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PRÉCIS ANALYTIQUE
DLS TRAVAUX
DE L'ACADÉMIE
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS
DE ROUEN,
PENDANT L'ANNÉE 1814.
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PRÉCIS ANALYTIQUE
DES TRAVAUX
DE L'ACADÉMIE
DES SCIENCES , DES BELLES.LETTRES ET DES ARTS;
DE ROUEN,
PENDANT L'ANNÉE 1814.
A ROUEN,
De lImprimerie de P. PERIAUX , Imprimeur de
l'Académie, rue de la Vicomté, n° 30,
22227
1815.
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PRÉCIS ANALYTIQUE
DES TRAVAUX
DE L'ACADÉMIE
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS
DE ROUEN,
PENDANT L'ANNÉE 1814;
D’arPrÈs le compte qui en a été rendu par
MW. les Secrétaires , à La Séance publique
du 9 Août de la même année.
AAMANAAAAARAANAAAAAAAAA
Le séance ayant été ouverte par M. le Comte pe
GirARDIN, Préfet du département , Président de
l'Académie , MM. les Secrétaires ont fait successive-
ment leur rapport,
A
C2)
SCIENCES ET ARTS.
RAPPORT
Fait par M. Vrrazis, Secrétaire perpétuel de
l’Académie pour la Classe des Sciences.
MESSIEURS,
C'est aux Sociétés savantes qu’il convient de tra-
vailler, de concert, à maintenir les idées libérales,
lés principes moraux sur lesquels reposent essentiel-
lement l’ordre social et la prospérité publique. C’est
aux Sociétés savantes à rechercher les moyens d’ac-
célérer les progrès de l’industrie ; et de conserver au
arts toute leur gloire et leur antique splendeur.
Le Rapport que je vais avoir l'honneur de vous
présenter sur les travaux de l'Académie , relatifs aux
sciences , metira nos concitoyens à portée d’appré-
cier les efforis que vous avez faits cette année
pour remplir la tâche qui vous est imposée.
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
= M. Dufilhol , professeur de Mathématiques au
Lycée de Rouen, a soumis au jugement de l’Aca-
démie un Mémoire qui a pour objet La considéra-
tion des surfaces envisagées comme lieux de sommets
communs de plusieurs pyramides.
L'Académie a délibéré l'impression en entier de
ce Mémoire dans ses actes. ( ’oyez à la suite de ce
Æapport. )
= Admis au nombre des Membres résidants de la
(3)
Compagnie, M. Duflhol, dans la séance du 18 fé-
vrier dernier, a donné lecture de son Discours de
réception. — Dans ce Discours, écrit avec sagesse ,
notre uouyeau confrère relève les avantages qui ré-
sultent de l'introduction de l’étude des Mathéma-
tiques , comme partie constituante, dans l'instruc-
tion publique ; répond aux objections des détrac-
teurs anciens et modernes de cette branche impor-
tante des connaissances humaines ; développe Puti-
lité d’un cours de Mathématiques enrichi des nom-
breuses découvertes qui se sont succédées si rapi-
demernt , et indique la marclie que l’on a cru devoir
adopter de préférence pour les faire passer dans
l'esprit des élèves. M. Dufilhol- pense que la cul-
ture des lettres doit être la base de Pinstruction,
mais il est bien éloigné de partager l'opinion de
ceux qui prétendent que l’étude des Belles-Lettres
est incompatible avec l'étude des Sciences , et que
celles-ci réfroidissent et tuent limagination.. « Qu'elle
» tombe donc , dit M. Duflhol , qu’elle tombe done
» cette vaine opinion , enfantée par l'amour-propre !
» Les Lettres et les Sciences se prêtent de mutuels
» secours, et doivent marcher ensemble. Si, après
» avoir fait les premiers pas , on se sent entrainé
» vers l’üne ou l’autre de ces études , on obéira à
» son penchant, et l'on se dirigera du cûté où lon
» croira pouvoir se rendre plus utile aux autres,
» et remplir le mieux ses devoirs. » Par-là tous les
efforts seront dirigés dans le même sens , c’est-à-
dire vers l'utilité publique.
= M. Bonnet a fait hommage à l'Académie, d’un
manuscrit ayant pour titre : Manuel du Fondeur-
Orfèrre-, où recueil de tarifs concernant la fonte,
AS 2
(4)
Yailliage et l'affinage des matières destinées à la fa-
brication des ouvrages d’orfévrerie.
A la suite de son Rapport sur cet ouvrage,
M. Meaume a placé une note dans laquelle , au moyen
de formules algébriques très-simples , il rend rai-
son des calculs à faire pour trouver le déficit ou
l'excédent d'alliage qui résulte de la combinaison
de plusieurs matières à différents ütres. M. le Rap-
porteur ajoute que le anuel du Fondeur - Orfèvre
est un ouvrage utile, et que l’Académie doit se
féliciter de posséder dans son sein le citoyen zélé
qui, après avoir rempli avec exactitude les devoirs
de sa place , consacre ses loisirs à rédiger des Ins-
tructions et des Mémoires sur des sujets qui tien-
nent à la nature de ses fonctions, dans la seule
vue d’être utile au public.
= M. Tarbé, chef de la première division, au
ministère des manufactures et du commerce , Mem-
bre non résidant , vous a adressé, Messieurs , un
exemplaire de la nouvelle édition de son #anuel
pratique et élémentaire des poids et mesures, des
monnaies et. du calcul décimal.
« Quoique le plan de l'Auteur , dit M. Periaux,
chargé avec M. Bonnet de rendre compte à la Com-
pagnie, de l'Ouvrage de M. Tarbé, n'ait pas été
trouvé aussi méthodique qu’il eût été à désirer , la
commission ne le regarde pas moins comme le traité
le plus complet et le meilleur qui ait encore été
publié sur cette matière, »
ASTRONOMIE.
— M. Flaugergues , astronome et physicien à
Viviers, département de l'Ardèche, membre non
(5)
résidant, vous a fait part, MEsstEURs , d’une oser
sation sur la planète Mars qui, dans la nuit du 5x
juillet 1815, lui a offert, à son opposition , une ta-
che blanche trèés-brillante placée sur son pôle aus-
tral. Depuis, cette tache a beaucoup diminué de
grandeur , et plus rapidement que si cette diminu-
tion eût été purement optique et relative seulement
à l'éloignement progressif de Mars.
M: Flaugergues pense avec Herchelle, qui a
observé de pareilles taches blanches, que ces ta-
ches sont des calottes de glace et de neïge qui en-
tourent les pôles de cette planète, semblables à
celles qui couvrent les pôles du globe terrestre :
notre confrère tire une nouvelle preuve de cette
opinion de la rapidité avec laquelle la tache qui
fait le sujet de son observation a disparu , ayant été
éclairée et échauflée continuellement pendant plus
de deux mois par le soleil qui ne se cachait plus
pour cette partie du globe de Mars.
Après avoir fait remarquer les rapports de la
Terre avec Mars , M. Flaugergues conclut qw’il n’est
guère permis de douter que cette dernière planète
ne soit habitée par des hommes et peuplée par
des végétaux semblables à ceux que la terre
nourrit.
ARTS MÉCANIQUES.
= M.le Comte de Girardin , Préfet du départe-
ment, toujours animé de Ja sollicitude la plus ac-
tive pour tout ce qui peut contribuer à la prospé-
rité des Arts, en vous adressant, Messieurs ; Un Ou-
vrage qui à pour titre : Application du calorique qui
se perd dans les cheminées des tisards des chau-
dières d'usines, à un ventilateur et à une étuve ; PE
A 3
(6)
M. Pajot des Charmes, ancien Inspecteur des Mines et
Manufactures de France , vous avait invité à l’exa-
miner , et à lui transmettre le Rapport qui serait fait
à ce sujet par une commission. de
Organe de cette Commission , M. 7’auquelin vous
a fait connaître les moyens ingénieux employés par
l’auteur pour enlever , à l’aide de son ventilateur ,
les vapeurs qui s'accumulent dans certains ateliers ,
au point de rendre la manipulation non-seulement
incommode , mais dangereuse même pour les ou-
vriers.
La construction de létuve que M. Pajot des
Charmes a fait exécuter à la manufacture des glaces
de Saint-Gobin, dans le dessein de procurer la
dessiccation des substances salines extraites. des
chaudières de réduction, parait fondée sur de bons
principes : M. Pajot emploie à chauffer cette étuve
le calorique qui se perdait autrefois dans les che-
minées des tisards,
L'ouvrage de M. Pajot des Charmes , conclut M.
le Rapporteur , suppose des connaissances très-éten-
dues et un zèle très-louable pour les progrès d'un
Art dont les procédés s'appliquent à toutes les bran-
ches de notre industrie manufacturière.
— M. Biard a lu un écrit sur l'importance de l’in-
dustrie manufacturière et de l’emploi des ma-
chines.
Le but de l'Auteur est de rassurer ceux qui, à
l'aspect désolant d'une foule d’ateliers quelquefois
sans emploi, d’une multitude d'ouvriers sans occu-
pation et sans ressources , seraient tentés de croire
que les fabriques et les manufactures sont plus
nuisibles qu'utiles à la société.
| (7)
M. Biard ne disconvient pas que la force des évé-
nements ne puisse rompre quelquefois la chaine de
l'industrie manufacturière et en disperser çà et là
les anneaux , dans des moments de crises ; mais
il n’en est pas moins persuadé que les établisse-
ments consacrés à l'industrie , sont les sources les
plus fécondes de la prospérité d’un peuple.
Le temps, suivant notre confrère, est le seul bien
réel que la nature a départi à l’homme ; mais sa
durée est limitée, et les machines servent à la pro-
longer en quelque sorte, en multipliant rapidement
les produits,
En répondant aux objections qui ont été faites con-
tre l'usage des machines, M. Biard fait voir que les
objets fabriqués, par leur moyen, sont d’une aussi
bonne qualité que ceux qui sont confectionnés par
la main de l'homme ; et il explique pourquoila va-
leur des produits fournis par les machines ne di-
minue pas dans la proportion de l’abondance de
ces mêmes produits.
« Je sais, dit-il, que l’industrie, en se propageant,
» en se perfectionnant chez un peuple, met les
» autres dans la nécessité de se:créer aussi de nou-
» veaux moyeus. En cela je vois une lutte honora-
» ble, les glorieuses conquêtes du génie. Les pre-
» miers conquérants en jouissent aussi les premiers,
» et l'industrie des nations qui marchent sur leurs
» traces, verse dans la société des richesses abon-
» dantes qui sans cela auraient été perdues pour
» lhumanité. »
= M. Duputel vous à remis, Messisuns , trois im-
primés que M. Garot, artiste mécanicien à Paris ,
l'avait prié d'offrir à l'Académie , et qui contienvent
le compte qui a été rendu, dans les annales de
(8)
l’architecture et des arts , dans celles des arts et
manufactures, et dans un supplément à la feuille
de Dunkerque, n° 749, de diverses inventions de
M. Garot, relatives, 1° aux constructions des nou-
velles voitures ; 2° à un moyen de renouveler l'air
dans les vaisseaux ; 5° à un essai de diverses eaux
soumises publiquement aux filtres épurateurs pro-
posés par l'auteur.
= L'Académie doit à M. P. 4. Lair, membre non
résidant , secrétaire de la Société d'agriculture et de
commerce de Caen , la Description de l’ouverture
de l’avant-port de Cherbourg qui a eu lieu le 27
août 1815 , ainsi que les détails sur ce qui s’est passé
à cette occasion.
Dans cet écritou ilest aisé de reconnaître l'obser-
vateur instruit, l'historien élégant et fidèle , M. Lair
rend compte, de la manière la plus intéressante,
des moyens qui ont été employés pour rompre le
batardeau destiné à soutenir les eaux de l'Océan,
pendant le temps que l'on serait occupé à creuser
le roc qui devait former le bassin de l’ayant-port de
Cherboureg.
Ce batardeau, véritable chef-d'œuvre en son genre,
qu’on eût désiré conserver , mais dont la destina-
tion même était de m’exister que passagérement ,
avait 196 pieds 8 pouces de long, 84 de largeur à
la base , 44 de largeur au sommet, 40 de hauteur
verticale,
Le bassin de lavant-port est long de 900 pieds,
large de 520 , profond de 55 : sa passe , ou l'entrée,
a 06 pieds d'ouverture,
La mer, après s’être ouvert un large passage , en-
tra comme un torrent impétueux , et continua, dit
M. Lair, ayec la même violence , pendant une demi-
C9)
heure , intervalle qui suffit pour achever de rem-
plir le bassin, malgré son immense étendue.
Abstraction faite du cube des talus de 45 degrés,
ménagés au pied des murs , et dont la hauteur ver-
ticale est moyennement de 24 pieds 5 pouces, le
bassin contiendrait dans les grandes marées
32,095,800 pieds cubes d’eau.
La postérité n’oubliera point que c’est aux talents
de M. Cachin , directeur général des travaux,
qu'est due l’exécution du plus grand et du plus
utile projet.
BOTANIQUE.
Quoique le département de la Seine-Inférieure
ait de tout temps possédé de savants Botanistes , ce-
pendant aucun d’eux ne s'était occupé de compo-
ser /a Flore des environs de Rouen. Ce n’est pas que
l'importance d’une pareille entreprise n'eût été gé-
néralement sentie , et je dois rappeler ici en parti-
culier les efforts tentés à cet égard par l'Académie ,
dès les premiers moments de sa restauration. Une
Commission composée de plusieurs de ses membres,
recommandables par leur savoir dans cette partie
de l'histoire naturelle, avait été formée pour ras-
sembler les matériaux nécessaires à la construction
de l'édifice ; mais le défaut d'ensemble dans le tra-
yail , la lenteur attachée aux opérations d'une com-
mission empéchèrent l'exécution du projet.
= M. l'Abbé Ze Turquier Deslongchamp , savant
Boianiste de notre ville, a mis fin à nos regrets ,en
offrant à l'Académie un ouvrage qui faisait depuis
long-temps l’objet de nos désirs.
Les t1o1s premières classes de la Flore Rouennaise
(ro)
vous ont été présentées , Messreurs, à la séance du
11 février dernier; l'auteur y a ajouté depuis les
classes quatrième et cinquième.
MM. le commissaires chargés de vous rendre
compte de cet important ouvrage ont approuvé le
plan suivi par M. Deslongchamp , et ent rendu un
juste hommage à l’étendue de ses connaissances en
botanique , à l'exactitude et à la clarté de ses des-
criptions,
= Dans son discours de réception à l'Académie , au
sein de laquelle les vœux de tous les membres l'ap-
pellaient depuis long-temps, M. l'Abbé Le Tur-
guier , après avoir exposé les avantages que pro-
cure à l’homme étude de la botanique , trace
rapidement le tableau historique de cette science ,
parle des savants qui ont cultivé ou agrandi son
domaine , et qui l’ont portée au degré de perfec-
tion où nous la voyons aujourd'hui, en homme qui
à des connaissances profondes sait allier une vaste
érudition et le talent d'exprimer ses pensées avec
une élégante précision.
— M. Marquis a communiqué à l'Académie des
Observations sur les plaies avec pérte de substance
de l'écorce des végétaux ligneux.
L'Académie a délibéré l'impression en entier de ce
Mémoire dans ses actes. ( J’oyez à la suite de ce
Rapport. )
— Le méme membre vous a offert la collection des
Plantes rares de ‘la France , qu'il a dessinées et
gravées pour la Flora Gallica de M. Loiseleur :
ainsi, à des connaissances solides et profondes en
botanique , dont il donne parmi nous de savantes
lecons, notre confrère joint le talent précieux de
rendre fidèlement par le crayon et le burin les
(11)
parties les plus délicates des sujets qui vivent sous
Vaimable empire de Flore.
— M. le Baron de Courset , membre non résidant,
a fait hommage à l'Académie d’un exemplaire du
supplément à la deuxième édition de son Botaniste
Cultivateur , formant le tome 7° de cet ouvrage.
Chargé de vous faire connaître cet ouvrage,
M. Marquis termine ainsi le rapport qu’il vous en a
présenté: « L'Académie ne peut qu’être très-flattée de
» l'hommage que lui a fait de ce supplément son
» respectable auteur, un de ces vrais sages qui sem-
» blent avoir consacré toute leur vie, tous leurs
» soins à l'étude pour laquelle la nature a le plus spé-
» cialement destiné l’homme , à l’art de fertiliser et
» d'embellir cette terre sur laquelle elle l'a placé
» pour un temps si court. »
CHIMIE ET ARTS CHIMIQUES.
— M. Robert vous a communiqué des Recherches
sur l’acide prussique.
L'Académie a délibéré l'impression en entier du
Mémoire de M. Robert dans ses actes. ( Y’oyez à
la suite de ce Rapport. )
= M. J’ogel, chimiste attaché à l’école de phar-
macie de Paris et membre non résidant, a fait
hommage à l’Académie d'un Mémoire imprimé sur
l’eau des mers qui baïgnent nos côtes , considérée
sous le point de vue chimique et médical.
Ce Mémoire , extrait des annales de chimie , août
1815 , et fruit des trayaux réunis de MM. Bouillon-
Lagrange et Vogel, se recommande de lui-même
à l'attention des chimistes, par la marche savante
que les auteurs ont suivie, ainsi que par l’heureux
choix et l'exactitude des moyens qu’ils ont si habi-
lement employés dans cette analyse difficile.
(12)
= Nous devons à M. Lair l'envoi d'un imprimé
contenant un premier aperçu du travail fait par
MM. Vauquelin et Thierry , sur les Eaux thermales
ou des bains de Bagnoles , département de l'Orne.
Cet examen préliminaire , daté du 20 octobre 1813,
sera suivi , est-il dit, d’une analyse faite avec les
soins nécessaires , et qu'on se propose d’entrepren-
dre au printemps prochain.
M. Jitalis a communiqué à l'Académie le pro-
cédé qu'il a suivi pour teindre le fil de lin et de chan-
vre en rouge dit des Indes ou d’Andrinople , et a eu
l'honneur de lui offrir des échantillons en ce genre
de teinture.
L'Académie a délibéré l'impression en entier de
ce Mémoire, ainsi que de l’extrait du Rapport qui en
a été fait par MM. B. Pavie, teinturier , et Lancelevée,
fabricant de velours, à Rouen, ( f’oyez à la suite de ce
Rapport. )
= Sur l'invitation de M, le Comte de Girardin,
Préfet de ce département, et Président de l’Aca-
démie , la compagnie avait nommé une commission
composée de MM. Gosseaume , Robert , Dubuc et
Vitalis, pour Jui faire un rapport sur les dangers
ou l’innocuité du zinc employé à la fabrication des
ustensiles de cuisine. — MM. les commissaires , pé-
nétrés de l'importance de la question délicate sou-
mise à leur décision, ont cru devoir entreprendre
une série d'expériences qui, n'étant pas terminées ,
ne leur a pas permis de vous en offrir les résultats.
= M. Dubuc ,toujours animé du désir du bien pu-
blic , a remis à l'Académie un échantillon d’eau-de-
vie, retirée de la pomme de terre cuite et additionnée
(15)
d'une certaine quantité de sucre. Notre confrère a
suivi, à quelques modifications près , le procédé
employé en Allemagne. Il se propose de conti-
nuer ses expériences au printemps prochain, et
d'en communiquer les résultats à la Compagnie.
M. Dubuc observe que les pommes de terre qui
ont servi à ses expériences étaient germées , et que,
dans cet état, elles n’ont pas dû produire autant de
liqueur spiritueuse, que si elles eussent été distillées
avant leur germination,
=M. Parmentier , membre non résidant, Officier de
la Légion d'honneur, Membre de l'Institut, premier
pharmacien des armées, Inspecteur général du ser-
vice de santé, etc., vous a fait remettre, MESSIEURS,
un ouyrage intitulé : Nouvel aperçu sur les sirops et
conserves de raisin , dans le cours de l'année 1812;
suivi de réflexions générales sur les autres sirops et
sucres indigènes, etc.
« En se rappelant tout ce qu’il a fait d'utile pendant
sa longue carrière , dit M. Dubuc, à la fin du compte
très-détaillé qu’il vous a rendu de cet ouvrage , M.
Parmentier a dû emporter avec lui l'idée consolante
d’avoir contribué de tout son pouvoir au bonheur
de ses semblables. »
MÉDECINE.
= M. Thillayre |, docteur-médecin, attache au
-service de nos armées, vous a fait parvenir , Mes-
SIEURS, deux manuscrits; le premier : sur la Cata-
lepsie délirante ; le second , contenant des Recher-
ches pathologiques sur la sécrétion des gaz dans les
végétaux et les animaux.
(14)
Ecoutons M. Vigné dans le jugement qu'il
porte du premier de ces ouvrages.
» On trouve, dit-il, dans les écrits de MM. Pe-
» letin, Baude et Laarent, un grand nombre d'exem-
» ples de la Catalepsie simple, catacrériséé par la
» perte absolue des sens et des mouveinents volon-
» taires, et dans laquelle le sujet qiw'elle affecte
» peut prendre et conserver toutes les attitudes que
» l’on veut lui donner. »
» Il n’en est pas de même de la Catalépsie com-
pliquée dont nous n'avons qu'un petit nombre de
preuves , au rang desquelles se présentent les deux
observations qui ont été offertes à l'Académie par
M. le docteur Thillaye. »
Dans la première , le somnambulisme se trouve
réuni au symptôme caractéristique de la Catalepsie.
L'abus du vin , et plus encore vraisemblablement
un vice dont M. le Rapporteur croit devoir taire
le nom, semblent l'avoir occasionnée.
M. Thillaye rappelle ensuite à notre souvenir cette
malheureuse fille qui a fourni au savant nosologiste
de Montpellier, l’un des exemples les plus remar-
cables de la Catalepsie délirante.
Enfin, l’auteur des observations décrit avec beau-
coup d’exactitude une Catalepsie tout-à-la-fois com-
pliquée d’épilepsie , de délire et d’hystérie. Il eut,
en 1806 , l’occasion de l’observer , dans l’un des
hospices de Paris, chez une infirmière âgée de 25 ans.
Cette triple complication de névroses s'était ma-
nifestée en 1758, chez la demoiselle Majot , native
de Saint-Maximin.
On pourrait tenter d'expliquer ce phénomène à
l'aide des relations que le système nerveux établit
entre toutes les parties du corps; mais n’est:l pas
plus raisonnable , ajoute M. Vigné, d’imiter à cet
(15)
égard le silence que s'est imposé M. Thillaye , sur
les causes essentielles et les eflets de la Catalepsie?
En parlant de cet ouvrage et de ceux que M.
Thillaye avait déjà soumis au jugement de l'Aca-
démie , M. Vigné s’exprime ainsi : tous attestent le
médecin instruit et laborieux , et je considère ce
dernier travail comme un titre de plus à votre estime
et à vos suffrages.
= M. Marquis vous a rendu compte du Mémoire
qui vous avait été adressé par M. le docteur Thil-
laye, et qui a pour titre : Recherches pathologiques
sur la sécrétion des gaz dans les végétaux et les
animaux »
Après avoir remarqué qu’au jugement même de
M. Thillaye , le mot exhalation conviendrait peut-
être mieux que celui de sécrétion , parce que les
gaz sont produits par des organes qui ne sont point
de nature glanduleuse , M. le Rapporteur continue
ainsi :
« Les changements qu’éprouve la sécrétion ( ou
lexhalation } des gaz, dans un grand nombre de
circonstances , forment , dit M. Thillaye , une classe
de maladies intéressantes à étudier , surtout si
à ce qui se passe dans les végétaux on joint ce qui
s’observe dans les animaux.
» On peut ( c’est toujours l’auteur qui parle ) di-
viser la classe des maladies pneumatiques où venteuses
en deux ordres séparés.
» L'un contiendrait les maladies produites par les
gaz sécrétés dans les organes qui n'en fournissent
point ordinairement ; l'autre renfermerait celles qui
sont dues à des organes qui en fournissent habituel-
lement , mais dans lesquels cette sécrétion est aug-
meutée, diminuée ou supprimée , ou bien dans les-
C16)
quels les gaz éprouvent des modifications qui en
changent la nature.
L'auteur annonce qu’il se contentera de décrire,
dans chaque fonction, soit des végétaux, soit des
animaux , les maladies les plus connues , sans s’oc-
cuper de leur traitement.
Relativement aux végétaux , l’altération de la sé-
crétion des gaz ne parait avoir lieu que dans trois
états particuliers.
Ces trois états, qu'on peut considérer comme au-
tant de maladies des végétaux, sont :
° L'étiolement des plantes privées de l'influence
salutaire de la lumière ;
2° La panachure des feuilles , comme dans l’'ama-
ranthe tricolore, le houx , la sauge , l’alaterne ,
etc., etc, ;
3° La coloration des feuilles en rouge , en jaune,
en brun et autres nuances qui précèdent ordinai-
rement leur chute , et qui pare l'automne de si ri-
ches livrées.
Ces trois maladies ont leur siége dans le paren-
chime vert sous-épidermoide.
L'auteur traite de ces trois états pathologiques
des végétaux dans trois chapitres séparés, où il pa-
raît avoir rassemblé ce qu’on sait de plus positif sur
ce sujet : les bornes de l’analyse ne permettent pas
d'entrer dans les détails.
M. le Rapporteur passe ensuite aux considéra-
üons générales présentées par l’auteur, sur les al-
térations des sécrétions gazeuses dans les ani-
maux,
M. Thillaye, dit M. Marquis, observe d’abord
ces altérations relativement aux membranes mu-
quenses de Vappareil respiratoire.
Dans plusieurs circonstances, surtout, 1° dans
les
(17)
les animaux à sang chaud, ou seulement quand
Jeur respiration est accélérée par une cause quel-
conque , telle que l’immersion dans un bain chaud,
après la section des nerfs pneumo- gastriques ;
2° dans les poissons, lorsque la vessie natatoire
a été, extirpée, on remarque pour phénomène
constant un changement notable dans l'exhalation
d'acide carbonique par le tissu pulmonaire ; cette
exhalation est ou diminuée ou entièrement sus-
pendue , et l’absorption de l’oxigène est alors éga-
lement altérée.
Les membranes muqueuses de l'appareil digestif
exhalent aussi, et particulièrement dans les animaux
herbivores, des gaz qui sont ordinairement inflam-
mables et dont la production très:prompte distend
ces membranes d’une manière extraordinaire ;,
comme dans les tympanites. Souvent ces affections
cessent sans aucune émission sensible de gaz, et
l'absorption parait être la seule voix qui puisse
expliquer leur disparition. L'auteur pense que la
base.de ces gaz séparée du calorique, est seule
fixée et absorbée , pour être rejetée ou retenue
suivant la nature de cette base. On a vu des gaz
contenus dans la vésicule du fiel s'échapper par
les voies urinaires, On en a également observé dans
les organes génitaux des deux sexes. Dans ces dif-
férents cas , les organes sont-ils devenus acciden-
tellement sécréteurs de gaz , ainsi que M. Thillaye
parait le croire ? C’est une question délicate que
M. le Rapporteur ne croit pas devoir discuter.
La membrane séreuse du péricarde, la plévre,
le péritoine , la séreuse du testicule , Ia synoviale
du genou paraissent sécréter , dans certaines circons-
tances, des gaz que l’on trouve dans leurs cavités.
Cependant M, Thillaye observe lui-mème que sou-
k B
(18)
vent ces gaz sont dus à la décomposition des liqui-
des séreux contenus dans les mêmes cavités.
Les gaz qui distendent le tissu cellulaire sont de
méme quelquefois le produit de quelque décompo-
sition : quelquefois aussi ils sont le produit de la sé-
crétion de ce tissu , et alors ils sont tantôt la suite
d'une aflection locale , tantôt celle d’une maladie
éloignée. Dans certaines circonstances ils se déve-
loppent d’une manière subite et ils sont repris par
les absorbants.
Dans le dernier article de son Mémoire, M. Thil-
laye parle des gaz observés dans les systêmes cir-
eulatoires à sang rouge et à sang noir, et qui s’y
trouvent tantôt en grande quantité, amassés dans les
cavités du cœur qu’ils distendent, d’autres fois sous
forme de bulles mélées au sang,
Enfin , l'ouvrage est terminé par un tableau sy-
noptique des divers organes des végétaux et des
animaux qui paraissent dans certaines circonstances
sécréter des substances gazeuses,
« Le titre de Recherches donné à eet ouvrage,
disent MM. les commissaires, parait le bien carac-
tériser,
» Il nous paraît seulement que M. Thillaye s'est
plu trop souvent à rapporter à une sorte de sécré-
tion des gaz à l'égard desquels cette origine paraît
au moins très-douteuse,
» Au reste, les faits nombreux que l'auteur y a
rassemblés sont puisés dans de bonnes sources et
coordonnés avec soin. »
. Cette production suppose, dans son auteur, des
connaissances exactes et variées , de la méthode, et
l'esprit d'observation si nécessaires an médecin et
au naturaliste.
A peine M. Thillaye, appelé au service de nos
(19)
armées, avait-il reçu de l’Académie le titre de mem-
bre non résidant, qu'une mort prématurée l'enleya
à la médecine et aux sciences naturelles qu’il cul-
üvail avec autant de zèle que de succès. ( J’oyez sa
Notice biographique à la suite de ce Rapport. )
= M, Vigné vous a communiqué une observation
que sa pratique lui a fournie sur un tiphus exanthé-
malique»
L'Académie a délibéré l'impression en entier de
cette observation dans ses actes. ( f’oyez à la suice
de ce Rapport. )
= M. Gosseanme a rendu compte des n°* 31, 32,
35 et 54 du Bulletin des sciences médicales du dé-
partement de l'Eure, Ces cahiers se composent des
Mémoires présentés par les membres de la société, et
des extraits des Journaux scientifiques relatifs à
quelqu'une des branches de l'art de guérir. La ré-
daction de ce Journal offre toujours, dit M. le Rap-
porteur , la même régularité dans la marche , une
critique judicieuse et un style correct.
— M, Reynal , docteur-médecin à Evreux, a fait
hommage à l'Académie de deux opuscules ayant
pour titre, le premier: Apercu sur l’Hygiène pu-
blique ; le second: Mémoire Médico-Politique sur le
café.
L'Hygiène on Médecine Publique, que lon pour-
rait aussi nommer Police Médicale , est cette partie
de l'Hygiène générale qui indique aux gouverne-
ments des moyens , des mesures certaines pour con
server la santé des hommes réunis en société, ainsi
que celle des différentes espèces d'animaux qui con-
courent à leurs travaux:
BP
=
(20)
Une analyse étendue, qui ne peut trouver place
ici, re pourrait cependant donner qu'une faible
idée du talent distingué avec lequel M. Reynal a
traité cet important sujet. L'auteur y fait preuve
de connaissances variées et solides, et s’y montre
tour-à-tour physicien instruit, zélé philantrope et
savant médecin. Son ouvrage , écrit d’ailleurs d’un
style pur et élégant, mérite toute l'attention des
gens de l’art, des magistrats chargés du soin de
Padministration , et toutes les classes de lecteurs y
trouveront une source abondante de vérités utiles
et précieuses.
Dans son Mémoire Médico-Politique sur le café ,
dont M. Dubuc vous a rendu compte, M. Reynal
se propose de résoudre cette question : l'usage ha-
bituel du café est-il avantageux , ou doit-il être mis
eu rang des choses indifférentes à la conservation
de la santé? Peut-il se concilier avec le bien de l'Etat,
dans l'étendue de l'empire français ? Est-il enfin
nuisible et contraire à tous les égards?
Après avoir exposé les opinions émises en faveur
ou contre l'usage du café , l'auteur rapporte ses pro-
pres observations , et ne balance pas à déclarer que
le café fait généralement peu de bien, et nuit pres-
que toujours à ceux qui en font usage.
M. Reynal examine ensuite si l’usage du café peut
se concilier avec l'intérêt de l'Etat, et il se prononce
pour la négative.
Quoique cet opuscule contienne des idées qui
auraient quelquefois besoin d’être plus solidement
motivées , cependant on y trouve de sages réflexions
sur les inconvénients graves qui résultent, pour cer-
taines personnes , de l'usage habituel du café, et sur
les dangers auxquels s’exposent ceux qui font un
usage immodéré de cette liqueur.
( 220
= M, Marquis a lu des Réflexions sur le Né-
penthès d’IHomère. — L'auteur y discute l'opinion
émise sur ce prétendu remède à la tristesse , par
M. Virey, dans le Bulletin de pharmacie, deuxième
année, n° 2. Notre confrère fait voir que si le Né-
penthès d'Homère n’est pas ( comme il serait na-
turel de le penser ) une simple fiction poétique ,
mais une substance réelle , c’est à l'opium seul,
et nullement à l’Hyosciamus datura de Forskal , ainsi
que le prétend M. Virey, qu'on doit rapporter ce
merveilleux remède.
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE.
— Son Exec. le Ministre de l'intérieur a envoyé à
l'Académie une notice rédigée par M. Leschenault,
inspecteur particulier du premier arrondissement des
dépôts de beliers, sur l'épizootie qui a régné, en
1812, sur les troupeaux des bêtes à laine des dépar-
tements méridionaux de l'Empire.
L'Auteur, après avoir examiné successivement la
nature de la maladie, les lieux où elle a porté ses
ravages, les causes qui y ont donné lieu , indique
avec autant de clarté que de précision les moyens
préservatifs et curatifs.
AGRICULTURE,
= En avril dernier, Son Exc. le Ministre de lin-
térieur à envoyé à l’Académie une instruction dans
laquelle sont indiqués les travaux les moins cou-
eux et les plus économiques auxquels on peut se
livrer avec succès, pour suppléer aux semences de
mars , lorsqu'elles n’ont pu être faites aux époques
ordinaires.
Br5
(22)
= Nous avons reçu une lettre imprimée , adres-
sée par M. le Vice-Président de la société d’agri-
culture du département de la Seine, à M. Mirbeck
fils, inspecteur des contributions du département
de l'Aube, à Troyes. L'objet de cette lettre est
de venir au secours des départements dévastés par la
guerre , en leur offrant, dans Ja pomme de terre , un
moyen assuré de prévenir les horreurs de la famine.
= Il est parvenu à la compagnie une Morice , lue
à la société d'agriculture du département de Ja
Seine, par M. Sageret, sur une variété hâtive
de pommes de terre, qui se vend à la halle de
Paris , sous le nom de truffe d'août, et cultivée ,
en 1615, dans le jardin du Conservatoire des arts
et métiers. L'Académie, désirant introduire cette va-
riété dans notre département, s'en est procuré un
échantillon , et en a fait la distribution à ceux de ses
membres qui ont témoigné le désir de la cul-
tiver.
Déjà M. Dubuc a mis sous vos yeux un certain
nombre de celles qu’il a récoltées le 10 juillet de
cette année, et il en a replanté le même jour une
vingtaine, dans le dessein de s'assurer si, comme
M. Sageret l'annonce, cette solanée hâtive donne deux
récoltes par an, ce qui la rendrait infiniment pré-
cieuse.
= L'Académie doit à la Société d'agriculture du
département de la Seine, 1° la collection complète
des savants et précieux Mémoires qu’elle a publiés
jusqu’à ce Jour ; 20 le Rapport sur ses travaux pen-
dant l'année 1812, par M. Sylvestre, secrétaire per-
pétuel de la Société, membre de l'Institut, etc. ;
5° le Programme de sa séance publique du diman-
(23)
che 25 avril, 1815, où l’on trouve la Notice des
sujets de prix proposés par la Société, pour les
années 1814, 1815, 1816 , 1818 , 1820 ; 4° le Pro-
gramme d’un concours pour des essais comparatifs
sur l'enfouissement des plantes pour engrais ; 5° un
Essai sur la solanée hâtive, par M. Sageret; 6° l'An-
nuaire de la Société pour 1814 ; 7° le Discours pro-
noncé sur la tombe de M. Parmentier , par M. Syl-
vestre.
= M. Lair, membre non résidant de l'Académie,
et secrétaire de la Société d'agriculture de Caen,
nous à adressé, 1° un Rapport imprimé, fait par M.
Lamouroux, sur le blé Lammas , espèce de variété
de blé que l'on cultive depuis quelques années dans
le département du Calvados ; 2° une courte Notice sur
les cendres végétatives de tourbe préparées par
M. Chamberlain.
= Depuis long-temps l'Académie désirait pouvoir
faire jouir le public des travaux de ses premiers
fondateurs : il fallait des soins pour les recueillir ,
de l’ordre et de la méthode pour les classer, des
connaissances très-étendues pour en faire des ana-
lyses exactes. Notre respectable confrère, M. Gos-
seaume a bien voulu se charger seul de ce pénible
travail ; en vous présentant cette année, Messieurs, le
précis analytique des travaux de l'Académie, depuis
sa fondation en 1744 jusqu’à l'année 1750, M. Gos-
seaume se propose de continuer l'histoire de l'Aca-
démie et le précis analytique de ses Mémoires jus-
qu'à l'époque de sa restauration en 1805.
Je me félicite, Messteurs, de pouvoir offrir ici
en votre nom, à M. Gosseaume, le témoignage pu-
blic de votre reconnaissance.
(24)
CORRESPONDANC&.
Enfin, Messieurs, les Académies et les Sociétés
savantes de Lyon, Bordeaux , Caen, Dijon , Douay,
Nancy , Cherbourg , etc., vous ont adressé, les unes
le Précis analytique de leurs travaux ; les autres,
le Programme des prix qu’elles se proposent de dé-
cerner : toutes fournissent la preuve de ce que peu-
vent exécuter des associations dirigées par l'amour
du bien public et du progrès des lumières,
L'Académie a entendu , avec un grand intérêt , le
Rapport fait par M. Leprevost , sur les travaux de la
Société d'Agriculture , Sciences et Arts du départe-
ment du Nord, pendant les années 1811 et 1812,
et celui qui lui a été rendu, par M. Duputel, des
travaux de la Société académique des sciences,
lettres , arts et agriculture de Nancy.
En analysant le Mémoire dans lequel M. le doc-
teur Valentin, de Nancy, émet l'opinion que la
transpiration est plus abondante en hiver qu'en été,
M. le Rapporteur a cru devoir vous soumettre les
raisons qui l'empéchent de partager cette opinion.
Quelques physiciens ont cru que la quantité de
vapeur dissoute par Pair était proportionnelle et
à sa température et à sa densité. Or, on sait au-
jourd’hui , par les belles expériences de Dalton,
que la faculté dissolvante de Pair ne dépend que
de sa température ; d’où il suit qu’il n’est pas prouve
que la transpiration soit plus abondante en hiver
qu’en été. !
Les travaux dont je viens de rendre compte se-
ront sans doute accueillis avec intérêt par la res-
pectable assemblée qui honore cette séance soleu-
(25 )
nelle de sa présence: je n’ajouterai donc plus qu'un
mot, et ce sera pour vous prier, Messieurs, de
vouloir bien m'’accorder l'indulgence dont je sens
moi-même que j'ai un si grand besoin.
TT AT
PRIX PROPOSÉ POUR 1819.
L'Académie avait proposé, en 1815, pour sujet de
prix à décerner dans la séance publique de 1814,
la question suivante :
« Trouver un vert simple ou composé , suscepti-
» ble de toutes les nuances de cette couleur , appli-
» cable sur fil et sur coton filé , aussi vif et aussi solide
» que le rouge des Indes. »
L'Académie n'ayant recu aucun Mémoire sur
celte question, a délibéré que le même sujet, vu
son importance pour le bien de nos fabriques, serait
conservée pour 1815.
Les concurrents auront la liberté de faire con-
naître ou non les procédés qui les auront conduits
à la solution de la question , et le prix ne sera ac-
cordé que sur des échantillons du poids de 3 à 4
hectogrammes au moins.
Le prix sera une médaille d’or de la valeur de
500 francs, qui sera décernée dans la séance publi-
que de 1815.
Les échantillons seront accompagnés d'une devise
qui sera répétée sur un billet cacheté , où l'auteur
fera connaître son nom et sa demeure. Le billet ne
sera ouvert que dans le cas où les échantillons au-
ront remporté le prix.
(26)
Les Académiciens résidants , sont seuls exclus du
concours,
Les échantillons devront être adressés, franc de
port, à M. Virauis , secrétaire perpétuel de l’Aca-
démie, pour la classe des sciences, ayant le 1° juin
1815; ce terme sera de rigueur.
(27)
A A TT PT PT TT
NOTICE BIOGRAPHIQUE.
Sur M. BoisMare , D. M., médecin du dépôt de
mendicité de Saint-Yon , membre résidant de
l'Académie des sciencés , belles-lettres et arts de
Rouen , de la Société de la faculté de médecine
de Paris , de la Société médicale d’Evreux , etc.
Par M. J. B, Virazrs.
MESSIEURS,
Qu'un vieillard accablé d'années et succombant
sous le poids des infirmités descende dans la tombe:
en terminant sa longue carrière , il ne fait que
payer enfin le tribut imposé par la nature à tous les
êtres vivants,
Mais que l'homme dans la force de l’âge et bril-
lant de santé disparaisse subitement à nos yeux ,
soit tout-à-coup enlevé à sa famille et à ses amis :
cet événement inattendu nous saisit d’étonnement
et de crainte. L’ame ne peut se défendre d’un sen-
ument profond de tristesse , si la victime du trépas
est un jeune époux qui laisse une compagne chérie
plongée dans le deuil, et des enfants en bas âge,
privés de l'appui de leur père. Nous arrosons de
nos larmes le cercueil de Pinfortuné moissonné
avant le temps, si aux services qu’il avait déjà ren-
dus il pouvait en ajouter de plus grands encore.
Enfin, sil est mort victime de son courage et de
son dévouement, s'il a perdu la vie en travaillant à
conserver celle de ses semblables , la douleur est
alors à son comble , et ne connait plus de bornes à
ses regretse
(28)
F Tel a été, Messreurs, l'excès de votre douleur ,
en apprenant la mort du collègue estimable que
nous pleurons : vous regrettez tout-à-la-fois en lui,
l'homme de bien , l'Académicien zélé , le médecin
probe et instruit.
J.-B. Victor Boismare, né à Quillebeuf en 1776,
était encore enfant lorsqu'il perdit son père , capi-
taine de navire au long cours. Dès ses plus tendres
années, ses inclinations se dirigèrent vers le bien et
les choses utiles,
Son goût le porta particulièrement à l'étude des
mathématiques; et il sortait à peine de l’enfance que
déjà il possédait parfaitement les règles du calcul,
Il suivit très-assidüment les leçons de M. Mabire,
alors professeur d’hydrographie à Quillebœuf, et
ses progrès furent si rapides, qu’à l'âge de 17 ans
il fut chargé par le Gouvernement d'enseigner les
mathématiques aux jeunes gens qui servaient
en qualité d'élèves de la marine sur la corvette
l'Elise.
A cette époque, une loi rigoureuse appelait tous
Jes jeunes gens sous les drapeaux de la République,
la faiblesse de la vue de notre confrère lui valut
un congé de réforme qui lui fut délivré en 1795.
Libre alors de disposer de sa personne, il vint à
Rouen où, pour satisfaire aux désirs de sa famille, il
entra dansle commerce, et s’occupa, pendant quelque
temps, de la tenue des livres chez deux négociants
de cette ville.
Cette occupation ne convenant point à ses goûts ;
il quitta le commerce pour l'étude du notariat,
Mais notre confrère était né pour les sciences , et
du moment où il lui fut permis de s'y livrer, sa
marche prit une direction régulière et dont il ne
s’écarta plus.
(29)
La médecine lui ouvrait une carrière épineuse,
mais honorable , où son esprit d'observation lui
promettait des succès, Pénétré de l'immense éten-
due de connaissances qu’exige l’art de guérir, M,
Boismare se liyra à l'étude avec une ardeur et une
constance dignes des plus grands éloges.
Son premier soin fut de se perfectionner dans la
Jangue latine dont jusqu'alors il m'avait pu acquérir
qu’une légère teinture. Dirigé par les conseils et
éclairé parles leçons d'un habile maître que sa mo-
destie me défend de nommer ici, M. Boismare fut
bientôt en état de puiser dans les sources mémes de
puissants moyens d'instruction.
Les cours de médecine , de chirurgie et de phar-
macie qui se faisaient alors à l'hospice d'humanité
de Rouen , et dont on regrette tous les jours la sup-
pression, lui donnèrent la facilité de commencer
son éducation médicale. C’est là que , sous des pro-
fesseurs consommés dans la théorie et dans a pra-
tique de leur art, il reçut les premiers principes de
l'anatomie , de la physiologie de la médecine opé-
ratoire et clinique , et de la chimie, dans ses rapports
avec la matière médicale. L'amour , ou plutôt la pas-
sion de l’étude , lui rendait tout facile ; non con-
tent de donner tout le jour au travail , il y consa-
crait encore une partie des nuits, et ne croyait ja-
mais assez faire pour pouvoir exercer un jour di-
gnement la profession à laquelle il se destinait.
La même ardeur pour l'étude le suivit à Paris,
ou plutèt il redoubla d’eflorts pour ne rien perdre
des secours précieux que la capitale ofire aux étue
diants en médecine Une sage distribution de son
temps lui permettait de suivre assidûment les dif-
férents cours qui y sont professés par des savants
et des praticiens du premier ordre. Le zèle qu'il
(50)
montrait pour son instruction, la régularité de sa
conduite, la pureté de ses mœurs , laménité de son
caractère , lui concilièrent également l'estime et l’af-
fection de ses maitres et de ses compagnons d’étude.
Le 5 juin 1808, il recneillit enfin le fruit de ses tra-
vaux , en recevant le diplôme de Docteur en méde-
gine de la Faculté de Paris.
Le 25 mai de l’année précédente, il avait pré-
senté et soutenu à cette école célèbre, une Disser-
tation sur la pleurésie gastrique ou bilieuse, dont il
fit hommage à l'Académie , et dont M. Vigné vous
a rendu compte.
Dans cette dissertation , remplie d’une érudition
choisie, de faits neufs, et d'observations intéres-
santes , M. Boismare se proposait de prouver que la
maladie connue sous le nom de pleurésie bilieuse,
n’est pas toujours une complication de la pleurésie
avec une aflection bilieuse, mais que souvent les
symptômes pleurétiques ne sont que sympathiques
ou épiphénomènes d'une aflection bilieuse intense.
L'Académie ne pouvait concevoir que d’heureuses
espérances de l’auteur d’une produetion aussi mé-
thodique et aussi sagement écrite : aussi s’empres-
sa-t-elle de lui ouvrir ses portes et de l'associer à ses
travaux.
Dans son Discours de réception, notre nouveau
confrère présenta à la compagnie des réflexions ju-
dicicuses sur Paliénation mentale. Son but n'étant
point de traiter des diflérents genres de folie , il ne
considère cette maladie que comme idiopathique
du purement nerveuse.
Il donne le nom de folie nerveuse à celle qui, mar-
quée par le trouble des fonctions de l'entendement
seulement, etsans aucun vice organique sensible, peut
être regardée comme louvrege de l’homme , at-
(50)
{
tendu qu’elle résulte de ses mœurs , et qu'il est en
son pouvoir de l'éviter.
Après avoir parlé des causes de cette folie , telles
que les excès de la table, l'abus des liqueurs fortes
et des narcotiques , les travaux intellectuels trop
long-temps prolongés , les chagrins profonds, les
grandes passions , la débauche , etc. l'auteur ajoute :
une éducation soignée, et dirigée par des parents
ou des instituteurs vertueux, est le plus sûr moyen
d’en garantir les individus ; et la douceur doit pre-
sider au traitement de ceux qui en sont attaqués ,
sauf les cas où la sévérité devient nécessaire pour
mettre les furieux hors d’état de nuire.
Ces travaux, Messteurs , n’étaient que le prélude
de ceux dont il devait enrichir vos annales ; et sans
m’arréter ici aux nombreux Rapports que vous
l'avez chargé, à différentes époques , de faire à la
compagnie sur divers sujets de médecine , et
qui tous se distinguent par un juste discernement ,
un tact sûr, une critique judicieuse et polie, que
p’aurais-je point à dire de l’excellent Mémoire qu'il
vous a lu en 1816, sur la topographie et les cons-
tiltutions médicales de la ville de Quillebeuf, et des
lieux circonvoisins dont elle recoit les influences , et
que vous avez jugé digne de paraître en entier dans
le Précis analytique de vos travaux.
Ce Mémoire, que l'Académie accueillit avec le
plus vif intérêt, mérita l'approbation de Son Exc
le Ministre de l'intérieur , auquel M. Boismare en
avait adressé une copie.
M. le comte de Montalivet s’occupait alors de re-
cueillir tout ce que l'embouchure de la Seine peut
offrir de remarquable : les dangers de la naviga-
tion , et les améliorations dont elle est susceptible ,
excitaient surtout sa sollicitude.
(32)
Son Exc., par une lettre qui contient des remer-
ciements flatteurs pour notre confrère, linvita à
lui donner la solution d’une série nombreuse de
questions qui n’entraient point dans le plan du pre-
mier Mémoire.
M. Boismare répondit à l'invitation de Son Exec.
par un second Mémoire sur La statistique de la
ville de Quillebeuf et de l'embouchure de la Seine,
ayant pour objet principal la navigation et la
péche.
Davs ce dernier Mémoire, M. Boismare, après avoir
donné la topographie de l'embouchure de la Seine,
s'occupe de Ja pêche, du pilotage , des bancs à fond
de roche et de sable mouvant , des rochers, des
vents, des marées , de la barre et des courants,
de la navigation , des dangers auxquels sont expo-
sés les navires en montant la Seine , de ceux qu'ils
ont à craindre en descendant ce fleuve , et termine
par quelques observations sur le langage des habi-
tants de Quillebeuf.
La sagacité avec laquelle M. Boismare avait
résolu les questions qui Jui avaient été proposées ,
donnèrent à Son Exec. une idée très-avantageuse de
ses talents, et ce Ministre ne crut pouvoir mieux
lui témoigner sa satisfaction qu’en le nommant, le
26 janvier 1811, médecin du dépôt de mendicité
qui venait d’être formé à Saint-Yon, et où il ne
commença à exercer ses fonctions que vers la fin
de l’année 1812.
Dès le commencement de 1814, l'horizon politi-
que se coutrit d’épais nuages: de longs revers avaient
répandu par-tout la consternation et lépouvante ,
et faisaient assez pressentir la catastrophe sanglante
qui ne tarda pas à éclater.
Les
{ 33
Lesénvirons de la capitale, devenus le théâtre de la
guerre , étaient alors jouches d’un nombre immense
de malades et de blessés, Dans l'impossibilité de
leur donner des secours sur le lieu même, une
partie considérable est embarquée sur le fleuve de
la Seine , et ils abordent enfin aux pieds de nos
murailles.
O spectacle déchirant et attendrissant tout ensem=
bie ! D’un côté, l'humanité en proie aux maux les
plus cuisants , aux douleurs les plus cruelles; de
j'autre la pitié la plus tendre , les attentions les plus
délicates, les soins les plus généreux. On s'empresse
autour de ces victimes infortunées des fureurs de
la guerre; les ministres de la santé donnent l'exem-
ple du plus héroïque dévouement , et chacun se
fait un devoir de l'imiter,
La chaleur du zèle ne fait point oublier les pré-
cautions commandées par la prudence. Les indivi-
dus attaqués de maladies contagieuses sont écartés
de nos murs et transportés au dépôt de mendicité
de Saint-Yon.
Que ne puis-je, Messieurs, vous peindre ici tout
ce que M. Boismare déploya de zèle et d'intelligence
dans ces circonstances difficiles et périlleuses ! Que
pe puis-je vous rendre tout ce que son ame sensi-
ble et compatissante eut à souffrir !
Forcé de respirer à chaque instant un air infecté
par les miasmes putrides qui s'élèvent autour de
lui , notre généreux confrère semble oublier le soin
de sa propre conservation pour ne s'occuper que
de celle des infortunés qui réclament les secours
de son art. Auçuns détails ne lui échappent: il or-
donne tout , il surveille tout ; son incroyable acti-
vité le rend en quelque sorte présent partout où
le danger l’appelle, I eùût fallu , je ne dis pas un
C
(34)
courage , Car le sien était au-dessus de toutes les dif-
ficultés, mais des forces plus qu'humaines pour ré-
sister à des trayaux si multipliés et toujours renais-
sants.
Un mois s’était à peine écoulé depuis que la mai-
son de Saint-Yon avait été convertie en hospice
militaire , que M. Boismare, dont la constitution na-
turellement faible se trouvait dans ce moment alté-
rée par une foule de causes très-actives , ressentit
les premières atteintes de la maladie qui nous l'a
enlevé.
Dans la nuit du 12 au 15 mars dernier , une des
dames hospitalières, frappée de la contagion qui
régnait dans la maison, et à laquelle six de ses res-
pectables compagnes avaient déjà succombé , éprouva
une violente hémorragie qui nécessitait les secours
les plus prompts. Averti de ce danger, M. Boismare
vole à l'hospice vers les neuf heures du soir, emploie
avec M. Jourel, chirurgien en chef de la maison,
tous les moyens que Part prescrivait en pareil cas ,
et revient chez lui vers minuit.
Le 15 il éprouva quelques mouvements de fiévre
qui ne l'empéchèrent cependant pas de faire sa
visite ordinaire du matio.
Le 12, la fièvre s’allumant de plus en plus, …l
invita M. Désalleurs , médecin distingué de notre
ville, à vouloir bien le remplacer dans ses fonc-
uons.
Quelques élèves en chirurgie étant devenus aussi
les victimes du fléau qui exerçait de si terribles
ravages à Saint-Yon , M. Boismare , malgré le germe
de mort qu'il portait dans son sein , trouva encore
assez de force pour aller à l’hospice d'humanité
demander de nouveaux sujets ; il visita même en-
core quelques malades à Rouen,
(35)
Le 18 ilse mit au lit qu'il ne quitta plus.
Deux médecins de ses amis , MM. Bunel et Desal-
leurs, sont appelés, et lui prodiguent les soins les
plus assidus. Mais que peuvent toutes les ressources
de l'art contre les traits de la mort ! Le coup fatal
était porté, et le 28 au soir, M. Boismare rendit
le dernier soupir entre les bras de sa vertueuse
épouse (1) qui, malgré le danger qui menaçait ses
propres jours, eut le noble courage de ne pas le
perdre de vue un seul instant, et de lui rendre
elle-même les services qui semblent coûter le plus
à la délicatessede nos organes.
M. Boismare a conseryé jusqu’à son dernier sou-
pir cette fermeté d'ame inébranlable qui caracté-
rise le sage et le chrétien. Prêt à se séparer pour ja-
mais de l'objet de ses plus tendres affections , il donna
l'exemple le plus touchant d'une entière résignation.
« Mon Dieu, s'écriait-il, au fort de sa douleur,
» mon Dieu, donnez-moi le courage de consommer
» un si grand sacrifice ! »
Nul ne connut mieux que M. Boismare les de-
voirs de l'amitié, et personne ne s’en acquitta avec
une plus religieuse exactitude. |
Quoiquw’il fût d’une politesse exquise dans le lan-
gage et dans les manières , il n’en était pas moins
tout-à-fait étranger à l'art dangereux de ménager ,
de caresser même les opinions qu'il condamnait
intérieurement. 11 louait et désapprouvait avec cette
franchise décente qui est le partage d’une ame droite
et pure.
oo
(1) Mademoiselle Victorine Lemasson, fille de M. Lemasson,
ancien Ingénieur du département de la Seine-Inférieure, €t
membre résidant de l'Académie.
(CRE:
C36,)
En estil un seul d’entre nous, Messieurs , de
nous qui avons eu ayec lui des relations si intimes,
qui ne rende hommage à Ja bonte de son cœur,
à la douceur de son caractère, et qui ne paie
à sa mémoire le juste tribut des regrets les plus
amers ?
Consolons-nous toutefois, Messieurs, dans la mé-
ditation de ceite pensée sublime que l'homme ne
meurt -pas tout entier, et qu’il ne dépose ici bas le
fardeau de ses dépouilles mortelles que pour s’élan-
cer plus rapidement vers le séjour de l'immortalité.
A A ON PT TT 2 A
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Sur M. PARMENTIER,
Par M. Virazis.
Antoine-Augustin Parmentier , né le 17 août 1737,
à Montdidier, département de la Somme, est du
nombre de ces hommes qui ne durent leur éléva-
tion qu’à leurs talents et à leur mérite personnel.
Quelques leçons qu’il reçut d’un vertueux ecclé-
siastique furent les seuls moyens d'instruction que
la modicité de la fortune de ses parents leur permit
de lui donner.
Très-jeune encore , il entra comme élève chez
nn pharmacien de sa ville natale , d’où il sortit en
1755, pour se rendre à Paris, auprès de M. Si-
monnet , Son parent, qui y exerçait la même pro-
fession,
La guerre d'Hañovre ayant éclaté en 1757, Par-
C37)
“entier. fut employé dans l'armée francaise en qua-
lité de pharmacien. Il logea à. Francfort-sur-le-
Mein , chez le savant Meyer, dont il se concilia
tellement l’estime et-l’amitié, que ce célèbre chi-
miste Jui aurait accordé la main de sa fille, sil
eût consenti à se fixer en Allemagne ; mais l'amour
de la patrie et de l’étude l'emporta sur les plus
tendres affections et sur, la séduisante perspective.
d’un établissement avantageux.
La sage conduite du jeune Parmentier , le zèle
et les talents qu'il déploya dans son service , lui
méritèrent de la part de lIntendant général des
hôpitaux, le sage. Chamousset, des éloges et de
l'avancement.
La paix ramena Parmentier à Paris, en 1763. 1]
employa les premiers moments de son retour à
son instruction : il assistait aux léçcons de physique
de Nollet, suivait les cours de chimie des frères
Rouelle , dont il fut quelque temps le préparateur ,
et les herborisations de Bernard de Jussieu. Cepen-
dant, ayant épuisé les ressources qu'il s'était ména-
gées par son économie , il pria M. Loron de le rece-.
voit comme simple élève dans sa pharmacie; il y
resta jusqu'en 1765 , époque à laquelle une place
dé pharmacien gagnant maîtrise étant devenue
vacante aux Invalides, il se présenta au concours
et obtint la préférence sur tous ses. rivaux.
