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Full text of "Principes raisonnes de l'agriculture; ou, L'agriculture démontrée par les principes de la chimie économique, d'après les observations de plusieurs savans. Ouvrage traduit en français, sur le version latine"

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_PRESENTED BY 


AS HENRY DURELL JEREMIE ESQ. 


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TEN 1996. 1 
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Guetnsep 3eortícultucal Soctetp. 





NEW RULES FOR THE LIBRARY. ; 





In consequence of several valuable Works being missing 
from the Library, the following Amended Rules have 
been unanimously adopted, and the Fines modified, in 
order to their being strictly enforced in future :— 


I. 


The Library to be open to Members only, for 
reading and reference, every day, except Sundays. 


lI, 


New Books to remain on the Table, from fourteen 
days io one month, according to size, before being cir- 
culated. All Periodicals to remain there one month. 


111, 


Books to be taken out, renewed, or returned 
every Wednesday and Saturday, from nine to two 
o'clock only ; and, in no case, without the presence of 
the Clerk, under a fine of 5s.; and not more than One 
Volume to be takea at the same time, under a fine of 
2s. 6d. 

IV. 


Any Books kept out longer than one week, to pay 
6d. for the first week, and 1s. for each ensuing week 
. beyond the time allowed. 


Y. 
Any Members lending a Work belonging to the 
Society to a non-Subscriber, to forfeit 5s. for each offence. 


VI, 


Any Member losing a Work or Volume belonging 
to the Society, shall be bound to replace it within a 
month under a fine of 10s. beyond the value of the Book 
lost ; and if the Volume should belong to a series, the 
whole Work must be replaced, unless the missing Vo- 
lume be procured within the time above stated. 


VII. 


Any Member who shall appear to have wilfally 
or carelessly iojured or defaced any Book belonging to 
the Library shall be fined one-third of its value. 


HARRY DOBREE, Jun. Treasurer. 


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' PRINCIPES. 


RAISONNES 


L DE L'AGRICÜLTURE, . 





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à L'AGRICULTURE DÉMONTRÉE PAR LES PRIN- 
|  CIPES DE LA CHIMIE ÉCONOMIQUE, D'APRÈS 
| . LES OBSERVATIONS D& PLUSIFURS SAVANS. 
|  OUVRAGE TRADUIT EN FRANCAIS, SUR LA 
. VERSION LATINE DE JEAN  GOTTSCHALK 


: V ALERIUS. 
| | 
Par J. F. FONTALARD, 
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_ . DE L'IMPRIMERIE POLYGLOTT 7; 
| ^ Rue des deux portes Bon-conseil, N°. 8; & zia 
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PRINCIPES 
ih RAISONNÉS "d 
DE L'AGRICULTURE 


De J. Gottschalk VarÉnivus,publiés par Jean 
Francois Fontalard, Traducteur des ou- 
wvrages de Trébra, sur la. Minéralogie du 
Hartz, in-Fol. Paris, chez Didot jeune... 
de la formation des montagnes... des Essais 
sur la fusion de toutes les substances, à 
l'aide de l'air vital.... du traité d'Ignace de 
Born sur l’amalgamation des mines d'or et 


d'argent... de l'Essai sur la platine. etc. 





INTRODUCTION. 


4 
boues sur leurs droits politiques et 
naturels, les. habitans utiles et laborieux 
des campagnes, ne le sont pas encore assez 
sur la méthode de diriger avantageusement 
leurs travaux rustiques. La routine qu'ils 
suivent constamment, dans la culture des 


TRUM o7 € € A . ed à « 


IV L'N-ÆR YO D USCOT 100 
terres, parce qu'elle leur a été transmise par ' 
leurs peres, se renouvelle chaque année; 
et, toujours aux mêmes époques, sans égard 
à l'inégalité des saisons, qui influent si évi- 
demment sur les plantes. 

La Convention nationale, qui accueille 
tout ce qui peut contribuer aux progrès des 
arts, et au bonheur du Peuple français ja 
formé un comité d'agriculture, pour exa- 
miner les ouvrages qui peuvent concourir 
aux. vues bienfaisantes qu'elle s'est pro- 
posées, en encourageant un art si nécessaire 
au bonheur de la Nation. 

