présentés et lus dans les Séances par-
(6)
ticulières pendant le même intervalle de temps ;
Catalogue qui, comparé à l'effectif de nos Mé-
moires , fait connaître le nombre considérable
de ceux que nous avons à regretter.
Ce Catalogue est suivi de l'extrait des procès à
verbaux des Séances publiques ; extrait qui se
compose , 1° de l'indication des Mémoires dont
la lecture a occupé ces assemblées solennelles ;
2° de l’annonce du sujet des prix à décerner à
la Séance publique de lannée suivante, et de la
proclamation de l’auteur qui a mérité le prix
dans le concours de l’année présente ; 3° dunom
des élèves studieux qui ont mérité des couron-
nes dans les diverses écoles nées dans le sein de
l'Académie.
Viennent enfin les extraits des Mémoires eux-
mêmes , extraits qui constituent le fonds de l’ou-
vrage , et qui se partage naturellement en deux
grandes sections : les Sciences et les Belles-
Lettres ; les Arts , suivant qu’ils sont méca-
niques ou libéraux, suivent la même classifica=
ton.
Les Poésies , s’il y a lieu , et les Eloges des
Académiciens décédés , formeront un appendix
à La section des Belles-Letires. Les premires
Ey®
s'y rangent naturellement. Les seconds pourraient
se partager entre les Sciences et les Belles-
Lettres , suivant le genre des travaux de l’Aca-
démicien qui en est l'objet; mais la nature de
cette espèce de composition, essentiellement
oratoire , me paraît la placer invariablement
dans le domaine des Belles-Lettres,
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DE L'HISTOIRE
L'ACADÉMIE ROYALE
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS
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DE LHISTOIRE
DE
L'ACADÉMIE ROYALE
DES SCIENCES , DES BELLES:LETTRES ET DES ARTS
DE ROUEN:
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Événements remarquables qui la concernent
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re jusqu'ici avait é'é une science à-pens
près inconnue dans l'Académie ; aucun de ses mem“
bres résidants ne cultivait, avec des talents distin=
gués , cette science sublime qui metle ciel én rapport
avec nous, et nous fait connaître la marche et la dis-
tance de cette multitude de corps lumineux qui pla-
nent sur nos têtes et se balancent dans l'espace avec
autant de régularité que de majesté.
C'est à M. Pingré, chanoine regulier de la congrés
T'onie IL, - A +3
_
(4)
gation de France, que nous sommes redevables de
ce nouveau bienfait ; et voici quelle en fut l'eccasion :
nouvellement agrégé à cetre Société laborieuse et
distinguée , il y avait apporté ure imagination vive et
ardente qu’il était essentiel de bien diriger ; et on
était encore dans des circonstances délicates où une
tête un peu exaltée pouvait compromettre une con
grégation entière. Je veux parler des matières du
temps, controverse malheureuse à laquelle toutes les
conditions de l’État prirent part, qui , des écoles thcolo-
giques,-passa dans les cloïtres, troubla la paix de ces
pieuses solitudes, et fit de la France entière une vaste
arène où les passions combattirent avec fureur.
IL eût été bien hasardeux de laisser au centre même
de ce tourbillon un jeune homme plein d'esprit et
de vivacité, incapable par conséquent de rester in-
différent à cette lutte universelle, ét certain de figurer
avec éclat dans le parti qu’il se füt proposé de dé-
fendre. TS
M. Pingré fut donc envoyé à Rouen, où il trouva
des confrères de mérite ; et , cherchant à occuper
utilement et conformément à ses goûts, on tui inspira
le désir de se livrer sérieusement à l'étude de l'As-
tronomie (1).
Il demeura quelque témps au Mont-aux-Malades ,
a
(1) IL existait alors à Mouen et au Mont-aux - Malades,
qui n’en est presqu'’un faubourg, trois Prieurés de la con-
grégation de France : celui de Saint-Lo, celui du Lieu-de-
Santé et celui du Mont-aux-Malades, Le nom de M. Bouin,
ancien Prieur de Saint-Lo, rappellera toujours l’heureux as-
seinblage des talents et des vertus. Le Catalogue raisonné de
Ja bibliothèque du Lieu-de-Santé , manuscrit précieux eon-
servé dans la bibliothèque publique de cette ville, prouve, dans
sou auteur, M. Marie, une érudition peu commune; et, si
(5)
retraite paisible, parfaitement bien située pour ce
genre d'etude, et correspondit avec MM. ses con
frères de Saint-Lo et du Lieu-de-Santé. Un obser-
vatoire fut construit au Prieuré de Saint-Lo, et on y
placa de bons instruments. M. Bouin, Associé de
l'Académie en 1744, s'eugagea dans la méme car-
rière, la parcourut avec honneur, et en inspira le
goût à M, Dulague (1), qui bientôt devint son col-
laborateur. Ce dernier fut payculenien: agrégé à l'A-
cadémie dans la même année 1754.
Nos séances académiques s LRU Ces ainsi d'ob-
servations astronomiques nombreuses. Il est aisé de
s’en convaincre en considérant que de deux cent
quarante-six Mémoires relatifs aux sciences, et lus
à nos séances pendant les dix années dont ce vo-
lume expose les travaux, trente-cinq sont relatifs
à l'Astronomie; c’est un septième à-peu-près, et,
sur ce vombre , vingt-deux sont de M. Pingré (2).
Appelé à Paris, ce savant estimable y prit un essor
je ne craignais de blesser la modestie des Membres de cette
congrésation, qui vivent encore et qui se trouvaient alors dans
quelqu’une de ces trois maisons, j'en pourrais citer plusieurs qui
soutiennent avec honneur la gloire littéraire de leur société.
(1) M. Dulasue, dev enu professeur d’hydrographie à Rouen ;!
s’est fait counaltre par des Éléments d’ hydrographie qui sont de?
venus un Ouvrage classique. ( Foir l’Eloge de cet Académicien ,
par M. Vitalis, et inséré au Précis analytique de 1806. )
(2) Me défiant avec raison de mes forces , et craignant
quelque erreur de ma part dans l’analyse de ces Mémoires , j'ai
prié M. Meaune , notre aimable collègue , de vouloir bien me
seconder dans cette partie qui lui est familière , et je publie avec
reconnaissance que c’est à sa complaisance que nous devons les
extraits des Mémoires sur Astronomie et les Mathématiques que
ce volume renferme,
AS
(6)
vapide, Tout le monde sait les places qu'il y 0e-
cupa , les commissions importantes dont il fut
chargé par le Gouverrement, et le talent supérieur
avec lequel il s'en acquitta.
6. 2.
Je placerai au nombre des événements importants
pour lAcademie, la nomination de M. Lecat à la
place de secréaire perpétuel au département des
scien-e: , et celle de M. Maillet-Duboullay à celui des
belles lettres : le premier, remplaçant M. l'Abbé
Guérin, démissionnaire ; le second , remplaçant
M. de Prémagny, pareillement démissionnaire.
Avec des caractères très-differents, Pun et l’autre
étaient faits pour honorer leurs places, et l'Académie
ne pouvait avoir pour secrétaires des hommes plus
remplis de connaissances et plus zélés pour sa gloire.
J'äi, dans le premier volume de ces Précis analy-
tiques, esquisse le tableau de M. Lecat, et donné
une idée de <on génie tout de flanmme M.Duboullay,
par son affabilité et sa douceur, faisait un contraste
frappant avec son collègue. Litérateur distingue , il
réunissait le savoir à la modestie, et les graces à lé
rudition, Il avait fait de la Grammaire et de l'Histoire
ancienne et moderne une étude approfondie , et per-
soune n’était plus en état que lui de concourir à la re-
fonte projetée de l'Histoire de Normandie. Magistrat
intègre , secrétaire laborieux, parune sage économie
du temps, il trouva le moyen d’allier les devoirs de
fonctions si differentes ; il subordonna toutes ses ac-
vons à ses principes religieux, et la pureté de ses
mœurs releva encore l'éclat de ses talents.
Tels étaient les hommes distingués que l'Académie
avait investi de sa confiance, Unis entre eux par les
C7)
liens de l'amitié et ceux d'une estime réciproque, par
leur zèle et par leurs travaux, la correspondance de la
Compagnie devint très-active et s'étendit de toutes
parts, et un grand nombre de noms célèbres dans
les sciences, les lettres et les arts, vint grossir le cata-
logue de ses membres, et l'honorer par leur illustra-
tion personnelle,
CEA
Vers l&même temps et par les bons offices de M. de
Brou , la Compagnie obtint de la munificence de Mes-
sieurs de Ville, la concession d’unterrain près du cours
de Paris, pour y établir son jardin de botanique. Les
clôtures furent perfectionnées ; la serre et les oran-
geries furent construites telles qu'on les voit aujour-
d'hui, et le tout aux frais de l'Académie, La révolu-
tion a pu lui enlever une propriété si légitime et si
précieuse; mais pourrait-on fui faire un crime de re-
porter ses regards sur cet ob'et de ses complaisances,
et de ne pas désespérer de rentrer en possession de
ce bel établissement qu'elle a créé?
La cité applaudissait ainsi au zèle de l'Académie
pour le progrès des sciences : elle lui donna un té-
moignage nouveau de l'intérêt qu’elle lui portait en -
se chargeant de faire les frais des prix que l'Aca-
démie distribuait à sa séance publique aux Flèves
distingués des nombreuses écoles qui s'étaient for-
mées dans son sein. |
Sous des auspices aussi favorables, l'Académie
poursuivait paisiblement ses travaux; l'émulation
wexeluait pas l'harmonie, et l’amitié ajoutait un
nouveau charme à la culture des sciences et des
beaux arts, Les Membres résidants et non résidants
A 4
1756.
Voir Précia
anale, t. 1,
page 26-27«
17604
Mème vol, !
page 26, etc.
Poir let-
tres - paten-
tes et statuts
de 1744 ;
art, 3,
Fa 1756.
(8)
se faisaient un devoir d’oflrir à la Compagnie un
exemplaire de leurs productions : elle formait ainsi
des collections précienses en livres, gravures, mé-
dailles et autres objets, et jetait les fondements
d'unve bibliothèque et d’un muséum que, dans la
suite , elle se fit un devoir de communiquer au
public.
Uve circonstance malheureuse vint troubler un
mstant cette union si douce , et prouver que, dans les
Sociétés savantes, on ne doit admettre d’autres dis-
tincÜons que celles qui résultent de la sgpériorité
des talents.
Où a vu que l'Académie était composée d’Aca-
démiciens honoraires et d'Académiciens de fonction,
Les uns et les autres devaient être connus par leur
zèle pour les progrès des sciences, etc. C'est une
condition exigée par nos premiers statuts.
Les Membres des Cours souveraines qui parta-
geaient alors les travaux de l'Académie, ava'ent été
inscrits dans la classe des honoraires; c'etait une dé-
frence que l’on croyait devoir aux premiers corps
de magistrature.
M.P...,.., homme trés-estimable et très-instruit,
fut présenté à la Compagnie pour occuper une
.place dans la classe des Academiciens de fonction,
et il avait des titres trop réels pour que sa demande
ne füt pas accueillie, mais il appartenait à un corps
de magistrature qui, sans avoir le titre de Cour
souveraine , prétendit que la place de ses Membres
à l'Académie devait être marquée parmi les hono-
raires.
On s'aperçut alors, pour la première fois, que
les diverses classes dont se composait l'Académie ,
étaient, dans l'opinion publique, séparées par une
C9)
intervalle qui réellement n'existait pas; et que Île
degre de consid-ration qu'il accordait aux Acadé-
miciens, était bien plus relatif à la classe qu'au mé-
rite personnel,
L'Aradémie s’occupa sans délai de trouver le
moyeu d’écarter pour toujours cette pomme de dis-
corde , et la sappression du ütre honoraire lui parut
le parti o; portun.
M. de C deville avait donné un exemple bien géné-
reux, en demandait à être inscrit dans la classe des
Académiciens de fonction ; etil avait été imité par plu-
sieurs de ses collègues honoraires; mais quoique l’on
püt espérer que ce nivellement s'opérerait sans se-
cousses , en considéran que la distinction avait été ré
glée par l'autorité législative, on estima que le même
pouvoir avait seul l'autorité de Fabroger. On sollicita
donc de nouvelles letires-patentes, par lesquelles la
distinction d'Académicien honoraire serait suppri-=
mée. Et tels furent les motifs des nouvelles lettres-pa-
tentes obtenues le 51 décembre 1756, enregistrées
au Parlement le 14 août 1757.
C'est encore ici le lieu de parler d'un projet formé
par l’Académie, dont elle s’occupa sérieusement, et
qui eût eté le complement des établissements utiles
formés dans son sein Je. veux parler de la création
d'une classe d'Académiciens qui eussent consacré
leurs loisirs à PAgriculture, et qui, par des e: pé-
riences utiles, par une correspondance mutuelle
avec les autres Sociétés analogues , regnicoles et
étrangères, eussent introduit dans notre province
des procédés avantageux de culture, perfectionné
nos instruments aratoires, et donné des principes au
premier des Aris, dont l'exercice ( de nos jonrs } ne
s'écarie guère d’une routiue aveugle. L'exécution de
(0)
projet était d'autant plus facile , que l'Académie pos-
sédait déjà dans son sein des hommes auxquels l'Agri-
culture n’était pas étrangère; et lorsque le Gouverne-
ment crea, en 1762, une Société d'agriculture à Rouen,
ces mêmes Académiciens devinrent le centre auquel
tous les nouveaux Associés se rallièrent, et furent ceux
qui répandirent sur la Société l'éclat le plus vif et le
plus durable,
Suit la teneur des nouvelles lettres patentes et des
nouveaux statuts de l'Académie. Ce sont les lois qui
Vont régie jusqu'à la destruction de toutes les So-
ciétés savantes en 1793,
J'ai choisi la même époque pour présenter le cata-
logue des Académiciens, parce que, pour la pre-
mière fois, ils sont inscrits sans distinction d'hono-
raires, et d'après Ja forme voulue par les nouveaux
réglements.
NOUVELLES LrTrrrs PATrNTrS obtenues par
l'Académie royale des Sciences , des Belles-Lettres
et des Arts de Rouen, en 1756.
LOUIS, par LA GRACE DE Dieu, Roï DE FRANCE ET
DE NAVARRE : à tous ceux qui ces présentes lettres
verront, salut. Par nos lettres-patentes du mois de
juin 1744, nous avons permis et autorisé l'établisse-
ment d'nneAcadémie des sciences, des belles-lettres et
des arts dans notre ville de Rouen, et confirmé ses sta-
tuts contenus en 51 articles; mais il nous aurait été re-
présenté que la distinction d’Académiciens honoraires
et d'Académiciens de fonction, que nous avons ad-
mise dans nosdites lettres-paientes et statuts, loin de
favoriser les avantages que nous nous étions promis
de cet établissement pour le progrès des sciences, des
C9
lettres et des arts, était nuisible à l'émulation qui
en est le plus solide appui, et que quelques articles
manquaieut d’une précision capabie de diriger une
Compagnie à laquelle toute contention, autre que
les disputes littéraires, doit être inconnue, ce qui
nous aurait paru meriter une attention favorable de
notre part. À ces causes, et voulant donner à lAca-
démie des sciences, des belles-lettres et des arts de
la ville de Rouen, de nouvelles marques de notre
protection, Nous, de l’avis de notre Conseil qui a vu
nosdites lettres-patentes et statuts du moïs de juin
1744, dont copie est ci-attachée sous le contre-scel
de notre Chancellerie, et de notre grace spéciale,
pleine puissance et autorité royale, avons dit et
ordonné , et par ces présentes, signées de notre main,
disons et ordounons, voulons et nous plait ce qui
suit :
TENEUR DES STATUTS,
On a marqué de l’Astérisque * les articles éclaircis
ou réformés par le nouveau Réglement de Sa Ma-
jesté. Les articles qui n’ont pas cette marque sont
ceux des anciens Statuts auxquels il n’a été rien
change.
ARTICLE PREMIER. Le sieur Duc de Luxembourg,
Maréchal de France , Gouverneur de la province de
Normandie , a été choisi pour être le protecteur de
l'Académie.
* IL Lad'te Académie sera composée d'Académi-
ciens, d'Associés et d'Adjoints, sans distinction d'Aca-
démiciens honoraires, dont nous avons supprimé et
supprimons Je titre et qualité dans ladite Académie,
Protecteur,
Distri+
bution de
l'Académie,
Droits, pré-
rogatives et
devoirs deg
différentes
classes,
(12)
* III. Les Académiciens seront au nombre de qua-
rante ; savoir: dix-huit pour les sciences , quatorze
pour les beiles-ettres, et huit pour les arts.
* IV. Les dix-huit pour les sciences seront:
Physiciens,
Géomètres ,
Astronomes ,
Anatomistes ,
Naturalistes,
Botanistes , l'un desquels sera Professeur en
Botanique ,
2 Chimistes.
O1 O1 O1 D D D O1
* V. Les quatorze pour les belles-lettres seront :
4 Pour l'Histoire ,
3 Pour les Langues,
2 Pour la Poésie,
2 Antiquaires,
3 Pour l'Éloquence,
* VE. Les huit pour les arts seront:
Quatre pour les arts qui dépendent principalement
du dessin : tels que la peinture, la sculpture, lar-
chitecture , la gravure ; l'un desquels sera Professeur
de l’école gratuite de dessin.
Quatre pour les arts qui dépendent plus particu-
lièrement de la physique et de la géométrie ; tels que
l'optique pratique, l'horlogerie, l'art des pompes,
l'agriculture, les manufactures, etc.
* VII. Les Associés regnicoles seront aussi au
nombre de quarante, divisés de la même manière que
les Académiciens; mais les Associés n'auront pas de
uombre fixe.
(15)
VIII. Les Adjoints seront des jeunes gens de l’âge
de vingt-huit ans au moins, dont les dispositions an
nonceront de grands progrès dans quelque partie des
sciences , des belles-lettres et des arts.
* IX. Les Académiciens etles Adjoints seront éta-
blis à Rouen;et, si quelqu'un d’eux fixe sa résidence
ailleurs , sa place sera vacante ; mais l'Académie
pourra, sielle le juge à propos, conserver aux Aca-
démiciens qui auront bien mérité de la Compagnie,
leur rang etleurs prérogatives en qual'té de vétérans,
lesquels auront même voix délibérative et même
séance que les titulaires. Elle pourra aussi acccrder
la méme grace dans le cas de maladie ou d'infirmité
habituelle. Ce réglement aura aussi lieu pour les
Associés infirmes ou distraits par des afaires, des
occupations académiques.
X. Les Académiciens et les Adjoints ne pourront
s'absenter plus de six mois de la ville sans la per-
mission de l’Académie , ni, etant daws la ville, man-
quer aux assemblées pendant plus de six semaines ,
sans cause légitime qui lui soit connue.
* XI. Les Académiciens, les Associés et les Adjoints
auroni voix délibérative selon l'ordre du tabieau,
lorsqu'il s'agira de sciences, de belles-lettres'et d'arts ;
mais les seuls Académiciens titulaires seront admis
à donner leur suËrage lorsqu'il s'agira d'élections et
qu’on traitera d’aflaires concernant l'Académie,
* XII. Les séances de l’Académie se tiendront un
jour marqué par chaque semaine dans une salle de
l'hôtel-de-ville , depuis quatre heures aprés midi
jusqu’à six ; et quand il sera Fête ledit jour, l'as-
semblée se tiendra la veille ; arrivant qu’un membre
de quelque célèbre Académie füt conduit à ladite
Assemblées
ct vacances
de l’Acade .
mie,
Officiers de
l’Académie,
leur élec-
tion , leurs
fonctions et
leurs de-
VOÏTSe
C4)
assemblée par quelqu'un des officiers, il pourra ÿ
assister,
XIII. L'année académique commencera après la
rentrée du parlement, et aura les mêmes vacancess
* XIV. Il y aura une assemblée publique de l'A-
cadémie une fois l’an : elle se tiendra le premier mer-
credi du mois d'août, et toutes personnes y auront
entrée.
XV. Ceux qui ne seront point de l'Académie, ne
pourront assister aux assemblées ordinaires, s'ils nÿ
sont conduits par quelqu'un des ofüciers, pour y
proposer quelque decouverte nouvelle.
XVI. L'Académie fera célébrer tous les ans, après
l'assemblée publique, un service pour le sieur abbé
Legendre, son bienfaiteur , et les Académiciens dé
cédés,
* XVII. L'Académie aura un directeur, un vice-
directeur, deux secrétaires, lun pour les sciences,
l’autre pour les belles-lettres ; un intendant du jardin
des plantes et un trésorier.
* XVIII. Les élections des officiers se feront par
scrutin et à la pluralité des suflrages à la dernière
assemblée qui préceédera les vacances de chaque
année, Les deux secrétaires seront perpétuels, et les
autres officiers ne seront en fonction qu’un an de
suite, à moins que le bien de l'Academie n'exige
qu'ils soient continués, et cette continuation se fera
dans la même forme que les élections.
* XIX, Le directeur ouvrira les assemblées, fera
délibérer sur les différentes matières. Il prendra
les voix suivant l’ordre du tableau , lequel contiendra
d'abord les officiers en exercice, ensuite les Acadé=
C15)
ficiens suivant leur rang de réception, les Associés ;
et enfin les Adjoints. 1 donnera sa voix le dernier,
et prononcera les résolutions de la Compagnie qui
auront passé à la pluralité des suffrages Sa signa
ture et celle d’un des deux secrétaires, s’il s’agit
d'élections et d’aflaires , et celle d'un des deux se-
crétaires, s’il s'agit de travaux académiques, suffiront
peur la validité des délibérations, En l'absence du
directeur , le vice-directeur, en l’absence de celui-ci
les deux secrétaires et les autres officiers de suite en
feront les fonctions,
* XX. Les secrétaires tiendront chacun un re-
gistre dans lequel ils rédigeront en substance ce
qui aura été proposé à chaque assemblée , les trai-
tés, les mémoires dont on y aura fait lecture, les choses
notables qu'on y aura dites. Chacun des secrétaires
se chargera des matières de son département et en
aura le dépôt; il en donnera, à ‘la {in de chaque
année , un extrait raisonré qui sera examiné par
la Compagnie. L'ancien des deux secrétaires tiendra
la plume dans les délibérations de chaque séance.
Ces délibérations seront inscrites sur un registre par-
ticulier, déposé après la séance dans une armoire de
la salle méme des assemblées, dont les deux secré-
taires auront la clef, Les arts n’auront point de secré-
taire particulier, Les mémoires que cette classe pourra
produire seront remis à celui des deux secrétaires
dont le départemeut aura plus de rapport avec la ma-
tière qui y sera traitée. S'il s’en trouve de mixte ou
de douteux, l'Académie en décidera. Les secrétaires
écriront, chacun dans leur département, toutes les
lettres au nom de l'Académie, après qu’elle en aura
examiné et approuvé le contenu, Elle nommera l'un
des deux pour écrire celles qui ne seront d'aucun
Pègles des
Béceptions.
C6)
département, Ils feront aussi, chacun dans leur classe,
mention historique et honorable des Académiciens et
Associés morts pendant l'année , et il en sera fait lec-
ture à l'assemblée publique.
#* XXI, L'inteudant du jardin sera élu avec les au-
tres officiers pour un an, et aura soin de tout ce qui
regarde la culture ét l'eutretien des plantes, On don-
nera au professeur de botanique deux aides; savoir ,
un Académicien et un Adjoint, attachés à cette sciences
XXII. Le trésorier sera chargé de la receite et de la
dépense : il aura en sa garde les titres, leitres-pa-
tentes, papiers et livres, instruments, meubles , cu-
riosités appartenant à l’Académie, A son entrée eñ
charge, le directeur les lui remettra par inventaire ,
dont il gardera un double qui sera recensé à la fin de
chaque annce. Le trésorier ne pourra laisser trans-
porter aucune des choses qui seront à sa garde, ni faire
de dépense au-dessus de 24 livres, sans une permission
par écrit du d'recteur.
XXII. Nulne pourra être reçu dans l’Académie
s’il n'est de bonnes mœurs et d’une probite reconnues
Les réguliers ou personnes attachées à queiqu’ordre
de religion ny pourront être admis que sous le titre
d'Associés.
* XXIV. Celui qui voudra être reçu Académicien
ou Adjoint s’adressera à quelqu'un de la Compagnie,
lequel en conférera avec les officiers; s'ils le jugent
admissible, la proposition en sera faite par le direc-
teur, et la Compagnie en délibérera. Si la proposition
est approuvée, l’aspirant fera ses visites aux officiers,
et à l’assemblée prochaine sa réception sera mise au
scrutin pour être faite à la pluralité des voix. Si quel.
qu’un des Académiciens est absent, il lui sera écrit
par
C17)
par l'un des secrétaires, faute de quoi l'élection serait
uulle; mais il suffira d'avoir écrit,
* XX V. Celui qui voudra étre reçu Associé, s’il est
présent, se conformera à l’article precédent ; s'il est
absent , :! en écrira à quelqu'un de la Compagnie,
lequel en instruira les ofliciers pour le proposer ;
s'ils le jugent convenable , à la séance prochaire, en
cas que la proposition soit admise , il écr ra à la Com-
pagnie pour lui démander son sulrage, et sa récep-
tion sera mise au scrutin à l'assemblée suivante.
XX VI, Les occupations des Académic'ens seront
de trois sortes : lectures des onvrases importants daus
les sciences, les belles-iettres et les arts; examen des
expériences et des découvertes faites par les Savants,
et des productions de leur propre fonds, ils rendront
compte de leurs lectures par des extraits, des expé-
riences par des repétitions, et de leurs productions
par des mémoires.
* XXVII. La première lecture d'un mémoire, ou
autre ouvrage, se fera de suite et sans interrupt'on.
A la fin de la séance, ce qui aura été lu sera remis à
Jun des deux secrétaires, suivant la matière qui y
sera traitée , jusqu’à la séance prochaine , et, pendant
ce temps, les autres Académiciens en pourront pren«
dre communication, pour faire leurs observations à la
seconde lecture de l'ouvrage. Ces observations seront
faites avec politesse par les Académiciens qui en seront
requis selon l'ordre du tableau par le d'recteur; et,
après les changements que l’auteur aura faits à son mé
moire , et les corrections auxquelles les observations
précédentes auront donné lieu , il le fera coter et pa-
rapber par le directeur, ex le remettra en cet état au
secrétaire de la classe.
B
Occupas
tions des
Académi -
ciens. Rès
g'es pour
l impresion
ur icurs us
V Lapess
C:18)
* XX VIII. Quoiqu'une pièce ait étélue deux fois,
si l'auteur la veut faire imprimer à part, c’est-à-dire
hors des volumes de l'Académie , en cas que la
Compagnie y consente , elle nommera au moins deux
Académiciens avec le secrétaire pour en faire un
nouvel examen, et il en sera rendu compte à l'une
des séances.
XXIX. Nul ne pourra faire imprimer avec le titre
d'Adémicien, sans s'être conformeé à ces dispositions ,
et sans avoir obtenu un certificat des commissaires,
du directeur et des secrétaires. Les auteurs remet-
tront à la bibliothèque de lAcademie un exemplaire
de leurs ouvrages.
XXX. Quand on n'aura point de productions nou-
velles qui puissent occuper la séance, elle sera em-
ployée à la lecture raisonnée de quelques mémoires
des autres Académies , que chaque membre fera sui-
vant l'ordre du tableau. On laissera à chacun le choix
des matières; mais elles ne pourront être tirées que
des sciences, des belles-lettres et des arts. Les Acadé-
miciens pourront aussi entretenir commerce avec les
Savants étrangers, et lire leurs lettres à la séance,
après les avoir communiquées à celui qui présidera,
XXXI. Si l'Académie se trouvait dans quelque cas
qu’en n’ait point prévu dans les articles du présent ré-
glement, elle se conformera aux usages des Acadé-
mmies de Paris.
XXXIH et dernier. Veut Sa Majesté que le présent
réglement soit la à Ja prochaine assemblée , pour être:
exécuté selon sa forme et teneur ; et s’il arrivait qu'au-
cun des Académissiens y contreyini, elle y pouryoira.
suiyant lexigence des cas:
Cr9)
SI DONNONS EN MANDEMENT à nos amés et féaux*
conseillers les gens tenant notre cour de parlemént
de Rouen , que ces présentes ils aient à faire registrer,
et le contenu en icelles garder, observer et exécuter
de point en point, selon leur forme et teneur, nonobs-
tant les articles 2, 5,4,5,9,10,11,14,15,19,20,
21,24, 26 et 24 desdits statuts, e’ nosdites lettres-
patentes du mois de juin 1744, auxquelles et auxdits
articles nous ayons dérogé et dérogeons par ces pré=
sentes en ce qui y serait de contraire én ce-dites pré-
sentes : Car tel est notre plaisir; en foi de quoi nous
avons fait mettre notre scel à cesdites présentes. Douné
à Versailles le treizième jour du mois de décembre,
l'an de grâce mil sept cent cinquante-six, et de notre
règne le quarante-deuxième. Signé, LOUIS. £# au-
dessous est écrit : Par le Roi, s'gné PaErtpPeAUx , avec
grille et paraphe. Et scellé en queue d’un grand sceau
de cire jaune. |
Plus bas est écrit : Lesdites lettres ont été registrées
ès registres de la cour, pour être gardées , observées et
exécutées de point en point , selon leur forme et teneur,
et jouir par les impétrants de l’effit et contenu d’i-
celles , suivant l’arrêt de La cour de parlement de Rouen
rendu, la grand’chambre assemblée, le 10 Jévrier.
17957. Signé |, AUZANET.
C2)
TABLEAU des Membres de l'Académie royaïe
en 1757.
Monseigneur le maréchal, due de Luxembourg, gouverneur
de la province, Protecteur.
- Officiers en exercice, MM.
_ De Pontcarré, premier président du parlement , Président,
L'abbé Terrisse, doyen du chapitre, Vice-Président,
Ballière, Directeur.
Descamps , peintre et professeur royal de dessin , Wice=
Directeurs
Lecat , professeur royal d'anatomie, Secrétaire des sciences ;
en 1752.
Du Boullay , Secrétaire des belles-lettres , en 1755.
D’Angerville, {ntendant du Jardin royal des Plantes.
Hébert, peintre, Z'résorter.
ACADEMICIENS.
Nota. On à marqué de l'astérisque cèux des Académiciens ;
soit Titulaires, soit Associés regnicoles, qui, ayant bien
riérité de la compagnie , ont été ensuite dispensés, pour di-
verses raisons , de l'assiduité, ou de concourir aux travaux
académiques , et qui, remplacés par d'autres, conservent
cependant leur rang et Leurs prérogatives, conformément à
L'art. 9 des Statuts
Titulaires , MM.
Delaroche , doyen, docteur en médecine, President de
l'élection.
L'abbé Guérin *, chanoine de la cathédrale, ancien Se=
crélaire des sciences,
Thibaut, chirurgien.
L'abbé Saas, chanoine de la cathédrale,
-
"Ca1)
Dufay , chirurgien.
De Boisduval, docteur en médecine.
Ledanois , chimiste.
De Cideville, ancien conseiller au parlement,
Piuard, docteur en médecine, professeur royal de botanique
De la Bourdonnaye *, conseiller d’état,
De Limésy, lieutenant par commission des maréchaux de
France,
De Rougeville , auditeur des comptes,
De Prémagny, échevin , ancien Secrétaire des belles-lettres,
Delaizement , chimiste.
L'abbé Yart, curé de Saint-Martin-du- Vivier.
L'abbé Fontaine *, curé de Vassonville,
De Rouville, président à Mortier,
Paviot, président à la cour des comnptese
Leprince, sculpteur.
Lecauu, opticien.
Hoden , directeur des pompes de la ville de Rouen
D'Ectot, conseiller au parlement,
L'abbé de Brienne +, grand-vicaire , à Pontoise,
De Sevray, conseiller au parlement.
L’abbé Lucas , prêtre.
De Brou, intendant de Rouen.
Poullain , trésorier de France,
Nota, Par l'art, 11 des nouveaux statuts, les seuls ti
tulaires ont voix délibérative lorsqu'il s'agit d'élection
ou d'affaires; les Associés et les Adjoints ne l'ont qu'en ce
qui concerne les sciences , Les lettres et les arts.
Associés , demeurants dans la ville, MM.
De la Bruyère, directeur du domaine.
Bouin, chanoine régulier, à Saint-Lo.
B 3
“1
ox
(32)
Adjoints, MM.
Levasseur.
Haillet de Couronne.
_ Pierre-Denis Vrezeon , prêtre.
© Louis Ligot, professeur dé mathématiques,
Vincent-François-Jean-N oël dr “oi , professeur d’hydro-
graphie,
LISTE des Mémoires lus à l'Académie dans
ses Séances particulières et publiques de 175%
à 1700 Ynclusicement.
IVota. Les * indiquant les Mémoires que nous possédons
il est facile d’estimer ‘combien il y en a de perdus,
DÉPARTEMENT DES SCIENCES.
Auteurs, MM,
Sur la coulebr des Megres *... ...4.....Pingré.
Cause du mouvement dés Plantes suivant le
cours du Soleil.......,.....,.....Pingré.
Construction et usage d'un ‘microscope s0=
Tairet es us etes ele ee SORT STD elameltierer
Sur la dureté et la fragilité des corps. ...+Duboullay.
éponse à l'auteur du lithotorne caché... ..Lecat.
Sur la cause du mouvement des planètes *. . Pingré
Sur les satellites de Jupiter, etc.......Pingré.
Suite du Némoïire sur le lithotome caché. .Lecat.
JWemoirge pour servir à l'Histoire naturelle
de-Rouener bb ete ee must Dicat,
Aiguille trouvée dans la téte d'un enfant. . Thibault,
Projet pour fournir. de l'eau aux quartiers
lefplus cle Es de oepu decn se c + Holden.
Sur la fistule lacrymale , etc, , etc. *.....Lecats
Auteurs, MM.
Préface de la troisième partie du Mémoire
Url taille ide due eee see asia LICCAt»
Lettres du P, C.sur les Coralloïdes.....Dubocage,
Lettres au R. P, B sur la Cite de Limes. ..lLecat.
Sur les éléments des mixtes.........,.Delaroche.
Enfant né paralytique............sss. «Thibault,
Sur les molécules organiques de B....... Lecat,
Remarques sur une fracture de La méchoïre *.Lecat.
Remarques sur les humeurs froides *....Lecat.
Sur un calcul dont le noyau était une féve * Pouteau de Lyc ON:
Observation pareilles. .......s..e..s..Lecat.
Observations MICTOSCOpIQUESsresssessree Deprémagny,
Sarcocèle féminin*.............eses..Lecat.
Machine pour le transport des pompes. ...Hoden.
Maladies les plus ordinaires aux ER . Ledanois,
Préface de son Traité de Physiologie ,
RATAT EN NE ER ARRETE
Fièvre mortelle produite par la morsure
CÉUMOANA TS es ed date eee et voa DEC AS
Sur les longitudes terrestres *........... Pingré,
Examen des principales expériences élec-
triques de Franklin .............4.. . Lecat.
Observation sur la communiealion des vais-
seauxr du placenta entre eux et avec la
MAMRCU nd ne de «a daie dcetee see IDECALS
Sur les incendies spontanés * ............Lecat,
NTI LE VIGLANOS MelCe. « sroete es etats eialete sin'ete LaCCATS
Sur une tortue monstrueuse Ts... Descroisilles,
Moyen d'adoucir les vins quand ils sont
PR Oui ana n'a midie ete die « anale D'ESCTOISIIIES,
Lettres sur la maladie de NM. G*.......Lecat,
Jaladie de poitrine, suivie de tympanite
et ascile. On reconnait à l'ouverture que
le rein gauche manquait......,,,.,..Delaroche,
5 4
(24)
Auteurs, MM:
195a. Tables des Nombres. ...... sus... Le P, Mercastele
Sur quelques aurores boréales*..........Pingré.
Lettres sur l'électricité. £.s.e.essse..Lecat.
Longitudes CUP Erin cn Taser escmuesee UP IDE
Préface du Calendrier de la Marine.....Pingré.
Maladie singulière des intestins... ....... Thibault,
Plantes des environs de Rouen... Dufay.
Avis aux Astronomes sur le passage de
MT dre nc nue Do culaaue smic es PIMÉNSES
Découvertes au nord de la mer du sud..Delisle.
Sur le passage de Mercure sur le Soleil. . . Pingré.
Hydropisie d'ovaire. Projet de son extir-
palion...svss.e vrves Master lieCAE
Eclypse de lune *.. norte -chceslinre
Micromètre ou thermomètre à air....,....Mailhoc, ch, rêge
Sur le port , la navigation et le commerce du
Havre. = ssgso res secnesereseese..Dubocase.
Résultat des Observations sur le passage de
Mercure-santenesovéms cesse nes PINETCS
1953 Tumeur venteuse à la téte avec fonte et
ET nSoe ee ei ete esse ete ste à laeCat,
Il importe au Médecin de connaître les
plantes. ...ssses..sss.sssesss.sss.Pinard.
Jät servant de support aux grandes lu-
elles Essaie Die MB Se les tee de ICCIE, .
Contre le systéme des molécules orga-
niquestesesssssssressssese cs... Bcyer.
Les infusions privées d'air ne montrent
point d'animaux microscopiques, elc, etc. Lecat,
1754 Etat du ciel pour la marine*.........Pingré.
Etat du ciel pour 1754*.........:44..Pingré,
Carte des découvertes au nord de la mer du
SHARE TE C id e ree as t'est elle,
Deux grossesses , l'une de trois ans et l'autre
(25)
Auteurs, MM,
de vingt-six moist..e.eesessssussesbLecat, 1783
Vouveau micromètre de M. Bouin*.....Pingré,
Plaie avec ouverture de la capsule articu-
laire scapulaire.......ssssssssssse . Bastide.
Femme accouchant de trois enfants en trois
#44
IOLS «. v.s.o1n ee s cel inbibishie te sisie Rise tielr
Sur Le sucre de lait...s.s.ess.ssee0s + Ledanois
Sur une grossesse ventrale.......,.+..%. Thibault.
T'able des nombres composés et composants . Mercastel,
Observation du passage de Mercure.....Desbarres,
Elaidu ciel, + nue ste sasoutécoies he PinEne
Occultation d'une étoile près la lune *.,...Pingré,
Observations microscopiques.. +, ...+4,++.Prémagny.
Sur Le mercure et l'antimoine.. ,..,,.,...Ledanois.
Lettre de la Martinique: sur les singularités
d’une chenille. ,,se.evovevvvscise ses + Trochereau.
IVouvelle sonnerie d'horlogerie.,,....,..1abbé Lucas.
Maladie épidémique.......... ss. À + Pinard,
Mouvement d'une nouvelle pendule , ap-
pliqué aux montres. ..ses.usesses .«labbé Lucas,
Digesteur de papin*.,..,,,........,,, Vregeon.
Pliltre d’une espèce singulière*,,,,,,,..Lecat.
Vers trouvé vivant dans un bloc de marbre. . Dubocage.
Crapaud trouvé vivant au centre d'une
PiETTEs sssesssssseseessseseessess + Leprince ,sculptr,
Machine pour trouver la méridienne. . ....labbé Lucas.
Probléme, Moyen de trouver en mer les
longitudes........,...............Pingré.
Réflexion sur l'éclipse de 1701....,.....Pingré,
Parallèle des Tables de Flamsteed, Clai-
raut , Halley, d'Alembert, pour le calcul
des mouvements de la lune,..,..,,....Pingré.
Sur la communication des vaisseaux de l'u-
lerus aveç ceux du placenta*...,.,.,,.Lecate
(26)
Auteurs, MM.
4754. Sur la fructification des plantes: « +... .Pinard,
Sur l'antimoine et-ses-préparations . . .....Ledanois.
ÆEngorgement et -ulcération du péritoine et
des intestins , émission des excréments par
l'ombilic.... rack as anime sui + Lecats
Luxation périodique.de .la mächoire infé-
Leurs D. via vs 6 cvs 40 +: seRMILeCats
Inflammation du bas-ventre avec fièvre et
délires niot stone M st reiEecats
Microscope... .sussessseeseuese.ss.. Lecanu
Réduction difficile d'une luxation incom-
plète de la m&ehoire inférieure,.......HLecat,
Fémur et tête d'un géant-trouvés à Saint-Se-
verin de Bordeaurrs.svse............)Lecat.
Maladies épidémiques malignes, à Rouen*. . Lecat,
Mole trouvée dans un œuff......:..4..: Lecat.
‘Tumeurs superficielles.et périodiques à l'ap-
proche des règles... ..............d'Hermant, D. M;
IVouveau genre de planté... .............Pinard,
Sur la machine de papins se. ...4.:.,.. Vregeon.
Méridienne tracée sur l'étoile polaire. «...Bouin.
k755. Sur l'algébre.....sssssessss sis. . Poullain.
Utilité d'un calcul dont la période finit
d. 19 ose. ein RE NY. ca Balliére.]
Sur l'eau minérale de Saint-Paul , et l'eau
COMICS Et Ve «0 1e 0 10 0 a Bd iste late te tete le se st liedanois,
Analyse des eaux minérales des environs de
ROUEN. sale eue à 0 10 10 tem is ro fatale foie le ete ele DOÏSAU VAL,
Sur la fontaine de Fontestorbe.......,.Planque, oratorien,
Maladie de madame de Lorailler, Aiguilles
tirées di sein d'une fille.............Delaroche.
Eclipse de. lune du 27 mars...... ......Bouin.
Orgue à clavier mobile pouvant passer à tous
les ons. non eetende atout ddses Littaty
(27)
Auteurs, MM.
Grossesse de quarante-huit mois........ Lecat,
Sur les eaux minérales de Saint-Paul, ....Ledanois.
Travaux nécessaires à l'embouchure de la
Seines ses. lussstsss esse vos Bourgeois
179559
ÆEzxpérience sur les eaux de Saint-Paul,...Ledanois,
Animal vivant trouvé au milieu d'un bloc de
marbre ten duvet mnt sarah lietats
Pompe construite par M.............4:.Hoden.
Observations sur la formation des cailloux .Bacheley.
ouvement extraordinaire: de l'eau du
bassin du Havre , et des marres du pays
de Caur, 1° novembre , à 10 heures et
demie, C'était celle du tremblement de
terre de Lisbonne *................. Dubocage.
Sur la violette de la côte de Saint-Adrien. . Pinard.
Observations sur trois monstres ; le premier
ayant‘ six doigts, le second les yeux
exhorbitants , le troisième ayarit quatre
yeux à une double téle............... Lecat.
Phénomènes observés près de Caen, lors du
tremblement de terre de Lisbonne....:.DePont-Carré. 1756,
Introduction à la Physiologie......... . Lecat, .
Contre l'opinion de la divisibilité de la ma-
Lière à l'infini... s.......s.esesse. Lecate
Enfant sans front ayant un grand nez aqui-
UT din re dos Mu ca ne de Dents
Sur Les'intempéries de l’air.............Rollin,
Prétendue hermaphrodite. Fille mal con-
MMM essor onmencenaseos s CCE
Monstre à deux tétes , quatre bras, quatre
JAMVES nos secoue ses esse oo: DOYET'S
ce avenant........Lecloutier,
5
Sur la lèpre africo-américaine......,...Peyssonel,
Liquidation du maria
Monstre 4 'deUD LES der s suc ses ss LEGS
1756,
1757 «
(28)
Auteurs, ME.
De la force d'inertie..s..s.s.ess..s.... Lecat.
Perfectionnement de la machine pneumati-
ques sesreessensespeseneeseess.s se Vregeon.
OEuf de poule à double coques... Ledanois.
Abscès fistuleux existant depuis quatre ans. Ledanois,
Deux enfants d'une taille gigantesque * .. . . Dubocage.
Espèce nouvelle de Jalap,..»»:»:»#9##+:Pinard,
Doute sur l'inocujation varioleuse. .......HLecat,
Prospectus de l'Histoire astronomique du
dix-septième siècle. .,.....sssessse.Pingré, x
Propriélés nouvelles des quadrilatères. ...Ligot.
Deuxième supplément au Parnasse français .Titon-du-Tillet
Madrepores polypieds...4.-,,.,+.#,..Peyssonel,
Projet d'une école d'hydrographie. ......,Bouin,
Sur les influences attribuées a la lune. ....Lucas.
Projet d'une Carte générale de France. .... Cassini.
Occultation d'une étoile du Taureau. . ....Dulague,
Eclipse calculée par M. de Vaullenlille. . Bouin.
Sur l'éclipse de lune de 1757. Février. ...Bouin.
Sur l'Histoire naturelle de la Normandie. . Anonyme.
Sensibilité de la dure et pie-mère , des li-
gaments des tendons , insensibilité du cer- A
em. sta 20 Re de die à Ji os ARE
Inflammation de la rüe frite dans l'huile
d'olives een 22e à Pile CHE ue Morin.
Sur les verres colorés appliqués aux lu-
nelleseuss..sesssssssesesessseses. Anonyme,
Sur la Comèéte de 1758*...............Pingré.
Sur quatre propriétés nouvelles de la para-
bole......,....sssssssssssssss ee. Ligot.
Sur l'éclipse de lune du 4 février........Bouin, Dulague,
Sur la puissance des pointes électriques. . . Vrégeon.
Cerveau d'un nègre de couleur bleuätre. . ..Lecat,
Maladies des années 1755 et56*.....,.,Lecat.
Auteurs, MM.
Æsphyzie par le charbon*..............1Lecat, 17957
Miroirs de réflexion * ................./1ecat.
Plan du nouvel hotel-de-ville de Rouen... Carpentier.
Météore igné....ssessssessssssse ste: s AECAS
Cerfuolant électrique. ................ Lecat.
Maladie de l'ile de Sainte - Marie , etc. etc.
insolation, causos , tetanos *,........Taillard.
Sur les mesures d'Arques............ . Picdelièvre,
Fondation d'un prix de Mathématiques... Lisot.
Démonstration de la règle de deux fausses
poSsilionSrres vssssessssens tete .» Ballière.
Deux Mémoires sur les pointes électriques. Vrégeon.
Observations nouvelles sur les géants. .... Lecat.
Sur la sensibilité et l'irritabilité *.......1dem.
Projet d'une Table des mesures de la ANor-
MATE se elarele se AN De no eee ais etui à PICUELIEVECs
ZInsensibilité accidentelle des membranes. .Lecat.
Sur les tourbes de Picardie *...........Le P. Daire
Sur la couleur des nègres...,............/HLecat.
lemme morte d'épuisement par les sang-
SES caie ee cale à cles siotete ellete muets Ne ECG ES
Deuz jumeaux d'une ress emblance par-
faite De de ce duree ta ter eeietels ICE
Ænfant monstrueux * »e®.....eve.e.e Idem.
‘Opération de la fistule perfectionneée......Ideun,
Sur l'éclipse de lune qui doit arriver le
30 Juin vsssesssesssssssspeses.. Anonyme,
ÂVouveau genre de plante.......,,......Pinard,
Sur l'architecture hydraulique..........Gilbert,
Principaux systémes sur letonnerre*.......Vréseon,
Suppuration de l'oreille devenue mor-
LOUE RES EL atoan ele selese en LieCate
Œpi flottant pour creuser Les rivières. ....**Mangin,
Lomèle du mois de septembre... .. Bouin, Dulague et Pingré,
(50)
Auteurs, MM,
1757, Carrière d'Albert en Picardie *. .. . Jacquin,
Sur les tremblements de terre en sep-
tembre et octobre....su.....:0Ne
Sur l'opération des hernies inguinale
et crurale*.............:.... Leblanc, ch, à Orléans
ÆAppulse de la lune avec une étoile du
SRATÉIGMTOLE Meinie sieie ser Paie s Ste + Dulague,
Tremblement de terre du 9 décembre. Pinard
Sauterelles rendues par un malade *. Lefebvre, du Havre,
Lieux où il faut chercher la comite. . Pingré,
2758, Sur l'hydrophobie. .......,.......Ledanoiïs,
{Vote sur le mariage avenant de M, """
Clontieres sale re se ce de 4 SORTE
Corrections au pont de Rouen. .....Gilbert,
Observation analomiques «+. +..Salerne, d'Orléans,
DUT. L'HED- einen ne sa neue Los ue JAM IMC,
Sur quelques aurores Loréales. .....Bouin,
Sur la conjonction du 4 du signe du
cancer avec la lune. ........... Dulague,
Systéme physico-méchanique des af-
HÉOLLESS vs pe nimes ot sue see me eee ILECAT
Lettre à M. de Bordeu*........ . Lecat,
Utilité de la réunion des titres , etc... Lecat.
Cabestan perfectionné *........... Hoden,
Discours sur le Traité de Petit, des
maladies des 05.............. Louis,
Discours sur l'Encyclopédie... .Yart.
DEPOT eee eee ee + Descroisilles,
Tormation et propriétés d'une courbe
d'un troisième AUTO I NS ANNEE - Lisot.
ZVouvelles observations sur les com-
munications des vaisseaux utérins
avec ceux du fetus. ns... Lecat,
Opposition den Irene ne aus sen «Bouin,
(51)
Auteurs, MM.
Occultation de Ë à de labaleine par la lune.,Bouin. 17534
Observations chirurgicales faites à Lima*..Lamasuëde,
ÆEffets de la machine de Papin. .......,.N,
Analyse de la loterie roy ale militaire. ..Ballière.
Pourquoi le cuivre jaune est-1l plus cassant
à chaud qu'à froid É R CR OMS CINE
Enfant MONSÉFUGUT » Sa a ee das d'a Be ee sel 1CCAL,
Tour de nouvelle construction... ......Yart.
Civière roulante pour l'arrosement des jar-
ENS s'als de o ee ss net dde es RONdEaux,
De ligamentis uteri posterioribus terelibus-
QUE à» nana gle ootoccee Qaioets sin mess Ferrande
Sur la nouvelle comète , premier avril, par
MM, de Lalande et Pingré..........Bouin.
IVouvelles eheminées..................Lecat.
Sur la comète nouvelle. ...............Pingré.
Nur leNLarErés Man eines oluc secte siseetu : SAC ANO IS,
Sur l'utilité des jardins publics de bota-
nique nr rsasseseresssesesessese.e Pinard.
Parhélie observée Le 27 juin............HLecat,
Sur La comète du mois de mai... «sue « «+ Bouin
Baromètre réformé. es usssesssseeseee.Lecate
Sur le fort Sainte-Catherine. ...........Rondeaux,
Défense de l'attraction. ............,.4Jamard.
Méthode raisonnée pour la liquidation des
Liens en Caur.........s........... Dufay, de Dieppe.
IVouvelle démonstration du cas irréductible
du troisième degrés... ss sem... Lemonnier,
Féfutation du Mémoire de M. Jamard, «+ Lecat,
Réponse & JM, Lecat.... ose. eme Jamard,
Uterus ayant deux cavilése sx sent dote e Liécat,
Sur les kermaphrodites *. .....44., 4x3 + Lecat,
IVouveau Mémoire sur les communications
vasculaires de la mère et. du fœtust .,,,Lecats
(52)
Auteurs, MM:
3759. Comèle découverte à Dieppe par. . «.....Fourey, hydrogrs
Sur le flax et reflux de la mer........lLecat,
Colle gelée et dégelée présentant l'aspect
d'une éponge *. .sss.sss.ssssssssse Lecate
Phénomène observé par le méme.,,......HLecat,
Phénomène de La fusion de soufre. ......:Delaisement,
Béflexion sur La nature de l'ame*......4..HLecat,
Liqueur rouge comme du sang trouvée au
centre d'une pierré...s....:.....0.Dallet, deValogness
Passage de la lune par les hyudes le 25 sep*
tembre ssssssesctosors osseuse. Dulagues
Æpreuve d'une pompe de M. Hoden......Hoden.
Sur l'amiante. .ss.sssusss so... Valmont de Bomares
Occultation de deux SS du taureau par la
lune... sosssssssscetsscescee.e : : Dulague,
Enfant de cing ans étonnant par ses connais:
RANCE Ne eee ie Die tisse less area
Sur la ligature du nerf dans l'opération de
l'anévrisme, : Ses... Ferrand,
Dimensions et fornre à donner aux réser-
voirs , ele ssssééséiseseséesreseée Ligots
Sur l'éclipse du soleil du 15 juins.......Dulague.
Extraction de trois pouces dix lignes de l'os
du bras , suivie de la régénération. .... Lecat,
Sur les défrichements..,....,..,..1Le marquis de Tarbillys
Couverture en ardoises sans clous......../Pichon,
Plan de classification de l'Histoire natu-
turelle sis see s10:0.0 10.610.000 00.000 +. Välmont de Bomares
Essai sur la culture de la garences . . + « «.« Dambournay.
Sur l'éclipse de lune du 22 novembre... ..,Dulague,
Ischurie et hydropisie guéries par la peur. . Dufay.
Extrait traduit du Cultri voraces de Prusse. Ledanois.
ÎVouveau semoir. ss sèeesssessr css se s Gilbert,
dVouvel arrosoirss soso oseses ses. Mondeaux,
Utilité
Auteurs, MM:
\
“Urilité de faire péturer les moutons dans les
prairies durant l'hiver... :......,,,..Rondeaux.
DÉPARTEMENT DES BELLES-LETTRES,
Préface du troisième volume de traductions 1751
anglaises... sessseusesforeosoe ee Yarte
Preide SoëraLe. . à dd in e so 0 sio1e +5,» LEPTINICES
Pie dei Fübes. RME LUI » de cree VAR,
Discours sur les avantages des sciences . ... Paviot.
Traduction d'Eliau...........,.:%....:De Prémagnm
Traduction d'une épitre de Pope.........Yart.
Vie d'Eister, peintre flamand. ....,.,...Descamps.
Avantages de la France, ......,.%. 2... De Prémagny
Sur DÉbloaue (ts aans à 8 tue Ve avec uns dB
Sur le camp de César, près Dieppe *....,.Lecat.
Panégyrique de IVewton , traduit de Thom-
SOIe er ssnnsesss ses ses ss see arte
Antiquité du Poëme de studio artis poëticæ . Saas.
Discours sur la Fable ; Essai sur Gay... .Yart.
Sur les monuments publiest.,....,....De la Bourdonnaye. 198
Causes des révolutions politiques. ...... N....
Epithalame sur le mariage de M, de Hont-
TRONETLC M a = = sie olaiate.e afelela mise steiels es se LC VAESETIT
Traduction de quelques Odes pindariques
anglaises..,........,.......:......Yart,
Dissertation sur un point de la ‘hronologie
BAINAISE ete Me ares er des EIDETÉS
Traduction de quelques Fables anglaises. .Yart.
Sur l'établissement du Jardin des Plantes. . Pinard.
Wie de Léonard Arelin *....s...riese s «abbé Goujeti
Traduction en vers et en prose de quelques
Epigrammes du poëte Owen.......... De Prémagny:
Préface de l'Histoire des Peintres Jfla-
MANS ee nets MAI e een se 0100 0.0 4 8 o e D'ESCANPS]
G
X
1752.
2754.
(54)
Auteurs, MM.
Pourquoi les Poëtes écrivent-ils mieux en
prose que les autres Ecrivains ?. «e « « a+ »Lecats
Projet d'une Ilistoire générale de IVor-
mandie* » sesssssessssessessese.... Duboullay.
Traduction de plusieurs Madrigaux anglais Yart,
Traduction des Contes du Docteur Swift..Yart.
Sur les Contes anglais. .......,........Yart.
IVécessilé de travailler à l'Histoire de /Vor-
MM ue Les as ses... Duboullay.
Sur l'état actuel des sciences et des beaux
ANR Bree ee dora ve best ter eee ICRA
Hommes illustres de Normandie *.......Saas.
Vie de Malherbe...,...........,......Goujet.
Réponse à la critique du Journal de Verdun,
sur l'Ingermanie #......,,:......:+ Duboullay.
Traduction d'Hippolyte , tragédie de Sc-
HÈQUE serssrssrs sense sese . De Prémagny.
Réflexions sur la traduction des Poëtes an-
ciens et modernes.» .....sessese.....De Prémagny.
Réflexions sur les chœurs des anciens. ....De Prémagny.
Discours sur le comique larmoyant.......Yart.
Réflexions sur l'Écube d'Euripide........Dumolart.
Sur les opéra anglais. .............:...XYart,
Traduction de la Dissertation de Riccioli,
sur Le nombre des hommes, ......,,..,Saas,
Sur un monument ancien *,....s..........Beyer,
Sur la Correspondance des Académies de
province avec celle de Paris*,...,...,.Paviot,
Tlinéraire d'Antonin. Tables de Peutinger. .Terris.
Inscription pour la fontaine de la Pucelle..Saas,
IVouvelles inscriptions. ........,......:Saas,
Î'émoire sur la premitre édition du Catho-
licumt. souder. Pingré,
Plagiats imputés à Mme des Houlièrese, . » Suas,
FA
(55)
Auteurs, MM,
Z'Histoire de Joseph comparée à la Vulgate. De Prémagny.
Sur le prétendu empire des Elamites. .... Levasseur,
Découverte de plusieurs armes dans un
champ au pays Del CT à rase ns oUACCAE,
Anciens Lombeaux découverts à Oissel....Rondeaux.
Traduction de Samson , opéra anglais... .Saas,
Sur La mort d'Antiochus Épiphanes *.....De Prémagny,
Sur le genre enharmonique VIN A NEO PS OR END Prémagny:
Traduction d'un discours de Milord L..,
sur l'opéra... ..ssss.sssesessese ss. Yart.
Sur les sens différents d'un méme mot , etc.*.Ballière.
Suite du Mémoire sur l'enharmonique. . . :. De Prémagny.
Æxtrait de l'Histoire de Richard-Cœur-de-
Lion.......,..........4.5%.%:.... Duboullay.
Mémoire sur la distinetion des Académi-
GENS Else eee saletelatele ete de niet e De Cidevilles
Vie et divers talents de Socrate. .......:HLeprince,
Projet de suppression de la classe des Aca-
THICIENS HONONAÈRES te rereteab even o1 519 etat elsrelete LNie Lite b dt
Offrande des 7 et 8 vol. de l'Idée de La
poësie anglaise... ....r............Yart.
IVouvelle édition de la Grammaire de Port-
Royal..........r.....sssss.ssss...Froment,
Origine de la Mythologie... ............Guerin.
Présentation de six esquisses de tableaux
pour Dunkerque...........,....... Descamps
Sur une pierre gravée*...s..s.........bBeyer.
Question de Grammaire. ....…....".....Saas.
Uilité des Académiesi. rs à'atetete c'e ere Vart.
La Guirlande , opéra comique. ....:.....Ballière,
Sur les mesures de Rouen*....,,...:..:Piedelièvres
Histoire de Guillaume II, duc de /Vor-
“Fe COR, AC OPINES, SOL IORIREPIER SERRE AU + Duboullay;
Sur le rapport mécanique de la musique à la
G 2
17555
‘ua
=.
PLELE
1758.
(56)
Auteurs, MM»
poésie Fisssessresessserseree ..« Ballière.
Féflexions sur la Grammaire *...... Froment.
Doutes sur les Écrits de quelques Phi-
losophes anciens... Beyer.
Cur les mitiélestt OR Ge 25 evassenr
Oljections au Mémoire précédent *.... Duboullay.
Descriplion du chäteau de Robert-le-
Diable ee EL ui a24250 8 Ut BONUS,
Nouveau Démoire sur les articles... .Levasseur.
Tableau dont les esquisses ont été pré-
senlées en 175G-ecsesesessssses Descamps.
Féponse à la Critique de M. Dacarq. . Froment,
Sur les prétérits composés. ....s.s.e L’abbé de Pont-Briant:
Réfutation de ce SySlÉME.vesssssse . Duboullay.
Projet d'inscription à seeller dans la
x à id ; Yart
première pierre de l'hôtel-de-ville t
; 5 LR aas.
Projet d'inscription pour la serre du
Duboullay.
Jardin de botanique
Discours. sur la singularité........ . Yart.
Monnaie d'Alencon.........ssse. IN its
Application des principes + la Gran
maire générale aux Langues latine
et francaise. ....s.ssssssesesse . Froment,
Observation sur la Grammaire de M,
l'abbé de Vaillys........ssss.s. Levasseur et Froment,
Table nouvelle des conjugaisons la-
tines et françaisese ss... Froment,
Dissertation grammalicale.......... Duboullay,
Ce que les grands , les riches, les sa-
vants doivent à la Patrie... .s+....Yart,
Sur le fort Sainte- Catherine. « .. «+.. «Rondeaux,
Sur les bons et mauvais effets de l'ému-
lation ss Etes est ececeuse. Labbe de St.-Valliens
Peuvoir de Jupiter sur les Parques. ... Beyer,
( 37 ) F
Auteurs, MM,
Dissertation sur l'Arioste..:...,.....De Normanville. 17604
Projet d'Histoire des Gaulois. ......M. Resteau et Dufresne.
Sur l'Histoire de Dieppe.......,.......Guibert,
Utilité d'unir à l'Académie la Société
d'Agriculture *....sssesasssesse se. Duboullays
Dissertation sur Les vers blancs ou sans
TAC area à se ae ane à d'eirie ialald à à VAL,
Nécessité de remplir les obligations que
La société nous impose *..sssses se... Dubonllay.
POÉSzrESs.
Traduction en vers d'une Ode d'Horace : 17571.