Après avoir achevé son temps , il fut reçut maitre.
apothicaire ; mais, au lieu dese livrer à l'exercice de.
sa profession , il crut devoir se vouer entièrement
au culte des sciences,
Ici commence la carrière savante de Parmentier ,
et tout le monde sait combien elle fut brillante.
En 19571, l’Académie de Besançon ayant pro-
posé pour, sujet de prix la recherche des plantes
6 5
(38) |
alimentaires dont on pourrait faire usage dans les
temps de disette , Parmentier se présenta au Ccon-
cours et remporta la palme. Son Mémoire n’était
que l’esquisse d'un ouvrage plus étendu qui parut
depuis, sous le titre de Recherches sur les végétaux
nourrissants,
Quelques années après il publia sa traduction
des Récréations physiques , économiques et chimiques
de Model , savant pharmacien allemand.
Appelé avec M. Cadet Devaux, par les états de
Bretagne, à perfectionner en cette province l'art
de fabriquer le pain, ses travaux furent honora-
blement récompensés par une médaille d’or frappée
à cette occasion.
Ces travaux étaient loin de suflire à son infatiga-
ble activité : il se rendit éditeur de la Chimie hy-
draulique de la Garaye, et publia, en 1780, son
Traité de la Châtaigne, ouvrage qualifié par les
savants du titre d’excellent.
Il offre ailleurs d’utiles remarques sur les cham-
piguons. À l'exemple de son ami Bayen, il s'exerce
dans l’analyse des eaux minérales , et considère sur-
tout les eaux communes sous le rapport de la salu-
brité pour la boisson et pour la fermentation pa-
paire.
A peine, il y a près d'un demi-siècle, la pomme
de terre était-elle cultivée en France ; mais Parmen-
tier l’examine, y trouve une fécule nutritive aussi
saine qu’abondante, et, malgré les obstacles insur-
montables en apparence que lui opposent les pré-
jugés , il parvient en peu d’années à créer, pour sa
patrie, des ressources qui la mettent désormais à l'abri
des horreurs de la famine.
En 1784, il remporta le prix proposé par l'Aca-
(39)
démie de Bordeaux, sur la culture et l’usage du
maïs dans le midi de Ja France.
Dans son Economie rurale et domestique , qui fait
partie de la Bibliothèque des Dames , Parmentier
s’occupe des soins à donner aux oiseaux de basse-
cour, et trace de la manière la plus aimable le
portrait de la laitière et d’une bonne fermière.
L'analyse chimique du lait lui mérita en commun,
avec M. Deyeux, le prix proposé sur ce sujet ;
en 1790 , par la société royale de médecine.
L'année suivante , ces deux savants reçurent éga-
lement en commun, des mains de la même société,
le prix sur l'analyse du sang.
Parmentier eut aussi la gloire de concourir avec
le Comte de Rumfort à l’établissement des soupes
économiques ou aux légumes.
Nommé Président du Conseil de salubrité de Paris,
son ardente sollicitude ne négligea aucune occa-
sion de se signaler, en écartant de cette populeuse
cité tout ce qui peut nuire à la santé de ses ha-
bitants, .
Appelé au Conseil général des hospices , il pu-
blia le Code pharmaceutique , dans lequel il fait
connaître des améliorations importantes dans la pre-
paration des vins médicinaux.
Indépendamment de ces ouvrages particuliers ,
Parmentier a fourni de nombreux et excellents ar-
ticles au Cours complet d’agriculture de Rosier , à la
Bibliothèque Physico-Economique ; à la nouvelle
édition d'Olivier de Serres, aux nouveaux Diction-
naires d’histoire naturelle et d’agriculture , aux An-
nales de chimie , au Bulletin de pharmacie , à la partie
de l’Economie domestique de l’Encyclopédie par
ordre de matières, et aux journaux les plus esti-
més sur cette partie de nos connaissances.
C 4
(40 )
Enfin, des Anstructions très-utiles , publiées par
ordre du Gouvernement, et dont il a eu soin de vous
adresser des exemplaires, sur les raisinés, les si-
rops. et les conserves de raisin , occupèrent les der-
nières années de la vie laborieuse de notre savant
confrère.
Parmentier ne connut point les douceurs de l'hy-
men ; mais il servit de père à ses neveux , et à tous
les jeunes gens qui montraient du zèle et des talents
pour l'art pharmaceutique. Son caractère était aussi
doux qu’obligeant. Quoique privé des secours de
la première instruction, il parvint à force d’étude
et de travail, à occuper un rang distingué dans les
sciences, et à mériter une place à l’Institut de
France et au Conseil de santé des armées. Le Gou-
vernement, reconnaissant des éminents services
qu’il ne cessait. de rendre aux hôpitaux militaires ,
-en sa qualité d’Inspecteur général du service
de santé, l’en récompensa en le nommant Officier
de la. Légion d'honneur. Toutes ses pensées, toutes
ses idées étaient inspirées, dirigées, soutenues par
Pamiour du bien public. La mort, en tranchant le
fl de ses jours, a enlevé à Phumanité un de ses
plus ardents bienfaiteurs ; mais il vivra éternelle-
ment dans la mémoire de l’indigent, du savant, de
Fhommie de bien : il vivra surtout dans le souvenir
de l'Académie de Rouen , qui s'honore de l'avoir
possédé dans son sein , et qui le regardait à juste
üire comme un de ses membres les plus distingués.
C41)
RARA
AAA AR
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Sur M. J.-S. Trizraye, D. M. à Rouen, correspondant
de la Société de la faculté de médecine de Paris,
de l’athénée des arts de la même ville , de l’Aca-
démie des sciences de Caen , de la société mé-
dicale du département de l'Eure , membre des
sociétés anatomique et médicale d'instruction de
Paris.
Par M. ViTaAzrizrs.
Né dans vos murs , élevé pour ainsi dire sous vos
yeux, ses premiers pas dans la carrière des sciences
furent marqués par de glorieux succès, et je rappelle
ici avec plaisir que dans le concours qui eut lieu en
1804 , à l'école centrale de Rouen, le jury lui dé-
cerna , d’une voix unanime , les trois premiers prix
de chimie minérale, végétale et animale.
Entrainé par son goût vers l'étude de la médecine,
il ne quitta sa ville natale que pour acquérir, sous
les plus habiles maîtres de la capitale , les connais-
sances nécessaires à l'exercice de l'art sublime de
guérir. Là il eut le chagrin de perdre M. Antoine
Thillaye, son frère aîné, qui avait aussi suivi mon
cours de chimie, et dont les idées , si elles avaient
eu le temps d’être perfectionnées par le travail et
mûries par la réflexion , auraient pu le rendre utile
aux arts.
De retour à Rouen , après avoir subi honorable-
ment les épreuves qui mènent au doctorat , M. Thil-
laye partageait son temps entre l'étude et l’exercice
(42)
de sa profession. Il cultivait d’une manière distin-
guée plusieurs branches de l’histoire naturelle , et
particulièrement la botanique et l’entomologie ; il
s'occupait aussi avec un zèle éclairé de la physio-
logie animale , et vous avez accueilli, MESSIEURS,
avec intérêt, plusieurs Mémoires qu’il vous a com-
muniqués sur cette partie importante de la mé-
decine.
Déjà il était parvenu à se concilier la confiance
d'un assez grand nombre de ses concitoyens , lors-
que les besoins de nos armées l’appelèrent au ser-
vice des hôpitaux militaires.
Avant de se rendre à son poste , il avait eu le
soin de faire remettre à l'Académie des Recherches
pathologiques sur la sécrétion des gaz dans les vé-
gétaux et les animaux , et deux Observations sur
une catalepsie compliquée.
Le compte avantageux que MM. vos commis-
saires vous rendirent de ces deux ouvrages , lui
méritèrent vos suffrages, et il fut associé aux tra-
vaux de l'Académie en qualité de membre non
résidant,
Arrivé à Erfurt, il se donna tout entier à l’exer-
cice de ses nouvelles et pénibles fonctions. Les soins
assidus qu’il donnait aux malades ne tardérent pas
à altérer sa santé; et, quoique déjà il portât dans
son sein le germe de la maladie à laquelle il a suc-
combé , et malgré même les représentations de ses
chefs , son zèle le détermina à se rendre à Dresde,
nouveau poste qui lui avait été assigné, et où it
termina sa carrière dans le courant de novembre
dernier.
Notre nouveau confrère se distinguait non-seule-
ment par ses talents et un ardent amour de l’étude ;
mais encore par des qualités morales dont il
(45)
me serait aisé de fournir des preuves touchantes.
il me suffira de dire qu'il donnait généreusement ses
soins aux indigents, et j'en ai moi-même recom-
mandé plus d’une fois, et toujours avec un égal
succès, à son active bienfaisance.
Puisse le tribut d’estime que l'Académie paie en
ce moment à la mémoire de M. Thillaye, adoucir
le chagrin de sa respectable mère presqu’octogé-
naire , et condamnée à survivre à des enfants qui,
suivant le cours originaire des lois de la nature , de-
vaient être les soutiens et la consolation de sa
vieillesse.
C44)
AAA AAA AAA A A AAA AAA AS AAAAA
MEMOIRES
Dont l'Académie a délibéré 1 impression darts
ses actes.
MÉMOIRE
Sur les surfaces considérées comme lieux de sommets.
communs de plusieurs pyramides.
Par M, DurirHor.
1. En déterminant l'expression des coefficients des-
variables dans l'équation d’un plan passant par trois
points donnés, M. Monge a remarqué que ces coëffi-
cients étaient tout-à-fait semblables à une expression
qu’il avait trouvée plus de vingt années auparavant,
pour la surface d’un triangle par les coordonnées de-
ces trois sommets; et, par une transformation très-
simple, il en a déduit que, sil’on projetait un triangle
donné dans l’espace sur trois plans rectangulaires , Ja
somme algébrique des pyramides qui auraient pour
bases respectives les trois projections et leur sommet
commun en un point quelconque du plan du triangle
donné dans l’espace, serait égale à une quatrième py-
ramide dont le sommet serait à l'origine et qui au-
gait pour base le triangle donné, En réfléchissant sur
ce théorème, jai cru n'apercevoir qu’il n’était qu’un
cas particulier d’une théorie beaucoup plus étendue
que je vais essayer de développer.
2. Les différents points de l’espace peuvent être
regardés, chacun en particulier, comme le sommet
commun d’un nombre indéfini de pyramides dont
Jes bases seraient constantes de grandeur et de posi-
tion; or, il est possible qu'on propose d'assujettir les
(45)
volûmes de ces pyramides à différentes lois, et les
sommets communs, déterminés d’après ces lois,
pourront caractériser une surface.
3. Réciproquement, si plusieurs pyramides à bases
fixes sont assujetties à avoir leur sommet commun sur
un point quelconque d’une surface donnée, les rela-
tions qui existeront entre les volumes des pyramides
seront caractérisées par la nature de cette surface; et,
la surface étant connue, on peut se proposer de dé-
couvrir ces relations. Telles sont les deux questions
qui vont être examinées dans ce Mémoire ; leur nou-
yeauté méritera peut-être quelque attention.
Les pyramides que je considérerai ici sont des so-
lides renfermés entre une figure plane et la surface
déterminée par un nombre infini de droites partant
du même point et aboutissant à tous ceux du contour
de la figure plane. Ainsi le cône ordinaire est une py-
ramide à base circulaire.
PREMIÈRE PARTIE.
4. Dans cette première partie j’examinerai la pre-
miére des questions précédentes, où l’on se propose
de déterminer une surface, d’après la loi existante
entre les volumes des pyramides à bases fixes dont le
sommet commun repose sur un point quelconque de
cette surface, et les coordonnées de ce sommet
commun.
La nature de la surface cherchée variera avec la
loi qui lie les volumes des pyramides etles coordon-
nées de leurs sommets; et, pour avoir la solution
complette de chaque problème, il faudrait que la loi
fût donnée dans chaque cas particulier. Cependant,
pour présenter sous un seul point de vue tout ce que
ces problèmes ont de commun, je supposerai que les
(46)
volumes des pyramides étant P, P', P/',etc., et les
coordonnées des sommets communs, z’,7",2", On ail :
F ( EP, 1.50, ) Ne NC Ta)
Les fonctions F ete sont en général quelconques,
mais doivent être particularisées pour chaque pro-
bléême.
On aurait l'équation de la surface cherchée si l’on
pouvait exprimer les volumes des pyramides en fonc-
tions des coordonnées de leur sommet commun, et de .
quantités constantes , puisqu’alors l’équation (a) pren-
drait la forme :
F TE ts NES be
et n'aurait plus lieu qu'entre les trois variables
z', y', z' et des constantes. Or, par supposition, les
surfaces des bases des pyramides, et les positions des
plans de ces surfaces sont données : soient donc,
Pour P... S la surface de la base et Ax + By + Cz + D = 0
le plan de S
P° P’... S' la surf, de la base et A’ x+B'y+C'23+D'=0o
le plan de S’
P: P/’..,S/! lasurf, de la base et A!’x+B//7+C''24+D" = 0
le plan de S'' etc.
Les quantités... S.. S'.. S!...... A, A", A/",..B,B",
B'’... etc. sont connues. Soient de plus z’,.7’, z' les
coordonnées d'un point quelconque de la surface
cherchée , on verra facilement que les longueurs des
perpendiculaires abaissées de ces points sur les bases
des pyramides sont respectivement :
Az! + By'+Cz'+D Ar + B'y" + C':' + D’
ASE RERO 0 A PE DEteQiré
A'"x'+ By" + C''z2! L D’
71metce
(479
D'où l’on déduit :
S(Az'+Br' C2" D) S'(A2" By" 4 C'2 D")
MVNO MS VATER ECS TL
Si l’on pose, pour abréger :
AZ + B° + C: — d;, ‘A2 + B'° EL C'° = u!?, A! L B''°
QU de 7 de
On a :
S k S”
P=( Az! + By'+Cz+D )>P= 25 ( As’
+B'r" + C'2' + D) etc. (à)
Substituant dans (a):
S S"
F ] 3, (Az'+By'+Cz'4+D) , =; (A'z'+ By"
2u ou
+ C'z' + D’) ct. | LD SN ere (ce)
I ne reste plus qu’à particulariser, pour chaque
problème, les fonctions F et +.
5. La forme la plus simple que l’on puisse donner
à F, consiste à supposer :
F"(P,P’,P”, etc.) = P + P’ + P”’Letc.
le second membre indiquant une somme algébrique.
Posons en même temps :
00,20) —" MT TER Ny' +Qz' +R;
Ce qui revient à chercher une surface telle que
la somme des pyramides à bases fixes, et dont le
sommet commun repose en un point quelconque de
cette surface ; soit une fonction linéaire des coordon-
nées de ce point, l'équation (c) deviendra alors:
(48)
S (azppy cz + D Ÿ+ Sa py" + C2
Su LA x Su! J “
(1
+D') + Le (ana Bo" #D") + etc —=Mz!
+ Nr'+Q2' +R.
La surface cherchée est donc un plan, dont la posi-
tion dépend, en général, de l'étendue des surfaces
données, et de leurs situations respectives.
Si l’on fait M =0, N=0, Q =o, ce qui revient à
supposer la somme des pyramides constante, on
trouve , en se bornant à trois pyramides etordonnant:
zx! Qu'ur AS -L uu'" A'S" ee uu'A!''S!'' ) + 7 ( un [44 BS
+ uu''B'S'" + uu'B''S" ) + z' (ulu”!CS + uu!!C'S"
uu' leLu S’? ) ee u'u''DS + uu!'D' O7 ee uu!' D’! S!r
SORA des eee Mia et etre À deu Les (d)
équation symétrique , et par-là même assez remarqua-
ble. Pour examiner la forme que prend l'équation (4)
dans quelques cas particuliers, je supposerai, d’abord,
que tous les plans des bases deviennent parallèles,
Cette circonstance sera exprimée par les équattons :
M PACE PAS
BeubBlrs. BR?
Ce CSC, douusu=n
etc.
Introduisant ces conditions dans l'équation (d),
oh à :
Az! (S4S'4S")+By" (SHS/ÆS")H C2" (SHS' HS")
DS DIS CP DUST = 5 RARE, L.. 202 (f)
Qui est l’équation d’un plan parallèle aux plans des
bases. Enfin, si toutes les figures planes sont situées
dans le flèe plan, on aura:
D = D'= D''et( f) deviendra :
3R uw
’ 42 E à à 2
Az + By + Cz + D aa S+sS'"+s"
Le
(49)
Le plan auquel appartient cette équation coupera
l'axe des z à une distance de l'origine exprimée par
5Ru D
GROS LS DT”
et la distance entre ce plan et le plan commun des
bases, mesurée sur l'axe des z, sera :
5 Ru
TS ES FE
Au moyen de cette expression, on peut se repré-
senter, par la géométrie le résultat précédent.
Soient MN, PQ, fig. (1), le plan des bases et celui
des sommets, OZ l’axe des z; BC la partie de cet axe
interceptée entre les deux plans; BA la plus courte
distance entre ces deux plans : on a par ce qui pré-
cède
5uR
C(SHESES7)
Dans le triangle BAC rectangle en À, il est facile de
voir que l'angle ABC est égal à l'angle formé par le
plan MN avec celui des xy, donc,
cos. À BC = ae
u
BC =
Donc la hauteur commune à toutes les pyramides
comprises entre les deux plans, où la ligne BA sera
égale à
5R
S + S’ + S!!
Et si l'on multiplie cette hauteur commune par le tiers
de la somme des bases, ou + (S+4S'+5), on
trouve pour produit la constante R, ce qui devait
être.
6. Plaçons les trois bases dans les trois plans coor-
donnés, savoir S dans le plan xy,S' dans le plan
zz,S"' dansle plan re, il suffira de faire :
D
(€ 50 )
= oo) CRDP 'E 6, n'en
BV") OR SE 047 I
AUS 0 , CE 0, Mi !
Introduisant toutes ces suppositions dans (d) on a:
Sz'+ S'y + S'z = V
V étant une constante, équation dans laquelle les
coëfficiens des variables sont les surfaces mêmes des
bases, multipliant et divisant le dernier terme par
VS +5" + STet prenantle tiers de tousles termes,
on obtient :
NV vs
1527387" HS" = VS ST + ST
Equation qui n’est que la traduction analytique du
théorême de M. Monge, énoncee ci-dessus (1).
7. Aprésavoir supposé quela fonction F(P,P',P'')
prenne la forme P + P'Æ+P/”' + etc, Je passe à l'hy-
pothèse à-peu-près aussi simple :
P + P" etc.
F CS ANS AT _ LÉ PR TE
P' + P'7 + etc.
en supposant toujours & (x’,7’,z") une fonction
linéaire, on a :
P HP" etc.
© =Mz+Ny'+Q:' +R.
PPT etc. PDT
Le dénominateur est une fonction du premier de-
gré, de sorte, qu’en le faisant disparaître on aura
une équation du second degré : la surface cherchée
sera donc, généralement parlant, du second ordre.
Pour plus de simplicité, supposons que le second
membre se réduise à la constante R , et bornons-nous
à deux pyramides, on a :
u'S(A x'+By LC +D).
ae
uS'(A'z'+B'y'+C'z +D')
C51)
Réduisant et ordonnant :
z'{u! AS—RuA'S')+y" (nu! BS=RuB'S')
+ 2! (u!CS— Ru C' S')+u DS — Ru D’ S = 0.0)
En supposant que les bases des pyramides soient
entre elles comme les volumes, où, S=S'R, on sim-
plifie beaucoup l'équation précédente. Par-là elle se
réduit à :
z'Qu'A mu A!) + y! (u Bu B') +2 (u'C—ucC")
+ u D—uD' = 0.
Quand les bases deviendront parallèles, il suffira
de faire dans (g)
N=ASB=RB,C-C,nu=u
ce qui donne :
A z'(S—S'R)+By'(S—S'R)4+Cz:(S—S'R)
+DS — RD'S' — 0,
Le plan des sommets devient donc parallèle à
ceux des bases ; si à ces conditions on ajoute la sui-
vante :
S—S'R—=o
l'équation précédente se réduit à
DS—RD'S' —=o
entre des quantités constantes. Cette dernière équa-
tion ne peut étre satisfaite dans l'hypothèse actuelle
que par D = D’. Donc, si les bases ont entre elles
le même rapport que les pyramides, les plans de
ces bases ne peuvent pas être parallèles , et il faut
qu'ils se confondent et ne forment qu’un seul et
même plan, ce qui, après tout, est un cas parti-
culier du parallélisme.
Si dans l'équation (2) on fait S = S’ elle devient
indépendante de la surface des bases.
Je passe au cas où les plans des bases sont perpen-
diculaires entre eux. Je place la base de l'une des
D 2
C52)
pyramides dans le plan de x =, et celle de l'autre
das le plan des yz, ce qui revient à supposer
AUDE D, 1, C MED ED SU =7
AE HL Blé'o, C'ÆOSNDRAET SP AE=ITx
ce qui réduit l'équation (g) à la suivante:
SYP—RS TL = 0... pessssotenernes .. (D)
Le plan des sommets devient perpendiculaire au
plan des x , y , et renferme l'axe des z, comme on
peut se le représenter intuitivement par la géo-
métrie,
Soit O , l'origine des coordonnées (fig2) Ox,
Or, Oz, les trois axes O Z P Q le plan des som-
mets, m l’un des points de ce plan, S, S’ les bases
des pyramides P , P' dont m est le sommet pg
=ÿ',pr= zx", «a = xOQ. D'après l'équation, (4\
on aura :
R S”
Le triangle p O q donnera par-là
pPo—=O a
donc.... P =:09g.RS"
mais.... P=2:09g.S
e. ,
Donc... pr =R comme on le savait d'avance.
8. On pourrait faire encore sur la fonction F dif-
férentes suppositions , et prendre + du second degré,
mais on serait conduit à des surfaces d'un ordre
supérieur, et la discussion de ces surfaces pourra
faire l’objet d'un second Mémoire, Cependant nous
jetterons un coup d’œil sur le cas où............. .
FCP,P', PM.) = P°P HP 4, etc.
en supposant 9 (x”,7", z' ) égale à une constante
M, l'équation (c) deviendra :
(53)
s.
(as ++ c"+D): + (4 2 By
+Cs+n")"+ eur {Az + By IRC + 1 +0") "+
qu?” \
ElCes se. — M°:
On voit qu’en général cette surface est du second
ordre. Si l’on place S dans le plan des x, y
»
dans celui des x z, S! dans celui des yz,
on a :
Mon Ru oi =, Dù So) sh
DR MR ir Gt 0 Dot SE
D'ESPACES
ce qui transforme l'équation précédente en
24 Sy HS" 22" = 9 M”.
Equation d'une ellipsoide, dont le centre est à l’ori-
gine, et qui, si les bases sont égales deviendra une
sphère représentée par l'équation :
M:
z'°+py"" +2 =<
5M : À
dont le rayon est —5-i Comme on pourrait le voir
par la simple géométrie. Les résultats précédents
sont pour les surfaces du second ordre ce qu’est le
théorème de M. Monge pour les plans. En changeant
les signes des quarrés des pyramides , on pourrait
tomber sur des hyperboloïdes.
g. Avant de terminer la première partie de ce
Mémoire , j'examinerai sous quelles conditions la
somme de plusieurs pyramides devient constante ,
quand les sommets communs de ces pyramides
doivent rester dans un plan représenté par l'équation,
A2 +HB:p'ÆG, 3 + D, =0 see c010(4)
D 35
(54)
La somme des pyramides est
Sa ++ cs +D)+ er (4' x! + B' >"
+ C'z z! + D’ )r(a"= x'+B"y +C'' z ») +0" )+
Si l'on prend dans (h) la valeur de .z" et qu’on
là substitue dans la fonction précédente , elle con-
tiendra encore deux variables zx", 7", égalant à O
les coëfficiens de ces variables, on aura deux équa-
tions de conditions pour que la somme soit cons-
tante, Telle est la marche que je vais suivre.
La somme des pyramides peut se mettre sous la
forme :
ES A'S' RARE BS PEL
3 u u' ul! pr ete
B'’ Ée
c's’ Le cs"
+etc
DS TE A Hd
2e etCes
+: Sous
prenant és Fr PR z' dans (4) et la substituant
dans la dernière fonction , il vient :
12 AS A'S’ AT:S"" A, ,CS C’ S°
: mi Es
u u! TL ce u u
w. se re x A )) Le te pee S" er sy B,
. SR 7 ren TG
C' LA C"!’ sb
D'S"
CORRE + etc. > +: Cite
D’’ S'r = G S C' EU C'rS
DNA RAS
en égalant à o les coëfficiens de z’ et y’, on ob-
tiendra pour les conditions cherchées :
(55)
AS A'S" A’!S/r A, CS c's’ c'!'s'r )
NE = el 12 ;
PL u!! as u uw! u/! œ
BS B'S’ p’’S"? CS c's’ CSC
tar greg Ce) =
alors la somme rat Ra à sera constamment
égale à
DS D'S’ D’!/$S'’ D, CS c's" USE
Li
3 ts ur ee DU RR BUS UE gr) Jr D
Si cette constante de être sde à et égale ,
par exemple a R, on joindrait aux équations (k) une
nouvelle équation de condition :
DS, DS. D’S"D,/CS, C'S’ CS Nr
u u’ CHAUX 8 ET FU u! u!!
On peut déduire des équations À, une consé-
quence remarquable: c’est qu’elles auront lieu in-
dépendamment du plan des sommets si l’on a sé-
dé:
A! S’ A!’ S''
EN re 10
BS B'S' B”S" + etc. = 0
LA r C'! 1r
CS het L + etc. = 0
Il existe par STAR certaines positions des
figures planes , pour lesquelles la somme des pyra-
mides sera toujours constante , quelque soit la po-
sition du plan des sommets. On remarquera aussi
que les premiers termes de la constante (/) sont les
volumes des pyramides qui auraient leurs som-
mets à l'origine , et pour bases les figures planes
données.
On pourrait chercher de même les conditions
pour que le rapport d'une somme de pyramides
D 4
(56)
à une autre somme de pyramides fût constant.
On tomberait sur quatre équations de conditions ,
dont deux seraient absolument semblables aux équa-
tions (4), les deux autres s’en déduiraient en chau-
geant les lettres accentuées.
SECONDE PARTIE.
10. Une surface étant donnée , avec plusieurs
bases fixes, trouver la relation qui existe entre les
volumes des pyramides auxquelles appartiennent
ces bases, et qui ont leur sommet commun sur la
surface donnée.
SO... 9 Cu 7" 2) =D res raroopes (1)
l'équation de la surface P , P’, P’’...... etc., les vo-
lumes des pyramides on a :
1.48 LA ? L L = ==, S” TEE
P= (Az LBy'+Cz+D Jp = (4 *
[14
+ B'y'+C'2 + );P" =. . zx! + By"
C''2"+ D") ; etc.
Tout se réduit à réunir à l'équation (r) assez d’au-
tres équations pour éliminer les variables x’, y" ,2",
et obtenir par-là une équation entre les pyramides
P,P’,P//.... et des constantes ; mais, comme dans
tous les cas i] n’y aura que trois variables à éliminer ,
il suffira de trois pyramides pour éliminer ces va-
riables , et le nombre des relations distinctes entre
les pyramides croitra avec le nombre des pyra-
mides.
Ici se présente d’elle-méme une remarque assez
curieuse : c'est que , si le nombre des pyramides
données dans l’espace surpasse trois, il existe entre
(57)
leurs volumes et des constantes des relations ne-
cessaires pour que leurs sommets soient situés au
même point. Pour se convaincre de cette vérité ,
il suffit de remarquer que les équations précé-
dentes peuvent être considérées indépendamment
de l'équation de la surface. + ( x" ,7", z')= 0.
Avant de faire l'application de ce que je viens
de dire à la solution de notre probléme , je vais
m'occuper de ces relations entre les pyramides.
11, Prenons d’abord les deux pyramides
S S”
P=p(a2'+By"+Cs +D);r = ee x!
+B'y" + C' z'+ D’ )
On ne peut pas généralement éliminer z',7", 2
de ces équations, et tomber encore sur une équation
de condition; mais il existe cependant un cas par-
uculier où cela est possible, c’est celui où l’on a :
DA BR BG Can;
c'est-à-dire , où les plans des bases sont parallèles,
Si l'on fait
L
Az'+By'+Cz=2.
il vient :
SP. S'
P=(z+p), P=(Z2+D')
dont il faut éliminer Z ce qui donnera:
Gu (PS'— SP) —SS (D—D')
Si P est constant P' le sera aussi. Si les plans
viennent à se confondre , cas où l'on a D = D’
l’équation précédente se réduit à
PS'—SP'=0, ou,
P S
=
c'est-à-dire que les pyramides qui ont leurs bases
(58)
sur un même plan, et leur sommet au même point
sont entre elles comme leurs bases ; ce qu'on sa-
vait d’ayance.
12. Supposons qu’on ait trois pyramides de même
sommet et de bases quelconques,
LA
P— - ( Az'+By'+Cz'4+D ) P'- Le ( A'x'+ By"
14
+C'z'+D" er _ S 5 A'!x!'ÆpB'y"+C''z LD" ) =
5u
EtCessssss serre ses ones esenesessseseses (2)
On ne peut pas encore, généralement parlant,
obtenir une équation de condition entre les pyramides
et des constantes ; mais comme on a trois équations et
trois variables, x’, y", z', on pourra en déduire les
valeurs de ces trois variables. Ainsi, étant donnés
les volumes de trois pyramides de même sommet
et leurs bases, on peut déterminer les coordonnées
de leur sommet commun. Il suit de-là, que tous les
points de l’espace peuvent être rapportés à trois fi-
gures planes fixes, et seront déterminés, sans au-
cune ambiguité, par la connaissance des volumes de
trois pyramides qui auront leur sommet commun
en ces points, et pour bases les figures données.
Si l’on pose :
SD — 3u P — SE
S'D' — 3u’ P' — S'E’
S'D''—n= Gu!! p’’ _ S''E’
Les équations qui serviront à déterminer les coor-
données du sommet seront :
Az" + By + C2 HE 0
Aa + By" + Cz HE —o
A!!! —— BY" + C’" 27! — E’’ = 0
Il est inutile d’en rechercher les racines qui sont,
comme on le sait, très-faciles à former.
C59)
13. Les équations (2) conduisent à une équation de
condition, si l’on a :
À
B
Car si l’on suppose
Az, Br Z
ORBéesmeccns AUX + BAD
A!" x" + BU — Z
et les équations (2) deviennent :
P=S «( Z+C2'+D ) RUE &. (z+cs+0") :
(2H: D").
Eliminant Zet z’, on trouve :
S ( C—C) (Su!P'S'"—3u""P''sS" ) mn EU (C'—C" )
=O
WI
D >
Wu
Te
= 7
(SuPS'—3u'P'S ) 22. SS'S'’ [(C—C') (D'—D") =
(C0) (D—D')]
Si l'on se donne les volumes de deux pyramides,
on pourra, au moyen de cette équation, détermi-
ner le volume de la troisième.
Il est facile de voir ce que signifient en géométrie
les équations
AAA AT à à = : MAR SAIS (3)
En effet , les équations des plans des bases sont :
Az +By +Cz +D =o
A'x + By + C'z + D' =0o
A''x _ B''r + C!!z . D’! o
Si l'on y faitz —0o, on a pour les traces sur le plan
desx,#r;
Ar +Br +D =o
Az + B'y + D’ =0o
A!" —- B''y + D'’ = O0
Or, à l'inspection seule de ces équations , on voit que
; P
*
%, (60)
les équations (3) signifient que lestraces des plans des
bases sur le plan des xy, sont parallèles. On pourrait
déduire de-là, par la géométrie élémentaire, que les
hauteurs des pyramides sont situées dans le même
plan.
Si l’on ajoutait à ces conditions les suivantes:
ERA E | LA
On indiquerait que les plans des bases se coupent
suivant la même ligne droite, et l'équation de condi-
ton se simplifierait considérablement. Elle deviendrait
par- là :
S(C—C')(32/P'S/—3u/"P'S")—S'" (SuPS'—3Su"P'S )
( C'—c") = 0
Il est inutile d'examiner le cas où les plans des
bases se confondraient; on le discuterait comme
celui du n°11, et il conduirait au même résultat.
14. Pour quatre pyramides on obtiendrait, sans
aucune supposition préliminaire , l'équation de condi-
uon. Si l'on supposait toutes les traces sur l’un des
plans coordonnés parallèles entre elles, cela revien-
drait à supposer une inconnue de moins, et l’on aurait
deux équations de condition entre les volumes pour
que les pyramides aient même sommet. Enfin le pa-
rallélisme des plans des bases donnerait lieu à trois
équations de condition.
En général si l’on a m pyramides de bases diffé-
rentes, il faudra m—5 équations de condition entre
les volumes de ces pyramides, pour qu’elles aient
même sommet. Si toutes les traces des plans des bases
sur un des plans coordonnés sont parallèles , on aura
m—2 équations de condition; si tous les plans des
bases sont parallèles on en aura m—1.
Ainsi on ne pourra jamais regarder le volume des
(61)
pyramides comme connu, si ce n’est dans le cas de
deux ou de trois pyramides. Dans tousles autres cas
on ne pourra prendre, au plus, que trois volumes
déterminés ; si tous les plans des bases sont parallèles
on n’en pourra prendre qu’un seul,
15. Introduisons maintenant l'équation de la sur-
face :
(zx, r, 2h) 10
En la joignant aux équations des pyramides, on
obtiendra une équation de plus que dans le cas pré-
cédent; ainsi, pour m pyramides, on aura m—2
équation de condition , et l’on ne pourrait se donner
que deux volumes.
Si la surface donnée, sur laquelle toutes les pyra-
mides doivent avoir leur sommet, était un plan re-
présenté par l’équation
Ar E By Cr +ED, = a
On pourrait prendre successivement avec cette
équation , une, deux, trois, etc. pyramides, ou ver-
rait que l'élimination n’est généralement possible que
dans le cas où l’on a trois pyramides, et que le
nombre des équations de condition entre les cons-
tantes et les pyramides se multiplie, lorsque lon
suppose que les plans des bases sont parallèles ou
même que leurs traces sur l’un des trois plans soient
parallèles. Cependant, nous nous dispenserons de
rapporter les calculs, parce qu’ils sont, à très-peu
de chose près, semblables aux précédents.
16. Enfin si le sommet commun des pyramides,
au lieu d’être assujetti à rester sur une surface don-
née, devait se trouver continuellement sur une
“ligne donnée; aux équations qui donnent les vo-
lumes des pyramides, il faudrait joindre les deux
C6:)
équations des projections de lalisne. Avec un peu
d'attention, on verra que » pyramides donneront
m1 équation de condition. Je vais appliquer ces
principes à la ligne droite.
x'= az +a J'=bz +8
Prenons d'abord une seule pyramide
L— = Az" +By'+C:'+D )
On ne peut pas, en général , déduire de ces équations
une équation de coudition, mais on réduit facilement
la valeur de P à
Pi (caa+B5+0) 2! Aa + BB +D)
Cette équation ne contiendra plus de variables,
pourvu que l’on ait :
Aa+B&+C=0o
Ce qui est la condition pour que la droite des som-
mets soit parallèle à la base des pyramides.
Pour une autre pyramide P', dont le sommet de-
vrait être placé au méme point, on aurait :
ee (ca +2 +0) s4+A'e+BE+D)
Prenant la valeur de 2’ en fonction de P pour la substi-
tuer dans P’, on trouve pour équation de condition :
S'(a'a+B"5+0) (Ps Aa +B8+D) ) #
—S(a +B6 +C ) (Ps (a"2+n6+D")) f
Cette équation devient identique par les suppo-
sitions “
0
A'a+B'&+C'=0o
Aa + Bb +C =o
(63)
qui indiquent la parallélisme des bases avec la droite
donnée. Mais il ne faut pas en conclure qu’il n’y a pas
d’équation de condition; c’est, au contraire, parce
qu'il en existe deux qui se présentent d’elles-mémes
dans les valeurs de P et de P”’.
Les équations de condition que l’on obtiendrait en
augmentant le nombre des pyramides seraient sem-
blables à la précédente.
On trouverait, en suivant la même marche, les
conditions analogues pour les courbes à double cour-
bure, puisque ces courbes sont données par les
équations de leurs projections ; mais les équations de
condition que l’on obtiendrait seraient en général
d’un degré supérieur au premier.
ADDITION.
Minimum de la fonction
RONPOPET, PTE T0)
Lorsqu'une fois on a adopté une forme pour la
fonction F, on peut rechercher les conditions pour
que cette fonction soit un minimum où un maximum ;
il suffira , généralement parlant, dela regarder comme
fonction explicite de trois variables et de poser :
DEL GPIR RES ES 47) CAN A QE el RARES
subie a 2 MO D 0 à
CRUE PARU...)
dz!
= 0
= Oo
Soit pour exemple :
FCP,P', Pie.) = P'+ PHP L etc.
Une telle fonction n’est pas susceptible de mazxt-
€ 64)
mum ; parce qu'on peut faire croître indéfiniment
P,P',P/, etc. on aura pour le minimum
2 | AC
5e (as+by+cs+D)a+s ti (aa
4
+ By" + C'a + D") A+ ete. = 0.
. De , U L Sn 4 F
2 (Aa +R +04 D) B+3 2 (Az
+By'+C'a + D") D ete. = 0
2 LA
2 (as +Br+ce+D)c+3 Es (ax
114
+ By" + C'e" D’) C'+ ete. = o
Ces trois équations donneront en général des va-
leurs déterminées pour x’, 7", z'. On déterminera
par-l le point par lequel la somme des quarrés des
pyramides sera la plus petite possible.
Elles sont satisfaites par
A x +B y +C +D
Ar x! + B’ r' + cC' z! + D’
A"! zx! + By + Gr z! + D’ = 0
etc., etc.
WI
2 ©
Comme on pouvait le prévoir, puisque l'on écrit
par-là que les plans des bases forment un angle so-
lide, qui a pour sommet le sommet commun des
pyramides; tous les volumes des pyramides se ré-
duisent donc à des surfaces , et la somme de ces
volumes est en effet O.
Faisons :
D:= OtDE= TD
Ce qui veut dire que les plans passent à l’origine
et imaginons en outre qu'ils aient une autre point
dy B,
(65)
æ,B,7y commun. Les conditions pour le minimum de-
viendront :
(az +By" HG: Ja+: SEC Aa + By"
4 G'2 ) A" + etc. = 0
: AOL ATEN 2! + By
Dee
? u2 (Az +By' +ce )c+3%
+c' 2) C'+ete. = 0
En multipliant la première par & , la seconde par
B , la troisième par y, eten ajoutant les trois équa-
tions résultantes, on obtient une équation identique.
Donc une de ces équations est la suite des deux
autres. Les trois équations donnent donc une ligne
droite pour tous les points de laquelle la somme
des pyramides est un minimum ; et avec un peu
d'attention , on verra que cette ligne droite est la
commune intersection de tous les plans donnés.
S’a LA 1 yet
Sara +8y
Suivent les deux Figures dont est
question dans le Mémoire qui pré-
cède.
Ercraer.
Q
m
1
\
\
= —— = l N
/ /
1 /
7 ! S! \ Lx \ ! /
/ ds A C
hr Der SANT eee
Mémoire sur les Surfaces, etc., page 44 du Précis Analytique.
Frc.
( 67 )
OBSERVATIONS
Sur les plaies avec perte de substance de l'écorce des
végétaux ligneux.
Par M. Marquis, D. M. P., Professeur de Botanique
au Jardin des Plantes de la Fille de Rouen,
Si la physiologie des végétaux est une des bran-
ches les moins avancées des sciences naturelles , la
connaissance de leurs maladies, soit externes , soit
internes , des phénomènes qui les accompagnent,
des moyens curatifs qui leur conviennent, l’est en-
core beaucoup moins.
Les observateurs ne sont point encore d'accord
entre eux sur la manière dont se cicatrisent les
plaies avec perte de substance faites à l’écorce des
végétaux, et particulièrement des arbres.
C'est cependant un des phénomènes patholooi«
ques que le cultivateur doit étre le plus souvent
à portée d'observer ; c'est un de ceux qui présen-
tent en apparence le moins de difficultés.
Suivant Duhamel, on voit bientôt sur la portion
d'un arbre qu’on aura privée de son écorce , s’éle-
ver de l'aubier une foule de petits mamelons gés
latineux qui, s'étendant et se réunissant enfin , for-
ment une écorce nouvelle,
C'est le fluide mucilagineux désigné sous le nom
de cambium , spécialement destiné à la nutrition de
toutes les parties et source de toutes les produc-
tions nouvalles dans les végétaux , qui parait dans
ce cas reproduire l'écorce enlevée de la même
manière quil forme les couches annuelles de
liber.
Mais, s’ilen faut croire d'autres observateurs, et c’est
particulièrement l'opinion d’un naturaliste des plus
E 2
(63)
distingués , M, Palissot de Beauvois, de l'Institut ,
l'écorce ne se reproduit jamais de cette manière. Il
parait même révoquer en doute le suintement du
cambium , et le concours de cette substance à la
formation annuelle du liber.
« Quand on à enlevé une portion d'écorce à un
arbre ( dit, en rendant compte du sentiment de
M. de Beauvois à cet égard, le Secrétaire de la classe
des sciences physiques et mathématiques de l'Ins-
titut,.analyse des travaux de 1812, page 20 } et
qu’on a bien frotté la plaie de manière à n’y lais-
ser ni liber, ni cambium , l'aubier ni le bois ne
reproduisent rien ; mais les bords de la solution de
continuité faite à l'écorce s'étendent , recouvrent le
bois resté à nu, et produisent alors du liber et de
l'aubier incontestablement émanés de cette écorce. »
Laquelle doit-on adopter de ces deux opinions ,
et s’excluent-elles aussi réellement qu'elles le pa-
raissent ?
Il n’est pas rare , dans les sciences, de voir des
sentiments, enapparence tout-à-lait opposés , se con-
cilier cependant avec facilité ; quand on les examine.
et qu’on les compare sous toutes les faces et sans pré-
yention. Cette sorte de philosophie conciliatrice
( passez-moi cette expression ) qui cherche surtout
les points de contact des diverses opinions, me
parait même devoir être souvent le plus sûr moyen
de parvenir à la vérité.
L'observateur , uniquement rempli du point de
vue qu'il a saisi d’abord , rejette quelqæefois sans
assez d'examen tout ce qui ny cadre pas, et re-
garde. trop légèrement son lopinion comme exclu-
sive de toute autre.
‘Mes observations me portent à regarder les deux
opinions dont je vous ai rendu compte ; savoir :
(€ 69)
celle de Duhamel et des autres auteurs qui pen-
sent que l'écorce peut se reproduire par le suinte-
ment du cambium, à-peu-près comme Île liber, et
celle de M. de Beauvois, qui croit qu’elle ne se
reproduit jamais que par l'extension des bords,
comme également vraies , mais dans des circons-
tances diflérentes.
On sait que le cambium n’abonde dans les végé-
taux entre l'écorce et l’aubier qu'à deux époques
de l’année, au printemps et en automne.
La reproduction de l'écorce par le moyen du
cambium ne peut avoir lieu qu'aux époques où cette
substance abonde , et spécialement au printemps.
Elle ne peut même, comme Pa observé M. Fé-
burier, avoir lieu , même à ces époques, qu'au-
tant que la plaie est abritée. Sans cette précaution,
le cambium est dissous par l'air à mesure qu’il
exsude , et la plaie se dessèche toujours.
On empêchera également la reproduction de
l'écorce en frottant fortement la plaie, comme le dit
M. de Beauvois, opération qui altère et dessèche
nécessairement la surface dénudce de l’aubier en-
core tendre.
Mais, en abritant soigneusement la plaie du con-
act de l'air et de tout frottement, surtout si elle est
peu étendue, et qu’elle ait lieu sur un jeune vé-
gétal, la plaie west pas très-long-temps sans étre
recouverte par une nouyelle écorce plus mince,
plus tendre il est vrai que celle qu’elle remplace,
mais qui n’a besoin que du contact de l'air pour se
fortifier et se colorer.
La cicatrice se formant alors en méme-temps sur
tous les points , et n'étant pas plus épaisse sur les
bords qu’au milieu , il n’est pas possible de Fauri-
buer à l'extension des bords.
3
C70,)
Voilà ce que j'ai observé l'année dernière , con-
jointement avec M. Dubreuil, jardinier en chef du
Jardin des Plantes de cette ville, botaniste et cul-
uvateur éclairé, sur plusieurs pieds de houx , dont
la partie inférieure avait été dénudée de son écorce
dans un transport. Au moment où je vous parle ,
on peut difficilement , sur ces houx , distinguer
l'écorce reproduite de l’ancienne.
Il y a lieu de croire au reste que cette sorte de
régénération n’est pas due uniquement au cambium ;
et que quelques portions de tissu cellulaire soule-
vées par ce fluide s'échappent avec lui entre les
tubes de l'aubier , et concourent à la formation de
la nouvelle écorce,
Mais la plaie a-t-elle lieu à une autre époque de
l'année au milieu de l'été, par exemple ? Comme
il w’y a point alors de cambium , il w’y a point non
plus de formation immédiate d’une nouvelle écor-
ce , et la partie de lPaubier mise à nu se dessè-
che également, soit qu’elle soit abritée , soit qu'elle
ne le soit pas.
Aucun changement sensible dans l'état de la plaie
jusqu’au prochain retour de abondance du cambium.
Mais alors on ne le voit pas, comme dans le pre-
mier cas, former en méême-temps sur tous les points
de la partie dénudée une couche réparatrice, en
s'y étendant. La surface desséchée demeure telle ,
mais le tissu cellulaire des bords et surtout des
bords supérieur et latéral s'étend (1), et, formantun
bourlet , recouvre une partie de la plaie. Ce bourlet
mm RE NN ENE OU 16 3 ARR)
(1) Dans l'examen d'un grand nombre de cicatrices de ce
genre, j'ai presque toujonrs vu les bords latéraux plus avancés
que le supérieur, quoiqu'on regarde ordinairement ce dernier
comme faisant les progrès Les plus prompis,
(71)
s'étend davantage à la sève suivante , et continue
ainsi jusqu’à ce que la plaie soit entièrement fermée.
La cicatrisation n’en est cependant pas toujours
complette dans ce cas, et il y reste toujours une
dépression , une sorte d’ombilic plus ou moins Mmar-
qué.
Ce dernier mode de cicatrisation est, comme on
voit , bien plus lent que l'autre, et ne peut avoir
lieu qu'en plusieurs années pour peu que la plaie
soit grande.
Je crois pouvoir conclure des observations et des
réflexions dont je viens de vous faire part , que
dans des circonstances différentes , la cicatrisation
des plaies , avec perte de substance de l'écorce des
végétaux ligneux, se fait tantôt d’une manière gra-
duelle et lente, par l'extension des bords et la for-
mation des bourlets, comme M. de Beauvois paraît
d’après le passage cité plus haut, le penser exclu-
sivement ; tantôt d'une manière beaucoup plus
prompte par le moyen du cambium , à-peu-près
comme le pensait Duhamel , et par un travail de la
nature semblable à celui qui donne naissance aux
couches de liber qui viennent augmenter chaque
année le diamètre de l'arbre.
Mais ce dernier mode de cicatrisation , cette ré-
génération immédiate de l'écorce n'est possible qu’à
Pépoque où le cambium est le plus abondant , à
époque où la nature forme la couche annuelle de
liber , c’est-à-dire au premier printemps.
Ayant en effet, dans le courant de l’été dernier,
enlevé sur plusieurs arbres des plaques d’écorces ,
j'ai toujours vu, comme M. de Beauvois , la surface
dénudée se dessécher , avec quelque soin que je
Vaie garantie du contact de l'air.
E 4
C72)
On peut tirer des observations précédentes une.
indication pratique.
Assez généralement les cultivateurs ont l'usage de
recouvrir les plaies quelconques des arbres de di-
verses compositions , dont la plus simple et la plus
ordinairement employée se fait d'argile et de paille
hachée.
Mais si une pareille application est faite sans les
précautions convenables , et si , comme cela à
presque toujours lieu , on la laisse se dessécher et se
durcir , cette application peut souvent être contraire
et rétarder la formation de la nouvelle couche
corticale dans les plaies, qui ayant lieu , surtout sur
de jeunes végétaux, à l'époque où le cambium abon-
de, doivent être regardées comme pouvant, par
le suintement de cette substance organisatrice, se
guérir en peu de temps.
L’argile adhérant intimement à la surface de
l'aubier dénudé et s'y désséchant , doit nécessaire-
ment géner lalibre expansion du cambium , l'absor-
ber , ou du moins empécher la couche naissante, sur
laquelle elle exerce une pression forte et conti-
nuelle, de prendre toute l’épaisseur convenable.
La composition quelle qu'elle soit, dont on re-
couvre de semblables blessures , doit étre avec le
plus grand soin entretenue dans un état d'humidité
et de molesse qui permette la libre accumulation
et l’épaississement du cambium.
Mais si la plaie a été faite à une autre époque,
si elle a lieu sur le bois le plus vieux, si elle pé-
nètre dans le corps ligneux , comme alors il ne peut
y avoir d’espoir d'une prompte cicatrisation , et
que le bois mis à nu doit nécessairement se des-
sécher, il ne s’agit que de la garantir, par quelque
(75)
moyen capable de résister , du contact de l'air et
de l'humidité qui pourrait en amener la carie.
C'est dans ce cas seulement qu’on peut, après avoir
appliqué la composition d’argile et de foin , la
laisser se dessécher sur la plaie et adhérer intime-
ment au bois nu ; une couche de cire, quelquefois
employée à cet usage, y est encore très-convenable ,
en ce qu’elle ne peut être pénétrée par l'humidité.
J'ai essayé de fixer les idées encore indécises sur
un des/points les plus importants de la pathologie
végétale; la conséquence qui se tire tout naturel-
lement de ces observations peut être de quelque
utilité pour le cultivateur , même pour celui qu’elle
ne ferait que confirmer dans la bonne pratique re-
lativement aux plaies des arbres.
C'est dans les applications utiles qu’on en peut
faire que consiste le mérite le plus essentiel des
théories , qui ne doivent , ainsi que les nomencla-
tures et les systémes, être considérées que comme
le chemin qui conduit à ce but principal auquel
tout doit tendre.
La science qui n'arrive à rien d’utile n’est point
la vraie science,
La médecine vétérinaire, profitant des rapides
progrès de la médecine humaine , a cessé dans notre
siècle , au moins dans les mains de quelques hommes
distingués , d'être réduite à quelques recettes em
pyriques, mises le plus souvent en usage par la
plus grossière ignorance.
Espérons qu’il en sera bientôt de même de la mé-
decine des végétaux ( si j'ose m'exprimer ainsi. )
La pathologie végétale , encore dans l'enfance
malgré les travaux estimables du patriarche Olivier
de Serres , de Duhamel , de Schabol, de Tessier
et de Plenck, etc., ne mérite peut-être pas moins
(74)
que la pathologie animale d'occuper les savants et
les vrais amis de la nature.
Le nombre des plantes que l’homme culüve pour
ses besoins est bien plus considérable que celui
des animaux dont il a de même lié l'existence à la
sienne , et sur lesquels il a de même exercé son
influence d'une manière si admirable, en mului-
pliant , en perfectionnant leurs races.
L'homme civilisé ne peut se passer ni de ces
animaux dont il s’est fait des esclaves dociles, mn
de cette multitude de végétaux desquels il reçoit
tant d’ayantages divers pour prix des soins qu’il leur
donne. |
Ces aimables et utiles enfants de la culture, qui
font l'ornement, la richesse de nos champs et de
nos jardins , sujets comme nos animaux domesti-
ques aux infirmités, aux blessures, ne réclament
pas moins les secours d’une main médicatrice. |
La simplicité des maladies des végétaux, conse-
quence de la simplicité de leur organisation , promet
à l'observateur qui en fera l'objet de ses études ,
Vavantage flatteur de voir fréquemment le succes
couronner ses soins.
(75)
A I A A A AA AA AR
RECHERCHES e
SUR L'ACIDE PRUSSIQUEe.
PAR M. RoBsrtT.
On appelle acide prussique , la matière particu-
lière qui, par sa combinaison avec le fer oxidé ,
constitue ce qu’on connaît sous le nom vulgaire de
bleu de Prusse, bleu de Berlin, et, d’après la no-
menclature méthodique, prussiate de fer. Sans cher-
cher à résoudre ce point de question ; savoir , que
cette dénomination est due moins à l’exacte vérité
qu'à une extension de nomenclature qui est auto-
risée par la commodité avec laquelle elle se prête
par la désignation de ses combinaisons ordinaire-
ment très-compliquées, je me propose de faire con-
naicre quelques expériences propres à constater les
propriétés de cet agent chimique.
L'acide prussique , suivant les chimistes , est ca-
ractérisé par une odeur particulière qui se rappro-
che de celle des amandes amères, et cette parti-
cularité a fait soupconner, et le plus souvent avec
raison, que là existait l'acide prussique où cette
odeur était sensible. Ainsi, on l’a soupçonné et re-
connu dans les feuilles du laurier-cerise , ( prunus
Lauro - cerasus ) les amandes amères ( amygdalus
cummunis } les amandes de cerises noires ( prunus
avium ) les amandes , les feuilles et les fleurs de
pécher (amygdalus persica), et on a attribué les
eflets que quelques-unes de ces substances exercent
sur l'organisme, à l'acide prussique qu'elles con-
tiennent ; mais alors l'acide prussique est le plus
(76)
souvent combine avec une huile volatile odorante
et amère qui pourrait en diminuer ou en augmen-
ter l’énergie. (1)
Dans un Mémoire lu à l'Académie des sciences ,
le 15 décembre 1787, sur l'acide prussique , Ber-
thollet s'exprime ainsi : si on mêle de l'acide muria-
tique oxigéné avec l'acide prussique préparé à la ma-
nière de Scheele , le premier reprend l’état d'acide
muriatique , etle second acquiert une odeur beau-
coup plus vive. Si on l'imprègne plus fortement ,
SD PAG NOR O1 CHORALE A 21 RAT
(1) Sans tirer, pour l’instant, aucune conséquence des faits
suivants , je dois les citer ici parce qu'ils sont en opposition
avec plusieurs expériences annoncées,
L'huile volatile du laurier-cerise, dit Schwilgné dans son
traité de matière médicale , est un poison très-actif : dix gouttes
peuvent faire périr un chien. Une à deux cuillerées de leur
distillé aqueux ont été mortelles à des individus de moyen âge,
etc. ; d’un autre côté les pharmacopées de Wirtemberg et de
Prusse prescrivent ce dernier produit qui est donné comme
tonique, Voici les expériences qui me sont particulières :
19 J'ai fait prendre à un chien et à plusieurs couleuvres, une
dose très-forte d'huile volatile de laurier-cerise ; ces animaux
n'en ont nullement souffert ;
2° J'ai avalé moi-même deux cuillerées d'eau distillée de laurier-
cerise très-odorante , et je n'ai éprouvé aucun effet désa-
gréable ;
3° Plusieurs fois j'ai composé une liqueur très-agréable avec
l'alcool distillé sur les feuilles du laurier-cerise. J'ai ba et j'ai
fait boire de cette liqueur , il n'est survenu aucun accident,
La liqueur de table, connue sous le nom d'eau de noyau,
est d'un usage assez répandu ; on sait qu'elle tient en dissolu-
tion une huile volatile analogue à celle du laurier-cerise, et
l'on peut assurer que la plupart desliquoristes , au lien d'em-
ployer des noyaux, la composent avec un alcool plus ou moins
chargé de l'huile de cette plante.
Je le répète, je ne tire aucune conséquence de ces observa-
tions ; il faudrait y réunir une grande quantité d'autres expé-
riences que les circonstances ne m'ont pas encore permis de
répéter.
CR
C77)
si on le surcharge d'acide muriatique oxigéné, et
si on l'expose à la lumière , il prend une odeur tout-
à-fait différente de celle qu'il avait auparavant ;
elle ressemble à celle d’une huile aromatique ; la plus
grande partie se sépare de l’eau sous la forme d’une
huile qui se rassemble au fond. Cette huile prend,
avec Le temps, la forme de petits cristaux. Cette
singulière transmutation , sur laquelle Berthollet dé-
clare wavoir pu rien déterminer , ne pourrait-elle
pas avoir quelque rapport avec le fait suivant ?
J'ai chargé la cucurbite d’un alambic d’une quan-
üté considérable de feuilles de laurier-cerise ( pru-
nus lauro-cerasus } et ayant ajouté la quantité d’eau
nécessaire , j'ai procédé à la distillation en plaçant
au bec de l'alambic le récipient florentin pour
recueillir plus facilement, s’il s’en présentait, l'huile
volatile de ces feuilles, Le produit de la distillation
très-chargé de l’odeur la plus suave des noyaux,
très-laiteux d'abord , laissa bientôt précipiter une assez
grande quantité d'une huile très-légèrement colorée
et d’une odeur très-suave. La distillation terminée ,
j'ai mis à part le récipient florentin en fermant exac-
tement ses deux ouvertures; aû bout de quelques
mois, je m’aperçus qu’il se formait à la surface du
liquide de petits cristaux aiguillés que je soupçonnai
d’abord être de l'acide benzoïque , maïs je fus obligé
par la suite d'abandonner cette opinion. Ces cristaux
augmentèrent en nombre, de manière qu'il me fut
possible d’en recueillir une assez bonne quantité.
Ce fait, bien observé, me donna l'idée de soup-
çonner que par une opération diffiçile à expliquer
sans doute, mais due toute entière à la nature,
l'acide prussique aurait pu être transformé en une
huile aromatique beaucoup plus suave qu'il ne l'est
lui-même,
(78)
Pour arriver à la solut'on de cette question , je
me déterminai à préparer artificiellement de l'acide
prussique. Je me proposais ,
1° D'examiner les propriétés de cet agent chimi-
que pur ;
20 De constater qu’il est le même dans les divers
procédés indiqués pour sa préparation ;
5° De répéter les expériences annoncées par Ber+
thollet, et de voir si dans tous ces cas il jouissait
des mêmes propriétés.
