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Full text of "Precis Analytique des Travaux de l'Academie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen"

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PRÉCIS ANALYTIQUE 


DLS TRAVAUX 


DE L'ACADÉMIE 
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS 
DE ROUEN, 


PENDANT L'ANNÉE 1814. 


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PRÉCIS ANALYTIQUE 


DES TRAVAUX 


DE L'ACADÉMIE 


DES SCIENCES , DES BELLES.LETTRES ET DES ARTS; 


DE ROUEN, 


PENDANT L'ANNÉE 1814. 


A ROUEN, 


De lImprimerie de P. PERIAUX , Imprimeur de 
l'Académie, rue de la Vicomté, n° 30, 


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1815. 


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PRÉCIS ANALYTIQUE 


DES TRAVAUX 


DE L'ACADÉMIE 
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS 
DE ROUEN, 
PENDANT L'ANNÉE 1814; 


D’arPrÈs le compte qui en a été rendu par 
MW. les Secrétaires , à La Séance publique 


du 9 Août de la même année. 


AAMANAAAAARAANAAAAAAAAA 


Le séance ayant été ouverte par M. le Comte pe 
GirARDIN, Préfet du département , Président de 
l'Académie , MM. les Secrétaires ont fait successive- 
ment leur rapport, 


A 


C2) 


SCIENCES ET ARTS. 


RAPPORT 


Fait par M. Vrrazis, Secrétaire perpétuel de 
l’Académie pour la Classe des Sciences. 


MESSIEURS, 


C'est aux Sociétés savantes qu’il convient de tra- 
vailler, de concert, à maintenir les idées libérales, 
lés principes moraux sur lesquels reposent essentiel- 
lement l’ordre social et la prospérité publique. C’est 
aux Sociétés savantes à rechercher les moyens d’ac- 
célérer les progrès de l’industrie ; et de conserver au 
arts toute leur gloire et leur antique splendeur. 

Le Rapport que je vais avoir l'honneur de vous 
présenter sur les travaux de l'Académie , relatifs aux 
sciences , metira nos concitoyens à portée d’appré- 
cier les efforis que vous avez faits cette année 
pour remplir la tâche qui vous est imposée. 


SCIENCES MATHÉMATIQUES. 


= M. Dufilhol , professeur de Mathématiques au 
Lycée de Rouen, a soumis au jugement de l’Aca- 
démie un Mémoire qui a pour objet La considéra- 
tion des surfaces envisagées comme lieux de sommets 
communs de plusieurs pyramides. 

L'Académie a délibéré l'impression en entier de 
ce Mémoire dans ses actes. ( ’oyez à la suite de ce 
Æapport. ) 


= Admis au nombre des Membres résidants de la 


(3) 

Compagnie, M. Duflhol, dans la séance du 18 fé- 
vrier dernier, a donné lecture de son Discours de 
réception. — Dans ce Discours, écrit avec sagesse , 
notre uouyeau confrère relève les avantages qui ré- 
sultent de l'introduction de l’étude des Mathéma- 
tiques , comme partie constituante, dans l'instruc- 
tion publique ; répond aux objections des détrac- 
teurs anciens et modernes de cette branche impor- 
tante des connaissances humaines ; développe Puti- 
lité d’un cours de Mathématiques enrichi des nom- 
breuses découvertes qui se sont succédées si rapi- 
demernt , et indique la marclie que l’on a cru devoir 
adopter de préférence pour les faire passer dans 
l'esprit des élèves. M. Dufilhol- pense que la cul- 
ture des lettres doit être la base de Pinstruction, 
mais il est bien éloigné de partager l'opinion de 
ceux qui prétendent que l’étude des Belles-Lettres 
est incompatible avec l'étude des Sciences , et que 
celles-ci réfroidissent et tuent limagination.. « Qu'elle 
» tombe donc , dit M. Duflhol , qu’elle tombe done 
» cette vaine opinion , enfantée par l'amour-propre ! 
» Les Lettres et les Sciences se prêtent de mutuels 
» secours, et doivent marcher ensemble. Si, après 
» avoir fait les premiers pas , on se sent entrainé 
» vers l’üne ou l’autre de ces études , on obéira à 
» son penchant, et l'on se dirigera du cûté où lon 
» croira pouvoir se rendre plus utile aux autres, 
» et remplir le mieux ses devoirs. » Par-là tous les 
efforts seront dirigés dans le même sens , c’est-à- 
dire vers l'utilité publique. 


= M. Bonnet a fait hommage à l'Académie, d’un 
manuscrit ayant pour titre : Manuel du Fondeur- 
Orfèrre-, où recueil de tarifs concernant la fonte, 


AS 2 


(4) 
Yailliage et l'affinage des matières destinées à la fa- 
brication des ouvrages d’orfévrerie. 


A la suite de son Rapport sur cet ouvrage, 
M. Meaume a placé une note dans laquelle , au moyen 
de formules algébriques très-simples , il rend rai- 
son des calculs à faire pour trouver le déficit ou 
l'excédent d'alliage qui résulte de la combinaison 
de plusieurs matières à différents ütres. M. le Rap- 
porteur ajoute que le anuel du Fondeur - Orfèvre 
est un ouvrage utile, et que l’Académie doit se 
féliciter de posséder dans son sein le citoyen zélé 
qui, après avoir rempli avec exactitude les devoirs 
de sa place , consacre ses loisirs à rédiger des Ins- 
tructions et des Mémoires sur des sujets qui tien- 
nent à la nature de ses fonctions, dans la seule 
vue d’être utile au public. 


= M. Tarbé, chef de la première division, au 
ministère des manufactures et du commerce , Mem- 
bre non résidant , vous a adressé, Messieurs , un 
exemplaire de la nouvelle édition de son #anuel 
pratique et élémentaire des poids et mesures, des 
monnaies et. du calcul décimal. 

« Quoique le plan de l'Auteur , dit M. Periaux, 
chargé avec M. Bonnet de rendre compte à la Com- 
pagnie, de l'Ouvrage de M. Tarbé, n'ait pas été 
trouvé aussi méthodique qu’il eût été à désirer , la 
commission ne le regarde pas moins comme le traité 
le plus complet et le meilleur qui ait encore été 
publié sur cette matière, » 


ASTRONOMIE. 


— M. Flaugergues , astronome et physicien à 
Viviers, département de l'Ardèche, membre non 


(5) 

résidant, vous a fait part, MEsstEURs , d’une oser 
sation sur la planète Mars qui, dans la nuit du 5x 
juillet 1815, lui a offert, à son opposition , une ta- 
che blanche trèés-brillante placée sur son pôle aus- 
tral. Depuis, cette tache a beaucoup diminué de 
grandeur , et plus rapidement que si cette diminu- 
tion eût été purement optique et relative seulement 
à l'éloignement progressif de Mars. 

M: Flaugergues pense avec Herchelle, qui a 
observé de pareilles taches blanches, que ces ta- 
ches sont des calottes de glace et de neïge qui en- 
tourent les pôles de cette planète, semblables à 
celles qui couvrent les pôles du globe terrestre : 
notre confrère tire une nouvelle preuve de cette 
opinion de la rapidité avec laquelle la tache qui 
fait le sujet de son observation a disparu , ayant été 
éclairée et échauflée continuellement pendant plus 
de deux mois par le soleil qui ne se cachait plus 
pour cette partie du globe de Mars. 

Après avoir fait remarquer les rapports de la 
Terre avec Mars , M. Flaugergues conclut qw’il n’est 
guère permis de douter que cette dernière planète 
ne soit habitée par des hommes et peuplée par 
des végétaux semblables à ceux que la terre 
nourrit. 


ARTS MÉCANIQUES. 


= M.le Comte de Girardin , Préfet du départe- 
ment, toujours animé de Ja sollicitude la plus ac- 
tive pour tout ce qui peut contribuer à la prospé- 
rité des Arts, en vous adressant, Messieurs ; Un Ou- 
vrage qui à pour titre : Application du calorique qui 
se perd dans les cheminées des tisards des chau- 
dières d'usines, à un ventilateur et à une étuve ; PE 

A 3 


(6) 
M. Pajot des Charmes, ancien Inspecteur des Mines et 
Manufactures de France , vous avait invité à l’exa- 
miner , et à lui transmettre le Rapport qui serait fait 
à ce sujet par une commission. de 


Organe de cette Commission , M. 7’auquelin vous 
a fait connaître les moyens ingénieux employés par 
l’auteur pour enlever , à l’aide de son ventilateur , 
les vapeurs qui s'accumulent dans certains ateliers , 
au point de rendre la manipulation non-seulement 
incommode , mais dangereuse même pour les ou- 
vriers. 


La construction de létuve que M. Pajot des 
Charmes a fait exécuter à la manufacture des glaces 
de Saint-Gobin, dans le dessein de procurer la 
dessiccation des substances salines extraites. des 
chaudières de réduction, parait fondée sur de bons 
principes : M. Pajot emploie à chauffer cette étuve 
le calorique qui se perdait autrefois dans les che- 
minées des tisards, 

L'ouvrage de M. Pajot des Charmes , conclut M. 
le Rapporteur , suppose des connaissances très-éten- 
dues et un zèle très-louable pour les progrès d'un 
Art dont les procédés s'appliquent à toutes les bran- 
ches de notre industrie manufacturière. 


— M. Biard a lu un écrit sur l'importance de l’in- 
dustrie manufacturière et de l’emploi des ma- 
chines. 

Le but de l'Auteur est de rassurer ceux qui, à 
l'aspect désolant d'une foule d’ateliers quelquefois 
sans emploi, d’une multitude d'ouvriers sans occu- 
pation et sans ressources , seraient tentés de croire 
que les fabriques et les manufactures sont plus 
nuisibles qu'utiles à la société. 


| (7) 

M. Biard ne disconvient pas que la force des évé- 
nements ne puisse rompre quelquefois la chaine de 
l'industrie manufacturière et en disperser çà et là 
les anneaux , dans des moments de crises ; mais 
il n’en est pas moins persuadé que les établisse- 
ments consacrés à l'industrie , sont les sources les 
plus fécondes de la prospérité d’un peuple. 

Le temps, suivant notre confrère, est le seul bien 
réel que la nature a départi à l’homme ; mais sa 
durée est limitée, et les machines servent à la pro- 
longer en quelque sorte, en multipliant rapidement 
les produits, 

En répondant aux objections qui ont été faites con- 
tre l'usage des machines, M. Biard fait voir que les 
objets fabriqués, par leur moyen, sont d’une aussi 
bonne qualité que ceux qui sont confectionnés par 
la main de l'homme ; et il explique pourquoila va- 
leur des produits fournis par les machines ne di- 
minue pas dans la proportion de l’abondance de 
ces mêmes produits. 

« Je sais, dit-il, que l’industrie, en se propageant, 
» en se perfectionnant chez un peuple, met les 
» autres dans la nécessité de se:créer aussi de nou- 
» veaux moyeus. En cela je vois une lutte honora- 
» ble, les glorieuses conquêtes du génie. Les pre- 
» miers conquérants en jouissent aussi les premiers, 
» et l'industrie des nations qui marchent sur leurs 
» traces, verse dans la société des richesses abon- 


» dantes qui sans cela auraient été perdues pour 
» lhumanité. » 


= M. Duputel vous à remis, Messisuns , trois im- 
primés que M. Garot, artiste mécanicien à Paris , 
l'avait prié d'offrir à l'Académie , et qui contienvent 
le compte qui a été rendu, dans les annales de 


(8) 

l’architecture et des arts , dans celles des arts et 
manufactures, et dans un supplément à la feuille 
de Dunkerque, n° 749, de diverses inventions de 
M. Garot, relatives, 1° aux constructions des nou- 
velles voitures ; 2° à un moyen de renouveler l'air 
dans les vaisseaux ; 5° à un essai de diverses eaux 
soumises publiquement aux filtres épurateurs pro- 
posés par l'auteur. 


= L'Académie doit à M. P. 4. Lair, membre non 
résidant , secrétaire de la Société d'agriculture et de 
commerce de Caen , la Description de l’ouverture 
de l’avant-port de Cherbourg qui a eu lieu le 27 
août 1815 , ainsi que les détails sur ce qui s’est passé 
à cette occasion. 

Dans cet écritou ilest aisé de reconnaître l'obser- 
vateur instruit, l'historien élégant et fidèle , M. Lair 
rend compte, de la manière la plus intéressante, 
des moyens qui ont été employés pour rompre le 
batardeau destiné à soutenir les eaux de l'Océan, 
pendant le temps que l'on serait occupé à creuser 
le roc qui devait former le bassin de l’ayant-port de 
Cherboureg. 

Ce batardeau, véritable chef-d'œuvre en son genre, 
qu’on eût désiré conserver , mais dont la destina- 
tion même était de m’exister que passagérement , 
avait 196 pieds 8 pouces de long, 84 de largeur à 
la base , 44 de largeur au sommet, 40 de hauteur 
verticale, 

Le bassin de lavant-port est long de 900 pieds, 
large de 520 , profond de 55 : sa passe , ou l'entrée, 
a 06 pieds d'ouverture, 

La mer, après s’être ouvert un large passage , en- 
tra comme un torrent impétueux , et continua, dit 
M. Lair, ayec la même violence , pendant une demi- 


C9) 
heure , intervalle qui suffit pour achever de rem- 
plir le bassin, malgré son immense étendue. 

Abstraction faite du cube des talus de 45 degrés, 
ménagés au pied des murs , et dont la hauteur ver- 
ticale est moyennement de 24 pieds 5 pouces, le 
bassin contiendrait dans les grandes marées 
32,095,800 pieds cubes d’eau. 

La postérité n’oubliera point que c’est aux talents 
de M. Cachin , directeur général des travaux, 
qu'est due l’exécution du plus grand et du plus 
utile projet. 


BOTANIQUE. 


Quoique le département de la Seine-Inférieure 
ait de tout temps possédé de savants Botanistes , ce- 
pendant aucun d’eux ne s'était occupé de compo- 
ser /a Flore des environs de Rouen. Ce n’est pas que 
l'importance d’une pareille entreprise n'eût été gé- 
néralement sentie , et je dois rappeler ici en parti- 
culier les efforts tentés à cet égard par l'Académie , 
dès les premiers moments de sa restauration. Une 
Commission composée de plusieurs de ses membres, 
recommandables par leur savoir dans cette partie 
de l'histoire naturelle, avait été formée pour ras- 
sembler les matériaux nécessaires à la construction 
de l'édifice ; mais le défaut d'ensemble dans le tra- 
yail , la lenteur attachée aux opérations d'une com- 
mission empéchèrent l'exécution du projet. 


= M. l'Abbé Ze Turquier Deslongchamp , savant 
Boianiste de notre ville, a mis fin à nos regrets ,en 
offrant à l'Académie un ouvrage qui faisait depuis 
long-temps l’objet de nos désirs. 

Les t1o1s premières classes de la Flore Rouennaise 


(ro) 
vous ont été présentées , Messreurs, à la séance du 
11 février dernier; l'auteur y a ajouté depuis les 
classes quatrième et cinquième. 

MM. le commissaires chargés de vous rendre 
compte de cet important ouvrage ont approuvé le 
plan suivi par M. Deslongchamp , et ent rendu un 
juste hommage à l’étendue de ses connaissances en 


botanique , à l'exactitude et à la clarté de ses des- 
criptions, 


= Dans son discours de réception à l'Académie , au 
sein de laquelle les vœux de tous les membres l'ap- 
pellaient depuis long-temps, M. l'Abbé Le Tur- 
guier , après avoir exposé les avantages que pro- 
cure à l’homme étude de la botanique , trace 
rapidement le tableau historique de cette science , 
parle des savants qui ont cultivé ou agrandi son 
domaine , et qui l’ont portée au degré de perfec- 
tion où nous la voyons aujourd'hui, en homme qui 
à des connaissances profondes sait allier une vaste 
érudition et le talent d'exprimer ses pensées avec 
une élégante précision. 


— M. Marquis a communiqué à l'Académie des 
Observations sur les plaies avec pérte de substance 
de l'écorce des végétaux ligneux. 


L'Académie a délibéré l'impression en entier de ce 
Mémoire dans ses actes. ( J’oyez à la suite de ce 
Rapport. ) 


— Le méme membre vous a offert la collection des 
Plantes rares de ‘la France , qu'il a dessinées et 
gravées pour la Flora Gallica de M. Loiseleur : 
ainsi, à des connaissances solides et profondes en 
botanique , dont il donne parmi nous de savantes 
lecons, notre confrère joint le talent précieux de 
rendre fidèlement par le crayon et le burin les 


(11) 
parties les plus délicates des sujets qui vivent sous 
Vaimable empire de Flore. 


— M. le Baron de Courset , membre non résidant, 
a fait hommage à l'Académie d’un exemplaire du 
supplément à la deuxième édition de son Botaniste 
Cultivateur , formant le tome 7° de cet ouvrage. 

Chargé de vous faire connaître cet ouvrage, 
M. Marquis termine ainsi le rapport qu’il vous en a 
présenté: « L'Académie ne peut qu’être très-flattée de 
» l'hommage que lui a fait de ce supplément son 
» respectable auteur, un de ces vrais sages qui sem- 
» blent avoir consacré toute leur vie, tous leurs 
» soins à l'étude pour laquelle la nature a le plus spé- 
» cialement destiné l’homme , à l’art de fertiliser et 
» d'embellir cette terre sur laquelle elle l'a placé 
» pour un temps si court. » 


CHIMIE ET ARTS CHIMIQUES. 


— M. Robert vous a communiqué des Recherches 
sur l’acide prussique. 

L'Académie a délibéré l'impression en entier du 
Mémoire de M. Robert dans ses actes. ( Y’oyez à 
la suite de ce Rapport. ) 


= M. J’ogel, chimiste attaché à l’école de phar- 
macie de Paris et membre non résidant, a fait 
hommage à l’Académie d'un Mémoire imprimé sur 
l’eau des mers qui baïgnent nos côtes , considérée 
sous le point de vue chimique et médical. 

Ce Mémoire , extrait des annales de chimie , août 
1815 , et fruit des trayaux réunis de MM. Bouillon- 
Lagrange et Vogel, se recommande de lui-même 
à l'attention des chimistes, par la marche savante 
que les auteurs ont suivie, ainsi que par l’heureux 
choix et l'exactitude des moyens qu’ils ont si habi- 
lement employés dans cette analyse difficile. 


(12) 
= Nous devons à M. Lair l'envoi d'un imprimé 
contenant un premier aperçu du travail fait par 
MM. Vauquelin et Thierry , sur les Eaux thermales 
ou des bains de Bagnoles , département de l'Orne. 
Cet examen préliminaire , daté du 20 octobre 1813, 
sera suivi , est-il dit, d’une analyse faite avec les 
soins nécessaires , et qu'on se propose d’entrepren- 
dre au printemps prochain. 


M. Jitalis a communiqué à l'Académie le pro- 
cédé qu'il a suivi pour teindre le fil de lin et de chan- 
vre en rouge dit des Indes ou d’Andrinople , et a eu 
l'honneur de lui offrir des échantillons en ce genre 
de teinture. 


L'Académie a délibéré l'impression en entier de 
ce Mémoire, ainsi que de l’extrait du Rapport qui en 
a été fait par MM. B. Pavie, teinturier , et Lancelevée, 
fabricant de velours, à Rouen, ( f’oyez à la suite de ce 
Rapport. ) 


= Sur l'invitation de M, le Comte de Girardin, 
Préfet de ce département, et Président de l’Aca- 
démie , la compagnie avait nommé une commission 
composée de MM. Gosseaume , Robert , Dubuc et 
Vitalis, pour Jui faire un rapport sur les dangers 
ou l’innocuité du zinc employé à la fabrication des 
ustensiles de cuisine. — MM. les commissaires , pé- 
nétrés de l'importance de la question délicate sou- 
mise à leur décision, ont cru devoir entreprendre 
une série d'expériences qui, n'étant pas terminées , 
ne leur a pas permis de vous en offrir les résultats. 


= M. Dubuc ,toujours animé du désir du bien pu- 
blic , a remis à l'Académie un échantillon d’eau-de- 
vie, retirée de la pomme de terre cuite et additionnée 


(15) 
d'une certaine quantité de sucre. Notre confrère a 
suivi, à quelques modifications près , le procédé 
employé en Allemagne. Il se propose de conti- 
nuer ses expériences au printemps prochain, et 
d'en communiquer les résultats à la Compagnie. 


M. Dubuc observe que les pommes de terre qui 
ont servi à ses expériences étaient germées , et que, 
dans cet état, elles n’ont pas dû produire autant de 
liqueur spiritueuse, que si elles eussent été distillées 
avant leur germination, 


=M. Parmentier , membre non résidant, Officier de 
la Légion d'honneur, Membre de l'Institut, premier 
pharmacien des armées, Inspecteur général du ser- 
vice de santé, etc., vous a fait remettre, MESSIEURS, 
un ouyrage intitulé : Nouvel aperçu sur les sirops et 
conserves de raisin , dans le cours de l'année 1812; 
suivi de réflexions générales sur les autres sirops et 
sucres indigènes, etc. 


« En se rappelant tout ce qu’il a fait d'utile pendant 
sa longue carrière , dit M. Dubuc, à la fin du compte 
très-détaillé qu’il vous a rendu de cet ouvrage , M. 
Parmentier a dû emporter avec lui l'idée consolante 
d’avoir contribué de tout son pouvoir au bonheur 
de ses semblables. » 


MÉDECINE. 


= M. Thillayre |, docteur-médecin, attache au 
-service de nos armées, vous a fait parvenir , Mes- 
SIEURS, deux manuscrits; le premier : sur la Cata- 
lepsie délirante ; le second , contenant des Recher- 
ches pathologiques sur la sécrétion des gaz dans les 
végétaux et les animaux. 


(14) 

Ecoutons M. Vigné dans le jugement qu'il 
porte du premier de ces ouvrages. 

» On trouve, dit-il, dans les écrits de MM. Pe- 
» letin, Baude et Laarent, un grand nombre d'exem- 
» ples de la Catalepsie simple, catacrériséé par la 
» perte absolue des sens et des mouveinents volon- 
» taires, et dans laquelle le sujet qiw'elle affecte 
» peut prendre et conserver toutes les attitudes que 
» l’on veut lui donner. » 

» Il n’en est pas de même de la Catalépsie com- 
pliquée dont nous n'avons qu'un petit nombre de 
preuves , au rang desquelles se présentent les deux 
observations qui ont été offertes à l'Académie par 
M. le docteur Thillaye. » 

Dans la première , le somnambulisme se trouve 
réuni au symptôme caractéristique de la Catalepsie. 
L'abus du vin , et plus encore vraisemblablement 
un vice dont M. le Rapporteur croit devoir taire 
le nom, semblent l'avoir occasionnée. 

M. Thillaye rappelle ensuite à notre souvenir cette 
malheureuse fille qui a fourni au savant nosologiste 
de Montpellier, l’un des exemples les plus remar- 
cables de la Catalepsie délirante. 

Enfin, l’auteur des observations décrit avec beau- 
coup d’exactitude une Catalepsie tout-à-la-fois com- 
pliquée d’épilepsie , de délire et d’hystérie. Il eut, 
en 1806 , l’occasion de l’observer , dans l’un des 
hospices de Paris, chez une infirmière âgée de 25 ans. 

Cette triple complication de névroses s'était ma- 
nifestée en 1758, chez la demoiselle Majot , native 
de Saint-Maximin. 

On pourrait tenter d'expliquer ce phénomène à 
l'aide des relations que le système nerveux établit 
entre toutes les parties du corps; mais n’est:l pas 
plus raisonnable , ajoute M. Vigné, d’imiter à cet 


(15) 

égard le silence que s'est imposé M. Thillaye , sur 
les causes essentielles et les eflets de la Catalepsie? 

En parlant de cet ouvrage et de ceux que M. 
Thillaye avait déjà soumis au jugement de l'Aca- 
démie , M. Vigné s’exprime ainsi : tous attestent le 
médecin instruit et laborieux , et je considère ce 
dernier travail comme un titre de plus à votre estime 
et à vos suffrages. 


= M. Marquis vous a rendu compte du Mémoire 
qui vous avait été adressé par M. le docteur Thil- 
laye, et qui a pour titre : Recherches pathologiques 
sur la sécrétion des gaz dans les végétaux et les 
animaux » 

Après avoir remarqué qu’au jugement même de 
M. Thillaye , le mot exhalation conviendrait peut- 
être mieux que celui de sécrétion , parce que les 
gaz sont produits par des organes qui ne sont point 
de nature glanduleuse , M. le Rapporteur continue 
ainsi : 

« Les changements qu’éprouve la sécrétion ( ou 
lexhalation } des gaz, dans un grand nombre de 
circonstances , forment , dit M. Thillaye , une classe 
de maladies intéressantes à étudier , surtout si 
à ce qui se passe dans les végétaux on joint ce qui 
s’observe dans les animaux. 

» On peut ( c’est toujours l’auteur qui parle ) di- 
viser la classe des maladies pneumatiques où venteuses 
en deux ordres séparés. 

» L'un contiendrait les maladies produites par les 
gaz sécrétés dans les organes qui n'en fournissent 
point ordinairement ; l'autre renfermerait celles qui 
sont dues à des organes qui en fournissent habituel- 
lement , mais dans lesquels cette sécrétion est aug- 
meutée, diminuée ou supprimée , ou bien dans les- 


C16) 
quels les gaz éprouvent des modifications qui en 
changent la nature. 

L'auteur annonce qu’il se contentera de décrire, 
dans chaque fonction, soit des végétaux, soit des 
animaux , les maladies les plus connues , sans s’oc- 
cuper de leur traitement. 

Relativement aux végétaux , l’altération de la sé- 
crétion des gaz ne parait avoir lieu que dans trois 
états particuliers. 

Ces trois états, qu'on peut considérer comme au- 
tant de maladies des végétaux, sont : 

° L'étiolement des plantes privées de l'influence 
salutaire de la lumière ; 

2° La panachure des feuilles , comme dans l’'ama- 
ranthe tricolore, le houx , la sauge , l’alaterne , 
etc., etc, ; 

3° La coloration des feuilles en rouge , en jaune, 
en brun et autres nuances qui précèdent ordinai- 
rement leur chute , et qui pare l'automne de si ri- 
ches livrées. 

Ces trois maladies ont leur siége dans le paren- 
chime vert sous-épidermoide. 

L'auteur traite de ces trois états pathologiques 
des végétaux dans trois chapitres séparés, où il pa- 
raît avoir rassemblé ce qu’on sait de plus positif sur 
ce sujet : les bornes de l’analyse ne permettent pas 
d'entrer dans les détails. 

M. le Rapporteur passe ensuite aux considéra- 
üons générales présentées par l’auteur, sur les al- 
térations des sécrétions gazeuses dans les ani- 
maux, 

M. Thillaye, dit M. Marquis, observe d’abord 
ces altérations relativement aux membranes mu- 
quenses de Vappareil respiratoire. 


Dans plusieurs circonstances, surtout, 1° dans 
les 


(17) 

les animaux à sang chaud, ou seulement quand 
Jeur respiration est accélérée par une cause quel- 
conque , telle que l’immersion dans un bain chaud, 
après la section des nerfs pneumo- gastriques ; 
2° dans les poissons, lorsque la vessie natatoire 
a été, extirpée, on remarque pour phénomène 
constant un changement notable dans l'exhalation 
d'acide carbonique par le tissu pulmonaire ; cette 
exhalation est ou diminuée ou entièrement sus- 
pendue , et l’absorption de l’oxigène est alors éga- 
lement altérée. 

Les membranes muqueuses de l'appareil digestif 
exhalent aussi, et particulièrement dans les animaux 
herbivores, des gaz qui sont ordinairement inflam- 
mables et dont la production très:prompte distend 
ces membranes d’une manière extraordinaire ;, 
comme dans les tympanites. Souvent ces affections 
cessent sans aucune émission sensible de gaz, et 
l'absorption parait être la seule voix qui puisse 
expliquer leur disparition. L'auteur pense que la 
base.de ces gaz séparée du calorique, est seule 
fixée et absorbée , pour être rejetée ou retenue 
suivant la nature de cette base. On a vu des gaz 
contenus dans la vésicule du fiel s'échapper par 
les voies urinaires, On en a également observé dans 
les organes génitaux des deux sexes. Dans ces dif- 
férents cas , les organes sont-ils devenus acciden- 
tellement sécréteurs de gaz , ainsi que M. Thillaye 
parait le croire ? C’est une question délicate que 
M. le Rapporteur ne croit pas devoir discuter. 

La membrane séreuse du péricarde, la plévre, 
le péritoine , la séreuse du testicule , Ia synoviale 
du genou paraissent sécréter , dans certaines circons- 
tances, des gaz que l’on trouve dans leurs cavités. 


Cependant M, Thillaye observe lui-mème que sou- 
k B 


(18) 
vent ces gaz sont dus à la décomposition des liqui- 
des séreux contenus dans les mêmes cavités. 

Les gaz qui distendent le tissu cellulaire sont de 
méme quelquefois le produit de quelque décompo- 
sition : quelquefois aussi ils sont le produit de la sé- 
crétion de ce tissu , et alors ils sont tantôt la suite 
d'une aflection locale , tantôt celle d’une maladie 
éloignée. Dans certaines circonstances ils se déve- 
loppent d’une manière subite et ils sont repris par 
les absorbants. 

Dans le dernier article de son Mémoire, M. Thil- 
laye parle des gaz observés dans les systêmes cir- 
eulatoires à sang rouge et à sang noir, et qui s’y 
trouvent tantôt en grande quantité, amassés dans les 
cavités du cœur qu’ils distendent, d’autres fois sous 
forme de bulles mélées au sang, 

Enfin , l'ouvrage est terminé par un tableau sy- 
noptique des divers organes des végétaux et des 
animaux qui paraissent dans certaines circonstances 
sécréter des substances gazeuses, 

« Le titre de Recherches donné à eet ouvrage, 
disent MM. les commissaires, parait le bien carac- 
tériser, 

» Il nous paraît seulement que M. Thillaye s'est 
plu trop souvent à rapporter à une sorte de sécré- 
tion des gaz à l'égard desquels cette origine paraît 
au moins très-douteuse, 

» Au reste, les faits nombreux que l'auteur y a 
rassemblés sont puisés dans de bonnes sources et 
coordonnés avec soin. » 

. Cette production suppose, dans son auteur, des 
connaissances exactes et variées , de la méthode, et 
l'esprit d'observation si nécessaires an médecin et 
au naturaliste. 


A peine M. Thillaye, appelé au service de nos 


(19) 
armées, avait-il reçu de l’Académie le titre de mem- 
bre non résidant, qu'une mort prématurée l'enleya 
à la médecine et aux sciences naturelles qu’il cul- 
üvail avec autant de zèle que de succès. ( J’oyez sa 
Notice biographique à la suite de ce Rapport. ) 


= M, Vigné vous a communiqué une observation 
que sa pratique lui a fournie sur un tiphus exanthé- 
malique» 

L'Académie a délibéré l'impression en entier de 
cette observation dans ses actes. ( f’oyez à la suice 
de ce Rapport. ) 


= M. Gosseanme a rendu compte des n°* 31, 32, 
35 et 54 du Bulletin des sciences médicales du dé- 
partement de l'Eure, Ces cahiers se composent des 
Mémoires présentés par les membres de la société, et 
des extraits des Journaux scientifiques relatifs à 
quelqu'une des branches de l'art de guérir. La ré- 
daction de ce Journal offre toujours, dit M. le Rap- 
porteur , la même régularité dans la marche , une 
critique judicieuse et un style correct. 


— M, Reynal , docteur-médecin à Evreux, a fait 
hommage à l'Académie de deux opuscules ayant 
pour titre, le premier: Apercu sur l’Hygiène pu- 
blique ; le second: Mémoire Médico-Politique sur le 
café. 

L'Hygiène on Médecine Publique, que lon pour- 
rait aussi nommer Police Médicale , est cette partie 
de l'Hygiène générale qui indique aux gouverne- 
ments des moyens , des mesures certaines pour con 
server la santé des hommes réunis en société, ainsi 
que celle des différentes espèces d'animaux qui con- 


courent à leurs travaux: 
BP 


= 


(20) 

Une analyse étendue, qui ne peut trouver place 
ici, re pourrait cependant donner qu'une faible 
idée du talent distingué avec lequel M. Reynal a 
traité cet important sujet. L'auteur y fait preuve 
de connaissances variées et solides, et s’y montre 
tour-à-tour physicien instruit, zélé philantrope et 
savant médecin. Son ouvrage , écrit d’ailleurs d’un 
style pur et élégant, mérite toute l'attention des 
gens de l’art, des magistrats chargés du soin de 
Padministration , et toutes les classes de lecteurs y 
trouveront une source abondante de vérités utiles 
et précieuses. 

Dans son Mémoire Médico-Politique sur le café , 
dont M. Dubuc vous a rendu compte, M. Reynal 
se propose de résoudre cette question : l'usage ha- 
bituel du café est-il avantageux , ou doit-il être mis 
eu rang des choses indifférentes à la conservation 
de la santé? Peut-il se concilier avec le bien de l'Etat, 
dans l'étendue de l'empire français ? Est-il enfin 
nuisible et contraire à tous les égards? 

Après avoir exposé les opinions émises en faveur 
ou contre l'usage du café , l'auteur rapporte ses pro- 
pres observations , et ne balance pas à déclarer que 
le café fait généralement peu de bien, et nuit pres- 
que toujours à ceux qui en font usage. 

M. Reynal examine ensuite si l’usage du café peut 
se concilier avec l'intérêt de l'Etat, et il se prononce 
pour la négative. 

Quoique cet opuscule contienne des idées qui 
auraient quelquefois besoin d’être plus solidement 
motivées , cependant on y trouve de sages réflexions 
sur les inconvénients graves qui résultent, pour cer- 
taines personnes , de l'usage habituel du café, et sur 
les dangers auxquels s’exposent ceux qui font un 
usage immodéré de cette liqueur. 


( 220 

= M, Marquis a lu des Réflexions sur le Né- 
penthès d’IHomère. — L'auteur y discute l'opinion 
émise sur ce prétendu remède à la tristesse , par 
M. Virey, dans le Bulletin de pharmacie, deuxième 
année, n° 2. Notre confrère fait voir que si le Né- 
penthès d'Homère n’est pas ( comme il serait na- 
turel de le penser ) une simple fiction poétique , 
mais une substance réelle , c’est à l'opium seul, 
et nullement à l’Hyosciamus datura de Forskal , ainsi 
que le prétend M. Virey, qu'on doit rapporter ce 
merveilleux remède. 


MÉDECINE VÉTÉRINAIRE. 


— Son Exec. le Ministre de l'intérieur a envoyé à 
l'Académie une notice rédigée par M. Leschenault, 
inspecteur particulier du premier arrondissement des 
dépôts de beliers, sur l'épizootie qui a régné, en 
1812, sur les troupeaux des bêtes à laine des dépar- 
tements méridionaux de l'Empire. 

L'Auteur, après avoir examiné successivement la 
nature de la maladie, les lieux où elle a porté ses 
ravages, les causes qui y ont donné lieu , indique 
avec autant de clarté que de précision les moyens 
préservatifs et curatifs. 


AGRICULTURE, 


= En avril dernier, Son Exc. le Ministre de lin- 
térieur à envoyé à l’Académie une instruction dans 
laquelle sont indiqués les travaux les moins cou- 
eux et les plus économiques auxquels on peut se 
livrer avec succès, pour suppléer aux semences de 
mars , lorsqu'elles n’ont pu être faites aux époques 
ordinaires. 


Br5 


(22) 

= Nous avons reçu une lettre imprimée , adres- 
sée par M. le Vice-Président de la société d’agri- 
culture du département de la Seine, à M. Mirbeck 
fils, inspecteur des contributions du département 
de l'Aube, à Troyes. L'objet de cette lettre est 
de venir au secours des départements dévastés par la 
guerre , en leur offrant, dans Ja pomme de terre , un 
moyen assuré de prévenir les horreurs de la famine. 


= Il est parvenu à la compagnie une Morice , lue 
à la société d'agriculture du département de Ja 
Seine, par M. Sageret, sur une variété hâtive 
de pommes de terre, qui se vend à la halle de 
Paris , sous le nom de truffe d'août, et cultivée , 
en 1615, dans le jardin du Conservatoire des arts 
et métiers. L'Académie, désirant introduire cette va- 
riété dans notre département, s'en est procuré un 
échantillon , et en a fait la distribution à ceux de ses 
membres qui ont témoigné le désir de la cul- 
tiver. 

Déjà M. Dubuc a mis sous vos yeux un certain 
nombre de celles qu’il a récoltées le 10 juillet de 
cette année, et il en a replanté le même jour une 
vingtaine, dans le dessein de s'assurer si, comme 
M. Sageret l'annonce, cette solanée hâtive donne deux 
récoltes par an, ce qui la rendrait infiniment pré- 
cieuse. 


= L'Académie doit à la Société d'agriculture du 
département de la Seine, 1° la collection complète 
des savants et précieux Mémoires qu’elle a publiés 
jusqu’à ce Jour ; 20 le Rapport sur ses travaux pen- 
dant l'année 1812, par M. Sylvestre, secrétaire per- 


pétuel de la Société, membre de l'Institut, etc. ; 
5° le Programme de sa séance publique du diman- 


(23) 

che 25 avril, 1815, où l’on trouve la Notice des 
sujets de prix proposés par la Société, pour les 
années 1814, 1815, 1816 , 1818 , 1820 ; 4° le Pro- 
gramme d’un concours pour des essais comparatifs 
sur l'enfouissement des plantes pour engrais ; 5° un 
Essai sur la solanée hâtive, par M. Sageret; 6° l'An- 
nuaire de la Société pour 1814 ; 7° le Discours pro- 
noncé sur la tombe de M. Parmentier , par M. Syl- 
vestre. 


= M. Lair, membre non résidant de l'Académie, 
et secrétaire de la Société d'agriculture de Caen, 
nous à adressé, 1° un Rapport imprimé, fait par M. 
Lamouroux, sur le blé Lammas , espèce de variété 
de blé que l'on cultive depuis quelques années dans 
le département du Calvados ; 2° une courte Notice sur 
les cendres végétatives de tourbe préparées par 
M. Chamberlain. 


= Depuis long-temps l'Académie désirait pouvoir 
faire jouir le public des travaux de ses premiers 
fondateurs : il fallait des soins pour les recueillir , 
de l’ordre et de la méthode pour les classer, des 
connaissances très-étendues pour en faire des ana- 
lyses exactes. Notre respectable confrère, M. Gos- 
seaume a bien voulu se charger seul de ce pénible 
travail ; en vous présentant cette année, Messieurs, le 
précis analytique des travaux de l'Académie, depuis 
sa fondation en 1744 jusqu’à l'année 1750, M. Gos- 
seaume se propose de continuer l'histoire de l'Aca- 
démie et le précis analytique de ses Mémoires jus- 
qu'à l'époque de sa restauration en 1805. 

Je me félicite, Messteurs, de pouvoir offrir ici 
en votre nom, à M. Gosseaume, le témoignage pu- 
blic de votre reconnaissance. 


(24) 
CORRESPONDANC&. 


Enfin, Messieurs, les Académies et les Sociétés 
savantes de Lyon, Bordeaux , Caen, Dijon , Douay, 
Nancy , Cherbourg , etc., vous ont adressé, les unes 
le Précis analytique de leurs travaux ; les autres, 
le Programme des prix qu’elles se proposent de dé- 
cerner : toutes fournissent la preuve de ce que peu- 
vent exécuter des associations dirigées par l'amour 
du bien public et du progrès des lumières, 

L'Académie a entendu , avec un grand intérêt , le 
Rapport fait par M. Leprevost , sur les travaux de la 
Société d'Agriculture , Sciences et Arts du départe- 
ment du Nord, pendant les années 1811 et 1812, 
et celui qui lui a été rendu, par M. Duputel, des 
travaux de la Société académique des sciences, 
lettres , arts et agriculture de Nancy. 

En analysant le Mémoire dans lequel M. le doc- 
teur Valentin, de Nancy, émet l'opinion que la 
transpiration est plus abondante en hiver qu'en été, 
M. le Rapporteur a cru devoir vous soumettre les 
raisons qui l'empéchent de partager cette opinion. 

Quelques physiciens ont cru que la quantité de 
vapeur dissoute par Pair était proportionnelle et 
à sa température et à sa densité. Or, on sait au- 
jourd’hui , par les belles expériences de Dalton, 
que la faculté dissolvante de Pair ne dépend que 
de sa température ; d’où il suit qu’il n’est pas prouve 
que la transpiration soit plus abondante en hiver 
qu’en été. ! 

Les travaux dont je viens de rendre compte se- 
ront sans doute accueillis avec intérêt par la res- 
pectable assemblée qui honore cette séance soleu- 


(25 ) 
nelle de sa présence: je n’ajouterai donc plus qu'un 
mot, et ce sera pour vous prier, Messieurs, de 
vouloir bien m'’accorder l'indulgence dont je sens 
moi-même que j'ai un si grand besoin. 


TT AT 


PRIX PROPOSÉ POUR 1819. 


L'Académie avait proposé, en 1815, pour sujet de 
prix à décerner dans la séance publique de 1814, 
la question suivante : 


« Trouver un vert simple ou composé , suscepti- 
» ble de toutes les nuances de cette couleur , appli- 
» cable sur fil et sur coton filé , aussi vif et aussi solide 
» que le rouge des Indes. » 


L'Académie n'ayant recu aucun Mémoire sur 
celte question, a délibéré que le même sujet, vu 
son importance pour le bien de nos fabriques, serait 
conservée pour 1815. 

Les concurrents auront la liberté de faire con- 
naître ou non les procédés qui les auront conduits 
à la solution de la question , et le prix ne sera ac- 
cordé que sur des échantillons du poids de 3 à 4 
hectogrammes au moins. 


Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 
500 francs, qui sera décernée dans la séance publi- 
que de 1815. 

Les échantillons seront accompagnés d'une devise 
qui sera répétée sur un billet cacheté , où l'auteur 
fera connaître son nom et sa demeure. Le billet ne 
sera ouvert que dans le cas où les échantillons au- 
ront remporté le prix. 


(26) 

Les Académiciens résidants , sont seuls exclus du 
concours, 

Les échantillons devront être adressés, franc de 
port, à M. Virauis , secrétaire perpétuel de l’Aca- 
démie, pour la classe des sciences, ayant le 1° juin 
1815; ce terme sera de rigueur. 


(27) 


A A TT PT PT TT 


NOTICE BIOGRAPHIQUE. 


Sur M. BoisMare , D. M., médecin du dépôt de 
mendicité de Saint-Yon , membre résidant de 
l'Académie des sciencés , belles-lettres et arts de 
Rouen , de la Société de la faculté de médecine 
de Paris , de la Société médicale d’Evreux , etc. 


Par M. J. B, Virazrs. 


MESSIEURS, 


Qu'un vieillard accablé d'années et succombant 
sous le poids des infirmités descende dans la tombe: 
en terminant sa longue carrière , il ne fait que 
payer enfin le tribut imposé par la nature à tous les 
êtres vivants, 

Mais que l'homme dans la force de l’âge et bril- 

lant de santé disparaisse subitement à nos yeux , 
soit tout-à-coup enlevé à sa famille et à ses amis : 
cet événement inattendu nous saisit d’étonnement 
et de crainte. L’ame ne peut se défendre d’un sen- 
ument profond de tristesse , si la victime du trépas 
est un jeune époux qui laisse une compagne chérie 
plongée dans le deuil, et des enfants en bas âge, 
privés de l'appui de leur père. Nous arrosons de 
nos larmes le cercueil de Pinfortuné moissonné 
avant le temps, si aux services qu’il avait déjà ren- 
dus il pouvait en ajouter de plus grands encore. 
Enfin, sil est mort victime de son courage et de 
son dévouement, s'il a perdu la vie en travaillant à 
conserver celle de ses semblables , la douleur est 
alors à son comble , et ne connait plus de bornes à 
ses regretse 


(28) 
F Tel a été, Messreurs, l'excès de votre douleur , 
en apprenant la mort du collègue estimable que 
nous pleurons : vous regrettez tout-à-la-fois en lui, 
l'homme de bien , l'Académicien zélé , le médecin 
probe et instruit. 

J.-B. Victor Boismare, né à Quillebeuf en 1776, 
était encore enfant lorsqu'il perdit son père , capi- 
taine de navire au long cours. Dès ses plus tendres 
années, ses inclinations se dirigèrent vers le bien et 
les choses utiles, 

Son goût le porta particulièrement à l'étude des 
mathématiques; et il sortait à peine de l’enfance que 
déjà il possédait parfaitement les règles du calcul, 
Il suivit très-assidüment les leçons de M. Mabire, 
alors professeur d’hydrographie à Quillebœuf, et 
ses progrès furent si rapides, qu’à l'âge de 17 ans 
il fut chargé par le Gouvernement d'enseigner les 
mathématiques aux jeunes gens qui servaient 
en qualité d'élèves de la marine sur la corvette 
l'Elise. 

A cette époque, une loi rigoureuse appelait tous 
Jes jeunes gens sous les drapeaux de la République, 
la faiblesse de la vue de notre confrère lui valut 
un congé de réforme qui lui fut délivré en 1795. 

Libre alors de disposer de sa personne, il vint à 
Rouen où, pour satisfaire aux désirs de sa famille, il 
entra dansle commerce, et s’occupa, pendant quelque 
temps, de la tenue des livres chez deux négociants 
de cette ville. 

Cette occupation ne convenant point à ses goûts ; 
il quitta le commerce pour l'étude du notariat, 

Mais notre confrère était né pour les sciences , et 
du moment où il lui fut permis de s'y livrer, sa 
marche prit une direction régulière et dont il ne 
s’écarta plus. 


(29) 

La médecine lui ouvrait une carrière épineuse, 
mais honorable , où son esprit d'observation lui 
promettait des succès, Pénétré de l'immense éten- 
due de connaissances qu’exige l’art de guérir, M, 
Boismare se liyra à l'étude avec une ardeur et une 
constance dignes des plus grands éloges. 

Son premier soin fut de se perfectionner dans la 
Jangue latine dont jusqu'alors il m'avait pu acquérir 
qu’une légère teinture. Dirigé par les conseils et 
éclairé parles leçons d'un habile maître que sa mo- 
destie me défend de nommer ici, M. Boismare fut 
bientôt en état de puiser dans les sources mémes de 
puissants moyens d'instruction. 

Les cours de médecine , de chirurgie et de phar- 
macie qui se faisaient alors à l'hospice d'humanité 
de Rouen , et dont on regrette tous les jours la sup- 
pression, lui donnèrent la facilité de commencer 
son éducation médicale. C’est là que , sous des pro- 
fesseurs consommés dans la théorie et dans a pra- 
tique de leur art, il reçut les premiers principes de 
l'anatomie , de la physiologie de la médecine opé- 
ratoire et clinique , et de la chimie, dans ses rapports 
avec la matière médicale. L'amour , ou plutôt la pas- 
sion de l’étude , lui rendait tout facile ; non con- 
tent de donner tout le jour au travail , il y consa- 
crait encore une partie des nuits, et ne croyait ja- 
mais assez faire pour pouvoir exercer un jour di- 
gnement la profession à laquelle il se destinait. 

La même ardeur pour l'étude le suivit à Paris, 
ou plutèt il redoubla d’eflorts pour ne rien perdre 
des secours précieux que la capitale ofire aux étue 
diants en médecine Une sage distribution de son 
temps lui permettait de suivre assidûment les dif- 
férents cours qui y sont professés par des savants 
et des praticiens du premier ordre. Le zèle qu'il 


(50) 

montrait pour son instruction, la régularité de sa 
conduite, la pureté de ses mœurs , laménité de son 
caractère , lui concilièrent également l'estime et l’af- 
fection de ses maitres et de ses compagnons d’étude. 
Le 5 juin 1808, il recneillit enfin le fruit de ses tra- 
vaux , en recevant le diplôme de Docteur en méde- 
gine de la Faculté de Paris. 

Le 25 mai de l’année précédente, il avait pré- 
senté et soutenu à cette école célèbre, une Disser- 
tation sur la pleurésie gastrique ou bilieuse, dont il 
fit hommage à l'Académie , et dont M. Vigné vous 
a rendu compte. 

Dans cette dissertation , remplie d’une érudition 
choisie, de faits neufs, et d'observations intéres- 
santes , M. Boismare se proposait de prouver que la 
maladie connue sous le nom de pleurésie bilieuse, 
n’est pas toujours une complication de la pleurésie 
avec une aflection bilieuse, mais que souvent les 
symptômes pleurétiques ne sont que sympathiques 
ou épiphénomènes d'une aflection bilieuse intense. 

L'Académie ne pouvait concevoir que d’heureuses 
espérances de l’auteur d’une produetion aussi mé- 
thodique et aussi sagement écrite : aussi s’empres- 
sa-t-elle de lui ouvrir ses portes et de l'associer à ses 
travaux. 

Dans son Discours de réception, notre nouveau 
confrère présenta à la compagnie des réflexions ju- 
dicicuses sur Paliénation mentale. Son but n'étant 
point de traiter des diflérents genres de folie , il ne 
considère cette maladie que comme idiopathique 
du purement nerveuse. 

Il donne le nom de folie nerveuse à celle qui, mar- 
quée par le trouble des fonctions de l'entendement 
seulement, etsans aucun vice organique sensible, peut 
être regardée comme louvrege de l’homme , at- 


(50) 
{ 
tendu qu’elle résulte de ses mœurs , et qu'il est en 
son pouvoir de l'éviter. 

Après avoir parlé des causes de cette folie , telles 
que les excès de la table, l'abus des liqueurs fortes 
et des narcotiques , les travaux intellectuels trop 
long-temps prolongés , les chagrins profonds, les 
grandes passions , la débauche , etc. l'auteur ajoute : 
une éducation soignée, et dirigée par des parents 
ou des instituteurs vertueux, est le plus sûr moyen 
d’en garantir les individus ; et la douceur doit pre- 
sider au traitement de ceux qui en sont attaqués , 
sauf les cas où la sévérité devient nécessaire pour 
mettre les furieux hors d’état de nuire. 

Ces travaux, Messteurs , n’étaient que le prélude 
de ceux dont il devait enrichir vos annales ; et sans 
m’arréter ici aux nombreux Rapports que vous 
l'avez chargé, à différentes époques , de faire à la 
compagnie sur divers sujets de médecine , et 
qui tous se distinguent par un juste discernement , 
un tact sûr, une critique judicieuse et polie, que 
p’aurais-je point à dire de l’excellent Mémoire qu'il 
vous a lu en 1816, sur la topographie et les cons- 
tiltutions médicales de la ville de Quillebeuf, et des 
lieux circonvoisins dont elle recoit les influences , et 
que vous avez jugé digne de paraître en entier dans 
le Précis analytique de vos travaux. 

Ce Mémoire, que l'Académie accueillit avec le 
plus vif intérêt, mérita l'approbation de Son Exc 
le Ministre de l'intérieur , auquel M. Boismare en 
avait adressé une copie. 

M. le comte de Montalivet s’occupait alors de re- 
cueillir tout ce que l'embouchure de la Seine peut 
offrir de remarquable : les dangers de la naviga- 
tion , et les améliorations dont elle est susceptible , 
excitaient surtout sa sollicitude. 


(32) 

Son Exc., par une lettre qui contient des remer- 
ciements flatteurs pour notre confrère, linvita à 
lui donner la solution d’une série nombreuse de 
questions qui n’entraient point dans le plan du pre- 
mier Mémoire. 


M. Boismare répondit à l'invitation de Son Exec. 
par un second Mémoire sur La statistique de la 
ville de Quillebeuf et de l'embouchure de la Seine, 
ayant pour objet principal la navigation et la 
péche. 

Davs ce dernier Mémoire, M. Boismare, après avoir 
donné la topographie de l'embouchure de la Seine, 
s'occupe de Ja pêche, du pilotage , des bancs à fond 
de roche et de sable mouvant , des rochers, des 
vents, des marées , de la barre et des courants, 
de la navigation , des dangers auxquels sont expo- 
sés les navires en montant la Seine , de ceux qu'ils 
ont à craindre en descendant ce fleuve , et termine 
par quelques observations sur le langage des habi- 
tants de Quillebeuf. 

La sagacité avec laquelle M. Boismare avait 
résolu les questions qui Jui avaient été proposées , 
donnèrent à Son Exec. une idée très-avantageuse de 
ses talents, et ce Ministre ne crut pouvoir mieux 
lui témoigner sa satisfaction qu’en le nommant, le 
26 janvier 1811, médecin du dépôt de mendicité 
qui venait d’être formé à Saint-Yon, et où il ne 
commença à exercer ses fonctions que vers la fin 
de l’année 1812. 

Dès le commencement de 1814, l'horizon politi- 
que se coutrit d’épais nuages: de longs revers avaient 
répandu par-tout la consternation et lépouvante , 
et faisaient assez pressentir la catastrophe sanglante 


qui ne tarda pas à éclater. 
Les 


{ 33 

Lesénvirons de la capitale, devenus le théâtre de la 
guerre , étaient alors jouches d’un nombre immense 
de malades et de blessés, Dans l'impossibilité de 
leur donner des secours sur le lieu même, une 
partie considérable est embarquée sur le fleuve de 
la Seine , et ils abordent enfin aux pieds de nos 
murailles. 

O spectacle déchirant et attendrissant tout ensem= 
bie ! D’un côté, l'humanité en proie aux maux les 
plus cuisants , aux douleurs les plus cruelles; de 
j'autre la pitié la plus tendre , les attentions les plus 
délicates, les soins les plus généreux. On s'empresse 
autour de ces victimes infortunées des fureurs de 
la guerre; les ministres de la santé donnent l'exem- 
ple du plus héroïque dévouement , et chacun se 
fait un devoir de l'imiter, 

La chaleur du zèle ne fait point oublier les pré- 
cautions commandées par la prudence. Les indivi- 
dus attaqués de maladies contagieuses sont écartés 
de nos murs et transportés au dépôt de mendicité 
de Saint-Yon. 

Que ne puis-je, Messieurs, vous peindre ici tout 
ce que M. Boismare déploya de zèle et d'intelligence 
dans ces circonstances difficiles et périlleuses ! Que 
pe puis-je vous rendre tout ce que son ame sensi- 
ble et compatissante eut à souffrir ! 

Forcé de respirer à chaque instant un air infecté 
par les miasmes putrides qui s'élèvent autour de 
lui , notre généreux confrère semble oublier le soin 
de sa propre conservation pour ne s'occuper que 
de celle des infortunés qui réclament les secours 
de son art. Auçuns détails ne lui échappent: il or- 
donne tout , il surveille tout ; son incroyable acti- 
vité le rend en quelque sorte présent partout où 
le danger l’appelle, I eùût fallu , je ne dis pas un 

C 


(34) 
courage , Car le sien était au-dessus de toutes les dif- 
ficultés, mais des forces plus qu'humaines pour ré- 
sister à des trayaux si multipliés et toujours renais- 
sants. 

Un mois s’était à peine écoulé depuis que la mai- 
son de Saint-Yon avait été convertie en hospice 
militaire , que M. Boismare, dont la constitution na- 
turellement faible se trouvait dans ce moment alté- 
rée par une foule de causes très-actives , ressentit 
les premières atteintes de la maladie qui nous l'a 
enlevé. 

Dans la nuit du 12 au 15 mars dernier , une des 
dames hospitalières, frappée de la contagion qui 
régnait dans la maison, et à laquelle six de ses res- 
pectables compagnes avaient déjà succombé , éprouva 
une violente hémorragie qui nécessitait les secours 
les plus prompts. Averti de ce danger, M. Boismare 
vole à l'hospice vers les neuf heures du soir, emploie 
avec M. Jourel, chirurgien en chef de la maison, 
tous les moyens que Part prescrivait en pareil cas , 
et revient chez lui vers minuit. 

Le 15 il éprouva quelques mouvements de fiévre 
qui ne l'empéchèrent cependant pas de faire sa 
visite ordinaire du matio. 

Le 12, la fièvre s’allumant de plus en plus, …l 
invita M. Désalleurs , médecin distingué de notre 
ville, à vouloir bien le remplacer dans ses fonc- 
uons. 

Quelques élèves en chirurgie étant devenus aussi 
les victimes du fléau qui exerçait de si terribles 
ravages à Saint-Yon , M. Boismare , malgré le germe 
de mort qu'il portait dans son sein , trouva encore 
assez de force pour aller à l’hospice d'humanité 
demander de nouveaux sujets ; il visita même en- 
core quelques malades à Rouen, 


(35) 

Le 18 ilse mit au lit qu'il ne quitta plus. 

Deux médecins de ses amis , MM. Bunel et Desal- 
leurs, sont appelés, et lui prodiguent les soins les 
plus assidus. Mais que peuvent toutes les ressources 
de l'art contre les traits de la mort ! Le coup fatal 
était porté, et le 28 au soir, M. Boismare rendit 
le dernier soupir entre les bras de sa vertueuse 
épouse (1) qui, malgré le danger qui menaçait ses 
propres jours, eut le noble courage de ne pas le 
perdre de vue un seul instant, et de lui rendre 
elle-même les services qui semblent coûter le plus 
à la délicatessede nos organes. 

M. Boismare a conseryé jusqu’à son dernier sou- 
pir cette fermeté d'ame inébranlable qui caracté- 
rise le sage et le chrétien. Prêt à se séparer pour ja- 
mais de l'objet de ses plus tendres affections , il donna 
l'exemple le plus touchant d'une entière résignation. 
« Mon Dieu, s'écriait-il, au fort de sa douleur, 
» mon Dieu, donnez-moi le courage de consommer 
» un si grand sacrifice ! » 

Nul ne connut mieux que M. Boismare les de- 
voirs de l'amitié, et personne ne s’en acquitta avec 
une plus religieuse exactitude. | 

Quoiquw’il fût d’une politesse exquise dans le lan- 
gage et dans les manières , il n’en était pas moins 
tout-à-fait étranger à l'art dangereux de ménager , 
de caresser même les opinions qu'il condamnait 
intérieurement. 11 louait et désapprouvait avec cette 
franchise décente qui est le partage d’une ame droite 
et pure. 


oo 


(1) Mademoiselle Victorine Lemasson, fille de M. Lemasson, 
ancien Ingénieur du département de la Seine-Inférieure, €t 
membre résidant de l'Académie. 


(CRE: 


C36,) 

En estil un seul d’entre nous, Messieurs , de 
nous qui avons eu ayec lui des relations si intimes, 
qui ne rende hommage à Ja bonte de son cœur, 
à la douceur de son caractère, et qui ne paie 
à sa mémoire le juste tribut des regrets les plus 
amers ? 

Consolons-nous toutefois, Messieurs, dans la mé- 
ditation de ceite pensée sublime que l'homme ne 
meurt -pas tout entier, et qu’il ne dépose ici bas le 
fardeau de ses dépouilles mortelles que pour s’élan- 
cer plus rapidement vers le séjour de l'immortalité. 


A A ON PT TT 2 A 


NOTICE BIOGRAPHIQUE 


Sur M. PARMENTIER, 
Par M. Virazis. 


Antoine-Augustin Parmentier , né le 17 août 1737, 
à Montdidier, département de la Somme, est du 
nombre de ces hommes qui ne durent leur éléva- 
tion qu’à leurs talents et à leur mérite personnel. 
Quelques leçons qu’il reçut d’un vertueux ecclé- 
siastique furent les seuls moyens d'instruction que 
la modicité de la fortune de ses parents leur permit 
de lui donner. 

Très-jeune encore , il entra comme élève chez 
nn pharmacien de sa ville natale , d’où il sortit en 
1755, pour se rendre à Paris, auprès de M. Si- 
monnet , Son parent, qui y exerçait la même pro- 
fession, 

La guerre d'Hañovre ayant éclaté en 1757, Par- 


C37) 

“entier. fut employé dans l'armée francaise en qua- 
lité de pharmacien. Il logea à. Francfort-sur-le- 
Mein , chez le savant Meyer, dont il se concilia 
tellement l’estime et-l’amitié, que ce célèbre chi- 
miste Jui aurait accordé la main de sa fille, sil 
eût consenti à se fixer en Allemagne ; mais l'amour 
de la patrie et de l’étude l'emporta sur les plus 
tendres affections et sur, la séduisante perspective. 
d’un établissement avantageux. 

La sage conduite du jeune Parmentier , le zèle 
et les talents qu'il déploya dans son service , lui 
méritèrent de la part de lIntendant général des 
hôpitaux, le sage. Chamousset, des éloges et de 
l'avancement. 