C'est pour donner à mes Concitoyens une 
preuve de mon attachement , que je leur 
offre aujourd'hui.un ouvrage qui m'a paru 
renfermer des vérités utiles, sur-tout pour 
ceux qui aiment à profiter des lumieres des 
autres. C'est le résultat des observations, 
et de nombre d'expériences faites par plu- 
sieurs auteurs de diverses nations, sur l'agri- 
culture en général, et sur les procédés 
particuliers qu'il faut suivre, pour obtenir 
de. notre MERE COMMUNE les. richesses 
qu'elle ne prodigue qu'à un travail opiniâtre 
et raisonné. 

La chimie, cette science à qui nous devons 


aa 


INTRODUCTION. V 


tant d'heureuses découvertes dans les arts, 
n'a pu rester étrangère à l'agriculture. En 
facilitant la décomposition de toutes les 
substances des trois règnes , elle nous a ap- 


pris à en connoitre les parties constituantes. 


Guidé par cette connoissance, on est par- 


. * , . 
venu à découvrir le genre de culture, propre 


à chaque production particulière de la terre. 

Après avoir montré, par l'analyse chi- 
mique, les principes qui constituent les vé- 
gétaux , l'Auteur passe à ceux de la végéta- 
tion, et les appuye sur les nombreuses 
expériences qui ont été faites à ce sujet. Il 
développe ensuite la faculté interne qu'ont 


les plantes pour se multiplier: il prouve que 


Pair , Peawetla chaleur doivent être consi- 
dérés comme les moyens puissans qui favo- 
risent la végétation: il parle fort au long 
des D icuiés espèces de terres végétales 
connues , des anatass qui leur conviennent, 
des terreins sablonneux et caillouteux , des 
moyens artiñciels de fertiliser la semence, 
du mélange des terres pour les rendre fé- 
&pndes les unes par les autres , enfin de tout 
ce qui peut contribuer à l'amélioration de 
l'agriculture. 


La précision n'est pas toujours donnée aux 


^ 


VI ENT R O DU CF ON. 


auteurs étrangers qui enrichissent les arts 
des plus utiles découvertes : le grand nombre 
d'excellentes choses que j'ai cru voir dans 
l'ouvrage de VALÉRIUS, m'a déterminé à le 
rédiger d'une maniére plus concise, sans 
en altérer le fond, et à en faire disparoitre 
les répétitions trop fréquentes , qui détour- 
nent toujours l'attention. du lecteur, de 
l'objet qu l’intéresse. La multitude des: 
paragraphes et des citations intercalés dans 
le corps de l'ouvrage , m'a paru l'entraver, 
et en rendre la marche difficile et fastidieuse; 
je les ai tous supprimés, afin de rendre le 


. discours plus égal et moins coupé. 


L'agriculture exige un travail pénible et 
soutenu ; mais elle paye avec usure le culti- 
vateur intelligent. Cet un est la source de 
tous les biens et de toutes les jouissances des 
hommes. Ciceron, ce Rép ublicain si zélé 
et si ardent pour le bonheur de sa patrie, 
apprenoit à ses concitoyens: « Que parmi 
« les moyens d'acquérir , il n'en étoit point 
« de meilleur , de plus fécond, de plus agré- 
« able et de plus digne de l'homme libre que 
« l'agriculture. » Si nous la voyons sou- 
vent accompagnée d'accidens, qui Ôtent 
au cultivateur l'espoir qu'il avoit fondé sur 


INTRODUCTION vil 
ses moissons, c'est presque toujours au peu 
de lumiéres de ceux qui l'exercent, qu'il 
faut en attribuerla cause. On verra, dans 
le cours de cet ouvrage, qu’il est des 
moyens de donner à l'agriculture toute la 
perfection dont elle est susceptible , et ces 
moyens sont fondés sur les expériences 
d'un grand nombre de gens éclairés qui 
nous les ont communiquées, 


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PRINCIPES 
RAISONNÉS 


DE L'AGRICULTURE. 