Jusqu'à ce moment je n'ai pu m'occuper que
de la première partie da travail que je me suis im-
posé. Pour obtenir l'acide prussique j'ai employé le
procédé de Scheele , et je le décris ici avec exac-
titude, parce que les résultats que j'ai obtenus m'ont
paru différer de ceux indiqués par le chimiste
suédois.
J'ai pris vingt onces de bleu de Prusse que j'ai
broyé exactement avec dix onces d’oxide rouge de
mercure , j'ai ajouté par parties jusqu’à deux pintes
d’eau distillée ; j'ai soumis le tout dans une terrine
de grès à la chaleur de l'eau bouillante, pendant
une heure, en agitant continuellement avec une
spatule de verre ; j'ai filtré, j'ai versé sur le résidu
une pinte d’eau distillée bouillante. (1) Les liqueurs
réunies ayant été évaporées jusqu’à réduction d’une
pinte, j'ai introduit le tout dans une cornue de
verre tubulée , à laquelle j'ai adapté un matras de
verre de deux litres de capacité. A la tubulure de
ce matras étaient placés deux tubes ; l’un, vertical,
ouvert à ses deux extrémités, plongeait par lPune
ET trente
(1) Les liqueurs , en réfroidissant, laissent précipiter des cris-
taux prismatiques de prussiate de mercure absolument sem
blabies à ceux décrits par fourcroy.
en Li ST
( 79 )
d'elles dans une couche d’eau du poids de deux onces
que j'avais introduit d'avance dans le matras; l’autre,
doublement recourbée , plongeait de quelques lignes
seulement dans le matras par l’une de ses ouvertures,
et par l’autre dans un flacon rempli d'alcool à trente-
cinq degrés. (1) Par cette disposition , le matras in.
temsidinite servait de récipient pour le produit li-
quide de la distillation , tandis que l'alcool ne pou-
voit recevoir que le produit gaseux , le tube ver-
tical faisant fonction de tube de sûreté. L'appareil
étant bien luté , j'ai versé par la tubulure de la
cornue trois onces de limaille de fer porphyrisée et
deux onces et demie d’acide sulfurique concentré,
Avec un tube de verre, j'ai remué le mélange , et
après avoir fermé la tubulure, j'ai procédé à la
distillation à la douce chaleur d’un bain de sable.
Dès la première impression du feu , des bulles de
gaz ont traversé l'alcool ; elles ont continué de se
dégager pendant six heures environ. L'alcool s’est
légèrement coloré, et environ un quart de la li-
queur de la cornue a distillé dans le récipient, J'ai
retiré le flacon qui contenait l’alcool , et j'ai laissé
l'appareil jusqu’au lendemain dans cet état. Il est
essentiel d'observer que le liquide du matras et le
gaz qui y était contenu commuuiquait ainsi avec
l'air extérieur au moyen du tube recourbé qui ne
plongeait plus dans l'alcool.
Dans un mémoire lu à l'Institut , le 4 février 1817,
M. Gay Lussae a prouvé que l'acide prussique di-
late considérablement Pair ou les gaz avec lesquels
on le mêle , lui. communique ses propriétés et res-
ot
(1) Je dirai plus bas pourquoi j'ai reçu les vapeurs daus
de l'alcool.
(80)
semble alors à un fluide élastique permanent. D'aprés
les dispositions de mon appareil, j'avais donc obtenu
de l'acide prussique dissous dans l'alcool , dissous
dans l'eau, et à l'état de gaz mélé avec l'air que
contenait le matras. J’examinerai le produit obtenu
sous ces trois formes.
1° De l'acide prussique dissous dans l’air des
appareils.
L'appareil dont on avait énlevé le flacon d’alcool
resta vingt-quatre heures dans cet état, par consé-
quent en communication avec l'air extérieur. Au
moment de séparer le matras de la cornue pour
retirer le produit liquide de la distillation, je fus
frappe ‘de l'odeur désagréable qui s'en dégageait.
Mon élève, après avoir versé le liquide dans un
flacon , eut la curiosité d'approcher le nez d’une
des ouvertures du matras; il fut de suite comme
suffoqué par une vapeur très-âcre et très-irritante
d’une forte odeur de punaise, et, en moins d’une
seconde, il éprouva des étourdissements qui fail-
lirent le renverser , avec un resserrement spasmodi-
que de la gorge , un crachotement qui dura pen-
dant plusieurs minutes.
Cet ellet singulier me décida à tenter l’eflet de
cette vapeur sur quelques animaux. Je fermai avec
deux bouchons les deux ouvertures da matras, re-
mettant au lendemain les expériences que je vou-
lais faire.
D'abord je ferai remarquer que, relativement à
l'odeur de l’acide prussique , Scheele s'exprime
ainsi dans son traité de Materia tingente cœærulei
berolinensis.
« Malcriæ tingentis odor singularis neque inju-
» cundus est. n
Celle
(81)
Celle qui se dégageait du matras a quelque chose
de repoussant qui a de l’analogie avec celle de
l'hydrogène sulfuré trèscondensé (1); il m'a été
impossible de la bien déterminer parce qu’elle me
fatiguait assez pour m'imposer l'obligation de res-
pirer cette vapeur le moins possible , afin d'éviter
une sorte de crachotement désagréable et d’étour-
dissement momentané auquel elle donnait lieu. Les
expériences suivantes vont prouver que j'ai fait sa-
gement de ne pas la respirer trop franchement.
Première Expérience.
Un oiseau a été présenté par le bec à l'une des
ouvertures du matras ; au même instant il est resté
sans mouyement.
” Deuxième Expérience.
Un jeune lapin de vingt jours fut présenté parle
museau à l'ouverture de ce même matras que je
rebouchais après chaque expérience ; au bout d’une
seconde, le petit animal est tombé mort , la gueule
ouverte, rendant uue quantité assez considérable
de salive.
Troisième Expérience,
Un chat de six mois fut présenté de la même ma-
nière à l'ouverture de ce même matras : il fit quel-
mt
(1) Eu approchant le nez d'un verre à liqueur dans lequel
je décomposais de l'hydro-sulfure de burite ua peu concentré au
moyen de l'acide muriatique , je me suis trouvé asphyxié, et
je serais tombé de toute ma hauteur sur le plancher, sans un
aide de laboratoire qui me recut dans ses bras et me tint pen-
dant quelqnes secondes sans connaissance. Je ne cite ce fait que
Parce qu'il a quelque analogie avec les espérierices suivantes.
Fe
(82)
ques mouvements pour se retirer ; au bout de deux
secondes il tomba mort avec les mémes symptômes
que dans l'expérience n° 2.
Quatrième Expérience.
Un chien épagneul vieux , mais encore plein de
santé, fut approché de cette ouverture de telle ma-
niére que les narines seulement fussent exposées à
la vapeur ; la gueule était tenue ouverte au moyen
d’un bäillon : l'animal fit beaucoup de diflicultés
pour se dégager de la position pénible où je le re-
tenais ; mais, au bout de six secondes , il tomba sur
le carreau et mourut en très-peu d’instants avec
les symptômes décrits précédemment.
Cinquième Expérience.
Un autre chien beaucoup plus fort que celui-ci,
à jeun depuis douze heures, ayant été soumis à la
même expérience , a éprouvé le même sort: il était
sans vie au bout de dix secondes.
Il résulte des cinq expériences que je viens de
rapporter qu’un matras de deux litres de capacité,
rempli de gaz acide prussique mélé d’air atmos-
phérique, a sufhi pour démontrer l’action très-délétère
de ce gaz , et que cette propriété délétère n’est pas
sensiblement modifiée par son mélange avec l'air
atmosphérique.
2° De l’acide prussique liquide,
J'ai dit précédemment qu’un quart à-peu-près de
la liqueur contenue dans la cornue avait passé dans
le récipient lors de la distillation ; je ferai remar-
quer que, comme l'ont annoncé Scheele et les au-
tres chimistes qui ont parlé de cette opération, ce
liquide était coloré légèrement en bleu, et qu’au
tte ttes min ds
(85)
bout de quelques jours il a laissé précipiter une
petite quantité de bleu de prusse qui se trouve ré-
généré et entrainé lors de la distillation.
Il est impossible d'approcher le nez de l’orifice
du flacon qui contient cette liqueur sans éprouver
l’'étourdissement et le crachotement dont j'ai parlé
à l'article du matras, et je ne doute pas qu’il serait
trés-imprudent de le laisser ouvert dans un appar-
tement étroit et bien fermé ; on se trouverait infail-
liblement exposé à des accidents plus ou moins
graves en respirant longtemps l'air de cet apparte-
ment, Le résidu de la distillation ayant été trans-
vasé dans une terrine de grès, est resté pendant
quelques heures à l'air libre dans une pièce vaste de
vingt-cinq pieds en tous sens: moi, mon élève et deux
garçons de service , nous avons éprouvé un mal-aise
qui nous a forcé de porter dehors la terrine de la-
quelle on ne pouvait s'approcher à la distance de
plusieurs pieds. (1)
Le liquide obtenu par la distillation a une
saveur décidément amère et assez semblable à celle
des amandes. J'ai essayé cette liqueur sur des ani-
maux de la manière suivante :
Sixième Experience.
J'ai fait avaler à un jeune lapin de quinze jours,
un gros de ce liquide ; au bout d’une seconde le
petit animal a poussé un cri et est tombé mort.
PE TR ere
(1) Deux chats qui vivaient dans le même appartement ont
paru tourmentés d'une manière singulière ; ils s'agitaient en
miaulant avec force, et j'ai cru devoir attribuer l'état de ma-
ladie qu'ils ont conservé peadant quelques jours à l'influencé
de cette singulière vapeur,
F 2
(84)
Septième Experience.
J'ai fait avaler à un fort chien une cuillerée à
café de la liqueur; l'animal a également poussé un
cri très-fort et est mort sur-le-champ.
Ces deux expériences prouvent que l'acide li-
quide a aussi une action très-délétère; mais en com-
parant la promptitude deseflets ,il me parait démontré
que l'acide gazeux, même mélangé d'air atmosphé-
rique, agit d’une manière plus prompte et bien plus
vivement que le produit de la distillation ou l'acide
liquide:
5° De l’acide prussique dissous par l’alcool.
Avent de rendre compte de mes expériences , je
dois faire part d’un fait qui m’a été communiqué
par M. Vogel, l'un de nos correspondants, le 27
octobre dernier.
On m'écrit d'Allemagne, me dit-il, qu'un profes-
seur de chimie, voulant examiner les eflets delacide
prussique sur l'économie animale , avait introduit
du prussiate de potasse dans une cornue à laquelle
il a adapté un matras contenant de l'alcool. L’'ap-
pareil monté, il versa par la tubulure de la cornue
de l'acide sulfurique , et il satura ainsi l'alcool
‘ d'acide prussique. Cette liqueur spiritueuse a quel-
que analogie avec le kirchenwasser, Le chimiste
montre ce liquide à quelques amis qui viennent
diner chez lui; par prudence, personne n'ose y
toucher. On se retire et l’on oublie le flacon. La
domestique, en débarrassant la table, trouve cette
liqueur d'un goût agréable et en prend un petit
“verre ; au bout de deux minutes elle tombe morte
surle-champ, et comme frappée d’apoplexie.
CPR CT nt. VAR ue
(55)
C'est à l’occasion de ce fait que j'ai cherché à
obtenir de l'alcool chargé d'acide prussique.
Le demi-litre d'alcool a trente-cinq degrés à tra-
vers lequel le gaz acide prussique s'était dégagé
pendant six heures, n'avait pas contracté d’odeur
bien sensible pendant Popération. Il était légèrement
coloré; mais, à la longue , il s’est fait un dépôt et
il a repris sa première limpidité. Par sa saveur , j'ai
reconnu quil n'avait pas changé sensiblement.
Huilième Expérience.
J'ai fait avaler à un jeune lapin une cuillerée
de cet alcool ; le petit animal a éprouvé des symp-
tômes qui m'ont paru étre ceux de l'ivresse seule-
ment. Il est resté sans mouvement quelques mi-
nutes ; mais, au bout de ce temps ; il a repris toute
sa vigueur, et ilne lui est survenu aucun accident.
Deux heures après, comme il était très-bien por-
tant , je lui ai fait avaler une pareille dose d’acide
liquide , il est mort de suite.
L'ingestion de l'alcool n'ayant pas produit l'effet
désiré, j'en ai conclu qu’il n'était pas suflisam-
ment chargé d’acide ; j'ai donc recommencé l’opé-
ration décrite précédemment en recevant encore une
fois pendant plusieurs heures le gaz acide prussique
dans ce méme alcool. L'opération étant terminée ,
l'alcool m'olfrit la même odeur que le matras et
Vacide liquide , mais avec moins d'intensité. Je ne
trouvai pas non plus à l'alcool la saveur de kirchen-
wasser annoncée. Quoi qu’il en soit, j'opérai de la
manière suivante :
Neuvième Expérience.
Un très-fort chien-loup , que j'avais conservé à jeun
F 5
(:86 )
depuis douze heures , ayant avalé de force deux
gros de cet alcool, éprouva, au bout de deux secondes,
des convulsions très-fortes , et est mort dans l’inter-
valle de cinq minutes.
Il résulte de cetie expérience que l’alcool prus-
sique a, comme le gaz prussique ou cet acide li-
quide, une action trés-délétère. Mais, à moins que
l'alcool n'ait pas encore été suffisamment chargé
d'acide, ce qui me paraît inadmissible , parce que,
vers la fin de l'opération seconde , le gaz qui se dé-
gageait de l'appareil passait à travers l’alcool sans
entrer en combinaison, on peut remarquer que
l’action de ce dernier produit est moins vive que
celle du gaz ou même de cet acide liquide.
Il était important de chercher à déterminer par
lautopsie cadavérique dans ces diverses expé-
riences , quels pouvaient être les effets de cet agent
terrible sur l'économie animale. Voici les rensei-
guements recueillis à ce sujet.
PREMIÈRE OBSERVATION.
Autopsie cadavérique du sujet de la deuxième
expérience. C’était un chien très-fort, soumis
à l’inspiration du gaz contenu dans le matras.
1° A la tête. Le cerveau était parfaitement sain
et intact, seulement il exhalait une odeur assez
prononcée d’acide prussique. Les sinus de la dure-
mére contenaient trop peu de sang pour qu’on pût
y apercevoir quelque différence soit dans la cou-
leur , soit dans l'odeur. La langue était molle,
bleuâtre et sortie de la gueule.
2° Au col, L'ouverture de la glotte ne paraissait
pas avoir éprouvé de changement sensible. Les ven-
iicules du larynx contenaient quelques mucosités
Te.
(87)
sanguinolentes. La membrane muqueuse de la tra-
chée-artère était parsemée de stries rougedtres ;
son systéme capillaire était injecté.
5° A la poitrine. Les poumons étaient d’un rouge
vif ; étant incisés, le sang qui sortait par l’orifice des
vaisseaux divisés n’était pas aussi rouge, aussi écu-
meux que le sang artériel, ce qui pouvait tenir en
partie au sang veineux contenu dans les divisions
de l’artère pulmonaire, qui sortait en même-temps.
Les cavités aortiques du cœur, de même que les
veines pulmonaires étaient remplies de sang d’un
rouge sale très-foncé et ressemblant assez à de la
lie de vin pour la couleur et la consistance. Il en
était de même de celui que l'aorte et ses princi-
pales divisions contiennent.
Dans les cavités à sang veineux, le sang était
trés-épais, la couleur très-foncée. Il ressemblait
assez bien à un liquide dans lequel on aurait fait
dissoudre des portions considérables du foie. Les
poumons , le cœur, et le sang qui y était contenu
exhalaient l'odeur de l'acide prussique.
4 Dans l'abdomen. Les viscères digestifs étaient
sains. Le sang de la veine-porte ne présentait rien
de remarquable. Le foie portait sensiblement l'odeur
de l'acide, moins cependant que le cerveau.
La chair musculaire était comme dans l'état ordi-
naire : l’odeur de l'acide s’y faisait aussi très-bien
remarquer.
L'ouverture de ce cadayre a été faite une heure
après la mort du sujet,
F 4
(88)
DEUXIÈME OBSERVATION.
Autopsie cadavérique du sujet de la septième expérience.
C’était un fort chien à jeun qui avait avalé de force
une cuillerée à café de l'acide liquide.
Le cerveau ne paraissait nullement altére , il ré-
pandait l’odeur de l'acide prussique. La langue,
comme dans l'observation précédente, était bleuâtre,
pendante et sortie de la gueule, La voûte palatine était
noire; sur la partie la plus reculée , autour de l'ou-
verture postérieure des fosses nasales et à la partie
supérieure du pharynx , on voyait des traces sen-
sibles d’une vive inflammation. La muqueuse de
l'estomach ne paraissait nullement changée ni dans
sa couleur ni dans sa texture. Les mucosités qui la
lubréfent étaient fortement imprégnées de l'odeur
de l'acide.
L'estomach était contracté , les saillies et les rides
de la membrane muqueuse étaient fortement pro-
noncées.
Le. sang dans les poumons et le cœur était à-peu-
près de même que dans l'observation qui précède;
seulement la teinte paraissait moins foncée.
L'ouverture du cadavre a eu lieu après la mort
bien constatée.
TROISIÈME OBSERVATION.
Autopsie cadavérique du sujet de la neuvième expe-
rience. C’était un fort chien-loup qui avait avalé de
Jorce deux gros d’alcool prussique.
1° A la tête. Nulle trace de lésion dans le cer-
veau ; odeur de l'acide prussique modifiée par
celle de Palcool. La langue comme dans les deux
( 89)
cas précédents. La voûte palatine, noirâtre ; sa partie
postérieure ainsi que le haut du pharynx très-
rouge et fortement injectée.
2° Au col. Rien dans le larynx ; la trachée-artère ,
ainsi que l’œsophage qui contenait une matière
jauvâtre un peu mousseuse, fortement imprégnée
de l'odeur de l'alcool prussique.
5° A la poitrine. Tout était à-peu-près comme dans
les cas précédents, les poumons étaient moins rou—
ges ; le sang qu’ils contenaient était moins vermeil
que dans les deux premières observations , leur cou-
leur était d’un gris ardoisé ; ils paraissaient aussi
moins gorgés de sang. Les cavités du cœur en étaient
remplies.
4 A l'abdomen. La surface interne de lesto-
mach présentait les traces d’une vive inflammation ;
elles étaient trés-rouges. Les intestins n'offraient rien
de particulier.
Les faits que je viens de rapporter prouvent bien
évidemment l'action très-délétère de l'acide prussi-
que obtenu par le procédé de Scheele, soit à Pétat
gazeux, soit à l’état liquide ou dissous dans l'alcool.
Je dépose ces faits, qui m'ont paru très-importants,
entre les mains des savants et des physiologistes
auxquels il appartient de prononcer si, comme l'an-
nonce le docteur Emmert, dans une dissertation sur
les effets vénéneux de l’acide prussique, insérée dans
la Bibliothèque médicale, on peut continuer d’as-
surer que son effet a lieu sans qu'il en résulte au-
cune altération du sang. Les expériences qui me sont
personnelles permettent au moins de prononcer
avec lui que c’est particulièrement par la circula-
tion du sang qu'il agit, puisque nous avons vu dans
tous les sujets examinés sa couleur manifestement
altérée,
Ca)
Je me borne pour l'instant à présenter à la Com-
pagnie, le résultat de ces premières expériences ;
je suis forcé par les circonstances de suspendre
celles que j'avais commencées sur l’acide prussique
obtenu par d’autres procédés. Plusieurs faits assez
importants déjà recueillis doivent être appuyés ou
démentis par des expériences nouvelles. Je m’em-
presserai de les répéter aussitôt qu’il me sera permis
de le faire , et, espérant obtenir de la part de ceux
qui m’écoutent, la méme indulgence, je me’ ferai
un devoir de communiquer à l'Académie le résultat
de ces nouvelles recherches.
|
( Cor)
A
PROCÉDÉ
POUR TÉINDRE LE FIL DE LIN OU DE CHANVRE EN
ROUGE DIT DES INDES OU D'ANDRINOPLE ,
Communiqué à l'Académie des Sciences , des Belles
Lettres et des Arts de Rouen, le 11 Mars 1814,
PAR M. ViTrAzrzs.
MESSIEURS,
Le procédé du rouge des Indes sur fil de lin ou
de chanvre est essentiellement le même que celui
du rouge des Indes ou d’Andrinople sur fil de
coton : comme ce dernier , il se compose d’une
série d'opérations dont je crois devoir avant tout
donner une idée générale, en suivant exactement
l'ordre dans lequel ces opérations doivent s’exécuter-
Je suppose qu'il s’agit d'opérer sur cent livres
de fil.
Icre OPÉRATION. — Décreusage ou débouilli.
Cette opération a pour but d'enlever au fil de lin
ou de chanvre la couleur blonde ou grise qui lui
est propre , afin de le rendre susceptible de rece-
voir les mordants et la couleur qu’on se propose
de lui appliquer.
En eflet, la partie colorante naturelle du lin et
du chanvre est le résultat d’une attraction réelle et
assez forte entre cette partie colorante et la subs-
tance même du fil. La preuve en est que l’on ne
peut détruire cette attraction que par des moyens
(92)
chimiques assez énergiques , tels que l'action alter-
native et répétée des alcalis et de l'acide oxi-muria-
tique employés , comme on le sait, dans toutes les
blanchisseries bertholliennes.
Or, l'expérience prouve qu’on ne peut parvenir
à appliquer solidement la partie colorante rouge de
la garance au lin et au chanvre , qu’en détermi-
naut des attractions particulières, 1° entre le
fil dont il s’agit et certains mordants; 2° entre ces
mordants et la partie colorante de la garance : d’où
il suit que pour créer ces attractions nouvelles ,
il est indispensablement nécessaire de. rompre
Ja première, c’est-à-dire celle que la nature elle-
même avait fait naître entre la substance du fil de
lin ou de chanvre et sa partie colorante.
Pour arriver à ce but, on commence par faire
maccrer le fil pendant deux ou trois jours dans l’eau
pure , et à la température d’environ quinze degrés
de l'échelle centigrade ; on le retire ensuite, on le
laisse égoutter et on le lave avec soin.
Le lavage du lin et du chanvre ne s'exécute
point comme celui du coton : les fils de lin ou de
chanvre se méleraient de manière à rendre très-
pénibles et même impossibles à bien exécuter les
opérations subséquentes. Pour éviter cet inconvé-
mient, ayant saisi la torse, qui est composée de
trois pentes , On pose la main sur l’eau, puis, la re-
tournant en sens contraire, d'un mouvement de
poignet on étend le fil sur l’eau, et on lui fait dc-
crire une portion de cercle ; on plonge ensuite le
poignet dans l’eau , on relève promptement la torse
et on la reprend de l'autre main. Par ce moyen
les fils sont tirés sur leurs longueurs , et ce mode de
lavage empêche qu'ils ne se mélent et ne deviepnent
C95)
pelus. Le fil ayant été bien lavé et bien égoutté ,
on le fait bouillir pendant six heures environ dans une
lessive caustique de soude à deux degrés de l’aéro-
mètre de Baumé; on emploie de cinq à six cents
pintes de lessive par cent livres de fil : on laisse
égoutter au-dessus de la chaudière , on lave avec
soin et on fait sécher à l'air, La lessive caustique
se prépare avec deux parties de soude et une partie
de chaux bien vive et bien fusée ; à la lessive de
soude on pourra substituer les eaux de dégraissage ,
dont on parlera plus bas : ce qui rendra ce débouilli
plus économique.
Un premier débouilli ne suffit pas ; il faut en faire
un second semblable au premier, si ce w’est qu’on
pourra réduire la lessive caustique à un demi
degré, et bouillir seulement pendant cinq heures,
après quoi on retire le fil de la chaudière ; on Île
laisse égoutter, on lave et on sèche à l'air, comme
précédemment,
II° OPÉRATION. — Bains de fiente ou Bains bis.
On sait que les substances animales ont la pro-
priété d'entrer plus aisément en combinaison avec
les parties colorantes et de former avec elles des
composes plus solides, et par conséquent plus du-
rables: c’est pour communiquer jusqu’à un certain
point cette propriété aux substances végétales que
l'on a imagine de les animaliser en quelque sorte ,
en les imprégnant de certaines liqueurs animales ,
telle que la liqueur intestinale des ruminants ou la
liqueur albumino-gélatineuse contenue assez abon-
damment dans la fiente du mouton.
. Dans un Mémoire sur les eflets des bains de
liente, que j'ai lu en 1806 à l'Académie, et inséré
(94)
dans le Journal de physique , année 1808 , je crois
avoir démontré que la liqueur albumino-gélatineuse
dont ces bains sont chargés, contribue puissamment
à fixer la couleur de la garance, par la forte attrac-
tion qu’elle exerce sur les parties colorantes en
général. Cette théorie explique pourquoi à la liqueur
intestinale des moutons, qu’il serait impossible de
se procurer en quantité suffisante aux besoins des
ateliers, on a substitué la fiente des animaux.
Pour conserver la fiente et la défendre de la pu-
tréfaction , au moins pendant un an, on verse sur
la fiente de la lessive de soude à douze degrés de
l'aéromètre et en quantité suffisante pour former
une bouillie épaisse, après que la fiente a été
broyée avec les pieds dans un baquet. On sait que
les alcalis ont la propriété de dissoudre certaines ma-
tières animales et de retarder la putréfaction.
Pour former les bains de fiente on prend quinze
livres de fiente préparée comme il vient d’être dit,
pour cent livres de fil, on l’étend de cent cinquante
litres de lessive de soude à deux degrés, on agite
pour opérer un mélange parfait.
On verse cette liqueur dans un baquet où l'on a
mis d'avance six livres d'huile d'olives chargée de
beaucoup de mucilage , connue en teinture sous
le nom d’huile grasse ou tournante , et on pallie
pour bien méler ces trois substances qui entrent
dans la composition du bain.
Voici maintenant la manière de l’'employer.
Avec un sébile de bois on prend une portion du
bain , on la verse dans une terrine vernissée, scellée
dans une maçonnerie à hauteur d'appui ; on y
passe alors le fil.
On ne doit point passer plus d’une livre de fil
C95)
à-la-fois, c’est-à-dire deux pentes de chaque main.
Le passage du fil, soit en bain de fiente , soit dans
les bains dont il sera parlé dans le cours de ce Mé-
moire, s'exécute de la manière suivante :
On plonge les pentes de fil dans le bain, on les
retourne à diverses reprises, en les foulant avec
les poignets, et de manière à les bien imbiber ; on
les retire ensuite, et on les tord à l’aide d’une che-
ville scellée dans le mur , au-dessus de la terrine ;
on rabat le fil dans le bain et on répète cette ma-
nœuvyre trois fois de suite; on secoue ensuite les
pentes, ce qu'on appelle créper , afin de détacher
les fils les uns des autres, et les empècher de
se coller ensemble,
Le passage étant terminé on porte le fil à l’éten-
dage à l'air libre d’abord, sur des perches de bois
blanc , ayant soin de retourner souvent les pentes,
pour empêcher le bain de couler , ce qui arrive-
rail insensiblement , sans cette précaution. Lorsque
par l’action de l'air la dessication est faite aux trois
quarts à-peu-près, on achève dans des étuves ou
sécheries où la température doit être portée à cin-
quante ou cinquante-cinq degrés du thermomètre
de Réaumur.
Une dessication parfaite est ici tellement essen-
üelle que, si le fil conserve le moindre degré d’hu-
midité , 1] ne se combine plus que très-imparfaite-
ment aux apprêts et aux mordants qu'il doit rece-
voir dans la suite, et ne prend qu'uve couleur mai-
gre au garancage.
Lorsque je fil a été passé en fiente , il faut bien
se garder de je laisser entassé , si on ne veut s'ex-
poser à voir le fil prendre feu , et occasionner des
incendies souvent désastreux. Ou donne au fil un
second bain de fiente semblable au premier , et ou
(96)
sèche de même. Ce qui reste du bain de fiente se
nomme avances , et entre dans la composition des
bains suivants.
IIS OPÉRATION. — Bains d'huile ou Bains blancs.
Ce bain se prépare en versant cent cinquante li-
tres de lessive de soude à deux degrés de l’aéro-
mètre sur dix livres d’huile grasse ; on méle bien
avec le rable, et on reconnait que le bain est de
bonne qualité lorsque l'huile ne ‘se sépare point
et ne monte point à la surface, On méle ce bain
avec le reste du précédent, et on y passe le fil,
comme dans l'opération précédente ; on le laisse
douze heures sur une table , et on le sèche ensuite
à l'air d'abord , puis à létuve.
On répète ce bain une seconde fois avec les
mêmes attentions et on sèche de même.
IVe OPÉRATION.
On verse dans un baquet cent cinquante livres
de lessive de soude à deux degrés de l’aéromètre :
on y ajoute ce qui est resté des bains blancs, on
pallie bien et on y passe le fil comme dans les bains
précédents : on sèche à l'air, puis à l’étuve; à ce qui
reste du bain précédent, on ajoute cent cinquante
litres d’eau de soude à deux degrés ; on y travaille
le fil comme ci-dessus : on sèche à l'air et à l’étuve,
ce qui reste de ces bains se nomme sikiou et sert
à l’avivage.
VS OPÉRATION. — Dégraissage,
La plus grande partie de l’huile employée dans
les bains précédents reste combinée chimiquement
au
C9?)
au fil de lin ou de chanvre , mais il en existe une
portion qui n'est point entrée en combinaison et
qui n'est que fortement adhérente à la surface du
fl, et on conçoit qu'il est nécessaire de l'en débar-
rasser, afin d'empêcher cette portion huileuse de
se combiner aux mordanis subséquents, dont l'ac-
tion serait par-là même affaiblie, puisque la com=
binaison ne se ferait pas sur le fil lui-même.
Pour enlever la portion d'huile non combinée ,
on fait tremper le fil pendant dix à douze heures
dans de l'eau pure, légèrement tiède ; on relève en-
suite , on tord à la main , on lave avec soin à l’eau
courante ; on tord à la cheville avec le chevillon, et
ensuite on sèche à l'air d'abord, puis à l'étuve.
Le fil qui n’est pas bien dégraissé ne prend pas
également la couleur : celui qui l'est trop ne prend
qu'une couleur maigre.
Ce qui reste des eaux de dégraissage sert à dé-
creuser ou à deébouillir une seconde mise de fil,
Après le dégraissage, le fil doit être d’un beau
blanc,
VIe OPÉRATION, 1% Engallage.
On fait cuire vingt-cinq livres de noix de galle
en sorte , dans six seaux d’eau qu'on rafraichit en=
suite par trois seaux d’eau fraiche ; la décoction ,
passée au tamis de crin, conservant encore. assez
de chaleur pour qu’on puisse à peine y tenir la
main, on y passe le fil en le foulant à l'ordinaire
dans une terrine qui ne sert qu’à cet usage et qui
est scellée dans une maçounerie à hauteur d'appui;
on tord légèrement à la cheville fixée au-dessus de
la terrine ; on rabat et on manœuvre encore deux
fois de la même manière ; on crêpe ensuite le fil
G
(98 )
et on le porte de suite à l’étendage , à Pair libre , si
le ciel le permet, et sous des angars , dans les temps
pluvieux et humides, et on achève la dessication
à l’étuve. On conserve le marc de la noix de galle
pour le second engallage dont il sera parlé plus
bas,
VIIe OPÉRATION. — 1% Alunage.
Pour aluner cent livres de fil , on dissout quinze
livres d’alun bien pur , et surtout entièrement purgé
d’oxide et de sulfate de fer, dans six ou sept
seaux d’eau sans bouillir; on laisse refroidir un
peu, on décante dans un baquet, et lorsque la
dissolution n’est plus que tiède , on y passe le fil
comme dans les bains précédents. 1° On laisse le fil
en repos sur une table pendant douze heures; on
fait ensuite sécher lentement à l'air et à l’ombre,
et on termine la dessication à l’étuve.
VIII: OPÉRATION. — Lavage d’Alun.
Ce lavage est très-important ; il doit se faire à la
rivière avec le plus grand soin et de la manière
dont nous l'avons expliqué plus haut , afin d'enlever
au fil toute la portion d’'alun qui ne serait pas com-
binée chimiquement avec les mordants qu’il a déjà
reçus ; on sèche ensuite à l'air , puis à l’étuve.
IXe OPÉRATION. — Remontage sur Alun.
Le remontage sur alun consiste à passer de nou-
veau le fil séché de son lavage d’alun , en bains
blancs , en sels, en galle et en alun.
Cette nouvelle série d'opérations s'exécute dans
l'ordre suivant :
1e Bain blanc, avec huile grasse , six livres et
lessive de soude à deux dégrés de l’aéromètre ;
{ 99 )
cent cinquante pintes : passer le fil , sécher à Paie
et à l’étuve.
2° Bain blanc , composé et appliqué de méme;
sécher à l'air et à l'étuve.
5° Bain de sel , avec cent cinquante litres d’eau
de soude à deux dégrés 1/2, et mélés à ce qui est
resté des bains blancs précédents ; passer le fil, sécher
à l'air et à l'étuve.
4 Engaller une seconde fois avec la décoction re-
bouillie du marc de la noix de gale qui a servi au
premier engallage ; étendre de suite à l'air, et ache-
ver la dessication à l'étuve,
5e Aluner une seconde fois avec quinze livres
d’alun bien pur ; sécher lentement à l'air et à lom-
bre , puis à l’étuve.
6° Lavage d’alun , comme la première fois ; sécher
à l’air et à l’étuve.
X° OPÉRATION. — Garançages.
Le premier garancage se donne avec cent cinquante
livres d’alizari de Provence: on ne teint que vyingt-
cinq livres de fil à la fois.
La chaudière qui sert à cette opération , a la forme
d'un carré long, et contient environ vingt-cinq seaux
d’eau ; on jette dans le baïn les cent cinquante
livres d’alizari qu'on a eu soin de pétrir préalable-
ment par parties ,; avec vingt ou vingt-cinq. litres
de sang de bœuf ou de mouton, et on pallie ben
pour diviser la pâte et la distribuer dans le bain,
Lorsque celui-ci commence à bouillir , on y
plonge le fil dont on passe les pentes sur des
bâtons posés en travers de Ja chaudière , et
que l'on nomme lisoirs ; on a soin d’enfoncer
les pentes, de les retourner de temps en temps
G 2
(100)
bout pour bout, de les agiter dans le bain, et de
les changer successivement de place, afin que le
dégré de chaleur soit à-peu-près le même pour toutes
et que la couleur s'applique le plus également pos-
sible : on soutient cette manœuvre pendant cinq
quarts d'heure; la chaleur allant toujours en aug-
mentant graduellement , jusqu'au dégré de l'ébulli-
tion. Aussitôt que l’ébullition se manifeste , on re-
tire les pentes de dessus les lisoirs , et on passe
ceux-ci dans des boucles de ficelle qui servent à sou-
tenir les pentes qui sont alors tout-à-lait submergées ;
on soutient l’ébullition pendant trois quarts d’heure
environ, après quoi on retire les pentes, on les
laisse égoutter en refroidissant , et on lave en eau
courante jusqu'à ce que l'eau sorte claire.
-Le fil étant bien égoutté , et non séché, on lui
donne un second garançage qui se compose dans
les mêmes proportions et s'exécute de la même ma-
nière que le premier-
En garançant deux fois, on obtient une couleur
plus égale et plus nourrie ; le fil prend dans le ga-
rançage un rouge brun qu’on aménera à un rouge
pur par l'opération suivante.
XI° OPÉRATION. — Avivage.
Quoique l'on puisse aviver le rouge de garance
dans le sikiou, cependant nous préférons de com-
poser un bain neuf, avec cinq ou six cents pintes
d’eau de soude à nn dégré de l’aéromètre , dans
laquelle on aura fait dissoudre huit livres de savon
blanc de Marseille , coupé en tranches minces.
Lorsqu'on s’est assuré que le savon est bien dis-
sout, on jette les pentes de fil distribuées en un
certain nombre de paquets, dans une chaudière où
l'on retient la vapeur au moyen d'un couvercle so-
( 101 )
lidement établi sur un bourrelet, fait d'une grosse
toile d'emballage interposée entre le couvercle et les
bords de la chaudière ; on fait bouillir à petits bouil-
lons pendant cinq à six heures, ou mieux jusqu’à
ce que le rouge soit bien découvert, ce dont on
s'assure en retirant de temps en temps un petit
échantillon suspendu à une ficelle dans la chau-
dière ; on cesse alors le feu , on laisse refroidir dans
la chaudière , on exprime le fil, on le lave à
la rivière , on le tord ensuite à la cheville et on
sèche à l'air et même à l’étuve. Si un premier avi-
vage n’ayait pas assez découvert le rouge, on en
donnerait un second, en y employant une quantité
de savon et un temps d’ébaullition proportionnés à
l'effet qu’il s’agit de produire.
Au sortir de l'avivage le fil porte une couleur
rouge franche , mais sans beaucoup d'éclat; on par-
vient à lui en donner davantage en lui faisant su-
bir une dernière opération à laquelle on donne le
nom de rosage.
XII* OPÉRATION. — Hosage.
Dans trente-six seaux d’eau on fait dissoudre douze
livres de savon blanc de Marseille ; on fait dissoudre
aussi une livre de sel d’étain ( muriate d'’étain } dans
une pinte d'eau tiède , et on verse dans cette der-
nière dissolution environ quatre onces d'acide ni-
trique à vingt dégrés de l’aéromètre ; la dissolution
de savon étant bien faite, et après qu'elle a jeté
quelques bouillons , on y jette la dissolution du sel
d’étain, en agitant le bain avec un rable, ou sim-
plement avec un bâton. Ce bain , pour étre de bonne
qualité , doit être transparent.
Ou met alors le fil dans la chaudière , et on le fait
G 3
(102)
bouillir de la même manière que pour l’avivage ,
jusqu'à ce qu’un échantillon , sur lequel on règle le
temps de l'éballition, sorte d'un beau vif, après
avoir été exprimé de son bain ; on relève et on lave
le Gl encore chaud ; on sèche à l'air , et la teinture
du fil en rouge des Indes est terminée.
Telles sont les opérations que j'ai pratiquées pour
teindre le fil de lin ou de chanv:e en rouge d’An-
drinople.
La liqueur albuminogélatineuse contenue dans
Ja fiente de mouton , l'huile grasse , la noix de galle
et d’alun, sont les quatre mordants à l’aide desquels
on parvient à fixer sur le lin et le chanvre, ainsi
que sur le coton , la partie colorante de la ga-
rance : les deux dernières opérations , c'est-à-dire
l'avivage et le rosage, ne servent qu'à développer
Ka couleur et la rendre plus brillante. Quelque
agréable que soit la couleur, cependant il sera peut-
être possible de l'améliorer encore par des travaux
en grand.
Dans l’art de la teinture comme dans tous les arts,
pour arriver à la perfection, il faut une réunion de
circonstances dont il west pas toujours possible de
disposer.
‘Ici, par exemple, j'ai eu à lutter contre la mau-
vec qualité du fil de lin, sur lequel j'ai opéré.
“J'ai éu pareillemext à combattre la rigueur de la
saison , pendant les moïs de janvier et de feyrier de
ceite année.
Enfin, je n'ai pu opérer que sur quelques kilo-"
grammes de matière.
Donhons quelques développements dont on sentira
aisément l'importance,
On peut juger par l'échantillon de ff de lin
écru , joint aux échantillons de teinture, que ce fil
( 105 })
était extrêmement grossier, très-inégal , et par consé-
quent très-inégalement tordu. De-là plus de difficulté
pour impréoner le fil des mordants , d’une ma-
nière uniforme , et pour arriver à une nuance fine
et délicate : une couleur quelconque joue beaucoup
plus agréablement à l'œil, sur des filaments déliés
que sur des fils d’un certain diamètre. Les boucles
de ficelle dans lesquelles on passe les pentes de fil,
et qui comme le fil lui-méme sont soumises à l’action
des mordants et de la partie colorante, se teignent
aussi en rouge, il est vrai, mais la couleur qu’elles
prennent est bien éloignée d’atteindre celle que
le fil reçoit : sans doute parce que les mordants
et la partie colorante y pénètrent et s'ÿ combinent
moins aisément et moins parfaitement.
2° En m’invitant à m'occuper de ce genre de tein-
ture, M. le Préfet m’avaït fixé un delai assez court,
et j'ai opéré sur la quantité de fil qui m'est, pour
ainsi dire, tombée sous la main.
5° Les brouillards épais, des pluies , des neiges
abondantes , et le froid rigoureux qui ont eu lieu
pendant le cours de mes opérations , ont été autant
d'obstacles à la confection des lavages , et surtout
à la dessication à Pair; et j'ai remarqué plus haut
combien cette dernière condition était essentielle
à remplir : l'air agit non-seulement comme dissol-
vant de l'humidité , pendant que le fil est aux
apprèts, mais il agit encore sur la couleur elle-
même aussitôt qu’elle est appliquée sur le fil, et
contribue , par la partie de gaz oxigène qu'elle
contient , à éclaicir et à modifier agréablement Ja
nuance. Forcé le plus souvent d’étendre le {il dans
une chambre et non en plein air, on voit que j'ai
perdu tous les avantages qu’il m'était permis d’at-
tendre des courants d'air d’une saison plus douce,
G 4
(104 )
d'un cie! plus serein, del'influence desrayons solaires.
4 Lateinture en rouge des Indes , exécute en
grand , dans des ateliers pourvus des chaudières
et des ustensiles conyenables ; et qui possèdent
une étuye où la dessication puisse être portée sou-
vent au dernier dégré , doit nécessairement offrir
des résultats de beaucoup supérieurs à ceux que
le travail le plus soigné peut donner dans un la-
boratoire de chimie. En opérant sur des grandes
masces , l’inexactitude des proportions dans les ingré-
d'ents est mo'ns sensib'e, le jeu des attrartions chi-
miques est plus énergique ; il est plus aisé de mé-
nager le feu, de le graduer, d’ea mesurer, d'en
soutemr , d'en prolonger l’action.
J'avais prévu tous les obstacles dont je viens de
parler avant de commencer le travail qui m'était
demaudé, et je ne dissimulerai point que peu s’en
“est fallu que je re renonçasse à l'entreprerdre. Mais
il s'agissait de crcer un art nouveau, d’une extrême
importance pour l’industrie et le commerce ; un
appel avait été fair à ce sujet parle Gouvernement ,
à tous ceux qui s’occupent des procédés de teinture ;
j'avais à repondre à l'invitation et à la confiance du
sage Magistrat qui préside à ladministration de ce
département. Des motifs aussi puissan's l'empor-
tèérent sur toute autre considération, et je n’écoutai
plus que le désir de me rendre utile à nos fabriques.
Ceux qui ont médité sur les moyens d'accroitre
la prosperité de l'industrie française et qui se sont
occupés des moyens de la fonder sur des bases
solides et inébraulables, regrettaient depuis long-
temps de voir que introduction d'un produit exo-
tique, et qui, par l'effet d’une foule de circonstances,
peut nous manquer tout à-coup, eût, en quelque
sorte , proscrit de nos ateliers des matières premières
4
dE
(105 )
à la culture desquelles notre sol se prête avec la
plus heureuse facilité. J'ajouterai que je me suis
assuré par l'expérience qu'au moyen d’un procédé
analogue à celui du rouge des Indes , on peut
donner aux fils de lin et de chanvre non-seule-
ment la couleur rouge d’Andrinople , mais encore
les couleurs rose, cerise , lilas , violet et paliacat
de toutes les nuances ; en sorte que le fabricant
sera le maître d’assortir ses couleurs au gre de son
imagination, et de la manière la plus propre à flatter
le goût des consommateurs, dans la fabrication des
toiles et mouchoirs en fil de lin et de chanvre ,
comme il se pratique aujourd’hui dans la fabrica-
tion de la Rouennerie en coton.
Ceux qui voudront avoir la preuve de ce que je
viens d'avancer la trouveront dans mon Manuel du
Teinturier sur fil et sur coton filé, qui contient tous
les procédés particuliers relatifs à ce genre de teinture,
Le ++ + 1
ExrrAiT du Rapport fait à l’Académie , le 22 juillet
1814, par MM. B. Pavie et Lancelevée , sur le
Mémoi-e de M. Vitalis, concernant la Teinture de
fil de lin et de chanvre en rouge des Indes ou d’'An-
drinople.
« Dès le moment où l'on s’est occupé en France,
et notamment à Rouen, de la teinture du coton en
rouge des Indes , les téinturiers avaient essayé de
fixer cette couleur sur le fil de lin et de chanvre ,
mais ils n'avaient obtenu qu'une couleur pauvre ,
sans reflet et surtout peu solide.
» Les échantillons qui sont l'objet de ce rapport,
et qui vous ont été présentés par M. Vitalis, le 3
mars dernier , offrent au contraire une couleur bien
C106)
nourrie, assez vive, et ayant même un certain éclat,
Nous ajouterons, et avec beaucoup de satisfaction,
que quoique le temps ne nous ait pas permis d’é-
prouver la couleur par une exposition prolongée à
l'air et au soleil, cependant nous n’hésitons point
à prononcer sur sa solidité, d'après la résistance
qu’elle a opposée à l'action de acide nitrique et à
celle du savon.
» Nous ne vous dissimulerons pas , Messieurs,
qu’au premier aperçu, le fil de lin teint par notre
confrère nous a paru avoir souffert dans sa ténacité.
Cette altération pouvait résulter ou du procédé em-
ployé par l’auteur, ou de la mauvaise qualité de la
matière sur laquelle il avait opéré. Pour lever tous
les doutes à ce sujet, nous nous sommes adressés
à M. Vitalis lui-même , qui nous a représenté en
blanc quelques livres du fil dont il avait été obligé
de se servir, et nous avons reconnu que ce fil, qui
lui a été fourni par M. Marchand fils, teinturier,
rue Chasse-Marée |, à Rouen, avait été altéré par
un demi blanc qu’il avait recu de M. Marchand,
au moyen du Berthollet. (Acide muriatique oxigèné.)
Quant à la nécessité où M. Vitalis s'est trouvé d'emi
ployer ce fil de mauvaise qualité , elle est-constatée
par le délai extrémement court qui avait été fixé
pour ses opérations , par M. le Préfet. (1)
,
(1) Ce Magistrat avait, le 27 novembre 18153 , écrit à
M. Witalis, en ces termes :
« Des essais, Monsieur, viennent d’être faits pour teindre en
rouge dit des Indes le fl de chanvre et de lin,
» S, Exc. le Ministre des manufactures et ducommerce appelle
en conséquence l'attention de MM. les fabricants et teinturiers
sur Ja recherche de ce procédé.
» Le zèle que vous avez mis jusqu'à ce jour à contribuer de
(107)
« Du reste, le procédé suivi par M. Vitalis, pour
teindre en rouge des Iudes le fil de lin ou de chanvre,
ne diffère de celui qu’on emploie pour donner la
méme couleur au coton, que par des manipulations
particulières dans les appréts, et sur tout dans la
manière de laver le fil de lin et de chanvre, et de le
tirer à l'eau.
» M. Vialis a donc encore une fois bien mérité de
nos fabriques qu'il avait déjà servi si utilement , et
par la découverte de plusieurs procédés nouveaux en
teinture et par la publication de son Manuel du Tein-
turier sur fil et sur coton filé. (1)
» Que M. Déloge, de Montpellier, ait pris, au
commercement de 1808, un brevet d'invention de
dix ans pour le genre de teinture dont il s’agit ; qu'en
1811, M. Palfrêne , de Cambrai, ait présenté au Mi-
nistre des manufactures et du commerce des mou-
choirs de batiste , tissus en partie avec des fils teints
en rouge d'Andrinople , il n’en sera pas moins vrai
1° qu’au mois de novembre 1813, le Ministre des
vos lumières et de vos moyens à l’amélioration de l’industrie ma-
nufacturière de ce département , m’est un sûr garant que vous allez
y donner des soins dans Ja circonstance importante qui se pré
sente.
70 laisi Mons D
» Je recevrai avec plaisir, Monsieur, l’assurance que vous
vous êtes occupé de ces essais.
» Je vous serai obligé de me faire parvenir , dans Le délai de
deux mois , lanotice des procédés que vous aurez employés et des
échantillons que vous aurez obtenus, »
» , 4
J'ai l’honneur d’être , etc,
Signé S4 GIRARDIN,
(1) Ilest à remarquer que le dernier chapitre de cet ouvrage ,
qui a paru en 1810 , contient un exposé général de la marche
qu'il convient de suivre pour teindre le fil de lin ou de chanvre
en rouge d’Andrinople,
( 108 )
manufactures et du commerce appelait l'attention
de MM. les fabricants et des teinturiers sur /a
recherche du procédé à suivre pour teindre le fil de
lin et de chanvre en rouge des Indes; 2° que MM.
Deloge et Palfréne, s’ils ont découvert ce procédé ,
l'ont tenu secret ; 5° que M. Vitalis aura le mérite
et l'honneur de l'avoir révélé à nos fabriques, avec
cette franchise et ce noble désintéressement dont il
a donné d’ailleurs des preuves si multipliées dans
toutes les occasions, »
Signés Bin PAVIE et LANCELEVÉE.
( 109 ÿ
AS
Los Re 1
OBSERVATION
D'UN TYPHUS EXANTHÉMATIQUE,
Par M. Vicnk, D. M. P.
Unhabitant de Rouen, age detrente-deux ans, privé
tout-à-coup d’une certaine aisance, fut obligé de
quitter sa famille pour aller partager les fatigues et
les dangers de la dernière guerre de la France contre
les puissances alliées. Après avoir , en moins de
trois mois, bravé la mort dans seize combats , éprouvé
nuit et jour les pénibles effets de la saison la plus
rigoureuse, et, pendant plus d’un tiers de cet in-
tervalle de temps , vécu de racines et de son dé-
trempé, mal pétri, mal cuit, ce malheureux est re-
venu dans ses foyers avec le germe du typhus, qui
s'est manifesté le surlendemain de son arrivée.
Appelé le quatrième jour de la maladie, j'ai trouvé
les traits du visage sensiblement altérés , le regard
farouche, la langue humide et blanchâtre , la pa-
role brève , beaucoup d’oppression, une toux fré-
quente et convulsive , une espèce d'abandon des
membres ,; le soubresaut universel des tendons ,
l'abdomen très-élevé, toutes les excrétions suppri-
mées , la peau brûlante , le pouls dur, irrégulier, une
extrême propension au sommeil presqu'aussitôt in-
terrompu par la vue fantastique des scènes horribles
qui s'étaient passées sous les yeux du malade, et
auxquelles il avait miraculeusement échappé...
violent paroxisme à l'entrée de la nuit.
( 110 )
Le 5° jour, mêmes symptômes.
Le 6°, délire furieux remplacé par un profond
assoupissement,
Le 7°, sueur trés-acide et partielle du thorax.
Le 8: , elle s'étend à l'abdomen et aux extrémités
inférieures.
Les 9°, 10°, 11° et 12° , abondante éruption mi-
l'aire.
Le 15°et le 14°, copieuse évacuation par les voies
urinaires , rémission de tous les symptomes, sorte de
résurrection.
Le 17°, rémission encore plus marquée.
Le 21°, apyrexie , appétit, convalescence.
De légères décoctions mucilagineuses , employées
d’abord de toutes manières pour d'minuer la chaleur
et le spasme, ensuite un large vésicatoire et deux
sinapismes appliqués aux membres abdominaux, dans
intention de ranimer la sensibilité presque éteinte
et de seconder le travail de l'éruption; un chocolat
médiocrement nutritif, adoucissant ; un vin cordial
à doses relatives pour relever au déclin des pa-
roxismes les forces abattues; de simples fumigations
acéteuses ; enfin, tous les secours moraux indispen-
sables pour soutenir le courage d’une épouse aflligée,
pour entretenir le zèle d'amis charitables qui l'aidaient
à soigner le malade, pour larmer lui-même dans
quelques instants lucides contre la crainte du danger ,
et lui inspirer une pleine confiance dans les res-
sources de la nature et de la science qui concourt
avec elle à rendre et à conserver aux hommes la vie
et la santé ; tels sont les moyens auxquels a cédé
cette grave maladie.
J'ai cru devoir n’employer aucune substance ani-
( Frr)
male trop facile à se corrompre dans les fièvres
adynamiques , et préférer au kinkina, si usité, si
évidemment efficace , un vin généreux que le ma-
lade , presque réduit à l’état automatique, semblait
ardemment désirer.
J'ai surtout évité les boissons acides et les fumi-
gations muriatiques, sulfureuses, nitriques ,: con-
tre-indiquées par la toux et la phlegmasie cutanée.
Le succès de ce traitement permet de croire que
l'on puisse , au moins quelquefois, y recourir utile-
ment contre l’une des maladies qui paraîtraient exi-
ger la médication la plus active, j'oserais presque dire
Ja plus compliquée ; et l'aspect sous lequel celle-ci s’est
présentée , justifie le nom que je lui ai donné, soit
qu'on l'envisage relativement à l'espèce d’atonie,
d’assoupissement , d'anéantissement où s’est trouvé
le malade, soit relativement à laltération des hu-
meurs, effet ordinaire de la lésion des forces vitales.
Messieurs , en songeant à vous offrir cette obser-
vation sur le typhus, je n’ai point oublié que j'avais
été précédé dans la carrière par les plus grands
maitres, et que Pringle surtout laissait à ses succes-
seurs peu de choses à dire sur cette affreuse mala-
die ; mais je vous dois le fruit de mes faibles tra-
vaux, et je m'accuserais d’injustice, d’ingratitude
envers vous, si je pouvais douter de votre indul-
gence, et vous dérober un seul de mes hommages.
(1:12)
BELLES-LETTRES.
RAPPORT
Fait par M. Pinarn De BorsaésrrT , Secrétaire
perpétuel de l’Académie pour la Classe des Belles-
Lettres.
MESSIEURS,
M. le Secrétaire vient de vous lire un extrait des
travaux de la classe des sciences : il vous a mis à
portée de juger des efforts que fait l'Académie pour
répondre au but de son institution.
Je vais vous donner, par une courte analyse, une
idée des Mémoires et des Morceaux de poésie fournis
par la classe des Belles-Lettres,
_ Je m'abstiendrai de tout éloge ; trop heureux si
dans cette réunion d'hommes éclairés qui nous ho-
nore de son attention, nos trayaux peuvent obtenir
de l'intérêt.
L'Académie entretient une correspondance suivie
avec diverses sociétés savantes. Pour ne pas outre-
passer les bornes raisonnables de cette séance, nous
sommes forcés de nous réduire à la simple indica-
tion des ouvrages qui nous ont été envoyés.
= Nous avons reçu de la Société d'Emulation de
Fouen , le précis de ses travaux pendant l'année
1813,
M. Licquet, chargé de nous le faire connaître ,
nous y fait remarquer entre autres pièces intéres-
santes ;
(
Li
Gi)
1° Le Discours prononcé par M. le comte de Girar-
din, président,
C’est un tableau fidèle de ce département , sous
les rapports de l'agriculture et de l’industrie de ses
habitants.
20 Le Discours de M. S.-Martin, qui lui a mérité
une médaille d'or à la Société d'Emulation de Rouen,
sur cette question : Quelle a été l’influence du génie
de Corneille sur la littérature Jrancaise et sur lè
caractère national ?
L’auteur en a fait hommage à l’Académie,
= La Sociéié académique des Sciences, Lettres,
Arts et Agriculture de Nancy , vous à envoyé le
précis analytique de ses travaux pendant le cours de
1811 et 1812.
M. Duputel, chargé d'en faire le rapport, a pré-
senté un sommaire rapide des productions aussi
nombreuses que variées qui s'y trouvent ana-
lysées.
La plupart de ces productions étant du domaine
des sciences, M. le Secrétaire vous en a entretenus.
Je me bornerai donc, ajoute M. Duputel, à vous
dire qu'il résulte dé ces trivaux que la Société
académique de Nancy est une de celles qui con+
courent avec le plus de zèle à la propagation des
lettres et dés arts, et avec laquelle il nous est non
moins agréable qu'utile d’entretenir une active cor-
respondance.
( 114 )
PRODUCTIONS DES ÂACADÉMICIENS.
PoËstrE,
— M. Duputel vous a donné une héroïde ayant
pour titre : Charlotte Corday , avant de mourir, à son
pére.
= Vous avez de M. Vigné desstances allégoriques ,
ayant pour titre , le Papillon et la Rose.
= M. Lefilleul des Guerrots , membre non résidant,
nous a présenté deux fables , l’une Le Souge de
Lubin, et l'autre l’Ane et son Maitre.
= M, Guttinguer vous a fait hommage de deux
fables intitulées, lune Les Fleurs et le Chou, et
l'autre Philomèle, le Corbeau et le Vautour.
L'Académie a délibéré que les stances allégo-
riques «et les fables seraient imprimées à la suite de
ce Rajiport.
= M. Boïeldieu vous a présenté un morceau de
poésie , imprimé, qui a pour titre , le Frelon et les
Abeilles.
— M. Licquet a intéressé plusieurs de vos séances
par la lecture de sa tragédie de Autilius, Dans ceue
nouvelle production, notre confrère soutient la ré-
putation que lui ont justement acquise les tragedies
de Thémistocle et de Philippe IL.
= M. Milcent, membre non résident, vous a fait
hommage de deux tragédies lyriques , imprimées
5 ; 8 na s ImF ,
l'une ayant pour titre Médée et Jason, autre sous
le titre d’Hécube.