La paix ramena Parmentier à Paris, en 1763. 1] 
employa les premiers moments de son retour à 
son instruction : il assistait aux léçcons de physique 
de Nollet, suivait les cours de chimie des frères 
Rouelle , dont il fut quelque temps le préparateur , 
et les herborisations de Bernard de Jussieu. Cepen- 
dant, ayant épuisé les ressources qu'il s'était ména- 
gées par son économie , il pria M. Loron de le rece-. 
voit comme simple élève dans sa pharmacie; il y 
resta jusqu'en 1765 , époque à laquelle une place 
dé pharmacien gagnant maîtrise étant devenue 
vacante aux Invalides, il se présenta au concours 
et obtint la préférence sur tous ses. rivaux. 
Après avoir achevé son temps , il fut reçut maitre. 
apothicaire ; mais, au lieu dese livrer à l'exercice de. 
sa profession , il crut devoir se vouer entièrement 
au culte des sciences, 

Ici commence la carrière savante de Parmentier , 
et tout le monde sait combien elle fut brillante. 

En 19571, l’Académie de Besançon ayant pro- 
posé pour, sujet de prix la recherche des plantes 

6 5 


(38) | 
alimentaires dont on pourrait faire usage dans les 
temps de disette , Parmentier se présenta au Ccon- 
cours et remporta la palme. Son Mémoire n’était 
que l’esquisse d'un ouvrage plus étendu qui parut 
depuis, sous le titre de Recherches sur les végétaux 
nourrissants, 


Quelques années après il publia sa traduction 
des Récréations physiques , économiques et chimiques 
de Model , savant pharmacien allemand. 

Appelé avec M. Cadet Devaux, par les états de 
Bretagne, à perfectionner en cette province l'art 
de fabriquer le pain, ses travaux furent honora- 
blement récompensés par une médaille d’or frappée 
à cette occasion. 


Ces travaux étaient loin de suflire à son infatiga- 
ble activité : il se rendit éditeur de la Chimie hy- 
draulique de la Garaye, et publia, en 1780, son 
Traité de la Châtaigne, ouvrage qualifié par les 
savants du titre d’excellent. 

Il offre ailleurs d’utiles remarques sur les cham- 
piguons. À l'exemple de son ami Bayen, il s'exerce 
dans l’analyse des eaux minérales , et considère sur- 
tout les eaux communes sous le rapport de la salu- 
brité pour la boisson et pour la fermentation pa- 
paire. 

A peine, il y a près d'un demi-siècle, la pomme 
de terre était-elle cultivée en France ; mais Parmen- 
tier l’examine, y trouve une fécule nutritive aussi 
saine qu’abondante, et, malgré les obstacles insur- 
montables en apparence que lui opposent les pré- 
jugés , il parvient en peu d’années à créer, pour sa 
patrie, des ressources qui la mettent désormais à l'abri 
des horreurs de la famine. 


En 1784, il remporta le prix proposé par l'Aca- 


(39) 
démie de Bordeaux, sur la culture et l’usage du 
maïs dans le midi de Ja France. 

Dans son Economie rurale et domestique , qui fait 
partie de la Bibliothèque des Dames , Parmentier 
s’occupe des soins à donner aux oiseaux de basse- 
cour, et trace de la manière la plus aimable le 
portrait de la laitière et d’une bonne fermière. 

L'analyse chimique du lait lui mérita en commun, 
avec M. Deyeux, le prix proposé sur ce sujet ; 
en 1790 , par la société royale de médecine. 

L'année suivante , ces deux savants reçurent éga- 
lement en commun, des mains de la même société, 
le prix sur l'analyse du sang. 

Parmentier eut aussi la gloire de concourir avec 
le Comte de Rumfort à l’établissement des soupes 
économiques ou aux légumes. 

Nommé Président du Conseil de salubrité de Paris, 
son ardente sollicitude ne négligea aucune occa- 
sion de se signaler, en écartant de cette populeuse 
cité tout ce qui peut nuire à la santé de ses ha- 
bitants, . 

Appelé au Conseil général des hospices , il pu- 
blia le Code pharmaceutique , dans lequel il fait 
connaître des améliorations importantes dans la pre- 
paration des vins médicinaux. 

Indépendamment de ces ouvrages particuliers , 
Parmentier a fourni de nombreux et excellents ar- 
ticles au Cours complet d’agriculture de Rosier , à la 
Bibliothèque Physico-Economique ; à la nouvelle 
édition d'Olivier de Serres, aux nouveaux Diction- 
naires d’histoire naturelle et d’agriculture , aux An- 
nales de chimie , au Bulletin de pharmacie , à la partie 
de l’Economie domestique de l’Encyclopédie par 
ordre de matières, et aux journaux les plus esti- 
més sur cette partie de nos connaissances. 

C 4 


(40 ) 

Enfin, des Anstructions très-utiles , publiées par 
ordre du Gouvernement, et dont il a eu soin de vous 
adresser des exemplaires, sur les raisinés, les si- 
rops. et les conserves de raisin , occupèrent les der- 
nières années de la vie laborieuse de notre savant 
confrère. 

Parmentier ne connut point les douceurs de l'hy- 
men ; mais il servit de père à ses neveux , et à tous 
les jeunes gens qui montraient du zèle et des talents 
pour l'art pharmaceutique. Son caractère était aussi 
doux qu’obligeant. Quoique privé des secours de 
la première instruction, il parvint à force d’étude 
et de travail, à occuper un rang distingué dans les 
sciences, et à mériter une place à l’Institut de 
France et au Conseil de santé des armées. Le Gou- 
vernement, reconnaissant des éminents services 
qu’il ne cessait. de rendre aux hôpitaux militaires , 
-en sa qualité d’Inspecteur général du service 
de santé, l’en récompensa en le nommant Officier 
de la. Légion d'honneur. Toutes ses pensées, toutes 
ses idées étaient inspirées, dirigées, soutenues par 
Pamiour du bien public. La mort, en tranchant le 
fl de ses jours, a enlevé à Phumanité un de ses 
plus ardents bienfaiteurs ; mais il vivra éternelle- 
ment dans la mémoire de l’indigent, du savant, de 
Fhommie de bien : il vivra surtout dans le souvenir 
de l'Académie de Rouen , qui s'honore de l'avoir 
possédé dans son sein , et qui le regardait à juste 
üire comme un de ses membres les plus distingués. 


C41) 


RARA 


AAA AR 


NOTICE BIOGRAPHIQUE 


Sur M. J.-S. Trizraye, D. M. à Rouen, correspondant 
de la Société de la faculté de médecine de Paris, 
de l’athénée des arts de la même ville , de l’Aca- 
démie des sciences de Caen , de la société mé- 
dicale du département de l'Eure , membre des 
sociétés anatomique et médicale d'instruction de 
Paris. 


Par M. ViTaAzrizrs. 


Né dans vos murs , élevé pour ainsi dire sous vos 
yeux, ses premiers pas dans la carrière des sciences 
furent marqués par de glorieux succès, et je rappelle 
ici avec plaisir que dans le concours qui eut lieu en 
1804 , à l'école centrale de Rouen, le jury lui dé- 
cerna , d’une voix unanime , les trois premiers prix 
de chimie minérale, végétale et animale. 

Entrainé par son goût vers l'étude de la médecine, 
il ne quitta sa ville natale que pour acquérir, sous 
les plus habiles maîtres de la capitale , les connais- 
sances nécessaires à l'exercice de l'art sublime de 
guérir. Là il eut le chagrin de perdre M. Antoine 
Thillaye, son frère aîné, qui avait aussi suivi mon 
cours de chimie, et dont les idées , si elles avaient 
eu le temps d’être perfectionnées par le travail et 
mûries par la réflexion , auraient pu le rendre utile 
aux arts. 

De retour à Rouen , après avoir subi honorable- 
ment les épreuves qui mènent au doctorat , M. Thil- 
laye partageait son temps entre l'étude et l’exercice 


(42) 

de sa profession. Il cultivait d’une manière distin- 
guée plusieurs branches de l’histoire naturelle , et 
particulièrement la botanique et l’entomologie ; il 
s'occupait aussi avec un zèle éclairé de la physio- 
logie animale , et vous avez accueilli, MESSIEURS, 
avec intérêt, plusieurs Mémoires qu’il vous a com- 
muniqués sur cette partie importante de la mé- 
decine. 

Déjà il était parvenu à se concilier la confiance 
d'un assez grand nombre de ses concitoyens , lors- 
que les besoins de nos armées l’appelèrent au ser- 
vice des hôpitaux militaires. 

Avant de se rendre à son poste , il avait eu le 
soin de faire remettre à l'Académie des Recherches 
pathologiques sur la sécrétion des gaz dans les vé- 
gétaux et les animaux , et deux Observations sur 
une catalepsie compliquée. 

Le compte avantageux que MM. vos commis- 
saires vous rendirent de ces deux ouvrages , lui 
méritèrent vos suffrages, et il fut associé aux tra- 
vaux de l'Académie en qualité de membre non 
résidant, 

Arrivé à Erfurt, il se donna tout entier à l’exer- 
cice de ses nouvelles et pénibles fonctions. Les soins 
assidus qu’il donnait aux malades ne tardérent pas 
à altérer sa santé; et, quoique déjà il portât dans 
son sein le germe de la maladie à laquelle il a suc- 
combé , et malgré même les représentations de ses 
chefs , son zèle le détermina à se rendre à Dresde, 
nouveau poste qui lui avait été assigné, et où it 
termina sa carrière dans le courant de novembre 
dernier. 

Notre nouveau confrère se distinguait non-seule- 
ment par ses talents et un ardent amour de l’étude ; 
mais encore par des qualités morales dont il 


(45) 
me serait aisé de fournir des preuves touchantes. 
il me suffira de dire qu'il donnait généreusement ses 
soins aux indigents, et j'en ai moi-même recom- 
mandé plus d’une fois, et toujours avec un égal 
succès, à son active bienfaisance. 

Puisse le tribut d’estime que l'Académie paie en 
ce moment à la mémoire de M. Thillaye, adoucir 
le chagrin de sa respectable mère presqu’octogé- 
naire , et condamnée à survivre à des enfants qui, 
suivant le cours originaire des lois de la nature , de- 
vaient être les soutiens et la consolation de sa 
vieillesse. 


C44) 


AAA AAA AAA A A AAA AAA AS AAAAA 
MEMOIRES 
Dont l'Académie a délibéré 1 impression darts 
ses actes. 


MÉMOIRE 


Sur les surfaces considérées comme lieux de sommets. 
communs de plusieurs pyramides. 


Par M, DurirHor. 


1. En déterminant l'expression des coefficients des- 
variables dans l'équation d’un plan passant par trois 
points donnés, M. Monge a remarqué que ces coëffi- 
cients étaient tout-à-fait semblables à une expression 
qu’il avait trouvée plus de vingt années auparavant, 
pour la surface d’un triangle par les coordonnées de- 
ces trois sommets; et, par une transformation très- 
simple, il en a déduit que, sil’on projetait un triangle 
donné dans l’espace sur trois plans rectangulaires , Ja 
somme algébrique des pyramides qui auraient pour 
bases respectives les trois projections et leur sommet 
commun en un point quelconque du plan du triangle 
donné dans l’espace, serait égale à une quatrième py- 
ramide dont le sommet serait à l'origine et qui au- 
gait pour base le triangle donné, En réfléchissant sur 
ce théorème, jai cru n'apercevoir qu’il n’était qu’un 
cas particulier d’une théorie beaucoup plus étendue 
que je vais essayer de développer. 

2. Les différents points de l’espace peuvent être 
regardés, chacun en particulier, comme le sommet 
commun d’un nombre indéfini de pyramides dont 
Jes bases seraient constantes de grandeur et de posi- 
tion; or, il est possible qu'on propose d'assujettir les 


(45) 
volûmes de ces pyramides à différentes lois, et les 
sommets communs, déterminés d’après ces lois, 
pourront caractériser une surface. 


3. Réciproquement, si plusieurs pyramides à bases 
fixes sont assujetties à avoir leur sommet commun sur 
un point quelconque d’une surface donnée, les rela- 
tions qui existeront entre les volumes des pyramides 
seront caractérisées par la nature de cette surface; et, 
la surface étant connue, on peut se proposer de dé- 
couvrir ces relations. Telles sont les deux questions 
qui vont être examinées dans ce Mémoire ; leur nou- 
yeauté méritera peut-être quelque attention. 

Les pyramides que je considérerai ici sont des so- 
lides renfermés entre une figure plane et la surface 
déterminée par un nombre infini de droites partant 
du même point et aboutissant à tous ceux du contour 
de la figure plane. Ainsi le cône ordinaire est une py- 
ramide à base circulaire. 


PREMIÈRE PARTIE. 


4. Dans cette première partie j’examinerai la pre- 
miére des questions précédentes, où l’on se propose 
de déterminer une surface, d’après la loi existante 
entre les volumes des pyramides à bases fixes dont le 
sommet commun repose sur un point quelconque de 
cette surface, et les coordonnées de ce sommet 
commun. 

La nature de la surface cherchée variera avec la 
loi qui lie les volumes des pyramides etles coordon- 
nées de leurs sommets; et, pour avoir la solution 
complette de chaque problème, il faudrait que la loi 
fût donnée dans chaque cas particulier. Cependant, 
pour présenter sous un seul point de vue tout ce que 
ces problèmes ont de commun, je supposerai que les 


(46) 
volumes des pyramides étant P, P', P/',etc., et les 
coordonnées des sommets communs, z’,7",2", On ail : 


F ( EP, 1.50, ) Ne NC Ta) 

Les fonctions F ete sont en général quelconques, 
mais doivent être particularisées pour chaque pro- 
bléême. 

On aurait l'équation de la surface cherchée si l’on 
pouvait exprimer les volumes des pyramides en fonc- 
tions des coordonnées de leur sommet commun, et de . 
quantités constantes , puisqu’alors l’équation (a) pren- 
drait la forme : 

F TE ts NES be 
et n'aurait plus lieu qu'entre les trois variables 
z', y', z' et des constantes. Or, par supposition, les 
surfaces des bases des pyramides, et les positions des 
plans de ces surfaces sont données : soient donc, 

Pour P... S la surface de la base et Ax + By + Cz + D = 0 
le plan de S 

P° P’... S' la surf, de la base et A’ x+B'y+C'23+D'=0o 
le plan de S’ 

P: P/’..,S/! lasurf, de la base et A!’x+B//7+C''24+D" = 0 
le plan de S'' etc. 

Les quantités... S.. S'.. S!...... A, A", A/",..B,B", 
B'’... etc. sont connues. Soient de plus z’,.7’, z' les 
coordonnées d'un point quelconque de la surface 
cherchée , on verra facilement que les longueurs des 
perpendiculaires abaissées de ces points sur les bases 
des pyramides sont respectivement : 


Az! + By'+Cz'+D Ar + B'y" + C':' + D’ 
ASE RERO 0 A PE DEteQiré 
A'"x'+ By" + C''z2! L D’ 


71metce 


(479 
D'où l’on déduit : 
S(Az'+Br' C2" D)  S'(A2" By" 4 C'2 D") 
MVNO MS VATER ECS TL 
Si l’on pose, pour abréger : 


AZ + B° + C: — d;, ‘A2 + B'° EL C'° = u!?, A! L B''° 
QU de 7 de 


On a : 
S k S” 
P=( Az! + By'+Cz+D )>P= 25 ( As’ 
+B'r" + C'2' + D) etc. (à) 


Substituant dans (a): 
S S" 
F ] 3, (Az'+By'+Cz'4+D) , =; (A'z'+ By" 
2u ou 
+ C'z' + D’) ct. | LD SN ere (ce) 


I ne reste plus qu’à particulariser, pour chaque 
problème, les fonctions F et +. 


5. La forme la plus simple que l’on puisse donner 
à F, consiste à supposer : 
F"(P,P’,P”, etc.) = P + P’ + P”’Letc. 
le second membre indiquant une somme algébrique. 


Posons en même temps : 
00,20) —" MT TER Ny' +Qz' +R; 


Ce qui revient à chercher une surface telle que 
la somme des pyramides à bases fixes, et dont le 
sommet commun repose en un point quelconque de 
cette surface ; soit une fonction linéaire des coordon- 
nées de ce point, l'équation (c) deviendra alors: 


(48) 
S (azppy cz + D Ÿ+ Sa py" + C2 
Su LA x Su! J “ 
(1 
+D') + Le (ana Bo" #D") + etc —=Mz! 
+ Nr'+Q2' +R. 


La surface cherchée est donc un plan, dont la posi- 
tion dépend, en général, de l'étendue des surfaces 
données, et de leurs situations respectives. 

Si l’on fait M =0, N=0, Q =o, ce qui revient à 
supposer la somme des pyramides constante, on 
trouve , en se bornant à trois pyramides etordonnant: 
zx! Qu'ur AS -L uu'" A'S" ee uu'A!''S!'' ) + 7 ( un [44 BS 
+ uu''B'S'" + uu'B''S" ) + z' (ulu”!CS + uu!!C'S" 
uu' leLu S’? ) ee u'u''DS + uu!'D' O7 ee uu!' D’! S!r 
SORA des eee Mia et etre À deu Les (d) 
équation symétrique , et par-là même assez remarqua- 
ble. Pour examiner la forme que prend l'équation (4) 
dans quelques cas particuliers, je supposerai, d’abord, 
que tous les plans des bases deviennent parallèles, 
Cette circonstance sera exprimée par les équattons : 

M PACE PAS 


BeubBlrs. BR? 
Ce CSC, douusu=n 
etc. 


Introduisant ces conditions dans l'équation (d), 
oh à : 
Az! (S4S'4S")+By" (SHS/ÆS")H C2" (SHS' HS") 
DS DIS CP DUST = 5 RARE, L.. 202 (f) 
Qui est l’équation d’un plan parallèle aux plans des 
bases. Enfin, si toutes les figures planes sont situées 
dans le flèe plan, on aura: 
D = D'= D''et( f) deviendra : 
3R uw 
’ 42 E à à 2 
Az + By + Cz + D aa S+sS'"+s" 


Le 


(49) 
Le plan auquel appartient cette équation coupera 
l'axe des z à une distance de l'origine exprimée par 
5Ru D 
GROS LS DT” 
et la distance entre ce plan et le plan commun des 
bases, mesurée sur l'axe des z, sera : 
5 Ru 
TS ES FE 

Au moyen de cette expression, on peut se repré- 
senter, par la géométrie le résultat précédent. 
Soient MN, PQ, fig. (1), le plan des bases et celui 
des sommets, OZ l’axe des z; BC la partie de cet axe 
interceptée entre les deux plans; BA la plus courte 
distance entre ces deux plans : on a par ce qui pré- 
cède 

5uR 
C(SHESES7) 

Dans le triangle BAC rectangle en À, il est facile de 
voir que l'angle ABC est égal à l'angle formé par le 
plan MN avec celui des xy, donc, 

cos. À BC = ae 


u 


BC = 


Donc la hauteur commune à toutes les pyramides 
comprises entre les deux plans, où la ligne BA sera 
égale à 
5R 
S + S’ + S!! 

Et si l'on multiplie cette hauteur commune par le tiers 
de la somme des bases, ou + (S+4S'+5), on 
trouve pour produit la constante R, ce qui devait 
être. 

6. Plaçons les trois bases dans les trois plans coor- 
donnés, savoir S dans le plan xy,S' dans le plan 
zz,S"' dansle plan re, il suffira de faire : 

D 


(€ 50 ) 

= oo) CRDP 'E 6, n'en 

BV") OR SE 047 I 

AUS 0 , CE 0, Mi ! 
Introduisant toutes ces suppositions dans (d) on a: 

Sz'+ S'y + S'z = V 

V étant une constante, équation dans laquelle les 
coëfficiens des variables sont les surfaces mêmes des 
bases, multipliant et divisant le dernier terme par 
VS +5" + STet prenantle tiers de tousles termes, 


on obtient : 

NV vs 
1527387" HS" = VS ST + ST 
Equation qui n’est que la traduction analytique du 
théorême de M. Monge, énoncee ci-dessus (1). 

7. Aprésavoir supposé quela fonction F(P,P',P'') 
prenne la forme P + P'Æ+P/”' + etc, Je passe à l'hy- 
pothèse à-peu-près aussi simple : 

P + P" etc. 
F CS ANS AT _ LÉ PR TE 
P' + P'7 + etc. 
en supposant toujours & (x’,7’,z") une fonction 
linéaire, on a : 
P HP" etc. 
© =Mz+Ny'+Q:' +R. 
PPT etc. PDT 

Le dénominateur est une fonction du premier de- 
gré, de sorte, qu’en le faisant disparaître on aura 
une équation du second degré : la surface cherchée 
sera donc, généralement parlant, du second ordre. 
Pour plus de simplicité, supposons que le second 
membre se réduise à la constante R , et bornons-nous 
à deux pyramides, on a : 


u'S(A x'+By LC +D). 


ae 
uS'(A'z'+B'y'+C'z +D') 


C51) 
Réduisant et ordonnant : 
z'{u! AS—RuA'S')+y" (nu! BS=RuB'S') 
+ 2! (u!CS— Ru C' S')+u DS — Ru D’ S = 0.0) 

En supposant que les bases des pyramides soient 
entre elles comme les volumes, où, S=S'R, on sim- 
plifie beaucoup l'équation précédente. Par-là elle se 
réduit à : 
z'Qu'A mu A!) + y! (u Bu B') +2 (u'C—ucC") 
+ u D—uD' = 0. 

Quand les bases deviendront parallèles, il suffira 
de faire dans (g) 

N=ASB=RB,C-C,nu=u 
ce qui donne : 
A z'(S—S'R)+By'(S—S'R)4+Cz:(S—S'R) 
+DS — RD'S' — 0, 

Le plan des sommets devient donc parallèle à 
ceux des bases ; si à ces conditions on ajoute la sui- 
vante : 

S—S'R—=o 
l'équation précédente se réduit à 

DS—RD'S' —=o 

entre des quantités constantes. Cette dernière équa- 
tion ne peut étre satisfaite dans l'hypothèse actuelle 
que par D = D’. Donc, si les bases ont entre elles 
le même rapport que les pyramides, les plans de 
ces bases ne peuvent pas être parallèles , et il faut 
qu'ils se confondent et ne forment qu’un seul et 
même plan, ce qui, après tout, est un cas parti- 
culier du parallélisme. 

Si dans l'équation (2) on fait S = S’ elle devient 
indépendante de la surface des bases. 

Je passe au cas où les plans des bases sont perpen- 
diculaires entre eux. Je place la base de l'une des 

D 2 


C52) 
pyramides dans le plan de x =, et celle de l'autre 
das le plan des yz, ce qui revient à supposer 
AUDE D, 1, C MED ED SU =7 
AE HL Blé'o, C'ÆOSNDRAET SP AE=ITx 
ce qui réduit l'équation (g) à la suivante: 
SYP—RS TL = 0... pessssotenernes .. (D) 

Le plan des sommets devient perpendiculaire au 
plan des x , y , et renferme l'axe des z, comme on 
peut se le représenter intuitivement par la géo- 
métrie, 

Soit O , l'origine des coordonnées (fig2) Ox, 
Or, Oz, les trois axes O Z P Q le plan des som- 
mets, m l’un des points de ce plan, S, S’ les bases 
des pyramides P , P' dont m est le sommet pg 
=ÿ',pr= zx", «a = xOQ. D'après l'équation, (4\ 
on aura : 

R S” 


Le triangle p O q donnera par-là 
pPo—=O a 


donc.... P =:09g.RS" 
mais.... P=2:09g.S 
e. , 
Donc... pr =R comme on le savait d'avance. 

8. On pourrait faire encore sur la fonction F dif- 
férentes suppositions , et prendre + du second degré, 
mais on serait conduit à des surfaces d'un ordre 
supérieur, et la discussion de ces surfaces pourra 
faire l’objet d'un second Mémoire, Cependant nous 
jetterons un coup d’œil sur le cas où............. . 

FCP,P', PM.) = P°P HP 4, etc. 
en supposant 9 (x”,7", z' ) égale à une constante 
M, l'équation (c) deviendra : 


(53) 
s. 
(as ++ c"+D): + (4 2 By 


+Cs+n")"+ eur {Az + By IRC + 1 +0") "+ 
qu?” \ 
ElCes se. — M°: 
On voit qu’en général cette surface est du second 
ordre. Si l’on place S dans le plan des x, y 
» 
dans celui des x z, S! dans celui des yz, 
on a : 


Mon Ru oi =, Dù So) sh 
DR MR ir Gt 0 Dot SE 
D'ESPACES 


ce qui transforme l'équation précédente en 

24 Sy HS" 22" = 9 M”. 
Equation d'une ellipsoide, dont le centre est à l’ori- 
gine, et qui, si les bases sont égales deviendra une 
sphère représentée par l'équation : 


M: 
z'°+py"" +2 =< 


5M : À 
dont le rayon est —5-i Comme on pourrait le voir 


par la simple géométrie. Les résultats précédents 
sont pour les surfaces du second ordre ce qu’est le 
théorème de M. Monge pour les plans. En changeant 
les signes des quarrés des pyramides , on pourrait 
tomber sur des hyperboloïdes. 

g. Avant de terminer la première partie de ce 
Mémoire , j'examinerai sous quelles conditions la 
somme de plusieurs pyramides devient constante , 
quand les sommets communs de ces pyramides 
doivent rester dans un plan représenté par l'équation, 


A2 +HB:p'ÆG, 3 + D, =0 see c010(4) 
D 35 


(54) 


La somme des pyramides est 
Sa ++ cs +D)+ er (4' x! + B' >" 
+ C'z z! + D’ )r(a"= x'+B"y +C'' z ») +0" )+ 


Si l'on prend dans (h) la valeur de .z" et qu’on 
là substitue dans la fonction précédente , elle con- 
tiendra encore deux variables zx", 7", égalant à O 
les coëfficiens de ces variables, on aura deux équa- 
tions de conditions pour que la somme soit cons- 
tante, Telle est la marche que je vais suivre. 


La somme des pyramides peut se mettre sous la 
forme : 


ES A'S' RARE BS PEL 


3 u u' ul! pr ete 


B'’ Ée 


c's’ Le cs" 


+etc 
DS TE A Hd 


2e etCes 


+: Sous 


prenant és Fr PR z' dans (4) et la substituant 
dans la dernière fonction , il vient : 


12 AS A'S’ AT:S"" A, ,CS C’ S° 
: mi Es 


u u! TL ce u u 


w. se re x A )) Le te pee S" er sy B, 
. SR 7 ren TG 
C' LA C"!’ sb 


D'S" 
CORRE + etc. > +: Cite 
D’’ S'r = G S C' EU C'rS 
DNA RAS 
en égalant à o les coëfficiens de z’ et y’, on ob- 
tiendra pour les conditions cherchées : 


(55) 
AS A'S" A’!S/r A, CS c's’ c'!'s'r ) 
NE = el 12 ; 


PL u!! as u uw! u/! œ 
BS B'S’ p’’S"? CS c's’ CSC 
tar greg Ce) = 


alors la somme rat Ra à sera constamment 
égale à 

DS D'S’ D’!/$S'’ D, CS c's" USE 
Li 
3 ts ur ee DU RR BUS UE gr) Jr D 
Si cette constante de être sde à et égale , 
par exemple a R, on joindrait aux équations (k) une 
nouvelle équation de condition : 


DS, DS. D’S"D,/CS, C'S’ CS Nr 


u u’ CHAUX 8 ET FU u! u!! 


On peut déduire des équations À, une consé- 
quence remarquable: c’est qu’elles auront lieu in- 
dépendamment du plan des sommets si l’on a sé- 
dé: 

A! S’ A!’ S'' 
EN re 10 


BS B'S' B”S" + etc. = 0 


LA r C'! 1r 
CS het L + etc. = 0 

Il existe par STAR certaines positions des 
figures planes , pour lesquelles la somme des pyra- 
mides sera toujours constante , quelque soit la po- 
sition du plan des sommets. On remarquera aussi 
que les premiers termes de la constante (/) sont les 
volumes des pyramides qui auraient leurs som- 
mets à l'origine , et pour bases les figures planes 
données. 


On pourrait chercher de même les conditions 


pour que le rapport d'une somme de pyramides 
D 4 


(56) 
à une autre somme de pyramides fût constant. 
On tomberait sur quatre équations de conditions , 
dont deux seraient absolument semblables aux équa- 
tions (4), les deux autres s’en déduiraient en chau- 
geant les lettres accentuées. 


SECONDE PARTIE. 


10. Une surface étant donnée , avec plusieurs 
bases fixes, trouver la relation qui existe entre les 
volumes des pyramides auxquelles appartiennent 
ces bases, et qui ont leur sommet commun sur la 
surface donnée. 

SO... 9 Cu 7" 2) =D res raroopes (1) 
l'équation de la surface P , P’, P’’...... etc., les vo- 
lumes des pyramides on a : 


1.48 LA ? L L = ==, S” TEE 
P= (Az LBy'+Cz+D Jp = (4 * 


[14 
+ B'y'+C'2 + );P" =. . zx! + By" 


C''2"+ D") ; etc. 


Tout se réduit à réunir à l'équation (r) assez d’au- 
tres équations pour éliminer les variables x’, y" ,2", 
et obtenir par-là une équation entre les pyramides 
P,P’,P//.... et des constantes ; mais, comme dans 
tous les cas i] n’y aura que trois variables à éliminer , 
il suffira de trois pyramides pour éliminer ces va- 
riables , et le nombre des relations distinctes entre 
les pyramides croitra avec le nombre des pyra- 
mides. 

Ici se présente d’elle-méme une remarque assez 
curieuse : c'est que , si le nombre des pyramides 
données dans l’espace surpasse trois, il existe entre 


(57) 

leurs volumes et des constantes des relations ne- 
cessaires pour que leurs sommets soient situés au 
même point. Pour se convaincre de cette vérité , 
il suffit de remarquer que les équations précé- 
dentes peuvent être considérées indépendamment 
de l'équation de la surface. + ( x" ,7", z')= 0. 

Avant de faire l'application de ce que je viens 
de dire à la solution de notre probléme , je vais 
m'occuper de ces relations entre les pyramides. 

11, Prenons d’abord les deux pyramides 


S S” 
P=p(a2'+By"+Cs +D);r = ee x! 


+B'y" + C' z'+ D’ ) 

On ne peut pas généralement éliminer z',7", 2 
de ces équations, et tomber encore sur une équation 
de condition; mais il existe cependant un cas par- 
uculier où cela est possible, c’est celui où l’on a : 

DA BR BG Can; 
c'est-à-dire , où les plans des bases sont parallèles, 

Si l'on fait 


L 


Az'+By'+Cz=2. 
il vient : 
SP. S' 
P=(z+p), P=(Z2+D') 
dont il faut éliminer Z ce qui donnera: 
Gu (PS'— SP) —SS (D—D') 

Si P est constant P' le sera aussi. Si les plans 
viennent à se confondre , cas où l'on a D = D’ 
l’équation précédente se réduit à 

PS'—SP'=0, ou, 
P S 
= 
c'est-à-dire que les pyramides qui ont leurs bases 


(58) 


sur un même plan, et leur sommet au même point 
sont entre elles comme leurs bases ; ce qu'on sa- 
vait d’ayance. 


12. Supposons qu’on ait trois pyramides de même 
sommet et de bases quelconques, 


LA 
P— - ( Az'+By'+Cz'4+D ) P'- Le ( A'x'+ By" 


14 
+C'z'+D" er _ S 5 A'!x!'ÆpB'y"+C''z LD" ) = 


5u 
EtCessssss serre ses ones esenesessseseses (2) 
On ne peut pas encore, généralement parlant, 
obtenir une équation de condition entre les pyramides 
et des constantes ; mais comme on a trois équations et 
trois variables, x’, y", z', on pourra en déduire les 
valeurs de ces trois variables. Ainsi, étant donnés 
les volumes de trois pyramides de même sommet 
et leurs bases, on peut déterminer les coordonnées 
de leur sommet commun. Il suit de-là, que tous les 
points de l’espace peuvent être rapportés à trois fi- 
gures planes fixes, et seront déterminés, sans au- 
cune ambiguité, par la connaissance des volumes de 
trois pyramides qui auront leur sommet commun 
en ces points, et pour bases les figures données. 
Si l’on pose : 
SD — 3u P — SE 
S'D' — 3u’ P' — S'E’ 
S'D''—n= Gu!! p’’ _ S''E’ 
Les équations qui serviront à déterminer les coor- 
données du sommet seront : 
Az" + By + C2 HE 0 
Aa + By" + Cz HE —o 
A!!! —— BY" + C’" 27! — E’’ = 0 
Il est inutile d’en rechercher les racines qui sont, 
comme on le sait, très-faciles à former. 


C59) 
13. Les équations (2) conduisent à une équation de 
condition, si l’on a : 
À 
B 
Car si l’on suppose 
Az, Br Z 
ORBéesmeccns AUX + BAD 
A!" x" + BU — Z 
et les équations (2) deviennent : 


P=S «( Z+C2'+D ) RUE &. (z+cs+0") : 
(2H: D"). 


Eliminant Zet z’, on trouve : 


S ( C—C) (Su!P'S'"—3u""P''sS" ) mn EU (C'—C" ) 
=O 


WI 
D > 
Wu 
Te 


= 7 


(SuPS'—3u'P'S ) 22. SS'S'’ [(C—C') (D'—D") = 
(C0) (D—D')] 
Si l'on se donne les volumes de deux pyramides, 
on pourra, au moyen de cette équation, détermi- 
ner le volume de la troisième. 
Il est facile de voir ce que signifient en géométrie 
les équations 
AAA AT à à = : MAR SAIS (3) 
En effet , les équations des plans des bases sont : 
Az +By +Cz +D =o 
A'x + By + C'z + D' =0o 


A''x _ B''r + C!!z . D’! o 
Si l'on y faitz —0o, on a pour les traces sur le plan 
desx,#r; 
Ar +Br +D =o 
Az + B'y + D’ =0o 
A!" —- B''y + D'’ = O0 


Or, à l'inspection seule de ces équations , on voit que 
; P 


* 

%, (60) 
les équations (3) signifient que lestraces des plans des 
bases sur le plan des xy, sont parallèles. On pourrait 
déduire de-là, par la géométrie élémentaire, que les 
hauteurs des pyramides sont situées dans le même 


plan. 


Si l’on ajoutait à ces conditions les suivantes: 
ERA E | LA 


On indiquerait que les plans des bases se coupent 
suivant la même ligne droite, et l'équation de condi- 
ton se simplifierait considérablement. Elle deviendrait 
par- là : 

S(C—C')(32/P'S/—3u/"P'S")—S'" (SuPS'—3Su"P'S ) 
( C'—c") = 0 


Il est inutile d'examiner le cas où les plans des 
bases se confondraient; on le discuterait comme 
celui du n°11, et il conduirait au même résultat. 


14. Pour quatre pyramides on obtiendrait, sans 
aucune supposition préliminaire , l'équation de condi- 
uon. Si l'on supposait toutes les traces sur l’un des 
plans coordonnés parallèles entre elles, cela revien- 
drait à supposer une inconnue de moins, et l’on aurait 
deux équations de condition entre les volumes pour 
que les pyramides aient même sommet. Enfin le pa- 
rallélisme des plans des bases donnerait lieu à trois 
équations de condition. 

En général si l’on a m pyramides de bases diffé- 
rentes, il faudra m—5 équations de condition entre 
les volumes de ces pyramides, pour qu’elles aient 
même sommet. Si toutes les traces des plans des bases 
sur un des plans coordonnés sont parallèles , on aura 
m—2 équations de condition; si tous les plans des 
bases sont parallèles on en aura m—1. 

Ainsi on ne pourra jamais regarder le volume des 


(61) 

pyramides comme connu, si ce n’est dans le cas de 
deux ou de trois pyramides. Dans tousles autres cas 
on ne pourra prendre, au plus, que trois volumes 
déterminés ; si tous les plans des bases sont parallèles 
on n’en pourra prendre qu’un seul, 

15. Introduisons maintenant l'équation de la sur- 
face : 

(zx, r, 2h) 10 

En la joignant aux équations des pyramides, on 
obtiendra une équation de plus que dans le cas pré- 
cédent; ainsi, pour m pyramides, on aura m—2 
équation de condition , et l’on ne pourrait se donner 
que deux volumes. 


Si la surface donnée, sur laquelle toutes les pyra- 
mides doivent avoir leur sommet, était un plan re- 
présenté par l’équation 


Ar E By Cr +ED, = a 
On pourrait prendre successivement avec cette 
équation , une, deux, trois, etc. pyramides, ou ver- 
rait que l'élimination n’est généralement possible que 
dans le cas où l’on a trois pyramides, et que le 
nombre des équations de condition entre les cons- 
tantes et les pyramides se multiplie, lorsque lon 
suppose que les plans des bases sont parallèles ou 
même que leurs traces sur l’un des trois plans soient 
parallèles. Cependant, nous nous dispenserons de 
rapporter les calculs, parce qu’ils sont, à très-peu 

de chose près, semblables aux précédents. 


16. Enfin si le sommet commun des pyramides, 
au lieu d’être assujetti à rester sur une surface don- 
née, devait se trouver continuellement sur une 

“ligne donnée; aux équations qui donnent les vo- 
lumes des pyramides, il faudrait joindre les deux 


C6:) 
équations des projections de lalisne. Avec un peu 
d'attention, on verra que » pyramides donneront 
m1 équation de condition. Je vais appliquer ces 
principes à la ligne droite. 


x'= az +a J'=bz +8 
Prenons d'abord une seule pyramide 
L— = Az" +By'+C:'+D ) 


On ne peut pas, en général , déduire de ces équations 
une équation de coudition, mais on réduit facilement 
la valeur de P à 


Pi (caa+B5+0) 2! Aa + BB +D) 


Cette équation ne contiendra plus de variables, 
pourvu que l’on ait : 

Aa+B&+C=0o 
Ce qui est la condition pour que la droite des som- 
mets soit parallèle à la base des pyramides. 


Pour une autre pyramide P', dont le sommet de- 
vrait être placé au méme point, on aurait : 


ee (ca +2 +0) s4+A'e+BE+D) 


Prenant la valeur de 2’ en fonction de P pour la substi- 
tuer dans P’, on trouve pour équation de condition : 


S'(a'a+B"5+0) (Ps Aa +B8+D) ) # 
—S(a +B6 +C ) (Ps (a"2+n6+D")) f 


Cette équation devient identique par les suppo- 
sitions “ 


0 


A'a+B'&+C'=0o 
Aa + Bb +C =o 


(63) 
qui indiquent la parallélisme des bases avec la droite 
donnée. Mais il ne faut pas en conclure qu’il n’y a pas 
d’équation de condition; c’est, au contraire, parce 
qu'il en existe deux qui se présentent d’elles-mémes 
dans les valeurs de P et de P”’. 
Les équations de condition que l’on obtiendrait en 
augmentant le nombre des pyramides seraient sem- 
blables à la précédente. 


On trouverait, en suivant la même marche, les 
conditions analogues pour les courbes à double cour- 
bure, puisque ces courbes sont données par les 
équations de leurs projections ; mais les équations de 
condition que l’on obtiendrait seraient en général 
d’un degré supérieur au premier. 


ADDITION. 
Minimum de la fonction 
RONPOPET, PTE T0) 


Lorsqu'une fois on a adopté une forme pour la 
fonction F, on peut rechercher les conditions pour 
que cette fonction soit un minimum où un maximum ; 
il suffira , généralement parlant, dela regarder comme 
fonction explicite de trois variables et de poser : 


DEL GPIR RES ES 47) CAN A QE el RARES 

subie a 2 MO D 0 à 

CRUE PARU...) 
dz! 


= 0 


= Oo 


Soit pour exemple : 
FCP,P', Pie.) = P'+ PHP L etc. 


Une telle fonction n’est pas susceptible de mazxt- 


€ 64) 
mum ; parce qu'on peut faire croître indéfiniment 
P,P',P/, etc. on aura pour le minimum 


2 | AC 
5e (as+by+cs+D)a+s ti (aa 
4 
+ By" + C'a + D") A+ ete. = 0. 
. De , U L Sn 4 F 
2 (Aa +R +04 D) B+3 2 (Az 
+By'+C'a + D") D ete. = 0 


2 LA 
2 (as +Br+ce+D)c+3 Es (ax 


114 
+ By" + C'e" D’) C'+ ete. = o 
Ces trois équations donneront en général des va- 
leurs déterminées pour x’, 7", z'. On déterminera 
par-l le point par lequel la somme des quarrés des 
pyramides sera la plus petite possible. 
Elles sont satisfaites par 
A x +B y +C +D 
Ar x! + B’ r' + cC' z! + D’ 
A"! zx! + By + Gr z! + D’ = 0 
etc., etc. 


WI 


2 © 


Comme on pouvait le prévoir, puisque l'on écrit 
par-là que les plans des bases forment un angle so- 
lide, qui a pour sommet le sommet commun des 
pyramides; tous les volumes des pyramides se ré- 
duisent donc à des surfaces , et la somme de ces 
volumes est en effet O. 

Faisons : 

D:= OtDE= TD 

Ce qui veut dire que les plans passent à l’origine 

et imaginons en outre qu'ils aient une autre point 
dy B, 


(65) 
æ,B,7y commun. Les conditions pour le minimum de- 
viendront : 


(az +By" HG: Ja+: SEC Aa + By" 
4 G'2 ) A" + etc. = 0 
: AOL ATEN 2! + By 
Dee 

? u2 (Az +By' +ce )c+3% 
+c' 2) C'+ete. = 0 


En multipliant la première par & , la seconde par 
B , la troisième par y, eten ajoutant les trois équa- 
tions résultantes, on obtient une équation identique. 
Donc une de ces équations est la suite des deux 
autres. Les trois équations donnent donc une ligne 
droite pour tous les points de laquelle la somme 
des pyramides est un minimum ; et avec un peu 
d'attention , on verra que cette ligne droite est la 
commune intersection de tous les plans donnés. 


S’a LA 1 yet 
Sara +8y 


Suivent les deux Figures dont est 
question dans le Mémoire qui pré- 


cède. 


Ercraer. 
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Mémoire sur les Surfaces, etc., page 44 du Précis Analytique. 


Frc. 


( 67 ) 
OBSERVATIONS 


Sur les plaies avec perte de substance de l'écorce des 
végétaux ligneux. 


Par M. Marquis, D. M. P., Professeur de Botanique 
au Jardin des Plantes de la Fille de Rouen, 


Si la physiologie des végétaux est une des bran- 
ches les moins avancées des sciences naturelles , la 
connaissance de leurs maladies, soit externes , soit 
internes , des phénomènes qui les accompagnent, 
des moyens curatifs qui leur conviennent, l’est en- 
core beaucoup moins. 

Les observateurs ne sont point encore d'accord 
entre eux sur la manière dont se cicatrisent les 
plaies avec perte de substance faites à l’écorce des 
végétaux, et particulièrement des arbres. 

C'est cependant un des phénomènes patholooi« 
ques que le cultivateur doit étre le plus souvent 
à portée d'observer ; c'est un de ceux qui présen- 
tent en apparence le moins de difficultés. 

Suivant Duhamel, on voit bientôt sur la portion 
d'un arbre qu’on aura privée de son écorce , s’éle- 
ver de l'aubier une foule de petits mamelons gés 
latineux qui, s'étendant et se réunissant enfin , for- 
ment une écorce nouvelle, 

C'est le fluide mucilagineux désigné sous le nom 
de cambium , spécialement destiné à la nutrition de 
toutes les parties et source de toutes les produc- 
tions nouvalles dans les végétaux , qui parait dans 
ce cas reproduire l'écorce enlevée de la même 
manière quil forme les couches annuelles de 
liber. 

Mais, s’ilen faut croire d'autres observateurs, et c’est 
particulièrement l'opinion d’un naturaliste des plus 

E 2 


(63) 
distingués , M, Palissot de Beauvois, de l'Institut , 
l'écorce ne se reproduit jamais de cette manière. Il 
parait même révoquer en doute le suintement du 
cambium , et le concours de cette substance à la 
formation annuelle du liber. 

« Quand on à enlevé une portion d'écorce à un 
arbre ( dit, en rendant compte du sentiment de 
M. de Beauvois à cet égard, le Secrétaire de la classe 
des sciences physiques et mathématiques de l'Ins- 
titut,.analyse des travaux de 1812, page 20 } et 
qu’on a bien frotté la plaie de manière à n’y lais- 
ser ni liber, ni cambium , l'aubier ni le bois ne 
reproduisent rien ; mais les bords de la solution de 
continuité faite à l'écorce s'étendent , recouvrent le 
bois resté à nu, et produisent alors du liber et de 
l'aubier incontestablement émanés de cette écorce. » 

Laquelle doit-on adopter de ces deux opinions , 
et s’excluent-elles aussi réellement qu'elles le pa- 
raissent ? 

Il n’est pas rare , dans les sciences, de voir des 
sentiments, enapparence tout-à-lait opposés , se con- 
cilier cependant avec facilité ; quand on les examine. 
et qu’on les compare sous toutes les faces et sans pré- 
yention. Cette sorte de philosophie conciliatrice 
( passez-moi cette expression ) qui cherche surtout 
les points de contact des diverses opinions, me 
parait même devoir être souvent le plus sûr moyen 
de parvenir à la vérité. 

L'observateur , uniquement rempli du point de 
vue qu'il a saisi d’abord , rejette quelqæefois sans 
assez d'examen tout ce qui ny cadre pas, et re- 
garde. trop légèrement son lopinion comme exclu- 
sive de toute autre. 

‘Mes observations me portent à regarder les deux 
opinions dont je vous ai rendu compte ; savoir : 


(€ 69) 

celle de Duhamel et des autres auteurs qui pen- 
sent que l'écorce peut se reproduire par le suinte- 
ment du cambium, à-peu-près comme Île liber, et 
celle de M. de Beauvois, qui croit qu’elle ne se 
reproduit jamais que par l'extension des bords, 
comme également vraies , mais dans des circons- 
tances diflérentes. 

On sait que le cambium n’abonde dans les végé- 
taux entre l'écorce et l’aubier qu'à deux époques 
de l’année, au printemps et en automne. 

La reproduction de l'écorce par le moyen du 
cambium ne peut avoir lieu qu'aux époques où cette 
substance abonde , et spécialement au printemps. 

Elle ne peut même, comme Pa observé M. Fé- 
burier, avoir lieu , même à ces époques, qu'au- 
tant que la plaie est abritée. Sans cette précaution, 
le cambium est dissous par l'air à mesure qu’il 
exsude , et la plaie se dessèche toujours. 

On empêchera également la reproduction de 
l'écorce en frottant fortement la plaie, comme le dit 
M. de Beauvois, opération qui altère et dessèche 
nécessairement la surface dénudce de l’aubier en- 
core tendre. 

Mais, en abritant soigneusement la plaie du con- 
act de l'air et de tout frottement, surtout si elle est 
peu étendue, et qu’elle ait lieu sur un jeune vé- 
gétal, la plaie west pas très-long-temps sans étre 
recouverte par une nouyelle écorce plus mince, 
plus tendre il est vrai que celle qu’elle remplace, 
mais qui n’a besoin que du contact de l'air pour se 
fortifier et se colorer. 

La cicatrice se formant alors en méme-temps sur 
tous les points , et n'étant pas plus épaisse sur les 
bords qu’au milieu , il n’est pas possible de Fauri- 
buer à l'extension des bords. 

3 


C70,) 

Voilà ce que j'ai observé l'année dernière , con- 
jointement avec M. Dubreuil, jardinier en chef du 
Jardin des Plantes de cette ville, botaniste et cul- 
uvateur éclairé, sur plusieurs pieds de houx , dont 
la partie inférieure avait été dénudée de son écorce 
dans un transport. Au moment où je vous parle , 
on peut difficilement , sur ces houx , distinguer 
l'écorce reproduite de l’ancienne. 

Il y a lieu de croire au reste que cette sorte de 
régénération n’est pas due uniquement au cambium ; 
et que quelques portions de tissu cellulaire soule- 
vées par ce fluide s'échappent avec lui entre les 
tubes de l'aubier , et concourent à la formation de 
la nouvelle écorce, 

Mais la plaie a-t-elle lieu à une autre époque de 
l'année au milieu de l'été, par exemple ? Comme 
il w’y a point alors de cambium , il w’y a point non 
plus de formation immédiate d’une nouvelle écor- 
ce , et la partie de lPaubier mise à nu se dessè- 
che également, soit qu’elle soit abritée , soit qu'elle 
ne le soit pas. 

Aucun changement sensible dans l'état de la plaie 
jusqu’au prochain retour de abondance du cambium. 
Mais alors on ne le voit pas, comme dans le pre- 
mier cas, former en méême-temps sur tous les points 
de la partie dénudée une couche réparatrice, en 
s'y étendant. La surface desséchée demeure telle , 
mais le tissu cellulaire des bords et surtout des 
bords supérieur et latéral s'étend (1), et, formantun 
bourlet , recouvre une partie de la plaie. Ce bourlet 
mm RE NN ENE OU 16 3 ARR) 

(1) Dans l'examen d'un grand nombre de cicatrices de ce 
genre, j'ai presque toujonrs vu les bords latéraux plus avancés 


que le supérieur, quoiqu'on regarde ordinairement ce dernier 
comme faisant les progrès Les plus prompis, 


(71) 
s'étend davantage à la sève suivante , et continue 
ainsi jusqu’à ce que la plaie soit entièrement fermée. 

La cicatrisation n’en est cependant pas toujours 
complette dans ce cas, et il y reste toujours une 
dépression , une sorte d’ombilic plus ou moins Mmar- 
qué. 

Ce dernier mode de cicatrisation est, comme on 
voit , bien plus lent que l'autre, et ne peut avoir 
lieu qu'en plusieurs années pour peu que la plaie 
soit grande. 

Je crois pouvoir conclure des observations et des 
réflexions dont je viens de vous faire part , que 
dans des circonstances différentes , la cicatrisation 
des plaies , avec perte de substance de l'écorce des 
végétaux ligneux, se fait tantôt d’une manière gra- 
duelle et lente, par l'extension des bords et la for- 
mation des bourlets, comme M. de Beauvois paraît 
d’après le passage cité plus haut, le penser exclu- 
sivement ; tantôt d'une manière beaucoup plus 
prompte par le moyen du cambium , à-peu-près 
comme le pensait Duhamel , et par un travail de la 
nature semblable à celui qui donne naissance aux 
couches de liber qui viennent augmenter chaque 
année le diamètre de l'arbre. 

Mais ce dernier mode de cicatrisation , cette ré- 
génération immédiate de l'écorce n'est possible qu’à 
Pépoque où le cambium est le plus abondant , à 
époque où la nature forme la couche annuelle de 
liber , c’est-à-dire au premier printemps. 

Ayant en effet, dans le courant de l’été dernier, 
enlevé sur plusieurs arbres des plaques d’écorces , 
j'ai toujours vu, comme M. de Beauvois , la surface 
dénudée se dessécher , avec quelque soin que je 
Vaie garantie du contact de l'air. 

E 4 


C72) 

On peut tirer des observations précédentes une. 
indication pratique. 

Assez généralement les cultivateurs ont l'usage de 
recouvrir les plaies quelconques des arbres de di- 
verses compositions , dont la plus simple et la plus 
ordinairement employée se fait d'argile et de paille 
hachée. 


Mais si une pareille application est faite sans les 
précautions convenables , et si , comme cela à 
presque toujours lieu , on la laisse se dessécher et se 
durcir , cette application peut souvent être contraire 
et rétarder la formation de la nouvelle couche 
corticale dans les plaies, qui ayant lieu , surtout sur 
de jeunes végétaux, à l'époque où le cambium abon- 
de, doivent être regardées comme pouvant, par 
le suintement de cette substance organisatrice, se 
guérir en peu de temps. 

L’argile adhérant intimement à la surface de 
l'aubier dénudé et s'y désséchant , doit nécessaire- 
ment géner lalibre expansion du cambium , l'absor- 
ber , ou du moins empécher la couche naissante, sur 
laquelle elle exerce une pression forte et conti- 
nuelle, de prendre toute l’épaisseur convenable. 


La composition quelle qu'elle soit, dont on re- 
couvre de semblables blessures , doit étre avec le 
plus grand soin entretenue dans un état d'humidité 
et de molesse qui permette la libre accumulation 
et l’épaississement du cambium. 

Mais si la plaie a été faite à une autre époque, 
si elle a lieu sur le bois le plus vieux, si elle pé- 
nètre dans le corps ligneux , comme alors il ne peut 
y avoir d’espoir d'une prompte cicatrisation , et 
que le bois mis à nu doit nécessairement se des- 
sécher, il ne s’agit que de la garantir, par quelque 


(75) 
moyen capable de résister , du contact de l'air et 
de l'humidité qui pourrait en amener la carie. 

C'est dans ce cas seulement qu’on peut, après avoir 
appliqué la composition d’argile et de foin , la 
laisser se dessécher sur la plaie et adhérer intime- 
ment au bois nu ; une couche de cire, quelquefois 
employée à cet usage, y est encore très-convenable , 
en ce qu’elle ne peut être pénétrée par l'humidité. 

J'ai essayé de fixer les idées encore indécises sur 
un des/points les plus importants de la pathologie 
végétale; la conséquence qui se tire tout naturel- 
lement de ces observations peut être de quelque 
utilité pour le cultivateur , même pour celui qu’elle 
ne ferait que confirmer dans la bonne pratique re- 
lativement aux plaies des arbres. 

C'est dans les applications utiles qu’on en peut 
faire que consiste le mérite le plus essentiel des 
théories , qui ne doivent , ainsi que les nomencla- 
tures et les systémes, être considérées que comme 
le chemin qui conduit à ce but principal auquel 
tout doit tendre. 

La science qui n'arrive à rien d’utile n’est point 
la vraie science, 

La médecine vétérinaire, profitant des rapides 
progrès de la médecine humaine , a cessé dans notre 
siècle , au moins dans les mains de quelques hommes 
distingués , d'être réduite à quelques recettes em 
pyriques, mises le plus souvent en usage par la 
plus grossière ignorance. 

Espérons qu’il en sera bientôt de même de la mé- 
decine des végétaux ( si j'ose m'exprimer ainsi. ) 

La pathologie végétale , encore dans l'enfance 
malgré les travaux estimables du patriarche Olivier 
de Serres , de Duhamel , de Schabol, de Tessier 
et de Plenck, etc., ne mérite peut-être pas moins 


(74) 


que la pathologie animale d'occuper les savants et 
les vrais amis de la nature. 

Le nombre des plantes que l’homme culüve pour 
ses besoins est bien plus considérable que celui 
des animaux dont il a de même lié l'existence à la 
sienne , et sur lesquels il a de même exercé son 
influence d'une manière si admirable, en mului- 
pliant , en perfectionnant leurs races. 

L'homme civilisé ne peut se passer ni de ces 
animaux dont il s’est fait des esclaves dociles, mn 
de cette multitude de végétaux desquels il reçoit 
tant d’ayantages divers pour prix des soins qu’il leur 
donne. | 

Ces aimables et utiles enfants de la culture, qui 
font l'ornement, la richesse de nos champs et de 
nos jardins , sujets comme nos animaux domesti- 
ques aux infirmités, aux blessures, ne réclament 
pas moins les secours d’une main médicatrice. | 

La simplicité des maladies des végétaux, conse- 
quence de la simplicité de leur organisation , promet 
à l'observateur qui en fera l'objet de ses études , 
Vavantage flatteur de voir fréquemment le succes 
couronner ses soins. 


(75) 


A I A A A AA AA AR 


RECHERCHES e 
SUR L'ACIDE PRUSSIQUEe. 
PAR M. RoBsrtT. 


On appelle acide prussique , la matière particu- 
lière qui, par sa combinaison avec le fer oxidé , 
constitue ce qu’on connaît sous le nom vulgaire de 
bleu de Prusse, bleu de Berlin, et, d’après la no- 
menclature méthodique, prussiate de fer. Sans cher- 
cher à résoudre ce point de question ; savoir , que 
cette dénomination est due moins à l’exacte vérité 
qu'à une extension de nomenclature qui est auto- 
risée par la commodité avec laquelle elle se prête 
par la désignation de ses combinaisons ordinaire- 
ment très-compliquées, je me propose de faire con- 
naicre quelques expériences propres à constater les 
propriétés de cet agent chimique. 

L'acide prussique , suivant les chimistes , est ca- 
ractérisé par une odeur particulière qui se rappro- 
che de celle des amandes amères, et cette parti- 
cularité a fait soupconner, et le plus souvent avec 
raison, que là existait l'acide prussique où cette 
odeur était sensible. Ainsi, on l’a soupçonné et re- 
connu dans les feuilles du laurier-cerise , ( prunus 
Lauro - cerasus ) les amandes amères ( amygdalus 
cummunis } les amandes de cerises noires ( prunus 
avium ) les amandes , les feuilles et les fleurs de 
pécher (amygdalus persica), et on a attribué les 
eflets que quelques-unes de ces substances exercent 
sur l'organisme, à l'acide prussique qu'elles con- 
tiennent ; mais alors l'acide prussique est le plus 


(76) 
souvent combine avec une huile volatile odorante 
et amère qui pourrait en diminuer ou en augmen- 
ter l’énergie. (1) 

Dans un Mémoire lu à l'Académie des sciences , 
le 15 décembre 1787, sur l'acide prussique , Ber- 
thollet s'exprime ainsi : si on mêle de l'acide muria- 
tique oxigéné avec l'acide prussique préparé à la ma- 
nière de Scheele , le premier reprend l’état d'acide 
muriatique , etle second acquiert une odeur beau- 
coup plus vive. Si on l'imprègne plus fortement , 
SD PAG NOR O1 CHORALE A 21 RAT 


(1) Sans tirer, pour l’instant, aucune conséquence des faits 
suivants , je dois les citer ici parce qu'ils sont en opposition 
avec plusieurs expériences annoncées, 

L'huile volatile du laurier-cerise, dit Schwilgné dans son 
traité de matière médicale , est un poison très-actif : dix gouttes 
peuvent faire périr un chien. Une à deux cuillerées de leur 
distillé aqueux ont été mortelles à des individus de moyen âge, 
etc. ; d’un autre côté les pharmacopées de Wirtemberg et de 
Prusse prescrivent ce dernier produit qui est donné comme 
tonique, Voici les expériences qui me sont particulières : 

19 J'ai fait prendre à un chien et à plusieurs couleuvres, une 
dose très-forte d'huile volatile de laurier-cerise ; ces animaux 
n'en ont nullement souffert ; 

2° J'ai avalé moi-même deux cuillerées d'eau distillée de laurier- 
cerise très-odorante , et je n'ai éprouvé aucun effet désa- 
gréable ; 

3° Plusieurs fois j'ai composé une liqueur très-agréable avec 
l'alcool distillé sur les feuilles du laurier-cerise. J'ai ba et j'ai 
fait boire de cette liqueur , il n'est survenu aucun accident, 

La liqueur de table, connue sous le nom d'eau de noyau, 
est d'un usage assez répandu ; on sait qu'elle tient en dissolu- 
tion une huile volatile analogue à celle du laurier-cerise, et 
l'on peut assurer que la plupart desliquoristes , au lien d'em- 
ployer des noyaux, la composent avec un alcool plus ou moins 
chargé de l'huile de cette plante. 

Je le répète, je ne tire aucune conséquence de ces observa- 
tions ; il faudrait y réunir une grande quantité d'autres expé- 
riences que les circonstances ne m'ont pas encore permis de 
répéter. 


CR 


C77) 

si on le surcharge d'acide muriatique oxigéné, et 
si on l'expose à la lumière , il prend une odeur tout- 
à-fait différente de celle qu'il avait auparavant ; 
elle ressemble à celle d’une huile aromatique ; la plus 
grande partie se sépare de l’eau sous la forme d’une 
huile qui se rassemble au fond. Cette huile prend, 
avec Le temps, la forme de petits cristaux. Cette 
singulière transmutation , sur laquelle Berthollet dé- 
clare wavoir pu rien déterminer , ne pourrait-elle 
pas avoir quelque rapport avec le fait suivant ? 

J'ai chargé la cucurbite d’un alambic d’une quan- 
üté considérable de feuilles de laurier-cerise ( pru- 
nus lauro-cerasus } et ayant ajouté la quantité d’eau 
nécessaire , j'ai procédé à la distillation en plaçant 
au bec de l'alambic le récipient florentin pour 
recueillir plus facilement, s’il s’en présentait, l'huile 
volatile de ces feuilles, Le produit de la distillation 
très-chargé de l’odeur la plus suave des noyaux, 
très-laiteux d'abord , laissa bientôt précipiter une assez 
grande quantité d'une huile très-légèrement colorée 
et d’une odeur très-suave. La distillation terminée , 
j'ai mis à part le récipient florentin en fermant exac- 
tement ses deux ouvertures; aû bout de quelques 
mois, je m’aperçus qu’il se formait à la surface du 
liquide de petits cristaux aiguillés que je soupçonnai 
d’abord être de l'acide benzoïque , maïs je fus obligé 
par la suite d'abandonner cette opinion. Ces cristaux 
augmentèrent en nombre, de manière qu'il me fut 
possible d’en recueillir une assez bonne quantité. 