JO Patissn= =-1e er sle nlelssisete e. = «:< L'ONIAITES,
Traduction en vers d'une Ode d'Horace. . .Fontaine,
ÆEpithalame latin sur le mariage de M. de 1752:
Montmorency............ D anse ee. lievasseur,
Traduction de quelques Hymnes et Odess
pindariques anglaises. ..,.............Yart,
Odes traduites en vers... .seeece. Fontaine.
Traduction en prose et en vers de quelques
Epigrammes du poëte Ouen.........,.De Prémagny.
: À ; à 1 3
T'raduction d'une ode d'Horace, .,....+., Fontaine. 753
Traduction d’une Ode d'Horace ,..,.« ++ De Rougeville. 1754
Traduction de l'ode Integer vitæ,........Fontaiue.
Traduction en vers du Poëme d'Ovide de
Medicamine faciei «ne. 580 de crete s « + + Balliète,
Traduction en vers de l'Ode O diva et nullus 1755,
ATBENTOS eee - sos sie etelels se oies» ae à + » + L'Ontaine.
y
Ole surgla nouvelle église de Sainte-{re-
ROM a due Pia eue re Bernhrül
Traduction en vers de l'Ode AEquam me- +786
756,
mento. RL A TEE 0, eu, “Fontaine,
L'légie latine sur la mort de Fontenelle... Saas. 1757e
C 5
1758.
1759.
1760.
17510
1754
1796.
1757°
1756.
4759e
( 38 )
Auteurs » MM.
Le goût et le caprice*...........:..+ «Fontaine.
Traduction de l'Ode Parcus Deoram cultor. . Fontaine.
Eglogue sur la convalescence du Roiï.....Fontaine,
La Seine et le Ruisseau , allégorie........Lemesle.
Ode française. .......sss.sssssssese + De Rougeville.
Le luxe destructeur de l'Empire romain. « . Lemesle.
L'ombre de Samuel Oratorio se à «+ #44 + Lemesle.
Epitre en vers sur l'amour............
Sur le plaisirs sis:.:......... ) Lemesle,
Sur la gloire..…........r...
EIOGES HISTORIQUES.
Eloge de M. Pigouf........sssssess. De Prémagnys
Eloge de N7. Dumontiert....ss..s.....e Saas,
Eloge du P. Mercastelf. sietswtete ss e ce LECat.
Eloge de M, de Sacy Here nanas -TLUNMDOULAYS
Eloge du D. Dufayessssssssseemesses Duboullay,
Eloge de 11. Moyencourt*........ dise e LD ECALe
Eloge de 11. Dubocage-de-Bléville *.....ÆLecat.
Eloge de M. de Fontenelle*........... .- Lecat.
Eloge de M. Slotz*................... Duboullay.
Eloge de M. Boulengert.......,....... Duboullay.
Eloge de M, Guntz*.......... se... Lecat.
Æloge de M. Leprince , sculpteur *.......1Lecat,
Eloge du comte de Saxe...............Duboullay.
Eloge de M. l'abbé Guerin*............]JLecat,
(59)
SÉANCES PUBLIQUES DE L'ACADÉMIE.
Ordre des lectures; prix décernés; programmes
«des prix proposés.
Prix décernés aux Elèves des écoles,
d’Anatomie ,
De Chirurgie,
De Botanique,
De Dessin ,
De Mathématiques,
D'Hydrographie.
Séance publique de 1751. (3 août ).
Les lectures qui occupent cette séance sont :
19 Des Observations chirurgicales , par M. Lecat;
20 Remarques sur l’hygromètre à cordes , par le
même ;
3° Exposé d’un nouvel hygromètre , par le même;
4 Histoire naturelle des environs de Rouen, par
le même ;
59 Est-il avantageux que les gens de la campagne
sachent lire, etc.? par M. Terrisse ;
6° Discours sur l’Eglogue , par M. Yart;
7° Sur les Satellites de Jupiter, par Pingré.
8° Eloge de M, Pizou , par M. De Prémagny.
Le prix proposé par l’Académie , et dont le sujet
était les différences du fœtus et de l’adälre, est rem-
porté par M. Pouteau.
Le programme du prix à décerner en 1752 St
« l'établissement de l'école gratuite de dessin à céle-
« brer dans un morceau de poésie au choix da
« l'auteur, »
C 4
C40 )
2
Séance publique de 1752. ( 1°" août -)
Les lectures qui ont occupé cette séance sont :
1° Des Observations météorologiques , par M. Lecats
2° Avantages de la France, par M. de Prémagny.
3° Sur la Chronologie chinoïse , par M. Pingré.
4° Traduction en vers francais de quatre Odes d’Ho-
race , par M. Fontaine.
3° Urilité des jardins de botanique, par M. Pinard.
6° Sur les incendies spontanées , par M, Lecat.
Le prix relaiif à l'établissement de l’école de dessin
n'ayant point été obteou , on a proposé, pour Pannée
prochaine, ce nouveau sujet : « Quels sont les ani-
» maux venimeux de.la France? »
Le programme précédent est prorogé,
ÉLÈVES COURONNÉS.
Ecole de Dessin.
Classe du dessin, MM. Cotibert et James.
La Bosse. MM. Devin, de Saint Clair; De-
nier , d’Evreux; Prunier ,
de Gournay.
Accessit. Levreur d’Auffay.
Ecole d’Anatomie.
finatomie. MM, Devin, de Saint-Clair; De-
nier, d'Evreux; Prunier, de
Gournay.
Accessit. Levreur , d'Auffay.
C4)
Séance publique de 1353. ( 2 août }.
Voici l'ordre des lectures qui occu pent cetteséance 3
1° Compte rendu des travaux des Académiciens ,
par M. de Prémagny.
29 Observations météorologiques, par M. Lecat.
3° Maladies régnantes, par le même.
4 Sur le perfectionnement des Sciences , par le
méme.
5° Utilité de travailler à l'Histoire de Normandie,
par M. Duboullay,
6° Sur les Contes anglais, par M. Yart.
7° Deux Oles en vers français , traduites d’IHorace,
par M. Fontaine.
Aucun des Mémoires présentés n'ayant été jugés
mériter un prix , les mêmes programmes sont remis
au concours.
On a proposé pour nouveau sujet : « l'His'oire des
» mines de Normandie ; utilité de leur exploi-
» tation. » ;
ELÈVES COURONNÉS,
Ecole de Dessin.
D’après le Modèle, MM. Navey, d'Edimbonre ;
M. Lavallée Poussin , de Rouen,
D’après la Bosse. M. Loyer, de Fouen.
D’après le Dessin. Mile Ribard , de Rouen.
Ecole d’ Anatomie.
Anatomie. MM. Frémager, près Bayeux;
Launay, de Beaumont - en-
Auge ; Dupley, de Rouen.
Accessit, M. Doubleaux, de
Darnétal,
C4)
Séance publique de 1754. (1° août ).
Les lectures qui occupent cette séance sont :
19 Compte rendu des travaux des Académiciens
par M. Lecat.
2° Observations météorologiqnes , par le même.
3° Discours sur le comique larmoyant , par M. Du-
boulla y.
4 Traduction du Pervigilium vencris, par M. Fon-
taine. st
5° Eloge du P. Mercastel, par M. Lecat.
Le prix de poésie proposé en 1751 a été remporté
par M. de Germon, chanoine régulier; et celui re-
latif aux animaux venimeux de la France, par M.
-Boissier de Sauvages.
L'Académie n’a reçu aucun Mémoire sur les mines
de Normandie.
Elle a proposé pour nouveaux sujets :
« 10 L'Histoire de la ville de Rouen, depuis son
» origine jusqu'à Theodose ;
» 2° En quel genre de poésie les Français sont-ils,
» supérieurs aux Anciens? »
ÉLÈVES COURONNÉS,
Ecole de Dessin.
D'après nature. MM. Lavallée-Poussin, de Rouen ;
Nicolas Burel, de Rouen.
D’après la Bosse, MM. J.-B. Lefebvre, de fouen ,
J.-B. Tierce , de Rouen.
(43)
Anatomie,
MM. P.-Fr, Langlet, d'Anisy en Picardie; P. Le-
chevin, de la ville d’'Eu; Augustin Launay, de
Glanville , Access., MM. Dubuison et Robineau,
Botanique.
MM.Dafay, de Rouen; Durval, de Paris ; Maintrud,
de Bolbec.
Seance publique de 1755 (7 août).
Voici l'ordre des lectures qui ont été faites pen-
dant cetie séance :
10 Compte rendu des travaux des Académiciens ,
par M. Lecat.
20 Observations météorologiques , par le même.
3° Mémoires sur les polypes, par le même.
4 Sur Le genre enharmonique, par M. de Prémagnye
5°. Sur l'Histoire du duc Richard, par M. Duboullay.
6° Surles divers sens d’un méme mot, par M. Ballière.
70 Sur l’éclipse du 27 avril, par M. Bouin.
8° Traduction de l'Ode Mullus argento, par M. Fon-
taine.
9° Sur les eaux minérales de Saint-Paul, par M. de
Boisduval.
Le prix de littérature est obtenu par M. Teulières,
de Montauban ;
Celui d'Histoire est prorogé à l'année prochaine.
L'Académie a proposé pour nouveaux sujets :
» 19 L'origine, la forme, les changements de l'E -
» chiquier de Normandie ;
» 2° La cause des tremblements de terre. »
( 44)
ELÈVES COURONNÉS.
Ecole de Dessin. MM. J.-J, Barbier, P. Gonor«
Ml: Descamps.
Ecole d' Anatomie. MM. P. Lenglet, P. Lechevin,
Fr. Robineaa.
Ecole de Botanique. MM. Dufay, Ligot ; Maintrud.
Séance publique de 1756 (5 août ),
Les diverses lectures qui ont occupé cette séance
sont :
1° Compte rendu des travaux des Académiciens ,
par M. Lecat.
- 2° Observations météorologiques et maladies ré-
gnantes , par le même.
5° Eloge de M. de Sacy, par M. Duboullay.
| 4 Mémoire sur une grossesse extraordinaire; Par
M: Lecat.
5o Cabestan de nouvelle invention, par M. Hoden.
Ge Histoire de Jean-sans-Terre, par M. Duboullay,
7° Eloge de M. Dufay, par M. Lecat.
© $° Traduction del Ode d'Horace, Æquam memento,
par M. Fontaine.
0° Expériences catoptriques ; par M. Lecat.
Les deux prix n’ayant point été adjugés, l'Aca-
démie remet les mêmes sujets au concours.
ÉLÈVES COURONNÉS.
ÆEcole de Dessin.
D’après nature. MM. Jadouille , de Rouen ; P:
Gouet , de Rouen
Sujet proposé. M. J.-J. Fr. Lebarbier, de
liouen.
C45)
D'après la bosse. MM. Lemoine de Rouen; J.-B,
\ Voyer , de Rouen.
Ecole d’ Anatomie.
M. Gouc y de Dieppe ; M. Lecordier, de....:....
près Lisieux.
Ecole de Botanique.
MM. Roullent, de Montreuil en Picardie ; Simon,
de la ville d'Eu ; Seyer , de Verneuil au Perche.
Séance publique de 1757. (3 août ).
Les lectures qui occupent cette séance sont :
1° Compte rendu des travaux des Académiciens ,
par M. Lecat.
2° Observations météorologiques ; par le même.
3° Globe de feu observé le 28 février, par M.
d’'Hectot.
4 Sur la comète qui doit paraître à la fin de 1757
par M. Pingré.
5° Sur l’éclipse de lune du 50 juillet , par M. Du-
lague. :
6 Eloges de MNT. Dubocage et de Fontenelle , par
M. Lecat.
7° Eloge de A1. Slots, par M. Duboullay.
8° Nouveau genre de plante, par M. Pinard.
9° Cabestan continu, par M. Hoden.
Le prix sur la cause des tremblements de terre est
décerné x M. Isnard; les prix de poésie et d'histoire
sont remis à l’année prochäine.
L'Académie propose pour nouveau sujet :
« Le perfectionnement de la Table des affinités
» chimiques, et trouver un système physico-mé-
» canique des affinités. »
(46)
ÉLEVES COURONNÉS,
École d’Anatomie.
MM. Joseph Daurignac ; Jacques Lecoq ; Dou-
bleaux, de Darnétal.
Ecole de Dessin.
Composition, M. Lemoine.
D’après nature. MM. Lamoureux , de Rouen;
Guion , de Rouen.
D’après la bosse.’ M. Levoyer, de Rouen.
D'après le dessin. M. Th.-Louis Lefèbvre , de
Rouen.
Architecture. M. Joseph. Lebrument , de
Rouen.
Séance publique de 1758 ( 2 août ).
Voici l'ordre des lectures qui occupent celte
séance :
1° Compte rendu des travaux des Académiciens ,
par M. Lecat.
»° Observations météorologiques , par le même.
50 Eloge de M. Boullenger , par M. Duboullay.
4° Eloge de M« Guntz, par M. Lecat.
G° Sur les comètes, par M Dulague.
5° Discours sur La singularité , par M. Yart.
7° Opposition de Jupiter au Soleil, par M. Dulague.
80 Mouveau cabestan, par M. Hoden.
G° Corrections proposées pour le pont de bateaux ;
par M. Gilbert.
Le prix relatif aux affinités a été décerné ex æquo
à MM. Jean-Philippe de Limbourg , D M.; et Lesage
C47)
fils, de Genève ; celui de poésie a été adjugé à
M. Lemesle,
L'Académie propose pour nouveau sujet : « La
» délivrance anuuelle d’un meurtrier à Rouen
» a-t-elle quelque fondement historique dans l'His-
» toire de Normandie? »
ELÈVES COURONNÉS.
Ecole de Dessin.
Composition. M. Lamoureux.
D’après nature. MM. Goüetet Gouyon.
D'après la bosse. M! Descamps, M. Lefebvre.
D'après le dessin. MM. Beaulils et Brémontier,
D'architecture. M. Ribard.
Ecole d' Anatomie.
MM. Lecoq, Beaumont ,; Doubleaux.
Ecole de Chirurgie.
MM. Dufay et Lecoq.
Ecole de Botanique.
MM. Bomare , Neuville, Seyer.
Ecole de Mathématiques.
MM. Rolland, Jore, Bernardin de Saint-Pierre.
Séance publique de 1759. ( 1°* août ).
Cette séance est occupée par les lectures suivantes :
1° Compte rendu des travaux de l’année acadé-
mique , par M. Lecat.
2° Mémoire sur les comètes, par le même.
5° Observations météorologiques, par M. Vrégeon.
4 Eloge de M, l’abbé Gucrin, par M. Lecat.
(45) ss
Bo Utilité et dangers de l’émulation, par M. l'abbé
de Saint-Vallier.
6° Eloge de M. Leprince , sculpteur , par M. Lecat.
70 Description du Fort de Sainte-Catherine , par
.Rondeaux. -
8 Ce que les grands, les riches et les savants doi-
vent à la patrie, par M. Yart.
9° Le luxe destructeur de l’Empire romain , par
M. Lemesle. |
Le prix relatif à la délivrance d'un meurtrier n’est
point obtenu. Le méme sujet est remis au coucours.
L'Académie propose les nouveaux sujets ci-après :
1° « Comment connaître les dispositions que la na-
» ture nous donne pour certaines sc'ences ou arts ?
» 20 La Seine wa-t-elle pas été autrefois navigable
» pour de gros vaisseaux? Quéls seraient lés moyens
» de lui rendre cet avantage? »
ELÈVES COURONNÉS.
£cole de Dessin.
Composition. M. Lemoine, de Rouen.
D’après nature. MM. Guyon et Beaufñls , idem
D’après La bosse. M. Descamps fils, idem.
D’après le dessin. M. Darcel, idem.
Architecture, M. Lefebvre, idem.
E cole d’ Anatomie.
MM, Beaumont , Massif, Lefebvre.
Ecole de Chirurgie.
MM. Lecoq et Beaumont.
ÆEcole de Botanique.
MM. Aubert, de Saint - Saëns ; Neuville ,. de
Brionne ; Bomare, de Bernay; Hébert, de Cisors.
£Ecole
(ED)
Ecole de Mathématiques,
Calcul diff., sect. conig. M. Rolland de la Platière:;
Géométrie élémentaire, MM. Dornay et Gallot.
Séance publique de 1760 ( 6 août ).
Cette Séance tenue à l’archeyêché est présidée par
M. le maréchal de Luxembourg.
Les lectures qui ont occupé cette Séance sont :
1° Comptes rendus des travaux des Acudémiciens
par MM. Lecat et Duboullay.
2° Observations métérologiques , par M. Vrégeon,
5° Sur les amours des plantes, par M. Pinard.
4° Sur les devoirs de société; avantage de les rem-
plir, par M. Duboullay.
5° Epitre sur le plaisir , par M. Lemesle.
G° Description du château de Robert-le-Diable, par
M. Rondeaux.
Le prix relàtif à la délivrance d’un meurtrier, est
remporté par M. Lemoine , secrétaire-archiviste de
l'église de Toul ;
Celui relatif à la navigation de la Seine est prorogé
à l'année prochaine.
L'Académie propose pour nouveau sujet de prix =
« Un poëme de deux à trois cents vers sur la déli-
» vrance de Salerne par quarante chevaliers nor-
» mands, et la fondation du royaume Sicile, »
TA < ,
ÉLÈVES COURONNEÉES.
E cole de Dessin.
Peinture, M. Lamoureux.
Sculpture. M. Jadouille.
D'après nature. MM, Beaufls et Cartier:
Tome IT, 1751 à 1760. D
(50)
D'après la bosse. M, Leprince,
D'après le dessin. M, Meaule.
Architecture. M. Torcy.
. Ecole d’ Anatomie.
MM. Massy , Laflèche , Lemaire.
Ecole de Chirurgie.
MM. Massy , Camières, Laflèche, Chandelet.
Ecole de Botanique.
MM. Bomare, Mossiot.
Ecole de Mathématiques.
Iaute géométrie. M. Dornay.
Céomeétrie élémentaire. M. Crevel.
Ce volume offre une nouvelle école fondée par
les soins et dans le sein de l’Académie, l’Ecole de
Mathématiques ; et on distingue avec plaisir parmi
les élèves couronnés, des hommes studieux qui ont
honoré leur nom et leur pays par des talents dis-
1ingués ;
Dans la Peinture, MM. Lavallée - Poussin , Ribard ,
Tierce, etc.
En Chirurgie , MM. Léchevin , Dufay , etc.
Eu Sculpture , M. Jadouille.
En Architecture, M. Lebrument.
En Botanique et Histoire naturelle, M. Valmont
“le Bomare.
En Mathématiques , MM. Rolland de la Platière ,
Bernardin de Saint-Pierre.
Hélas! quelle réflexion aflligeante vient se méler
au plaisir que j’éprouve à proclamer leurs succès !
De ces hommes laborieux qui, jeunes en 1760, re-
cueillaient, sous les yeux de l'Académie , le prix
de leurs travaux , il n’en existe peut-être pas deux
au moment ou j'écris,
RE
SUITE
DU PRÉCIS ANALYTIQUE
DES TRAVAUX
DE
L’'ACADEMIE ROYALE
DES SCIENCES » DES BELLESLETTRES ET DES ARTS
DE ROUEN ;
DEPUIS SA FONDATION EN 1744.
——————_—_—_—_—_—_—_——… … -_. — _._ . —
DEPARTEMENT DES SCIENCES.
A
SCIENCES MÉDICALES.
Remarques sur la fistule lacrymale ; par M. Lecar:
A PRÈS avoir décrit succinctement la nature et la 1751,
situation de lorgane sécréteur des larmes ; la
destination de cette humeur , l’artilice avec lequel
là nature la conduit vers les points lacrymaux ,
pour se perdre dans le nez, après avoir trayersé
D 2
17510
(2) .
le sac et le conduit nasal , M. Lecat entre en ma-
tière : c'est lui que désormais je vais faire parler.
» Cette suite de canaux , de lacunes etc. , est, ainsi
» que les autres parties, sujette à une infinité de
# maladies : l'inflammation, la suppuration, etc.
» L’écoulement permanent de cette humeur forme
» la fistule lacrymale incomplète. Est-il accom-
» pagné d’érosions , de trous qui ne se referment
» point, c'est la fistule complète qui peut encore
#» être compliquée par la carie , etc.
» Le traitement opératoire consiste à ouvrir aux
» larmes les routes obstruées, en combattant l’'in-
» flammation et autres désordres par les médica-
» ments et les moyens chirurgicaux. Anel, oculiste
» célèbre, inventa , il y a 50 ans , des sondes pour
» les points lacrymaux , et des séringues pour porter
# des injections dans les conduits des larmes; in-
» ventiou digne des plus grands éloges... L’au-
» teur prétend avoir opéré, par ces simples moyens,
» une infinité de guérisons..... L'expérience a mon-
» tré cependant qu’on en avait beaucoup trop exalté
p les avantages.
» 1] y a deux manières de pratiquer cette injec=
» tion, ou supérieurement par les points lacrymaux ,
» ou inférieurement par le conduit nasal,
» L'ouverture inférieure du conduit des larmes
» est beaucoup plus large que ja supérieure ; mais
» elle est d’un difficile accès , et d’une sensibilité
» telle que les médicaments tant soit peu actifs y
» occasionnent des ébranlements fâächeux.
» Ces difficultés et beaucoup d’autres ont fait
abandonner cette opération , qui d’ailleurs, est
#.insuflisante dans la plupart dés circonstances.
», Un autre moyen de porter dans les conduits
» des larmes les remèdes propres à les désobstruer
s
-
(53)
est l'ouverture du sac lacrymal , au moyen de 1751e
l'instrument tranchant. Le célèbre Petit est le
premier qui l'ait tentée ; il introduisait ensuite
dans le canal, des bougies analogues à celles dont
on use pour les voies urinaires.
» La chirurgie en était 1à lorsque j'osai me mettre
à la suite de ces maitres auxquels la science à
des obligations signalées. Je pensai que les bou-
ges de M. Petit étaient trop dures pour un .or-
gane extrêmement sensible par sa membrane ner-
veuse, inflexible par sa caisse osseuse , et un
remède trop sec pour favoriser les digestions et
suppurations nécessaires. Je préferai d'y substi-
tuer une mêche ou séton de matière molle et
flexible que l’on pouvait charger à yolonté de
toutes les espèces d’onguents et autres méilica-
ments. Le seul embarras qui me restât, était d’in-
troduire dans le canal ces mèches qui doivent
sortir dans le nez : leur molesse et leur extrême
fléxibilité les rend incapables par elles-mêmes de
se prêter à cette opération. Voici done le moyen
auquel j'ai eu recours. Après avoir ouvert le sac
lacrymal à l'ordinaire, j'introduis d’abord une
sonde de plomb plus propre que tout autre moyen
à vaincre l'obstruction , et je la laisse jusqu'au
lendemain ; j'y substitue alors une longue bou-
gie très-fine, que je fais passer dans le nez, J'en
attrape la portion inférieure au moyen d’un cro-
chet d'argent applati et évasé , et la fais sortir
hors des narines. A l'extrémité supérieure j'atta-
che ma mèche, et il me suflit de tirer douce-
ment la bougie pour faire passer aisément la mêche
par toute la longueur du canal. La partie supé-
rieure de la mêche est munie d’une petite pelote
que j'attache au bonnet du malade.
D 5
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(54)
» Ce traitement suffit pour toutes les fistules sim-
ples et même pour celles qui sont accompa-
gnées de carie superficielle, en y joignant quel-
ques précautions que je me propose de faire
connaître en une autre circonstance; mais il faut
avouer qu’il serait insuflisant pour les fistules ac-
compagnées de grandes caries et de la destruc-
tion des conduits naturels.
» On était contraint alors d'employer la méthode
suivie par nos pères dans le traitement de toutes
les fistules , c’est-à-dire d'attaquer, soit par le fer,
soit par le feu , les membranes et les os qui sou-
tiennent le sac lacrymal; à pratiquer ainsi une
ouverture dans les fosses nasales ; à entretenir
ce’te ouverture par le tamponnement , et convertir
ainsi la fistule externe en une fistule interne. Ce
procédé extrêmement douloureux multiplie les
accidents , inflammation , suppuration, fièvre etc. ;
l'ouverture se referme facilement , etles premiers
déférdres recommencent. C'est ce qui a suggéré
l'idée d'introduire dans l'ouverture une canule
dé plomb , et cette pratique a souvent réussi.
Maïs la canule étant cylindrique, se dérangeait
souvent , tombait méme par son propre poids ,
et l'ouverture se rebouchait.
Des ‘corrections faites à la canule par M. Lecat,
en ont rendu la pratique plus sûre ; lui-même va
nous les indiquer dans l'histoire suivante,
2)
»”
ÿ)
» Une de ces maladies, manquées deux fois de-
puis quinze ans, par un des plus grands maitres
de Paris, me fut confiée. Je sentis la nécessité
d'introduire dans l'ouverture un canal de métal ,
dont le renflement par l'une et l'autre extrémité
servit Xe ‘contenir invariablement à sa place ;
mais il fallait établir cette ouverture , détruire la
(55)
» carie dont l'existence était plus que probable , 195r4
» et je n'avais à choisir que le fer ou le feu. Je:
» me déterminai pour le dernier comme le moyen
» le plus sür, le moins douloureux , le plus propre
» à détruire la carie. Après avoir prémuni par de
» peutes lames d’argent les parties que je devais
» respecter, j'introduisis mon bouton de feu, Le
» malade s’en aperçut beaucoup plus par le bruit
» qui accompagne la brûlure que par la douleur ;
» et l'opération était finie qu'il en redoutait encore
» l’eflet, Quelques jours après je plaçai une canule
» d’or , évasée en entonnoir par le haut et terminée
» par le bas en manière d'olive. Cette formela ren-
» dit stable , et le traitement fut couronné du plus
» heureux succès. »
N. B. J'ai donné quelque étendue à l'extrait de
ce mémoire , parce que le procédé de notre illustre.
confrère Jui fait vraiment honneur ; que , dès 1754 et
depuis, il s’en est toujours servi avec avantage ,
et qu'il en a révendiqué publiquement l'invention
dans une lettre adressée à M. Vandermonde , Jour-
nal de médecine du mois d'avril 1759 Voir égale
ment la Médecine opératoire de Sabatier , tome 2;
page 478.
Remarque sur une fracture de la mâchoire; par
M. Lecat,
» Aucun siècle na produit d'ouvrages aussi com-
» plets sur. cette matière que le nôtre. Les excel-
» lents écrits de MM. Petit et Duvernay sont con-
» nus de tout le monde, et semblent à ce sujet
» ne laisser rien à désirer, Cependant aucun de ces
» grands hommes n’a fait mention de la fracture do
» la mâächoire des deux côtés. C'est un fait rare,
D 4
1751. »
»”
»
(56)
mais non pas inoui ; il s’est présenté à notre hôpital
il mi a pas Jlong-temps.
» Le nomme J.Bustel, de la paroisse Saint-Maclou ,
s'étant livré aux attraits d’une liqueur agréable
et spiritueuse , perdit l'équilibre et tomba sur
l'essien d'une voiture sur laquelle il était monté.
Le menton supporta le poids du corps et tout
l'eflort de la chûte. La mâchoire se cassa en deux
endroits ; savoir : du côté droit, entre la dernière
et avant-dernière dent molaire ; et, du côté gau-
che, entre la deuxiême molaire et la canine. Cet
infortuné ayant été conduit à l’Hôtel-Dieu hors
l'heure des pansements , fut reçu et soigné par
les chirurgiens internes.
» Les autenrs prescrivent de grands bandages
pour retenir en place les pièces de la mâchoire
fracturée. Quelque habiles , quelque exprimentés
que soient les élèves , les avis des grands maitres
sont pour eux des lois qu'ils n’ont garde d’en-
freindre , et il serait souvent dangereux qu'ils se
donnassent cette licence. Cependant il y a peu
de ces lois qui soient générales et absolues ; et
le même esprit qui a conduit à les établir , doit
aussi nous éclairer sur les modifications et excep-
tions dont elles sont susceptibles. Au surplus on
aurait tort d’exiger d'un élève des réformes aussi
importantes, Les miens auraient donc pansé cette
mâchoire dans toutes les règles; et vu la circons-
tance particulière , ils auraient pansé fort mal.
ILest facile de concevoir que toute compression
extérieure eût tenda à rapprocher les branches
séparées yers la langue; ainsi , après avoir soi-
gneusement examiné l’état de la fracture , je sup-
primai toute espèce de bandage. Ayant remis les
pièces en situation, je liai avec des fils d'argent
(57)
» souples et forts, des fils d’or eussent été préfé- 175:°+
»” rables ; je liai, dis-je, de chaque côté les dents
» de la pièce séparée avec les dents voisines du
» corps de la mâchoire, et je serrai fortement cette
» ligature. J'aurais pu fortifier cette réunion à l’aide
» de petites lames d'argent appropriées , percées
» de petits troux et assujetties ellesmêmes aux
» dents ; mais cette précaution me parut inutile ,
» et le succès le plus complet de ma simple opé-
» ration prouva qu’elle aurait été superflue.
» La chirurgie retire de cette observation deux
” avantages : le premier regarde la nouveauté de
» la fracture et la manière particulière de la traiter ;
» le second est de confirmer cette vérité qu’il n'y
» a rien de si dangereux et de si méprisable qu’un
» chirurgien routinier qui ne fait que ce qu'il a
» yu faire, et qui ne pense que par la tête d'autrui, »
Kemarques sur laffection des pieds et des jambes,
connue sous le nom d’humeurs froides; par M.
LECAT.
» Une maladie qui affecte différentes parties,
forme , par cette seule différence , autant de ma-
ladies, signalées par des caractères très-particuliers.
Un érysipèle à la peau, qui mérite à peine quel-
que attention , devient une maladie redoutable ,
s’'ii se porte sur la plèvre ou sur le poulmon. Si
une dartre , une légère suppuration à la peau des
jambes , accidents qui céderont au traitement le
plus simple , viennent à attaquer la membrane ner-
veuse qui revêt les os de cette partie , on la verra se
gonfler peu-à-peu , changer de couleur, et, après
plusieurs mois de secours et de remèdes tentés
27513
(58)
.inutilement, les os eux-mêmes abscédes se carier ,.
leurs sucs s’extravaser ; enfin, on verra se déve-
lopper la maladie connue sous le nom d’humeurs
froides ou spina ventosa.
» Quand une pareille maladie attaque tout un os de
la jambe et le pénètre jusqu’à la moëlle ,ou lorsqu'elle
a son siége dans plusieurs os du pied , on a coutume
d’emporter en entier le membre en proie à cette
cruelle maladie,
» Voici ce que dans ces malheureuses circonstances
j'ai tenté de faire au profit de l'humanité.
» En passant par le Pont-de-l'Arche, on me pré-
senta un enfant de trois ans, nommé Charles Lehec |
du village de Pitres, lequel avait tout le tibia de
la jambe gauche en suppuration et d’une gros-
seur considérable par les exostoses et excroissances
osseuses dont 1l était chargé... Il y avait soixante
jours que les chirurgiens traitaient cet enfant : ils
avaient résolu l'amputation de cette jambe, et leur
résolution était dans les règles.
» Cependant ayant reconnu que le péroné et même
les deux extrémités du tibia étaient perfaitement
sains , et que l'enfant était d’ailleurs bien cons-
titué ; je me proposai de lui conserver la jambe
ar une opération dont je n'ai trouvé depuis qu’un.
P } q
seul exemple.
» Convaincu par l'expérience que de grandes
portions d'os enlevées , s'étaient régénérées , et.
dans le système que les membranes qui revétent
les os intérieurement et extérieurement sont le prin-
cipe de cette régénération , je me proposai d’en-
lever en entier non-seulement les exostoses, mais
l'os lui-même carié: et vermoulu dans tout d'in-
tervalie des articulations, en conservant la. moëlle
de cet os et sa membrane interne, sur le secours
desquels je comptais pour sa régénération.
ÉD. “jé
VS NET.)
(59)
» Je fis placer l'enfant à Rouen, dans mon voi-
sinage > et je passai trois mois à exercer ma cha-
rlté et toute l'adresse dont je suis capable, pour
enlever ce tibia , tantôt avec des gouges, des ci-
Seaux , tantôt avec des tenailles incisives. Je me gar-
derai bien de décrire ces opérations réltérées "à Pas-
pect desquelles le courage des chirurgiens les plus
aguerris fait quelquefois naufrage , et que je wau-
rais pas soutenu moi-même, si je n'eusse pas été
le principal acteur.
» Il suffit d'en présenter le résultat, et de dire
que mes soins furent couronnés du succès le plus
heureux. Non - seulement je tins ma promesse el
levant le tibia depuis Ja tubérossité qui est au-
dessous de la jarret ère jusqu’à la malléole, en
conservant exactement la moëlle; mais, parfaite-
ment secondé par la nature, j'eus le plaisir de voir
se reproduire uu tibia tout nouveau, aussi solide
et presque aussi bien fait que le premier. Cette
partie et le pied jouissent de tous les mouvements
naturels ; en un mot, on ne s'aperçoit à présent
de l’affreuse maladie de cet enfant que par des
cicatrices et quelques inégalités qui sont moins des
désordres que le témoignage permanent d’une gné-
rison singulièrement heureuse.
» J'ai présentement’ à notre hôpital un enfant de
douze ans , auquel la nature même s’eflorce de faire
Popération que j'ai faite sur Lehec; le tibia, chez
ce nouveau malade , est abscédé en entier, et il y
a quinze jours qu'ayant découvert le mal, je tirai,
avec les doigts seuls, deux pièces osseuses qui
paraissent avoir formé la paroi antérieure de cet
os. Nous serons peut-être obligés de prêter des se-
cours un peu plus actifs pour la paroi extérieure ;
mais si articulation n’est pas altérée , je ne deses-
père pas qu’en nous prêtant de mutuels secours
1791*
1751.
€ 60 )
la nature et moi, on ne parvienne à sauver cette.
jambe ainsi que la précédente.
» Relativement à l’amputation que certaines circons-
tances rendent inévitables , voici quels sont mes
principes : on a des motifs de sy décider toutes
les fois qu'en ne peut conserver la portion du pied
qui s'articule avec la jambe, parce qu’en extir-
pant seulement le pied , les articulations décou-
vertes n’ont jamais de cicatrices assez solides pour
supporter le poids du corps sur un pied artificiel ;
mais tant que les os qui forment l'articulation de la
jambe et du pied sont exempts de carie, ils con-
servent la faculté de supporter le poids du corps; le
malade alors peut conserver une jambe qui , quel-
que défectueuse quelle soit, vaut toujours bien mieux
qu’une jambe artificielle , quelle que soit sa perfection.
» On peut encore se dispenser d’amputer la jambe
dans toutes les caries du pied qui n’attaquent ni
l'astragale ni le calcanéum.
» C’est en suivant ces principes que j'ai extirpé
presque la moitié du pied de Robert Petit, suivant
sa longueur ; et si je termine heureusement cette
cure, ainsi que je l'espère, j'aurai le plaisir de rendre
à la société et à ses occupations , nn homme que,
d’après les principes admis jusqu’ici , on eût im-
pitoyablement mutilé. »
Observation d’un calcul urinaire dont le noyau était ur
haricot ; par M. Ponteau,
Le chirurgien célèbre, auteur de cette observation ,,
après avoir exposé que l’examen faisait reconnaitre
dans divers calculs des noyaux très-singuliers , ra-
conte qu'opérant Antoine Misard , par l'appareil la-
téral, le calcul dont il faisait l'extraction , quoique
PL US DS OR ET AS I OI NC VI
(61)
tiré en entier , se rompit néanmoins sous la tenette,
ce qui donna lieu d'apercevoir dans son milieu un
haricot autour duquel l'encroûtement s'était formé.
Un procès-verbal, signé par plusieurs hommes de
l'art, témoins de cetie opération , confirme l'énoncé
ci-dessus.
Sila déclaration du malade , qui assure n’avoir ja-
mais fait aucune tentative pour introduire ce haricot
par'le canal de l’urètre , est vraie, qu’elle est la route
qu'il a suivi pour arriver à la vessie ?
Tumeur monstrueuse d’un ovaire formant une
hydropisie glareuse enkistée ; par M. LEcar.
« N..., âgée de vingt-trois ans, éprouvait chaque
année, au printemps et à l’automne , des maux de
poitrine , sur-tout eutre les épaules , accompagnés
d’une lassitude universelle et d'inquietudes dans les
jambes : elle conservait cependaut un certain em-
boupoint, En 1750, on s’aperçut que son ventre se
tuméfiait; on concut des soupçons , mais le temps
fit connaître qu'ils étaient gratuitement injurieux,
» Une fluctuation bien sensible s'étant manifestée,
je fis la ponction, et la réitérai trois fois à diverses
époques ; toutes les eaux que je tirai étaient glaireu-
ses, blanchâtres, les dernières un peu rembrunies.
» Des examens réitérés m’ayant persuadé que la
maladie principale était un sarcome fongueux de l'o-
vaire , maladie. absolument incurable par les secours
pharmaceutiques, j'engageai la malade à n’en faire
aucun, lui déclarant que l'opération était le seul
moyen curatif que je connusse , et encore ne dis-
simulai-je pas le danger de cette opération.
» La malade, effrayce de ce projet, appela un
autre chirurgien, subit encore plusieurs poncuons
1752,
(G2:)
2732. qui portèrentle nombre total à quatorze ; enbn ;
elle succomba le 7 juin 1752.
» Je fus averti de son décès; je demandai et
j'obüns la permission de l'ouverture du corps. Je fs
une incision à côté de lPombilic; il sortit un demi
sceau d’eau roussatre. Ayant étendu mon incision,
je découvris un vaste sac adhérent au péritoine
iuférieurement près du pubis, et su périeurement
vers le cartilage xiphoide. Tous les viscères étaient
hors de ce sac et parfaitement sains.
» L'hydropisie était donc enkistée; mais j'avais an-
noncé un sarcome de l'ovaire, et j'avais cru recon-
naître, par des observations précédentes, que les
eaux épaisses et glaireuses, comme celle-ci , étaient
le résultat de sarcomes de l'ovaire fermentés et
fondus. Ayant donc détruit, avec assez de facilité ,
les diverses adhérences, je reconnus que la tumeur
qui occupait toute la capacité du bas-ventre était
l'ovaire droit qui repoussait tous les autres viscéres.
J'en fis l’extirpation comme je l'aurais faite sur le
vivant; je le pesai après avoir vidé les eaux glai-
reuses de deux grands sacs, dont le plus petit
était du diamètre de la tête; le reste pesait encore
quatorze livres. J'ouvris la tumeur dans toutes ses
dimensions : elle se composait de divers sacs rassem-
blés en forme de grappe; les plus gros out été dés'«
gnés , les autres variaient de la grosseur d’une pomme
à celle d'une noix. Tous contenaient une eau glai-
reuse plus ou moins épaisse.
» Le principe de la tumeur, à l'aile de la matrice,
m'avait pas plus d’une ligne d'épaisseur et six pouces
de longueur. Il n'y avait ui vaisseau variqueux, ni
vaisseau considérable, et l’inspéction des parties
me persuada que, dans un sujet aussi jeune et
aussi vigoureux, l'opération aurait pu réussir.
fais un point diflicile aurait été d'abord de bien
(63)
‘se reconnaitre dans la distinction de cette tameur ex- 1752.
traordinaire, et la vaste étendue des sacs, très-propres
à en imposer, pour des cavités naturelles et ensuite le
danger de pratiquer l'énorme ouverture nécessaire
pour exécuter une pareille opér ration,
» Il n'est pas rare de rencontrer des maladies de l'u-
térus et des ovaires ; j'en ai vu moi-même plusieurs ,
une entre autre qui avait avec celle-ci les plus grands
rapports. Dans ces deux observations , l'utérus était
sain ; les malades n'avaient eu aucune espèce de perte.
comme il arrive dans les ulcères de l'utérus. Les deux
malades s'étaient plaintes d'abord de démangeaisons
et de cuissons dans ces organes ; d'une ardeur inquié-
tante entre les épaules et au dedans des cuisses.
Les lassitudes , les douleurs entre les épaules et
aux extrémités seraient-elles donc les signes caractéris-
tiques de l’engorgement des organes de la génération ?
Une simple douleur de lassitude et de pesanteur et
d'inquiétude , désignerait- elle spécialement les ex-
croissances des ovaires? Et l’ardeur brûlante qui s'y
joint annoncerait- elle leurs engorgements skirrheux
et la dissolution du tissu et des vaisseaux de lPutérus
qui donnent les ulcères et les pertes de cet organe?
» Dans un mémoire sur les excroissances fongueuses
et skirrheuses du bas-ventre , je propose des moyens
chirurgicaux nouveaux de traiter ces maladies , et j’é-
tablis la possibilité d’extirper ces tumeurs lors même
qu’elles occupent l'utérus , circonstance infiniment
plus grave que celle de l'observation présente,
» S'il est important au bien public d'inventer des
ressources, quoique dangereuses , dans des cas dé-
sespérés, il serait bien plus avantageux encore de
bien distinguer ces maladies naissantes , pour les op-
primer dans leur principe. Il serait peut-être possible
«le dissiper ces premiers nuages ; au lieu que lors-
(64)
1732, Que l'orage est formé, la multitude des remèdes
ne sert qu’à le faire éclater et hâter la pérte des ma-
lades.
Observation anatomique. — Canal déférent de
l'utérus (1); par M. Lecar.
« Le 15 janvier 1752, en disséquant l'utérus d’une
: femme morte après un avortement, je trouvai dans
le ligament qui attache l’ovaire à cet organe et que
les anciens appelaient canal déférent, je trouvai,
dis-je, du côté gauche, une cavité égale au moins
au tuyau d’une plume de poule. Cette cavité ré-
pondait d’une part à l'ovaire, et il y avait à son
entrée deux ou trois œufs ou vésicules; l’autre ex-
trémité du canal s’ouvrait dans des sinus qui s’ y ra-
mifiaient vers la cavité de la vessie,
Du côté droit je trouvai une même cavité, mais
un peu moins grande; elle s'ouvrait du côté de
l'utérus, entre autres dans un grand sinus qui cou-
lait par la face externe latérale et inférieure de l'u-
térus. Il y avait quelques filets de sang dans ce
sinus, mais nul vestige de sang dans ceux du côté
gauche. Chacun des ovaires de cette femme avait
beaucoup de petites vésicules ovales parsemées de
vaisseaux sanguins; les moindres étaient de la gros-
seur d’un grain de chénevi allongé; il y en avait
aussi de blanches, sur-tout à l’extrémité de l'ovaire
(1) In vetere scholà hoc ligamentum passim pro canali ha-
bilum est, per quem testis mulicbris semen suum effunderet, et
eo ævo ductiüs ejaculantis nomine venit. Maller Phys. L. 28.
$. 35. Ædnot, Editor, gauche ,
(65)
gauche. Une de ces vésicules égalait la grosseur du ,,5%,
pouce. Etait-ce une hydatide où une vésicule ovaire
dégénérée ?
» Je me garderai bien de conclure que cette
construction soit universelle; mais cette observation
servira à prouver qu'il peut y avoir des sujets chez
lesquels il se rencontre une communication entre
les ovaires et l'utérus par le canal deférent des an-
ciens; ce qui donnerait encore la solution de ce
probléme si difficile que nous oftre l'observation de
M. /ieitbrecht, anatomiste , de l’Académie de Pe-
tersbourg (1), qui a trouve dans une jeune femme
qui avait eu un enfant, les deux extrémites des
trompes fermées en eutier et point de vestiges de
pavillon frange.
Relation.de deux grossesses extraordinaires ; par
M. Lecar (2).
« Le sieur Pecquinat, homme d’affaires de M. lé
Baron d'Openbeim, Brigadier des armées du Roi,
épousa, le 8 janvier 1745, à l'âge de treute ans, uné
(1) Lego eas lacinias, tubæ videlicet in fœmina de fuisse, et
omisit in iconibus J. Schwammerdam. Haller ibid, Qui eundem
Weetbrecht indicat ita ut nulla mentio tubarum obturätionis ha=
beatur, Adnot, Editor,
(2) Le Mémoire de M. Lecat, dont je présente ici le
sommaire , est accompagné de cinq lettres de M. Beirier, de
Creci en Brie ; d’un Mémoire qui parait être de M. Pecquinat,
ais qui n’est pas signé; d’un Mémoire et d’une note dé
7 IT, 1751 à 1760, E
(66)
#53. demoiselle de Jouarre, près Meaux en Brie, àgéo de
trente-neuf ans,
» Environ deux mois après son mariage , madame
Pecquinat eur les symptômes ordinaires de grossesse ;
ils furent méme accompagnés d'oppression et de
‘maux de reins considérables qui lui firent perdre
son embonpoint : elle fut saignée, et ces accidents
se calmèrent. Vers le 25 juillet, terme d'environ
quatre mois de grossesse, elle sentit remuer son
enfant avec force, et elle continua &e grossir dans
la proportion ordinaire. Son sein, considérablement
augmenté , donna quelques gouttes de lait; elle fut
saiguce en septembre, sixième mois de sa grossesse.
À Ja fin d'octobre elle eut les jambes enflées et des
varices, accidents assez ordinaires en pareil cas.
» Le 23 décembre, terme naturel de sa gestation,
elle fut prise de grandes douleurs de reins, et la
sage-femme fut appelée. Le travail n'ayançant pas,
elle fut saignée de rouveau.Le 27, leseaux percèrent
et coulérent à la quantité de quatre livres environ.
.» La matrône , appelée de nouveau , trouva le
ventre descendu ; ; elle ne douta pas que Paccou-
chement ne dûi s’opérer incessamment. A minuit les
douleurs se calmèrent; le 28 elles recommencèrent
de nouveau. On répéta la saignée : le ventre re
monta et les douleurs s'évanouirent, Madame Pec-
M. Terrède, maître en chirureie à Jouarre, toutes pièces
justificatives de la relation ci-dessus,
Un fil conteuu dans une de ces lettres donne la grosseur du
ventre de madame Pecquinat, La longuear de ce fl est de six
pieds deux pouces, La Dame alors était à cinq ans six mois
de grossesse. ZVote de l'Éditeur.
(67)
Œuinat se remit en peu de temps de toutes sès 1753
fatigues, continua de grossir et de sentir les mouve-
ments de son enfant, Les choses traiuant en lon-
gueur, M, Pecquinat consulta M, le Chirurgien des
Mousquetaires gris, qui F'assura de la réalité de la
grossesse. M. Winslow étant venu à peu de dis
tance de Jouarre , M. Pecquinat lui mena son épouse,
Ce grand anatomisté la trouva grosse ; maïs le terme
de seize mois où elle était alors lui fit croire qu’elle
reportait trop loin le principe de sa grossesse. Frou-
vant d’ailleurs cette dame dans un état de santé par-
faite , il lui conseilla de s'abstenir de tout remède
actif.
» Toute l'année de 1550 se passa de même. Enfin,
le 5 janvier 175r, le trente-quatrième mois de sa
grossesse , les dou eurs recommencèrent et se cal:
méèrent prompitement; elles reprirent du 6 au 7, à
la suite d’une promenade assez longue : le ventre
s’affaissa ; il survint un flux d'urine, et madame
Pecquinat accoucha heureusement d’un garçon,
après trois ans trois mois de grossesse
» L'enfant cependant n'avait que la taille de ceux
qui naissent vigoureux à neuf mois : il ne fut ac-
compagné d'aucune mole, d'aucun corps, ni fluidé
étranger ; mais, ne voulant ni téter ni avaler les ali-
ments qu’on Jui présentait , il mourut le quatrième
jour en rendant par la bouche un sang g'aireux.
» Les couches de madame Pecquinat eurent les
suites les plus heureuses, et durant quatre mois
elle jouit de la santé la plus brillante.
» A la fin de mai 1551 eile eut tous les signes d'uné
nouvelle grossesse confirmée par l'accroïssement du
ventre ; mais, comme si cette espèce de prodige était
passé en habitude chez elle, elle a vu arriver lé
terme de neuf mois non-seulement une fois, mais
E 2
4
(68)
756, encore sept fois, sans aucun symptôme quiannonce un
accouchement prochain; et voici soïxante-trois mois,
ou cinq ans trois mois de,cette seconde grossesse, Une
inutile envie d’acéoucher tous les neuf mois est la seule
incommodité qu'elle éprouve, et l'on attend à quel-
qu'une de ces révolutions un accouchement plus
heureux encore que le prem'er.
» M. Baron , célèbre médecin de Paris, a fait faire
sur les lieux des informations juridiques de tous les
faits que je viens d'avancer, et dont-on a dressé une
espèce de procès-verbal signé d'un grand nombre de
témoins , gens de l'art, magistrats; ainsi on peut en
regarder toutes les circonstances comme absolument
ceriaines. »
Satisfait d'avoir exposé des phénomènes bien
æxtraordinaires, je ne suivrai pas M. Lecat dans
l'explication qu’il tente d’en donner. La nature est
pleine de mystères, et l'œuvre de la reproduction
des êtres est un secret qu’elle s'est réservé. J'adop-
terai donc les conclusions de son Mémoire qui me
paraissent d’une grande vérité : « On n'exigera pas de
» moi, dit cet homme célébre, de remonter aux
» causes premières; nous serions trop heureux si,
» daunsl'explication des effets physiques, nous étions
»# sûrs de remonter à leurs véritables causes se-
# condes, »
a (Et
€ 69 )
Odservationes aliquot circa opinionem , de partiums 175%
potesiate vegetativa, et conversione in animal-
cula ;j auctore BEyrR. »
C'est-à-dire : Quelques Observations sur l’opinion de
la puissance végétative des parties, et leurs con-
versions en animalcules ; par M. Bexer, de
Nimègue.
« Ilest reconnu depuis long-temps, dit l’estimable
auteur que je traduis, que-si on abandonne à la
fermentation putride des portions de végétaux ou
d'animaux préalablement plongées dans l’eau, peu
de jours après on déeouvre dans ce fluide des ani-
maleu'es de figure ronde où ovoide, transparents ;
qui s'y meuvent avee celérité et s’accroissent avec le,
temps, et de manière à différer singulièrement
eutre eux pour la grandeur.
» Quelques philosophes soupçonnèrent que ces
animalcules étaient des parties detachées des substan-
ces animales ou végétales, et que dans les éléments
des corps il y avait une puissance végétative en
vertu de-laquelle les parties d'un végétal, séparées
par la putréfaction , s'auimalisaient et se, conver-
ussaierit en animaux vivants 5 que ces NOUVEAUX ANI-
malcules périssaient , et que de la résolution de leurs
parties naissaient d'autres animaux beaucoup plus
petits que les premiers,
» Ce sentiment contrarie l'opinion d'autres phir
losophes, qui estiment que l'air est rempli d'insectes
infiniment petits; que, ces insectes déposent leurs
œufs dans l’eau qui contient des substances putré-
fiées , et que ces œufs sont le principe des inseetes
que de bons microscopes y font découvwr,
EZa
53
Co)
» Les premiers, pour réfuter pleinement cette
assertion , ont prétendu que les substances anima-
les ou végttales , plongées dans l'eau et abandonnées
ainsi à la putréfaction, présentaient les mêmes phé-
nomènes dans des vases exactement fermés que dans
des vases découverts. Ils eussent puissamment cor-
roboré leur opinion, si cet énoncé était certain ;
mais il fallait répéter ces expériences avec une at-
tention scrupuleuse, pour en conclure authentique-
ment.
» Dans cette vue , j'ai tenté, dans les mois de
mai, juin, juillet et août de. 1951 , et les mois de
septembre et octobre de 1752, les expériences ci-
après: |
» Je me suis procuré un certain nombre de cris-
taux de moritre dont les bords fussent bien unis.
J'y ai adapté des couvercles en verre plat qui
excédaient un peu le diamètre de mes cristaux.
Où conçoit qu'en emplissant d'eau ces petits vases ,
et de manière que les couvercles touchent à l'eau ,
il sera au bout de quelques jours difficile d'en sé-
parer les couvereles.
» Je mis donc dans ces cristaux remplis d'eau,
des fragments de feuilles de tilleul , de gramen , de
mürier que javais sous la main, et préalablement
fait euire , et je les couvris de mes petits plateaux
de verre ;, mais je ne les scellai pas.
# Dans de pareils cristaux je mis les mêmes subs=
tances de l’expérience précédente , mais je ne les
couvris pas; et, comme une petite portion d'eau se
dissipait chaque jonr . je la remplaçais par quel-
ques gouttes d’eau de pluie,
» Dans d'autres cristaux," je mis du bouillon à la
viande ; dans d’autres de la chair crue de veau,
de mouton, des vers hachés; dans d'autres des
(71)
portions de poissons, perche, brochet ; je les em-
plis d’eau bouillante et les couvris sur-le-champ.
» Enfin , dans d'autres cristaux, je mis de pa-
reilles substances , je les emplis d'eau, mais je les
laissa découverts.
» Lorsque la patréfaction fut bien constante , je
pris une gouttelette de chacune des liqueurs, dans
les vases qui étaient restés découverts, et la mis sur
un verre plane ; à l’aide du microscope, je vis nager
avec vivacité une infinité d’animalcules comme l'a-
valent observéLeuwenhoek et autres physiciens avant
moi. Dirigeant ensuite les mêmes expériences sur les
liqueurs dont les vases ava'ent été couverts, je n'y
découvris aucun animalcule vivant et nageant avec
vivacité dans le fluide.
» Je commencai à suspecter l'opinion relative à la
puissance végétative des molécules des corps orga-
nisés et leur conversion en animalcules. Néanmoins
une goutte de bouillon délayée d’un peu d’eau, m'a
présenté des animalcules vivants comme dans les
premières expériences; mais examinant scropulense-
ment et mes cristaux et leurs couvereles, je me suis
convaincu que tous he closaient pas exactement , et
qu'il était possible que des animalcules s’y fussent in-
troduits du dehors, car dans ceux qui closaient par”
faitement je n’en ai reconnu aucuns. .
» Peut-être aurai-je employé un mauvais procédé,
négligé quelque précaution ; cependant j'ai répété
celle année ces expériences avec des vases qui fer-
maient exactement , et je n'ai découvert aucun aui-
malcule vivant.
» Je me propose de recommencer mes expériences
l'année prochaine , depuis le printemps jusqu'à l'au-
tomne ; mais j'emploierai des vases d’une plus grande
capacité , pour voir si de plus grandes masses d'eau
É 4
17581
72 )
4753. et de matières FES 1h ne présenteraient pas
des résultats plus sensibles que de petites quantités ;
et il faudra attendre jusqu'à ce temps, pour pronon-
cer de quel côté se trouve la vérité.
Lettre sur la Maladie de M. DeG.....; par
M. Lecar.
On vous en a imposé, Monsieur, quand on vous à
rapporté que les huit chirargieus appelés en consul-
tation pour M. deG. avaient désapprouvé ma conduite
Ils ont fait précisément le contraire , puisqu ils ont
déc aré que j'avais agi conformément aux règles de
l'art, en gant de conserver la jambe malade , et
que j'avasemp'oyétour les moyens propres à réussir.
» ...... Le 24 juin 1555, à onze heures et demie
du soir, M. de G. .…. , rapidement emporté par les
chevaux qui trai aient son phaëton, et ne doutan
Ta: qu ils n'eussent pris le mors aux dents, sauta hors
de sa voiture et tomba à faux sur le pied droit, Il se
lanxa cette partie si complettement , que le tibia , le
péroné , l'astragale sor ürent tous trois de la peau de la
longueur de deux travers de doigts du côté de Îa
malléole externe, avecruptur des tels des mus-
cles péroniers; le pied était replié vers le dedans
de la jambe.
» Je fus appelé sur-le-champ , et je trouvai un con-
frère qui avait déjà prévenu le blessé, sur la nécessité
de l'amputation qu'il croyait inévitable... Après
un mür examen, je declarai que je ne trouvais point
de necessité actuelle de faire cette amputation ; qu’il
fallait réduirela lu xation, tenter la guérison complette,
et attendre que les accidents nous imposassent la né
cessité de prendre un parti aussi violent. «
(75)
M. Lecat expose ensuite d'une manière très-Inmi- 175%
neuse , les circonstances qui rendent l’'amputation né-
cessaire;et après avoirmontré que le malade n’était nul-
lement dans le cas désespéré dont il s'agit, ei rapporté
un bon nombre d'exemples de luxations plus graves ,
qu'on était parvenu à guérir sans amputation , il con-
clut qu’il n'avait pas dû se déterminer à couper la
jambe dans le me ment de l'accident...
» Sur la seule rumeur qu’il y avait des gens de l’art
qui eroyaient cette opération nécessaire , on appela
un chirurgien de Paris, Il approuva publiquement,
et dans vingt conversations , nos procédés...
» .... Qu'il ait tenu , comme on le dit, un langage
différent à quelques personnes, c'est ce que la bonne
opinion que je dois avoir d’un homme d'honneur et
d’un chirurg'en instruit m'empécheront toujours de
croire. L
» ... Malgré les accidents qui s'étaient manifestés
durant les viugt premiers jours de la maladie, nous
commencions à concevoir l'espérance d’une guérison
parfaite... Le 34°, le malade abusa du régime : il
survint un petit abcès sous l'ancienne plaie qui était
presque fermée, Je profitai de l'ouverture pour son-
der l’intérieur , je n’y reconnus aucun os découvert,
et par conséquent aucun sujet de désespérer de la
guérison.
» [Il survint un érysipèle qui gâta un peu nos plaies;
etilse fit le 45° une espèce de cui-de-poule au-dessous
de la plaie de la malléole interne. J’en fis l'ouverture
et sondai de nouveau l'articulation : je ne reconnus
aucune dénudation.
» De nouvelles erreurs de régime amenèrent un
érysipèle nouveau , de nouveaux ulcères, des désor-
dres enfin, assez graves pour faire perdre tout espoir
de guérison et déterminer à l'amputation.
CHÉEL
1754.
(74)
M. Lecat termine cette longue épitre , qui est une
véritable dissertation chirurgicale , par les conclusions
suivantes : « On sait que tous mes confrères m'ont
approuvé dans l’une de ces décisions ; comme elles
étaient toutes deux fondées sur des principes égale-
ment solides, je suis certain qu’ils eussent appuyé la
première de leurs suffrages , s'ils eussent été appelés
dans ces premiers moments qui m'en ont fournis les
motifs ; et je puis vous assurer, Monsieur, que je n’ai
pas empêché qu’on ne les appelât.... Mes malades ne
peuvent me faire un plus grand plaisir , que de m’as-
sociermes confrères , sur-tout dans des cas aussi graves
que celui-ci. — J'ai l'honveur d’être, etc.
Corps trouvé dans le blanc d’un œuf frais ; par
M. RiBaRD , négociant.
Ce corps noirâtre, dur, réniforme, pouvait avoir
six à sept lignes de longueur et trois et demie de lar-
geur, De la partie supérieure et interne partait un
petit cordon blanchâtre , de dix à douze lignes de
longueur sur une ligne d’épaisseur ; telle est l’idée
qu’en présente la figure jointe au mémoire dont j’ofire
ici l'extrait,
Mon intention , ajoute M. Ribard, était d'ouvrir ce
corps , et de rechercher s'il ne renfermait rien d’or-
ganique. Je l’avais en conséquence mis tremper dans
un verre d’eau ; mais l’eau fut jetée par inattention,
et avec elle disparut mon phénomène.
Je supprime les explications que M. Ribard tente
de donner de ce phénomène, parce que ce sont des
hypothèses qui, bien qu’ingénieuses , ne sont accom-
pagnées d’aucunes preuves. .
(75)
Observation d’un délire fébrile d’abord , et permanent 1754*
après la guérison de la fièvre ; délire dont on a
cru découvrir le principe dans les désordres du
bas-ventre ; par M. LecaT,
» N., maitre poticr à St.- Adrien , près le Port-
St.-Ouen, tomba dans une maladie qu’on attribua au
plomb dont se compose le vernis qu’on applique sur
les vases de terre.
» Cette maladie lui occasionna le délire qu’il con-
serva lorsque la maladie fut terminée.
» Il vint à l'Hôtel-Dieu pour une autre maladie, et
en sortit guéri; mais il n’en resta pas moins fou. Il
s'imaginait toujours couduire uné charrette ou des
chevaux , et faisait incessamment le tapage d'un char-
retier embourbé.
» Après quelques mois il fut repris de la fièvre et
mourut,
» À l'ouverture de son corps, faite le 26 avril 1744, je
ne trouvai rien d'extraordinaire dansle cerveau ; mais
dans le bas-ventre ; je remarquai que toute la surface
interne du colon était parsémée de taches violettes ,
noires comme de fortes ecchymoses. Les membranes
musculeuse et nerveuse n’en étaient point atteintes.
La vésicule du fiel, pâle, avait des taches pareilles ;
tout le reste était sain.
» Cette observation se joint à beaucoup d’autres,
pour prouver que le principe du délire a souvent ,
ainsi que la folie , son siége dans le bas-ventre.
» La dénomination d'hypocondriaque , que les an-
ciens donnaient à certains malades attaqués de va-
peurs, souvent bien voisine de la folie, prouve qu'ils
avaient reconnu que ces dérangements avaient leur
origine dans les organes nerveux situés au - dessous
de la poitrine,
(76)
*754. Sur un Philtre d’une espèce singulière ; communiqué
par M. LecarT.