(115)
= Le même vous a adressé deux pièces en vers,
l'une ayant pour titre , Homme; etl’autre ,le Banc de
Pierre.
r
La 1°" présente l'homme dans toute sa grandeur :
La terre sous son bras devient saine et féconde ;
Le peuple ailé des airs, les habitants de l’onde,
Les tyrans des forêts , asservis sous sa loi,
Dans l’homme ont reconnu leur Roi,
Des flots de l'Océan , il dompte la furie,
Maitrise d’une main hardie
Les climats , les saisons , le souffle des autans
Et plus puissant encor soumet les éléments,
L'auteur, après avoir fait de l'homme un demi-
Dieu , le Roi de l'univers, le présente aux prises avec
la douleur et Ja mort , pour jamais euglouti dans la
tombe; et termine par ces vers:
O! vérité, sublime et désirable !
L’homme n’est pas dans ce corps périssable
Que détruit la douleur , que le sépulcre attend :
Il est dans la pensée , il est dans le génie;
Et c’est par eux qu'il fait partie
De l’invisible Auteur de l’Etre et du néant.
= Vous avez reçu de M. Mollevaut une pièce
de poésie imprimée , ayant pour titre la Paix.
MÉLANGES.,
= M. de Bonardi, membre non résidant, vous «a
donné un Essai sur le Bonheur, Cet opuscule, qui ho-
nore l'esprit et le cœur de notre collègue , fait partie
d'un ouvrage plus étendu. Le motif de l'auteur était
de former ses enfants à la vertu, en la présentant
comme le seul chemin qui mène au bonheur.
= Dans un Mémoire relauf à la ville de Paris, M.
H' à
( 116 )
Gosseaume traite successivement les cinq questions
suivantes :
1° Quelles étaient, au temps de Jules César, Île
nom, la situation et les limites de Paris, et quel
rang tenait-il parmi les cités des Gaules ?
2° Est-il propable qu’un temple d'Isis, voisin de
Paris, et un collége sacerdotal, établi à Issy, pour
le service de ce temple, soient l’origine du nom de
cette capitale ?
5° En refusant d'admettre Isis comme le radical
de Paris, serait-il possible d'offrir une autre éty-
mologie plus naturelle et plus raisonnable ?
4° Quels obstacles empéchèrent Labiénus de pren-
dre Paris, la première fois qu'il se présenta devant
ses murs ? Pourquoi fut-il plus heureux à ja
deuxième expédition ?
5e Où le général romain établit-il son camp devant
Paris, en s’y présentant d’abord? En quel endroit,
après la prise de Melun et marchant itérativement
sur Paris , traversa-t-il la Seine ? En quel endroit se
donna la bataille où les Parisiens furent écrasés ?
La première question , dit M. Gosseaume , ne pré-
sente aucune difficulté, Paris est désigné par Jules
César comme une bourgade , oppidum ; il l’assi-
mile à Melun, ville voisine dépendante de Sens.
Mais cette espèce de bourgade avait une impor-
tance assez grande et elle la devait à sa position avan-
tageuse sur un grand fleuve, qui en faisait l’entre-
pôt naturel des plaines fertiles qui l’entouraient.
La deuxième question est négativement résolue
me
(17)
par notre confrère ; 1° dans le récensement des divi-
nités des Gaulois, par César, Isis n’est pas seulement
nommée, 2° Le même auteur nous apprend que les
Druiïdes étaient les prêtres des Gaulois ; que c’était
dans l'épaisseur des forêts qu’ils faisaient leurs sacri-
fices barbares , à la cueillette du gui sacré ; 5° quelle
eût été la convenance de placer le temple à Lutèce
eule collége sacerdotal à Issy ; 4° Isis, comme radical,
ne convient ni à Lurèce ni à la peuplade ; il n’est pas
rare de voir une divinité associer à son nom celui de
la contrée ou elle est honorée , ainsi nous disons Ju-
piter Capitolin , Appollon Delien , Venus Gnidienne;
mais le contraire est absolument insolite.
Troisième question. Refusant d'admettre Isis comme
le radical du nom des Parisiens , M. Gosseaume ob-
serve que Parisii était le nom du peuple dont la cité
se nommait Luteciæ Parisiorum ou Parrhisiorum en
suivant l'orthographe de Pline ; considérant d'un
autre côté que l'armure des Gaulois était un bou-
clier tressé de plantes sarmenteuses ; considérant
enfin que les bas-reliefs trouvés en 1710, dans les
fouilles de Notre-Dame de Paris , placaient en tête de
trois militaires pareillement armés , l'inscription Æu-
rises que notre confrère dérive d’ev, bellè, facilè ;
et pite , radix , leviter , parmulati, 1| lui parait natu-
rel de dériver Parrhisii de rapa, malè , vitiose, et
piaes , viminati où parmulati ; en quoi il a pour au-
torité celle de César , qui décrit et qui blâme cette
armure infidèle. Cette étymologie, d’ailleurs, est par-
faitement en rapport avec le caractère bouillant et
Vintrépidité des Gaulois, qui, fiers de leur courage,
comptaient leur armure pour rien.
Quatrième question, Pourquoi Labiénus échoua-1-il
dans sa première entreprise sur Paris ?
H 5
(118)
La marche des Romains sur la rive gauche de la
Seine ; la rencontre des marais impraticables au
confluent de la rivière de Bièvre et de la Seine, le
forcèrcñt de rétrograder : mais la prise de Melun et
celle de cinquante bateaux lui donnèrent de grands
avantages.
2° Les Parisiens , qui prirent la retraite simulée de
l'ennemi pour une fuite ; commirent la faute énorme
de sortir de leur camp bien retrancheé ; ils firent plus :
ils brälèrent leur ville , et allèrent au-devaut des
Fomains, et n'étant plus couverts par leurs marais»
leur armée fat taillée en pièces.
Sur la cinquième question , M. Gosseaume , d’après
des rapprochements du texte de César avec la dé-
marche de Camulogène , conclut que Labiénus passa
la Seine et débarqua au port à l'Anglais, et que la
bataille se donna dans une plaine entre Ivry , la Salpé-
tière et la Seine.
— Lé même M. Gosseaume a otcupé une de
vos séances par la lecture d’une dissertation aÿant
pour titre: Rôtherches sur les bas-reliefs erouvés
dans les fouilles du chœur de Notre-Dame de Paris,
en 1710, et à quirize pieds de profondeur.
. L'auteur de ce Mémoire expose , dans un assez
grand détail , les circonstances qui procurérent la
découverte de ces monuments ; les ouvrages des
savants qui se chargèrent du soin de nous les faire
connaitre ; (1) la différence notable qui se rencontre
entre leurs gravures , toutes calquées sur un même
môdéle. Les limites d'un extrait ne comportent pas
toutes ces discussions ; hôûs nous tüntenterons de
présenter ce qu'il y a de vraimént intéressant dans
(119)
ce Mémoire, et nous ferons nos efforts pour que
la brièveté ne dérobe rien à la clarté,
Des quatre pierres carrées qui présentent chacune
quatre bas-reliefs , la première est large de vingt-six
pouces et haute de dix-huit; elle offre sur la pre-
mière face une inscription ainsi conçue ;
T1BERIO CÆSARE AVGV.JOVI OPTvVM MAXSVM M
NAVTAE PARISIACI PVBLICE POSIERVNI.
M. Gosseaume s'appesantit peu sur cette inscrip=
ton qui présente un sens assez clair. La seule liga-
ture M donne lieu à une légère discussion. M. Baudelot
remplit l'espace qui se rencontre entre le mot abrégé
Mazxzsum et la ligature en question des trois lettres
ARA , pour avec M, former le mot aRAmM. M. Gos-
seaume ne partage pas ce sentiment; et, persuadé que
cette ligature est le complément d’un mot qui se ter-
mine par un o, propose de substituer à ARAM ces
mots-ci : PRO M., abrégé de Monumento.
La deuxième face présente trois militaires armés
de piques et de boucliers héxagones : la première
figure singulièrement dégradée. Nulle inscription.
La troisième face présente pareillement trois Mi
litaires armés de piques et de boucliers héxagos
nes ; au-dessus on lit cette inscription : EVRISES,
Considérant, d'après le témoignage de César ;, de
(1) MM. de Mautour , Baudelot | Mem, de lPAcad. des
Inscrip. tome 3; le P. Montfaucon , Æ#ntiquité expliq, ;
tome 3, page 425; D. Martin, Religion des Gaulois ;
Mémoires de Trévoux, janvier 37124
H 4
( 120 )
Tacite, de Juste-Lipse (1) , que les Gaulois sé ser-
vaient de boucliers tressés avec des plantes sarmen-
teuses et radicantes qu’ils recouvraient de cuirs
d'animaux, notre confrère dérive Evrises de deux
mots grecs , eu, benè, bellè , facilè; et pita , radix ,
vimen ; leviter vimineo parmulati, L'armure aurait
donné le nom à la troupe , comme la cuirasse de
nos jours donne le nom à nos cuirassiers ; et le
monument présentait l'hommage de la milice gau-
loise.
La quatrième face se compose de six figuressur deux
plans de trois figures chaque ; toutes , dans la gravure
de M. Baudelot, sont des figures de vieillards , la tête
ornée de couronnes de chêne. On lit au-dessus l’ins-
cription suivante , souvent interrompue par des lacu-
nes :
SENANI 14 EILO
Avec le simple prolongement de la premiere jam-
be de la seconde x, dont M. Gosseaume forme
un T,et formant un s de la lettre 1, assez équi-
voque , il lit : senaTvs. Suit la lettre isolée v ;
votre confrère met en avant la lettre z , et en arrière
la lettre x , dont résulte le mot 1vx. Considérant
ensuite que £ du dernier mot est informe de même
que 1 ; 2° que l'inscription ne termine pas la ligne; de
» il forme un A , et de 7 informe uni; faisant pré-
céder ce mot insignifiant d’un & et le terminant par
un , il forme le mot GazLor, diminutif de Gallorum ;
et la légende Senatus lux Gallorum , devieutun hom-
ES
QG) De bello gallico, De moribus germanorum. De militié
romande
(121)
mage rendu au Sénat et la preuve de leur soumis-
sion pour les lois,
Deuxième pierre. Elle est composée de deux assi-
ses superposées ; les personnages y paraissent en pied ;
au lieu que dans toutes les autres ils ne présentent
que des bustes , ce qui prouve que dans le principe
toutes étaient pareillement composées de deux assises.
La largeur totale est de trente pouces, et la hauteur
de quarante.
Première face. Un personnage tenant une tenaille
d'une main , de l’autre un marteau , avec cette ins-
cription : VOLCANVS , ce qui ne présente aucune dif-
ficulté,
Deuxième face. Un autre personnage armé d’une
pique , une couronne sur la tête , avec cette inscrip-
üon : 1oVIS, ne présente pas plus de difficulté.
Troisième face. Autre personnage abattant, avec
une hache, des branches de laurier , avec cette ins-
cription:esvs. C'était chez tes Gauloisle nom de Mars.
On peut y voir l'embléme de la Paix , Mars détrui-
sant Jui-méme les trophées de la victoire.
Quatrième face. Elle présente un taureau dans une
forêt ; il porte trois grues , une sur la tête , une sur
le dos, une sur la croupe , avec cette inscription :
Tarvos Tricaranos. M, Gosseaume adopte volon-
tiers l'opinion de M. Baudelot , qui, dans ce bas-relief, Germanor.
voit un emblème de la paix. Le taureau était un des Mor, C. 7.
signes militaires des Gaulois; et , au rapport deTacite,
les Gaulois déposaient, durant la paix, ces emblêmes
de la guerre dansl’épaisseur des forêts, M. Gosseaume
ajoute que la grue est l’emblême de la vigilance,
et voit dans cette allégorie un avertissement de ne
séparer jamais la vigilance des opérations militaires.
(122)
“Troisième pierre. Elle a les mêmes dimensions que
celles de la première.
Première face. Un cavalier une massue à la main
gauche , la droite appuyée sur un cheval , avec cette
Inscription : CASToR.
Deuxième face. Une figure toute pareille à la pré-
cédente , ayec cette inscription : POLLUX ; mais dans
la seule gravure de M. Baudelot.
Troisième face, Une figure de vieillard au front
chauve ; de ses oreilles sortent des cornes rameuses
auxquelles pend un anneau de chaque côte ;
avec linser ption cervvNNos. M. Gosseaume dérive
ce mot de deux mots grecs #£pas Cornu, et uyy1 capra
apud Hesychinm ; on pourrait les exprimer er fran-
çais par un seul mot, Canricorne. Notre confrère en
conclus que la figure représente le Dieu Pan, que
les mythologue: confondent souvent avec les Sa-
tyres (1) aux pieds de chèvres et aux cornes de
bélier, Lei ,obieciera-t-on , les cornes sont branchues ;
mais ignore-t-0n que
ss... Pictoribus atque poëlis ,
Quid libet audendi semper fuit æqua potestas.
De arte Poet. 9. 10.
Quatrième face. Elle représente un athlète armé
d’une massue , qu’il lève contre une hydre prête à
EEE
(x) H suffit de jeter les yeux sur cette face pour y reconnaitre
la boufissure temporale , les oreilles épaisses avec lesquelles les
peistres nous représentent les Satyres, C’est vraisemblablement
d’après cette similitude qu'Hippocrate a désigné les oreillons ,
maladie familiére aux enfants, sous le nom de Serupiasues ,
Satyriasmus. Aph.@ IE, 16.
(125)
s’élancer sur lui. L'inscription très-mutilée est
DE VI RI 05.
et commence au tiers de la ligne; ce qui prouve
qu’en tête il y a piusiceurs lettres effacées. M. Gos-
seaume Îles supplée par ALcI ; puis, de la première
lettre , très-équivoque, formant un p , illit ALCIDE.
I! supplée pareillement les lettres qui manquent entre
1 et R par cro, ce qui lui donne le second mot
vicrori. Enfin, il supplée celles qui doivent pré-
céder os par How, et fixe la nature du personnage
par le texte même de linscription ALcIDS vicrori
HONOS.
Notre confrère abandonne , ainsi que l'ont fait
avant lui, le P. Montfaucon , M. de Mautour et M.
Baudelot lui-même , les bas-reliefs de la quatrième
pierre. Ils sont si dégradés que l'on n’y connaît
absolument rien. Mais il né peut partager le senti-
ment de M, Baudelot, qui dans le bas-relief de la
quatrième face de la première pierre voit une as-
sernblée de Druides qui président à l’inauguration de
ce monument. Pline nous dit formellement , anno
urbis 657 , senatus consultum factum est, ne homo
immolaretur,.….. Tiberii Cæsariis principatus sustulit pis. 1 xxx.
Druidas Gallorum. En considérant d'ailleurs que Ca re
parmi les Divinités que ces bas-reliefs représentent,
il y en a un bon nombre qui étaient nouvelles pour
les Gaulois, que leur Divinité principale , Mercure,
n'y est pas même nommée , notre confrère est bien
tenté de voir dans cet hommage rendu à lEmpe-
reur uu trait de flatterie pour avoir substitué à un
culte barbare une religion plus humaine. Quelles
divinités en effet voit-on figurer ici? Les Dieux bien-
faiteurs de l'humanité, Castor et Pollux, les patrons
des navigateurs ; Pan, le Dieu des bergers, le promo-
( 124)
teur del'agriculiure; Hercule , qui n'avait parcouru
Ja terre que pour la purger des monstres qui la
désolaient.
Mais quelle était la destination de ces divers mo-
numents? Devaient-ils concourir à la formation d’un
monument unique ? Devaient-ils former quatre au-
tels isolés? La première opinion parait insoutenable
à notre confrère ; et, en effet, il fût résulté de cet
assemblage une composition du plus mauvais goût.
L'idée d’en former quatre autels ne lui paraît pas
improbable , et elle est assez conforme aux usages
des Romains, qui par le nombre des autels don-
paient la mesure du degré de considération qu'ils
accordaient à l’objet de leur hommage. En supposant
tous ces autels parfaits, ils eussent eu trois pieds quatre
pouces de hauteur , élévation bien suflisante pour des
autels portatifs ; cette largeur eût suffi pour y brüler
Virg.Eclog. des parfums ; et tandis que les bergers de Virgile en
v. Ver, 66. consacraient deux à Daphnis, une compagnie de
navigateurs pouvait bien en consacrer quatre à
Tibère. C
— Le méme vous a donné un Mémoire intitulé :
Quelques Observations sur la Poésie des Hébreux.
L'Académie a arrété que cet essai sera imprimé à
la suite de ce Rapport.
BEAUX-ARTS.
= M. Pescheux, peintre, avait prié l’Académie
de nommer une commission pour examiner les ou-
vrages qu’il a faits à la coupole de Saint-Romain;
organe de la commission , M. Descamps a donné
la description de cinq tableaux qui décorent cette
( 125)
coupole, et, en artiste habile et plein de goût , il
rend justice au talent de M. Pescheux, sans dissi-
muler quelques taches qui se font remarquer dans
son travail : il termine ainsi son Rapport :
« Cet ouvrage est évidemment le fruit d'une grande
pratique et d’un talent nourri par d’excellentes
études, Il résulte de nos observations que la ma-
nière de M. Pescheux a quelque chose de la bonne
école italienne. »
…
2
-
…
2
=
-
= M. Désoria vous a donné la description d'un
tableau d'Histoire qu'il vient d'achever et qui est
placé dans une chapelle de la cathédrale de Rouen.
Ce tableau représente Saint-Paul , s'adressant à
Agrippa, qui vient de lui dire, Peu s’en faut que
vous ne me persuadiez d’être chrétien , et à qui Saint-
Paul répond : Plüt à Dieu que non-seulement il ne s'en
fallät guères, mais qu’il ne s’en fallät rien du tout que
vous et tous ceux qui m'écoutent devinssiez tels que je
suis , à La réserve de ces chaïnes.
Ici, Messieurs, je termine ce Rapport, et je vois
avec douleur que je n’ai pu rien citer d’un de nos
collègues dont souvent j'ai eu à vous entretenir
dans nos séances. Puisque cette année a mis le terme
à cette correspondance aimable , jetons quelques
fleurs sur la tombe de notre confrère.
M. Jacques Mutel de Boucherville, né à Bernay
le 28 mars 1750, se distingua dans ses études au
co!lége de Rouen. Son éducation terminée, le goût
naturel qu'il avait pour les arts le porta à faire des
essais dans plus d'un genre. Les Lettres, le Dessin ,
la Peinture, occupèrent ses premiers loisirs.
( 126)
A l’âge de trente ans, il fut pourvn d'une charge
de conseiller auditeur à la chambre des comptes de
Normandie. Cette charge , comme on le sait, laissait
à notre confrère des loisirs qu’il sut mettre à prolt.
Livré entièrement à ses goûts, la poésie eut la
préférence.
Un Discours sur ce sujet, proposé par l'Académie
de l'Immaculée Conception , combien il est intéres-
sant pour la gloire et le bonheur des Français de
conserver Le caractère national. Ce Discours, dis-je,
lui ouvrit les portes de cette Société, connue sous
le nom de Palinods, qui long-temps réunit dans
son sein des hommes distingués par leurs talents;
honora notre cité et n'existe plus aujourd'hui.
_ Nous avons de M. Mutel une traduction en vers
des deux premiers livres de l’'Enéide, un poeme en
quatre chants sur /’£ducation, une Epitre en vers
à Bernadin de Saint-Pierre, un poème imuütulé la
Terre, une tragédie ayant pour titre Gunide, un
poëme, en six chants, sur les Conquêtes des Nor-
mands en Italie, des Stances, une petite pièce phi-
losophique, ayaut pour titre un Octogénaire au coin
de son feu ; le Mensonge et la Vérité , allégorie ingé-
nieuse et remplie d'imagination.
L£
En général les poésies légères de M. Mutel ont
l'empreinte de cet esprit, de cette galanterie française
qui faisait le fond de son caractère aimable.
Nommé pendant la révolution Maire de Bernay , il
en a rempli les fonctions pendant plus de dix ans
avec un zèle soutenu par le plus ardent amour du
bien public. Toujours chéri de ses concitoyens ,
toujours tourmenté du désir d’être utile, il est venu
à bout par des trayaux habilement conduits de pré-
L. En mom —
NOUS UE TS PQ PO SEC PE EE
(127)
server sa ville natale des inondations qui souvent
l'ont afiligée.
Personne plus que lui n’était sensible au malheur
de ses semblables, Extrêmement charitable, il ver-
sait beaucoup d'aumônes dans le sein du pauvre.
Le bonheur des autres faisait partie essentieile du
sien. Adroit et heureux à-la-fois, 11 était rare qu'il
ne réussit pas à rétablir la paix dans les families.
Son cœur excellent ltia conserve des amis jusqu’au
dernier jour. Attaque depuis long-temps d’une ma-
ladie aflreuse, dont il a souffert les doulears avec
le plus grand courage et la plus-eutière résisnation,
M. Mutel a succombé à l'âge de quatre-vingt-trois
ans , laissant dans le cœur de sa femme et de ses en-
fauts des souvenirs tendres et douloureux.
( 128 )
ee
PRIX PROPOSÉ POUR 1815.
L'Académie avait proposé pour sujet de prix de
cette année la mort héroïque d’Allard, ou Alain
Blanchard,
Des six Mémoires adressés à l'Académie , deux
n’ont pas été admis au concours, les auteurs n'ayant
pas rempli les formalités exigées par la Compagnie.
Aucun des quatre autres ma été juge digne du
prix par la commission; un seul a mérité une men-
tion honorable. C’est celui ayant pour épigraphe :
Vestigia Græca
Ausi deserere et celebrare domeslica facta.
Sur le Rapport de la commission, l'Académie à
délibéré que ce sujet de prix serait retiré du concours,
et elle propose, pour 1815, l'Eloge de Bernardin de
S$.- Pierre.
Le prix sera une médaille d’or de la valeur de
500 fr., qui sera décernée dans la séance publique
de 1815.
L'auteur mettra en tête de son ouvrage une devise
qui sera répétée sur un billet cacheté , où l'auteur
fera connaître son nom et sa demeure. Le billet ne
sera ouvert que dans le cas où l’ouvrage aura rem-
porté le prix.
Les Académiciens résidants sont seuls exclus du
concours.
Les ouvrages devront être adressés, franc de port,
à M. Bicnow , Secrétaire de l'Académie pour la classe
des Lettres , avant le 1° juin 1815; ce délai sera de
‘rigueur,
(129)
0 AIS TT AS TR A
ÉLOGE DE J.-P.-L.-L. HOUEL;
Peintre du Roi ; de plusieurs Sociétés savantes ;
membre non résidant de l’Académie.
Par M, PiINARD DE BoOïIsHÉBERT.
Jean-Pierre-Louis-Laurent Houel, né à Rouen en
1955, d’une famille honnête, contracta de bonne
heure lPhabitude du travail.
Son père lui ayant reconnu de l'intelligence et du
goût , lui fit apprendre le dessin et le fit entrer dans
le cabinet d'un architecte de cette ville, où il fit des
progrès. Né vif et ardent, il exécuiait avec une
telle facilité que les diffeultés semblaient dispa-
raitre pour lui.
M. Descamps l'avait admis au nombre de sesélèves:
personne plus que cet homme,célèbre dansles beaux.
arts, ne savait mieux deviner ce que devaient êtré
un jour ses enfants d'adoption. Il trouva des dispo-
sitions rares chez ce jeuue homme et l’encouragea.
A cette époque il avait chez lui plusieurs graveurs
qui, d'après ses dessins, exécutaient les portraits
insérés dans son ouvrage intitulé : Les lies des
Peintres , etc.
Le jeune Houel:veut dés-lors essayer ses forces
dans l’art de la gravure.
Le célèbre Lebas vint à Rouen passer quelque
temps chez M. Descamps, son intime ami. Notre
jeune graveur saisit cette heureuse circonstance pour
mettre dans ses intérêts deux hommes qui avaient
I
( 150 )
les mêmes principes et le même but d'enseigne-
ment.
A leur recommandation Houel fut admis à Paris,
au milieu d'une réunion d'artistes qui se sont fait
depuis un nom dans les difiérents genres de gra-
vure.
Le plus heureux hasard le fit connaitre à M.
d'Azincourt, homme distingué par sa passion pour
les arte, auxquels sa grande fortane lui permettait
de fare des sacrifices.
M. d’Azincourt voulut essayer de l'art de la gra-
vure ; il s'adressa à M. Lebas, qui lui donna ce qu'il,
cherchait. Le jeune Houel est installé , fêté , caressé ;
son protecteur devient son ami, et le fait déposi-
taire et conservatear de sa riche collection.
Au milieu de ce sanctuaire des arts, le jeune ar-
tiste exerce ses forces dans la peinture à l'huile ; il
se fait aussi une manière facile de peindre à la
gouache , généralement applaudie par l'Académie de
Peinture de Paris.
Le Muséum de Rouen possède quelques tableaux
de ce genre. Ses talents intéressent les amis des
arts; le Gouvernement lui donne une place à la
ension de l'Académie de France à Rome.
Une telle faveur met le comble à ses vœux. Il part,
et déjrPlralie, eette terre classique des beaux-arts,
échautfe l’imagination vive et ardente de notre com-
patriote. L'enthousiasme s'empare de toutes ses fa-
cultés ; il visite les monuments , Jeéouvrages des an-
ciens et des modernes; il épie la marche des hommes
célèbrés qui ont bien vu la nature et l'ont rendue
avec fidélité dans toutes ses variétés. Le crayon et le
pinceau à la main, il parcourt, il exploite jusqu'au
plus petit coin de cette terre où l'art et la nature
semblent avoir épuisé toutes les graces, toutes Îles
( 152)
beautés ; rien ne lui échappe. La richesse des sites
provoque son admiration et décide enfin sa vocation
pour le paÿsage.
Les années d'étude accordées à notre artiste , aux
frais du Gouvernement , étant écoulées , il laisse à
Rome des preuves de son talent,
Il revient à Paris, où il s'occupe d'enrichir di-
verses collections d'amateurs jusqu'en 1756 : c’est
à cette époque qu’il exécute un projet qui depuis
long-temps le tourmentait. C'était avec beaucoup
de regrets qu'il avait quité l'htalie. I] veut revoir
cette belle patrie des hommes célèbres, cette contrée
si riche en grands souvenirs ; par-tout où il s'arrête
son porte-feuille s'enrichit : il met à contribution la
nature , que désormais il prendra pour seul guide
il dessine les principaux monuments de la Calabre.
Dans unouvrage qui a pour titre : OEuvres diverses
de Barthélemi, en deux vol, in-8° , page 209, on lit:
Instructions pour M. Houel.
Ce savant antiquaire trace la marche que doit
suivre le peintre pour remplir le but de son voyage,
Cet itinéraire, aussi instructif qu'amusant, donne
à notre artiste toutes les ressources que son génie
ardent peut désirer. Les cabinets des antiquaires ,
des amateurs les plus distingués lui sont ouverts. Il
se charge de l'acquisition des objets rares qui doivent
augmenter la magnilique collection du cabinet du
Roi.
M. Houel, à son retour, a publié un ouvrage pit-
toresque des îles de Sicile , de Malte et de Lipari ,
imprimé en 4 vol. in-folio, pendant les années 1783 ,
1784, 1785 et 1787. Les planches sont en manière de
lavis.
Cet excellent recueil , accompagné d’un texte ex-
plicatif, plein d'intérêt, fut généralement accueilli
l'a
(132)
et valut à son auteur l'estime des artistes et des gens
de lettres.
Il fit hommage de son ouvrage à l'Académie , qui,
sensible au vœu qu'il manifesta de lui appartenir ,
Je reçut avec acclamation au nombre des Académi-
ciens non résidants,
‘Notre Confrère, toujours aimant Ja gloire , sans
cesse occupé de tout ce qui peut étre bon et utile,
a souvent provoqué par ses écrits, entrepris et exé-
cuté divers projets qui tiennent à la mécanique, etc.
Nous avons de lui la description de deux éléphants,
mâle et femelle , du Musée de Paris, venus de Hol-
lande eu France.
M. Houel à épuisé dans cet ouvrage , d’une belle
exécution, toute la patience du naturaliste obser-
vatéur. Il a épié ces deux colosses dans toutes les
situations, il les a dessinés avec vérité. Il se passionne
tellement pour son sujet, qu’il donne à ces animaux
toute la raison, toute la sensibilité, toutes les pas-
sions , tous les procédés de l’homme délicat et re-
connaissant ; iln’eh parle qu'avec une sorte d'enthou-
siasme. Il va plus loin , il loue jusqu’à la forme de ces
colosses, tant il est vrai que nous sommes tous dis-
posés à l'exagération dans la peinture des objets dont
ous ayons fait choix.
Mais cet ouvrage nous présente des particularités
sur ces animaux qui le rendent infiniment recom-
mandables aux yeux des naturalistes,
On ne peut lire sans étonnement , sans admiration ,
l'effet de la musique sur ces éléphants. L'air 6 ma
tendre Musette surtout les faisait sortir de leur assiette
ordinaire et provoquait de part et d’autre les aga-
ceries , les caresses de l'amour.
A beaucoup de talents M. Houel joignit une gaiîté
inaltérable, Sa conversation était vive, spirituelle, et le
(133)
faisait rechercher des personnages les plus distingués
de la capitale. Cette gaité ne l'a point quitté, même
dans les temps orageux de la révolution.
L'étude de son art et quelques écrits qu'il com-
muniquait à ses amis l’aidaient à en oublier les extra-
vagances et les fureurs.
Plein de succès et d'années, M. Houel, frappé
d'apoplexie , à été enlevé aux arts, à sa famille et à
ses amis, le 14 noyembre 1815.
13
L 27
(154)
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Sur M. LEMESLE,
Par M. Gurrrnceurenr fils.
L'homme aimable et vertueux que l’ordre de la
nature ravit à la terre ne périt pas tout entier.
Le charme de ses talents, le bien qu'il a fait lui
survivent. . .
Les souvenirs les plus doux nous le rappellent
sans cesse et nous font retrouver ses vertus, ses en-
tretiens, ses traits, et jusqu’au son de sa voix... Il
est encore avec nous, même après que la mort a mis
entre lui et ses amis une barrière insurmontable !
Tel est le sort du Littérateur charmant qui vient
de terminer une carrière de quatre-vingt années si
honorablement remplie ; tel est le sort de M, Lemesle,
membre de cette Académie , et l’un de ses plus esti-
mab'es doyens, qu’il me semble encore voir, en-
tendre , et qui pourtant nous a quittés pour jamais !
Tant qu’un ami jouit avec nous de l'existence ,
que nous le voyons tous les jours près de nous ,
nous réfléchissons rarement aux détails de sa vie,
aux vissicitudes de sa destinée ; nous nous conten-
tons d’être charmés des douceurs de sa conversa-
tion , des qualités de son cœur, des graces de son
esprit ; mais quand le trépas nous l'enlève, quand
un espace immense nous en sépare , notre cœur
devient plus exigeant , notre douleur même nous
invite à revenir sur les moindres circonstances qui
nous rappelleut celui que nous pleurons ; aucun des
U:359
événements de sa vie ne nous est plus indifférent ,
nous ayons besoin de tout connaître , et c’est en trou-
vant de uonyeaux motifs de regrets que l’âme ren-
contre aussi, des consolations inattendues.
Qui pourrait douter, Messteurs, que le tableau
de la vie de notre collègue, tableau que je vais
essayer de vous tracer , tout en vous apprenant
l'étendue de la perte que vous avez faite , n’ait
quelque chose de consolant pour vous ?
Le bonheur de se dire : nous avons possédé un
tel homme dans notre sein , est déjà un adoucisse-
ment à notre peine.
M. Lemesle naquit à Rouen , en 175r. Le premier
soin de son père fut de lui inspirer le goût du travail
et de la vertu; ce fut au collége de Sully qu'il en-
voya son fils faire ses premières études, et il ne
tarda pas à s’y distinguer par une admirable facilité
et par les plus heureuses dispositions.
Delille s'instruisait dans le même établissement ;
la conformité de leurs caractères établit bientôt entre
eux une étroite amitié , qui fut aussi durable que
sincère.
Ce fut avec le chantre des jardins que notre col-
lègue prit le goût de cette poésie descriptive et le-
gère à laquelle aucun sujet n’est étranger, qui peiut
tout ce que la féconde imagination lui présente d’ob-
jets riants ou sérieux, et sait nous rendre les moindres
sujets intéressants ; qui tantôt élevée, majestueuse,
chante les merveilles du monde, les héros et les
combats ; tantôt humble et paisible , nous conduit à
travers des sentiers fleuris dans la cabane du labou-
reur , où elle nous admet aux scènes de famille les
plus délicieuses ; semblable à ce fleuve qui tour-à-
tour promène ou précipite ses ondes, les étend et
les resserre , murmure en ruisseau, mugit en Lox-
I 4
(136)
rênt , présente à notre vue un lac immense, ou se
cache parmi les feuillages.
C'est dans ce genre, qui a suffi pour rendre un
poëte immortel, que M. Lemesle eut les plus brillants
succés.
L'esprit plein du désir de plaire et d'idées fraiches
et éüncelantes , il commença de bonne heure à chan-
ter les dames , l'amour et la courtoisie. Ses vers
devinrent un miroir fidèle de l’'amabilité de son
- esprit, de la sensibilité de son cœur : plusieurs des
anciens membres de l'Académie se rappélent encore
avec délices les séances que sa muse remplissait.
Ils se souviennent de l'empressement flatteur et una-
nime que montraitle public, lorsque nos programmes
annonçaient une lecture du jeune émule des Vol-
taire et des Bouflers ; tous ses amis m'ont souvent
entretenu des applaudissements qu’il excitait et m'ont
fait regretter de n’en avoir pu jouir,
Au talent de faire de jolis vers, m'ont-ils dit sou-
vent, il Joignait celui de les bien lire ; une grace
toute aimable, un son de voix touchant ajoutaient
au charme de ses productions et achevaient de ravir
tous les suffrages. Notre collègue jouissait de sa
gloire sans fierté, sans suffisance ; il semblait que
les applaudissements le rendissent plus modeste ,
qu'il n’y vit que des encouragements , et que la re-
connaissance lui fit un devoir de faire toujours mieux
et de ne point s'endormir sur des lauriers, même
lorsque les dames les couvraient de roses.
Des succès aussi séduisants ne Jui firent point ou-
blier non plus que l’heureux talent de composer des
vers agréables ne suflit point pour remplir la vie de
celui qui veut étre réellement un homme; il sentit
profondément cette vérité, ets’appliqua au commerce
(137)
avec une ardeur qu'on n'aurait pas soupçonné dans
un jeune amant des Muses.
Ce fut en Hollande qu'il prit sur cette honorable
profession des idées saines qu'il revint bientôt
mettre en pratique dans sa patrie. Il fixa successive-
ment sa résidence au Havre, à Nantes, à Bordeaux,
où il forma des établissements recommandables. La
fortune couronna ses travaux et la considération pu-
blique environna bientôt le négociant éclairé.
Sa réputation s’établit sur les bases solides de la
sagesse et de la probité; partout il fut comblé des
marques les plus évidentes de l'estime de ses con-
citoyens.
Membre de toutes les chambres de commerce des
villes qu'il habita , il sy distinguait par la sagesse de
ses avis et la profondeur de ses lumières ; il composa
sur le commerce plusieurs ouvrages extrémement
utiles. On a cité long-temps parmi eux un Mémoire
relatif à l'admission des étrangers dans les colonies.
Ce Mémoire , intitulé le Vieillard de Médoc, fit une
vive impression et acheva de faire connaitre les ta-
lents et l'instruction de l'auteur.
Notre collègue fat une preuve bien irrécusable
qu'il n’est point impossible d’allier aux connais-
sances commerciales le goût et la culture des belles-
lettres , puisqu'aux mêmes époques où tous ses
soine étaient dévoués à son état , tous les loisirs
étaient consacrés à chanter ses amis et ses plaisirs ,
puisque la chambre de commerce de Bordeaux
lui décernait une médaille d’or en signe de sa re-
connaissance , tandis qu’une Académie distinguée
accordait à son poëme de Guillaume le Conquérant
la couronne et le prix.
Des succès si constants , si bien mérités , durent
ajouter beaucoup au bonheur de notre collègue ,
(138 )
dont les mœurs douces et remplies de simpliciié ,
ne cherchaient que l'estime et l'attachement. Bon
époux, excellent père , jouissant d’une belle for-
tuve , acquise par une sage industrie ; aimé , estimé
de tout le monde , pouvait-il Hi manquer quelque
chose ! 1] fallait des événements bien extraordi-
maires, bien imprévus pour renverser un bonheur
établi sur des bases aussi solides...... La révolation
arriva ! Tout bon citoyen , tout homme instruit
devint l'objet des plus ardentes persécutions , et
M, Lemesle fut au moment d’être une victime de
plus de la cruauté de nos tyraus révolutionnaires :
séparé de sa famille , de ses amis , déclaré hors
la loi, conduit à Paris , il n’échappa à la mort que
par le courage et les soins d’un ami tel qu’il mé-
ritait d’en avoir un. De si grands malheurs , la perte
de presque toute sa fortune , furent supportés avec
une admirable constance, avec cette vraie philoso-
phie qui ne se vante point d’insulter au malheur ,
mais qui s’y résigne avec calme , sans afectation et
sans orgueil.
Au milieu de ses plus rudes adversités , M. Le-
mesle crut n'avoir perdu que peu de chose , puis-
qu’il lui restait l'honneur ; l'honneur ! ce bien inap-
préciable pour tous les hommes , mais surtout pour
le négociant. Avec une conscience pure et tran-
quille , on ne se laisse point accabler par le malheur
ni par l'injustice des hommes; et quand à cela
on joint un esprit cultivé et le goût des lettres , il
n’est point de peine dont on ne diminue lamertume.
Ainsi , notre collègue , pendant une longue capti-
vité, chercha des consolations où il avait trouvé
autrefois de si brillants plaisirs,
Sa situation l'amena naturellement à traiter des
sujets plus sérieux. Aussi bon père que littérateur
C139)
aimable et que négociant probe et instruit , il s'occupa
à cette époque d’un ouvrage pour l'éducation de
sa fille,
Je regrette de ne pouvoir vous en donner une
ilée , mais, ainsi que presque toutes les productions
de notre collègue , celle-ci est perdue pour l'Aca-
démie , et nos regrets en seront plus longs et plus
vifs, Dans ses dernières années , notre collègue avait
recueilli ses ouvrages , avait redemandé à l'Acadé-
mie ceux qu’il y avait déposés ; son dessein était
de les livrer à limpression pour en faire hommage
à ses amis , dont le suflrage étaitle seul prix qu’il am-
bitionnait. Vous auriez trouvé dans ce recueil une
multitude de poésies légères consacrées à célébrer
des événements de société que sa plume savait
rendre intéressants pour tout le monde ; quelques
comédies fort agréables , des épitres pleines de goût
et de sentiment, un poëme sur la navigation, un
autre sur le commerce , et des imitations élégantes
des plus beaux chants de la mort d’Abel de Gessner.
Un des caractères particuliers de ces ouvrages est de
déceler par-tout les opinions sages , les sentiments
délicats et l'esprit fin de leur auteur ; il ne nous en
reste que quelques analyses qui les font assez bien
conuaitre , et un très-petit nombre de vers parmi
lesquels j'ai remarqué ceux-ci, qui terminent une
épitre sur les mariages du vieux temps et sur les
mariages modernes :
On doit aimer par goût et non par vanité ;
Le premier titre est l’amabilité ,
Le nom n’est rien , la noblesse est de plaire ,
Un mauvais choix conduit à l’infidélité ,
Oa tient mal un serment qu'a fait l'indifférence ,
Et que le cœur n’a point dicté,
Enfin , un conte charmant intitulé l’Amour et
C 140 )
Psyché , est resté tout entier dans un de vos
Précis analytiques , et vous rappellera à jamais la
grace et l’esprit aimable de son auteur. Mais quand
ce monument nous aurait encore manqué , qui de
nous , MassiEurs , aurait jamais perdu le souvenir
de tout ce que M. Lemesle a fait pour l'Académie ?
Qui de nous pourrait oublier que , jusqu’à ses
derniers moments, il cherchait à vous étre utile ,
à occuper vos séances par des lectures où nous re-
trouvions sinon la vigueur et le brillant de sa jeu-
nesse , au moins son instruction et son éloquente
facilité ?
M. Lemesle , après avoir vu deux fois sa fortune
renversée par les événements politiques et nosguerres
maritimes, liquida ses affaires et revint pour toujours
à Rouen , sa mère patrie.
Rappelant toute la fermeté de son ame, il parvint
à oublier tous les rêves de son ancienne opulence ,
tous les prestiges de l'ambition.
Depuis long-temps ce vieillard aimable ne rem-
plissait sa vie que de souvenirs ; les Muses , après
avoir été ses amantes , étaient devenues ses amies
et n'abandonnaient point leur fidèle adorateur , qui,
jusqu’à ses derniers moments , parlait d’elles avec
transport , rappelait avec plaisir les faveurs qu’il en
avait reçues , et regardait comme les plus heureux
de son existence les instants qu’il leur avait consa-
crés,
À quatre-vingt-deux ans, il termina sa vie avec
calme , douceur et résignation. Nous ne pouvions
nous flatter de le conserver à jamais , et malgré la
vivacité de nos regrets , nous devons , à son exemple ,
nous soumettre aux décrets éternels, en nous disant :
Notre ami a bien rempli sa tâche ! il fut bon,
aimable , sensible et bienfaisant ; il sut jouir du
Ci4n)
bonheur sans arrogance , et supporter , réparer ses
malheurs avec courage : la mort a long-temps res-
pecté ses jours; son adieu ne fut point brusque et
cruel ; si nous avons à le pleurer , au moins n'avons
nous pas à le plaindre : il est heureux , puisqu'il ha-
bite le séjour où la bonté et la vertu sont récom-
pensées, où tous les sentiments ne donnent plus
que des plaisirs.
C142)
0
PRODUCTIONS
Dont l'Académie a délibéré l'impression en
entier dans ses Actes.
w
LES FLEURS ET LE CHOU,
Fasze.
Dans un riant parterre orné de mille fleurs ,
Près de l’OEillet aux brillantes couleurs ,
Entre la Rose éblouissante
Et la Violette odorante,
Un Chou se trouvait transplanté. ...
INe sais comment en vérité....
Grand scandale à la cour de Flore :
Quoi ! ce rustre, disaient-ils tous ,
Viendra recueillir avec nous
Les baisers de Zéphir et les pleurs de l’Aurore |
Fut-on jamais plus impudent ,
S’écriait, d’un ton arrogant ,
Le Lys au front noble et superbe ?
I] devrait se cacher sous l’herbe ,
Disait avec dédain
Le pâle et délicat Jasmin ;
Quelle odeur ! murmurait d’un air de négligence ,
Jusqu'au Pavot, fier de son riche habit
Et suffisant comme un sot en crédit :
A ce trait perdant patience ,
L’humble Chou rompit le silence :
Le mépris vous sied bien , êtres vains et légers !
C:1435)
Qui , séduits par votre parure ,
Futile don de la Nature,
Paraissez oublier vos destins passagers !
A vos yeux, nul n’est respectable ;
On n’est rien si l’on n’est aimable ;
Mais sans avoir votre fierté
J’ai pourtant mon utilité,
J'ai donc aussi l'espoir qu’enfin on me délivre
De vos indécentes clameurs :
Les Fruits valent mieux que les fleurs ;
Vous charmez les mortels , moi je leur aide à vivre,
Ainsi dans nos cercles brillants,
Souvent méprisé mais utile ,
Pourrait parler l’homimne des champs
A maint bel esprit de la ville,
Par M, Gurrincuen fils.
C 144)
AAA AAA
PHILOMÈLE , LE CORBEAU ET LE VAUTOUR,
Fasze.
Malgré la lecon du Renard ,
Fier de son plumage d’ébène ,
Maître Corbeau perché sur la cime d’un chêne ;
Fatiguait les échos de son ton nazillard ;
11 insultait à Philoméle,
Qui, dans le plus épais du bois,
Mère tendre, épouse fidèle ,
N’osait faire entendre sa voix,
A ses fils imposait silence ,
Sortait un peu du nid, regardait et soudain
Rentrait , pour cacher sous son sein
Le bonheur de son existence.
Pourquoi , lui disaient ses enfants ,
Du plus sot des oiseaux supporter l’insolence ?
Croit-il sur nous avoir la préférence ?
Chantons , chantons ; bientôt nos doux accents
Auront confondu sa jactance.
Comme ils allaient chanter , un Vautour inhumain
Fond sur l’objet de leur envie ;,
Le plume , le déchire et vous fait un festin
De notre Héros d'harmonie,
Voyez, voyez où nous conduit l’orgueil,
Dit Philomèle , encor d’effroi saisie ,
Evitez ce funeste écueil :
Cachez-vous toute votre vie,
O ! mes enfants ! cet éclat si vanté ,
Ce désir d’éblouir n’est qu’erreur et chimère ;
Il faut , pour être heureux , croyez-en votre mère ;
L’obscurité , mes fils , la douce obscurité.
Par le même,
LE
(1:45)
LS
LE PAPILLON ETLA ROSE;
Sraxces ALLÉGORIQUES,
A la gent Papillonne
On reprochait un jour
Son humeur folichonne £
Son inconstant amour:
Dans l’empire de Flore
Ce n’était que clameurs ;
Plus d’une Fleur encore à
Dit-on, versait des pleursé
Que les pleurs d’une belle
Parlent éloquemment !
Le cœur le plus rebelle
Les brave vainement,
D'une Rose charmante
S’approche un Papillon,
Qui, d’une aile tremblante ;
Implore son pardon,
La Rose généreuse
Le reprend sans aigreur ,
Et non moins vertueuse
Cherche à fixer son cœur ;
Rien de mieux , lui dit-elle
Du ton le plus touchant,
Que la Rose fidèle
Au Papillon constant,
Que te sert ta parure ,
Que te sert ta beauté
Si tu deviens parjure
Par ta légèreté ?
(146)
Veux-tu paraître aimable ,
Veux-tu l’être en effet,
Sois d’une ardeur durable
Le modèle parfait,
Le Papillon soupire ,
La Rose lui sourit ;
Aux conseils qu’il admire
Pour jamais il souscrit ,
Et, déployant son aile,
Il jure tendrement
De l’agiter pour elle,
Pour elle seulement,
Rare métamorphose
Du plus volage amant ,
La plus aimable Rose
Te dut au sentiment !
La sévérité glace,
Et fait fuir les amours;
La douceuret la grace
Les captivent toujourss
Par M.
Vicus,
( 147 )
et ot Tr
LE SONGE DE LUBIN,
Fazrs.
Lumin, cité partout comme un franc égoïste,
Un beau matin, en s’éveillant,
À Babet, sa moitié, racontait d’un air triste
Ce songe qui n’est que plaisant
« À peine le sommeil avait clos ma paupière,
» Je rêvais qu'un mal imprévu
» Avait terminé ma carrière ,
» Et que tout de mon long dans la bière étendu,
» Grace au pasteur pressé de gagner son salaire,
» D'un pas accéléré l’on me portait en terre,
» Toi, nos parents et moi, nous suivions mon cercueil :
» Moi, te dis-je, Babet, pale, en habit de deuil,
» Au Ciel pour feu Lubin , adressant ma requête,
» Et présent, mort et vif, à cette triste fête:
» Déjà du cimetière on atteignait le seuil :
» À l'aspect de ces lieux que tout mortel redoute,
» Je jette un cri d’effroi,... mais, Ô Babet, écoute,
» Et juge, si tu peux, de mou étonnement.
» Le croiras-tu ? près de moi, sur la route,
» Tout le monde avait l’air content :
» Pas un seul mot à ma louange,
» Pas un regret, pas un gémissement ,
» Et je pleurais tout seul à mon enterrement, »
— « Ce contraste, mon petit Ange,
Dit la fine Babet , n’a rien de bien étrange,
» Chacun jugeait apparemment,
» Qu'en homme qui toujours s’aima d'amour extrême ;
Tu ne t’oublirais pus en ce fatal moment,
Et te regretterais suffisamment toi-même, »
Par M, Laericreuc pes Guranots,
K, 2
( 148)
on Te ot
L’ ANF CET SON MAITRE.
Favre.
L’aurre jour couché dans l’herbage ,
Un Ane, en mangeant son chardon ;
S’avisa , contre son usage, ‘.
De faire une réflexion. :
« Sans résister, dit-il, j’obéis à mon maître,
Esclave dès mes jennes ans,
Ne puis-je enfin cesser ‘dé’ l’étre? 7
C’en est fait , désormais à mon gré jé prétends
Courir , me reposer , veïller’; dormir et paître,
Qu'ilvienne, mon tyran, armé de Sôn ‘bâton,
Qu'il vienne! A coups de pied soudain je le salue
Et vous le ‘mets à la raison: »
:Sütée le Maitre arrive... Aussitôt lé Grison
Tremble , et baïssant d’effrôt son oreille velue ;
Dépose V’air rebelle et fait le picd de grûe,
IL se laisse embâter aussi doux qu’un mouton,
Trop ami de sa peau pour que jamais il rue.
Tel menace de loin qui de près fait le bon,
Par le méme.
QUELQUES OBSERVATIONS
Sur LA PoËsiE DES HÉBREUX.
Par M, GossEAUME.
J'ar eu l'honneur de vous donner une idée de la
pompe et de la majesté de la poésie des Hébreux ,
dans l'essai de traduction ‘du pseaume 67, que je
soumis à votre jugement le 6 mai 1807. Mon but
principal était alors de vous faire connaître le sens
que je dounais à plusieurs versets de ce cantique ,
généralement considérés jusqu'alors comme inintelligi-
bles , et que je tentais de traduire d’après des prin-
cipes dont l'authenticité me paraissait incontestable.
Mais en poursuivant l’objet essentiel de mes recher-
ches , je ne laissai pas échapper l’occasion de vous
faire observer , Messreurs, combien le style de ce
pseaume était élégant et fleuri; combien les inver-
sions et les métaphores ajoutaient à la noblesse
des idées ; combien enfin il était digne de figurer
parmi les poésies les plus estimées.
Je me propose aujourd'hui, Mrssreuns , de vous
montrer que cette poésie , la plus ancienne de celles
qui soient parvenues jusqu’à nous , est capable de
prendre tous les caractères et tous les tons, et qu'à
côté de ces peintures terribles où elle représente
lés fondements de l'univers ébranlés à la voix de
l'erérnel ; elle sait placer des tableaux d’un agrément
et lune fraicheur admirables, pour celebrer la fécon-
dité de la uature , la variété de ses productions et fa
K 35
CCE ”
bonté inépuisable de son auteur. Descendant ainsi
de la sublimité de l'ode, à la’ gracieuse simplicité
de l'idylle , toujours riche , toujours nombreuse ,
elle inspire tour-à-tour l’étonnement et le plaisir.
J'ai dit la plus ancienne des poésies, MrSsIEURS ;
dans quel temps en effet excitait-elle de si vives
émotions ? Huit cents ans avant que le chantre de la
Grèce clarmât les loisirs de ses concitoyens , par le
récit des malheurs d’Ilium et des aventures d Ulysse.
Oui, Mrssieurs, la Grèce était encore barbare
lorsque Moïse conjurait le ciel et la terre d'être
attentifs à ses derniers accents. OEnotrus n'avait pas
encore conduit en ltalie, couverte alors de forêts ,
la premiére colonie Grecque ; et Troye , si elle
existait, n’était qu'une peuplade obscure , sans com-
merce, sans arts, sans institutions politiques.
Dans un âge plus rapproché de nous, mais plus de
cent ans avant Homère , David calmait les fureurs
de Soül, par les accords harmonieux de la lyre ,
et, consacrant des talents inspirés à la gloire de Dieu,
il célébrait dans ses immoriels cantiques les mer-
veilles de la nature, ornait de fleurs les pages de
l'histoire , et révélait à son peuple étonné les secrets
de l'avenir.
Il est des critiques qui prétendent que Job avait
devancé Moïse ; et, dans cette hypothèse, ce serait
le poëte le plus ancien des Hébreux. Et quelle
étendue de connaissances, quelle politesse, quelle
éducation soignée , le livre qui nous reste sous ce
nom ne suppose-t-l pas dans son auteur ? J'ai eu
l'honneur de vous montrer , Messieurs , dans une
dissertation spécialement destinée à cet objet , que
le léviathan du livre de Job était le requin de nos
paturalistes. J'ai mis en parallèle la description du
poëte Hébreu et celle du célèbre Lacépède, et j'ai
(1:51)
fait voir que le premier avait ajouté à la sévérité de
sa description, la grace du style et toutes les richesses
de la poésie.
Par quel privilége ces hommes si voisins de l’ori-
gine des arts, et dans des temps ou l’histoire de tous
les autres peuples ne nous offre que ténèbres ,
présentent-ils , spécialement en poésie , des chefs-
d'œuvres dans tous les genres? C’est que, choisissant
des sujets de la plus grande élévation, ils pouvaient,
sans crainte d’être taxés d'exagération , donner tout
l'élan possible à leur imagination et à leur verve:
les Grecs et les Romains chantaient des héros et des
dieux , l'exemple de toutes les faiblesses ; les seuls
Hébreux chantaient l’auteur de toute perfection et
puisaient dans leurs cœurs sensibles les figures
hardies dont ils embellissaient leurs récits. C'est en
second lieu que , plus recueillis, plus fidèles observa-
teurs de la nature , plus échauflés encore par l’in-
fluence du climat , ils avaient plus de moyens pour
exprimer les beautés qui les avaient frappées , et
tel est le livre de la nature que chacune de ses pages
nous révèle des mystères nouveaux , conduit de spé-
culations sublimes en spéculations plus sublimes
encore , et allume en nous une ardeur , de jour en
jour plus vive , d’en étudier les principes, d'en dé-
voiler les secrets, et d’en célébrer les merveilles, Aussi
ne doit-on pas être étonné de trouver dans les livres
sacrés les éléments de tousles arts ; d’y trouver encore
des idées et les images qui depuis ont embelli les
poésies d'Homère et de Virgile, Certes , si le hasard
a produit une telle conformité , il faut convenir que
le hasard produit des choses bien surprenantes.
Comparez, MESSIEURS , l'expression de la Genèse , en XNT.
quæ nunc mare salis , et celle de Virgile et campos Sr ©
ubi Troja fuit ,etvous y trouverez l'identité la plus
Calmet dict.
Odyss, livre
(a52 )
parfaite ; et la première a précédé la seconde de plus
de deux mille ans: Comparez encore la tempête du
pseaume 106 et celle du 5° livre de l'Odyssée ; celle
-énfin du 1® livre de l'Enéide , et voùs retrouverez
dans les deux dernières le méme dessin, la même
Composition et les mêmes couleurs de la première.
-Le pouvoir souverain qui déchaîne les vents, est
Dieu, dans l’ode sacrée ; Neptune dans Homère
et Junon dans Virgile , par-tout le résultat est le
même : le vaisseau porté jusqu'aux cieux est préci-
pitéau fond des abimes. Le découragement des na-
vigateurs , le recours au ciel pour obtenir leur dé-
livrance ,: la tempête calmée par un pouvair éga-
lement respectable , achève de montrer l’entière
ressemblance. La tempête d'Homère et. de Virgile
offrent à la vérité beaucoup de détails qu’on cher-
cheraït , vainement dans celle de David ; mais ils
pouvaient sans inconvénient figurer dans ün poëme
épique , et eussent été déplacés dans une ode.
Tant de rapports , et de rapports si frappants, ne
semblent-ils pas , Messieurs > indiquer un premier
modéle ? Homère, certainement | a été celui ‘de
Virgile, et serait-il absurde de penser que David
eüt été celui d’'Homère ? |
C'est en revenant de PEthiopie, et l'Ethiopie des
anciens était le pays de Chus, limitrophe de la Pa-
lestine : c'est des montagnes de Solyme , autre nom
de Jérusalem, que Neptune voit Ulysse prêt à lui
échapper. Eh, Messieurs , quand on connait si bien
la topographie d’an pays , serait-il étonnant qu’on en
connût également les richesses littéraires ?
Ge n’est pas ici le lieu de pousser plus loin cette
comparaison. $itoutefois ceitetâche m'était imposée ,
il me serait peut-être facile de montrer que la grande
simplicité , le désordre même qui règne dans la des-
(155)
cription de David en caractérisent mieux toute l'hor-
reur, Homère abandonne la mer à la fureur des
vents qu’il désigne nominativement , et laisse à l’ima-
gination du lecteur le soin d'achever le tableau ;
Virgile le complète : mais n’estil pas à craindre que
la richesse du coloris ne fasse perdre de vue la cor-
rection du dessin ? Æuril œstus arenis est sans doute
une‘expression magnifique ; mais pour traduire plus
à loisir n’est-on pas tenté d'oublier un instant le
pieux Énée ?
Dans le pseaume , au contraire , rien ne partage
l'attention , et six vers (1) suffisent pour glacer d’effroi
par la peinture la plus terrible.
Qui descendunt mare in navibus
Facientes operationem ia aquis multis.
Ipsi viderunt opera Domini
Et mirabilia ejus in profundo,
Dixit , et stetit spiritus procellæ ,
Et exaltati sunt fluctus ejus.
Ascendunt usque ad cœlos, et descendunt usque ad abyssos,
Anima eorum in malis tabescebat :
Turbati suns et moti sunt sicut ebrius ;
Et omnis sapientia eorum devorata est.
Et clamaverunt ad Dominum ; etc,
Ne peut-on pas, Messigurs , faire à ces belles
stances , pleines d’incohérences, mais pleines d’éléva-
tion et d'énergie , l'application des principes établis
par le legislateur du Parnasse........ Il faut que
le cœur seul parle dans l'Élégie ;
« L’ode avec plus d'éclat et non moins d'énergie,
» Elevant jusqu’au ciel son vol ambitieux ,
» Entretient , dans ses vers, commerce avec les Dieux,
(1) Homère et Virgile en emploient un beaucoup plus grand
nombre,
‘C154)
» Aux athlètes dans Pise elle ouvre la barrière,
» Chante ux vainqueur pondreux au bout de la carrière.
(WARENANAMNMER VAN E NN LENLLN)
» Son style impétneux souvent marche au hazard ;
» Chez elle un beau désordre est un effet de l’art , etc,
Mais laissons le spectacle de la mer en courroux ,
et fixons nos regards sur des peintures plus riantes.