$ 
CHAPITRE: t, 


Drs PRINCIPES QUI CONSTITUENT LES 


FÉGÉTAUX, 


BS uo des principes ou parties consti- 
tuantes des végétaux , peut seul nous faire 
connoître les moyens plus ou moins efficaces de 
contribuer à leur eroissance. On parwient à dé- 
couvrir ces principes, ou par une méthode 
purement mécanique , ou par l'action du feu: 
cette derniere est ce qu'on appelle Z'az. alyse 
chimique. x 

Tous les végétaux donnent; par la première 
méthode, des huiles fixes, ou huiles par ex- 
pression. On les tire sur-tout des praines ou 
semences qui sont susceptibles d'en fournir, des 
sels que l'on nomme essentiels, et de la nature 
des plantes dont on les extrait, des sues muci- 
lagineux , des gommes d'une consistance visqueuse 
et poissante ai toucher , des sues savonueux , de 


À 


- 


2 PRINCIPES RAISONNÉS, 

la résne et des sucs résineux et ressemblant à du 
beurre, de l'air, enfin des parties spiritueuses , 
aromatiques ou odorantes. Toutes ces parties élé- 
mentaires ne se rencontrent pas à-la-fois dans 
chaque plante; mais il en est, qui en contiennent 
trois , quatre , et quelquefois plus. 

Lorsqu'on employe l'analyse chimique à la 
décomposition des plantes , elles donnent : d'abord 
une eau appellée phlegme , sans odeur ni saveur 
particulière ; ensuite, des sels acides , ou des sels 
alkalins ; ceux-ci, sont presque toujours fixes; les 


sels volatiles sont plus rares. Quelques plantes 


donnent des sels huileux, des huiles plus ou 


moins aromatiques , et combinées avec les parties 
spiritueuses ou oderantes; on les nomme huzles 
essentielles ou volatiles; d'autres appellées 
huiles, empyreumatiques , qui ont une odeur 


. désagréable : enfin, une terre vitrifiable , ou une 


terre absorbante qui s'unit avec les acides, ou une 


- 


terre calcaire. 
Lorsque les parties aqueuses que l'on tire des 
plantes, avec ou sans feu, ont été purifiées, 
elles ont les propriétés: de l'eau commune ; elles 
ont toutes une saveur particulière , plus ou moins 
forte , qui décèle la présence de quelque sel. Ces 
eaux rendent , quelquefois , de l'odeur; indice: 
certain qu'elles contiennent une substance huileuse - 





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et spiritueuse. Cette eau chargée de parties 
salines et huileuses , a donc la faculté de dissoudre 
d'atténuer ou de diviser, et de se combiner. En 
considérant que le feu, en expulsant toutes les 
partjes aqueuses et huileuses qui étoient dans 
une plante , a rompu la liaison des autres parties 
qui la composoient, on est en droit de conclure 
qu'elles servoient à les unir ,*ou qu'elles leur 
servoient de lien commun. On nomme plantes 
aqueüses, celles qui renferment une plus grande 
quantité d'eau; et plantes sèches, celles qui ex 
contiennent trés peu. 

On a trois manières de séparer les parties ter- 
reuses des plantes: la putréfaction, l’incinération 
et la lessivation , d’où l'on tire trois sortes de terres 


"des végétaux, Une terre vitrifiable , provenant des 


plantes farineuses et nourrissantes, et en partie 

soluble par les acides minéraux. Une terre absor- 

bante , plus soluble dans les acides minéraux que 

la précédente , mais entrant plus difficilement en 
P , P 


fusion: telle est celle que l'on tire des plantes aroma- 


tiques, exotiques et indigènes. Enfii, une terre 
calcaire , que l'on n'obtient que des plantes les plus 


solides et. des arbres. Celle-ci a beaucoup : de con- 


' formité avec la terre calcaire minérale, et en dif- 
fere en plusieurs points ! à un feu violent , elle 
entre en fusion, et se change en un verre de cou- 
leur verte, À 2 


s , 
4 PRINCIPES RAISONNÉS 

Souvent on obtient deux terres différentes de 
la mêmé plante. L'écorce dure et ligneuse du noyer 
et de l'amandier, par ‘exemple, FEU une ferre 
calcaire ; tandis que le fruit, ou la parüe fari- 
neuse de ces plantes, donne une terre vitrifiable. 
Les minéralogistes ont observé que les parties ter- 
reuses de cette espèce , nese trouventqu 'àla surface 
de la terre; savoit: dans la terre en poussière, 
dans la terre végétale, ou dans la tourbe : d’où ils 
eoncluent que ces terres doivent être distinguées 
de toutes terres minérales. 

Les cendres ne rendent pas toutes les parties 
terreuses que renferment les plantes elles-mêmes, 
parcequ'une grande quantité dissipée ou volatilisée 
par la combustion, se trouve dans la suie , tandis 
qu'une autres'est combinée avec les parties huileuses- 
et aqueuses , pour former les sels, les huiles et les 
autres liqueurs. Ces parties terreuses servent de 
base aux végétaux , et leur donnent de la solidité. 