Si le radical de ce terme est le mot erAéw , j'aime,
on peut donner le nom de philtre à tous les moyens
que la passion et la crédulité ont mis en usage pour
captiver un objet aimé , ou soumettre un cœur rebelle,
Parmi ces moyens, il en est beaucoup de ridicules ;
mais il en est aussi de dangereux : celui que M. Lecat
communiqua à l'Academie , d'après une lettre de M.
manqua de coûter la vie à celui quien fitl’essai.La ma-
uière naïve dont cet'e lettre est écrite , m'engage à
n’en changer les expressions que le moins qu’il me
sera possible.
« Un paysan des environs du Hâvre se présenta
d'abord à M H, , et lui fit exhibition d'un #avaoc
d'une noircéur et d’un volume prodigieux. Le malade
répondit aux questions de l'examinateur , que c'était
une bête qui Pavait morda tandis qu'il dormait, et
son oncle donnant des témoignages de sa sagesse avec
un certain air de naïveté, persuada M. du fait attesté
par le pauvre affligé ; en conséquence , il obtint un
billet pour être admis à l'hôpital...
» Je faisais ma visite lorsque ce campagnard arriva,
Je ne le crus point sur sa prétendue morsure, quoi
qu'il m'en dit, et au premier coup - d'œil, je jugeai
que la bére qui l'avait mordu portait une coille.
» Sur-le-champ je fis prier M. le chirurgien de
veuir pour lui faire des scaritications, .
» En se disposant à inciser , l'opérateur s’aperçut
d’une ligature vers le pubis et prit ses ciseaux pour
la couper. Comment , dit-T au patient, c’est un lien
de fer? 4h ! ow, c’est ma bague que jy aï boutée de-
puis quatre jours. Pourquoi? repliqua le chirurgien.
RS
073
Comme la bête était venimeuse , je craignais , répar- 1754*
tit le paysan, que le venin ne gagnit le ventre. Nous
employâmes la lime, nous fimes les incisions néces-
saires..… Nous pansâmes avec l’eau-de-vie camphrée,
le sel ammoniac, l'onguent de styrax , et le malade
guérit heureusement dans l'espace de denx mois...
» Ce n’est point la première fois, Monsieur ;,
que pareille aventure est arrivée au Hâvre. Monsieur
d'Erchigny , notre ancien Intendant, dit avoir connu
un matelot à qui l'on fit , il y a quarante ans , Ja méme
opération pour semblable cas... L'on est ici fort
creédule ; on y croit aux sorciers , aux amulettes, aux
talismans ; trop henreux si cette faiblesse n’était le
partage que de la classe ignorante , et ne se rencon-
trait quelquefois chez des hommes que leur naissance
et leur éducation semblerait devoir en affrauchir,
Mémoire sur les Fièvres malignes qui régnèrent à
Rouen à la fin de 1553 et au commencement de 1554 ;
par M. Lecar.
A la fin de novembre 1755, on a vu commencer
dans notre ville une maladie maligre dont les ravages
se sont étendus jusqu'en fevrier 1754. L'importance
de cette maladie m'a eugagé à en tracer ici le carac-
tère ; et, pour mettre de l’ordre dans mon travail , je
partagerai ce Mémoire en deux parties.
Dans la première je décrirai non-seulement la ma-
ladie régnante, mais je ferai voir les rapports qu’elle
a avec celles des annees précédentes.
Dans la seconde je moutrerai que ces maladies,
que l’on nomme malignes , ne sont que des maladies
externes, reportées sur l’intérieur. .
1954.
(#8)
PREMIÈRE PARTIE
Les hommes de l'art qui ont exercé la médecine
dans cette ville depuis long-temps, ont observé que
depuis trente ans les fièvres malignes s'étaient singu-
lièrement multipliées , que la température atmosphé-
rique avait été excessivement sèche.
Après l'été magnifique de 1745, on vit régner des
flux de sang épidémiques accompagnés de fièvre vive,
prostration des forces, dégoût et nausées , hocquet ;
ces derniers, preludes d'une mort prochaine.Le siége
du mal était l'estomac , les intestins et sur-tout le colon
que l’on trouvait gorgé de sang noirätre.
Peu de saignées au début, les délayants , les tem-
pérants, les mucilagineu x avaient des effets salutaires ;
les purgatifs et les irritants éta ent pernicieux.
En 1754 cette maladie affreuse fut remplacée par
des affections rhumatismales fébriles ; plusieurs se
terminèrent par des dépôts phlegmoneux, érysipéla-
teux et par des escarres gangréneu ses,
En 49, 50, 51, il commença à régner des fièvres
malignes dont plusieurs furent accompagnées de vives
coliques. Une légère diarrhée était salutaire. Les ma-
ladies s’étendaïent à quarante jours ; on trouvait des
ecchymoses , des épanchements de sang à l'estomac et
aux intestins. |
Les petites véroles furent également fréquentes et
dangereuses.
En 1753 et 54, les fièvres malignes gastriques re-
parurent épidémiquement et enlevèrent un grand
nombre de malades.
J'y distingue trois périodes : 1° à l'invasion, lassi-
tudes, douleurs articulaires, lièvre , sueur; 2° fièvre
continue ayec redoublements, maux de tête violents,
(79)
exacerbés avec la fièvre ; 5:toux, maux de gorge, nau- 1754*
sées, langue sèche, noire, délire, stupidité, éruptions
miliaires , mélancolie ,» terreur , voix extraordinaire,
Durée. 50 — 40 jours.
Traitement. Quelques saignées au premier début,
dilutum de casse émétisé, de deux en deux jours ;
uisanes simples, lavements pareils,
Contre l’affaissement , l'eau sucrée et le vin,
Convalescences longues, resséntimentslégers, mais
prolongés, des divers symptômes de la maladie; pu=
sillanimité.
DEUXIEME PARTIE,
”
J'ajouterai à l’histoire succincte que je viens de pré:
senter , que j'ai trouvé dans les cadavres de ceux qui
avaient suceombé, et dont j'ai fait l'ouverture , des
signes évidents d'inflammation, de suppuration , de
gangrène , beaucoup d'engorgements slanduieux.
» Quand on sait qu'une simple inflammation exté-
rieure peut produire la douleur , la fièvre’, le délire 4
la mort , que l'on reporte le même principe inflamma-
toire sur des organes vitaux, et qu'onesume les ravages
qu'il sera capabie de produire! .
» Toute la malignité des épidémies consiste donc
dans cette inflammation ardente attachée à des orga=
nes très-nerveux et essentiels à l'existence , et les
diverses espèces dépendent des diflérente degrés de
V'inflammation , de la diversité et du nombre des par-
es attaquées. L’inflammation portée en 1750, 57 et
45 sur les organes de la deglutition, a produit les es-
quinancies gangréneuses sur les poulmons , les pé«
ripreumonies malignes, etc, , etes
En 1742, quelques-unes de ces maladies donnérent
pour résultat des adherences de la plèvre et des poul-
1554.
{ & )
mons gorgés de sang. La douleur fixe au sternum ain
diqué l’inflammation et la suppuration du pér'cardes
» Dans l'épidémie de 1755 et de 1754, qui fait l'ob-
jet principal de ce Mémoire , J'ai reconnu qre son
principe était une inflammation herpétique artachce
spécialement à l’estomac et aux intestins. Et comme
l’herpes lui-même a divers degrés de férociteé, que la
disposition du malade peut ajouter de son côté à l’'ac-
tivité de la maladie , on voit comment et pourquoi ces
affections peuvent devenir si rapidement mortelles,
» Pendant la durée de l'épidémie , la nature sembla
vouloir nous dévoiler son secret en nous montrant
dans des érysipèles herpétiques à la face, l'ennemi
désastreux qui avait fait tant de victimes.
» En janvier 1-49 , j'eus occasion de suivre un ma-
lade qui éprouva une éballition par plaques répan-
dues sur la face et autres parties du corps. Les pla-
ques disparurent et la fièvre se développa; elles se
manifestèrent de nouveau et la fièvre ce:sa , justibant
ainsi par des preuves sensibles , les principes que j'ai
établis.
» Ce qui sert encore à prouver que le principe
oi à 2 mi était celui de l'épidémie dont il est ques-
tion , c’est que le traitement qui a réussi est celui qui
sert utilement à combattre l’herpes externe : la sai-
gnée au début , l’émétique en grand lavage , et plu-
tôt comme résolutif que comme vomitif , des boissons
délayantes si analogues aux lotions extérieures , etc.
» Il a été quelque fois nécessaires dans la circons-
tance d'un aflaissement et d’une insensibilité univer-
selle, d'employer de puissants excitants. C’est ainsi
que j'ai sauvé un malade que l’on croyait perdu, en
lui faisant prendre en une prise six onces d'eau de
mélisse spiritueuse ; et un ecclésrastique véridique
m'a assuré avoir préservé presque Lous ses parois-
siens
(81)
siens , en leur faisant prendre intérieurement un petit 1754°
verre d'esprit de térébenthine qui provoquait des
sueurs abondantes,
» Mais les exceptions ne sont pas la règle , et cet
exemple n’est oflert que pour montrer que les res-
sources de la nature sont infinies ; et que , conformé-
ment à la maxime du père de la médecine, aux
maux extrêmes il faut opposer les remèdes les plus
puissants, Hipp. aph. . 1. 6,
\
Observations d’Animaux vivants trouvés dans des
blocs de pierre, et sans aucune communication sen-
sible avec l’air atmosphérique ; lues à l’Académie
par M. Lecar:
En 1755 , le sculpteur du roi d'Espagne, exploitant
un bloc de marbre de couleur rousse pour en sculp-
ter un lion, trouva dans le centre du bloc deux ca-
vités dans chacune desquelles il y avait un vers
vivant et qui n'avait aucune issue au dehors. Ces in-
sectes paraissaient s'être nourris de la substance même
du marbre dont ils avaient la couleur. Un des deux
tiré du bloc fut remis dans un autre morceau du
méme marbre , et y a vécu trois mois. Le célëbre M.
Ullon, compagnon de voyage de MM. nos académi-
ciens envoyés au Pérou pour détermiver la figure de
la terre, a été témoin oculaire de ce fait , et l’a
mandé à M.le président de Robien ; qui la commu-
niqué à M. Dubocage , notre associé ; par une lettre
da 21 février 1754. Il serait difficile aux plus incrédu-
les de révoquer en doute de pareils témoignages.
La lecture que j'en fis l’an passé, à une de nos
assemblées, rappela à M. Leprince, sculpteur, et l'un
de nos collègues, une observation pareille.
Tome IT, 1751 à 1760. F
1795
2755;
(82)
» Des maçons travaillant à Ecreteville , au châteat
de M. De Larivierre-Lesdo, père de M. le président
deValiquerville ,désirant partager en deux une pierre
très-dure , longue de quatre pieds environ , sur deux
pieds d'épaisseur, y firent une entaille tout au tour
avec le ciseau , et achevèrent la séparation avec des
coins de fer. La pierre éclata , et on fut bien surpris
de trouver au centre une cavité de la grandeur d'une
aveline , remplie exactement par un petit crapaud ,
qui, dès qu’il eut recu l'impression de Pair , se déve-
Joppa de lui-méme et prit l'essor.
» Peyssonnel, médecin-botaniste à la Guadeloupe,
ayant été instruit qu’au fond d’un puits que l’on creu-
sait au quartier Saint-Bertrand , île Grande-Terre, on
avait trouvé des grenouilles vivantes, se fit descendre
dans le puits , à soixante-dix pieds de profondeur.
Ï assure qu’il avait fait travailler à la roche de ma-
drepores qui s'y rencontre , et en avait tiré lui-même
de petites grenouilles vertes.
Il ajoute avoir appris que dans le même quartier ,
d’autres puits avaient offert le méme phénomène.
Le fait suivant (1), qui m’a été communiqué par
un témoin oculaire et bien digne de foi, vient se
ranger dans la même classe.
Un menuisier varlopant un morceau de bois refendu
d’une poutre qui avait plus de cent ans de service , sans
compter l’âge de l'arbre lors de sa première exploita-
Uôn , aperçut sous la trace de sa varlope un chan-
gement de couleur dans le bois, dans une longueur
d’un pouce et demi et une largeur de plusieurs lignes.
En poursuivant son travail il découvrit une cavité de
laquelle sortit une mouche qui, se trouvant libre,
s’envola aussitôt.
M. Lecat continue ainsi: » Gudlt: à l'explication de
(1) Note du Rédacteur,
he. 2
(85)
cés phénomènes, il faut convenir qu'ils présententles 1755:
plus grandes difficultés. S'il ne s'agissait que d’expli-
quer comment ces animaux ou leurs œufs ont pu se
trouver enfermés dans là pâte de ces pierres encore
molles , ou déposés sous l’ecorce de la plante jeune
et recouverts par l'addition successive des couches
corticales et ligneuses , on trouverait matière à disser-
ter, et on pourrait dire des choses satisfaisantes,
mais comment expliquerle développement du germe,
l'accroissement et la prodigieuse durée de la vie de
ces animaux, au-delà des bornes ordinaires de celles
de leurs congénères soumis à l’action atmosphérique
et parcourant librement tous les degrés de leurs déve-
Joppement et même de leur métamorphose ? On sent
qu'il est plus facile ici de s’égarer dans la vaste région
des hypothèses , que de donner une solution claire ,
et propre à satisfaire la raison. «
Second Mémoire sur les Fièvres , et les Fièvres
malignes spécialement ; par M. LEcaT.
Quoique ce second mémoire soit infiniment plus éten:
du que le premier, l'extrait que j'en présenterai sera
proportionnellement plus court, parce que le pre-
mier , riche en faits et en observations , eût perdu de
la moindre soustraction qu'on en aurait faite ; et que
celui-ci, plein d'érudition à la vérité, mais d’érudition
consacree à l'établissement et à la confirmation d'un
système presque par-tout hypothétique, montre beau-
coup plus la subtilité et la fécondité de son auteur,
qu’elle n’établit des règles utiles de pratique.
L'auteur a divisé son mémoire en huit sections.
$. 1. Il y combat le sentiment des humoristes ex
clusifs, classe de philosophes qui a long-temps pré=
valu , mais dont la saine médecine a fait justice depuis
F 2
( 54 )
#755, long-temps. On peut en eflet dire du principe des ma*
ladies, ce que le père de la médecine disait de ceux
du corps humain : « Principium corporis mihi qui-
dem nullum esse videtur |, sed partes omnes per
æquo principium omnesque finis, Descripto namque
circulo principium non invenitur ; eadem que ratio
morborum in toto corpore. » De loc. In homine; c. 1.
ÿ. >. En combattant un préjugé, dit notre estima-
ble collègue à gardons-nous bien de donner nous-
mêmes pee un autre. Les esprits éont sans doute le
principe le plus universel de la santé et des maladies ;
mais ils ne sont pas les seuls : le nombre et la variété
des parties selides dont se compose le corps humain,
les altérations multipliées dont elles sont susceptibles ,
montrent combien il serait injuste de les compter
poûr rien dans la production et le développement de
nos maladies.
$. 5. Il est spécialement consacré à la pathologie
des tumeurs inflammatoires et des maladies aiguës
qu'elles produisent. On peut en déduire ces corollaires
de pratique, que le principe des phlegmasies exté-
rieures est le même que celui des phlegmasies inter-
nes; mais que la sensibilité et l’importance de ces
dernieres rendent les résultats beaucoup plus redou-
tables,
$. 4. Il contient une théorie des fièvres. » La dou-
leur est le seul vice réel dans l’économie animale; et
comme toute inflammation de parties nerveuses pro-
duit la douleur, et que la douleur produit la fièvre ,
toûte inflammation la produit également ; l’agent prin-
cipal es l'éréthisme douloureux... Les nerfs et leurs
enveloppes sontles conducteurs du fluide sensitifetdu
fluide moteur ; mais c'est dans les premiers que ré-
side le pouvoir qui produit l’éréthisme... L’'aflluence
ingale du sang et des esprits interceptés par ce même
(85 )
éréthisme , donnent la raison du frisson ; la cessation :
de l’éréthisme rétablit la chaleur.
$- 5. Origine des maladies et particulièrement des
maladies contagieuses.
» Le fluide animal qui , lié à lâme par l'Étre-
Suprême , devient l'instrument desmouvements et des
sentiments , est lui-même intimement lie à unelymphe
gélatineuse qu'on appelle suc nerveux. Cette gelée et
son esprit sont généralement répandus dans l'air et
dans tous les mixtes où nous les puisons.... La bonne
constitution de ce fluide dépend de la juste consis-
tance de cette gelée, que bien des causes peuvent
vicier..…. Nous appelons substances contagieuses celles
qui sont capables de produire cet effet : la marche
irrégulière des saisons, les effluves des marais, les
éruptions volcaniques , les putréfactions animales , les
vapeurs des mines, etc., etc.
6. 6. Source de ces fluides contagieux. Ce paragra-
phe commente en quelque manière les principes
énoncés au précédent. Il montre que l’homme lui-.
même est pour l'homme un principe terrible de des-
truction.
$. 7. Voies par lesquelles les principes contagieux
s'introduisent dans l'économie animale. Ce sont les
mêmes par lesquelles nous renouvelons sans cesse
et nos solides et nos humeurs : les voies de la respira-
tion et celle des aliments... La matière contagieuse
introduite par les voies aériennes produira toutes
les lésions possibles des poumons ; et, si leurs molécu-
les sont assez subtiles pour pénétrer leurs tissus et
s'insinuer dans leurs vaisseaux sauguins , quel sera le
terme de leurs ravages? Le cerveau lui-même ne sera
pas épargné ; et Ja lymphe gélatineuse et nervale,
altérée dans l'organe même qui la prépare , portera
F 3
"
{
5
5
€ 86 )
. Je désordre et la confusion dans toutes les parties de
l'individu.
» Les organes de la digestion présentent une route
plus difficile, et plus de moyens d’atténuer et d’éner-
ver le principe contagieux : on sait d’ailleurs que des
poisons subtils , quand ils sont introduits par des bles-
sures , peuvent être avalés impunément. Mais enfin , si
le poison est assez actif pour triompher detouslesobs.
tacles , il n'est plus de bornes à ses eflets désastreux.
Ajoutez l'aflinité spéciale du délétère avec les es-
prits de tel ou tel organe, et on aura un nouveau mo-
tif de la préférence avec laquelle l'infection l'épargne
ou l’envahit.
6. 8. La transpiration des esprits est un point de
pathologie aussi important que celle des humeurs
est peu digne de l'attention des praticiens.
:» On attribue avec raison un grand nombre de ma.
ladies à des transpirations supprimées , mais c’est de
celle des esprits qu’il faut l'entendre.
Les excrétions des humeurs se suppléent parce
qu'il y a une circulation des humeurs ; mais les es-
prits arrivés une fois aux houppes nerveuses , aux
glandes cutanées , manquent de cette ressource. Ils
s'y fixeront donc avec leur caractère de dépravation,
tant qu’ils n’en seront pas enlevés par exhalation , et
ils y exerceront toutes sortes de désordres.
Les éruptions critiques sont les portions dépravées
de nos esprits , portées au dehors par les mouyements
victorieux de la nature... L'effet heureux de l'émé-
tique , des purgatifs, des vésicatoires, est particulière-
ment dû à l’enlèvement de ces esprits viciés ,; des
houppes nerveuses de l'estomac, des intestins, de
la peau... J'attribue à la même cause les éruptions
produites par les passions violentes , la colère, la ter-
reur ; et dans ces divers cas la guérison absolue ne
(87 )
peut avoir lieu qu’autant que les esprits dépravés sont 1755,
complétement enlevés, et qu’il ne reste plus d’éüin-
celle capable d’occasionner un nouvel incendie.
Polydædala Natura, c'est-à-dire : La Nature féconde
en merveilles , etc.
Ainsi commence une dissertation latine de M.
Klinckenbergh,docteur médecin à Nimègue,adressée
à l’Académie par M. Beyer , l’un de ses membres,
et présentant l’histoire et la description d’un monstre
né près de Nimègue , le 24 août 1756.
L’épouse de J. Jacobs, demeurant au village d'Ha-
tert, près Nimègue , après plusieurs couches heu-
reuses , étant de nouveau enceinte de sept mois , sen-
tit le 25 août, en rentrant à sa maison , les symptômes
d'un accouchement prochain. A défaut de matrone
elle appela sa voisine , femme sans expérience , qui
apercevant les quatre pieds qui se présentaient à-la-
fois, courat eflrayée chercher une autre voisine, et
lui abandonna l’accouchée, le monstre et son placenta.
Celle-ci fit la ligature du cordon ombilical qui était
unique , et donna des soins à la mère qui n’a cessé de
jouir ( jusqu’à la date de la dissertation ) d’une santé
excellente.
M. Klinckenbergh était alors dans le voisinage; et,
conduit par la curiosité , il examina cet ayorton mons-
trueux et en fit la description suivante :
Il présente deux enfants de sexe féminin, parfaite-
ment pareils en grandeur et intimement collés par
le ventre. Deux poitrines où les paplles sont appa-
rentes ; deux têtes , quatre mains, quatre pieds bien
distinets; un seul cordon ombilical se présentait à la
commissure inférieure des deux corps, et communi-
quait avec eux.
F 4
1756,
756.
La Marti-
nière, Dict,
Géogr. ; ant.
mesures.
(88)
La hauteur totale était de treize pouces et demi ,et
lalargeur de sept pouces et demi, (Il s’agitici du pouce
du Rhin , mesure un peu plus petite que celle de
Paris, puisque le pied du Rhin est à celui de 5
comme 1390 sont à 1440. }
M. Kliuckenbergh n'ayant pu déterminer le père à
lui vendre cet avorton , obtint au moins la liberté de
l'injecter et de le renfermer dans un vase plein d’une
liqueur spiritueuse , afin que cet infortuné püt le
montrer aux divers marchés et en tirer quelque bé-
néfice.
Lettre de M. l’abbé Jacquin à M. Lecat , sur la suffo-
cation occasionnée par la vapeur du charbon , et les
moyens de réparer ses funestes suites.
Cette lettre formant une dissertation de trente
quatre pages in-4° , est partagée en deux parties. Dans
la première l’auteur expose longuement les phéno-
mènes de la respiration. Il essaye de montrer dans
la seconde comment elle est lésée par la vapeur qui
s'exhale de la braise ou da charbon en combustion ,
et les secours que l’art peut administrer aux infor-
tunés qui sont soumis à son action délétère.
Je me contenterai d'exposer cette division sans
analyser les raisonnements de l’auteur , parce qu’à
l'époque à laquelle M. l'abbé Jacquin écrivait, on
connaissait peu la nature de l'air : les gaz étaient ab-
solument inconnus, et le mécanisme de la respiration ,
révélée par la chimie pneumatique , n’était pas même
soupçonné,
La première attention, dit M. l'abbé Jacquin, quand
on est appelé au secours d’un asphixié par la vapeur du
charbon , est de le retirer de l'appartement , s’il est
€ 89)
possible, ou au moins d’en ouvrir les portes et les 1756.
fenêtres pour y introduire de l'air respirable.
On le débarrasse de tous les vêtements qui peuvent
le géner , colliers, corps de baleine, ceintures , jarre- o
tières ; on lui administre l'émétique, on introduit
dans ses narines, sa bouche , ses intestins, la fumée
de tabac ou la vapeur du fort vinaigre ; on en fait
méme avaler sil est possible. On tente les sternuta-
toires , on fait des frictions, on excite la sensibilité en
chatouillant la plante des pieds. On tâche encore d’in-
troduire de l'air respirable dans la poitrine ,etc,, etc.
M. l'abbé Jacquin fait une grande distinction entre
la suflocation qui surprend au moment de l'inspira-
on , et celle qui surprend à celui de l'expiration, et
exhorte à n'abandonner la malheureuse victime qu’a-
près avoir tenté long -temps tous les secours connus,
et s'être bien convaincu que toutes les ressources de
l'art sont désormais inutiles ; des histoires authenti-
ques paraissant prouver que des hommes estimés
morts depuis bien des heures, ont cependant été
rappelés à la vie.
Maladies des années 1755 et 1756; par M. Lecar.
Les maladies qui ont régné pendant lesmoisd’août, 1757,
septembre et octobre 1555, ont été quelques fièvres
irrégulières humorales qui se terminaient par des
évacuations critiques. Quelques doux laxatifs associés
aux délayants ont eu du succès, En novembre et
décembre ; les mêmes maladies ont continué ; mais
leur durée était plus longue ; quelques-unes sem-
blaient prendre un caractère catarrhal, L'émétique
donné au début a réussi.
En janvier, février et mars 1756, les fièvres modé-
«(90 )
77574 rées pour l'intensité ont été compliquées d’éruptions
érésipélateuses , de maux de gorge qui se terminaient
par des sueurs critiques. Il a régné aussi quelques
à péripneumonies plus humorales que sanguines : ces
maladies ont été généralement assez bénignes.
En avril, maiet juin, on a observé des péripneumo-
nies bilieuses , des rhumes , des pleurésies , des
fièvres continues et intermittentes ; la plupart étaient
de courte durée. On a encore vu régner pendant ce
trimestre et même en juillet, des coliques bilieuses
vertés;les évacuations étaient symptomatiques etn'ap-
portaient aucun soulagement. Elles étaient annoncées
par des douleurs d’estomac assez vives. La saignée a
réussi quand les accidents étaient aigus ; le régime
doux et humectant convenait d’ailleurs. On a quel-
quefois employé, utilement les doux émétiques , les
minoratifs.
Enfant d’une taille et d'une grosseur extraordinaires ;
observation communiquée par M. d'Arcourt , capi-
taine en second du vaisseau la Double-Union , et par
M. Lecar.
Cet enfant, âgé de neuf à onze ans , est fils de
Pierre Tistaigne , mulätre de l’ile St. - Vincent. Il est
d'une grandeur et d’une grosseur telles qu’il n’est
personne qui ne lui donne vingt-cinq ans. Sa taille est
de cinq pieds deux ou trois pouces, son embonpoint
est excessif; mais sa graisse molle et demi- fluide
éprouve dans tous ses mouvements une espèce de
fluctuation désagréable à voir. La ceinture de sa cu-
lotte , les poignets et le col de sa chemise forment des
espèces de digues qui retiennent cette graisse et l'em=
péchent de s’épancher.
(91)
Il avait les bras croisés lorsque je le vis, dit le capi-
taine , et ils étaient presque entièrement cachés par
la graisse de ses mammelles. Les personnes qui l'ont
vu au bain n'ont encore assuré que les fesses lui
tombaient presque sur les cuisses , et que la peau du
ventre lui cachait presque les organes sexuels ; tout
d’ailleurs annonce en lui un enfant; il s'amuse de
tout les jeux de son âge ; il fume presque continuelle-
ment.
On m'a assuré encore qu’il prenait par jour environ
vingt livres d'aliments , moyens bien suflisants pour
entretenir et accroître ses dimensions extraordinaires.
De l'Opération de la Hernie inguinale et crurale , par
la dilatation graduelle de l’anneau et de l’arcade
crurale ; par M. Leblanc, M°en chirurgie, à Orléans.
Le titre seul de ce mémoire est presque suffisant
pour faire concevoir une opération dont M. Leblanc
west pas l’inventeur , et qui, suivant M. Sabathier ,
avait été pratiquée vers la fin du dix-septième siècle,
par Thévenin. M. Leblanc cite quatre exemples de
personnes qu’il a ainsi opérées avec le succès le plus
complet.
Les avantages que l'auteur attribue à cette méthode
sont 10 d’être moins douloureuse ; 2° de re pas ex-
poser aux mêmes dangers que l'incision ; 5° de pro-
derer aux malades une guérison radicale.
Je placerai à côté de ces promesses brillantes le
jugement qu’en porte l’auteur de la médecine opéra-
toire déjà êité. :
» La réussite de cette opération ne peut rassurer
sur les dangers auxquels seraient exposés Ceux sur
qui on oserait la pratiquer. «
1757
Méd, opéra,
Tome I.
Ibid
(92)
1757. Dissertation sur les maladies de l’ile Sainte-Marie. —
Madagascar.
Tel est le titre d'un mémoire de vingt - deux pages
‘in-4°, adressé à M. Lecat, et dans lequel l'auteur,
M. TT... , présente entrois articles particuliers , l’his-
toire d’une fièvre commune dans l'ile de Sainte-Marie ;
celle de la crampe, et enfin une notice sur les coups
de soleil , les flux de sang , etc. , également fréquents
dans le même pays. :
- La copie de la lettre de M. Lecat , en réponse à
M.T...., annexée audit mémoire, lettre dans laquelle
ce mémoire est apprécié, me dispensera d’en pré-
senter un autre extrait,
» Il n’y a guères que huit jours , Monsieur , que je
vous ai écrit, et peut-être mes deux lettres arrive-
ront-elles ensemble.
» Je me plaïgnais dans ma précédente de votre lon-
gueur , je ne vous ferai pas encore beaucoup de
compliments sur votre diligence dans celle-ci. Depuis
tant d'années vous n'ayez amassé un caméléon ! quel
effort! Depuis un an, moi qui suis occupé comme un
forçat , j'ai rassemblé trois mille coquilles et peut-être
mille insectes, Si j'étais trois mois, durant la belle
saison , dans le beau pays que vous habitez , j'en au-.
rais des milliers dons l’eau-de-vie ou le tafa.
» Je viens delire votre dissertation à l’Académie; je
me suis bien gardé de communiquerletitre d'aspirant.
Allons doucement, Monsieur ; pour aspirer à une place
d’Académicien , il faug avoir donné d’autres preuves
de son savoir et de ses mœurs,
» La première des maladies dont vous donnez la
description, cette fièvre maligne ardente que vous
ne connaissez pas , est tout simplement la fièvre pu-
(95)
tride, souvent accompagnée d’éruption miliaire, qui
depuis tant d'années règne dans l'Europe, à Rouen
comme ailleurs ; et que nous guérissons avec... etc,
» La seconde maladie que vous appelez crampe...
est le Tecanos connu par tous les apprentis en mé-
decine , et non pas le Tintanos, comme vous croyez
qu’on l'appelle au Sénégal. Cette observation me
prouve, mon cher , que vous ne lisez pas: si vous
aviez votre Boerhaave dans la tête ( et peut-on se
méler d'exercer la médecine ou la chirurgie sans cela}
vous reconnaitriez ces malalies au premier coup-
d’œil.... Si vous aviez de bons livres d'anatomie
dans les mains , vous ne placeriez pas des glandes
sous le péricarde pour y former l’eau qu'on y ren-
coutre , ni dans la rate pour en composer ce viscère.
Je vois par ce mémoire etle peu que vous avez fait
pour mon cabinet, je vois, dis-je, que vous perdez
votre temps; et vous aspirez à être Académicien!
c’est bien là la vie, ma foi, que mène un homme
qui a cette noble ambition. Ne pensez pas, Monsieur ,
que ces places s'accordent à si bon marché...... Je
vous parle franc, comme vous voyez; mais si vous
êtes homme à réflexion, vous reconnaîtrez à ces traits
que je suis vraiment votre ami.... Nourrissez-vous
sans cesse de la lecture des bons ouvrages d'anatomie
et de physique ; faites des recherches solides , des
expériences; méditez, comparez ; en un mot deve-
nez un homme, et vous trouverez en moi un ami
qui vous élevera jusqu’au troisième ciel ; mais sans
ces conditions préliminaires ne comptez sur moi pour
PT SE
» J'oubliais de vous dire que j'ai découvert par
plusieurs ouvertures de cadavres et par plusieurs ob-
servations , que le Tetanos a pour cause une inflam-
mation suppuratoire de la pie-mère.
1757
1757
27.
C94)
» À propos de la troisième espèce de maladie capi-
tale de votre dissertation , coup de soleil , on a observé
à l'Académie que vous n’aviez fait nulle description
des symptômes de cette maladie qui doivent être trés-
intéressants dans un pays ou elle est si fréquente et si
funeste. »
Le reste de la lettre renferme des exhortations et
des conseils qui peignent de la manière la plus vive
la passion de M. Lecat pour l'étude , son zèle pour
les progrès de la médecine , et le tendre intérét qu’il
portait à ses élèves.
Maladie singulière.
Le mémoire dont je vais donner l'extrait, manque
de commencement et de fin , par la perte d’une feuille
entière qui recouvrait les autres ; mais il ne laisse pas
de présenter l’histoire d’une maladie singulière , avec
des détails assez précis pour en donner une idée
complete.
Il paraît que la dame qui en est le sujet s'était pré-
sentée à l’Hôtel-Dieu de Rouen, pour s'y faire opérer
d’une prétendue hydropisie. Le rapport est fait par
un homme de l’art, que je présume étre monsieur
Thibaux , sans cependant en avoir la certitude.
» M. Lecat était absent ; ce fut un de ses élèves qui
la fit avec toute la dextérité possible et à l'endroit
marqué par tous les bons praticiens ; mais il fut bien
surpris lorsqu’au lieu de tirer de l’eau du ventre
de la malade , comme il se l'était proposé , il ne vit
sortir que du sang, et en si grande quantité que la
malade mourut peu de temps après , sans que pour
cela le ventre fût diminué de volume.
» Un fait aussi extraordinaire détermina à faire
C95)
l'ouverture du cadavre pour en déterminer la cause. 17»
On trouva que le foie occupait la région iliaque droite,
et que le trois-quarts l'avait percé dans sa partie supé-
rieure. Il était attaché à la partie inférieure d’une
grosse vessie transparente pleine d’eau , et quioccupait
presque toute la capacité du bas-ventre Cette vessie
était supérieurement attachée au diaphragme, et , em
génant son mouvement , paraissait être le principe
de la grande difficulté de respirer dont se plaïgnait la
malade ; importunité qui vraisemblablement avait
pressé l’opération.
» Ce jeune chirurgien, qui ne s'attendait pas à un
pareil événement, me fit appeler , et je fus aussi sur-
pris que lui. Nous fimes l'ouverture de ce sac; il
en sortit au moins quatre pots d’une eau claire , sans
odeur ni saveur, Ce sac avait l'épaisseur d'un écu de
six livres, était très-dur et semblait être formé par le
ligament large du foie. Ce viscère était dans un état
naturel, mais plus volumineux que d'ordinaire ; tous
les viscères abdominaux étaient parfaitement sains.
Il résulte que la maladie était une hydropisie en-
kistée ; que le déplacement du foie avait occasionné
l'erreur funeste dont il est question, et que l'ou-
verture seule pouvait donner la connaissance de cette
maladie singulière.
Pour ne rien omettre , il faut cependant observer
que bien que la tuméfaction du ventre fût univer-
selle, la fluctuation était obscure dans la partie in-
férieure de l’abdomen ; que les cuisses ni les jambes
wétaient enflées , que les urines étaient claires et
abondantes; et dans les ascites , les urines sont ordi-
hairement médiocres et briquetées , l’intumescence
de l'extrémité inférieure souvent très - grande , et la
fluctuation particuliérement sensible dans la partie
basse de l'abdomen,
Nyse
1757°
Poir encore
le traité des
fluides ner-
veux, etc. ;
imprimé en
1765,
(96)
L'exposition ingénue d'une opération malheureuse
est un avertissement nouveau de multiplier les re-
cherches et les attentions lorsque les phénomènes de
la maladie s'écartent des lois communes : l'applica-
tion la plus légitime d’un principe avoué pouvant
avoir les résultats les plus désastrueux,
Lettre de 21. Lecat à M. Bordeu , Docteur , régent
de la faculté de Médecine de Paris , sur le tissu
cellulaire.
» Monsieur , je vous savais un grand médecin , mais
je ne vous croyais pas un anatomiste aussi distingué.
Cette épithète est due à celui qui dirige cette pre-
mière partie de notre art , à son véritable but, la
pratique. Je vous en fais, Monsieur , mon sincère
compliment , et je me félicite de m'être rencontré
avec vous sur plusieurs points de votre doctrine sur
le tissu cellulaire ; vous me dispenserez cependant
de l'appeler corps mugueux. Ce que nous entendons
par cette dénomination est si différent du tissu cellu-
laire, que je n’aperçois pas la raison pour laquelle
vous avez réuni ces deux épithètes.....
» La pleure, le péritoine, etc. , sont selon vous,
Monsieur, des productions du tissu cellulaire , tapé
par les viscères qu’il renferme, J'ai eu le bonheur
de voir tout cela dès mes premicres études anatomi-
ques, et il y a au moins quarante ans, car j'en ai
soixante-sept ; et depuis trente-un ans que j'ensei-
gne publiquement} l’anatomie , je n'ai jamais manqué
dans mes cours d'exposer cette doctrine.
» Mais je ne sais, Mousieur , si je n'aurais pas été
assez
Co7)
assez heureux pour porter mes vues un peu plusloin ;
que vous , en assignant à ce Lissu sa vraie origine...
» Dès que le tissu cellulaire est le produit d'un
dépouillement de la tunique des nerfs, on a son ori-
gine à la tête qui est doublée en dehors et en dedans
de ces méninges mêmes, (1) On a cette même origine
dans tous les veutres et dans toutes les parties que
les nerfs pénètrent en se dépouillant sans cesse des
James qui forment autant de tissus cellulaires... Ainsi
Ja septième paire, la cinqnième , la huitième , don-
nent les nombreux tissus cellulaires de la face ; l'in,
tercostal , la huitième , la neuvième , la dixième , les
cervicaux , ceux du col; le même intercostal , la hui-
uüème ; les intercostaux épiniers, les plexus pulmoni-
que, cardiaque, wsophagien ; fournissent les plè-
vres cellulaires et vraies, Lés mêmes nerfs et leurs
plexus sémi-lunaire , solaire , mésentérique , stoma-
chique, hépatique , spiénique , rénaux , etc., don-
nent le péritoiue tant vrai que cellulaire ; et comme
il n'y a pas un muscle où il ne se porte des nerfs, pas
un faisceau de ces muscles où il n’en entre encore ,
il y aura dans toutes ces parties des gaines cellulaires ;
et les surfaces de ces muscles étant parcourues par
ces nerfs de même que la peau, par-tout on rencon-
trera ces tissus cellulaires ; tissus qui communiquent
entre eux , parce que tous sont le produit d'un même
arbre nerveux , les mêmes branches de cet arbre.
Jene confonds pas ces-gaines communes ; avet les
manches ni les caleçons aponévrotiques , ni avec leurs
gaines intermusculaires, adhérentes aux os: ces fortes
toiles sont la suite des aponévroses et des périostes ;
les uns et les autres étant des productions de la dure:
Pr +0: 1 reel PMP EN NE ERRRORERMERER
(1) À durû matré fieri , ejus hominis est Divinatio, qui omniä
ab eù matre deducat, Haller. Elem, phys. Vs, p+ 204
Tome IT, 751 à 1760: G
716.
Voir l’Ou-
wrage cité.
(98)
mére , vraie-mère des membranes et des muscles
eux-mêmes.
» Quant à la tension , aux étranglements, à l’action
enfin que vous attribuez au tissu cellulaire, je vous
avoue , Monsieur , que c’est de toutes les parties du
corps humain celle que je crois la moins capable de
ces propriétés, puisque ce tissu est ce qu’il yade plus
mou , de plus lâche, de moins sensible , de moins
irritable... C'est pour cela qu’il est si souvent le siége
passif des divers dépôts.....
» Vous lui faites l'honneur, Monsieur , de le regar-
der comme le siége des crises , comme l’organe des
rapports sympathiques entre les diverses parties...
permettez moi de penser que c’est lui donner des at-
tributions trop importantes. Pour trouver l'organe
que vous cherchez , il faut remonter jusqu'aux
nerfs....
» Vous avez grand raison, Monsieur, de croire
que tousnos confrères sont dans l'erreur en cherchañt
cette clé dans les vaisseaux liquoreux : c'est aux
nerfs , encore une fois, qu’il faut s'adresser ; ces ca-
naux immédiats de la vie sont aussi le siége du prin-
cipe des maladies, qui n’est rien que la dépravation
du suc nerveux, des esprits. Je ne suis ni le seul ni
le premier qui ait professé cette doctrine ; tant mieux,
ce que j'en publier ai encore aura plus de crédit contre
la foule nombreuse des médecins humoristes,
» C'est dans le systême nerveux, dans les houppes
nerveuses, dans les glandes qu’il faut chercher les
organes dépuratoires...... C'est des mammelons de
la peau que sortent les éruptions varioleuses , érysi-
pélateuses, etc. C'est dans les glandes , organes tout
niérveux , qu'il faut chercher le siége de la parotide,
du bubon, de l'anthrax , et ce sont les émonctoires
de nos bons aieux qui en yalaient bien d’autres, ....
€ 99)
» Je ne crois pas le tissu cellulaire plus propre aux i756
métastases... Ce n’est qu’un amas de cellules dépo-
sitaires de l’huile qui forme la graisse... Elles ne sont
encore telles que lorsqu'elles sont écartées par l'inter-
position de quelque matière.... Donc les nerfs seuls
sont les canaux cherchés. Eh ! qui pourrait les rem-
placer dans cette fonction ? C’est le seul canal par le-
quel les impressions se communiquent , se propagent,
du tronc aux rameaux et des rameaux au tronc. Qui
n'a pas vu la goutte, etc., sé porter en un clin-d’œil du
pied à la main, et réciproquement ?
» Je suis entièrement de votre avis, Monsieur > SU
l'excellence de l'émétique dans l’angine et autres affec:
tions sympathiques de celles de l'estomac. Les orga-
nes de ces sympathies sont évidents , l'intercostal à
la huitième paire , etc. , et les voies de communica-
tion bien connues, ne céderont jamais la place à
votre tissu muqueux, quelque éloquente que soit
votre dissertation en sa fayeur.….
» Au reste, Monsieur, cette petite diversité d’o-
pinion ne rabat rien de la haute estime et de la véné
ration que j'ai pour yous, etc., etc. »
Sans prendre aucun parti dans la querelle intentée
par notre estimable compatriote , je ne puis me dé-
fendre d’exprimer l'intérêt que cette lettre m'a ins-
piré, et par la noble franchise avec laquelle elle est
écrite , et par le ton de politesse qui se manifeste dans
toute la suite de la discussion. ( More de l’éditeur. )
Observation relative &une Femme morte pour avoir été
accueillie par un grand nombre de Sangsues ; par
M. Lecar.
La nommée Marianne ......, domestique chez
un cultivateur à Ambourville , alla, le 22 avril 1755,
& à
( 100 )
x757. laver , à la mare du Rond , quelques aunés de toile
Dise.
Les sangsues se portèrent en très-grande quantité
à ses jambes; mais, étant sujette à une ophthalmie ,
Marianne ne vit dans l'opération de ces inséctes qu’un
moyen propre à modérer cet accident, et les laissa sé
gorger de sang.
Une voisine l'ayant trouvée sans connaissance sur
le bord de la mare, alla ayertuir M. le curé qui s'y
rendit aussitôt.
Il la trouva revenue de son évanouissement , et
Jui fit prendre un peu de vin, On la reconduisit chez
elle , et on s’occupa alors de la débarrasser de ces
sangsues.
Elle tomba de nouveau en faiblesse et périt vers
les onze heures du matin.
L'auteur de cette observation n’attribue pas à la
seule succion des sangsues , la mort de cette infor-
tunée ; mais encore à leur qualité vénéneuse.
H en conclut la nécessité de n'employer jamais,
pour l'usage chirurgical, des sangsues prises dans
des eaux fangeuses,
Il signale ces insectes dangereux par une grosse
tête verdoyante , des raies bleues sur le dos.
Les bonnes sangsues , au contraire, ont la tête
petite , le ventre rougeñtre , le dos vert et quel-
ques raies dorées.
On les prend dans les mares dont l’eau est claire
et souyent renouvelée par des courants.
( to71 )
Examen critique de la\-dissertation de M. HALLeR ,
sur les parties sensibles et irritables des animaux.
Tel est le titre d’une dissertation de vingt-deux pages
in-4 , très- finement minutée, dont l’auteur est M.
Vannier, docteur, régent de la faculté de médecine
de Bourges,
On a tant écrit sur ce sujet et la matière est telle-
ment épuisée , que ce serait répéter inutilement ce
que tout le monde sait, que d'exposer en détail les
arguments de M. Vannier; je me contenterai d’in-
diquer la série des chapitres.
L’auteur expose dans le chapitre premier l'état
de nos connaissances sur la sensibilité et lirritabilité
avant la publication de la dissertation de M. Haller.
Le second est consacré à l'exposition de l'opinion de
ce médecin célébre.
Le troisième comprend les réflexions de M. Vannier
sur les expériences de M. Haller.
Le quatrième est destiné à la réfutation de l'opinion
de M. Haller , sur la sensibilité.
Le cinquième se propose la même tâche relative-
ment à l'irritabilité.
Dans le sixième, M, Vannier pose en principe que
le gluten des fibres n’est pas le siége de lPirritabilité.
Il établit dans le septième que lélasticité contribue
beaucoup à l'irritabilite.
Dans le huitième, que l'irritabilité dépend de la
sensibilité.
Et eufin , dans leneuvième , que l'irritabilité halle-
rienne ne peut être d'aucune utilité dans l'art de
guérir,
G 5
1757a
1757°
758.
€ 102 )
Cette dissertation , toute en raisonnements , montre
dans son auteur de l’érudition et une plume exercée ;
mais elle laisse à désirer des expériences directes
propres à infirmer ou à détruire celles de son adver-
saire.
Un défaut de beaucoup d'ouvrages polémiques est
de ne pas déterminer clairement la valeur des ex-
pressions que l’on emploie, et de regarder souvent
comme synonymes des mots qui ont une acception
différente.
Si on suivait toujours cette règle de logique , on s’é-
pargnerait bien des discussions , et l’on consacrerait
à des observations utiles un temps que ne compen-
sent pas toujours les plus brillantes spéculations.
Lettre de M, Lecat à M. D....., sur les avantages de
la réunion du titre de Docteur en médecine à celui de
Maitre en chirurgie. |
Je ne donnerai que le titre de cet ouvrage qui a
été communiqué au public par la voie de l'impres-
sion.
Observations météorologiques , en 1757 et 1758, pen-
dant. l’année académique ; par M. Lrcar.
La plus grande élévation du baromètre, 28p.51.,
les 29 ot 31 fanvier 1758.
Sa plus grande dépression, 7 p.71., les2r, 22 juil.
Le jour le plus froid, 22 janvier, 8 d. 1/2 au-
dessous de o,
Le jour le plus chaud, 9 juin , 26 d. au-dessus.
ts
(105 )
Le jour le plus humide , 25 janvier , hygromètre , 1758.
14 d. au-dessus de o,
Le jour le plus sec, en mai, 54 d.
Le 12 août, M. Duboullay étant à Orcher, a ob-
servé des colonnes de feu au couchant,
La nuit du 27 au 28 octobre, on a ressenti au Hayre
deux secousses de tremblement de terre.
Le 9 décembre, ona senti à Montiviliers une com-
motion pareille.
Le 17 février, tempête, éclairs , tonnerre, grêle.
L'année a été généralement sèche.
MALADIES.
En automne , quelques fièvres.
L'hiver et le printemps, on a observé des périp-
neumonies bilieuses , des rougeoles , des petites
véroles.
D’ayril en juillet , le mantelet catarrheépidémique
a été presque universel.
Il y a eu généralement peu de mortalité,
Mémoire sur les Hermaphrodîtes ; par M. Lecar,
Ce Mémoire , de quinze pages in-4° , contient un
assez grand nombre d'exemples de prétendus herma-
phrodites qui prouvent que la plupart d’entre eux
étaient des femmes vicieusement conformées dans les
organes sexuels.
Un d’entre eux donna lien à un procès capital.
Marie L..... jusqu’à sa quinzième année , avait été ré-
putée fille et en Kvait porté les habits, A cette époque
elle erut apercevoir en elle les signes de la virilité ;
GG 4
C104)
1759. elle en fit part à une jeune veuve qui, après bien
gJuiux60o1.
(Voir Mém.
de l’Acad.
117 50.
des incidents peu essentiels à cette histoire, consentit
enfin à l'épouser.
Marie L..... à vingt-un ans prit des habits
d'homme, et substitua à son prénom celui de Marin.
La justice cependant prit connaissance de ce fait ;
des visites furent ordonnées; Marin L...., déclaré
fille et, d'après des qualifications infamantes , condam-
née à être pendue et jetée au feu.
Sur l'appel interjeté au parlement de Rouen à UN
nouvel examen fut ordonné. De six médecins , deux
chirurgiens et deux matrones nommés comme ex-
perts , neuf déclarèrent Marin fille ; le seul médecin
Jacques Duval, (1) d’après un examen approfondi ,
reconnut les organes de la virilité , et que Marin
L..... n’était pas coupable,
Une seconde visite ordonnée , les opinions furent
de nouveau partagées. L'arrêt qui intervint condamne
Marin à rester sous les habits de fille jusqu’à l'âge de
vingt-cinq ans, ou que par justice il en ait été autre-
ment ordonné , etc. J’oir , pour les détails, le livre
que Jacques Duval publia alors sur ceite matière.
En 1749, Michel-Anne Drouard subissait l'examen
des comraissaires de l’Académie des Sciences de
Paris, Indépendamment des bizarreries sexuelles dé-
taillées aux Mémoires de cette société savante , M.
Morand observe que chez Drouard le bassin est très-
évasé , que la peau de la cuisse gauche est blanche
et douce, et celle de la cuisse droite est brune et cha-
grinée ; que Drouard a de la barbe , la poitrine ap-
nee e ee
(1) Agregé au collége des Médecins LE Rouen, en 1594 ;
mort en 1616,
C105)
platie par le haut et point de gorge , qu’il est ainsi 1759+
par le haut, et même généralement par-tout , plus
homme que femme,
En 1744, mourut à la charité un homme qui pré:
senta à ceux qui l’ensevelissaient des singularités
assez particulières pour les engager à en donner avis
aux chirurgiens de la maison , et M. Verdier fut
prié d’en faire l'anatomie. Au-dessous du penil, muni
de son urètre , était l’orifice du vagin. La matrice
était munie de ses deux ligaments ronds ; mais elle
n'avait que la trompe et l'ovaire du côté gauche.
Du cûté droit seulement on remarquait un testicule
extérieurement placé avec son canal déférent et ses
vésicules séminales. Cet homme avait sans doute les
éléments des deux sexes, bien qu'imparfaits , et forme
déjà un degré de probalité pour la possibilité des
hermaphrodites, L'histoire des enfants monstrueux
conduit même à l'explication physique de ces phé-
nomènes.
» Dans le même temps on montrait à Rouen un
enfant et un autre à Beauvais, qui étaient doubles
par le haut et simples par le bas.
L'un et l’autre avaient dans un bassin simple dou-
bles organes génitaux , on en a vu plusieurs autres dou-
bles par le bas. Il est tout aussi possible d’en voir qui
soient simples par le haut et par le bas, et qui ne
soient doubles que dans les parties de la génération.
Le monstre de Rouen avait dans son bassin unique
deux sexes féminins. Celui de Beauvais, deux sexes
masculins. Il n’y aurait rien de plus merveilleux qu’il
s’en trouvât un troisième qui unitles deux sexes diffé-
rents ; et ce troisième , vraiment hermaphrodite , se-
rait, comme tous les monstres , formé de la combinai-
son des matériaux et des mouvements de deux œufs,
dont le résultat est la suppression de toutes les par-
€ 106 )
:759. ties de l'un des embryons , à l'exception des organes
de la génération.
Le Mémoire de M. Lecat, qui contient la descrip-
tion de l’enfant monstrueux ci-dessus , n'existe point
dans nos archives ; mais nous avons de M. l'abbé
Terrisse , théologien profond et littérateur aimable ,
une dissertation dans laquelle il répond à l'objection
tirée de la difliculté de concilier les suites d’une pa-
reille naissance avec le dogme de la résurrection. « Je
ne me servirai, dit l’auteur , que des preuvestirées de
laraïison. .. La raison est un don de Dieu qui ne peut
devenir dangereux dans les mains de l'homme que
par le mauvais usage qu’il en fait en voulant l’étendre
au-delà de ses bornes... La certitude de la raison,
dans les choses qui sont évidemment conçues , n’est
pas moins fondée sur la véracité de Dieu que la certi-
tude de la révélation ; et je ne crois pas m’avancer trop
en disant que nous ne serions pas obligés de croire
les choses surnaturelles si la raison ne démontrait
pas, par des faits incontestables , que la religion qui
enseigne ces vérités mérite toute notre créance, »
C'estavec cette logique douce et persuasive que lau-
teur discute ces diverses propositions. Le monstre
dont il s’agit se compose de deux enfants : chacun
était parfait dans son principe, et ce sont des acci-
dents qui ont altéré leur intégrité primordiale. L’a-
dulte qui meurt à cinquante ans contient une bien
faible portion des parties élémentaires qui le consti-
tuèrent , et le même pouvoir qui reproduira l'adulte
parfait dont les principes disséminés ont reçu mille
modifications nouvelles, reproduira dans son inté-
grité l'homme parfait dans ses formes primitives, et
qui ne s’est présenté à nous imparfait et mutilé que
par des accidents étrangers à sa perfection originelle,
Cr07)
ones sms 0
De la communication entre les vaisseaux sanguins du
Jœtus et ceux de sa mère; par M. Lecar.
M. Lecat s'était beaucoup occupé d'expériences
propres à démontrer la communication des vaisseaux
uterins avec ceux du fœtus. Il en avait spécialement
entretenu l’Académie dans les séances des 4 juillet
1752, 2 mai 1754 et 13 décembre 1558. Les trois Mé-
moires relatifs à ces expériences ne se trouvent point
dans nos archives ; ainsi il ne nous est pas possible de
faire convaître la force des arzuments employés par
notre habile collègue pour établir cette communi-
cation. Le Mémoire nouveau dont j'ai énoncé le titre
est destiné à en fournir une autre preuve.
« Le5 décembre 1759, N..... accoucha à la gésine
de l’'Hôtel-Dieu de Rouen; durantle travail le cordon
ombilical se trouva engagé entre la tête et le bassin. On
sentit assez long-temps le battement des artères om-
bilicales dans la portion du cordon sortie. Le batte-
ment cessa, et un quart-d’heure après l’accouche-
ment fut terminé ; mais l'enfant était mort.» L'auteur
poursuit :
» Sila vie de l'enfant ne tient pas à la libre commu-
nication de ses liqueurs avec celles de sa mère, je
demande comment la suppression de cette commu-
nication, par la compression du cordon ombilical , le
fait-elle périr presque aussi promptement que si on
l'étranglait ?
» On sait que le fœtus ne respire pas dans le sein de
sa mère , et qu’il a sa circulation à part. Dès qu'il
respire on lie impunément le cordon. ....
» Quand il respire , il introduit lui-même dans son
sang cette influence de l'air qui est essentielle à sa vie,
€ 108 )
1759: comme nous avons vu dans notre physiologie ; au liew
que quand il ne respire pas encore, les liqueurs de la
mère , qui respire pour lui , portent dans celles de ce
fœtus cet air nécessaire. Ainsi, dès qu’on supprime
cette transfusion... son cœur cesse de battre ; il n’y
a plus de circulation , et l'enfant périt ».
Observation médico-chirurgicale ; par M. Lamazuède ,
bachelier en médecine et professeur en chirurgie, à
Lima.
« Le 18novembre 1757 (c’est l’auteur qui parle) je
fus appelé chez M... âgée de trente ans; je la trou-
vai dans son lit , attaquée d'une fièvre lente accom-
pagnée d’une grande difficulté de respirer , qw’il était
naturel d'attribuer à l'énorme tuméfaction de son
ventre. La fluctuation y décéla un fluide épanché, et
je ne doutai pas que nous n’eussions affaires à une
ascite.
» Le cas étant urgent, je proposai une consultation,
et la paracenthèse fut reconnue inévitable..... Mais
quel fut mon étonnement lorsqu’au lieu d’un fluide
séreux , je vis couler par la canule une liqueur lai-
teuse et inodore , à la quantité de trente-cinq livres ?
L’écoulement fut interrompu à diverses reprises par
des paquets de poils qui bouchaient l'ouverture de la
canule , et que je fus obligé d’écarter avec un stylet.
Cette considération , jointe à l'exploration du ventre
qui , débarrassé d’un fluide assez copieux, présentait
encore à l'hypogastre une tumeur rénitente, me fit
soupçonner la présence d’un corps organique , etmes
soupçons se fixèrent sur la probabilité d'une grossesse
extra-utérine. J’interrogeai..... Les réponses de la
malade confirmèrent mon opinion, et je ne dus m'oc-
( 109 )
tuper que des moyens de la débarrasser d’an corps 17594
étranger dont le séjour devait avoir des conséquences
funestes..... [L'opération césarienne se présentait
naturellement ; mais je ne dus m’y décider qu'après
avoir fortifié mon sentiment de celui de confrères
éclairés , et particulièrement de M. de Jussieu qui
jugea l'opération indispensable..... J'y procédai le
premier décembre , sous les yeux des consuliants ; et
ayant incisé les téguments et le péritoine , j'atteignis
Ja tumeur élle-méme que j'ouvris dans toute sa lon-
gueur. 1l en sortit un fluide de la même nature de
celui que j'avais obtenu par la paracenthèse. J'aurais
bien désiré de pouvoir enlever ce corps étranger ;
mais son adhérence intime avec le péritoine , luté-
rus, les intestins, etce., me fit sentir l'impossibilité de
le faire sans blesser des parties délicates et importantes
que j'avais le plus grand intérêt de ménager. Je remis
l'intestin et l'épiploon en place ; je fis des injections
vulnéraires et réunis les téguments par des sutures
entrecoupées. Indépendamment du fluide ci-dessus ,
il sortit encore de la tumeur un morceau de la mà-
choire inférieure avec deux dents incisives.... La
malade avait soutenu l'opération avec un courage
héroïque. Les quinze premiers jours qui la suivirent
se passèrent sans de grands accidents; mais ceux qui
succédèrent ne furent pas aussi heureux, La fièvre
s'alluma , les douleurs s’accrurent , la soif devintinex-
tinguible ; enfin la malade succomba le 2 janv. 1758,
» Nous nous réunimes de nouveau pour en faire lou-
verture , et nous reconnûmes qu'il eût été impossi-
ble de faire l’extirpation de la tumeur sans porter à
l’épiploon , au péritoine , à l'iléleum et au colon,
enlin à l'utérus lui-même des atteintes funestes.
» Cette tumeur fut enlevée avec l'utérus et ses an-
nexes. Le sac dans lequel nous trouyàmes des cheveux
{ 110 )
1759. des dents, au nombre de seize, des yeux, les débris
1749:
3756.
enfin d’un fœtus presque entièrement désorganisé et
détruit par la suppuration, était la trompe du côté gau-
che : son extrémité utérine était entièrement oblitérée.
» Les diverses portions de l'enfant étaient comme
enchassées dans diverses cellules que l’on obser-
vait à l'intérieur de la trompe ,; et tellemert adhé-
rentes à sa substance , qu’il eût été impossible de
les enlever sans les disséquer.
» J'aurais bien des réflexions à faire sur cette
maladie extraordinaire qui eût inévitablement con-
duit la malade au tombeau; je les abandonne à
la discrétion du lecteur judicieux , que je prie de
peser les circonstances malheureuses dans lesquelles
je me trouvais , avant que de me taxer de témé-
rité et d'imprudence. »
AAA AAA
SCIENCES PHYSIQUES.
Dissertation sur la couleur des Nègres ; par M. Pincré,
Le but de lestimable auteur de cette disserta-
tion est de prouver que tous Jes hommes ont
une même origine, et que la couleur noire des
Affricains est un accident dont la chaleur brûlante
de leur climat est le principe.
J'ouvre Ovide , dit M. Pingré , et jy lis à la
fable de Phaëton :
Indè etiam Æthiopes nigrum traxisse colorem
Creditur.
Ce qui prouve que dans les beaux siècles de
Rome, et dans le temps où les lumières y étaient
Carr 3
le plus répandues, on avait l'opinion que les noirs 1745,
avaient été originairement blancs , et que l’impres-
sion d'une chaleur extraordinaire et permanente
était capable de convertir cette blancheur origi-
nelle en une noirceur plus ou moins saturée, Je
ne suivrai pas M. Pingré dans les explications quil
prétend donner de ce phénomène ; cet homme ai-
mable qui a brillé dans la carrière astronomique
n’était pas physiologiste ; et il a proposé, sous ce
rapport , des idées que l’état actuel de nos con-
naissances ne permettrait point d'adopter.
Réponse à la lettre de M, Dieres-Dumanoir , sur la
couleur des Nègres ; par M. Lecar.
Quoique la date de cette dissertation soit beau-
coup plus récente que celle de la précédente ,
l'identité du sujet m’a déterminé à réunir ces deux
notices.
IL s'était engagé une querelle littéraire sur la
couleur des nègres , et M, Lecat y avait pris
une part tellement active qu’il composa ex pro-
Jesso un petit ouvrage sur cette matière,
Il avait donné le nom d'éthiops animal au pig-
mentum nigrum de la choroide, et à celui qui
colore l'épiderme des nègres. Ce fut un motif de
dispute, et notre confrère défendit son sentiment
avec chaleur. Si la comparaison de son éthiops
animal avec lPéthiops minéral n’était pas d’une
justesse rigoureuse , il soutenait avec raison que
l’altération de la bile n’était pas le principe de la
couleur des nègres , puisque la bile d'un nègre
qui se porte bien est jaune comme celle d’un blanc,
1759
752.