Le pseaume 105 va nous en fournir le moyen. Si
ma traduction n'offre pas toute la délicatesse, tout
le charme de l'original , j'ai tâche au moins qu’elle
en exprimât fidèlement les idées.
PSEAUME 103.
1, Mon ame bénis le Seigneur, Seigneur mon Dieu,
votre gloire et votre magnificence éclatent de
de toutes parts,
2, Vous vous revêiez de lumière comme d’un man-
teau , vous déployez comme un pavillon le
voile des cieux.
5. Vous suspendez les eaux sous cette voûte ma-
gnifique , les nuages sont votre char glorieux ,
et dans votre course rapide vous surpassez la
vitesse des vents,
4. Vous donnez à vos messagers l’agilité des vapeurs
légères, etles feux dévorants sont les ministres
de vos volontés.
5, Vous avez fondé la terre sur des bases inébran-
lables , et l'élévation de son axe ne sera point
abaissée.
6. L’abyme comme un vétement l’environnait de
toutes parts , et l’immensité des eaux couvrait
la cime des montagnes.
7, À votre voix terrible elles ont fui , et se sont
précipitées dans les gouffres de l’océan.
8.
9:
10,
11,
12,
16.
18.
19.
Cr55:)
Les montagnes alors ont paru s'élever , et les
vallées s'abaisser ; et tout a pris la place que
vous lui aviez assignée.
Vous avez tracé à la mer des limites qu’elle ne
franchira pas, elle ne se débordera pas de
nouveau pour inonder la terre.
Vous faites jallir dans les vallons des sources
pures ; elles coulent en serpentant au pieds des
collines.
Les animaux domestiques viennent s y désaltérer ,
et les bêtes sauvages courent y étancher leur
soif,
Les oiseaux du ciel habitent à l’entour , et , des
bosquets qui les ombragent, font entendre
leurs ramages mélodieux.
Vous humectez les montagnes des pluies du
ciel, et vous enrichissez la terre des fruits
que vous avez créés.
Vous y faites croître l'herbe pour la nourriture
des animaux , et le froment pour celle de
l'homme,
Elle produit également le vin qui lui procure
la gaie , l’huile qui éclaircit sa face , et le
pain qui le nourrit,
Elle est la nourrice commune des arbres qui
ornent nos campagnes , et des cèdres du Liban
ue votre main a plantés.
Les petits oiseaux construisent leurs nids sur les
premiers , les cicognes préfèrent pour leur
habitation les pins les plus élevés.
Les daims recherchent la solitude des montagnes ;
les hérissons trouvent un asyle dans les fentes
des rochers.
Vous avez assuré à la Lune un cours régulier , et
le coucher du Soleil est dans l’ordre de votre
providence.
( 156)
20, Vous répandez les ténèbres sur la terre, et la
nuit succède au jour : les hôtes des forèts se
mettent alors en marche.
21, Les lionceaux rugissent , ils demandent au Sei-
gneür la nourriture qui leur est néressaire.
22, Le Soleil se lève, et ils rentrent dans leurs re-
paires , pour y goûter le repos.
25. L'homme sort alors pour se livrer au travail , et
s’en occuper jusqu'au soir.
24, Que vos ouvrages sont admirables, Seigneur !
tous sont le fruit de la sagesse , et la terre
partout annonce vos bienfaits.
25. Cette mer immense offre des routes multipliées
aux navigateurs ; vous l'avez peuplée de pois-
sons de toutes grandeurs, et dont le nombre est
incalculable.
26, Tandis que les vaisseaux en sillonnent la surface ,
le léviathan semble se jouer au milieu de ses
flots.
27. Tous attendent que vous leur donniez à propos
la nourriture qui leur est nécessaire.
28. C’est de votre libéralité qu’ils la reçoivent, et
votre main ne “ouvre que pour répandre
partout vos bienfaits.
29. Cessez-vous un instant de fixer sur eux vos re-
gards , le trouble aussitôt s'en empare ; vous
leur retirez le souflle de vie , ils cessent d’exis-
ter et rentrent dans la poussière d’où ils étaient
sortis.
30, Vous répandez de nouveau ce souffle créateur,
et des générations renouvellent la face de la
terre.
51, Que le Seigneur soit éternellement gloriñé, et
qu'il se complaise dans la beauté de ses ou-
yrages,
(157)
52. D'un seul regard il fait trembler la terre , il touche
les montagnes, et elles se dissipent en fumée.
33. Je consacrerai mes jours à publier ses bienfaits,
je chauterai ses louanges tant que je vivrai.
54. Puissent mes cantiques lui être agréables: pour
moi je ne trouve de bonheur qu’en lui.
35. Périssent les impies, que les méchants soient
anéantis, mais que mon âme ne cesse jamais
de louer le Seigneur.
Je craindrais , Messieurs, d’affaiblir la vivacité ,
la chaleur de ces descriptions par la froideur d’un
commentaire : c’est au cœur qu'il appartient de juger
des vers inspirés par les sentiments les plus doux,
l'admiration et la reconnaissance. Mais si dans la
traduction d’une traduction ils sont capables d’ex-
citer en nous les émotions les plus agréables , que
serait-ce si nous les lisions embellis par les charmes
d'une versification pure et harmonieuse , que serait-
ce si nous les lisions dans leur langue originelle
avec les connaissances et les dispositions nécessaires
pour en sentir les beautés! Racine a montré dans
les stances inimitables d'Esther et d'Athalie le grand
parti qu’il était possible de tirer des poësies sacrées
des Hébreux. Le pseaume que je soumets à votre
admiration, Messieurs, aurait-il pu échapper à sa
verve ? Qu'il me soit permis d’en citer quelques
vers.
O Dieu que la gloire couronne !
Dieu que la lumière environne ,
Qui voles sur laile des vents ,
Et dont le thrône est porté par les Anges :
Dieu qui veux bien que de simples enfants
Avec eux chantent tes louanges, etc.
Mais quelle autre plume que la sienne serait ca-
pable d'exécuter un pareil travail ?
(158)
Quoique la Vulgate ne nous présente elle-même ce
Cantique que daus une traduction extrêmement sim-
ple, j'avoue, Messieurs , que je ne connais point
d'idylle où règne plus de variété dans les objets,
plus de douceur dans le langage, plus de sobriété
dans les ornements, plus de vérité dans les ta-
blezux, plus d'harmonie dans la composition , et
jestime qu’un peuple qui s'est distingué dès les
premiers temps de la civilisation par des poésies
pareilles , méritera toujours d’être honorablement
placé au nombre des Ecrivains les plus polis, et
des Poëtes les plus célèbres.
TABLE
DES MATIÈRES.
Cure de la Séance publique; page 1:
SCIENCES ET ARTS.
Kapport fait par M. Vitalis, secrétaire perpétuel pour
la classe des Sciences, 2
Ouvrages annoncés ou analysés daus ce Rapport.
Mémoire ayant pour objet la considération des sur-
faces envisagées comme lieux de sommets communs
de plusieurs pyramides ; par M. Dutlhol, 2
Discours de réception prononcé par le même, 3
Manuel du Fondeur-Orfèvre; par M. Bonnet, ibid.
Rapport sur le même ouvrage; par M. Meaume, 4
Manuel pratique ct élémentaire des poids et mesures,
des monnaies et du calcul décimal; par M. Tarbé,
ibid.
Rapport de M. Periaux , sur l’ouvrage de M. Tarbé,
ibid.
Observation sur la planète Mars; par M. Flaugergues,
ibid,
Application du calorique qui se perd dans les cheminées
des tisards des chaudières d'usines , à un ventilateur
et à une étuve ; par M. Pajot-Descharmes , 5
Rapport de D. Vauquelin , sur le méme ouvrage , 6
Ecrit sur l’importance de l’industrie manufacturière
et de l'emploi des machines ; par M,Biard, ibid.
( 160 )
Compte rendu dans les annales de l'architecture et des
arts ,de diverses inventions de 11, Garot, 7
Description de l'avant-port de Cherbourg , par M.
P.-A. Lair, 8
Flore Rouennaïse ; par M. Le Turquier Deslongchamp ;
9
Discours de réception , prononcé par M. l’abbé
Le TurquierDeslongchamp, 10
Observations sur les plaies avec perte de substance de
l'écorce des végétaux ligneux ; par 7, Marquis, ibid.
Collection des Plantes rares de la France, dessinées et
gravées par M. Marquis, pour la Flora Gallica de
M. Loiseleur, ibid,
Supplément à la deuxième édition du Botaniste Culti-
vateur ; par M. Courset, 1
Rapport sur cet ouvrage ; par M. Marquis, ibid.
Recherches sur l'acide prussique ; par M. Robert, ibid. .
Mémoire sur l’eau des mers qui baignent nos côtes ,
considérée sous le point de vue chimique et médical ;
par MM. Bouillon-Lagrange et Vogel, ibid.
Aperçu du travail fait par MM. Vauquelines Thierry ,
sur les Eaux thermales de Bagnoles, communiqué
par M. Lair, 12
Procédé pour teindre le fil de lin et de chanvre enrouge
dit des Indes ou d’Andrinople ; par M. Vitalis, ibid.
Expériences sur les dangers .ou l’innocuité du zinc
employé à la fabrication des ustensiles de cuisine ,
ibid.
Eau-de-vie retirée de la pomme de terre ; par 1.
Dubuc, ibid.
Nouvel aperçu sur les sirops ef conserves de raisin;
par DT. Parmentier , 15
Rapport de M. Dubuc, sur cet ouvrage, ibid.
Mémoire sur la Catalepsie délirante; par M. Thillaye,
15
Rapport
(161 )
Rapport sur cet ouvrage ; par M. Vigné , 14
Recherches pathologiques sur la secrétion des gaz dans
les végétaux et les animaux ; par le même, 15
Rapport de M. Marquis, sur l'ouvrage ci-dessus , 15
Observations sur un tiphus exanthématique ; par M.
Vigné, 19
Rapport sur les n°5 51, 52, 53 et 54 du Bulletin des
Sciences Médicales du département de l’Eure ; par
M. Gosseaume , ibid.
Aperçu sur l'Hygiène publique ; par M. Reynal, ibid.
Mémoire Médico-Politique sur le café ; par le même,
ibid.
Rapport sur le Mémoire ci-dessus ; par M. Dubuc, 20
Réflexions sur le Népenthès d'Homère ; par M.
Marquis , 21
Notice sur l’Epizootie qui a régné, en 1812, sur les
troupeaux des bêtes à laines des départements
méridionaux de l'Empire ; par M. Leschenault ,
ibid.
Moyens de suppléer aux semences de Mars , ibid.
Notice sur une variété hätive de pomme deterre, par
M. Sageret , 22
Collection des Mémoires publiés par la Société d’agri-
culture de Paris, Rapport sur ses travaux en 1812,
etc, ibid,
Rapport sur le blé Lammas, par M. Lamouroux, 23
Notice sur les cendres végétatives de tourbes préparées ;
par I, Chamberlain , ibid.
Précis analytique des travaux de l’Académie , depuis
sa fondation en 1744 jusqu'en 1750 ; par M. Gos-
seaume , ibid,
Travaux des Académies et des Sociétés Savantes de
Lyon, Bordeaux , Caen, Dijon, Douay , Nancy,
Cherbourg , etc, , 24
Rapport sur les trayaux de la Société d'Agriculture »
L
(162 )
Sciences et Arts du département du Nord; par 2F.
Leprevost, 24
Rapport sur les travaux de la Société Académique des
Sciences, Lettres, Arts et Agriculture de Nancy ;
par M. Dupuiel, 24 et 115
Prix proposé pour 1815. 25
Norice BiocrA?niQuEe sur M. Boismare; par M.
J.-B. Vitalis, 27
— sur D, Parmentier; par le méme , 56
— sur M, Thillaye ; par le même, 41
Mémoires dont l'Académie a délibéré l'impression
eu entier dans ses actes.
Mémorre sur les surfaces considérées comme lieux
de sommets communs de plusieurs pyramides ; par
M. Duflkol, 44
Ogserv ATions sur les plaies avec perte de substance
de l'écorce des végétaux ligneux ; par M1. Marquis,
67
Recusrcuss sur l'acide prussique; par M. Robert,
75
Procépé pour teindre le fil de lin ou de chanvre en
rouge dit des Tades ou d’Andrinople ; par M. Vitalis,
ot
ExrraiT du Rapport fait sur le procédé ci-dessus ; par
MAI. B. Pavie et Lancelcvée, 105
OrsrrvATIoN d’un Typhus exhanthématique ; par M.
Vigné , 109
BELLES-LETTRES.
Rapport fait par M, Pinard de Boishébert , secrétaire
perpétuel de la classe des Lettres, 112
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce Rapport.
Précis des travaux de la Société d’Emulation de
Rouen, 112
Fapport de M. Licquet sur cet ouvrage , ibid.
« 163%}
Rapport fait par M. Duputel sur le Précis analy+
tique des travaux de la Société Académique des
Sciences, Lettres, Arts et Agriculture de Nancy ,
113
Charlotte Corday , avant de mourir, à son père ;
par M. Duputel, 114
Le Papillon et la Rose, stances allégoriques; par 11.
Vigné n ibid.
Le Songe de Lubin, l’Ane et son Maitre , fables ; par
M. Lefilleul des Guerrots, ibid.
Les Fleurs er le Chou, Phlomèle, le Corbeau et le
P'autour, fables ; par M. Guttinguer , ibid.
Le Frélon et les Abeilles, apologue; par A1. Boïeldieu,
ibid.
Rutilius , tragédie , par M. Licquet. ibid.
Médée et Jason , et Hécube , tragedies lyriques ; par M.
Milcent , ibid.
L'homme et le Banc de pierre ; par le même, 115
La Paix , élégie ; par M. Mollevaut, ibid.
Essai sur le Bonheur ; par M1. de Bonardi, ibid.
Mémoire relatif à la ville de Paris ; par M. Gos-
seaume , ibid.
Recherches sur les bas-reliefs trouvés dans les fouilles
du Chœur de N.-D. de Paris ; par le même , 118
Quelques Observations sur la poésie des Hébreux ;
par le même, 124
Rapport fait pir M. Descamps sur les ouvrages faits
par M. Pescheux, peintre, à la coupole de Saint-
Romain , ibid,
Description d'un Tableau d’Ilistoire, peint par M.
Desoria , 125
Norice biographique sur M. Mutel de Boucherville ,
ibid.
Prix proposé pour 1815, 128
{ 164 )
Erocr de M. Houcl; par M. Pinard de Boishébért ,
129.
Morrer biographique sur M. Lemesle ; par M. Gut-
tinguer, 154
Productions dont l’Académie a délibéré l'impression
en entier dans ses actes,
Les Fleurs et le Chou , fable; par M. Guttinguer fils ,
142
Philomèle , le Corbeau et le autour; par le même ,
144
Le Papillon et la Rose, stances allégoriques ; par M.
Vigné, 145
Le Songe de Lubin, fable ; par M. Leflleul des
Guerrots, 147
L’Ane et son Maitre, fable ; par le même, 148
Quelques Observations sur la poësie des Hébreux ;
par M. Gosseaume , 149
PRECIS ANALYTIQUE
DES TRhAMAUZX
L'ACADÉMIE ROYALE
DES SCIENCES , DES BELLES - LETTRES ET DES ARTS
DE ROUEN À
PENDANT L'ANNÉE 4815,
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PRÉCIS ANALYTIQUE
DES TRAVAUX
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L'ACADEMIE ROYALE
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS
DE ROUEN,
PENDANT L'ANNÉE 1815.
A ROUEN,
De l'Iimp. de P. PERIAUX , Imprimeur du Ro
et de l’Académie,
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1816.
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PRECIS ANALYTIQUE:
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î L'ACADÉMIE ROYALE
DES SCIENCES, DES BELLES: LETTRES ET DES ARTS
DE ROUEN,
PENDANT L'ANNÉE 1815 ;
D'APRÈS le compte qui en a élé rendu par
MM. les Secrétaires, à la Scance publique
du Mercredi 9 Aoüt de la méme annee.
DISCOURS
PnroxoncÉé à l’ouverture de la Séance publigre , le 9
août 1815, par M. le Baron LEzURIFRDF1AMARTr};
Oficier de la Légion d'Honneur , Président de
l’Académie.
Nes
Si l'étude des sciences, des lettres et des beaux
arts jette sur la vie des hommes en général un
charme inexprimable ;
Si elle est sa consolation dans les adversités aux«
quelles la yie est soumise ;
À
(3)
Ïl est une classe sur-tout pour laquelle elle est
éminemment précieuse : c'est celle des hommes
en place.
C’est là que, fatigué de devoirs et de travaux,
il goûte des consolations que rien ne peut lui ravir ;
qu’il trouve de nouvelles forces pour rendre de
nouveaux services.
C'est dans le temps des troubles qui agitent trop
souvent Îles corps politiques qu'il trouve, dans
l'étude des sciences exactes, une distraction qui
l'enchante et qui l’entraîine pour un instant loin
de l’objet de ses sollicitudes.
Il saisit une équerre et un compas ; il applique
l'analyse aux figures de la géométrie ;
Il calcule des distances qui semblent incommen-
surables ;
Et, suivant dans les espaces les corps célestes ,
il s'élève avec eux ; sa pensée s'agrandit; il apprend
à mépriser les objets de l'envie des hommes : .ce
qui paraît à la multitude d’un si grand prix, n’est
plus qu'un point imperceptible à ses yeux.
Il s'applique la lecon que donna Socrate à son
brillant élève Alcibiade :
Après avoir mesuré les cieux, il le conduit sur
la terre ;
-I1 cherche la Grèce: à peine occupe-t-elle un
point sur le globe.
Dans la Grèce il cherche l'Attique : à peine peut-il
la découvrir.
I y cherche, enfin, les terres dont la posses-
Sion fäisait l'orgueil d'Alcibiade : c’est en vain!
« Où est donc, dit-il, l'objet de votre vanité? n
Richesses du monde!
Objets dignes de pitié, lorsque l'esprit élevé par l’é-
tude des sciences sait lesapprécier à leur juste valeur
(3)
Si c’est à la chimie qu'il s'est voué, les métaux
les plus durs s’amollissent , se métamorphosent sous
sa main.
Par la botanique , les plaines, les montagnes s’'ani<
ment sous ses pas ; les plantes offrent leur calice
balancé sur une tige élégante ou modestement ca-
ché sous l'herbe. Il étudie leurs mœurs, leurs vertus ;
il les adapte aux charmes , aux besoins de la vie,
Enfin, la réunion des arts imitatifs vient charmer
ses regards.
Les chefs-d'œuvre de Praxitèéle ou de Canova
Jui présentent, daus leur perfection, le beau idéal ,
ou ce que VVinkelmann avait appelé, avec bien
plus de raison, le beau de réunion.
Car c’est envain que l'imagination la plus riche
et la plus fertile chercherait à produire quelque
chose de plus parfait que la nature.
Rubens et Raphaël présentent à leur. tour, à
ses yeux enchantés par l'éclat du coloris, par la
sagesse de la composition ; de nouveaux chets-
d'œuvre d’un autre genre.
Mais les Belles-Lettres sur tout , l'étude de l'His-
toire , en rappelant à ses sonveuirs Ja vie des lommes
illustres qui ont servi leur pays, lui rappellent
aussi leur généreuse résignation.
Là, il voit Aristide banni de sa Pépubhlique,
parce que, fatiguée de ses vertus, elle était lasse
de l'entendre nommer le Juste,
Ici, le plus grand des ornteurs romains paie de
sa tête le darsereux lhenuenr d’avoir mérite le
‘surnom de Sauveur de la Patrie.
Si nous nous rappro hons d’époqnes qui tou-
chent à nos jours, nous voyons à Florence lillus-
tre maisou de Médicis, après ayou long-temips fait
À 4
(4)
la gloire et la richesse de la république, forcée
de céder À l'orage.
Les descendants de Côme et de Laurent le Magni-
fique fuyent. Celui qui devait un jour donner à
Rome le plus illustre Pontife , sans asyle, persécuté ,
emprisonné dans cette même capitale de la Nor-
mandie , où une reine de son nom et de sa maison
devait un jour recevoir les honneurs dus au rang
suprême , ne pouvait que gémir sur les troubles
qui agitaient sa patrie.....,...
Son amour pour l'étude fut, n’en doutons pas,
son unique consolation dans l'adversité ; il en sortit
plus grand.
Rappelé par ses concitoyens désabusés, il ft
fleurir les Lettres et les Beaux-Arts. Rival, dans cette
belle entreprise , de François Ier , de Charles-Quint
qui appelaient à l'envi dans leurs états les savants
et les artistes chassés de l'Orient par l'invasion des
barbares Ottomans , il leur offrit comme eux un
asyle dans ses états ; il leur tendit une main secou-
rable , et Rome devint une seconde fois la reine
du monde, et Leon X fut la gloire du Saint Siége.
Tels sont , Messieurs , les grands exemples que
présente l'Histoire ; tels sont les exemples qui raffer-
missent le courage de l’homme studieux, qui le
soutennent dans les agitations de la vie,
. Tandis que les passions qui troublent le monde
sont assoup'es par le sommeil et dans l’ombre de fa
nuit , il s’entoure en silence des illustres morts. Le
charme mélodieax de Ja poésie repose ses sens du
tumuite et du bruit,
Les écrits de la philosophie répandent sur son
cœur le baume d’une consolation bienfaisante,
CA)
Il consulte les publicistes, et $e repose de ses
travaux en méditant des travaux nouveaux.
Mais s’il est un asyle sur-tout qui lui soit secou-
rable , c'est celui qui lui estouvert dans les Sociétés
savantes.
Elles rapprochent tous les esprits et réunissent
tous les peuples. Par elles toutes les nations sem-
blent se coufondre dans le même amour pour les
sciences.
Une nation généreuse qui fat toujours notre rivale
et notre émule , concourant avec nous à propager
les connaissances humaines , a secondé souvent nos
efforts par une corresp sondance que les discussions
politiques ne pouvaient pas interrompre; et l’illus-
tre , l'infortuné Lapeyrouse trouva dans les navi-
gatœurs anglais, dans les nav'enteurs de toutes les
nations , des amis qui secondèrent sa courageuse
entreprise.
Sa personne , ses vaisseaux furent respectés il
m'avait rien à redouter des foudres de la guerre.
C'est là, c’est au sein des sociètés savantes que ;,
loin du soin des affaires, chacun , livré à une
étude particulière , en apporte l'hommage au milieu
de ses amis,
Il est écouté avec l'intérêt de l’amitié; des con-
seils dictés par elle réforment ce qui a pu échapper
à l'inadvertance ; et lindulgence méme a sa sévérité
La Société toute entière jouit du succès d’un
de ses membres ; elle le partage , elle s’en glo-
rilie : il semble qu'elle y ait concouru toute entières
Telle fut la pensée qui anima Louis XIIT, lorsque ,
secondé par le cardinalde Richelieu , il fonda l’'Aca-
démie française ; telle fut sa pensée lorsqu'il s'en
déclara le protecteur.
Avec un si puissant appui, les Lettres, les Sciences s
À à
(C6)
les Beaux-Arts acquirent un éclat qui rejaillit sue
le siècle qui devait suivre , et qui s’enorgueillit
de porter le nom d’un de nos Rois.
Nous les verrons briller d'un nouveau lustre,
sous un Roi enfin rendu à nos vœux, et dont
l'élévation de l'esprit, le goût pour les Lettres
égalent les vertus.
Vous m'avez déjà depuis long-temps, Messieurs,
admis dans ces douces réunions; j’ai toujours reçu
de vous des témoignages d’affection qui méritent toute
ma reconnaissance ; il m'est bien difficile , il m'est
impossible de m'acquitter envers vous.
J'aurais désiré au moins que les affaires pübli-
ques , me laissant un peu plas de loisir, m'eus-
sent permis de répondre plus dignement à la con-
fiance que vous m'avez témoignée, en me plaçant
à votre tête.
J'aurais désiré, dans un langage digne de vous,
dire et vos travaux et le charme qui les accom-
pagne dans vos Séances particulières.
Mais vos Secrétaires vont en rendre compte; et
le suffrage du Public éclairé, dont le concours est
garant du touchant intérêt qu’il vous porte , sera
leur récompense et la vôtre.
(7)
SE
SGPENCES ET ARTS.
R'&'E PRE
Fair par M. Virazis , Secrétaire perpétuel de
la classe des Sciences.
MESSIEURS,
Convaincue que l'utilité doit être le but unique
auquel doivent tendre tous ses travaux , l’Académ'e
a fait cette année de nouveaux efforts pour répon-
dre au vœu de son institution, et c’est avec un
plaisir toujours nouveau qu'elle vient aujourd'hui
offrir à ses concitoyens le fruit de ses méditations
et de ses veilles.
Chargé de vous faire connaître , Messieurs, l'éten=
due des recherches dont la Compagnie s'est occupée
pour enrichir le domaine des scienres , je vais avoir
l'honneur de vous en présenter le tableau de la
manière qui m'a para la plus propre à fatiguer
le moins possible votre attention.
A: 4
(8) no
”
MATHÉMATIQUES.
Dans son discours de réception, M. Percelat,
recteur de l’Académie de Rouen, ancien professeur
aux écoles d'artillerie , a traité des diverses bran-
ches de l'art de la guerre.
La modestie de notre nouveau confrère ne lui
permet de voir dans son admission au sein de
PAcadémie, qu'un hommage rendu au corps dont
il s'honorera toujours de faire ou d’avoir fait partie;
une marque de considération acrorlée , en sa per-
sonne, à ces hommes utiles qui consacrent leurs
veilles à former la génération naissante aux sciences
et à la vertu.
Flatté d'être associé aux travaux d’une Société
qui cuhive avec tant de zèle les différentes bran+
ches des connaissances humaines , M. Percelat re-
garde comme un devoir bien doux à remplir, de
joindre ses elforts à ceux de la Compagnie.
» Si les efforts des Sociétés académiques ,; con-
tinue M. Percelat, ont obtenu des succès au milieu
des horreurs d'une guerre si désastrensement pro-
lonsée , que ne doit-on pas attendre aujourd’hui
des bienfaits d’une paix que nous assure le retour
et le gouvernement paternel d’un Roi sage et éclaire ,
d'un Monarque avare du sang de son peuple , et
décidé à ne tirer l'épée que pour défendre les droits,
ou soutenir l'honneur du nom français?
— M: Fabre , Ingénieur en chef des Ponts et
Chaussées à Brignoles , correspondant de l'institut
de France, de l'Académie de Turin , etc., etc.,
(Ca)
a adressé à la Compagnie un exemplaire de son Traité
complet sur la théorie et la pratique du nivellement.
Charges d'examiner cet ouvrage et d'en rendre
compte à l'Académie, MM. Pinard de Bois-Hebert ,
Le Priol et Dufilhol en ont porté le jugement le
plus favorable, et ils pensent que l’auteur , aujour-
d'hui notre confrère! a parfaitement rempli son
uire,
— L'Académie a entendu avec un grand intérêt
la lecture du discours que M. Boistard , ingénieur
en chef de première classe du corps royal des Ponts
et Chaussées du département de la Seine-Inférieure ;,
a prononcé le jour de sa réception.
Après avoir remercié la Compagnie de l'avoir
admis à Partager ses travaux , et payé son tribut
d'admiration aux Grands Hommes dont Rouen sho-
nore d’avoir été le berceau , M. Boistard établit en
principe que, dans les sciences physiques , ne
consulter que l'imagination et marcher sans être
appuyé sur l’expérience , c’est se précipiier dans
un chaos de systèmes plus ou moins ingénieux
peut-être, mais toujours chimériques. Il tire la
preuve de cette assertion, des erreurs dans les-
quelles, faute d'avoir interrogé l'expérience, sont
tombés des savants justement célèbres d'ailleurs,
relativement à l'équilibre et à la poussée des voûtes.
Notre confrère rend compte ensuite d'une série
d'expériences qu'il a entreprises dans la vue de
déterminer l'épaisseur que l’on doit donner aux
culées des voûtes.
La sagacité qui a présidé au choix des expérien-
ces, la marche lumineuse et méthodique que l'au-
teur a suivie, pour en faire connaître les résul-
(10)
tats, annoncent le savant ingénieur , également versé
dans la théorie et dans la pratique de son art.
= Dans son discours de réception, M. Mallet,
Ingénieur en chef de première classe du corps
royal des Ponts et Chaussées , chargé de la cons-
truction du pont de Rouen, nous a entretenus du
tassement des voûtes,
M. Mallet distingue deux sortes de tassements ,
celui du cintre et celui de la voûte après le décin-
trement. #
Les écrits publiés jusqu’à ce jour, sur cet objet,
r'ayvaient eu pour but que de remédier aux eflets
des tassements.
M. Mallet en recherche la cause , et indique les
moyens dont il s'est servi avec succès dans la
construction d'un pont au - delà des Alpes, pour
en réduire les effets à leur minimum.
La solidité des principes et la perfection des
moyens d'exécution nous sont un sûr garant que
le pont dont la construction est confiée aux soins
de M. Mallet, sera tout-à-la-fois un monument digne
de la ville de Rouen et des talents de notre con-
frère.
Rappeler ici que le plan du pont de Rouen a
été conçu et tracé par M. Le Masson , ancien ingé-
nieur en chef de ce Département, et membre de
l’Académie, c'est s'acquitter d'un devoir que nous
imposent également et la justice et la reconnaissance.
= Dans sa réponse aux disconrs de MM. Percelat ,
Boistard et Mallet, M. Lezurier de la Martel, Prési-
dent de la Compagnie , a déployé la même flexibilité
detalent , la même variété de connaissances , la même
fraicheur de style, dont il avait déjà donné tant
de preuves dans de semblables occasions.
Çu)
HisToiIrRs NATURELL&£e
= M. Marquis a lu le discours préliminaire d’un
ouvrage dont il s'occupe depuis plusieurs années
avec un de ses amis.
Cet ouvrage a pour titre : Histoire générale des
plantes de France ; comprenant leur description ,
leur culture , leurs usages anciens et modernes
dans léconomie domestique , les arts, la méde-
cine , etc.
Le but que se propose notre confrère, dans le
discours préliminaire , est d'offrir le plan de lPou-
vrage, et d'exposer l’ordre dans lequel les plantes
à 4 sont TAUgGEESe
« C'est sur-tout cette distribution méthodique
des plantes , dit M. Marquis, que je désire faire
connaître à l'Académie ; j'ai même des raisons de
regretter de ne l'avoir pas fait plutôt. Cette méthode
m'est entièrement propre , ainsi que le discours
préliminaire et toute la partie historique de l'ou-
yrage. »
— M, Marquis nous a aussi communiqué Histoire
naturelle et médicale des aconits , fragment de l'His-
toire des plantes de France , dont il vient d’être parlé.
— Nous devons encore à M. Marquis le Plan
raisonné d’un cours de botanique spéciale et médi-
cale , ou de la meilleure manière d’étudier et d’en-
seigner cette science.
» Quelle que soit la science que lon professe, dit
M. Marquis , le premier soin doit être de fixer
exactement la place qu’elle occupe dans la chaîne
evcyclopédique,
» L'exposition des différences et des rapports que
Cr)
présentent les végétaux , soit avec les autres êtres
organisés , soit avec le rêgne minéral, des connexions
de la botanique avec les autres sciences , forme
naturellement la matière des prolégomènes du cours.
» La description des organes extérieurs des végé-
taux, la défiuition des termes nombreux employés
pour en désigner toutesles modifications , Fexposition
de la structure entière de ces mêmes organes et de
leurs fonctions , tel est l'objet de la première partie.
_%» Quelques auteurs ont jugé à propos de sépa-
rer , d'isoler tout-à-fait ces diverses branches ; mais
cette méthode , plus scrupuleusement analytique,
qui offre peut-être dise avantages dans un
livre, m'a paru absolument inadmissible dans un
cours public. En éloïignant de la deseription &’un
organe l'exposition de ses fonctions, n'est-il pas à
craindre que, quand on en viendra dans une autre
parte, à ces fonctions, la description en soit
presque oubliée ?.....
__ » Quant à la terminolog'e , n’admettre que Îles
termes les plus généralement usités , n'en adopter
de nouveaux qu'avec une extrême réserve et
d'après une évidente utilité, voilà les règles que je
me suis prescrites à cet égard.
» Dans lexposition des phénomènes physiolo-
giques , j'ai toujours soigneusement distingué Îles
faits des explications qu'on en donne..... Ge sont
les faits , les faits seuls qui font le vrai domaine
de la scence... Je me suis en conséquence fait
une loi de ne donner jamiis aucune explication
d’une manière trop absolue, La meilleure n'est en
effet, du moins le plus souvent, que la plus pro-
bable.
» La théorie de la greffe, de la taille des arbres,
les maladies des végétaux et les moyens curatifa
(13)
qu'elles exigent, sont autant de points qui, bieu
qu'ils appartiennent spécialement à la culture, se
rattachent par-tout d'une manière si intime à la
physiologie végétale , que j'ai cru nécessaire de
leur donner, dans le cours , la place importante
qu’ils méritent.
» Un aperçu rapide de l’histoire de la botanique
depuis les Anciens, et sur-tout de l'établissement
et de la réunion des systémes dans les temps mo-
dernes , précède la deuxième partie du cours qui
a pour objet la classification des végétaux.
» Un abrégé des principes généraux de toute
classification en histoire naturelle, des règles sur
lesquelles elle doit être fondée , met d'abord l'élève
à portée de mieux juger les méthodes de Tour-
nefort, de Linné, de Jussieu , qui lui sont ensuite
exposées en détail.....
» Les caractères des familles et des genres, la
démonstration des espèces principales, le détail
de leurs usages , font le sujet de la troisième et
dernière partie.
» Ici finit le domaine de la botanique spéciale,
et commence celui de la botanique appliquée...
» C'est dans les utileset nombreuses applications
de la botanique aux besoins de l'humanité que
consiste sur-tout l'importance de cette science. ....
Le véritable ami de la nature , persuadé que luti-
lité doit être en dernière analyse le but de tout
travail bien entendu , se plaît également à considérer
les plantes soit en elles-mêmes, soit relativement
à ses semblables.
» Parmiles applications mulüpliées de cette science,
qu'un même cours ne saurait en aucune manière
embrasser toutes , la botanique médicale nous a paru
devoir spécialement fixer notre attention. C'est des
C14)
élèves nombreux des divers hospices de cette ville
populeuse , que se compose en grande partie la
masse de ceux du cours de botanique. Cette con-
sidération devait donc nous conduire à offrir, avec
tous les détails nécessaires , l'exposition des pro-
priétés des plantes usuelles , l'indication des mala-
dies où elles conviennent , les formes sous lesquelles
on doit les prescrire. À ces notions j'en ajouterai
d’autres sur la classification méthodique des médi-
caments , et j'y joindrai quelques généralités sur
chaque classe de médicaments.
» Les usages des végétaux dans l’économie, dans
les arts, por wétre pas traités avec la même
étendue , n’en seront pas moins indiqués avec soin.
»” Chaque semaine , une herborisation mettra l’é-
lève qui a compris les premiers éléments de la
science , à portée d'en faire l'application Cueillies
dans leur sol natal, les plantes ont plus de charmes,
leur port, leur physioromie se gravent plus facile=
ment , plus solidement dans la mémoire.
» Un goût solide pour tout ce qui est vraiment
utile et bon, a toujours également distingué et les
habitants de cette ville industrieuse et les magis-
trats respectables qui successivement ont été char-
gés de veiller à sa prospérité.
» Humble ami de la nature , je m’efforcerai d’en-
trer, autant que mes faibles moyens le permettent,
dans leurs vues nobles et élevées , en dirigeant
sur-tout vers l'utilité la science dont l’enseignement
m'est confié, en ne négligeant rien pour l'instruc-
üon des élèves que j'engage à ne voir en moi qu’un
ami qui les à précédés dans la carrière , et pour
qui c’est un plaisir, plus encore qu'un devoir ,
d'y guider leurs premiers pas. »
Dans l’auteur du discours que je viens d'analyser,
C15)
chacun de vous, Messieurs , reconnaîtra aisément
l'écrivain judicieux et élégant , le savant et zélé
professeur qui, depuis cinq ans, enseigne parmi
nous , avec tant de distinction et de succès, les
principes de la plus aimable des sciences.
— Enfin, M. Marquis, au nom de la commission
nommée pour cet objet , a rendu compte succes-
sivement à l'Académie, de toutes les classes qui
composent la Flore rouennaise de M. Le Turquier.
« Sans répéter ici ( c'est M. le rapporteur qui
parle) les justes éloges que j'ai déjà, plus d'une
fois , eu l'occasion de donner à l'ouvrage de M.
l'abbé Le Turquier, je ne puis cependant me re-
faser le plaisir de rendre encore une fois justice
à l'exactitude que la commission a reconnue par=
tout dans la nomenclature et les indications locales.
» Elle félicite M. Le Turquier d’avoir conduit
jusqu’à Ja fin, avec une louable persévérance, et
malgré les dérangements qu'il a éprouvés par suite
des circonstances , un travail aussi long, aussi pé-
nible.
» L'Académie ne peut qu'être très-sensible à
l'hommage que l’auteur lui en a fait, et je propose,
au nom de la commission, à la Compagnie , d'a-
dresser des remerciments à notre digne et respec-
table confrère. »
L'Académie , adoptant les conclusions du rapport ,
a remercié M. Le Turquier de l'excellent travail
dont il a bien voulu lui faire hommage, et a dé-
libéré que l'expression de sa vive reconnaissance
serait consignée dans ses actes,
= L'Académie a reçu la Description des jardins
de Courset , situés aux environs de Boulogne-sur-Mer ;
Cextrait d’un voyage en France ) par M. Pierre-Aimé
(16)
Lair , secrétaire de la Société d'Agriculture et de
Commerce , et Membre de l'Académie des Sciences
de Caen ; Membre non résidant de l'Académie
de Rouen , Correspondant des Sociétés d’Agricul-
türe , Philomatique et Philothecnique de Paris, etc.
En parcourant cet intéressant opuscule , le lecteur
se croit transporté à Courset et visiter avec l'au-
teur , le parc , les jardins botaniques, les potagers ,
les vergers , les prairies, les bosquets , les oran-
geries , les serres, les pépinières dont l'ensemble
offre la plus délicieuse promenade,
L'art, dit M. Lair , y a placé secrétement tous
les contras'es qui peuvent flatter l’œil de l’'obser=
vateur... Tous les jours la collection de M. Dumont-
Courset augmente ; l’on en sera peu surpris. Placé
près des frontières de la France, voisin de la
Belgique , de l'Allemagne, de la Hollande e: de
l'Angleterre , on dirait que Courset est en quelque
sorte au centre du monde botanique. Aussi est-il
cité comme un modèle dans tous les ouvrages nou-
veaux sur l’agriculture et le jardinage..... Pour
apprécier les vastes connaissances du créateur des
jardins de Courset, il faut lire le Zoraniste cultivateur.
Je ne puis trop, ajoute M. Lair , engager les voya-
geurs à visiter Courset. Le botaniste y verra des
plantes rares, l'artiste de beaux sites, le littérateur
un savant recommandable , l'homme du monde
des personnes aimables; et tous y recevront un
bon accueil. » *
= M. Geoffroy , avocat à Valognes, membre non
résidant, a soumis au jugement de l’Académie ,
ses idées, 1° sur la formation des érèches ; 2° sur
les laves lithoïdes.
Notre
(17)
Notre confrère s'attache à prouver que les bré2
ches ordinaires ne doivent point être confondues
avec les marbres ni avec les pouddings, quoique
des'naturalistes célèbres aient annoncé le contraire.
Quant aux brèches volcaniques, il pense qu’elles
ont préexisté aux éruptions , et que celles qui
ont été attaquées par le feu des volcans conser-
vent encore un caractère non équivoque.
En comparant plusieurs laves lithoïdes, M.Geoffroy
a cru reconnaître qu’elles avaient de commun
d’affecter une apparence qui les ferait d’abord
prendre pour des pierres ; mais, en les considérant
avec soin, on est convaincu qu'avant d’avoir pris
ce caractère extérieur , la matière dont elles sont
composées a dù être rendue fluide par l’action du
feu, puisqu'on aperçoit dans ces sortes de laves
des substances différentes qui ont été saisies par
la lave ; telle est , suivant l’auteur, l'origine des
laves lithoïdes-amygdaloïdes et des laves lithoïdes-
variolitiques. M. Geoffroy a aussi reconnu, qu’il
existe des laves lithoïdes qui sont tout-à-la-fois
amygdaloïdes et variolitiques.
Pour porter un jugement sur cette matière, des
échanullons auraient été nécessaires > et l’auteur
n’en a point envoyé à l'Académie,
PRTrSrTOUÉ
M. Sage, fondateur et directeur de la première
écoles des mines, membre de l'Institut de France ;
nous à fait parvenir, 1° des Opuscules de phrsique
2° un Traité des pierres précieuses ; 5° un imprimé
intitulé : Conduite qu’ont tenue envers moi les Ministres
B
(18)
de l’ancien régime , comparée avec celle des Ministres
du nouveau régime,
Ce dernier ouvrage n’étant point du ressort de
l'Académie , nous ne nous occuperons ici que des
deux premiers.
Dans ses opuscules, M. Sage paraît s'être proposé
de recueillir quelques anneaux de la chaîne im-
mense des phénomènes que nous offre la science
de la physique, et d'expliquer les faits d’après
les principes de la théorie particulière qu'il s’est
formée. Malheureusement cette théorie est en oppo-
sition avec celle qui est généralement adoptée par
les physiciens et les chimistes modernes. Cependant
quelques articles, et entre autres la description du
salon du Musée des mines, à la Monnaie de Paris,
et de ses galeries , se font lire avec autant de plaisir
que d'intérêt.
Le Traité des pierres précieuses se recommande
à l'attention par le soin que l’auteur a pris de réunir,
dans un cadre assez circonscrit , les caractères dise
tinctifs de ces sortes de minéraux , et les procédés
employés pour les tailler, les polir , graver en
creux ou en relief sur leur surface, et les monter
de manière à produire l’effet le plus agréable. On
trouve aussi dans ce Traité la description de plu-
sieurs morceaux rares et précieux , dont la plupart
font partie de la riche collection de notre savant
et respectable confrère.
= M. Le Hot, ingénieur des Ponts et Chaussées
à Clermont-Ferrand , a communiqué à l’Académie
sa découverte de la cause du développement d'une
goutte d’huile sur la surface de l'eau.
Organe de la Commission chargée de répéter
les expériences de l'auteur , M. Duflhol conclut
oc ent tnt
C9)
que les résultats obtenus par la Commission sont
d'accord avec ceux qui avaiènt été annoncés par
M. Le Hot.
— L'Académie doit encore à M. Le Hot, des
Observations sur les moyens de reconnaïtre les métaux
par leurs propriétés galvanigues»
Invité par l'Académie à répéter les expériences
de l’auteur , M. le Secrétaire des sciences a cru
remarquer que les résultats n'offraient rien d'assez
précis pour pouvoir être regardés comme certains. En
effet, s’en rapporter ici à la sensibilité de l’organé
du goût, soit pour l'énergie de la saveur galva-
nique, soit pour la nature de cette saveur , n’est-cè
pas s’'exposer à la même incertitude que celle qui
régnerait dans les jugements de celui qui préten-
drait juger d'une différence légère dans la tempé-
rature de l'air par l'impression qu'il en recoit sur
l'organe du toucher? La sensibilité de l'organe étant
susceptible de varier dans le méme individu par
une foule de circonstances, sérait-il prudent de
vouloir prononcer sur la nature de tel ou tel métal,
d’après des sensations qui se ressemblent presque
toutes entre elles ? M. le Rapporteur ne le pense
pas:
— M. Garos, mécanicien à Paris ; a adressé à
l’Académie un Mémoire sur les moyens de renou-
veler l’air dans les vaisseaux et dans les salles d'h6+
pitaux.
Les moyens proposés par l’auteur ne sont point
en harmonie avec les principes d'une saine phy-
sique , et n’ont pas obtenu, par cette raison , la
sanction de la Compagnie.
B 2
(20)
= Organe de la Commission nommée pour cet
objet, M. Dufihol a fait un rapport sur un travail
de M. Bonnet, ayant pour titre : Votice sur un
nouvel instrument appelé pèse-alcool, ou alcoolimètre
certigrade ; destiné à juger le titre ou le degré de
pureté des liqueurs spiritueuses , ainsi que leurs pesan-
teurs spécifiques.
Une courte discussion suffit à M. le Rapporteur
pourfaire voir que de tous les aréomètres proposés
jusqu'à ce jour , les instruments qui sont gradués
dans toute leur étendue, d’après les proportions
des matières dont chaque liqueur est composée ,
sont ceux qui offrent le plus d'avantage au com-
merce. L’imperfection de cette classe d’aréomètres
dépendait principalement de deux causes : 1° de
la difficulté de trouver, pour le point supérieur
de l'échelle, un liquide de densité constante; 2° de
Ha différence qui existe ordinairement entre les
combinaisons artilicielles d’après lesquelles se font
les graduations et les combinaisons ta que
l'on veut éprouver.
. M. Bonnet a surmonté aisément le premier obs=
tacle , en se servant de l'alcool rectifié par le pro-
cédé que M. Dubuc a communiqué à l’Académie,
et qui a été inséré depuis dans le tome 86 des An-!
pales de chimie... La pesanteur spécifique de cet
alcool, parfaitement pur , est de o. 853, celle de
Veau étant exprimée par l'unité.
L'immersion successive de l'instrument dans l'eau
distillée et dans l'alcool rectifié de M. Dubuc , a
donné l'intervalle fondamental de o° à 200°. Les
nombres intermédiaires indiquent les quantités d'al-
cool qui entrent dans les mélanges qui ont servi à la
graduation. Par exemple, le 15° degré de l'alcooli-
mètre annonce que le mélange a été fait avec
(Car)
quinze parties d'alcool et quatre-vingt-cinq par-
ties d’eau distillée, La température normale à la-
quelle M. Bonnet a constamment opéré, est celle
de 10° centigrades.
L'objet principal du travail de la Commission
était la vérification des expériences; aussi, dit M.
Duflhol, y avons-nous apporté la plus grande at-
tention. Onze expériences comparatives ont été
faites et répétées toutes les fois qu’elles présen-
taient quelques variations notables. Nous avons
ramené, autant que possible , les mélanges à la
température normale choisie par M. Bonnet. Les
degrés où le pèse-alcool devait arriver ont été cal-
cules ; les points où il s’est arrêté ont été observés
soigneusement. Enfin, nous avons pris la pesanteur
spécifique avec un gravimètre extrêmement sensible.
Le détail des expériences est consigné dans un
tableau joint au rapport, et qui contient une colonne
des différences entre les résultats trouvés par M.
Bonnet et ceux que la Commission a obtenus. Ces
diflérences sont assez considérables , lorsque les
quantités d’eau et d’alcoel qui entrent dans le mé-
lange approchent de l'égalité MM. les commis-
saires expliquent ces anomalies par la célérité plus
ou moins grande avec laquelle s'opère la combinaison
suivant que l'un des deux éléments entre en plus
grande où en moindre ‘proportion dans le mé-
ange. Ainsi l’alcoolimètre qui, dans une expérience,
avait présenté d'abord à Ja Commission une dif-
férence de cinq degrés en plus, est revenu, six
jours après, au degré d'immersion où M. Bonret
l'avait observé,
Ces résultats , dit M, le Rapporteur, prouvent
que les expériences de M. Bonnet ont été, faites
avec une scrupuleuse exactitude , que son alcool-
B 3
(22)
mètre centigrade est bien gradué et peut servir
d’étalon ; que les pesanteurs spécifiques corres-
pondantes aux degrés d'immersion ont été bien
observées; enfin, que ce travail offre une preuve
nouvelle du zèle et du talent de M. Bonnet.}
Cet ouvrage , Messieurs , était le dernier qui
devait sortir de la plume de notre jeune et esti-
mable confrère. Au moment même où il répétait
ses expériences en présence des commissaires de
l'Académie , la faulx de l'impitoyable mort était
supendue sur sa tête, et le 19 mars il avait cessé
d'exister.
CHIMi16.
= M. Dubuc nous a communiqué des notes sur
quelques propriétés chimiques des baies de la
Belladonne , ( Atropa Belladonna , Linn. ) avec des
moyens pour reconnaître la présence du suc de
ces fruits délétères , dans les vins et les liqueurs
en général. L'Académie a délibéré l'impression de
ce Mémoire. ( }’oyez ci-apres. )
= Notre confrère, M. Fogel , chimiste attaché
à l'Ecole de Pharmacie de Paris, a fait hommage à
l'Académie d'un imprimé ayant pour titre : De
l’action de la lumière solaire sur les corps simples
et sur quelques composés chimiques.
Dans un premier Mémoire, publié il y a en-
viron un an, M. Vogel avait tracé une série d’ex-
périences concernant l’action des rayons du soleil
sur le phosphore renfermé dans des liquides, des
fluides élastiques et dans le vide de Toricelli.
(23)
Le nouveau Mémoire présenté aujourd’hui à
l'Académie , a pour objet d'examiner le résultat
de l'action solaire sur le phosphore, et l'effet que
produisent ses rayons sur différentes substances
plus ou moins complexes.
Pour donner une juste idée du travail de M. Vogel,
il faudrait pour ainsi dire copier son Mémoire en
entier, et nous nous voyons à regret dans l'im-
possibilité de le faire ici; mais il nous sera du
moins permis de dire que notre savant confrère
s'est acquitté de la tâche qu'il s'était imposée avec
uve supériorité de talent qui lui a valu le suffrage
honorable de la première classe de l’Institut de
France, à laquelle l’auteur en a donné commu-
nication le 26 décembre 1814, MM. Berthollet et
Thenard terminent leur rapport à l'Institut en con-
cluant que le Mémoire est digne d'être imprimé
dans le Recueil des savants éwangers On ne peut
rien ajouter à cet éloge.
— L'Académie aurait vivement désiré pouvoir
offrir cette année le résultat des travaux de la
Commission qu’elle a nommée pour lui faire un
rapport sur l'innocuité du zinc employé dans la
fabrication des ustensiles de cuisine; mais, quoique
les expériences de MM. los commissaires Jui aient
paru déjà favorables à ce métal, elle a cru devoir
différer sa décision définitive jusqu'a ce que la
série d'expériences entreprises par la Commission
soit entièrement terminée.
= L'Académie doit à M. le Directeur général
des Manufactures et du Commerce, l'envoi d'un
Mémoire sur La fabrication du sucre de betteraves »
par M. Mulot, chargé, en 1815, d'une mission
B 4
C4)
pour l'inspection des manufactures de ce sucre
indigène.
MÉDECINE.
= M.le baron Desgenettes , Président de la Faculté
de médecine de Paris, nous a adressé le discours
qu’il a prononcé à la Séance publique de la Faculté,
le 7 novembre 1814.
Ce discours, écrit avec une élégante simplicité,
renferme , 1° l'exposition des travaux des professeurs
et des membres de la Societé de médecine, pen-
dant l’année 1814; 2° les éloges de MM. Dumas , Le
Gallois et Villars ; 3° le compte rendu du concours
qui a eu lieu pour l’obtention des prix de l'école
pratique.
= M. Gosseaume a entretenu la Compagnie d'une
Observation sur une surdité de naissance guérie aw
moyen d'injections portées par la voie des narines
et la trompe d’Eustache , dans l’intérieur de l’oreille ;
par J-A, Saissy , D.-M. à Lyon , et membre non
résidant de l'Académie. M. Gosseaume fait l'éloge
de l'intelligence et de la sagacité avec laquelle M.
Saissy a terminé une cure qui lui fait, dit-il, beau-
coup d'honneur.
— M. Gosseaume a aussi rendu compte des quatre
derniers cahiers du Bulletin des Sciences médicales
du département de l'Eure.
De courtes mais judicieuses observations sur
chacun des articles , servent à en faire connaître
le degré de mérite et d'utilité,
M: le Rapporteur conclut que ces derniers numéros
C25 )
ne le cédent en rien aux précédents pour l'impor-
tance des matières qui y sont traitées , et le soin
avec lequel ils sont rédigés.
= M. Alphonse Le Roy , ancien Docteur régent,
rofesseur de la Faculté de médecine de Paris ,
membre de la Société médicale de la même Faculté ,
de l'Académie royale de Madrid , de celle de
médecine-pratique de Montpellier et autres Sociétés
savantes , a adressé à l'Académie ure brochure
ayant pour titre : De la contagion régnante sur les
vaches , sur les bœufs et sur l’homme , en quelques
contrées de la France ; des causes des contagions.
— Moyens d’y remédier et d’en préserver. — Aperçu
sur l’utilité dont peuvent être les abattoirs.
A un grand nombre de vérités utiles et pratiques,
l'auteur nous parait avoir associé quelques idées sys-
tématiques qui pourraient bien ne pas obtenir l'as-
sentiment général. Est-il vrai , par exemple, que la
putréfaction réduise tout en une terre friable,
sèche , légère , laquelle a une grande force d’at-
traction? On ne voit pas comment la chimie et la
médecine peuvent tirer un grand parti de cette
terre , quoiqu’on puisse la regarder comme un
principe de la fertilité. On ne conçoit guères plus
clairement comment la terre du sang pourrait avoir
des usages très-importants, même en médecine...
Mais tout le monde pensera avec M. Le Roy, que
sous le rapport particulier de la salubrité publique,
nous avons tout à espérer de la bonté, dela vigilance et
de la sagesse de notre auguste Monarque Louis X VIH,
appelé par les vœux des Français à remonter sur
un trône que ses aieux ont illustré par huit siècles
de prospérité et de gloire.
(26)
= M. Flaubert, D.-M. à Rouen, admis à par-
tager les travaux de la Compagnie, a donné lec-
ture de son discours de réception,
Après avoir remercié l’Académie de lui avoir donné
une place parmi ses Membres, notre nouveau confrère
s’est attaché à établir les rapports nombreux et
la liaison intime de la médecine avec toutes les
branches des connaissances humaines.
» La métaphysique , dit M. Flaubert , fournit
au médecin cette méthode précieuse de l'analyse ,
sans laquelle il devient le jouet des troubles patho-
logiques, comme le pilote , sans boussole et sans
voile , est livré aux caprices et à la fureur des
vents-.... La métaphysique épure le langage en
rectifiant les idées; ce n’est qu'autant qu'il marche
à la lueur de son flambeau , que le médecin peut
espérer de traiter avec succès les délires, les manies,
l'hypocondrie , la mélancolie et toutes les maladies
de l’organe pensant. ….
» L'étude de la morale , cette science qui nous
apprend à diriger nos passions vers un but honnête ,
n’est pas moins nécessaire à celui qui exerce l’art
de guérir. C'est elle qui lui indique les moyens
qu'il doit employer contre le trouble moral qu’il a
à combattre, Ici c’est un homme tombé du faite
des grandeurs qu’il faut ramener à des goûts plus
simples, à des désirs plus modérés ; là c'est un
ambitieux qu’il faut guérir de la passion funeste
qui le dévore ; un avare dont il faut amollir le
cœur et rendre sensible aux besoins de l'indigence ;
des parents intéressés, stupides ou prévenus qu'il
faut fléchir pour arracher à la mort une jeune fille
victime d’un amour innocent ; une mère désolée ,
pleurant sur le tombeau de son époux , d'un fils
uuique, d’une fille chérie , qu'il faut plaindre et
6272
consoler en lui montrant, avec la Religion, un avenir
heureux pour l'objet de ses regrets, qui déjà habite
la demeure éternelle des âmes pures.
» La jurisprudence elle-même n’est pas sans in-
fluence sur l’art de guérir : elle sert à guider le
médecin dans l'exercice de la médecine légale ;
mais c’est sur-tout dans l’étude des sciences phy-
siques que le médecin peut espérer de trouver
les moyens les plus puissants que l'exercice de
son art lui rendent utiles ou nécessaires.
» La géologie lui montre les changements que les
inondations , les grandes catastrophes du globe ont
dû apporter dans la constitution de l'homme.
» La météorologie l’éclaire surles degrés de chaleur
et de froid , de sécheresse ou d'humidité, de pres-
sion atmosphérique , nuisibles ou favorables au dé-
veloppement et à l'exercice des fonctions de l’éco-
conomie animale,
» La statique et la dynamique lui apprennent à
calculer la force des puissances musculaires.
» L'optique lui révèle les secrets de l’action dé
la lumière directe réfléchie ou réfractée sur lPæil,
et lui fournit des moyens aussi sûrs que précieux
pour remédier aux vices qui peuvent affecter cet
organe admirable de la vision.
»# La physique est sur-tout utile au chirurgien
dans le traitement des choes , des contre - coups,
des fractures , des luxations; dans la construction,
le perfectionnement et l'emploi de ses instruments.
» Quel immense dépôt de connaissances la chimie
n’offre-t elle pas au médecin? La nature et les pro-
priétés utiles ou malfaisantes des différentes espèces
de gaz, la composition de l'air commun, les qualités
qu'il doit avoir pour étre propre à la respiration
des animaux , les moyens d'en reconnaitre la pureté
(28)
et d’en corriger l’insalubrité, les procédés à suivre
pour détruire l'effet délétère des miasmes putrides , la
préparation des médicaments de toutes espèces , la
nature des poisons minéraux, végétaux et animaux ,
leur manière d’agir, les méthodes les plus sûres
pour en arrêter les pernicieux effets, les altérations
que subissent les liquides ou les solides animaux,
sous l'influence de telles ou telles maladies, la
marche la plus certaine et la plus prompte pour
s'opposer à leurs progrès ou remédier aux désor-
dres qu’elles ont déjà produits ; tels sont les objets
importants sur lesquels le médecin ne peut attendre
des connaissances exactes qu’en étudiant les principes
de la chimie.
» La botanique se recommande à l'étude du médecin
sousle rapportdes secours précieux qu’elle fournit à la
thérapeutique.
» La zoologie peut seule le conduire à la con-
paissance parfaite de l’organisation de l’homme.