Ce fait, bien observé, me donna l'idée de soup- 
çonner que par une opération diffiçile à expliquer 
sans doute, mais due toute entière à la nature, 
l'acide prussique aurait pu être transformé en une 
huile aromatique beaucoup plus suave qu'il ne l'est 
lui-même, 


(78) 

Pour arriver à la solut'on de cette question , je 
me déterminai à préparer artificiellement de l'acide 
prussique. Je me proposais , 

1° D'examiner les propriétés de cet agent chimi- 
que pur ; 

20 De constater qu’il est le même dans les divers 
procédés indiqués pour sa préparation ; 

5° De répéter les expériences annoncées par Ber+ 
thollet, et de voir si dans tous ces cas il jouissait 
des mêmes propriétés. 

Jusqu'à ce moment je n'ai pu m'occuper que 
de la première partie da travail que je me suis im- 
posé. Pour obtenir l'acide prussique j'ai employé le 
procédé de Scheele , et je le décris ici avec exac- 
titude, parce que les résultats que j'ai obtenus m'ont 
paru différer de ceux indiqués par le chimiste 
suédois. 

J'ai pris vingt onces de bleu de Prusse que j'ai 
broyé exactement avec dix onces d’oxide rouge de 
mercure , j'ai ajouté par parties jusqu’à deux pintes 
d’eau distillée ; j'ai soumis le tout dans une terrine 
de grès à la chaleur de l'eau bouillante, pendant 
une heure, en agitant continuellement avec une 
spatule de verre ; j'ai filtré, j'ai versé sur le résidu 
une pinte d’eau distillée bouillante. (1) Les liqueurs 
réunies ayant été évaporées jusqu’à réduction d’une 
pinte, j'ai introduit le tout dans une cornue de 
verre tubulée , à laquelle j'ai adapté un matras de 
verre de deux litres de capacité. A la tubulure de 
ce matras étaient placés deux tubes ; l’un, vertical, 
ouvert à ses deux extrémités, plongeait par lPune 


ET trente 

(1) Les liqueurs , en réfroidissant, laissent précipiter des cris- 
taux prismatiques de prussiate de mercure absolument sem 
blabies à ceux décrits par fourcroy. 


en Li ST 


( 79 ) 

d'elles dans une couche d’eau du poids de deux onces 
que j'avais introduit d'avance dans le matras; l’autre, 
doublement recourbée , plongeait de quelques lignes 
seulement dans le matras par l’une de ses ouvertures, 
et par l’autre dans un flacon rempli d'alcool à trente- 
cinq degrés. (1) Par cette disposition , le matras in. 
temsidinite servait de récipient pour le produit li- 
quide de la distillation , tandis que l'alcool ne pou- 
voit recevoir que le produit gaseux , le tube ver- 
tical faisant fonction de tube de sûreté. L'appareil 
étant bien luté , j'ai versé par la tubulure de la 
cornue trois onces de limaille de fer porphyrisée et 
deux onces et demie d’acide sulfurique concentré, 
Avec un tube de verre, j'ai remué le mélange , et 
après avoir fermé la tubulure, j'ai procédé à la 
distillation à la douce chaleur d’un bain de sable. 
Dès la première impression du feu , des bulles de 
gaz ont traversé l'alcool ; elles ont continué de se 
dégager pendant six heures environ. L'alcool s’est 
légèrement coloré, et environ un quart de la li- 
queur de la cornue a distillé dans le récipient, J'ai 
retiré le flacon qui contenait l’alcool , et j'ai laissé 
l'appareil jusqu’au lendemain dans cet état. Il est 
essentiel d'observer que le liquide du matras et le 
gaz qui y était contenu commuuiquait ainsi avec 
l'air extérieur au moyen du tube recourbé qui ne 
plongeait plus dans l'alcool. 

Dans un mémoire lu à l'Institut , le 4 février 1817, 
M. Gay Lussae a prouvé que l'acide prussique di- 
late considérablement Pair ou les gaz avec lesquels 
on le mêle , lui. communique ses propriétés et res- 


ot 


(1) Je dirai plus bas pourquoi j'ai reçu les vapeurs daus 
de l'alcool. 


(80) 
semble alors à un fluide élastique permanent. D'aprés 
les dispositions de mon appareil, j'avais donc obtenu 
de l'acide prussique dissous dans l'alcool , dissous 
dans l'eau, et à l'état de gaz mélé avec l'air que 
contenait le matras. J’examinerai le produit obtenu 
sous ces trois formes. 

1° De l'acide prussique dissous dans l’air des 

appareils. 

L'appareil dont on avait énlevé le flacon d’alcool 
resta vingt-quatre heures dans cet état, par consé- 
quent en communication avec l'air extérieur. Au 
moment de séparer le matras de la cornue pour 
retirer le produit liquide de la distillation, je fus 
frappe ‘de l'odeur désagréable qui s'en dégageait. 
Mon élève, après avoir versé le liquide dans un 
flacon , eut la curiosité d'approcher le nez d’une 
des ouvertures du matras; il fut de suite comme 
suffoqué par une vapeur très-âcre et très-irritante 
d’une forte odeur de punaise, et, en moins d’une 
seconde, il éprouva des étourdissements qui fail- 
lirent le renverser , avec un resserrement spasmodi- 
que de la gorge , un crachotement qui dura pen- 
dant plusieurs minutes. 

Cet ellet singulier me décida à tenter l’eflet de 
cette vapeur sur quelques animaux. Je fermai avec 
deux bouchons les deux ouvertures da matras, re- 
mettant au lendemain les expériences que je vou- 
lais faire. 

D'abord je ferai remarquer que, relativement à 
l'odeur de l’acide prussique , Scheele s'exprime 
ainsi dans son traité de Materia tingente cœærulei 
berolinensis. 

« Malcriæ tingentis odor singularis neque inju- 


» cundus est. n 


Celle 


(81) 

Celle qui se dégageait du matras a quelque chose 
de repoussant qui a de l’analogie avec celle de 
l'hydrogène sulfuré trèscondensé (1); il m'a été 
impossible de la bien déterminer parce qu’elle me 
fatiguait assez pour m'imposer l'obligation de res- 
pirer cette vapeur le moins possible , afin d'éviter 
une sorte de crachotement désagréable et d’étour- 
dissement momentané auquel elle donnait lieu. Les 
expériences suivantes vont prouver que j'ai fait sa- 
gement de ne pas la respirer trop franchement. 


Première Expérience. 


Un oiseau a été présenté par le bec à l'une des 
ouvertures du matras ; au même instant il est resté 
sans mouyement. 


” Deuxième Expérience. 

Un jeune lapin de vingt jours fut présenté parle 
museau à l'ouverture de ce même matras que je 
rebouchais après chaque expérience ; au bout d’une 
seconde, le petit animal est tombé mort , la gueule 
ouverte, rendant uue quantité assez considérable 
de salive. 


Troisième Expérience, 


Un chat de six mois fut présenté de la même ma- 
nière à l'ouverture de ce même matras : il fit quel- 


mt 


(1) Eu approchant le nez d'un verre à liqueur dans lequel 
je décomposais de l'hydro-sulfure de burite ua peu concentré au 
moyen de l'acide muriatique , je me suis trouvé asphyxié, et 
je serais tombé de toute ma hauteur sur le plancher, sans un 
aide de laboratoire qui me recut dans ses bras et me tint pen- 
dant quelqnes secondes sans connaissance. Je ne cite ce fait que 
Parce qu'il a quelque analogie avec les espérierices suivantes. 


Fe 


(82) 
ques mouvements pour se retirer ; au bout de deux 


secondes il tomba mort avec les mémes symptômes 
que dans l'expérience n° 2. 


Quatrième Expérience. 


Un chien épagneul vieux , mais encore plein de 
santé, fut approché de cette ouverture de telle ma- 
niére que les narines seulement fussent exposées à 
la vapeur ; la gueule était tenue ouverte au moyen 
d’un bäillon : l'animal fit beaucoup de diflicultés 
pour se dégager de la position pénible où je le re- 
tenais ; mais, au bout de six secondes , il tomba sur 
le carreau et mourut en très-peu d’instants avec 
les symptômes décrits précédemment. 


Cinquième Expérience. 


Un autre chien beaucoup plus fort que celui-ci, 
à jeun depuis douze heures, ayant été soumis à la 
même expérience , a éprouvé le même sort: il était 
sans vie au bout de dix secondes. 

Il résulte des cinq expériences que je viens de 
rapporter qu’un matras de deux litres de capacité, 
rempli de gaz acide prussique mélé d’air atmos- 
phérique, a sufhi pour démontrer l’action très-délétère 
de ce gaz , et que cette propriété délétère n’est pas 
sensiblement modifiée par son mélange avec l'air 
atmosphérique. 

2° De l’acide prussique liquide, 

J'ai dit précédemment qu’un quart à-peu-près de 
la liqueur contenue dans la cornue avait passé dans 
le récipient lors de la distillation ; je ferai remar- 
quer que, comme l'ont annoncé Scheele et les au- 
tres chimistes qui ont parlé de cette opération, ce 
liquide était coloré légèrement en bleu, et qu’au 


tte ttes min ds 


(85) 
bout de quelques jours il a laissé précipiter une 
petite quantité de bleu de prusse qui se trouve ré- 
généré et entrainé lors de la distillation. 

Il est impossible d'approcher le nez de l’orifice 
du flacon qui contient cette liqueur sans éprouver 
l’'étourdissement et le crachotement dont j'ai parlé 
à l'article du matras, et je ne doute pas qu’il serait 
trés-imprudent de le laisser ouvert dans un appar- 
tement étroit et bien fermé ; on se trouverait infail- 
liblement exposé à des accidents plus ou moins 
graves en respirant longtemps l'air de cet apparte- 
ment, Le résidu de la distillation ayant été trans- 
vasé dans une terrine de grès, est resté pendant 
quelques heures à l'air libre dans une pièce vaste de 
vingt-cinq pieds en tous sens: moi, mon élève et deux 
garçons de service , nous avons éprouvé un mal-aise 
qui nous a forcé de porter dehors la terrine de la- 
quelle on ne pouvait s'approcher à la distance de 
plusieurs pieds. (1) 

Le liquide obtenu par la distillation a une 
saveur décidément amère et assez semblable à celle 
des amandes. J'ai essayé cette liqueur sur des ani- 
maux de la manière suivante : 


Sixième Experience. 


J'ai fait avaler à un jeune lapin de quinze jours, 
un gros de ce liquide ; au bout d’une seconde le 
petit animal a poussé un cri et est tombé mort. 


PE TR ere 


(1) Deux chats qui vivaient dans le même appartement ont 
paru tourmentés d'une manière singulière ; ils s'agitaient en 
miaulant avec force, et j'ai cru devoir attribuer l'état de ma- 
ladie qu'ils ont conservé peadant quelques jours à l'influencé 
de cette singulière vapeur, 


F 2 


(84) 
Septième Experience. 


J'ai fait avaler à un fort chien une cuillerée à 
café de la liqueur; l'animal a également poussé un 
cri très-fort et est mort sur-le-champ. 

Ces deux expériences prouvent que l'acide li- 
quide a aussi une action très-délétère; mais en com- 
parant la promptitude deseflets ,il me parait démontré 
que l'acide gazeux, même mélangé d'air atmosphé- 
rique, agit d’une manière plus prompte et bien plus 
vivement que le produit de la distillation ou l'acide 
liquide: 


5° De l’acide prussique dissous par l’alcool. 


Avent de rendre compte de mes expériences , je 
dois faire part d’un fait qui m’a été communiqué 
par M. Vogel, l'un de nos correspondants, le 27 
octobre dernier. 

On m'écrit d'Allemagne, me dit-il, qu'un profes- 
seur de chimie, voulant examiner les eflets delacide 
prussique sur l'économie animale , avait introduit 
du prussiate de potasse dans une cornue à laquelle 
il a adapté un matras contenant de l'alcool. L’'ap- 
pareil monté, il versa par la tubulure de la cornue 
de l'acide sulfurique , et il satura ainsi l'alcool 

‘ d'acide prussique. Cette liqueur spiritueuse a quel- 
que analogie avec le kirchenwasser, Le chimiste 
montre ce liquide à quelques amis qui viennent 
diner chez lui; par prudence, personne n'ose y 
toucher. On se retire et l’on oublie le flacon. La 
domestique, en débarrassant la table, trouve cette 
liqueur d'un goût agréable et en prend un petit 
“verre ; au bout de deux minutes elle tombe morte 
surle-champ, et comme frappée d’apoplexie. 


CPR CT nt. VAR ue 


(55) 

C'est à l’occasion de ce fait que j'ai cherché à 
obtenir de l'alcool chargé d'acide prussique. 

Le demi-litre d'alcool a trente-cinq degrés à tra- 
vers lequel le gaz acide prussique s'était dégagé 
pendant six heures, n'avait pas contracté d’odeur 
bien sensible pendant Popération. Il était légèrement 
coloré; mais, à la longue , il s’est fait un dépôt et 
il a repris sa première limpidité. Par sa saveur , j'ai 
reconnu quil n'avait pas changé sensiblement. 


Huilième Expérience. 


J'ai fait avaler à un jeune lapin une cuillerée 
de cet alcool ; le petit animal a éprouvé des symp- 
tômes qui m'ont paru étre ceux de l'ivresse seule- 
ment. Il est resté sans mouvement quelques mi- 
nutes ; mais, au bout de ce temps ; il a repris toute 
sa vigueur, et ilne lui est survenu aucun accident. 
Deux heures après, comme il était très-bien por- 
tant , je lui ai fait avaler une pareille dose d’acide 
liquide , il est mort de suite. 

L'ingestion de l'alcool n'ayant pas produit l'effet 
désiré, j'en ai conclu qu’il n'était pas suflisam- 
ment chargé d’acide ; j'ai donc recommencé l’opé- 
ration décrite précédemment en recevant encore une 
fois pendant plusieurs heures le gaz acide prussique 
dans ce méme alcool. L'opération étant terminée , 
l'alcool m'olfrit la même odeur que le matras et 
Vacide liquide , mais avec moins d'intensité. Je ne 
trouvai pas non plus à l'alcool la saveur de kirchen- 
wasser annoncée. Quoi qu’il en soit, j'opérai de la 
manière suivante : 


Neuvième Expérience. 


Un très-fort chien-loup , que j'avais conservé à jeun 
F 5 


(:86 ) 
depuis douze heures , ayant avalé de force deux 
gros de cet alcool, éprouva, au bout de deux secondes, 
des convulsions très-fortes , et est mort dans l’inter- 
valle de cinq minutes. 

Il résulte de cetie expérience que l’alcool prus- 
sique a, comme le gaz prussique ou cet acide li- 
quide, une action trés-délétère. Mais, à moins que 
l'alcool n'ait pas encore été suffisamment chargé 
d'acide, ce qui me paraît inadmissible , parce que, 
vers la fin de l'opération seconde , le gaz qui se dé- 
gageait de l'appareil passait à travers l’alcool sans 
entrer en combinaison, on peut remarquer que 
l’action de ce dernier produit est moins vive que 
celle du gaz ou même de cet acide liquide. 

Il était important de chercher à déterminer par 
lautopsie cadavérique dans ces diverses expé- 
riences , quels pouvaient être les effets de cet agent 
terrible sur l'économie animale. Voici les rensei- 
guements recueillis à ce sujet. 


PREMIÈRE OBSERVATION. 


Autopsie cadavérique du sujet de la deuxième 
expérience. C’était un chien très-fort, soumis 
à l’inspiration du gaz contenu dans le matras. 


1° A la tête. Le cerveau était parfaitement sain 
et intact, seulement il exhalait une odeur assez 
prononcée d’acide prussique. Les sinus de la dure- 
mére contenaient trop peu de sang pour qu’on pût 
y apercevoir quelque différence soit dans la cou- 
leur , soit dans l'odeur. La langue était molle, 
bleuâtre et sortie de la gueule. 

2° Au col, L'ouverture de la glotte ne paraissait 
pas avoir éprouvé de changement sensible. Les ven- 
iicules du larynx contenaient quelques mucosités 


Te. 


(87) 
sanguinolentes. La membrane muqueuse de la tra- 
chée-artère était parsemée de stries rougedtres ; 
son systéme capillaire était injecté. 

5° A la poitrine. Les poumons étaient d’un rouge 
vif ; étant incisés, le sang qui sortait par l’orifice des 
vaisseaux divisés n’était pas aussi rouge, aussi écu- 
meux que le sang artériel, ce qui pouvait tenir en 
partie au sang veineux contenu dans les divisions 
de l’artère pulmonaire, qui sortait en même-temps. 
Les cavités aortiques du cœur, de même que les 
veines pulmonaires étaient remplies de sang d’un 
rouge sale très-foncé et ressemblant assez à de la 
lie de vin pour la couleur et la consistance. Il en 
était de même de celui que l'aorte et ses princi- 
pales divisions contiennent. 

Dans les cavités à sang veineux, le sang était 
trés-épais, la couleur très-foncée. Il ressemblait 
assez bien à un liquide dans lequel on aurait fait 
dissoudre des portions considérables du foie. Les 
poumons , le cœur, et le sang qui y était contenu 
exhalaient l'odeur de l'acide prussique. 

4 Dans l'abdomen. Les viscères digestifs étaient 
sains. Le sang de la veine-porte ne présentait rien 
de remarquable. Le foie portait sensiblement l'odeur 
de l'acide, moins cependant que le cerveau. 

La chair musculaire était comme dans l'état ordi- 
naire : l’odeur de l'acide s’y faisait aussi très-bien 
remarquer. 

L'ouverture de ce cadayre a été faite une heure 
après la mort du sujet, 


F 4 


(88) 
DEUXIÈME OBSERVATION. 


Autopsie cadavérique du sujet de la septième expérience. 
C’était un fort chien à jeun qui avait avalé de force 
une cuillerée à café de l'acide liquide. 


Le cerveau ne paraissait nullement altére , il ré- 
pandait l’odeur de l'acide prussique. La langue, 
comme dans l'observation précédente, était bleuâtre, 
pendante et sortie de la gueule, La voûte palatine était 
noire; sur la partie la plus reculée , autour de l'ou- 
verture postérieure des fosses nasales et à la partie 
supérieure du pharynx , on voyait des traces sen- 
sibles d’une vive inflammation. La muqueuse de 
l'estomach ne paraissait nullement changée ni dans 
sa couleur ni dans sa texture. Les mucosités qui la 
lubréfent étaient fortement imprégnées de l'odeur 
de l'acide. 

L'estomach était contracté , les saillies et les rides 
de la membrane muqueuse étaient fortement pro- 
noncées. 

Le. sang dans les poumons et le cœur était à-peu- 
près de même que dans l'observation qui précède; 
seulement la teinte paraissait moins foncée. 

L'ouverture du cadavre a eu lieu après la mort 
bien constatée. 


TROISIÈME OBSERVATION. 


Autopsie cadavérique du sujet de la neuvième expe- 
rience. C’était un fort chien-loup qui avait avalé de 
Jorce deux gros d’alcool prussique. 


1° A la tête. Nulle trace de lésion dans le cer- 
veau ; odeur de l'acide prussique modifiée par 
celle de Palcool. La langue comme dans les deux 


( 89) 
cas précédents. La voûte palatine, noirâtre ; sa partie 
postérieure ainsi que le haut du pharynx très- 
rouge et fortement injectée. 

2° Au col. Rien dans le larynx ; la trachée-artère , 
ainsi que l’œsophage qui contenait une matière 
jauvâtre un peu mousseuse, fortement imprégnée 
de l'odeur de l'alcool prussique. 

5° A la poitrine. Tout était à-peu-près comme dans 
les cas précédents, les poumons étaient moins rou— 
ges ; le sang qu’ils contenaient était moins vermeil 
que dans les deux premières observations , leur cou- 
leur était d’un gris ardoisé ; ils paraissaient aussi 
moins gorgés de sang. Les cavités du cœur en étaient 
remplies. 

4 A l'abdomen. La surface interne de lesto- 
mach présentait les traces d’une vive inflammation ; 
elles étaient trés-rouges. Les intestins n'offraient rien 
de particulier. 

Les faits que je viens de rapporter prouvent bien 
évidemment l'action très-délétère de l'acide prussi- 
que obtenu par le procédé de Scheele, soit à Pétat 
gazeux, soit à l’état liquide ou dissous dans l'alcool. 
Je dépose ces faits, qui m'ont paru très-importants, 
entre les mains des savants et des physiologistes 
auxquels il appartient de prononcer si, comme l'an- 
nonce le docteur Emmert, dans une dissertation sur 
les effets vénéneux de l’acide prussique, insérée dans 
la Bibliothèque médicale, on peut continuer d’as- 
surer que son effet a lieu sans qu'il en résulte au- 
cune altération du sang. Les expériences qui me sont 
personnelles permettent au moins de prononcer 
avec lui que c’est particulièrement par la circula- 
tion du sang qu'il agit, puisque nous avons vu dans 
tous les sujets examinés sa couleur manifestement 
altérée, 


Ca) 

Je me borne pour l'instant à présenter à la Com- 
pagnie, le résultat de ces premières expériences ; 
je suis forcé par les circonstances de suspendre 
celles que j'avais commencées sur l’acide prussique 
obtenu par d’autres procédés. Plusieurs faits assez 
importants déjà recueillis doivent être appuyés ou 
démentis par des expériences nouvelles. Je m’em- 
presserai de les répéter aussitôt qu’il me sera permis 
de le faire , et, espérant obtenir de la part de ceux 
qui m’écoutent, la méme indulgence, je me’ ferai 
un devoir de communiquer à l'Académie le résultat 
de ces nouvelles recherches. 


| 


( Cor) 


A 


PROCÉDÉ 


POUR TÉINDRE LE FIL DE LIN OU DE CHANVRE EN 
ROUGE DIT DES INDES OU D'ANDRINOPLE , 


Communiqué à l'Académie des Sciences , des Belles 
Lettres et des Arts de Rouen, le 11 Mars 1814, 


PAR M. ViTrAzrzs. 


MESSIEURS, 


Le procédé du rouge des Indes sur fil de lin ou 
de chanvre est essentiellement le même que celui 
du rouge des Indes ou d’Andrinople sur fil de 
coton : comme ce dernier , il se compose d’une 
série d'opérations dont je crois devoir avant tout 
donner une idée générale, en suivant exactement 
l'ordre dans lequel ces opérations doivent s’exécuter- 


Je suppose qu'il s’agit d'opérer sur cent livres 
de fil. 


Icre OPÉRATION. — Décreusage ou débouilli. 


Cette opération a pour but d'enlever au fil de lin 
ou de chanvre la couleur blonde ou grise qui lui 
est propre , afin de le rendre susceptible de rece- 
voir les mordants et la couleur qu’on se propose 
de lui appliquer. 

En eflet, la partie colorante naturelle du lin et 
du chanvre est le résultat d’une attraction réelle et 
assez forte entre cette partie colorante et la subs- 
tance même du fil. La preuve en est que l’on ne 
peut détruire cette attraction que par des moyens 


(92) 
chimiques assez énergiques , tels que l'action alter- 
native et répétée des alcalis et de l'acide oxi-muria- 
tique employés , comme on le sait, dans toutes les 
blanchisseries bertholliennes. 


Or, l'expérience prouve qu’on ne peut parvenir 
à appliquer solidement la partie colorante rouge de 
la garance au lin et au chanvre , qu’en détermi- 
naut des attractions particulières, 1° entre le 
fil dont il s’agit et certains mordants; 2° entre ces 
mordants et la partie colorante de la garance : d’où 
il suit que pour créer ces attractions nouvelles , 
il est indispensablement nécessaire de. rompre 
Ja première, c’est-à-dire celle que la nature elle- 
même avait fait naître entre la substance du fil de 
lin ou de chanvre et sa partie colorante. 


Pour arriver à ce but, on commence par faire 
maccrer le fil pendant deux ou trois jours dans l’eau 
pure , et à la température d’environ quinze degrés 
de l'échelle centigrade ; on le retire ensuite, on le 
laisse égoutter et on le lave avec soin. 


Le lavage du lin et du chanvre ne s'exécute 
point comme celui du coton : les fils de lin ou de 
chanvre se méleraient de manière à rendre très- 
pénibles et même impossibles à bien exécuter les 
opérations subséquentes. Pour éviter cet inconvé- 
mient, ayant saisi la torse, qui est composée de 
trois pentes , On pose la main sur l’eau, puis, la re- 
tournant en sens contraire, d'un mouvement de 
poignet on étend le fil sur l’eau, et on lui fait dc- 
crire une portion de cercle ; on plonge ensuite le 
poignet dans l’eau , on relève promptement la torse 
et on la reprend de l'autre main. Par ce moyen 
les fils sont tirés sur leurs longueurs , et ce mode de 
lavage empêche qu'ils ne se mélent et ne deviepnent 


C95) 

pelus. Le fil ayant été bien lavé et bien égoutté , 
on le fait bouillir pendant six heures environ dans une 
lessive caustique de soude à deux degrés de l’aéro- 
mètre de Baumé; on emploie de cinq à six cents 
pintes de lessive par cent livres de fil : on laisse 
égoutter au-dessus de la chaudière , on lave avec 
soin et on fait sécher à l'air, La lessive caustique 
se prépare avec deux parties de soude et une partie 
de chaux bien vive et bien fusée ; à la lessive de 
soude on pourra substituer les eaux de dégraissage , 
dont on parlera plus bas : ce qui rendra ce débouilli 
plus économique. 

Un premier débouilli ne suffit pas ; il faut en faire 
un second semblable au premier, si ce w’est qu’on 
pourra réduire la lessive caustique à un demi 
degré, et bouillir seulement pendant cinq heures, 
après quoi on retire le fil de la chaudière ; on Île 
laisse égoutter, on lave et on sèche à l'air, comme 
précédemment, 


II° OPÉRATION. — Bains de fiente ou Bains bis. 


On sait que les substances animales ont la pro- 
priété d'entrer plus aisément en combinaison avec 
les parties colorantes et de former avec elles des 
composes plus solides, et par conséquent plus du- 
rables: c’est pour communiquer jusqu’à un certain 
point cette propriété aux substances végétales que 
l'on a imagine de les animaliser en quelque sorte , 
en les imprégnant de certaines liqueurs animales , 
telle que la liqueur intestinale des ruminants ou la 
liqueur albumino-gélatineuse contenue assez abon- 
damment dans la fiente du mouton. 

. Dans un Mémoire sur les eflets des bains de 
liente, que j'ai lu en 1806 à l'Académie, et inséré 


(94) 

dans le Journal de physique , année 1808 , je crois 
avoir démontré que la liqueur albumino-gélatineuse 
dont ces bains sont chargés, contribue puissamment 
à fixer la couleur de la garance, par la forte attrac- 
tion qu’elle exerce sur les parties colorantes en 
général. Cette théorie explique pourquoi à la liqueur 
intestinale des moutons, qu’il serait impossible de 
se procurer en quantité suffisante aux besoins des 
ateliers, on a substitué la fiente des animaux. 


Pour conserver la fiente et la défendre de la pu- 
tréfaction , au moins pendant un an, on verse sur 
la fiente de la lessive de soude à douze degrés de 
l'aéromètre et en quantité suffisante pour former 
une bouillie épaisse, après que la fiente a été 
broyée avec les pieds dans un baquet. On sait que 
les alcalis ont la propriété de dissoudre certaines ma- 
tières animales et de retarder la putréfaction. 


Pour former les bains de fiente on prend quinze 
livres de fiente préparée comme il vient d’être dit, 
pour cent livres de fil, on l’étend de cent cinquante 
litres de lessive de soude à deux degrés, on agite 
pour opérer un mélange parfait. 

On verse cette liqueur dans un baquet où l'on a 
mis d'avance six livres d'huile d'olives chargée de 
beaucoup de mucilage , connue en teinture sous 
le nom d’huile grasse ou tournante , et on pallie 
pour bien méler ces trois substances qui entrent 
dans la composition du bain. 

Voici maintenant la manière de l’'employer. 


Avec un sébile de bois on prend une portion du 
bain , on la verse dans une terrine vernissée, scellée 
dans une maçonnerie à hauteur d'appui ; on y 
passe alors le fil. 

On ne doit point passer plus d’une livre de fil 


C95) 
à-la-fois, c’est-à-dire deux pentes de chaque main. 

Le passage du fil, soit en bain de fiente , soit dans 
les bains dont il sera parlé dans le cours de ce Mé- 
moire, s'exécute de la manière suivante : 

On plonge les pentes de fil dans le bain, on les 
retourne à diverses reprises, en les foulant avec 
les poignets, et de manière à les bien imbiber ; on 
les retire ensuite, et on les tord à l’aide d’une che- 
ville scellée dans le mur , au-dessus de la terrine ; 
on rabat le fil dans le bain et on répète cette ma- 
nœuvyre trois fois de suite; on secoue ensuite les 
pentes, ce qu'on appelle créper , afin de détacher 
les fils les uns des autres, et les empècher de 
se coller ensemble, 

Le passage étant terminé on porte le fil à l’éten- 
dage à l'air libre d’abord, sur des perches de bois 
blanc , ayant soin de retourner souvent les pentes, 
pour empêcher le bain de couler , ce qui arrive- 
rail insensiblement , sans cette précaution. Lorsque 
par l’action de l'air la dessication est faite aux trois 
quarts à-peu-près, on achève dans des étuves ou 
sécheries où la température doit être portée à cin- 
quante ou cinquante-cinq degrés du thermomètre 
de Réaumur. 

Une dessication parfaite est ici tellement essen- 
üelle que, si le fil conserve le moindre degré d’hu- 
midité , 1] ne se combine plus que très-imparfaite- 
ment aux apprêts et aux mordants qu'il doit rece- 
voir dans la suite, et ne prend qu'uve couleur mai- 
gre au garancage. 

Lorsque je fil a été passé en fiente , il faut bien 
se garder de je laisser entassé , si on ne veut s'ex- 
poser à voir le fil prendre feu , et occasionner des 
incendies souvent désastreux. Ou donne au fil un 
second bain de fiente semblable au premier , et ou 


(96) 
sèche de même. Ce qui reste du bain de fiente se 
nomme avances , et entre dans la composition des 
bains suivants. 


IIS OPÉRATION. — Bains d'huile ou Bains blancs. 


Ce bain se prépare en versant cent cinquante li- 
tres de lessive de soude à deux degrés de l’aéro- 
mètre sur dix livres d’huile grasse ; on méle bien 
avec le rable, et on reconnait que le bain est de 
bonne qualité lorsque l'huile ne ‘se sépare point 
et ne monte point à la surface, On méle ce bain 
avec le reste du précédent, et on y passe le fil, 
comme dans l'opération précédente ; on le laisse 
douze heures sur une table , et on le sèche ensuite 
à l'air d'abord , puis à létuve. 

On répète ce bain une seconde fois avec les 
mêmes attentions et on sèche de même. 


IVe OPÉRATION. 


On verse dans un baquet cent cinquante livres 
de lessive de soude à deux degrés de l’aéromètre : 
on y ajoute ce qui est resté des bains blancs, on 
pallie bien et on y passe le fil comme dans les bains 
précédents : on sèche à l'air, puis à l’étuve; à ce qui 
reste du bain précédent, on ajoute cent cinquante 
litres d’eau de soude à deux degrés ; on y travaille 
le fil comme ci-dessus : on sèche à l'air et à l’étuve, 
ce qui reste de ces bains se nomme sikiou et sert 


à l’avivage. 
VS OPÉRATION. — Dégraissage, 


La plus grande partie de l’huile employée dans 


les bains précédents reste combinée chimiquement 
au 


C9?) 

au fil de lin ou de chanvre , mais il en existe une 
portion qui n'est point entrée en combinaison et 
qui n'est que fortement adhérente à la surface du 
fl, et on conçoit qu'il est nécessaire de l'en débar- 
rasser, afin d'empêcher cette portion huileuse de 
se combiner aux mordanis subséquents, dont l'ac- 
tion serait par-là même affaiblie, puisque la com= 
binaison ne se ferait pas sur le fil lui-même. 

Pour enlever la portion d'huile non combinée , 
on fait tremper le fil pendant dix à douze heures 
dans de l'eau pure, légèrement tiède ; on relève en- 
suite , on tord à la main , on lave avec soin à l’eau 
courante ; on tord à la cheville avec le chevillon, et 
ensuite on sèche à l'air d'abord, puis à l'étuve. 

Le fil qui n’est pas bien dégraissé ne prend pas 
également la couleur : celui qui l'est trop ne prend 
qu'une couleur maigre. 

Ce qui reste des eaux de dégraissage sert à dé- 
creuser ou à deébouillir une seconde mise de fil, 


Après le dégraissage, le fil doit être d’un beau 
blanc, 


VIe OPÉRATION, 1% Engallage. 


On fait cuire vingt-cinq livres de noix de galle 
en sorte , dans six seaux d’eau qu'on rafraichit en= 
suite par trois seaux d’eau fraiche ; la décoction , 
passée au tamis de crin, conservant encore. assez 
de chaleur pour qu’on puisse à peine y tenir la 
main, on y passe le fil en le foulant à l'ordinaire 
dans une terrine qui ne sert qu’à cet usage et qui 
est scellée dans une maçounerie à hauteur d'appui; 
on tord légèrement à la cheville fixée au-dessus de 
la terrine ; on rabat et on manœuvre encore deux 
fois de la même manière ; on crêpe ensuite le fil 

G 


(98 ) 
et on le porte de suite à l’étendage , à Pair libre , si 
le ciel le permet, et sous des angars , dans les temps 
pluvieux et humides, et on achève la dessication 
à l’étuve. On conserve le marc de la noix de galle 
pour le second engallage dont il sera parlé plus 
bas, 
VIIe OPÉRATION. — 1% Alunage. 


Pour aluner cent livres de fil , on dissout quinze 
livres d’alun bien pur , et surtout entièrement purgé 
d’oxide et de sulfate de fer, dans six ou sept 
seaux d’eau sans bouillir; on laisse refroidir un 
peu, on décante dans un baquet, et lorsque la 
dissolution n’est plus que tiède , on y passe le fil 
comme dans les bains précédents. 1° On laisse le fil 
en repos sur une table pendant douze heures; on 
fait ensuite sécher lentement à l'air et à l’ombre, 
et on termine la dessication à l’étuve. 


VIII: OPÉRATION. — Lavage d’Alun. 


Ce lavage est très-important ; il doit se faire à la 
rivière avec le plus grand soin et de la manière 
dont nous l'avons expliqué plus haut , afin d'enlever 
au fil toute la portion d’'alun qui ne serait pas com- 
binée chimiquement avec les mordants qu’il a déjà 
reçus ; on sèche ensuite à l'air , puis à l’étuve. 


IXe OPÉRATION. — Remontage sur Alun. 


Le remontage sur alun consiste à passer de nou- 
veau le fil séché de son lavage d’alun , en bains 
blancs , en sels, en galle et en alun. 

Cette nouvelle série d'opérations s'exécute dans 
l'ordre suivant : 

1e Bain blanc, avec huile grasse , six livres et 
lessive de soude à deux dégrés de l’aéromètre ; 


{ 99 ) 
cent cinquante pintes : passer le fil , sécher à Paie 
et à l’étuve. 

2° Bain blanc , composé et appliqué de méme; 
sécher à l'air et à l'étuve. 

5° Bain de sel , avec cent cinquante litres d’eau 
de soude à deux dégrés 1/2, et mélés à ce qui est 
resté des bains blancs précédents ; passer le fil, sécher 
à l'air et à l'étuve. 

4 Engaller une seconde fois avec la décoction re- 
bouillie du marc de la noix de gale qui a servi au 
premier engallage ; étendre de suite à l'air, et ache- 
ver la dessication à l'étuve, 

5e Aluner une seconde fois avec quinze livres 
d’alun bien pur ; sécher lentement à l'air et à lom- 
bre , puis à l’étuve. 

6° Lavage d’alun , comme la première fois ; sécher 
à l’air et à l’étuve. 


X° OPÉRATION. — Garançages. 


Le premier garancage se donne avec cent cinquante 
livres d’alizari de Provence: on ne teint que vyingt- 
cinq livres de fil à la fois. 

La chaudière qui sert à cette opération , a la forme 
d'un carré long, et contient environ vingt-cinq seaux 
d’eau ; on jette dans le baïn les cent cinquante 
livres d’alizari qu'on a eu soin de pétrir préalable- 
ment par parties ,; avec vingt ou vingt-cinq. litres 
de sang de bœuf ou de mouton, et on pallie ben 
pour diviser la pâte et la distribuer dans le bain, 

Lorsque celui-ci commence à bouillir , on y 
plonge le fil dont on passe les pentes sur des 
bâtons posés en travers de Ja chaudière , et 
que l'on nomme lisoirs ; on a soin d’enfoncer 
les pentes, de les retourner de temps en temps 

G 2 


(100) 

bout pour bout, de les agiter dans le bain, et de 
les changer successivement de place, afin que le 
dégré de chaleur soit à-peu-près le même pour toutes 
et que la couleur s'applique le plus également pos- 
sible : on soutient cette manœuvre pendant cinq 
quarts d'heure; la chaleur allant toujours en aug- 
mentant graduellement , jusqu'au dégré de l'ébulli- 
tion. Aussitôt que l’ébullition se manifeste , on re- 
tire les pentes de dessus les lisoirs , et on passe 
ceux-ci dans des boucles de ficelle qui servent à sou- 
tenir les pentes qui sont alors tout-à-lait submergées ; 
on soutient l’ébullition pendant trois quarts d’heure 
environ, après quoi on retire les pentes, on les 
laisse égoutter en refroidissant , et on lave en eau 
courante jusqu'à ce que l'eau sorte claire. 

-Le fil étant bien égoutté , et non séché, on lui 
donne un second garançage qui se compose dans 
les mêmes proportions et s'exécute de la même ma- 
nière que le premier- 

En garançant deux fois, on obtient une couleur 
plus égale et plus nourrie ; le fil prend dans le ga- 
rançage un rouge brun qu’on aménera à un rouge 
pur par l'opération suivante. 

XI° OPÉRATION. — Avivage. 

Quoique l'on puisse aviver le rouge de garance 
dans le sikiou, cependant nous préférons de com- 
poser un bain neuf, avec cinq ou six cents pintes 
d’eau de soude à nn dégré de l’aéromètre , dans 
laquelle on aura fait dissoudre huit livres de savon 
blanc de Marseille , coupé en tranches minces. 

Lorsqu'on s’est assuré que le savon est bien dis- 
sout, on jette les pentes de fil distribuées en un 
certain nombre de paquets, dans une chaudière où 
l'on retient la vapeur au moyen d'un couvercle so- 


( 101 ) 
lidement établi sur un bourrelet, fait d'une grosse 
toile d'emballage interposée entre le couvercle et les 
bords de la chaudière ; on fait bouillir à petits bouil- 
lons pendant cinq à six heures, ou mieux jusqu’à 
ce que le rouge soit bien découvert, ce dont on 
s'assure en retirant de temps en temps un petit 
échantillon suspendu à une ficelle dans la chau- 
dière ; on cesse alors le feu , on laisse refroidir dans 
la chaudière , on exprime le fil, on le lave à 
la rivière , on le tord ensuite à la cheville et on 
sèche à l'air et même à l’étuve. Si un premier avi- 
vage n’ayait pas assez découvert le rouge, on en 
donnerait un second, en y employant une quantité 
de savon et un temps d’ébaullition proportionnés à 
l'effet qu’il s’agit de produire. 

Au sortir de l'avivage le fil porte une couleur 
rouge franche , mais sans beaucoup d'éclat; on par- 
vient à lui en donner davantage en lui faisant su- 
bir une dernière opération à laquelle on donne le 
nom de rosage. 


XII* OPÉRATION. — Hosage. 


Dans trente-six seaux d’eau on fait dissoudre douze 
livres de savon blanc de Marseille ; on fait dissoudre 
aussi une livre de sel d’étain ( muriate d'’étain } dans 
une pinte d'eau tiède , et on verse dans cette der- 
nière dissolution environ quatre onces d'acide ni- 
trique à vingt dégrés de l’aéromètre ; la dissolution 
de savon étant bien faite, et après qu'elle a jeté 
quelques bouillons , on y jette la dissolution du sel 
d’étain, en agitant le bain avec un rable, ou sim- 
plement avec un bâton. Ce bain , pour étre de bonne 
qualité , doit être transparent. 


Ou met alors le fil dans la chaudière , et on le fait 
G 3 


(102) 
bouillir de la même manière que pour l’avivage , 
jusqu'à ce qu’un échantillon , sur lequel on règle le 
temps de l'éballition, sorte d'un beau vif, après 
avoir été exprimé de son bain ; on relève et on lave 
le Gl encore chaud ; on sèche à l'air , et la teinture 
du fil en rouge des Indes est terminée. 

Telles sont les opérations que j'ai pratiquées pour 
teindre le fil de lin ou de chanv:e en rouge d’An- 
drinople. 

La liqueur albuminogélatineuse contenue dans 
Ja fiente de mouton , l'huile grasse , la noix de galle 
et d’alun, sont les quatre mordants à l’aide desquels 
on parvient à fixer sur le lin et le chanvre, ainsi 
que sur le coton , la partie colorante de la ga- 
rance : les deux dernières opérations , c'est-à-dire 
l'avivage et le rosage, ne servent qu'à développer 
Ka couleur et la rendre plus brillante. Quelque 
agréable que soit la couleur, cependant il sera peut- 
être possible de l'améliorer encore par des travaux 
en grand. 

Dans l’art de la teinture comme dans tous les arts, 
pour arriver à la perfection, il faut une réunion de 
circonstances dont il west pas toujours possible de 
disposer. 

‘Ici, par exemple, j'ai eu à lutter contre la mau- 
vec qualité du fil de lin, sur lequel j'ai opéré. 

“J'ai éu pareillemext à combattre la rigueur de la 
saison , pendant les moïs de janvier et de feyrier de 
ceite année. 

Enfin, je n'ai pu opérer que sur quelques kilo-" 
grammes de matière. 

Donhons quelques développements dont on sentira 
aisément l'importance, 

On peut juger par l'échantillon de ff de lin 
écru , joint aux échantillons de teinture, que ce fil 


( 105 }) 

était extrêmement grossier, très-inégal , et par consé- 
quent très-inégalement tordu. De-là plus de difficulté 
pour impréoner le fil des mordants , d’une ma- 
nière uniforme , et pour arriver à une nuance fine 
et délicate : une couleur quelconque joue beaucoup 
plus agréablement à l'œil, sur des filaments déliés 
que sur des fils d’un certain diamètre. Les boucles 
de ficelle dans lesquelles on passe les pentes de fil, 
et qui comme le fil lui-méme sont soumises à l’action 
des mordants et de la partie colorante, se teignent 
aussi en rouge, il est vrai, mais la couleur qu’elles 
prennent est bien éloignée d’atteindre celle que 
le fil reçoit : sans doute parce que les mordants 
et la partie colorante y pénètrent et s'ÿ combinent 
moins aisément et moins parfaitement. 

2° En m’invitant à m'occuper de ce genre de tein- 
ture, M. le Préfet m’avaït fixé un delai assez court, 
et j'ai opéré sur la quantité de fil qui m'est, pour 
ainsi dire, tombée sous la main. 

5° Les brouillards épais, des pluies , des neiges 
abondantes , et le froid rigoureux qui ont eu lieu 
pendant le cours de mes opérations , ont été autant 
d'obstacles à la confection des lavages , et surtout 
à la dessication à Pair; et j'ai remarqué plus haut 
combien cette dernière condition était essentielle 
à remplir : l'air agit non-seulement comme dissol- 
vant de l'humidité , pendant que le fil est aux 
apprèts, mais il agit encore sur la couleur elle- 
même aussitôt qu’elle est appliquée sur le fil, et 
contribue , par la partie de gaz oxigène qu'elle 
contient , à éclaicir et à modifier agréablement Ja 
nuance. Forcé le plus souvent d’étendre le {il dans 
une chambre et non en plein air, on voit que j'ai 
perdu tous les avantages qu’il m'était permis d’at- 
tendre des courants d'air d’une saison plus douce, 

G 4 


(104 ) 
d'un cie! plus serein, del'influence desrayons solaires. 

4 Lateinture en rouge des Indes , exécute en 
grand , dans des ateliers pourvus des chaudières 
et des ustensiles conyenables ; et qui possèdent 
une étuye où la dessication puisse être portée sou- 
vent au dernier dégré , doit nécessairement offrir 
des résultats de beaucoup supérieurs à ceux que 
le travail le plus soigné peut donner dans un la- 
boratoire de chimie. En opérant sur des grandes 
masces , l’inexactitude des proportions dans les ingré- 
d'ents est mo'ns sensib'e, le jeu des attrartions chi- 
miques est plus énergique ; il est plus aisé de mé- 
nager le feu, de le graduer, d’ea mesurer, d'en 
soutemr , d'en prolonger l’action. 

J'avais prévu tous les obstacles dont je viens de 
parler avant de commencer le travail qui m'était 
demaudé, et je ne dissimulerai point que peu s’en 
“est fallu que je re renonçasse à l'entreprerdre. Mais 
il s'agissait de crcer un art nouveau, d’une extrême 
importance pour l’industrie et le commerce ; un 
appel avait été fair à ce sujet parle Gouvernement , 
à tous ceux qui s’occupent des procédés de teinture ; 
j'avais à repondre à l'invitation et à la confiance du 
sage Magistrat qui préside à ladministration de ce 
département. Des motifs aussi puissan's l'empor- 
tèérent sur toute autre considération, et je n’écoutai 
plus que le désir de me rendre utile à nos fabriques. 

Ceux qui ont médité sur les moyens d'accroitre 
la prosperité de l'industrie française et qui se sont 
occupés des moyens de la fonder sur des bases 
solides et inébraulables, regrettaient depuis long- 
temps de voir que introduction d'un produit exo- 
tique, et qui, par l'effet d’une foule de circonstances, 
peut nous manquer tout à-coup, eût, en quelque 
sorte , proscrit de nos ateliers des matières premières 


4 


dE 


(105 ) 
à la culture desquelles notre sol se prête avec la 
plus heureuse facilité. J'ajouterai que je me suis 
assuré par l'expérience qu'au moyen d’un procédé 
analogue à celui du rouge des Indes , on peut 
donner aux fils de lin et de chanvre non-seule- 
ment la couleur rouge d’Andrinople , mais encore 
les couleurs rose, cerise , lilas , violet et paliacat 
de toutes les nuances ; en sorte que le fabricant 
sera le maître d’assortir ses couleurs au gre de son 
imagination, et de la manière la plus propre à flatter 
le goût des consommateurs, dans la fabrication des 
toiles et mouchoirs en fil de lin et de chanvre , 
comme il se pratique aujourd’hui dans la fabrica- 
tion de la Rouennerie en coton. 

Ceux qui voudront avoir la preuve de ce que je 
viens d'avancer la trouveront dans mon Manuel du 
Teinturier sur fil et sur coton filé, qui contient tous 
les procédés particuliers relatifs à ce genre de teinture, 


Le ++ + 1 


ExrrAiT du Rapport fait à l’Académie , le 22 juillet 
1814, par MM. B. Pavie et Lancelevée , sur le 
Mémoi-e de M. Vitalis, concernant la Teinture de 
fil de lin et de chanvre en rouge des Indes ou d’'An- 
drinople. 


« Dès le moment où l'on s’est occupé en France, 
et notamment à Rouen, de la teinture du coton en 
rouge des Indes , les téinturiers avaient essayé de 
fixer cette couleur sur le fil de lin et de chanvre , 
mais ils n'avaient obtenu qu'une couleur pauvre , 
sans reflet et surtout peu solide. 

» Les échantillons qui sont l'objet de ce rapport, 
et qui vous ont été présentés par M. Vitalis, le 3 
mars dernier , offrent au contraire une couleur bien 


C106) 

nourrie, assez vive, et ayant même un certain éclat, 
Nous ajouterons, et avec beaucoup de satisfaction, 
que quoique le temps ne nous ait pas permis d’é- 
prouver la couleur par une exposition prolongée à 
l'air et au soleil, cependant nous n’hésitons point 
à prononcer sur sa solidité, d'après la résistance 
qu’elle a opposée à l'action de acide nitrique et à 
celle du savon. 

» Nous ne vous dissimulerons pas , Messieurs, 
qu’au premier aperçu, le fil de lin teint par notre 
confrère nous a paru avoir souffert dans sa ténacité. 
Cette altération pouvait résulter ou du procédé em- 
ployé par l’auteur, ou de la mauvaise qualité de la 
matière sur laquelle il avait opéré. Pour lever tous 
les doutes à ce sujet, nous nous sommes adressés 
à M. Vitalis lui-même , qui nous a représenté en 
blanc quelques livres du fil dont il avait été obligé 
de se servir, et nous avons reconnu que ce fil, qui 
lui a été fourni par M. Marchand fils, teinturier, 
rue Chasse-Marée |, à Rouen, avait été altéré par 
un demi blanc qu’il avait recu de M. Marchand, 
au moyen du Berthollet. (Acide muriatique oxigèné.) 

Quant à la nécessité où M. Vitalis s'est trouvé d'emi 
ployer ce fil de mauvaise qualité , elle est-constatée 
par le délai extrémement court qui avait été fixé 
pour ses opérations , par M. le Préfet. (1) 


, 

(1) Ce Magistrat avait, le 27 novembre 18153 , écrit à 
M. Witalis, en ces termes : 

« Des essais, Monsieur, viennent d’être faits pour teindre en 
rouge dit des Indes le fl de chanvre et de lin, 

» S, Exc. le Ministre des manufactures et ducommerce appelle 
en conséquence l'attention de MM. les fabricants et teinturiers 
sur Ja recherche de ce procédé. 

» Le zèle que vous avez mis jusqu'à ce jour à contribuer de 


(107) 

« Du reste, le procédé suivi par M. Vitalis, pour 
teindre en rouge des Iudes le fil de lin ou de chanvre, 
ne diffère de celui qu’on emploie pour donner la 
méme couleur au coton, que par des manipulations 
particulières dans les appréts, et sur tout dans la 
manière de laver le fil de lin et de chanvre, et de le 
tirer à l'eau. 

» M. Vialis a donc encore une fois bien mérité de 
nos fabriques qu'il avait déjà servi si utilement , et 
par la découverte de plusieurs procédés nouveaux en 
teinture et par la publication de son Manuel du Tein- 
turier sur fil et sur coton filé. (1) 

» Que M. Déloge, de Montpellier, ait pris, au 
commercement de 1808, un brevet d'invention de 
dix ans pour le genre de teinture dont il s’agit ; qu'en 
1811, M. Palfrêne , de Cambrai, ait présenté au Mi- 
nistre des manufactures et du commerce des mou- 
choirs de batiste , tissus en partie avec des fils teints 
en rouge d'Andrinople , il n’en sera pas moins vrai 
1° qu’au mois de novembre 1813, le Ministre des 


vos lumières et de vos moyens à l’amélioration de l’industrie ma- 
nufacturière de ce département , m’est un sûr garant que vous allez 
y donner des soins dans Ja circonstance importante qui se pré 
sente. 

70 laisi Mons D 

» Je recevrai avec plaisir, Monsieur, l’assurance que vous 
vous êtes occupé de ces essais. 

» Je vous serai obligé de me faire parvenir , dans Le délai de 
deux mois , lanotice des procédés que vous aurez employés et des 
échantillons que vous aurez obtenus, » 

» , 4 
J'ai l’honneur d’être , etc, 


Signé S4 GIRARDIN, 


(1) Ilest à remarquer que le dernier chapitre de cet ouvrage , 
qui a paru en 1810 , contient un exposé général de la marche 
qu'il convient de suivre pour teindre le fil de lin ou de chanvre 
en rouge d’Andrinople, 


( 108 ) 

manufactures et du commerce appelait l'attention 
de MM. les fabricants et des teinturiers sur /a 
recherche du procédé à suivre pour teindre le fil de 
lin et de chanvre en rouge des Indes; 2° que MM. 
Deloge et Palfréne, s’ils ont découvert ce procédé , 
l'ont tenu secret ; 5° que M. Vitalis aura le mérite 
et l'honneur de l'avoir révélé à nos fabriques, avec 
cette franchise et ce noble désintéressement dont il 
a donné d’ailleurs des preuves si multipliées dans 
toutes les occasions, » 


Signés Bin PAVIE et LANCELEVÉE. 


( 109 ÿ 


AS 


Los Re 1 


OBSERVATION 


D'UN TYPHUS EXANTHÉMATIQUE, 


Par M. Vicnk, D. M. P. 


Unhabitant de Rouen, age detrente-deux ans, privé 
tout-à-coup d’une certaine aisance, fut obligé de 
quitter sa famille pour aller partager les fatigues et 
les dangers de la dernière guerre de la France contre 
les puissances alliées. Après avoir , en moins de 
trois mois, bravé la mort dans seize combats , éprouvé 
nuit et jour les pénibles effets de la saison la plus 
rigoureuse, et, pendant plus d’un tiers de cet in- 
tervalle de temps , vécu de racines et de son dé- 
trempé, mal pétri, mal cuit, ce malheureux est re- 
venu dans ses foyers avec le germe du typhus, qui 
s'est manifesté le surlendemain de son arrivée. 

Appelé le quatrième jour de la maladie, j'ai trouvé 
les traits du visage sensiblement altérés , le regard 
farouche, la langue humide et blanchâtre , la pa- 
role brève , beaucoup d’oppression, une toux fré- 
quente et convulsive , une espèce d'abandon des 
membres ,; le soubresaut universel des tendons , 
l'abdomen très-élevé, toutes les excrétions suppri- 
mées , la peau brûlante , le pouls dur, irrégulier, une 
extrême propension au sommeil presqu'aussitôt in- 
terrompu par la vue fantastique des scènes horribles 
qui s'étaient passées sous les yeux du malade, et 
auxquelles il avait miraculeusement échappé... 
violent paroxisme à l'entrée de la nuit. 


( 110 ) 


Le 5° jour, mêmes symptômes. 

Le 6°, délire furieux remplacé par un profond 
assoupissement, 

Le 7°, sueur trés-acide et partielle du thorax. 


Le 8: , elle s'étend à l'abdomen et aux extrémités 
inférieures. 

Les 9°, 10°, 11° et 12° , abondante éruption mi- 
l'aire. 

Le 15°et le 14°, copieuse évacuation par les voies 
urinaires , rémission de tous les symptomes, sorte de 
résurrection. 


Le 17°, rémission encore plus marquée. 
Le 21°, apyrexie , appétit, convalescence. 


De légères décoctions mucilagineuses , employées 
d’abord de toutes manières pour d'minuer la chaleur 
et le spasme, ensuite un large vésicatoire et deux 
sinapismes appliqués aux membres abdominaux, dans 
intention de ranimer la sensibilité presque éteinte 
et de seconder le travail de l'éruption; un chocolat 
médiocrement nutritif, adoucissant ; un vin cordial 
à doses relatives pour relever au déclin des pa- 
roxismes les forces abattues; de simples fumigations 
acéteuses ; enfin, tous les secours moraux indispen- 
sables pour soutenir le courage d’une épouse aflligée, 
pour entretenir le zèle d'amis charitables qui l'aidaient 
à soigner le malade, pour larmer lui-même dans 
quelques instants lucides contre la crainte du danger , 
et lui inspirer une pleine confiance dans les res- 
sources de la nature et de la science qui concourt 
avec elle à rendre et à conserver aux hommes la vie 
et la santé ; tels sont les moyens auxquels a cédé 
cette grave maladie. 


J'ai cru devoir n’employer aucune substance ani- 


( Frr) 
male trop facile à se corrompre dans les fièvres 
adynamiques , et préférer au kinkina, si usité, si 
évidemment efficace , un vin généreux que le ma- 
lade , presque réduit à l’état automatique, semblait 
ardemment désirer. 

J'ai surtout évité les boissons acides et les fumi- 
gations muriatiques, sulfureuses, nitriques ,: con- 
tre-indiquées par la toux et la phlegmasie cutanée. 

Le succès de ce traitement permet de croire que 
l'on puisse , au moins quelquefois, y recourir utile- 
ment contre l’une des maladies qui paraîtraient exi- 
ger la médication la plus active, j'oserais presque dire 
Ja plus compliquée ; et l'aspect sous lequel celle-ci s’est 
présentée , justifie le nom que je lui ai donné, soit 
qu'on l'envisage relativement à l'espèce d’atonie, 
d’assoupissement , d'anéantissement où s’est trouvé 
le malade, soit relativement à laltération des hu- 
meurs, effet ordinaire de la lésion des forces vitales. 

Messieurs , en songeant à vous offrir cette obser- 
vation sur le typhus, je n’ai point oublié que j'avais 
été précédé dans la carrière par les plus grands 
maitres, et que Pringle surtout laissait à ses succes- 
seurs peu de choses à dire sur cette affreuse mala- 
die ; mais je vous dois le fruit de mes faibles tra- 
vaux, et je m'accuserais d’injustice, d’ingratitude 
envers vous, si je pouvais douter de votre indul- 
gence, et vous dérober un seul de mes hommages. 


(1:12) 


BELLES-LETTRES. 


RAPPORT 


Fait par M. Pinarn De BorsaésrrT , Secrétaire 


perpétuel de l’Académie pour la Classe des Belles- 
Lettres. 


MESSIEURS, 


M. le Secrétaire vient de vous lire un extrait des 
travaux de la classe des sciences : il vous a mis à 
portée de juger des efforts que fait l'Académie pour 
répondre au but de son institution. 

Je vais vous donner, par une courte analyse, une 

idée des Mémoires et des Morceaux de poésie fournis 
par la classe des Belles-Lettres, 
_ Je m'abstiendrai de tout éloge ; trop heureux si 
dans cette réunion d'hommes éclairés qui nous ho- 
nore de son attention, nos trayaux peuvent obtenir 
de l'intérêt. 

L'Académie entretient une correspondance suivie 
avec diverses sociétés savantes. Pour ne pas outre- 
passer les bornes raisonnables de cette séance, nous 
sommes forcés de nous réduire à la simple indica- 
tion des ouvrages qui nous ont été envoyés. 


= Nous avons reçu de la Société d'Emulation de 
Fouen , le précis de ses travaux pendant l'année 
1813, 

M. Licquet, chargé de nous le faire connaître , 
nous y fait remarquer entre autres pièces intéres- 
santes ; 


( 
Li 


Gi) 
1° Le Discours prononcé par M. le comte de Girar- 
din, président, 


C’est un tableau fidèle de ce département , sous 


les rapports de l'agriculture et de l’industrie de ses 
habitants. 


20 Le Discours de M. S.-Martin, qui lui a mérité 
une médaille d'or à la Société d'Emulation de Rouen, 
sur cette question : Quelle a été l’influence du génie 
de Corneille sur la littérature Jrancaise et sur lè 
caractère national ? 


L’auteur en a fait hommage à l’Académie, 


= La Sociéié académique des Sciences, Lettres, 
Arts et Agriculture de Nancy , vous à envoyé le 
précis analytique de ses travaux pendant le cours de 
1811 et 1812. 


M. Duputel, chargé d'en faire le rapport, a pré- 
senté un sommaire rapide des productions aussi 
nombreuses que variées qui s'y trouvent ana- 
lysées. 


La plupart de ces productions étant du domaine 
des sciences, M. le Secrétaire vous en a entretenus. 


Je me bornerai donc, ajoute M. Duputel, à vous 
dire qu'il résulte dé ces trivaux que la Société 
académique de Nancy est une de celles qui con+ 
courent avec le plus de zèle à la propagation des 
lettres et dés arts, et avec laquelle il nous est non 
moins agréable qu'utile d’entretenir une active cor- 
respondance. 


( 114 ) 
PRODUCTIONS DES ÂACADÉMICIENS. 


PoËstrE, 


— M. Duputel vous a donné une héroïde ayant 
pour titre : Charlotte Corday , avant de mourir, à son 
pére. 


= Vous avez de M. Vigné desstances allégoriques , 
ayant pour titre , le Papillon et la Rose. 


= M. Lefilleul des Guerrots , membre non résidant, 
nous a présenté deux fables , l’une Le Souge de 
Lubin, et l'autre l’Ane et son Maitre. 


= M, Guttinguer vous a fait hommage de deux 
fables intitulées, lune Les Fleurs et le Chou, et 
l'autre Philomèle, le Corbeau et le Vautour. 


L'Académie a délibéré que les stances allégo- 
riques «et les fables seraient imprimées à la suite de 
ce Rajiport. 


= M. Boïeldieu vous a présenté un morceau de 
poésie , imprimé, qui a pour titre , le Frelon et les 
Abeilles. 


— M. Licquet a intéressé plusieurs de vos séances 
par la lecture de sa tragédie de Autilius, Dans ceue 
nouvelle production, notre confrère soutient la ré- 
putation que lui ont justement acquise les tragedies 
de Thémistocle et de Philippe IL. 


= M. Milcent, membre non résident, vous a fait 

hommage de deux tragédies lyriques , imprimées 

5 ; 8 na s ImF , 

l'une ayant pour titre Médée et Jason, autre sous 
le titre d’Hécube. 