Henric. Co-
hausen , lu-
mennovum,
etc,
Trans. ph, t.
A5,p-447:
( 112)!
et que l’ictèré noir est une maladie grave pour
l'Africain comme pour le Français; ajoutez que
l'ictère noir est communément accompagné d’une
teinte jaune que la peau des nègres n'offre pas.
Les personnes curieuses trouveront dans les ou-
vrages périodiques des années 1756 et suivantes ,
cette matière amplement discutée ; et ne liront pas
sans intérêt la dissertation qué M. Lecat publia
en 1765.
C'est en parlantde cet ouvrage et de ses lecteurs ;,
que l’auteur s'exprime ainsi : « Je férai mes eflorts
dans l'ouvrage auquel je travaille , pour obtenir
pleinement leur suflrage , et le vôtre sur-tout ;
Monsieur , qui me flattera infiniment ».
Sur les Incendies spontanés de l’Economie animale ;
par M. Lecar.
Ce Mémoire , lu à la séance publique de l'A-
cadémie , le 1°" août 1752 , est partagé en deux
parties , l'une historique, l’autre physique.
PREMIÈRE PARTIE.
Après quelques observations générales sur la pro-
priété que le feu a de pénétrer tous les corps,
sur la phosphorescence d’un grand nombre d'ani-
maux, et de l'homme en particulier , l’auteur ex-
pose sommairement des faits relatifs à son objet.
1° L'histoire d’une pauvre femme de Paris, très
adonnée à la boisson des liqueurs alcooliques ; elle
prit en feu dans son lit, et fut toute réduite en
cendres , excepté son crane et l'extrémité de ses
doigts. j
« La comtesse Cornélia Baudi, de Césène , âgée
de 62 ans, se portait assez bien. Un soir, à soæ
per s
ém3 )
per, elle parut pesante , assoupie... Elle se cou-
cha et s'endormit... Le lendemain , sa femme de
chambre, voyant que sa maitresse ne s'éveillait pas
à l'ordinaire , entra ‘dans sa chambre et lui parla.
N’en ayant point obtenu de réponse , elle donna
du jour à sa chambre, et vit le corps de sa maî-
tresse dans l'état déplorable qui suit :
« À quatre pieds de distance du lit était un tas
de cendres dans lequel on distinguait les deux
jambes , une portion du crâne et trois doigts en
charbon... La cendre était onctueuse , et l'air de
la chambre était chargé d'une suie légère.
La comtesse était dans l'usage de se frotter le
.corps avec de l'e:prit de vin camphré,
« Les mêmes Mémoires contiennent l'histoire d'une
marchande de poisson de la ville d’Ipswich qui
fut trouvée presque toute en charbon couvert d’une
cendre blanchâtre. Les meubles voisins wavaient
point été altérés,
» Cette femme avait bu la veille, et largement, de
l'eau-de-vie.
» Je passai, dit M. Lecat , les derniers mois
de 1724 et les premiers de 1725, dans la ville de
Reims. J'étais logé chez le sieur ....., sa femme
était continuellement ivre..... Cette femme , le 25
février, se trouva consumée dans sa cuisine , à un
pied et demi du foyer. Tout son corps était réduit
à une espèce de terre grasse , à l'exception d’une
partie de la tête , d’une partie de l'extrémité infé-
rieure et de quelques portions de gros os.
» Cet accident donna lieu à un procès capital ,
dont les accusés sortirent enfin victorieux, mais
après avoir éprouvé une pénible captivité et sup-
porté le poids d’une procédure ruineuse.
L'auteur ajoute à ces lustoires une relation qui
Tome 1, 1551 à 1760. KR
La
as
1752,
Crr4 )
lui a été communiquée par un respectable ecclé-
siastique , voisin de Me de B.....
» Cette dame , âgée de quatre-vingts ans, fort
maigre , depuis plusieurs années ne buvait que de
leau-de-vie : son ordinaire était quatre pots par
mois.
» Etant assise auprès de son feu , dans un fauteuil ,
sa femme de chambre la quitta un instant ; elle voit, en
rentrant, sa maîtresse tout en feu. Elle demande
du secours; on accourt , on s’empresse ; l’eau et
tous les autres moyens sontinutiles-: tous les viscères ,
toutes les chairs sont consumés , et il ne reste
5 jninr 7892.
J, de Méd,
£ottis 59+ Pe
Ed
re
re
Ibid,
dans le fauteuil que le squéletie enfumé. Le fau-
teuil n’était qu’un peu roussi. ”
» Ce qui me fait présumer , ajoute lanteur de
ceue lettre, que l'usage de Feau-de-vie potrrait
bien être la cause de cet accident , c’est un événe-
ment. tout pareil , arrivé il y a trente ans à la
porte de Dinan , dans des circonstances toutes pa-
reilles. «
Ici finit la partie historique du Mémoire de:M.
Lecat.
On peut ajouter à ces histoires, 10 celle de la
combustion de Ml: Thouars , à Caen, et dont le
procès-verbal, par M. Meville, est consigné dans
le Journal de Médecine ; 2° la combustion de Marie-
Avne Jauffret , femme Gravier, d'Aix en Provence.
L'une et l’autre de ces malheureuses victimes avaient
long-temps fait un usage abusif des liqueurs alcoo-
liques ; 5° la combustion de la dame Julienne ;
4° le fait consigné dans les Mémoires de l'Académie
des Sciences de Paris, 1751, page 75 ; et enfin,
l'article Combustions humaines spontanées , du Dic-
Tome 6. tionnaire des Sciences! Médicales.
I faut observer que presque. toutes les per-
& 125.)
sonnes connues mortes victimes de ce funeste ac-
cident , étaient des femmes âgées , extraordinaire-
ment grasses ou maigres , toutes faisant un usage
excessif de liqueurs spiritueuses ; que les seules
parties épargnées quelquefois étaient les extrémités
et le crâne ; que les viscères abdominaux , les poul-
mons , elc. ; le cerveau, si difficiles à incinérer ,
avaient presque toujours été détruits par la com-
bustion ; que le feu du foyer , lorsqu'il en a existé,
a toujours été physiquement incapable d'opérer
par lui-même la combustion d'un corps, humain ;
et que les meubles les plus combustibles et les
plus voisins du sujet malheureux de la combustion
spontanée , ont été trouyés ou intacts ou tréslégè-
rement altéres.
D'où il faut conclure que le principe de Ja
combustion était intime, plus particulièrement in-
bérent aux viscères abdominaux et aux autres yis-
eères, et que le feu extérieur n’a servi qu'à allu-
mer le fluide comburant accumulé , et qui n’at-
tendait qu'uue étincelle pour faire explosion.
DEUXIÈME PARTIE.
M. Marc, auteur de l'article du Dictionnaire des
Sciences, Médicales | où il est question es com-
bustions humaines spontanées , explique én peu de’
mots, et d’une manière satisfaisante, ce phéno-
mène redoutable par l'accumulation du gaz hy-
drogène dans les cellules de nos tissus ; gaz" capas
ble de s’emflammer au moindre contact de la ma-
tiére ignée.
Cette combustibilité est déterminée par l'asthénie
qu'occasionnent l'âge , les maladies , une vie inac-
tive et les excès , l'abus des liqueurs fortes et
FI 2
7
p
9
2
CL
1”
2
2
(116)
. surtout de l’eau-de-vie..... Cet état peut donner
lieu , dans certains cas, à la formation d’'ane masse
de substance inflammable. ....
» La substance combustible doit avoir la pro-
priété de pénétrer aisément dans Îles cellules , de
s’y accumuler et de ne rien perdre de sa combus-
tibilité par le contact avec les liquides. Il n’est
aucun corps qui réunisse mieux ces conditions que
les gaz inflammables... La production du gaz
hydrogène , durant la vie, n’étant pas douteuse ,
il doit être permis d’admettre son accumulation
dans les tissus cellulaires; et on conçoit alors la
rapidité de la combustion d’un corps abreuvé , sa-
turé d'hydrogène ; et il suffit pour l’exciter du
voisinage du foyer, de celui d'uve chandelle,
d'une étincelle électrique même, excitée par quel-
que circonstance que ce soit.
M. Lecat, à l’époque où il écrivait, ne connais-
sait pas les propriétés du gaz hydrogène et de
ses diverses espèces, ce qui augmentera encore
l'intérêt de Pexplication qu’il propose.
Il établit d’abord que le feu pénètre tous les
corps; quil est le principe de la fluidité; que les
corps gras en contiennent de grandes proportions;
que des étincelles électriques sortent en certaines
circonstances des corps animés ; que nos humeurs
desséchées , s'enflamment avec la plus grande fa-
cilité ; que l'urine contient la matière du phos-
phore ; que la bile et les calculs biliaires sont ex-
trémement inflammables ; que la graisse hnmaine,
par un long séjour dans les amphithéâtres, devient
Jumineuse ; que si on lie les deux orifices d’un es-
tomac, et qu’on le comprime en y pratiquant un
petit trou d'épingle, la vapeur qui s’en échappe
s’enflamme sion ea approche une bougie allumée...
117 )
qu'une femme mourante , au rapport de Borelli, 1752.
vomit des flammes... que nous sommes ainsi pé-
nétrés de matières combustibles ; qu’à ces phos-
phores naturels nous en ajoutons de nouveaux , par
l'usage continué des liqueurs ardentes , et qu’en
pétrissant, pour ainsi dire, nos viscères avec des
matières ignées, nous les disposons à s'enflammer
avec plus de facilité.
Il s’exhale continuellement de notre corps des
matières subtibles qui lui forment une espèce d’at-
mosphère; cette atmosphère, participant aux prin-
cipes inflammables dont nous venons de parler ,
peut, au moindre contact d'une lumière, porter
l’incendie jusque dans nos viscères les plus inti-
mes : que ces matières inflammables soient ana-
logues à celles des feux grégeois, et l'incendie ré-
sistera à l'eau dont on se sert vainement pour
l'éteindre.
M. Lecat ne manque pas d'observer que ces ac-
cidents étaient plus fréquents chez les femmes que
chez les hommes ; et que la vie oisive contribuait
singulièrement à l'accumulation , dans nos cellules,
des matières inflammables. Il termine son Mémoire
par la réflection suivante :
» Ce phénomène a cela de consolant, qu’il est
aisé de nous en préserver par l’abstinence peu
difficile des excès qui ont coutume de l’occasion-
ner... et la morale même peut tirer aussi de nos
observations un avantage précieux. «
H 5
722,
( n16)
Description de la Tortue,le Luth; par M.DescROISILLES,
Apothicaire à Dieppe.
Te Mémoire dont je vais présenter l'extrait, est
anonime , et ce n'est que par des recherches faites
dans le registre de l'Académie que j'ai décou-
vert quel en était l'auteur, ét que je puis le si-
gnalér à la reconnaissance de l'Académie.
Le #5 octobre 1752, à deux lieues de Dieppe,
au nord-ést, et à une demi-lieue de la terre, il à
été ptis un poisson extraordinaire, qui , eu égard.
à sa fisare, parait devoir être rapporté aux tortues
de mer. Aussi at-il été regardé d’abord comme
ün vräi Carét, même par des navigateurs qui se
prétendent connaisseurs ; mais comme le test dé
notre tôrlüe est membranex , et celui du Caret
écailléux ; il n’est pas permis de confondre des
espècés 4? distinctes. M ;
J'ai comparé la description de M. Déscroisilles
avec eellé de M, le comte de Lacépède ; et fai
reconnu entre elles une‘éntière conformité. Îl en
est dé métié dé la figure dont M+ Descroisiles
acconrpagie sa description et:,de celle de’ M. de
Lacépède : ainsi il est hors dé doute que le poisson
pêclié sar la éôte de Dieppé ne soit le Jurh ; on
la tortue coriace de Linhé. | |
Je ne répéterai point une description qu’on lira
avec un double intérêt dans le Naturaliste français :
je me contenterai d'exposer les dimensions de la
nôtre.
Elle était longue de six pieds sept pouces, la
tête et la queue comprises.
(ug)
Sa largeur était de quatre pieds environ, et son 1754.
épaisseur de trois pieds. Elle pesait de huit à
neuf cents livres. |
La longueur des nageoires antérieures était de
trois pieds, leur largeur d’un pied.
Les deux nageoires postérieures étaient plus petites
que les précédentes,
La queue exccdait de dix pouces le corcelet,
qui en cachait une partie.
Un filet tendu pour la pêche du hareng aurait
été incapable d'arrêter un poisson pareil. Il s’em-
barrassale col dansle cordage qui soutient le filet,
et les pécheurs l'ayant apperçu à la pointe du jour,
craignirent d'abord d'en aprocher; mais, rassurés
enfin ,ils l’'amarrérent , et l'entrainèrent vivant jus-
qu’au port. En lrexaminant , on s'aperçut qu'il avait
sur le dos deux poissons qui y paraissaïent collés :
c'était deux échénéis ou rémora , poisson sur le-
quel Pline a deébité tant de fables. +
À cette dissertation de M. Descroisilles, j'ai trouvé
annexée une lettre de M. Feret à M. Pingré, qui
contredit la description ci-dessus en n'accordant
que dix-huit pouces d'épaisseur. Cette même lettre
contient une particularité qui montre combien est
grande la force des nageoires de cette énorme
tortue: c’est que sans autre secours elle s’était trainée
à plus de six pieds ; ce qui fait présumer ‘que, si
elle eût été abandonnée sur le sable , à peu de
distance de la mer, elle s'y serait replongée en
peu de temps. |
( 120 )
1755. Description d'un Mät et autres manœuvres, pour
l’usage des Lunettes de trente pieds et plus.
Quoiqu'il soit difficile de faire bien connaitre ,
par une simple description , et sans le secours des
figures , une machine assez compliquée , j’essayerai
de donner une idée de celle dont je viens d'offrir
le titre.
Elle consiste dans un mât de trente-cinq pieds
de hauteur environ , élevé perpendiculairement,
et solidement fixé à sa base par une bonne ma-
çonnerie.
Au uiers inférieur de sa hauteur , ce mât est
coupé et réuni par une bonne charnière en fer,
de manière à pouvoir s'élever ou s’incliner à vo-
lonté.
La pièce mobile est inférieurement terminée par
une forte queue qui vient se fixer , au moyen
d’une clavette ; à la base du mât ; et alors la per-
pendicularité du tout est parfaite,
L'extrémité supérieure de la pièce mobile est
garnie d'une contre- poulie à pivot , et qui peut
ainsi tourner à volonté, Cette poulie reçoit daus sa
gorge, Ja, corde principale qui doit supporter et
élever. la lunette ; mais elle ne remplit cette fonc-
tion que, médiatement , en soutenant une double
poulie , sur les gorges desquelles passent les cordes
qui supportent réellement la lunette, à laquelle
on peut, à ce moyen, donner tel degré d’incli-
naison jugé nécessaire,
Le balancement d’une lunette aussi longue , et
sur laquelle le vent lui-même peut ayoir uue action
CA2m)
nuisible à l'observateur , ont déterminé à fixer au
mât, par un fort tenon aux deux tiers de sa hau-
teur totale , et perpendiculairement à son axe,
une traverse en bois, de cinq à six pieds de
longueur. L'autre extrémité de cette traverse en
reçoit une second2 horizoniale avec le mât, et
formant , avec la première , une double équerre,
la lunette ainsi doublement appuyée et contre la
traverse et contre le mât, conserve une fixité assez
grande pour seconder tou‘es les intentions de l'ob-
servateur,
Conjectures sur l’usage de la marmite de Papin,
adressées à M. de BuFFow ; par M. l'abbé VREGEON.
L'auteur débute par cette question qu’il avait
déjà soumise à M. l'abbé Nollet, et sur laquelle
il demande le sentiment du Pline français.
» Les sucs tirés des os par le moyen de la
machine de Papin sont-ils d'un bon usage ? N'en
doit-on pas craindre la dureté prématurée de ses
os? N'en hâtent-ils point la parfaite solidité, cause
prochaine de la destruction du corps animal?
M, l'abbé Vrégeon joint à cette question la copie
de sa lettre au savant professeur de physique ex-
périmentale , et la réponse qu'il en reçut : réponse
propre à rassurer notre consultant méticuleux
sur les dangers d’une vieillesse prématurée.
Son Mémoire ne dit rien de la réponse qu'il
reçut de M. de Buffon ; mais il offre une anecdote
d'un grand. ivtérét pour toutes les personnes qui,
avec des démi-connaissances, se permettent de
tenter des expériences dangereuses,
1753,
1754
1754
(1329
J'avais espéré trouver , à l’aide d’un microscope,
dans mes bouillons aux os, des parties d’une con-
figuration bien différente de celles des autres , et
m'en étais promis des arguments irrésistibles.
» Des g'obules sans nombre avaient été tout ce
que j'avais pu assurer d'avoir vu. Je voulus ensuite
forcer les eflets de ma machine ; je la forçai elle-
méme ; et peu ne sen fallint que je n’en devinsse la
victime. Quelques charbons ajoutés à la mesure
ordiiaire firent bien de l'ouvrage : la marmite
et son fourneau , emportés avec fracas , me firent
prendre pour toujours la résolution de renoncer
à mes expériences. »
Combien de curieux imprudents n’en ont pas
été quittes à si bon marché, et on payé de leur
tête leurs tentatives indiscrètes.
Tremblement de.terre du 1° novembre 1755.
Voici l'extrait ane lettre de M. Dubocage à
M. Lecat.
« Vous êtes vous aperçus dans vos cantons,
d’un tremblement de terre que nous avons res-
senti dans le nôtre, vers les dix heures et demie
du matin. Il n’a été cependant bien sensible que
par le mouvement des eaux... C'était Pheure de
la grand’messe , et je n’ai pu recueillir plus de trois
observations , dont deux se sont faites chez moi.
» La plus digne ‘de remarque, cependant , c'est
que le bassin du Havre, dont vous connaissez la
disposition ; étant alors plein d’eau , quoique la
mer fût presque entièrement retirée , il se fit une
agitation qui mit: tous les bâtiments en mouvement
{ 125 )
et les fit rouler comme s'ils eussent été en mer...... 17554
Cela dura à peine quelques minutes.
” A Bléville, qui n’est éloigné du Havre que
d’une lieue, à la même heure , on vit l’eau de ma
grande mare <e porter d'un bord à l’autre, à-peu-
prés comme les vagues de la mer..... La même
chose a été observée à une autre mare que jai
ici à Guenneville, Elle n’est séparée de la fosse
au fumier, que par une digue de quatre à cinq
pieds d'épaisseur sur deux de hauteur.
» L’agitation de cette mare fut télle, qu'une par-
tie de ses eaux franchit la digue et passa dans la
fosse au fumier.
» La direction était du nord au sud. «
Voici un autre extrait d’une lettre de M. le Lieu-
tenant général de police de Caen , à M...
» Il y à environ un mois (1) que la rivière d'Orne
se souleya dansune longueur de deuxlieuesenviron,
à cinq à six pieds au-dessus de son lit, et le fond,
en quelques endroits, a été vu à sec... Plusieurs
fontaines voisines de Ja rivière se sont tariés. o « « «
et on a vu des flammes s’élancer des marais,
Remarque sur la lumière et le feu refléchis par des
miroirs; par M. Lecar.
La physique a peu de phénomènes plus célé-
bres , plus intéressants que ceux qu’elle produit
elle-même avec le feu et la lumiére..... L'utilité
et la curiosité sur-tout ont multiplié les instru-
2
(1) Le rapprochement des dates indique le 1° de novembre,
Ci24)
1756, ments de l'optique, et les ont fait passer du cabinet
Mémoire de
des
l’Acad
Sc. 1747.
[4,1
EX |
.
des savants dans les boudoirs et jusque sur la toi-
lette des belles. |
Où ne trouve-tton pas aujourd'hui des miroirs
planes et concaves ; des lorgnettes, des micros-
copes , etc.; eic, |
» Le miroir avec lequel Archimède brüla la flotte
de Marcellus, et que Descartes même regardait
comme fabuleux ,'a été exécuté de nos jours par
M. de Buffon, et les expériences de M. Dufay
rendent les effets du miroir d'Archimède très-
croyables, Les rayons solaires , suivant ce savant,
réfléchis par un seul miroir plane et reçus à plus
de huit cents pieds sur un miroir cave de dix-sept
pouces de diamètre, brülait encore des matières
combustibles au foyers de ce dernier. Que serait-ce
si ce miroir concave eût reçu à cette distance le
foyer du miroir d'Archimède ? Mais ces belles
expériences. supposent la présence du soleil , et
on n’en dispose pas toujours à son gré. On a tenté
d’y substituer le feu d’un foyer très-ardent ; et, à
l'aide de deux miroirs concaves, on‘est parvenu à
ermbrâser au foyer du second des matières très-
combustibles , comme l'amadoue , la poudre à canon.
Ceite expérience curieuse fat répétée à la séance
publique de l'Académie, en l’année ci- dessus in-
diquée.
Observation de sauterelles rendues par les voies in-
Jérieures ; par M. Praïnpez , D. M. au Havre.
» Vous désirez, Monsieur, ( Lecat}) d’étre éclairci
sur un événement arrivé au Havre dans le mois
de juillet dérnierl; je puis avoir Phonneur de vous
(125)
satisfaire ; puisque j'en ai été témoin. Voici le 1757.
fait :
« Lesieur L....tourmenté de coliques , de degoûts,
défaut d'appétit avec mal de tête et étourdisse-
ments depuis quinze jours ou trois semaines, me
fit appeler. L'ayant examiné attentivement , je lui
prescrivis une saignée du bras qui ne procura au-
cun soulagement..... J'ordonnai le surlendemain
une purgation composée de demi-once de tablettes
diacarthami , et autant de sel d'epsum. L’évacuation
fut abondante ; il s'y trouva une quantité considé-
rable de sauterelles.
» Les parents , effrayés de cet événement, vinrent
sur-le-champ.m'inviter de me rendre chez le ma-
lade, J'y fus ,et recounus que ces insectes étaient
véritablement des santerelles de diverses couleurs,
On en distinguait facilement toutes les parties,
Leur longueur était environ d’un pouce; il y en
avait cependant de plus ou moins grandes, Elles
étaient mortes et avaient les ailes ouvertes.
» Je q'estionnai le malade sur son genre de vie ;
ce qu’il avait mangé? Il me dit que depuis un
mois, se promenant dans les marais aux environs
de la citadelle , il y cueillit une espèce de poirée
blanche dont il mangea plusieurs feuilles crues ;
qu'il en apporta chez lui; qu’elles y furent cuites ;
que sa femme et ses enfants en avaient mangé sans
en être incommodés.
A la première évacuation en succéda une seconde
en ma présence , avec encore beaucoup de ces in- 4
sectes. Le lendemain le malade en rendit aussi,
mais en moindre quantité.. .... Je lui lis prendre
alors Pæthiops minéral , qui lui fit rendre une quantité
d'humeurs séreuses, épaisses et de la couleur des
sauterelles et depuis le malade se porte bien...
1799
( 126 )
» Il se trouvait probablement sur les feuilles que
le malade avait mangées crues, des œufs de ces
insectes que la chaleur des intestins avait fait clore...
Je joins ici, Monsieur, deux de ces sauterelles
qui me sont restées ; elles ont diminué de gran-
deur en séchant, etc.
A cette lettre se trouve annexé un extrait d’une
lettre de M. Salerne , médecin à Orléans , à M.
Rondeaux , maître des comptes,
« L'observation des petites sauterelles est fort
singulière et néanmoins croyable. On a trouvé ici
dans un œuf de poule frais, un ver blanc et trans-
parent , long d'environ un pied et demi, comme
articulé et composé de plusieurs étranglements. Il
est sorti tout vivant de l'œuf dont il ayait consommé
le blanc presque totalement - . Un de nos confrères ,
dont les poules sont sans coq, a trouvé dans un
œuf frais mollet un cœur de poulet bien formé.
» Un chien a rendu par la voie des urines un
ver rouge tout vivant de la longueur de deux
pieds. Je conserve tous ces objets dans l'esprit de
vin «
Curiosités naturelles des Carrières d’Albert et de Faux;
par M. l'abbé Jacquix.
« Descendu pour la troisième fois dans la carrière
d'Albert, j'ai tout examiné avec une attention nou-
velle, etje consigneicile résultat de mes observations.
» 1° Depuis mon dernier voyage, le propriétaire
de la carrière y a fait creuser, vers le milieu, une
petite pièce d’eau de six pieds environ de profondeur;
et l'eau qui s'y réunit, très-belle et très-limpide, se
(127 )
trouve au niveau du puits du propriétaire, à trente-
cinq pieds environ de profondeur.
» Quelle que soit la pureté apparente de cette eau,
elle est cependant chargée d’une grande quantité de
corpuscules pierreux qui incrustent les corps qu’on
y laisse séjourner,
» L’ébullition m'a montré des résultats analogues-
Le vase s’est trouvé recouvert, par cette opération,
d’une couche très-sensible de substance pierreuse.
» En examinant la tranchée que Pon a été oblige de
faire, et cherchant à reconnaître ses diverses stratif-
cations, j'ai découvert un lit de tourbe d’une qualité
bien supérieure à celle que l’on rencontre dans le voi-
sinage et plus près de la superticie du sol. Cette per-
fection me paraît dépendre et d’une plus grande ma-
turité, et d'une coudenusation plus considérable, par
la superposition d'une couche de terre plus épaisse...
» A l'entrée de la carrière, j'ai entendu un bruit
sourd et régulier dont j'ai recherché la cause. J'ai re-
connu qu’il était dû à la chute de gouttes d’eau qui
filtraient à travers l'épaisseur de la voûte. Des in-
crustations trouvées auprès me font estimer que cette
eau est pareïllement chargée de principes pierreux.
» En revenaut d’ Albert, ayant passé quelques jours
à Vaux, près Corbie, je visitai une carrière voisine,
J'y découvris plusieurs cailloux couverts en dehors
de stalactites , et contenant de belles crystallisations.
En avançant j'aperçus dans la pierre des cavités ma-
melonnées; en dedans, entre les mamelons, se trou-
vaient desstalactites crystallisées. Elles ressemblaient
à des massepains percés à jour de tous les côtés.
» Dans un ruisseau voisin et près d’un moulin, j'ai
trouvé un oursin usé par le mouvement des eaux et
des cailloux dont l'intérieur offrait des crystallisations.
» On tire de la carrière de Vaux deux espèces de
1797
( 128 )
1757 pierre calcaire, l'une très-dure et propre pour tous
les ouvrages découverts; l’autre plus tendre, mais
du grain le plus fin et le plus uni, se prète à la sculp-
ture et à toute espèce d'ornements. La Somme passant
à une demi-lieue au plus de la carrière, la ville d'A-
miens pourrait s'en procurer à très-bon compte ; et
c’est un avantage que je dénonce à MM. les architectes
et entrepreneurs de bâtiments d'Amiens et des en-
virons, Le nouveau bâtiment de l'abbaye de Corbie
prouve et la solidité de cette pierre, et le beau poli
dont elle est susceptible. »
Mémoires de Physique; par M. l'abbé VRÉGEoN.
Nous réunirons ici plusieurs Mémoires de M. l’abbe
Vrégeon , tous relatifs à la physique, et communiqués
à l'Académie à-peu-près sous la même date.
Le premier contient une observation sur le phos-
phore, et un système d'amélioration de la machine
preumatique.
« J'avais, dit notre confrère, devant moi deux fla-
cons parfaitement semblables. L'un, rempli d’eau :
contenait mon phosphore ; l’autre conteuait de l’esprit
de vin.
» Dans le désordre inséparable même des plus pe-
tites assemblées, mon flacon au phosphore fut cassé,
N'ayant rien de plus commode sous la main, je plon-
geai mon phosphore dans l'esprit de vin...,. Quinze
jours après, voulant m'en servir pour répéter quel-
ques expériences, je fus bien surpris de le trouver
presque entièrement éteint. ....
» Ce même esprit de vin, mis sous le récipient de
la machine preumatique, devient à un certain degré
de
( 159 )
de raréfaction lumineux, au point de remplir le réci-
pient d’une flamme légère; mais la lumiére dimivue
sioncontinue lararéfaction, et disparait dans le vide. »
Des caractères tracés avec ce même phosphore sont
à peine lumineux; mais frottés avec violence, la dé-
flagration totale et subite du phosphore peut compro-
mettre les doigts. Il coule en gouttes de feu qui ne
s'éteignent que lorsque la matière est totalement con-
sumée.
« L'expérience suivante, dit M. Vrégeon, est du
nombre de celles que le hasard m'a fait faire.
» Je voulais voir si l'eau d’huître corrompue ne don-
nerait pas quelque Inmière, étant agitée dans le vide.
Je n'en ai remarqué aucune; mais, aû bout de vingt-
quatre heures, examinant avec un microscope les ani-
malcules qu’elle contenait, je fus bien surpris en les
voyant aussi vigoureux dans leur eau parfaitement
purgée d'air que ceux qui ont une libre commuünica-
tion avec ce fluide.
» Relativement aux améliorations de la machine
pneumatique , la principale consisté à placer l’écrou
qui serre les rondelles alternatives de liége et de cuir
au-dessous de la rondelle de cuivre , au lieu que dans
la plupart des machines il est placé en dessus.
» La tige du piston alors est brisée: mais je trouve
dans cet arrangement la facilité de pressér mes cuirs
à volonté, sans faire sortir le piston dü corps de ma
pompe ; avantage que les physiciens sauront appré-
cier. »
J'ai aussi donné, continue notre confrère, des di-
mensions plus fortes à la clé, cé qui la rend plus so-
lide. M. l'abbé Nollet conseille de substituer à la rai-
pure qüi dessèche la boîte qui la reçoit, un trou pra-
tiqué dans le corps de la clé: je l'ai encore supprimé,
Tome IF, 1951 à 1960. ji
(130 )
1757. mais j'ai adapté au canal inférieur une soupape qui
empéche Ja FRAITÉA dertigir not H à:
Examen des de Principauz systêmes sur l'origine du
Tonnerre, celui de Descartes et celui de Franklin,
Nous nous contenterons de présenter ] Je titre de ce
Mémoire, ainsi que celui de deux autres sur Ja pro-
priété qu'ont les pointes de soutirér là matière élec-
trique.
Les belles expériences du docteur Franklin étaient
à peine connues lorsque M. Vrégeon composa ces dis-
sertations.
Il faudrait aujourd’ bui n d'avoir aucune teinture de
Ja physique pour ignorer ‘une propriété d'après la-
quelle sont construits nos conducteurs électriques les
plus communs. LL
Quansas aux sys stémes sur l'origine du tonnerre , ‘quel.
qu’ingénieuses que soient les théories que, l'on, pré-
sente à ce sujet, elles sont. toujours plus ou moins hy-
pothétiques. L'identité de da foudre et de l'électricité
est reconnue, les, principaux ‘résultats de l électricité
de Ja vature sont expliqués, sont répétés | dans nos CA-
Pinets ; mais quand il: s agit. de discuter sur l'essence
méme decette : matiéregi curieuse et si terrible, on sent
Pinsuflisance de ses, Est el la ugcessité d'admirer
et de garder le silence, . ER
. Sur, les Tourbes, de la, province de Picardie, par le
ste Dartse cé élestin., (Hist. rh
PR
Cette dissertation, de 20 pages in- 4e et en D re
est divisée en huit « questions, due lesquelles V auteur
examine successivement Ja définition de la tourbe ; les
(151)
causes de sa noirceur ; éelles de sa combustibilité ; 17!
Vorigine , la formation, les couches de la tourbe: les
noms différents de ce combustible ; son analÿsé, si
elle s'accroît, si elle se reproduit; enfin les moyens
économiques de procéder à son extraction. !°!
$: LSF
La tourbe est une terre noirâtre (*),, mélée de di-
verses matières et nécessairement de soufre et de bi-
tume. Elle ne préseute d’abord qu'un corpsspongieux;
onctueux et lei d’eau, que l'on taille dans le sein
de la terre ; et qu’on expose ensuite à l'action du.vent
et du SA 2e" pour le débarrasser de Phumidité super-
flue et le rendre propre à.la combustion... ;.
1
)1 l
i Menus causes RARES | à déterminérl#couleur
noire destourbes:le'mélange des terres, des matières
bitumineuses qui s'y joignent, l'humidité qui les pé-
ètre et leur fait perdre graduellement la faculté de
réfléchir les couleurs, la porosité de la tourbe «e àb-
sorbe les couleurs sans en réfléchir aucutie, :
84 3
L'auteur déduit la combustibilité de la tourbe
at 151190
7! (9) La tourbé est un résidu de plantes où ‘herbes à demi décom-
posées à demi brülées’, réduites à un état Presque “chärbonneu:
analogue , dans son genre, autbois fossile’ égilemént Ch: shot
IL est quelques tüurbières qui sé trouvent en ème te mps Chargées
de Sulfure de fer. Quelques-unes, comme celles des eny irons
de Béauvais ; peuvent fournir, ‘par la lixiviation, Uu sulfate de
er; la plupart péuveñt donner, par la distillation , üne hüile
analogue au goudron, Foureroy. Syst. OT TRE Pipe LELR
ja
Se !
(132 )
:757+ presque uniquement des matières bitamineuses et
sulfureuses qu’il y suppose, et semble oublier que
formée de tiges, de racines, de roseaux et autres
substances végétales à demi charbonnées , elle contient
des matières aussi réellement combustibles que le bois
et le charbon,
6. 4.
La formation des tourbes si différentes entre elles,
peut provenir de la destruction de végétaux ensevelis
sous les éaux de la mer, mélangés de divers sédiments
et de matières bitumineuses : elle peut dépendre éga-
lement des limons et autres corps amoncelés sur des
marais par les ruisseaux et les eaux pluviales préci-
pitées des coMines. La même opération, répétée à des
époques diflérentes, donne la raison des stratifications
que l'on remarque dans les tourbières: celles formées
par les eaux de la mer présentent un parallélisme et
une régularité qu’on ne remarque pas dans les secon-
des, qui sont roulées et arrondies. Les tourbes de Pi-
cardie sont de cette dernière espèce.
On observe encore que les couches inférieures sont
les plus épaisses, et qu’elles diminuent d’épaissear en
approchant de la superficie. La consistence varie éga-
lement, la dureté diminuant à mesure que l'on ap-
proche de la surface. Il est des tourbières, comme
celles de Lancastres et autres, dans lesquelles on
trouve des arbres, des forêts entières, qui ont été en-
sevelies dansles marais par quelque révolution locale,
inondation , action volcanique et autres.
Nous ne rencontrons pas d'arbres entiers dans les
tourbières de Picardie, mais beaucoup de végétaux,
des branches, des racines, des roseaux, des coquilles
terrestres et fluviatiles et de petits os d'animaux ter-
restress
Dans cette section, le P. Daire s'occupe de l'éty= 1757:
mologie du mot tourbe, qu'il dérive ou du mot alle-
mand 3orff, ou de torbes, expression celtique. Les
Ecossais les nomment darry-torf; daren en danois si-
goifie brûler.
L'usage d’employerles tourbes comme combustibles
est fort ancien, sur-tout dans les pays déprimés où
les forêts sont rares. C’est ainsi qu’en Egypte, dans les
Îles Orcades, on brülait les racines de papyrus, au
rapport de Théophraste. On en formait même d’artifi-
cielles en Zélande, en mélangeant du limon de la terre
et des herbes ou des roseaux qu’on desséchait par
l’action du vent. Ce sont les cespites bituminosi de
Pline. Dès 1458, dans la Flandre brabançonne, on
brûlait la supercie du terrain couverte d'herbes et
de joncs.
Après avoir épuisé la superficie, on descendit peu-
à-peu à de plus grandes profondeurs.
L'usage de brûler de la tourbe en France est moins
ancien, probablement à cause des immenses forêts
dont son sol était couvert. Le P. Daire indique ce-
pendant des tourbières aux environs de Paris, Il paraît
n'avoir eu aucune connaissance de celles de Norman-
die , près de l’ancienne abbaye de Jumiéges.
6. 6.
Analyse de la Tourbe de Picardie; espèces diverses ;
usages économiques.
On chercherait vainement dans ce Mémoire une ana
lyse conforme aux priucipés de la chymie moderne;
15
(154)
:757+ je me dispenserai donc de présenter ici les idées de
Scaliger, ,
son estimable auteur pour insister plus particulière-
ment sur la qualité et les propriétés de ce combus-
üble.
On distingue + 2 roïssortes de tourbes en
Picardie. La plus profonde, quiestencore la meilleure,
_se reconnait à sa couleur noire, à sa densité, à sa pe-
santeur ; elle fournit une flamme constantetetunewvive
lise !
La, seconde espèce, supérieure à la. première #3
sa position, est plus blanchâtre, plus terreuse, plus
mélangée de matières hétérogènes ;. elle s'enflamme
-plus difficilement, et sa chaleur est moins vive.
La,troisième espèce, très-poreuse et très-légère,,
contient une grande quantité de végétaux entiers et à
peine décomposés : exposée à la pluie, elle se dépouille
facilement des parties Lerreuses qui y étaient unies ‘et
-ne.présente. plus, qu’un lacis,de roseaux, dé racines,
de ramée ; sa flamme est blanche, sa déflagration ra-
& Pig sa chaleur médiocre,
e feu de tourbes n'est, pas désagréable à la vue,
mais la fumée qu’elle répand n’est pas sans importu-
nitér elle irrite les yeux, la poitrine, la gorge ,salit le
linge teruit Jes métaux , et imprègne les vêtements
«d’ungpdeur désagréable qu'ils conservent longtemps.
Ona.écri qu’elles exhalaient une odeur d’encens, mais
peu de personnes adopteront ce paradoxe d'unauteur
célébre.
On ue saurait encore ‘dissimuler les inconvénients.
du voisinage des fosses d’où l’on a extrait de la tourbe.
Les eaux stagnantes qui.y séjournent, Jaissentéchap-
per, durant les grandes chaleurs, des vapeurs nuisi-
bles à la santé ; mais, quoique je leur attribue généra-
Jlementdes qualités malfaisamtes, je me gexderai cepen-
dantde les regarder comme la pause uuique de Jama-
(135 )
ladié pestilentielle qui désola la ville d'Amiensen 1740. +757:
Les éendres étaient encore pour cette capitale
d'une importunité qui n’a cessé que depuis qu’on les
emploie pour lengrais des terres; et la vente de ces
cendres ést aujourd’hui un objet de commerce assez
considérable pour ses habitants : on s’en sertavec prolit
pour fertiliser les prairies : on en sème au pied des ar-
bres et des vignes pour échauffer le terrain et faire
Périr les insectes si nuisibles à la végétation.
En Zélande, la plus grande partie des tourbes qu’on
en extrait s'emploie à la construction des digues.
67.
La Tourbe croit-elle, sé reproduit-ellé ?
La nature fait des efforts continuels pour l'entretien
et la réparation de ses proiluetions diverses. Personne
ne méconnail cette propriété dans les êtres organisés,
et l'expérience a momtré.que Je transport des:sables
par les eaux et leur agglomération donnait lieu à la for-
mation de roches nouvellés ;‘ que des minières épui-
sées se renouvelaient assez rapidement,
Il n’en est pas de même de la tourbe, et la
considération des éléments qui la constituent en est
une preuve solide C'est àdes forêts submergées ,
c'est.à des plantes marécageuses , couvertes de
limou et digérées.én quelque manièré dans les en-
trailles de la terre, que ces productions doivent
leur origine ; et il est visible queles mêmes con-
ditions ne se rencontrent pas uvre seconde fois
dans le même lieu. fine faut pas confondre jcisavec la
tourbe véritable les mottes brabanconnes qui ne sont
que des gazons de terre desséchéé. Ilest hors dé donte
que de nouveaux .gazons se forment à la place de
1 4
17
57e
4
(C 156 )
Ceux qui ont été enlevés à la surface de la terre ;
mais une pareille végétation ne se fait pas au fond
des fosses desquelles on a tiré la tourbe , sous les
eaux stagnantes qui les remplissent à des profon-
deurs assez grandes. On a pu tirer à de plus grandes
profondeurs de la tourbe dans des marais dont
on avait autrefois épuisé la superficie; mais ce
n'est pas là notre question, et pour la résoudre
aflirmativement il faudrait prouver qu’une tour-
bière épuisée s'est renouvelée au point de donner
lieu à une exploitation nouvelle.
Je.ne regarderais pas, ditle P. Daire, comme
impossible la formation artificielle de nouvelles tour-
bières , si on projetait dans les fosses à tourbe
épuisées les éléments de la tourbes , branches d’ar-
bres = plantes marécageuses + terres, sables, en
siratifiant ces diverses substances et les abandon-
nant ainsi à une destruction lente dans les en-
trailles de la terre ; mais cette nouvelle opération
s'écarte visiblement de notre question.
6. 8.
Comment pourrait-on diminuer les dépenses que le
tourbage entraine ?
La manière de tourber en Picardie annonce
qu’on est loin d’épuiser les tourbières , et que la
plupart sont des trésors qu’on abandonne sous les
eaux.
Après avoir sondé le terrain avec une espèce
de grande terrière , on enlève le gazon et la terre
du marais, et on enlève la tourbe avec des béches
hien tranchantes et qui lui donnent une dimension
de neuf pouces de longueur sur trois de largeur ,
ei un pouce et demi d'épaisseur.
(157)
Quelquelois , après avoir fouillé quinze à vingt 1757-
pieds , on trouve un banc de craie qui lui-même
recouvre souvent un autre banc de tourbes. L’au-
teur ne dit rien de la nature de cette craie, et
qui indique si ce sont des terres apportées des
montagnes ou si elles auraient une autre origine.
Quoi qu'il en soit , l'irraption des eaux , très-or-
dinaire dans un pays déprimé et plus bas que
les rivières qui y coulent , arrête promptement
les ouvriers,
Le seul moyen de pousser plus loin l'exploita-
tion , serait l'épuisement des fosses ; et quelle que
soit la dépense d'un pareil travail , en choisissant
un temps favorable , elle semblerait devoir être
éminemment couverte par le bénéfice ; car les cou-
ches inférieures de tourbes qu'on est obligé d’a-
bandonner sont communément les meilleures.
Le P. Daire signale ici un inconvénient qui
fait perdre bien de la tourbe ; c'est la tendance
qu'ont les terres , dont la base est peu solide, à
se déverser en menaçant d'ensevelir les ouvriers,
ce qui oblige à laisser de fréquentes languettes
qui en préviennent le sur-à-plomb. Il semble qu’on
p'éviendrait ce désordre en taillant la tourbière
en gradins qui opéreraient la décharge des terres
dans la même proportion qu'on arriverait à une
plus grande profondeur.
On trouvera à l’article tourbe du Dictionnaire
encyclopédique, bien des détails curieux relative-
ment à l'exploitation de la tourbe dans les divers
pays; mais le plan du P. Daire était moins vaste ,
et on ne peut qu’applaudir à la méthode avec la-
quelle il présente le sujet qu’il s'était proposé de
traiter,
175
( 158 )
Nouveau Sel pokychreste ; par M: DescroïsiLLes ,
| Apothicaire à Diéppe.
L'auteur présenta en 1758 un Mémoire sur les
propriétés de ce sel; et une commission, nommée
par l'Académie lui en fit un rapport.
M. Descroisilles ayant depuis fait imprimer un
petit ouvrage sur ce même objet , ce serait répéter
ce que tout le monde connait que d’en offrir ici
la plus succincte analyse. |
Cabestan perfectionné ; par M. Hopex.
L'Académie des Siences de Paris avait proposé
en 1737 le perfectionnement de ces machines pour
sujet d'un prix ; et elle avait fait imprimer, en 1745;
les Mémoires, intéressants qu’elle avait reçus à
cette occasion, mais dont.elle avait pas été plei-
nement satisfaite,
M. Hoden s’est proposé d’ajouter de nouvelles cor-
rections à cette utile machine; eton.a pu voir pen
dauttoute Ja durée de la séance publique de PAcadé-
mie , un nouveau cabestan de sa composition dont il
a rendu le jeu perpétuel sans que l’on soit jamais
obligé. de chaquer ; de bosser , ni faire aucune
reprise ; soit qu’on!se serve de tourne-yis où non.
Le modèle de.ce cabestan tenait suspendu un
poids de onze, à douze cents livres,
Le cable d'expérience avait trois pouces de dia-
mètre environ ; faisait à peine le quart d’une révo-
lution sur le modéle dont le cylindre avait quatre
pouces de rayon.
(459 )
L'extrémité du cable opposée au fardeau n'était 1758.
relenue par aucun garrot, et au contraire était re
jetée par-de:sus le cylindre et pendait librement.
Effets de la gelée sur la colie de farine ; par M.
LEcar.
En décembre 1759, la gelée fut très-forte et
de longue durée. Elle étendit ses effets jusque sur
de la colle de farine que j'avais à côté de monlit. Lors-
uwau dégel je voulus me servir de ma colle, je
la trouvai sans liaison ; elle avait perdu sa qua-
lité glutineuse, et ressemblait parfaitement à de la
mie de pain où à une éponge qu'on aurait trempée
dans l'eau. En déchirant ce nouveau composé as |
avait toute la consistence d’une mie de pain blanc
bien cuite; et en la comprimant elle rendait l'eau
à là manière d’une éponge que l’on comprime...
La gelée avait agi dans cette circonstance à peu-
rès comme le feu dans la cuisson du pain: l'un
et l'autre donnent aux molécules de la pâte une
consistence assez grande ; avec cette différence ,
que le feu dissipe l'humidité surabondante, et que
la gelée la réunit dans les cellules de la colle.
» Puisque je fais aujourd’hui des observations
sur Ja colle » jeu. rapporterai une d’une autre es-
pèce que j'ai faite il y a: quelques années : c’est
que la colle faite avee la farine ordinaire se gâte,
se moisit promptement , et produit bientôt des in-
sectes et des vers ; et que la colle faite avec l’a-
midon vieillit. tant que l’on yeut et jusqu'au des-
séchement ,. sans se pourrir, sans donner ni moi-
sissure,; ni vers
Je supprime les explications également systé-
(140)
1760. matiques et éloignées des connaissances que nous
devons à Ja chimie moderne.
Je suivrai la même règle à l'égard de l'obser-
vation suivante : M, Lecat l'intitule Perit phénomène
phyrsico-chimique.
« Le premier février 1760 , mon épouse esseyait
divers mélanges de vermillon et de soufre pour
en former des médaillons , elle s’aperçut que le
soufre poussé au feu, loin de devenir plus liquide ,
s’épaississait au contraire, au point de preudre la
consistence du miel.
» Cette expérience, répétée chez M. Delaizement ,
notre célèbre confrère , donna lieu à une autre
observation : c’est que la liqueur épaissie , revenant
au degré de chaleur nécessaire pour la simple
fusion , reprenait sa liquidité première.
» Enfin, en répétant la même expérience , le.
trois de février , j'observai que le moment où l’é-
paississement commençait , était celui où le soufre
fondu exhalait des vapeurs, et qu’il reprenait sa
liquidité lorsque la vaporisation cessait d’avoir lieu.
AUTRE QUESTION.
Pourquoi le cuivre jaune estil plus cassant à
chaud qu’à froid, tandis que les autres métaux
sont plus cassant à froid qu'à chaud?
I faut observer d’abord que l’on compare ici
des métaux dont toutes les parties sont homogènes ,
avec un composé de cuivre et de zinc, et que
d’abord il y a une grande disparité dans les objéfs
composés , en second lieu , le différent degré de
fusibilité du zinc et du cuivre fournit une réponse
aussi simple que solide.
Cr41)
Le feu , en pénétrant également les parties d'un
métal simple , les amollit d’une manière uniforme;
mais il n’en est pas de même dans un métal com-
posé, où l'une des parties constituante est voisine
de la fusion, quand l’autre en est encore éloignée.
Ainsi, dans le dernier cas , le feu a commencé
une disgrégation que le marteau achève.
Divers Mémoires de M. LecAr.
Nous comprendrons dans un même chapitre
divers Mémoires de M. Lecat, qui n’ont pas une
date certaine, et dont plusieurs ont été commu-
niqués au public par la voie des ouvrages pério-
diques ; tels sont :
1° Une lettre à M. Planque, D. M. à Paris, sur
le flux et reflux de la mer,
Une querelle littéraire s'était engagée dans Île
Mercure de France, entre M. de Saint- Aubin et
M. l'abbé Mariette. Ce dernier avait promis à son
adversaire une objection qui devait épuiser le fond
de cette matière. M, Lecat craignant que cette ob-
jection , conforme à celle qu'il s'était formée à lui-
méme , ne lui fit perdre le fruit d’un travail sé-
rieux , prit le parti d'adresser son ouvrage à l’au-
teur du Mercure, avec invitation de l’insérer dans
un prochain numéro. Le systéme de M. Lecat ne
parut pas, et M, de la Roque, rédacteur de cet
ouvrage périodique , déclara ne l'avoir pas reçu.
Quoi qu’il en soit, voici le fond de ce systême ;
c'est l’auteur qui va parler: « Il a y long-temps que
je me suis fait une difficulté sar l'explication ordi-
paire du flux et reflux, et que j'auends une occa-
1760,
Sept, 1734»
(14)
17404 sion et un physicien pour me tirew-d'embarras.
Les excellents ouvrages de M. Legendre de Saint-
Aubin m'ont donné beaucoup d'estime pour lui,
et je crois ne pouvoir mieux m'adresser qu’à ce célè-
bre Physicien , pour obtenir l'éclaircissement que je
désire. Or , telle est ma difficulté :
» Toutes les parties de lPunivers:sont entre elles
dans un parfait équilibre , et c'est de cet équilibre
que dépend l'harmonie de sa structure et de ses
mouvements. Les globes célestes sont placés dans
le fluide où ils nagent suivant la proportion de
leur masse avec celle de ce fluide; il sont en équi-
libre avec lui et en suivent le torrent....... S'il
était possible que cé fluide fit plus d’efforts contre
les parties correspondantes de la lune et de laterre,
quelle puissance empécherait ces globes d'être éloi-
gnés pour jamais lun de l'autre, etc., etc.
Ce Mémoire fut suivi de plusieurs autres Mé;
moires sur la même matière , et il s’'engagea , à ce
sujet, une dispute littéraire entre M, Lecat et M,
Ancelot, Nous croyons ne pas devoir répéter ici
les moyens de défense de ces deux adversaires ;
et nous indiquons aux curieux le Mercure de France,
où ils en pourront trouver tous les détails.
Réponse à M. Jamard, Professeur de Mathématiques
à Nanterre , etc.
C'est le titre d’un autre Mémoire de notre con-
frère, et voici quel en fut le sujet. d
M. Lecat avait la à l'Académie un Mémoire sur le
Newtonianisme; ce Mémoire fut attaqué par M. Ja-
mard , et c'estcontre cet adversaire que cette réponse
est dirigée.
(145)
Le Mémoire de M. Jamard ne se trouvant pas 1700.
dans les cartons de l'Académie , il serait diflicile
de s’en former une juste idée , et celui de M. Lecat
métant qu'un brouillon informe ; je craindrais, par
un extrait mutilé, d'en affaiblir l'intérêt, et je pré-
fère de n’en présenter querle titré au hasard de
me le faire connaitre qu'imparfaitement. di
111
Réflexion physiologique sur la nature de l'âme,
, PE M. LECAT.
A soixante ans , dit M. Lecat, je me souviens
d'événements qui me ‘sont arrivés à cinq »s et ce
souvenir m'aflecte des mêmes sentiments de peines
ou de plaisirs que j'éprouvai alors... . J'ai donc
une âme, car celte propriélé, ne «peut appartenir
au Corps ; et l'âme que j'ai à soixante ans est la
même que j'avais à cinq; car Ja représentationrigou-
reuse, d'un objes ne peut appartenir qu’à une Re
1ance exemple de changements 121 01 corom
Or, tout change dans notre système A NE à
et surtout Jes fluides (*) qui en constiwventda très-
grande majorité , et le fluide nerveux:quiÿ-dans
le départemant des-sens ; tient une place: sk: im-
portantes, : : 101 ) 29 yb s1drou
on avais cru jadis que Ja mémoire consistait-dang
LL% {
te: L . 111
Woo Sur L My
Cp Quoique plusieurs Physiologistes soutiennent que les solides
ne changent pas ; l’ôpinion éontraire est celle du plüs grand noni-
bre ; et dansce nonibre ;'on trôuve 16 ngms les plus célèbres, Les
phénotnènes delà nütritiôn ét dés excrétiôns favorisent égtlement
ce sytème. P'oir Haller , #8: Petit Radel | #, 7 , ere,
(144)
1760, des caractères gravés sur les corps cannelés ; car
depuis long-temps on a abandonné cette hypo-
thèse qui ne repose sur aucun fondement solide.
Mais si l'agent reconnu pour être l'intermédiaire ,
le moyen de communication entre la matière et
l'esprit, change continuellement , ce ne peut être à lui
qu'eppartient une propriété qui suppose un état
permanent et immuable ; et puisqu’enfin nous ne
connaissons en nous que la matière et l'esprit, la
mémoire ne pouvant appartenir à la première , elle
est nécessairement du domaine de l'esprit, donc, etc.
nt
ASTRONOMIE.
Analyse dé plusieurs Mémoires de feu M. Pincrt,
relatifs à l' Astronomie et à la Physique.
Le nom de Pingré rappelle un homme laborieux,
un infatigable calculateur , un savant zélé pour les
progrès de l'astronomie. Son zèle se déploya prin-
cipalement dans l'étude de tout ce qui est-relatif
aux observations des comètes et à la détermination
de leurs orbites,
L'Académie de Rouen a recu de lui un grand
nombre de Mémoires et de dissertations : deux rap-
ports détaillés et motivés , faits, l'un en 1764 et
l’autre quelques années après, par MM. Bouin et
Dulague, portent pour conclusion que tous les
Mémoires de M. Pingré, relatifs à des théories ou
à des observations astronomiques, doivent être im
primés en entier parmi ceux de l'Académie. Ce
jugement suflit pour faire apprécier le mérite des
ouyrages de cet illustre auteur. .,..
Il
€ 145 )
Il est vrai de dire , néanmoins, que les profon :
des théories des géomètres modernes ont tellement
reculé les bornes de l'astronomie et de la physi-
que , que la plupart des questions que l’auteur
traitait alors comme douteuses sont aujourd’hui réso-
lues, Si M. Pingré vivait de nos jours il admirerait
la perfection des instruments et l'excellence des
méthodes d'observation.
. Quoique les écrits de feu M. Pingré aient un peu
perdu du vif intérêt qu’ils ont inspiré dans leur
temps , il appartient à l'Académie de Rouen de
comprendre dans l'histoire de ses trayäux l’ana-
lyse des Mémoires dont son sayant associé lui a
fait hommage.
Premier Mémoire.
Dans un premier Mémoire , présenté en 1749 ;
sur la propagation de la lumière, l'auteur , après
avoir rappelé le systéme de Descartes , celui de
Newton , la découverte de Roëmer, sur le mou-
vement progressif de la lumière , le phénomène de
l'aberration si bien expliqué par Bradley, se de-
mande si l’on peut conclure avec certitude que le
mouvement de la lumière soit uniforme. Il doute
qu'il en soit ainsi : 10 parce que la lumière est
un corps et qu’elle est soumise , comme les au-
trés corps, à la gravitation qui doit accélérer ou
retarder son mouvement , selon qu’elle se trouve
dans la sphère d’activité de tel ou tel astre ; 2°
parce que les réfractions et réflexions infinies que
subissent les rayons lumineux , en changeant leurs
directions , doivent aussi faire varier leurs vitesses ;
59 parce qu'en faisant même abstraction de ces
Tome IT, 1751 à 1760. K
C:46)
premières causes, on ne peut douter que les mo-
Hécules de la lumière ne rencontrent, dans l’espace, des
obstacles qui doivent retarder leur marche. L’au-
teur pense que pour décider la question, il faut,
par une multitude d'observations, perfectionner
la théorie des satellites de Jupiter et de Saturne.
Ce vœu a été en partie rempli : M. Laplace,
dans sa Mécanique céleste, et M. Buit, dans son
Astronomie physique , font voir que, dans l’état ac-
tuel de la science, on peut conclure que le mou-
vement de la lumière est uniforme dans tout l’es-
pace compris par l'orbe terrestre et par celui de
Jupiter.
Deuxième Mémoire.
Un second Mémoire, présenté en 1750 , contient
les résultats de l'observation d’une éclipse de lune
arrivée le 23 décembre 1749; cette observation a
été faune à Rouen , à l'observatoire de M. Lecat,
conjointement par l’auteur , par M. Lecat, paf
M. l’abbé Bouin et par M. Lecauu, opticien qui
avait construit les lunettes dont se servirent les
observateurs. Les, phases de cette éclipse ont eu
lieu, à de très-légères différences près, aux ins-
tants mêmes indiqués par le calcul qu'avait fait
M. Pingré sur les tables de Cassini. Pour sup-
pléer au défaut du micromètre , M. Pingré a em-
ployé une méthode ingénieuse qu'il explique en
détail , et qui lui a servi à déterminer la gran-
deur de l'éclipse , grandeur qui s’est trouvée la
même que celle qui avait été calculée. L'auteur
observe que sa méthode n'offre pas les mêmes
avantages dans toutes les circonstances, Il termine
C147)
par exprimer le regret, qu'un épais brouillard l'ait
empêché d'observer l'éclipse de soleil du & jan-
vier 1750.
Troisième Mémoire.
. Le troisième Mémoire a pour objet la description
d’un héliostat, de l'invention de M. Pingré , pour
rendre plus commode l'usage d'un microscope so-
laire imaginé par M. de la Maltière, membre de
l'Académie de Rouen. L’'héliostat est un instrument
propre à donner, au moyen d'un miroir plan
mobile, une direction constante aux rayons solaires ,
réfléchis par ce miroir. Pour introduire la lumière
du soleil dans le tube du microscope, il faut que
le miroir de réflexion puisse suivre le mouvement
diurne de cet astre , ‘et c’est ce que l'auteur ob-
tient par la disposition de son appareil. Il en dé-
crit les différentes parties , indique la manière de
s'en servir, et démontre qu’il doit produire l’eflet
désiré. M. l'abbé Bouin a dessiné une figure pour
faciliter l'intelligence de cette machine et pour
diriger l'artiste qui voudrait l’exécuter.
Quatrième Mémoire.
Le quatrième Mémoire est consacré à présenter
le tableau des calculs relatifs à deux éclipses qui
ont eu lieu en 1750 , l’une le 28 novembre et
l'autre le 28 décembre. La première n’était point
annoncée par les astronomes : l'auteur est loin de
les accuser d’avoir ignoré la possibilité de cette
K 2
{148 )
éclipse ; mails il pense que, comme elle ne devait
être visible que dans la zône glaciale méridionale,
ils ont jugé inutile d’en calculer les phases et de
les publier. La seconde a paru à l’auteur mal cir-
constanciée dans les éphémérides ; et, en ad-
mettant même qu'il y ait erreur dans les calculs
de Lacaille, l’auteur en fait l'observation , et cher-
che à la corriger avec tout le respect que l'on doit
aux immenses travaux d’un savant aussi distin-
gué. Cependant il a cru devoir calculer exacte-
ment l’époque et la durée de chacune de ces deux
éclipses, afin que les astronomes, au moyen du
tableau non interrompu de ces sortes de phéno-
mènes , puissent un jour déterminer, avec plus
de précision, la loi de leurs retours périodiques.
Un autre Mémoire contient tous les calculs né-
cessaires pour obtenir les phases de l’éclipse de
lune du 25 décembre 1749, et dont l’obseryation
a été le sujet du second Mémoire. L'auteur a opéré
successivement avec les tables de Cassini, de Le-
monnier ,; de Lahire. En comparant les résultats
entre eux et avec ceux donnés par Lacaille, il a
trouvé que Cassini tient par-tout à-peu-près le milieu.
À la fu de ce dernier Mémoire on lit la relation
de l’éclipse de lune du 19 juin 1550, observée au
village de Champagne , près Beaumont - sur - Oise,
L’auteur rend compte des instruments qu’il a em-
ployés, de la mänière dont il a vérifié la méri-
dienne pour regler sa pendule , enfin de toutes les
particularités qu'il à remarquées pendant la durée
de cette éclipse.
(149)
Cinquième Mémoire.
La circonstance suivante a donné lieu au cin-
quième Mémoire.
Lacaille s’était chargé des calculs nécessaires pour
lalmanach de Normandie. Quand ce célèbre astro-
nome passa au Cap de Bonne-Espérance pour y faire
diverses observations, et particulièrement celle rela-
tive à la détermination de la parallaxe de la lune,
c'est à M. Pingré que fut confié le soin de con-
ünuer les mêmes calculs, qu'il fut forcé d’inter-
rompre à son tour lorsqu'il alla à l'ile Rodriguez ,
faire diverses observations propres à déterminer la
parallaxe du soleil. Désirant apporter le plus de
précision possible dans les résultats et abréger en
même-temps le travail , M. Pingré dressa des tables
du mouvement diurne de la lune pour la hauteur du
pôle de la ville de Rouen | à l'aide desquelles il
a pu fixer, à trois ou quatre minutes près, les
instants du lever et du coucher de cet astre, pour
chaque jour de l’année. Dans le Mémoire qu'il a
rédigé à ce sujet, l'auteur s'attache à faire sentir
l'uulité de ses tables; ilexplique les principes d’après
lesquels il les a construites ; puis il indique lainarche
à suivre à l’eflet d'obtenir pour le point de Rouen,
1° la déclinaison de la lune à midi; 59 l’heure de
son passage au méridien ; 5° sa déclinaison au même
instant ; et 4° enfin, les deux arcs séemi-diurnes qui
précèdent et qui suivent le passage au méridien ,
açcs qui ne sont pas égaux , vu le changemeut ra-
pide de la déclinaison de la luné dans l'intervalle
du Jever au coucher de cet astre. Tous les calculs
5
(150 )
sont corrigés des effets de la réfraction et de la
parallaxe. D'après sa méthode, et en faisant usage
de ses tables calculées pour la latitude de Rouen,
l'auteur n’a employs qu'une heure et demie pour
déterminer les heures du lever et du coucher de
la lune pendant le mois de janvier 1751,
Sixième Mémoire.