» L'art du dessin sert, dans les descriptions,
à offrir des détails que la parole ne pourrait
rendre qu’'imparfaitement : cet art devient indis-
pensable dans les affections organiques et les mons-
truosités. » |
Puisique le médecin ne doit être étranger à au
cune des sciences , M. Flaubert conclut que s'il
est appelé à observer et à s'instruire par-tout , c’est par-
ticulièrementau milieu des Sociétés savantes qu’il peut
espérer d'acquérir des connaissances solides, soit en
conversant ayec des médecins instruits, müris par
l'expérience, soit en s’éclairant des lumières de ceux
qui s'occupent à étendre le domaine des sciences
physiques ou morales.
Tant d’avantages dont l'Académie l’a mis à portéa
de profiter , en l'appelant dans son sein, lui ins-
(29)
pirent pour cette Compagnie une reconnaissance sans
bornes et le dévouement le plus absolu.
— M. le baron Lezurier de la Martel , Président de
l'Académie , a répondu par un discours dont voici
l'extrait :
« Monsieur, vous venez de développer sur la
médecine les mêmes opinions qui ont animé la
mythologie des Grecs.
» Lorsqu'ils font naître Esculape d’Apollon et
d’une Nymphe à laquelle l'éducation de Bacchus
avait été confiée , ils voulurent faire entendre sans
doute que la Médecine était fille de la Science et
de l’ Abondance.
» En eflet, Monsieur , aucune science n'exige
une plus grande variété d’études que la médecine:.:
Les sciences physiques et morales ont avec elle
des rapports que vous avez su habilement saisir.
» Il west donc pas étonnant que, dès l'origme
de la civilisation , la médecine ait obtenu la pre-
mière place dans la soliicitude des chefs du Gou-
vernemenlle.sss { i
» L’éspoir de rencontrer ici des moyens d'ajouter
encore à vos connaissances , quelque étendues
qu’elles soient déjà , ne sera point trompé, vous
trouverez ici des collègues qui honorent l'Académie
par leurs talents et leurs vertus, et qui deviendront
bientôt vos amis par les rapports qui vont séta-
blir entre eux et vous. »
— L'Académie doitencore à M. Flaubert trois obser:
yations dont le mérite sera senti de tous les gens de Part,
La première est relative à une nouvelle manière
de pratiquer la lithotomie chez les femmes.
La deuxième a pour objet un individu mort à
la suite d'une carie à la colonne vertébrale. Cette
observation est doublement intéressante et par
(30)
l'étendue de la carie , et par la présence de trois
lombrics de six pouces de longueur , entre le périoste
et l'os.
La troisième roule sur un anévrisme de l'origine
de l'artère aorte communiquant avec l'artère pul-
monaire, de sorte qu’une partie du sang rouge se
mélait au sang noir contenu dans la dernière artère ,
et allait aux poumons.
L'Académie a délibéré l'impression de ces trois ob-
servations. ( }’oyez ci-après. )
= M. Flaubert à fait aussi un rapport sur un
Mémoire concernant une rupture du ventricule gau-
che du cœur ; par J. F.S, Worbe, D.-M. à Dreux ,
département de l'Eure.
Le 28 octobre 1815 , ( cest M. le Rapporteur
qui parle ) M. Worbe fut appelé par M. le juge
de paix de Dreux, pour constater le genre de mort
d’un enfant de treize à quatorze ans , tombé sur
le ventre, et sur le corps duquel avait passé la
roue d’une voiture très-chargée.
A l'inspection du cadavre, on remarqua une con-
tusion transversale qui occupait toute la largeur du
dos, et d’autres contusions à la partie antérieure
de la poitrme. Des incisions pratiquées dans ces
endroits ont fait voir qu’excepté dans un point,
la peau n'était que très-superficiellement échimosée.
L'échimose la plus profonde s’étendait jusqu'au
tissu cellulaire sous-cutané, au-dessous de l'angle
inférieur de l’'omoplate gauche..... L’articulation
de la clavicule gauche avec le sternum était dis-
tendue , les ligaments qui unissent la première ver=
tèbre cervicale à la seconde , avaient souflert un
écartement considérable. Une grande quantité de
sang était épanchée dans le bas-yentre ; mais tous
(51)
les viscères contenus dans cette cavité étaient sains
La poitrine ayant été ouverte et le péricarde incisé,
on trouva ce dernier rempli de sang. Enfin, on
vit que le ventricule gauche du cœur était rompu
antérieurement , le long du bord qui le joint au
ventricule droit. Cette rupture s’étendait depuis la
base du cœur jusqu’à sa pointe , comme on le voit
dans le dessin joint à l'observation, exécuté par
M. Marquis.
De ces observations , M. Worbe conclut que
l'enfant dont il s'agit est mort à la suite de la
rupture du cœur , occasionnée par une très-forte
pression exercée sur la poitrine ; il remarque toute-
fois que la seule distension de la colonne verté-
brale aurait pu étre cause de la mort, et qu’il est
même à présumer que ces deux lésions ont été
simultanées.
L'auteur du Mémoire , dit M. le Rapporteur ,
cherche ensuite à expliquer comment la rupture
peut avoir eu lieu , et il observe avec justesse qu’elle
n’est ni l’effet de la dilatation ni celui de la con-
traction du cœur , et qu’elle ne peut être que Île
résultat d'une forte pression qui a produit le rap-
prochement des parois thorachiques. Il y a tout
lieu de croire, ajoute M. Worbe, qu’un pareil
accident ne serait pas arrivé àun vieillard, à raison
de la solidité des parois de la poitrine.
M. le docteur Worbe rappelle deux observations
de Werbruge, analogues à la sienne : dans la pre-
mière , l'oreillette droite du cœur avait été rompue ,
et dans la seconde , la veine-cave et l'oreillette
droite dyaient été déchirées sans la moindre appa-
rence de lésion aux autres parties de la poitrine.
L'auteur rapporte à la même cause la mort des
militaires dont le cadayre n’oÏre cependant aucune
(32)
lésion externe. Trop instruit pour expliquer ce fait
par le vent du boulet , M. Worbe ne doute pas
que l'individu n’ait été réellement frappé par le
mobile , et il explique l'absence des traces exté-
rieures par la promptitude de la cause qui amène
la mort. On sait , dit-il, qu’on ne peut produire
ni contusions ni échimoses sur des cadavres.
M: Worbe termine son Mémoire par cette ré-
flexion très-importante pour la médecine légale :
« On donne , en général, l'effusion du sang, les
contusions , les échimoses comme des signes certains
que des blessures ont été faites ou que des coups
ont été portés sur des corps vivants; cependant
l'absence de ces phénomènes ne doit pas faire
affirmer qu'on a agi sur un cadayre , lorsqu'il est
démontré d’ailleurs que la mort a été simultanée
avec la cause qui l'a produite. » ,
Le Mémoire de M. Worbe , dit M. le Rappor-
teur , offre un fait intéressant , exposé avec clarté,
enrichi de réflexions d’ane application utile. Ce
travail annonce un homme qui sait profiter des
moyens qui se présentent à son attention, pour
reculer les bornes de la science.
— M. Giret-Dupré, D.-M. du quatrième Bureau
de bienfaisance , de la Société de là charité mater-
nelle de Rouen, etc. , a fait hommage à l’Académie
de deux exemplaires d’un opuscule ayant pour
ütre : Rapport à M. le comte Stanislas de GiRARDIN ,
Commandant de la Légion d’IHonnéur , Préfet du
département de la Seine - Inférieure , sur les vacci-
nations opérées dans plusieurs communes des en-
virons de Rouen , ravagées par la petite vérole,
en 1814; suivi d'une instruction sur la maniere de
vacciner , d’observations sur la vaccine, ses com-
plications
(35)
plications avec d’autres maladies, et l'influence qu’elle
a sur la guérison de quelques maladies de la peau,
La Compagnie a accueilli ce travail avec un in-
térét proportionné à l'importance de la découverte
de l'immortel Jenner.
= M. Auguste Denis , Docteur en médecine à Ar-
gentan ; département de l'Orne, et membre non
résidant, nous a fait part de ses observations sur
les qualités vénénenses de la coque du levant ; sur:
les eflets de la digitale pourprée dans l'hydropisie ;
sur l'existence des géants, et sur les cretins du
Valais.
« L'analyse chimique a appris, dit notre con-
frère , que l'enveloppe ligneuse de la coque du
levant n’a qu'une propriété émétique, même pour
les poissons , et que la qualité vénéneuse enivrante
et amère réside principalement dans l’amande qui
m'est pas sensiblement altérée par les sucs digestifs
et par l'action vitale des organes de la digestion.
Elle passe au contraire dans le système absorbant
avec toutes ses propriétés.
» Il paraît maintenant avéré, continue M. Denis,
que la coque du levant est un poison pour les
animaux et même pour l’homme, et que la chair
des poissons qui en ont mangé occasionne des
accidents funestes chez des personnes qui s’en
nourrissent, et l’anteur cite à cesujet un exemple
que sa pratique lui a fourni, et s’étaie de plusieurs
expériences faites depuis par un grand nombre de
médecins. »
De ces faits M. Denis conclut que ; pour les
concilier avec l'opinion contraire de notre con-
frère M. Dubuc , il faut supposer que: lappât
qui a servi à prendre le poisson dout parle M. 0 "
C5)
n'était préparé qu'avec le péricarpe de la coque
du levant, et non avec la semence elle-même où
-Famande,
= L'expériénce a aussi fourni à M. Denis, en
1814 , à l'hôpital d'Argentan , l’exemple de militaires
“attaqués d'anasarque, heureusement traités par l'usage
rde la teinture éthérée de la digitale pourprée, ad-
ministrée à la dose de vingt-cinq gouttes, matin
et soir, dans la tisane-de raifort sauvage. L'auteur
pense que c’est à la propriété stimulante de la plante
‘que l'on doit attribuer la guérison des maladies
précitées ; car son action diurétique lui paraît
-ttés-incertaine. Il invite des médecins à employer
ce végétal dans les hydropisies, et à réunir une
somme d'observations propres à fixer l'opinion sur
‘ce point,
Dans ses observations sur l'existence des géants,
notre confrère semble prouver assez clairement
qu'aucun fait positif ne démontre l'existence d'une
‘race de géants; que, de tous temps et dans tous les
pays, ilse rencontre des hommes d’une riche taille
sans avoir cependant rièn de gigantesque ; et que, si
nous sommes en général moins grands, moins robus-
es, el si nous ne vivons pas aussi long - temps
que nos pères , il faut bien moins en accuser la
-décrépitude de-la nature que nos mœurs dépravées
‘qui fort éprouver À notre constitution physique
‘des modifications plus ou moins marquées.
Bufn , relativement aux cretins dû Valais, que
notre confrère a vus et examinés sur les lieux,
Pauteur aflirme qüe Ja description qui en a été
faite par le D. Tourtelle, dans son savant Traité
d’hyg'ène , est en tous points conforme à la vérité.
M. Denis y ajoute cependant des détails très-in
(5)
éressants, mais qui ne doivent étre connus que
des médecins ou des naturalistes.
Notre confrére se croit fondé à attribuer les
goitres , souvent très-volumineux chez les individus
des deux sèxes , dans te hat et bas Valais, chez
les Grisons, dans les gorges dés Alpes et du Tyrol,
et même sur les somméts aérés de ces montagnes ;,
à l’air épais, humide , stagnant et vaporèux des
gorges obscures des chaînes de montagnes , mais
plus particuliérement et plus certainement aux eaux
froides } vives et crües des neiges et des glaces
fondues, dont ces habitants sont forcés de faire
un continnel usage, IL s’est convaincu de cette vérité
par plusieurs exemples de soldats français, et sur-
tout de vivandiéres , auxquels il est survenu des
engorgements squirreux de la glande thyroïce,
par l'usage des eaux des torrents formés par la
fonte des neiges dés glaciers des Alpes. Ces eaux,
* quitombent avec rapidité du sommet des montagnes,
cowlant ensuite dans les gorges obscures des
moutagnes , sont si froides que, conservées méme
dans des vases, elles causent un véritable frissou
à ceux qui en boivent.
Les observations dont je viens, Messieurs , de
vous entretenir , annoncent dans M. Denis un obser-
vateur exact, un médecin instruit, un Ecrivain
correct et souvent élégant,
= M. Le Prevost , vétérinaire , lors de son admis-
sion à l'Académie, a prononcé un discours sur
l'amélioration des chevaux dans le département de
Ja Seine-faférieure, depuis la restauration des haras;
en 1#06,
« Messieurs, a dit notre nouyeau confrère, en
m'appelant à siéger parmi vous, vous avez voulu
G à
(36)
donner une -preuve nouvelle de votre indulgente
bienveillance envers ceux qui cultivent les sciences
ou les arts utiles, et je ne puis attribuer la faveur
qui m'a été accordée par l’Académie qu'à un seul
motif, celui d'encourager mon zèle pour les pro-
grès de l’art vétérinaire dont je fais profession. »
Après avoir démontré ,en peu de mots, l'importance
de l’art vétérinaire pour l'économie rurale, les ser-
vices éminents qu’il reud pour l’éducationet la con-
servation des animaux domestiques nécessaires à
l'exploitation, M. Le Prevost examine la question,
souvent débattue , de savoir si le Gouvernement doit
avoir des haras , ou sil doit abandonner ce genre de
travail à l'industrie particulière, et il prononce en
faveur des haras dans le système consacré par le dé-
cret du 4 juillet 1806, L'administration de ces éta-
blissements lui parait avoir été montée de la manière
la plus économique , et de façon que l'entretien
et la bonne tenue du cheval fussent en première
ligne.
« J'ai pensé, ajoute notre confrère , que l'Aca-
démie , qui accueille avec tant d'empressement tout
ce qui a rapport à l'intérêt public, voudrait bien me
permettre de lui offrir aujourd’'hni une notice sur l’a-
mélioration des chevaux dans le département de la
Seine-Inférieure , depuis la restauration des haras.
» Le département de la Seine-Inférieure, et no-
tarment le pays de Caux, possédait avant la
révolution une espèce de chevaux qui lui était
particulière , avantageusement connue sous le nom
de chevaux cauchois, et recherchés pour la remonte
de plusieurs corps de grosse cavalerie et de dra-
gons. À l’époque dont on vient de parler , les
besoins de nos armées devinrent tels qu'en peu
d'années l'espèce disparut au point qu'on en aurait
(37)
vainement cherché quelques traces : il ne resta
dans tout le département que l'espèce de chevaux
qui avait toujours été employée aux gros (ravauxs
et: qu'on décora cependant du nom de chevaux
cauchois,
» L'immense fourniture de chevaux qui avait
pesé non-seulement sur notre département, mais
encore sur tous-les départements de la France,
Jeur effrayante consommation dans les armées,
forca enfin le Gouvernement à soccuper de. la
restauration des haras ; et tel a été le succès des
sages mesures qu’il a prises, que nous pouyons
compter aujourd’hui, dans notre département , des
chevaux. carrossiers , des. chevaux de troupes ;,
et: quelques chevaux de selle distinguës.
» Une cause très.active-tend cependant à retar
der l'amélioration de nos chevaux normands. Les
propriétaires des belles pouliches métis, au lieu
de les conserver pour en perpétuer la race, éblouis
par le haut prix qu'ils peuvent en obtenir , les
vendent pour le service des villes on d’autres des-
ünations , et elles sont perdues pour la reproduction.
» Si le Gouvernement fait des frais considérables
pour les établissements des haras, les dépôts d'étas
lons et les primes d'encouragement, n'aurait-il pas
le droit d'exiger, demande ici M. Le Prevost, que
les propriétaires des belles pouliches qui auraient
obtenu des prix, en tirassent au moins deux pou-
lains. avant d'être autorisés. à les mertre dans--le
commerce? »
M. Le Prevost termine,son discours en regreitant
modestement de n'ayoir pu le rendre plus digne
d'être. présenté à l'Académie. « Heureux ; dit-il,
Messieurs, si de ce premier essai, je puis.du moins
recueillir l'espoir d'obteuir toujours l'indulgence
C 3
,. (C3)
qüe vos voulez bien me témoigner en ce moment. »
— M.Gourdin, vice-président , a répondu : « L’art
vétérinaire que veus exercez, Monsieur , avec autant
de distinction que de capacité, se lie essentiellement
au premier des arts comme à la plus ancienne des
professions. ....... Depuis long-temps l'A cadémie
sait apprécier vos connaissances , et elle a plus d'une
fois regretté de ne pas vous voir assis parmi ses
membres, afin de pouvoir vous consulter sur d'im-
portantes questions relatives aux grands troupeaux ,
anx maladies et à la conservation des animaux domes-
tiques.
- » Vous nous promeltez d'occuper quelquefois
nos séences, par la communication des observations
que votre profession vous met journellement à portée
de faire; ce sera, Monsieur , les enrichir , et vous
ne pouvez douter que l'Académie ne les accueille
avec autant d'intérêt que de reconnaissance. »
AGRICULTURE,
L'Académie a reçu de la Société d'agriculture
de Paris, divers ouvrages qui prouvent que le zè!e
des membres qui la composent, bien loin de se.
ralentir , preud au contraire chaque année de nou-
veaux accroissements.
= Ja Société d'agriculture , commerce , scierces
et arts du département de la Marne , nous a adressé
le compte sommaire de sestravaux , depuisle 2 novem-
bre 18:15 jusqu’au 25 août 1814.
L'Académie a remarqué sur-tout un Mémoire
«de M. Dergère de Mondement, correspondant de
la Société, sur l’emploi du plâtre comme engrais.
(39)
De trois expériences faites très-en grand , l'auteur
conclut que le plâtre cuit, répandu sur les prairies
artificielles , produit des récoltes extrêmement abon-
dantes.
Ces faits confirment parfaitement la théorie que
M. Vitalis avait exposée dans. le Mémoire qu'il a
présenté à l'Académie de Rouen, le 30 janvier 1805,
et qu'il a publié, la même année, sur l'usage et
les effets du plâtre, dans la culture du trèfle.
= Dans sa séance du 25 décembre dernier, l'Aca-
démie a entendu la lecture d'une lettre de M. fiard,
cultivateur à Saint-Eustache-la-Forêt, près Bolbec,
adressée au rédacteur du journai de Rouen, et
insérée dans le numéro 2:8 de ce journal, en date
du samedi 20 août 1814,
Cette lettre avait pour obiet de faire connaître
au pubiic que la scorpione (Myosote des champs}
donne la couleur bleue au lait des vaches qui se
nourrissent. de cette plante.
Une commission composée de MM. Pas e, Dubte
et Marquis, a été chargée de répéter les expé-
riences de M. Viard, et d'en rendre compte à la
Compagnie.
I résulte des expériences de MM, les Commis-.
saires, qu’une vache nourre pendant près d'un
mois , et en très-grande partie avec la scorpione ;
p'a point fourni de lait bleu, et qu'ainsi M. Viard
a été induit en erreur par quelques circonstances
dont il n'aura pu ou n'aura pas su tenir compte.
= Enfin, Messieurs, nous devons à M.le directeur
général de l'agriculture et. du commerce ,: l'envoi
d'une brochure qui a pour titre : Faits et obser+
tations sur la question de l'exportation des. Mérinos
C 4
(40)
et de leur laine hors du.territoire français ; par
MM. Gabion, Yvart, Tessier , etc.
Le but des auteurs de cet ouvrage est de prouver
Ja nécessité de permettre l'exportation de mérinos
français et de leurs laines , et de faire cesser une
prohibition que rien, disent-ils, ne peut justifier ,
et qui ruine tous les propriétaires de mérinos;
une prohibition qui n'enrichit que quelques mono-
poleurs, et qui fait périr une des branches les
plus utiles de l’industrie agricole, et rétrograder
l'agriculture française.
» Quelle occasion pour un administrateur tel
Que vous , continuent-ils, en s'adressant à M.ledirec=
teur général , de redresser de vieilles erreurs, de
réparer de grands torts administratifs, et d’être
auprès d'un Ministre dont les idées sont si libérales,
auprès d'un Roi aussi profondément instruit que
vertueux et bon , le promoteur de mesures mar-
quees au coin de la raison, de la justice et des
vrais principes. »
Après vous avoir rendu compte , Messieurs, des
travaux de la classe dés sciences , permettez-moi
de vous entretenir de ses pertes.
Outre M. Bonnet , nous avons à regretter , 10 deux
Académiciens non résidants, MM. Lévêque , de
l'Institut royal de Fraïce, et Seneschal, entrepre-
peur des constructions maritimes au Havre ; 2° le
respectable M. Jamard , vétéran de l’Académie.
La Compagnie aurait vivement désiré pouvoir
payer à la mémoire de chacun des membres que
la mort lui a enlevés , le tribut d’estime et de recon-
naissance qu’elle reconnait leur devoir; mais elle
C41)
n’a point encore reçu les renseignements qu’elle
avait demandés sur M. Lévêqne et sur M. Seneschal.
La famille de M. Jamard a bien voulu neus
fournir les matériaux nécessaires à la rédaction de
sa notice biographique , et j'aurai Phonneur, Mes-
sieurs , de vous en donner lecture dans le cours
de cette séance.
PRIX PROPOSÉ pour 1816.
L'Académie avait remis au concours la ques-
tion suivante , qu’elle avait proposée, l'année précé-
dente :
« Trouver un vert simple ou composé , susceptible
» de toutes les nuances de cette couleur , applicable
» sur fil et sur coton filé, aussi vif et aussi solide
» que le rouge des Indes, »
L'Académie mayant reçu aucun Mémoire sur
cette question, a délibéré qu'elle serait retirée du
concours, et remplacée par le sujet suivant :
« Exposer , abstraction faite de toute espèce d’hy-
» pothèse, les conséquences qui résultent naturelle-
» ment des observations et des expériences faites
» jusqu'à ce jour, relativement au mouvement de
» la sève dans le végétal.
» Confirmer ces résultats par des observations et
» des expériences nouvelles. Indiquer les applications
» utiles qu'on peut faire à la culture de ce qu’on
» sait jusqu'à présent de certain sur le mouvement
» des fluides végétaux, »
‘ ‘(42 }
Be-prix sera une médaille d'or de la valeur &e.
300 fr., qui sera décernée dans la séance publique.
de 1816,
L'auteur mettra en tête de-son Mémoire une devise
qui sera répétée sur un billet cacheté, où il fera
eonnaître son nom et sa demeure. Le billet ne sera
ouvert que dans le cas où le Mémoire aura rem-
porté le prix.
Les Académiciens résidants sont seuls exclus du
concours.
Les Mémoires, écrits en français ou enlatin, de-
vront être adressés, francs de port, à M. Virus,
Secrétaire perpétuel de l'Académie pour la classe
des sciences, avant le 1° juin 1816; ce terme sera.
de rigueur.
NOTICE BIOGRAPHIQUE.
Sur M. BonnrT, Caissier de la Monnaie de Rouen,
Membre résidant de l'Académie ;
Par M. Viraris.
M. Bonnet était né à Chartres, d'une famille.
qui a exercé la profession du commerce avec la
plus grande intégrité. Ses premières études furent
marquées par des succès distingués ; mais les cir-
constances ne lui permirent pas de les pousser
aussi loin qu'il Paurait désiré. Il travailla pendant
quelques années dans les bureaux de M. Brissot ,
son oncle , payeur de la 15° division militaire,
à Rouen, et fut nommé, en l'an 114, caissier de.
Ja Monnaie de la même ville. Non content de remplir
les fonctions de sa place avec la plus scrupuleuse exac-
üitude , il s'occupa de la rédaction d'un ouvrage très-
étendu qu'ikpublia, en 1810, sous le titre de Manuel
monétaire et d'orfévrerie , ou Nouveau Traité des mon-
naies et des calculs relatifs aux différentes valeurs des
espèces , vaisselles et matières d'or et d’argent de
France et étrangères , selon l'ancien et le nouveaw
systéme. L
Cet ouvrage , utile aux fonctionnaires des Mon-
naies , du trésor publie et des bureaux de garan-
ie, aux changeurs, orfèvres, banquiers, et géné
ralement à toutes les personnes qui font le commerce
des métaux précieux et qui les travaillent , lui
C44)
ouvrit les portes. de l’Académie de Rouen, pour
laquelle il montra depuis le plus grand dévouement.
Sans parler de son assiduité constante à ses séances »
d’une foule de rapports sur différents sujets, que
celle Compagnie savante doit à ses lumières, M.
Bonnet, a enrichi ses archives de divers ouvrages
qui tous sont Marqués au coin du talent et de
l'utilité publique. l
Au mois d'avril 1814 , il communiqua à l'Aca-
démie un manuscrit intitulé : Manuel du fondeur-
orfèvre ; ou tarifs et comptes faits du déficit et de
l’excédant d'alliage qui résulte de la combinaison
de plusieurs matières à différents titres, appliqués
à la fabrication des ouvrages d’orfévrerie du royaume
de France, et adaptés à toutes les unités de poids
de l'ancien et du nouveau systéme.
Dans la séance du 13 janvier dernier, M. Bonnet
donna lecture à l'Académie d'une Notice sur un nouvel
instrument. appelé pèse-alcool, ou alcoolimètre cen-
tigrade , destiné à juger le titre ou le degré de pureté
des liqueurs spiritueuses , ainsi que leurs pesanteurs
spécifiques.
Les commissions chargées de l’examen de ces
différents ouvrages en ont porté le jugement le plus
favorable , et chacune d'elles s’est empresste de
payer le tribut d'éloges dû à son zèle et à ses talents.
En lan 12, M. Bonnet avait épousé Mile Caroline
Barré , fille de M. Barré , Secrétaire général de la
Préfecture du département d’Eure -et - Loir , et
Chevalier de la Légion d'Honneur.
De quatre enfants quelui donna savertueuseépouse ,
pour laquelle il conserva jusqu'au dernier moment
le plus délcat et le plus tendre attachement, deux
seulement lui restaient. La mort de son fils aîné,
qui lui fut enlevé presque subitement, au mois
C4)
d'août dernier, à l'âge de sept ans , et qui annon-
çait les plus heureuses dispositions , le plongea dans
un chagrin qui a vraisemblablement contribué à
développer le germe de la maladie à laquelle il a
lui-même succombé, le 19 mars 1815 , âgé de trente-
cinq ans.
Religieux par principes, obligeant et bon par
caractère, ami sûr, excellent père , modèle des
époux, Académicien laborieux et distingué, M. Bonnet
laisse dans le deuil et les larmes une famille res-
pectable , des amis nombreux , et tous les membres
de là Société savante qui se félicitait de le posséder
dans son sein.
ER A A AT
NOTICE BIOGRAPHIQUE,
Sur M. JamarD , Membre résidant de l’Académie;
Par M. VitaAzis.
M. Jamard était né à Paris, en 1734. Elevé par
ses parents dans les principes d’une solide piété,
notre confrère contracta de bonne heure le goût
de la retraite qu’il regardait comme la vraie patrie
du sage.
Ce goût lui inspira celui de l'état religieux ; et,
très-jeune encore, il entra dans la congrégation de
Sainte-Geneviève , célèbre par les Grands Hommes
qu'elle a produits dans tous les genres de vertus
et de savoir.
Là, ignoré du monde et tout entier à ses devoirs,
(46)
le jeune Jamard ne songea plus qu'à cultiver en
paix son cœur et son esprit, Ses exercices de piété
ne l’empéchèrent pas de se hvrer avec ardeur à
l'étude des sciences , et ses efforts furent admira-
blement secondés par le bibliothécaire de Sainté-
Geneviève , le savant P. Pingré , connu par ses
yastes connaissances en astronomie , et sur-{out par
son excellent Traité sur Les comètes,
Formé à l’école d’un tel maître, dont il avait
gagné l'estime et laffection autant par la bonté de
son caractère que par son amour pour le travail,
M. Jamard ne tarda pas à se distinguer daus la
brillante carrière qui s’ouvrait devant lui,
La facilité qu’il montrait pour les csleuls astro-
nomiques le fit d’abord employer à la rédaction
de la Connaissance des Lemps ; ‘et bientôt après il
prit rang parmi les astronomes , ainsi qu'on peut
le voir dans l'Histoire des mathématiques , par M.
Montucla , tome II, page 575.
La comète qui avait paru en 1551 , 1607, 1682,
‘était attendue pour l’année 1757 ou 1758 , et il était
question de déterminer les éléments de son orbite,
de manière à fixer les incertitudes sur l'epoque de
son retour.
Louis XV prenait un grand intérét à ce retour,
ce qui rendait plus délicat encore un travail dont
Jles savants connaissent d’ailleurs toutes les diflicultés.
MM. Cassini, Clairaut , Lacaille et Lemonnier, ne
voulant point hasarder de compromettre, en cette
occasion , leur célébrité. aux yeux du Movuarque,
mirent en avant notre confrère, qui leur avait com-
muniqué un Mémoire qu’ils avaient approuvé.
M. Jamard fut présenté à la Cour par M. Cassini,
‘et eut l'honneur d’être admis dans le cabinet du
Roi , qui daigna agréer son travail.
(47)
Soumise aux calculs du jeune astronome , Ha
docile, comète parut en Saxe en 1758, et se montra
sur notre horizon au mois de décembre de l’au-
nte suivante,
Après avoir passé la meilleure partie de sa jeu-
nesse à Paris et dans différentes maisons de la
Congrégation, où il occupa les premières places,
M. Jamard vint se fixer pendant quelque temps
à l'Abbaye du Mont-aux-Malades, près Rouen. Ce
séjour fui‘était d'autant plus agréable qu’il continuait
à y jouir de l'amitié et des lumières du P. Pingré
avec lequel il poursuivait ses travaux astronomiques.
La mort de sôn savant maître le determina à
quitter le Mont-aux-Malades , et à accepter la cure
ou le prieuré de Rocfort, dans le pays de Caux.
Tout occupé des fonctions du saint ministère qu'il
était chargé de remplir , M. Jamard descendit des
hauteurs de la- science poür se mettre à la portée
de l'enfance et de tous ceux qu'il était appelé à
instruire des principes de la Religion et des pré-
ceptes de la morale évangélique. Il exhortait avec
patience, reprenait avec douceur , encourageait
avec zèle et édifiait tout le monde par ses vertus.
Les pauvres étaient un des premiers objets de son
active soHicitude , et son ingénieuse charité lui suggu-
raitles moyens de pourvoir à tous leurs besoins.
Chéri de son troupeau , qu’il portait lui-même
dans son cœur , M. Jamard se proposait de lui
consacrer sa vie toute entière, et de ne l’aban-
donner jamms, lorsque les orages politiques qui
ont désolé notre malheureuse patrie vinrent l'arra-
cher à l’objet de ses plus chères alections , et le
forcer de chercher uu asyle contre le malheur des
lemps,
BL. Jamard se rendit à Londres, et il n'y fus
#" ”: PORN)
pas plutôt connu qu'il y reçut l'accueil le plus dis-
tingué. Les savants s'empressèrent de lui ouvrir leurs
bibliothèques , et il profita de cette bienveillance
pour fare d’utiles changements à un Traité qu'il
avait publié en France , sur la théorie de la musique.
De retour dans sa patrie , M. Jamard s'était pro-
posé de donner une seconde édition de cet ou-
vrage; mais le mauvais état de sa santé l’empécha
de réaliser ce projet.
Nütre confrère a payé dignement sa dette à l’A-
cadémie de Rouen, où il fut recu eu 1757, par
des Dissertations , des Mémoires on des Rapports
consignés dans les actes de la Compagnie qui crut
devoir lui donner une marque particulière de
son estime, en Jui accordant le titre honorable de
Vétéran.
Aux vertus de son état, notre confrère joignait
les qualités les plus précieuses pour la Société. Son
âme généreuse m’attendait pas que l’on vint solliciter
sa bienfaisance ; il allait souvent au-devant du mal-
heureux, et mettait dans la manière de lui offrir
des secours une délicatesse qui en augmentait
singulièrement le prix. Et quelle idée , Messieurs,
ne doit-on pas se former de la bonté de son cœur ,
quand on songe que ces secours étaient pris non
sur un superflu qu'il ne connaissait plus, mais
sur le simple nécessaire auquel il avait été réduit?
Discret et réservé par caractère , jamais il n’eut à
se reprocher d’avoir blessé la confiance où dévoilé
le secret de l'amitié. Que pourrais-je dire, Messieurs,
de la noble simplicité de ses manières, de l’ad-
mirable candeur qui brillait dans ses discours et
ses actions , que vous ne connaissiez vous-mêmes ?
Sa modestie le portait naturellement à éviter de se
montrer eu public; et on peut appliquer à M.Jamard
ce
C 49 }
ce mot dont on fit autrefois, à Athènes, l'application
à Aristide : qu’il aimait mieux être homme de bien
que de Le paraître. Ajouitons qu'il supporta, sans
se plaindre, la perte d'une grande partie de sa
fortune , et qu’il sut opposer une patience rare et
une résignation parfaite aux souffrances et aux in-
firmités de la vieillesse.
Que de titres, Messieurs, à nos regrets! La vie
de M. Jamard avait été la vie d’un homme de
bien, sa mort a été celle du sage. La vie, pour
le sage, n’est qu'un voyage dont le terme, bien
loin de lafliger , le réjouit au contraire, parce
que sa conscience lui rend ce consolant témoignage
qu'il a toujours marché dans les voies de l'honneur
et le sentier de la vertu.
(50)
dd dd Ce Te de
MÉMOIRES
Dont l'Académie à délibéré l'impression en
entier dans ses actes.
NOTES
Sur quelques propriétés chimiques des Baies de la
Belladone , ( Atropa Belladona. Linné. ) avec des
moyens proposés pour reconnaitre les principes
délétères de ces fruits, dans les vins , liqueurs, etc.
Pr M. Drzuc.
MESSIEURS,
Les plantes solances , maïs spécialement la Zella-
dona , produisent abondamment des fruits dont les
effets vénéneux sont très-connus ; et , de même
que les champignons , chaque année voit naître
des accidents plus ou moins meurtriers , pour en
avoir mangé,
Ces baies sont d'autant plus à craindre , sur-tout
pour les jeunes gens , que leur extérieur et leur
forme invitent à les manger , en présentant, quand
elles sont müres , l'aspect d’une petite cerise ou
d'un gros grain de raisin noir.
C5)
Non-seulement ces fruits empoisonnent, pris dans
leur état naturel, mais leurs principes délétères étant
solubles dans les vins et liqueurs alcooliques ,
ils peuvent également servir à rendre ces boissons
pernicieuses,
Je fus invité , il y a plusieurs années ,; par un
médecin, d’examirer un vin frelaté qui produisait
l'ivresse , pris même à petite dose, à la personne
qui en faisait usage ; à cet eflet , succédait un anéan-
tissement presque complet. Cette boisson , assez
agréable au goût, laissait néanmoins sur la langue
une Âpreié particulière qui décélait la présence
d'un corps hétérogène dans ce fluide.
Divers essais nous prouvèérent jusqu'à l'évidence
que ce vin ne tenait en dissolution aucunes ma-
üères du règne minéral, ni sels à bases de plomb.
L'eflet de ce fluide sur l'économie animale , son
goût particulier , sa belle couleur rouge amaranthe,
nous portèrent à croire qu’il ne devait ses qualités
enivrantes qu'à l'addition d’une matière végétale ,
prise dans les classes des papavéracées ou dans
celle des solanées.
En conséquence , je dirigeai mes expériences pour
tâcher d'y découvrir l'opium ordinaire, ou quel-
ques-unes de ses préparations ; mais inutilement,
Des vins que nous additionnämes de cette subs-
tance , même à la dose de six grains par pinte, présen-
taient une couleur sombre, rembrunie, et leur
extrait avait une saveur particulière qui s'éloignait
de celle d'un bon vin ordinaire.
D'autres vins , dans lesquels nous fimes maoëérer
quelques graines du stramonium épineux , ( Datura-
Stramonium. Lin. ) nous offrirent également des
phénomènes qui les éloignaient aussi, par leur goût ,
D 2
(52)
par leur couleur terne, etc. , du vin frelaté avec
lequel nous les comparions.
Enfin, nous fixâmes nos regards sur les effets
narcotiques et stupéfiants des baïes de la Belladone,
mais nos essais avaient lieu en février , et il nous
fut impossible, vu la saison, de nous procurer les
fruits de cette solanée pour en additionner des
vins et les comparer ensuite avec celui qui faisait
l'objet de nos recherches.
Ces motifs me déterminèrent les années dernières
à faire des expériences assez nombreuses avec les
baies mûres de l’Atropa Belladona , et sur lesmoyens
de reconnaitre leurs principes délétères, introduits
dans les fluides servant aux usages de la vie.
En conséquence, je vais rapporter succinctement
les observations et les essais que j'ai faits pour
arriver à ce but d'utilité , et sur lesquels sera basé
le résumé de ce Mémoire.
Dans les contrées un peu septentrionales, les fruits
de la Belladone n'atteignent guère leur entière
maturité qu'au mois de septembre ou octobre.
Ces baies , bien mûres, sont de couleur noir
luisant ; et, comme nous l'avons dejà dit, leur aspect
se rapproche d'une cerise ou d’un gros grain de
raisin : elles rendent près des trois quarts de leur
poids d’un suc rouge foncé , brunâtre , marquant
au moins huit degrés à l’aréomètre.
Ce suc visqueux a un goût douceûtre , légèrement
sucré, mais qui décline bientôt en une saveur âcre,
styptique, un peu amère. Cette impression dure
long-temps. J'ai remarqué encore que cinq ou six
de ces baies écrasées et macérées quelques moments
sur la langue , occasionnent une sorte de paralysie
momentanée à cet organe , et que le seul moyen
(53)
d’ancantir promptement cet effet, consiste à se rincer
la bouche avec de l'eau acidulée , soit par le jus
de citron , le verjus ou le vinaigre. (*)
Cette espèce de moût n'est ni acide , ni alkali,
puisqu'il n'altèére pas les teintures aqueuses de
tournesol , ni celle des pétales de violette ; mais il
rougit et verdit comme tous les sucs végétaux
rouges ou bruns, par les acides et les alkalis.
Etendu dans trois ou quatre fois son volume
d'eau , il communique d’abord à ce fluide une
belle nuance rouge de sang , ensuite le mélange
Jouchit, se trouble, et enfin devient blanchâtre,
quoique conservé dans un vase bouché.
Quatre parties d'alcool à trente-six degrés dissol-
vent complettement l’extractif résineux d’une par-
tie de ce suc à huit degrés. Cette teinture, de
couleur rouge violacée, a un goût brûlant, âcre
et amer; mélée à huit ou dix fois son volume
d’eau , elle devient jaune blanchätre, et laisse pré-
cipiter une substance floconneuse d’un blanc sale,
dans laquelle réside lâcreté , la stypticité dont on
a déjà parlé.
Une propriété singulière de la teinture ou infu-
sum alcoolique des baies ou du suc récent du
solanum lethale, est de perdre sa couleur rouge
violacée en moins de trois ou quatre heures, et
a ,
(*) Le docteur Alibert , dansses Eléments de thérapeutique ,
et autres savants estimables , disent que les baies de cette es-
pèce de solanum , ont un goût visqueux , légèrement astrin-
gent ; mais je puis affirmer qu’elles possédent , outre ces
deux propriétés , toutes celles que je viens de leur assigner ,
en supposant ces fruits dans leur état complet de maturité,
D 5
C54)
de passer au jaune terne; mais cet eflet, que j'ai
répété plusieurs fois , ne lui fait pas perdre ses
autres propriétés sur l’orgene du goût.
Les baies de la Belladone , desséchées parfaitement,
conservent leur couleur noir luisant , mais de-
vicnnent -ridées ; l’alcool en extrait une teinture
jaunâtre également décomposable étant mélée avec
suffisante quantité d’eau.
Quätre parties de bon éther sulfurique mises sur
un de ces fruits secs et concassés, y prend en peu
de temps une couleur verdätre.
Cette teinture éthérée , mélée avec assez d’eau
chaude , laisse à la surface du fluide, par la vapo-
risation de l'éther, une matière verte oléagineuse ,
épaisse... Cette matière se fond entre les doigts ét
répand une ‘odeur vireuse. Elle est d’une âcreté ét
d'une stypticité ‘insupportable , au point que deux
heurés après lavoir goûtée’ j'en ressentais encore
uñe-forte impression à l’arrière-bouche et à la gorge ,
parles effets qu’elle avait produits sur cés organes.
Gesrpropriétés me porteraient volontiers à croire
que c’est dans cette substance huileuse , épaisse ,
queréside particulièrement le principe véncneux
des fruits dela Belladone.
Les vins ordinaires dissolvent aussi les principes
colorants: et délétères des baies fraiches dé éette
plante : dix à douze teignent d'un assez beau
rouge un litre de vin blanc , et donnent la couleur
rouge d'amaranthe à une même quantité de vin rouge.
Ces boissons ainsi frelatées se conservent bien;
J'en ai gardé plus de six mois en bon état; ét il
est très-difficile, par la simple dégustation, d'y décou-
vrir la présence d’un corps étranger. On pourrait
même ajouter que cette addition en fait d'agréables
poisons ; en donnant à ces vins du corps et du
(559
moélleux.... Effet qui nous semble dù à la subs
tance muqueuse un peu sucrée que ces fluides
dissolvent des baies de cette solanée.
L'objet de mes expériences sur les fruits de la
Belladone ayant pour but de trouver les moyens
de signaler leur présence dans les fluides servant
aux usages de la vie , j'ai dû faire préalablement
les expériences que je viens de rapporter, afin
d'avoir des données générales , tant physiques que
chimiques, sur leurs propriétés.
Ces notions m'ont conduit naturellement à faire
d'autres essais en quelque sorte synthétiques , pour
me servir de point de comparaison.
A cet effet, j'ai mêlé avec des vins rouges et
blancs du suc nouvellement exprimé d’Atropa
Belladona , en variant les quantités de manière à
rendre cette addition sensible au goût.
J'ai remarqué qu’il fallait au moins le suc de vingt-
quatre à trente de ces baies bien mûres dans un
litre de vin pour y discerner assez sensiblement la
saveur styptique qui les caractérise; et j'ajoute
encore qu'il faudrait soupçonner ces boissons de
cette addition pour se prononcer avec quelque vrai-
semblance par la simple dégustation.
Mais en additionnant ces vins avec d'x ou douze fois
leur volume d'eau pure, on remarque, après quel-
ques moments, que le mélange devient terne, livide,
et un peu opaque, si l'on opère sur du vin rouge et
blanc brunâtre , si les expériences ont lieu sur du
vin blanc.
Si les vins contenaient depuis douze jusqu’à seize
grammes de suc de baies de Belladone par litre,
les effets que je viens d'exposer seraient plus tran-
chants , et, en outre, ces vins laisseraient déposer ,
en les exposant dans des verres très-coniques , une
D 4
(56)
matière floconneuse , âcre, un peu amère; analogue
à celle que l'alcool en extrait..... Effets qui n’ont
pas lieu quand les vins sont de bonne qualité, ou
qu'ils ne contiennent que les principes colorants qui
leur sont naturels.
L’eau-de- vie ordinaire et les liqueurs spiritueuses
à faible degré, sont aussi colorées par les fruits de
cette plante. Ces sortes de teintures ne se décolorent
pas comme celles préparées avec l'alcool à trente-
six degrés ; mais l’eau les décompose également en
grande partie, et en sépare le principe âcre, styYp-
tique, etc.
Ainsi, pour reconnaître des vinsou liqueurs frelatés
par les fruits de la Belladone , nous croyons , d'après
l'exposé ci-dessus , qu'il faut commencer par bien les
déguster , puis les méler avec de l'eau dans les
proportions que nous avons indiquées , et remarquer
avec soin les altérations qu’ils éprouveront par leur
upion avec ce fluide , etc.
Le troisième moyen serait de faire un extrait épais
de ces liqueurs frelatées , et d’en mêler une partie
avec huit d'alcool rectifié et marquant 56 degrés ;
d’exposer pendant douze heures ce mélange à une
température de seize à vingt degrés , et ensuite
précipiter cet infusum alcoolique, au moyen d'une
suffisante quantité d’eau ; enfin, examiner le dépôt
et en remarquer le goût , la saveur , etc.
Le quatrième moyen serait de soumettre une partie
de cet extrait bien desséché et pulvérulent à l'ac-
on de huit parties de bon éther pour en séparer,
au moyen de Veau chaude, la substance verte
oléagineuse , si reconnaissable par ses effets sur l’or-
gane du goût, etc.
Il résulte de nos observations et de nos expériences :
1° Quelesfruits del Ætropa Belladona, bien mûrs ,
(57)
ont un goût d’abord légèrement sucré muqueux ,
qui décline bientôt en une saveur âcre , styptique ;
un peu amère;
2° Que les vins rouges et blancs, ét liqueurs al-
cooliques à faible degré, dissolvent les principes
ou le principe délétère de ces baies, et qu'ils peu-
vent se conserver quoiqu’étant ainsi frelatés ; mais que
le mélange de ces boissons avec huit à dix fois
leur volume d’eau, prend des nuances variées et
forme des dépôts qu’on ne remarque jamais dans
des liqueurs naturelles et potables ;
59 Que l'alcool trés-rectifié extrait des fruits du
solanum lethale récent une teinture rouge violacée,
dont la couleur n’est pas permanente;
4 Que ces mêmes fruits desséchés perdent la
propriété de colorer l'alcool en rouge violacé , et
ne donnent plus à ce fluide qu'une nuance jaune ra-
venelle ; mais que ces deux teintures sont également
décomposables avec l'eau ordinaire qui en précipite
le principe dcre , etc ;
5° Que l’éther sulfurique dissout de ces baies
desséchées ou de leur extrait, an principe ver-
dâtre très-styptique , âcre au goût , d’une odeur
vireuse , etc., dans lequel nous croyons que réside
les propriétés vénéneuses de l’Atropa Belladona.
Nous désirons , Messieurs, que ces notes puis-
sent être de quelqu’atilité au publie , en éclairant
un point de la médecine légale , et en jetant quel-
ques lumières sur la toxicologie végétale, partie
presque neuve , et qui sera long-temps l’écueil des
médecins comme des chimistes les plus instruits,
par les difficultés presqu’insurmontables que pré-
sente l’analyse végétale , et probablement par les
propriétés plus ou moins énergiques qu’acquièrent
(58 )
Jes plantes , en raison du climat, du site et du
terrain où elles croissent.
Notre intention était de donner plus d'extension
à cet ouvrage en y ajoutant les résultats que nous
avons obtenus , en faisant des expériences sur les
fruits de deux autres espèces de solanées ; mais les
fatales circonstances qui viennent troubler l'ima-
gination de l'homme le plus stoique , ont influé
tellement sur nos faibles facultés morales qu’à
peine ai-je pu mettre un certain ordre dans la
rédaction du Mémoire que j'ai l'honneur de pré-
senter à l'Académie , et que je la prie d’agréer avec
son indulgence ordinaire,
OBSERVATION
Rs1LATIVE à une nouvelle manière de pratiquer , chex
les Femmes , la Lithotomie ;,
PAR M. FIAUBERT.
Les inconvénients et les dangers attachés aux
méthodes ordinaires de tailler les femmes viennent,
pour la taille hypogastrique , de la possibilité d’ou-
vrir le péritoine , et de ce que l'incision n’est pas à
la partie la plus déclive de la vessie. Quant à la
taille sous-pubienne , ils naissent de ce que lincision
west jamais suffisante pour laisser passer la pierre
qui dilate, déchire les parties , et sort par l'endroit
le plusresserré de l'arcade du pubis; de sorte qu’une
méthode qui, dans un lieu déclive, diviserait gran-
dement les parties et permettrait la sortie de Ja
pierre à l'endroit le plus large de l’arcade pubienne,
éviterait tous les accidents qu’on éprouve ordinai-
rement, et devrait être préféré , sur-tout si cette mé-
thode, d'une exécution facile, portaitsur des parties
attaquables sans le moindre inconvénient, C’est pré-
cisément cette méthode que j'ai pratiquée, comme
je vais le montrer après avoir dit ce qui m’a con-
duit à m'éloigner de la route commune.
Je savais que Mery avait fait mention de la pos-
sibilité de tailler les femmes par le vagin, et depuis
quelques années , dans des cours de chirurgie,
j'avais plusieurs fois fait sentir l'importance que j’atta-
chais à cette idée, quoiqu'abandonnée et rejetée
par son auteur comme par ceux qui en ont parlé
(60 )
depuis. Voici comme je concevais cette opération :
un cathéter très-courbé et à large cannelure , in-
troduit dans la vessie, devait servir à la déprimer
dans l'endroit où elle appuie sur le vagin ; un long
bistouri, porté dans ce canal , devait couper sur la
cannelure du cathéter. Les instruments retirés, on
eût cherché, saisi et extrait la pierre avec les tenettes
portées dans la vessie au travers du vagin. Je ne
sais si c’est là l'opération que Mery a conçue , et
qu'il n’a pas conseillée de peur d'exposer les mala-
des à des fistules vésico-vaginales : je ne connaissais
alors cette idée que par ce que j'en avais lu dans
Sabatier et quelques-autres auteurs qui ne donnent
aucun détail sur une méthode qui n’a jamais été
pratiquée. Maigré cette manière générale de voir,
je croyais la lithotomie vaginale sans danger pour
les malades et sans difficulté dans l'exécution.
Le danger d’une opération vient des accidents
primitifs ou consécutifs qui peuvent survenir ; or ,
quels accidents primitifs a-t-on à redouter en cou-
pant la vessie et le vagin adossés l’un à l’autre? Une
hémorragie? Mais les vaisseaux , quoique nombreux,
sont petits , le plexus est veineux ; le seul passage
de la pierre, peut-être même le simple écoulement
de l'urine, sufüt-il pour prévenir le moindre écou-
Jerment de sang. Quant aux accidents consécutifs ,
celui qu’on a toujours redouté c'est la fistule du
corps de Ja vessie, Cette crainte me semblait encore
sans fondement , car la nature a plus de tendance
à pousser les liquides par leurs conduits naturels
que par les ouvertures accidentelles faites à leurs
réservoirs. Le corps de la vessie, coupé dans la
taille hypogastrique , dans la méthode de Foubert ,
se cicatrise saus fistule. Celles-ci n’ont lieu que quand
il y a violente contusion, déchirure des bords de
C6)
la plaie, et sur-tout perte de substance , ce qui
arrive souvent à/la suite des accouchements dans
lesquels la tête de l'enfant a resté long-temps en-
clavée ; et comme je concevais l'opération , l'incision
devait être assez grande pour faire sortir la pierre,
sans contondre les parties molles. D'ailleurs , je
me rappelais , 1° que Ruysch avait coupé avec
succès la vessie er le vagin entraînés dans un pro-
lapsus de l'utérus, quoique l'opération fût faite sur
une femme de quatre-vingts ans , dont le prolapsus
durait depuis vingt ; 2° que Tolet, d'après l'avis
de Mareschal , s'était conduit comme l’anatomiste
hollandais, et avait, dès le huitième jour , obtenu
la cicatrisation des parties ; 3° que dans un cas où
une pierre grosse comme un œuf de poule avait
ulcéré Ja vessie et le vagin dans lequel elle se pré-
sentait en partie, G. Fabrice de Hilden ayant, à
l'aide des doigts et du bistouri , agrandi l'ulcération ,
avait heureusement extrait la pierre par le vagin,
et comme il le dit : Citrà vim , hemorragiam dolo-
remque magnum; 4° que le même auteur , dans sa
troisième Centurie , o0s. 69, nous donne un exemple
de guérison chez une femme qui laissa echapper
un grand nombre de petites pierres au travers d’une
ulcération etablie entre la vessie et le vagin. Toutes
ces observations, jointes à la connaissance anatomique
des parties , me rassuraient sur le danger d’une
opération que je croyais d’une exécution facile,
lorsque l'occasion d'extraire un calcul vésical vint
se présenter. Mais en me montrant l'innocuité de
la lithotomie vaginale , ceite occasion m’a prouvé
que l'opération , telle que je la concevais , est le
plus souvent impraticable , vu l'étroitesse du vagin
chez les enfants, les filles et beaucoup de femmes,
(C6G2)
et qu'il est un procédé plus simple, plas sûr , et
applicable à tous les cas.
L'histoire de la maladie va tenir lieu de la mé-
thode que j’ai suivie et que je crois devoir sou-
mettre au jugement de l’Académie,
V*#**, âgée de onze ans et demi, s’introduisit dans
le canal de lurètre, il y a environ deux ans et
demi, une épingle et une grosse aiguille. La pre-
mière sortit spontanément peu-après ; la seconde
resta , occasionnant de vives douleurs dont l'enfant
laissa ignorer la cause pendant plusieurs mois, jus-
qu’à ce que, vaincu par la souffrance, il en in-
diqua le sujet. Dès-lors, régime sévère , bains tièdes,
calmants de toute espèce , tour-à-tour employés, puis
rejetés vu leur inutilité. Le cathétérisme avait été
pratiqué plusieurs fois par quelques hommes de
l’art, et l’enfant avait été abandonné à ses douleurs
qui, croissant de jour en jour, forcèrent les parents
à consulter de nouveau
Appelé le 15 février 1815, et ayant appris, outre
les circonstances dont je viens de parler, que l'urine
était souvent teinte de sang , qu'elle était ordinaire-
ment rendue involontairement , et que quand sa
sortie était soumise à la volonté, il fallait que la
malade fit, pour l’évacuer , des eflorts très-souvent
répétés, j'introduisis une sonde dans la vessie pour
reconnaître la présence d’un calcul que je croyais
exister; mais l'instrument au lieu de me communiquer
la sensation d’un corps dur , semblait seulement
glisser sur quelque chose d’analogue à une bride
de la vessie; le doigt indicateur , introduit avec peine
dans le vagin, ne pouvait être enfoncé au-delà de
larüculation de la première et de la seconde pha-
lange, et ne donnait aucun indice de pierre vésicale,
Deux jours après je sondai la malade , d'abord cou-
(65)
chée , puis debout. Dans cette dernière position,
deux élèves et moi crûmes reconnaître une pierre,
mais pas assez distinctement pour étre certains de
son existence, ce qui me fit encore abandonner la
malade pour queques jours, avec l'intention de
faire de ronvelies recherches. J'y retournai en effet ,
c’était le 22 du méme mois ; ayant oublié ma sonde
à femme , je portai par l’uretre la sonde à panaris,
laquelle rencont:a anssitôt , au col de la vessie, un
calcul immobile qui semblait la remplir. Le doigt,
quoique peu avant dans le vagin, le reconnaissait
aussi au travers des parties moiles.
Deux heures après, assiste seulement de deux
élèves, je pratiquai l'opération comme il suit : la
malade placée comme d'usage , la sonde cannelée
orüinaire fut portée par le canal de l’urètre jusque
dans la vessie, La canneiure était dirigée en bas,
et sa pointe, après avoir glissé entre le col de la
vessie et la pierre , reposait sur le fond de la vessie,
de mauière à se faire sentir au doigt qui touchait
la paroi antérieure du vagin; le gorgeret de Mar-
chettes , mis dans ce canal , et maintenu fermement
sur la paroi postérieure , servait à tendre les par-
ties que je me proposais de couper , et à protéger
celles qui leur sont opposées , comme il fait pour
le rectum dans l'opération de la fistule à l'anus où
l'on croit son usage utile. Un aide fixant le gorge-
ret, je saisis de la main droite un bistouri aigu que
je glissai dans la cannelure de la sonde tenue de
la main gauche , jusqu’à ce qu’il eût incisé toutes
les parties étendues entre l'ouverture extérieure
du canal de l’urètre et le fond de la vessie où la
pointe du bistouri vint se rendre sur le gorgeret ,
après avoir traversé les parois adossées de la vessie
et du vagin, Je retirai tous ces instruments devenus
(64)
inutiles, et aussitôt la pierre tomba daus le vagin,
appuyant une des extrémités de l’ovoide qu'elle
présentait sur la paroi postérieure du canal, etres-
tant en grande partie dans la vessie , quoiqu’on pût
alors considérer la vessie et le vagin comme formant
une seule cavité. Je voulus , à l’aide des tenettes ,
saisir la pierre , mais son volume, égal à celui d’un
œuf de poule , s'y opposa comme le ferait une
tête dans le vagin, relativement à un forceps dont
les branches ne se sépareraient pas. Mes tentatives en
brisèrent l'extrémité et mirent à découvert la tête
de l'aiguille ; je retirai celle-ci en la saisissant avec
des pinces à pansement, pour éviter quelque lésion
des parties génitales pendant l'extraction du calcul,
Les tenettes-forceps, dont les branches s’introduisent
séparément , auraient été dans ce moment d’une
grande utilité et aurait rendu l'opération très-facile.
A leur défaut je fis glisser un cathéter recourbé,
entre la pierre et la partie supérieure du canal de
l'urètre , et m'en servis pour la faire avancer jus-
qu'aux tubérosités de l’ischion qu'elle ne put fran-
chir malgré le soin d’agir avec le méme instrument ,
et un doigt mis dans le rectum pour la diriger
en avant. Les parties molles qui forment la vulve
étaient dilatées et tellement développées qu’elles me-
naçaient de se déchirer et ressemblaient à l’état des
mêmes parties lorsque la tête est au dernier temps
du travail de l'accouchement, ce qui m’engagea à
briser la pierre à l’aide des ciseaux à lames fortes,
afin de la retirer en morceaux. Quelques petits
fragments furent ensuite entrainés par une injection
d’eau tiède.
Cette opération , faite le 22, à cinq heures et demie
du soir , fut suivie d’un sommeil parfait accom-
pagné de moiteur à la peau. Le deuxième jour,
écoulement
(65)
écoulement abondant et involontaire des urines ;
aucune douleur-, nul gonflement de la vulve. Le
troisième, urines moins abondantes ; leur écoulement
est involontaire , et la malade dit qu’elle commence
à sentir le besoin de les rendre. Pour nourriture
soupe et poisson cuit à l’eau. Le quatrième, écou-
lement involontaire beaucoup moins marqué, excré-
tion volontaire répétée trois fois , et à chaque fois
la malade rend deux à trois onces d'urine; pro-
menade dans la chambre et chez les voisins qui
demeurent sur le même escalier. Je permets un peu
plus d’aliments. Le cinquième , cessation de la sortie
involontaire des urines , soin de les rendre toutes
les deux heures ayant d’en sentir le besoin , des-
cente à la rue, quoique logée au deuxième étage.