(115) 
= Le même vous a adressé deux pièces en vers, 
l'une ayant pour titre , Homme; etl’autre ,le Banc de 
Pierre. 


r 


La 1°" présente l'homme dans toute sa grandeur : 


La terre sous son bras devient saine et féconde ; 
Le peuple ailé des airs, les habitants de l’onde, 
Les tyrans des forêts , asservis sous sa loi, 
Dans l’homme ont reconnu leur Roi, 
Des flots de l'Océan , il dompte la furie, 
Maitrise d’une main hardie 
Les climats , les saisons , le souffle des autans 
Et plus puissant encor soumet les éléments, 


L'auteur, après avoir fait de l'homme un demi- 
Dieu , le Roi de l'univers, le présente aux prises avec 
la douleur et Ja mort , pour jamais euglouti dans la 
tombe; et termine par ces vers: 


O! vérité, sublime et désirable ! 
L’homme n’est pas dans ce corps périssable 
Que détruit la douleur , que le sépulcre attend : 
Il est dans la pensée , il est dans le génie; 
Et c’est par eux qu'il fait partie 
De l’invisible Auteur de l’Etre et du néant. 


= Vous avez reçu de M. Mollevaut une pièce 
de poésie imprimée , ayant pour titre la Paix. 


MÉLANGES., 


= M. de Bonardi, membre non résidant, vous «a 
donné un Essai sur le Bonheur, Cet opuscule, qui ho- 
nore l'esprit et le cœur de notre collègue , fait partie 
d'un ouvrage plus étendu. Le motif de l'auteur était 
de former ses enfants à la vertu, en la présentant 
comme le seul chemin qui mène au bonheur. 


= Dans un Mémoire relauf à la ville de Paris, M. 
H' à 


( 116 ) 
Gosseaume traite successivement les cinq questions 
suivantes : 


1° Quelles étaient, au temps de Jules César, Île 
nom, la situation et les limites de Paris, et quel 
rang tenait-il parmi les cités des Gaules ? 


2° Est-il propable qu’un temple d'Isis, voisin de 
Paris, et un collége sacerdotal, établi à Issy, pour 
le service de ce temple, soient l’origine du nom de 
cette capitale ? 


5° En refusant d'admettre Isis comme le radical 
de Paris, serait-il possible d'offrir une autre éty- 
mologie plus naturelle et plus raisonnable ? 


4° Quels obstacles empéchèrent Labiénus de pren- 
dre Paris, la première fois qu'il se présenta devant 
ses murs ? Pourquoi fut-il plus heureux à ja 
deuxième expédition ? 


5e Où le général romain établit-il son camp devant 
Paris, en s’y présentant d’abord? En quel endroit, 
après la prise de Melun et marchant itérativement 
sur Paris , traversa-t-il la Seine ? En quel endroit se 
donna la bataille où les Parisiens furent écrasés ? 


La première question , dit M. Gosseaume , ne pré- 
sente aucune difficulté, Paris est désigné par Jules 
César comme une bourgade , oppidum ; il l’assi- 
mile à Melun, ville voisine dépendante de Sens. 


Mais cette espèce de bourgade avait une impor- 
tance assez grande et elle la devait à sa position avan- 
tageuse sur un grand fleuve, qui en faisait l’entre- 
pôt naturel des plaines fertiles qui l’entouraient. 


La deuxième question est négativement résolue 


me 


(17) 

par notre confrère ; 1° dans le récensement des divi- 
nités des Gaulois, par César, Isis n’est pas seulement 
nommée, 2° Le même auteur nous apprend que les 
Druiïdes étaient les prêtres des Gaulois ; que c’était 
dans l'épaisseur des forêts qu’ils faisaient leurs sacri- 
fices barbares , à la cueillette du gui sacré ; 5° quelle 
eût été la convenance de placer le temple à Lutèce 
eule collége sacerdotal à Issy ; 4° Isis, comme radical, 
ne convient ni à Lurèce ni à la peuplade ; il n’est pas 
rare de voir une divinité associer à son nom celui de 
la contrée ou elle est honorée , ainsi nous disons Ju- 
piter Capitolin , Appollon Delien , Venus Gnidienne; 
mais le contraire est absolument insolite. 


Troisième question. Refusant d'admettre Isis comme 
le radical du nom des Parisiens , M. Gosseaume ob- 
serve que Parisii était le nom du peuple dont la cité 
se nommait Luteciæ Parisiorum ou Parrhisiorum en 
suivant l'orthographe de Pline ; considérant d'un 
autre côté que l'armure des Gaulois était un bou- 
clier tressé de plantes sarmenteuses ; considérant 
enfin que les bas-reliefs trouvés en 1710, dans les 
fouilles de Notre-Dame de Paris , placaient en tête de 
trois militaires pareillement armés , l'inscription Æu- 
rises que notre confrère dérive d’ev, bellè, facilè ; 
et pite , radix , leviter , parmulati, 1| lui parait natu- 
rel de dériver Parrhisii de rapa, malè , vitiose, et 
piaes , viminati où parmulati ; en quoi il a pour au- 
torité celle de César , qui décrit et qui blâme cette 
armure infidèle. Cette étymologie, d’ailleurs, est par- 
faitement en rapport avec le caractère bouillant et 
Vintrépidité des Gaulois, qui, fiers de leur courage, 
comptaient leur armure pour rien. 


Quatrième question, Pourquoi Labiénus échoua-1-il 
dans sa première entreprise sur Paris ? 
H 5 


(118) 

La marche des Romains sur la rive gauche de la 
Seine ; la rencontre des marais impraticables au 
confluent de la rivière de Bièvre et de la Seine, le 
forcèrcñt de rétrograder : mais la prise de Melun et 
celle de cinquante bateaux lui donnèrent de grands 
avantages. 


2° Les Parisiens , qui prirent la retraite simulée de 
l'ennemi pour une fuite ; commirent la faute énorme 
de sortir de leur camp bien retrancheé ; ils firent plus : 
ils brälèrent leur ville , et allèrent au-devaut des 
Fomains, et n'étant plus couverts par leurs marais» 
leur armée fat taillée en pièces. 


Sur la cinquième question , M. Gosseaume , d’après 
des rapprochements du texte de César avec la dé- 
marche de Camulogène , conclut que Labiénus passa 
la Seine et débarqua au port à l'Anglais, et que la 
bataille se donna dans une plaine entre Ivry , la Salpé- 
tière et la Seine. 


— Lé même M. Gosseaume a otcupé une de 
vos séances par la lecture d’une dissertation aÿant 
pour titre: Rôtherches sur les bas-reliefs erouvés 
dans les fouilles du chœur de Notre-Dame de Paris, 
en 1710, et à quirize pieds de profondeur. 


. L'auteur de ce Mémoire expose , dans un assez 
grand détail , les circonstances qui procurérent la 
découverte de ces monuments ; les ouvrages des 
savants qui se chargèrent du soin de nous les faire 
connaitre ; (1) la différence notable qui se rencontre 
entre leurs gravures , toutes calquées sur un même 
môdéle. Les limites d'un extrait ne comportent pas 
toutes ces discussions ; hôûs nous tüntenterons de 
présenter ce qu'il y a de vraimént intéressant dans 


(119) 


ce Mémoire, et nous ferons nos efforts pour que 
la brièveté ne dérobe rien à la clarté, 


Des quatre pierres carrées qui présentent chacune 
quatre bas-reliefs , la première est large de vingt-six 
pouces et haute de dix-huit; elle offre sur la pre- 
mière face une inscription ainsi conçue ; 


T1BERIO CÆSARE AVGV.JOVI OPTvVM MAXSVM M 
NAVTAE PARISIACI PVBLICE POSIERVNI. 


M. Gosseaume s'appesantit peu sur cette inscrip= 
ton qui présente un sens assez clair. La seule liga- 
ture M donne lieu à une légère discussion. M. Baudelot 
remplit l'espace qui se rencontre entre le mot abrégé 
Mazxzsum et la ligature en question des trois lettres 
ARA , pour avec M, former le mot aRAmM. M. Gos- 
seaume ne partage pas ce sentiment; et, persuadé que 
cette ligature est le complément d’un mot qui se ter- 
mine par un o, propose de substituer à ARAM ces 
mots-ci : PRO M., abrégé de Monumento. 


La deuxième face présente trois militaires armés 
de piques et de boucliers héxagones : la première 
figure singulièrement dégradée. Nulle inscription. 


La troisième face présente pareillement trois Mi 
litaires armés de piques et de boucliers héxagos 
nes ; au-dessus on lit cette inscription : EVRISES, 
Considérant, d'après le témoignage de César ;, de 


(1) MM. de Mautour , Baudelot | Mem, de lPAcad. des 
Inscrip. tome 3; le P. Montfaucon , Æ#ntiquité expliq, ; 
tome 3, page 425; D. Martin, Religion des Gaulois ; 
Mémoires de Trévoux, janvier 37124 


H 4 


( 120 ) 

Tacite, de Juste-Lipse (1) , que les Gaulois sé ser- 
vaient de boucliers tressés avec des plantes sarmen- 
teuses et radicantes qu’ils recouvraient de cuirs 
d'animaux, notre confrère dérive Evrises de deux 
mots grecs , eu, benè, bellè , facilè; et pita , radix , 
vimen ; leviter vimineo parmulati, L'armure aurait 
donné le nom à la troupe , comme la cuirasse de 
nos jours donne le nom à nos cuirassiers ; et le 
monument présentait l'hommage de la milice gau- 
loise. 


La quatrième face se compose de six figuressur deux 
plans de trois figures chaque ; toutes , dans la gravure 
de M. Baudelot, sont des figures de vieillards , la tête 
ornée de couronnes de chêne. On lit au-dessus l’ins- 
cription suivante , souvent interrompue par des lacu- 
nes : 


SENANI 14 EILO 


Avec le simple prolongement de la premiere jam- 
be de la seconde x, dont M. Gosseaume forme 
un T,et formant un s de la lettre 1, assez équi- 
voque , il lit : senaTvs. Suit la lettre isolée v ; 
votre confrère met en avant la lettre z , et en arrière 
la lettre x , dont résulte le mot 1vx. Considérant 
ensuite que £ du dernier mot est informe de même 
que 1 ; 2° que l'inscription ne termine pas la ligne; de 
» il forme un A , et de 7 informe uni; faisant pré- 
céder ce mot insignifiant d’un & et le terminant par 
un , il forme le mot GazLor, diminutif de Gallorum ; 
et la légende Senatus lux Gallorum , devieutun hom- 


ES 


QG) De bello gallico, De moribus germanorum. De militié 
romande 


(121) 
mage rendu au Sénat et la preuve de leur soumis- 
sion pour les lois, 


Deuxième pierre. Elle est composée de deux assi- 
ses superposées ; les personnages y paraissent en pied ; 
au lieu que dans toutes les autres ils ne présentent 
que des bustes , ce qui prouve que dans le principe 
toutes étaient pareillement composées de deux assises. 
La largeur totale est de trente pouces, et la hauteur 
de quarante. 


Première face. Un personnage tenant une tenaille 
d'une main , de l’autre un marteau , avec cette ins- 


cription : VOLCANVS , ce qui ne présente aucune dif- 
ficulté, 


Deuxième face. Un autre personnage armé d’une 
pique , une couronne sur la tête , avec cette inscrip- 
üon : 1oVIS, ne présente pas plus de difficulté. 


Troisième face. Autre personnage abattant, avec 
une hache, des branches de laurier , avec cette ins- 
cription:esvs. C'était chez tes Gauloisle nom de Mars. 
On peut y voir l'embléme de la Paix , Mars détrui- 
sant Jui-méme les trophées de la victoire. 


Quatrième face. Elle présente un taureau dans une 
forêt ; il porte trois grues , une sur la tête , une sur 
le dos, une sur la croupe , avec cette inscription : 
Tarvos Tricaranos. M, Gosseaume adopte volon- 
tiers l'opinion de M. Baudelot , qui, dans ce bas-relief, Germanor. 
voit un emblème de la paix. Le taureau était un des Mor, C. 7. 
signes militaires des Gaulois; et , au rapport deTacite, 
les Gaulois déposaient, durant la paix, ces emblêmes 
de la guerre dansl’épaisseur des forêts, M. Gosseaume 
ajoute que la grue est l’emblême de la vigilance, 
et voit dans cette allégorie un avertissement de ne 
séparer jamais la vigilance des opérations militaires. 


(122) 
“Troisième pierre. Elle a les mêmes dimensions que 
celles de la première. 


Première face. Un cavalier une massue à la main 
gauche , la droite appuyée sur un cheval , avec cette 
Inscription : CASToR. 


Deuxième face. Une figure toute pareille à la pré- 
cédente , ayec cette inscription : POLLUX ; mais dans 
la seule gravure de M. Baudelot. 


Troisième face, Une figure de vieillard au front 
chauve ; de ses oreilles sortent des cornes rameuses 
auxquelles pend un anneau de chaque côte ; 
avec linser ption cervvNNos. M. Gosseaume dérive 
ce mot de deux mots grecs #£pas Cornu, et uyy1 capra 
apud Hesychinm ; on pourrait les exprimer er fran- 
çais par un seul mot, Canricorne. Notre confrère en 
conclus que la figure représente le Dieu Pan, que 
les mythologue: confondent souvent avec les Sa- 
tyres (1) aux pieds de chèvres et aux cornes de 
bélier, Lei ,obieciera-t-on , les cornes sont branchues ; 
mais ignore-t-0n que 


ss... Pictoribus atque poëlis , 
Quid libet audendi semper fuit æqua potestas. 


De arte Poet. 9. 10. 


Quatrième face. Elle représente un athlète armé 
d’une massue , qu’il lève contre une hydre prête à 
EEE 

(x) H suffit de jeter les yeux sur cette face pour y reconnaitre 
la boufissure temporale , les oreilles épaisses avec lesquelles les 
peistres nous représentent les Satyres, C’est vraisemblablement 
d’après cette similitude qu'Hippocrate a désigné les oreillons , 


maladie familiére aux enfants, sous le nom de Serupiasues , 
Satyriasmus. Aph.@ IE, 16. 


(125) 

s’élancer sur lui. L'inscription très-mutilée est 
DE VI RI 05. 
et commence au tiers de la ligne; ce qui prouve 
qu’en tête il y a piusiceurs lettres effacées. M. Gos- 
seaume Îles supplée par ALcI ; puis, de la première 
lettre , très-équivoque, formant un p , illit ALCIDE. 
I! supplée pareillement les lettres qui manquent entre 
1 et R par cro, ce qui lui donne le second mot 
vicrori. Enfin, il supplée celles qui doivent pré- 
céder os par How, et fixe la nature du personnage 
par le texte même de linscription ALcIDS vicrori 
HONOS. 


Notre confrère abandonne , ainsi que l'ont fait 
avant lui, le P. Montfaucon , M. de Mautour et M. 
Baudelot lui-même , les bas-reliefs de la quatrième 
pierre. Ils sont si dégradés que l'on n’y connaît 
absolument rien. Mais il né peut partager le senti- 
ment de M, Baudelot, qui dans le bas-relief de la 
quatrième face de la première pierre voit une as- 
sernblée de Druides qui président à l’inauguration de 
ce monument. Pline nous dit formellement , anno 
urbis 657 , senatus consultum factum est, ne homo 
immolaretur,.….. Tiberii Cæsariis principatus sustulit pis. 1 xxx. 
Druidas Gallorum. En considérant d'ailleurs que Ca re 
parmi les Divinités que ces bas-reliefs représentent, 
il y en a un bon nombre qui étaient nouvelles pour 
les Gaulois, que leur Divinité principale , Mercure, 
n'y est pas même nommée , notre confrère est bien 
tenté de voir dans cet hommage rendu à lEmpe- 
reur uu trait de flatterie pour avoir substitué à un 
culte barbare une religion plus humaine. Quelles 
divinités en effet voit-on figurer ici? Les Dieux bien- 
faiteurs de l'humanité, Castor et Pollux, les patrons 
des navigateurs ; Pan, le Dieu des bergers, le promo- 


( 124) 
teur del'agriculiure; Hercule , qui n'avait parcouru 


Ja terre que pour la purger des monstres qui la 
désolaient. 


Mais quelle était la destination de ces divers mo- 
numents? Devaient-ils concourir à la formation d’un 
monument unique ? Devaient-ils former quatre au- 
tels isolés? La première opinion parait insoutenable 
à notre confrère ; et, en effet, il fût résulté de cet 
assemblage une composition du plus mauvais goût. 
L'idée d’en former quatre autels ne lui paraît pas 
improbable , et elle est assez conforme aux usages 
des Romains, qui par le nombre des autels don- 
paient la mesure du degré de considération qu'ils 
accordaient à l’objet de leur hommage. En supposant 
tous ces autels parfaits, ils eussent eu trois pieds quatre 
pouces de hauteur , élévation bien suflisante pour des 
autels portatifs ; cette largeur eût suffi pour y brüler 

Virg.Eclog. des parfums ; et tandis que les bergers de Virgile en 

v. Ver, 66. consacraient deux à Daphnis, une compagnie de 
navigateurs pouvait bien en consacrer quatre à 
Tibère. C 


— Le méme vous a donné un Mémoire intitulé : 
Quelques Observations sur la Poésie des Hébreux. 
L'Académie a arrété que cet essai sera imprimé à 
la suite de ce Rapport. 


BEAUX-ARTS. 


= M. Pescheux, peintre, avait prié l’Académie 
de nommer une commission pour examiner les ou- 
vrages qu’il a faits à la coupole de Saint-Romain; 
organe de la commission , M. Descamps a donné 
la description de cinq tableaux qui décorent cette 


( 125) 
coupole, et, en artiste habile et plein de goût , il 
rend justice au talent de M. Pescheux, sans dissi- 
muler quelques taches qui se font remarquer dans 
son travail : il termine ainsi son Rapport : 


« Cet ouvrage est évidemment le fruit d'une grande 
pratique et d’un talent nourri par d’excellentes 
études, Il résulte de nos observations que la ma- 
nière de M. Pescheux a quelque chose de la bonne 
école italienne. » 


… 


2 
- 


… 
2 


= 
- 


= M. Désoria vous a donné la description d'un 
tableau d'Histoire qu'il vient d'achever et qui est 
placé dans une chapelle de la cathédrale de Rouen. 
Ce tableau représente Saint-Paul , s'adressant à 
Agrippa, qui vient de lui dire, Peu s’en faut que 
vous ne me persuadiez d’être chrétien , et à qui Saint- 
Paul répond : Plüt à Dieu que non-seulement il ne s'en 
fallät guères, mais qu’il ne s’en fallät rien du tout que 
vous et tous ceux qui m'écoutent devinssiez tels que je 
suis , à La réserve de ces chaïnes. 


Ici, Messieurs, je termine ce Rapport, et je vois 
avec douleur que je n’ai pu rien citer d’un de nos 
collègues dont souvent j'ai eu à vous entretenir 
dans nos séances. Puisque cette année a mis le terme 
à cette correspondance aimable , jetons quelques 
fleurs sur la tombe de notre confrère. 


M. Jacques Mutel de Boucherville, né à Bernay 
le 28 mars 1750, se distingua dans ses études au 
co!lége de Rouen. Son éducation terminée, le goût 
naturel qu'il avait pour les arts le porta à faire des 
essais dans plus d'un genre. Les Lettres, le Dessin , 
la Peinture, occupèrent ses premiers loisirs. 


( 126) 


A l’âge de trente ans, il fut pourvn d'une charge 
de conseiller auditeur à la chambre des comptes de 
Normandie. Cette charge , comme on le sait, laissait 
à notre confrère des loisirs qu’il sut mettre à prolt. 


Livré entièrement à ses goûts, la poésie eut la 
préférence. 


Un Discours sur ce sujet, proposé par l'Académie 
de l'Immaculée Conception , combien il est intéres- 
sant pour la gloire et le bonheur des Français de 
conserver Le caractère national. Ce Discours, dis-je, 
lui ouvrit les portes de cette Société, connue sous 
le nom de Palinods, qui long-temps réunit dans 
son sein des hommes distingués par leurs talents; 
honora notre cité et n'existe plus aujourd'hui. 


_ Nous avons de M. Mutel une traduction en vers 
des deux premiers livres de l’'Enéide, un poeme en 
quatre chants sur /’£ducation, une Epitre en vers 
à Bernadin de Saint-Pierre, un poème imuütulé la 
Terre, une tragédie ayant pour titre Gunide, un 
poëme, en six chants, sur les Conquêtes des Nor- 
mands en Italie, des Stances, une petite pièce phi- 
losophique, ayaut pour titre un Octogénaire au coin 
de son feu ; le Mensonge et la Vérité , allégorie ingé- 
nieuse et remplie d'imagination. 


L£ 
En général les poésies légères de M. Mutel ont 
l'empreinte de cet esprit, de cette galanterie française 
qui faisait le fond de son caractère aimable. 


Nommé pendant la révolution Maire de Bernay , il 
en a rempli les fonctions pendant plus de dix ans 
avec un zèle soutenu par le plus ardent amour du 

bien public. Toujours chéri de ses concitoyens , 
toujours tourmenté du désir d’être utile, il est venu 
à bout par des trayaux habilement conduits de pré- 


L. En mom — 


NOUS UE TS PQ PO SEC PE EE 


(127) 
server sa ville natale des inondations qui souvent 
l'ont afiligée. 

Personne plus que lui n’était sensible au malheur 
de ses semblables, Extrêmement charitable, il ver- 
sait beaucoup d'aumônes dans le sein du pauvre. 
Le bonheur des autres faisait partie essentieile du 
sien. Adroit et heureux à-la-fois, 11 était rare qu'il 
ne réussit pas à rétablir la paix dans les families. 


Son cœur excellent ltia conserve des amis jusqu’au 
dernier jour. Attaque depuis long-temps d’une ma- 
ladie aflreuse, dont il a souffert les doulears avec 
le plus grand courage et la plus-eutière résisnation, 
M. Mutel a succombé à l'âge de quatre-vingt-trois 
ans , laissant dans le cœur de sa femme et de ses en- 
fauts des souvenirs tendres et douloureux. 


( 128 ) 


ee 


PRIX PROPOSÉ POUR 1815. 


L'Académie avait proposé pour sujet de prix de 
cette année la mort héroïque d’Allard, ou Alain 
Blanchard, 

Des six Mémoires adressés à l'Académie , deux 
n’ont pas été admis au concours, les auteurs n'ayant 
pas rempli les formalités exigées par la Compagnie. 

Aucun des quatre autres ma été juge digne du 
prix par la commission; un seul a mérité une men- 
tion honorable. C’est celui ayant pour épigraphe : 

Vestigia Græca 
Ausi deserere et celebrare domeslica facta. 

Sur le Rapport de la commission, l'Académie à 
délibéré que ce sujet de prix serait retiré du concours, 
et elle propose, pour 1815, l'Eloge de Bernardin de 
S$.- Pierre. 

Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 
500 fr., qui sera décernée dans la séance publique 
de 1815. 

L'auteur mettra en tête de son ouvrage une devise 
qui sera répétée sur un billet cacheté , où l'auteur 
fera connaître son nom et sa demeure. Le billet ne 
sera ouvert que dans le cas où l’ouvrage aura rem- 
porté le prix. 

Les Académiciens résidants sont seuls exclus du 
concours. 

Les ouvrages devront être adressés, franc de port, 
à M. Bicnow , Secrétaire de l'Académie pour la classe 
des Lettres , avant le 1° juin 1815; ce délai sera de 
‘rigueur, 


(129) 


0 AIS TT AS TR A 


ÉLOGE DE J.-P.-L.-L. HOUEL; 


Peintre du Roi ; de plusieurs Sociétés savantes ; 
membre non résidant de l’Académie. 


Par M, PiINARD DE BoOïIsHÉBERT. 


Jean-Pierre-Louis-Laurent Houel, né à Rouen en 
1955, d’une famille honnête, contracta de bonne 
heure lPhabitude du travail. 

Son père lui ayant reconnu de l'intelligence et du 
goût , lui fit apprendre le dessin et le fit entrer dans 
le cabinet d'un architecte de cette ville, où il fit des 
progrès. Né vif et ardent, il exécuiait avec une 
telle facilité que les diffeultés semblaient dispa- 
raitre pour lui. 

M. Descamps l'avait admis au nombre de sesélèves: 
personne plus que cet homme,célèbre dansles beaux. 
arts, ne savait mieux deviner ce que devaient êtré 
un jour ses enfants d'adoption. Il trouva des dispo- 
sitions rares chez ce jeuue homme et l’encouragea. 

A cette époque il avait chez lui plusieurs graveurs 
qui, d'après ses dessins, exécutaient les portraits 
insérés dans son ouvrage intitulé : Les lies des 
Peintres , etc. 

Le jeune Houel:veut dés-lors essayer ses forces 
dans l’art de la gravure. 

Le célèbre Lebas vint à Rouen passer quelque 
temps chez M. Descamps, son intime ami. Notre 
jeune graveur saisit cette heureuse circonstance pour 
mettre dans ses intérêts deux hommes qui avaient 

I 


( 150 ) 
les mêmes principes et le même but d'enseigne- 
ment. 

A leur recommandation Houel fut admis à Paris, 
au milieu d'une réunion d'artistes qui se sont fait 
depuis un nom dans les difiérents genres de gra- 
vure. 

Le plus heureux hasard le fit connaitre à M. 
d'Azincourt, homme distingué par sa passion pour 
les arte, auxquels sa grande fortane lui permettait 
de fare des sacrifices. 

M. d’Azincourt voulut essayer de l'art de la gra- 
vure ; il s'adressa à M. Lebas, qui lui donna ce qu'il, 
cherchait. Le jeune Houel est installé , fêté , caressé ; 
son protecteur devient son ami, et le fait déposi- 
taire et conservatear de sa riche collection. 

Au milieu de ce sanctuaire des arts, le jeune ar- 
tiste exerce ses forces dans la peinture à l'huile ; il 
se fait aussi une manière facile de peindre à la 
gouache , généralement applaudie par l'Académie de 
Peinture de Paris. 

Le Muséum de Rouen possède quelques tableaux 
de ce genre. Ses talents intéressent les amis des 
arts; le Gouvernement lui donne une place à la 

ension de l'Académie de France à Rome. 

Une telle faveur met le comble à ses vœux. Il part, 
et déjrPlralie, eette terre classique des beaux-arts, 
échautfe l’imagination vive et ardente de notre com- 
patriote. L'enthousiasme s'empare de toutes ses fa- 
cultés ; il visite les monuments , Jeéouvrages des an- 
ciens et des modernes; il épie la marche des hommes 
célèbrés qui ont bien vu la nature et l'ont rendue 
avec fidélité dans toutes ses variétés. Le crayon et le 
pinceau à la main, il parcourt, il exploite jusqu'au 
plus petit coin de cette terre où l'art et la nature 
semblent avoir épuisé toutes les graces, toutes Îles 


( 152) 
beautés ; rien ne lui échappe. La richesse des sites 
provoque son admiration et décide enfin sa vocation 
pour le paÿsage. 

Les années d'étude accordées à notre artiste , aux 
frais du Gouvernement , étant écoulées , il laisse à 
Rome des preuves de son talent, 

Il revient à Paris, où il s'occupe d'enrichir di- 
verses collections d'amateurs jusqu'en 1756 : c’est 
à cette époque qu’il exécute un projet qui depuis 
long-temps le tourmentait. C'était avec beaucoup 
de regrets qu'il avait quité l'htalie. I] veut revoir 
cette belle patrie des hommes célèbres, cette contrée 
si riche en grands souvenirs ; par-tout où il s'arrête 
son porte-feuille s'enrichit : il met à contribution la 
nature , que désormais il prendra pour seul guide 
il dessine les principaux monuments de la Calabre. 

Dans unouvrage qui a pour titre : OEuvres diverses 
de Barthélemi, en deux vol, in-8° , page 209, on lit: 
Instructions pour M. Houel. 

Ce savant antiquaire trace la marche que doit 
suivre le peintre pour remplir le but de son voyage, 

Cet itinéraire, aussi instructif qu'amusant, donne 
à notre artiste toutes les ressources que son génie 
ardent peut désirer. Les cabinets des antiquaires , 
des amateurs les plus distingués lui sont ouverts. Il 
se charge de l'acquisition des objets rares qui doivent 
augmenter la magnilique collection du cabinet du 
Roi. 

M. Houel, à son retour, a publié un ouvrage pit- 
toresque des îles de Sicile , de Malte et de Lipari , 
imprimé en 4 vol. in-folio, pendant les années 1783 , 
1784, 1785 et 1787. Les planches sont en manière de 
lavis. 

Cet excellent recueil , accompagné d’un texte ex- 
plicatif, plein d'intérêt, fut généralement accueilli 

l'a 


(132) 
et valut à son auteur l'estime des artistes et des gens 
de lettres. 

Il fit hommage de son ouvrage à l'Académie , qui, 
sensible au vœu qu'il manifesta de lui appartenir , 
Je reçut avec acclamation au nombre des Académi- 
ciens non résidants, 

‘Notre Confrère, toujours aimant Ja gloire , sans 
cesse occupé de tout ce qui peut étre bon et utile, 
a souvent provoqué par ses écrits, entrepris et exé- 
cuté divers projets qui tiennent à la mécanique, etc. 

Nous avons de lui la description de deux éléphants, 
mâle et femelle , du Musée de Paris, venus de Hol- 
lande eu France. 

M. Houel à épuisé dans cet ouvrage , d’une belle 
exécution, toute la patience du naturaliste obser- 
vatéur. Il a épié ces deux colosses dans toutes les 
situations, il les a dessinés avec vérité. Il se passionne 
tellement pour son sujet, qu’il donne à ces animaux 
toute la raison, toute la sensibilité, toutes les pas- 
sions , tous les procédés de l’homme délicat et re- 
connaissant ; iln’eh parle qu'avec une sorte d'enthou- 
siasme. Il va plus loin , il loue jusqu’à la forme de ces 
colosses, tant il est vrai que nous sommes tous dis- 
posés à l'exagération dans la peinture des objets dont 
ous ayons fait choix. 

Mais cet ouvrage nous présente des particularités 
sur ces animaux qui le rendent infiniment recom- 
mandables aux yeux des naturalistes, 

On ne peut lire sans étonnement , sans admiration , 
l'effet de la musique sur ces éléphants. L'air 6 ma 
tendre Musette surtout les faisait sortir de leur assiette 
ordinaire et provoquait de part et d’autre les aga- 
ceries , les caresses de l'amour. 

A beaucoup de talents M. Houel joignit une gaiîté 
inaltérable, Sa conversation était vive, spirituelle, et le 


(133) 
faisait rechercher des personnages les plus distingués 
de la capitale. Cette gaité ne l'a point quitté, même 
dans les temps orageux de la révolution. 

L'étude de son art et quelques écrits qu'il com- 
muniquait à ses amis l’aidaient à en oublier les extra- 
vagances et les fureurs. 

Plein de succès et d'années, M. Houel, frappé 
d'apoplexie , à été enlevé aux arts, à sa famille et à 
ses amis, le 14 noyembre 1815. 


13 


L 27 
(154) 


NOTICE BIOGRAPHIQUE 
Sur M. LEMESLE, 
Par M. Gurrrnceurenr fils. 


L'homme aimable et vertueux que l’ordre de la 
nature ravit à la terre ne périt pas tout entier. 

Le charme de ses talents, le bien qu'il a fait lui 
survivent. . . 

Les souvenirs les plus doux nous le rappellent 
sans cesse et nous font retrouver ses vertus, ses en- 
tretiens, ses traits, et jusqu’au son de sa voix... Il 
est encore avec nous, même après que la mort a mis 
entre lui et ses amis une barrière insurmontable ! 

Tel est le sort du Littérateur charmant qui vient 
de terminer une carrière de quatre-vingt années si 
honorablement remplie ; tel est le sort de M, Lemesle, 
membre de cette Académie , et l’un de ses plus esti- 
mab'es doyens, qu’il me semble encore voir, en- 
tendre , et qui pourtant nous a quittés pour jamais ! 

Tant qu’un ami jouit avec nous de l'existence , 
que nous le voyons tous les jours près de nous , 
nous réfléchissons rarement aux détails de sa vie, 
aux vissicitudes de sa destinée ; nous nous conten- 
tons d’être charmés des douceurs de sa conversa- 
tion , des qualités de son cœur, des graces de son 
esprit ; mais quand le trépas nous l'enlève, quand 
un espace immense nous en sépare , notre cœur 
devient plus exigeant , notre douleur même nous 
invite à revenir sur les moindres circonstances qui 
nous rappelleut celui que nous pleurons ; aucun des 


U:359 
événements de sa vie ne nous est plus indifférent , 
nous ayons besoin de tout connaître , et c’est en trou- 
vant de uonyeaux motifs de regrets que l’âme ren- 
contre aussi, des consolations inattendues. 

Qui pourrait douter, Messteurs, que le tableau 
de la vie de notre collègue, tableau que je vais 
essayer de vous tracer , tout en vous apprenant 
l'étendue de la perte que vous avez faite , n’ait 
quelque chose de consolant pour vous ? 

Le bonheur de se dire : nous avons possédé un 
tel homme dans notre sein , est déjà un adoucisse- 
ment à notre peine. 

M. Lemesle naquit à Rouen , en 175r. Le premier 
soin de son père fut de lui inspirer le goût du travail 
et de la vertu; ce fut au collége de Sully qu'il en- 
voya son fils faire ses premières études, et il ne 
tarda pas à s’y distinguer par une admirable facilité 
et par les plus heureuses dispositions. 

Delille s'instruisait dans le même établissement ; 
la conformité de leurs caractères établit bientôt entre 
eux une étroite amitié , qui fut aussi durable que 
sincère. 

Ce fut avec le chantre des jardins que notre col- 
lègue prit le goût de cette poésie descriptive et le- 
gère à laquelle aucun sujet n’est étranger, qui peiut 
tout ce que la féconde imagination lui présente d’ob- 
jets riants ou sérieux, et sait nous rendre les moindres 
sujets intéressants ; qui tantôt élevée, majestueuse, 
chante les merveilles du monde, les héros et les 
combats ; tantôt humble et paisible , nous conduit à 
travers des sentiers fleuris dans la cabane du labou- 
reur , où elle nous admet aux scènes de famille les 
plus délicieuses ; semblable à ce fleuve qui tour-à- 
tour promène ou précipite ses ondes, les étend et 


les resserre , murmure en ruisseau, mugit en Lox- 
I 4 


(136) 
rênt , présente à notre vue un lac immense, ou se 
cache parmi les feuillages. 


C'est dans ce genre, qui a suffi pour rendre un 
poëte immortel, que M. Lemesle eut les plus brillants 
succés. 

L'esprit plein du désir de plaire et d'idées fraiches 
et éüncelantes , il commença de bonne heure à chan- 
ter les dames , l'amour et la courtoisie. Ses vers 
devinrent un miroir fidèle de l’'amabilité de son 
- esprit, de la sensibilité de son cœur : plusieurs des 
anciens membres de l'Académie se rappélent encore 
avec délices les séances que sa muse remplissait. 
Ils se souviennent de l'empressement flatteur et una- 
nime que montraitle public, lorsque nos programmes 
annonçaient une lecture du jeune émule des Vol- 
taire et des Bouflers ; tous ses amis m'ont souvent 
entretenu des applaudissements qu’il excitait et m'ont 
fait regretter de n’en avoir pu jouir, 


Au talent de faire de jolis vers, m'ont-ils dit sou- 
vent, il Joignait celui de les bien lire ; une grace 
toute aimable, un son de voix touchant ajoutaient 
au charme de ses productions et achevaient de ravir 
tous les suffrages. Notre collègue jouissait de sa 
gloire sans fierté, sans suffisance ; il semblait que 
les applaudissements le rendissent plus modeste , 
qu'il n’y vit que des encouragements , et que la re- 
connaissance lui fit un devoir de faire toujours mieux 
et de ne point s'endormir sur des lauriers, même 
lorsque les dames les couvraient de roses. 


Des succès aussi séduisants ne Jui firent point ou- 
blier non plus que l’heureux talent de composer des 
vers agréables ne suflit point pour remplir la vie de 
celui qui veut étre réellement un homme; il sentit 
profondément cette vérité, ets’appliqua au commerce 


(137) 
avec une ardeur qu'on n'aurait pas soupçonné dans 
un jeune amant des Muses. 

Ce fut en Hollande qu'il prit sur cette honorable 
profession des idées saines qu'il revint bientôt 
mettre en pratique dans sa patrie. Il fixa successive- 
ment sa résidence au Havre, à Nantes, à Bordeaux, 
où il forma des établissements recommandables. La 
fortune couronna ses travaux et la considération pu- 
blique environna bientôt le négociant éclairé. 

Sa réputation s’établit sur les bases solides de la 
sagesse et de la probité; partout il fut comblé des 
marques les plus évidentes de l'estime de ses con- 
citoyens. 

Membre de toutes les chambres de commerce des 
villes qu'il habita , il sy distinguait par la sagesse de 
ses avis et la profondeur de ses lumières ; il composa 
sur le commerce plusieurs ouvrages extrémement 
utiles. On a cité long-temps parmi eux un Mémoire 
relatif à l'admission des étrangers dans les colonies. 
Ce Mémoire , intitulé le Vieillard de Médoc, fit une 
vive impression et acheva de faire connaitre les ta- 
lents et l'instruction de l'auteur. 

Notre collègue fat une preuve bien irrécusable 
qu'il n’est point impossible d’allier aux connais- 
sances commerciales le goût et la culture des belles- 
lettres , puisqu'aux mêmes époques où tous ses 
soine étaient dévoués à son état , tous les loisirs 
étaient consacrés à chanter ses amis et ses plaisirs , 
puisque la chambre de commerce de Bordeaux 
lui décernait une médaille d’or en signe de sa re- 
connaissance , tandis qu’une Académie distinguée 
accordait à son poëme de Guillaume le Conquérant 
la couronne et le prix. 

Des succès si constants , si bien mérités , durent 
ajouter beaucoup au bonheur de notre collègue , 


(138 ) 

dont les mœurs douces et remplies de simpliciié , 
ne cherchaient que l'estime et l'attachement. Bon 
époux, excellent père , jouissant d’une belle for- 
tuve , acquise par une sage industrie ; aimé , estimé 
de tout le monde , pouvait-il Hi manquer quelque 
chose ! 1] fallait des événements bien extraordi- 
maires, bien imprévus pour renverser un bonheur 
établi sur des bases aussi solides...... La révolation 
arriva ! Tout bon citoyen , tout homme instruit 
devint l'objet des plus ardentes persécutions , et 
M, Lemesle fut au moment d’être une victime de 
plus de la cruauté de nos tyraus révolutionnaires : 
séparé de sa famille , de ses amis , déclaré hors 
la loi, conduit à Paris , il n’échappa à la mort que 
par le courage et les soins d’un ami tel qu’il mé- 
ritait d’en avoir un. De si grands malheurs , la perte 
de presque toute sa fortune , furent supportés avec 
une admirable constance, avec cette vraie philoso- 
phie qui ne se vante point d’insulter au malheur , 
mais qui s’y résigne avec calme , sans afectation et 
sans orgueil. 

Au milieu de ses plus rudes adversités , M. Le- 
mesle crut n'avoir perdu que peu de chose , puis- 
qu’il lui restait l'honneur ; l'honneur ! ce bien inap- 
préciable pour tous les hommes , mais surtout pour 
le négociant. Avec une conscience pure et tran- 
quille , on ne se laisse point accabler par le malheur 
ni par l'injustice des hommes; et quand à cela 
on joint un esprit cultivé et le goût des lettres , il 
n’est point de peine dont on ne diminue lamertume. 

Ainsi , notre collègue , pendant une longue capti- 
vité, chercha des consolations où il avait trouvé 
autrefois de si brillants plaisirs, 

Sa situation l'amena naturellement à traiter des 
sujets plus sérieux. Aussi bon père que littérateur 


C139) 
aimable et que négociant probe et instruit , il s'occupa 
à cette époque d’un ouvrage pour l'éducation de 
sa fille, 

Je regrette de ne pouvoir vous en donner une 
ilée , mais, ainsi que presque toutes les productions 
de notre collègue , celle-ci est perdue pour l'Aca- 
démie , et nos regrets en seront plus longs et plus 
vifs, Dans ses dernières années , notre collègue avait 
recueilli ses ouvrages , avait redemandé à l'Acadé- 
mie ceux qu’il y avait déposés ; son dessein était 
de les livrer à limpression pour en faire hommage 
à ses amis , dont le suflrage étaitle seul prix qu’il am- 
bitionnait. Vous auriez trouvé dans ce recueil une 
multitude de poésies légères consacrées à célébrer 
des événements de société que sa plume savait 
rendre intéressants pour tout le monde ; quelques 
comédies fort agréables , des épitres pleines de goût 
et de sentiment, un poëme sur la navigation, un 
autre sur le commerce , et des imitations élégantes 
des plus beaux chants de la mort d’Abel de Gessner. 
Un des caractères particuliers de ces ouvrages est de 
déceler par-tout les opinions sages , les sentiments 
délicats et l'esprit fin de leur auteur ; il ne nous en 
reste que quelques analyses qui les font assez bien 
conuaitre , et un très-petit nombre de vers parmi 
lesquels j'ai remarqué ceux-ci, qui terminent une 
épitre sur les mariages du vieux temps et sur les 
mariages modernes : 


On doit aimer par goût et non par vanité ; 
Le premier titre est l’amabilité , 
Le nom n’est rien , la noblesse est de plaire , 
Un mauvais choix conduit à l’infidélité , 
Oa tient mal un serment qu'a fait l'indifférence , 
Et que le cœur n’a point dicté, 


Enfin , un conte charmant intitulé l’Amour et 


C 140 ) 

Psyché , est resté tout entier dans un de vos 
Précis analytiques , et vous rappellera à jamais la 
grace et l’esprit aimable de son auteur. Mais quand 
ce monument nous aurait encore manqué , qui de 
nous , MassiEurs , aurait jamais perdu le souvenir 
de tout ce que M. Lemesle a fait pour l'Académie ? 
Qui de nous pourrait oublier que , jusqu’à ses 
derniers moments, il cherchait à vous étre utile , 
à occuper vos séances par des lectures où nous re- 
trouvions sinon la vigueur et le brillant de sa jeu- 
nesse , au moins son instruction et son éloquente 
facilité ? 

M. Lemesle , après avoir vu deux fois sa fortune 
renversée par les événements politiques et nosguerres 
maritimes, liquida ses affaires et revint pour toujours 
à Rouen , sa mère patrie. 

Rappelant toute la fermeté de son ame, il parvint 
à oublier tous les rêves de son ancienne opulence , 
tous les prestiges de l'ambition. 

Depuis long-temps ce vieillard aimable ne rem- 
plissait sa vie que de souvenirs ; les Muses , après 
avoir été ses amantes , étaient devenues ses amies 
et n'abandonnaient point leur fidèle adorateur , qui, 
jusqu’à ses derniers moments , parlait d’elles avec 
transport , rappelait avec plaisir les faveurs qu’il en 
avait reçues , et regardait comme les plus heureux 
de son existence les instants qu’il leur avait consa- 
crés, 

À quatre-vingt-deux ans, il termina sa vie avec 
calme , douceur et résignation. Nous ne pouvions 
nous flatter de le conserver à jamais , et malgré la 
vivacité de nos regrets , nous devons , à son exemple , 
nous soumettre aux décrets éternels, en nous disant : 

Notre ami a bien rempli sa tâche ! il fut bon, 
aimable , sensible et bienfaisant ; il sut jouir du 


Ci4n) 

bonheur sans arrogance , et supporter , réparer ses 
malheurs avec courage : la mort a long-temps res- 
pecté ses jours; son adieu ne fut point brusque et 
cruel ; si nous avons à le pleurer , au moins n'avons 
nous pas à le plaindre : il est heureux , puisqu'il ha- 
bite le séjour où la bonté et la vertu sont récom- 
pensées, où tous les sentiments ne donnent plus 
que des plaisirs. 


C142) 


0 
PRODUCTIONS 


Dont l'Académie a délibéré l'impression en 
entier dans ses Actes. 


w 


LES FLEURS ET LE CHOU, 


Fasze. 


Dans un riant parterre orné de mille fleurs , 
Près de l’OEillet aux brillantes couleurs , 
Entre la Rose éblouissante 
Et la Violette odorante, 
Un Chou se trouvait transplanté. ... 
INe sais comment en vérité.... 


Grand scandale à la cour de Flore : 
Quoi ! ce rustre, disaient-ils tous , 
Viendra recueillir avec nous 

Les baisers de Zéphir et les pleurs de l’Aurore | 


Fut-on jamais plus impudent , 
S’écriait, d’un ton arrogant , 
Le Lys au front noble et superbe ? 


I] devrait se cacher sous l’herbe , 
Disait avec dédain 
Le pâle et délicat Jasmin ; 
Quelle odeur ! murmurait d’un air de négligence , 
Jusqu'au Pavot, fier de son riche habit 
Et suffisant comme un sot en crédit : 


A ce trait perdant patience , 
L’humble Chou rompit le silence : 
Le mépris vous sied bien , êtres vains et légers ! 


C:1435) 
Qui , séduits par votre parure , 
Futile don de la Nature, 
Paraissez oublier vos destins passagers ! 
A vos yeux, nul n’est respectable ; 
On n’est rien si l’on n’est aimable ; 
Mais sans avoir votre fierté 
J’ai pourtant mon utilité, 
J'ai donc aussi l'espoir qu’enfin on me délivre 
De vos indécentes clameurs : 
Les Fruits valent mieux que les fleurs ; 
Vous charmez les mortels , moi je leur aide à vivre, 


Ainsi dans nos cercles brillants, 
Souvent méprisé mais utile , 
Pourrait parler l’homimne des champs 
A maint bel esprit de la ville, 


Par M, Gurrincuen fils. 


C 144) 


AAA AAA 


PHILOMÈLE , LE CORBEAU ET LE VAUTOUR, 


Fasze. 


Malgré la lecon du Renard , 
Fier de son plumage d’ébène , 
Maître Corbeau perché sur la cime d’un chêne ; 
Fatiguait les échos de son ton nazillard ; 
11 insultait à Philoméle, 
Qui, dans le plus épais du bois, 
Mère tendre, épouse fidèle , 
N’osait faire entendre sa voix, 
A ses fils imposait silence , 
Sortait un peu du nid, regardait et soudain 
Rentrait , pour cacher sous son sein 
Le bonheur de son existence. 
Pourquoi , lui disaient ses enfants , 
Du plus sot des oiseaux supporter l’insolence ? 
Croit-il sur nous avoir la préférence ? 
Chantons , chantons ; bientôt nos doux accents 
Auront confondu sa jactance. 
Comme ils allaient chanter , un Vautour inhumain 
Fond sur l’objet de leur envie ;, 
Le plume , le déchire et vous fait un festin 
De notre Héros d'harmonie, 
Voyez, voyez où nous conduit l’orgueil, 
Dit Philomèle , encor d’effroi saisie , 
Evitez ce funeste écueil : 
Cachez-vous toute votre vie, 
O ! mes enfants ! cet éclat si vanté , 
Ce désir d’éblouir n’est qu’erreur et chimère ; 
Il faut , pour être heureux , croyez-en votre mère ; 
L’obscurité , mes fils , la douce obscurité. 


Par le même, 


LE 


(1:45) 


LS 


LE PAPILLON ETLA ROSE; 
Sraxces ALLÉGORIQUES, 


A la gent Papillonne 

On reprochait un jour 
Son humeur folichonne £ 
Son inconstant amour: 
Dans l’empire de Flore 

Ce n’était que clameurs ; 
Plus d’une Fleur encore à 
Dit-on, versait des pleursé 


Que les pleurs d’une belle 
Parlent éloquemment ! 

Le cœur le plus rebelle 

Les brave vainement, 

D'une Rose charmante 
S’approche un Papillon, 
Qui, d’une aile tremblante ; 
Implore son pardon, 


La Rose généreuse 

Le reprend sans aigreur , 
Et non moins vertueuse 
Cherche à fixer son cœur ; 
Rien de mieux , lui dit-elle 
Du ton le plus touchant, 
Que la Rose fidèle 

Au Papillon constant, 


Que te sert ta parure , 
Que te sert ta beauté 
Si tu deviens parjure 
Par ta légèreté ? 


(146) 
Veux-tu paraître aimable , 
Veux-tu l’être en effet, 
Sois d’une ardeur durable 
Le modèle parfait, 


Le Papillon soupire , 

La Rose lui sourit ; 

Aux conseils qu’il admire 
Pour jamais il souscrit , 
Et, déployant son aile, 
Il jure tendrement 

De l’agiter pour elle, 
Pour elle seulement, 


Rare métamorphose 
Du plus volage amant , 
La plus aimable Rose 
Te dut au sentiment ! 
La sévérité glace, 

Et fait fuir les amours; 
La douceuret la grace 
Les captivent toujourss 


Par M. 


Vicus, 


( 147 ) 


et ot Tr 


LE SONGE DE LUBIN, 
Fazrs. 


Lumin, cité partout comme un franc égoïste, 
Un beau matin, en s’éveillant, 

À Babet, sa moitié, racontait d’un air triste 
Ce songe qui n’est que plaisant 


« À peine le sommeil avait clos ma paupière, 
» Je rêvais qu'un mal imprévu 
» Avait terminé ma carrière , 
» Et que tout de mon long dans la bière étendu, 
» Grace au pasteur pressé de gagner son salaire, 
» D'un pas accéléré l’on me portait en terre, 
» Toi, nos parents et moi, nous suivions mon cercueil : 
» Moi, te dis-je, Babet, pale, en habit de deuil, 
» Au Ciel pour feu Lubin , adressant ma requête, 
» Et présent, mort et vif, à cette triste fête: 
» Déjà du cimetière on atteignait le seuil : 
» À l'aspect de ces lieux que tout mortel redoute, 
» Je jette un cri d’effroi,... mais, Ô Babet, écoute, 
» Et juge, si tu peux, de mou étonnement. 
» Le croiras-tu ? près de moi, sur la route, 
» Tout le monde avait l’air content : 
» Pas un seul mot à ma louange, 
» Pas un regret, pas un gémissement , 
» Et je pleurais tout seul à mon enterrement, » 


— « Ce contraste, mon petit Ange, 
Dit la fine Babet , n’a rien de bien étrange, 

» Chacun jugeait apparemment, 
» Qu'en homme qui toujours s’aima d'amour extrême ; 
Tu ne t’oublirais pus en ce fatal moment, 


Et te regretterais suffisamment toi-même, » 


Par M, Laericreuc pes Guranots, 


K, 2 


( 148) 
on Te ot 
L’ ANF CET SON MAITRE. 
Favre. 


L’aurre jour couché dans l’herbage , 
Un Ane, en mangeant son chardon ; 
S’avisa , contre son usage, ‘. 
De faire une réflexion. : 
« Sans résister, dit-il, j’obéis à mon maître, 
Esclave dès mes jennes ans, 
Ne puis-je enfin cesser ‘dé’ l’étre? 7 
C’en est fait , désormais à mon gré jé prétends 
Courir , me reposer , veïller’; dormir et paître, 
Qu'ilvienne, mon tyran, armé de Sôn ‘bâton, 
Qu'il vienne! A coups de pied soudain je le salue 
Et vous le ‘mets à la raison: » 
:Sütée le Maitre arrive... Aussitôt lé Grison 
Tremble , et baïssant  d’effrôt son oreille velue ; 
Dépose V’air rebelle et fait le picd de grûe, 
IL se laisse embâter aussi doux qu’un mouton, 
Trop ami de sa peau pour que jamais il rue. 


Tel menace de loin qui de près fait le bon, 


Par le méme. 


QUELQUES OBSERVATIONS 
Sur LA PoËsiE DES HÉBREUX. 
Par M, GossEAUME. 


J'ar eu l'honneur de vous donner une idée de la 
pompe et de la majesté de la poésie des Hébreux , 
dans l'essai de traduction ‘du pseaume 67, que je 
soumis à votre jugement le 6 mai 1807. Mon but 
principal était alors de vous faire connaître le sens 
que je dounais à plusieurs versets de ce cantique , 
généralement considérés jusqu'alors comme inintelligi- 
bles , et que je tentais de traduire d’après des prin- 
cipes dont l'authenticité me paraissait incontestable. 
Mais en poursuivant l’objet essentiel de mes recher- 
ches , je ne laissai pas échapper l’occasion de vous 
faire observer , Messreurs, combien le style de ce 
pseaume était élégant et fleuri; combien les inver- 
sions et les métaphores ajoutaient à la noblesse 
des idées ; combien enfin il était digne de figurer 
parmi les poésies les plus estimées. 

Je me propose aujourd'hui, Mrssreuns , de vous 
montrer que cette poésie , la plus ancienne de celles 
qui soient parvenues jusqu’à nous , est capable de 
prendre tous les caractères et tous les tons, et qu'à 
côté de ces peintures terribles où elle représente 
lés fondements de l'univers ébranlés à la voix de 
l'erérnel ; elle sait placer des tableaux d’un agrément 
et lune fraicheur admirables, pour celebrer la fécon- 
dité de la uature , la variété de ses productions et fa 

K 35 


CCE  ” 

bonté inépuisable de son auteur. Descendant ainsi 
de la sublimité de l'ode, à la’ gracieuse simplicité 
de l'idylle , toujours riche , toujours nombreuse , 
elle inspire tour-à-tour l’étonnement et le plaisir. 
J'ai dit la plus ancienne des poésies, MrSsIEURS ; 
dans quel temps en effet excitait-elle de si vives 
émotions ? Huit cents ans avant que le chantre de la 
Grèce clarmât les loisirs de ses concitoyens , par le 
récit des malheurs d’Ilium et des aventures d Ulysse. 
Oui, Mrssieurs, la Grèce était encore barbare 
lorsque Moïse conjurait le ciel et la terre d'être 
attentifs à ses derniers accents. OEnotrus n'avait pas 
encore conduit en ltalie, couverte alors de forêts , 
la premiére colonie Grecque ; et Troye , si elle 
existait, n’était qu'une peuplade obscure , sans com- 
merce, sans arts, sans institutions politiques. 

Dans un âge plus rapproché de nous, mais plus de 
cent ans avant Homère , David calmait les fureurs 
de Soül, par les accords harmonieux de la lyre , 
et, consacrant des talents inspirés à la gloire de Dieu, 
il célébrait dans ses immoriels cantiques les mer- 
veilles de la nature, ornait de fleurs les pages de 
l'histoire , et révélait à son peuple étonné les secrets 
de l'avenir. 

Il est des critiques qui prétendent que Job avait 
devancé Moïse ; et, dans cette hypothèse, ce serait 
le poëte le plus ancien des Hébreux. Et quelle 
étendue de connaissances, quelle politesse, quelle 
éducation soignée , le livre qui nous reste sous ce 
nom ne suppose-t-l pas dans son auteur ? J'ai eu 
l'honneur de vous montrer , Messieurs , dans une 
dissertation spécialement destinée à cet objet , que 
le léviathan du livre de Job était le requin de nos 
paturalistes. J'ai mis en parallèle la description du 
poëte Hébreu et celle du célèbre Lacépède, et j'ai 


(1:51) 
fait voir que le premier avait ajouté à la sévérité de 
sa description, la grace du style et toutes les richesses 
de la poésie. 

Par quel privilége ces hommes si voisins de l’ori- 
gine des arts, et dans des temps ou l’histoire de tous 
les autres peuples ne nous offre que ténèbres , 
présentent-ils , spécialement en poésie , des chefs- 
d'œuvres dans tous les genres? C’est que, choisissant 
des sujets de la plus grande élévation, ils pouvaient, 
sans crainte d’être taxés d'exagération , donner tout 
l'élan possible à leur imagination et à leur verve: 
les Grecs et les Romains chantaient des héros et des 
dieux , l'exemple de toutes les faiblesses ; les seuls 
Hébreux chantaient l’auteur de toute perfection et 
puisaient dans leurs cœurs sensibles les figures 
hardies dont ils embellissaient leurs récits. C'est en 
second lieu que , plus recueillis, plus fidèles observa- 
teurs de la nature , plus échauflés encore par l’in- 
fluence du climat , ils avaient plus de moyens pour 
exprimer les beautés qui les avaient frappées , et 
tel est le livre de la nature que chacune de ses pages 
nous révèle des mystères nouveaux , conduit de spé- 
culations sublimes en spéculations plus sublimes 
encore , et allume en nous une ardeur , de jour en 
jour plus vive , d’en étudier les principes, d'en dé- 
voiler les secrets, et d’en célébrer les merveilles, Aussi 
ne doit-on pas être étonné de trouver dans les livres 
sacrés les éléments de tousles arts ; d’y trouver encore 
des idées et les images qui depuis ont embelli les 
poésies d'Homère et de Virgile, Certes , si le hasard 
a produit une telle conformité , il faut convenir que 
le hasard produit des choses bien surprenantes. 

Comparez, MESSIEURS , l'expression de la Genèse , en XNT. 
quæ nunc mare salis , et celle de Virgile et campos Sr © 
ubi Troja fuit ,etvous y trouverez l'identité la plus 


Calmet dict. 
Odyss, livre 


(a52 ) 


parfaite ; et la première a précédé la seconde de plus 
de deux mille ans: Comparez encore la tempête du 


pseaume 106 et celle du 5° livre de l'Odyssée ; celle 


-énfin du 1® livre de l'Enéide , et voùs retrouverez 


dans les deux dernières le méme dessin, la même 


Composition et les mêmes couleurs de la première. 
-Le pouvoir souverain qui déchaîne les vents, est 


Dieu, dans l’ode sacrée ; Neptune dans Homère 


et Junon dans Virgile , par-tout le résultat est le 


même : le vaisseau porté jusqu'aux cieux est préci- 
pitéau fond des abimes. Le découragement des na- 
vigateurs , le recours au ciel pour obtenir leur dé- 
livrance ,: la tempête calmée par un pouvair éga- 
lement respectable , achève de montrer l’entière 
ressemblance. La tempête d'Homère et. de Virgile 
offrent à la vérité beaucoup de détails qu’on cher- 


cheraït , vainement dans celle de David ; mais ils 


pouvaient sans inconvénient figurer dans ün poëme 
épique , et eussent été déplacés dans une ode. 

Tant de rapports , et de rapports si frappants, ne 
semblent-ils pas , Messieurs > indiquer un premier 
modéle ? Homère, certainement | a été celui ‘de 
Virgile, et serait-il absurde de penser que David 
eüt été celui d’'Homère ? | 

C'est en revenant de PEthiopie, et l'Ethiopie des 
anciens était le pays de Chus, limitrophe de la Pa- 
lestine : c'est des montagnes de Solyme , autre nom 
de Jérusalem, que Neptune voit Ulysse prêt à lui 
échapper. Eh, Messieurs , quand on connait si bien 
la topographie d’an pays , serait-il étonnant qu’on en 
connût également les richesses littéraires ? 

Ge n’est pas ici le lieu de pousser plus loin cette 
comparaison. $itoutefois ceitetâche m'était imposée , 
il me serait peut-être facile de montrer que la grande 
simplicité , le désordre même qui règne dans la des- 


(155) 
cription de David en caractérisent mieux toute l'hor- 
reur, Homère abandonne la mer à la fureur des 
vents qu’il désigne nominativement , et laisse à l’ima- 
gination du lecteur le soin d'achever le tableau ; 
Virgile le complète : mais n’estil pas à craindre que 
la richesse du coloris ne fasse perdre de vue la cor- 
rection du dessin ? Æuril œstus arenis est sans doute 
une‘expression magnifique ; mais pour traduire plus 
à loisir n’est-on pas tenté d'oublier un instant le 
pieux Énée ? 
Dans le pseaume , au contraire , rien ne partage 
l'attention , et six vers (1) suffisent pour glacer d’effroi 
par la peinture la plus terrible. 


Qui descendunt mare in navibus 
Facientes operationem ia aquis multis. 
Ipsi viderunt opera Domini 
Et mirabilia ejus in profundo, 
Dixit , et stetit spiritus procellæ , 
Et exaltati sunt fluctus ejus. 
Ascendunt usque ad cœlos, et descendunt usque ad abyssos, 
Anima eorum in malis tabescebat : 
Turbati suns et moti sunt sicut ebrius ; 
Et omnis sapientia eorum devorata est. 
Et clamaverunt ad Dominum ; etc, 


Ne peut-on pas, Messigurs , faire à ces belles 
stances , pleines d’incohérences, mais pleines d’éléva- 
tion et d'énergie , l'application des principes établis 
par le legislateur du Parnasse........ Il faut que 
le cœur seul parle dans l'Élégie ; 


« L’ode avec plus d'éclat et non moins d'énergie, 
» Elevant jusqu’au ciel son vol ambitieux , 
» Entretient , dans ses vers, commerce avec les Dieux, 


(1) Homère et Virgile en emploient un beaucoup plus grand 
nombre, 


‘C154) 


» Aux athlètes dans Pise elle ouvre la barrière, 
» Chante ux vainqueur pondreux au bout de la carrière. 