Le Mémoire n°6, sur la Chronologie chinoise, à
pour objet de réfuter une assertion avancée par
l'auteur d’une thèse qui, dans son temps, a fait
beaucoup de bruit. Cet auteur prétend que le
premier jour du cycle en usage chez les Chinois,
et que l'empereur Hoamti a inventé, concourt avec
le solstice d'hiver, et que ce jour-là même le soleil
et la lune se trouvèrent en conjonction dans le pre-
mier degré du capricorne au point même du sols-
tice; or , celte époque remontant , selon les cal-
culs. de Cassini, Lahire et autres astronomes , à
Van 2450 avant l'ère chrétienne, il tire delà cette
conséquence que l'ancienneté de l'empire chinois
est constatée par des preuves authentiques , et que
le calcul du texte hébreu de l'Ecriture se trouve
par-là même absolument détruit.
Pour renverser ce systéme, M. Pingré rappelle
d’abord que ‘la durée du cycle chinois est incer-
taine , les uns la faisant de soixante jours et les
autres de soixante années, quoiqu'il soit plus na-
turel d'admettre cette derniére période; puis il
fait voir , par les témoignages des historiens, qu'on
ignore le temps précis où ce cycle fat établi. Enfin ,
ayant calculé à quelles époques ont pu avoir lieu
(151)
à Pékin les phénomènes astronomiques qui , d’après
Ja tradition, ont marqué la création du cycle, M.
Pingré trouve que ces phénomènes ont pu arriver
non-seulement dans l'année 2450 , mais encore dans
les années 2230, 2078, 2010 , 1877 , 1554, 1077
avant l'ère chrétienne , et dans plusieurs autres
années encore. D'où il résulte que la conclusion
avancée par l’auteur de la thèse n’est rien moins
que certaine.
Quant à l'époque de Pétablissement du cycle où du
Hoamiti , M. Pingré ne rougit pas de l'ignorer ;
cependant il pense qu’on pourrait raïsonnablement
en fixer l'origine en Pan 1877 , où éncore en lan
1554 avant J, C. Il expose en détail les raisons
sur lesquelles il se fonde , et terminé par énoncer
Vopinion qu'il doit s'être glissé plusieurs altérations
considérables dans la chronologie chinoise , et que
cet empire a une antiquité moins haute qué célle
que lui attribuent ses annales,
Septième Mémoire.
Le septième Mémoire est un recueil d’obser-
vations de plusieurs aurores boréales qui ont paru
dans l’année 1752 : la première a été observée le
19 août, la deuxième le lendemain 20 août ; plu-
sieurs autres , moins brillantes, ont été apercues
successivement ; la dernière et la plus éclatante à
été vue le 15 octobre. L'auteur , qui possédait
éminemment le talent d'observer , a noté l'heure
de la naissance de chaque phénomène , ses progrès,
son étendue dans le ciel, son décroissement et sa
fin, Toutes ces circonstances bien décrites, mais qui
K 4
( 152 }
ne sont accompagnées d'aucune explication, sont
offertes aux physiciens comme pouvant servir à
perfectionner la théorie des aurores boréales.
Huitième Mémoire.
Dans le huitième Mémoire il est question de
l’occultation , par la lune, de l'étoile appelée À,
dans la constellation des Hyades : cette occultation
a eu lieu le 5 janvier 1754.
L'auteur rappelle d'abord les calculs qu'il a faits
pour bien déterminer le lieu de la lune , relati-
vement à l'étoile pour l'horizon de Rouen; après
s'être assuré que cette éclipse > ui n’était annoncée
ni dans les éphémérides , ni dans la connaissance
des temps, devait avoir lieu , il a observe, le 5
janvier 1754 , l'instant de l'immersion de l'étoile,
et a décrit les taches de Ja lune qui se sont trouvées
sur son passage.
M. Pingré a fait un grand nombre d'observations
semblables dont il a présenté les résultats à l’Aca-
démie de Rouen; c’est ce qu’affirme M. l'abbé Bouin ,
qui travaillait avec lui. On doit regretter que les
archives de la compagnie ne possèdent que très-
peu de ces observations, qui sont autant de ma-
tériaux précieux que les savants aiment à conserver
pour les employer au besoin.
Neuvième Mémoire
M. Pingré ayant publié pendant plusieurs années
un Ætat du ciel , qui renfermait l'indication de
6353)
phénomènes astronomiques et toutes les tables qui
peuvent étre utiles aux marins ; à Communiqué à
l'Académie une Introduction à l'État du ciel, où il
rendait compte des motifs qui l'avaient déterminé
à entreprendre ces longs et pénibles calculs, et de
l'ordre qu’il avait suivi dans leur exposition. En
comparant son Ærat du ciel avec les Ephémérides
de Lacaille et la Connaissance des temps, calculée
par Maraldi, M. Pingré trouve que ces deux der-
niers ouvrages laissent plusieurs circonstances à
désirer et dont la connaissance peut intéresser la
géographie et la marine, Il Ini semble aussi que
les calculs, étant dressés sur les tables de Cassini ,
offrent souvent moins de précision que les siens,
qu'il a fondes sur les tables et les observations de
Halley et de Lemonnier. Quant au plan suivi par
M. Pingré , ilsuflit, pour le connaitre, de p?rcourir
un des exemplaire de l'£tat du ciel qu'il a fait im-
primer. Les mêmes savants qui avaient engagé M.
Pingré à se charger des immenses calculs qu'exi-
geait la publication de l'£rat du ciel , lui ont de-
puis conseillé de les discontinner , afin qu'il pût
consacrer ses talents à d’autres ouvrages.
Dixième Mémoire.
Ce Mémoire , sur les longitudes terrestres, est
trés-étendu. L'auteur commence par établir des
principes généraux pour fixer la position d'un point
sur le globe : il s'attache à faire voir que l’angle
entre les denx méridiens de deux pays est donné
pir la différence des heures que l'on y compie
au même instant; puis il fait connaître quatre mé-
thodes pour déterminer la longitude,
(154)
Premitreméthode, par les horloges. — L'auteur ex=
plique en détail, et par des exemples , comment on
obtient l'heure sur un vaisseau par l'observation
de la hauteut du soleil ou d’une étoile, et com-
ment on conclut la longitude en comparant cette
heure avec celle qu’indique l'horloge. Ce moyen,
d’une facile exécution et le plus simple en théorie ,
paraît à l'auteur le plus défectueux dans la pra-
tique. Long-temps après avoir porté ce jugement,
M. Pingté à concouru avec les savants Fleurieu
et Borda , à des expériences et des observations
faites sur les frégates l'/sis et Za Flore pour déter-
minér les longitudes en mer au moyen des mon-
tres marines construites par Berthoud et Leroy ,
ét on sait que les résultats ont donné une grande
précision.
Deuxième méthode. — Elle consiste à observer
l'heure du passage de la lune au méridien du lieu où
l'on se trouve , et à comparer cette heure avec celle
du passage du même astre au méridien de Paris.
Cette dernière heure est calculée dans les Æphé-
mérides.
Au lieu du passage au méridien, on pourrait
observer le lieu de la lune dans le ciel, à midi
ou à une autre heure, de lendroit où l'on est.
L'auteur , après avoir expliqué cette méthode,
déclare qu’elle est absolument fautive dans la pra-
tique , parce que les irrégularités du mouvement
de Ja lune ne sont pas encore assez bien déter-
rhinées. C’est en 1752 que l’auteur écrivait le Mé-
moire dont il s’agit.
Troisième méthode , par les éclipses de lune et des
satellites, — Si l'on marque exactement l'heure à
laquelle on observe dans un pays quelconque le
commencement, la fnouunautre instant d'une éclipse,
(155)
et qu'on sache, par le moyen des tables, l'heure
à laquelle le même phénomène a été observé à
Paris , on aura la longitude de ce pays; mais en
premier lieu, les éclipses de lune sont fort rares;
en second lieu ,; dans les éclipses des satellites,
qui sont assez fréquentes , il est difficile de bien
déterminer l'instant précis de l'immersion ou de
l'émersion , ce qui donne lieu à des erreurs assez
fortes sur la longitude,
Quatrième méthode , par les occultations du so-
leil et des fixes par la lune. — Le commencement et
sur-tout la fin d'une éclipse de soleil sont faciles
à saisir ; il en est de même des occultations des
fixes par la lune , parce qu’elles sont instantanées.
Ces phénomènes, plus commodes pour l’observa-
tion, dsnnent lieu à dés calculs très-longs lorsqu'on
veut les faire servie à connaître la longitude. L’au-
teur rejette les constructions graphiques comme
moyen très-inexact; Ja méthode des projections,
adoptée par Lacaille , et lés formules que propose
ce savant astronome, lui paraissent offrir beaucoup
d'inconvénients par leur extrême complication. M.
Pingré, sans embrasser toutes les circonstances du
probléme , croit être parvenu à trouver une mé-
thode facile pour déduire avec certitude de deux
observations correspondantes d’une même occulta-
tion, ou de deux distances d’une étoile au centre
de Ja lune, la différence de longitude des deux lieux
où se sont faites les observations. Il suppose que
la portion de son orbite que décrit la lune dans
l'espace de trois ou quatre heures, est sensible-
wmeut une ligne droite. Il regarde comme parfaite-
ment connu Île rapport du demi-diamètre de la
lune avec sa parallaxe , en quelque point que ce
soit de son orbite : il consacre la dernière partie
C2156 }
de son Mémoire à expliquer en détail et avec beau-.
coup de clarté la série des observations à faire ,
des précautions à prendre , des triangles sphériques
à calculer pour obtenir le résultat que l'on cherche.
L'auteur termine en observant que sa méthode sera
d'autant plus exacte que les tables de la lune seront
plus perfectionnées.
Deux autres Mémoires sur les longitudes ont suc-
cédé au premier travail, et ont été depuis refon-
dus en un seul , qui devait être imprimé aussi
parmi ceux de l'Académie. Après avoir fait sentir
la nécessité de calculer fréquemment la longitude
du vaisseau pour la sûreté de la navigation , la
difficulté d’observer le passage de la lune a méri-
dien, l’auteur établit deux méthodes pour déter-
miner les longitudes en mer, l'une par les angles
horaires de la lune, l'autre par l'observation d’ane
distance de la lune au soleil ou à une étoile fixe.
L'Etat du ciel, pour l'année 1957, ouvrage publié
par M. Pingré, contient l'exposition de ces deux
méthodes ; c’est pourquoi il paraît inutile d'entrer
dans aucun détail à ce sujet.
Aujourd’hui le fameux probléme des longitudes
se trouve considérablement simplifié par la per-
fection de la théorie de la lune, par l'exactitude
des instruments d'observation et par l’extréme ré-
duction des formules que les géomètres ont pro-
posées. Pour s’en convaincre ïl suflit de con-.
sulter les traités modernes de navigation et d’as-
tronomie nautique. Quoi qu'il en soit , on doit des
obligations à M. Pingré pour les longues recher-
ches qu’il a faites sur un sujet aussi épineux.
C157)
Onzième Mémoire.
L'auteur a présenté en 1756 un Mémoire sur la
comète qui devait paraître en 1758 ou 1759. Il
commence par des considérations genérales sur la
difficulté de connaître les mouvements réels des
comètes , d’après leur marche apparente dans le
court intervalle de temps où elles sont visibles;
puis il rapproche et compare les résultats de l'ob-
servalion et du calcul relatifs aux trois comètes de
1531, de 1607 et de 1682; il en conclut avec Halley
que ces trois comètes n'en font qu’une seule qui
reparait tous les soixante-quinze à soixante-seize
ans. Il explique les perturbations qu’une comète
peut éprouver dans sa révolution; il rappelle diffé-
rentes circonstances de l'apparition de ja comète
observée en 1456, et pense que c’est la même que
les trois déjà mentionnées ; il ne Jui paraît pas
impossible que celle de 1580 soit encore la même ;
enfin , en remontant , les comètes aperçues en
2506 et en 1230 pourraient n’en pas diflérer. Ainsi
la comète qu'on attendait alors et qui a paru en
1756, était observée pour la huitième fois; pro-
bablement on la reverra en janvier 1854. Suit l'ex-
plication des circonstances les plus favorablés pour
augmenter l'éclat et la grandeur apparente des co-
mètes.
Ce Mémoire n’est qu’une partie infiniment petite
du travail de M. Pingré , concernant les comètes ;
il en a présenté plusieurs autres sur le même sujet ,
mais qui ne se trouvent point aux archives de l’Aca-
démie. Cette perte est heureusement réparée par
la publication de la Cométographie du méme au-
teur, ouyrage complet qui a paru en 1783,
C 158 }
L'Académie a également à regretter plusieurs ca-
hiers sur la conjonction écliptique de Mercure ,
du 6 mai 1755 : les uns renfermaient les détails de
calcul et un autre lobservation circonstanciée du
passage de Mercure sur le disque du soleil; mais
quelques-uns de ces Mémoires ont été imprimés
parmi ceux de l'Académie de Paris.
Douzième Mémoire.
Un Mémoire très-étendu, présenté en 1951, con-
tient l’exposition détaillée des mouvements appa-
rents des planètes et des comètes, des résultats d'ob-
servation sur la durée de leurs révolutions et la
figure de leurs orbes , etc; puis une longue réfu-
tation du systéme de Descartes , auquel on oppose
les considérations de la pesanteur universelle au
moyen de laquelle Newton a expliqué les phéno-
mènes célestes. ......
Il parait que ce Mémoire n’était-pas destiné à
l'impression , et qu’il n’a été composé que pour former
une sorte de traité élémentaire propre à donner
une idée de la doctrine de Newton. Il est le seu]
qui ne soit pas mentionné dans le rapport précité
de MM. Bouin et Dulague.
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
Analyse de quelques Mémoires sur les Mathéma-
ques et l’Astronomie , présentés à l’Académie
par divers auteurs, depuis sa fondation en 1744
jusqu’à 1760 inclusivement,
Mémoire de M. LEMONNIER, sur l'Arithmétique.
De tous les ouvrages relatifs aux mathématiques ,
qui ont été adressés à l'Académie depuis sa fon-
dation jusqu’en 1750 , il n'existe qu'un Mémoire
de feu M. Lemonnier, dans lequel il réfute diver-
ses règles contenues dans les traités d’arithmétique
sur l'intérêt simple ét composé et sur l’exécution
des dispositions testamentaires qui dépendent de
certains événements, L'auteur cite plusieurs exem-
ples de questions mal posées et mal résolues dans
les livres dont il s'agit ; il développe ensuite la théorie
des annuités , à-peu-près telle qu’on la trouve dans
les traités d’algèbre , et il indique la solution des
divers problèmes qui s'y rapportent,
L'auteur observe avec raison que l’on à eu tort
d'introduire dans l'arithmétique des principes de
jurisprudence étrangers à ceux du calcul, quand
il s’agit d'exécuter les dispositions conditionnelles
d'un testament : il compare plaisamment les arith-
méticiens qui yeulent avoir des. règles pour tous
les cas, aux apothicaires qui sont pourvus de pilules
nommées pilulæ sine quibus. Voici un des exem-
ples singuliers qu’il rapporte : « Un testateur a or-
donné que si sa femme accouche d’un fils, ce fils
( 160 }
aura les deux tiers et la veuve le tiers de la sut-
cession ; si elle accouche d’une fille, cette fille aura
Je tiers et la veuve les deux tiers de la succession. Or c
elle accouche d’un fils et d'une fille , faut-il partager
la succession entre le fils, la mère êt la fille, dans
le rapport des nombres 4, 2, 1, ou bien dans
le rapport des nombres 4,5, 2,? » Aprèsavoir discuté
les raisons pour et contre , l'auteur conclut que
celte question n'est pas du ressort de l'arithméti-
que , et ajoute que, sil était appelé pour juge, il
né pourrait s'empêcher en conscience , 1° de casser
le testament ; 2° de renvoyer les parties à partage
comme dans le cas d’un ab intestat ; 5° de cou-
damnerle mort aux dépens pour n’avoir point pourvu
à ce cas; 4° enfin, d’admonester les arithméticiens
pour qu'ils bannissent désormais de leurs livres les
prétendues règles testamentaires.
Notice sur l’Architecture; par M. Leprince.
L'Académie possède une notice en quatre pages
sans signature , sans nom d’auteur , sur l’histoire
et les progrés de l'architecture civile chez les
Grecs, les Romains et en France. Il y a lieu de
croire que cette notice est de M. Leprince , sculp-
teur, qui la présenta vers 1749 , à la Compaguie.
Extraits des Institutions astronomiques ; par
M. LEMONNIER.
Deux volumineux cahiers, extraits des Znstitutions
astronomiques de M. Lemonier, se trouvent dans
les
(161)
les cartons de l'Académie ; c’est un hommage qu’elle
a reçu de l'auteur lobéqus il composa cet ouvrage
quiest connu des savants et dont, par cette raison-
là méme , il est inutile de faire l'analyse.
]
Mémoire sur l’Arithmétique duo - décimale,
M. Ballière présenta à l'Académie, en 1755, un
Mémoire sur l'utilité de l'arithmétique duo-décimale.
Il y rappelle tous les avantages qu'offre le nombre
12, dont le principal est qu'il a beaucoup de di-
viseurs. Il fait voir que les quatre prerniéres règles
et toutes les autres opérations sont aussi faciles
dans ce système que dans l’arithmétique déci-
male : il cite beaucoup d’exemples pris chez les
anciens et les modernes, où les mesures et les
objets à partager se divisent en douze et en seize
parties égales. Il fait remarquer plus'eurs pro-
priétés des nombre 9, 10, 11, lesquels, dans
le système duo - décimal, se trouveraieut trans-
portés aux nombres 11, 12, 13, Il pense que si
les astronomes , les géomètres ; les physiciens em-
ployaient cette manière de calculer, les peuples
ne tarderaient pas à s’y habituer, et que ce chan-
gement n'offre pas de plus grandes diflicultés que le
passage des chiffres remains aux chiffres arabes, des
mo'slunaires aux mois solaires, de l'année de dix mois
à celle de douze mois, etc., ete. Les deux chiffres
nouveaux , proposés par l'auteur , sont æ et =,
pour exprimer dix et onze. Après avoir compté
jüsqu'à 12 , on dit: Douze-un, douze-denx.:...,
jusqu'à douze-onze ; puis vingt, vingl-un, vingt-
deux..... jusqu'à vingt-onze ; continuant ainsi, on
Tome IT, 1751 à 1760. L
( 162 )
a trente , quarante , cinquante; soixante , Seplanie ,
octante , nonante , dixante et onzante, Après onzante-
onze vient cent; après onze cent onzamte-0n2e ; On
compte mille, et ainsi de suite.
On sait que cette question sur le meilleur choix
d'une échelle arithmétique, a occupé d’'habiles ma-
thématiciens, et que l'illustre Lagrange n’a pas dé-
daigné de discuter les avantages et les inconvénients
des divers systèmes d’arithmétique, dans les leçons
qu’il a données à l’école normale.
Mémoire de M. de Mairan , sur la balance des
peintres ; par M. de Przes.
Quelques questions de jeu proposées à Paschal ,
qui les résolut, ont donné lieu à Permat, à Huygens,
aux Bernouilli , à Moivre, d'appliquer le caleul à
l'attente des événements en matière de politique ,
de médecine , de morale, et de-là est né le calcul des
probabilités, qui est devenu, entre les mains du
célèbre Laplace, l'objet des plus savantes théories.
M. de Piles a imaginé une balance des peintres ,
à l'aide de laquelle il essaie d'évaluer le mérite
relatif des artistes les plus renommés. M. de Mairan a
composé un Mémoire dans lequel il discute ce qui
lui semble bon et défectueux dans la formation
de cette balance , et c'est ce Mémoire qui va être
analysé,
M. de Mairan observe d'abord qu’il ne regarde
les applications du calcul aux choses de goût que
comme des approximations et des essais propres
à nous diriger dans nos conjectures et nos juge-
ments.
( 165 )
M. de Piles suppose un poids divisé en vingt
parties égales : il re; résente par 20 la souveraine
perfection inconnue aux hommes ; par 19 le plus
haut degré dont on puisse avoir le sentiment et
auquel personne west encore arrivé; par 15 le
terme auquel sont parvenus les plus habiles ; par
les nombres inférieurs qui suivent le mérite de ceux
qui s’éloignent de plus en plus de la perfection.
L’art de la peinture est divise par M. de Piles en
quatre parties : la composition , le dessin, le coloris
et l'expression. Dans cette table ou balance de M,
de Piles, Raphaël réunit, pour les quatre parties,
les nombre; 17, 18 , 12, 18, dont la somme 65
représente le mérite de Raphaël. Le Poussin est
designé par les nombres 15, 17, 6, 15, dont la
somme est 53,et ainsi des autres. Quand un pein-
tre ne possède qu'à un degré très-faible et très-
incertain le talent de l’une des quatre parties , on
désigne ce degré par zéro.
M. de noise sans considérer si les nombres
assignés à chaque genre sont dans la proportion
convenable pour chaque peintre, atiaque l'esprit
de la méthode, et prétend que ce n'est pas la
somme , mais bien le produit des nombres de cha-
que colonne qui représente le mérite toal de
l'homme. Il se fonde sur ce que Les qualités de
l'esprit et les talents-se compliquent , se pénètrent
mutuellement ; il compare la force des esprits mis
en action à la force des corps mis en mouvement’!
or, celle-ci a , pour éxpression , de produit de la
masse par la vitesse. Il donne à ces considérations
beaucoup de développements; il veut qu'on dési-
gne par lé nombré 5e moindre degré de talent
dans ehaqué partie , et non pas par zér0 ,' parce
qu'on né peur: pas supposer ure ignorante absolue
L 2
17° ..
(164 )
dans cette partie, et que d’ailleurs, en suivant
son procédé de multiplication , le facteur zero en-
trainerait la nullité de mérite en peinture.
Du reste, M. de Mairan rend justice au savoir
de M. de Piles et à la juste appréciation qu'il a
su faire de l’art de la peinture et des parties dont
il se compose.
Mémoire de M. DE VAUZzENVILLE , sur l’éclipse de
lune du 4 février 1757.
M. Alexandre de Vauzenville , correspondant
de l'Académie , lui a adressé, le premier septembre
1756, le tableau détaillée de tous les calculs re a-
tifs à l'éclipse de lune du 4 février 1757. L’auteur
a joint à son Mémoire une figure qui représente
les triangles qu’il a résolus pour obtenir avec exac-
titude , sous le secours du méridien de Rouen,
Vheure du commencement, de la fin, et la gran-
deur de l’éclipse.
ARCHITECTURE MILITAIRE.
\
Des revêtements de maçonnerie en décharges ; par
M. Duvivier, Brigadier des armées du Roi ,et
Directeur des Fortilications.
Peu versé dans cette belle partie de l’architec-
ture , et craignant d’omettre quelque chose d’es-
sentiel dans l'extrait de ce Mémoire , j'ai prié M. de
(165 )
Boishébert , capitaine au corps royal du génie, 17°°*
de vouloir bien suppléer ici mon insuffisance , et
c'est à son obligeance que je dois le rapport qui
suit :
« Ce Mémoire est une critique des revétements
usités dans toutes les fortifications. M Duvivier les
trouve trop massifs , d'une construction vicieuse ,
et trop dispendieux ; il en considère toutes les
parties relativement à la poussée des terres , et les
distingue en parties mortes et non agentes, et en
parties excédentes et inutiles.
» Il conclut qu'il vaudrait beaucoup mieux avoir
recours aux décharges , qu'il regarde comme très-
économiques et plus propres à résister au canon.
» Ces décharges consistent en voûtes de peu
d'épaisseur poséesles unessurles autres, et pratiquées
derrière le mur extérieur, auquel elles sont adhé-
rentes , et dont la poussée se fait ee à
la ligne de revêtement.
» Il en résulte une résistance d'autant plus grande
contre la poussée des terres, qu'on donne à ces
voûtes plus de profondeur dans les terres sur les-
quelles elles s'appuyent.
» Ces äécharges, employées avec succès dans beau-
coup de constructions anciennes et modernes, ont trou-
vé des contradicteurs ; et il fnt décidé, ajoute notre
estimable confrère , qu’elles ne devaient pas être
employées dans les revêtements des pièces de for ;
tification, »
5751,
C 166 )
a
DÉPARTEMENT DES LETTRES.
BELLESs-LETTRES.
Okiervations sur la cité de Limes , ou le camp de
César, près Dieppe ; par M. Lecar.
« J'ai dessiné la tombe et l'épitaphe d'un curé
de Limes, servant actuellement de table d’antel à
la chapelle de la Vierge dans lPéglise de Martin-
Eglise , près Dieppe ; j'en ai faiv autant du camp
dé César, près de la même ville; mais je rai
jamais pu me déterminer à.croire que ce prétendu
campaiw jadis été l'emplacement d’une ville , d'une
cité. |
» Quiconque a vu des villes ruinées, ou des
forteresses de la date la plus ancierne , ne pourra
jamais: les faire entrer en'comparaison avec Fen-
ceinte dont il est question, et qui na jamais: été
qu'un simple camp et um camp d'assez fraiche
dare ,; où au moins assez fraichement réparé, La
nature des retranchements ne peut s'assimiler au
murailles et aux fossés profonds de nos anciennes
forteresses , et l'assiette du camp, qui e:t une vaste
pelouse sans aucuns débris de maçonnerie , éloi-
gne toute idée d'une ville qui en aurait occupé la
surface.
» La preuve tirée du tombeau du curé de Limes
n’est pas plus décisive. 1° 11 n’existe, dans le diocèse
; (167 )
de Rouen aucune paroisse de ce nom. J'ai com-
pulsé les pouillés du diocèse depuis celui d'Odo-
Rigault, de 1200 , et les registres des provisions , sans
avoir rien trouvé qui énoncât une cité, un village
de ce nom. (*)
» 29 César n'est jamais venu à Dieppe ni dans
ses environs ; mais il n’est pas improbable que des
légions romaines y aient campé ; et il n’en. fau-
drait peut-être pas davantage pour donner l'origine
de cette dénomination.
» On trouva, il y a environ trente-cinq ans, dans
les terres voisines de ce camp , une bague d'or,
ornée d’une grosse pierre fine gravée, et l'on æ’a
assuré qu’elle avait tous les caractères d'une bague
romaine. Elle fut donnée à M. de Pontcarré père,
premier président du Parlement de Rouen. (**}
» Le monument dont j’ai parlé d'abord , expri-
mant clairement que Messire Viel, dont il recou-
vrait la dépouille mortelle , fut curé de Limes et
doyen d'Envermeu; et ne trouvant en Normandie
aucune cité de Limes, j'ai cherché si l'Angleterre
(*) IL existe dans le diocèse de Rouen , entre Vernon et
la Roche-Guyon , sur la rivière d’Epte , près la Seine , une
paroisse de Limais ou Limet ; mais le travestissement de ce
nom en celui de Limes , serait une licence trop hardie,
(**) Sans aller chercher bien loin le nom d’une cité qui
jamais n’a existé dans cet endroit, ne suffirait-il pas , pour
assigner une origine plausible de ce nom ZLimes , de se re-
porter aux anciens usages des Romains qui désignaient ainsi
les frontières ou les limites de l'Empire , et dont ils confaïent
la garde à des légions? C’est le sentiment de la Martiniére ,
Dict, Géog. Voc, Luuss.
L 4
1791
En 1716,
( 168 )
751. ne me fournirait pas, sur ce sujet, quelque notion
utile. Je trouve sur la frontière de Devonshire une
petite rivière et une ville du nom de Lime , et
plus communément nommée Lyme ou Lyme Regis.
» Les grandes relations qui existèrent entre la Nor-
mandie et l'Angleterre , depuis la conquête de ce
royaume jusqu’à Charles VIl,rendraient extrêmement
probable que Messire Viel, normand d’origine,
aurait été pourvu de la cure de Lime en Augle-
terre, et que , revenu en Normandie , il aurait
été nommé doyen d'Envermeu. A son décès ses
héritiers ; qui lui érigèrent un monument dans l’église
de Martin-Eglise , avaient réuni fidèlement tous ses
titres sans désignation particulière des temps et des
Jieux.
» Par cette simple explication, s'évanouit une diffi-
culté qui n’en est une que par la fantaisie que
l'on a eue de vouloir convertir un camp en une
cité , et de trouver une ville de Limes où cette
ville n’a jamais existé, parce que dans cet endroit
un curé de Limes ,et doyen d’Envermeu, y aura
été inhumé avec les qualifications indiquées. » (*)
DEEE
(*) Je trouve dans le premier Essai , de M. Noel, sur le
département de la Seine Jnférieure , pages 87 et 88 , le para-
graphe suivant : L
A la droite de la route...... est un ancien camp appelé
vulgairement la cité de Limes , ou le Camp de César. Ce mo-
nument est dans une position très-avantageuse , étant au bord
de la falaise, dont la mer baigne le pied , défendu par des
fossés trés-profonds avec des owvrages en terre....... On a
débité dans le pays plusieurs fables à cet egard ; mais la ver-
sion la plus probable, est que ce camp a servi à recevoir les
troupes anglaises commandées par Talbot, surnommé ke César
( 169 )
Réflexion sur ce qui pourrait contribwer à la perfection
des édifices publics ; par M. DE LA BOURDONNAYE.
« On a lieu d’être surpris, dit M. de la Bour-
donnaye , que la Nation française , si distinguée dans
les sciences et dans les arts, Nation qui , dans
bien des genres , s’est montrée l'émule des Grecs
et des Romains , et les a même surpassés dans quel-
ques-uns, paraisse négliger de donner, à leur
exemple, à la plupart des monuments publics la
beauté, la grandeur, la magnificence qui leur con-
viennent, et de transmettre à la postérité l’image
des hommes célèbres qui l'ont illustrée.
» Les anciens élevaient des statues au mérite et
aux talents. Ils bâtissaient des arcs de triomphe
à la gloire des guerriers célèbres ; ils dédiaient des
inscripuons , faisaient frapper des médailles , et se
servaient de tous les moyens imaginables pour rendre
les bons exemples plus frappants, les perpétuer d'âge
en âge, et exciter le désir de bien faire.
» Si nous pensons comme les anciens , que l’ému-
Jation est la source des grandes actions ; que le désir
1
des Anglais, qui fit le siége de Dieppe en 1442 , et que le
nom de Camp de César lui en est resté.
J'ouvre le dixMtme volume des Mémoires de l’Académie des
inscriptions , et j'y trouve , dans le Mémoire de M, l’abbé
de Fontenu , les éléments de la note ci-dessus,
J'y trouve de plus les dimensions du camp de César : c’est
un triangle eurviligne dont la falaise ferme le côté le plus,
long. Il est de 800 toises ; le côté N.., est de 325 ; le troisième
est sans mesure fixe.
1752»
(170)
1782, de la gloire élève l'âme , et la met, pour ainsi dire,
au-dessus d'elle-même ; si nous sommes persuadés
que la grandeur et la majesté des édifices publics
annonce la grandeur d’une nation , la noblesse de
ses sen!iments, peut-on dire que nous agissions con-
séquemment à nos principes? »
Ici l'auteur examine tour-à-tour nos places publi-
ques, nos temples, nos théâtres, nos jardins, n0s
fontaines, et il n'y trouve que trop de motifs qui
justilient la sévérué de sa critique. « Nos jardins ,
ajoute-t-il , en citant l’éloquent citoyen de Genève,
sont ornés de statues et nos galeries de tableaux.
Que pensez-vous que représentent ces chefs-d’œuvre
de l’art exposés à l'admiration publique ? Les défen-
seurs de la patrie, ou ces hommes plus grands encore
qui l'ont enrichie par leur vertn? Non, ce sont
les images de tous les égarements du cœur et de
la raison, tirées soigneusement de l’ancienne mytho-
logie, et présentées de bonne heure à la curiosité
de nos enfans. »
Cette pensée, que l’auteur n’applique ici qu'à
l'éducation des enfants , est susceptible d’une ex-
tension bien plus considérable. Faites voir à tout
homme qui aimera la vérité la statue de Turenne ,
faite par Pigalle, elle l'intéressera bien autrement
que le Mercure du même sculpteur..... Les grands
talents ne devraient servir qu’à éterniser le souvenir
des grands hommes.....
M. Titon du Tillet nous a donné à ce sujet, dans
son Parnasse français, une idée vraiment magni-
fique , et il serait digne de la Nation française de
faire exécuter en grand ce monument de sa gloire,
propre à décorer l’une des plus magnifiques places
de la capitade.
#« J'aitoujours été étonné, dit M. delaBourdonnaye;
CET ?)
en parlant des obélisques , que nous ne trouvions 1752:
pas à Paris un seul de ces monuments de l’archi-
tecture égyptienne. Il a de la beauté , il a de la
grandeur , et ne servit-il qu'à rappeler le souvenir
de la plus ancienne nation policée dont l’histoire soit
parvenue jusqu’à nous, ceue serait pas sans doute
un orrement inutile ; mais je voudrais l'appliquer
aux mêmes usages auxquels les Egyptiens l'appli-
quaient, en l’isolant convenablement et traçant sur
le pavé une méridienne ; ce serait d’abord un vérita-
ble gnomon; et en l'ornant des emblêmes de l'as-
tronomie , des chiffres on les bustes des hommes célè-
bres qui se sont immortalisés dans cette science
sublime, on en formerait un trophce d’autant plus
précieux qu'il n’exciterait aucuns souvenirs amers
et n'aurait été arrosé d’aucunes larmes, »
En poursuivant ses recherches sur les divers monu-
ments qui pourraient embellir nos villes, M. de la
Bourdonnaye n'oublie ni nos guerriers célèbres ni
nos illustres marins. I] prepose, au sujet de ces
derniers , un monument d’une espèce toute parti-
culière, Au milieu d'un vaste bassin s’élèverait un
trophée maritime , orné de proues, d’ancres et au-
tres attributs, Là figureraient les statues ou les
bustes des Château - Renault , des Jean Bart , des
Duguay-Trouin , des Tourville....... N'est-ce pas
travailler en faveur de l'éducation de nos jeunes
militaires, que de leur offrir l’image des hommes
qui se sont illustrés en servant leur patrie ? Où
trouyera-t-elle cette belle partie de notre histoire
écrite d'un style aussi élevée; et ne sera-t-elle pas
enflammée de la noble ardeur d'imiter de si beaux
exemples ?
Je terminerai cet extrait par les réflexions de
M. de la Bourdonnaye sur le sanctuaire de la
(172)
1792. Justice , à Paris... « Pourquoi ce lieu si res-
pectable ne présente-t-il aucun des attributs qui
conviendraient à la majesté des oracles qui s'y ren-
deut? Au lieu de cet encombrement de boutiques ,
théâtre de la frivolité, que nous offre la grande
salle, ne devrait-elle pas inspirer le recueillement
et le respect pour Jes lois, en nous offrant les
bustes ou les tableaux des Lamoignon , des Molé
et autres magistrats célèbres, et ceux de ces hommes
éloquents qui ont consacré leurs talents à la dé-
fense de la vertu opprimée.....
» C'est ainsi que l'on ürerait parti, pour l’avan-
tage général , de ce qui na aujourd’hui que des
usages bornés..... C'est ainsi que nous donnerions
à tous les peuples une haute idée non-seulement
des nos vertus militaires , de nos arts et de nos
talents , mais encore de notre esprit et de notre
sagesse, »
Mémoire sur la vie de Léonard Aretin ; par M. l’abbe
GoucerT, (*)
Le vrai nom de Léonard était Bruni ; il prit celui
d’Aretin , sous lequel il est beaucoup plus connu ,
de la ville d'Arezzo en Toscane , lieu de sa nais-
sance.
« Mathieu Palmier et Sozomène mettent dans leurs
chroniques la naissance de Léonard , sous la date
de 1570; Laurent Benincontri la rapporte à lan
1568. Je préfère à leur autorité, celle de Giannozzo
(*) Extrait des lettres de cet auteur,
(175 )
Manetti , l'ami et le panégyriste de Léonard , qui 175%?
place cette naissance en 13 :9-
» Lorsque Leonard vint au monde, l'Italie était
en proie à plusieurs factions qui y causérent de
grands désordres.
» Enguerrand de Couci s'était emparé d’Arezzo.
Ceux qui avaient échappé au glaive du vainqueur
furent faits prisonniers; Léonard et son père furent
du nombre..... Après divers événements, Enguer-
rand ramena ses roupes en France, et le jeune
Léonard revint à Florence où il crut trouver plus
de tranquillité, et où tous les secours nécessaires,
pour les besoins de la vie et pour ses études , vin-
rent comme d'eux mèmes s'offrir à lui.
» Jean de Ravenne , grammairien etrhéteur habile,
le reçut au nombre de ses disciples , et l'élève com-
mençail à peine à mettre à profit les talents de son
maitre , qu'il apprit la nouvelle de la mort de son
père. Cette perte était d'autant plus grande qu'elle
le laissait sans ressources du côté des biens de la
fortune. Lino Colacio Pierio Salutati, chaucelier de
la République de Florence, et l’un des plus savants
hommes de son temps , le prit sous sa protection,
et voulut lui servir de précepteur et de père. « Je Ep. L. =.
n'oublierai jamais, ce sont ses expressions, combien Ep. X£.
je suis redevable à cet illustre défunt. Si j'eusse
eté son propre fils, eût-il pu me témoigner plus de
charité, plus de bienveillance et d'amour ? Si j'ai
appris les lettres.grecques, c’est son ouvrage ; si
j'ai fait quelques progrès dans les lettres latines ,
je les lui dois, ete. » Léonard passa de ces études
à celle de la philosophie , et enfin à celle du droit,
à laquelle, malgré son peu de goût, il se liyra sans
réserve pendant quatre ans.
+753.
En 1399.
C174)
» Il était tout occupé de cette étude aride, iorsque
Manuel Chrisol ras vint de Constantinople établit
à Florence une éco'e de langue grecque. C'était au
commencement du pontificat de Boniface IX qu'il
arriva en Italie ; mais il ne se fixa à Florence que
dix ans après.
» Son école , en peu de temps, devint extrêmement
célèbre; et Léonard s’empressa d'augmenter le nom-
bre de ses disciples , et suivit ces leçons pendant
trois ans.
» Il avait formé avec le célèbre Pagge une liaison
étroite, et celui-ci étant devenu secrétaire des lettres
apostoliques, Léonard le pria de se souvenir de lui
s’il trouvait l’occasion de lui être utile. Pogge vanta
son esprit , la sagesse de sa conduite , et peu de
temps après Léonard fut invité de se rendre à Rome
avec assurance d'y être employé suivant ses talents.
Il s y rendit le 25 mars 1404, fut admis à l'aud'ence
du pape, et se fit écouter avec attention. Sa grande
jeunesse seule devint un obstacle, et le pape le
congédia avec des égards, Le bruit de cette dis-
grace lui attira des concurrents du nombre desquels
fut Jacques Angelo, de Scarparia, en Toscane , son
condisciple sous Chrysoloras. Le pape , irrésolu ,
hésitait à se prononcer : son penchant le portait vers
Léonard , un événement imprévu le tira de son
irrésolution.
» Le schisme commencé sous Urbain VI continuait;
Innoncent VII avait pour compétiteur Benoît XIII,
La voie de cession avait été proposée , et Innocent
s'était engagé à la suivre si son concurrent consentait
à s’y conformer; mais aucun des deux ne voulait
commencer. Jean, duc de Bercy, écrivit, en 1405,
à Innocent, pour l’exhorter à suivre la voie indi-
(175)
quée. Innocent VII communiqua cette lettre aux 1752.
cardinaux , et tous furent d'avis qu'il en fallait faire
deux copies , dont l’une serait remise à Leonard et
l’autre à son concurrent ; que chacun ferait sa ré-
ponse et que celui qui aurait le mieux réussi se-
rait revêtu de l'emploi sollicité.
» La réponse de Léonard fut prête au bout de
deux jours ; elle plut er il obtint l'emploi qu’il
désirait. Dès que Colucio eut appris cette nouvelle,
il écrivit à Léonard pour l’en féliciter, etau pape
pour l’en remercier et lui faire connaitre tout le
prix du trésor qu’il venait d'acquérir.
» Ce commencement de prospérité fut bientôt
troublé par les agitations de Rome que les régents
suscitaient : le pape fat obligé de se réfugier à
Viterbe , d’où il ne revint qu’au mois de mars 1406.
Léonard ne lPavait pas quitté : de nouveaux trou-
bles s'étant élevés , le pape l’envoya chercher du
secours au dehors, Il s’acheminait de Rimini vers
Césène , quand il apprit la mort de son ami et de
son bienfaiteur Colucio ; il en fut profondément
aflligé. De retour à Rome le pape lui ofirit an évêché ;
mais Léonard le refusa,
» Le 5 novembre de la même année, il eut le
malheur de perdre Innocent VII, mort d’une atta-
que d’apoplexie,
» Angelo Corrario Jui succéda sous le nom de
Grégoire XIL, et conserva à Léonard son emploi
de secrétaire. La vie de ce pape fut une suite conti-
nuelle d'agitations jusqu’àla tenue du concile de Pise
où lui et son compétiteur Benoît XIII furent déposés.
» Léonard lui était resté invio!lablement attaché et
avait fait preuve d’une rare prudence dans ces
moments difficiles,
1752°
C:76)
» Pierre de Candie fut élu pape et prit le nom
d'Alexandre V. ,
» Léonard était venu à Pise et y avait demeuré
pendant la tenue du concile. Il eut de fréquentes
conférences avec les PP. du concile; mais on ne
trouve ni dans ses lettres ni dans ses écrits rien
de détaillé sur tout cela. On voit seulement qu’on
réussit à lui faire abandonner Grégoire XIT, pour
l'attacher au nouvel élu dont il devint encore le
secrétaire.
» Alexandre V ne tint le saint siége que dix mois
buit jours, et mourut à Bologne.
Le cardinal Balthasar Cossa , qui avait été le
principal moteur de toutes ses démarches, lui suc-
céda sous le nom de Jean XXII,
» Le mérite de Léonard lui était bien connu et
il ne crut pas mieux faire que de le retenir au-
près de lui dans le même emploi que ses pré-
décesseurs lui avaient confié. Léonard y consentit ;
mais à peine en avait-il commencé les fonctions ,
que la République de Florence, quine le perdait
pas de vue, le nomma son chancelier , et lui en
envoya les provisions. Il se vit donc obligé de
quitter Bologne, au grand regret du pape et de
ses amis , pour aller prendre possession de son
nouvel emploi. Il ne l'avait accepté qu’avec peine
et n’en remplit les fonctions que pendant quelques
mois ; dès qu’il eut fait sa démission , il se hâta
de retourner vers le pape qui s'était rendu à Rome
vers le mois d’avril 1411.
» Jusques-là Léonard avait porté l’habit ecclésias-
tique et latonsure cléricale ; mais peu de temps après
son retour à Rome , ayant changé de goût , par rap-
port à la cléricature, il fit un nouveaur voyage à
Florence
(177)
Florence et de là! à Arezzo , sa patrie, où il se 17
maria. Il eut de ce mariage un fils qu’il nomma
Donat, et qui luia survécu. (*)
» Les engagements qu'il venait de contracter ne
le fixèrent cependant pas à Arezzo. Il retourna à Rome
en 1412 , et suivit la fortane du pape jusqu’à la
tenue du concile de! Constance. S’étant aperçu
qu'on n’y était pas favorable au pape ,‘il quitta
Constance et reprit la route de Florence. Jean XXII
et Benoît XIII furent déposés par le concile , Grégoire
y fit son abdication ; Othon Calonne fut élu pape
dans la quarante -unième session et prit le nom de
Martin V. Ce fut lui qui ferma le concile à la
quarante-cinquième session , le 22 avril 1418.
Au mois de février de l'année suivante , ce pape
étant venu à Florence | Léonard alla lui présenter
ses hommages et lui offrir ses services, Martiu lagréa
comme ses prédécesseurs pour secrétaire des brefs
apostoliques, Pogge avait disposé favorablement le :
pape qui connaissait d'ailleurs le mérite de Léonard sc
et celui-ci en témoigna à son ami sa vive recon-'
naissance, oo SD REUT
» Léonard, qui paraît ne s'être jamais servi de
son crédit que pour faire du bien, en fitle plus.
heureux emploi dans une circonstance assez délicate. :
Le pape avait été insulté par quelques’couplets :
trop libres que des jeunés gens chantaient pabli:!
quement dans la ville, et s'en était plaint à Léonard
avec amertume, Celui-ci mania si adroitement l’es-
prit du saint Pêre, que non-seulement il parvint à
lui fairé oublier cette offense ; maïs de plus , en mé? ?
mioire des bons oflices que les magistras de Flotence
(*) Le Dictionnaire de Morery dit qu’il véeut dans le célibat: :
Tome II, 1551 à 1760. M
5
2
1752,
En 1420,
C178 )
lai avaient rendus , il érigea leur église en mé-
tropole.
» Léonard fut moins heureux avec Nicolo , au-
quel. il avait voué une éternelle amitié, ei qu'une
intrigue malheureuse parvint à brouiller avec lui.
Pogge et Barbaro s’entremirent pour les réunir,
Léonard si préta de bonne foi ; mais le retour de
Nicolo ne fut pas aussi sincère. .+ On ne se haïssait
plus ; mais on ne sortait guères de l'indifférence. «*)
» Le pape , enfin , quitta Florence pour retour-
ner à Rome, et Léonard s'excusa le mieux qu'il
put et le Jaissa partir seul, se consolant avec ses
amis et ses livres de l'abandon de la cour de
Rome. 11 y retourna cependant en 1426 ; mais ayec
la qualité d'ambassadeur de la République. Le dis-
cours qu’il prononça à sa première audience fut
extrémement applaudi.
» Le 27 novembre dela méme année, il fut, pour la
seconde fois ; nommé chancelier ou vice- chaucelier ;
mais, peu de temps après, il fut reyèiu de .ceute
dignité avec toutes ses attributions honorifiques,
Sans négliger les affaires publiques il v’abandouna
pas, ses études , et leur,eorisacra tous les instants
quil. pur dérober à ses devoirs. 1l:se conduisit de
manière à «mériter l'estime, générale ; fut. comblé
d'honneurs ;: nommé. deux, fois à la magistrature
du !décemyirat., et. aurait été élevé à, F#$ dignité
1!
(‘) Nicolo était, fils d'un négociant et avait fait d’assez bonnes
études. Sa.passion pour les livres était sans bornes ; il en ayait ras-
semblé un si grand nombre de toutes les parties de l’Europe, qu'il
avait formé , à ce que l’on prétend , la plus riche bibliothèque qu’un
particulier püt alors posséder, [leu laissait l’usage à ceux qui avaient
la volonté d’en profiter, :
"
14
(179 )
de gonfalonnier , la première de la République, 1752:
s'il eût vécu plus long-temps. Il avait reçu quel-
ques années auparavant le droit de bourgeoisie ;
et «’est pour cette raison qu'il appela quelque-
fois Floreice sa patrie,
- Le coucile de Bâle , transféré à Férrare et de
Ferrare à Florence, avait vu la réaniou des Grecs
et des Latins consommée par le fameux acte d'u-
niou du 6 juillet 1739.
» Il y a lieu de croire que Léonard ne demeura
pas oisif pendant la tenue de ce concile ; mais l'his-
toire ne nous a rien conservé de ce qu'il y fit.
Vers ce temps, Alphonse, roi d’Arragon , qui
aimait les sciences et ceux qui les cultivaient , tenta
d'attrer Léouard auprès de lui. 11 s’en excusa sur
son âge et sa mauvaise sauté, Il mourut à Florence
en _1444+ âgé de 75 ans , en plaçant sa naissance,
comme il a eté dit, en 1569. il laissa pour uui-
que héritier son fiis Donat.
» Ses funérailles, se firent avec beaucoup de
solennité et aux dépens de la République. Sa
tête fut couronnte de iauriers ; Gianozzo Manetti
prononçà son oraison funèbre sur une estrade à
la têée du cercueil. Toute la cour du pape , qui
était alors à Florence , et les ambassadeurs des
priuces près du saint-siége assistèrent x cette lugu-
bre cérémonie.
» Le corps de Léonard fut enfin dépoié dans
l’église de Sainte-Croix , et l’on grava sûr sa tombe
cette simple et honorable inscription :
Postquam Leonardus e vit& migravit ,
Historia luget, Eloquentia muta est ,
Ferturque Musas tum græcas tum latines
Lacrymas tenere non potuisse.
M 2
1753
( 180 j
Mémoire sur la nécessité de travailler à l'Histoire
de la province de la Normandie , ét sur les moyens
d'y travailler avec succès ; par M. DupouLzax.
Le titre seul de cet excellent Mémoire en indi-
que le sujet et la division.
« Deux motifs bien puissants, c'est M. Duboullay
qui parle, doivent vous porter à l'entreprise que
je vous propose : l’un est l'intérêt de votre Aca-
démie , parce qu’il n’est point de moyen d'employer
plus utilement tous ceux qui la composent ; l’au-
tre est la richesse même du sujet, parce qu’il n’en
est pas qui mérite plus de vous occuper. |
» Il est dificile sans doute de se frayer des routes
nouvelles dans la carrière des sciences , des lettres et
des beaux arts , et ilest malheureux d’être réduits x
répéter les idées et les experiences des autres,’
Pour obvier à ces deux inconvenients , il n’est point,
je crois, de moyen plus eflicace que d’entreprendre
un trayail commun qui , roulant sur des choses
utiles et à la portée de sous les Membres , leur
donne occasion d’appliquer leurs différentes con-!
naissances, et fixe par-là cette incertitude que la
vue d'une carrière trop vaste me manque pas de
produire dans la plupart des esprits... I} ne s’a-
gira que d'appliquer des connaissances acquises à
des objets intéressants et utiles à la patrie, en sui-
vant les différents genres qu'on aura choisis et
dont on aura fait une étude plus particulière...
» Mais quel sera le sujet de ce travail? Pouvez-
vous douter , Messieurs, qu’il ne doive être con-
sacré à la province dans laquelle nous sommes
établis? C'est à faire connaître l’état passe et actue
(181)
de la Normandie que doivent tendre nos premiers 5753*
efforts , et à amasser des matériaux pour nous mettre
en état de publier un jour son histoire générale. . +.
Et croyez-vous, Messieurs , qu’un, pareil travail
ne soit pas fait pour intéresser nos judicieux con-
citoyens? Prenez-en pour garant le succès de plu-
sieurs Histoires récentes de provinces d'une impor-
tance bien moins grande que la nôtre. Non , on ne
connaîtra bien la France que lorsque les bonnes
histoires particulières de chacune de ses provinces
seront mises au ECM Voudriez-vous donc,
Messieurs , laisser à d’autres une gloire..qui vous
appartient? Doutez-vous que l’Histoire dela Normandie
soit assez intéressante pour mériter qne vous lui
consacriez vos travaux ? Serait-ce plutôt la difficulté
de l'exécution qui vous arréterait ? Ce .sont deux
prétextes qu'il est nécessaire de détraire, paree
qu'ils pourraient refroidir cette ardeur ce zèle,
sans lesquels on ne réussit jamais quand il s’agit
d'ent reprises utiles et glorieuses,
a j
in De quelque ci qûté que l’on convidère: l'Histoire
dela Normandie, on n'y. trouvera que des objets
capables d’exciter l’'émulation. Vos ancêtres , Mes-
sieurs, sont ces anciens. preux qui,;, pendant près
d’un siècle, firens trembler toute l'Europe, for-
_cèrent les rois de, France à sallier avec-eux et à
leur céder uue de ses plus belles provinees.
», Possesseurs d'un pays riche et fertile ; ils adou-
cirent leurs mœurs et apprirent à connaitre Îles
vertus et les devoirs de la société. Le premier de leurs
ducs leur donnade lois dont plusieurs ont subsisté
jusqu'à nous. Trop resserrés dans leur nouvelle
patrie , les Normands conquirent et civilisèrent l’An-
gleterre , et lui donnèrent les lois sages qui les
avait rendus heureux.
M 3
( 182 )
» La gloire dans tous les temps fut leur idole
chérie: Un: petit nombre de chevaliers normands
forma etexécuta le projet de chasser les Sarrasins
de la Calabre et de la Sicile , et fonda un empire
qui Uentéun rang distingué parmi les puissances
de l’falie. Prop resserrés encore dans les limites
de l'Europe, ils portèérent jnsqu'au fond de lo-
rient ,-la gloire de leurs armes; et les noms de
Boëmond et'de Tancrède seront à jamais fameux
dans Fhitroire:....
» Sous lé règne justement célèbre de Eouis-le-
Grañd; lorsque la France, respectée detoute l'Europe
par sa lpuisänce, devint, par la culture des lettres
AA xl ne tiaut Le «
etdes béañx arts, la rivale d'Athènes et de Rome,
quelle ’féulé d'hommes sayants la Normandie ne
“produisitselle pas ? Liftrature, éloquence , poésie ,
chimie , ‘antiquités industrie, commerce , Daviga-
tion; dans ‘Presque toutes les parties la Normandie
s’est illustrée et°a donné l'éveil à l'Europe en mar-
chant dés prémières dans la carrière des beaux arts. :»
» Si nous sentons l'importance du projet que j'ai
Fhonneur1db vous proposer , rie différons donc pas,
Messieurs à prendre les moyens les plus eflicaces
pour Je-mettre à exécution. Il à ses obstacles, sans
donte ; mais qu'elle entreprise importante est exempte
de difficultés? Mais ces difficultés sont-elles insur-
‘montables ?Ah :craignons que le zèle ne nous
manqguerplutôt que-le talent. Faisons au moins quel-
-ques stentatives , avant que: dé prônoncer que ce
travail est au-dessus de nossforces jet voyons si le
splan- d'exéeution que je: wais avoir l'honneur de
vous proposerne fera pas disparhitre la plus grañide
parte de-ces difficultés: qui nous avaient d'abord
ellrayésess so 1e 02 ebuse ,:
» L'Histoire de la Normandié peut se diviser
271 " 19
( 185 )
en quatre parties principales , l'Histoire civile ; l'His- 1753.
toire ecclésiastique , PHistoire littéraire , l'Histoire
naturelle. Chacane de ces quatre branches de-
mande des talents différents et renferme des sous-
divisions dont chacune suffit pour occuper plusieurs
collaborateurs, C’est sous ce rapport que chacun
de nous doit jouir de la plus grande liberté et
choisir la partie la plus conforme à son goût et à
son génie.....
» Le premier pas que nous ayons à faire est de
rechercher et de connaitre les sources où nous
devons puiser, les livres, les manuscrits, les titres
dont nous pouvons faire usage , les dépôts publics
où nous pourrons faire des découvertes. Un ou-
vrage préliminaire , très-important, serait donc un
catalogue raisonné de tous les auteurs qui ont écrit
sur la Normandie, des titres et manuscrits, des
dépôts où ils sont conservés ; et ce travail impor-
tant rentre pleinement dans les attributions d’un.
de nos confrères qu'il me suffit de désigner ici
par sa vaste érudition.
» La géographie, la chronologie , la diplomatique
et les antiquités sont, comme vous le savez , Mes-
sieurs , les avenues de l'Histoire. Vous aurez , sous
le rapport de la géographie , à fixer les limites
anciennes de notre province , à déterminer la po-
sition des villes , à rectifier les cartes anciennes et
à en former de meilleures, à verifier si la mer
se retire de nos côtes , si les rivières deviennent
plus étroites et plus rapides ; à déterminer quel
espace de terrain comprenaient les forêts , lors de
l'invasion , et quelle immense quantité d’arpents ont
depuis été rendus à la culture, etc., ete.
» La chronologie et la diplomatique offriront des
dates incertaines à fixer et à déterminer ; la ma-
M 4
(184)
1755. uière de compter les années , an temps de nos
anciens ducs, celle de dater les chartes , les sceaux
et marques caractéristiques d'authenticité dans ces
temps anciens ; les diplomes de la province et sur-
tout la fameuse charte confirmée par tant de rois ,
‘et:qui aurait besoin d'un bon commentaire.
» La Normandie est remplie de monuments re-
marquables par leur antiquité : une notice courte,
mais exacte sur les édifices , les tombeaux, les ins-
criptions , les médailles, serait d’une grande uti-
lité pour en éclaircir l'histoire, .
» L'Histoire civile serait divisée en trois époques :
la première comprendrait les années qui se sont
écoulées depuis la conquête de Jules-César jusqu’à
l'invasion des Normands. La seconde commencerait
à l'invasion et finirait à la réunion du duché de
Normandie à la couronne ,:sous Philippe-Auguste.
La troisième s’étendrait jusqu'à nos jours. Les mœurs,
les coutumes , les lois, la religion , le gouverne-
ment ; les guerres , les traités, les généalogies: de :
nos ducs, les alliances, les établissements, etc. |
donveraientlieu à des recherches savantes et propres
à intéresser tous les genres de talents.
» À cette branche se réunirait l'Histoire de l'an-
cien, échiquier, celles du parlement , de la cham-
bre des, comptes et autres juridictions; des hôtels:
des monnaies , des officiers qui y sont attachés,
des hôtels de ville , des gouvernements particuliers
et des titulaires qui sy sont distingués:
». L'Histoire des hommes illustres de la Normandie,
par leur bravoure dans la guerre, par leur sagesse
dans le gouvernement ; par leurs lumières et leur
équité dans. l'administration de la justice, serait
une des parties la plus brillante de nos annales.
» L'Histoire ecclésiastique.se traiterait suivant: la
( 185 y
même méthode, pour ce qui concerne la métropole 1725.
et les diocèses qui en relèvent ; les chapitres, les
abbayes, les monastères, leurs priviléges et im-
inunités ; les personnages qui les ont régis et qui
se sont illustrés par leur sainteté, leurs écrits ;,
leurs talents dans tous les genres.
» L'Histoire littéraire comprendrait les établisse-
ments formés en l'honneur des lettres, sciences et
arts, colléges, écoles publiques, académies, bour-
ses , les noms de leurs fondateurs, les maîtres qui
s'y seraient distingués et les élèves fameux qui sy
seraient formés,
» L'Histoire naturelle se partage en deux grandes
sections : la partie physique et la partie écono-
mique. À la première appartient la description
des animaux , des végétaux et des minéraux. La
seconde a dans son domaine tous les usages que
l'on en a fait dans le commerce et dans les arts;
et , sous ce: double rapport, quelle province est
plus recommandable par ses productions et par
son industrie? Ses gras pâturages et ses plaines
fertiles nourrissent un nombre infini de bêtes à
cornes, de moutons, de chevaux excellents , source
féconde d’an commerce très-étendu. Que d'amé-
liorations possibles , par l'introduction d'espèces
étrangères , le croisement des races, le soin des
troupeaux ? Et combien nos laines, en particulier,
peuvent acquérir de valeur par le simple éloïgne-
ment des négligences qui les déiériorent? Nos
vastes forêts fournissent à l'entretien de nombreu-
ses usines, et sont pour nos chantiers de marine
une ressource aussi abondante que facile. La super-
ficie de notre sol n’est pas la source unique de nos
richesses; ses entrailles recèlent des carrières de
p'erres excellentes pour la bâtisse, des mines de
( 186 )
r plus précieuses que l'or, des eaux minérales
que leurs vertus médicinales ont rendu célèbres...
» Que de matériaux offerts à votre industrie lquelle
immense variété d'objets propres à occuper tous les
talents et à satisfaire tous les goûts.…... ! Si Ja
difficulté de voir tout par vos yeux vous embar-
rasse ; vous arrête ; formez-vous, Messieurs , dans
toutes les parties de la province des collaborateurs
laborieux ; associez-les à la gloire de cette entre-
prise; faites des questions les plus épineuses des
sujets de prix , et invoquez tous les savants de
l'Europe à vous éclairer de leurs lumières ; mais
ayez l'initiative, donnez l'exemple du travail : ce
n'est qu’à cette condition qu’on mérite et que l’on
obtient des secours.
» Quand vous aurez réuni tous les matériaux
nécessaires à la construction de ce vaste édifice ,
il ne sera plus question que d’en coordonner toutes
les parties et ce sera l'ouvrage d'un petit nombre
d'hommes sages, réfléchis, et dont la plume exercée
relèvera la richesse du fonds par les grâces du style.
Alors, Messieurs , vous pourrez vous flatter d’avoir
élevé un monument national également imposant
et utile, et vous aurez mérité cette considération
précieuse sans laquelle aucune société savante ne
peut subsister.