Les jours suivants, bien parfait , aucune goutte
d'urine ne s'est échappée spontanément. La malade
qui avait toujours eu l'habitude de piscer au lit,
l'a conservée très-long-temps après l'opération : on
ne prévenait cet inconvénient qu'en l’éveillant une
ou deux fois la nuit.
( 66)
BELLES-LETTRES ET ARTS.
RAPPORT
Fair par M. N. Bicenon, Secrétaire perpétuel.
MESSIEURS ,
Vos travaux de cette année ont été ouverts sous
les plus favorables auspices. La première séance
doit occuper sans contredit la place la plus distin-
guée dans vos annales , par le grand intérêt du
compte que vous a rendu la députation chargée
de porter vos hommages derespect, de dévouement
et de fidélité aux piels du légitime héritier du trône.
MM. Lezurier de la Martel, Vitalis, Laumonier,
Le Priol, Marquis , Periaux , et celui qui tient la
plume , n'oubliront jamais impression qu’ils éprou-
vêrent en entendant sortir de la bouche de Sa Majesté
ces mots sacrés, gage d’une protection spéciale ,
J’agrée l’hommage de l’Académie de Rouen , et
je lui permets de reprendre le nom d’Académie
royale; ni ce qu'ils doivent de reconnaissance à
la Compagnie elle-même, pour les avoir mis à portée
de puiser, à la véritable source, l'oubli du passé ;,
Ja confiance du présent et l'espoir de l'avenir.
Le Rapport que j'ai l'honneur de vous faire,
Messieurs, se divise d'abord en deux classes géné-
rales : correspondance et travaux des Académiciens.
Sous le titre de Cerrespondance sera compris
tout ce qui n’est pas le produit de l’Académie,
(67)
avec un extrait des différents Rapports. Les Aca-
démiciens étant distingués en résidants et non rési-
dants, je commencerai par les productions des der-
uiers, et je finirai par celles des autres , sans ad-
mettre des divisions trop nombreuses qui ne ser-
viraient guère qu’à éclaicir les rangs, que quatre
longs mois d’orages politiques n’ont déjà rendus
que trop peu nombreux. La division, pour la
littérature , en ouvrages en prose et ouvrages en
vers , qui aura l'avantage de présenter du moins
deux petites masses, a paru la plus propre à dé-
guiser un peu les pertes occasionnées par le mal-
heur des temps. Viendra ensuite un article à part
pour les antiquités et la partie des arts attachée à
la classe des lettres. Les ouvrages dont l'Académie
a ordonné l’impression seront à la suite du Précis.
CoORRESPONDANCE,
Le Précis, pour 1814, de la séance publique de
l'Académie de Caen, celui de l'Académie de Besançon
et de Ja Société d’émulation de Rouen , avec un
Programme de l'Académie des Jeux floraux, pour
le concours de 1815 , composent tout le produit
de vos relations avec les Associations littéraires.
— Le Précis de l'Académie de Caen n’est, à pro-
prement parler , qu'un simple Catalogue des ma-
tières , dont le seul énoncé inspire cependant un
assez grand intérêt , pour faire regretter de n'être
pas à portée de voir comment elles ont été traitées ,
dans une Compagnie aussi recommandable par ses
talents et ses lumières.
— Le compte qui vous a été rendu de la séance
EL
( 68 )
publique de l’Académie de Besançon , vous a con-
vaincus que les désastres de la guerre n'avaient
porté atteinte ni à son zèle ni à ses moyens. Vous
avez remarqué sur-tout le Rapport de M. l'abbé de
la Boissière sur les ouvrages envoyés au concours
pour lé'oge de l'abbé Millot ; et vous avez vu
avec sa'isfaction , dans une partie de l'ouvrage cou-
ronné , un nouveau monument élevé à la gloire
d’uu historien du premier mérite, né dans les murs
de Besançon , mais pour la France et pour l'Europe
éntière.
— Un Rapport sur la Société d’émulation n’a fait
qu'ajouter au prix que vous aitachez à des com-
munications si faciles et si avantageuses avec une
réunion de personnes éclairées , qui partagent avec
vous la reconnaissance publique d'un département
industrieux , où la pratique dans les arts aura plus
que jamais besoin des leçons d'une habile théorie.
M. Guttinguer à fait , dans son Rapport, une trës-
bonne part aux letires , en citant honorablement
le Discours de M. de Marivaux, le Rapport général
de M. Marquis, les Réflexions sur le sublime, par
M. Martin , et les Poésies de M. Léon Thiessé,
dont la jeunesse ne se décéle que par le feu de
la composition.
— Quant au Programme de l'Académie des Jeux
floraux , relatif à l'Éloge de Pascal , proposé pour
la troisième fois par cette même Académie, les
déclamations outrageantes pour les Jésuites , dans le
p'emier concours , et l'oubli total des Provinciales,
dans le deuxième , sont encore une preuve qu’il
peut être dangereux quelquefois , en matière de
goût , de vouloir tracer la route aux concurrents,
lorsque Ja nécessité n’en est pas absolument dé-
montrée.
(69)
= M. Nicolas Morel , de Rouen, vous a adressé
l'Abrégé de sa vie ; par lui-même.
— M. Le Dos, d'Avranches, une Grammaire de
la langue française , précédée de quelques notions
générales sur les principes du langage.
— M. Marie Duménil, de l'Académie de Caen,
une Ode française en strophes irrégulières (*) ,
intitulée : Le Cri de la Patrie.
— M. Worbe, DM. à Dreux, un Eloge, en
prose , de Louis XVI.
— M. Hichel Beer, avocat à Nancy, deux opus-
cules, dont l’un sur la liberté des cultes , objet
étranger aux travaux de l'Académie, et lautre con-
teuant Ja traduction en français, d’abord , de deux
morceaux de Schiller sur l'espérance et sur la di-
gnité des femmes , et en outre , du Prologue d'un
poëme hébreu , publié à Berlin , sur la fin du
siècle précédent , par le Rabin Hardwig-Vesclise ,
à la gloire du divin législateur de sa nation. Si l’élé-
gance et la pureté du style, abstraction faite de la
comparaison avec les modèles , peuvent étre des
garants suffisants d'une bonne traduction , celle de
M. Beer n’a dû laisser rien à désirer , excepté une
jouissance un peu plus longue.
— M. De Suint-Victor , ex-membre de la Com-
paguie , des Observations critiques assez étendues
qui ont pour but d'établir que POde Jam veris
comites etc. , n'a point été adressée par Horace
à Virgile le poëte , comme on le croit communément,
mais à quelque négociant ou marchand de RAF US à
de Rome, qui aurait aussi porté le rom de 'irzile.
L'auteur invoque successivement en faveur de
son opinion , les autorités, la langue latine, le
(*) Ge sontles expressions mêmes de l’auteur,
E 3
(ro)
raisonnement , la nature des rapports entre les deux
poëtes , les convenances , le tempéramment extré-
mement délicat et sobre de Virgile , le style d'Horace
dans les autres pièces où, en parlant du chantre
d'Enée, il s'exprime avec tant de noblesse , d'égards
et d’effasion de cœur sur le compte de son illustre
ami ; enfin , jusqu'aux arguments des scholiastes
mêmes qui combattent pour le sentiment opposé :
tous ces moyens , présentés d’une manière métho-
dique et en même -temps spirituelle, ne laissent
guère, selon M. De Saint-Victor , d'autre arme à
ses adversaires, pour se défendre , que le nom
de Virgile qui se trouve dans la dédicace de l'Ode ,
et sans lequel il serait difficile de croire que , par
elle-même , la pièce eût jamais pu faire naître le
moindre soupcon qu’elle s'adressât au cigne de Man-
toue. C’est un paradoxe , sans doute, mais qui pour-
rait bien n'être pas très-loin de la vérité.
— M. Louis Damin , ancien avocat à Paris, deux
volumes de Romances , Fables e: Contes moraux s
à l’usage de la jeunesse. Un compte très-favorable
vous en a été rendu par une Commission composée
de MM. Duputel, Licquet et Duménil. MM. les com-
missaires ont distingué l’Anneau magique , dans le
premier volume, et Chloé , ou la Coquette, dans le
second. « Deux Romans également attachantes ,
» où la morale, dit M. Duménil, rapporteur; à la
» suite d'une excellente analyse, est continuellement
» mise en action, et où l’auteur montre du talent,
» de l'imagination et une sagesse de principes
» trop peu commune. »
— Il est encore parvenu à la Compagnie une Morice
historique sur M. Moysant, D.-M. et professeur
émérite de rhétorique au collége du Mont, à Caen;
par M. Hébert , de Caen, son confrère en méde-
(71)
cine et en Académie ; notice où le talent d'écrire
et la simplicité du style répondent parfaitement à
des vertus sans prétention, qui finissent quelque-
fois par avoir un certain nombre de panégyristes ;
mais toujours trop peu d’imitateurs,
Voilà, Messieurs , tout le produit de votre cor-
respondance étrangère pour la littérature.
MEMBRES NON RÉSIDANTS.
Vous avez recu de M. Lemonnier , peintre et admi-
nistrateur des Gobelins, un Programme de son tableau
du XVII: siècle , avec une notice sur M. Moreau ,
notre confrère , dessinateur du cabinet du Roi,
qu’une mort inattendue venait d'enlever aux arts.
Le Programme, d’uné conception large et éminem-
ment historique , vous a rappelé ce grand art de
groupper les personnages , qu’on retrouve dans le
tableau de la chambre du commerce de cette ville,
où notre honorable compatriote jeta de si bonne heure
les fondements d’une réputation qu’il a toujours
justifiée.
La Notice, composée par M. Feuillet, bibliothé-
caire de l’Institut, et neveu de M. Moreau, d'un
style naturel et précis, ayant parfaitement Péloquence
du genre, vous a fait mesurer avec douleur toute
l'étendue de votre perte dans l'énumération de tant
de vertus et de talents qui ne sont plus.
— De M. Boyeldieu, avocat à Paris, un ouvrage
en un volume, ayant pour titre : Le langage de la
raison et du sentiment ; dédié à S. A. R. MADAME,
Duchesse d'Angoulême.
On y remarque un Traité sur l'éducation des
femmes ; un autre sur le bouheur, et un Dialogue
E 4
C72)
enverssur la Religion chrétienne , entre Charlemagne,
Witkin.et le savant anglais dont Charles-le Grand ne
dédaigna point de prendre aussi les leçons pour con-
tenir ; eu leur inspirant le goût pacifique des leures ,
des peuples trop long-1temps comprimés par la violence
des armes.
Une grande partie de ces productions , toutes
d'ure morale douce , pure et aimable , telle qu’on
doit l’attendre de lauteur, était dejà connue de
l’Académie , comme ayant figuré dans quelques-
uues de ses séances , lor-qu’elle avait l'avantage de
posséder M. Boyeldieu dans son sein.
— De M. Lebouvier des Mortiers, auteur de la
Vie du général Charrette , un supplément en un vo-
lume à l’histoire de l’intrépide commandant en chef
des Vendéens. Ce dernier ouvrage , suflisamment
recommandé par la réputation de notre savant con-
frère , et que M. Duputel vous a fait connaïire dans
le plus grand détail, « a pour but deux objets
»-également louables , dit M. le Rapporteur , de
» venger la mémoire du général et d'offrir à sa
» sœur le produit de la vente, pour reparer une
» partie du tort que la guerre a fait à sa fortune. »
Vous avez mis cette pièce au nombre de vos
monuments de famille les plus: précieux, et rangé
l'auteur parmi les écrivains qui savent encore qu’il
ne faut pas tourmenter sa plume pour attacher ,
quand on écrit sur un sujet intéressant.
— De M. Masson de Saint- Amand , un volume
faisant suite à ses Essais , précédemment imprimes ,
sur le comté d’Evreux | composition qui réunit à
l'avantage d’une grande utilité locale, celui de pou-
voir être lue par tout le monde avec fruit et avec
plaisir, ponr l'intérêt des anecdotes et du style.
C’est le jugement qu’en porte M. Gosseaume , dans
(75)
son rapport fait sur ce dernier volame ; et il ajoute
que « cette seconde partie est parfaitement en har-
» monie avec la première , et que l'accueil favo-
» rable qu’elle ne peut manquer d'obtenir , suggé-
» rera peut - être à M. de Saint - Amand , le désir
» de completter son intéressant travail , par l’his-
» toire littéraire et manufacturière de cette belle
» portion de l’ancienne Normandie. »
= Une nouvelle traduction en prose de l’Enéïde,
dont M. C.-L. Mollevaut a fait hommage à la Com-
pagnie, a été l'objet d’un rapport par MM. Duputel
et Licquet.
Virgile , tant de fois traduit en prose et en vers,
et de tant de manières, quoique les meilleures
copies soient restées encore bien loin de l'original ,
n’offrait guëre d'autre attrait à un nouveau traducteur
que la ressource d’un nouveau genre de traduction.
C'est aussi ce que M. Mollevaut a tenté et ce qu’ila
fait, Sa traduction est des plus parfaites sous Île
rapport de la littéralité.
Cependant, disent MM. les Commissaires , qui
comme poëtes eux-mêmes ont le sentiment des
beautés de Virgile, « nous avons vu avec regret
» Pheureux traducteur de Tibule renoncer ainsi
» de lui-même à tous les avantages qu'il trouvait
» dans son génie , et dont il a tant de fois tiré un
”
_
» parti si, avantageux, »
= Une perte sensible que l'Académie a faite cette
année , par la mort de M, Ovrsel, de Dieppe, l'un
de ses membres les plus anciens et les plus labo-
rieux, auteur de plusieurs ouvrages de littérature
et de mathématiques, a donné lieu à la recherche
d'un paquet cacheté , anciennement déposé par lui
(74)
dans les archives de la Compagnie , pour être ou-
vert aprés son décès. Ce qui a été fait; et il s'y
est trouvé un travail sur la Trisection de l'angle,
qui, par sa date, ne pouvait donner à M. Oursel
aucun titre de priorité ou d'invention, Ce travail
est déposé dans les archives de la Compagnie.
— Deux pièces de vers français, recues de M.
Boinvilliers , inspecteur de l'Académie de Douai,
ont fourni une nouvelle preuve que notre con-
frère n’est point étranger à cet art divin , sur les
éléments duquel il a lui-même fait imprimer des
préceptes destinés à guider les premiers pas de l’en-
fance dans la carrière du Parnasse latin.
La première de ces pièces , intitulée l'Education
au rabais, est une sorte d'épigramme , aiguisée par
le mot fameux du philosophe Aristippe à un père
de famille qui le réclamait pour l’intraction de son
fils. Le style en est simple et sans prétention.
Achetez donc et vous en aurez deux.
Cet Aristippe est, suivant l'Histoire , le premier
des Anciens qui ait mis ses leçons à prix, proba-
blement parce qu'il en recevait trop peu de chose ,
et que c’est une partie essentielle de la philosophie
que de savoir vivre.
La seconde offre des stances d’un genre plus élevé,
sur la poésie tant profane que sacrée ; c’est à la
dernière que M. Boinvilliers parait donner l’avan-
tage : aussi est-ce la première en date, et la plus
respectable par son objet. Dans cette pièce, on
distingue plusieurs phrases poétiques , où il y à
de la verve, telles que la suivante :
Cr
Aux puissants accords de sa lyre ;
Lorsque David unit sa voix,
Plein d’un poétique délire,
La corde frémit sous ses doigts , etc.
= M. Milcent , notre ancien compatriote ; tou-
jours jaloux d'entretenir avec ses confrères une
correspondance utile et agréable pour la Compagnie ;,
a, cette année, acquitté son sribut, comme il le
dit lui-même , par l'envoi de trois pièces de vers,
qui ont pour titre : Palémon et son fils, Asselin ,
le Lion et le Troupeau.
La première est une Id ylle imitée de Gessner ; où ,
comme dans l’auteur allemand, la nature se peint
sans aucune affectation.
La deuxième offre le trait courageux de ce bour-
geois de Caen, qui, en 1087, au milieu de ce der-
nier appareil sous lequel l'orgueil des Grands croit
déguiser la vanité des prétentions humaines ; ob-
ünt la restitution d’un champ de ses pères , en
vertu d’une clameur de ka-ro , interjetée sur la
bière de Guillaume-le-Conquérant , qui en avait été
l'usurpateur.
La verta du fils de Guillaume , remarque l’au-
teur en finissant , +
Et d’Asselin l’audace courageuse ,
Honorent plus Raoul, que ia pompe orgueilleuse
D'un monument que l’art eût porté jusqu'aux cieux,
Sans doute, Mais quel monument aussi que ce
vieux respect pour la justice d’un Prince, dont,
après tant de siècles , il suflit encore de prononcer
le nom en Normandie pour arrêter, du moins ;,
C76)
la marche de l’iniquité ! On doit savoir beaucoup
de gré à M. Milcent, depuis long-temps absent de
nos murs , de l’intérét-qu'il prend à notre histoire ,
et d’adoucir ainsi, par d'utiles souvenirs , le regret
de ne plus le voir dans nos rangs.
La fable du Lion et le Troupeau est un à-propos
que l'importance des conjonctures nous impose la
loi de transcrire toute entière.
Ls Lion ET 1e TROvPEAUv.
FABLE.
D'un Troupeau le Lion devint un jour le maître ;
Je veillerai sur vous , dit-il à ses sujets ,
En paix dans le bonheur vous vivrez désormais ;
Les loups n’oseront plus paraître.
Vous n’aurez plus besoin d’autre secours ;
Le berger qui vous tond , sa sévère houlette ,
Ces chiens hargneux qui tourmentaient vos jours,
Ne vous troubleront plus, bondissant sur l’herbette.
Dans les prés , dans les champs vous paitrez à loisir ;
J'aurai tous les soucis et vous tout le plaisir,
Ainsi le crut la douce et sotte engeance.
Chacun pensant lui devoir son bonheur ,
D'un si bon maitre adorait la puissance,
Ft disputait d'amour pour un tel bienfaiteur.
Cependant le Troupeau , sous l’œil d’un si bon maître,
Diminuait sensiblement ;
Mais chacun à part soi, satisfait du moment ,
À la cause du mal était indifférent,
Ou trop sot pour la reconnaitre,
(77)
Un Lionceau naquit ; grande fut la gaité.
On était si content du pére ,
Qu’on ne sut quelle fête faire
À ce nouveau garant de Ja prospérité,
Un seul mouton , moins crédule et plus sage ,
Dans la publique joie , étaittriste et réveur.
Chacun le crut jaloux de son bonheur ,
Et du Troupeau stupide il essuia la rage,
Il expirait : Ingrats , leur dit-il , que mafin,
Par un utile avis, soit pour vous profitable,
Le Lion était seul , partant chaque matin,
Deux d’entre vous figuraient sur sa table ;
Il en faudra quatre demain.
Je vous dirais bien à l’oreille ,
Le sens qu’en ce récit , j’ai voulu renfermer,
Et que vous devez présumer ;
Mais, chut ! le Lion dort, je crains qu’il ne s’éveille,
Cette allégorie représente évidemment le drame
sanglant dont la France a été si long-temps victime,
Mais une chose bien digne de remarque, c’est que,
quelques jours après l’envoi de M, Milcent, le lion
reatrait en effet dans la bergerie. Il y a long-temps
que les poëtes ne sont plus des prophêtes ; cepen-
dant il faut convenir qu’ils peuvent y voir quel-
quefois tout aussi elair que bien d’autres. Vous
vous souvenez, Messieurs , d'avoir applaudi, sur le
compte qui vous fut rendu de cette pièce, le 10 mars,
à la prévoyance de notre confrère et à son courage ;
car il y en avait alors. C'est un témoignage qu'on
doit lui rendre ainsi qu'à vous.
(78)
ACADÉMICIENS RÉSIDANTS:
M. Gourdin , vice-président, a ouvert la séance
de rentrée par un Discours qui embrasse à-la-fois
le triple objet des travaux de l'Académie.
Après avoir trouvé un nouveau motif d’émulation
pour le corps et pour chacun des Membres, dans
le titre d'Académie royale accordé par S. M.
Louis XVIII, M. Gourdin voit dans un long règne
de paix et de sécurité , promis par les vertus du
Monarque, une garantie puissante de nouveaux pro-
grès pour les sciences et pour les arts, et sur-tout
pour l’industrie manufacturière de notre départe-
ment. « Dont les progrès , dit-il , durant la tourmente
» révolutionnaire , ont produit des résultats éton-
» nants, et qui font le désespoir des nations voisines
» et rivales, »
La destinée deslettresne paraît pas à beaucoup près,
à l'orateur , aussi avantageuse : car elles ont perdu
beaucoup plus que les autres parties n’ont gagné.
« Mais quoi ! s’'écrie-t-il, nos grands modèles dans
» tous les genres d'écrire n’auront-iis plus de suc-
» cesseurs et de rivaux ? » Sans s'arrêter à cette idée
générale d'une sorte de fatalité qui entraîne succes-
sivement par-tout le dépérissement total des lettres ,
M. Gourdin nous rassure contre la terreur d’une dé-
cadence prochaine et complette, « parce que, dit-il,
» le mauvais goût, son avant-coureur ordinaire, n’est
» point encore dominant, ou du moins universel ».
Mais il ne craint pas d'affirmer que nous y inclinons
insensiblement ; et il en assigne plusieurs causes :
L'oubli des grands maîtres anciens et modernes ;
le mépris des convenances , qui confond tous les
'
4 (79)
genres dans un style à prétention, où l’on s’étudie
à déguiser la sécheresse des idées par la redon-
danee des mots ; enfin, le néologisme , cet ambitieux
ennemi du langage, qui, donnant à la permission
d'Horace une extension illimitée pour les expres-
sions et pour les tours , ne fait qu'embarrasser la lan-
gue , au lieu de l'aider et de l'enrichir.....
Chacun a reconnu dans ce discours la touche
naturelle et juste de plusieurs traités sur la traduction
et sur la rhétorique , qui ont acquis depuis longues
années , à notre ancien collègue, cette considération
littéraire qui le distingue.
= L'Académie , pour réparer les pertes qu’elle
avait éprouvées dans la classe des lettres et des arts,
qui n’est composée que d’un assez petit nombre de
Membres , a fait cette année la conquête de trois
hommes précieux , par des talents divers , mais égale-
ment recommandables, MM. Brière , avocat-général ,
Duméhnil , auteur du Poëme d'Oreste , et Lecarpentier ;,
peintre et professeur de dessin de la ville.
— M. Brière, ne se connaissant , a-t-il dit dans
un court remerciment adressé à la Compagnie , au-
cun titre purement littéraire, a attribué son élection
au désir d'encourager quelques succès obtenus dans
la magistrature , objet particulier de ses études dans
tous les temps....... C’est à ses yeux un puissant
motif d’émulation que de se trouver dans un corps
dont tous les Membres consacrent leurs soins aux
diverses parties d'agrément et d’atilité publique...
Ses eflorts auront constamment pour but de mériter
de chacun toute la bienveillance que l’Académie
entière lui a témoignée.
— Laréponse de M. Gourdin, vice-président, porte
eu substance,que la manière distinguée dont M. Brière
(80 )
a rempli, dans ce département, divers emplois de
la magistrature , ne permet pas de douter qu'il p’ait
en effet paruiculièrement approfondi les principes de
la législation et des lois, mais que l'Académie a vu dans
le magistrat obligé par état à se produire , l'homme
instruis et let'ré, qui laisse souvent échapper le secret
de plus d’un genre de talent, La France montre
avec orgueil des litérateurs du premier mérite
parmi les plus grands hommes que le Barreau a
produits : M. Brière peut marcher avec honneur sur
leurs traces , et il trouvera dans ses confrères, des
hommes aussi disposés à l'entendre qu'ils ont mis
tous d'empressement à l'adopter.
— M. Duménil, en offrant son hommage de récep-
uon , a jeté un coup-d’œil rapide sur les avantages
qu'on peut trouver dans l'ensemble des réunions
littéraires en géneral, énuméré ceux qu'offre en
particulier PAcademie de Rouen , et pris l’engage-
ment formel de suivre exactement, pour son utilité,
le cours des séances , dont il paraît lui seul ne pas
s'apercevoir qu'il doit faire un des principaux orne-
ments. La sincérité des sentiments trouve sa garantie
dans le naurel même et la noble simplicité du style.
Beaucoup auraient bien voulu , sans doute, qu'en
réduisant à la nullité absolue le succès des premiers
essais de sa muse , notre collègue n’eût pas donné
une sorte de démenti si formel à taut de personnes
instruites , qui s'obstinent à voir des preuves d’un
talent assez rare, dans ce Poème d'Oreste , que l’on
devra toujours mettre au nombre des débuts mar-
quants d'une aussi grande jeunesse, dans une car-
rière aussi difficile et aussi périlleuse que l'épopée.
— Danssa réponse au récipiendaire, M. le président,
Baron de la Martel, après être convenu de Putilité
des réunions littéraires, auxquelles il a eu la modestie
de
(81)
de se croire aussi redevable de quelque chose, en
asignalé tous les avantages, en les suivant dans une
longue suite de siècles, depuis le portique jusqu'au
règne de Louis XIV , et à l'époque même de linstitu-
tion de l'Académie de Rouen, dont il rattache l’exis-
tence aux deux Corneille, par la correspondance
de notre premier fondateur avec Fontenelle , notre
compatrioteetleurneveu; puis, revenant à M. Dumé-
nil, à qui il a présagé des succès mérités par le
talent et la constance : « N'en doutez pas, Monsieur ,
» a dit M. le Président , vos efforts seront couronnés.
» Déjà votre nom est connu dans la république des
» lettres ; désormais vous parcourrez la carrière
avec confiance , et l’Académie aura aussi sa part
de votre gloire. »
— Dans son discours d'entrée au sein de l'Aca=
démie , M. Lecarpentier commence par lui faire
honneur du premier établissement et des progrès
successifs , durant une longue suite d'années, du
Jardin botanique de Rouen, objet d'utilité pour les
citoyens et de curiosité pour les étrangers. Puis
ilentre dans sa propre carrière , en traçant un tableau
intéressant de la marche des arts de la peinture et
du dessin dans notre ville. « La plupart des ou-
» yrages en peinture , dit notre collègue, échappés
» aux ravages du temps, et que j'ai recueillis dans
» divers monuments publies de ce département,
» ne commencent à présenter quelque intérêt que
» depuislerègne de Henri IV, Les tableaux antérieurs
» ne fournissent à l'observation que des données dou-
» teuses , et se trouvent souvent entachés du style
=
-
»”
-
» gothique, etd’untrès-mauvais goût. Ce fut sur-tout
» vers la fin du règne de Louis XIII que la peinture se
» montra tout-à-coup avec une sorte d'éclat.....»
Ensuite l'auteur passe en revue les artistes les
F
( 82 )
plus distingués à qui la ville et le département s’hono-
rent d'avoir donné l’asyle ou la naissance, Le Tellier,
Saquépée , la famille Jouvenet , Jouvenet lui-même,
Restont, Le Romain , reçoivent successivement un
tribut de reconnaissance proportionné à leurs talents
et à leurs services , de la part d’un artiste en état
d'apprécier les uns et les autres.
Ici M. Lecarpentier, qui chérit sincèrement tout
te qui tient à son art , n’a pas laissé échapper un
à-propos qui a flatté toute lassemblée : c'est un
souvenir trés - honorable et bien mérité d’un jenne
étranger qui , au commencement du XVliieme
siècle , vint ranimer le goût languissant de la pein-
ture et du dessin dans nos murs, je veux dire de
M. Descamps, père, fondateur de l'Ecole de Rouen,
et dont M. de Sesmaïisons n’a pas trouvé leloge pro-
posé en 1808 , par l'Académie , indigne une élo-
quente et heureuse production de sa plume.
— « C’est à vous ; a répondu M. le Président, qui
avez déjà enrichi la littérature de la vie de plusieurs
peintres célèbres, qu’il appartient de rappeler à notre
pensée les hommes qui ont illustré notre ville. » Puis
après avoir établi , par l'usage dans l'emploi des
mots, la connexion qui existe entre les scieuces ,
les lettres et les arts, et que démontrent les poëmes
de Dufrenoi, de Watelet et de l'abbé de Marsy ,
M. le président termine par une exhortation à M.
Lecarpentier de continuer à manier avec la même
constance , « le crayon , la plume et le pinceau,
» dont les productions avaient , déjà depuis long-
» temps, marqué la place de notre nouveau con-
» frère au sein de l’Académie, »
= M. Gosseaume, qui se plaît toujours à remonter
aux principes fondamentaux de la morale , source
(85)
unique de la sublime et véritable éloquence , a
fixé l'attention de l’Académil sur un Æ£ssai de tra-
duction du Pseaume 155. Il est imprimé à la suite
de ce Rapport.
— L'Académie doit aussi à M. Gosseaume le
deuxième volume de l'analyse général des travaux
de la Compagnie , antérieurs à 1805. Ce second
volume , rédigé comme le premier , par les soins
de notre infatigable confrère , contient les dix années
de 1751 à 1760 inclusivement. Le préliminaire offre
d’abord des observations sur l’ordre des matières ;
et, à cet égard , le seul nom du rédacteur est une
assez bonne garantie. En second lieu , une suite de
la partie historique de l'Académie ; et là, toujours
attentif à l'honneur du corps, qui s’alimente de l’es-
time méritée par chacun de ses membres ;» M. Gos-
seaume recommande , par le détail d'importants ser-
vices , la mémoire précieuse de MM, Pingré, Maillet
Duboullai, Lecat et Dulague , dont les travaux sont
encore aujourd’hui le plus beau titre de l’Académie
à la considération de notre âge.
L'auteur termine ce préliminaire en associant à la
reconnaissance du corps , noire confrère , M.
Meaume, à qui il se reconnait redevable, dans la
rédaction de ce volume, de tous les extraits tirés
des Mémoires relatifs à l’astronomie.
= La Bibliothèque de cette ville doit à l'active
sollicitude de M, le baron de La Martel une quantité
considérable d'ouvrages sur diverses espèces d'an-
tiquités, dont S. Exec. le Ministre de l'Intérieur
a daigné l'enrichir au mois de janvier de la présente
année,
= M: Courdin, en sa qualité de bibliothécaire ,
F 2
(84)
a occupé trés-utilement une partie de plusieurs de
nos séances par la lecture d'une foule de notices
tirées de ces divers ouvrages , et dont la précision,
requise dans un travail si étendu, se refuse à toute
espèce d'analyse.
Cependant une lettre de M. de Sacy , où ce savant
annonce que, sur un monument découvert près de
Rosette, on a trouvé les caractères grecs, l'écriture
épistolique et les hiéroglyphes des Egyptiens réunis
dans deux inscriptions différentes , a donné lieu à
des Réflexions plus développées de la part de notre
collègue. Ces Réflexions sont imprimées à la suite
de ce Rapport.
= L'Académie a reçu de M. Lecarpentier , l'hom-
mage d’un volume de sa Galerie des peintres célèbres ,
avec un portrait de Fragonard , gravé par le même,
à l’eau forte.
Notre collègue a aussi répandu beaucoup d'intérêt
sur un grand nombre de nos Assemblées, par la
lecture des productions de sa plume facile et élé-
gante , comme le génie de la peinture , qui semble
par-tout lui prêter ses riantes inspirations et le ton
gracieux. de ses images. C’est particulièrement dans
l'Essai sur le paysuge, espèce de poème didactique
sur la peinture et le dessin , que vous avez remar-
qué, Messieurs , combien la plume d'un artiste est
riche , féconde et variée , lorsqu'il s’agit de repré-
senter les grands effets de cette partie brillante et
inépuisable de la nature. Mais toutes ces compo-
sitions , aujourd’hui connues et justement appré-
ciées par le public, ne nous laissent plus ici que
des remerciments à faire à l’auteur , et des vœux
à former pour avoir bientôt les prémices de quelques
autres.
(35)
— M. Marquis , qui sait allier le talent d'écrire
à l'art de la botanique et de la médecine , vous a
donné lecture d’un Dialogue sur l’art de guérir,
entre Chyron et Podalire. Ce dialogue, tiré d’un
ouvrage récemment imprimé, dont notre confrère
est l’auteur , offre à-la-fois une réunion de con-
naissances précieuses et une grande élégance d’é-
locution. Une imagination brillante et gracieuse y
fait disparaître entièrement toute l'austérité du sujet ;
et le bon choix des périphrases , joint à la pudeur
des expressions , adoucit très- agréablement l’idée
de ces maladies honteuses, dont les noms les plus
décents sont encore si difficiles à prononcer et à
entendre. Mais la manière dont M. Marquis a eu le
talent de les faire prédire par Esculape , comme
une suite de l’intempérance des générations futures,
nous a paru tout-à-fait ingénieuse et poétique. Ainsi
nous ayons une transition naturelle pour passer aux
ouyrages en vers.
Ouvrages en vers.
La moisson n’est pas considérable, Messieurs , mais
c'est beaucoup lorsqu'elle est bonne. Les poëtes,
souvent comme les abeïlles, se mettent en cam-
pagne au printemps; et l'orage est venu avec la
saison des fleurs.
— M.CGuttinguer a communiqué à la Compagnie une
fable intitulée : Le Pavot et le Fumier , qui sera
lue par l’auteur dans cette séance. Elle est imprimée
à la suite de ce Rapport, ainsi qu'une autre pièce
intitulée : Vers improvisés devant la statue de
Henri IF, par le méme.
F 5
(86)
= Quelques pièces d'ur recueil de fables et poésies
Jugitives, lues par M. Duputel à différeutes séauces,
et accuelles dans l'Academie par des témoignages
d'uné satisfaction universelle , semblent prouver
qu'il y aurait encore des places à donner , assez
près de nos meillears auteurs, dans ce joli genre,
Facilité , finesse , rapidité dans le trait, qui sou-
vent conduit, d’une manière insensible , à urie con-
clusion piquante et inattendue : telles sont les qua-
lités qui paraissent composer la physionomie par-
ticulière de ces aimables productions , dont le publie
commence à entrer én jouissance, |
A tant de titres que réunit M. Duputel , à la
gratitüde de ses collègues , nous ajouterons une
Elégie toute récente , soûs le titre de Ftore aux
Français, terminée par un bouquet poétique ; et
qui semblerait sortir de la bannette de Flore méme.
Cette pièce est imprimée à la suite de ce Rapport;
ainsi qu'une lettre de Charlotte Corday à son père;
du même auteur.
— La Muse de notre confrère M. Figné vient
aussi de s’essayer sur le même sujet, dans une pièce
intitulée, la fiolerte et le Lis , qui, comme la
premiére , a pour objet la. paix imérieure, après
laquelle tous les bons esprits soupirent , et la réuniôn
de toutes les volontés autour de lauguste héritier
de notre ancienne Mouarchie. C'est rappeler la
poésie à sa primitive institution , et de bien loin
sans doutæ,; que de la faire servir au maintien des
prineipes d'ordre et de morale, seulegarantie solide
de a stabilité et du bonheur des nations, On trouve
dans cette pièce, sans parler des sentiments, toujours
infiniment purs qui distinguent la belle âme de
M. Vigné, grand nombre®dé vers naturels qui
ne sentent ni le trayail ni la gêne, Par exemple :
(87)
« Louis, de ses sujets la gloire et l'espérance ,
» Vient mettre un terme à leur souffrance,
» Avec lui reparaît , au gré de leurs désirs ,
» La Paix, la douce Paix , la mère des plaisirs,
» La vaillance et l'honneur triomphent de l’audace :
» Souverains et sujets sont remis à leur place ;
» Et l’amitié descend au milieu des Humains,
Mais un mérite particulier aux vers denotre collègue,
c’est d’avoir produit 515 francs au profit des indigents.
Quelle ressource pour les malheureux, si la moitié
de ceux qui font aujourd’hui des vers leur donnaient
une pareille destination ! M. Periaux , notre confrère ;,
a voulu partager le plaisir de la bienfaisance , en
imprimant gratuitement cette bonne petite Pièce,
| =
= Vous avez aussi, Messieurs, entendu les sons
mâles de la trompette héroïque. M. Pierre Duménil
vous a lu plusieurs morceaux de son nouveau Poëme
épique ( Jeanne d'Arc ) , sujet vraiment national,
et qui, suivant les premières données , promet beau-
coup du côté de la sagesse et de l'élévation du style.
Ce n’est point ici de eeute pogsie descriptive , de-
venue Ja manie particulière d’un siècle où le sen-
timent semble s'épuiser à force d'être exercé. Notre
collègue va vous donner lecture de deux autres
fragments du même ouvrage, qu'il a extraits pour
cette séance. Ils sont imprimés à la suite de ce
Rapport,
F 4
(88)
Arts et Antiquités.
Une Commission , composée de MM. Gourdin,
Vauquelin » Descamps et Théodore Licquet, avait
été nommée par la Compagnie, sur la demande de
M. le Préfet, comte de Girardin, pour la recher-
che des monuments qui rappellent la mémoire de
nos anciens Rois; cette Commission a reçu, par
une lettre de M. le Préfet, des témoignages de
satisfaction qui prouvent à-la-fois et l'utilité de ses
services et l'attention délicate du Magistrat qui les
dsné.
= M. Pinard de Bois - Hébert a présenté à Ja
Compagnie un petit instrument de métal, pointu
par un bout et applati par l’autre, d’environ vingt
centimètres de longueur , et de la grosseur d’une
plume,, trouvé lhiver dernier dans un antique
SAS à sa campagne du Grand-Couronne.
Notre ÉiYrare prenait cet instrument pour celui
dont. les Romains se servaient pour écrire et effacer
‘sur leurs tablettes. L’Assemblée a reconnu , en
elret que c'était un véritable style.
Éa mauère analyste par M. Vitalis , Secrétaire
des sciences , à donné du zinc et du cuivre rouge ;
et le crayon de M. Marquis en a perpétué le déssin
dans vos archives.
= M. Auguste Le Prevost , dont M. l'abbé Bâton
avait piqué la ‘curiosité, en annonçant précédem-
ment des tombeaux de pierre trouvés en plain champ
à Saint-André-sur Caily , n’a pas négligé de pren-
dre de nouveaux renseignements sur cet objet.
Ayant appris de M. Delaquesnerie , propriétaire
( 89 )
distingué de l'endroit , qu’on avait découvert auprés
des tombeaux un pavé de mosaïque d’une dimen-
sion encore inconnue , il s’est transporté sur les
lieux avec M. Delaquesnerie et M. le baron de
Aloutville.
Laissons M. Le Prevost rendre compte lui-même
du résultat de cette opération.
« Nous avons fait aggrandir en notre présence ,
dit-il , les fouilles déjà faites depuis quelques jours ;
par le propriétaire , jusqu’à ce qu’elles présentassent
un espace d'environ vingt pieds sur quatorze à
quinze. Elles nous ont oflert alors un pavé en mo-
saïque , continu , et renfermant les dessins qui se
trouvent ci-joint.
» Ces mosaïques étaient formées de petits mor-
ceaux de pierres noires et blanches.
» En faisant des trous à divers endroits du champ ,
nous y avons trouvé des extensions de la même
mosaïque , dans un espace de plus de soixante pieds.
Elle paraît y avoir formé le pavé d'un grand édi-
fice ou de plusieurs appartements contigus. .
» Sur la mosaïque se trouvaient beaucoup de
débris de marbre précieux, tels que marbre blanc
à grains fins, brèche blanche et violette, marbre
rouge , tacheté de diverses couleurs. Plusieurs
de ces marbres étaient ornés de moulures et parais-
saient avoir servi à décorer des pièces d’architec-
ture. J'ai l'honneur de yous en soumettre quelques
échantillons.
» La mosaique est assise sur un fond de ciment
d'environ deux ou trois pouces d'épaisseur. Immé-
diatement au-dessous on retrouve la terre franche.
» Aux environs de ce payé , que nous ayons
supposé devoir être d'environ cent pieds dans sa
plus grande dimension | se trouye beaucoup de
(90 )
débris de muraille , de scories, dustuc vert, du stuc
rouge , avec des peintures blanches , des briques et
tuiles antiques. On y a aussi trouvé des médailles ,
(mais nous n'avons pu nous les faire représenter )
et de la poterie romaine, sur laquelle le proprié-
taire dit avoir vu des dessins, Ce serait alors de
ces vases qui sont vulgairement, mais fort impro-
prement, nommés étrusques.
À une cer'aine distance , dans une cour apparte-
nant à M. Le Noble , se trouvent des traces de
fortifications qui ne présentèrent à l'examen, à la
véritétrès-superficiel que nous en fimes , aucune diffé-
rence avec les ruines de ce genre appartenant
au moyen âge.
» Nous avons vivement regretté que l'avancement
de la saison opposât un obstacle invincible à Ja
continuation immédiate de nos recherches sur les
antiquités de Saint-André. Nous nous proposons
de les reprendre aux premiers beaux jours, et je
mettrai le plus grand soin à instruire PAcadémie
du résultat qu'ils produiront. »
Les lumières et l'activité de M. Le Prevost au-
torisent à croire qu’il saura tirer parti d'une mine
qui paraît devoir être bien féconde , et les dessins
qu'il a déposés pour les archives, sont une preuve
du grand intérêt qu'il attache , avec toute l'Aca-
démie , à cette nouvelle conquête.
— Notre collègue a aussi présenté une série de
Réflexions sur les Antiquités des départements de
VEure ét de la Seine-Inférieure , et notamment
sur les restes d’Agnès Sorel , qu’il croit avoir été
déposés dans l'abbaye de Jumiéges. Ces Réflexions
sont imprimées à la suite de ce Rapport:
— M, Revers, de Pont-Audemer , correspondant
Car)
de lInstitut , admis à une de vos séances , a donné
communication d'un Mémoire intitulé : Vorice sur
les antiquités de Juliobona.
D'après les témoignages et le rapprochement des
assertions de divers écrivains sur cette ancienne
ville |, lPauteur ne fait aucun doute qu’elle mait
dû exister dans le lieu qu’occupe aujourd’hui le
bourg de Lillebonne , proche le Havre-de-Grâce.
De la position géographique, M. Revers passe à
son objet principal , la rectification de quelques-
uns des détails publiés par M. de Caylus , sur les
ruines de Juliobona ; et il prouve, d'une manière
assez péremptoire, que l'on s’est trompé dans la
description du théâtre , et que les restes des tours
et du château , pris pour des constructions romaines ;
ne sont réellément que des constructions gothiques
et du moyen âge.
Une troisième partie de la notice est consacrée à
faire connaître , par des dessins et des explications,
un grand nombre d’objets remarquables, trouvés
par l'auteur , Gans les déblais de ces vieux monu-
ments. Les inscriptions qui s’y lisent sont inter-
prétées d’une manière ingénieuse et en même-temps
solide, autant, du moins, que la matière peut le
permettre , et avec cet air de bonne foi, qui »
souyent en pareil cas, persuade beaucoup mieux
que des démonstrations prétendues rigoureuses ,
et dont l'auteur le premier aura lui - même été Ja
dupe.
Ce Mémoire, assez considérable et destiné à
l'impression , ne peut manquer d'être accueilli
des savants avec un intérêt commandé par le sujet
et par la réputation même de son estimable auteur.
— L'Académie est encore redevable au zèle de
M, Revers, pour la propagation de la science qu'il
(92)
cultive avec tant d’'ardeur et de succès ; d’un
modèle de petite dimension, en plâtre, d’an autel
destiné au sacrifice nommé Taurobole, C'est au
mônt Dol, département d'Ille-et-Vilaine, que M.
Revers à découvert cet antique et assez rare mo-
nument, Vous avez entendu , Messieurs, une partie
d’une dissertation curieuse sur l'autel, sur l’origine
et le mode , sur le but religieux et politique de
cet étrange sacrifice; mais le temps vous a envié
le plaisir d'entendre le reste, et la dissertation n’a
point été remise à votre secrétaire.
Ici, Messieurs, finit ma tâche; ct, après vous
avoir fait sentir dès le début le tort qu’a pu faire
à nos paisibles travaux de cette année une crise
politique des plus alarmantes , il ne me reste plus
qu’à livrer à vos douces méditations les consolations
que nous offre le retour d’une tranquillité si avan-
tageuse pour la culture des sciences , des lettres et
des arts, sous les auspices d'un Prince intéressé
par ses propres goûts à les encourager dans les autres.
Len hs sb 2 21
Concours POUR 1816.
L'Académie avait proposé pour cette année l’Eloge
de Bernardin de Saint-Pierre. Un seul concurrent
a fixé l’attention des Juges , mais n’a point atteint
le but. Il a cependant obtenu une mention honorable.
L'ouvrage porte pour épigraphe :
JI peignit la natare et brisa ses pinceaux,
Mais , attendu que le sujet est important, et que
d’ailleurs il s'est encore présenté des concurrents
(93)
depuis la clôture du concours , l'Académie pro-
pose une seconde fois l'£loge de Bernardin de Saint-
Pierre pour l'année 1816.
Le prix sera une médaille d’or de la valeur de
500 fr., qui sera décernée dans la séance publique
de 1816.
Les membres résidants sont seuls exclus du con-
cours.
Les manuscrits seront adressés , francs de port,
à M. Bienwon , Secrétaire de la classe des belles-
lettres , avant le 1° juin 1816. Ce terme sera de
rigueur.
L'auteur mettra en tête de son ouvrage une
devise qui sera répétée sur un billet cacheté, où
il fera connaître son nom et sa demeure. Le billet
ne sera ouvert que dans le cas où le poëme aura
remporté le prix.
MÉMOIRES
Dont l'Acadeèmie a délibéré l'impression
en erdier dans ses Actes.
NOUVEL ESSAI
Sur la Poësie sacrée des Hébreux.
Par M. GossEAumes.
MESSIEURS,
J’ai eu l'honneur de vous entretenir plus d’une
fois de la poésie sacrée des Hébreux , et vous avez
admiré ayec moi la merveilleuse fécondité des écri-
vains de cette nation , qui , dans cette carrière
épineuse et brillante , avaient devancé de tant de
siècles les premiers poëtes de la Grece , encore
n’ayais-je à vous offrir que la traduction d’une tra-
duction, qui même, en exprimant fidèlement les
pensées , ne pouvait rendre les belles formes et le
coloris brillant de l’original, tant il est vrai que ce
qui est essentiellement beau se fait estimer jusque
dans ses plus faibles esquisses.
(95 )
Rei Lonæ vel vestigia delectant.
L'Essai de traduction du Ps. 67 vous offrait ,
Messieurs, le mouvement , la chaleur et l'élévation
de POde , en même-temps qu’il donnait une explica-
tion littérale de quelques versets , considérés jusque-
là comme inintelligibles. L'Essai sur le Ps. 105
vous a offert les grâces naïves de l’Idvylle dans la
peinture des productions et des opérations de Ja
nature sans cesse subordonnées à la sagesse de son
auteur.
Dans le nouvel essai de traduction que j'ai l'hon-
neur de vous présenter aujourd'hui, le Ps, 158 va
nous donner une idée de lPimmensité de la divinité,
de sa puissance créatrice ,; de sa présence uni-
vercelle , et de la perspicacité qni lui fait pénétrer
le secret de nos cœurs, en d/pit du silence et de
lPobseurité dont on chercherait vainement à les en-
velopper. ”
Mais on se tromperait beaucoup si on estimait
que le travail se borne ici à la fidélité et même à
l'élégance de la traduction : le cantique dont nous
pons occupons contient des versets très-difliciles à
entendre , J'oserais même dire contradictoires avec
d’autres versets du même recueil dans la version
vulua e. Il est donc nécessaire de les soumettre au
creuset de la critique , pour decouvrir la canse
de l'erreur qui, toutefois , m’existe que dans Pac-
ception sp ‘ciale de quelques mos équivoques dans
lhébreu er detonrués du sens naiurel qu'ils doivent
conserver à la place où ils se trouvent.
Ce sera le sujet d'un examen sérieux de ces versets
difficiles , et c'est par cet examen que je me pro-
pose de commencer. Les diflicultés une fois levées ,
vous pourrez , Messieurs, juger de la régularité de
Vers,
. (96 )
l'ensemble , sans être arrêtés par l'obscurité de
quelques parties isolées.
J'ai, pour autorité de mon interprétation , les sa-
vantes versions de saint Jérôme, du P. Houbi-
gant, celles des PP. Capucins de la rue Saint-Honoré ,
et enfin celle faite sur l'arabe , et imprimée à Rome
en 1614, auxquelles j'ai joint les variantes et notes
de Bossuet et de Sacy, sur la version vulgate. Ma
critique au surplus est purement grammaticale , et
je la sacrifierai volontiers à toute autre plus littérale
et plus lumineuse que la mienne.
2. Tu cognovisti sessionem meam et resurrectionem
meam , ne peut s'entendre que du travail et du
repos , du sommeil et de la veille. C’est dans le
même sens qu’il est dit, Ps. 127 : #anum est vobis
ante lucem surgere, surgile postquäm sederitis qui
manducatis panem doloris, etc.
4. Quia non est sermo in lingu& me&, pour et
nondum erat sermo in lingu& med.
6. Mirabilis facta est scientia tua ex me , etc. Id
est de me, et excedit facultatem intelligentiæ mec.
9- Diluculo pro oriente, extrema maris pro occi-
dente, Tournure assez commune dans l'Écriture.
11, Vox illuminatio mea in deliciis meis. Id est
nox quoque erit lux circà me. S.-Jér., cap.
15. Possedisti renes meos. Id. e, intima mea. Boss.
Suscepistime. Orsus es me. S.-Jér.
15. În inferioribus terræ pour in abscondito , in
utero. Vers Chald. :
16. Dies formabantur et nemo in eis. Ce verset
est sans doute un des plus difficiles; il suffira, pour
le prouver , d'offrir ici les différentes versions que
nous en avons. ce Informem ad huc viderunt me
oculi tui , in librotuo omnes scribentur dies formati
sunt et non est una in eis, S.-Jér.
In
(97)
In libro tuo omnes coazmentfationes meæ scribe-
bantur , dies mei in fusciculo erant et ne unus quidem
ex illis defuit. Houbig.
Za lib-o tuo omnia scribunrrr , in dies formantur
nec ( deerit ) unum ex eis Capuc.
Ea omnia sunt in libro tuo : tu es Creator dierum ,
dum non erat in eis homo. Vers. ex arabo lat,
Quelqu’obseure que soit la version vuiga'e , c’est
encore celle dout le sens me paraît le plus naturel,
celle qui offre use idée plus élevée de la connais-
sance illimitee de l'Eternel. Essayons de traduire
litéralenient :
Imperfectum meum ( pro me) niderunt oculi tui:
Vos yeux n'ont vu pleinement lors même que
j'étais encore imparfait. In libro tuo omnes où omnia
scribentur : tout est écrit dans votre livre , même
les jours qui seront formés , et personne w’en jouit
encore. Et en appropriant ce sty le décousu au
génie de la langue française,
Tout imparfait que j'étais , votre œil pénétrant
distinguait toutes mes parties , j'étais enregistré dans
votre livre où tout est écrit, et l'avenir lui-même,
dont personne ne jouit encore. Ce verset , ainsi
qu'il est aisé de s’en convaincre , concorde parfai-
tement avec les ŸY. 3,4, 5, et donne une idée su-
blime de la perspicacité et de la prescience de Dieu.
17. Mihi autem nimis honorificati sunt tui Deus
nimis confortatus est principatus eorum. Ce verset est
à-peu près inintelligible dans la Vulgate , et forme
une espèce de hors-d'œuvre étranger à tout ce qui
précède et ce qui suit. D’un autre côté , il est bien
difficile de concevoir comment David dirait ici, en
parlant des amis de Dieu, que leur nombre et leur
influence sont multipliés outre mesure: nimis confor-
tatus est principalus eorum, lui qui, par-tout ailleurs
[l ; » P ,
G
Ps. tr.
Ps. 13,
Houb. 1.
Be Ce 27 »
. 14,
( 98 )
se plaint de la rareté des hommes de bien : Defecit
sanctus, diminutæ sunt veritates à filiis hominum.
Mon est qui faciat bonum non est usqne ad unum,
Mais ne mettons pas sur le compte de l'Écriture ce
qui n'est que l'acception vicieuse de l'un des deux
sens d’un mot équivoque. ehe , en hebreu , si-
guifie ami et pensée. La Vulgate a adopté la première
acception, adoptons la seconde avec le P. Houbigant,
et nous verrons naître uve reflexion bien naturelle
à la suite du beau verset qui précède , et en har-
monie avec tout le pseaume. « Que vos conceptions
sont admirabies , Seigneur , et que leurs résultats
sont nombreux ! © guam pretiosæ sunt mihi cogita-
tiones tvæ , etc. | Houb. Voudrais-je les compter ?
Ils sont plus nombreux que les grains de sable. »
20, Accipitnt in vanitate civitates tuas. Ce mot
vanitus se prend souvent dans Écriture pour Pido-
lâtrie. C'est dans ce sens que saint Jérôme traduit :
« Qui contradicunt tibi scelerat à. » R. Lowth s'exprime
de même : « Qui te nominant ad fraudem et pejerant
per urbes.
24. Et deduc me in vi& æœterr& « in pristinum
statum ,; Cap, » ad terminos vitæ consuetlos. C'est-
à-dire à l’état de calme et de tranquillité que les
persécutions qu'on lui suscite lui ont fait perdre .
et qui finiraient par abréger ses jours. Ÿ. 21:
( 99 )
PSEAUME 138,
Selon la Vulgate.
I. Domine probasti me,
et cognovisti me :
2, Tu cognovisti sessio-
nem meam , et resurrectio-
nem meam,
3. Intellexisti cogitatio-
nes meas de longè : semitam
mean , et funiculum meum
invéstigasti.
Le,
4. Et omnes vias meas
previdisti : quia non est
sermo in lingud med.
5. Ecce tu Domine co-
gnovisti omnia novissima F
et antiqua : tu formastime ,
et posuisti supèr me manum
luam,
G. Mirabilis Jfacta est
scientia Lua ex me : confor-
lala est, el non potero ad
eann.
7 - Quo ibo à spiritu tuo ?
el quo à facie tuñ fugiam,
Essar DE TRADUCTION.
Argument selon Bossuet :
Calomnié par ses ennemis auprés de Saul,
David invoque le Seigneur, témoin d,
son innocence ; il reconnaît en lui son
créateur ; son conserrateur et le scru-
rateur deses pensées les plus secreres y
etc.
1, Seigneur , vous m'avez
suivi pas à pas, et vous connais-
sez le fond de mon ame.
2. Soit que je dorme ou que
je veille , toutes mes affections
vous sont connues,
5. Vous connaissez depuis
long - temps mes plus secrètes
pensées ; vous n’ignorez aucunes
de mes démarches , et vous en
pénétrez les intentions,
4. Je dirai plus , vous les pré-
voyiez avant que ma langue arti-
culàt ses premières paroles,
5, Oui , Seigneur , vous
connaissez également et l’avenir
et le passé : c’est vous qui m'avez
créé , et je suis l’ouvrage de vos
mains,
G. Cette science merveilleuse
excède la faiblesse de mon intel-
ligence , et je ferais de vains
efforts pour en sonder la pro-
fondeur,
7. Mais où irais-je pour trou-
ver les limites de votre sagesse
et me soustraire à vos regards ?
G 2
. { 100 ) *
8. Siaccendero in cælum,
tu illic es : si descendero in
infernum, ades.
9:+ Si sumpsero pennas
meas diluculo ; et habitavero
in extremis maris.
10. Et enim illuc manus
tua deducet me : et tenebit
me dezxtlera lua.
11. Æt dixi ; forsitan
tenebræ conculcabunt me :
et nox illuminatio mea in
deliciis meis.
12. Quia tenebræ non
obscurabuntur à te , et nox
sicut dies illuminabitur :
sicul tenebræ ejus , ila et
lumen ejus.
1.3. Quia tu possedisti
renes meos : suscepisli me
de ulero matris meæ.
1 4. Confitebor tibi, quia
Lerribilitèr magnificatus es :
mirabilia opera lua , et ani-
ma mea COZgnOSCiL nimisse
15. {Von est occultatum
os meum à Le , quod fecisti
in occullo : et substantia
mea in inferioribus terræ,
8.Si je m'élève dans les cieux,
je vous y trouve ; si je descends
dans les enfers , je vous y trouve
encore,
9 Que des portes de l’orient
je m’élance d’un vol rapide vers
celles de l'occident ;
10. Ce sera vous, Seignew,
qui serez mon guide , et votre
bras me soutiendra durant ma
course.
I 1. Si j’osais dire : peut-être
les ténèbres me déroberont-elles
aux regards de l’Eternel : les té-
nébres elles-mêmes éclaireraient
mes démarches,
12, Les ténèbres pour lui
n’ont plus d’obscurité ; pour lui
les ténèbres et la lumière sont
une même chose,
13. Vous connaissez , Sei-
gneur, mon organisation intime ;
vous avez ourdi la première
trame de mes jours,
1 4. Je vous glorifierai donc
sur ces étonnantes merveilles ;
vos ouvrages sont admirables :
c’est une vérité dont je suis
pénétré,
1 5. Pourriez-vous ignorer le
nombre de mes os que vous avez
formés dans le silence , et lorsque
je végétais dans la plus profonde
obscurité,
(F0)
16. Imperfectum meum
viderunt ocult lui , in
Libro tuo omnes scribuntur :
dies formabuntur , et nemo
in ets,
17. Mihi autem nimis
honorificali sunt amici tui
Deus :
est principalus eorum.
18. Dyÿnumerabo eos , et
supèr arenam, multiplica-
nimis confortalus
buntur : exurrexi, et adhuc
sum lecunt.
19: Si occideris Deus
peccalores nl virt San Suinunr
declinate à me.
20. Quia dicitis in cogi-
tatione : accipient in vanitate
civilates tuas,
21. /Vonne qui oderunt
el
supèr inimicos Luos tabesce-
te Domine , oderam
bam.
22. Perfecto odio ode-
ram illos : et inimici facti
sunt mihi.