(WARENANAMNMER VAN E NN LENLLN) 
» Son style impétneux souvent marche au hazard ; 
» Chez elle un beau désordre est un effet de l’art , etc, 


Mais laissons le spectacle de la mer en courroux , 
et fixons nos regards sur des peintures plus riantes. 
Le pseaume 105 va nous en fournir le moyen. Si 
ma traduction n'offre pas toute la délicatesse, tout 
le charme de l'original , j'ai tâche au moins qu’elle 
en exprimât fidèlement les idées. 


PSEAUME 103. 


1, Mon ame bénis le Seigneur, Seigneur mon Dieu, 
votre gloire et votre magnificence éclatent de 
de toutes parts, 

2, Vous vous revêiez de lumière comme d’un man- 
teau , vous déployez comme un pavillon le 
voile des cieux. 

5. Vous suspendez les eaux sous cette voûte ma- 
gnifique , les nuages sont votre char glorieux , 
et dans votre course rapide vous surpassez la 
vitesse des vents, 

4. Vous donnez à vos messagers l’agilité des vapeurs 
légères, etles feux dévorants sont les ministres 
de vos volontés. 

5, Vous avez fondé la terre sur des bases inébran- 
lables , et l'élévation de son axe ne sera point 
abaissée. 

6. L’abyme comme un vétement l’environnait de 
toutes parts , et l’immensité des eaux couvrait 
la cime des montagnes. 

7, À votre voix terrible elles ont fui , et se sont 
précipitées dans les gouffres de l’océan. 


8. 


9: 


10, 


11, 


12, 


16. 


18. 


19. 


Cr55:) 

Les montagnes alors ont paru s'élever , et les 
vallées s'abaisser ; et tout a pris la place que 
vous lui aviez assignée. 

Vous avez tracé à la mer des limites qu’elle ne 
franchira pas, elle ne se débordera pas de 
nouveau pour inonder la terre. 

Vous faites jallir dans les vallons des sources 
pures ; elles coulent en serpentant au pieds des 
collines. 

Les animaux domestiques viennent s y désaltérer , 
et les bêtes sauvages courent y étancher leur 
soif, 

Les oiseaux du ciel habitent à l’entour , et , des 
bosquets qui les ombragent, font entendre 
leurs ramages mélodieux. 

Vous humectez les montagnes des pluies du 
ciel, et vous enrichissez la terre des fruits 
que vous avez créés. 

Vous y faites croître l'herbe pour la nourriture 
des animaux , et le froment pour celle de 
l'homme, 

Elle produit également le vin qui lui procure 
la gaie , l’huile qui éclaircit sa face , et le 
pain qui le nourrit, 

Elle est la nourrice commune des arbres qui 
ornent nos campagnes , et des cèdres du Liban 
ue votre main a plantés. 

Les petits oiseaux construisent leurs nids sur les 
premiers , les cicognes préfèrent pour leur 
habitation les pins les plus élevés. 

Les daims recherchent la solitude des montagnes ; 
les hérissons trouvent un asyle dans les fentes 
des rochers. 

Vous avez assuré à la Lune un cours régulier , et 
le coucher du Soleil est dans l’ordre de votre 
providence. 


( 156) 

20, Vous répandez les ténèbres sur la terre, et la 
nuit succède au jour : les hôtes des forèts se 
mettent alors en marche. 

21, Les lionceaux rugissent , ils demandent au Sei- 
gneür la nourriture qui leur est néressaire. 

22, Le Soleil se lève, et ils rentrent dans leurs re- 
paires , pour y goûter le repos. 

25. L'homme sort alors pour se livrer au travail , et 
s’en occuper jusqu'au soir. 

24, Que vos ouvrages sont admirables, Seigneur ! 
tous sont le fruit de la sagesse , et la terre 
partout annonce vos bienfaits. 

25. Cette mer immense offre des routes multipliées 
aux navigateurs ; vous l'avez peuplée de pois- 
sons de toutes grandeurs, et dont le nombre est 
incalculable. 

26, Tandis que les vaisseaux en sillonnent la surface , 
le léviathan semble se jouer au milieu de ses 
flots. 

27. Tous attendent que vous leur donniez à propos 
la nourriture qui leur est nécessaire. 

28. C’est de votre libéralité qu’ils la reçoivent, et 
votre main ne “ouvre que pour répandre 
partout vos bienfaits. 

29. Cessez-vous un instant de fixer sur eux vos re- 
gards , le trouble aussitôt s'en empare ; vous 
leur retirez le souflle de vie , ils cessent d’exis- 
ter et rentrent dans la poussière d’où ils étaient 
sortis. 

30, Vous répandez de nouveau ce souffle créateur, 
et des générations renouvellent la face de la 
terre. 

51, Que le Seigneur soit éternellement gloriñé, et 
qu'il se complaise dans la beauté de ses ou- 
yrages, 


(157) 
52. D'un seul regard il fait trembler la terre , il touche 
les montagnes, et elles se dissipent en fumée. 
33. Je consacrerai mes jours à publier ses bienfaits, 
je chauterai ses louanges tant que je vivrai. 
54. Puissent mes cantiques lui être agréables: pour 
moi je ne trouve de bonheur qu’en lui. 
35. Périssent les impies, que les méchants soient 
anéantis, mais que mon âme ne cesse jamais 
de louer le Seigneur. 


Je craindrais , Messieurs, d’affaiblir la vivacité , 
la chaleur de ces descriptions par la froideur d’un 
commentaire : c’est au cœur qu'il appartient de juger 
des vers inspirés par les sentiments les plus doux, 
l'admiration et la reconnaissance. Mais si dans la 
traduction d’une traduction ils sont capables d’ex- 
citer en nous les émotions les plus agréables , que 
serait-ce si nous les lisions embellis par les charmes 
d'une versification pure et harmonieuse , que serait- 
ce si nous les lisions dans leur langue originelle 
avec les connaissances et les dispositions nécessaires 
pour en sentir les beautés! Racine a montré dans 
les stances inimitables d'Esther et d'Athalie le grand 
parti qu’il était possible de tirer des poësies sacrées 
des Hébreux. Le pseaume que je soumets à votre 
admiration, Messieurs, aurait-il pu échapper à sa 
verve ? Qu'il me soit permis d’en citer quelques 
vers. 

O Dieu que la gloire couronne ! 
Dieu que la lumière environne , 
Qui voles sur laile des vents , 
Et dont le thrône est porté par les Anges : 
Dieu qui veux bien que de simples enfants 
Avec eux chantent tes louanges, etc. 


Mais quelle autre plume que la sienne serait ca- 
pable d'exécuter un pareil travail ? 


(158) 

Quoique la Vulgate ne nous présente elle-même ce 
Cantique que daus une traduction extrêmement sim- 
ple, j'avoue, Messieurs , que je ne connais point 
d'idylle où règne plus de variété dans les objets, 
plus de douceur dans le langage, plus de sobriété 
dans les ornements, plus de vérité dans les ta- 
blezux, plus d'harmonie dans la composition , et 
jestime qu’un peuple qui s'est distingué dès les 
premiers temps de la civilisation par des poésies 
pareilles , méritera toujours d’être honorablement 
placé au nombre des Ecrivains les plus polis, et 
des Poëtes les plus célèbres. 


TABLE 


DES MATIÈRES. 


Cure de la Séance publique; page 1: 
SCIENCES ET ARTS. 


Kapport fait par M. Vitalis, secrétaire perpétuel pour 
la classe des Sciences, 2 


Ouvrages annoncés ou analysés daus ce Rapport. 


Mémoire ayant pour objet la considération des sur- 
faces envisagées comme lieux de sommets communs 
de plusieurs pyramides ; par M. Dutlhol, 2 

Discours de réception prononcé par le même, 3 

Manuel du Fondeur-Orfèvre; par M. Bonnet, ibid. 

Rapport sur le même ouvrage; par M. Meaume, 4 

Manuel pratique ct élémentaire des poids et mesures, 
des monnaies et du calcul décimal; par M. Tarbé, 

ibid. 

Rapport de M. Periaux , sur l’ouvrage de M. Tarbé, 

ibid. 

Observation sur la planète Mars; par M. Flaugergues, 

ibid, 

Application du calorique qui se perd dans les cheminées 
des tisards des chaudières d'usines , à un ventilateur 
et à une étuve ; par M. Pajot-Descharmes , 5 

Rapport de D. Vauquelin , sur le méme ouvrage , 6 

Ecrit sur l’importance de l’industrie manufacturière 


et de l'emploi des machines ; par M,Biard, ibid. 


( 160 ) 


Compte rendu dans les annales de l'architecture et des 


arts ,de diverses inventions de 11, Garot, 7 
Description de l'avant-port de Cherbourg , par M. 
P.-A. Lair, 8 
Flore Rouennaïse ; par M. Le Turquier Deslongchamp ; 
9 

Discours de réception , prononcé par M. l’abbé 
Le TurquierDeslongchamp, 10 


Observations sur les plaies avec perte de substance de 
l'écorce des végétaux ligneux ; par 7, Marquis, ibid. 
Collection des Plantes rares de la France, dessinées et 
gravées par M. Marquis, pour la Flora Gallica de 


M. Loiseleur, ibid, 
Supplément à la deuxième édition du Botaniste Culti- 
vateur ; par M. Courset, 1 
Rapport sur cet ouvrage ; par M. Marquis, ibid. 


Recherches sur l'acide prussique ; par M. Robert, ibid. . 
Mémoire sur l’eau des mers qui baignent nos côtes , 
considérée sous le point de vue chimique et médical ; 
par MM. Bouillon-Lagrange et Vogel, ibid. 
Aperçu du travail fait par MM. Vauquelines Thierry , 
sur les Eaux thermales de Bagnoles, communiqué 
par M. Lair, 12 
Procédé pour teindre le fil de lin et de chanvre enrouge 
dit des Indes ou d’Andrinople ; par M. Vitalis, ibid. 
Expériences sur les dangers .ou l’innocuité du zinc 
employé à la fabrication des ustensiles de cuisine , 


ibid. 

Eau-de-vie retirée de la pomme de terre ; par 1. 
Dubuc, ibid. 
Nouvel aperçu sur les sirops ef conserves de raisin; 
par DT. Parmentier , 15 
Rapport de M. Dubuc, sur cet ouvrage, ibid. 
Mémoire sur la Catalepsie délirante; par M. Thillaye, 
15 


Rapport 


(161 ) 


Rapport sur cet ouvrage ; par M. Vigné , 14 
Recherches pathologiques sur la secrétion des gaz dans 
les végétaux et les animaux ; par le même, 15 


Rapport de M. Marquis, sur l'ouvrage ci-dessus , 15 
Observations sur un tiphus exanthématique ; par M. 
Vigné, 19 
Rapport sur les n°5 51, 52, 53 et 54 du Bulletin des 
Sciences Médicales du département de l’Eure ; par 
M. Gosseaume , ibid. 
Aperçu sur l'Hygiène publique ; par M. Reynal, ibid. 
Mémoire Médico-Politique sur le café ; par le même, 
ibid. 

Rapport sur le Mémoire ci-dessus ; par M. Dubuc, 20 


Réflexions sur le Népenthès d'Homère ; par M. 
Marquis , 21 


Notice sur l’Epizootie qui a régné, en 1812, sur les 
troupeaux des bêtes à laines des départements 
méridionaux de l'Empire ; par M. Leschenault , 


ibid. 

Moyens de suppléer aux semences de Mars , ibid. 
Notice sur une variété hätive de pomme deterre, par 
M. Sageret , 22 


Collection des Mémoires publiés par la Société d’agri- 
culture de Paris, Rapport sur ses travaux en 1812, 
etc, ibid, 

Rapport sur le blé Lammas, par M. Lamouroux, 23 

Notice sur les cendres végétatives de tourbes préparées ; 
par I, Chamberlain , ibid. 

Précis analytique des travaux de l’Académie , depuis 
sa fondation en 1744 jusqu'en 1750 ; par M. Gos- 
seaume , ibid, 

Travaux des Académies et des Sociétés Savantes de 
Lyon, Bordeaux , Caen, Dijon, Douay , Nancy, 
Cherbourg , etc, , 24 

Rapport sur les trayaux de la Société d'Agriculture » 

L 


(162 ) 
Sciences et Arts du département du Nord; par 2F. 
Leprevost, 24 
Rapport sur les travaux de la Société Académique des 
Sciences, Lettres, Arts et Agriculture de Nancy ; 


par M. Dupuiel, 24 et 115 
Prix proposé pour 1815. 25 
Norice BiocrA?niQuEe sur M. Boismare; par M. 

J.-B. Vitalis, 27 
— sur D, Parmentier; par le méme , 56 
— sur M, Thillaye ; par le même, 41 


Mémoires dont l'Académie a délibéré l'impression 
eu entier dans ses actes. 


Mémorre sur les surfaces considérées comme lieux 
de sommets communs de plusieurs pyramides ; par 
M. Duflkol, 44 

Ogserv ATions sur les plaies avec perte de substance 
de l'écorce des végétaux ligneux ; par M1. Marquis, 

67 

Recusrcuss sur l'acide prussique; par M. Robert, 

75 

Procépé pour teindre le fil de lin ou de chanvre en 
rouge dit des Tades ou d’Andrinople ; par M. Vitalis, 

ot 

ExrraiT du Rapport fait sur le procédé ci-dessus ; par 
MAI. B. Pavie et Lancelcvée, 105 

OrsrrvATIoN d’un Typhus exhanthématique ; par M. 
Vigné , 109 

BELLES-LETTRES. 

Rapport fait par M, Pinard de Boishébert , secrétaire 

perpétuel de la classe des Lettres, 112 


Ouvrages annoncés ou analysés dans ce Rapport. 


Précis des travaux de la Société d’Emulation de 
Rouen, 112 
Fapport de M. Licquet sur cet ouvrage , ibid. 


« 163%} 
Rapport fait par M. Duputel sur le Précis analy+ 
tique des travaux de la Société Académique des 
Sciences, Lettres, Arts et Agriculture de Nancy , 


113 

Charlotte Corday , avant de mourir, à son père ; 
par M. Duputel, 114 
Le Papillon et la Rose, stances allégoriques; par 11. 
Vigné n ibid. 
Le Songe de Lubin, l’Ane et son Maitre , fables ; par 
M. Lefilleul des Guerrots, ibid. 
Les Fleurs er le Chou, Phlomèle, le Corbeau et le 
P'autour, fables ; par M. Guttinguer , ibid. 
Le Frélon et les Abeilles, apologue; par A1. Boïeldieu, 
ibid. 

Rutilius , tragédie , par M. Licquet. ibid. 
Médée et Jason , et Hécube , tragedies lyriques ; par M. 
Milcent , ibid. 
L'homme et le Banc de pierre ; par le même, 115 
La Paix , élégie ; par M. Mollevaut, ibid. 
Essai sur le Bonheur ; par M1. de Bonardi, ibid. 
Mémoire relatif à la ville de Paris ; par M. Gos- 
seaume , ibid. 
Recherches sur les bas-reliefs trouvés dans les fouilles 
du Chœur de N.-D. de Paris ; par le même , 118 


Quelques Observations sur la poésie des Hébreux ; 
par le même, 124 
Rapport fait pir M. Descamps sur les ouvrages faits 
par M. Pescheux, peintre, à la coupole de Saint- 


Romain , ibid, 
Description d'un Tableau d’Ilistoire, peint par M. 
Desoria , 125 
Norice biographique sur M. Mutel de Boucherville , 
ibid. 


Prix proposé pour 1815, 128 


{ 164 ) 
Erocr de M. Houcl; par M. Pinard de Boishébért , 
129. 
Morrer biographique sur M. Lemesle ; par M. Gut- 
tinguer, 154 
Productions dont l’Académie a délibéré l'impression 
en entier dans ses actes, 


Les Fleurs et le Chou , fable; par M. Guttinguer fils , 


142 

Philomèle , le Corbeau et le autour; par le même , 
144 

Le Papillon et la Rose, stances allégoriques ; par M. 
Vigné, 145 
Le Songe de Lubin, fable ; par M. Leflleul des 
Guerrots, 147 
L’Ane et son Maitre, fable ; par le même, 148 
Quelques Observations sur la poësie des Hébreux ; 
par M. Gosseaume , 149 


PRECIS ANALYTIQUE 
DES TRhAMAUZX 
L'ACADÉMIE ROYALE 
DES SCIENCES , DES BELLES - LETTRES ET DES ARTS 
DE ROUEN À 


PENDANT L'ANNÉE 4815, 


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PRÉCIS ANALYTIQUE 


DES TRAVAUX 
DE 
L'ACADEMIE ROYALE 
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS 


DE ROUEN, 


PENDANT L'ANNÉE 1815. 


A ROUEN, 


De l'Iimp. de P. PERIAUX , Imprimeur du Ro 
et de l’Académie, 


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1816. 


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PRECIS ANALYTIQUE: 


DES TRAVAUX 


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î  L'ACADÉMIE ROYALE 


DES SCIENCES, DES BELLES: LETTRES ET DES ARTS 


DE ROUEN, 


PENDANT L'ANNÉE 1815 ; 


D'APRÈS le compte qui en a élé rendu par 
MM. les Secrétaires, à la Scance publique 
du Mercredi 9 Aoüt de la méme annee. 


DISCOURS 


PnroxoncÉé à l’ouverture de la Séance publigre , le 9 
août 1815, par M. le Baron LEzURIFRDF1AMARTr}; 
Oficier de la Légion d'Honneur , Président de 
l’Académie. 


Nes 


Si l'étude des sciences, des lettres et des beaux 
arts jette sur la vie des hommes en général un 
charme inexprimable ; 

Si elle est sa consolation dans les adversités aux« 
quelles la yie est soumise ; 

À 


(3) 

Ïl est une classe sur-tout pour laquelle elle est 
éminemment précieuse : c'est celle des hommes 
en place. 

C’est là que, fatigué de devoirs et de travaux, 
il goûte des consolations que rien ne peut lui ravir ; 
qu’il trouve de nouvelles forces pour rendre de 
nouveaux services. 

C'est dans le temps des troubles qui agitent trop 
souvent Îles corps politiques qu'il trouve, dans 
l'étude des sciences exactes, une distraction qui 
l'enchante et qui l’entraîine pour un instant loin 
de l’objet de ses sollicitudes. 

Il saisit une équerre et un compas ; il applique 
l'analyse aux figures de la géométrie ; 

Il calcule des distances qui semblent incommen- 
surables ; 

Et, suivant dans les espaces les corps célestes , 
il s'élève avec eux ; sa pensée s'agrandit; il apprend 
à mépriser les objets de l'envie des hommes : .ce 
qui paraît à la multitude d’un si grand prix, n’est 
plus qu'un point imperceptible à ses yeux. 

Il s'applique la lecon que donna Socrate à son 
brillant élève Alcibiade : 

Après avoir mesuré les cieux, il le conduit sur 
la terre ; 

-I1 cherche la Grèce: à peine occupe-t-elle un 
point sur le globe. 

Dans la Grèce il cherche l'Attique : à peine peut-il 
la découvrir. 

I y cherche, enfin, les terres dont la posses- 
Sion fäisait l'orgueil d'Alcibiade : c’est en vain! 

« Où est donc, dit-il, l'objet de votre vanité? n 

Richesses du monde! 

Objets dignes de pitié, lorsque l'esprit élevé par l’é- 
tude des sciences sait lesapprécier à leur juste valeur 


(3) 

Si c’est à la chimie qu'il s'est voué, les métaux 
les plus durs s’amollissent , se métamorphosent sous 
sa main. 

Par la botanique , les plaines, les montagnes s’'ani< 
ment sous ses pas ; les plantes offrent leur calice 
balancé sur une tige élégante ou modestement ca- 
ché sous l'herbe. Il étudie leurs mœurs, leurs vertus ; 
il les adapte aux charmes , aux besoins de la vie, 

Enfin, la réunion des arts imitatifs vient charmer 
ses regards. 

Les chefs-d'œuvre de Praxitèéle ou de Canova 
Jui présentent, daus leur perfection, le beau idéal , 
ou ce que VVinkelmann avait appelé, avec bien 
plus de raison, le beau de réunion. 

Car c’est envain que l'imagination la plus riche 
et la plus fertile chercherait à produire quelque 
chose de plus parfait que la nature. 

Rubens et Raphaël présentent à leur. tour, à 
ses yeux enchantés par l'éclat du coloris, par la 
sagesse de la composition ; de nouveaux chets- 
d'œuvre d’un autre genre. 

Mais les Belles-Lettres sur tout , l'étude de l'His- 
toire , en rappelant à ses sonveuirs Ja vie des lommes 
illustres qui ont servi leur pays, lui rappellent 
aussi leur généreuse résignation. 

Là, il voit Aristide banni de sa Pépubhlique, 
parce que, fatiguée de ses vertus, elle était lasse 
de l'entendre nommer le Juste, 

Ici, le plus grand des ornteurs romains paie de 
sa tête le darsereux lhenuenr d’avoir mérite le 
‘surnom de Sauveur de la Patrie. 

Si nous nous rappro hons d’époqnes qui tou- 
chent à nos jours, nous voyons à Florence lillus- 
tre maisou de Médicis, après ayou long-temips fait 

À 4 


(4) 


la gloire et la richesse de la république, forcée 
de céder À l'orage. 


Les descendants de Côme et de Laurent le Magni- 
fique fuyent. Celui qui devait un jour donner à 
Rome le plus illustre Pontife , sans asyle, persécuté , 
emprisonné dans cette même capitale de la Nor- 
mandie , où une reine de son nom et de sa maison 
devait un jour recevoir les honneurs dus au rang 
suprême , ne pouvait que gémir sur les troubles 
qui agitaient sa patrie.....,... 

Son amour pour l'étude fut, n’en doutons pas, 
son unique consolation dans l'adversité ; il en sortit 
plus grand. 


Rappelé par ses concitoyens désabusés, il ft 
fleurir les Lettres et les Beaux-Arts. Rival, dans cette 
belle entreprise , de François Ier , de Charles-Quint 
qui appelaient à l'envi dans leurs états les savants 
et les artistes chassés de l'Orient par l'invasion des 
barbares Ottomans , il leur offrit comme eux un 
asyle dans ses états ; il leur tendit une main secou- 
rable , et Rome devint une seconde fois la reine 
du monde, et Leon X fut la gloire du Saint Siége. 


Tels sont , Messieurs , les grands exemples que 
présente l'Histoire ; tels sont les exemples qui raffer- 
missent le courage de l’homme studieux, qui le 
soutennent dans les agitations de la vie, 


. Tandis que les passions qui troublent le monde 
sont assoup'es par le sommeil et dans l’ombre de fa 
nuit , il s’entoure en silence des illustres morts. Le 
charme mélodieax de Ja poésie repose ses sens du 
tumuite et du bruit, 

Les écrits de la philosophie répandent sur son 
cœur le baume d’une consolation bienfaisante, 


CA) 

Il consulte les publicistes, et $e repose de ses 
travaux en méditant des travaux nouveaux. 

Mais s’il est un asyle sur-tout qui lui soit secou- 
rable , c'est celui qui lui estouvert dans les Sociétés 
savantes. 

Elles rapprochent tous les esprits et réunissent 
tous les peuples. Par elles toutes les nations sem- 
blent se coufondre dans le même amour pour les 
sciences. 

Une nation généreuse qui fat toujours notre rivale 
et notre émule , concourant avec nous à propager 
les connaissances humaines , a secondé souvent nos 

efforts par une corresp sondance que les discussions 

politiques ne pouvaient pas interrompre; et l’illus- 
tre , l'infortuné Lapeyrouse trouva dans les navi- 
gatœurs anglais, dans les nav'enteurs de toutes les 
nations , des amis qui secondèrent sa courageuse 
entreprise. 

Sa personne , ses vaisseaux furent respectés il 
m'avait rien à redouter des foudres de la guerre. 

C'est là, c’est au sein des sociètés savantes que ;, 
loin du soin des affaires, chacun , livré à une 
étude particulière , en apporte l'hommage au milieu 
de ses amis, 

Il est écouté avec l'intérêt de l’amitié; des con- 
seils dictés par elle réforment ce qui a pu échapper 
à l'inadvertance ; et lindulgence méme a sa sévérité 

La Société toute entière jouit du succès d’un 
de ses membres ; elle le partage , elle s’en glo- 
rilie : il semble qu'elle y ait concouru toute entières 

Telle fut la pensée qui anima Louis XIIT, lorsque , 
secondé par le cardinalde Richelieu , il fonda l’'Aca- 
démie française ; telle fut sa pensée lorsqu'il s'en 
déclara le protecteur. 

Avec un si puissant appui, les Lettres, les Sciences s 

À à 


(C6) 
les Beaux-Arts acquirent un éclat qui rejaillit sue 
le siècle qui devait suivre , et qui s’enorgueillit 
de porter le nom d’un de nos Rois. 

Nous les verrons briller d'un nouveau lustre, 
sous un Roi enfin rendu à nos vœux, et dont 
l'élévation de l'esprit, le goût pour les Lettres 
égalent les vertus. 

Vous m'avez déjà depuis long-temps, Messieurs, 
admis dans ces douces réunions; j’ai toujours reçu 
de vous des témoignages d’affection qui méritent toute 
ma reconnaissance ; il m'est bien difficile , il m'est 
impossible de m'acquitter envers vous. 

J'aurais désiré au moins que les affaires pübli- 
ques , me laissant un peu plas de loisir, m'eus- 
sent permis de répondre plus dignement à la con- 
fiance que vous m'avez témoignée, en me plaçant 
à votre tête. 

J'aurais désiré, dans un langage digne de vous, 
dire et vos travaux et le charme qui les accom- 
pagne dans vos Séances particulières. 

Mais vos Secrétaires vont en rendre compte; et 
le suffrage du Public éclairé, dont le concours est 
garant du touchant intérêt qu’il vous porte , sera 
leur récompense et la vôtre. 


(7) 


SE 


SGPENCES ET ARTS. 


R'&'E PRE 


Fair par M. Virazis , Secrétaire perpétuel de 
la classe des Sciences. 


MESSIEURS, 


Convaincue que l'utilité doit être le but unique 
auquel doivent tendre tous ses travaux , l’Académ'e 
a fait cette année de nouveaux efforts pour répon- 
dre au vœu de son institution, et c’est avec un 
plaisir toujours nouveau qu'elle vient aujourd'hui 
offrir à ses concitoyens le fruit de ses méditations 
et de ses veilles. 

Chargé de vous faire connaître , Messieurs, l'éten= 
due des recherches dont la Compagnie s'est occupée 
pour enrichir le domaine des scienres , je vais avoir 
l'honneur de vous en présenter le tableau de la 
manière qui m'a para la plus propre à fatiguer 
le moins possible votre attention. 


A: 4 


(8) no 


” 


MATHÉMATIQUES. 


Dans son discours de réception, M. Percelat, 
recteur de l’Académie de Rouen, ancien professeur 
aux écoles d'artillerie , a traité des diverses bran- 
ches de l'art de la guerre. 

La modestie de notre nouveau confrère ne lui 
permet de voir dans son admission au sein de 
PAcadémie, qu'un hommage rendu au corps dont 
il s'honorera toujours de faire ou d’avoir fait partie; 
une marque de considération acrorlée , en sa per- 
sonne, à ces hommes utiles qui consacrent leurs 
veilles à former la génération naissante aux sciences 
et à la vertu. 

Flatté d'être associé aux travaux d’une Société 
qui cuhive avec tant de zèle les différentes bran+ 
ches des connaissances humaines , M. Percelat re- 
garde comme un devoir bien doux à remplir, de 
joindre ses elforts à ceux de la Compagnie. 

» Si les efforts des Sociétés académiques ,; con- 
tinue M. Percelat, ont obtenu des succès au milieu 
des horreurs d'une guerre si désastrensement pro- 
lonsée , que ne doit-on pas attendre aujourd’hui 
des bienfaits d’une paix que nous assure le retour 
et le gouvernement paternel d’un Roi sage et éclaire , 
d'un Monarque avare du sang de son peuple , et 
décidé à ne tirer l'épée que pour défendre les droits, 
ou soutenir l'honneur du nom français? 


— M: Fabre , Ingénieur en chef des Ponts et 
Chaussées à Brignoles , correspondant de l'institut 
de France, de l'Académie de Turin , etc., etc., 


(Ca) 

a adressé à la Compagnie un exemplaire de son Traité 
complet sur la théorie et la pratique du nivellement. 

Charges d'examiner cet ouvrage et d'en rendre 
compte à l'Académie, MM. Pinard de Bois-Hebert , 
Le Priol et Dufilhol en ont porté le jugement le 
plus favorable, et ils pensent que l’auteur , aujour- 
d'hui notre confrère! a parfaitement rempli son 
uire, 


— L'Académie a entendu avec un grand intérêt 
la lecture du discours que M. Boistard , ingénieur 
en chef de première classe du corps royal des Ponts 
et Chaussées du département de la Seine-Inférieure ;, 
a prononcé le jour de sa réception. 

Après avoir remercié la Compagnie de l'avoir 
admis à Partager ses travaux , et payé son tribut 
d'admiration aux Grands Hommes dont Rouen sho- 
nore d’avoir été le berceau , M. Boistard établit en 
principe que, dans les sciences physiques , ne 
consulter que l'imagination et marcher sans être 
appuyé sur l’expérience , c’est se précipiier dans 
un chaos de systèmes plus ou moins ingénieux 
peut-être, mais toujours chimériques. Il tire la 
preuve de cette assertion, des erreurs dans les- 
quelles, faute d'avoir interrogé l'expérience, sont 
tombés des savants justement célèbres d'ailleurs, 
relativement à l'équilibre et à la poussée des voûtes. 

Notre confrère rend compte ensuite d'une série 
d'expériences qu'il a entreprises dans la vue de 
déterminer l'épaisseur que l’on doit donner aux 
culées des voûtes. 

La sagacité qui a présidé au choix des expérien- 
ces, la marche lumineuse et méthodique que l'au- 
teur a suivie, pour en faire connaître les résul- 


(10) 
tats, annoncent le savant ingénieur , également versé 
dans la théorie et dans la pratique de son art. 


= Dans son discours de réception, M. Mallet, 
Ingénieur en chef de première classe du corps 
royal des Ponts et Chaussées , chargé de la cons- 
truction du pont de Rouen, nous a entretenus du 
tassement des voûtes, 

M. Mallet distingue deux sortes de tassements , 
celui du cintre et celui de la voûte après le décin- 
trement. # 

Les écrits publiés jusqu’à ce jour, sur cet objet, 
r'ayvaient eu pour but que de remédier aux eflets 
des tassements. 

M. Mallet en recherche la cause , et indique les 
moyens dont il s'est servi avec succès dans la 
construction d'un pont au - delà des Alpes, pour 
en réduire les effets à leur minimum. 

La solidité des principes et la perfection des 
moyens d'exécution nous sont un sûr garant que 
le pont dont la construction est confiée aux soins 
de M. Mallet, sera tout-à-la-fois un monument digne 
de la ville de Rouen et des talents de notre con- 
frère. 

Rappeler ici que le plan du pont de Rouen a 
été conçu et tracé par M. Le Masson , ancien ingé- 
nieur en chef de ce Département, et membre de 
l’Académie, c'est s'acquitter d'un devoir que nous 
imposent également et la justice et la reconnaissance. 


= Dans sa réponse aux disconrs de MM. Percelat , 
Boistard et Mallet, M. Lezurier de la Martel, Prési- 
dent de la Compagnie , a déployé la même flexibilité 
detalent , la même variété de connaissances , la même 
fraicheur de style, dont il avait déjà donné tant 
de preuves dans de semblables occasions. 


Çu) 


HisToiIrRs NATURELL&£e 


= M. Marquis a lu le discours préliminaire d’un 
ouvrage dont il s'occupe depuis plusieurs années 
avec un de ses amis. 

Cet ouvrage a pour titre : Histoire générale des 
plantes de France ; comprenant leur description , 
leur culture , leurs usages anciens et modernes 
dans léconomie domestique , les arts, la méde- 
cine , etc. 

Le but que se propose notre confrère, dans le 
discours préliminaire , est d'offrir le plan de lPou- 
vrage, et d'exposer l’ordre dans lequel les plantes 
à 4 sont TAUgGEESe 

« C'est sur-tout cette distribution méthodique 
des plantes , dit M. Marquis, que je désire faire 
connaître à l'Académie ; j'ai même des raisons de 
regretter de ne l'avoir pas fait plutôt. Cette méthode 
m'est entièrement propre , ainsi que le discours 
préliminaire et toute la partie historique de l'ou- 
yrage. » 

— M, Marquis nous a aussi communiqué Histoire 
naturelle et médicale des aconits , fragment de l'His- 
toire des plantes de France , dont il vient d’être parlé. 

— Nous devons encore à M. Marquis le Plan 
raisonné d’un cours de botanique spéciale et médi- 
cale , ou de la meilleure manière d’étudier et d’en- 
seigner cette science. 

» Quelle que soit la science que lon professe, dit 
M. Marquis , le premier soin doit être de fixer 
exactement la place qu’elle occupe dans la chaîne 
evcyclopédique, 

» L'exposition des différences et des rapports que 


Cr) 
présentent les végétaux , soit avec les autres êtres 
organisés , soit avec le rêgne minéral, des connexions 
de la botanique avec les autres sciences , forme 
naturellement la matière des prolégomènes du cours. 

» La description des organes extérieurs des végé- 
taux, la défiuition des termes nombreux employés 
pour en désigner toutesles modifications , Fexposition 
de la structure entière de ces mêmes organes et de 
leurs fonctions , tel est l'objet de la première partie. 
_%» Quelques auteurs ont jugé à propos de sépa- 
rer , d'isoler tout-à-fait ces diverses branches ; mais 
cette méthode , plus scrupuleusement analytique, 
qui offre peut-être dise avantages dans un 
livre, m'a paru absolument inadmissible dans un 
cours public. En éloïignant de la deseription &’un 
organe l'exposition de ses fonctions, n'est-il pas à 
craindre que, quand on en viendra dans une autre 
parte, à ces fonctions, la description en soit 
presque oubliée ?..... 

__ » Quant à la terminolog'e , n’admettre que Îles 
termes les plus généralement usités , n'en adopter 
de nouveaux qu'avec une extrême réserve et 
d'après une évidente utilité, voilà les règles que je 
me suis prescrites à cet égard. 

» Dans lexposition des phénomènes physiolo- 
giques , j'ai toujours soigneusement distingué Îles 
faits des explications qu'on en donne..... Ge sont 
les faits , les faits seuls qui font le vrai domaine 
de la scence... Je me suis en conséquence fait 
une loi de ne donner jamiis aucune explication 
d’une manière trop absolue, La meilleure n'est en 
effet, du moins le plus souvent, que la plus pro- 
bable. 

» La théorie de la greffe, de la taille des arbres, 
les maladies des végétaux et les moyens curatifa 


(13) 
qu'elles exigent, sont autant de points qui, bieu 
qu'ils appartiennent spécialement à la culture, se 
rattachent par-tout d'une manière si intime à la 
physiologie végétale , que j'ai cru nécessaire de 
leur donner, dans le cours , la place importante 
qu’ils méritent. 

» Un aperçu rapide de l’histoire de la botanique 
depuis les Anciens, et sur-tout de l'établissement 
et de la réunion des systémes dans les temps mo- 
dernes , précède la deuxième partie du cours qui 
a pour objet la classification des végétaux. 

» Un abrégé des principes généraux de toute 
classification en histoire naturelle, des règles sur 
lesquelles elle doit être fondée , met d'abord l'élève 
à portée de mieux juger les méthodes de Tour- 
nefort, de Linné, de Jussieu , qui lui sont ensuite 
exposées en détail..... 

» Les caractères des familles et des genres, la 
démonstration des espèces principales, le détail 
de leurs usages , font le sujet de la troisième et 
dernière partie. 

» Ici finit le domaine de la botanique spéciale, 
et commence celui de la botanique appliquée... 

» C'est dans les utileset nombreuses applications 
de la botanique aux besoins de l'humanité que 
consiste sur-tout l'importance de cette science. .... 
Le véritable ami de la nature , persuadé que luti- 
lité doit être en dernière analyse le but de tout 
travail bien entendu , se plaît également à considérer 
les plantes soit en elles-mêmes, soit relativement 
à ses semblables. 

» Parmiles applications mulüpliées de cette science, 
qu'un même cours ne saurait en aucune manière 
embrasser toutes , la botanique médicale nous a paru 
devoir spécialement fixer notre attention. C'est des 


C14) 

élèves nombreux des divers hospices de cette ville 
populeuse , que se compose en grande partie la 
masse de ceux du cours de botanique. Cette con- 
sidération devait donc nous conduire à offrir, avec 
tous les détails nécessaires , l'exposition des pro- 
priétés des plantes usuelles , l'indication des mala- 
dies où elles conviennent , les formes sous lesquelles 
on doit les prescrire. À ces notions j'en ajouterai 
d’autres sur la classification méthodique des médi- 
caments , et j'y joindrai quelques généralités sur 
chaque classe de médicaments. 

» Les usages des végétaux dans l’économie, dans 
les arts, por wétre pas traités avec la même 
étendue , n’en seront pas moins indiqués avec soin. 

»” Chaque semaine , une herborisation mettra l’é- 
lève qui a compris les premiers éléments de la 
science , à portée d'en faire l'application Cueillies 
dans leur sol natal, les plantes ont plus de charmes, 
leur port, leur physioromie se gravent plus facile= 
ment , plus solidement dans la mémoire. 

» Un goût solide pour tout ce qui est vraiment 
utile et bon, a toujours également distingué et les 
habitants de cette ville industrieuse et les magis- 
trats respectables qui successivement ont été char- 
gés de veiller à sa prospérité. 

» Humble ami de la nature , je m’efforcerai d’en- 
trer, autant que mes faibles moyens le permettent, 
dans leurs vues nobles et élevées , en dirigeant 
sur-tout vers l'utilité la science dont l’enseignement 
m'est confié, en ne négligeant rien pour l'instruc- 
üon des élèves que j'engage à ne voir en moi qu’un 
ami qui les à précédés dans la carrière , et pour 
qui c’est un plaisir, plus encore qu'un devoir , 
d'y guider leurs premiers pas. » 

Dans l’auteur du discours que je viens d'analyser, 


C15) 
chacun de vous, Messieurs , reconnaîtra aisément 
l'écrivain judicieux et élégant , le savant et zélé 
professeur qui, depuis cinq ans, enseigne parmi 
nous , avec tant de distinction et de succès, les 
principes de la plus aimable des sciences. 

— Enfin, M. Marquis, au nom de la commission 
nommée pour cet objet , a rendu compte succes- 
sivement à l'Académie, de toutes les classes qui 
composent la Flore rouennaise de M. Le Turquier. 

« Sans répéter ici ( c'est M. le rapporteur qui 
parle) les justes éloges que j'ai déjà, plus d'une 
fois , eu l'occasion de donner à l'ouvrage de M. 
l'abbé Le Turquier, je ne puis cependant me re- 
faser le plaisir de rendre encore une fois justice 
à l'exactitude que la commission a reconnue par= 
tout dans la nomenclature et les indications locales. 

» Elle félicite M. Le Turquier d’avoir conduit 
jusqu’à Ja fin, avec une louable persévérance, et 
malgré les dérangements qu'il a éprouvés par suite 
des circonstances , un travail aussi long, aussi pé- 
nible. 

» L'Académie ne peut qu'être très-sensible à 
l'hommage que l’auteur lui en a fait, et je propose, 
au nom de la commission, à la Compagnie , d'a- 
dresser des remerciments à notre digne et respec- 
table confrère. » 

L'Académie , adoptant les conclusions du rapport , 
a remercié M. Le Turquier de l'excellent travail 
dont il a bien voulu lui faire hommage, et a dé- 
libéré que l'expression de sa vive reconnaissance 
serait consignée dans ses actes, 


= L'Académie a reçu la Description des jardins 
de Courset , situés aux environs de Boulogne-sur-Mer ; 
Cextrait d’un voyage en France ) par M. Pierre-Aimé 


(16) 


Lair , secrétaire de la Société d'Agriculture et de 
Commerce , et Membre de l'Académie des Sciences 
de Caen ; Membre non résidant de l'Académie 
de Rouen , Correspondant des Sociétés d’Agricul- 
türe , Philomatique et Philothecnique de Paris, etc. 

En parcourant cet intéressant opuscule , le lecteur 
se croit transporté à Courset et visiter avec l'au- 
teur , le parc , les jardins botaniques, les potagers , 
les vergers , les prairies, les bosquets , les oran- 
geries , les serres, les pépinières dont l'ensemble 
offre la plus délicieuse promenade, 

L'art, dit M. Lair , y a placé secrétement tous 
les contras'es qui peuvent flatter l’œil de l’'obser= 
vateur... Tous les jours la collection de M. Dumont- 
Courset augmente ; l’on en sera peu surpris. Placé 
près des frontières de la France, voisin de la 
Belgique , de l'Allemagne, de la Hollande e: de 
l'Angleterre , on dirait que Courset est en quelque 
sorte au centre du monde botanique. Aussi est-il 
cité comme un modèle dans tous les ouvrages nou- 
veaux sur l’agriculture et le jardinage..... Pour 
apprécier les vastes connaissances du créateur des 
jardins de Courset, il faut lire le Zoraniste cultivateur. 
Je ne puis trop, ajoute M. Lair , engager les voya- 
geurs à visiter Courset. Le botaniste y verra des 
plantes rares, l'artiste de beaux sites, le littérateur 
un savant recommandable , l'homme du monde 
des personnes aimables; et tous y recevront un 
bon accueil. » * 


= M. Geoffroy , avocat à Valognes, membre non 
résidant, a soumis au jugement de l’Académie , 
ses idées, 1° sur la formation des érèches ; 2° sur 


les laves lithoïdes. 
Notre 


(17) 

Notre confrère s'attache à prouver que les bré2 
ches ordinaires ne doivent point être confondues 
avec les marbres ni avec les pouddings, quoique 
des'naturalistes célèbres aient annoncé le contraire. 

Quant aux brèches volcaniques, il pense qu’elles 
ont préexisté aux éruptions , et que celles qui 
ont été attaquées par le feu des volcans conser- 
vent encore un caractère non équivoque. 

En comparant plusieurs laves lithoïdes, M.Geoffroy 
a cru reconnaître qu’elles avaient de commun 
d’affecter une apparence qui les ferait d’abord 
prendre pour des pierres ; mais, en les considérant 
avec soin, on est convaincu qu'avant d’avoir pris 
ce caractère extérieur , la matière dont elles sont 
composées a dù être rendue fluide par l’action du 
feu, puisqu'on aperçoit dans ces sortes de laves 
des substances différentes qui ont été saisies par 
la lave ; telle est , suivant l’auteur, l'origine des 
laves lithoïdes-amygdaloïdes et des laves lithoïdes- 
variolitiques. M. Geoffroy a aussi reconnu, qu’il 
existe des laves lithoïdes qui sont tout-à-la-fois 
amygdaloïdes et variolitiques. 

Pour porter un jugement sur cette matière, des 
échanullons auraient été nécessaires > et l’auteur 
n’en a point envoyé à l'Académie, 


PRTrSrTOUÉ 


M. Sage, fondateur et directeur de la première 
écoles des mines, membre de l'Institut de France ; 
nous à fait parvenir, 1° des Opuscules de phrsique 
2° un Traité des pierres précieuses ; 5° un imprimé 
intitulé : Conduite qu’ont tenue envers moi les Ministres 


B 


(18) 
de l’ancien régime , comparée avec celle des Ministres 
du nouveau régime, 

Ce dernier ouvrage n’étant point du ressort de 
l'Académie , nous ne nous occuperons ici que des 
deux premiers. 

Dans ses opuscules, M. Sage paraît s'être proposé 
de recueillir quelques anneaux de la chaîne im- 
mense des phénomènes que nous offre la science 
de la physique, et d'expliquer les faits d’après 
les principes de la théorie particulière qu'il s’est 
formée. Malheureusement cette théorie est en oppo- 
sition avec celle qui est généralement adoptée par 
les physiciens et les chimistes modernes. Cependant 
quelques articles, et entre autres la description du 
salon du Musée des mines, à la Monnaie de Paris, 
et de ses galeries , se font lire avec autant de plaisir 
que d'intérêt. 

Le Traité des pierres précieuses se recommande 
à l'attention par le soin que l’auteur a pris de réunir, 
dans un cadre assez circonscrit , les caractères dise 
tinctifs de ces sortes de minéraux , et les procédés 
employés pour les tailler, les polir , graver en 
creux ou en relief sur leur surface, et les monter 
de manière à produire l’effet le plus agréable. On 
trouve aussi dans ce Traité la description de plu- 
sieurs morceaux rares et précieux , dont la plupart 
font partie de la riche collection de notre savant 
et respectable confrère. 


= M. Le Hot, ingénieur des Ponts et Chaussées 
à Clermont-Ferrand , a communiqué à l’Académie 
sa découverte de la cause du développement d'une 
goutte d’huile sur la surface de l'eau. 

Organe de la Commission chargée de répéter 
les expériences de l'auteur , M. Duflhol conclut 


oc ent tnt 


C9) 
que les résultats obtenus par la Commission sont 
d'accord avec ceux qui avaiènt été annoncés par 
M. Le Hot. 


— L'Académie doit encore à M. Le Hot, des 
Observations sur les moyens de reconnaïtre les métaux 
par leurs propriétés galvanigues» 

Invité par l'Académie à répéter les expériences 
de l’auteur , M. le Secrétaire des sciences a cru 
remarquer que les résultats n'offraient rien d'assez 
précis pour pouvoir être regardés comme certains. En 
effet, s’en rapporter ici à la sensibilité de l’organé 
du goût, soit pour l'énergie de la saveur galva- 
nique, soit pour la nature de cette saveur , n’est-cè 
pas s’'exposer à la même incertitude que celle qui 
régnerait dans les jugements de celui qui préten- 
drait juger d'une différence légère dans la tempé- 
rature de l'air par l'impression qu'il en recoit sur 
l'organe du toucher? La sensibilité de l'organe étant 
susceptible de varier dans le méme individu par 
une foule de circonstances, sérait-il prudent de 
vouloir prononcer sur la nature de tel ou tel métal, 
d’après des sensations qui se ressemblent presque 
toutes entre elles ? M. le Rapporteur ne le pense 


pas: 


— M. Garos, mécanicien à Paris ; a adressé à 
l’Académie un Mémoire sur les moyens de renou- 
veler l’air dans les vaisseaux et dans les salles d'h6+ 
pitaux. 

Les moyens proposés par l’auteur ne sont point 
en harmonie avec les principes d'une saine phy- 
sique , et n’ont pas obtenu, par cette raison , la 
sanction de la Compagnie. 


B 2 


(20) 

= Organe de la Commission nommée pour cet 
objet, M. Dufihol a fait un rapport sur un travail 
de M. Bonnet, ayant pour titre : Votice sur un 
nouvel instrument appelé pèse-alcool, ou alcoolimètre 
certigrade ; destiné à juger le titre ou le degré de 
pureté des liqueurs spiritueuses , ainsi que leurs pesan- 
teurs spécifiques. 

Une courte discussion suffit à M. le Rapporteur 
pourfaire voir que de tous les aréomètres proposés 
jusqu'à ce jour , les instruments qui sont gradués 
dans toute leur étendue, d’après les proportions 
des matières dont chaque liqueur est composée , 
sont ceux qui offrent le plus d'avantage au com- 
merce. L’imperfection de cette classe d’aréomètres 
dépendait principalement de deux causes : 1° de 
la difficulté de trouver, pour le point supérieur 
de l'échelle, un liquide de densité constante; 2° de 
Ha différence qui existe ordinairement entre les 
combinaisons artilicielles d’après lesquelles se font 
les graduations et les combinaisons ta que 
l'on veut éprouver. 

. M. Bonnet a surmonté aisément le premier obs= 
tacle , en se servant de l'alcool rectifié par le pro- 
cédé que M. Dubuc a communiqué à l’Académie, 
et qui a été inséré depuis dans le tome 86 des An-! 

pales de chimie... La pesanteur spécifique de cet 
alcool, parfaitement pur , est de o. 853, celle de 
Veau étant exprimée par l'unité. 

L'immersion successive de l'instrument dans l'eau 
distillée et dans l'alcool rectifié de M. Dubuc , a 
donné l'intervalle fondamental de o° à 200°. Les 
nombres intermédiaires indiquent les quantités d'al- 
cool qui entrent dans les mélanges qui ont servi à la 
graduation. Par exemple, le 15° degré de l'alcooli- 
mètre annonce que le mélange a été fait avec 


(Car) 
quinze parties d'alcool et quatre-vingt-cinq par- 
ties d’eau distillée, La température normale à la- 
quelle M. Bonnet a constamment opéré, est celle 
de 10° centigrades. 

L'objet principal du travail de la Commission 
était la vérification des expériences; aussi, dit M. 
Duflhol, y avons-nous apporté la plus grande at- 
tention. Onze expériences comparatives ont été 
faites et répétées toutes les fois qu’elles présen- 
taient quelques variations notables. Nous avons 
ramené, autant que possible , les mélanges à la 
température normale choisie par M. Bonnet. Les 
degrés où le pèse-alcool devait arriver ont été cal- 
cules ; les points où il s’est arrêté ont été observés 
soigneusement. Enfin, nous avons pris la pesanteur 
spécifique avec un gravimètre extrêmement sensible. 

Le détail des expériences est consigné dans un 
tableau joint au rapport, et qui contient une colonne 
des différences entre les résultats trouvés par M. 
Bonnet et ceux que la Commission a obtenus. Ces 
diflérences sont assez considérables , lorsque les 
quantités d’eau et d’alcoel qui entrent dans le mé- 
lange approchent de l'égalité MM. les commis- 
saires expliquent ces anomalies par la célérité plus 
ou moins grande avec laquelle s'opère la combinaison 
suivant que l'un des deux éléments entre en plus 
grande où en moindre ‘proportion dans le mé- 
ange. Ainsi l’alcoolimètre qui, dans une expérience, 
avait présenté d'abord à Ja Commission une dif- 
férence de cinq degrés en plus, est revenu, six 
jours après, au degré d'immersion où M. Bonret 
l'avait observé, 

Ces résultats , dit M, le Rapporteur, prouvent 
que les expériences de M. Bonnet ont été, faites 
avec une scrupuleuse exactitude , que son alcool- 

B 3 


(22) 
mètre centigrade est bien gradué et peut servir 
d’étalon ; que les pesanteurs spécifiques corres- 
pondantes aux degrés d'immersion ont été bien 
observées; enfin, que ce travail offre une preuve 
nouvelle du zèle et du talent de M. Bonnet.} 

Cet ouvrage , Messieurs , était le dernier qui 
devait sortir de la plume de notre jeune et esti- 
mable confrère. Au moment même où il répétait 
ses expériences en présence des commissaires de 
l'Académie , la faulx de l'impitoyable mort était 
supendue sur sa tête, et le 19 mars il avait cessé 
d'exister. 


CHIMi16. 


= M. Dubuc nous a communiqué des notes sur 
quelques propriétés chimiques des baies de la 
Belladonne , ( Atropa Belladonna , Linn. ) avec des 
moyens pour reconnaître la présence du suc de 
ces fruits délétères , dans les vins et les liqueurs 
en général. L'Académie a délibéré l'impression de 
ce Mémoire. ( }’oyez ci-apres. ) 


= Notre confrère, M. Fogel , chimiste attaché 
à l'Ecole de Pharmacie de Paris, a fait hommage à 
l'Académie d'un imprimé ayant pour titre : De 
l’action de la lumière solaire sur les corps simples 
et sur quelques composés chimiques. 

Dans un premier Mémoire, publié il y a en- 
viron un an, M. Vogel avait tracé une série d’ex- 
périences concernant l’action des rayons du soleil 
sur le phosphore renfermé dans des liquides, des 
fluides élastiques et dans le vide de Toricelli. 


(23) 

Le nouveau Mémoire présenté aujourd’hui à 
l'Académie , a pour objet d'examiner le résultat 
de l'action solaire sur le phosphore, et l'effet que 
produisent ses rayons sur différentes substances 
plus ou moins complexes. 

Pour donner une juste idée du travail de M. Vogel, 
il faudrait pour ainsi dire copier son Mémoire en 
entier, et nous nous voyons à regret dans l'im- 
possibilité de le faire ici; mais il nous sera du 
moins permis de dire que notre savant confrère 
s'est acquitté de la tâche qu'il s'était imposée avec 
uve supériorité de talent qui lui a valu le suffrage 
honorable de la première classe de l’Institut de 
France, à laquelle l’auteur en a donné commu- 
nication le 26 décembre 1814, MM. Berthollet et 
Thenard terminent leur rapport à l'Institut en con- 
cluant que le Mémoire est digne d'être imprimé 
dans le Recueil des savants éwangers On ne peut 
rien ajouter à cet éloge. 


— L'Académie aurait vivement désiré pouvoir 
offrir cette année le résultat des travaux de la 
Commission qu’elle a nommée pour lui faire un 
rapport sur l'innocuité du zinc employé dans la 
fabrication des ustensiles de cuisine; mais, quoique 
les expériences de MM. los commissaires Jui aient 
paru déjà favorables à ce métal, elle a cru devoir 
différer sa décision définitive jusqu'a ce que la 
série d'expériences entreprises par la Commission 
soit entièrement terminée. 


= L'Académie doit à M. le Directeur général 

des Manufactures et du Commerce, l'envoi d'un 

Mémoire sur La fabrication du sucre de betteraves » 

par M. Mulot, chargé, en 1815, d'une mission 
B 4 


C4) 
pour l'inspection des manufactures de ce sucre 
indigène. 


MÉDECINE. 


= M.le baron Desgenettes , Président de la Faculté 
de médecine de Paris, nous a adressé le discours 
qu’il a prononcé à la Séance publique de la Faculté, 
le 7 novembre 1814. 

Ce discours, écrit avec une élégante simplicité, 
renferme , 1° l'exposition des travaux des professeurs 
et des membres de la Societé de médecine, pen- 
dant l’année 1814; 2° les éloges de MM. Dumas , Le 
Gallois et Villars ; 3° le compte rendu du concours 
qui a eu lieu pour l’obtention des prix de l'école 
pratique. 


= M. Gosseaume a entretenu la Compagnie d'une 
Observation sur une surdité de naissance guérie aw 
moyen d'injections portées par la voie des narines 
et la trompe d’Eustache , dans l’intérieur de l’oreille ; 
par J-A, Saissy , D.-M. à Lyon , et membre non 
résidant de l'Académie. M. Gosseaume fait l'éloge 
de l'intelligence et de la sagacité avec laquelle M. 
Saissy a terminé une cure qui lui fait, dit-il, beau- 
coup d'honneur. 

— M. Gosseaume a aussi rendu compte des quatre 
derniers cahiers du Bulletin des Sciences médicales 
du département de l'Eure. 

De courtes mais judicieuses observations sur 
chacun des articles , servent à en faire connaître 
le degré de mérite et d'utilité, 

M: le Rapporteur conclut que ces derniers numéros 


C25 ) 
ne le cédent en rien aux précédents pour l'impor- 
tance des matières qui y sont traitées , et le soin 
avec lequel ils sont rédigés. 


= M. Alphonse Le Roy , ancien Docteur régent, 

rofesseur de la Faculté de médecine de Paris , 
membre de la Société médicale de la même Faculté , 
de l'Académie royale de Madrid , de celle de 
médecine-pratique de Montpellier et autres Sociétés 
savantes , a adressé à l'Académie ure brochure 
ayant pour titre : De la contagion régnante sur les 
vaches , sur les bœufs et sur l’homme , en quelques 
contrées de la France ; des causes des contagions. 
— Moyens d’y remédier et d’en préserver. — Aperçu 
sur l’utilité dont peuvent être les abattoirs. 

A un grand nombre de vérités utiles et pratiques, 
l'auteur nous parait avoir associé quelques idées sys- 
tématiques qui pourraient bien ne pas obtenir l'as- 
sentiment général. Est-il vrai , par exemple, que la 
putréfaction réduise tout en une terre friable, 
sèche , légère , laquelle a une grande force d’at- 
traction? On ne voit pas comment la chimie et la 
médecine peuvent tirer un grand parti de cette 
terre , quoiqu’on puisse la regarder comme un 
principe de la fertilité. On ne conçoit guères plus 
clairement comment la terre du sang pourrait avoir 
des usages très-importants, même en médecine... 
Mais tout le monde pensera avec M. Le Roy, que 
sous le rapport particulier de la salubrité publique, 
nous avons tout à espérer de la bonté, dela vigilance et 
de la sagesse de notre auguste Monarque Louis X VIH, 
appelé par les vœux des Français à remonter sur 
un trône que ses aieux ont illustré par huit siècles 
de prospérité et de gloire. 


(26) 

= M. Flaubert, D.-M. à Rouen, admis à par- 
tager les travaux de la Compagnie, a donné lec- 
ture de son discours de réception, 

Après avoir remercié l’Académie de lui avoir donné 
une place parmi ses Membres, notre nouveau confrère 
s’est attaché à établir les rapports nombreux et 
la liaison intime de la médecine avec toutes les 
branches des connaissances humaines. 

» La métaphysique , dit M. Flaubert , fournit 
au médecin cette méthode précieuse de l'analyse , 
sans laquelle il devient le jouet des troubles patho- 
logiques, comme le pilote , sans boussole et sans 
voile , est livré aux caprices et à la fureur des 
vents-.... La métaphysique épure le langage en 
rectifiant les idées; ce n’est qu'autant qu'il marche 
à la lueur de son flambeau , que le médecin peut 
espérer de traiter avec succès les délires, les manies, 
l'hypocondrie , la mélancolie et toutes les maladies 
de l’organe pensant. …. 

» L'étude de la morale , cette science qui nous 
apprend à diriger nos passions vers un but honnête , 
n’est pas moins nécessaire à celui qui exerce l’art 
de guérir. C'est elle qui lui indique les moyens 
qu'il doit employer contre le trouble moral qu’il a 
à combattre, Ici c’est un homme tombé du faite 
des grandeurs qu’il faut ramener à des goûts plus 
simples, à des désirs plus modérés ; là c'est un 
ambitieux qu’il faut guérir de la passion funeste 
qui le dévore ; un avare dont il faut amollir le 
cœur et rendre sensible aux besoins de l'indigence ; 
des parents intéressés, stupides ou prévenus qu'il 
faut fléchir pour arracher à la mort une jeune fille 
victime d’un amour innocent ; une mère désolée , 
pleurant sur le tombeau de son époux , d'un fils 
uuique, d’une fille chérie , qu'il faut plaindre et 


6272 
consoler en lui montrant, avec la Religion, un avenir 
heureux pour l'objet de ses regrets, qui déjà habite 
la demeure éternelle des âmes pures. 

» La jurisprudence elle-même n’est pas sans in- 
fluence sur l’art de guérir : elle sert à guider le 
médecin dans l'exercice de la médecine légale ; 
mais c’est sur-tout dans l’étude des sciences phy- 
siques que le médecin peut espérer de trouver 
les moyens les plus puissants que l'exercice de 
son art lui rendent utiles ou nécessaires. 

» La géologie lui montre les changements que les 
inondations , les grandes catastrophes du globe ont 
dû apporter dans la constitution de l'homme. 

» La météorologie l’éclaire surles degrés de chaleur 
et de froid , de sécheresse ou d'humidité, de pres- 
sion atmosphérique , nuisibles ou favorables au dé- 
veloppement et à l'exercice des fonctions de l’éco- 
conomie animale, 

» La statique et la dynamique lui apprennent à 
calculer la force des puissances musculaires. 

» L'optique lui révèle les secrets de l’action dé 
la lumière directe réfléchie ou réfractée sur lPæil, 
et lui fournit des moyens aussi sûrs que précieux 
pour remédier aux vices qui peuvent affecter cet 
organe admirable de la vision. 

»# La physique est sur-tout utile au chirurgien 
dans le traitement des choes , des contre - coups, 
des fractures , des luxations; dans la construction, 
le perfectionnement et l'emploi de ses instruments. 

» Quel immense dépôt de connaissances la chimie 
n’offre-t elle pas au médecin? La nature et les pro- 
priétés utiles ou malfaisantes des différentes espèces 
de gaz, la composition de l'air commun, les qualités 
qu'il doit avoir pour étre propre à la respiration 
des animaux , les moyens d'en reconnaitre la pureté 


(28) 

et d’en corriger l’insalubrité, les procédés à suivre 
pour détruire l'effet délétère des miasmes putrides , la 
préparation des médicaments de toutes espèces , la 
nature des poisons minéraux, végétaux et animaux , 
leur manière d’agir, les méthodes les plus sûres 
pour en arrêter les pernicieux effets, les altérations 
que subissent les liquides ou les solides animaux, 
sous l'influence de telles ou telles maladies, la 
marche la plus certaine et la plus prompte pour 
s'opposer à leurs progrès ou remédier aux désor- 
dres qu’elles ont déjà produits ; tels sont les objets 
importants sur lesquels le médecin ne peut attendre 
des connaissances exactes qu’en étudiant les principes 
de la chimie. 

» La botanique se recommande à l'étude du médecin 
sousle rapportdes secours précieux qu’elle fournit à la 
thérapeutique. 