17953. fe
Je ne ferai qu'indiquer un second Mémoire du
même auteur , ayaut pour titre: Æssai de classi-
fication des divers matériaux qui daivent entrer dans
la composition de l’Histoire de Normandie , pour
en faire la distribution entre Messieurs de l’Aca-
démie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen.
(187)
Ce titre seul en fait connaître objet , et ce Mémoire 795:
se refuse à toute espèce d'analyse,
Dissertation sur l'état actuel des sciences et des
beaux arts, et sur la possibilité de les perfection-
ner; par M. Lecar.
Cette dissertation , destinée à faire partie des
lectures à la séance publique de 1753, ne pou-
vait être qu'un ouvrage agréable, dont la variété
et la succession rapide des objets faisaient le prin-
cipal mérite.
Après un hommage sincère rendu aux grands
hommes qui ont illustré Athènes et Rome, l’au-
teur passe au beau siècle de Louis XIV , et paye
un juste tribut aux savants dans tous les genres
qui l'ont immortalisé, I] arrive enfin à son siècle,
et s’il est obligé de convenir que nous le cédons
aux anciens par la vaste étendue des conceptions ;
il montre que nous l'emportons sur eux par la
correction et le fini.
» Rendons justice à nos écrivains sans lesflatter,
dit M. Lecat , la manière d’écrire de plusieurs
d’entre eux, non-seulement a soutenu une partie
de l'éclat qu'elle avait acquis dans le siècle précé-
dent , maïs encore elle semble être devenue plus
légère dans sa marche, plus circonspecte dans ses
ornements , plus mesurée dans les essors de l'ima-
gination, »
L'astronomie , la physique , la mécanique, les
sciences médicales , l’histoire naturelle, sont exa-
minées tour-à-tour , et l'auteur montre qu'il n'est
aucune de ces parties qui ne se soit agrandie et
perfectionnée de nos jours. » Pour ayoir une idée
(188 ÿ
1755, des succés de notre siècle dans l'étude de la na-
ture, jetons les yeux sur un phénomène autrefois
très-stérile et à peine connu de nos pères, l’élec-
tricité, lequel forme seul aujourd’hui un corps de
science aussi curieux en faits , aussi riche en vé-
rités que pouvait l'être autrefois la physique toute
entière.
» Ces beaux jours si vantés de Périclès et d’Au-
guste étaient, sur le mécanisme du corps humain,
dans une ignorance dont rougiraient les derniers
de nos élèves..... On ne connaissait ni le cours
du sang ni celui du chyle : Harvée , Azellius, ou-
vrirent les yeux sur les phénomènes de la circu-
ation et de la chylification; Riolan , Bartholin,
Malpighi, Ruysch, Winslow, Senac, Ferrein , Haller,
etc. , élevèrent l'anatomie et la physiologie au rang
des sciences les plus sublimes. Si an autre
que M, Lecat eût été l'auteur de ce disconrs , on
eût vu'infailliblement le nomde cet homme célèbre
fgurer au milieu des noms illustres qu’il signale
à la reconnaissance publique.....
» La botanique et la chimie ont marché de front
avec toutes les autres sciences , dans les progrès rapi-
des qu’on vient de désigner. Lémery ayant arraché à
Ja dernière le voile mystérieux dont ‘elle affectait
de se couvrir , Pintroduisit chez les physiciens,
dans le cabinet des curieux et dans les palais des
grands. M. Lecat cite avec éloge les savants qui, de
son temps, cultivaient avec honneur cette science
magnifique. Qu’ eût-il dit s'il eût vu les chimistes
de nos jours créer une nouvelle chimie , reléguer
les éléments des anciens dans la classe des substances
tomposées , et offrir, dans leur nomenclature, le
précis de leur composition ?
» On ne connaissait jadis Jes plantes que comme
(189 )
le vulgaire les connaît, par leur port extérieur,
et sur-tout par l'habitude de les voir.
» L'illustre Tournefort les a étudiées en philoso-
phe par leurs actions essentielles ; actions aualogues
à celles qui distinguent vraiment entre eux tous les
êtres vivants , et où ce grand homme a puisé les
caractères distinctifs-de la vaste famille des végé-
taux : méthode $i heureuse et si belle que des
milliers de plantes découvertes tant par l’auteur même
que par ses successeurs , se ‘ont venu ranger sous
les genres et sous les espèces qu’il leur avait pré-
parées.
» La voie que Tournefort a ouverte à l'analyse,
a conduit le célèbre Linnæus aux recherches savantes
qu'il a faites sur les parties sexuelles des végétaux ,
et à fonder ce systême brillant qui balance la
méthode naturelle de son devancier,
» J'ai passé en revue les principaux objets de nos
travaux; ils ont tous donné les signes les moins
équivoques de la plus grande fertilité : l'exposé
circonstancié des progrès que l’on a faits dans ce
siècle, dans une seule de ces parties, nous aurait
occupé plus de temps que je pouvais en consa-
crer à cette revué. Nous ne sommes pas assez
vains pour nous flatter de les égaler jamais ; mais
nous avons leurs exemples pour preuve de la pos-
sibilité de nos succès, et leurs noms présents à
notre mémoire pour nous engager à les suivre. »
1752:
1755,
1754
C190 )
Plan de travail pour l’examen , le choix et la rédac-
tion des Mémoires de l’Académie ; par M. DE La
BouRDONNAYE.
Je ne présenterai presque que le titre de ce
Mémoire, qui prouve que depuis long-temps on
s’est occupé de l’impression des Memoires de ji Aca-
démie.
L'auteur exige trois conditions : 1° un examen
scrupuleux pour juger de la valeur de chacun ;
2° upe classificaion et une distineion de ceux qui
doivent être imprimés en entier ou simplement par
extraits. Il desire qu’une commission soit chargée
de ce travail et que chaque auteur soit invité à
faire le précis de son ouvrage ; 3° la rédaction à
laquelle se rapporte l’ordre qui doit régner dans
la composition de chaque volume,
Une expérience de cinquanie ans a montré quel
ayait été le résultat de ces commissions souvent
renouyelées et toujours sans succ's. ( Voir, à ce
sujet , le premier volume de ceite collection. Ob-
servations préliminaires, ÿ
" 2 LA
Exposition d'un Monument ancien :; par M. BEYER
P » P ,
D. M. à Nimèégue.
« Messieurs , j'aurai l'honneur de vous entretenir
aujourd’hui ( c’est l’auteur de cet intéressant Mé-
moire qui parle ) d’un monument antique qui se
voit au clocher du village de Doyeivert, sur la
——
(191 )
rive droite du Wahl, à trois grandes lieues de 1754.
Nimègue..... Je lisais il y a quelque temps, dans
l'ouvrage de M, Cuper, Monumenta antiqua inedita,
une description et une espèce d'explication de ce
monument qu'il wa cependant pas vu , et je ne
sais pourquoi je doutai qu'on eût bien informé
M. Cuper, toachant le veritable état de ce beau
reste de l’antiquité.
» M. Muratori , qui n’a fait là-dessus que copier
M. Cuper , ne m'a pas satisfait davantage. L'ins-
cripüion de ce monument se lit chez ces Messieurs
de cette façon :
M. TRAIAN. IV
GVM. ATTIVS. GAI
SIONIS. F. VET. ALAE
AFROR. T. P. I.
» Mon doute ne pouvant s’éclaircir dans mon
cabinet , j'allai sur les lieux ; et, après un mûr
examen , je trouvai que l'inscription telle que M.
Caper la rapporte est très - fautive ; ce qu'il est
facile de vérifier en jetant les yeux sur linscrip-
tion que M. Beyer dit avoir fidèlement copiée sur
le monument lui-même.
» Mais ayant que de la présenter ici, j’essayerai
de décrire ce monument, ne pouvant en ofirir la
figure.
» Il est de pierre de quatre pieds huit pouces
de hauteur ,'sur trois pieds deux pouces de lar-
geur. Le pied est celui du Rhin, de Fr to chose
plus court que celui de Paris.
» La hauteur du monument se partage en trois
parties inégales. Celle d’en bas est consacrée à l'ins-
cripuon,
3754.
(192 )
» Celle du milieu, la plus grande de toûtes, estspécia-
lement remplie par un personnage sur un lit antique
étendu , le tronc élevé et soutenu par des coussins. A
ses pieds est une figure debout , les bras croisés, avec
l'expression d’une vive douleur. J'estime que ce
personnage est une femme. En avant , sur un gué-
ridon à trois pieds, une patère et quelques objets
que je ne reconnais pas; plus loin un support avec
un vase pose dessus. Est-ce un vase de nuit, une
lampe ? je,
» Les personnages et les objets désignés semblent
placés dans une espèce d’alcove surmontée par un
attique formant la troisième partie de ce monument,
et en même-temps la plus petite. À
» Au milieu ‘ést une figure ailée accompagnée
de deux lions en: regard,
» Il est assez difficile d’imaginer sur quel fonde-
ment M. Cuper a pris cette figure ailée pour un
Triton. ;
» Voici présentement l'inscription copiée scrupu-
leusement par M. Beyer ; il est facile d'y recon-
naître de grandes différences avec celle de M, Cuper.
M. TRAIANIVC
GVMATTIVS GAT
SIONIS FVETALAE
AFROR. T. P. I.
»:Ce qui me parait certain , ’est que ce savant
homme a fait de grands raisonnements sur une
inscription qu’on lui avait mal copiée.. ;
Au reste M, Beyer , dans son Mémoire, ne tente
de donner aucune explication sur ce smonument,
etne dit pas comment M. Cuper tente de l'expliquer.
Sur
( 195 )
Sur la correspondance des Académies de province
avec celles de Paris, et réciproquement ; par M.
PAvioT.
Ce discours exprime le vœu le plus sincère de
voir s'établir une correspondance mutuelle entre les
Académies de province et celles de Paris. M. Paviot
regarde avec raison les Académies de Paris comme
des Académies mères auxquelles les Académies de
province ont le plus grand intérêt de s’affilier ;
mais il montre également qu’il est possible que les
Académies de province communiquent à celles de
la capitale des observatiocs et quelquefois même
des découvertes utiles. C’est ainsi que tout se tent
dans la nature par un échange continuel de bien-
faits, et que les plus petits ruisseaux concourent
la formation des fleuves et des mers, qui leur
rendent, en rosées et en pluies fécondes , l'aliment
nécessaire à leur existence.
Observations sur la Musique et sur le genre
enharmonique ; par M. de PRÉMAGNY.
17954
« La musique est un art si charmant , une science 1755.
si étendue dans ses principes et dans ses effets,
qu’elle mérite bien qu’on fasse d’elle au moins une
légère mention dans une Société où l’on s'occupe
également des arts utiles et des arts agréables...
» La musique > C'est-à-dire la variété des sons ,
est naturelle à l'homme plus spécialement qu’à
Tomé If, 1751 à 1960. N
(194 )
1755, aucune autre espèce d’être animé ; et, à propre-
ment parler , il n'y à point de monotonie dans Ja
DAtUre.....
» Mais ce qui n'est que l'effet d’une organisation
purement mécanique et par conséquent toujours
uniforme chez les animaux , devient, dans l'homme
intelligent et capable de discerner , de juger , de
combiner , un art méthodique , où le génie , aidé dn
goût et du raisonnement , sait jeter des variétés
infinies. Le passage pur et simple d'un son à un
autre dépend uniquement de la construction de
Vorgane de la voix : la distance des intervalles et
le rapport des accords qui en naissent, est l'ou-
vrage du jugement et de la réflexion, et l'homme
seul possède la science de lharmonie....... Lui
seul a su franchir les limites étroites où sa voix
paraissait resserrée, en étendant la mélodie jusque
dans les écarts de la modulation , et en unissant
harmoniquement des sons qui semblaient faits
pour se succéder plutôt que pour régner ensemble.
» C'est de-là que nous est venue la connaissance
des trois genres qui font la division ordinaire de
la musique. Le diatonique , le plus simple de tout,
parcourt les différents tons par la succession la
plus naturelle , depuis le ton principal jusqu’à ses
octaves, tant en montant qu’en descendant. Il n’a
aucun rapport avec la parole ni avec la déclama-
tion , quelque force et quelqu’étendue qu'elles
puissent avoir: c'est nécessairement un chant, et
chanter et parler sont des choses absolument diffé-
rentes, |
» Le second genre, appelé chromatique , qui,
dans le modé mineur , s'écarte de la route ordi-
naire du diatonique et procède par demi-tons ,
semble conséquemment se rapprocher un peu de
(195)
la parole , en imitant ses inflexions. Mais les règles 1755:
rigoureuses auxquelles il est assujettis, son usage
particulièrement borné à l'expression des chants
plaintifs, tendres et touchants..... tout cela con-
court à diminuer l’aflinité apparente entre ce genre
et la parole, dont l'essence est de prendre libre-
ment l’essor sans étre contrainte par les règles.
» Ces deux genres, connus et pratiqués de toute
antiquité , semblaient seuls partager la musique
des plus grands maîtres, lorsqu'un célèbre musi-
cien , Olympus , osa employer l’enharmonique ,
ignoré ou négligé de ses prédécesseurs. La dis-
ünction qu'ils apercevaient entre le chant musi-
cal et la voix naturelle, malgré ses gradations sen-
sibles , les déterminèrent à n'en point confondre
les limites. La parole s'élevait jusqu’à la belle décla-
mation , mais elle en demeurait 1à.... Toute la
composition musicale ne roulait presque que sur
le genre diatonique et quelquefois sur le chroma-
tique , parce que ce sont les seuls que la voix
chantante et la plupart des instruments puissent
admettre. On n’a pas d'exemple qu’on ait jamais
donné à l'orgue d'autre division que celle des tons
et des demi-tons , au lieu que l’enharmonique étend
les divisions du ton jusqu’à neuf, ce qui est inexécu-
table sur les instruments fixes.....
» Il est cependant incontestable qu'Olÿmpus a
introduit ce genre dans la musique , et l’a em-
ployé avec le plus grand succès. Quelle en peut
être la raison? La voici, si je ne me trompe : c'est
que la déclamation des anciens était notée, et com-
parable en cela au récitatif italien , et que la voix
humaine, extrémement flexible, prend, au gré
des passions , toutes les inflex'ons possibles , et pré-
sente un exemple naturel et permanent du gerre
=
EN 2
1
/
(196 )
55, enharmonique ; ce qu’une oreille délicate observe
facilement , sur-tout dans la déclamation des peuples
qui donnent à leur langage beaucoup d’inflexions.
Le gerre enharmonique appartient donc bien plus
à la parole qu’à la musique..... De quelque ma-
nière qu'Olympus l’exécutât, ce que nous ignorons
entièrement puisque nous n'avons plus de musique
ancienne , tâchons de le déméler dans la musique
subsistante..... Les Italiens nous firent entendre
les premiers , dans leurs longs récitatifs , cette es-
pèce de composition amphibie qui n'est ni vraie
déclamation , ni vraie musique. Il faut pour la
connaître avoir assisté aux opéra d'Italie , et leur
avoir accordé un attention que les Italiens eux-mémes
lui refusent pour la donner toute entière à leurs
arriettes.....
» Pour nôus qui, comme Macrobe , trouvons le
genre diatonique susceptible de toutes les expres-
sions , nous déclamons nos scènes dramatiques et
nous chantons nos scènes lyriques ; et, quand nous
avons choisi entre parler ét chanter , nous n’admet-
tons aucun mélange..... Il faut que le récitatif
italien soit cependant éloigné de produire les grands
effets de l'enharmonique des Grecs , quoique calqué
sur les mêmes principes, puisque Rome même le
dédaigne au point de déserter sitôt qu’il occupe
la scène; et sil peut seul nous rappeler ce genre
que Plutarque a vanté, ne voyons dans ces éloges
qu'une exagération manisfeste. »
( 197 ) e
Dissertation sur la mort d’Antiochus Epiphanes,
Roi de Syrie ; par M. de PRÉMAGNY.
Le point de l'histoire que je me propose d'exa- 1757.
miner, dit M. de Prémagny, est également inté-
ressant et difficile. Il s’agit moins de concilier les
auteurs des deux livres des Machabées avec les
auteurs profanes que de les concilier entre eux.
Il est dit qu'Antiochus, en parcourant les hauts
pays, apprit qu'à Elymaïde , ville de Perse extré- Mach. 1.C.
mement opulente , il y avait un temple qui ren- VI,
fermait d'immenses trésors qu'Alexandre y avait
déposés; que, désirant s’en rendre maître, il tenta
de s'emparer de la ville; mais qu'en ayant été
repoussé , il revint à Babylone avec un grand dé-
plaisir... Qu'il apprit encore en Perse que Lysias,
son général , avait été battu par les Juifs..... et
qu’il tômba dans un état de langueur qui le con-
duisit au tombeau, l'an 149. Y 16. Et au deuxième
livre des Machabées, il est dit que les Juifs écri-
virent à leurs frères en Egypte, et après leur avoir
succinctement raconté les malheurs qui leur étaient
arrivés, l'an 169, sous le règne de Démétrius, ils
ajoutent que l'an 188 Dieu les avait délivrés de
dangers aussi grands qu'imminents ; car le chef y
de leurs ennemis étant en Perse avec une armée
immense , périt dans le temple de Nanée , ayant
été trompé par le conseil frauduleux des prêtres ;
car Antiochus étant venu avec ses amis pour épouser
la déesse et recevoir de grandes sommes d'argent
à titre de dot..... étant entré ayec peu de gens
dans le temple , ils le fermèrent sur eux... et les
assommérent à coups de pierre.
Et enfin, au chapitre 9 du même livre, il est #S8ctseg,
N 3
Cap. 1.
.11etseq,
1755,
Lettre des
Juifs,
. (198 )
écrit qu'en ce temps-là Antiochus revint de Perse
aprés un succès honteux; car étant entré dans la
ville de Persépolis , dans l'intention de piller le
temple, le peuple avait pris les armes et l'avait
mis en fnite..... Que revenant honteusement , et
étant arrivé vers Echbatane , il reçut la nouvelle
de la défaite de Nicanoc et de Thimotée ; et , trans-
porté de colère, et croyant pouvoir se venger sur
les Juifs de lPaffront qu’il avait reçu , il commanda
à celui qui conduisait son chariot de hâter son
vOyage..... mais qu'au moment où il méditait de
faire de Jérusalem un monceau de ruines, Dieu
l'avait frappé d’une plaie incurable. .... Que lors-
que ses chevaux couraïient avec impétuosité , il
tomba de son chariot et fut meurtri dans tout son
corps..... Il était porté mourant dans une litière,
et il sortait de son corps une foule de vers , ét ses
chairs tombaient par lambeaux, et il exhahit uné
puanteur si grande que son armée et lui-même
ne pouvaient la supporter... C’est ainsi que cet
impie finit sa vie dans les montagnes , éloigné de
son pays.
Joseph s'accorde parfaitement avec le premier
livre des Machabées , au sujet de la ville d’'Elymais ,
de son temple , des projets d'Antiochus et de lar-
rogänce de ce Prince. Ces versions diverses pré-
sentent des difficultés de plus d'un genre.
La première consiste dans la manière dont Antiochus
termina sa vie.
Suivant le premier livre des Machabées, il parait
simplement avoir été repoussé d'Elymais, en âvoir
conçu un grand chagrin et êtré mort simplement
en revenant de Perse.
La deuxième semble le faire périr dans le temple
de Nanée,
( 199 )
Le chapitre 9 du même livre le fait revenir après
une tentative infructueuse sur le temple de Persé-
polis, et mourir en chemin dans des tourments
affreux.
La deuxième difficulté regarde le temple que le
premier livre des Machabées place à Elymais ,
et que le chapitre 9 du second livre place à Persé-
polis.
La troisième roule sur le nom de la déesse que
le premier chapitre du second livre des Machabées
nomme Nance, et à laquelle les auteurs profanes
donnent les noms de Diane et de Vénus.
La quatrième est relative à Antiochus lui-méme.
Tous ces événements sont ils arrivés à un seul prince
ou à plusieurs monarques du même nom ?
M. de Prémagny discute amplement ces divers
articles, et montre à cette occasion beaucoup d'éru«
dition. 11 ajoute en terminant : « S'il était néces-
saire de faire un choix précis et déterminé , l'au-
torité du premier livre me paraîtrait mériter la
préférence sur le second, dont les expressions sem-
1755.
Mach, 1, 2.
Chap. 6,
blent présenter un air d’exagération assez éloigné |
de la simplicité de l’histoire,
Notes du Rédacteur, — Si j'osais me permettre
quelques observations, peut - être contribueraient-
elles à faire disparaitre les contradictions apparentes
que présentent ces textes divers.
La première est relative aux livres des Machabées,
dont le second ne doit être regardé que comme un
recueil de fragments nécessaires pour renitre Le premier
complet,
2° Il n’est pas possible d’atribuer à un autre
Antiochus qu’à Epiphanes les événements dout il
est question : le nom d’'Illustre que lui donue PEcri-
N 4
Saci, préface
des livres des
Machabées,
Much, Le:
GE v 118
Ibid, CNE,
1755.
V. 20.
V. Calmet.
Dict. et La-
martiniére ,
Voc. Persé-
polis.
Mach. I, Tr,
YYe Get 16,
Mach. 1, 2,
BF IX, Y. 3,
( 200 )
ture, et la date de sa mort qu’elle exprime pareille-
ment ne permettent pas d'en douter,
5° Le nom de la ‘éesse adorée à Elymaïs est
peu important ; l'Ecriture l'appelle Nanée ; Joseph ,
Diane : peut-être est-ce la même divinité connue
sous divers noms, comme Diane , Hécate et Phébé.
4° Elymaiïs et Persépolis sont politiquement une
même chose , la capitale de l'empire d’Elan où de
celui des Perses. Ces deux noms désignent le même
térritoire. Ce n’était certainement pas Alexandre
qui avait evrichi le temple de Persépolis, lui qui
avait fait de cette ville superbe un monceau de
ruines. Aïnsi Persepolis est ici synonyme d'Elymaïs.
59 Quant à la fin d'Antiochus, rien ne prouve qu’il
fut assassiné avec ses compagnons dans le temple
d'Elymaïs ; l’Ecriture dit le contraire , en le faisant
mourir dans la Babylonie , en lan 149 ; eton peut
admettre qu’il ait été blessé à Elymais, qu'il ait
conçu de son mauvais succès un grand déplaisir,
qu'il soit tombé de voiture , qu’il ait été rongé par
les vers et qu’il soit mort de la manière la plus
déplorable.
6° Quant à son retour , en jetant les yeux sur
la carte on voit que son voyage était bien dirigé ;
en s’approchant de la Babylonie , il se débarrassait
des montagnes de la Susiane , et en s’élevant vers
Echatane, le Tigre et l’Euphrate lui présentaient
moins de difficultés , et il revenait à Antioche par
les hauteurs comme il était parti.
Circà Ecbatanam ne signifie pas ici autour, mais
vers , dans la direction, Aïnsi tout s'explique et se
concilie.
( 207 )
Mémoire sur la première édition du Catholicum
d’Espagne ; par M. Pincré.
« Le collése de Clermont, dit M. l’abbé Sallier,
possède un des plus anciens vocabulaires qui aient
été mis sous la presse ; ce vocabulaire est connu
sous le titre de Catholicum..... La bibliothèque
du Roï en a acquis un exemplaire sur vélin, dont
la date est de 1460; mais on ne saurait se dispenser
d’avouer que le Catholicum du collége de Clermont
est le plus ancien. Il est sans date et porte la mar-
que caractéristique des livres imprimés par Jean
Fust et Pierre Schoëffer, l'empreinte d’une tête de
taureau sur le papier. » M. l'abbé Pingré ne par-
tage point le sentiment de M. l'abbé Sallier ; et
pour discuter avec methode, il cite d’abord le pas-
sage suivant de Trithéme.
« His temporibus.( 1450), in civitate Moguntin&
Germaniæ propè Rhœnum..... inventa est-ars illa
mirabilis imprimendi per Joannem Guttenberger ,
qui cum omnem penè substantiam suam pro inven-
tione hujus artis exposuisset...... Consilio tandem
et impensis Joannis Fust.... Rem perfecit inceptam,
Tmprimis igitur characteribus litterarum in tabulis
ligneis per ordinem scriptis , formisque compositis,
vocabulariun catholicum numcupatum impresserunt.
Sed cum iüsdem formis nihil aliud potuerunt im-
primere eo quod characteres non fuerunt amo-
vibiles.....,. Invenerunt modum fundendi formas
omnium alphabeti latini litterarum quas ipsi matrices
nominabant | ex quibus rursum Æneos sive stanneos
characteres fundebant ad omnem pressuram suffi-
1755,
7
{
5
E
5
( 202 })
* cientes , quos priùs manibus sculpebant. Et revera
sicuti ante triginta fermè annos ex ore Petri Opi-
lionis qui gener erat primi artis inventoris audivi ,
magnam à primo inventionis suæ hœc ars impres-
soria habuit difficultatem..... Petrus autem mémo-
ratus Opilio..... faciliorem modum fundendi cha-
racteres , et artem complevit.
» Ce récit paraît généralement authentique à
M. Pingré ; mais n'a-t-il pas pu étre altéré dans
quelques-unes de ses parties , et Trithéme qui,
de son aveu, n’écrit que trente ans après le récit
de Schoëfler , n’a-t-il pas pu oublier ou confondre
quelques circonstances ?.... Trithême se trompe
évidemment en faisant succéder immédiatement
aux planches sculptées des caractères métalli-
ques mobiles : des caractères mobiles en bois
ont précédé certainement ces derniers... Le pseautier
de 1457 fut imprimé de cette manière ; mais les
inconvénients , inséparables de caractères pareils, les
firent bientôtremplacer par des caractères plussolides.
M. Pingré observe encore que l'impression du
Catholicum anonyme est mieux soignée , la correc-
tion plus parfaite, l'orthographe plus exacte, les
caractères plus ronds : ces améliorations , jointes
à quelques notes variantes, annoncent un degré
de perfection, et par conséquent une édition pos-
térieure.
M. Pingré soupconrne que cet ouvrage anonyme
est sorti des presses de Jean Mentel , imprimeur
de Strasbourg , après l'époque de 1460..... La
comparaison de divers ouvrages imprimés par
Mentel , à-peu-près dans le même temps, le con-
firme dans son opinion..... Quant à la tête de
taureau qui, suivant M. l'abbé Sallier , est la
marque caractéristique des ouvrages imprimés par
( 205 }
Fust et Schoëffer , M. Pingré observe qu’elle se :755.
rencontre sur un petit nombre de feuilles du
Catholieum , et que la plupart des feuilles sont
marquées d'une rosette. La tête da taureau d’ailleurs
se trouve sur des livres sortis de presses différentes
de celles de Schoëffer , d'où il conclut de nouveau
que cet argument n'est pas assez solide pour
entrainer Ja conviction.
Ce qui décide absolument la question sur la
marque du papier, c'est, ajoute M. Pingré, un
petit in-4° intitulé : De remedio utriusque fortune , etc,
dort le papier porte l'empreinte de la tête du
taureau comme le Catholicum , et qui cependant
porte qu’il a été imprimé à Cologne, chez Arnaud
Ther Hoernen, l'an 1471. Il faut donc rayer du
nombre des vérités, ces deux vers de Gabriel
Naude :
» Hæc duo sinescis , vitulinæ gloria frontis
» Sculpta Maguntinum demonstrant cornua Faustum.
Les feuillets de cet in-4° sont numérotés non au
haut de la page, mais au milieu de la marge exté-
rieure ; ce que je ne me rappelle pas d’avoir vu,
dit M. Pingre, dans aucune autre édition ancienne.
Dissertation où l’on examine si la signification variée
d'un même mot dénote dans une langue de l’a-
bondance ou de la stérilité ; par M. Barrière.
« Dans le nombre presque infini de combinaisons
que l’arrangement des syllabes a dû produire ,
il était impossible qu’il ne se rencontrât plusieurs
mots semblables, La plus grande partie de ces res-
17
Bucoliq.
66,
5
5
"”
‘
( 204 )
+ semblances n’est due qu’au hasard : tels sont les
mots qui ne diffèrent que par la façon de les écrire ;
comme la plaine, qui dérive de planities et s'écrit
par una, et pleine , féminin de l'adjectif plein,
qui s'écrit par e. Populus , chez les Latins a la pre-
mière syllabe longue lorsqu'il désigne un peuplier.
1 » Populusnin fluviis, Abies in montibus altis.
Cette méme première syllabe est brève quand
populus désigne le peuple.
AEveid, 6, » Tu regere imperio populos Romane , memento.
LE
340,
» Il est une autre sorte de mots dont la res-
semblance a été faite à dessein; je veux parler
de ceux qui, plus ou moins éloignés d’une ori-
gine commune , ont été appliqués par l’usage à
des significations trés-différentes. Le mot de pied ,
par exemple, pour exprimer le pied d’un homme,
d'un lit, d’un mur, etc., etc. Nous disons par
métaphore , le ciel d’un lit, la peau d’une orange,
un bouton de rose. Gemma chez les latins désigne
également et le bourgeon d’un arbre et une pierre
précieuse. » +.
» L'abondance de ces sortes de mots dans une
langue , est-elle un argument de sa fécondité ou
de sa sécheresse ?
_» La première idée qui se présente est de les
bannir entièrement. Unelangue est pauvre, dira-t-on,
lorsqu'elle manque de termes propres pour rendre
les diverses idées que l’on veut exprimer... Elles
occasionirient d’ailleurs une confusion très - désa-
réable. D'où vient en effet la différence de nos
traductions ; si ce n’est de l'équivoque des mots que
l'on traduit. |
( 205 )
» 1] y a deux traditions mythologiques au sujet 1
du jardin des Hespérides. Strabon dit que le dragon
veillait à la conservation des pommes d’or ; Diodore
dit qu'il veillait à la conservation de brebis d’or
ou dorées : l’un et l’autre traduit fidèlement le mot
paror , ou sutvant le dilalecte dorique, uno, qui
signifie également une pomme et une brebis. (*)
» Les interprètes hébreux prétendent que le mot
Jehova , suivant la ponctuation et la prononciation,
peut exprimer celui qui est, celui qui a été, celui
qui sera : c’est une très-grande prérogative de dé-
signer tout-à-la-fois le passé , le présent.......
Racine , sans doute , a fait allusiou à ce terme hébreu,
lorsqu'il fait dire à Esther :
» L’Eternel est son nom, le monde est son ouvrage.
» Le principal mérite d'une langue étant la clarté,
cette confusion inévitable que les mots semblables
produisent, nuit à la clarté et par cela seul est un
vice. On peut donc assurer que la langue qui
possède le plus de noms propres est la plus riche.
» Voilà des raisons sur lesquelles on peut se
fonder pour condamner les mots semblables ; en
voici d’autres qu’on pourrait leur opposer. Qu'il
me soit permis de faire précéder quelques obser-
vations sur le passage des mots d’une langue à une
autre.
(*) Ne serait-ce pas donner à cette fiction un sens très-naturel
que de dire que les brebis étaient des pièces de monuaie et leur
ensemble un trésor confié à ‘la garde d’un officier sévère, trésor
qui tenta la cupidité d'Hercule. V, Dissertation sur l’hécalombe
de Pythagore , Précis analytique, 1811, pp. 179 et 180,
7
5
1760,
( 206 })
Il ny avait dans l'origne qu’une langue com-
mune à tous les hommes. Cette langue primor-
diale a été altérée tant par la confusion arrivée à
la tour de Babel que par les dialectes particu-
liers des peuples divers qui se faisaient des mots
nouveaux pour exprimer de nouvelles idées. Ces
mots avaient quelque affinité avec les premiers mots
communs à tous , de sorte qu’en possédant celte
première souche on connaîtrait la généalogie de
toutes les autres langues qui en sont dérivées. Elle
était doric bien riche cette langueprimitive , la source
et la clé de toutes les autres? Je suis disposé à
croire au contraire qu’elle était très-pauvre. : :.-
» Le P. Bougeant, dans son Amusernent philoso-
phique sur l’âme des bêtes , dit que le dictionnaire
des animaux doit être d’un petit volume ; que
tous leurs discours se réduisent à l'expression
d'un petit nombre de sentiments naturels qu’ils
répèêtent sans cesse..... La langue des premiers
‘hommes devait étre de cette nature : elle n’offrait
que des idées simples et naturelles...:. La vertu
n’a pas de noms propres chez les Latins : virtus
signifie la force et le courage , que les compagnons
de Romulus estimaient le plus..... Les premiers
philosophes ont regardé le pouvoir comme la mar-
que distinctive de la divinité. Ils ont fait succes-
sivement eutrec dans l'idée de Dieu, la bonté,
la sagesse , etc., auxquelles les premiers n'avaient
pas pensé. Les dieux de Cicéron sont bien plus
parfaits queles dieux d’Homère , dit M. de Fontenelle,
parce que de bien meilleurs philosophes ÿ avaient
mis la main.....
» Qu'on examine toutes les expressions méta-
physiques et morales, on reconnaîtra qu’elles sont
toutés empruntées des corps..... Quelquefois aussi
( 207 )
nous donnons aux mots étrangers que nous nalu- 1
ralisons une valeur plus forte que celle qu’ils avaent
dans leur pays. Les Romains, en formant harba-
ries de barbarus, ont attaché une idée odieuse
à un mot qui, chezles Grecs, ne siguiliait qu'un
étranger.....
» Il résulte de ces observations que la plus an-
cienne , la plus noble des languës par conséquent,
contenait le moins de mots; que si on remontait
à l'origine de chaque mot on parviendrait à une
racine monosyllabe , par laquelle les premiers
hommes exprimèrent de simples aflections......
Et si les langues orientales, que nous admirons
avec justice , sont si remplies d'expressions figurées ,
c'est par le défaut d'expressions propres, et que
c'est par cette disette même qu'elles l'emportent
sur les nôtres.
» La métaphore est d'une fécondité inépuisable :
par elle on multiplie les idées , en faisant aper-
cevoir à-la-fois les objets vrais et les objets de
comparaison. ]l n’est point de roses sans épines,
siguilie, dans le sens vrai, qu'il n’est point de
plaisir sans peines; mais il est bien plus agréable
de faire naître par une seule expression la double
idée des peines et des épines, des plaisirs et des
roses, ”
» Nous perdrions beaucoup s'il fallait bannir de
la langue ces expressions métaphoriques qui l'en-
richissent considérablement. 11 faudrait renoncer à
la poésie qui fait une langue à part chez tous les
peuples , et dont le principal ornement consiste dans
ces mots deétournés de leur signification naturelle.
L'éloquence , sœur de la poésie, qui, comme elle,
personnife les êtres insensibles, perdrait beaucoup
dans cette réforme. La philosophie , uniforme dans
en
/
5
5
( 208 )
1755, sa marche , nous enseigne les vérités avec méthode
et lenteur. L'éloquence nous transporte , et nous
sommes persuadés avant que d'avoir réfléchi. Le
nombre de ceux que la raison conduit est bien
petit, si on les compare à ceux qui se laissent en-
traîner par l'imagination ; n’est-il pas juste d’avoir
égard au plus grand nombre , et de conserver le
seul moyen qui nous reste pour leur faire con-
naître et embrasser la vérité.
Observations sur le rapport mécanique de la Musique
à la Poésie, ou réflexions sur l’art d’ajuster des
paroles sur un air , ou un air sur des paroles
par M. BarziËre.
» La poésie et la musique étaient vraiment sœurs
chez les Grecs et les Latins : la quantité décidée
de chaque syllabe favorisait beaucoup cette uuion.
Un poëte, par exemple, à qui on demandait des
vers pour une fête, pouvait dire au musicien :
Je ferai des vers iambiques de quatre pieds, et
j'en mettrai quatre à chaque strophe ; et le musi-
cien qui savait le sujet de la fête pouvait faire
une vingtaine d’airs qui tous étaient assortis à des
paroles qu’il n'avait pas vues. Il suffisait à Horace, .
lorsqu'il fut chargé du Poëme séculaire, de dire
à son musicien qu’il ferait des vers saphiques. Nos
hymnes sont une preuve de ce rapport : la même,
suivant les fêtes, est soumise à des chants diffé-
rents qui ne sont bizarres que quand la poésie est
mal observée.....
» J'examinerai notre langue sous ce rapport, lors-
que j'aurai fait quelques remarques sur l’arrange-
ment des phrases tant de la musique que de la
oésie.
Ë » Un
( 209 )
» Un air de musique est une période divisée
en deux , trois ou quatre membres, qui sont eux-
mêmes subdivisés en d’auires plus petits, La ponc-
tuation s'exerce avec la même sévérité dans l'air
et dans les paroles. Le point termine lair, les
deux points se placent après le quatrième vers,
dans les stances de huit vers ; les virgules après
le deuxième et le sixième. Le repos est absolument
le même dans les paroles et dans la musique.
» Le repos n’est pas toujours au milieu du cou-
plet. Dans celui : « Pôtre cœur, aimable Aurore ;
il y à trois pensées renfermées chacune dans deux
vers,
» La poésie française, depuis Malherbe, est cons-
tamment variée par les rimes masculines et fémi-
nines; la voix se ralentit aux vers féminins, et se
soutient dans les masculins ; et cette alternative
prête à nos vers une grâce qui supplée à la quantité
de chaque syllabe chez les Grecs et les Latins. La
note destinée à exprimer une syllabe féminine doit
descendre , et ce serait un défaut si elle montait.
On peut s'en convaincre par le vaudeville du Devin du
Village, dont le refrain est : C’est un enfant ; V’air
est bon ainsi que les paroles; mais, isolément,
leur union est défectueuse ; aussi persoune ne les
chante suivant l'intention que Rousseau devait avoir.
Il faut donc éviter de faire suivre un vers féminin
par un vers dont la première lettre est une voyelle.
» Dans la mesure à deux temps on appuie sur
la première des quatre notes dont elle se com-
pose; et lorsqu'on ajuste des paroles, la fin du
vers doit être au commencement de la mesure,
si le vers est masculin; s'il est féminin, les deux
dernières syllabes seront les deux premières notes
de la mesure..... Dans la mesure à trois temps ;
Tome IT, 1751 à 17Go. (a)
( 210 )
1757. la fin des vers est suffisamment indiquée par la difle-
rente durée des notes... Dans l’une et dans l'au-
tre mesures les notes longues désignent la fin des
mots ; elle se rencontre toujours sur la dernière
syllabe d'un vers masculin et sur la pénultième
d’un vers féminin.....
» Le poëte et le musicien doivent travailler de
concert. Personne wignore combien Quinault et
Lully étaient faits Pun pour l'autre : le dernier se
plaisait à mettre en musique les vers du premier ,
qui , de son côté , faisait des vers sur les airs que
la fantaisie suggérait à Lully.
» Le talent des vers lyriques demande un goût
particulier. Racine et Boileau, chargés de faire
des vers à mettre en musique pour une fête que
M. le marquis de Seignelayÿ donnait au Roï, en 1685,
à Sceaux, firent l'Idylle sur la Paix, qui se trouve
dans les œuvres de Racine. Cette pièce est belle
et fait plaisir à la lecture et à la déclamation; mais
Lully ne la trouva pas lyrique; et, désespérant de
la mettre en musique, proposa M, Quinaualt à M. de
Seignelay comme un jeune horme qui lui faisait
de la poésie comme il la désirait Quinau't fut
chargé du travail et son ouvrage fut préféré. Quel-
ques personnes prétendent que cette concurrence
fut la source des traits satyriques que Boileau lança
contre Quinault.....
» Il est plus aisé, toutes choses égales, de faire
un air de musique que de faire un couplet... Le
musicien répète sans obstacle la même phrase musi-
cale ,et le compositeur des paroles ne peut la ré-
péter que lorsqu'elle a assez de piquant pour pa-
raitre nouvelle à chaque répétition.
» Trois espèces de poëmes ont pour base la répé-
tition : le couplet à refrain , le triolet et le roudeau...
.
f 211 )
» Je ne donnerai des exemples que des deux :
derniers.
TRIOLET.
Quand nous avions frère François,
C’était toujours nouvelle aubaine : /êrs
Chaque jour était jour des Rois ,
Quand nous avions frère Francois,
Il venait de chez le Bourgeois,
Toujours besace ét panse plaine. Quand, etes
i
RONDEAU.
De tous Les bergers du village ,
Tyrsis est le seul qui m'engage
Et le seul qui ne m’aime pas.
Mais si mon tendre cœur peut devenir volage ,
Tyrsis sera le seul que je n’aimerai pas,
De tous les bergers du village,
» La musique , la poésie et la grammaire tiennent
ensemble par des chaines réciproques, et il en
est ainsi de tous les arts. Les sciences se prêtent un
mutuel secours, et nous persuadent de cette vérité
qu'il est très-dificile de posséder une science sans
avoir quelque teinture de chacune des autres. »
Combien il importe à chacun de remplir les obligations
que la société nous impose ; par M, Dusourtay.
« Il n’est dans la nature aucun étre isolé ; une
chaine immense les réunit et les met dans une
dépendance mutuelle. Cette vérité, sensible dans
ordre physique, le devient encore plus dans J'or-
0 2
PA
EYE
1760,
Cars }
1760. dre moral. La société n'a été formée que par un
rapport réciproque de besoins et de secours, et
chacun de ses membres recevant d’elle beaucoup plus
d'avantages qu’il ne peut lui en procurer , notre
propre intérêt nous met dans l'obligation de mul-
tiplier nos eflorts pour bien mériter d'elle,
» Le premier , le plus puissant de tous les in-
térêts , celui auquel ils se réduisent tous , est celui
d'être heureux..... Les espérances, les craintes ,
les désirs , les haines ont le bonheur pour objet.
C'est ou l'espoir de lPacquérir ou la crainte de
le perdre qui alimente les plus sublimes vertus
ou les passions les plus violentes.
» Cette félicité se compose des jouissances phy-
siques et de la considération personnelle..... Ces
deux sentiments sont légitimes s'ils sont dirigés
par la sagesse; l'abus seul les rend vicieux et
donne naissance aux trois grandes passions qui,
réunies ou séparées , tyrannisent les hommes depuis
la naissance jusqu’au tombeau : l'ambition , l'interêt,
l'amour. »
Après avoir montré qu'aucune de ces affections
violentes n’est capable de nous rendre heureux ,
l’orateur poursuit : « Il est une loi sacrée et éta-
blie par la nature elle-méme, et qui veut que les
hommes ne puissent arriver au bonheur qu’autant
qu'ils contribuent à celui de leurs semblables , et
que ce qu’ils font pour l’avantage général soit la
mesure de leur propre félicité. ...... Quel est le
premier avantage de tout être pensant? N’est- ce
pas de contribuer à cette harmonie générale qui
seule entretient l’univers , en se montrant utile et
remplissant avec fidélité la place qui lui est confiée ?
Plus cette utilité devient générale dans son étendue
et dans sa durée , plus elle donne de droits à la
(213)
reconnaissance universelle....... La fortune , l’es- 1760.
prit et les talents sont autant de moyens qui doi-
vent nous procurer une gloire durable ; mais ne
confondons par les moyens avec la fin : c’est à l’em-
ploi légitime que nous en faisons, et non à ces
instruments de la vanité comme de la sagesse
que sont dus le respect , la reconnaissance et
labour..."
» Voyez sur le front de l'homme de bien , ré-
gner une sérénité pure, image de celle de son
cœur : supérieur aux événements par la force de
son courage , dévoué à l'humanité parce qu’il est
homme , à la patrie par sa qualité de citoyen,
il est seul libre parce qu’il n’obéit qu’à la raison
et aux lois. Tous ceux que les passions entraînent
ont autant de tyrans qu’il y a d'hommes qui
peuvent nuire à leurs desseins..... Qui jouit mieux
que Jui des plaisirs même des sens? Modéré dans
ses désirs , il sait écarter cette foule de nécessités
imaginaires qui doivent leur origine à un sot orgueil ;
il use de tout et n'abuse de rien; il conserve ainsi
la santé du corps sans laquelle il n’est point de
plaisir, et celle de l'âme sans laquelle il n’est pas
de bonheur. A qui l'amour réserve-t-il toutes ses
douceurs , si ce n’est au plus tendre et au plus
sensible des mortels, à celui qui mérite les respects
de l'univers entier et qui voudrait que tous les
hommes fussent heureux..... Adoré de la com-
pagne estimable qui possède son cœur , honoré
de ses enfants, qu’il rend semblables à lui par ses
exemples plus encore que par ses instructions , sa
maison est le temple de la paix, où le bonheur
l'attend sans cesse. .... On objectera peut-être que
la vertu n’exempte pas toujours des malheurs attachés
à l'injustice des hommes ; mais les passions ellré-
O0 53
1760,
(214)
nées en préservent-elles davantage? Depuis quand
mettent-elles à l'abri de la haine ou de la riva-
lité ? Tout n'est il pas égal des deux côtés, ou
plutôt ‘tout n'est-il pas à l'avantage de l’homme
vertueux ? N'a-t-il pas pour lui la justice de sa
cause , et sa vertu ne lui donne-t-elle pas, pour
supporter ses malheurs, une force et un courage
que les passions ne donnent jamais? ........ In-
soléntes dans le succès, les passions nous aban-
donnént dans le malheur, nous livrent au mépris
ét au désespoir... Vainement on objecterait encore
que le scrupuleux observateur des devoirs de la
société est un homme dé bonne foi qui joue en
dupe avec des fripons : la sagesse, bien Join d’être
incompatible avec la discrétion et la prudence,
exclut les vices contraires; sans employer aucun
des artifices des méchants , elle sait les dévoiler
et les confondre....... Mais il est une philosophie
supériéure à toute la sagesse humaine , qui nous
môntre au-delx des bornes de la vie une félicité
dont les douceurs de la vertu ne sont que de
faibles prémices ; et c’est aussi le terme où une
bouche profane doit s'arrêter. Qu'il me soit:seni-
lemeut permis d’ajouter à ce tableau consolant ,
que , quelle que soit l'incertitude de notre vie,
c'est toujours avoir assez vécu que d’avoir vécu
utilement pour les autres, heureusement pour soi ;
et qu'il west donné qu'au ‘sage de sentir qu’une
nécessité: fondée sur la nature, nne nécessité sans
exception, ne peut jamais être un . malheur dont
ton ait droit de se plaindre, »
J'ai peut-être donné un pea trop d’étendue à
l'extrait de ce discours, qui, de l’aveu de M. l'abbé
Térisse, juge bien compétent, à généralement: lé
ton trop moral , pour un discours académique ; mais
(215)
je n'ai pu résister au plaisir d'en citer plusieurs 1760:
morceaux dans lesquels l’auteur s'est peint au
naturel, et donne une idée bien avantageuse de
sa douce philosophie et de la bonté de son cœur.
A
ANTIQUITÉS.
Extrait d’une lettre de M. Beyer à M. LECAT,
Secrétaire de l’Académie.
&@ see... J'ai l'honneur de vous envoyer l’em- 1756.
preinte d’une pierre gravée qui m'est tombée en-
tre les mains , qui me paraît antique et assez curieuse.
On y voit la figure d’une femme qui s'appuie des
deux mains sur un autel, et celle d’un homme
qui lassaisit par derrière. (*) |
» Je m'étais imaginé d’abord qu’elle nous repré-
sentait l'aventure très-connue d’Ajax et Cassandre,
dans le temple de Minerve ; mais si j'en dois croire
un antiquaire de mes amis, c'est une de ces figures
lascives qu'on nomme Spintriæ Tiberianæ , (**) et
(*) J'ajoute ici que les deux figures sont entièrement nues. Un
voile léger semble voltiger autour d’elles , sans les couvrir en au-
cune manière. Le cordon ovale qui entoure Le tout, a onze lignes
de hauteur sur huit de largeur,
(t*) Les deux passages suivants, de Suétone, montrent l'idée
qu’on doit se former de cette expression. .... Conquisiti puella-
rum et exoletorum greges , monstruosique concubilüs reper-
tores quos Spintrias vocant , etc. L. III, Tiber, Nero, Caæsar,
Spintrias monstruosarum libidinum, ægrè, ne profundo
mergeret , exoratus , urbe sub movit, L. IV. Cæsar, Caligula.
O 4
1756
1754.
Ann, 1755,
CA 74 page
a58,
(216)
dont Suétone parle dans la vie de Tibère , de
Caligula et de Vitellius. Si je l'ose dire, je ne
suis pas de son avis..... L'on sait que la prostitu-
tion des femmes en l'honneur des Dieux fut très-
commune dans le paganisme de l’ancienne Grèce ;
ma pierre gravée serait-elle un monument de cet
abominable acte de religion? ... J'attends de mes
maitres les lumières nécessaires pour me décider
sur cette question. (*)
GÉOGRAPHIE.
Dissertation sur l’Ingermanie ; par M. DusouLray.
En rendant compte de la séance publique de
l'Académie des sciences , belles-lettres et arts de
Rouen, pour l’année 1753, et , en particulier ,
d’un Mémoire de M. Duboullay, sur l'utilité de
travailler à l'Histoire de Normandie, et les moyens
d'y travailler avec succès, le journaliste de Verdun
s'exprime ainsi : « Pour montrer combien lPHis-
toire de Normandie est intéressante , M. Duboullay
ft un tableau en raccourci de tous les événements
qu’elle renferme depais l'invasion des Normands,
en 912.
« Originaires des pays du nord, que les Romains
“ J T0 Mémoi alo% aus
(”) Je ne trouve rien dans nos Mémoires qui puisse servir à
déterminer le vrai caractère de la pierre gravée ci-dessus ; et l’idée
de l’antiquaire consulté par M. Beyer se lie facilement à la dé-
pravation de Rome , sous les Empereurs cités, { Vote de l'Edit, )
C217)
» nommaient Jngermanie , et qu’il ne soumirent 1754:
» jamais , ces peuples surent toujours conserver
» leur liberté. Après avoir fait trembler toute l'Eu-
»,rope pendant près d'un siècle, ils forcèrent enfin
» nos rois à les recevoir comme vassaux, » Une
pote de l’auteur du journal, sur cet article, est
ainsi conçue : « Plus d'un lecteur sera sans doute
curieux de savoir quels sont les anciens auteurs
Jatins Qaui ont donné le nom d’'/ngermanie au pays
que les Normands , selon M. Duboullay, habitaient
originairement. à
» L'/ngermanie est la même province connue sous
le nom d’/ngrie , où est la célèbre ville de Péters-
bourg , aujourd'hui le séjour de la cour de Russie.
Les Romains n'ont assurément jamais poussé leurs
conquêtes jusques-lh, et sils ont connu la mer
Baltique , ce n’est que par les relations des Ger-
mains qui avaient connaissance des peuples qui
habitaient sur les bords de cette mer. Il me semble
que jusqu’à présent on a cru que les Normands
étaient originaires du Danemarck; aussi tous les
anciens historiens leur ont-ils donné le nom de
Dani, I y a bien loin du Danemarck au lac La-
doga , sur les bords duquel est située l/strie ou
l'Ingermanie | dont je ne crois pas que les Romains
aient jamais eu connaissance ; ainsi ils n’avaient
garde de vouloir y aller soumettre des Normands
qui n'y étaient pas.....
» Je n'imagine pas , c'est M. Duboullay qui
désormais va parler, que M. Bonamy ait prétendu
m'attribuer l'ignorance de faits aussi connus que
ceux quil semble vouloir m'apprendre dans sa
note. Je savais certainement que l’/ngermanie ou
fngrie moderne , est une province long-temps dis-
putée entre la Suède et la Moscovie, cédée enfin
i
5
4
(21:18)
* à cette dernière par le traité d'Abo ; qu'on y a
depuis bâti la célèbre ville de Pétersbourg ; que ,
selon tous ros anciens historiens , les Normands
sont Danois d’origine, et enfin qu'il y a fort loin
du Danemarck aux bords du lac Ladoga. Mais
si M. Boaamy s'é'ait moins attaché à l'état et
au wom moderne de ces parties de l'Europe , il
aurait pu soupçonner que j'avais des raisons de
penser que le nom d’/ngermanie , qui certainement
n’est pes un nom moderne , et qui maintenänt est
restreint à la seule province d'Ingrie, avait autre-
fois une étendue beaucoup plus grande, et ren-
fermait tout'ce que nous appelons les trois Royaumes
du nord, que par succession de temps les autres
parties ont pris des noms diflérents , et que le
nom d’/ngermanie est resté à la seule province
d’Ingrie. ....
» Je nattacherai à prouver dans cette lettre ,
1° que le Danemarck , la Norwége et la Suède
étaient , au moins en grande partie, connus des
Romains ; 2° qu’ils les comprenaient sous un nom
commun dans l'ancienne Germanie ; 3° qu’il est
très - probable que cest de là que vient le nom
d'Ingermanie , autrefois commun à ces diverses
contrées , et restreint aujourd’hui à la seule pro-
vince d'Ingrie,.
» La première et la seconde de ces propositions
sont aisées à prouver : il ny a qu’à ouvrir Tacite
et Pline, on y trouvera des passages si clairs et
st formels, que je ne conçois pas comment M.
Bonamy ne se les est point rappelés,
-..» Tacite ; dont l'autorité est si grande sur tout
ce qui concerne J’ancienne Germanie, la borne
pax le Rhin , le Danube , de hautes montagnes qui
la séparent des Sarmates: et des Daces ; et il ajoute :
( 219 )
« Cœtera Oceanus ambit , latos sinus et insularum
immensa spatia complexus, nuper additis quibusdam
gentibus er regibus quos bellum aperuit. W divise
ensuite ces vastes régions en trois parties dont
il tire les noms des trois enfants du premier fon-
dateur Mannus.» Manno tres filios assignant è quorum
nominibus proximi Oceano Ingævones , Medii Hermio-
nes cœteri Istœvones vocentur, »
Venant ensuite à la description particulière des
peuples qui occupaient le nord de la Germanie ,
et auxquels le nom de Sueyi était commun, il
montre que l'étendue de ce pays était alors fort
grande , puisqu'il comprenait la Souabe , une partie
de la Moscovie et de la Pologne , la Suède , la
Laponie , la Bothnie , la Finlande , la Gothie.
Parmi ces peuples, il nomme en particulier les
Suions.« Suionum hinc civitates ipso in Oceano præter
viros ; armaque, classibus valent, » (*)
»A la description des régions indiquées, Tacite ajoute
celle d’une mer qui aide à déterminer leur situation,
et celle de plusieurs phénomènes propres à leur
climat. Trans Suiones aliud mare pigrum ac propè im-
(*) Le P. Brotier, dans une note sur le mot Suionum,
ajoute : Suiones nunc, la Suède, les iles de Danemarck, Fa-
nen , l'Angland, Zéland, Laland , etc. », Suionibus cimbrisque
emersere ÎVormani qui lalè terrorem cireum tulere, et opi-
mam Galliæ provinciam occupavere. Obs. Edit.
Vide eliam Baudran , Dict. Géogr, Sub Focabulo Suiones.
Codanus sinus nunc } la mer Baltique ; refertus tasulis
quarum clærior Scandinavia hodie, la Suède ; la Norwége,
est incompertæ Magnitudinis.
Voir encore Lamartinière, Dict. géogr, D’Audiffret, Hist,
et Géogr, ancienne ; la Germanie ancienne de Cluvier.
1754
Tacite, Bro-
tieg T. IV.
pp: 5. 6.
Ibid.pag. 7.
Ibid.p. 58.
et seqr
Vide etiam
annotat.Cl.
Brotier.
Ibid. pP- 58%
Ibid. p. 59.
Brotier , an-
not.in Tac.
pag. 58,
1754,
Hist, 1. IV.
gap. 13.
( 220 )
motum , quo cingi claudique orbem hinc fides , quod
extremus cadentis jam solis fulgor in ortus edurat.
adeo clarus ut Sydera hebetet , etc.
» Qui ne reconnaitrait ici la Mer Glaciale, les
longs jours , les longs crépuscules , etc., qui parais-
salent autant de prodges à des gens aussi igno-
rants en physique que les Germains et les Romains ?
» Pline n'est pas moins formel que Tacite : « {nci-
pit indè clarios aperiti fama ab gente Ingævonum
quæ est prima indè Germaniæ. Sevo mons ibi im-
mensus , nec RiphϾis jugis minor immanem ad Cim-
brorum usque promontorium efficit sinum qui coda-
nus vocatur refertus insulis quarum clarissima Scandi-
aavia , incompertæ magnitudinis...... Nec est minor
opinione Eningia, etc. (*)
» Maintenant ne sera-t-on pas étonné du doute
manifesté par M. Bonamy , et les passages rap-
poriés ne prouvent-ils pas que les Romains con-
naissaient au moins une grande partie des trois
royaumes du nord , qu’ils comprenaient sous le
nom commun d'/ngévonie ?
» Il me reste présentement à montrer que ce
nom d’'Ingévonie et ceux d’Ingrie et d'Ingermanie
sont les mêmes , et ont toujours été pris les uns
pour les autres. |
» À l'égard des deux derniers , cela n’est pas
contesté , puisque ‘depuis tant de siècles ils se sont
conservés les mêmes jusqu’à nos jours. Il ne sera
guères plus difficile de prouver Pidentité des deux
premiers , savoir l’Ingrie et l’Ingévonie ; car les
mêmes peuples appelés par Tacite et Pline Inge-
vones , se trouvent désignés , par Ptolomée , sous
€) C'est-à-dire la Finlande. Lamartinière, Dict, géogr.
( 221 )
celui d’IZngriones ; et de-là tous les commentateurs 1754:
et les géographes sans exception , ont conclu qu’/n-
griones et Ingevones signifiaient la même chose.
» Je me contenterai de citer Baudran, Cluvier,
Ortelius, Lamartinière ; quant à ce dernier, il ren-
voie du mot /ngermanie à celui d'germanland;
de celui-ci au mot /ngrie, et enfin de ce dernier
à celui d'/ngœævones ; preuve manifeste qu'il recon-
nait que ces dénominations diverses désignent
le même pays.
M. Duboullay, conclut en s'adressant à M. Bonamy
lui-même : «Je laisse maintenant À votre décision,
Monsieur, et à celle du public, si je n'ai pas pu
assurer aux Normands l'honneur de descendre
des anciens Germains , si redoutables aux Romains;
si je n’ai pas pu comprendre le Danemarck, dont ils
sont originaires, dans l'ancienne Germanie ; si je
mai pas eu de sufisantes raisons pour penser
que les noms d’/ngrie, d’Ingévonie et d’Ingermanie
désignent la partie de l'ancienne Germanie, qui
compose aujourd'hui les trois royaumes du nord ,
et que ce m'est que par succession de temps que
le nom d’Ingrie a été restreint à la petite province
qui porte aujourd'hui ce nom ; enle; s’il n’est pas
constant que les Romains , du temps de Pline et
de Tacite, avaient des connaissances assez étendues
sur la mer Baltique et les peuples qui habitaiert
sur ses bords.
1758.
( 222 )
A
GRAMMAIRE.
Supplément à la Grammaire raisonnce » etc. ; par
M. FROMENT, Chanoine de la Collégiale et Prin-
cipal du Collége de Vernon , Correspondant de
l'Académie.
Je ne proposerai que le titre de cet ouvrage,
parce qu’étant imprimé , chacun est le maître de
le lire et de le juger; et que le but du précis
que nous offrons au public, est particulièrement
de lui faire connaître des Mémoires manuscrits
que nous n'avons pas d’autres moyens de lui com-
muniquer. Heureux si l'intérêt qu’ils inspirent le
dédommage du temps qu'il consacre à les lire.
L'ouvrage de M. Froment donna lieu à plusieurs
critiques, et M. d’Acçarq , maître de pension à
l'entrée de lEstrapade , à Paris, fut un de ses
plus redoutables adversaires.
Il est pareillement étranger à notre but d’entrer
dans le détail de cette querelle: il nous suflira de
dire que les feuilles de M. Fréron furent l’arène
où se livra ce combat littéraire; et les personnes
que ees sortes de luttes peuvent intéresser , trou-
veront dans les volumes 1756 et 1557 de l'Année
littéraire, de quoi satisfaire leur curiosité.
Essai sur la nature et la définition de l’article ; par
M. DusourLayx.
Voici le titre d’un nouveau Mémoire qui se refuse
entièrement à l'analyse. Des définitions , des dis-
Cras5 y
tinctions grammaticales ont besoin d’être lues avec 175$.
att'ention , sans distraction , sans lacunes ; les exem-
ples qui accompagnent les principes ne peuvent
en étre séparés sans y répandre de l'obscurité ;
ainsi il faudrait copier en entier pour se flatter
de n'avoir rien omis d’essentiel.
Quand , pour donner une aperçu de l'idée que
M. Duboullay se forme de l’article, j'en présen-
terais ici la définition et je dirais avec lui : « L'article
est un prénom dont l’usage est de faire prendre
les noms appellatifs qu’il précède dans une signi-
lication spécifique et oppositive , cependant uni-
verselle , et exclusive , signification collective dans
l'article pluriel les ; individuelle distinctive dans
l'article singulier Le et la ; » je risquerais beau-
coup de ne pas être entendu, si je n’y joignais les
explications dont chaque membre de cette défi-
nition a un besoin indispensable, et c’est de cette
glose que se compose le Mémoire en entier.
Une critique de cette définition, par M. l'abbé
Levasseur, donna lieu à une replique de la part
de M. Duboullay ; j'ai cru devoir suivre; à l'égard
de ces nouvelles productions , la conduite que jai
tenue à l’occasion de la première.
TT
ÉCONOMIE RURALE.