253. Proba me Domine ,
et scilo cor meum : interroga
me ,; el cognosce sernilas
MeGss *+
16. Tout imparfait que j’é-
tais , votre œil pénétrant distin-
guait toutes mes parties ;
enregistré dans votre livre où
j'étais
tout est écrit jusqu'aux secrets de
l'avenir qu'aucun mortel ne peut
atteindre,
17. Que vos conceptions sont
admirables , 6 mon Dieu ! qu’elles
sont fécondes en résultats variés !
18. Tenterais-je de les sou
mettre au calcul? J'aurais plutôt
compté les grains de sable de la
mer : dès mon réveil ces idées
magnifiques se présentent à ma
pensée.
19: Puisque vous exterminez
méchants , hommes
les san-
guinaires , éloignez - vous de
moi !
20. Ils osent insolemment
blasphèmer contre vous , et pro-
fesser leurs impiétés jusques dans
vos villes,
21. Pour moi je hais sou-
verainement ces ennemis de votre
nom , et leurs excès me fontsécher
de déplaisir.
22. Oui , ma haine contre
eux est implacable : ils sont de-
venus mes ennemis personnels.
253. Examinez- moi donc ,
Seigneur , interrogez mon cœur ,
observez toutes mes démarches.
G3
( 102 )
24. Et vide si via ini- 2 4. Etsi , dansma conduite,
quilatis in me est : el deduc àl n'y a rien de criminel, faites-
me in via ælerna. moi donc enfin marcher dans les
sentiers du bonheur.
Je ne me permettrai , Messieurs |, aucunes ré-
flexions sur la beauté de ce cantique ; mais, ou je
me trompe bien fort, ou dans l'antiquité profane il
n'existe rien qui puisse soutenir le parallèle. Que
serait-ce si javais eu le talent d'exprimer les images
qu’il renferme avec ce style de feu qui , suivant
l'expression de Ecriture , a servi à les tracer:
,
Tgnitum eloquium vehementer ;
et si le besoin de me rendre intelligible ne m’a-
vait fait sacrifier ce laconisme oriental si brillant
et si fecond à-la-fois? Mais notre langue , sous cet
aspect sur-tout, est trop éloignée de la langue hé-
braïque , plus énergique que précise , plus pittoresque
que verbeuse. J'ai dû faire mon étude principale
d'en exprimer fidèlement le sens ; heureux si le
succès a répondu à mon zèle,
( 205 }
Pad nd
R ÊE LH EUIOINS
Sur les différents genres d’écritures en usage chez
les Egyptiens , à l’occasion de celles qui se trou-
vent dans un Monument trouvé à Rosette , lors de
l'expédition des Français en Egypte ;
Pr M. GourpDi».
Parmi les ouvrages dont S. Exc. le Ministre de
l'Intérieur vient, depuis quelaues mois , d'enrichir
la Bibliothèque de cette ville , se trouvent deux
lettres sur le monument découvert à Rosette : l'une
est de M. Sylvestre de Sacy , l'autre de M. Akerlad.
Ces deux savants distingués et connus s’y occupent
à lire et à interprèter l'écriture égyptienne de ce
Monument.
Voici comme M. de Sacy s'exprime à la page 5:
Le monument dont il s’agit, et qui a été trouvé
dans une fouille faite proche de Raschid, que nous
nommons Rosette , offre trois inscriptions, ou plu-
tôt une méme inscription en trois caractères diflé-
rents. Celle que l’on voit au haut de ja pierre est
en caractères hiéroglyphiques : elle est formée de
quatorze lignes. Celle qui se trouve à la partie in-
férieure , et qui est en langue et en caractères grecs,
occupe cinquante-quatre lignes. Enfin, entre ces
deux inscriptions , il y en a une troisième contenant
trente-deux lignes, que je nommerai égyptienne,
sans cependant assurer positivement que le carac-
& 4
(104)
tère dans lequel elle est écrite, ait été universellement
adopté dans toute l'Egypte. »
La réunion de la langue et des caractères grecs,
de l'écriture cursive ou épistolique des Egyptiens
avec l'écriture hiéroglyphique sur le même monu-
ment, ma paru Messieurs, une découverte inté-
ressante relativement à ’histoire de ces deux sortes
d'écritures, et j'ai pensé que vous me permettriez
de remplir quelques instants de vide d’une de nos
séances , en vous entretenant d'abord des hiéro-
gliphes, ensuite des écritures épistolographique et
hieratique d’un peuple l’un des plus célèbres de
l'aniquité.
La première manière, et en même-temps la plus
générale , dont les hommes se soient servi pour
transmeïtre aux absents leurs pensées et leurs sen-
sations , pour les instruire des faits et des événe-
ments qui pouvaient les intéresser , a été de tracer
image même des objets. Ce genre d’écriure , si
on peut lui donner ce nom , était celui des premiers
Egyptiens , des Mexicains et même des sauvages
de l'Amérique. :
Mais, outre que cette écriture en tableaux devait
être longue et diflicile, elle était encore équivoque
et souvent trompeuse. Aussi voyons-nous que les
Egyptiens cherchèrent bientôt les moyens de la
simplifier et de la perfectionner : ils imaginérent les
hiéroglyphes.
De l'Ecriture hiéroglyphique.
Vossius définit les hiéroglyphes des sculprures
sacrées ; d’où il conclut que les prêtres seuls en
avaient connaissance. ( Etymologicon, page 248. )
Goropius (Hieroglyphicon, lib, LL.) est de même avis,
(105)
et les définit Les symboles d’une chose sacrée , gravés
sur une matière quelconque. Baudini (Dell Obelisco di
Cesare Augusto ), ditque ce sont des symboles par
lesquels les Egyptiens avec peu de choses en expri-
maient beaucoup. Il ajoute que le symbole est
tout ce qui cache quelque mystère. Voilà sans
doute pourquoi l’on a donné à cette écriture le
nom d'hieroglyphe, et que l'on a avancé que l'in-
terprétation en était réservée aux prêtres seuls ,
tant on est persuadé que ce qui renferme quelque
mystère est une chose sacrée.
VWarburton, qui a écrit sur cette matière avec
autant de philostphie que d’érudition, a détruit
cette erreur à la defense de laquelle le fameux
Jésuite Kircher avait co: sacré un volume in-folio ,
intitulé : Theatrum hieroglyphicum.
A l'autorité de Warburton , on peut ajouter celle
de Bianchini dans l’expli: ation qu'il propose d'un des
côtés de l'obelisque de Saint Jean-de Latran, dont on
trouve Îla traduction, accompagnée de notes par
Malpeines , à la suite de l'ouvrage de Warburton.
On y verra que cet obélisque est un monument
purement historique , et ce sentiment de Bianchini
est appuye sur les témoignages d'Ammien Marcellin,
lib, A NII, ); de Diodore de Sicile (lib. 11, n° 53.),
et sur-tout de Tacite, (Lib. 11, annal. )
Cependant Montfaucon (Antig. expl. 1.11, lib. 11.)
a cru devoir adopter l'opinion de Kircher. Cela doit
paraître d'autant plus surprenant que Dicdore, qu'il
cite, dit expressément : « Sesostris éleva deux obé-
lisques d’une pierre très- dure de six-vingts pieds
de hauteur, sur lesquels il fit graver le dénombre-
ment de ses troupes , l'état de ses finances et le
nombre de nations qu'il ayait soumises, » ( Lib. F,
page 37.)
(106) |
Au témoignage de Diodore de Sicile, Montfaucon
aurait pu ajouter celui de Strabon, qui dit(lib AV11.)
« qu'à Thèbes il y avait des obélisques avec des
inscriptions qui constataient les richesses et le pou-
voir de leurs rois , l'étendue de leur domination,
qui comprenait la Scytie , la Bactriane , l'Inde et
le pays appelé aujourd hui l /onie ; enn la quantité
de tributs qu'ils recevaient et le nombre de leurs
troupes qui montait à un million d’hommes.» 7
À ces autorités on pourrait ajouter ce simple rai-
sonuement : c’est la vanité qui a fait élever et mul-
tiplier autant les obélisques; or, cette vanité eût été
bien ridicule pour ne rien dire de plus, si lin-
telligence des hiéroglyphes dont ces monuments
sont chargés eût été réservée à la classe absolument
la moins nombreuse de la nation, Concluons donc
que ce genre d'écriture était généralement connu,
et même d'un usage assez familier pour qu'on le
rencontrât sur les bandelettes des momies, comme
on peut s'en convaincre en parcourant le recueil
de Caÿlus, et comme le dit Bruce ( «. Z , pag. 155)
dans son voyage aux sources da Nil,
Le même Bruce nous apprend qu’il a trouvé des
obélisques de quatre sortes ; « les premiers , dit-il,
n'ont qu’un contours qui n'est qu’indiqué et à peine
tracé eur la pierre ; les seconds sont creusés , et
dans le milieu s'élève une figure en relief dont la
partie la plus haute est de niveau avec la pierre
même , tandis que tout autour il y a une petite
bordure qui semble avoir été faite pour préserver
l'hiéroglyphe d'accident ; les troisièmes sont en bas-
reliefs: la figure est proémirente sur la pierre, et
n’est défendue d'aucune manière; les quatrièmes
sout enfin ceux qui sont sculptés à un demi-pied
de profondeur. Tous ces hiéroglyphes , excepté ceux
( 107 )
de la dernière espèce , sont peints en rouge , en bleu,
en verd, sans mélange d'aucune autre couleur, »
Clément d'Alexandrie, et Porphyre sont les plus
anciens auteurs , du moins que je connaisse , qui
nous aient fait connaître, sinon le premier , au moins
le second genre d'écriture des Egyptiens. Mais ces
auteurs sont si modernes, relativement aux monu-
ments qui nous restent de cette écriture, qu’il est
probable qu’il y avait déjà bien des siècles qu’elle
était abandonnée , puisqu’à peine se trouvait-il de
leur temps quelques savants qui pussent la lire et
Pinterpréter ; peut-être même dès-lors ne lisait-on,
n’interprétait-on ces monuments qu’à l’aide de la
tradition ou de quelques-autres monuments pos-
térieurs , écrits en caractères dont l'usage s'était
conservé ?
Quoique je ne donne ceci que comme une conjec-
ture , elle n’est point dénuée de fondement , puisque
dans le monument de Rosette , à l’occasion duquel
me sont venues les réflexions dont j'ai l'honneur de
vous entretenir, on trouve, selon M. Sylvestre de
Sacy , la même inscription tracée en écriture hié-
roglyphique et en écriture cursive ou épistologra-
phique. C’est de cette dernière , ainsi que de l’hiéra-
üque , qu’il me reste à vous parler.
Des Ecritures cursives et sacerdotales.
I serait sans doute curieux et intéressant, Mes-
sieurs , de suivre, d’après Porphyre et Clément
d'Alexandrie , la marche de l'esprit humain dans
les différentes manières dont on a simplifié et par-
conséquent perfectionné l'écriture hiéroglyphique ,
comment on y à introduit une écriture symbolique.
Clément d'Alexandrie distingue trois sortes de sym-
(108 )
boles qu'il appelle écriture curiologique , écriture
tropique et écriture énigmatique. La curiologique
était la peinture même de l'objet : ainsi on repré-
sentait le soleil par un cercle , la lune par un demi-
cercle. La tropique consistait à représenter une
chose qui n'avait point de traits par une autre qui
en avait, pourvu qu'entre les qualités de l’une et
de l’autre , il se rencontrât quelqu’analogie : telle
était celle qu’ils croyaient exister entre Dieu et le
Faucon. Les propriétés du faucon sont la fécon-
dité , une longue vie et un certain rapport avec
le soleil. Ils le croyaient donc propre à représenter
d’une manière tropique l’Etre qui produit toute
chose , qui est éternel, et dont le soleil est une
image si frappante que les Perses et plusieurs peu-
ples d'Orient ont pris cette image pour la réalité
et lui ont rendu un culte.
L’énigmatique suppose entre les propriétés de
l'objet représenté et celles de l’objet qu’on veut
désigner, des rapports éloignes et moins frappants-
C’est à ce dernier genre qu’il faut rapporter le
scarabée , si commun sur lés monuments égyptiens ,
parce que cet insecte ayant renfermé ses œufs
dans une boule de fiente de vache , la roule en
sens contraire à sa marche , et désigne par là le
mouvement apparent du soleil d’orient en occident,
tandis que la terre est emportée d'occident en
orient.
Ces trois sortes d’écritures se trouvent réunies
dans l’inscripüon du temple de Minerve , à Sais ,
sur laquelle on peut consulter Plutarque dans son
livre d’Jsis et d’Osiris ; et les observations de M,
Gibert, Mémoires de l’Académie des Inscriptions ,
tome XXXF , page 665.
Quelqu’ingénieux que fût ce genre d'écriture, il
( 109 )
est probable qu'il fit bientôt place à deux autres,
l'épistolique et l'hieratique. De ces deux écritures ,
plus simpies et plus aistes, l'une devint d'un usage
ordinaire, l'autre fut réservée pour les mystères
de la Religion.
Ici se présentent plusieurs questions : les trois écri-
tures , lhiéroglyphique , l'épistolique et l’hiératique ,
ont-elles régné en même - temps? L’épistolique ou
cursive exprimait-elle des sons et non des objets?
L'hiératique ou sacerdotale venait-elle de la sym-
bolique énigmatique conservée par les prêtres pour
lui confier les mystères de leur religion et les secrets
de leur science ?
Porphyre , parlant de Pithagore , dit : « qu’il de-
meura avec les prêtres d'Egypte, qu'il fut instruit
dans lu sagesse et dans la langue du pays, aussi
bien que dans les trois espèces de lettres , lépis-
tolique , l'h éroglyphique et la symbolique. »
Clément d'Alexandrie s'exprime ainsi : « Ceux
que l’on instruit dans la sagesse égyptienne appren-
nent ayant tout les différentes espèces de lettres :
la première appelée épisrolique , la seconde appelée
sacerdotale , et V'hiéroglyphique qui est la deruière
et la plus parfaite. »
Du texte de ces deux auteurs plusieurs modernes
ont conclu que l'écriture cursive ou épistolique
était la plus ancienne, et que l’hiéroglyphique etait
la dernière. C’est le sentiment de deux auteurs
anglais, Shuckfort (1) et Théophile Gale (2). Celui
QG) The hieroglyphical way of writing was not the most
ancient way of writing in Egypt, ( Connect, of the sac, and,
prof. history x vol. p. 230.-=vol. à, pp. 203,294, 333, 554.
(2) Whence the Egyptians and other nations borrowed theer
( 110 )
ci veut même que les Egyptiens aient emprunté
des Juifs leur sagesse hiéroglyphique ; hieroglyphic
and symbolic wisdom.
C’est aussi ce que soutenait le P, Kircher dans
son Ædipus égypriacus ; ouvrage si rare que je ne
l'ai rencontré dans aucune des bibliothèques que
j'ai consultées.
Warburton , dont les passages de Porphyre et
de Clément d'Alexandrie contredisaient le systéme ,
n'hésite point à dire que ces deux auteurs se sont
trompés en donnant l’antériorité à l'écriture épisto-
lique ; et Malpeines, dans ses Notes , réunit tons
ses eflorts en faveur de celui dont il traduit l'ouvrage.
Mais si Warburton eût fait attention à ce qui
précède et à ce qui suit ce passage de Clément
d'Alexandrie , tiré de ses Stromates , il y aurait vu
qu'il s’y agissait de la manière dont on procédait dans
l'instruction non des élèves, comme l'avance M.
Gibert dans les Mémoires de l'Académie des Ins-
criptions, mais de ceux qui voulaient, comme Pytha-
gore, se faire initier dans la sagesse égyptienne.
Alors on voit la raison de la conformité qui règne
entre les deux passages de Porphyre et de Clément
d'Alexandrie. On commencait par donner au néophite
la connaissance de l'écriture cursive ou épistolique ,
de là il passait à l'écriture hiératique ou sacerdotale ;
enfin il parvenait à l'intelligence des hiéroglyphes ,
et c'était le dernier degré d'instruction , comme le
plus parfait.
Le monument de Rosette pourrait servir de
lo
hieroglyplie and symbolic wirdom, { The court of the gen--
tiles concerning the original of humane litterature from the
5
scriplure and jewish church. in-4° 1651, )
Corit)
preuve à ce que j'avance. L'inscription grecque porte
que le décret qu'il contient sera gravé en trois
sortes de caractèies , sacrés , locaux et grecs : les
lettres sacrées , dit M. Sylvestre de Sacy , sont ici
opposées aux lettres locales. Je ne sais si l'expres-
sion opposées est celle qui convient bien ici, puis-
que selon lui, c’est une méme inscription en trois
sortes de caractères diflérents, dont le premier est
composé d’hiéroglyphes , le second est l’écriture
locale et le troisième est le grec.
On demandera peui-être si dans l'ordre de lin-
vention l'écriture hiératique on sacerdotale a suc-
céde immédiatement à l’hiérog'yphique , où bien si
c'est la cursive ou épistolique.
Warburton peuse que c’est cette dernière qu’il
nomme politique, qui exprimait les sons, qui était
syllabique , comme on le voit dans le monument
de Rosette. 11 ne parait pas qu’il en fût de même
de l’hiératique ou sacerdotale , à en juger par ce
qu'Apulée rapporte dans son Ane d'or,
Voici comme il s'exprime : « Le bon vieillard
m'ayant pris par la main, me mena à la porte du
temple ; après qu’elle fut ouverte avec les cérémonies
accoutumées et que le sacrifice du matin fut achevé ,
il tira du fond du sanctuaire certains livres pleins
de prières écrites avec des caractères inconnus ,
qui contenaient les termes des formules sacrées
en abrégé , sous les figures de toutes surtes d’ani-
maux et d'une grande quantité d’accents, les uns
formés comme des nœuds, les autres ronds eu
facon de roues et les autres tortueux comme les
tenons qui attachent la vigne à ses soutiens ; ce
qui était ainsi pour empécher que les profanes trop
curieux ne pussent les lire : il me lut dans ce livre ce
que je devais préparer pour mon initiation, »
(112,3
L'écriture sacerdotale était donc, selon Apulée,
absolument énigmatique. Elle tenait assez près aux
hiéroglyphes , cependant il ne parait pas qu'elle
fût antereure à l’épistolique ou hlphabétque , et
telle est celle du monument de Ruseite que M.
Akerlad semble à tort qualifier d’hiératique, puis-
qu'elle est purement syllabique.
Quant au monument de Rosette, s'il porte absolu-
ment le même décret en trois sortes de caractères ,
alors il ne remonte point à des siècles bien reculés;
à moins , et je serais très-porté à le croire, quil
ne soit qu’une copie d’un monument plus ancien
que l’on voulait conserver, et dont le grec alors
ne serait que l'interprétation.
Si l'on parvenait à découvrir encore quelque
monument semblable , on en pourrait peut-être con-
clure que quand l'écriture hieroglyphique fut tombée
en désuétude , que la connaissance des hiéroglyphes
commença à se perdre , pour en conserver le sens
et l'intelligence on y ajou'a une interprétation en
_écriture cursive et locale , comme s'exprime la
traduction grecque.
Au reste le monument de Rosette, s'il était uni-
que en son genre, men serait que plus précieux ;
et quand les savants auteurs des deux lettres qui
nous ont été envoyées auront achevé leur travail
et en auront publié Pinterprétation ,; on ne peut
douter qu’elle ne contribue beaucoup à aider à
découvrir le sens des hicroglyphes. Alors les monu-
ments répandus dans toute l'Egypte avec une sorte
de profusion une fois connus , on ne peut douter
qu'il ne jettent une grande lumière sur l'histoire
d'un des plus célèbres et des plus anciens peuples
du monde,
LE
( 113 )
PE PAVOT ET CEMREUMTER,
FABLE.
Par M. GurrincueRr fils.
Resplendissant des plus riches couleurs,
Étalant son manteau de pourpre et d’amaranthe,
Un Pavot se croyait au moins le Roi des Fleurs,
Et levait sa tète arrogante,
Le Hasard l'avait mis près d’un tas de fumier ;
Vous jugez du mépris dont sa Royale Altesse
à Honorait cet impur bourbier.
Déjà Seigneur Pavot rédigeait une aüresse
Pour demander au Souverain des Dieux,
Au nom des Princes de sa race,
Une plus digne place
De son rang et de ses aïeux.
Jupin s’en occupait....., lorsque les vents soufflérent,
Feuilles de pavot s’envoltrent ;
Sur la paille, en tombant, dès le soir se fanérent,
Et voilà mon Seigneur altier
Lui-même devenu fumier.
Sots Glorieux, insultez la misère ;
Voyez comme de vous la Fortune se rit :
Votre éclat n’est qu’une chimére,
Un souffle le détruit,
H
(114)
RAA A A A
À
VERS
Improvisés devant la Statue de Henri IV, lors de
l'entrée du Roi à Paris, en 1814;
Par M, GuTTinGuzr fils.
Te voilà donc enfin de retour parmi nous !
Combien j'aime à revoir ce regard noble et doux,
Ces traits où la grandeur s’unit à la franchise,
Cet aimable souris, cet air de gaillardise,
Ta présence est encor , pour le peuple français,
Le signal du bonheur, le signal de la paix ;
Tu viens nous pardonner nos erreurs, nos blasphèmes ,
Box Hexni! ce n’est point pour la premiére fois,
Mais , ne pouvant haïr, tu nous plains, tunous aimes...
Le pardon n est-il pas la vertu des bons Rois !
Ab ! ceux qui, n’écontant que leur aveugle rage,
D’un Héros vertueux renversèrent l’image ; |
De pareils insensés oubliaient que ton cœur
Du moindre citoyen désirait le bonheur ;
Is oubliaient ces traits de bonté, de simplesse,
Cette grace touchante et ces mots consolants
Dont l’heureux souvenir fera dans tous les temps
Couler de tous les yeux des larmes de tendresse!
Fuyons le Souverain esclave des grandeurs,
Que l’éclat éblouit, que la crainte environne,
Et qui, vivant sans cesse entouré de flatteurs ;
Ne sait pas quelquefois descendre de son trône,
(m5)
Et sachons t’admirer, toi qui connus bien mieux
Le grand art de régner , de plaire et d’être heureux !
Combien cet art est loin de la fière arrogance
De ces tyrans sans cesse épouvantant les yeux
De l'aspect effrayant de leur sombre puissance !
Combattre, commander, vaincre était tout pour eux.
Tandis que, résistant à ta noble vaillance,
Tu te plaignais du sort quand il armait ton bras,
Et même en triomphant détestais les combats,
Puisqu’ils devaient coûter des larmes à là France !
Aussi, lorsque le ciel, remplissant ton espoir,
D'un fils tant désiré te rendit heureux père,
A peine il entr’ouvrait ses yeux à la lumière
Que déjà tu venais lui dicter son devoir !
Quel moment ! quel tableau! dans une douce ivresse ,
Tu presses sur ton cœur cet enfant précieux ;
Tu crois déjà le voir l’appui de ta vieillesse,
Et les plus tendres pleurs s’échappent de tes yeux !
Armant ses faibles mains de ta vaillante épée,
Tu lui tieus ce langage : « O mon fils! mon cher fils,
» Que dans le sang jamais elle ne soit trempée,
» Si ce n’est pour ton Dieu, l’honneur et ton pays!
Apprends à distinguer la véritable gloire ;
PI 5 6 5
3
» Mon fils, par tes vertus régnes sur tes sujets;
» Qu'on lise dans ton cœur : le moindre des bienfaits
» Effacera toujours la plus belle victoire ! »,
O sublimes pensers ! sentiments généreux ,
Vous distinguez encor les ames magnanimes
H 2
(116)
De ces Rois que nous rend la clémence des Dieux,
Et qui, d’un si bon Prince héritiers légitimes,
À son exemple, humains, sensibles, bienfaisantss
Trouvent dans leurs sujets leurs amis, leurs enfants.
O Louis ! mon cœur s'ouvre à la douce espérance
Que tes peuples aussi chériront ta puissance ;
Que, protecteur du juste et défenseur des lois,
Tu rendras aux Français le meilleur de leurs Rois !
Hexmi, Louis, tous deux bienfaiteurs de la terre,
‘Seront l’objet d’un culte éternel et sincère,
Et dans cet heureux jour, comme dans l’avenir,
Je vois ces noms unis, je les entends bénir.
FLORE AUX FRANÇAIS.
ÉLÉG1E.
P4Ar M, DurPruTesz.
Lorsque ma présence en tous lieux
Fait renaître le doux empire
Des Ris, des Graces et des Jeux,
Et de l’Amour et du Zéphire,
Comment pouvez-vous , à Français,
Par la plus cruelle injustice,
De vos fureurs, de vos excès
Vouloir me rendre la complice ?
En vain, nuancant leurs couleurs,
Pour vous des plus brillantes fleurs
Cu)
J’émaille la fraîche verdure ;
En vain de vos riants bosquets
Mes guirlandes et mes bouquets
Font, hélas ! toute la parure.
Ingrats ! faut-il de mes bienfaits
Que je me repente moi-même,
Voyant les dons que je vous fais
Dans vos mains devenir l’emblème
De la révolte et des forfaits ?
Depuis que l’affreuse anarchie,
Aiguisant dans l’ombre ses traits,
Pour mieux cacher sa perfdie,
À pour signe adopté la fleur
Image de la modestie
Et symbole de la candeur,
Aux amants autrefois si chère,
Aucun berger de sa bergère
N'oserait plus en embellir
La panetière ou la houlette,
Et ne peut même sans pâlir
La fouler encor sur l’herbette,
Mais puisque de la Violette
Le règne n’a que peu d’instants,
Qu'elle fuit avec le printemps,
Pourquoi la Discorde cruelle
Et ses enfants séditieux
De votre pays malheureux
N'ont-ils pas aussi fui comme elle ?
H
2
(118)
À leur tour, les œilletsrivaux ,
De ces deux roses trop fameuses
Dans les annales odienses
De la guerre et de ses fléaux ,
Deviennent le signal des maux
Qu’entraine toujours la vengeance,
Et je la vois de flots de sang
Toute prète à couvrir la France,
Pour l'œillet rouge et l’œillet blanc,
Cruels ! quelle est votre folie !
Abjurez, je vous en supplie
Enfin ces trop longues erreurs,
Et, sous l’empire d’un Roi sage
Qui revient pour sécher vos pleurs,
De mes dons et de mes faveurs
Sachez faire un meilleur usage.
Venez, de mes plus belles fleurs ,
Sous un ciel pur et sans orage ,
Dépouiller les champs , les bosquets ;
Mais, pour en embellir vos fêtes,
Pour en parfumer vos banquets
Ou pour en couronner vos têtes ;
Et ne mariez désormais
Aux lis, que tout bon Français aime,
Que l'olivier, touchant embléme
Et du bonheur et de la paix,
( 119 )
CHARLOTTE CORDAY, AVANT DE MOURIR,
À SON PÈRE.
HÉROÏDE
Composée en 1793, etlue dans une séance particulière
de l’Académie, le 29 avril 1814.
Par M. DuPuTerz.
Recçois, dans cet écrit, mes éternels adieux,
O mon père! Bientôt, pour toujours, à mes yeux
La lumière du jour doit être, hélas! ravie...
On dresse l’échafaud où je perdrai la vie.
L’échafaud,... qu’ai-je dit? Une secrète horreur
A ce mot infamant a comprimé ton cœur :
Tu crains que, flétrissant l’honneur de sa famille.
Par quelque vil forfait , ta malheureuse fille
A la honte, au mépris n’abandonne tes jours,
Dont toutes les vertus embellissent le cours,
Mais ne redonte rien : des tyrans l'injustice
Peut häter mon trépas par le dernier supplice,
Du devoir en tout temps ayant suivi la loi
Charlotte périra toujours digne de toi.
L'amour de mon pays, oui, voilà mon seul crime !
Si du peuple aujourd'hui j’expire la victime,
Je suis certaine au moins d’avoir pu le servir ;
Avec cette assurance il est doux de mourir.
H4
( 120 )
Je n’ai pu sans frémir voir, hélas! ma patrie
Sous un sceptre de fer lächement asservie ,
Et l’homme le plus vil et le plus scélérat,
Usurpant les pouvoirs du peuple et du sénat,
Au nom sacré des lois exercer sa vengeance,
Sur Le tombeau des mœurs proclamer la licence ,
Se dire ami du peuple et de l'humanité,
Et remplir tous les lieux de sa férocité,
Que dis-je? Des forfaits pour combler la mesure,
( Français, vous souffriez une pareille injure ! }
De la proscription , apôtre forcené ,
Au mépris d’un mandat de vous seul émané,
De la loi profanant l’auguste sanctuaire ,
Dévouer à la mort, d’une voix sanguinaire ,
Des magistrats zélés dont les soins et les vœux
Ne tendaient qu’à briser un joug trop odieux,
J'ai de venger leurs droits conçu la noble audace.
La crainte dans mon cœur à la fureur fit place,
Aussitôt vers Paris j’ai dirigé mes pas,
Bien certaine, ilest vrai, d’y trouver le trépas,
Mais l’ame pleine aussi de la douce espérance
Que ma main de Marat détruirait la puissance,
Le ciel a secondé mon généreux dessein... |
Le monstre enfin n’est plus !..…. dans son coupable sein
J'ai plongé le poignard... j'ai sauvé la patrie !
Aveuglés cependant par son hypocrisie ;
Les Francais , dans ce tigre ältéré de leur sang ,
Regrettent de leurs droits l'appui Le plus puissant,
Je ne suis à leurs yeux qu’un être abominable,
(r2r)
De quelqu’obscur complot instrument exécrable ,
Et la mort est le prix des sublimes vertus
Qui firent autrefois déïfier Brutuse
Mais j’excuse l’erreur dont je suis la victime,
Dans l'espoir que bientôt, apercevant l’abime
Où son perfide ami, sans moi, l’eùt entrainé,
Ce peuple que je vois à ma perte acharné
Rendra publiquement hommage à l'innocence,
Et que l’homme sensible avec reconnaissance
Prononcera mon nom qui, cher à nos neveux ,
Sera toujours cité parmi les plus fameux.
Je ne me flatte point d’une vaine chimère :
Si ces fiers conquérants, dont le bras sanguinaire
Porte le fer, la flamme au milieu des états,
Sont certains de survivre à la nuit du trépas,
Et qu’un jour leurs exploits , conservés dans l’histoire,
Aux siècles à venir transmettront leur mémoire,
Sans avoir partagé leur inhumanité ,
J'ai des droits bien plus sûrs à l’immortalité.
Ils s’arment, j’en conviens, aussi pour la patrie;
Mais par combien d’horreurs leur vietoire est flétrie !
Peuvent-ils sans regrets se parer de lauriers
Teints du sang précieux des plus braves guerriers ?
Pour moi je ne sens point de remords qui m’accable :
Si j'ai versé du sang...., c'était un sang coupable.
Peut-ttre, hélas ! mon père , ah ! toi-même... mais quoi!
L'on entre en mon cachot !..., Barbares, laissez-moi !
Ce n’est pas que je veuille au couteau qu’on apprète :
Par un lâche retard, soustraire ici ma tête.
( 132)
J'ai su braver la mort, je saurai la souffrir ;
Moi-même à l’échafaud j'irai... j'irai m’offrir,
Mais avant... permettez..…., À ma vive prière,
Pourriez-vous être sourds ?..., que j’écrive à mon pére!
C’esten vain ! l’on m’entraiîne.,, ah! du moins, ô mon Dieu!
Dans ce fatal instant, reçois mon dernier vœu.
Tu connais, en ce jour , quelle est mon innocente ;
Ma voix n’implore point cependant ta vengeance,
Mon cœur est étranger à ce vil sentiment :
Je pardonne aux Français dans leur éparement.
Puisse-tu d’eux aussi détourner ta colère!
Le seul vœu que je forme , hélas } est pour mon pére.
Si l’on doit en ces lieux voir fleurir le bonheur,
Si la mort du tyran qui sous mon bras vengeur
Reçut de ses forfaits la juste récompense ,
Du régime de sang hâte la décadence ;
Si la vertu, l’honneur, la justice et la paix,
Dont l'aurore déjà brille pour les Français
Peuvent faire sur eux luire un jour sans orage,
Si l’on cueille , en un mot, les fruits de mon courage,
Ah! veille sur ses jours, fais que de mon trépas
Le souvenir amer ne les abrége pas.
Qu'il vive pour jouir long-temps de ma victoire !
Mais si (triste présage auquel je ne puis croire! }
Si l’odieux Marat avait un successeur
Qui régnät comme lui par la seule terreur ,
Et de Ja liberté voulût ; à son exemplé,
Sur des moneeaux de motts édifier le temple ,
Si de sang innocent des milliers d'échafauds
(11230)
Doivent être encor teints ; enfin si des bourreaux
Le mien seul ne peut pas assouvir la colére,
D'un œil compatissant regarde alors mon père.
En le précipitant dans la nuit du tombeau
Dérobe à ses regards cet affligeant tableau ;
Car, lorsqu'il voit régner le crime et l’injustice,
Pour l’homme vertueux la vie est un supplice.
A Te
FRAGMENT DU POÈME DE JEANNE D'ARC ;
PAR M. P. DumEentrr.
Ce Fragment commence immédiatement après
l'exposition.
L’Archange bienfaisant que Dieu daigna charger
De veiller sur la France et de la protéger ,
Eliel , immobile au milieu d’une nue
Sur les ailes des vents dans les airs soutenue ,
Abandonnant son ame à de tendres douleurs,
De l’empire des lis déplorait les malheurs,
Son bras, sans le secours de la bonté divine,
N'en pouvait plus long-temps retarder la ruine :
Pour sauver ün état si cher à son amour,
Il résoud de monter vers lPéternel séjour ,
Et d’aller , par ses pleurs , par sa voix gémissante ,
Invoquer du Très-Haut la clémence puissante,
Tout-à-coup ; dans l’espace , ouvrant ses ailes d’or ;
Plus rapide que l'aigle , il a pris son essor ;
C124)
Et, tandis que de l'air il franchit l'étendue ,
Emporté par son vol , il fixe encor sa vue
Sur la France commise à ses soins bienfaisants.
Mais bientôt elle échappe à ses regards perçants :
Les mers , les continents confondent leur surface ;
Et le globe habité par la mortelle race
Ne parait à ses yeux , fixés du haut des airs,
Qu'un vil monceau de fange où fourmillent des vers.
D'un voi impétueux Poursuivant sa carrière ,
Il s'élève au-dessus de l’astre de lumiére ,
De ce bas univers admirable flambeau 5 |
Et soudain devant lui. s’ouvre nn monde nouveau,
Là , dans l’immensité , de toutes parts semée ,
Luit de soleils sans nombre une foule enflammée.
Ils n’ont jamais connu de matin ni de soir ;
Et jamais, autour d’eux » ouvrant son voile noir ,
La nuit n’ose obscurcir leur splendeur éternelle,
De l’empire des lis le Protecteur fidèle ;
S’éléve ‘au milieu d’eux » rayonnant de beauté ;
Et l’éclat dont il brille égale leur clarté,
Un vêtement , tissu d’une lumière pure,
Couvre son corps subtil ; sa noble chevelure
Est pareille aux rayons qui de l’astre du jour,
Aux bords de l’orient , annoncent le retour ;
Des célestes soleils les flammes immortelles
Semblent embraser l'or de ses brillantes ailes É
Et partout des torrents d’une vive splendeur
Jaillissent de son front, que le Dieu créateur
A formé d’én rayon de sa gloire adorable.
8
=
(:1abr)
Mais une pitié tendre , une douleur aimable ,
À travers cet éclat respirent dans ses yeux.
Tel alors Eliel s'élevait vers les cieux.
Bientôt à ses regards , pleins d’une sainte joie,
De l’éternelle paix le séjour se déploie ,
Mille fois plus brillant que les soleils nombreux
Qui roulent au-dessous leurs globes lumineux.
D'un vol précipité l’Ange éperdu s’élance.
Déjà du Roi des cieux il ressent la présence ;
Et, par ses vifs transports , déjà l’amour divin,
D'un mouvement plus prompt fait palpiter son sein,
Il approche , il arrive , et dans l’auguste enceinte
Il entre , plein d'amour, de respect et de crainte.
Dans le centre du ciel , tel qu’un mont radieux
S’éléve du Très-Haut le trône ghorieux.
Les soleils , éclipsés par sa vive lumiëre ,
Près de lui paraîtraient une obscure poussière.
Quoique , de toutes parts, des nuages profonds
Environnent ce trône et voile ses rayons ,
Cependant , à travers leur ombre solennelle,
Un immense océan de splendeur éternelle
Se répand à l’entour dans l’auguste palais.
Si Dieu se dépouillait de ces voiles épais ,
Aussitôt | consumés du feu de sa présence ,
Tous les êtres divers que créa sa puissance
Fuiraient dans le néant devant sa majesté,
Autour du trône , assis sur des flots de clarté,
Les Anges et les Saints , remplis des chastes flammes
( 126)
Que l’ineffable amour fait brûler dans leurs ames ,
Toujours du Dieu vivant célébrent les grandeurs.
Des célestes esprits les innombrables chœurs
Mélent aux doux accents des louanges divines
Le son des harpes d’or ; et les sphères voisines,
Qui , sans cesse , en roulant sur leur axe de feux,
Font au loin retentir un bruit mélodieux ,
Semblent accompagner ces concerts de louanges.
Ainsi chantaient alors les Elus et les Anges :
« Saint , trois fois saint le Dieu qui créa l’univers !
» Chantons, louons ce Dieu par nos pieux concerts.
» Seul dans l’immensité , se contemplant lui-même ,
» Ïl reposait , heureux de sa grandeur suprême.
» Il parle : du néant , fécondé par sa voix ,
» Tous les mondes pressés s’élancent à-la-fois.
» Les mondes passeront : leur auteur adorable
» Remplit l'éternité de son être immuable.
» Nousn’étions pas, grand Dieu ! Tu veux ; et nous vivons
» Pour t’aimer à jamais , pour jouir de tes dons.
» Le Seigneur de ses dons nous comble sans mesure :
» Pour rapprocher de lui notre faible nature ,
» Il daigne jusqu’à nous abaisser sa grandeur,
» Saint, trois fois saint le Dieu qui fait notre bonheur ! ?’
Au milieu de ces chants , Eliel en silence ,
Près du trône éternel avec respect s’avance ;
Tombe à genoux , s’incline , ct, plein de ses douleurs ,
, LI
S’apprète, de son peuple, à pleurer les malheurs
(1279
Que du Dieu de bonté le bras seul peut suspendre.
Les innombrables chœurs se taisent pour l’entendre ;
Et tous les Rois français qui ,. d’éclat revétus ,
Jouissent dans le ciel du prix de leurs vertus ,
Jnquiets , à l’aspect de sa vive tristesse ,
Sur le sort d’un état si cher à leur tendresse,
Brülent d'apprendre enfin quel sujet important
Le conduit en ce jour vers le trône éclatant,
Eliel | par ces mots, en faveur de la France
Du Monarque des cieux implore la clémence , etc.
sbje see a pe nimiete te culatcieldeteide HIER ee
nono none es sense
EFFET GÉNÉRAL D’UN COMBAT.
Extrait du troisième Chant.
D'abord les traits aigus , les belliqueux roseaux
S’élèvent en fureurs des bataillons rivaux ,
Et, brillant des rayons de l’astre de lumière
Qui s’avance au milieu de sa vaste carrière
Semble voler en feu dans les airs embrasés,
Comme on voit , quand les vents, de deux points opposés ,
Dans les plaines du ciel assemblent les orages ,
L'un contre l’autre armés , deux sinistres nuages
S’élancer , et soudain de leurs flancs entr’ouverts ,
Vomir avec fureur d’innombrables éclairs
Tels , et plus meurtriers que ces flammes rapides,
Se croisent dans les airs les traits de sang avides.
Percés du fer volant qui porte le trépas ,
Déjà des deux côtés succombent les soldats :
(130)
Et ce voile effrayant qui ternit leur splendeur ,
De leur terrible aspect a redoublé l'horreur.
Par-tout on voit, frappés d’une homicide atteinte ,
Les héros succomber sans terreur et sans plainte ;
Les chevaux belliqueux , du fer mortel percés ,
Ecraser sous leur poids leurs maitres renversés ;
Et, les naseaux fumants, au milieu du carnage ,
Ceux des vainqueurs s’ouvrir un glorieux passage.
Tels que les vignerons , quand le raisin vermeil
Sur le pampre a müri par les feux du soleil,
Foulant sous leurs pieds nus la vendange dorée ,
Font jaillir autour d’eux une liqueur pourprée ;
Bondissant sur les morts , tels les fougueux coursiers
Da sang qui rejaillit souillent leurs flancs guerriers,
La fureur du combat toujours se renouvelle ,
Et de longs flots de sang la terre au loin ruisselle.
Tandis que ces héros , pleins des feux de l’honneur ,
Par de brillants exploits signalaient leur valeur ,
Les fantassins , armés de piques acérées ,
Entrechoquaient aussi leurs phalanges serrées :
Par les casques frappés , les casques résonnaient ;
Contre les boucliers les boucliers tonnaient ;
Et les piques , dans l’air par les piques croisées ,
Heurtaient avec fracas leurs pointes opposées ,
Comme les blonds épis, jaunis par la chaleur ,
Succombent sous les coups de l’adroit moissonneur ,
Telle on voyait tomber cette brave jeunesse ,
Les rangs , toujours rompus , se reformaient sans cesse ,
Semblables aux serpents qui, par le fer tranchés,
Rejoignent aussitôt leurs tronçons rapprochés,
»
+
REFLEXTIONS
Sur les Antiquités des Départements de l'Eure et
de la Seine-Inférieure , et notamment sur les restes
d’Agnes Sorel ;
Par M. Aucusre LEPREvVosT.
MESSIEURS,
Au moment où le vandalisme révolutionnaire vient
de consommer la destruction de presque toutes les
maisons religieuses élevées par la piété de nos
pères, il eût été à désirer que des descriptions
exactes et des dessins fidèles consolassent , autant
que possible, de leur perte, les amateurs des arts
et des antiquités. Il est pénible , pour l’orgueil na-
ional , de penser que, pendant que nous laissons
avec une froide indifférence s’eflacer les derniers
vestiges de ces respectables monuments , c’est à
des étrangers que la postérité devra savoir gré des
seuls efforts tentés récemment pour leur description.
Oui, Messieurs , sans le voyage que vient de faire
dans les départements de la Seine-Inférieure et de
l'Eure un savant Anglais, M.le Major Anderson,
sans les soins qu'il a mis à s'y procurer des vues
et plans des principaux monastères détruits ou
tombant en ruines , nos descendants n'auraient peut-
être pu juger de ces édifices que par des indica-
tions vagues et incomplettes , éparses &ans des
ouvrages difficiles à rassembler. Puisse la prochaine
publication de la riche moisson de renseignements
La
(+729
qu’il a amassés pendant son voyage nous en as-
surer pleinement la jouissance et nous dédommager
de la négligence de nos compatriotes à cet égard !
Mais , tout en rendant au travail de ce savant
la justice qui lui est due, et en en proclamant la
haute utilité, on ne peut se dissimuler qu'une foule
d'objets intéressants et respectables lui ont échappé
ct ne pouvaient même entrer dans son plan. Com-
bien de ces objets d’ailleurs n’ont-ils pas été dé-
truits, sans laisser aucune trace après eux ? Que sont
devenus, par exemple, tous ces tombeaux qu’une
longue succession de siècles avait entassés dans ces
pieux asyles ? Ils ont été impitoyablement violés,
brisés , pillés, et leurs débris dispersés au loin.
C’est en vain que l'antiquaire, l'historien , l'artiste ,
l’homme religieux les chercheraient au milieu des
décombres : le marbre et la pierre dont ils étaient
composés ont tenté la cupidité des spoliateurs ; ils
ont été emportés souvent à de grandes distances ,
et consacrés aux usages les plus éloignés de leur
primitive et pieuse destination.
C'est ainsi qu’on espérerait vainement retrouver
parmi les ruines de l'antique abbaye de Jumièges la
tombe où furent déposées les entrailles d'Agnès Sorel.
Les restes de cette femme illustre, qui sut si bien
ranimer dans le cœur d’un Roi naturellement peu
guerrier les nobles inspirations de l'esprit national ,
et qui contribua si puissamment à délivrer la Nor-
mandie et la France presqu'entière d’un joug odieux,
n'ont point trouvé grace auprès de furieux déma-
gogues; ni les grands services qu’elle avait rendus à
la France , ni le tribut d'hommage que lui avaitpayé
au nom de la nation le vainqueur de Marignan, ni
le respect dû à la religion, à la mort , à un sexe
faible et aimable, ni le charme puissant attaché au
6 239.2
nom même de la Dame de Beauté, n'ont arrêté les
coups des barbares. Les cendres d’Agnès ont été
impitoyablement exhumées de cette terre de Nor-
mandie reconquise à l’aide de ses nobles conseils,
et où elles eussent dû à jamais reposer sous la sauve-
garde de la reconnaissance et de la protection pu-
bliques.
Mais l'indignation qu’excitent les outrages faits à
sa tombe ne doit pas uniquement s'attacher aux des-
tructeurs de Jumièges. Déja dans cette abbaye ,
comme dans la collégiale de Loches , les monuments
consacrés à sa sépulture avaient éprouvé les attein-
tes de la négligence et de l’'ingratitude. L'histoire
nous apprend que cette ingratitude, exprimée sans
ménagement par les chanoines de Loches, peu
d’années après la mort d'Agnès , révolta le Monar-
que même qui avait été sou plus grand ennemi. A
Jumièges on eût cherché envain, plus d’un siècle
ayant la révolution , la statue de marbre destinée
à transmettre à la postérité les traits gracieux de
lPamante de Charles VIL. Ii ne restait plus, vers le
milieu du dernier siècle, que le marbre qui re-
couvrait immédiatement la tombe et un soubasse-
ment ou plusieurs inscriptions étaient gravées sur des
James de cuivre. Ces dernières auront sans doute
passé dans le creuset du fondeur. Quant au marbre,
j'ai été assez heureux pour avoir connaissance de
ce qu’il était devenu , et quoique plusieurs mem-
bres de l'Académie aient à ce sujet les mêmes
renseignements que moi, je ne crois pas inutile de les
consigner dans cette Notice, pour lever toute in-
certitude concernant le seul reste d'un monument
aussi intéressant, et appeler sur Jui l'attention des
amateurs.
Ce marbre , transporté à Rouen chez M, Les-
DS
(154)
cuyer, y fut long-temps exposé en vente. Le sieur
Dorgebled , musicien, l’acheta pour faire un perron
à un bâtiment qu’il construisait au haut de la rue
Saint-Maur , près le Mont-aux-Malades. Le trans-
port fut trés-difficile , et il tint à fort peu de chose
que le marbre ne restât au coin de quelque rue ,
à cause de sa grande pesanteur. Enfin il arriva , et
fut employé à la destination pour laquelle il avait
été acheté. Ce ne fat que long-temps après, que
quelqu'un, ayant lu la portion d'inscription qui n’est
point engagée dans la muraille , le reconnut pour
avoir appartenu au tombeau d’Agnèsæ
M. Boullanger , votre confrère, et alors ingé-
nieur ordinaire des ponts et chaussées pour l’arron-
dissement de Rouen, voulat l'acheter pour le Gou-
vernement ; mais les prétentions du propriétaire
devivrent tellement exagérées qu'on fut obligé de
renoncer à toute idée d'acquisition , et la pierre est
restée chez M. Dorgebled , où je l'ai vue récemment.
C'est une longue et large dalle de marbre noir
schisteux , qui porte, gravée sur sa tranche, en
caractères gothiques très-élégants , l'épitaphe fran-
çaise d'Agnès Sorel. Comme elle est à-peu-près aux
trois quarts engagée dans le mur, on n’en peut lire
que les mots suivants :
& ...... Dame de Béauté , de Roque- Ferrière , d'Issoudun
» et de Vernon-sur-Saine, piteuse entre toutes gens , et qui
» Jargement donnait de ses deniers aux églises et aux pauvres ,
» laquelle trespassa. .... »
Je dois vous prier, Messieurs , de me pardonner
les détails dans lesquels je suis entré au sujet de
ce marbre. Je n’y ai été déterminé que par l'espoir
qu'ils pourraient offrir quelqu’intérét aux amateurs
de nos antiquités, et peut-être contribuer à le faire
(352
transporter un jour dans un local plus décent et
plus convenable. Est-ce en effet au fond d’un jardin
obseur et dans la masse d’un vil bâtiment que devrait
se trouver, chez un peuple sensible et dévoué au
culte de la beauté , la pierre tumulaire de la femme
au nom de laquelle s'attachent tant de nobles et
gracieux souvenirs ?.....
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DES MATIÈRES.
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2) pige uRS prononcé à l’ouverture de la séance
publique; par M. le Baron Lezurier de la Martel,
page 1
SCIENCES ET: ARTS.
Rapport fait par M. Vitalis, Secrétaire perpétuel , 7
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce Rapport.
MATHÉMATIQUES.
Discours de réception de M. Percelat, 8
Traité complet sur la théorie et la pratique du nivel-
lement; par M. Fabre, 9
Discours de réception de M. Boistard, ibid.
Discours de réception de M. Mallet, 10
HisToirEe NATURELLE.
Discours préliminaire de l’Histoire générale des Plantes
de France; par M. Marquis, TE
Histoire naturelle et médicale des Aconits ; par le
même , ibid,
Plan raisonné d’un cours de botanique ; par le même ,
ibid,
Rapport de M. Marquis, sur la Flore rouennaise
de M. le Turquier , 15
Description des jardins de Courset ; par M. P.-Aimé
Lair , de Caen, ibid.
(138 )
Idées sur la formation des brèches et sur les laves
lithoïdes ; par M, Geoffroy , de V'alognes, page 16
Pnysique.
Opuscules de physiques ; par M. Sage, de Institut , 17
Traité des pierres précieuses ; par le même , ibid,
Conduite qu'ont tenue envers moi les Ministres de
l’ancien régime, comparée avec celle des Ministres
du nouveau régime ; par le méme, ibid,
Découverte de la cause du développement d'une goutte
d'huile sur la surface de l’eau; par M. Xehot, de
Clermont-Ferrand , 18
Observations sur les moyens de reconnaître les métaux
par leurs propriétés galvaniques ; par le même, 19
Mémoire sur les moyens de renouveler l’air dans les
vaisseaux et dans les salles d’hôpitaux ; par M.
Garos, de Paris, . ibid.
Rapport de M. Dufilhol , sur le pèse-alcool ou alcooli-
mètre de feu M. Bonnet , 20
CHIMIE.
Notes sur quelques propriétés chimiques dés baies de
la Belladone; par M, Dubuc, 22 et 5o
De l'action de la lumière solaire sur les corps simples
et sur quelques composés chimiques; par M. Vogel,
ibid.
Sur l’inocuité du zinc employé dans la fabrication des
ustensiles de cuisine , 23
Mémoire sur la fabrication du sucre de betteraves ;
par M. Mulot , ibid.
MÉDECINE.
Discours prononcé par M. le Baron Desgenettes , à la
séance publique de la Faculté de médecine, le 7 no-
vembre 1814, 24
(159)
Rapport de M. Gosseaume , relativement à une ob-
servation Sur une surdité de naissance guérie au
moyen d’injections portées par la voie des narines
et latrompe d’ Eustache dans l’intérieur de l'oreille;
par M. Saissy, page 24
Compte rendu par M. Gosseaume, des quatre derniers
cahisrs des Bulletins des Sciences médicales du
département de l’Eure , 24
De la Contagion régnante sur les vaches , sur les
bœufs et sur l’homme , en quelques contrées de la
France, etc.; par M. Alphonse Leroy, 25
Discours de réception de 7. Flaubert , 26
Observations relatives 1° à une nouvelle manière de
pratiquer la Lithotomie chez les femmes ; 2° à
un individu mort à la suite d’une carie à la colonne
vertébrale ; 5° à une anévrisme de l’origine de
l'artère aorte communiquant avec l'artère pulmo-
naire; par le même, 50 et 59
Rapport de 21. Flaubert, sur un Mémoire concernant
une rupture du ventricule gauche du cœur; par M.
VWorbe , de Dreux, 30
Rapport sur les Vaccinations , suivi d'une Instruction
sur la manière de vacciner; par M. Giret Dupré , 52
Observations 1° sur les qualités vénéneuses de la
Coque du Levant; 2° sur les effets de la Digitale
pourprée dans l'Hydropisie ; 5° sur l'existence des
Géants; 4° sur les Cretins du Valais ; par M. Denis,
.
d’Argentan , 35
Discours de réception de M. Leprevost, vétérinaire ,
35
AGRICULTURE,
Comple sommaire des travaux de la Société d’agricul-
ture, commerce, sciences et arts de la Marne, 59
(140)
Expériences relatives au lait bleu, d’après une lettre
de M. Viard , cultivateur à St.-Eustache-la-Forét ,
page 59
Prix PROPOSÉ pour 1816, 41
Notice biographique sur N1. Bonnet ; par M. Vitalis, 45
— sur D. Jamard ; par le même, 4
Mémoires dont l’Académie a ordonné l'impression
en entier dans ses actes, 50
Morxs sur quelques propriétés chimiques des baies de
la Belladone ; par M. Dubuc, ibid.
OxservATIONS médicales; par M. Flaubert, 59
BELLES-LETTRES ET ARTS.
Rapport fait par M. Bignon, Secrétaire perpétuel, 66
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce Rapport.
Députation de lb Académie à S. M. Louis XVIII, ibid.
1
COoRRESPONDANCE:.
Précis de l’Académie de Caen, 67
Séance publique de l’Académie de Besançon, ibid.
— de la Société d'Emulation de Rouen, 65
Programme de l’ Académie des Jeux floraux , ibid.
Abrégé de la vie de Nicolas Morel, de Rouen; par
lui-même, t 69
Grammaire de la langue française; par M. Ledos ,
d’Avranches, ibid,
Le cri de la Patrie, Ode par M. Marie Dumesnil, de
Caen, ibid,
Eloge de Louis XVI; par M1. Worbe , d’Evreux, ibid.
Opuscules divers; par M. Beer , de Nancy, ibid.
‘ Observations critiques sur l’Ode Jam veris comites ,
etc.; par M. de St.-Victor , ibid.
lomances , Fables et Contes Moraux, par M. Louis
Damin , 7o
C141)
Notice historique sur M. Moysant; par M. Hébert,
de Caen, page 70
MEMBRES NON RÉSIDANTS:
Programme du Tableau du XVII": siècle, par M.
Lemonnier, 7E
Notice sur M. Moreau, par M. Feuillet, ibid.
Le langage de la raison et du sentiment ; par M.
Boïeldieu , ibid.
Supplément à l'Histoire du général Charette ; par M.
Lebouvier des Mortiers, 72
Suite des Essais sur le comté d’Evreux ; par 21.
Masson Saint-Amand, ibid.
Rapport de MM. Duputel et Licquet, sur une nou-
velle traduction de l’Enéide ; par M. Mollevaut, 73
Travail sur la trisection de l’angle , par feu 21, Oursel,
ibid.
L'Education au rabais , en vers français, par M.
Boinvilliers, 74
Stances sur la poésie; par le même, ibid.
Palémon et son fils, Asselin , pièces de vers; par M1.
Milcent, 75
Le Lion etle Troupeau , allégorie ; par le même, 76
ACADÉMICIENS RÉSIDANTS,
Discours prononcé par M. Gourdin, à la rentrée
de l’Academie , 78
Discours de réception de M. Brière , 79
— de M, Dumesnil, S0
— de M. Lecarpentier , (OR
Essaide traduction du Pseaume 138; par M. Gosseaume,
83 et 99
C142)
Réflexions sur l’écriture des Egypriens ; par M.
Gourdin, pages 84 et 103
Galerie des Peintres célèbres ; par M. Lecarpentier,
ibid.
Dialogue sur l'art de guérir , entre Chyron et Poda-
lire; par M. Marquis, 85
Ouvrages en vers.
Le Pavot et le Fumier , fable, par M. Guttinguer ,
85 et 113
Fables et Poésies fugitives, par M. Duputel, 86
La Violette et le Lis ; par M. Vigné, ibid.
Fragments d’un Poème épique sur Jeanne d'Arc ; par
M. Duménil , 87 et 123
Arts et Antiquités.
Recherche des monuments qui rappellent la mémoire
de nos anciens Rois, 88
Style , petit instrument de métal à l’usage des Romains,
trouvé dans un antique tombeau; par M. Pinard de
Bois-Hébert , ibid.
Renseignements sur d’anciens tombeaux de pierre
trouvés à Saïint-André-sur-Cailly ; par M. Auguste
Leprevost , 89
Réflexions sur les antiquités des départements de
l’Eure et de la Seine-Inférieure; par le même, 90
Notice sur les antiquités de Juliobona ; par M. Revers,
du Pont-Audemer , 91
Modèle d’un autel destiné au sacrifice nommé Tauro-
bole ; par le méme, ibid.
PROGRAMME du prix proposé pour 1816, 92
Mémoires dont l'Académie a délibéré l'impression en
entier dans ses actes.
Nouvel essai sur la poésie sacrée des Hébreux, par M.
Gosseaume , 94
(145)
ÆEssai de traduction du Pseaume 138, page 99
Kéflexions sur les différents genres d’écritures en
usage chez les Egyptiens , à l’occasion de celles qui
se trouvent dans un monument trouvé à Rosette
lors de l’expédition des Français en Egypte , par M.
Gourdin, 105
Le Pavot etle Fumier , fable; par M. Guttinguer , 113
Vers improvisés devant la statue de Henri IV; par
le même, 114
Flore aux Français, Elégie; par M. Duputel, 116
Charlotte Corday , avant de mourir, à son Père ,
héroide, par M. Duputel, 119
Fragment d'un Poëme de Jeanne d'Arc; par M.
Duménil , 129 el 127
Réflexions sur les Antiquités des départements de
l'Eure et de la Seine-Inférieure, et notamment sur
les restes d’Agnès Sorel ; par M. Aug. Leprevyost,
131
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