» La zoologie peut seule le conduire à la con- 
paissance parfaite de l’organisation de l’homme. 

» L'art du dessin sert, dans les descriptions, 
à offrir des détails que la parole ne pourrait 
rendre qu’'imparfaitement : cet art devient indis- 
pensable dans les affections organiques et les mons- 
truosités. » | 

Puisique le médecin ne doit être étranger à au 
cune des sciences , M. Flaubert conclut que s'il 
est appelé à observer et à s'instruire par-tout , c’est par- 
ticulièrementau milieu des Sociétés savantes qu’il peut 
espérer d'acquérir des connaissances solides, soit en 
conversant ayec des médecins instruits, müris par 
l'expérience, soit en s’éclairant des lumières de ceux 
qui s'occupent à étendre le domaine des sciences 
physiques ou morales. 

Tant d’avantages dont l'Académie l’a mis à portéa 
de profiter , en l'appelant dans son sein, lui ins- 


(29) 
pirent pour cette Compagnie une reconnaissance sans 
bornes et le dévouement le plus absolu. 

— M. le baron Lezurier de la Martel , Président de 
l'Académie , a répondu par un discours dont voici 
l'extrait : 

« Monsieur, vous venez de développer sur la 
médecine les mêmes opinions qui ont animé la 
mythologie des Grecs. 

» Lorsqu'ils font naître Esculape d’Apollon et 
d’une Nymphe à laquelle l'éducation de Bacchus 
avait été confiée , ils voulurent faire entendre sans 
doute que la Médecine était fille de la Science et 
de l’ Abondance. 

» En eflet, Monsieur , aucune science n'exige 
une plus grande variété d’études que la médecine:.: 
Les sciences physiques et morales ont avec elle 
des rapports que vous avez su habilement saisir. 

» Il west donc pas étonnant que, dès l'origme 
de la civilisation , la médecine ait obtenu la pre- 
mière place dans la soliicitude des chefs du Gou- 
vernemenlle.sss { i 

» L’éspoir de rencontrer ici des moyens d'ajouter 
encore à vos connaissances , quelque étendues 
qu’elles soient déjà , ne sera point trompé, vous 
trouverez ici des collègues qui honorent l'Académie 
par leurs talents et leurs vertus, et qui deviendront 
bientôt vos amis par les rapports qui vont séta- 
blir entre eux et vous. » 

— L'Académie doitencore à M. Flaubert trois obser: 
yations dont le mérite sera senti de tous les gens de Part, 

La première est relative à une nouvelle manière 
de pratiquer la lithotomie chez les femmes. 

La deuxième a pour objet un individu mort à 
la suite d'une carie à la colonne vertébrale. Cette 
observation est doublement intéressante et par 


(30) 
l'étendue de la carie , et par la présence de trois 
lombrics de six pouces de longueur , entre le périoste 
et l'os. 

La troisième roule sur un anévrisme de l'origine 
de l'artère aorte communiquant avec l'artère pul- 
monaire, de sorte qu’une partie du sang rouge se 
mélait au sang noir contenu dans la dernière artère , 
et allait aux poumons. 

L'Académie a délibéré l'impression de ces trois ob- 
servations. ( }’oyez ci-après. ) 


= M. Flaubert à fait aussi un rapport sur un 
Mémoire concernant une rupture du ventricule gau- 
che du cœur ; par J. F.S, Worbe, D.-M. à Dreux , 
département de l'Eure. 

Le 28 octobre 1815 , ( cest M. le Rapporteur 
qui parle ) M. Worbe fut appelé par M. le juge 
de paix de Dreux, pour constater le genre de mort 
d’un enfant de treize à quatorze ans , tombé sur 
le ventre, et sur le corps duquel avait passé la 
roue d’une voiture très-chargée. 

A l'inspection du cadavre, on remarqua une con- 
tusion transversale qui occupait toute la largeur du 
dos, et d’autres contusions à la partie antérieure 
de la poitrme. Des incisions pratiquées dans ces 
endroits ont fait voir qu’excepté dans un point, 
la peau n'était que très-superficiellement échimosée. 
L'échimose la plus profonde s’étendait jusqu'au 
tissu cellulaire sous-cutané, au-dessous de l'angle 
inférieur de l’'omoplate gauche..... L’articulation 
de la clavicule gauche avec le sternum était dis- 
tendue , les ligaments qui unissent la première ver= 
tèbre cervicale à la seconde , avaient souflert un 
écartement considérable. Une grande quantité de 
sang était épanchée dans le bas-yentre ; mais tous 


(51) 

les viscères contenus dans cette cavité étaient sains 
La poitrine ayant été ouverte et le péricarde incisé, 
on trouva ce dernier rempli de sang. Enfin, on 
vit que le ventricule gauche du cœur était rompu 
antérieurement , le long du bord qui le joint au 
ventricule droit. Cette rupture s’étendait depuis la 
base du cœur jusqu’à sa pointe , comme on le voit 
dans le dessin joint à l'observation, exécuté par 
M. Marquis. 

De ces observations , M. Worbe conclut que 
l'enfant dont il s'agit est mort à la suite de la 
rupture du cœur , occasionnée par une très-forte 
pression exercée sur la poitrine ; il remarque toute- 
fois que la seule distension de la colonne verté- 
brale aurait pu étre cause de la mort, et qu’il est 
même à présumer que ces deux lésions ont été 
simultanées. 

L'auteur du Mémoire , dit M. le Rapporteur , 
cherche ensuite à expliquer comment la rupture 
peut avoir eu lieu , et il observe avec justesse qu’elle 
n’est ni l’effet de la dilatation ni celui de la con- 
traction du cœur , et qu’elle ne peut être que Île 
résultat d'une forte pression qui a produit le rap- 
prochement des parois thorachiques. Il y a tout 
lieu de croire, ajoute M. Worbe, qu’un pareil 
accident ne serait pas arrivé àun vieillard, à raison 
de la solidité des parois de la poitrine. 

M. le docteur Worbe rappelle deux observations 
de Werbruge, analogues à la sienne : dans la pre- 
mière , l'oreillette droite du cœur avait été rompue , 
et dans la seconde , la veine-cave et l'oreillette 
droite dyaient été déchirées sans la moindre appa- 
rence de lésion aux autres parties de la poitrine. 

L'auteur rapporte à la même cause la mort des 
militaires dont le cadayre n’oÏre cependant aucune 


(32) 

lésion externe. Trop instruit pour expliquer ce fait 
par le vent du boulet , M. Worbe ne doute pas 
que l'individu n’ait été réellement frappé par le 
mobile , et il explique l'absence des traces exté- 
rieures par la promptitude de la cause qui amène 
la mort. On sait , dit-il, qu’on ne peut produire 
ni contusions ni échimoses sur des cadavres. 

M: Worbe termine son Mémoire par cette ré- 
flexion très-importante pour la médecine légale : 
« On donne , en général, l'effusion du sang, les 
contusions , les échimoses comme des signes certains 
que des blessures ont été faites ou que des coups 
ont été portés sur des corps vivants; cependant 
l'absence de ces phénomènes ne doit pas faire 
affirmer qu'on a agi sur un cadayre , lorsqu'il est 
démontré d’ailleurs que la mort a été simultanée 
avec la cause qui l'a produite. » , 

Le Mémoire de M. Worbe , dit M. le Rappor- 
teur , offre un fait intéressant , exposé avec clarté, 
enrichi de réflexions d’ane application utile. Ce 
travail annonce un homme qui sait profiter des 
moyens qui se présentent à son attention, pour 
reculer les bornes de la science. 

— M. Giret-Dupré, D.-M. du quatrième Bureau 
de bienfaisance , de la Société de là charité mater- 
nelle de Rouen, etc. , a fait hommage à l’Académie 
de deux exemplaires d’un opuscule ayant pour 
ütre : Rapport à M. le comte Stanislas de GiRARDIN , 
Commandant de la Légion d’IHonnéur , Préfet du 
département de la Seine - Inférieure , sur les vacci- 
nations opérées dans plusieurs communes des en- 
virons de Rouen , ravagées par la petite vérole, 
en 1814; suivi d'une instruction sur la maniere de 


vacciner , d’observations sur la vaccine, ses com- 
plications 


(35) 
plications avec d’autres maladies, et l'influence qu’elle 
a sur la guérison de quelques maladies de la peau, 
La Compagnie a accueilli ce travail avec un in- 
térét proportionné à l'importance de la découverte 
de l'immortel Jenner. 


= M. Auguste Denis , Docteur en médecine à Ar- 
gentan ; département de l'Orne, et membre non 
résidant, nous a fait part de ses observations sur 
les qualités vénénenses de la coque du levant ; sur: 
les eflets de la digitale pourprée dans l'hydropisie ; 
sur l'existence des géants, et sur les cretins du 
Valais. 

« L'analyse chimique a appris, dit notre con- 
frère , que l'enveloppe ligneuse de la coque du 
levant n’a qu'une propriété émétique, même pour 
les poissons , et que la qualité vénéneuse enivrante 
et amère réside principalement dans l’amande qui 
m'est pas sensiblement altérée par les sucs digestifs 
et par l'action vitale des organes de la digestion. 
Elle passe au contraire dans le système absorbant 
avec toutes ses propriétés. 

» Il paraît maintenant avéré, continue M. Denis, 
que la coque du levant est un poison pour les 
animaux et même pour l’homme, et que la chair 
des poissons qui en ont mangé occasionne des 
accidents funestes chez des personnes qui s’en 
nourrissent, et l’anteur cite à cesujet un exemple 
que sa pratique lui a fourni, et s’étaie de plusieurs 
expériences faites depuis par un grand nombre de 
médecins. » 

De ces faits M. Denis conclut que ; pour les 
concilier avec l'opinion contraire de notre con- 
frère M. Dubuc , il faut supposer que: lappât 
qui a servi à prendre le poisson dout parle M. 0 " 


C5) 
n'était préparé qu'avec le péricarpe de la coque 
du levant, et non avec la semence elle-même où 
-Famande, 


= L'expériénce a aussi fourni à M. Denis, en 
1814 , à l'hôpital d'Argentan , l’exemple de militaires 
“attaqués d'anasarque, heureusement traités par l'usage 
rde la teinture éthérée de la digitale pourprée, ad- 
ministrée à la dose de vingt-cinq gouttes, matin 
et soir, dans la tisane-de raifort sauvage. L'auteur 
pense que c’est à la propriété stimulante de la plante 
‘que l'on doit attribuer la guérison des maladies 
précitées ; car son action diurétique lui paraît 
-ttés-incertaine. Il invite des médecins à employer 
ce végétal dans les hydropisies, et à réunir une 
somme d'observations propres à fixer l'opinion sur 
‘ce point, 

Dans ses observations sur l'existence des géants, 
notre confrère semble prouver assez clairement 
qu'aucun fait positif ne démontre l'existence d'une 
‘race de géants; que, de tous temps et dans tous les 
pays, ilse rencontre des hommes d’une riche taille 
sans avoir cependant rièn de gigantesque ; et que, si 
nous sommes en général moins grands, moins robus- 
es, el si nous ne vivons pas aussi long - temps 
que nos pères , il faut bien moins en accuser la 
-décrépitude de-la nature que nos mœurs dépravées 
‘qui fort éprouver À notre constitution physique 
‘des modifications plus ou moins marquées. 

Bufn , relativement aux cretins dû Valais, que 
notre confrère a vus et examinés sur les lieux, 
Pauteur aflirme qüe Ja description qui en a été 
faite par le D. Tourtelle, dans son savant Traité 
d’hyg'ène , est en tous points conforme à la vérité. 
M. Denis y ajoute cependant des détails très-in 


(5) 
éressants, mais qui ne doivent étre connus que 
des médecins ou des naturalistes. 

Notre confrére se croit fondé à attribuer les 
goitres , souvent très-volumineux chez les individus 
des deux sèxes , dans te hat et bas Valais, chez 
les Grisons, dans les gorges dés Alpes et du Tyrol, 
et même sur les somméts aérés de ces montagnes ;, 
à l’air épais, humide , stagnant et vaporèux des 
gorges obscures des chaînes de montagnes , mais 
plus particuliérement et plus certainement aux eaux 
froides } vives et crües des neiges et des glaces 
fondues, dont ces habitants sont forcés de faire 
un continnel usage, IL s’est convaincu de cette vérité 
par plusieurs exemples de soldats français, et sur- 
tout de vivandiéres , auxquels il est survenu des 
engorgements squirreux de la glande thyroïce, 
par l'usage des eaux des torrents formés par la 
fonte des neiges dés glaciers des Alpes. Ces eaux, 

* quitombent avec rapidité du sommet des montagnes, 
cowlant ensuite dans les gorges obscures des 
moutagnes , sont si froides que, conservées méme 
dans des vases, elles causent un véritable frissou 
à ceux qui en boivent. 

Les observations dont je viens, Messieurs , de 
vous entretenir , annoncent dans M. Denis un obser- 
vateur exact, un médecin instruit, un Ecrivain 
correct et souvent élégant, 


= M. Le Prevost , vétérinaire , lors de son admis- 
sion à l'Académie, a prononcé un discours sur 
l'amélioration des chevaux dans le département de 
Ja Seine-faférieure, depuis la restauration des haras; 
en 1#06, 

« Messieurs, a dit notre nouyeau confrère, en 
m'appelant à siéger parmi vous, vous avez voulu 

G à 


(36) 


donner une -preuve nouvelle de votre indulgente 
bienveillance envers ceux qui cultivent les sciences 
ou les arts utiles, et je ne puis attribuer la faveur 
qui m'a été accordée par l’Académie qu'à un seul 
motif, celui d'encourager mon zèle pour les pro- 
grès de l’art vétérinaire dont je fais profession. » 

Après avoir démontré ,en peu de mots, l'importance 
de l’art vétérinaire pour l'économie rurale, les ser- 
vices éminents qu’il reud pour l’éducationet la con- 
servation des animaux domestiques nécessaires à 
l'exploitation, M. Le Prevost examine la question, 
souvent débattue , de savoir si le Gouvernement doit 
avoir des haras , ou sil doit abandonner ce genre de 
travail à l'industrie particulière, et il prononce en 
faveur des haras dans le système consacré par le dé- 
cret du 4 juillet 1806, L'administration de ces éta- 
blissements lui parait avoir été montée de la manière 
la plus économique , et de façon que l'entretien 
et la bonne tenue du cheval fussent en première 
ligne. 

« J'ai pensé, ajoute notre confrère , que l'Aca- 
démie , qui accueille avec tant d'empressement tout 
ce qui a rapport à l'intérêt public, voudrait bien me 
permettre de lui offrir aujourd’'hni une notice sur l’a- 
mélioration des chevaux dans le département de la 
Seine-Inférieure , depuis la restauration des haras. 

» Le département de la Seine-Inférieure, et no- 
tarment le pays de Caux, possédait avant la 
révolution une espèce de chevaux qui lui était 
particulière , avantageusement connue sous le nom 
de chevaux cauchois, et recherchés pour la remonte 
de plusieurs corps de grosse cavalerie et de dra- 
gons. À l’époque dont on vient de parler , les 
besoins de nos armées devinrent tels qu'en peu 
d'années l'espèce disparut au point qu'on en aurait 


(37) 
vainement cherché quelques traces : il ne resta 
dans tout le département que l'espèce de chevaux 
qui avait toujours été employée aux gros (ravauxs 
et: qu'on décora cependant du nom de chevaux 
cauchois, 

» L'immense fourniture de chevaux qui avait 
pesé non-seulement sur notre département, mais 
encore sur tous-les départements de la France, 
Jeur effrayante consommation dans les armées, 
forca enfin le Gouvernement à soccuper de. la 
restauration des haras ; et tel a été le succès des 
sages mesures qu’il a prises, que nous pouyons 
compter aujourd’hui, dans notre département , des 
chevaux. carrossiers , des. chevaux de troupes ;, 
et: quelques chevaux de selle distinguës. 

» Une cause très.active-tend cependant à retar 
der l'amélioration de nos chevaux normands. Les 
propriétaires des belles pouliches métis, au lieu 
de les conserver pour en perpétuer la race, éblouis 
par le haut prix qu'ils peuvent en obtenir , les 
vendent pour le service des villes on d’autres des- 
ünations , et elles sont perdues pour la reproduction. 

» Si le Gouvernement fait des frais considérables 
pour les établissements des haras, les dépôts d'étas 
lons et les primes d'encouragement, n'aurait-il pas 
le droit d'exiger, demande ici M. Le Prevost, que 
les propriétaires des belles pouliches qui auraient 
obtenu des prix, en tirassent au moins deux pou- 
lains. avant d'être autorisés. à les mertre dans--le 
commerce? » 

M. Le Prevost termine,son discours en regreitant 
modestement de n'ayoir pu le rendre plus digne 
d'être. présenté à l'Académie. « Heureux ; dit-il, 
Messieurs, si de ce premier essai, je puis.du moins 
recueillir l'espoir d'obteuir toujours l'indulgence 

C 3 


,. (C3) 
qüe vos voulez bien me témoigner en ce moment. » 
— M.Gourdin, vice-président , a répondu : « L’art 
vétérinaire que veus exercez, Monsieur , avec autant 
de distinction que de capacité, se lie essentiellement 
au premier des arts comme à la plus ancienne des 
professions. ....... Depuis long-temps l'A cadémie 
sait apprécier vos connaissances , et elle a plus d'une 
fois regretté de ne pas vous voir assis parmi ses 
membres, afin de pouvoir vous consulter sur d'im- 
portantes questions relatives aux grands troupeaux , 
anx maladies et à la conservation des animaux domes- 
tiques. 

- » Vous nous promeltez d'occuper quelquefois 
nos séences, par la communication des observations 
que votre profession vous met journellement à portée 
de faire; ce sera, Monsieur , les enrichir , et vous 
ne pouvez douter que l'Académie ne les accueille 

avec autant d'intérêt que de reconnaissance. » 


AGRICULTURE, 


L'Académie a reçu de la Société d'agriculture 
de Paris, divers ouvrages qui prouvent que le zè!e 
des membres qui la composent, bien loin de se. 
ralentir , preud au contraire chaque année de nou- 
veaux accroissements. 


= Ja Société d'agriculture , commerce , scierces 
et arts du département de la Marne , nous a adressé 
le compte sommaire de sestravaux , depuisle 2 novem- 
bre 18:15 jusqu’au 25 août 1814. 

L'Académie a remarqué sur-tout un Mémoire 
«de M. Dergère de Mondement, correspondant de 
la Société, sur l’emploi du plâtre comme engrais. 


(39) 

De trois expériences faites très-en grand , l'auteur 
conclut que le plâtre cuit, répandu sur les prairies 
artificielles , produit des récoltes extrêmement abon- 
dantes. 

Ces faits confirment parfaitement la théorie que 
M. Vitalis avait exposée dans. le Mémoire qu'il a 
présenté à l'Académie de Rouen, le 30 janvier 1805, 


et qu'il a publié, la même année, sur l'usage et 
les effets du plâtre, dans la culture du trèfle. 


= Dans sa séance du 25 décembre dernier, l'Aca- 
démie a entendu la lecture d'une lettre de M. fiard, 
cultivateur à Saint-Eustache-la-Forêt, près Bolbec, 
adressée au rédacteur du journai de Rouen, et 
insérée dans le numéro 2:8 de ce journal, en date 
du samedi 20 août 1814, 

Cette lettre avait pour obiet de faire connaître 
au pubiic que la scorpione (Myosote des champs} 
donne la couleur bleue au lait des vaches qui se 
nourrissent. de cette plante. 

Une commission composée de MM. Pas e, Dubte 
et Marquis, a été chargée de répéter les expé- 
riences de M. Viard, et d'en rendre compte à la 
Compagnie. 

I résulte des expériences de MM, les Commis-. 
saires, qu’une vache nourre pendant près d'un 
mois , et en très-grande partie avec la scorpione ; 
p'a point fourni de lait bleu, et qu'ainsi M. Viard 
a été induit en erreur par quelques circonstances 
dont il n'aura pu ou n'aura pas su tenir compte. 


= Enfin, Messieurs, nous devons à M.le directeur 
général de l'agriculture et. du commerce ,: l'envoi 
d'une brochure qui a pour titre : Faits et obser+ 
tations sur la question de l'exportation des. Mérinos 


C 4 


(40) 
et de leur laine hors du.territoire français ; par 
MM. Gabion, Yvart, Tessier , etc. 

Le but des auteurs de cet ouvrage est de prouver 
Ja nécessité de permettre l'exportation de mérinos 
français et de leurs laines , et de faire cesser une 
prohibition que rien, disent-ils, ne peut justifier , 
et qui ruine tous les propriétaires de mérinos; 
une prohibition qui n'enrichit que quelques mono- 
poleurs, et qui fait périr une des branches les 
plus utiles de l’industrie agricole, et rétrograder 
l'agriculture française. 

» Quelle occasion pour un administrateur tel 
Que vous , continuent-ils, en s'adressant à M.ledirec= 
teur général , de redresser de vieilles erreurs, de 
réparer de grands torts administratifs, et d’être 
auprès d'un Ministre dont les idées sont si libérales, 
auprès d'un Roi aussi profondément instruit que 
vertueux et bon , le promoteur de mesures mar- 


quees au coin de la raison, de la justice et des 
vrais principes. » 


Après vous avoir rendu compte , Messieurs, des 
travaux de la classe dés sciences , permettez-moi 
de vous entretenir de ses pertes. 

Outre M. Bonnet , nous avons à regretter , 10 deux 
Académiciens non résidants, MM. Lévêque , de 
l'Institut royal de Fraïce, et Seneschal, entrepre- 
peur des constructions maritimes au Havre ; 2° le 
respectable M. Jamard , vétéran de l’Académie. 

La Compagnie aurait vivement désiré pouvoir 
payer à la mémoire de chacun des membres que 
la mort lui a enlevés , le tribut d’estime et de recon- 
naissance qu’elle reconnait leur devoir; mais elle 


C41) 

n’a point encore reçu les renseignements qu’elle 
avait demandés sur M. Lévêqne et sur M. Seneschal. 

La famille de M. Jamard a bien voulu neus 
fournir les matériaux nécessaires à la rédaction de 
sa notice biographique , et j'aurai Phonneur, Mes- 
sieurs , de vous en donner lecture dans le cours 
de cette séance. 


PRIX PROPOSÉ pour 1816. 


L'Académie avait remis au concours la ques- 
tion suivante , qu’elle avait proposée, l'année précé- 
dente : 


« Trouver un vert simple ou composé , susceptible 
» de toutes les nuances de cette couleur , applicable 
» sur fil et sur coton filé, aussi vif et aussi solide 
» que le rouge des Indes, » 


L'Académie mayant reçu aucun Mémoire sur 
cette question, a délibéré qu'elle serait retirée du 
concours, et remplacée par le sujet suivant : 


« Exposer , abstraction faite de toute espèce d’hy- 
» pothèse, les conséquences qui résultent naturelle- 
» ment des observations et des expériences faites 
» jusqu'à ce jour, relativement au mouvement de 
» la sève dans le végétal. 

» Confirmer ces résultats par des observations et 
» des expériences nouvelles. Indiquer les applications 
» utiles qu'on peut faire à la culture de ce qu’on 


» sait jusqu'à présent de certain sur le mouvement 
» des fluides végétaux, » 


‘ ‘(42 } 
Be-prix sera une médaille d'or de la valeur &e. 


300 fr., qui sera décernée dans la séance publique. 
de 1816, 


L'auteur mettra en tête de-son Mémoire une devise 
qui sera répétée sur un billet cacheté, où il fera 
eonnaître son nom et sa demeure. Le billet ne sera 
ouvert que dans le cas où le Mémoire aura rem- 
porté le prix. 


Les Académiciens résidants sont seuls exclus du 
concours. 


Les Mémoires, écrits en français ou enlatin, de- 
vront être adressés, francs de port, à M. Virus, 


Secrétaire perpétuel de l'Académie pour la classe 


des sciences, avant le 1° juin 1816; ce terme sera. 
de rigueur. 


NOTICE BIOGRAPHIQUE. 


Sur M. BonnrT, Caissier de la Monnaie de Rouen, 
Membre résidant de l'Académie ; 


Par M. Viraris. 


M. Bonnet était né à Chartres, d'une famille. 
qui a exercé la profession du commerce avec la 
plus grande intégrité. Ses premières études furent 
marquées par des succès distingués ; mais les cir- 
constances ne lui permirent pas de les pousser 
aussi loin qu'il Paurait désiré. Il travailla pendant 
quelques années dans les bureaux de M. Brissot , 
son oncle , payeur de la 15° division militaire, 
à Rouen, et fut nommé, en l'an 114, caissier de. 
Ja Monnaie de la même ville. Non content de remplir 
les fonctions de sa place avec la plus scrupuleuse exac- 
üitude , il s'occupa de la rédaction d'un ouvrage très- 
étendu qu'ikpublia, en 1810, sous le titre de Manuel 
monétaire et d'orfévrerie , ou Nouveau Traité des mon- 
naies et des calculs relatifs aux différentes valeurs des 
espèces , vaisselles et matières d'or et d’argent de 
France et étrangères , selon l'ancien et le nouveaw 
systéme. L 

Cet ouvrage , utile aux fonctionnaires des Mon- 
naies , du trésor publie et des bureaux de garan- 
ie, aux changeurs, orfèvres, banquiers, et géné 
ralement à toutes les personnes qui font le commerce 
des métaux précieux et qui les travaillent , lui 


C44) 
ouvrit les portes. de l’Académie de Rouen, pour 
laquelle il montra depuis le plus grand dévouement. 

Sans parler de son assiduité constante à ses séances » 
d’une foule de rapports sur différents sujets, que 
celle Compagnie savante doit à ses lumières, M. 
Bonnet, a enrichi ses archives de divers ouvrages 
qui tous sont Marqués au coin du talent et de 
l'utilité publique. l 

Au mois d'avril 1814 , il communiqua à l'Aca- 
démie un manuscrit intitulé : Manuel du fondeur- 
orfèvre ; ou tarifs et comptes faits du déficit et de 
l’excédant d'alliage qui résulte de la combinaison 
de plusieurs matières à différents titres, appliqués 
à la fabrication des ouvrages d’orfévrerie du royaume 
de France, et adaptés à toutes les unités de poids 
de l'ancien et du nouveau systéme. 

Dans la séance du 13 janvier dernier, M. Bonnet 
donna lecture à l'Académie d'une Notice sur un nouvel 
instrument. appelé pèse-alcool, ou alcoolimètre cen- 
tigrade , destiné à juger le titre ou le degré de pureté 
des liqueurs spiritueuses , ainsi que leurs pesanteurs 
spécifiques. 

Les commissions chargées de l’examen de ces 
différents ouvrages en ont porté le jugement le plus 
favorable , et chacune d'elles s’est empresste de 
payer le tribut d'éloges dû à son zèle et à ses talents. 

En lan 12, M. Bonnet avait épousé Mile Caroline 
Barré , fille de M. Barré , Secrétaire général de la 
Préfecture du département d’Eure -et - Loir , et 
Chevalier de la Légion d'Honneur. 

De quatre enfants quelui donna savertueuseépouse , 
pour laquelle il conserva jusqu'au dernier moment 
le plus délcat et le plus tendre attachement, deux 
seulement lui restaient. La mort de son fils aîné, 
qui lui fut enlevé presque subitement, au mois 


C4) 
d'août dernier, à l'âge de sept ans , et qui annon- 
çait les plus heureuses dispositions , le plongea dans 
un chagrin qui a vraisemblablement contribué à 
développer le germe de la maladie à laquelle il a 
lui-même succombé, le 19 mars 1815 , âgé de trente- 
cinq ans. 

Religieux par principes, obligeant et bon par 
caractère, ami sûr, excellent père , modèle des 
époux, Académicien laborieux et distingué, M. Bonnet 
laisse dans le deuil et les larmes une famille res- 
pectable , des amis nombreux , et tous les membres 


de là Société savante qui se félicitait de le posséder 
dans son sein. 


ER A A AT 


NOTICE BIOGRAPHIQUE, 
Sur M. JamarD , Membre résidant de l’Académie; 


Par M. VitaAzis. 


M. Jamard était né à Paris, en 1734. Elevé par 
ses parents dans les principes d’une solide piété, 
notre confrère contracta de bonne heure le goût 
de la retraite qu’il regardait comme la vraie patrie 
du sage. 

Ce goût lui inspira celui de l'état religieux ; et, 
très-jeune encore, il entra dans la congrégation de 
Sainte-Geneviève , célèbre par les Grands Hommes 
qu'elle a produits dans tous les genres de vertus 
et de savoir. 


Là, ignoré du monde et tout entier à ses devoirs, 


(46) 

le jeune Jamard ne songea plus qu'à cultiver en 
paix son cœur et son esprit, Ses exercices de piété 
ne l’empéchèrent pas de se hvrer avec ardeur à 
l'étude des sciences , et ses efforts furent admira- 
blement secondés par le bibliothécaire de Sainté- 
Geneviève , le savant P. Pingré , connu par ses 
yastes connaissances en astronomie , et sur-{out par 
son excellent Traité sur Les comètes, 

Formé à l’école d’un tel maître, dont il avait 
gagné l'estime et laffection autant par la bonté de 
son caractère que par son amour pour le travail, 
M. Jamard ne tarda pas à se distinguer daus la 
brillante carrière qui s’ouvrait devant lui, 

La facilité qu’il montrait pour les csleuls astro- 
nomiques le fit d’abord employer à la rédaction 
de la Connaissance des Lemps ; ‘et bientôt après il 
prit rang parmi les astronomes , ainsi qu'on peut 
le voir dans l'Histoire des mathématiques , par M. 
Montucla , tome II, page 575. 

La comète qui avait paru en 1551 , 1607, 1682, 
‘était attendue pour l’année 1757 ou 1758 , et il était 
question de déterminer les éléments de son orbite, 
de manière à fixer les incertitudes sur l'epoque de 
son retour. 

Louis XV prenait un grand intérét à ce retour, 
ce qui rendait plus délicat encore un travail dont 
Jles savants connaissent d’ailleurs toutes les diflicultés. 
MM. Cassini, Clairaut , Lacaille et Lemonnier, ne 
voulant point hasarder de compromettre, en cette 
occasion , leur célébrité. aux yeux du Movuarque, 
mirent en avant notre confrère, qui leur avait com- 
muniqué un Mémoire qu’ils avaient approuvé. 

M. Jamard fut présenté à la Cour par M. Cassini, 
‘et eut l'honneur d’être admis dans le cabinet du 
Roi , qui daigna agréer son travail. 


(47) 

Soumise aux calculs du jeune astronome , Ha 
docile, comète parut en Saxe en 1758, et se montra 
sur notre horizon au mois de décembre de l’au- 
nte suivante, 

Après avoir passé la meilleure partie de sa jeu- 
nesse à Paris et dans différentes maisons de la 
Congrégation, où il occupa les premières places, 
M. Jamard vint se fixer pendant quelque temps 
à l'Abbaye du Mont-aux-Malades, près Rouen. Ce 
séjour fui‘était d'autant plus agréable qu’il continuait 
à y jouir de l'amitié et des lumières du P. Pingré 
avec lequel il poursuivait ses travaux astronomiques. 

La mort de sôn savant maître le determina à 
quitter le Mont-aux-Malades , et à accepter la cure 
ou le prieuré de Rocfort, dans le pays de Caux. 

Tout occupé des fonctions du saint ministère qu'il 
était chargé de remplir , M. Jamard descendit des 
hauteurs de la- science poür se mettre à la portée 
de l'enfance et de tous ceux qu'il était appelé à 
instruire des principes de la Religion et des pré- 
ceptes de la morale évangélique. Il exhortait avec 
patience, reprenait avec douceur , encourageait 
avec zèle et édifiait tout le monde par ses vertus. 
Les pauvres étaient un des premiers objets de son 
active soHicitude , et son ingénieuse charité lui suggu- 
raitles moyens de pourvoir à tous leurs besoins. 

Chéri de son troupeau , qu’il portait lui-même 
dans son cœur , M. Jamard se proposait de lui 
consacrer sa vie toute entière, et de ne l’aban- 
donner jamms, lorsque les orages politiques qui 
ont désolé notre malheureuse patrie vinrent l'arra- 
cher à l’objet de ses plus chères alections , et le 
forcer de chercher uu asyle contre le malheur des 
lemps, 


BL. Jamard se rendit à Londres, et il n'y fus 


#" ”: PORN) 
pas plutôt connu qu'il y reçut l'accueil le plus dis- 
tingué. Les savants s'empressèrent de lui ouvrir leurs 
bibliothèques , et il profita de cette bienveillance 
pour fare d’utiles changements à un Traité qu'il 
avait publié en France , sur la théorie de la musique. 

De retour dans sa patrie , M. Jamard s'était pro- 
posé de donner une seconde édition de cet ou- 
vrage; mais le mauvais état de sa santé l’empécha 
de réaliser ce projet. 

Nütre confrère a payé dignement sa dette à l’A- 
cadémie de Rouen, où il fut recu eu 1757, par 
des Dissertations , des Mémoires on des Rapports 
consignés dans les actes de la Compagnie qui crut 
devoir lui donner une marque particulière de 
son estime, en Jui accordant le titre honorable de 
Vétéran. 

Aux vertus de son état, notre confrère joignait 
les qualités les plus précieuses pour la Société. Son 
âme généreuse m’attendait pas que l’on vint solliciter 
sa bienfaisance ; il allait souvent au-devant du mal- 
heureux, et mettait dans la manière de lui offrir 
des secours une délicatesse qui en augmentait 
singulièrement le prix. Et quelle idée , Messieurs, 
ne doit-on pas se former de la bonté de son cœur , 
quand on songe que ces secours étaient pris non 
sur un superflu qu'il ne connaissait plus, mais 
sur le simple nécessaire auquel il avait été réduit? 
Discret et réservé par caractère , jamais il n’eut à 
se reprocher d’avoir blessé la confiance où dévoilé 
le secret de l'amitié. Que pourrais-je dire, Messieurs, 
de la noble simplicité de ses manières, de l’ad- 
mirable candeur qui brillait dans ses discours et 
ses actions , que vous ne connaissiez vous-mêmes ? 
Sa modestie le portait naturellement à éviter de se 


montrer eu public; et on peut appliquer à M.Jamard 
ce 


C 49 } 

ce mot dont on fit autrefois, à Athènes, l'application 
à Aristide : qu’il aimait mieux être homme de bien 
que de Le paraître. Ajouitons qu'il supporta, sans 
se plaindre, la perte d'une grande partie de sa 
fortune , et qu’il sut opposer une patience rare et 
une résignation parfaite aux souffrances et aux in- 
firmités de la vieillesse. 

Que de titres, Messieurs, à nos regrets! La vie 
de M. Jamard avait été la vie d’un homme de 
bien, sa mort a été celle du sage. La vie, pour 
le sage, n’est qu'un voyage dont le terme, bien 
loin de lafliger , le réjouit au contraire, parce 
que sa conscience lui rend ce consolant témoignage 
qu'il a toujours marché dans les voies de l'honneur 
et le sentier de la vertu. 


(50) 


dd dd Ce Te de 


MÉMOIRES 


Dont l'Académie à délibéré l'impression en 
entier dans ses actes. 


NOTES 


Sur quelques propriétés chimiques des Baies de la 
Belladone , ( Atropa Belladona. Linné. ) avec des 
moyens proposés pour reconnaitre les principes 
délétères de ces fruits, dans les vins , liqueurs, etc. 


Pr M. Drzuc. 


MESSIEURS, 


Les plantes solances , maïs spécialement la Zella- 
dona , produisent abondamment des fruits dont les 
effets vénéneux sont très-connus ; et , de même 
que les champignons , chaque année voit naître 
des accidents plus ou moins meurtriers , pour en 
avoir mangé, 

Ces baies sont d'autant plus à craindre , sur-tout 
pour les jeunes gens , que leur extérieur et leur 
forme invitent à les manger , en présentant, quand 
elles sont müres , l'aspect d’une petite cerise ou 
d'un gros grain de raisin noir. 


C5) 

Non-seulement ces fruits empoisonnent, pris dans 
leur état naturel, mais leurs principes délétères étant 
solubles dans les vins et liqueurs alcooliques , 
ils peuvent également servir à rendre ces boissons 
pernicieuses, 

Je fus invité , il y a plusieurs années ,; par un 
médecin, d’examirer un vin frelaté qui produisait 
l'ivresse , pris même à petite dose, à la personne 
qui en faisait usage ; à cet eflet , succédait un anéan- 
tissement presque complet. Cette boisson , assez 
agréable au goût, laissait néanmoins sur la langue 
une Âpreié particulière qui décélait la présence 
d'un corps hétérogène dans ce fluide. 

Divers essais nous prouvèérent jusqu'à l'évidence 
que ce vin ne tenait en dissolution aucunes ma- 
üères du règne minéral, ni sels à bases de plomb. 
L'eflet de ce fluide sur l'économie animale , son 
goût particulier , sa belle couleur rouge amaranthe, 
nous portèrent à croire qu’il ne devait ses qualités 
enivrantes qu'à l'addition d’une matière végétale , 
prise dans les classes des papavéracées ou dans 
celle des solanées. 

En conséquence , je dirigeai mes expériences pour 
tâcher d'y découvrir l'opium ordinaire, ou quel- 
ques-unes de ses préparations ; mais inutilement, 

Des vins que nous additionnämes de cette subs- 
tance , même à la dose de six grains par pinte, présen- 
taient une couleur sombre, rembrunie, et leur 
extrait avait une saveur particulière qui s'éloignait 
de celle d'un bon vin ordinaire. 

D'autres vins , dans lesquels nous fimes maoëérer 
quelques graines du stramonium épineux , ( Datura- 
Stramonium. Lin. ) nous offrirent également des 
phénomènes qui les éloignaient aussi, par leur goût , 

D 2 


(52) 
par leur couleur terne, etc. , du vin frelaté avec 
lequel nous les comparions. 

Enfin, nous fixâmes nos regards sur les effets 
narcotiques et stupéfiants des baïes de la Belladone, 
mais nos essais avaient lieu en février , et il nous 
fut impossible, vu la saison, de nous procurer les 
fruits de cette solanée pour en additionner des 
vins et les comparer ensuite avec celui qui faisait 
l'objet de nos recherches. 

Ces motifs me déterminèrent les années dernières 
à faire des expériences assez nombreuses avec les 
baies mûres de l’Atropa Belladona , et sur lesmoyens 
de reconnaitre leurs principes délétères, introduits 
dans les fluides servant aux usages de la vie. 

En conséquence, je vais rapporter succinctement 
les observations et les essais que j'ai faits pour 
arriver à ce but d'utilité , et sur lesquels sera basé 
le résumé de ce Mémoire. 

Dans les contrées un peu septentrionales, les fruits 
de la Belladone n'atteignent guère leur entière 
maturité qu'au mois de septembre ou octobre. 

Ces baies , bien mûres, sont de couleur noir 
luisant ; et, comme nous l'avons dejà dit, leur aspect 
se rapproche d'une cerise ou d’un gros grain de 
raisin : elles rendent près des trois quarts de leur 
poids d’un suc rouge foncé , brunâtre , marquant 
au moins huit degrés à l’aréomètre. 

Ce suc visqueux a un goût douceûtre , légèrement 
sucré, mais qui décline bientôt en une saveur âcre, 
styptique, un peu amère. Cette impression dure 
long-temps. J'ai remarqué encore que cinq ou six 
de ces baies écrasées et macérées quelques moments 
sur la langue , occasionnent une sorte de paralysie 
momentanée à cet organe , et que le seul moyen 


(53) 
d’ancantir promptement cet effet, consiste à se rincer 
la bouche avec de l'eau acidulée , soit par le jus 
de citron , le verjus ou le vinaigre. (*) 

Cette espèce de moût n'est ni acide , ni alkali, 
puisqu'il n'altèére pas les teintures aqueuses de 
tournesol , ni celle des pétales de violette ; mais il 
rougit et verdit comme tous les sucs végétaux 
rouges ou bruns, par les acides et les alkalis. 

Etendu dans trois ou quatre fois son volume 
d'eau , il communique d’abord à ce fluide une 
belle nuance rouge de sang , ensuite le mélange 
Jouchit, se trouble, et enfin devient blanchâtre, 
quoique conservé dans un vase bouché. 

Quatre parties d'alcool à trente-six degrés dissol- 
vent complettement l’extractif résineux d’une par- 
tie de ce suc à huit degrés. Cette teinture, de 
couleur rouge violacée, a un goût brûlant, âcre 
et amer; mélée à huit ou dix fois son volume 
d’eau , elle devient jaune blanchätre, et laisse pré- 
cipiter une substance floconneuse d’un blanc sale, 
dans laquelle réside lâcreté , la stypticité dont on 
a déjà parlé. 

Une propriété singulière de la teinture ou infu- 
sum alcoolique des baies ou du suc récent du 
solanum lethale, est de perdre sa couleur rouge 
violacée en moins de trois ou quatre heures, et 


a  , 


(*) Le docteur Alibert , dansses Eléments de thérapeutique , 
et autres savants estimables , disent que les baies de cette es- 
pèce de solanum , ont un goût visqueux , légèrement astrin- 
gent ; mais je puis affirmer qu’elles possédent , outre ces 
deux propriétés , toutes celles que je viens de leur assigner , 


en supposant ces fruits dans leur état complet de maturité, 


D 5 


C54) 

de passer au jaune terne; mais cet eflet, que j'ai 
répété plusieurs fois , ne lui fait pas perdre ses 
autres propriétés sur l’orgene du goût. 

Les baies de la Belladone , desséchées parfaitement, 
conservent leur couleur noir luisant , mais de- 
vicnnent -ridées ; l’alcool en extrait une teinture 
jaunâtre également décomposable étant mélée avec 
suffisante quantité d’eau. 

Quätre parties de bon éther sulfurique mises sur 
un de ces fruits secs et concassés, y prend en peu 
de temps une couleur verdätre. 

Cette teinture éthérée , mélée avec assez d’eau 
chaude , laisse à la surface du fluide, par la vapo- 
risation de l'éther, une matière verte oléagineuse , 
épaisse... Cette matière se fond entre les doigts ét 
répand une ‘odeur vireuse. Elle est d’une âcreté ét 
d'une stypticité ‘insupportable , au point que deux 
heurés après lavoir goûtée’ j'en ressentais encore 
uñe-forte impression à l’arrière-bouche et à la gorge , 
parles effets qu’elle avait produits sur cés organes. 

Gesrpropriétés me porteraient volontiers à croire 
que c’est dans cette substance huileuse , épaisse , 
queréside particulièrement le principe véncneux 
des fruits dela Belladone. 

Les vins ordinaires dissolvent aussi les principes 
colorants: et délétères des baies fraiches dé éette 
plante : dix à douze teignent d'un assez beau 
rouge un litre de vin blanc , et donnent la couleur 
rouge d'amaranthe à une même quantité de vin rouge. 

Ces boissons ainsi frelatées se conservent bien; 
J'en ai gardé plus de six mois en bon état; ét il 
est très-difficile, par la simple dégustation, d'y décou- 
vrir la présence d’un corps étranger. On pourrait 
même ajouter que cette addition en fait d'agréables 
poisons ; en donnant à ces vins du corps et du 


(559 
moélleux.... Effet qui nous semble dù à la subs 
tance muqueuse un peu sucrée que ces fluides 
dissolvent des baies de cette solanée. 

L'objet de mes expériences sur les fruits de la 
Belladone ayant pour but de trouver les moyens 
de signaler leur présence dans les fluides servant 
aux usages de la vie , j'ai dû faire préalablement 
les expériences que je viens de rapporter, afin 
d'avoir des données générales , tant physiques que 
chimiques, sur leurs propriétés. 

Ces notions m'ont conduit naturellement à faire 
d'autres essais en quelque sorte synthétiques , pour 
me servir de point de comparaison. 

A cet effet, j'ai mêlé avec des vins rouges et 
blancs du suc nouvellement exprimé d’Atropa 
Belladona , en variant les quantités de manière à 
rendre cette addition sensible au goût. 

J'ai remarqué qu’il fallait au moins le suc de vingt- 
quatre à trente de ces baies bien mûres dans un 
litre de vin pour y discerner assez sensiblement la 
saveur styptique qui les caractérise; et j'ajoute 
encore qu'il faudrait soupçonner ces boissons de 
cette addition pour se prononcer avec quelque vrai- 
semblance par la simple dégustation. 

Mais en additionnant ces vins avec d'x ou douze fois 
leur volume d'eau pure, on remarque, après quel- 
ques moments, que le mélange devient terne, livide, 
et un peu opaque, si l'on opère sur du vin rouge et 
blanc brunâtre , si les expériences ont lieu sur du 
vin blanc. 

Si les vins contenaient depuis douze jusqu’à seize 
grammes de suc de baies de Belladone par litre, 
les effets que je viens d'exposer seraient plus tran- 
chants , et, en outre, ces vins laisseraient déposer , 
en les exposant dans des verres très-coniques , une 

D 4 


(56) 
matière floconneuse , âcre, un peu amère; analogue 
à celle que l'alcool en extrait..... Effets qui n’ont 
pas lieu quand les vins sont de bonne qualité, ou 
qu'ils ne contiennent que les principes colorants qui 
leur sont naturels. 

L’eau-de- vie ordinaire et les liqueurs spiritueuses 
à faible degré, sont aussi colorées par les fruits de 
cette plante. Ces sortes de teintures ne se décolorent 
pas comme celles préparées avec l'alcool à trente- 
six degrés ; mais l’eau les décompose également en 
grande partie, et en sépare le principe âcre, styYp- 
tique, etc. 

Ainsi, pour reconnaître des vinsou liqueurs frelatés 
par les fruits de la Belladone , nous croyons , d'après 
l'exposé ci-dessus , qu'il faut commencer par bien les 
déguster , puis les méler avec de l'eau dans les 
proportions que nous avons indiquées , et remarquer 
avec soin les altérations qu’ils éprouveront par leur 
upion avec ce fluide , etc. 

Le troisième moyen serait de faire un extrait épais 
de ces liqueurs frelatées , et d’en mêler une partie 
avec huit d'alcool rectifié et marquant 56 degrés ; 
d’exposer pendant douze heures ce mélange à une 
température de seize à vingt degrés , et ensuite 
précipiter cet infusum alcoolique, au moyen d'une 
suffisante quantité d’eau ; enfin, examiner le dépôt 
et en remarquer le goût , la saveur , etc. 

Le quatrième moyen serait de soumettre une partie 
de cet extrait bien desséché et pulvérulent à l'ac- 
on de huit parties de bon éther pour en séparer, 
au moyen de Veau chaude, la substance verte 
oléagineuse , si reconnaissable par ses effets sur l’or- 
gane du goût, etc. 

Il résulte de nos observations et de nos expériences : 

1° Quelesfruits del Ætropa Belladona, bien mûrs , 


(57) 
ont un goût d’abord légèrement sucré muqueux , 
qui décline bientôt en une saveur âcre , styptique ; 
un peu amère; 

2° Que les vins rouges et blancs, ét liqueurs al- 
cooliques à faible degré, dissolvent les principes 
ou le principe délétère de ces baies, et qu'ils peu- 
vent se conserver quoiqu’étant ainsi frelatés ; mais que 
le mélange de ces boissons avec huit à dix fois 
leur volume d’eau, prend des nuances variées et 
forme des dépôts qu’on ne remarque jamais dans 
des liqueurs naturelles et potables ; 

59 Que l'alcool trés-rectifié extrait des fruits du 
solanum lethale récent une teinture rouge violacée, 
dont la couleur n’est pas permanente; 

4 Que ces mêmes fruits desséchés perdent la 
propriété de colorer l'alcool en rouge violacé , et 
ne donnent plus à ce fluide qu'une nuance jaune ra- 
venelle ; mais que ces deux teintures sont également 
décomposables avec l'eau ordinaire qui en précipite 
le principe dcre , etc ; 

5° Que l’éther sulfurique dissout de ces baies 
desséchées ou de leur extrait, an principe ver- 
dâtre très-styptique , âcre au goût , d’une odeur 
vireuse , etc., dans lequel nous croyons que réside 
les propriétés vénéneuses de l’Atropa Belladona. 

Nous désirons , Messieurs, que ces notes puis- 
sent être de quelqu’atilité au publie , en éclairant 
un point de la médecine légale , et en jetant quel- 
ques lumières sur la toxicologie végétale, partie 
presque neuve , et qui sera long-temps l’écueil des 
médecins comme des chimistes les plus instruits, 
par les difficultés presqu’insurmontables que pré- 
sente l’analyse végétale , et probablement par les 
propriétés plus ou moins énergiques qu’acquièrent 


(58 ) 
Jes plantes , en raison du climat, du site et du 
terrain où elles croissent. 

Notre intention était de donner plus d'extension 
à cet ouvrage en y ajoutant les résultats que nous 
avons obtenus , en faisant des expériences sur les 
fruits de deux autres espèces de solanées ; mais les 
fatales circonstances qui viennent troubler l'ima- 
gination de l'homme le plus stoique , ont influé 
tellement sur nos faibles facultés morales qu’à 
peine ai-je pu mettre un certain ordre dans la 
rédaction du Mémoire que j'ai l'honneur de pré- 
senter à l'Académie , et que je la prie d’agréer avec 
son indulgence ordinaire, 


OBSERVATION 


Rs1LATIVE à une nouvelle manière de pratiquer , chex 
les Femmes , la Lithotomie ;, 


PAR M. FIAUBERT. 


Les inconvénients et les dangers attachés aux 
méthodes ordinaires de tailler les femmes viennent, 
pour la taille hypogastrique , de la possibilité d’ou- 
vrir le péritoine , et de ce que l'incision n’est pas à 
la partie la plus déclive de la vessie. Quant à la 
taille sous-pubienne , ils naissent de ce que lincision 
west jamais suffisante pour laisser passer la pierre 
qui dilate, déchire les parties , et sort par l'endroit 
le plusresserré de l'arcade du pubis; de sorte qu’une 
méthode qui, dans un lieu déclive, diviserait gran- 
dement les parties et permettrait la sortie de Ja 
pierre à l'endroit le plus large de l’arcade pubienne, 
éviterait tous les accidents qu’on éprouve ordinai- 
rement, et devrait être préféré , sur-tout si cette mé- 
thode, d'une exécution facile, portaitsur des parties 
attaquables sans le moindre inconvénient, C’est pré- 
cisément cette méthode que j'ai pratiquée, comme 
je vais le montrer après avoir dit ce qui m’a con- 
duit à m'éloigner de la route commune. 

Je savais que Mery avait fait mention de la pos- 
sibilité de tailler les femmes par le vagin, et depuis 
quelques années , dans des cours de chirurgie, 
j'avais plusieurs fois fait sentir l'importance que j’atta- 
chais à cette idée, quoiqu'abandonnée et rejetée 
par son auteur comme par ceux qui en ont parlé 


(60 ) 

depuis. Voici comme je concevais cette opération : 
un cathéter très-courbé et à large cannelure , in- 
troduit dans la vessie, devait servir à la déprimer 
dans l'endroit où elle appuie sur le vagin ; un long 
bistouri, porté dans ce canal , devait couper sur la 
cannelure du cathéter. Les instruments retirés, on 
eût cherché, saisi et extrait la pierre avec les tenettes 
portées dans la vessie au travers du vagin. Je ne 
sais si c’est là l'opération que Mery a conçue , et 
qu'il n’a pas conseillée de peur d'exposer les mala- 
des à des fistules vésico-vaginales : je ne connaissais 
alors cette idée que par ce que j'en avais lu dans 
Sabatier et quelques-autres auteurs qui ne donnent 
aucun détail sur une méthode qui n’a jamais été 
pratiquée. Maigré cette manière générale de voir, 
je croyais la lithotomie vaginale sans danger pour 
les malades et sans difficulté dans l'exécution. 

Le danger d’une opération vient des accidents 
primitifs ou consécutifs qui peuvent survenir ; or , 
quels accidents primitifs a-t-on à redouter en cou- 
pant la vessie et le vagin adossés l’un à l’autre? Une 
hémorragie? Mais les vaisseaux , quoique nombreux, 
sont petits , le plexus est veineux ; le seul passage 
de la pierre, peut-être même le simple écoulement 
de l'urine, sufüt-il pour prévenir le moindre écou- 
Jerment de sang. Quant aux accidents consécutifs , 
celui qu’on a toujours redouté c'est la fistule du 
corps de Ja vessie, Cette crainte me semblait encore 
sans fondement , car la nature a plus de tendance 
à pousser les liquides par leurs conduits naturels 
que par les ouvertures accidentelles faites à leurs 
réservoirs. Le corps de la vessie, coupé dans la 
taille hypogastrique , dans la méthode de Foubert , 
se cicatrise saus fistule. Celles-ci n’ont lieu que quand 
il y a violente contusion, déchirure des bords de 


C6) 
la plaie, et sur-tout perte de substance , ce qui 
arrive souvent à/la suite des accouchements dans 
lesquels la tête de l'enfant a resté long-temps en- 
clavée ; et comme je concevais l'opération , l'incision 
devait être assez grande pour faire sortir la pierre, 
sans contondre les parties molles. D'ailleurs , je 
me rappelais , 1° que Ruysch avait coupé avec 
succès la vessie er le vagin entraînés dans un pro- 
lapsus de l'utérus, quoique l'opération fût faite sur 
une femme de quatre-vingts ans , dont le prolapsus 
durait depuis vingt ; 2° que Tolet, d'après l'avis 
de Mareschal , s'était conduit comme l’anatomiste 
hollandais, et avait, dès le huitième jour , obtenu 
la cicatrisation des parties ; 3° que dans un cas où 
une pierre grosse comme un œuf de poule avait 
ulcéré Ja vessie et le vagin dans lequel elle se pré- 
sentait en partie, G. Fabrice de Hilden ayant, à 
l'aide des doigts et du bistouri , agrandi l'ulcération , 
avait heureusement extrait la pierre par le vagin, 
et comme il le dit : Citrà vim , hemorragiam dolo- 
remque magnum; 4° que le même auteur , dans sa 
troisième Centurie , o0s. 69, nous donne un exemple 
de guérison chez une femme qui laissa echapper 
un grand nombre de petites pierres au travers d’une 
ulcération etablie entre la vessie et le vagin. Toutes 
ces observations, jointes à la connaissance anatomique 
des parties , me rassuraient sur le danger d’une 
opération que je croyais d’une exécution facile, 
lorsque l'occasion d'extraire un calcul vésical vint 
se présenter. Mais en me montrant l'innocuité de 
la lithotomie vaginale , ceite occasion m’a prouvé 
que l'opération , telle que je la concevais , est le 
plus souvent impraticable , vu l'étroitesse du vagin 
chez les enfants, les filles et beaucoup de femmes, 


(C6G2) 
et qu'il est un procédé plus simple, plas sûr , et 
applicable à tous les cas. 

L'histoire de la maladie va tenir lieu de la mé- 
thode que j’ai suivie et que je crois devoir sou- 
mettre au jugement de l’Académie, 

V*#**, âgée de onze ans et demi, s’introduisit dans 
le canal de lurètre, il y a environ deux ans et 
demi, une épingle et une grosse aiguille. La pre- 
mière sortit spontanément peu-après ; la seconde 
resta , occasionnant de vives douleurs dont l'enfant 
laissa ignorer la cause pendant plusieurs mois, jus- 
qu’à ce que, vaincu par la souffrance, il en in- 
diqua le sujet. Dès-lors, régime sévère , bains tièdes, 
calmants de toute espèce , tour-à-tour employés, puis 
rejetés vu leur inutilité. Le cathétérisme avait été 
pratiqué plusieurs fois par quelques hommes de 
l’art, et l’enfant avait été abandonné à ses douleurs 
qui, croissant de jour en jour, forcèrent les parents 
à consulter de nouveau 

Appelé le 15 février 1815, et ayant appris, outre 
les circonstances dont je viens de parler, que l'urine 
était souvent teinte de sang , qu'elle était ordinaire- 
ment rendue involontairement , et que quand sa 
sortie était soumise à la volonté, il fallait que la 
malade fit, pour l’évacuer , des eflorts très-souvent 
répétés, j'introduisis une sonde dans la vessie pour 
reconnaître la présence d’un calcul que je croyais 
exister; mais l'instrument au lieu de me communiquer 
la sensation d’un corps dur , semblait seulement 
glisser sur quelque chose d’analogue à une bride 
de la vessie; le doigt indicateur , introduit avec peine 
dans le vagin, ne pouvait être enfoncé au-delà de 
larüculation de la première et de la seconde pha- 
lange, et ne donnait aucun indice de pierre vésicale, 
Deux jours après je sondai la malade , d'abord cou- 


(65) 

chée , puis debout. Dans cette dernière position, 
deux élèves et moi crûmes reconnaître une pierre, 
mais pas assez distinctement pour étre certains de 
son existence, ce qui me fit encore abandonner la 
malade pour queques jours, avec l'intention de 
faire de ronvelies recherches. J'y retournai en effet , 
c’était le 22 du méme mois ; ayant oublié ma sonde 
à femme , je portai par l’uretre la sonde à panaris, 
laquelle rencont:a anssitôt , au col de la vessie, un 
calcul immobile qui semblait la remplir. Le doigt, 
quoique peu avant dans le vagin, le reconnaissait 
aussi au travers des parties moiles. 

Deux heures après, assiste seulement de deux 
élèves, je pratiquai l'opération comme il suit : la 
malade placée comme d'usage , la sonde cannelée 
orüinaire fut portée par le canal de l’urètre jusque 
dans la vessie, La canneiure était dirigée en bas, 
et sa pointe, après avoir glissé entre le col de la 
vessie et la pierre , reposait sur le fond de la vessie, 
de mauière à se faire sentir au doigt qui touchait 
la paroi antérieure du vagin; le gorgeret de Mar- 
chettes , mis dans ce canal , et maintenu fermement 
sur la paroi postérieure , servait à tendre les par- 
ties que je me proposais de couper , et à protéger 
celles qui leur sont opposées , comme il fait pour 
le rectum dans l'opération de la fistule à l'anus où 
l'on croit son usage utile. Un aide fixant le gorge- 
ret, je saisis de la main droite un bistouri aigu que 
je glissai dans la cannelure de la sonde tenue de 
la main gauche , jusqu’à ce qu’il eût incisé toutes 
les parties étendues entre l'ouverture extérieure 
du canal de l’urètre et le fond de la vessie où la 
pointe du bistouri vint se rendre sur le gorgeret , 
après avoir traversé les parois adossées de la vessie 
et du vagin, Je retirai tous ces instruments devenus 


(64) 
inutiles, et aussitôt la pierre tomba daus le vagin, 
appuyant une des extrémités de l’ovoide qu'elle 
présentait sur la paroi postérieure du canal, etres- 
tant en grande partie dans la vessie , quoiqu’on pût 
alors considérer la vessie et le vagin comme formant 
une seule cavité. Je voulus , à l’aide des tenettes , 


saisir la pierre , mais son volume, égal à celui d’un 


œuf de poule , s'y opposa comme le ferait une 
tête dans le vagin, relativement à un forceps dont 
les branches ne se sépareraient pas. Mes tentatives en 
brisèrent l'extrémité et mirent à découvert la tête 
de l'aiguille ; je retirai celle-ci en la saisissant avec 
des pinces à pansement, pour éviter quelque lésion 
des parties génitales pendant l'extraction du calcul, 
Les tenettes-forceps, dont les branches s’introduisent 
séparément , auraient été dans ce moment d’une 
grande utilité et aurait rendu l'opération très-facile. 
A leur défaut je fis glisser un cathéter recourbé, 
entre la pierre et la partie supérieure du canal de 
l'urètre , et m'en servis pour la faire avancer jus- 
qu'aux tubérosités de l’ischion qu'elle ne put fran- 
chir malgré le soin d’agir avec le méme instrument , 
et un doigt mis dans le rectum pour la diriger 
en avant. Les parties molles qui forment la vulve 
étaient dilatées et tellement développées qu’elles me- 
naçaient de se déchirer et ressemblaient à l’état des 
mêmes parties lorsque la tête est au dernier temps 
du travail de l'accouchement, ce qui m’engagea à 
briser la pierre à l’aide des ciseaux à lames fortes, 
afin de la retirer en morceaux. Quelques petits 
fragments furent ensuite entrainés par une injection 
d’eau tiède. 

Cette opération , faite le 22, à cinq heures et demie 
du soir , fut suivie d’un sommeil parfait accom- 
pagné de moiteur à la peau. Le deuxième jour, 

écoulement 


(65) 

écoulement abondant et involontaire des urines ; 
aucune douleur-, nul gonflement de la vulve. Le 
troisième, urines moins abondantes ; leur écoulement 
est involontaire , et la malade dit qu’elle commence 
à sentir le besoin de les rendre. Pour nourriture 
soupe et poisson cuit à l’eau. Le quatrième, écou- 
lement involontaire beaucoup moins marqué, excré- 
tion volontaire répétée trois fois , et à chaque fois 
la malade rend deux à trois onces d'urine; pro- 
menade dans la chambre et chez les voisins qui 
demeurent sur le même escalier. Je permets un peu 
plus d’aliments. Le cinquième , cessation de la sortie 
involontaire des urines , soin de les rendre toutes 
les deux heures ayant d’en sentir le besoin , des- 
cente à la rue, quoique logée au deuxième étage. 
Les jours suivants, bien parfait , aucune goutte 
d'urine ne s'est échappée spontanément. La malade 
qui avait toujours eu l'habitude de piscer au lit, 
l'a conservée très-long-temps après l'opération : on 
ne prévenait cet inconvénient qu'en l’éveillant une 
ou deux fois la nuit. 