De l'utilité des Sociétés d'Agriculture ; par
M. DusouLrayx.
» Une de nos provinces dans laquelle l'amour ,,6,,
{
du bien public est le plus généralement répandu ,
a donné la première l'exemple d'une Société uni-
_
{ 224 )
1700. quement occupée du commerce et de l’agriculture.
Des établissements à-peu-près semblables se pré-
parent dans différents lieux , par les soins du Gou-
vernement ; l'exemple même que vous donnez au-
jourd’hui , en associant l'agriculture à vos travaux,
sera sans doute imité par d’autres Academies, et
vos correspondances mutuelles acheveront de diri-
ger le génie de la nation vers un _objet si essen-
tiel et jusqu'ici trop négligé.
» Telle a été en effet la marche de tous les siècles.
Les connaissances les plus nécessaires mont rien,
pour l'ordinaire d’assez brillant pour attirer nos
premiers regards ; l'esprit comme la jeunesse com-
mence par se livrer au plaisir ; les charmes de
la poésie, ceux de l’éloquence........ voilà les
premières passions qui l’entrainent. Se repliant
ensuite sur lui-même, il embrasse des objets d’a-
bord moins séduisants : l’agriculture enfin et le com-
merce, deviennent à leur tour l’objet de ses re-
cherches..... L'esprit devenu plus commun cher-
che à se rendre plus utile,
» L'Académie française fut fondée la première ;
le cardinal de Richelieu en la formant, suivit,
sans doute, alors le goût de la nation et le sien
propre. Il est même aisé de voir, par la noblesse
avec laquelle il exprimaït les volontés du trône,
qu’il regardait la majesté du style et la grandeur
des expressions comme un attribut presque essen-
tiel de lautorité : peut-être aussi envisageait-il,
dans la perfection de la langue , un moyen de plus
de donner à la France, parmi les autres nations
de l'Europe , cet ascendant que l'étendue et la
profondeur de ses vues lui promettaient....:
» Colbert, quelque-temps après , forma une nou-
velle époque dans le gouvernement, €n accordant
aux
(225)
aux sciences et aux arts, la même protection qué 1760:
Richelieu avait accordée aux talents littéraires.
Ce fut lui qui jeta les premiers fondements de l'Aca-
démie des sciences. Il trouva la Nation instruite
et puissante , il voulut lenrichir, et aflermir par
le commerce cette grandeur que les conquêtes
et les traités précédents lui avaient donnée. Il attira
en France des fabricants dont le nom seul fait
encore honneur à notre commerce. Il établit des
manufactures , prit en main la balance du com-
merce et apprit à la France l’art de la faire pen-
cher en notre faveur par une juste distribution
des droits d'entrée et de sortie ; enfin il eut en
quelque sorte une nouvelle puissance par l’établis-
sement d’une marine , qui depuis a été l'objet
constant de la jalousie, de l'inquiétude et de Il
haine de nos ennemis.....
» Les mêmes faveurs accordées au commerce sem-
blent aujourd'hui s'appréter pour lPagriculture , et
l'établissement des Sociétés que le Gouvernement
s'occupe de former , honorera sans doute un jour
le ministère actuel , et lui assurera le mérite d’avoir
connu les vraies richesses de l’état, et d'en avoir
trouvé la véritable source.....
» Il faut l'avouer, Messieurs ; l'agriculture en
général est presque encore dans son enfance. Livrée
dans plusieurs provinces à l'ignorance, à Pindigence
et au mépris, elle n’a point acquis cette perfection
qu'ont donné aux autres arts l'étude , l'estime
et les récompenses qui leur ont été justement accor-
(dées; on se contente de cultiver les cantons les
plus fertiles, le reste est abandonné. La terre, il
est vrai, n’ofire pas par-tout des dons faciles : cette
mère bienfaisante s’arme souvent d’un front aus-
tère ; il faut alors pénétrer jusque dans son sein
Tome 11, 1751 à 1760. P
( 226 )
1760. pour y trouver des trésors cachés sous une super-
ficie aride. Des mélanges plus savants , les sucs
mieux ménagés peuvent changer le sol le plus in-
grat en un terrain fertile ; le sable , le limon , l’'ar-
gile peuvent devenir le principe de nouvelles pro-
ductions.....
» Mais ces bienfaits, me direz-vous, Ô! labou-
reurs, deviennent pour vous d'un trop haut prix:
la terre que vous cultivez vous est trop étrangère ,
et la nécessité de la rendre à son propriétaire après
un petit nombre d'années , etc. , retiennent vos
bras et font avorter tous les projets d'amélioration ,
toutes les tentatives utiles ?....O ! mes concitoyens ,
pourquoi changer en douleur notre tendresse ? L'em-
pressement du Gouvernement à étudier vos besoins
ne montre-t-il pas le désir sincère de les faire
cesser? Ces sociétés que l’on cherche à former dans
les différentes provinces et dont vous êéies l’uni-
que objet, ne prouvent-elles pas que le Gouverne-
ment ne désire étudier vos besoins que dans
l'espoir de les soulager ?...... Loin donc de vous
laisser abattre , que l’espérance ranime en vous
Vémulation et le courage ; prenez confiance dans
les conseils que nous cherchons à vous donner ; sou-
mettez l'habitude et les préjugés à des raisonnements
et à des expériences nouvelles.....
» Et vous, Messieurs, qui consacrez aux pro-
grès de l’agriculture de précieux loisirs, que la
simplicité et l’utilité de vos leçons en soient le prin-
cipal mérite ; il s’agit ici beaucoup pius d’instruire
que de se faire admirer , et ce serait trop peu
que de hâter les progrès d’un art aussi nécessaire,
il faut encore le faire honorer comme le plus compa-
tible avec la simplicité des mœurs , la droiture,
l'honnéteté, l'élévation des sentiments....... Mais
(227)
que dis-je , Messieurs, votre zèle n’a-t-il pas déjà
éclaté par d’honorables sacrifices ? Les premiers mo-
ments de l’arrivée de l'un des hommesles plus chers
à cette province, dont la presence même ajoute à
la solennité de votre assemblée , ont été marqués
par l'abandon en faveur de l’agriculture, d’un de
ces droits si précieux à la vanité, si contraire au
bien de l’état. Ce trait, que tout bon citoyen se
rappellera avec reconnaissance , m'a paru devoir
être aujourd'hui consigné dans vos fastes, Puissent-
ils étre souvent honorés par des traits semblables ;
puissent-ils ainsi devenir les dépositaires des belles
actions et des connaissances utiles !
SCULPTURE,
Quels sont les Grands Hommes dont il conviendrait
de placer les statues ou les bustes dans le jardin
de l'Academie de Rouen ?
Après avoir terminé les travaux du jardin de
botanique qu'elle avait créé, élevé la bélle serre
et les deux orangeries qui se marient d'une manière si
régulière et si agréable , l'Académie s’occupa du
soin d'embellir ces premiers travaux , et elle pre-
suma que les bustes des hommes célébres qui
avaient illustré notre cité devaient y figurer de
préférence à ceux qui Jui étaient étrangers. L’em-
barras ne pouvait se trouver que dans le choix ;
et pour se déterminer avec plus de motifs solides
elle proposa à ses propres Membres, cette quest'on :
Quels sont les Grands Hommes dont il convient
P'a
1760,
1754.
Voy. Précis
analyt. t. I,
pages 26 et
suiv,
( 228 )
1784. de placer les statues ou les bustes dans le jardin
de l'Académie de Rouen? M. l'abbé Saas présenta
à ce sujet un Mémoire rempli d’érudition , dont
le dernier résultat est la désignation des huit
sayants qui suivent :
« M. Legenäre, c'est M. l'abbé Saas qui parle ,
à titre de fondateur de l'Académie , aura la pre-
mière place ; né à Rouen en. . . . . . ... 1059.
Personne ne disputera au Grand Corneille Ja
METRE bd dnonottteo iris es = « UND,
Je proposerais Fontenelle pour la troisième . 1657.
Lemery pour la quatrième. . . . . . . + 1645.
Jouvenet pour la cinquième . . . . . . . . 1644.
Auzouf pour la sixième. …, es 0.05 à 1020
Thomas Corneille pour la septième . . . . . 1625.
Pierre Bardin pour la huitième . , . . . . . 1590.
Il serait inutile d'exposer les titres des sept pre-
miers à une pareille distinction. Ceux de M. Bardin ,
pour être peut-être moins généralement connus ,
n’en sont pas moins respectables.
M. Bardiu fat un des fondateurs de l’Académie
française ; il était membre de cette illustre Société
dès 1634, et elle ne reçut ses lettres - patentes qu’en
1655, Il - mourut le premier Académicien , et le
premier obunt les honneurs d’un éloge public dans
cette Compagnie,
Il eût peut-être semblé plus difficile d'exécuter
noblement un pareil sujet, que de completter le
nombre désiré d'hommes illustres à la mémoire
desquels on se proposait d’ériger ces monuments.
M. l'abbé Saas fait disparaitre toutes les diflicultés ,
en ajoutant que MM. nos Associés sculpteurs , aussi
généreux qu’habiles artistes | s'étaient engagés à
les fournir. C'est une anecdote trop honorable pour
eux pour que je néglige de la consigner ici, et la
( 229 )
méme page contiendra le projet, le bienfait et la
reconnaissance.
M. Lemoine, en 1759, offrit à l'Académie le
buste. de Fontenelle.
M. Gois, en 1784, celui de Jouvenet.
M. Calfieri, en 1785, ceux des deux Corneille.
Ainsi se réalisait peu-à-peu le vœu formé par
l'Académie , lorsque la révolution vint paralyser
tous ses projets.
Le même M. Caffieri offrit également à la Com-
.pagnie, le buste du poëte Rotrou; et, quoique ce
dernier ne fût pas normand d’origine, la célébrité
de l’anteur de Venceslas en fit accepter l’offrande
avec beaucoup de sensibilité.
Indépendamment du buste de Voltaire, pour
lequel l'Académie souscrivit en 1770, elle reçut en
1767 celui de M. Dubocage ; en 1764, celui de
M. Lecat , par M. David; en 1788, celui de M.
Sorel , par M. Drouin, et en 1790, celui de M.
l'abbé Dicquemare , par MI Lemasson.
Ces divers morceaux , enlevés à l’Académie par
la révolution , ont été déposés dans le Muséum à
l'ornement duquel ils contribuent.
Porps ET MESURES.
Réduction des Mesures de Rouen, pour les grains ,
à celles de Paris; par M. Pren pe LiEvRE.
Tel est le titre d’un long Mémoire et d’une suite
de lettres dans lesquels cette matière se trouve
amplement discutée , avec indication des ouvrages
PE 3
1754.
1757e
( 230 )
1557. d’où sont tirées les preuves dont, l'auteur appuie
ses asserltions,
Ce Mémoire devient aujourd’hui d’un intérêt
beaucoup moins considérable qu'il ne l'était lors
de sa première rédaction , ainsi je me contenterai
d’en exposer les résuliats.
Le muid de grains, à Paris, contient quarante-
huit pieds cubes , et se divise en douze septiers.
Le septier contient quatre pieds cubes, et se
divise en deux mines.
La mine contient un pied cube ou trois boisseaux.
Le boisseau , cinq cent soixante-seize pouces
cubes , ou seize litrons. -
Le litron , trente-six pouces.
Le muid de Rouen contient douze septiers, ou
quatre-vingt-seize boisseaux. Il revient à cent quatre-
vingt douze boisseaux de Paris, ou un muid quatre
septiers de Paris , moins cent quatre-vingt-douze
pouces cubes,
La mine de Rouen revient à une mine deux bois-
seaux de Paris, moins huit pouces cubes,
Le septier de Rouen, contenant huit boisseaux,
est plus grand d’un quart que le septier de Paris, et
contient seize boisseaux de Paris, moins seize pouces
cubes,
Le boïisseau de Rouen revient à deux boisseaux
de Paris, moins deux pouces cubes.
Le 23]
ConNcouRrs.
Quels sont les animaux venimeux qui se trouvent
en France ? Quelle est la nature de leur venin?
Quels sont les remèdes propres à le combattre ?
Nous ne donnerons qu’un extrait fort abrégé
du Mémoire de M. de Sauvages, D. M. et pro-
fesseur de médecine à Montpellier, auquel le
prix fut décerné , parce que ce Mémoire ne se
trouve point dans nos archives, et que nous ne
possédons d'authentique que l'extrait que M. Ballière
fut chargé d’en faire, et qui fut lu à la séance
publique de 1754.
« Les animaux peuvent se diviser en six classes :
10 les quadrupèdes, 2° les oiseaux , 3° les poissons,
4 les amphibies, 5° les insectes, 6° les vers.
» La classe des quadrupèdes ne présente aucun
animal venimeux, sion en excepte ceux qui sont
atteints d’une maladie contagieuse. Les piquants
du porc-épic agissent d’une manière toute méca-
nique, Les chauve-souris d'Amérique ne produi-
sent que l’eflet des sangsues. L'urine très-âcre des
chats, pendant le temps de leurs amours , n’a cepen-
dant aucun caractère de poison.
» Il en est de même des oiseaux qui peuvent
nuire par leur bec ou leurs grifies , mais dont les
humeurs n'ont rien de vénéneux.
» Quant aux poissons, il en est un grand nom-
bre qui sont pourvus d'armes redoutables ; mais
les blessures qu'ils infligent ne sortent pas de la
P 4
1754
1754.
(252)
classe des opérations mécaniques : cependant si
nous les justifions sous ce rapport de toute accu-
sation de venin, nous ne pouvons disconyenir que
pris intérieurement ils ne produisent quelquefois
des effets redoutables, Les œufs du brochet et du
barbeau occasionnent le cholera-morbus. Le foie
du chat marin (le squaleroussette ) excite un as-
soupissement profond suivi d’une démangeaison uni-
verselle et de la chute de l’épiderme. M. de Sauvages
cite plusieurs faits analogues, dont il a été le témoin.
» Les insectes suspects sont la cantharide , la
guêpe , l'ichneumon , l'araignée , le scorpion d’eau
et le scorpion ordinaire.
» La cantharide est le plus dangereux des coléop-
tères ; prise intérieurement ; même à de petites
doses , elle excite des ardeurs d’urine. Chacun
conrait ses qualités vésicatoires. » (1)
» Les villosités de quelques espèces de chenilles
produisent de vives démangeaisons ; mais aucune
n’est venimeuse.
» M. Valisnieri est persuadé qu’en Italie les scox-
pions sont venimeux; mais en France on n’observe
rien de pareil. u
» La scolopendre de mer et celle de terre ne
présentent aucun danger.
» Dans la classe des vers, les sangsues , l’ortie et le
lièvre de mer sont les seuls genres suspects.
» Quant aux sangsues , le seul accident qu'elles
(x) La guépe, et particuliérement Ja guépe-frelon , cause ,
par sa piqure, une douleur souvent trés-vive, Je l’ai vue suivie
d’inflammation, fièvre, délire , et la traitai avec l’alkali volatil,
comme les accidents résultants de la morsure de la vipère.
(Wote du Rédacteur*)
( 233
présentent ne roule que sur l’excessive quantité de 1754:
sang qu’elles pourraient faire perdre.
» M. de Sauvages assure avoir manié, flairé ,
goûté le lièvre de mer sans en avoir éprouvé le
moindre désagrément ; mais il observe que l’orue
de mer exhale une vapeur subtile qui, comme celle
de l'oignon , irrite, enflamme les yeux.
» Ilne reste qu’à rechercher quels sont les amphi-
bies dangereux , naturels à la France ; et après avoir
montré que le prétendu venin de la salamandre,
du lézard, du crapaud et de plusieurs reptiles,
est une opinion populaire dénuée de fondement ,
M. de Sauvages conclut que la vipère est le seul
serpent dangereux de la France. Nous ne répéte-
rons point la description qu'il fait de ce reptile,
de la manière dont il inflige ses blessures et insi-
nue sont venin ; ce sont des objets trop connus
pour en grossir inutilement cet extrait.
» La seconde partie commence par des réflexions
sur la nature des venins, et à ce sujet il est facile de
s'égarer dans la région des hypothèses ; mais la
portion principale roule sur la thérapeutique.
» L'émétique , lorsque l'on est promptement ap-
pelé en évacuant le délétère, s'il est recu dans
l'estomac , procure un prompt soulagement. Les dé-
layants au surplus , les mucilagineux , les narco-
tiques même , administrés avec prudence, calment
graduellement les accidents.
» Quant aux venins introduits par la piqüre de
Ja guèpe et la morsure de la vipère , les sudori-
fiques , les stimulants qui réveillent l’action des
solides sont les antidotes. C’est par des propriétés
analogues que l’ammoniaque et l'eau-de-luce se
sont acquis une réputation méritée.
» On à proposé, dans ces circonstances, une infi-
1754
55,
1
LS]
L Époypée,
(254)
nité de formules puériles et ridicules. Ce que peu-
vent faire de mieux les personnes en proie à ces
espèces de désordres est de consulter promptement
un médecin éclairé qui les dirige prudemment dans
la route qu’elles doivent suivre. »
QUESTIONS PROPOSÉES.
En quel genre de poésie les Français sont-ils supérieurs
aux Anciens ? Dissertation qui a obtenu le prix ;
par M. p& TEULIÈRES, de Montauban.
« L'homme se plait à comparer la mesure de
biens et de maux qui le distingue de ses sembla-
bles : né avec un principe d’émulation, ou plutôt
de jalousie , il ne saurait demeurer dans Flincer-
titude des avantages qu'il a sur eux. Les particu-
liers , les villes , les provinces , les nations même,
éièvent sur un pareil parallèle le fantôme de leur
prééminence. Osons nous servir de cette voie de
comparaison , en faveur des modernes , contre ceux
à qui l'erreur ou l'ignorance ont accordé une in-
juste supériorité dans toutes les productions du
génie. Il est temps de découvrir nos richesses et
de dissiper le prestige qui grossitle trésor des An-
ciens , en examinant s’il est quelque genre de poésie
où nous leur soyons supérieurs.......
C'est d'après les principes d'une critique judi-
cieuse que M. de Teulières passe en revue tous
les genres de poésies dans lesquels nous pouvons
être comparés aux Anciens.
» L’Épopée tient le premier rang parmi les poëmes.
(259 )
On a cru pendant quelque temps la France in-
capable d'enfanter des ouvrages de ce genre : la
Franciade , la Pucelle et Clovis ne servirent qu’à
confirmer ,cette erreur. Il a paru enfin, de nos
jours , un homme qui a effacé la honte de sa patrie.
Mais , le dirai-je? il règne dans la Henriade un
style épique , soutenu avec trop de continuité, et
un fond de couleur mâle qui n’est tempéré ni
par des nuances, ni par des ombres. Il faut ce-
pendant de la variété dans l'Épopée.... Le lutrin
me parait être un modèle de style et de narra-
tion..... Mais quel sujet à opposer à la destinée
du pieux conducteur des Troyens , et aux fameuses
dissentions du fils de Thétis et du chef des rois de
Ja Grèce.....
» Ésope est le père de l’Apologue. Ce sage de
Phrygie, plus occupé à instruire qu’à plaire, n’a
que le mérite de la fiction. Phèdre a plus d’élé-
gance , mais presque autant de nudité. La Fontaine
a réuni l'élégance , le riant des images et une naïveté
inimitable. Les ornements semblent naître sous ses
mains. Quel art! quelle variété ! quelle justesse !. ..….
Quelle gloire pour la France , d’avoir produit celui
qui a posé le dernier sceau, et qui n’a pas encore
eu de rivaux dignes de lui.
» Théocrite a le premier écrit l'Églogue : il a
du naturel; mais il est trop rustique. Moschus,
par un excès de délicatesse, et Bion par un excès
de raffinement , se sont éloignés de la simplicité
pastorale. Virgile , qui a transporté dans ses Buco-
liques des morceaux entiers du poëte de Syracuse »
les a embellis à sa manière. Cet auteur sera toujours
le premier aux yeux de ceux qui aiment des passions
douces, des détails naïfs et des sentiments paisi-
bles, Mais si on désire plus de tumulte dans les
1752:
755
La Fable,
L'Eglogue.
1755,
La Satyre,
Le L: rique,
( 256 )
passions , plus d’agitation dans la conduite , on pré-
férera Deshoullières..... Serait-il étonnant qu’une
femme eût surpassé les Anciens dans des ouvrages
de sentiment ?
» Ce poëme serait-il uniquement consacré à satis-
faire la malignité? Non sans doute; fait pour pré-
senter la vertu anx hommes d’une manière piquante ,
elle se ressent de la destination des lettres qui ne
doivent servir qu'au triomphe des mœurs. La phi-
Josophie fait le principal caractère de ce genre,
et le sa'yrique philosophe l'emportera toujours sur
celui qui ne l’est pas. Jugeons, d’après ces maximes ,
Horace , Juvénal, Despreaux.
» ..... Horace est un philosophe aimable qui
mécrit que pour donner des leçons aux hommes ;
s’il laisse échapper quelque plaisanterie , ce n’est
que pour faire passer la gravité de ses préceptes :
la morale , chez lui, est le fond de ses satyres,
Je reste n’en est jamais que l'accessoire. On ne
voit au contraire dans Juvénal , qu'un critique
attaché à médire du genre humain, et qui fait
partir sans cesse des traits amers d'une plume trem-
pée dans le fiel. Boileau tient entre eux un juste
imilien : son caractère n’est pas noir, mais il est
sombre ; aussi a-t-il presque toujours imité la manière
de Juvénal, qu’il a cependant surpasse en mélant
dans ses satyres l’aménité , la philosophie et sou-
vent la naïveté d'Horace...... Mais on aperçoit
en lui, un homme qui lutte contre son propre
caractère , qui cherche à devenir Horace, c'est-à-
dire à être par imitation , ce qu'il n'est pas par
vature, et qui, abandonné à lui-même , ne peut
étre que Juvénal.....
» Le poëme lyrique , dans sa première institution ,
fat employé à célébrer la Divinité. . .... Pindare en
(257 )
détourna l'usage à des objets profanes ; mais sans 1755.
avilir sa lyre... La Divinité ne dédaigne pas de
voir à ses côtés la vertu et les talents. Ce poëte
paraît d’abord plus sublime et plus élevé quil
n'est en eflet. Sa manière est difficile à saisir , et
cette difficulté a contribué à le faire paraitre tou-
jours dans les airs. Sa prudence et son désordre
consistent à exalter un héros en se jetant dans
l'histoire d’un homme célèbre dont les vertus se
retrouvent dans celui à qui il adresse ses vers...
Cette manière de louer , sublime et délicate , n’ap-
partient qu’à Pindare , et n’a été imitée par per-
sonne.
» Le poëte lyrique doit oublier qu'il est mor-
tel : il doit s’élancer aux régions du tonnerre,
s’abandonner au plus beau désordre , et tracer
les images les plus frappantes; c'est ce que nous
trouverons dans Rousseau , qui a marché le pre-
mier sur. les traces de Pindare , et dans ce mo-
derne . illustre que Rousseau avait déjà désigné
pour son successeur. Ces noms célèbres appar-
tiennent à notre siècle ; mais leurs noms, eulacés
par les mains de la gloire, seront portés aux temps
les plus reculés, et leurs productions iront se join-
dre au petit nombre d'ouvrages enfantés par le
génie et les grâces , et qui ne seront ensevelis que
dans les ruines de l'univers. ....
» Cette supériorité accordée aux Français , dans
le lyrique destiné à chanter les Dieux etles Grands
Hommes, est due aux anciens dans le lyrique
employé à célébrer les jeux du Dieu d'Idalie, les
plaisirs de Bacchus et les charmes de la volupté.
Quoi de plus agréable dans ce genre que les poésies
d’Horace et d’Auacréon ? Ce n'est pas qu’il n’y ait
dans Rousseau des images riantes et gracieuses ;
17959.
LaTragédie,
( 238 )
mais elles sentent trop le travail, et les vers qui
les renferment sont faits avec trop d'exactitude,
défaut qui fait disparaître la séduction et le pres-
üge, et toujours considérable dans une partie dont
la négligence et la facilité sont le principal mérite.....
» Traçons le caractère de ceux qui se sont signalés
dans la Tragédie, ayant de nous engager dans un
détail de comparaison. Parmi les tragiques grecs ,
Eschyle joint à une noirceur de pinceau un coloris
terrible. Sophocle réunit la majesté , ls pompe et
l'élévation. Euripide, plus tendre, plus insinuant ,
plus pathétique , attendrit les cœurs, inspire la pitié
et fait répandre des larmes. Les Romains, ces illus-
tres rivaux des Grecs, ne paraissent ici que pour
étaler leur faiblesse.
..…...... » Les Français ont été plus heureux.
La barbarie et le mauvais goût exerçaient un em-
pire tyrannique....... Corneille paraît avec une
élévation d’esprit peu ordinaire à l'humanité, et
tous les nuages se dissipent en sa présence. Né
pour créer , et non pour suivre les traces des
anciens , il peignit la grandeur romaine avec une
force presque supérieure à Tacite. Il n'appartient
qu'à ces deux hommes de déméler les intrigues
de cabinet , les ressorts de la politique et les inté-
rêts des nations. Il n’a appartenu qu'à eux d’être les
organes des princes les plus habiles dans l'art de
régner , de faire parler dignement les Césars, les
Augustes. Corneille enfin a créé des beautes fort
supérieures à celles des anciens....... Mais inca-
pable de descendre, il a négligé la science du
cœur, et il est méconnaissable quand il faut ex-
primer la tendresse et le sentiment.
» Corneille était le maître de la scène française
lorsqu'on vit paraître Racine, auteur nourri de la
( 239 )
lecture des grecs. Né avec un génie perçant, propre
à lire dans le cœur des hommes , leurs faiblesses ,
et à distinguer les plus délicates nuances de leurs
passions , c’est lui qui a le plus inspiré la terreur
et la pitié dont il avait étudié les sources dans
Euripide avec qui il avait, si j'ose m'exprimer
ainsi, une aflinité de génie. Que notre comparaison
se borne à la distribution du sujet , aux caractères
et à la diction....... »
Nous regrettons beaucoup que les limites d'un
extrait ne nous permettent pas d'offrir à nos lec-
teurs les judicieuses observations de l'auteur de ce
Mémoire : morcelées , elles perdraient leur enchaïi-
nement et leur force; et, dans la nécessité d’abréger ,
nous nous contenterons d’en recueillir les conclu-
sions.
» Les tragiques grecs ont de grandes beautés
ils excellent à peindre les passions et le sentiment ;
ils possèdent l’art heureux de pénétrer dans les
cœurs: la lecture d’Iphigénie, d'Euripide, m'a fait
répandre des l’armes....... Il faut même avouer
qu'il y a des morceaux plus touchants * que dans
celle de Racine. Mais s'ils ont l'avantage de ce
côté , nous avons plus d'art dans l'arrangement du
sujet, plus de force , de bienséance et d'égalité
dans les caractères et plus de noblesse dans la
diction. Nous serions même plus parfaits dans ce
genre ,; si nous n'avions avili, par des intrigues
amoureuses, les sujets les plus relevés, et répan-
du souvent un vernis de galanterie sur les farou-
ches Brutus et les austères Catons de la République.
» Son aurore , chez les Français, ne promit pas
d’abord des jours fort Jumineux..... Mais parmi
la foule des Grands Hommes qui illustra le siècle
de Louis XIV , Molière parut , porta la Comédie
1955.
* re scène
du 5° acte.
La 4° duac,
La Comédie
(240 )
17554 au plus haut point de perfection, et procutra , dans
ce genre , à sa patrie un degré de supériorité sur
les anciens que personne n'osera lui contester.
Mettons-les ensemble dans la balance, et par une
exacte comparaison , fondée sur des principes so-
lides , nous verrons que cet écrivain leur a été supé-
rieur dans toutes les parties : genre de comédie,
choix des sujets, ton, disposition, nœud, dénoue-
ment, caractères, imagination, variété, force comi-
que , bonne plaisanterie, style , perfection du dia-
logue. Ces divers articles savamment discutés par
M. de Teulières, offrent les plus heureux déve-
loppements, et toujours à l'avantage du comique
français.
Les mêmes motifs qui nous ont guidés dans le
chapitre de la tragédie , seront encore ici notre
règle ; et dans l'impossibilité de présenter l’ensem-
ble des preuves , nous passerons aux dernières con-
clusions de l’auteur. « 11 résulte que nous sommes
inférieurs aux anciens dans l'Épopée et le Lyrique
anacréontique ; que nous marchons de pair avec
eux dans l'Églogue , dansla Satyre et dansla Tragédie ;
que nous leur sommes supérieurs dans la Fable,
dans le Lyrique élevé et sur-tout dans la Comédie,
où notre supériorité est si marquée qu’il faudrait
étre téméraire ou aveugle pour oser nous la disputer.»
Quelle est la cause des tremblements de terre , etc. ?
Le Mémoire de M. Isnard , en réponse à cette
question , mérita , au jugement de l'Académie , d’ob-
tenir la couronne. Nous nous empresserions d’en
donner un précis suffisamment étendu pour le faire
connaître ,
(240)
convaître ; mais l’auteur lPayant communiqué au
public par la voie de l’impression , et l’Académie
s'étant fait une loi de ne faire entrer dans son Précis
analytique aucun ouvrage imprimé, nous nous en
tiendrons à cette simple annonce.
N. B. Nous possédons encore quelques Mémoires
relatifs aux questions proposées par l'Académie ,
Sur le perfectionnement de la Tuble des affinités ;
de Geoffroy ; e
Sur le privilège de la fierte accordé au Chapitre
de Rouen ; L é
Sur l’Echiquier de Normandie. à!
Mais, ou ces Mémoires sont incomplets, ou ils
manquent des caractères propres à en ässurer Pau
thenticité , et nous ‘avons préferé de en: point
faire mention, da crainte de n'en dire que des
choses inexactes où insignifiantes, et par cela seul
peu agréables à leurs auteurs. (
Comment et à quelles marques les moins équivoques
pouvons - nous reconnaitre les dispositions que la
Mature nous a données Pour cerfaïnes sciences ou
pour certains arts plurôt que pour d’autres ?
Le Mémoire dont l'extrait suit, et qui a mérité
la couronne , est de M, l'abbé Berrer.
LE
« Rien n’est sans doute plus capable de hâter
les progrès des sciences et des arts que la con-
naissance du genre auquel la nature nous a des-
tinés. Comme elle varie ses dons à l'infini » et qu'elle
assortit aux vues qu’elle a sur nous la distribution
Tome IT, 1751 à 1560. Q
1797:
1750:
( 242 )
1759, qu’elle en fait, nous marchons infailliblement à
Quintil, 1. 2
CaP. Je
grands pas dans les routes qu’elle nous ouvre, et
le saccès le plus brillant couronne toujours les
travaux où elle nous engage.
» Que si, par méprise ou par indocilité , nous entrons
dans une voie qu’elle ne nous a pointtraeée , combien
d’écarts , combien de chutes nous y attendent ? . ....
Mais peut - être sommes-nous encore beaucoup plus
à plaindre qu'à blâmer. Il n'est pas si aisé de distin-
guer les avances que la nature nous a faites.....
Nous avons beau savoir en général qu'elle n'a pas
moins multiplié les caractères des esprits que la
forme des visages , nous sommes portés à croire
que, nous avons la meilleure part à ses faveurs,
Nous nous flattons qu’elle a mis en nous des dis-
positions relatives au goût que nous épronvons...
Quelle source d’erreurs! Nous prenons faussement
pour une invitation de la nature les prétentions
de notre orgueil et les conseils de notre vanité...
La facilité de la composition serait-elle plus propre
à nous indiquer les vues de la nature ? Comme il
y a une stérile abondance, il y a une malheureuse
facilité capable de tromper ceux qui s'y abandon-
nent..... Les poëtes que nous regardons comme
nos maîtres ont fait profession de rimer dificile-
ment, et les auteurs qui ont travaillé pour l'immor-
talité ont communément écrit de petits volumes...
On ajoutera peut-être auf c’est conséquemment à
la bonté de l’ouvrage qu’on reconnaitra les faveurs
de la nature.
» Mais qui appréciera sainement le travail du
savant? Il semble que nous gagnons en amour-propre
ce que nous perdons en mérite : les auteurs les
moins favorisés par la nature sont les plus disposés
à s'applaudir du partage qu'elle leur a fait ; leurs
(243)
minces productions les jettent dans l'enthousiasme ,
tandis qu’un génie supérieur pense modestement
de lui-méme.
» Le jugement d'un écri!, celui même d'un grand
homme, ne supplée pas toujours aux lumières et
à la sincérité qui nous manquent. Qui eût cru
que le Grand, Corneille eût pu se meprendre sur
les sublimes dispositions que la nature avait mises
dans Racine pour parcourir avec le plus grand
succés la carrière du théâtre ? Racine , qui a fait
tant d'honneur à la Muse tragique , n'aurait jamais
chaussé le cothurne sil eût docilement souscrit à
l'avis de Corneille.......
» On ne saurait nier que l'attrait que nous sen-
tons pour une science ou pour un art ne soit
comme Ja voix de la nature, et une sorte d’ins-
uünct par lequel elle semble nous guider.......,
L'histoire des savants nous offre de nombreux exem-
ples de cet enthousiasme naturel qui fut le pré-
sage de leurs succès....... Il y a cependant ici
deux conditions à observer: ce goût que l’on croit
sentir doit premièrement être désintéressé, et c’est
ici le sujet d’une discussion délicate.
» 1 faut voir en second lieu si ce goût vif que
nous sentons pour une science ou pour un art
exclut en nous ou y soutient l'amour du travail
qu'ils exigent : la nature, en nous prodiguant ses
faveurs, na pas eu l'intention de nourrir notre
indolence ; elle ne prétend que fournir un aliment
à notre activité, par l’espoir du succés dont elle
couronne notre trayail....... Les études des grands
maitres furent toujours plus longues que celles des
hommes ordinaires. ......
» Mais le travail ne coûte rien dans les genres
pour lesquels la mature nous a formés: lPatrait
Q 2
17 59e
Labruyère
L'abbé Du:
bos.
(244 )
1759. réel surmonte ou prévient les dégoûts , et lés pro-
J.-B, Rous-
reau , Epit, à
CI. Marot.
grès qu’on fait empêchent de sentir les épiniés de
l'étude. Lee
» Il est généralement certain qu'un travail facile
aide à reconnaître nos dispositions ; mais cette
facilité a besoin d’être appréciée pour n'être point
une indication équivoque. Distinguons le méca-
nisme de chaque art, d'avec le génie qui en est
l'âme : tout le monde peut broyer des couleurs,
manier la palette et les pinceaux; mais il’ wap:
partient qu’à ceux que la nature a fait peintres , de
s’en servir dignement.
Minerve à tous ne départ ses Jargesses :
Tous savent l’art, peu savent les finesses.
‘» Le succès dans nos études est un nouvel in-
“dice de la disposition que la nature a mise én
“nous; mais il est bien important ici de se prémunir
contre la prévention qui est en possession de nous
avéugler lorsque nous discutons le mérite de nos
ouvrages. C’est en les comparant avec les grands
modèles que nous jugerons sainement de leur im-
perfection ; c’est en nous sebtant animés du désir
de les perfectionner, sans que les diflicultés nous
découragent , que nous apprécierons nos dispositions.
Nous les apprécierons de nouveau par la docilité
avec laquelle nous recevons les conseils et la cri-
tique. Notre docilité aux avis d’un connaisseur ,
ou à la décision du püblic , suppose en nous des
organes qui se plient aisément aux besoins du genre :
un joueur de luth, que les avertissements ne ra-
mènent point au ton qu’il a manqué , a certaine-
ment où une main dure ou une oreille fausse. ....
» Le talent!, le goût et le succès sont ainsi trois
( 245 )
parties inséparables : elles sont l'indication et le 1759.
garant l’une de l’autre, et toutes les trois annon-
cent et constatent le genre et l'espèce du don que
la nature nous a départi. Nos véritables dispositions ,
semblables au feu caché dans le sein des cailloux,
sont quelquefois concentrées au fond de notre âme :
un choc, que le hasard produit, suflit souvent
pour les développer. L’habileté consisté alors à
leur fournir un aliment convenable , et à écarter
les obstacles qui pourraient les entraver.
» Un goût factice peut en un instant nous abuser ;
mais à la nature, seule appartient le droit de nous
passionner pour un objet, et de nous faire triom-
pher des difficultés qui l'environnent. »
1755.
(246 )
PoËrsis.
Ode $ur l'évablistément de l'École de Dessin de
Ronen ; pièce qni a remporté leprix ; par M. GERMoN,
Chanoiné régulier à Senlis.
Nous ne possédons de cette Ode qu’une copie
incomplette , et d’après laquelle il serait peut-être
indiscret de hasarder des citations.
Mais nous avons une copie correcte d'une Epître
en vers du même auteur , dont nous citerons quel-
ques fragments pour donner une idée de son style.
C'est un Remerciment à l’Académie :
Sages arbitres de la gloire ,
C'est pour publier vos faveurs ,
Que mon front, par vos mains , ceint d’immortelles fleurs ,
S’enorgueillit de sa victoire.
J'ai senti naître dans mon cœur
Le désir séduisant d’obtenir vos suffrages. ......
Et j'ai cédé bientôt à cet instinct flatteur.......
Je n’enviai que cet honneur ;
Et ces lauriers brillants que votre main dispense
Furent la seule récompense
A laquelle aspira mon cœur.....
Élèves distingués des Zeuxis , des Appelles ,
Que vos crayons , votre art charmast
Saisiesent tous les traits de ces Maitres célèbres
(247)
Qui , sauvant léürs nommé des ténébres 17316
Et de la nüit du monument ,
Ont su dônner une autre vie
A ceux qui , chers à leur Patrie,
Comme eux en furent l’ornement.
De votre art , qu’en tous lieux on honore, on contemple ,
J’ai chanté les brillants effets.
On a couronné mes essais :
D'un cœur reconnaissant je vous donne l’exemple ;
Surpassez ses efforts par d’éclatants succès.
Le Goût et le Caprice; par M. l'abbé FoNTAINE.
Cette pièce ayant été imprimée , nous nous dis- 1758,
penserons de l’imprimer de nouveau ; nous nous
contenterons d'en offrir un extrait fort succinct,
pour donner une idée du faire de l'auteur :
Par le Goût Homére inspiré ,
Lui rendit les premiers hommages ;
Ce Dieu , jusqu'alors ignoré
Des Grecs, enlevant les suffrages,
, Dès qu’il parut fut adoré,
Tempé , retraite fortunée ,
Beaux ombrages | vallons chéris
Qu’arrosent les eaux du Penée ,
Jadis sur vos gazons fleuris,
Quittant l’héroïque trompette ,
Pour enfler les doux chalümeuux ,
Q 4
1758.
(248 )
Le Dieu du Goût prit la houlette
Et vint conduire les troupeaux +
Il chanta les plaisirs champêtres ,
Le printemps , les riches moissons ,
Et Théocrite , au pied des hêtres ,
Du Dieu répéta les chansons.
11 égaya de couleurs vives
La volupté d’Anacréou ,
Et de l’amante de Phaon ,
Soupira les chansons naïves,
Favoris d’Appollon ; de Mars,
Scipion , Térence, Lélie,
Au sein fécond de l'Italie
Fondaient l’Empire des Césars ,
Quand des arts le brillant génie,
Sur Rome tourna ses regards. ....
} :
Cherchant près du trône un asile } ‘
L’Eloquence adoucit les mœurs ,
Le Goût, rappelé par Virgile,
D'Auguste gagna les faveurs . « se + 1,1
De la Raison peintre fidèle ,
Compagnon des Jeux et des Ris,
Etdes Grâces heureux modèle, !
D'Horace il dicta les écrits,
Mais bientôt féconde en chimères , .,
La stupide cupidité PU LÉ
Chassa le Goût , l’'Urbanité,
Et fit régner sous les Tihères , ;
Le vicetet le luxe effrontée +...
ee!
(249 )
Pétrarque, inspiré parles Grâces , 1758.
Pleurantles beaux arts éclipsés,
Le premier découvrit les traces
De leurs monuments dispersés. . ...
On vit la noble architectare
Créer des chefs-d’œuvres nouveaux ;
Et pour enrichir la Peinture,
Le Goût excita la Gravure
À reproduire ses travaux,
Le poëte passe rapidement en revue le siècle des
Médicis, celui de François I‘, et arrive à celui de
Louis XIV, et les noms de Racine, Boileau, Rousseau ,
La Fontaine, Molière y sont célébrés dans de beaux
vers. On ne lira peut-être pas sans intérét cette
vérité aflligeante , mais confirmée par l'exemple de
- tous les siècles :
Quand les arts florissants arrivent
Aux degrés de gloire éclatants
Qui des peuples qui les cultivent
Immortalisent les talents,
Bientôt, livrés à la licence
D'une coupable ambition ,
Ils touchent à leur décadence...,..,
Suit la description du temple du Caprice, des
Ministres légers de ce Dieu inconstant et frivole :
De leur Dieu qui toujoufs varie,
Semant les oracles divers,
Les Songes avec la Folie,
Se répandent dans l’univers.
(250)
+758, Ministres légers des toilettes,
Ils portent les chiffres galants,
Le voile des ptades discrettes,
La calotte des froids pédants
Et les ponpons de nos coquettes.
Des boudoïirs le Caprice. s’insinue dans les cabi
-sets des auteurs et infecte tous les genres de lit
térature :
Et sous un air simple et timide,
Prenant du Goût le ton flatteur ,
Le Caprice en tous lieux décide,
(“297 )
ÉLOGES HISTORIQUES.
Eloge de M, Pigou; par M. de PRÉMAGNY-
Messieurs, sil est flatteur pour nous de vous 1751%
rendre compte de nos travaux annuels , notre satis-
faction n'est que trop souvent mélée d’amertume ,
par l'obligation ôù nous nous trouvons de vous en-
iretenir de nos pertes. Eh! qui pourrait voir sans
doüléur disparaître des hômmés nés pour porter par-
tout la lumière de lä sagesse ét l’ardeur del’émulation?
Telle est l'impression malheuretise que nous avons
éprouvée, Messieurs, lorsqu’ürne mort imprévue nous
a eriléyé M. Pigou ; conseiller en la grand’chambre
du Parlement , ancien mäire de cétte cité et ancien
présidènt de cétte Académie.
Quäranté années de magistrature ont été pour lui
quarante années d’un travail assida : intérêts, plaisirs,
amusements , tout a été constamment sacrifié au
devoir, Parmi les Jouanges que l'on peut donner
au magistrat, celle dé l'équité n’est qu'une louange
commüne ; mais qne dans la force de la jeunesse
on ait le courage de sacrilier à l’étude de sés devoirs
le temps qu'il est si facile, si agréable de con-
sacrer à ses goûts et à ses plaisirs, c’ést ui triomphe
dont les grandès ânes seules sont capables. A qui
cépendant un peu moins de ferveur eût-il été par-
donnable ? Doué naturellement d’un esprit juste,
d'un jugement solide, d'une mémoire admirable,
M. Pigou aurait pu , sans porter atteinte à ses de-
(252 )
2751. Voirs, sans compromettre sa réputation , se per-
mettre plus souvent-un délassement nécessaire , et
se distraire de la sécheresse de la jurisprudence
parmi les fleurs de la belle littérature qui avaient
pour lui tant de charmes ; mais sa manière était
de ne rien risquer : le temps était ce qu’il craignait
le plus de voir échapper et dont la perte lui était
le plus sensible. Ainsi, laborieux par goût et par
devoir , acquérant chaque jour des connaissances
qui ne seffaçaient plus, accessible aux parties ,
diligent dans lPexpédition, judicieux et ferme dans
sés sentimeñts; il,était parvenu de bonne heure à
inspirer le respect pour ses décisions, à mériter la
confiance de ses collègues, et à faire admirer sa
vigueur dans des occasions importantes. Nommé
administrateur des hôpitaux, et obligé en cette
qualité de surveiller les intéréts des pauvres, il
dut se faire, au nouvel arrangement pour remplir
cette fonction si précieuse à un cœur honnête,
sans aucun détriment de ses premiers devoirs.
Appelé par le vœu de ses concitoyens à la dignité
de! maire , on continua d'admirer en lui un ma-
gisträt qui, sans -aflecter d’empressement ni d’in-
quiétude , toujours actif, toujours maître de son
temps, le dispensait avec une sage économie , et
se mettait ainsi de niveau avec les plus nombreuses
occupations. Ce lieu méme ,.où éclatent aujour-
d'hui nos regrets, nous rappelle une circonstance
qui nous .rend encore sa mémoire plus chère : il
était le chef du corps de ville , lorsque l'Académie
espéra de jouir des bienfaits de M. l'abbé Legendre,
notre fondateur ; la bienveillance de ce magistrat
et, les soins, qu'il prit pour faire réussir le projet
eu'assuréremt,le succès.
C'est. ici, même et avec nous, Messieurs, que
(255 )
Von peut dire qu'il a poussé jusqu'au scrupule
le système d’exactitude: qu'il s'était fait pour tout
ce qui avait Papparence du devoir. Ce qu'une vie
toujours occupée lui laissait de moments, il les
consacrait à nos séances ordinaires. Il aimait nos
exercices ; son goût pour les belles-iettres, som
discernement, son génie pénétrant brillaient égale-
ment dans les sujets même qui lui étaient moins
familiers. A Pentendre réciter avec grâce des mor-
ceaux d’éloquence ou de poésie d'une grande éten-
due , on eût pu crôire qu’il eût fait une continuelle
étude de ces matières si agréables et si riantes; et
ce n’était que l’heureux effet d’une mémoire mer- :
veilleuse que les années n'affaiblirent jamais... :.
Mais c’est peu de vous montrer, Messieurs, dans
M. Pigou , le magistrat éclairé, judicieux et ferme,
l'académicien laborieux , l’homme de lettres dis-
tingué , il est dés vertus d’un ordre difléreut , étran-
gères à la dignité dont on est revêtu, et non moins
précieuses dans la société; on peut les avoir dans
un degré inférieur sans cesser d'être un grand
homme. Mais quel assemblage ravissint nous offre
leur réunion? Vertus d'état pour le bonheur publie,
véritus sociales pour la douceur et l'asrement de
ses amis et de ses proches ; ce sont les derniers
traits nécessaires au portrait de notre estimable
collègue......... Rappelons-nous , Messieurs, ce
fonds de sensibilité d’où partaient tant de marques
évidentes d’un bon cœur, cette joie innocente et
pure qu'il portait dans le commerce de l'amitié ,
cette satisfaction qu'il éprouvait à donner des con-
seils utiles , cette activité à servir et à. obliger,
cette gaieté naturelle qui parait ses moindres dis-
cours, Ja variété de ses connaissances et de: ses
talents, et nous demeurerons convaincus qu'ici la
Ou.
1754
Eccl. Ce Le
Ÿ. 1ret12.
2754.
Vers 1550.
(254)
flatterie n’a aucune part à son éloge..... En con-
sidérant combien sont rares des hommes si émi-
nemment privilégiés, je suis tenté de dire de lui
comme le sage : Beati qui te viderunt , et in ami-
citié tuä decorati sunt. Nos vité vivimus tantum ,
post mortem non erit tale nomen nostrum.
Eloge historique du P. Dumoustier , Récollet ;
par M. l'abbé Saas.
« Le R. P. Artus Dumoustier qui , à la tête de
plusieurs de ses ouvrages , prend les noms latins
d'Arturus à Monasterie , est aussi nommé par d’au-
tres auteurs, Dumoustier : c’est en effet le même
nom, nos ancêtres traduisaient le mot latin Honas-
terium par les mots AMoutier ou, Montier.
» Je trouve dans le Nobiliaire de Normandie,
qu'un Guillaume Dumoustier, avocat au parlement
de Normandie, obtint des lettres de noblesse , en
1580. Il paraît que le P. A. Dumoustier était d’une
noblesse plus ancienne. Dans son ouvrage célèbre
intitulé Meustria Pia , dans le dénombrement des
abbés de la Croix Saint - Leufroy , il cite l'abbé
Guillaume Dumoustier , puis ajoute : Familiä spec-
tabili et antiqué inter Normannos à qu& me fateor
duzxisse originem.
» A peine A. Dumoustier eut-il atteint sa seizième
année , qu’il entra dans l'Ordre de Saint François,
suivant la réfcrme dite des Récollets , qui commença
x Nevers, sur la fin du seizième siècle. Il y prit
tellement l'esprit de son état, qu'il devint et fut
toujours un des plus fervents religieux de son
ordre.
( 255 )
» Il partagea tous les moments de sa vie entre 1754.
la prière et l'étude et fit les plus rapides progrès
dans la vertu et dans les sciences. Le P, Dumoustier
ne tarda pas à être beaucoup plus connu qu'il
n’eût voulu l'être. Ses supérieurs le firent gardien
de la Charité-sur-Loïire ; et il était très-capable de
remplir dignement cet emploi. Mais comme les
soins qui en sont inséparables Jui dérobaient le
temps qu’il destinait à l'étude, il fit tant d'instances
auprès de ses supérieurs qu'ils le rendirent à ses
travaux aprs une année d'administration. Il n'en
- eut point d'autre depuis 1051 jusqu'en 1650 , et
il jouit , pendant tout ce temps , de la liberté si
favorable aux études. Il fit imprimer, dans cet in-
tervalle , plus'eurs ouvrages à la tête desquels il
prend le titre de predicateur des Récollets de la
province de Paris ou de Saint-Deuis, dont le cou-
vent de Rouen fait partie, Le P. Dumoustier précha
à Paris et aï'llears; mais comme ses sermons n’ont
pas éte imprimés, nous n'en pouyons porter au-
cun jngement.
» On fonda, en 1650, un couvent de Récollets
dans la ville de Vetau, au diocèse de Bourges,
et il était nécessaire de mettre à la tête de cet
établissement nouveau, un homme d'une science
et d'une piété éminente ; le P. Dumoustier en fut
nommé le premier gardien ; mais il n'y demeura
qu'un an. Ses supérieurs comprirent enfin qu’ils
devaient le laisser le maître d’un temps qu’il cor-
sacrait à la gloire de l'Eglise et de son ordre.....
Il revint à Rouen en 1661, pour y faire imprimer
son Histoire ecclésiastique de Normandie, et y
mourut le 14 juillet 1662, âgé de 76 ans:
» Nous donnerons ici une indication très-succincte
des ouvrages du P. Dumoustier.
1630.
1754
( 256 })
10 La Piété française vers la Sainte Vierge Marie,
etc. Paris, in-8° 1637.
2° Martyrologium Franciscanum. Paris , in-f° 1637.
3° Sacrum Gynecœum seu Martyrologium in quo
Sanctæ ac beatæ totius devoti fœæmini sexus recen-
sentur. Paris , in-fo 1656.
4° De la Sainteté de la Monarchie française, etc.
Paris , in-8° 1658.
5° Wie de Saint Laurien, évêque de Séville. Paris,
in-12 1656.
G° Meustria Pia, etc. Cet ouvrage devait contenir
5 volumes in-4°, le troisième seul est imprimé ; les
autres volumes manuscrits ont été déposés dans la
bibliothèque des RR. PP. Récollets de Paris.
N. B. Quoique le R. P. Dumoustier soit mort
un grand nombre d'années avant la fondation de
l'Académie , j'ai cru devoir réunir son éloge à ceux
de nos estimables devanciers. L'ordre des matières
l'y place naturellement , et sice savant et vénérable
religieux eût existé lors de la fondation de l'Aca-
démie , il en eût fait très-probablement partie, et
en eût été l'un des principaux ornements.
Eloge du P. Mercastel, de l'Oratoire ; par M. LECAT.
« Jean-Baptiste Adrian de Mercastel naquit à
Saint-Maurice, en Brai, le 6 mai 1669, de parents
nobles et distingués dans la carrière militaire, Antoine
de Mercastel , un de ses aieux, fut un de ces
preux qui traversèrent les mers pour Ja conquête
de la Terre Sainte. Sa mère eut sept fils, dont six
prirent le parti des armes ; deux furent chevaliers
de
(257)
de Malthe. Celui dont nous parlons ambitionna, 1754.
dans la République des lettres, des titres moins
environnés de dangers, peut-être plus düfliciles à
obtenir.
» Il fit ses humanités au collége de Vernon , et
en sortit avec la réputation de poëte agréable. Ses
parents l'envoyëérent à Paris faire sa rhétorique,
d’où il passa à l’étude de la philosophie, sous le
célèbre Pourchot, et put faire éclater le goût qu'il
avait pour la géométrie,
» Les vacances qui suivirent ce double cours
ne furent pas perdues pour l'étude. Le jeune Mercastel
trouva chez son père le cadet des denx chevaliers
de Malthe qui, etant garde-marine à Brest, y était
devenu algébriste. Les deux frères furent peu de
temps ensemble; mais le bon emploi en allongea
la durée, et les progrès du mathématicien novice
furent tels qu'il parut avec intérêt, à son retour à
Paris, devant le fameux P. Mallebranche.
On désire ressembler à ce qu’on admire : M. de
Mercastel ,que la piété portait déjà vers la retraite,
entra dans la congrégation de l’Oratoire.A près trois ans
d’études dans cette société, on l’envoya professer la
philosophie à Rumilly, en Savoye. Après un second
cours à Riom, en Auvergne, il fut ordonné prêtre
en 1702, étant alors dans sa trente-quatrième année,
et obtint une retraite dans le séminaire de Vienne,
en Dauphiné, Il était heureux en rencentre de sa-
vants de son goût : il y trouva, pour süpérieur,
le’ P. Jacquemet , savant: profond dans la science
des nombres, et put süivre sans réserve son goût
dominant qui le portait vers le même genre d’étude,
» En 19735, la mort d’un frère le rappela en Nor-
mandie ; il passa une année dans la maison de
l'Oratoire de Rouen, avec le P. Lami, savant uni-
Tome IT, 1751 à 1760. R
( 258 )
1954. versel. L'année suivante il alla à Dieppe , achever
un cours de philosophie ; enfin ses supérieurs lui
ouvrirent la carrière qui pouvait le flatter dayan-
tage : ils l'envoyèrent à Angers avec le tre de
professeur royal de mathématiques. Il professa pen-
dant dix ans avec le succès le plus éclatant, et peui-
être eût-il continue plus long-temps sans un évé-
ment dont l'exposé fait bien connaitre son carac-
tère. ILest des âmes si sensibles au doux charme de
l'amitié, que les études les plus profondes ne sont
presque que des distractions à ces affections délicates :
et telle était celle du P, Mercastel. Il avait deux
amis dans la maison d'Angers, qu’il avait entre-
pris d'instruire , et à l’un desquels il destinait sa
chaire : on les lui enleva tous les deux; il ne put
supporter cette perte el quitta sa chaire. Alors, sans
aucun titre et libre de tout embarras, il employa,
son temps à finir son grand ouvrage des tables des
nombres composés et composants qu’il avait comu-
meneé à Vienne. Quelqu'utile que füt cet ouvrage,
il me fut pas imprimé : l'auteur le communiqua à
MM. de l'Académie des sciences de Paris, qui en
firent l'éloge; et ce tribut glorieux suffit à notre
savant.
» La mort de sa mère, arrivée quelques années
après , le rappella dans sa patrie. Il fixa son séjour
à Ronen , partageant son temps entre les devoirs
de son état et le plaisir d'instruire de jeunes gens
ue sa haute réputation lui attirait en grand nombre.
» Il publia, en 1725, un volume d’/astructions
chrétiennes ; en 1724, des Réflexions sur la lecture
et l'ortographe ; en 1752, une Arithmétique dé-
montrée , volume in-12 de 216 pages , mais qui
contient bieu plus de choses que beaucoup de gros
volumes. En 1759, il fut élevé à la dignité de visiteur ;
€ 259 ) h
étant alors âgé de soixante-dix ans. Il en remplit 1754,
les fouctions durant trois ans , après lesquels il
obüut de l'assemblée générale la permission d'en
donner sa démission. Ce fut a ors qu’un loisir heureux
lui fit concevoir le désir d'être avgrésé à notre société
naissante. Il y fut reçu avec empre:sement le pre-
mier decembre 1544 , cinq mois après l'obtention
des lettres patentes,
» L'Académie s'était fait une loi de lire et mé-
diter les Mémoires de l'Académie des sciences , et de
rendre compte de ses observations. Le P. Mercastel
s'y soumit comme Îles autres; mais son premier
rapport le trahit et montra non un élève , mais un
maitre de la première force. Tout ce qui avait rap-
port aux mathématiques fut analysé , discuté, et
nos séances acquirent un double degré d intérét ,
par celui des Mémoires , objets des discussions, ét
par celui des observations qu'ils firent naître. Au-
cun de ces Mémoires ne sont parvenus jusqu’à nous,
parce que , suivant l'expression du savant pané-
gyriste , ces travaux ne s’étendaient point au-delà
de l'utilité de la société même.
» Le P. Mercastel , à l’âge de quatre-vingt-trois
ans , eut une attaque d’apoplexie et fut paralysé du
côté gauche. La nature seule le servit encore assez
pour le mettre en état de reparaitre à nos assem-
blées , où il avait toujours été fort assidu. Il profita
de cette circonstance pour y déposer son ouvrage sur
les’ nombres composés et composants, (*)
() Nos registres font mention de la remise successive des deux
volumes manuscrits qui composaient ceLouvrage, Que sont-ils de-
venus ? Ont-ils péri dans l'inceudie du cabinet de M, Lecat?'(1®r
vol. p, 49.) Ont-ils disparu de quelque autre manière? Ce qu’il
y'a deconstant, c'estqu'ils n'existent pas au dépôt de nosarchives.
R 2
1754
1756.
( 260 )
» Depuis cette époque sa vue s’aflaiblit de plus
en plus, et ce n'était qu'une suite de l'extinction
graduée de sa vie. Il termina sa carrière presque
sans maladie , le 8 février 1754. 11 était alors dans
sa quatre-vingt-cinquième année.
» La religion , dans notre respectable confrère ,
se joiguit à sa bonté naturelle : elle avait présidé à
toutes ses actions, dans ses plus beaux jours , et
ne parut jamais avec plus d’édilication que daus
les instants qui en ont terminé le cours.
Eloge de MH. Moyencourt ; par M. Lecar.
« Jean Moyencôurt naquit à Grainville-sur-Ry ,
diocèse de Rouen, le 24 février 1681. Il ne dut
rien à sa naissance. Sa première éducation fut con-
fiée à un oucle , cultivateur de la paroisse de
Blainville , où il puisa les connaissances qu’une
bourgade peut fournir, Il était vif etappliqné. Arrivé
à l’âge où il faut choisir un état , l'étude de la chirur-
gie fixa ses incertitudes. Il fut mis en apprentissage à
Aumale où il resta trois ans. Il passa de-là aux
écoles de Paris, dont le célèbre Petit commençait
à changer la face, et auxquelles il a procuré une
célébrité qu’elles soutiennent avec le plus grand
éclat.
» Après quelques années d’études dans la capitale ,
il vint se fixer à Rouen, travailla d'abord sous des
maitres et obtint , en 1705 , un privilége pour le
faubourg Bouvreuil. En 1718il fut admis à la maitrise ,
par cette longue suite d'examen que les chirurgiens
appellent le grand chef-d'œuvre,
» Il acquic en peu de temps l'estime due à beau-
( 261 }
coup de capacité, et la vénération attachée à une 1754.
Piété solide, à une probité sévère et à une charité
inépuisable qui le rendait le père des malheureux.
» Il fut élevé aux premières charges de sa com-
pagnie et nommé, en 1735 , à celle de lieutenant
du premier chirurgien du Roi.
» Né dans le sein de l'agriculture, la botanique
le rappelait à ses premiers loisirs. L'amitié de M.
Dufai , botaniste fort instruit, lui procura le moyen
de s’instruire dans cette belle partie de l’Histoire na-
turelle, qui d’ailleurs a des rapports si intimes avec
l'art de guérir. Ils parcoururent ensemble les én-
virons de Rouen , et, enrichis de leurs! dépouilles ,
ils en décorèrent un petit jardin au faubourg Bou-
vreuil : ce fut le premier berceau de l'Académie.
» En 1756, M. de Moÿencourt transpôrta toutes
ses richesses botaniques au vaste jardin de M. de
la Roche , médecin ; et de fréquentes: excursions
à la campagne en remplireut bientôt toute l'étendue.
» Les infirmités commençant à mettre des bor-
nes à son zèle, il se retira au Vaudreuil | dans une
propriété qu'il y avait acquise ; propriété modique ,
mais sufisante à ses besoins et analogue à ses goûts.
Ü y partagea son temps entre les exercices du
jardinage et ceux de la religion. La faiblesse etun
dépérissement graduel l’avertirent qu’il approchait
de sa fin. Ii alla à sa paroisse se disposer au dernier
et redoutable voyage. Il -assista encore le 8 août,
au service que l’Académie fait celébrer tous les
ans pour les Académiciens et ses bienfaiteurs dé-
cédés; et le 10 du méme mois en le troûva: mort
daus son lit. Il avait épousé , en 1515, mademoiselle
Elisabeth-Reine Martin, de laquelle iln’ent point d’en-
fants. Notre confrère était Âgé de soixante-quinze-ans
cinq mois dix-sept jours, quand il mourut. Il aurait
R:5
Précis anal,
T, 1 p. 26.
( 262 )
1756. poussé beaucoup plus loin sa carrière si les talents,
la probité et le vœu des gens de bien étaient des
moyens de la prolonger. !
Eloge de M. de Sacy ; par M. Dusoutray.
« Messire Jacques-Raoul dé T'rmois, Chevalier ,
seigneur de Sacy, conseiller au parlement de Nor-
cnrandie ; de l'Aradémie des sciences , etc., de
-Rouen ; naquit en cette ville le 15 février 1686.
I perdit dès’ l'âge le plus tendre une mère res-
-peêiable: et M. de Sacy, son père , s'étant remarié,
l'éducation de ce jeure enfant fut entièrement né-
- rgligée. M.de Sacy, celui que nous regrettons, avait
reçu de la nature un esprit juste et un cœur droit. Il
eut le bonheur de sentir de bonne heure que le
fonds le plus riche demeure stérile quand il n’est
pas cuhivé, et s’'appliqua à réparer , par le travail
et par l'étude , le peu de soin qu'on avait pris de
.ses premières années. Le succès couronna ses efforts.
À mesure qu’il éclairait et qu’il 6rait son esprit,
la vertu ui paraissait plus aimable , et il sentait
nedoubler son zèle pour tout ce qui peut contribuer
ad: bonheur de la société,
.»eGei fut avec ces dispositions généreuses qu'il
entra dans la magistrature. Il ne s'était pas dissimulé
- l'étendue de ses devoirs , les piéges nombreux tendus
à la bonne foi , les erreurs presqtie inséparables de
l'imperfection de nos connaissähées: Il sé prémunit
autant qu'il lui fut possible pour s’en garantir , et
sut réparer, aux depens de sa propre fortune, ün
jugement erroné auquel il avait pris part. On conçoit
qu'avec une sévérité dé principes pareille, M, de
( 265 )
Sacy fut inaccessible à tous les motifs humains,
et que nul poids étranger ne fit jamais incliner dans
ses mains la balance de la justice.
» Tout ce qui pouvait contribuer À éclairer les
hommes et adoucir les mœurs eut des droits
assurés sur son zèle. Tels furent les principes qui
firent désirer à M. de Sacy d'être reçu dans
l'Académie , et'il fut un de ses membres qui con-
tribuërent le plus à lui procurer une considération
nécessaire à tout établissement nouveau. Il ne con-
fondit point avec les sciences et les lettres les
abus qui les déshonorent , et regarda toujours l’é-
trange paradoxe qu'on à osé couronner de nos
jours , comme le plus grand abus que l’on ait jamais
fait de l'esprit et de l'éloquence.
” Assidu à nos assemblées, malgré le nombre et
l'importance de ses occupations , vous l'avez vu,
Messieurs, y écouter avec bienveillance, y parler
avec sagesse , y louer ou y critiquer avec discer-
nement, et faire goûter à tous sa vertu , sa politesse
et la douceur de ses mœurs; et c’est ici le der-
nier point de vue sous lequel je vais présenter le
respectable confrère que nous regrettons. Quelque
éminentes que soient les qualités de l'homme public,
cest toujours par ses vertus privées qu’il faut appré-
cier son véritable mérite ; c'est dans l'intérieur de
ses foyers qu'on peut juger et ses vertus et ses
faiblesses. M. de Sacy n'eut point à redouter une
pareille épreuve : il gagnaït à être connu, et son
extérieur modeste servait de voile aux qualités les
plus éminentes.
» Il épousa , en 1727, mademoiselle de Motteville,
d'une famille distinguée par les dignités et la piété ;
digne compagne de ses vertus, digne témoin de
R 4
1756.
(264 )
1756 cette humanité bienfaisante qui lui donnait pour les
malheureux des entrailles de père ; de cette applica-
tion invariable à tous ses devoirs, plus difficile peut-
être à ja faiblesse et à l’inconstance humaine , que des
singularités éclatautes, presque toujours désavouées
par la raison. Philosophe chrétien, M. de Sacy
reçut avec résignation les peines dont la vie du
sage méme n’est pas toujours exempte. Il regarda
la vie comme la route et non le lieu du bonheur...:
Ce fut avec ces sentiments qu’il supporta uue lon-
gue maladie , qu’il vit la mort s'approcher à pas
lents , et termina sa carrière le 27 novembre 1755;
dus sa soixante-dixième année.
Eloge de M. Dubocage-de-Bléville; par M. Lecar.
« Michel-Joseph Dubocage, Seigneur de Bléville,
Blevillot, Gaïinneville, Bondeville , Linières , etc.,
naquit au Hayre , le 5 mai 1707.
» La famille Dubocage est une des plus anciennes
du Havre. Le bisaïeul de notre confrère y tenait
un ranghonorable , et les services qw'il y rendit
lui méritèrent des bienfaits du Roi. Son aïeul mater-
nel , Georges Boissaye-Dubocage, ingénieur et pro-
fesseur d’hydrographie, fut chargé, en 1666, par
Colbert , de la confection d’un canal de navigation
du Havre à Harfleur. Le père de M At fat
employé sur les vaisseaux de Sa Majesté ; il servit
avec honneur sous Jean Bart , Duquesne, Tourville,
Dugay-Trouin , et mérica une épée dont le Roi récom-
pensa ses seryices. Il fut chargé de faire des recon-
naissances Importantes relatives à la géographie » ©
( 265 )
revint, après neuf années de navigation , avec des 1756.
observations extrémement importantes.
» Après avoir fait à Roneu de bonnes humanités,
notre confrère , jeune alors, fils unique d’un père
recommandable par de grands ialents et une égale
probité , fut envoyé à Paris faire sa rhétorique,
après quoi il revint au Havre apprendre le grand
art du commerce , sous la direction d'un père qui
en connaissait tous les principes. Il y fit de rapides
progrès; et, de concert avec ce guide éclairé , con-
tribua , en 1725, à sauver la France des horreurs
de la famine. Chargé de l'introduction des grains
au Havre et de leur régie, M. Dubocage père éprouva
des fatigues qui altérèrent sa santé et le conduisirent
au tombeau, le 10 mai 1727.
» M. Dubocage , resté à la tête de fort grandes
affaires , pensa de bonne heure à se marier: il épousa,
en 1729, Mile Guerreau, fille de M. Guerreau , com-
missaire ordonnateur , faisant les fonctions d'inten-
dant de la marine , au Havre ; mariage parfaitement
assorti par l'âge, les inclinations et les mœurs.
» M. Dubocage, marchant sur les traces de son
père, fit un commerce immense , et dont plus
de trois cents vaisseaux expédiés dans le dernier
semestre de 1749 et le prem'er de 1750 , peuvent
donner la mesure. Ce commerce fut extrémement
heureux, parce que le directeur fut habile : Ja
prudence et l'activité sont des moyens presque
assures d'enchainer la fortune. Il eut en 1740 et
1752 des expéditions pour l'entrée des grains étran-
gers, presque aussi pressantes que celles de 1725,
et qu: eurent un égal succès.
» Pendant la guerre de 1741, le premier vais-
sçau armé en course que la France ait vu sortir
( 266 )
1756: dé ses ports , appartenait à M. Duüubocage. 11 eut
l'activité de le mettre en mer trois jours après la
déclaration de la guerre à l'Angleterre, La Cour,
pleine de confiance dans ses talents et sa probité,
äjouta à son armement trois de ses plus belles
frégates.
» Entourée d'eau de tous côtés , la ville du Havre
éprouvait le supplice de Tantale, et manquait dans
sou intérieur de bonnes eaux potables. M. Dubocage
fut nommé échevin ; son zèle sarmontä toutes les
difficultés: un aquéduc de plus d’une lieue fut cons-
iruit, ét des eaux salubres coulèrent dans tous
les quartiers. Sous son administration , des rues
furent pavées , la police inconnue jusqu'alors fut
établie, et, avec la propreté, fit régner la salubrité.
C'est à lui que l'on doit une grande partie des or-
nements de la belle entrée du Havre, et l’établisse-
ment du chantier de bois à brûler. Les hôpitaux
ne se sont pas moins ressentis de son activité et de
sa raré intelligence : leurs revenus furent améliorés ;
le travail, introduit dans l'hôpital des valides , diminua
les charges en mulupliant lés ressources, etle Havre
fut débarrassé du fléau de la mendicité , fardeau
de l'État toujours incommode et souvent dangereux.
» Tant d’occupations n'empéchaient point M.
Dubocage de suivre son penchant pour les lettres :
son père avait associé la guerre au commerce , le
fils y joignit l'étude des sciences et des beaux arts.
L'histoire naturelle fat le délassement de ses travaux,
et lés ressources d'un commerce presque universel
Jui proétrèrent à cet égard des facilités bien pré-
cieuses ; il se forma un cabinet digne de la curiosité
des étrangérs. Admis en 1740 dans notre Société
académique , il ne trompa point nos espérances ;
plusieurs de ses Mémoires ont occupé avec intérêt
( 267)
nos séances. Je citerai les principaux, en 6bser- 1756.
vant l'ordre chronologique :
1746. Sur le déplacement dés coquilles fossiles. —
Pétrifications trouvées près du Havre.
1747. Expériences électriques et magnétiques.
Mémoire sur la fontaine pétrifante du château
d’Orcher.
17951. Mémoire sur les coralloides.
1753. Sur le port, la navigation et le commerce du
Havre.
1754. Sur un vers trouvé vivant dans un bloc de
marbre.
1756. Sur deux enfants d’une taille gigantesque,
» M. Dubocage a publié ces divers ouvrages, et
obtenu de Sa Majesté la permission de les Jui
dédier.
En 1755, M. Dubocage recut des lettres de no-
blesse: c'était la digne récompense de ses travaux
utiles et de services essentiels rendus à l'Etat.
» Des chagrins domestiques , la perte d’enfants
aimables , et sur-tout d'un fils de vingt-deux ans,
de la plus grande espérance, plus encore que ses
nombreux travaux , et que les ressources d’une
religion éclairée ne purent affaiblir, portèrent une
atteinte funeste à sa santé délicate. Ses dernières
années , traversées par des maladies répétées, ne
farent dans ses plus beaux jours qu'une longue
convalescence. Il succomba enfin le 16 juin 1756,
à peine Agé de 49 àns , universellement regretté
de ses amis, d'une épousé digne de lui et de quatre
enfants , dont un fils âgé de neuf aus.
» Les gémissements des pauvres ont découvert
ce que sa piété délicate avait caché à tout le monde
des charités abondantes qu’il vérsait dans leur
sein.
1750,
on
SJ
( 268 )
» Epoux toujours amant , toujours heureux, père
tendre et tendrément aimé , ami sincère et libéral,
que de titres à nos regrets! Mais il vivra toujours
parmi nous, Messieurs, par le souvenir de ses
vertus et la reconnaissance de ses bienfaits.
Eloge de M. de Fontenelle ; par M. Lecar.
« L'éloge de Fontenelle , prononcé dans les prin-
cipales Académies de l’Europe , a fait connaître
dans les plus grands détails cet homme justement
célèbre. Ses ouvrages sont dans les mains de tous
les hommes de goût ; c’est un motif de retrancher
de la notice que nous présentons tout ce que per-
sonne n’ignore, pour nous arrêter uniquement aux
points qui sont moins connus.
» Bernard Lebovier de Fontenelle naquit à Rouen
le 11 février 1657, (*) de François |, avocat au
parlement de Normandie , et de Marthe Corneille ,
sœur de Pierre et de Thomas. Il eut pour aïeux
Pierre Corneilleet Marthe Lepesant de Bois-Guilbert ,
cette dernière ; d’une famille distinguée dans la ma-
(*) La maison de M, de Fontenelle, rue des Bons-Enfants,
quartier des Feuillants, est la cinquième porte à l’ouest de
ce monastère; on y entre par une longue allée, et dans la
cour est un puits décoré d’une charpente gothique assez belle,
C’est principalement à cet indice donné par M. de Fonte-
nelle, que jai reconnu cette maison. C’est aujourd’hui (1757)
une suinguette, dont l'enseigne est le Paradis terrestre, ( {Vote
de MW, Lecat.)
(269 )
gistrature , et qui fait encore honorer par sesvertusun * 797
uomauquel se rattachent des souvenirs respectables.
» Nous nous conformerons aux inteutions de
M. de Fontenelle , en nous abstenant de parer
son nom d'une noblesse de plusieurs siècles,
» Il fit ses études au collége des jésuites de
Rouen , avec un succès brillant. Il en fut quitte
dans sa quatorzième année , et échappa à des maitres
attentifs à se procurer des sujets propres à sou-
tenir la célébrité de leur société.
» À l'âge de treize aus , étaut encore en rhéto-
rique , il concourut au prix de poésie latine, des
Palinods , et meérita la couronne.
» Pour complaire à ses parents , il se liwra à
l'étude du droit, plaida une cause et la perdit.
Il n'en fallut pas davantage pour le faire renoncer
à un état qu’il avait pris sans goûl, et l'étude des
sciences et des belles-lettres occupa désormais ses
loisirs.
» Thomas Corneille, son oncle et son parrain,
le conduisit à Paris à l’âge de dix - neuf ans, et
le logea chez lui. Il recueillit bientôt le fruit de
sa réputation naissante , et l’accrut par son com-
merce avec l'élite des savants et des beaux esprits
de la capitale. Ses deux oncles y tenaient le pre-
mier rang.
» De retour à Rouen, son oncle Thomas lui en-
voya le prologue et le plan de Bellerophon, que
le jeune de Fontenelle composa. Ce premier essai
le disposa à donner la même année l'opera de Psyché,
dans lequel il imita si bien la manière de Quinault,
que M. de la Mothe, si connaisseur en ce genre
de poésie , V’attribua à ce dernier. Thetis et Pelce
eut un pareil succès. C’en eût été assez pour la
gloire de beaucoup d’autres , mais sa noble am-
( 270 )
1957. bition ne.connaissait d'autres bornes que celles de
1683.
1684.
l'empire des sciences et des beaux arts.
» Il publia à vingt-six ans les Dialogues des morts,
et peu de temps après leur critique apologétique ,
sous le titre de Jugement de Pluton. La Pluralité
des mondes parut en 1686,
» En 1689, Pierre Corneille termina une carrière
glorieuse. M. de Foutenelle écrivit sou éloge. Il
publia en 1685, la Question arithmétique sur Le
nombre 9 ; en 1687, l'Histoire des oraëles et son
Discours sur la patience , pièce de eoucours pour
le prix de l'Académie française; en 1688 , ses Poésies
pastorales ; en 1695 , Parallèle de Corneille et de
Racine ; en 1696 , la Préface de l'analyse des infi-
niment petits ; en 1727 ,les Eléments de la géométrie
de l'infini; en 1752, il donna une édüion nouvelle
du Dictionnaire des sciences et des arts, de Thomas
Corneille ; en 1753, l'Eloge de M la Marquise de
Lambert ; en 1752, la Théorie des tourbillons. Nous
passons sous silence une infinité de poésies légères
et autres produoions littéraires moius importantes
pour considérer M; de Fontenelle académicien ,
et nous occuper de ses trayaux académiques. En
1691 , il fut reçu à l’Académie française, aggréga-
tion qu’il sollicitait pour la quatrième fois. Le parti
qu'il avait pris dans la querelle pour les anciens
et les modernes lui avait, dit-on, suscité des ad-
versaires puissants dans cette Compagnie. Depuis
cette époque jusqu’en 1722 , M. de Fontenelle n'avait
eu aucune occasion de parler dans l'Académie. Cette
année il reçut le cardinal Dubois, et complimenta
le Roi sur son sacre, en 1925. Il recut à l'Académie,
M. Néricault-Destouches ; M. Mirabaud , en 1726;
M. Bussi-Rabutin, évêque de Luçon, en 1732;
enfin, M. de Vaurçal, évêque de Rennes, en 1749.
(271)
Directeur en 1727 , il devait recevoir encore M. de 17°7-
Montesquieu : des circonstances particulières éloi-
gnèrent la réception du nouvel Académicien ; et,
lorsqu'il fut reçu en 1728, M. de Fontenelle n’était
plus à la tête de l'Académie.
» L'Académie des sciences , établie par ordre
du Roi, sous le ministère de Colbert , en 1666,
m'avait cependant été autorisée par aucun acte
émané de l'autorité royale ; M. l'abbé Bignon , qui
a rempli si dignement et si long-temps la place de
président de cette illustre Compagnie , forma le
projet de la constituer d’une manière plus authen-
tique, et commença par l’enrichir des savants les
plus renommés. M. l'abbé Duhamel qui , pour l’uni-
versalité de ses connaissances , avait été nomme secré-
taire de l’Académie , aprèstrente années d'exercice,
demanda un successeur , en 16973; M. Bignon jeta
les yeux sur M. de Fontenelle , l'émule , le com-
patriote et l'ami de M. Varignon, M, de Fontenelle
avait alors quarante ans.
» Quelque laborieux que fût M. du Hamel, ses
propres travaux l'avaient toujours dérobé à ceux
de l’Académie. Débarrassé des détails hebdomadaires
des séances , il entreprit de remplir un vide de
trente années par un seul volume où les matières
étaient nécessairement traitées d’une manière fort
succincte. Cette histoire d’ailleurs était écrite en latin.
» Les sciences , dit M. de Fontenelle, ne se servaient
» ordinairement , comme dans l’ancienne Egypte,
» que d’une certaine langue sacrée entendue des
» seuls prétres et de quelques initiés. » Le nouveau
secrétaire voulut qu’elles parlassent la langue com-
mune. C'était un autre moyen d'étendre l'empire
des sciences aussi bien que celui de la langue fran-
çaise, Cette considération n'avait pas échappé à
(2727
1757. M. Bignon , et le plus éclatant succès a vérifié la
justesse de ses vues.
» De ce moment le berger de Délos (*) quitta la
lÿre et la musette, et travailla sans relâche, non-
seulement à donner la collection des années cou-
rantes, mais encore celle de toutes les productions
de cette Compagnie depuis sa naissance.
» Le premier volume qu'il fit paraître fut celui
de l'Histoire et des Mémoires de 1699, année du
renouvellement. La préface de cet ouvrage est un
chef-dœuvre qui fut applaudi par toute l’Europe.
Les trente-deux années précédentes ne parurent
que long-temps après la mort de M. Duhamel,
arrivée en 1706. Les ménagements dus à cet illustre
prédécesseur eurent autant de part à ce long délai,
que la difficulté de donner à des matériaux si nom-
breux et si riches une forme (**}) qui méritt
l'estime et le respect des connaisseurs. Tout le public
instruit applaudit à la forme et à la richesse de
l'exécution. On regarda comme un phénomène,
que lHistoire des travaux les plus abstraits fût
presque aussi facile à saisir que celle des mœurs
et des caractères, et tout le monde s'empressa de
lire des Mémoires qui non-seulement inspiraient
(*) M. de Fontenelle était de l’Académie des Arcades de Rome,
et cette Académie lui avait délégué l’ile de Délos pour la päture
de ses troupeaux, |
(*#) Tout le monde sait que chaque volume se partage en His-
toire eten Mémoires, Cette Histoire consiste dans les extraits des
Mémoires et les éloges des Académiciens décédés pendant le cours
de chaque année. On trouve dans ces extraits un ordre et une clarté
qui manquaient quelquefois aux Mémoires, et des vues nouvelles et
profondes ajoutées à célles des auteurs,
l'amour
G23751)
l'amour des talents et des vertus comme tous-les 1757»
panégyriques, mais encore qui enrichissaient l’es-
prit des connaissances les plus relevées , et où les
épines se changeaient en fleurs.
» Cet ouvrage, l'admiration du monde littéraire,
embrasse soixante-quatorze années des travaux de
l'Académie, dont cinquante-cinq ans sont de La mêmé
Main, et ont été exécutés en quarante-quatre ans; en
sorte que l’on peut dire de ce grand homme, qu’il
avait été le dépositaire et l'interprète de presque
toutes les découvertes et du savoir du siècle de
Louis XIV.
» Quelle que soit limmensité de ce travail, le la-
borieux secrétaire ne s'était pas borné aux devoirs
de sa place, il avait voulu contribuer à la collec-
tion par ses ouvrages, et n’être pas accusé de n’a-
voir fait qu'arranger les ouvrages des autres. L’as-
tronomie , la géométrie, etc. , furent les domaines
savants sur lesquels il se permit des excursions.
» Après avoir enrichi le public de ses produc-
tions en tout genre, pendant soixante-dix ans , dont
quarante-quatre furent sacrifiés à l'Académie des
sciences ; M. de Fontenelle crut avoir acquis le
droit de se reposer. Mais ce repos ne fut que le
changement d’un travail pénible en un travail plus
facile : il prépara l'édition de ses œuvres qui parut
en 1742.
» L'Académie française ne le vit pas plutôt dé-
barrassé du secrétariat des sciences, qu’elle le ré-
clama de nouveau en le nommant son directeur.
Il était à la cinquante-unième année de son aggré-
gation : il avait vu renouveler toute cette Compagnie,
et il n’y avait alors aucun de ses membres à la
réception duquel il n'edt concouru. Il ouvrit la
séance publique du 25 août 1741 par un discours
Tome II, 1751 à 1760.
(274)
x757+ où la circonstance de sa réélection , l'élôge de l'Aca=
Voir Précis
aualyt. te
page De
démie et ses rapports avec celle des sciences , sont
mauiés avec un art qui ne le cède en rien à celui
qu'on admire dans les productions de ses plus
beaux jours. Sorti de son directorat, il s'abandonna
plus volontiers à de doux loisirs et aux agréments
d'une société choisie dont il faisait les délices.
» Il jouissait de cette aimable liberté si conforme
à Ses goûts, lorsque nous eûmes Île bonheur de
nous l'associer, ou plutôt de revendiquer sur les
Académies de Paris une partie du patrimoine qu'elles
nous avaient enlevé. Nous n’étions encore qu'une
société formée par l'émulation, et nous nous crû-
mes une Académie lorsqu'il nous fut permis de
nous parer de son nom en l'inscrivant sur notre
liste. En effet , il ne contribua pas peu à réaliser
nos espérances , et il ne fut pas insensible à notre
établissement : Le titre de votre Associé, nous
écrivait-il, après lequel je n’en prévois ni n’en désire ,
semble me dire, d’une manière très-flatteuse , que
mes compatriotes eux-mêmes , ceux dont je dois
étre Le mieux connu , ratifient ce que d’autres avaient
fait en ma faveur ; je m'imagine aussi qu'après des
oyages en pays étranger, je viens terminer dans
ma patrie une carrière toute académique. Devenu
notre père par cette aggrégation et par l'amour si
naturel de la patrie, ïl nous en a conservé toule
sa vie la tendresse et l'intérêt.
» Ce ne futque danssa quatre-vingt-huitième année
que sa mémoire et son ouie perdirent de leur pre-
mière vigueur. À quatre-vingt-quatorze ans il lisait
encore, méme à la lueur d’une bougie, dansles plus
petits caractères : mais cette faculté tomba tout-à-
coup ; et, lors même que ses sens s’affaiblirent , il
»'en coûta à ses amis que d'y suppléer pour trek
(275)
dé son génie les mêmes ressources : il fut Fontenelle 1767
jusqu’à la fin de sa vie. Nulle maladie ne précéda
sa mort. Neuf jours avant il sentit une diminution
totale de ses forces, et prévint son extinction par
les devoirs de l'honnête homme ét du, chrétien.
Elle fut totale le 9 janvier 1757, à cinq heures après
imid', Il avait vécu cent ans moins trente - deux
jours.
» M, de Fontenelle ; né avec peu de passions et
l’esprit le plus vaste, dut à cette heureuse com-
binaison le degré de considération et de bonheur
dont il n’« cessé de jouir, Il avait toute la sensibilité
nécessaire pour goûter les plaisirs de Pamitié; mais
hon pas assez pour ressentir les malheurs qui s’y
mélent si fréquemment. Il dut aux sociétés les plus
choisies comme les plus aimables ; cette politesse ;
cette urbanité , ces grâces de style qui brillent dans
ses ouvrages les plus abstraits. Il rend lui-même un
hommage éclatant à ces aimables modèles de goût
et de sensibilité, lorsqu'il dit : « Les personnes
» de ce rang, lorsqu'elles sont nées avec de l’es-
» prit, ont une langue particulière ; des expressions,
» des tours que les savants seraient trop heureux
» de pouvoir étudier chez elles. Pour les recher-
» ches laborieuses, pour la solidité des raisonne-
» ments , pour la force ,; pour la profondeur , il
» ne faut que des hommes ; pour une élégance naive,
» une simplicité fine et piquante, pour le sentiment
» délicat des convenances , pour une certaine fleuc
» d'esprit , il faut des hommes polis par le com-
» merce des femmes. »
» Sorti de Rouen avec ses seuls talents , il leur
dut toute sa fortune qui montait à 21,000 livres
de rente et 80,000 livres en argent, Il en fit
quatre parts dans son testament ;, et mit au nonis
S 2
(276)
k757. bre de ses parents une amie respectable qui lui
avait montré de l'attachement pendant les trente
dernières années de sa vie.
Eloge de M. A. S. Slodtz ; par M. Dusourray-
« Antoine-Sébastien Slodtz, sculpteur dessinateur
du Roi, associé régnicole de l'Académie royale des
sciences , belles-lettres et arts de Rouen, naquit à
Paris le 1° décembre 1695. 11 était fils aîné et élève
de Sébastien Slodtz, habile sculpteur de la ville
d'Anvers, et l’un des hommes célèbres du siècle
de Louis XIV. Ce Grand Roi , dont les bienfaits
allaient par-tout au-devant des talents , avait appelé
à Paris le père de notre artiste , et lui avait con-
fié plusieurs ouvrages importants.
» L'exemple du père décida l'inclination du fils.
Aux études ordinaires, ce jeune artiste fit succéder
la lecture des meilleurs auteurs anciens et modernes.
C'est à cette source qu’il puüisait la noblesse des
pensées , la délicatesse du goût , la richesse de
imagination, et cette philosophie douce qui lui a
procuré une vie heureuse.
» Il s’appliqua d’abord au dessin, la base de
tous les arts , dont le but est de représenter les
objets visibles , et il y fit les plus rapides progrès.
11 étudia l'architecture avec le même soin, et joi-
gnit à ces études importantes celle des mathéma-
tiques, la clef de toutes les sciences et de tous les
arts. Cette ardeur à se procurer des connaissances
necessoires , ne laisse aucune incertitude sur le
soin avec lequel il se livra à l'étude principale qu’il
gvait choisie. Ses premiers essais furent des entre-
prises que leur importance fait réserver aux pre-
C277)
miers talents. Plusieurs figures en marbre et orne- ;7%7s
ments d'architecture qu’il fit pour divers palais, la
décoration de plusieurs églises de Paris, exécutée
sur ses dessins, lui acquirent en peu de temps
une réputation aussi juste que distinguée, Elle ne
tarda pas à se répandre parmi les étrangers : le
Roi de Portugal , informé de ses talents, lui com-
manda® plusieurs grouppes de bronze pour des
églises , et une boîte de pendule de douze pieds
de hauteur, dont le sujet était le mariage du Prince
du Brésil et de l’Infante d’Espagne.
» Cette princesse y est représentée assise sur un
trône magnifiquement paré de tapis et autres orne-
ments traités avec une légèreté singulière. Sur le
haut du couronnement on voit la Renommée qui
annonce à l'univers cette union brillante ; près d’elle
sont des génies qui ornent le trône de guirlandes,
et le trône lui-même est soutenu par des Brasiliens.
Des médaillons , placés sur des consoles , représen-
tent les quatre parties du monde qui s'intéressent
à cet événement. Au milieu est un grand cartouche
en émail avec une inscription relative au sujet. La
pendule est portée sur un grand socle de marbre
d'Italie ; les ornements sont dorés d’or moulu, et
Je fond est de Japis. Ce morceau, aussi ingénieux
que brillant, fit l'admiration de Paris et de Lisbonne,
et mérila à son auteur les plus grands éloges.
» Lorsque les plus célèbres artistes se disputaient
Phonneur d'élever un Hôtel-de-Ville digne de la
capitale, M. Slodtz s’attira une distinction d'autant plus
flatteuse qu’il avait un grand nombre de concurrents
distingués dont les idées parurent s'éclipser devant
la grandeur et la magnificence des siennes. Ce projet
est demeuré sans exécution ; mais le modèle de, ca
wonumeut , déposé au Louvre, y altira une foula
S 5
| (278)
5757. de curieux : Fontenelle y conduisit plusieurs fois
l'Académie française. Le Roi fit transporter le modèle
à Compiègne et honora notre artiste des éloges les
plus flatteurs. Il y joignit le titre de Dessinateur
de son cabinet , place que M. Slodiz a occupée
jusqu’à sa mort, Les dessins des fêtes, qu'il a donnés
en grand nombre , ont tous été extrêmement goûtés.
On est toujours surpris que ce même homme qui
dans ses ouvrages légers répandait tant de finesse,
tant de grâces, sût donner à des ouvrages plus
importants tant de noblesse, de grandeur, et une
si majestueuse simplicité.
» Les ouvrages en grand nombre qui sont sortis
de sa main fourniraient des matériaux beaucoup
plus abondants pour son éloge, si son union intime
avec M. Paul Slodtz , son frère , n'avait mis en
commun tous leurs talents. Ils décoraient tous les
ouvrages qui sortaient de leurs ateliers de cette
modeste inscription : Les frères Slodrz.
» M. Slodiz avait cultivé le commerce des Grands
sans sy livrer cependant ; mais il en avait retiré
cette politesse aisée , cet usage du grand monde
qui ne s’'apprend qu’à celte école. Son abord froid
écartait la foule; mais des amis choisis trouvaient
en lui tout ce qui fait le charme de la société,
un cœur sensible et une conversation que sa mémoire
aussi ornée que fidelle rendait agréable et utile,
Il savait encourager jusqu'à la médiocrité sans
compromettre la délicatesse de son goût. Il mépri-
sait les flatteurs au-dessus desquels il était trop
élevé pour qu'ils pussent lui plaire. 11 m’honorait
que la vertu et les talents qui, selon Jui, devaient
se prêter un appui mutuel. Une telle vie était une
solide préparation à la mort. L’innocence des mœurs
donne seule le droit de l'envisager avec tranquillité.
(279)
Une maladie qui paraissait peu importante d'abord,
devenue plus sérieuse , l’avertit de sa fin prochaine.
11 la vit approcher en philosophe chrétien, et mourut
le 24 décembre 1754, âgé de cinquante-neuf ans.
Il fut inhumé dans la paroisse de Saint-Germain-
l'Auxerrois , et ses obsèques honorées de la pré-
sence et des larmes des plus grands hommes de
toutes les Académies.
» Sa Majesté donna des regrets à sa mort , et
accorda la place de dessinateur de son cabinet et
la pension y attachée , à M. Paul Slodtz , son frère,
associé comme lui à cette Académie, et professeur
de celle de peinture et sculpture.
Eloge de M. Gunz , premier Médecin du Foi de
Pologne et Electeur de Saxe; Professeur d’ Ana-
tomie et de Chirurgie à Leipsick, Président du
collége de Médecine et Chirurgie de Dresde , des
Académies de Paris, Stockholm et Rouen; par
M. Lecar.
« Juste-Godefroi Gunz est né à Koenigstein, en
Misnie, l'an 1714. Ses parents n'épargnèrent rien
pour son éducation, et la distinction avec laquelle
il fit des études rapides annonça la célébrité qu’il
s'est acquise. Les langues grecque , latine, française,
anglaise lui étaient familières , et lui devinrent une
ressource précieuse pour lire dans les originaux
eux-mêmes les écrits des anciens et des modernes,
et pour tirer de ses divers voyages le fruit que
sans ce passe-port nécessaire on se flatterait vaine-
ment d'en obtenir,
» Il vint à Paris, et regarda cette grande ville du
5 4
17958+
( 280 ) :
1758, côté que le plus grand-nombre des voyageurs mé-
connaissent , celui de l’utilité et de la solidité. Il
6 y convainquit que la chirurgie n'est portée nulle
part-à un aussi haut degré de perfection; il s’ap-
pliqua particulièrement à cette étude , et entrelint
depuis, avec les maîtres habiles qui sy distinguent ,
une correspondance très-active.
» De retour dans sa patrie (il avait à peine vingt-
quatre ans) il fut admis au nombre des profes-
seurs de l'Université de Leipsick. Les exercices de
son école eussent absorbé tous les instants de beau-
coup d’autres que lui : il-trouva encore le loisir
d'écrire. Le premier volume qu’il publia roule sur la
taille; et je ne fus pas peu surpris de voir que dans
la discussion des diverses méthodes , un savant du
fond de l’Allemagne accordait à celle que je suis
une prééminence que mes compatriotes , témoins
de ses succès , refusaient de lui accorder. Ce fut
le principe d’une correspondance que la conformité
de nos goûts transforma bientôt en une amitié sin-
cère. Les travaux de M. Gunz lui méritèrent bien-
tôt des lettres de correspondant de l'Académie
des sciences de Paris, et successivement des lettres
d'associé. Il publia successivement des commen-
taires sur quelques livres d’'Hippocrate. Il donna
uue édition nouvelle des éléments de chirurgie de
Platner, avec des notes. Platner avait été son maitre.
Les sinus et les veines de la dure-mèére , les dis-
tribations de l'artère maxillaire , celles de la veine-
porte , larticulation de la mâchoire inférieure , le
traitement des diverses hernies, enfin , plusieurs
maladies de l'œil, furent objet de sesrecherches et de
plusieurs brochures importantes dont il enrichit
le monde savant, et il avait alors trente ans au
plus. Ces ouvrages, dont il a déposé des exemplaires
( 28r )
dans notre bibliothèque , nous firent apprécier ses
talents, et il fut aggrégé à notre Académie en 1746, .
Il était alors âgé de trente-deux ans.
» Tendre ami, comme l'était M. Gunz , il ne
pouvait pas être insensible à des engagements plus
tendres encore : il épousa cette même année une
demoiselle que nous ne connaissons que sous le
nom de Gräce Gunzine. Les lettres allemandes et
Jatines qu'elie nous a écrites prouvent qu'elle était
bien digne de ce nom.
» La chaire de professeur ordinaire d'anatomie
et de chirurgie étant devenue vaçante, M. Gunz y
fut nommé, L'Académie de Stockholm , informée de
ses succès, lui adressa des lettres d’aggrégation. Enfin
sa réputation parvint jusqu’au trône : elle lui obtint
seule à trente-six ans , auprès du roi de Pologne,
électeur de Saxe , une place ordinairement dévo-
lue à une tête blanchie par les années. Le Roi
ajouta à cette faveur la place de président du collége
de médecine et chirurgie établi à Dresde, quatre
ans auparavant , avec la permission de conserver
sa place de professeur , en se faisant remplacer par
deux personnes ; et il n’en fallait pas moins pour
remplacer M. Gunz. La fortune était venu le cher-
cher dans son cabinet et au milieu de nombreux
élèves, elle ne put lui faire perdre le goût de ses
premiers travaux. Au milieu d'une cour brillante ,
il prépara une édition de Celse et d’Aëtius. Il ne
Jaïssait échapper aucune sorte d'observation sur les
maladies régnantes , et il en approfondissait la nature
par l'examen anatomique. Dans un de ces recueils
se trouvent les matériaux d'un traité des maladies
des sinus maxillaires.
» M. Gunz, au milieu d’une si belle carrière, à
peine âgé de quarante ans , fut attaqué d'une fièvre
n 7 58%
( 282 )
#758* maligne de la nature de celles qui ont aflligé cette
province , et dont j'ai donné la description, Il fut
en peu de jours la victime de ce terrible fléau ,
et mourut le 22 juin 1759, ne laissant de tant de
travaux, à son épouse et à trois enfants , qu'une
bibliothèque nombreuse et choisie , une superbe
collection d'instruments de chirurgie , un grand
nom et son exemple à suivre.
Eloge de 21. Leboulanger , Associé de l’Académie ;
par M. Dupourray.
« Philippe Leboulanger, Associé de l'Académie
royale dessciences, belles-lettres et arts de Rouen , se-
crétaire du Roi, maître des requêtes de la Reine,
premier secrétaire et premier commis de M. le comte
de Saint-Florentin, naquit au commencement de ce
siècle, au château de Mainnemare , près de la Ferté-
en-Bray. M. Leboulañger , son père , était avocat
et procureur fiscal de M. le marquis de Sommery ;
son fils passa ses premières années à la campagne
au milieu des travaux agricoles. Ce fut à cette
école du travail, de la tempérance et de la sim-
plicité des mœurs , que son âme acquit cette con-
sistance ferme qu’elle conserva depuis. Il annonça
dès ses premières années un esprit vif et pénétrant,
ce qui détermina un de ses parents , professeur
en droit dans l'Université de Paris, à l’attirer auprès
de lui et à se charger de son éducation. Aux études
ordinaires qu’il lui fit faire avec soin, il fit suc-
céder un cours de droit.
» Au sortir de ses études il fut placé chez ur
notaire, où il se fit estimer par la justesse de son
(283)
jugement, son assiduité au travail, par la délicatesse 1758,
des sentiments et sa bonne conduite.
» M. Le Sachet, son oncle, premier secrétaire
de M, de la Vrillère , alors secrétaire d'Etat, charmé
des bons témoignages qu’on lui rendait de son neveu,
le prit avec lui, pour le seconder dans son travail.
Le jeune Boulanger répondit si bien à ses vues, et
se fit connaître si avantageusement de M. de la
Vrillère, qu’à la mort de M. Sachet , ce ministre
jui donna sa place, quoiqu'il n’eût encore que vingt-
sept ans.
» Après la mort de M. de la Vrillère, M. le comte
de Saint-Florentin , son fils, lui ayant succédé dans
Ja place de secrétaire d'Etat, non-seulement il con-
serva à M. Leboulanger celle de secrétaire, mais
il y ajouta encore celle de premier commis de l’un
de ses bureaux.
» On saitquel poids immense ces postes de confiance
imposent à ceux qui les occupent: plus exposés à l’im-
portunité des solliciteurs , aux séducetions de toutesles
espèces, parce qu’on les suppose moins inaccessibles
que le maître, pour ne donnér aucune prise aux
efforts multipliés de l’intérét et de l'ambition , il
faut que l'âme d’un premier commis soit entourée
d'un triple airain. Ge n'est qu’en rendant son tra-
vail pénible qu’il parvient à alléger celui du ministre.
J1 faut que sa sévérité écarte les frelons de Cour
si adroits à se mettre à la place des citoyens utiles ;
que son jugement distingue le talent modeste et
Jes droits que la justice réclame au milieu d'une
foule d’intrigants toujours actifs à se produire.
M. Leboulanger était l'homme qui convenait à sa
place. Sa franchise austère faisait ua contraste frap-
pant avec la souplesse des flatteurs, et elle écartait
Ja foule avide pour ne laisser approcher que l'homme
(284)
#758. utile à l'Etat, Uniquement sensible au bien public
et à la gloire du Roi , inséparable de celle du
Ministre, il trouvait sa récompense dans la pureté
de ses vues et la confiance de son protecteur.
» Après le bonheur de jouir de l'estime du Monar-
que et du Ministre, rien ne le touchait plus vive-
ment que l'amitié et le commerce des gens de
lettres. Né avec assez de goût pour la rechercher,
ayant acquis assez de lumières pour la mériter ,
son zèle pour le bien public contribuait à la lui
rendre plus chère.
» Dès qu'un petit nombre d'amateurs eut formé
le projet d’établir dans la capitale de la Neustrie une
association pour cultiver les sciences, les lettres et les
arts, il employa , pour la faire réussir, un crédit
dont il était avare ; et l’Académie , établie par les
lettres patentes les plus honorables , crut lui devoir
une place d’associé. Il y parut extrêmement sen-
sible , et ne laissa échapper aucune occasion de lui
donner des preuves d’un sincère attachement.
» Vers la fin de décembre 1757 , il fut attaqué
de la maladie qui le conduisit au tombeau. Il vit
approcher la mort avec les sentiments d’un chrétien
et la fermeté d’un homme irréprochable. Après
trente années passées dans les emplois , il n’avaië
nullement augmenté sa fortune ; il ne laissa que
le peu de biens qu’il avait recueillis de la succes-
sion de M. Sachet, son oncle : exemple rare d’in-
tégrité, digne des plus grands éloges.
( 285 )
Eloge de M. l’ablé Guérin , ancien Secrétaire de
l’Académie ; par M. Lecar.
« Pierre Guérin naquit au village de Fresnay-le-
Puceux , près de Caen, le 19 juin 1692. Jean Guérin,
son père, avait des connaissances dans l'exploitation
des bois , elles lui fournirent des ressources sufli-
santes pour élever huit enfants, dont quatre garçons;
Pierre était l’ainé,.
» Un ecclésiastique voisin se chargea de lui en-
seigner les éléments de la langue latine. Les progrès
rapides de l'élève payèrent le maitre de ses peines
et encouragérent le père à faire violence à sa for-
tune pour le soutenir dans une carrière si bien
commencée. Il fut bientôt en état d’être envoyé
dans l’Université de Caen , où de grands maitres
et beaucoup d’émulation développèrent un naturel
heureux. 11 servit lui-même à exciter l'ardeur de
ses condisciples , par sa supériorité dans tous les
genres qu’embrassent les écoles. Il fut comme en-
chanté du spectacle imposant que lui offrit la phy-
sique : il en doubla le cours et passa à l’étude de
la théologie.
» Il'est desélèves distingués qui, devenus émules
de leurs maitres , enseignent l'après-midi ce qu’ils
ont apprisle matin : le jeune Guérin fut de ce nombre.
Il compta au nombre de ceux auxquels il faisait
des répétitions, M. l’abbé de la Farre, peu-à-près
évêque , duc et pair de Laon. Ce seigneur, de-
venu docteur de théologie, procura les moyens
d'obtenir le même titre à celui auquel il devait ses
succès, M. Guérin soutint ses examens et ses actes
1759.
( 286 )
t759. publics d'une manière si brillante , que les profés-
seurs de l'Université désirèrent de l'avoir pour
collègue. M, de la Farre tenta de son côté de s’at-
tacher son docteur. Il refusa l'un et l'autre de ces
avantages. Né timide et modeste , il n’aspirait qu'à
une aisance médiocre et au bonheur de se livrer
en liberté à son goût pour l'étude.
» M, l’évêque de Bayeux avait les yeux ouverts
sur tous les gens de mérite de son diocèse : il fut
charmé que M. Guérin restât à Caen, et lui confia
la direction du monastère des Petités Bénédictines ,
congrégation singulièrement distinguée. M. Guérin
jouissait dans la solitude de la liberté qu'il ché-
rissait; mais cette félicité ne fut pas de longue durée.
Le digne prélat qui l'avait placé mourut ; M. de
Lorraine qui lui succéda avec des opinions différentes
de celles de son prédécesseur , trouva de l'opposition
chez les Petites Bénédictines : on Pattribua au direc-
teur, qui vint chercher la paix dans le diocèse dé
Rouen.
» Les lettres avaient procuré à M. Guérin l’état
dont il jouissait à Caen, elles furent de nouveau
sa ressource. Il avait refusé une chaire de théologie ,
Ja nécessité lui fit accepter une place de répétiteur
dans une pension. Il s’associa ensuite avec plusieurs
ecclésiastiques distingués pour en élever une bien
supérieure à la précédentes
» M. Guérin ne tarda pas à être connu: il devint
le directeur des Jacobines, de Saint-Joseph et de
l'hôpital général , fonctions qui lui procurèrent une
honnête aisance. Un des premiers magistrats dé
cette ville, le parent des Corneille et l'héritier de leur
amour pour les lettres, y contribua par une pension.
» M. Guérin fut nommé à la cure de Montérolier
près Rouen ; mais il préféra sa liberté et continua
( 287 )
de se livrer à son goût pour l'étude. Toutes les 17594
sciences avaient des charmes pour lui : la bota-
nique fut le principe de sa liaison avec M. de la eltuie,
Roche, qui possédait un jardin agréable et destiné :, ;, pages
à cette étude , aa faubourg Bouvreuil. 1,6et7:
» Dans le même temps l’école d'anatomie com-
mençait à se montrer au grand jour après avoir été
obligée de se cacher dans les souterrains , précaution
que les préjugés du peuple rendaient nécessaires.
» M. Guérin forma le projet d'unir plus particu-
liérement des hommes qui cultivaient des sciences
si voisines et si analogues par leur but : il y réussit,
et la Société académique , née de cette harmonie,
le nomma son secrétaire. Quand elle fut devenue
assez nombreuse pour en avoir deux , il fut nommé
le secrétaire des sciences,
Voir Précis
» Ce savant estimable avait beaucoup contribué
à la formation de l’Académie , celle-ci eut le bon-
heur de coopérer à son avancement, Ses confrères
le firent connaitre à M. de Tavannes , qui le nomma
successivement vice-promoteur de son oflicialité ;
\en 1742, chanoine de la cathédrale en 1745, et
promoteur en 1755. Ces nouveaux devoirs enga-
gérent M. Guérin dans l'étude du droit canon, Il
s'y livra avec une application soutenue , et mesu=
rant son travail beaucoup plus sur son zèle que sur
ses forces , sa santé s'en trouva altérée. Il devint
d’une sensibilité si grande que la moindre intem-
périe de l'air, un simple bruit inopiné le jetait
dans une vive agitation. Il fut sujet à de fréquentes
douleurs arthritiques et rhumatismales qui pro-
duisirent un tremblement général dans ses mem
bres. Il commença dès 1750 à venir moins assi«
duement à nos assemblées , et n'y reparut plus
depuis le 25 noyembre 1551. I1 demanda alors un
d ( 258 }
b759. successeur qui cependant ne lui fut accordé qué
le 8 août 1752. On se doute bien qu’il eut une
grande part à ce choix (*), et il avait pour la pre-
mière fois consulté la voix de l'amitié bien plus
que les intérêts de l'Académie, |
» Ses jours ne furent plus désormais qu’un tissu
douloureux de maladies et de convalescences im-
parfaites; tous les secours furent inutiles, la fièvre
s'ailuma et acheva de ruiner cette fréle machine.
IL se fit administrer les sacrements le samedi, veille
de Pèques, et le lundi , à deux heures du maün,
cet homme de bien n'existait plus.
» Ses talents ne furent que l’ornement de ses
vertus sociales ; sa vie privée fut en tout digne
de son état. Il eut des amis, et sut les mériter par
une complaisance facile et une sensibilité qu’il paya
souvent de son propre bonheur.
Eloge de M. Leprince , Sculpteur ; par M. Lecar.
«Claude Leprince naquit à Rouen, le 28 avril1678, de
Jean Leprince, (**) sculpteur, etde Jeanne Duhamel.
Cette famille compte à Rouen, cinq cents ans de
- L2
(*) M. Lecat fut son successeur. Al était bien digne , par ses
grands talents et son zèle, d’occuper une place que M. l’abbé
Guérin avait rendue si difficile à remplir.
(**) Il nous reste un morceau estimé de ce sculpteur : c’est
V'image de la Vierge que l’on voit à la porte Saint-Hilaire , du côté
de la Ville,
L'’ainé des enfants de Jean s’est établi à Strasbourg , où il a
mérité une pension de la Ville,
bourgeoisie
(289)
bourgeoisie dans l'exercice des arts libéraux ? sil
est des titres plus fastueux il en est peu de plus
honorables. Claude , au sortir de ses études,
se livra sans réserve à celle de la sculpture. Son
père fut son premier instituteur , et ne l’envoya à
Paris que lorsqu'il fut en état de profiter des lecons
et de l'exemple des plus grands maîtres. Il y fit de
rapides progrès , et fut un des artistes choisis en
1708 pour les travaux de la chapelle de Versailles.
Ce grand ouvrage dura trois ans ; le Roi lui en
marqua sa satisfaction par une pension que les mal-
heurs de la guerre ont fait supprimer.
» La mort de Jean rappela son fils à Rouen :
son projet était seulement de terminer les entre-
prises de son père pour retourner ensuite à Paris.
Les circonstances en décidèrent autrement, et notre
jeune artiste se trouva chargé d'un si grand nom-
bre d'ouvrages qui se suecédaient sans interruption;
qu’il se détermina enfin à se fixer dans sa ville natale ;
mais il ne perdit pas de vue la capitale des beaux arts.
Tous les ans il retournait à Paris revoir ses maîtres et
re.remper en quelque manière son génie dans les ate-
liers les plus fameux. Il y fit l'acquisition du cabinet
d’un sculpteur habile qui contenait en terre cuite les
études des plus grands maitres. 11 consacra à l'aug-
mentation de cette collection toute l'aisance que lui
procurèrent ses talents.
» En 1525 , il épousa Mlle Madeleine Luce, fille
PERL PETRRSTNT ST PT ERNET EPEN ETS) BON PUR A
Un autre, engagé dans l’état ecclésiastique, s’est distingué dans
la ptinture,
Un sculpteur de la même famille fut employé par la Czarine à
la décoration de ses magnifiques palais,
Enfin , une fille de Jean s’est fait connaître en Angleterre par
des ouvrages estimés,
Tome IT, 1751 à 1760. L
17998
{ 290 )
+739. d'un notaire de Rouen , dont il n’a pas eu d'enfants,
et qui lui a survécu,
» Laborieux autant qu'habile, et d’une probité
sévère , M. Leprince mérita l'estime des personnes
les plus considérables de cette ville, 11 suflira de
citer lesnsoms de MM. deGasville, dela Bourdonnaye,
de Cormoulins, de Valiquerville, pour donner
une idée de la dignité et du mérite de ses pro-
tecteurs.
» Indépendamment de beaucoup d’embellisse-
ments qu'il exécuta dans des maisons particulières,
à la ville et à la campagne , on lui doit les belles
sculptures du Palais , celles de l’une des grandes
salles de la chambre des comptes , celles de la
porte Guillaume - Lion et la belle chaire à précher
de la paroisse Saint-Michel. Ses talents lui susci-
tèrent des jaloux : il essuya un procès relativement à
ce dernier ouvrage , et le gagna avec intérêts et
dépens.
» Les travaux de la chambre dés comptes furent
Poccasion d’une autre affaire dans l'instance de la-
quelle on avança que Messieurs de cette Cour
étaient extrêmement mécontents de Jui. I] se con-
tenta de demander etilobtint de M. de Valiquerville,
un certificat qui exprimait clairement la satisfaction
de sa Compagnie. M. de Valiquerville joignit à ce
témoigrage dicté par la justice, l’obligeance de
faire signer le même certificat par un grand nom-
bre de Magistrats des plus ES Er Muni de cette
pièce, M. Leprince écouta roidement les incul-
pations dont on essayait de le charger ; et, pour
toute réponse il la présenta au président, La lecture
d’une apologie aussi authentique ferma la bouche aux
euvieux ,; et M. Leprince gagna son procès avec
dépens et dommages,
C291)
» L'Académie, fondée en 1744, cherchant à se
fortifier par de nouvelles aggrégations , jeta les
Yeux sur M. Leprince, et, le 7 mai 1748, l’inscri-
vit au nombre de ses membres. ,
» M. Leprince travaillait beaucoup plus pour la
gloire que pour l'intérêt ; c'était le motif de cette
attention , je dirai presque minutieuse , avec la-
quelle il finissait ses moindres ouvrages. Avec un
désintéressement pareil sa fortune ne pouvait étre
que médiocre ; pour y suppléer on lui conseilla
de mettre son bien à fonds perdu : « Ce que j'ai
acquis par mon travail , répondit-il, je suis le
maitre d’en disposer ; mais le bien que j'ai reçu
de mes pères, appartient à mes neveux. »
” En 1757, notre confrère fut attaqué d'apo-
plexie , fatal avertissement qui lui laissa toutefois
une trève de deux ans. Pendant cet intervalle ses
attaques se renouvelèrent ; enfin une maladie de
quinze jours le conduisit au tombeau , le 25 août 1758.
11 était âgé de quatre-vingt-un ans.
» M. Leprince était né avec une grande droiture
{tune grande franchise. Fort d’une conscience irré-
prochable , il disait quelquefois des vérités austères
qu’il assaisonnait communément du sel de l'épi-
gramme. Oflicieux , obligeant, il eut des amis ; il
les choisit avec discernement , et mit tous ses soins
à les conserver. »
Fin pu TOME sEconND.
1759e.
TABLE
DES MATIÈRES.
A
ES DE L'ITISTOIRE DE L'ACADÉMIF, page 3
Evénements remarquables qui la concernent , ibid.
lVouvelles Lettres-Patentes obtenues par l’Académie ,
en 1756, 10
Tableau des Membres de l’Académie , en 1757, 20
Liste des Mémoires lus à l'Académie, de 1751 à 1760
inclusivement , L 22
Séances publiques de l'Académie , 39
Suite du Précis analytique, Pt
‘DÉPARTEMENT DES SCIENCES.
\
\
SCIENCES MÉDICALES.
temarques Sur la fistule lacrymale; parM.Lecat, 5x
— Sur une fracture de la mâchoire, par le même, 55
— Sur les humeurs froides , par le même, 57
Observations d’un calcul urinaire , dont le noyau était
un haricot ; par M. Pouteau , 60
Tumeur monstrueuse d’un ovaire formant une hydro-
pisie glaireuse enkistée ; par M, Lecat , Gt
Observation anatomique; canal déférent de l’utérus ;
par le même, 64
Relation de deux grossesses extraordinaires ; par le
:méèine , 65
(294)
Observationes aliquot circà opinionem , de partium
potestate vegelativa, et couversione in animalcula ; 5
auctore Beyer , 6
9
Lettre sur la maladie de M, de C***; par M. Lecat, 72
Corps trouvé dans le blanc d’un œuf frais, par M.
Ribard , 74
Observations d’un délire fébrile d’abord , et permanent
après la guérison de la fièvre ; par M. Lecat, 75
Surun ahilére d'une espèce singulière ; parle mème, 76
Sur les fièvres malignes qui réznèrent à Rouen à la ffn de
1755 et au commencement de 1554; par lemmême , 77
Animaux vivants trouvés dans des blocs de pierre ; par
le même, | 8t
Second Mémoire Sur les fièvres malignes ; par le
même , 85
Polydædala Natura, 87
Sur la suffocation occasionnée par la vapeur. du
charbon; par M. l'abbé Jacquin, 88
Maladies des années 1755 et 1756; par M. Lecat, 89
Enfant d’une taille et d’une grosseur extraordinaires ;
par MM. d’Arcourt et Lecat , 90
De l'opération de la Hernie inguinale et crurale ;
par M. Leblanc, gt
Dissertation sur les maladies de l’ile Sainte-Marie ;
par M. T*** 92
Maladie singulière , 94
Lettre sur le tissu cellulaire; par M. Lecat, 96
Femme morte pour avoir été accueillie par un grand
nombre de sangsues ; par le même, 99
Examen critique d'une dissertation de M. Hallers
sur les parties sensibles et irritables des animaux ;
par M. Vannier, 10£.
Lettre de M. Lecat sur les avantages de la réunion
du titre de Docteur en médecine à celui de Maitre en.
chirurgie , 102
C 295 )
Observations météorologiques , faites en 1507 ct 1558,
M. Lecat, 102
Mémoire sur les Iermaphrodites ; par leméême, 103
De la communication entre les vaisseaux sanguins du
fœtus et ceux de sa mère; par le même, 107
Observation médico - chirurgicale ; par M. Lama-
zuède, j 108
SCIENCES PHYSIQUES.
Dissertation sur la couleur des nègres ; par M. Pin-
gré, 110
Képonse à une lettre de M. Dieres - Dumanoir , sur
la couleur des nègres; par M. Lecat, 111
Sur les incendies spontanés de l'économie animale ; par
le même, 112
Description de la tortue le luth ; par M. Descroïilles,
118
Description d’un mät pour les lunettes de trente
pieds et plus, | 120
Conjectures sur l’usage de la marmite de Papin ;
par M. Vrégeon, 121
Tremblement de terre du premier novembre 1755, 122
emarque sur la lumière et le feu réfléchis par des
mirOLrS , 123
Observation de sauterelles rendues par les voies in-
Jérieures ; par M. Plainpel. 124
Curiosités naturelles des carrières d'Albert et de Vaux ;
par M. l'abbé Jacquin, 126
Mémoires de physique ; par l'abbé Vrégeon, 128
Sur les tourbes de la province de Picardie ; par le
P. Daire, 150
Nouveau sel polychreste ; par M. Descroizilles, 158
Cabestan perfectionné ; par M. Hoden, ibid
Effets de la gelée sur la colle de farine ; par M.
Lecat, 159
C 296 )
Divers Mémoires de M. Lecat; 14t
Réponse à M. Jamard , 142
Réflexion physiologique sur la nature de l’âme; par
M. Lecat, 149
ASTRONOMIE.
Analyse de plusieurs Mémoires de feu A1. Pingré ;
relatifs à l'astronomie et à la physique, 144
SCIENCES MATHÉMATIQUES:
Mémoire sur l’arithmétique , par M. Lemonnier, 159
Notice sur l'architecture , par M. Leprince, 160
Extraits des institutions astronomiques , ibid
Mémoire sur l’arithmétique duo-décimale , 161
— Sur la balance vs poinéres ; par M. de Piles, 162
— Sur l’éclipse de lune du À février 1757; par M. de
Vauzenville , 164
ARCHITECTURE MILITAIRE:
D
Des revêtements de maçonnerie en décharge ; par
M. Duvivier, 164
DÉPARTEMENT DES LETTRES.
BELLES-LETTRES.
Observations sur la Cité de Limes , ou camp de César ;
par M. Lecat, 166
Réflexion sur ce qui pourrait contribuer à la perfec-
tion des Edifices publics , 169
Mémoire sur la vie de Léonard Aretin ; par M. l'abbé
Gouget, 172
| € 297 )
Mémoire sur lanécessité de travailler à l'Histoire de iè
province de Normandie ; par M. Duboullay, 180
Dissertarion sur l’état actuel des sciences et des beaux
arts , et Sur la possibilité de les perfectionner ; par
M. Lecat, 187
Plan de travail pour l’examen , le choix et la rédac-
tion des Mémoires de l’Académie ; par M. de la
Bourdonnaye , 190
Exposition d’ur Monument ancien ; par M. Beyer,
ibid
Sur la correspondance des Académies de province
avec celles de Paris et réciproquement ; par M.
Paviot, 193
Observations sur la Musique et sur le genre enhar=
monique ; par M. de Prémagny , ibid
Dissertation sur La mort 4° Anthinrhne Epiphanes ,
roi de Syrie ; par le même, 197
Mémoire sur la première édition du Catholicum d’Es-
pagne; par M. Pingré, 201
Dissertation où l’on examine si la signification variée
\ d’un même mot dénote dans une langue de l'abon-
dance ou de la stérilité ; par M. Ballière, 203
Observations sur le rapport mécanique de la musique
à La poésie ; par lé même, 208
Combien il importe à chacun de remplir les obliga-
tions que la société nous impose ; par M. Duboullay à
214
ANTIQUITÉS,
Extrait d’une lettre de M: Beyer à M, Lecat, sur une
pierre gravée, 215
GÉOGRAPHIE,
Dissertation sur l’Ingermanie ; par M. Duboulläy , 216
V
( 298 )
GRAMMAIRE.
Supplément à la Grammaire raïsonnée; par M. Fro-
ment, 1 222
Essai sur la nature et la définition de l’article ; par
M. Duboullay , à ibid
ECONOMIE RURALE.
De lutilité des Sociétés d'Agriculture, 223
SCULPTURE.
Quels sont les Grands Hommes dont il conviendrait.
de placer les statues ou les bustes dans le jardin
de l’Avudemie de Kouen ? 227
Porps ET MESURES.
Réduction des mesures de Rouen , pour les grains ,
à celles de Paris; par M. Pied-de-Lièvre, 229
Concours.
Quels sont les animaux venimeux qui se trouvent en
* France ? Quelle est la nature de leur venin ? Quels
sont les remèdes propres à le combattre ? Prix rem-
porté par M. de Sauvages , 23E
Æn quel genre de poésie les Français sont-ils supérieurs
aux Anciens ? Prix remporté par 27. de Teulières ,
254
Quelle est la cause des tremblements de terre? Prix
remporté par M. Isnard, 240
Comment et à quelles marques les moins équivoques
( 299 )
pouvons-nous reconnaître les dispositions que lanature
par XL, l'abbé Bellet,
PoËszreE.
nous a données pour certaines sciences ou pour cer=
tains arts plutôt que pour d’autres ? Prix remporté
241
Ode sur l'établissement de l'Ecole de Dessin de Rouen;
Pièce qui a remporté le prix; par M. Germon,
Remerciment à l'Académie ; par le méme,
Le Goût et le Caprice ; par M. l'abbé Fontaine,
ÉLOGcESs HISTORIQUES:
Eloge de M. Pigou ; par M. de Prémagny ,
D TARN E TRI
Du P. Dumoustier ; par M. l'abbé Saas,
Du P. Mercastel; par M. Lecat,
De M. de Moyencourt ; par le même ,
Pe M. de Sacy; par M. Duboullay,
De M. Dubocage-de-Bléville ; par M. Lecat,
De M. de Fontenelle ; par le méme,
De M. Slodtz; par M. Duboullay ,
De M, Gunz ; par M. Lecat,
De M. Leboullenger ; par M. Duboullay ,
De M. l’abbé Guérin ; par M. Lecat,
De M. Leprince ; par le même,
Fin DE LA TaABLe.
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ibid
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