( 66) 


BELLES-LETTRES ET ARTS. 


RAPPORT 


Fair par M. N. Bicenon, Secrétaire perpétuel. 


MESSIEURS , 


Vos travaux de cette année ont été ouverts sous 
les plus favorables auspices. La première séance 
doit occuper sans contredit la place la plus distin- 
guée dans vos annales , par le grand intérêt du 
compte que vous a rendu la députation chargée 
de porter vos hommages derespect, de dévouement 
et de fidélité aux piels du légitime héritier du trône. 
MM. Lezurier de la Martel, Vitalis, Laumonier, 
Le Priol, Marquis , Periaux , et celui qui tient la 
plume , n'oubliront jamais impression qu’ils éprou- 
vêrent en entendant sortir de la bouche de Sa Majesté 
ces mots sacrés, gage d’une protection spéciale , 
J’agrée l’hommage de l’Académie de Rouen , et 
je lui permets de reprendre le nom d’Académie 
royale; ni ce qu'ils doivent de reconnaissance à 
la Compagnie elle-même, pour les avoir mis à portée 
de puiser, à la véritable source, l'oubli du passé ;, 
Ja confiance du présent et l'espoir de l'avenir. 

Le Rapport que j'ai l'honneur de vous faire, 
Messieurs, se divise d'abord en deux classes géné- 
rales : correspondance et travaux des Académiciens. 

Sous le titre de Cerrespondance sera compris 
tout ce qui n’est pas le produit de l’Académie, 


(67) 

avec un extrait des différents Rapports. Les Aca- 
démiciens étant distingués en résidants et non rési- 
dants, je commencerai par les productions des der- 
uiers, et je finirai par celles des autres , sans ad- 
mettre des divisions trop nombreuses qui ne ser- 
viraient guère qu’à éclaicir les rangs, que quatre 
longs mois d’orages politiques n’ont déjà rendus 
que trop peu nombreux. La division, pour la 
littérature , en ouvrages en prose et ouvrages en 
vers , qui aura l'avantage de présenter du moins 
deux petites masses, a paru la plus propre à dé- 
guiser un peu les pertes occasionnées par le mal- 
heur des temps. Viendra ensuite un article à part 
pour les antiquités et la partie des arts attachée à 
la classe des lettres. Les ouvrages dont l'Académie 
a ordonné l’impression seront à la suite du Précis. 


CoORRESPONDANCE, 


Le Précis, pour 1814, de la séance publique de 
l'Académie de Caen, celui de l'Académie de Besançon 
et de Ja Société d’émulation de Rouen , avec un 
Programme de l'Académie des Jeux floraux, pour 
le concours de 1815 , composent tout le produit 
de vos relations avec les Associations littéraires. 

— Le Précis de l'Académie de Caen n’est, à pro- 
prement parler , qu'un simple Catalogue des ma- 
tières , dont le seul énoncé inspire cependant un 
assez grand intérêt , pour faire regretter de n'être 
pas à portée de voir comment elles ont été traitées , 
dans une Compagnie aussi recommandable par ses 
talents et ses lumières. 

— Le compte qui vous a été rendu de la séance 

EL 


( 68 ) 

publique de l’Académie de Besançon , vous a con- 
vaincus que les désastres de la guerre n'avaient 
porté atteinte ni à son zèle ni à ses moyens. Vous 
avez remarqué sur-tout le Rapport de M. l'abbé de 
la Boissière sur les ouvrages envoyés au concours 
pour lé'oge de l'abbé Millot ; et vous avez vu 
avec sa'isfaction , dans une partie de l'ouvrage cou- 
ronné , un nouveau monument élevé à la gloire 
d’uu historien du premier mérite, né dans les murs 
de Besançon , mais pour la France et pour l'Europe 
éntière. 

— Un Rapport sur la Société d’émulation n’a fait 
qu'ajouter au prix que vous aitachez à des com- 
munications si faciles et si avantageuses avec une 
réunion de personnes éclairées , qui partagent avec 
vous la reconnaissance publique d'un département 
industrieux , où la pratique dans les arts aura plus 
que jamais besoin des leçons d'une habile théorie. 

M. Guttinguer à fait , dans son Rapport, une trës- 
bonne part aux letires , en citant honorablement 
le Discours de M. de Marivaux, le Rapport général 
de M. Marquis, les Réflexions sur le sublime, par 
M. Martin , et les Poésies de M. Léon Thiessé, 
dont la jeunesse ne se décéle que par le feu de 
la composition. 

— Quant au Programme de l'Académie des Jeux 
floraux , relatif à l'Éloge de Pascal , proposé pour 
la troisième fois par cette même Académie, les 
déclamations outrageantes pour les Jésuites , dans le 
p'emier concours , et l'oubli total des Provinciales, 
dans le deuxième , sont encore une preuve qu’il 
peut être dangereux quelquefois , en matière de 
goût , de vouloir tracer la route aux concurrents, 
lorsque Ja nécessité n’en est pas absolument dé- 
montrée. 


(69) 

= M. Nicolas Morel , de Rouen, vous a adressé 
l'Abrégé de sa vie ; par lui-même. 

— M. Le Dos, d'Avranches, une Grammaire de 
la langue française , précédée de quelques notions 
générales sur les principes du langage. 

— M. Marie Duménil, de l'Académie de Caen, 
une Ode française en strophes irrégulières (*) , 
intitulée : Le Cri de la Patrie. 

— M. Worbe, DM. à Dreux, un Eloge, en 
prose , de Louis XVI. 

— M. Hichel Beer, avocat à Nancy, deux opus- 
cules, dont l’un sur la liberté des cultes , objet 
étranger aux travaux de l'Académie, et lautre con- 
teuant Ja traduction en français, d’abord , de deux 
morceaux de Schiller sur l'espérance et sur la di- 
gnité des femmes , et en outre , du Prologue d'un 
poëme hébreu , publié à Berlin , sur la fin du 
siècle précédent , par le Rabin Hardwig-Vesclise , 
à la gloire du divin législateur de sa nation. Si l’élé- 
gance et la pureté du style, abstraction faite de la 
comparaison avec les modèles , peuvent étre des 
garants suffisants d'une bonne traduction , celle de 
M. Beer n’a dû laisser rien à désirer , excepté une 
jouissance un peu plus longue. 

— M. De Suint-Victor , ex-membre de la Com- 
paguie , des Observations critiques assez étendues 
qui ont pour but d'établir que POde Jam veris 
comites etc. , n'a point été adressée par Horace 
à Virgile le poëte , comme on le croit communément, 
mais à quelque négociant ou marchand de RAF US à 
de Rome, qui aurait aussi porté le rom de 'irzile. 

L'auteur invoque successivement en faveur de 
son opinion , les autorités, la langue latine, le 


(*) Ge sontles expressions mêmes de l’auteur, 


E 3 


(ro) 

raisonnement , la nature des rapports entre les deux 
poëtes , les convenances , le tempéramment extré- 
mement délicat et sobre de Virgile , le style d'Horace 
dans les autres pièces où, en parlant du chantre 
d'Enée, il s'exprime avec tant de noblesse , d'égards 
et d’effasion de cœur sur le compte de son illustre 
ami ; enfin , jusqu'aux arguments des scholiastes 
mêmes qui combattent pour le sentiment opposé : 
tous ces moyens , présentés d’une manière métho- 
dique et en même -temps spirituelle, ne laissent 
guère, selon M. De Saint-Victor , d'autre arme à 
ses adversaires, pour se défendre , que le nom 
de Virgile qui se trouve dans la dédicace de l'Ode , 
et sans lequel il serait difficile de croire que , par 
elle-même , la pièce eût jamais pu faire naître le 
moindre soupcon qu’elle s'adressât au cigne de Man- 
toue. C’est un paradoxe , sans doute, mais qui pour- 
rait bien n'être pas très-loin de la vérité. 

— M. Louis Damin , ancien avocat à Paris, deux 
volumes de Romances , Fables e: Contes moraux s 
à l’usage de la jeunesse. Un compte très-favorable 
vous en a été rendu par une Commission composée 
de MM. Duputel, Licquet et Duménil. MM. les com- 
missaires ont distingué l’Anneau magique , dans le 
premier volume, et Chloé , ou la Coquette, dans le 
second. « Deux Romans également attachantes , 
» où la morale, dit M. Duménil, rapporteur; à la 
» suite d'une excellente analyse, est continuellement 
» mise en action, et où l’auteur montre du talent, 
» de l'imagination et une sagesse de principes 
» trop peu commune. » 

— Il est encore parvenu à la Compagnie une Morice 
historique sur M. Moysant, D.-M. et professeur 
émérite de rhétorique au collége du Mont, à Caen; 
par M. Hébert , de Caen, son confrère en méde- 


(71) 

cine et en Académie ; notice où le talent d'écrire 
et la simplicité du style répondent parfaitement à 
des vertus sans prétention, qui finissent quelque- 
fois par avoir un certain nombre de panégyristes ; 
mais toujours trop peu d’imitateurs, 

Voilà, Messieurs , tout le produit de votre cor- 
respondance étrangère pour la littérature. 


MEMBRES NON RÉSIDANTS. 


Vous avez recu de M. Lemonnier , peintre et admi- 
nistrateur des Gobelins, un Programme de son tableau 
du XVII: siècle , avec une notice sur M. Moreau , 
notre confrère , dessinateur du cabinet du Roi, 
qu’une mort inattendue venait d'enlever aux arts. 

Le Programme, d’uné conception large et éminem- 
ment historique , vous a rappelé ce grand art de 
groupper les personnages , qu’on retrouve dans le 
tableau de la chambre du commerce de cette ville, 
où notre honorable compatriote jeta de si bonne heure 
les fondements d’une réputation qu’il a toujours 
justifiée. 

La Notice, composée par M. Feuillet, bibliothé- 
caire de l’Institut, et neveu de M. Moreau, d'un 
style naturel et précis, ayant parfaitement Péloquence 
du genre, vous a fait mesurer avec douleur toute 
l'étendue de votre perte dans l'énumération de tant 
de vertus et de talents qui ne sont plus. 

— De M. Boyeldieu, avocat à Paris, un ouvrage 
en un volume, ayant pour titre : Le langage de la 
raison et du sentiment ; dédié à S. A. R. MADAME, 
Duchesse d'Angoulême. 

On y remarque un Traité sur l'éducation des 
femmes ; un autre sur le bouheur, et un Dialogue 

E 4 


C72) 
enverssur la Religion chrétienne , entre Charlemagne, 
Witkin.et le savant anglais dont Charles-le Grand ne 
dédaigna point de prendre aussi les leçons pour con- 
tenir ; eu leur inspirant le goût pacifique des leures , 
des peuples trop long-1temps comprimés par la violence 
des armes. 

Une grande partie de ces productions , toutes 
d'ure morale douce , pure et aimable , telle qu’on 
doit l’attendre de lauteur, était dejà connue de 
l’Académie , comme ayant figuré dans quelques- 
uues de ses séances , lor-qu’elle avait l'avantage de 
posséder M. Boyeldieu dans son sein. 

— De M. Lebouvier des Mortiers, auteur de la 
Vie du général Charrette , un supplément en un vo- 
lume à l’histoire de l’intrépide commandant en chef 
des Vendéens. Ce dernier ouvrage , suflisamment 
recommandé par la réputation de notre savant con- 
frère , et que M. Duputel vous a fait connaïire dans 
le plus grand détail, « a pour but deux objets 
»-également louables , dit M. le Rapporteur , de 
» venger la mémoire du général et d'offrir à sa 
» sœur le produit de la vente, pour reparer une 
» partie du tort que la guerre a fait à sa fortune. » 

Vous avez mis cette pièce au nombre de vos 
monuments de famille les plus: précieux, et rangé 
l'auteur parmi les écrivains qui savent encore qu’il 
ne faut pas tourmenter sa plume pour attacher , 
quand on écrit sur un sujet intéressant. 

— De M. Masson de Saint- Amand , un volume 
faisant suite à ses Essais , précédemment imprimes , 
sur le comté d’Evreux | composition qui réunit à 
l'avantage d’une grande utilité locale, celui de pou- 
voir être lue par tout le monde avec fruit et avec 
plaisir, ponr l'intérêt des anecdotes et du style. 
C’est le jugement qu’en porte M. Gosseaume , dans 


(75) 

son rapport fait sur ce dernier volame ; et il ajoute 
que « cette seconde partie est parfaitement en har- 
» monie avec la première , et que l'accueil favo- 
» rable qu’elle ne peut manquer d'obtenir , suggé- 
» rera peut - être à M. de Saint - Amand , le désir 
» de completter son intéressant travail , par l’his- 
» toire littéraire et manufacturière de cette belle 
» portion de l’ancienne Normandie. » 


= Une nouvelle traduction en prose de l’Enéïde, 
dont M. C.-L. Mollevaut a fait hommage à la Com- 
pagnie, a été l'objet d’un rapport par MM. Duputel 
et Licquet. 

Virgile , tant de fois traduit en prose et en vers, 
et de tant de manières, quoique les meilleures 
copies soient restées encore bien loin de l'original , 
n’offrait guëre d'autre attrait à un nouveau traducteur 
que la ressource d’un nouveau genre de traduction. 
C'est aussi ce que M. Mollevaut a tenté et ce qu’ila 
fait, Sa traduction est des plus parfaites sous Île 
rapport de la littéralité. 

Cependant, disent MM. les Commissaires , qui 
comme poëtes eux-mêmes ont le sentiment des 
beautés de Virgile, « nous avons vu avec regret 
» Pheureux traducteur de Tibule renoncer ainsi 
» de lui-même à tous les avantages qu'il trouvait 
» dans son génie , et dont il a tant de fois tiré un 


” 


_ 


» parti si, avantageux, » 


= Une perte sensible que l'Académie a faite cette 
année , par la mort de M, Ovrsel, de Dieppe, l'un 
de ses membres les plus anciens et les plus labo- 
rieux, auteur de plusieurs ouvrages de littérature 
et de mathématiques, a donné lieu à la recherche 
d'un paquet cacheté , anciennement déposé par lui 


(74) 
dans les archives de la Compagnie , pour être ou- 
vert aprés son décès. Ce qui a été fait; et il s'y 
est trouvé un travail sur la Trisection de l'angle, 
qui, par sa date, ne pouvait donner à M. Oursel 
aucun titre de priorité ou d'invention, Ce travail 
est déposé dans les archives de la Compagnie. 


— Deux pièces de vers français, recues de M. 
Boinvilliers , inspecteur de l'Académie de Douai, 
ont fourni une nouvelle preuve que notre con- 
frère n’est point étranger à cet art divin , sur les 
éléments duquel il a lui-même fait imprimer des 
préceptes destinés à guider les premiers pas de l’en- 
fance dans la carrière du Parnasse latin. 

La première de ces pièces , intitulée l'Education 
au rabais, est une sorte d'épigramme , aiguisée par 
le mot fameux du philosophe Aristippe à un père 
de famille qui le réclamait pour l’intraction de son 
fils. Le style en est simple et sans prétention. 


Achetez donc et vous en aurez deux. 


Cet Aristippe est, suivant l'Histoire , le premier 
des Anciens qui ait mis ses leçons à prix, proba- 
blement parce qu'il en recevait trop peu de chose , 
et que c’est une partie essentielle de la philosophie 
que de savoir vivre. 

La seconde offre des stances d’un genre plus élevé, 
sur la poésie tant profane que sacrée ; c’est à la 
dernière que M. Boinvilliers parait donner l’avan- 
tage : aussi est-ce la première en date, et la plus 
respectable par son objet. Dans cette pièce, on 
distingue plusieurs phrases poétiques , où il y à 
de la verve, telles que la suivante : 


Cr 


Aux puissants accords de sa lyre ; 
Lorsque David unit sa voix, 
Plein d’un poétique délire, 


La corde frémit sous ses doigts , etc. 


= M. Milcent , notre ancien compatriote ; tou- 
jours jaloux d'entretenir avec ses confrères une 
correspondance utile et agréable pour la Compagnie ;, 
a, cette année, acquitté son sribut, comme il le 
dit lui-même , par l'envoi de trois pièces de vers, 
qui ont pour titre : Palémon et son fils, Asselin , 
le Lion et le Troupeau. 

La première est une Id ylle imitée de Gessner ; où , 
comme dans l’auteur allemand, la nature se peint 
sans aucune affectation. 

La deuxième offre le trait courageux de ce bour- 
geois de Caen, qui, en 1087, au milieu de ce der- 
nier appareil sous lequel l'orgueil des Grands croit 
déguiser la vanité des prétentions humaines ; ob- 
ünt la restitution d’un champ de ses pères , en 
vertu d’une clameur de ka-ro , interjetée sur la 
bière de Guillaume-le-Conquérant , qui en avait été 
l'usurpateur. 

La verta du fils de Guillaume , remarque l’au- 
teur en finissant , + 


Et d’Asselin l’audace courageuse , 
Honorent plus Raoul, que ia pompe orgueilleuse 


D'un monument que l’art eût porté jusqu'aux cieux, 


Sans doute, Mais quel monument aussi que ce 
vieux respect pour la justice d’un Prince, dont, 
après tant de siècles , il suflit encore de prononcer 
le nom en Normandie pour arrêter, du moins ;, 


C76) 

la marche de l’iniquité ! On doit savoir beaucoup 
de gré à M. Milcent, depuis long-temps absent de 
nos murs , de l’intérét-qu'il prend à notre histoire , 
et d’adoucir ainsi, par d'utiles souvenirs , le regret 
de ne plus le voir dans nos rangs. 

La fable du Lion et le Troupeau est un à-propos 
que l'importance des conjonctures nous impose la 
loi de transcrire toute entière. 


Ls Lion ET 1e TROvPEAUv. 
FABLE. 


D'un Troupeau le Lion devint un jour le maître ; 
Je veillerai sur vous , dit-il à ses sujets , 
En paix dans le bonheur vous vivrez désormais ; 
Les loups n’oseront plus paraître. 

Vous n’aurez plus besoin d’autre secours ; 
Le berger qui vous tond , sa sévère houlette , 
Ces chiens hargneux qui tourmentaient vos jours, 
Ne vous troubleront plus, bondissant sur l’herbette. 
Dans les prés , dans les champs vous paitrez à loisir ; 
J'aurai tous les soucis et vous tout le plaisir, 
Ainsi le crut la douce et sotte engeance. 

Chacun pensant lui devoir son bonheur , 
D'un si bon maitre adorait la puissance, 
Ft disputait d'amour pour un tel bienfaiteur. 
Cependant le Troupeau , sous l’œil d’un si bon maître, 

Diminuait sensiblement ; 

Mais chacun à part soi, satisfait du moment , 

À la cause du mal était indifférent, 


Ou trop sot pour la reconnaitre, 


(77) 


Un Lionceau naquit ; grande fut la gaité. 

On était si content du pére , 

Qu’on ne sut quelle fête faire 
À ce nouveau garant de Ja prospérité, 
Un seul mouton , moins crédule et plus sage , 
Dans la publique joie , étaittriste et réveur. 
Chacun le crut jaloux de son bonheur , 
Et du Troupeau stupide il essuia la rage, 
Il expirait : Ingrats , leur dit-il , que mafin, 
Par un utile avis, soit pour vous profitable, 
Le Lion était seul , partant chaque matin, 
Deux d’entre vous figuraient sur sa table ; 


Il en faudra quatre demain. 


Je vous dirais bien à l’oreille , 
Le sens qu’en ce récit , j’ai voulu renfermer, 
Et que vous devez présumer ; 


Mais, chut ! le Lion dort, je crains qu’il ne s’éveille, 


Cette allégorie représente évidemment le drame 
sanglant dont la France a été si long-temps victime, 
Mais une chose bien digne de remarque, c’est que, 
quelques jours après l’envoi de M, Milcent, le lion 
reatrait en effet dans la bergerie. Il y a long-temps 
que les poëtes ne sont plus des prophêtes ; cepen- 
dant il faut convenir qu’ils peuvent y voir quel- 
quefois tout aussi elair que bien d’autres. Vous 
vous souvenez, Messieurs , d'avoir applaudi, sur le 
compte qui vous fut rendu de cette pièce, le 10 mars, 
à la prévoyance de notre confrère et à son courage ; 
car il y en avait alors. C'est un témoignage qu'on 
doit lui rendre ainsi qu'à vous. 


(78) 


ACADÉMICIENS RÉSIDANTS: 


M. Gourdin , vice-président, a ouvert la séance 
de rentrée par un Discours qui embrasse à-la-fois 
le triple objet des travaux de l'Académie. 

Après avoir trouvé un nouveau motif d’émulation 
pour le corps et pour chacun des Membres, dans 
le titre d'Académie royale accordé par S. M. 
Louis XVIII, M. Gourdin voit dans un long règne 
de paix et de sécurité , promis par les vertus du 
Monarque, une garantie puissante de nouveaux pro- 
grès pour les sciences et pour les arts, et sur-tout 
pour l’industrie manufacturière de notre départe- 
ment. « Dont les progrès , dit-il , durant la tourmente 
» révolutionnaire , ont produit des résultats éton- 
» nants, et qui font le désespoir des nations voisines 
» et rivales, » 

La destinée deslettresne paraît pas à beaucoup près, 
à l'orateur , aussi avantageuse : car elles ont perdu 
beaucoup plus que les autres parties n’ont gagné. 

« Mais quoi ! s’'écrie-t-il, nos grands modèles dans 
» tous les genres d'écrire n’auront-iis plus de suc- 
» cesseurs et de rivaux ? » Sans s'arrêter à cette idée 
générale d'une sorte de fatalité qui entraîne succes- 
sivement par-tout le dépérissement total des lettres , 
M. Gourdin nous rassure contre la terreur d’une dé- 
cadence prochaine et complette, « parce que, dit-il, 
» le mauvais goût, son avant-coureur ordinaire, n’est 
» point encore dominant, ou du moins universel ». 
Mais il ne craint pas d'affirmer que nous y inclinons 
insensiblement ; et il en assigne plusieurs causes : 

L'oubli des grands maîtres anciens et modernes ; 
le mépris des convenances , qui confond tous les 


' 


4 (79) 


genres dans un style à prétention, où l’on s’étudie 
à déguiser la sécheresse des idées par la redon- 
danee des mots ; enfin, le néologisme , cet ambitieux 
ennemi du langage, qui, donnant à la permission 
d'Horace une extension illimitée pour les expres- 
sions et pour les tours , ne fait qu'embarrasser la lan- 
gue , au lieu de l'aider et de l'enrichir..... 

Chacun a reconnu dans ce discours la touche 
naturelle et juste de plusieurs traités sur la traduction 
et sur la rhétorique , qui ont acquis depuis longues 
années , à notre ancien collègue, cette considération 
littéraire qui le distingue. 


= L'Académie , pour réparer les pertes qu’elle 
avait éprouvées dans la classe des lettres et des arts, 
qui n’est composée que d’un assez petit nombre de 
Membres , a fait cette année la conquête de trois 
hommes précieux , par des talents divers , mais égale- 
ment recommandables, MM. Brière , avocat-général , 
Duméhnil , auteur du Poëme d'Oreste , et Lecarpentier ;, 
peintre et professeur de dessin de la ville. 

— M. Brière, ne se connaissant , a-t-il dit dans 
un court remerciment adressé à la Compagnie , au- 
cun titre purement littéraire, a attribué son élection 
au désir d'encourager quelques succès obtenus dans 
la magistrature , objet particulier de ses études dans 
tous les temps....... C’est à ses yeux un puissant 
motif d’émulation que de se trouver dans un corps 
dont tous les Membres consacrent leurs soins aux 
diverses parties d'agrément et d’atilité publique... 
Ses eflorts auront constamment pour but de mériter 
de chacun toute la bienveillance que l’Académie 
entière lui a témoignée. 

— Laréponse de M. Gourdin, vice-président, porte 
eu substance,que la manière distinguée dont M. Brière 


(80 ) 

a rempli, dans ce département, divers emplois de 
la magistrature , ne permet pas de douter qu'il p’ait 
en effet paruiculièrement approfondi les principes de 
la législation et des lois, mais que l'Académie a vu dans 
le magistrat obligé par état à se produire , l'homme 
instruis et let'ré, qui laisse souvent échapper le secret 
de plus d’un genre de talent, La France montre 
avec orgueil des litérateurs du premier mérite 
parmi les plus grands hommes que le Barreau a 
produits : M. Brière peut marcher avec honneur sur 
leurs traces , et il trouvera dans ses confrères, des 
hommes aussi disposés à l'entendre qu'ils ont mis 
tous d'empressement à l'adopter. 

— M. Duménil, en offrant son hommage de récep- 
uon , a jeté un coup-d’œil rapide sur les avantages 
qu'on peut trouver dans l'ensemble des réunions 
littéraires en géneral, énuméré ceux qu'offre en 
particulier PAcademie de Rouen , et pris l’engage- 
ment formel de suivre exactement, pour son utilité, 
le cours des séances , dont il paraît lui seul ne pas 
s'apercevoir qu'il doit faire un des principaux orne- 
ments. La sincérité des sentiments trouve sa garantie 
dans le naurel même et la noble simplicité du style. 
Beaucoup auraient bien voulu , sans doute, qu'en 
réduisant à la nullité absolue le succès des premiers 
essais de sa muse , notre collègue n’eût pas donné 
une sorte de démenti si formel à taut de personnes 
instruites , qui s'obstinent à voir des preuves d’un 
talent assez rare, dans ce Poème d'Oreste , que l’on 
devra toujours mettre au nombre des débuts mar- 
quants d'une aussi grande jeunesse, dans une car- 
rière aussi difficile et aussi périlleuse que l'épopée. 

— Danssa réponse au récipiendaire, M. le président, 
Baron de la Martel, après être convenu de Putilité 
des réunions littéraires, auxquelles il a eu la modestie 


de 


(81) 

de se croire aussi redevable de quelque chose, en 
asignalé tous les avantages, en les suivant dans une 
longue suite de siècles, depuis le portique jusqu'au 
règne de Louis XIV , et à l'époque même de linstitu- 
tion de l'Académie de Rouen, dont il rattache l’exis- 
tence aux deux Corneille, par la correspondance 
de notre premier fondateur avec Fontenelle , notre 
compatrioteetleurneveu; puis, revenant à M. Dumé- 
nil, à qui il a présagé des succès mérités par le 
talent et la constance : « N'en doutez pas, Monsieur , 
» a dit M. le Président , vos efforts seront couronnés. 
» Déjà votre nom est connu dans la république des 
» lettres ; désormais vous parcourrez la carrière 
avec confiance , et l’Académie aura aussi sa part 
de votre gloire. » 

— Dans son discours d'entrée au sein de l'Aca= 
démie , M. Lecarpentier commence par lui faire 
honneur du premier établissement et des progrès 
successifs , durant une longue suite d'années, du 
Jardin botanique de Rouen, objet d'utilité pour les 
citoyens et de curiosité pour les étrangers. Puis 
ilentre dans sa propre carrière , en traçant un tableau 
intéressant de la marche des arts de la peinture et 
du dessin dans notre ville. « La plupart des ou- 
» yrages en peinture , dit notre collègue, échappés 
» aux ravages du temps, et que j'ai recueillis dans 
» divers monuments publies de ce département, 
» ne commencent à présenter quelque intérêt que 
» depuislerègne de Henri IV, Les tableaux antérieurs 
» ne fournissent à l'observation que des données dou- 
» teuses , et se trouvent souvent entachés du style 


= 
- 


»” 
- 


» gothique, etd’untrès-mauvais goût. Ce fut sur-tout 
» vers la fin du règne de Louis XIII que la peinture se 
» montra tout-à-coup avec une sorte d'éclat.....» 
Ensuite l'auteur passe en revue les artistes les 
F 


( 82 ) 

plus distingués à qui la ville et le département s’hono- 
rent d'avoir donné l’asyle ou la naissance, Le Tellier, 
Saquépée , la famille Jouvenet , Jouvenet lui-même, 
Restont, Le Romain , reçoivent successivement un 
tribut de reconnaissance proportionné à leurs talents 
et à leurs services , de la part d’un artiste en état 
d'apprécier les uns et les autres. 

Ici M. Lecarpentier, qui chérit sincèrement tout 
te qui tient à son art , n’a pas laissé échapper un 
à-propos qui a flatté toute lassemblée : c'est un 
souvenir trés - honorable et bien mérité d’un jenne 
étranger qui , au commencement du XVliieme 
siècle , vint ranimer le goût languissant de la pein- 
ture et du dessin dans nos murs, je veux dire de 
M. Descamps, père, fondateur de l'Ecole de Rouen, 
et dont M. de Sesmaïisons n’a pas trouvé leloge pro- 
posé en 1808 , par l'Académie , indigne une élo- 
quente et heureuse production de sa plume. 

— « C’est à vous ; a répondu M. le Président, qui 
avez déjà enrichi la littérature de la vie de plusieurs 
peintres célèbres, qu’il appartient de rappeler à notre 
pensée les hommes qui ont illustré notre ville. » Puis 
après avoir établi , par l'usage dans l'emploi des 
mots, la connexion qui existe entre les scieuces , 
les lettres et les arts, et que démontrent les poëmes 
de Dufrenoi, de Watelet et de l'abbé de Marsy , 
M. le président termine par une exhortation à M. 
Lecarpentier de continuer à manier avec la même 
constance , « le crayon , la plume et le pinceau, 
» dont les productions avaient , déjà depuis long- 
» temps, marqué la place de notre nouveau con- 
» frère au sein de l’Académie, » 


= M. Gosseaume, qui se plaît toujours à remonter 
aux principes fondamentaux de la morale , source 


(85) 

unique de la sublime et véritable éloquence , a 
fixé l'attention de l’Académil sur un Æ£ssai de tra- 
duction du Pseaume 155. Il est imprimé à la suite 
de ce Rapport. 

— L'Académie doit aussi à M. Gosseaume le 
deuxième volume de l'analyse général des travaux 
de la Compagnie , antérieurs à 1805. Ce second 
volume , rédigé comme le premier , par les soins 
de notre infatigable confrère , contient les dix années 
de 1751 à 1760 inclusivement. Le préliminaire offre 
d’abord des observations sur l’ordre des matières ; 
et, à cet égard , le seul nom du rédacteur est une 
assez bonne garantie. En second lieu , une suite de 
la partie historique de l'Académie ; et là, toujours 
attentif à l'honneur du corps, qui s’alimente de l’es- 
time méritée par chacun de ses membres ;» M. Gos- 
seaume recommande , par le détail d'importants ser- 
vices , la mémoire précieuse de MM, Pingré, Maillet 
Duboullai, Lecat et Dulague , dont les travaux sont 
encore aujourd’hui le plus beau titre de l’Académie 
à la considération de notre âge. 

L'auteur termine ce préliminaire en associant à la 
reconnaissance du corps , noire confrère , M. 
Meaume, à qui il se reconnait redevable, dans la 
rédaction de ce volume, de tous les extraits tirés 
des Mémoires relatifs à l’astronomie. 


= La Bibliothèque de cette ville doit à l'active 
sollicitude de M, le baron de La Martel une quantité 
considérable d'ouvrages sur diverses espèces d'an- 
tiquités, dont S. Exec. le Ministre de l'Intérieur 


a daigné l'enrichir au mois de janvier de la présente 
année, 


= M: Courdin, en sa qualité de bibliothécaire , 


F 2 


(84) 
a occupé trés-utilement une partie de plusieurs de 
nos séances par la lecture d'une foule de notices 
tirées de ces divers ouvrages , et dont la précision, 
requise dans un travail si étendu, se refuse à toute 
espèce d'analyse. 

Cependant une lettre de M. de Sacy , où ce savant 
annonce que, sur un monument découvert près de 
Rosette, on a trouvé les caractères grecs, l'écriture 
épistolique et les hiéroglyphes des Egyptiens réunis 
dans deux inscriptions différentes , a donné lieu à 
des Réflexions plus développées de la part de notre 
collègue. Ces Réflexions sont imprimées à la suite 
de ce Rapport. 


= L'Académie a reçu de M. Lecarpentier , l'hom- 
mage d’un volume de sa Galerie des peintres célèbres , 
avec un portrait de Fragonard , gravé par le même, 
à l’eau forte. 

Notre collègue a aussi répandu beaucoup d'intérêt 
sur un grand nombre de nos Assemblées, par la 
lecture des productions de sa plume facile et élé- 
gante , comme le génie de la peinture , qui semble 
par-tout lui prêter ses riantes inspirations et le ton 
gracieux. de ses images. C’est particulièrement dans 
l'Essai sur le paysuge, espèce de poème didactique 
sur la peinture et le dessin , que vous avez remar- 
qué, Messieurs , combien la plume d'un artiste est 
riche , féconde et variée , lorsqu'il s’agit de repré- 
senter les grands effets de cette partie brillante et 
inépuisable de la nature. Mais toutes ces compo- 
sitions , aujourd’hui connues et justement appré- 
ciées par le public, ne nous laissent plus ici que 
des remerciments à faire à l’auteur , et des vœux 
à former pour avoir bientôt les prémices de quelques 
autres. 


(35) 

— M. Marquis , qui sait allier le talent d'écrire 
à l'art de la botanique et de la médecine , vous a 
donné lecture d’un Dialogue sur l’art de guérir, 
entre Chyron et Podalire. Ce dialogue, tiré d’un 
ouvrage récemment imprimé, dont notre confrère 
est l’auteur , offre à-la-fois une réunion de con- 
naissances précieuses et une grande élégance d’é- 
locution. Une imagination brillante et gracieuse y 
fait disparaître entièrement toute l'austérité du sujet ; 
et le bon choix des périphrases , joint à la pudeur 
des expressions , adoucit très- agréablement l’idée 
de ces maladies honteuses, dont les noms les plus 
décents sont encore si difficiles à prononcer et à 
entendre. Mais la manière dont M. Marquis a eu le 
talent de les faire prédire par Esculape , comme 
une suite de l’intempérance des générations futures, 
nous a paru tout-à-fait ingénieuse et poétique. Ainsi 
nous ayons une transition naturelle pour passer aux 
ouyrages en vers. 


Ouvrages en vers. 


La moisson n’est pas considérable, Messieurs , mais 
c'est beaucoup lorsqu'elle est bonne. Les poëtes, 
souvent comme les abeïlles, se mettent en cam- 
pagne au printemps; et l'orage est venu avec la 
saison des fleurs. 


— M.CGuttinguer a communiqué à la Compagnie une 
fable intitulée : Le Pavot et le Fumier , qui sera 
lue par l’auteur dans cette séance. Elle est imprimée 
à la suite de ce Rapport, ainsi qu'une autre pièce 
intitulée : Vers improvisés devant la statue de 


Henri IF, par le méme. 
F 5 


(86) 

= Quelques pièces d'ur recueil de fables et poésies 
Jugitives, lues par M. Duputel à différeutes séauces, 
et accuelles dans l'Academie par des témoignages 
d'uné satisfaction universelle , semblent prouver 
qu'il y aurait encore des places à donner , assez 
près de nos meillears auteurs, dans ce joli genre, 
Facilité , finesse , rapidité dans le trait, qui sou- 
vent conduit, d’une manière insensible , à urie con- 
clusion piquante et inattendue : telles sont les qua- 
lités qui paraissent composer la physionomie par- 
ticulière de ces aimables productions , dont le publie 
commence à entrer én jouissance, | 

A tant de titres que réunit M. Duputel , à la 
gratitüde de ses collègues , nous ajouterons une 
Elégie toute récente , soûs le titre de Ftore aux 
Français, terminée par un bouquet poétique ; et 
qui semblerait sortir de la bannette de Flore méme. 
Cette pièce est imprimée à la suite de ce Rapport; 
ainsi qu'une lettre de Charlotte Corday à son père; 
du même auteur. 


— La Muse de notre confrère M. Figné vient 
aussi de s’essayer sur le même sujet, dans une pièce 
intitulée, la fiolerte et le Lis , qui, comme la 
premiére , a pour objet la. paix imérieure, après 
laquelle tous les bons esprits soupirent , et la réuniôn 
de toutes les volontés autour de lauguste héritier 
de notre ancienne Mouarchie. C'est rappeler la 
poésie à sa primitive institution , et de bien loin 
sans doutæ,; que de la faire servir au maintien des 
prineipes d'ordre et de morale, seulegarantie solide 
de a stabilité et du bonheur des nations, On trouve 
dans cette pièce, sans parler des sentiments, toujours 
infiniment purs qui distinguent la belle âme de 
M. Vigné, grand nombre®dé vers naturels qui 
ne sentent ni le trayail ni la gêne, Par exemple : 


(87) 


« Louis, de ses sujets la gloire et l'espérance , 
» Vient mettre un terme à leur souffrance, 
» Avec lui reparaît , au gré de leurs désirs , 
» La Paix, la douce Paix , la mère des plaisirs, 
» La vaillance et l'honneur triomphent de l’audace : 
» Souverains et sujets sont remis à leur place ; 
» Et l’amitié descend au milieu des Humains, 


Mais un mérite particulier aux vers denotre collègue, 
c’est d’avoir produit 515 francs au profit des indigents. 
Quelle ressource pour les malheureux, si la moitié 
de ceux qui font aujourd’hui des vers leur donnaient 
une pareille destination ! M. Periaux , notre confrère ;, 
a voulu partager le plaisir de la bienfaisance , en 
imprimant gratuitement cette bonne petite Pièce, 


| = 

= Vous avez aussi, Messieurs, entendu les sons 
mâles de la trompette héroïque. M. Pierre Duménil 
vous a lu plusieurs morceaux de son nouveau Poëme 
épique ( Jeanne d'Arc ) , sujet vraiment national, 
et qui, suivant les premières données , promet beau- 
coup du côté de la sagesse et de l'élévation du style. 
Ce n’est point ici de eeute pogsie descriptive , de- 
venue Ja manie particulière d’un siècle où le sen- 
timent semble s'épuiser à force d'être exercé. Notre 
collègue va vous donner lecture de deux autres 
fragments du même ouvrage, qu'il a extraits pour 
cette séance. Ils sont imprimés à la suite de ce 


Rapport, 


F 4 


(88) 


Arts et Antiquités. 


Une Commission , composée de MM. Gourdin, 
Vauquelin » Descamps et Théodore Licquet, avait 
été nommée par la Compagnie, sur la demande de 
M. le Préfet, comte de Girardin, pour la recher- 
che des monuments qui rappellent la mémoire de 
nos anciens Rois; cette Commission a reçu, par 
une lettre de M. le Préfet, des témoignages de 
satisfaction qui prouvent à-la-fois et l'utilité de ses 
services et l'attention délicate du Magistrat qui les 
dsné. 


= M. Pinard de Bois - Hébert a présenté à Ja 
Compagnie un petit instrument de métal, pointu 
par un bout et applati par l’autre, d’environ vingt 
centimètres de longueur , et de la grosseur d’une 
plume,, trouvé lhiver dernier dans un antique 
SAS à sa campagne du Grand-Couronne. 

Notre ÉiYrare prenait cet instrument pour celui 
dont. les Romains se servaient pour écrire et effacer 
‘sur leurs tablettes. L’Assemblée a reconnu , en 
elret que c'était un véritable style. 

Éa mauère analyste par M. Vitalis , Secrétaire 
des sciences , à donné du zinc et du cuivre rouge ; 
et le crayon de M. Marquis en a perpétué le déssin 
dans vos archives. 


= M. Auguste Le Prevost , dont M. l'abbé Bâton 
avait piqué la ‘curiosité, en annonçant précédem- 
ment des tombeaux de pierre trouvés en plain champ 
à Saint-André-sur Caily , n’a pas négligé de pren- 
dre de nouveaux renseignements sur cet objet. 
Ayant appris de M. Delaquesnerie , propriétaire 


( 89 ) 
distingué de l'endroit , qu’on avait découvert auprés 
des tombeaux un pavé de mosaïque d’une dimen- 
sion encore inconnue , il s’est transporté sur les 
lieux avec M. Delaquesnerie et M. le baron de 
Aloutville. 

Laissons M. Le Prevost rendre compte lui-même 
du résultat de cette opération. 

« Nous avons fait aggrandir en notre présence , 
dit-il , les fouilles déjà faites depuis quelques jours ; 
par le propriétaire , jusqu’à ce qu’elles présentassent 
un espace d'environ vingt pieds sur quatorze à 
quinze. Elles nous ont oflert alors un pavé en mo- 
saïque , continu , et renfermant les dessins qui se 
trouvent ci-joint. 

» Ces mosaïques étaient formées de petits mor- 
ceaux de pierres noires et blanches. 

» En faisant des trous à divers endroits du champ , 
nous y avons trouvé des extensions de la même 
mosaïque , dans un espace de plus de soixante pieds. 
Elle paraît y avoir formé le pavé d'un grand édi- 
fice ou de plusieurs appartements contigus. . 

» Sur la mosaïque se trouvaient beaucoup de 
débris de marbre précieux, tels que marbre blanc 
à grains fins, brèche blanche et violette, marbre 
rouge , tacheté de diverses couleurs. Plusieurs 
de ces marbres étaient ornés de moulures et parais- 
saient avoir servi à décorer des pièces d’architec- 
ture. J'ai l'honneur de yous en soumettre quelques 
échantillons. 

» La mosaique est assise sur un fond de ciment 
d'environ deux ou trois pouces d'épaisseur. Immé- 
diatement au-dessous on retrouve la terre franche. 

» Aux environs de ce payé , que nous ayons 
supposé devoir être d'environ cent pieds dans sa 
plus grande dimension | se trouye beaucoup de 


(90 ) 

débris de muraille , de scories, dustuc vert, du stuc 
rouge , avec des peintures blanches , des briques et 
tuiles antiques. On y a aussi trouvé des médailles , 
(mais nous n'avons pu nous les faire représenter ) 
et de la poterie romaine, sur laquelle le proprié- 
taire dit avoir vu des dessins, Ce serait alors de 
ces vases qui sont vulgairement, mais fort impro- 
prement, nommés étrusques. 

À une cer'aine distance , dans une cour apparte- 
nant à M. Le Noble , se trouvent des traces de 
fortifications qui ne présentèrent à l'examen, à la 
véritétrès-superficiel que nous en fimes , aucune diffé- 
rence avec les ruines de ce genre appartenant 
au moyen âge. 

» Nous avons vivement regretté que l'avancement 
de la saison opposât un obstacle invincible à Ja 
continuation immédiate de nos recherches sur les 
antiquités de Saint-André. Nous nous proposons 
de les reprendre aux premiers beaux jours, et je 
mettrai le plus grand soin à instruire PAcadémie 
du résultat qu'ils produiront. » 

Les lumières et l'activité de M. Le Prevost au- 
torisent à croire qu’il saura tirer parti d'une mine 
qui paraît devoir être bien féconde , et les dessins 
qu'il a déposés pour les archives, sont une preuve 
du grand intérêt qu'il attache , avec toute l'Aca- 
démie , à cette nouvelle conquête. 

— Notre collègue a aussi présenté une série de 
Réflexions sur les Antiquités des départements de 
VEure ét de la Seine-Inférieure , et notamment 
sur les restes d’Agnès Sorel , qu’il croit avoir été 
déposés dans l'abbaye de Jumiéges. Ces Réflexions 
sont imprimées à la suite de ce Rapport: 


— M, Revers, de Pont-Audemer , correspondant 


Car) 
de lInstitut , admis à une de vos séances , a donné 
communication d'un Mémoire intitulé : Vorice sur 
les antiquités de Juliobona. 

D'après les témoignages et le rapprochement des 
assertions de divers écrivains sur cette ancienne 
ville |, lPauteur ne fait aucun doute qu’elle mait 
dû exister dans le lieu qu’occupe aujourd’hui le 
bourg de Lillebonne , proche le Havre-de-Grâce. 

De la position géographique, M. Revers passe à 
son objet principal , la rectification de quelques- 
uns des détails publiés par M. de Caylus , sur les 
ruines de Juliobona ; et il prouve, d'une manière 
assez péremptoire, que l'on s’est trompé dans la 
description du théâtre , et que les restes des tours 
et du château , pris pour des constructions romaines ; 
ne sont réellément que des constructions gothiques 
et du moyen âge. 

Une troisième partie de la notice est consacrée à 
faire connaître , par des dessins et des explications, 
un grand nombre d’objets remarquables, trouvés 
par l'auteur , Gans les déblais de ces vieux monu- 
ments. Les inscriptions qui s’y lisent sont inter- 
prétées d’une manière ingénieuse et en même-temps 
solide, autant, du moins, que la matière peut le 
permettre , et avec cet air de bonne foi, qui » 
souyent en pareil cas, persuade beaucoup mieux 
que des démonstrations prétendues rigoureuses , 
et dont l'auteur le premier aura lui - même été Ja 
dupe. 

Ce Mémoire, assez considérable et destiné à 
l'impression , ne peut manquer d'être accueilli 
des savants avec un intérêt commandé par le sujet 
et par la réputation même de son estimable auteur. 

— L'Académie est encore redevable au zèle de 
M, Revers, pour la propagation de la science qu'il 


(92) 

cultive avec tant d’'ardeur et de succès ; d’un 
modèle de petite dimension, en plâtre, d’an autel 
destiné au sacrifice nommé Taurobole, C'est au 
mônt Dol, département d'Ille-et-Vilaine, que M. 
Revers à découvert cet antique et assez rare mo- 
nument, Vous avez entendu , Messieurs, une partie 
d’une dissertation curieuse sur l'autel, sur l’origine 
et le mode , sur le but religieux et politique de 
cet étrange sacrifice; mais le temps vous a envié 
le plaisir d'entendre le reste, et la dissertation n’a 
point été remise à votre secrétaire. 


Ici, Messieurs, finit ma tâche; ct, après vous 
avoir fait sentir dès le début le tort qu’a pu faire 
à nos paisibles travaux de cette année une crise 
politique des plus alarmantes , il ne me reste plus 
qu’à livrer à vos douces méditations les consolations 
que nous offre le retour d’une tranquillité si avan- 
tageuse pour la culture des sciences , des lettres et 
des arts, sous les auspices d'un Prince intéressé 
par ses propres goûts à les encourager dans les autres. 


Len hs sb 2 21 


Concours POUR 1816. 


L'Académie avait proposé pour cette année l’Eloge 
de Bernardin de Saint-Pierre. Un seul concurrent 
a fixé l’attention des Juges , mais n’a point atteint 
le but. Il a cependant obtenu une mention honorable. 
L'ouvrage porte pour épigraphe : 


JI peignit la natare et brisa ses pinceaux, 


Mais , attendu que le sujet est important, et que 
d’ailleurs il s'est encore présenté des concurrents 


(93) 
depuis la clôture du concours , l'Académie pro- 
pose une seconde fois l'£loge de Bernardin de Saint- 
Pierre pour l'année 1816. 

Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 
500 fr., qui sera décernée dans la séance publique 
de 1816. 

Les membres résidants sont seuls exclus du con- 
cours. 

Les manuscrits seront adressés , francs de port, 
à M. Bienwon , Secrétaire de la classe des belles- 
lettres , avant le 1° juin 1816. Ce terme sera de 
rigueur. 

L'auteur mettra en tête de son ouvrage une 
devise qui sera répétée sur un billet cacheté, où 
il fera connaître son nom et sa demeure. Le billet 
ne sera ouvert que dans le cas où le poëme aura 
remporté le prix. 


MÉMOIRES 


Dont l'Acadeèmie a délibéré l'impression 
en erdier dans ses Actes. 


NOUVEL ESSAI 
Sur la Poësie sacrée des Hébreux. 
Par M. GossEAumes. 


MESSIEURS, 


J’ai eu l'honneur de vous entretenir plus d’une 
fois de la poésie sacrée des Hébreux , et vous avez 
admiré ayec moi la merveilleuse fécondité des écri- 
vains de cette nation , qui , dans cette carrière 
épineuse et brillante , avaient devancé de tant de 
siècles les premiers poëtes de la Grece , encore 
n’ayais-je à vous offrir que la traduction d’une tra- 
duction, qui même, en exprimant fidèlement les 
pensées , ne pouvait rendre les belles formes et le 
coloris brillant de l’original, tant il est vrai que ce 
qui est essentiellement beau se fait estimer jusque 
dans ses plus faibles esquisses. 


(95 ) 
Rei Lonæ vel vestigia delectant. 


L'Essai de traduction du Ps. 67 vous offrait , 
Messieurs, le mouvement , la chaleur et l'élévation 
de POde , en même-temps qu’il donnait une explica- 
tion littérale de quelques versets , considérés jusque- 
là comme inintelligibles. L'Essai sur le Ps. 105 
vous a offert les grâces naïves de l’Idvylle dans la 
peinture des productions et des opérations de Ja 
nature sans cesse subordonnées à la sagesse de son 
auteur. 

Dans le nouvel essai de traduction que j'ai l'hon- 
neur de vous présenter aujourd'hui, le Ps, 158 va 
nous donner une idée de lPimmensité de la divinité, 
de sa puissance créatrice ,; de sa présence uni- 
vercelle , et de la perspicacité qni lui fait pénétrer 
le secret de nos cœurs, en d/pit du silence et de 
lPobseurité dont on chercherait vainement à les en- 
velopper. ” 

Mais on se tromperait beaucoup si on estimait 
que le travail se borne ici à la fidélité et même à 
l'élégance de la traduction : le cantique dont nous 
pons occupons contient des versets très-difliciles à 
entendre , J'oserais même dire contradictoires avec 
d’autres versets du même recueil dans la version 
vulua e. Il est donc nécessaire de les soumettre au 
creuset de la critique , pour decouvrir la canse 
de l'erreur qui, toutefois , m’existe que dans Pac- 
ception sp ‘ciale de quelques mos équivoques dans 
lhébreu er detonrués du sens naiurel qu'ils doivent 
conserver à la place où ils se trouvent. 

Ce sera le sujet d'un examen sérieux de ces versets 
difficiles , et c'est par cet examen que je me pro- 
pose de commencer. Les diflicultés une fois levées , 
vous pourrez , Messieurs, juger de la régularité de 


Vers, 


. (96 ) 
l'ensemble , sans être arrêtés par l'obscurité de 
quelques parties isolées. 

J'ai, pour autorité de mon interprétation , les sa- 
vantes versions de saint Jérôme, du P. Houbi- 
gant, celles des PP. Capucins de la rue Saint-Honoré , 
et enfin celle faite sur l'arabe , et imprimée à Rome 
en 1614, auxquelles j'ai joint les variantes et notes 
de Bossuet et de Sacy, sur la version vulgate. Ma 
critique au surplus est purement grammaticale , et 
je la sacrifierai volontiers à toute autre plus littérale 
et plus lumineuse que la mienne. 

2. Tu cognovisti sessionem meam et resurrectionem 
meam , ne peut s'entendre que du travail et du 
repos , du sommeil et de la veille. C’est dans le 
même sens qu’il est dit, Ps. 127 : #anum est vobis 
ante lucem surgere, surgile postquäm sederitis qui 
manducatis panem doloris, etc. 

4. Quia non est sermo in lingu& me&, pour et 
nondum erat sermo in lingu& med. 

6. Mirabilis facta est scientia tua ex me , etc. Id 
est de me, et excedit facultatem intelligentiæ mec. 

9- Diluculo pro oriente, extrema maris pro occi- 
dente, Tournure assez commune dans l'Écriture. 

11, Vox illuminatio mea in deliciis meis. Id est 
nox quoque erit lux circà me. S.-Jér., cap. 

15. Possedisti renes meos. Id. e, intima mea. Boss. 

Suscepistime. Orsus es me. S.-Jér. 

15. În inferioribus terræ pour in abscondito , in 
utero. Vers Chald. : 

16. Dies formabantur et nemo in eis. Ce verset 
est sans doute un des plus difficiles; il suffira, pour 
le prouver , d'offrir ici les différentes versions que 
nous en avons. ce Informem ad huc viderunt me 
oculi tui , in librotuo omnes scribentur dies formati 
sunt et non est una in eis, S.-Jér. 


In 


(97) 

In libro tuo omnes coazmentfationes meæ scribe- 
bantur , dies mei in fusciculo erant et ne unus quidem 
ex illis defuit. Houbig. 

Za lib-o tuo omnia scribunrrr , in dies formantur 
nec ( deerit ) unum ex eis Capuc. 

Ea omnia sunt in libro tuo : tu es Creator dierum , 
dum non erat in eis homo. Vers. ex arabo lat, 

Quelqu’obseure que soit la version vuiga'e , c’est 
encore celle dout le sens me paraît le plus naturel, 
celle qui offre use idée plus élevée de la connais- 
sance illimitee de l'Eternel. Essayons de traduire 
litéralenient : 

Imperfectum meum ( pro me) niderunt oculi tui: 
Vos yeux n'ont vu pleinement lors même que 
j'étais encore imparfait. In libro tuo omnes où omnia 
scribentur : tout est écrit dans votre livre , même 
les jours qui seront formés , et personne w’en jouit 
encore. Et en appropriant ce sty le décousu au 
génie de la langue française, 

Tout imparfait que j'étais , votre œil pénétrant 
distinguait toutes mes parties , j'étais enregistré dans 
votre livre où tout est écrit, et l'avenir lui-même, 
dont personne ne jouit encore. Ce verset , ainsi 
qu'il est aisé de s’en convaincre , concorde parfai- 
tement avec les ŸY. 3,4, 5, et donne une idée su- 
blime de la perspicacité et de la prescience de Dieu. 

17. Mihi autem nimis honorificati sunt tui Deus 
nimis confortatus est principatus eorum. Ce verset est 
à-peu près inintelligible dans la Vulgate , et forme 
une espèce de hors-d'œuvre étranger à tout ce qui 
précède et ce qui suit. D’un autre côté , il est bien 
difficile de concevoir comment David dirait ici, en 
parlant des amis de Dieu, que leur nombre et leur 
influence sont multipliés outre mesure: nimis confor- 


tatus est principalus eorum, lui qui, par-tout ailleurs 
[l ; » P , 
G 


Ps. tr. 
Ps. 13, 


Houb. 1. 
Be Ce 27 » 
. 14, 


( 98 ) 

se plaint de la rareté des hommes de bien : Defecit 
sanctus, diminutæ sunt veritates à filiis hominum. 
Mon est qui faciat bonum non est usqne ad unum, 
Mais ne mettons pas sur le compte de l'Écriture ce 
qui n'est que l'acception vicieuse de l'un des deux 
sens d’un mot équivoque. ehe , en hebreu , si- 
guifie ami et pensée. La Vulgate a adopté la première 
acception, adoptons la seconde avec le P. Houbigant, 
et nous verrons naître uve reflexion bien naturelle 
à la suite du beau verset qui précède , et en har- 
monie avec tout le pseaume. « Que vos conceptions 
sont admirabies , Seigneur , et que leurs résultats 
sont nombreux ! © guam pretiosæ sunt mihi cogita- 
tiones tvæ , etc. | Houb. Voudrais-je les compter ? 
Ils sont plus nombreux que les grains de sable. » 

20, Accipitnt in vanitate civitates tuas. Ce mot 
vanitus se prend souvent dans Écriture pour Pido- 
lâtrie. C'est dans ce sens que saint Jérôme traduit : 
« Qui contradicunt tibi scelerat à. » R. Lowth s'exprime 
de même : « Qui te nominant ad fraudem et pejerant 
per urbes. 

24. Et deduc me in vi& æœterr& « in pristinum 
statum ,; Cap, » ad terminos vitæ consuetlos. C'est- 
à-dire à l’état de calme et de tranquillité que les 
persécutions qu'on lui suscite lui ont fait perdre . 
et qui finiraient par abréger ses jours. Ÿ. 21: 


( 99 ) 


PSEAUME 138, 


Selon la Vulgate. 


I. Domine probasti me, 


et cognovisti me : 


2, Tu cognovisti sessio- 
nem meam , et resurrectio- 
nem meam, 

3. Intellexisti cogitatio- 
nes meas de longè : semitam 
mean , et funiculum meum 


invéstigasti. 
Le, 


4. Et omnes vias meas 
previdisti : quia non est 
sermo in lingud med. 

5. Ecce tu Domine co- 
gnovisti omnia novissima F 
et antiqua : tu formastime , 
et posuisti supèr me manum 


luam, 


G. Mirabilis Jfacta est 
scientia Lua ex me : confor- 
lala est, el non potero ad 


eann. 


7 - Quo ibo à spiritu tuo ? 


el quo à facie tuñ fugiam, 


Essar DE TRADUCTION. 


Argument selon Bossuet : 


Calomnié par ses ennemis auprés de Saul, 


David invoque le Seigneur, témoin d, 


son innocence ; il reconnaît en lui son 


créateur ; son conserrateur et le scru- 
rateur deses pensées les plus secreres y 


etc. 


1, Seigneur , vous m'avez 
suivi pas à pas, et vous connais- 
sez le fond de mon ame. 

2. Soit que je dorme ou que 
je veille , toutes mes affections 
vous sont connues, 

5. Vous connaissez depuis 
long - temps mes plus secrètes 
pensées ; vous n’ignorez aucunes 
de mes démarches , et vous en 
pénétrez les intentions, 

4. Je dirai plus , vous les pré- 
voyiez avant que ma langue arti- 
culàt ses premières paroles, 

5, Oui , Seigneur , vous 
connaissez également et l’avenir 
et le passé : c’est vous qui m'avez 
créé , et je suis l’ouvrage de vos 
mains, 

G. Cette science merveilleuse 
excède la faiblesse de mon intel- 
ligence , et je ferais de vains 
efforts pour en sonder la pro- 
fondeur, 

7. Mais où irais-je pour trou- 
ver les limites de votre sagesse 
et me soustraire à vos regards ? 


G 2 


. { 100 ) * 


8. Siaccendero in cælum, 
tu illic es : si descendero in 


infernum, ades. 


9:+ Si sumpsero pennas 
meas diluculo ; et habitavero 
in extremis maris. 

10. Et enim illuc manus 
tua deducet me : et tenebit 


me dezxtlera lua. 


11. Æt dixi ; forsitan 
tenebræ conculcabunt me : 
et nox illuminatio mea in 


deliciis meis. 


12. Quia tenebræ non 
obscurabuntur à te , et nox 
sicut dies illuminabitur : 
sicul tenebræ ejus , ila et 
lumen ejus. 

1.3. Quia tu possedisti 
renes meos : suscepisli me 


de ulero matris meæ. 


1 4. Confitebor tibi, quia 
Lerribilitèr magnificatus es : 
mirabilia opera lua , et ani- 


ma mea COZgnOSCiL nimisse 


15. {Von est occultatum 
os meum à Le , quod fecisti 
in occullo : et substantia 


mea in inferioribus terræ, 


8.Si je m'élève dans les cieux, 
je vous y trouve ; si je descends 
dans les enfers , je vous y trouve 
encore, 

9 Que des portes de l’orient 
je m’élance d’un vol rapide vers 
celles de l'occident ; 

10. Ce sera vous, Seignew, 
qui serez mon guide , et votre 
bras me soutiendra durant ma 
course. 

I 1. Si j’osais dire : peut-être 
les ténèbres me déroberont-elles 
aux regards de l’Eternel : les té- 
nébres elles-mêmes éclaireraient 
mes démarches, 

12, Les ténèbres pour lui 
n’ont plus d’obscurité ; pour lui 
les ténèbres et la lumière sont 


une même chose, 


13. Vous connaissez , Sei- 
gneur, mon organisation intime ; 
vous avez ourdi la première 
trame de mes jours, 

1 4. Je vous glorifierai donc 
sur ces étonnantes merveilles ; 
vos ouvrages sont admirables : 
c’est une vérité dont je suis 
pénétré, 

1 5. Pourriez-vous ignorer le 
nombre de mes os que vous avez 
formés dans le silence , et lorsque 
je végétais dans la plus profonde 
obscurité, 


(F0) 


16. Imperfectum meum 


viderunt ocult lui , in 
Libro tuo omnes scribuntur : 
dies formabuntur , et nemo 


in ets, 


17. Mihi autem nimis 
honorificali sunt amici tui 
Deus : 
est principalus eorum. 

18. Dyÿnumerabo eos , et 


supèr arenam, multiplica- 


nimis  confortalus 


buntur : exurrexi, et adhuc 


sum lecunt. 


19: Si occideris Deus 
peccalores nl virt San Suinunr 
declinate à me. 


20. Quia dicitis in cogi- 
tatione : accipient in vanitate 


civilates tuas, 


21. /Vonne qui oderunt 
el 


supèr inimicos Luos tabesce- 


te Domine , oderam 
bam. 


22. Perfecto odio ode- 
ram illos : et inimici facti 
sunt mihi. 


253. Proba me Domine , 
et scilo cor meum : interroga 
me ,; el cognosce sernilas 
MeGss *+ 


16. Tout imparfait que j’é- 
tais , votre œil pénétrant distin- 
guait toutes mes parties ; 
enregistré dans votre livre où 


j'étais 


tout est écrit jusqu'aux secrets de 
l'avenir qu'aucun mortel ne peut 
atteindre, 

17. Que vos conceptions sont 
admirables , 6 mon Dieu ! qu’elles 


sont fécondes en résultats variés ! 


18. Tenterais-je de les sou 
mettre au calcul? J'aurais plutôt 
compté les grains de sable de la 
mer : dès mon réveil ces idées 
magnifiques se présentent à ma 
pensée. 

19: Puisque vous exterminez 
méchants , hommes 


les san- 


guinaires , éloignez - vous de 
moi ! 

20. Ils osent insolemment 
blasphèmer contre vous , et pro- 
fesser leurs impiétés jusques dans 
vos villes, 

21. Pour moi je hais sou- 
verainement ces ennemis de votre 
nom , et leurs excès me fontsécher 
de déplaisir. 

22. Oui , ma haine contre 
eux est implacable : ils sont de- 
venus mes ennemis personnels. 

253. Examinez- moi donc , 
Seigneur , interrogez mon cœur , 


observez toutes mes démarches. 


G3 


( 102 ) 
24. Et vide si via ini- 2 4. Etsi , dansma conduite, 
quilatis in me est : el deduc àl n'y a rien de criminel, faites- 
me in via ælerna. moi donc enfin marcher dans les 


sentiers du bonheur. 


Je ne me permettrai , Messieurs |, aucunes ré- 
flexions sur la beauté de ce cantique ; mais, ou je 
me trompe bien fort, ou dans l'antiquité profane il 
n'existe rien qui puisse soutenir le parallèle. Que 
serait-ce si javais eu le talent d'exprimer les images 
qu’il renferme avec ce style de feu qui , suivant 
l'expression de Ecriture , a servi à les tracer: 


, 


Tgnitum eloquium vehementer ; 


et si le besoin de me rendre intelligible ne m’a- 
vait fait sacrifier ce laconisme oriental si brillant 
et si fecond à-la-fois? Mais notre langue , sous cet 
aspect sur-tout, est trop éloignée de la langue hé- 
braïque , plus énergique que précise , plus pittoresque 
que verbeuse. J'ai dû faire mon étude principale 
d'en exprimer fidèlement le sens ; heureux si le 
succès a répondu à mon zèle, 


( 205 } 


Pad nd 


R ÊE LH EUIOINS 


Sur les différents genres d’écritures en usage chez 
les Egyptiens , à l’occasion de celles qui se trou- 
vent dans un Monument trouvé à Rosette , lors de 
l'expédition des Français en Egypte ; 


Pr M. GourpDi». 


Parmi les ouvrages dont S. Exc. le Ministre de 
l'Intérieur vient, depuis quelaues mois , d'enrichir 
la Bibliothèque de cette ville , se trouvent deux 
lettres sur le monument découvert à Rosette : l'une 
est de M. Sylvestre de Sacy , l'autre de M. Akerlad. 
Ces deux savants distingués et connus s’y occupent 
à lire et à interprèter l'écriture égyptienne de ce 
Monument. 

Voici comme M. de Sacy s'exprime à la page 5: 

Le monument dont il s’agit, et qui a été trouvé 
dans une fouille faite proche de Raschid, que nous 
nommons Rosette , offre trois inscriptions, ou plu- 
tôt une méme inscription en trois caractères diflé- 
rents. Celle que l’on voit au haut de ja pierre est 
en caractères hiéroglyphiques : elle est formée de 
quatorze lignes. Celle qui se trouve à la partie in- 
férieure , et qui est en langue et en caractères grecs, 
occupe cinquante-quatre lignes. Enfin, entre ces 
deux inscriptions , il y en a une troisième contenant 
trente-deux lignes, que je nommerai égyptienne, 
sans cependant assurer positivement que le carac- 

& 4 


(104) 
tère dans lequel elle est écrite, ait été universellement 
adopté dans toute l'Egypte. » 

La réunion de la langue et des caractères grecs, 
de l'écriture cursive ou épistolique des Egyptiens 
avec l'écriture hiéroglyphique sur le même monu- 
ment, ma paru Messieurs, une découverte inté- 
ressante relativement à ’histoire de ces deux sortes 
d'écritures, et j'ai pensé que vous me permettriez 
de remplir quelques instants de vide d’une de nos 
séances , en vous entretenant d'abord des hiéro- 
gliphes, ensuite des écritures épistolographique et 
hieratique d’un peuple l’un des plus célèbres de 
l'aniquité. 

La première manière, et en même-temps la plus 
générale , dont les hommes se soient servi pour 
transmeïtre aux absents leurs pensées et leurs sen- 
sations , pour les instruire des faits et des événe- 
ments qui pouvaient les intéresser , a été de tracer 
image même des objets. Ce genre d’écriure , si 
on peut lui donner ce nom , était celui des premiers 
Egyptiens , des Mexicains et même des sauvages 
de l'Amérique. : 

Mais, outre que cette écriture en tableaux devait 
être longue et diflicile, elle était encore équivoque 
et souvent trompeuse. Aussi voyons-nous que les 
Egyptiens cherchèrent bientôt les moyens de la 
simplifier et de la perfectionner : ils imaginérent les 
hiéroglyphes. 


De l'Ecriture hiéroglyphique. 


Vossius définit les hiéroglyphes des sculprures 
sacrées ; d’où il conclut que les prêtres seuls en 
avaient connaissance. ( Etymologicon, page 248. ) 
Goropius (Hieroglyphicon, lib, LL.) est de même avis, 


(105) 

et les définit Les symboles d’une chose sacrée , gravés 
sur une matière quelconque. Baudini (Dell Obelisco di 
Cesare Augusto ), ditque ce sont des symboles par 
lesquels les Egyptiens avec peu de choses en expri- 
maient beaucoup. Il ajoute que le symbole est 
tout ce qui cache quelque mystère. Voilà sans 
doute pourquoi l’on a donné à cette écriture le 
nom d'hieroglyphe, et que l'on a avancé que l'in- 
terprétation en était réservée aux prêtres seuls , 
tant on est persuadé que ce qui renferme quelque 
mystère est une chose sacrée. 

VWarburton, qui a écrit sur cette matière avec 
autant de philostphie que d’érudition, a détruit 
cette erreur à la defense de laquelle le fameux 
Jésuite Kircher avait co: sacré un volume in-folio , 
intitulé : Theatrum hieroglyphicum. 

A l'autorité de Warburton , on peut ajouter celle 
de Bianchini dans l’expli: ation qu'il propose d'un des 
côtés de l'obelisque de Saint Jean-de Latran, dont on 
trouve Îla traduction, accompagnée de notes par 
Malpeines , à la suite de l'ouvrage de Warburton. 
On y verra que cet obélisque est un monument 
purement historique , et ce sentiment de Bianchini 
est appuye sur les témoignages d'Ammien Marcellin, 
lib, A NII, ); de Diodore de Sicile (lib. 11, n° 53.), 
et sur-tout de Tacite, (Lib. 11, annal. ) 

Cependant Montfaucon (Antig. expl. 1.11, lib. 11.) 
a cru devoir adopter l'opinion de Kircher. Cela doit 
paraître d'autant plus surprenant que Dicdore, qu'il 
cite, dit expressément : « Sesostris éleva deux obé- 
lisques d’une pierre très- dure de six-vingts pieds 
de hauteur, sur lesquels il fit graver le dénombre- 
ment de ses troupes , l'état de ses finances et le 
nombre de nations qu'il ayait soumises, » ( Lib. F, 
page 37.) 


(106) | 

Au témoignage de Diodore de Sicile, Montfaucon 
aurait pu ajouter celui de Strabon, qui dit(lib AV11.) 
« qu'à Thèbes il y avait des obélisques avec des 
inscriptions qui constataient les richesses et le pou- 
voir de leurs rois , l'étendue de leur domination, 
qui comprenait la Scytie , la Bactriane , l'Inde et 
le pays appelé aujourd hui l /onie ; enn la quantité 
de tributs qu'ils recevaient et le nombre de leurs 
troupes qui montait à un million d’hommes.» 7 

À ces autorités on pourrait ajouter ce simple rai- 
sonuement : c’est la vanité qui a fait élever et mul- 
tiplier autant les obélisques; or, cette vanité eût été 
bien ridicule pour ne rien dire de plus, si lin- 
telligence des hiéroglyphes dont ces monuments 
sont chargés eût été réservée à la classe absolument 
la moins nombreuse de la nation, Concluons donc 
que ce genre d'écriture était généralement connu, 
et même d'un usage assez familier pour qu'on le 
rencontrât sur les bandelettes des momies, comme 
on peut s'en convaincre en parcourant le recueil 
de Caÿlus, et comme le dit Bruce ( «. Z , pag. 155) 
dans son voyage aux sources da Nil, 

Le même Bruce nous apprend qu’il a trouvé des 
obélisques de quatre sortes ; « les premiers , dit-il, 
n'ont qu’un contours qui n'est qu’indiqué et à peine 
tracé eur la pierre ; les seconds sont creusés , et 
dans le milieu s'élève une figure en relief dont la 
partie la plus haute est de niveau avec la pierre 
même , tandis que tout autour il y a une petite 
bordure qui semble avoir été faite pour préserver 
l'hiéroglyphe d'accident ; les troisièmes sont en bas- 
reliefs: la figure est proémirente sur la pierre, et 
n’est défendue d'aucune manière; les quatrièmes 
sout enfin ceux qui sont sculptés à un demi-pied 
de profondeur. Tous ces hiéroglyphes , excepté ceux 


( 107 ) 
de la dernière espèce , sont peints en rouge , en bleu, 
en verd, sans mélange d'aucune autre couleur, » 

Clément d'Alexandrie, et Porphyre sont les plus 
anciens auteurs , du moins que je connaisse , qui 
nous aient fait connaître, sinon le premier , au moins 
le second genre d'écriture des Egyptiens. Mais ces 
auteurs sont si modernes, relativement aux monu- 
ments qui nous restent de cette écriture, qu’il est 
probable qu’il y avait déjà bien des siècles qu’elle 
était abandonnée , puisqu’à peine se trouvait-il de 
leur temps quelques savants qui pussent la lire et 
Pinterpréter ; peut-être même dès-lors ne lisait-on, 
n’interprétait-on ces monuments qu’à l’aide de la 
tradition ou de quelques-autres monuments pos- 
térieurs , écrits en caractères dont l'usage s'était 
conservé ? 

Quoique je ne donne ceci que comme une conjec- 
ture , elle n’est point dénuée de fondement , puisque 
dans le monument de Rosette , à l’occasion duquel 
me sont venues les réflexions dont j'ai l'honneur de 
vous entretenir, on trouve, selon M. Sylvestre de 
Sacy , la même inscription tracée en écriture hié- 
roglyphique et en écriture cursive ou épistologra- 
phique. C’est de cette dernière , ainsi que de l’hiéra- 
üque , qu’il me reste à vous parler. 


Des Ecritures cursives et sacerdotales. 


I serait sans doute curieux et intéressant, Mes- 
sieurs , de suivre, d’après Porphyre et Clément 
d'Alexandrie , la marche de l'esprit humain dans 
les différentes manières dont on a simplifié et par- 
conséquent perfectionné l'écriture hiéroglyphique , 
comment on y à introduit une écriture symbolique. 
Clément d'Alexandrie distingue trois sortes de sym- 


(108 ) 

boles qu'il appelle écriture curiologique , écriture 
tropique et écriture énigmatique. La curiologique 
était la peinture même de l'objet : ainsi on repré- 
sentait le soleil par un cercle , la lune par un demi- 
cercle. La tropique consistait à représenter une 
chose qui n'avait point de traits par une autre qui 
en avait, pourvu qu'entre les qualités de l’une et 
de l’autre , il se rencontrât quelqu’analogie : telle 
était celle qu’ils croyaient exister entre Dieu et le 
Faucon. Les propriétés du faucon sont la fécon- 
dité , une longue vie et un certain rapport avec 
le soleil. Ils le croyaient donc propre à représenter 
d’une manière tropique l’Etre qui produit toute 
chose , qui est éternel, et dont le soleil est une 
image si frappante que les Perses et plusieurs peu- 
ples d'Orient ont pris cette image pour la réalité 
et lui ont rendu un culte. 

L’énigmatique suppose entre les propriétés de 
l'objet représenté et celles de l’objet qu’on veut 
désigner, des rapports éloignes et moins frappants- 
C’est à ce dernier genre qu’il faut rapporter le 
scarabée , si commun sur lés monuments égyptiens , 
parce que cet insecte ayant renfermé ses œufs 
dans une boule de fiente de vache , la roule en 
sens contraire à sa marche , et désigne par là le 
mouvement apparent du soleil d’orient en occident, 
tandis que la terre est emportée d'occident en 
orient. 

Ces trois sortes d’écritures se trouvent réunies 
dans l’inscripüon du temple de Minerve , à Sais , 
sur laquelle on peut consulter Plutarque dans son 
livre d’Jsis et d’Osiris ; et les observations de M, 
Gibert, Mémoires de l’Académie des Inscriptions , 
tome XXXF , page 665. 

Quelqu’ingénieux que fût ce genre d'écriture, il 


( 109 ) 
est probable qu'il fit bientôt place à deux autres, 
l'épistolique et l'hieratique. De ces deux écritures , 
plus simpies et plus aistes, l'une devint d'un usage 
ordinaire, l'autre fut réservée pour les mystères 
de la Religion. 

Ici se présentent plusieurs questions : les trois écri- 
tures , lhiéroglyphique , l'épistolique et l’hiératique , 
ont-elles régné en même - temps? L’épistolique ou 
cursive exprimait-elle des sons et non des objets? 
L'hiératique ou sacerdotale venait-elle de la sym- 
bolique énigmatique conservée par les prêtres pour 
lui confier les mystères de leur religion et les secrets 
de leur science ? 

Porphyre , parlant de Pithagore , dit : « qu’il de- 
meura avec les prêtres d'Egypte, qu'il fut instruit 
dans lu sagesse et dans la langue du pays, aussi 
bien que dans les trois espèces de lettres , lépis- 
tolique , l'h éroglyphique et la symbolique. » 

Clément d'Alexandrie s'exprime ainsi : « Ceux 
que l’on instruit dans la sagesse égyptienne appren- 
nent ayant tout les différentes espèces de lettres : 
la première appelée épisrolique , la seconde appelée 
sacerdotale , et V'hiéroglyphique qui est la deruière 
et la plus parfaite. » 

Du texte de ces deux auteurs plusieurs modernes 
ont conclu que l'écriture cursive ou épistolique 
était la plus ancienne, et que l’hiéroglyphique etait 
la dernière. C’est le sentiment de deux auteurs 
anglais, Shuckfort (1) et Théophile Gale (2). Celui 


QG) The hieroglyphical way of writing was not the most 
ancient way of writing in Egypt, ( Connect, of the sac, and, 


prof. history x vol. p. 230.-=vol. à, pp. 203,294, 333, 554. 


(2) Whence the Egyptians and other nations borrowed theer 


( 110 ) 
ci veut même que les Egyptiens aient emprunté 
des Juifs leur sagesse hiéroglyphique ; hieroglyphic 
and symbolic wisdom. 

C’est aussi ce que soutenait le P, Kircher dans 
son Ædipus égypriacus ; ouvrage si rare que je ne 
l'ai rencontré dans aucune des bibliothèques que 
j'ai consultées. 

Warburton , dont les passages de Porphyre et 
de Clément d'Alexandrie contredisaient le systéme , 
n'hésite point à dire que ces deux auteurs se sont 
trompés en donnant l’antériorité à l'écriture épisto- 
lique ; et Malpeines, dans ses Notes , réunit tons 
ses eflorts en faveur de celui dont il traduit l'ouvrage. 

Mais si Warburton eût fait attention à ce qui 
précède et à ce qui suit ce passage de Clément 
d'Alexandrie , tiré de ses Stromates , il y aurait vu 
qu'il s’y agissait de la manière dont on procédait dans 
l'instruction non des élèves, comme l'avance M. 
Gibert dans les Mémoires de l'Académie des Ins- 
criptions, mais de ceux qui voulaient, comme Pytha- 
gore, se faire initier dans la sagesse égyptienne. 
Alors on voit la raison de la conformité qui règne 
entre les deux passages de Porphyre et de Clément 
d'Alexandrie. On commencait par donner au néophite 
la connaissance de l'écriture cursive ou épistolique , 
de là il passait à l'écriture hiératique ou sacerdotale ; 
enfin il parvenait à l'intelligence des hiéroglyphes , 
et c'était le dernier degré d'instruction , comme le 
plus parfait. 

Le monument de Rosette pourrait servir de 
lo 
hieroglyplie and symbolic wirdom, { The court of the gen-- 
tiles concerning the original of humane litterature from the 


5 
scriplure and jewish church. in-4° 1651, ) 


Corit) 

preuve à ce que j'avance. L'inscription grecque porte 
que le décret qu'il contient sera gravé en trois 
sortes de caractèies , sacrés , locaux et grecs : les 
lettres sacrées , dit M. Sylvestre de Sacy , sont ici 
opposées aux lettres locales. Je ne sais si l'expres- 
sion opposées est celle qui convient bien ici, puis- 
que selon lui, c’est une méme inscription en trois 
sortes de caractères diflérents, dont le premier est 
composé d’hiéroglyphes , le second est l’écriture 
locale et le troisième est le grec. 

On demandera peui-être si dans l'ordre de lin- 
vention l'écriture hiératique on sacerdotale a suc- 
céde immédiatement à l’hiérog'yphique , où bien si 
c'est la cursive ou épistolique. 

Warburton peuse que c’est cette dernière qu’il 
nomme politique, qui exprimait les sons, qui était 
syllabique , comme on le voit dans le monument 
de Rosette. 11 ne parait pas qu’il en fût de même 
de l’hiératique ou sacerdotale , à en juger par ce 
qu'Apulée rapporte dans son Ane d'or, 

Voici comme il s'exprime : « Le bon vieillard 
m'ayant pris par la main, me mena à la porte du 
temple ; après qu’elle fut ouverte avec les cérémonies 
accoutumées et que le sacrifice du matin fut achevé , 
il tira du fond du sanctuaire certains livres pleins 
de prières écrites avec des caractères inconnus , 
qui contenaient les termes des formules sacrées 
en abrégé , sous les figures de toutes surtes d’ani- 
maux et d'une grande quantité d’accents, les uns 
formés comme des nœuds, les autres ronds eu 
facon de roues et les autres tortueux comme les 
tenons qui attachent la vigne à ses soutiens ; ce 
qui était ainsi pour empécher que les profanes trop 
curieux ne pussent les lire : il me lut dans ce livre ce 
que je devais préparer pour mon initiation, » 


(112,3 

L'écriture sacerdotale était donc, selon Apulée, 
absolument énigmatique. Elle tenait assez près aux 
hiéroglyphes , cependant il ne parait pas qu'elle 
fût antereure à l’épistolique ou hlphabétque , et 
telle est celle du monument de Ruseite que M. 
Akerlad semble à tort qualifier d’hiératique, puis- 
qu'elle est purement syllabique. 

Quant au monument de Rosette, s'il porte absolu- 
ment le même décret en trois sortes de caractères , 
alors il ne remonte point à des siècles bien reculés; 
à moins , et je serais très-porté à le croire, quil 
ne soit qu’une copie d’un monument plus ancien 
que l’on voulait conserver, et dont le grec alors 
ne serait que l'interprétation. 

Si l'on parvenait à découvrir encore quelque 
monument semblable , on en pourrait peut-être con- 
clure que quand l'écriture hieroglyphique fut tombée 
en désuétude , que la connaissance des hiéroglyphes 
commença à se perdre , pour en conserver le sens 
et l'intelligence on y ajou'a une interprétation en 
_écriture cursive et locale , comme s'exprime la 
traduction grecque. 

Au reste le monument de Rosette, s'il était uni- 
que en son genre, men serait que plus précieux ; 
et quand les savants auteurs des deux lettres qui 
nous ont été envoyées auront achevé leur travail 
et en auront publié Pinterprétation ,; on ne peut 
douter qu’elle ne contribue beaucoup à aider à 
découvrir le sens des hicroglyphes. Alors les monu- 
ments répandus dans toute l'Egypte avec une sorte 
de profusion une fois connus , on ne peut douter 
qu'il ne jettent une grande lumière sur l'histoire 
d'un des plus célèbres et des plus anciens peuples 
du monde, 


LE 


( 113 ) 


PE PAVOT ET CEMREUMTER, 
FABLE. 


Par M. GurrincueRr fils. 


Resplendissant des plus riches couleurs, 
Étalant son manteau de pourpre et d’amaranthe, 
Un Pavot se croyait au moins le Roi des Fleurs, 
Et levait sa tète arrogante, 
Le Hasard l'avait mis près d’un tas de fumier ; 
Vous jugez du mépris dont sa Royale Altesse 
à Honorait cet impur bourbier. 
Déjà Seigneur Pavot rédigeait une aüresse 
Pour demander au Souverain des Dieux, 
Au nom des Princes de sa race, 
Une plus digne place 
De son rang et de ses aïeux. 
Jupin s’en occupait....., lorsque les vents soufflérent, 
Feuilles de pavot s’envoltrent ; 
Sur la paille, en tombant, dès le soir se fanérent, 
Et voilà mon Seigneur altier 


Lui-même devenu fumier. 


Sots Glorieux, insultez la misère ; 
Voyez comme de vous la Fortune se rit : 
Votre éclat n’est qu’une chimére, 


Un souffle le détruit, 
H 


(114) 


RAA A A A 


À 


VERS 


Improvisés devant la Statue de Henri IV, lors de 
l'entrée du Roi à Paris, en 1814; 


Par M, GuTTinGuzr fils. 


Te voilà donc enfin de retour parmi nous ! 
Combien j'aime à revoir ce regard noble et doux, 
Ces traits où la grandeur s’unit à la franchise, 
Cet aimable souris, cet air de gaillardise, 
Ta présence est encor , pour le peuple français, 
Le signal du bonheur, le signal de la paix ; 
Tu viens nous pardonner nos erreurs, nos blasphèmes , 
Box Hexni! ce n’est point pour la premiére fois, 
Mais , ne pouvant haïr, tu nous plains, tunous aimes... 


Le pardon n est-il pas la vertu des bons Rois ! 


Ab ! ceux qui, n’écontant que leur aveugle rage, 
D’un Héros vertueux renversèrent l’image ; | 
De pareils insensés oubliaient que ton cœur 
Du moindre citoyen désirait le bonheur ; 

Is oubliaient ces traits de bonté, de simplesse, 
Cette grace touchante et ces mots consolants 


Dont l’heureux souvenir fera dans tous les temps 


Couler de tous les yeux des larmes de tendresse! 


Fuyons le Souverain esclave des grandeurs, 
Que l’éclat éblouit, que la crainte environne, 
Et qui, vivant sans cesse entouré de flatteurs ; 


Ne sait pas quelquefois descendre de son trône, 


(m5) 
Et sachons t’admirer, toi qui connus bien mieux 
Le grand art de régner , de plaire et d’être heureux ! 
Combien cet art est loin de la fière arrogance 
De ces tyrans sans cesse épouvantant les yeux 
De l'aspect effrayant de leur sombre puissance ! 
Combattre, commander, vaincre était tout pour eux. 
Tandis que, résistant à ta noble vaillance, 
Tu te plaignais du sort quand il armait ton bras, 
Et même en triomphant détestais les combats, 
Puisqu’ils devaient coûter des larmes à là France ! 
Aussi, lorsque le ciel, remplissant ton espoir, 
D'un fils tant désiré te rendit heureux père, 
A peine il entr’ouvrait ses yeux à la lumière 


Que déjà tu venais lui dicter son devoir ! 


Quel moment ! quel tableau! dans une douce ivresse , 
Tu presses sur ton cœur cet enfant précieux ; 
Tu crois déjà le voir l’appui de ta vieillesse, 
Et les plus tendres pleurs s’échappent de tes yeux ! 
Armant ses faibles mains de ta vaillante épée, 
Tu lui tieus ce langage : « O mon fils! mon cher fils, 
» Que dans le sang jamais elle ne soit trempée, 
» Si ce n’est pour ton Dieu, l’honneur et ton pays! 


Apprends à distinguer la véritable gloire ; 
PI 5 6 5 


3 


» Mon fils, par tes vertus régnes sur tes sujets; 
» Qu'on lise dans ton cœur : le moindre des bienfaits 


» Effacera toujours la plus belle victoire ! », 


O sublimes pensers ! sentiments généreux , 


Vous distinguez encor les ames magnanimes 


H 2 


(116) 
De ces Rois que nous rend la clémence des Dieux, 
Et qui, d’un si bon Prince héritiers légitimes, 
À son exemple, humains, sensibles, bienfaisantss 


Trouvent dans leurs sujets leurs amis, leurs enfants. 


O Louis ! mon cœur s'ouvre à la douce espérance 
Que tes peuples aussi chériront ta puissance ; 
Que, protecteur du juste et défenseur des lois, 
Tu rendras aux Français le meilleur de leurs Rois ! 
Hexmi, Louis, tous deux bienfaiteurs de la terre, 
‘Seront l’objet d’un culte éternel et sincère, 
Et dans cet heureux jour, comme dans l’avenir, 


Je vois ces noms unis, je les entends bénir. 


FLORE AUX FRANÇAIS. 
ÉLÉG1E. 


P4Ar M, DurPruTesz. 


Lorsque ma présence en tous lieux 
Fait renaître le doux empire 
Des Ris, des Graces et des Jeux, 
Et de l’Amour et du Zéphire, 
Comment pouvez-vous , à Français, 
Par la plus cruelle injustice, 
De vos fureurs, de vos excès 


Vouloir me rendre la complice ? 


En vain, nuancant leurs couleurs, 


Pour vous des plus brillantes fleurs 


Cu) 
J’émaille la fraîche verdure ; 
En vain de vos riants bosquets 
Mes guirlandes et mes bouquets 
Font, hélas ! toute la parure. 
Ingrats ! faut-il de mes bienfaits 
Que je me repente moi-même, 
Voyant les dons que je vous fais 
Dans vos mains devenir l’emblème 


De la révolte et des forfaits ? 


Depuis que l’affreuse anarchie, 
Aiguisant dans l’ombre ses traits, 
Pour mieux cacher sa perfdie, 

À pour signe adopté la fleur 
Image de la modestie 

Et symbole de la candeur, 
Aux amants autrefois si chère, 
Aucun berger de sa bergère 
N'oserait plus en embellir 

La panetière ou la houlette, 
Et ne peut même sans pâlir 


La fouler encor sur l’herbette, 


Mais puisque de la Violette 
Le règne n’a que peu d’instants, 
Qu'elle fuit avec le printemps, 
Pourquoi la Discorde cruelle 
Et ses enfants séditieux 
De votre pays malheureux 


N'ont-ils pas aussi fui comme elle ? 


H 


2 


(118) 

À leur tour, les œilletsrivaux , 
De ces deux roses trop fameuses 
Dans les annales odienses 
De la guerre et de ses fléaux , 
Deviennent le signal des maux 
Qu’entraine toujours la vengeance, 
Et je la vois de flots de sang 
Toute prète à couvrir la France, 


Pour l'œillet rouge et l’œillet blanc, 


Cruels ! quelle est votre folie ! 
Abjurez, je vous en supplie 
Enfin ces trop longues erreurs, 
Et, sous l’empire d’un Roi sage 
Qui revient pour sécher vos pleurs, 
De mes dons et de mes faveurs 


Sachez faire un meilleur usage. 


Venez, de mes plus belles fleurs , 
Sous un ciel pur et sans orage , 
Dépouiller les champs , les bosquets ; 
Mais, pour en embellir vos fêtes, 
Pour en parfumer vos banquets 
Ou pour en couronner vos têtes ; 

Et ne mariez désormais 
Aux lis, que tout bon Français aime, 
Que l'olivier, touchant embléme 


Et du bonheur et de la paix, 


( 119 ) 


CHARLOTTE CORDAY, AVANT DE MOURIR, 
À SON PÈRE. 


HÉROÏDE 


Composée en 1793, etlue dans une séance particulière 
de l’Académie, le 29 avril 1814. 


Par M. DuPuTerz. 


Recçois, dans cet écrit, mes éternels adieux, 
O mon père! Bientôt, pour toujours, à mes yeux 
La lumière du jour doit être, hélas! ravie... 
On dresse l’échafaud où je perdrai la vie. 
L’échafaud,... qu’ai-je dit? Une secrète horreur 
A ce mot infamant a comprimé ton cœur : 
Tu crains que, flétrissant l’honneur de sa famille. 
Par quelque vil forfait , ta malheureuse fille 
A la honte, au mépris n’abandonne tes jours, 
Dont toutes les vertus embellissent le cours, 
Mais ne redonte rien : des tyrans l'injustice 
Peut häter mon trépas par le dernier supplice, 
Du devoir en tout temps ayant suivi la loi 


Charlotte périra toujours digne de toi. 


L'amour de mon pays, oui, voilà mon seul crime ! 
Si du peuple aujourd'hui j’expire la victime, 
Je suis certaine au moins d’avoir pu le servir ; 
Avec cette assurance il est doux de mourir. 


H4 


( 120 ) 

Je n’ai pu sans frémir voir, hélas! ma patrie 
Sous un sceptre de fer lächement asservie , 
Et l’homme le plus vil et le plus scélérat, 
Usurpant les pouvoirs du peuple et du sénat, 
Au nom sacré des lois exercer sa vengeance, 
Sur Le tombeau des mœurs proclamer la licence , 
Se dire ami du peuple et de l'humanité, 
Et remplir tous les lieux de sa férocité, 
Que dis-je? Des forfaits pour combler la mesure, 
( Français, vous souffriez une pareille injure ! } 
De la proscription , apôtre forcené , 
Au mépris d’un mandat de vous seul émané, 
De la loi profanant l’auguste sanctuaire , 
Dévouer à la mort, d’une voix sanguinaire , 
Des magistrats zélés dont les soins et les vœux 


Ne tendaient qu’à briser un joug trop odieux, 


J'ai de venger leurs droits conçu la noble audace. 
La crainte dans mon cœur à la fureur fit place, 
Aussitôt vers Paris j’ai dirigé mes pas, 

Bien certaine, ilest vrai, d’y trouver le trépas, 
Mais l’ame pleine aussi de la douce espérance 


Que ma main de Marat détruirait la puissance, 


Le ciel a secondé mon généreux dessein... | 
Le monstre enfin n’est plus !..…. dans son coupable sein 


J'ai plongé le poignard... j'ai sauvé la patrie ! 


Aveuglés cependant par son hypocrisie ; 
Les Francais , dans ce tigre ältéré de leur sang , 
Regrettent de leurs droits l'appui Le plus puissant, 


Je ne suis à leurs yeux qu’un être abominable, 


(r2r) 


De quelqu’obscur complot instrument exécrable , 
Et la mort est le prix des sublimes vertus 


Qui firent autrefois déïfier Brutuse 


Mais j’excuse l’erreur dont je suis la victime, 
Dans l'espoir que bientôt, apercevant l’abime 
Où son perfide ami, sans moi, l’eùt entrainé, 
Ce peuple que je vois à ma perte acharné 
Rendra publiquement hommage à l'innocence, 
Et que l’homme sensible avec reconnaissance 
Prononcera mon nom qui, cher à nos neveux , 


Sera toujours cité parmi les plus fameux. 


Je ne me flatte point d’une vaine chimère : 
Si ces fiers conquérants, dont le bras sanguinaire 
Porte le fer, la flamme au milieu des états, 
Sont certains de survivre à la nuit du trépas, 
Et qu’un jour leurs exploits , conservés dans l’histoire, 
Aux siècles à venir transmettront leur mémoire, 
Sans avoir partagé leur inhumanité , 
J'ai des droits bien plus sûrs à l’immortalité. 
Ils s’arment, j’en conviens, aussi pour la patrie; 
Mais par combien d’horreurs leur vietoire est flétrie ! 
Peuvent-ils sans regrets se parer de lauriers 
Teints du sang précieux des plus braves guerriers ? 
Pour moi je ne sens point de remords qui m’accable : 


Si j'ai versé du sang...., c'était un sang coupable. 


Peut-ttre, hélas ! mon père , ah ! toi-même... mais quoi! 
L'on entre en mon cachot !..., Barbares, laissez-moi ! 
Ce n’est pas que je veuille au couteau qu’on apprète : 


Par un lâche retard, soustraire ici ma tête. 


( 132) 
J'ai su braver la mort, je saurai la souffrir ; 
Moi-même à l’échafaud j'irai... j'irai m’offrir, 
Mais avant... permettez..…., À ma vive prière, 


Pourriez-vous être sourds ?..., que j’écrive à mon pére! 


C’esten vain ! l’on m’entraiîne.,, ah! du moins, ô mon Dieu! 
Dans ce fatal instant, reçois mon dernier vœu. 
Tu connais, en ce jour , quelle est mon innocente ; 
Ma voix n’implore point cependant ta vengeance, 
Mon cœur est étranger à ce vil sentiment : 
Je pardonne aux Français dans leur éparement. 
Puisse-tu d’eux aussi détourner ta colère! 


Le seul vœu que je forme , hélas } est pour mon pére. 


Si l’on doit en ces lieux voir fleurir le bonheur, 
Si la mort du tyran qui sous mon bras vengeur 
Reçut de ses forfaits la juste récompense , 

Du régime de sang hâte la décadence ; 

Si la vertu, l’honneur, la justice et la paix, 
Dont l'aurore déjà brille pour les Français 
Peuvent faire sur eux luire un jour sans orage, 
Si l’on cueille , en un mot, les fruits de mon courage, 
Ah! veille sur ses jours, fais que de mon trépas 
Le souvenir amer ne les abrége pas. 

Qu'il vive pour jouir long-temps de ma victoire ! 
Mais si (triste présage auquel je ne puis croire! } 
Si l’odieux Marat avait un successeur 

Qui régnät comme lui par la seule terreur , 

Et de Ja liberté voulût ; à son exemplé, 

Sur des moneeaux de motts édifier le temple , 


Si de sang innocent des milliers d'échafauds 


(11230) 
Doivent être encor teints ; enfin si des bourreaux 
Le mien seul ne peut pas assouvir la colére, 
D'un œil compatissant regarde alors mon père. 
En le précipitant dans la nuit du tombeau 
Dérobe à ses regards cet affligeant tableau ; 
Car, lorsqu'il voit régner le crime et l’injustice, 


Pour l’homme vertueux la vie est un supplice. 


A Te 


FRAGMENT DU POÈME DE JEANNE D'ARC ; 


PAR M. P. DumEentrr. 


Ce Fragment commence immédiatement après 
l'exposition. 


L’Archange bienfaisant que Dieu daigna charger 
De veiller sur la France et de la protéger , 
Eliel , immobile au milieu d’une nue 
Sur les ailes des vents dans les airs soutenue , 
Abandonnant son ame à de tendres douleurs, 
De l’empire des lis déplorait les malheurs, 
Son bras, sans le secours de la bonté divine, 
N'en pouvait plus long-temps retarder la ruine : 
Pour sauver ün état si cher à son amour, 
Il résoud de monter vers lPéternel séjour , 


Et d’aller , par ses pleurs , par sa voix gémissante , 


Invoquer du Très-Haut la clémence puissante, 


Tout-à-coup ; dans l’espace , ouvrant ses ailes d’or ; 


Plus rapide que l'aigle , il a pris son essor ; 


C124) 
Et, tandis que de l'air il franchit l'étendue , 
Emporté par son vol , il fixe encor sa vue 
Sur la France commise à ses soins bienfaisants. 
Mais bientôt elle échappe à ses regards perçants : 
Les mers , les continents confondent leur surface ; 
Et le globe habité par la mortelle race 
Ne parait à ses yeux , fixés du haut des airs, 
Qu'un vil monceau de fange où fourmillent des vers. 
D'un voi impétueux Poursuivant sa carrière , 
Il s'élève au-dessus de l’astre de lumiére , 
De ce bas univers admirable flambeau 5 | 


Et soudain devant lui. s’ouvre nn monde nouveau, 


Là , dans l’immensité , de toutes parts semée , 
Luit de soleils sans nombre une foule enflammée. 
Ils n’ont jamais connu de matin ni de soir ; 

Et jamais, autour d’eux » ouvrant son voile noir , 
La nuit n’ose obscurcir leur splendeur éternelle, 
De l’empire des lis le Protecteur fidèle ; 
S’éléve ‘au milieu d’eux » rayonnant de beauté ; 
Et l’éclat dont il brille égale leur clarté, 

Un vêtement , tissu d’une lumière pure, 

Couvre son corps subtil ; sa noble chevelure 
Est pareille aux rayons qui de l’astre du jour, 
Aux bords de l’orient , annoncent le retour ; 
Des célestes soleils les flammes immortelles 
Semblent embraser l'or de ses brillantes ailes É 
Et partout des torrents d’une vive splendeur 
Jaillissent de son front, que le Dieu créateur 


A formé d’én rayon de sa gloire adorable. 
8 


= 


(:1abr) 


Mais une pitié tendre , une douleur aimable , 


À travers cet éclat respirent dans ses yeux. 


Tel alors Eliel s'élevait vers les cieux. 
Bientôt à ses regards , pleins d’une sainte joie, 
De l’éternelle paix le séjour se déploie , 
Mille fois plus brillant que les soleils nombreux 
Qui roulent au-dessous leurs globes lumineux. 
D'un vol précipité l’Ange éperdu s’élance. 
Déjà du Roi des cieux il ressent la présence ; 
Et, par ses vifs transports , déjà l’amour divin, 
D'un mouvement plus prompt fait palpiter son sein, 
Il approche , il arrive , et dans l’auguste enceinte 


Il entre , plein d'amour, de respect et de crainte. 


Dans le centre du ciel , tel qu’un mont radieux 
S’éléve du Très-Haut le trône ghorieux. 
Les soleils , éclipsés par sa vive lumiëre , 
Près de lui paraîtraient une obscure poussière. 
Quoique , de toutes parts, des nuages profonds 
Environnent ce trône et voile ses rayons , 
Cependant , à travers leur ombre solennelle, 
Un immense océan de splendeur éternelle 
Se répand à l’entour dans l’auguste palais. 
Si Dieu se dépouillait de ces voiles épais , 
Aussitôt | consumés du feu de sa présence , 
Tous les êtres divers que créa sa puissance 


Fuiraient dans le néant devant sa majesté, 


Autour du trône , assis sur des flots de clarté, 


Les Anges et les Saints , remplis des chastes flammes 


( 126) 
Que l’ineffable amour fait brûler dans leurs ames , 
Toujours du Dieu vivant célébrent les grandeurs. 
Des célestes esprits les innombrables chœurs 
Mélent aux doux accents des louanges divines 
Le son des harpes d’or ; et les sphères voisines, 
Qui , sans cesse , en roulant sur leur axe de feux, 
Font au loin retentir un bruit mélodieux , 
Semblent accompagner ces concerts de louanges. 


Ainsi chantaient alors les Elus et les Anges : 


« Saint , trois fois saint le Dieu qui créa l’univers ! 
» Chantons, louons ce Dieu par nos pieux concerts. 
» Seul dans l’immensité , se contemplant lui-même , 
» Ïl reposait , heureux de sa grandeur suprême. 
» Il parle : du néant , fécondé par sa voix , 
» Tous les mondes pressés s’élancent à-la-fois. 
» Les mondes passeront : leur auteur adorable 


» Remplit l'éternité de son être immuable. 


» Nousn’étions pas, grand Dieu ! Tu veux ; et nous vivons 
» Pour t’aimer à jamais , pour jouir de tes dons. 
» Le Seigneur de ses dons nous comble sans mesure : 
» Pour rapprocher de lui notre faible nature , 
» Il daigne jusqu’à nous abaisser sa grandeur, 


» Saint, trois fois saint le Dieu qui fait notre bonheur ! ?’ 


Au milieu de ces chants , Eliel en silence , 
Près du trône éternel avec respect s’avance ; 
Tombe à genoux , s’incline , ct, plein de ses douleurs , 


, LI 
S’apprète, de son peuple, à pleurer les malheurs 


(1279 
Que du Dieu de bonté le bras seul peut suspendre. 
Les innombrables chœurs se taisent pour l’entendre ; 
Et tous les Rois français qui ,. d’éclat revétus , 
Jouissent dans le ciel du prix de leurs vertus , 
Jnquiets , à l’aspect de sa vive tristesse , 
Sur le sort d’un état si cher à leur tendresse, 
Brülent d'apprendre enfin quel sujet important 
Le conduit en ce jour vers le trône éclatant, 
Eliel | par ces mots, en faveur de la France 
Du Monarque des cieux implore la clémence , etc. 
sbje see a pe nimiete te culatcieldeteide HIER ee 


nono none es sense 


EFFET GÉNÉRAL D’UN COMBAT. 


Extrait du troisième Chant. 


D'abord les traits aigus , les belliqueux roseaux 
S’élèvent en fureurs des bataillons rivaux , 
Et, brillant des rayons de l’astre de lumière 
Qui s’avance au milieu de sa vaste carrière 
Semble voler en feu dans les airs embrasés, 
Comme on voit , quand les vents, de deux points opposés , 
Dans les plaines du ciel assemblent les orages , 
L'un contre l’autre armés , deux sinistres nuages 
S’élancer , et soudain de leurs flancs entr’ouverts , 
Vomir avec fureur d’innombrables éclairs 
Tels , et plus meurtriers que ces flammes rapides, 
Se croisent dans les airs les traits de sang avides. 
Percés du fer volant qui porte le trépas , 


Déjà des deux côtés succombent les soldats : 


(130) 
Et ce voile effrayant qui ternit leur splendeur , 
De leur terrible aspect a redoublé l'horreur. 
Par-tout on voit, frappés d’une homicide atteinte , 
Les héros succomber sans terreur et sans plainte ; 
Les chevaux belliqueux , du fer mortel percés , 
Ecraser sous leur poids leurs maitres renversés ; 
Et, les naseaux fumants, au milieu du carnage , 
Ceux des vainqueurs s’ouvrir un glorieux passage. 
Tels que les vignerons , quand le raisin vermeil 
Sur le pampre a müri par les feux du soleil, 
Foulant sous leurs pieds nus la vendange dorée , 
Font jaillir autour d’eux une liqueur pourprée ; 
Bondissant sur les morts , tels les fougueux coursiers 
Da sang qui rejaillit souillent leurs flancs guerriers, 
La fureur du combat toujours se renouvelle , 


Et de longs flots de sang la terre au loin ruisselle. 


Tandis que ces héros , pleins des feux de l’honneur , 
Par de brillants exploits signalaient leur valeur , 
Les fantassins , armés de piques acérées , 
Entrechoquaient aussi leurs phalanges serrées : 
Par les casques frappés , les casques résonnaient ; 
Contre les boucliers les boucliers tonnaient ; 
Et les piques , dans l’air par les piques croisées , 
Heurtaient avec fracas leurs pointes opposées , 
Comme les blonds épis, jaunis par la chaleur , 
Succombent sous les coups de l’adroit moissonneur , 
Telle on voyait tomber cette brave jeunesse , 
Les rangs , toujours rompus , se reformaient sans cesse , 
Semblables aux serpents qui, par le fer tranchés, 


Rejoignent aussitôt leurs tronçons rapprochés, 


» 
+ 


REFLEXTIONS 


Sur les Antiquités des Départements de l'Eure et 
de la Seine-Inférieure , et notamment sur les restes 
d’Agnes Sorel ; 


Par M. Aucusre LEPREvVosT. 


MESSIEURS, 


Au moment où le vandalisme révolutionnaire vient 
de consommer la destruction de presque toutes les 
maisons religieuses élevées par la piété de nos 
pères, il eût été à désirer que des descriptions 
exactes et des dessins fidèles consolassent , autant 
que possible, de leur perte, les amateurs des arts 
et des antiquités. Il est pénible , pour l’orgueil na- 
ional , de penser que, pendant que nous laissons 
avec une froide indifférence s’eflacer les derniers 
vestiges de ces respectables monuments , c’est à 
des étrangers que la postérité devra savoir gré des 
seuls efforts tentés récemment pour leur description. 
Oui, Messieurs , sans le voyage que vient de faire 
dans les départements de la Seine-Inférieure et de 
l'Eure un savant Anglais, M.le Major Anderson, 
sans les soins qu'il a mis à s'y procurer des vues 
et plans des principaux monastères détruits ou 
tombant en ruines , nos descendants n'auraient peut- 
être pu juger de ces édifices que par des indica- 
tions vagues et incomplettes , éparses &ans des 
ouvrages difficiles à rassembler. Puisse la prochaine 
publication de la riche moisson de renseignements 


La 


(+729 
qu’il a amassés pendant son voyage nous en as- 
surer pleinement la jouissance et nous dédommager 
de la négligence de nos compatriotes à cet égard ! 

Mais , tout en rendant au travail de ce savant 
la justice qui lui est due, et en en proclamant la 
haute utilité, on ne peut se dissimuler qu'une foule 
d'objets intéressants et respectables lui ont échappé 
ct ne pouvaient même entrer dans son plan. Com- 
bien de ces objets d’ailleurs n’ont-ils pas été dé- 
truits, sans laisser aucune trace après eux ? Que sont 
devenus, par exemple, tous ces tombeaux qu’une 
longue succession de siècles avait entassés dans ces 
pieux asyles ? Ils ont été impitoyablement violés, 
brisés , pillés, et leurs débris dispersés au loin. 
C’est en vain que l'antiquaire, l'historien , l'artiste , 
l’homme religieux les chercheraient au milieu des 
décombres : le marbre et la pierre dont ils étaient 
composés ont tenté la cupidité des spoliateurs ; ils 
ont été emportés souvent à de grandes distances , 
et consacrés aux usages les plus éloignés de leur 
primitive et pieuse destination. 

C'est ainsi qu’on espérerait vainement retrouver 
parmi les ruines de l'antique abbaye de Jumièges la 
tombe où furent déposées les entrailles d'Agnès Sorel. 
Les restes de cette femme illustre, qui sut si bien 
ranimer dans le cœur d’un Roi naturellement peu 
guerrier les nobles inspirations de l'esprit national , 
et qui contribua si puissamment à délivrer la Nor- 
mandie et la France presqu'entière d’un joug odieux, 
n'ont point trouvé grace auprès de furieux déma- 
gogues; ni les grands services qu’elle avait rendus à 
la France , ni le tribut d'hommage que lui avaitpayé 
au nom de la nation le vainqueur de Marignan, ni 
le respect dû à la religion, à la mort , à un sexe 
faible et aimable, ni le charme puissant attaché au 


6 239.2 

nom même de la Dame de Beauté, n'ont arrêté les 
coups des barbares. Les cendres d’Agnès ont été 
impitoyablement exhumées de cette terre de Nor- 
mandie reconquise à l’aide de ses nobles conseils, 
et où elles eussent dû à jamais reposer sous la sauve- 
garde de la reconnaissance et de la protection pu- 
bliques. 

Mais l'indignation qu’excitent les outrages faits à 
sa tombe ne doit pas uniquement s'attacher aux des- 
tructeurs de Jumièges. Déja dans cette abbaye , 
comme dans la collégiale de Loches , les monuments 
consacrés à sa sépulture avaient éprouvé les attein- 
tes de la négligence et de l’'ingratitude. L'histoire 
nous apprend que cette ingratitude, exprimée sans 
ménagement par les chanoines de Loches, peu 
d’années après la mort d'Agnès , révolta le Monar- 
que même qui avait été sou plus grand ennemi. A 
Jumièges on eût cherché envain, plus d’un siècle 
ayant la révolution , la statue de marbre destinée 
à transmettre à la postérité les traits gracieux de 
lPamante de Charles VIL. Ii ne restait plus, vers le 
milieu du dernier siècle, que le marbre qui re- 
couvrait immédiatement la tombe et un soubasse- 
ment ou plusieurs inscriptions étaient gravées sur des 
James de cuivre. Ces dernières auront sans doute 
passé dans le creuset du fondeur. Quant au marbre, 
j'ai été assez heureux pour avoir connaissance de 
ce qu’il était devenu , et quoique plusieurs mem- 
bres de l'Académie aient à ce sujet les mêmes 
renseignements que moi, je ne crois pas inutile de les 
consigner dans cette Notice, pour lever toute in- 
certitude concernant le seul reste d'un monument 
aussi intéressant, et appeler sur Jui l'attention des 
amateurs. 

Ce marbre , transporté à Rouen chez M, Les- 


DS 


(154) 
cuyer, y fut long-temps exposé en vente. Le sieur 
Dorgebled , musicien, l’acheta pour faire un perron 
à un bâtiment qu’il construisait au haut de la rue 
Saint-Maur , près le Mont-aux-Malades. Le trans- 
port fut trés-difficile , et il tint à fort peu de chose 
que le marbre ne restât au coin de quelque rue , 
à cause de sa grande pesanteur. Enfin il arriva , et 
fut employé à la destination pour laquelle il avait 
été acheté. Ce ne fat que long-temps après, que 
quelqu'un, ayant lu la portion d'inscription qui n’est 
point engagée dans la muraille , le reconnut pour 
avoir appartenu au tombeau d’Agnèsæ 

M. Boullanger , votre confrère, et alors ingé- 
nieur ordinaire des ponts et chaussées pour l’arron- 
dissement de Rouen, voulat l'acheter pour le Gou- 
vernement ; mais les prétentions du propriétaire 
devivrent tellement exagérées qu'on fut obligé de 
renoncer à toute idée d'acquisition , et la pierre est 
restée chez M. Dorgebled , où je l'ai vue récemment. 

C'est une longue et large dalle de marbre noir 
schisteux , qui porte, gravée sur sa tranche, en 
caractères gothiques très-élégants , l'épitaphe fran- 
çaise d'Agnès Sorel. Comme elle est à-peu-près aux 
trois quarts engagée dans le mur, on n’en peut lire 
que les mots suivants : 


& ...... Dame de Béauté , de Roque- Ferrière , d'Issoudun 
» et de Vernon-sur-Saine, piteuse entre toutes gens , et qui 
» Jargement donnait de ses deniers aux églises et aux pauvres , 


» laquelle trespassa. .... » 


Je dois vous prier, Messieurs , de me pardonner 
les détails dans lesquels je suis entré au sujet de 
ce marbre. Je n’y ai été déterminé que par l'espoir 
qu'ils pourraient offrir quelqu’intérét aux amateurs 
de nos antiquités, et peut-être contribuer à le faire 


(352 

transporter un jour dans un local plus décent et 
plus convenable. Est-ce en effet au fond d’un jardin 
obseur et dans la masse d’un vil bâtiment que devrait 
se trouver, chez un peuple sensible et dévoué au 
culte de la beauté , la pierre tumulaire de la femme 
au nom de laquelle s'attachent tant de nobles et 
gracieux souvenirs ?..... 


14 


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DES MATIÈRES. 


LS 


2) pige uRS prononcé à l’ouverture de la séance 
publique; par M. le Baron Lezurier de la Martel, 
page 1 

SCIENCES ET: ARTS. 


Rapport fait par M. Vitalis, Secrétaire perpétuel , 7 


Ouvrages annoncés ou analysés dans ce Rapport. 


MATHÉMATIQUES. 


Discours de réception de M. Percelat, 8 
Traité complet sur la théorie et la pratique du nivel- 

lement; par M. Fabre, 9 
Discours de réception de M. Boistard, ibid. 
Discours de réception de M. Mallet, 10 


HisToirEe NATURELLE. 


Discours préliminaire de l’Histoire générale des Plantes 


de France; par M. Marquis, TE 
Histoire naturelle et médicale des Aconits ; par le 
même , ibid, 
Plan raisonné d’un cours de botanique ; par le même , 
ibid, 

Rapport de M. Marquis, sur la Flore rouennaise 
de M. le Turquier , 15 


Description des jardins de Courset ; par M. P.-Aimé 
Lair , de Caen, ibid. 


(138 ) 
Idées sur la formation des brèches et sur les laves 
lithoïdes ; par M, Geoffroy , de V'alognes, page 16 


Pnysique. 


Opuscules de physiques ; par M. Sage, de Institut , 17 
Traité des pierres précieuses ; par le même , ibid, 
Conduite qu'ont tenue envers moi les Ministres de 
l’ancien régime, comparée avec celle des Ministres 
du nouveau régime ; par le méme, ibid, 
Découverte de la cause du développement d'une goutte 
d'huile sur la surface de l’eau; par M. Xehot, de 
Clermont-Ferrand , 18 
Observations sur les moyens de reconnaître les métaux 
par leurs propriétés galvaniques ; par le même, 19 
Mémoire sur les moyens de renouveler l’air dans les 
vaisseaux et dans les salles d’hôpitaux ; par M. 


Garos, de Paris, . ibid. 

Rapport de M. Dufilhol , sur le pèse-alcool ou alcooli- 

mètre de feu M. Bonnet , 20 
CHIMIE. 


Notes sur quelques propriétés chimiques dés baies de 
la Belladone; par M, Dubuc, 22 et 5o 
De l'action de la lumière solaire sur les corps simples 
et sur quelques composés chimiques; par M. Vogel, 
ibid. 

Sur l’inocuité du zinc employé dans la fabrication des 
ustensiles de cuisine , 23 
Mémoire sur la fabrication du sucre de betteraves ; 
par M. Mulot , ibid. 


MÉDECINE. 


Discours prononcé par M. le Baron Desgenettes , à la 
séance publique de la Faculté de médecine, le 7 no- 
vembre 1814, 24 


(159) 

Rapport de M. Gosseaume , relativement à une ob- 
servation Sur une surdité de naissance guérie au 
moyen d’injections portées par la voie des narines 
et latrompe d’ Eustache dans l’intérieur de l'oreille; 
par M. Saissy, page 24 

Compte rendu par M. Gosseaume, des quatre derniers 
cahisrs des Bulletins des Sciences médicales du 
département de l’Eure , 24 

De la Contagion régnante sur les vaches , sur les 
bœufs et sur l’homme , en quelques contrées de la 
France, etc.; par M. Alphonse Leroy, 25 

Discours de réception de 7. Flaubert , 26 

Observations relatives 1° à une nouvelle manière de 
pratiquer la Lithotomie chez les femmes ; 2° à 
un individu mort à la suite d’une carie à la colonne 
vertébrale ; 5° à une anévrisme de l’origine de 
l'artère aorte communiquant avec l'artère pulmo- 
naire; par le même, 50 et 59 

Rapport de 21. Flaubert, sur un Mémoire concernant 
une rupture du ventricule gauche du cœur; par M. 
VWorbe , de Dreux, 30 

Rapport sur les Vaccinations , suivi d'une Instruction 
sur la manière de vacciner; par M. Giret Dupré , 52 

Observations 1° sur les qualités vénéneuses de la 
Coque du Levant; 2° sur les effets de la Digitale 
pourprée dans l'Hydropisie ; 5° sur l'existence des 
Géants; 4° sur les Cretins du Valais ; par M. Denis, 


. 


d’Argentan , 35 
Discours de réception de M. Leprevost, vétérinaire , 
35 


AGRICULTURE, 


Comple sommaire des travaux de la Société d’agricul- 
ture, commerce, sciences et arts de la Marne, 59 


(140) 
Expériences relatives au lait bleu, d’après une lettre 
de M. Viard , cultivateur à St.-Eustache-la-Forét , 


page 59 
Prix PROPOSÉ pour 1816, 41 
Notice biographique sur N1. Bonnet ; par M. Vitalis, 45 
— sur D. Jamard ; par le même, 4 


Mémoires dont l’Académie a ordonné l'impression 


en entier dans ses actes, 50 

Morxs sur quelques propriétés chimiques des baies de 
la Belladone ; par M. Dubuc, ibid. 
OxservATIONS médicales; par M. Flaubert, 59 


BELLES-LETTRES ET ARTS. 
Rapport fait par M. Bignon, Secrétaire perpétuel, 66 
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce Rapport. 
Députation de lb Académie à S. M. Louis XVIII, ibid. 


1 


COoRRESPONDANCE:. 


Précis de l’Académie de Caen, 67 
Séance publique de l’Académie de Besançon, ibid. 
— de la Société d'Emulation de Rouen, 65 
Programme de l’ Académie des Jeux floraux , ibid. 
Abrégé de la vie de Nicolas Morel, de Rouen; par 
lui-même, t 69 
Grammaire de la langue française; par M. Ledos , 
d’Avranches, ibid, 
Le cri de la Patrie, Ode par M. Marie Dumesnil, de 
Caen, ibid, 


Eloge de Louis XVI; par M1. Worbe , d’Evreux, ibid. 
Opuscules divers; par M. Beer , de Nancy, ibid. 

‘ Observations critiques sur l’Ode Jam veris comites , 
etc.; par M. de St.-Victor , ibid. 
lomances , Fables et Contes Moraux, par M. Louis 
Damin , 7o 


C141) 
Notice historique sur M. Moysant; par M. Hébert, 
de Caen, page 70 


MEMBRES NON RÉSIDANTS: 


Programme du Tableau du XVII": siècle, par M. 


Lemonnier, 7E 
Notice sur M. Moreau, par M. Feuillet, ibid. 
Le langage de la raison et du sentiment ; par M. 

Boïeldieu , ibid. 
Supplément à l'Histoire du général Charette ; par M. 

Lebouvier des Mortiers, 72 
Suite des Essais sur le comté d’Evreux ; par 21. 

Masson Saint-Amand, ibid. 


Rapport de MM. Duputel et Licquet, sur une nou- 
velle traduction de l’Enéide ; par M. Mollevaut, 73 
Travail sur la trisection de l’angle , par feu 21, Oursel, 


ibid. 

L'Education au rabais , en vers français, par M. 
Boinvilliers, 74 
Stances sur la poésie; par le même, ibid. 
Palémon et son fils, Asselin , pièces de vers; par M1. 
Milcent, 75 


Le Lion etle Troupeau , allégorie ; par le même, 76 
ACADÉMICIENS RÉSIDANTS, 


Discours prononcé par M. Gourdin, à la rentrée 


de l’Academie , 78 
Discours de réception de M. Brière , 79 
— de M, Dumesnil, S0 
— de M. Lecarpentier , (OR 


Essaide traduction du Pseaume 138; par M. Gosseaume, 
83 et 99 


C142) 

Réflexions sur l’écriture des Egypriens ; par M. 
Gourdin, pages 84 et 103 
Galerie des Peintres célèbres ; par M. Lecarpentier, 
ibid. 
Dialogue sur l'art de guérir , entre Chyron et Poda- 
lire; par M. Marquis, 85 

Ouvrages en vers. 
Le Pavot et le Fumier , fable, par M. Guttinguer , 
85 et 113 
Fables et Poésies fugitives, par M. Duputel, 86 
La Violette et le Lis ; par M. Vigné, ibid. 
Fragments d’un Poème épique sur Jeanne d'Arc ; par 
M. Duménil , 87 et 123 


Arts et Antiquités. 


Recherche des monuments qui rappellent la mémoire 
de nos anciens Rois, 88 
Style , petit instrument de métal à l’usage des Romains, 
trouvé dans un antique tombeau; par M. Pinard de 
Bois-Hébert , ibid. 
Renseignements sur d’anciens tombeaux de pierre 
trouvés à Saïint-André-sur-Cailly ; par M. Auguste 
Leprevost , 89 
Réflexions sur les antiquités des départements de 
l’Eure et de la Seine-Inférieure; par le même, 90 
Notice sur les antiquités de Juliobona ; par M. Revers, 


du Pont-Audemer , 91 
Modèle d’un autel destiné au sacrifice nommé Tauro- 
bole ; par le méme, ibid. 
PROGRAMME du prix proposé pour 1816, 92 


Mémoires dont l'Académie a délibéré l'impression en 
entier dans ses actes. 


Nouvel essai sur la poésie sacrée des Hébreux, par M. 
Gosseaume , 94 


(145) 
ÆEssai de traduction du Pseaume 138, page 99 
Kéflexions sur les différents genres d’écritures en 
usage chez les Egyptiens , à l’occasion de celles qui 
se trouvent dans un monument trouvé à Rosette 
lors de l’expédition des Français en Egypte , par M. 
Gourdin, 105 
Le Pavot etle Fumier , fable; par M. Guttinguer , 113 
Vers improvisés devant la statue de Henri IV; par 


le même, 114 
Flore aux Français, Elégie; par M. Duputel, 116 
Charlotte Corday , avant de mourir, à son Père , 

héroide, par M. Duputel, 119 
Fragment d'un Poëme de Jeanne d'Arc; par M. 

Duménil , 129 el 127 


Réflexions sur les Antiquités des départements de 
l'Eure et de la Seine-Inférieure, et notamment sur 
les restes d’Agnès Sorel ; par M. Aug. Leprevyost, 

131 


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