Les sels huileux que l'on obtient par la distil- 
lation de quelques plantes qui croissent dans les 
pays chauds, ou qui se déposent au fond de cer- 
taines huiles, ou ceux que lon obtient par la 
sublinration ou par la coction des résines, sont 
des corps très composés , qui existent déjà dans 
quelques parties des plantes, ou sont des résultats 
de quelque nouvelle combinaison. 





DE LASGRICULTÉERTS $ 

A l'égard. des sels que l'on extrait. sans feu , et 
que l'on appelle se/s essentiels ; il faut observer 
d'abord, que quelques plantes contiennent un 
acide qui se manifeste par un goût piquant , et 
qui indique un acide combiné avec des parties ter- 
reuses , ou quise décèle par unesaveur doucereuse , 
qui est due à un acide combiné àvec des parties 
huileuses : en second lieu , que d’autres plantes 
contiennent un acide plus caché , qui paroít lors- 
que le jus de ces plantes, tenu quelque temps en 
repos , a formé un dépôt et s'est purifié. Car alors, 
la limaille de fer rend la couleur de ce jus plus 
foncée , et lui communique un goût ferrugineux ; 


toute autre substance métallique change même sa 
(Y 


couleur; l'al&ali fixe le met en effervescence, et 


la craie y excite du mouvement. On*observe ces 
phénomènes dans le jus du choux , du navet, de 
la fumeterre , de la laitue , du persil, etc. 

L'acide des végétaux diffère de l'acide minéral, 
en ce qu'il est bien plus doux , plus ami du corps 
humain, qu'ilest moins corrosif et présente des 
allets différens. 

Le sel essentiel des plantes n'est que leur acide 
combiné avec leurs parties terreuses et huilenses, 
qui a pris de la consistance et s'est cristallis£. Ces 
sortes de sels exigent communément vingt. fois 
leur poids d'eau pour être mis eu XOU. es 


; 
€ PRINCIPES RAISONNÉS 

‘lorsqu'on les met sur des charbons ardens, ils ré- 
pandent une fumée, quest occasionnée par leur 
partie huileuse , et il reete une substance charbon- 
neuse. Les sels essentiels étant composés de parties 
qui se volatilisent par l'action du feu , on ne peut 
les obtenir par cette voie. Ces mémes sels , com- 
posés de parties acides, huileuses et terreuses, ap- : 
prochent souvent de la nature des sels neutres , 
fort différens cependant de ceux que produit la 
chiinie. :; 

La nature des sels essentiels est différehte , dans 
lesdivers végétaux. Quelqueschimistesen comptent 
cinq espèces; savoir: les seis acides ou tartareux ; 
les sels doux , les sels amers; ceux qui sont de la 
nature du sel marin ou muriate calcaire; et les 
sels vitrioliques. La diversité des saveurs, des cou- . 
leurs , et des odeurs des plantes vient, sans doute, 
de la diversité des sels, ou de leur combinaison 
différente. | À 

Le règne minéral ne fournit point de sels essen- 
tiels, ou deselsqui leursoientanalogués; ils diffèrent 
même considérablemerit de chaque sel minéral. 

| Toutes les plantes ne donnent pas des sels essen- 
tiels sous une forme cristallisée , puisque les végé- 
taux qui contiennent des sucs visqueux et rési- 
neux ou gommeux, n'en produisent point par la 
cristallisation , parce que les parties salines sont 





NU PNG NE CULTURE 350% 


retenues dans la substance visqueuse , qui n'a pas 


été atténuée et divisée par la fermentation; ear- 


alofs , il se fait une nouvelle combinaison. Pareil- 
lement , les plantes qui abondent en parties hui- 
leuses , ne donnent point de sels essentiels par la 
cristallisation. De méme , les plantes aromatiques 
donnent à peine des sels de cette espèce, à cause 
des parties huileuses qu'elles renferment. Les plantes 
sèches privées de parties aqueuses , ne produisent 
aucuns sels essentiels cristallisés : mais s'il faut en 
croire à de la GARAGE, on peut tirer un sel essen- 
tiel de- chaque plante, par la trituratiot dans 
l'eau. ; 

Les plantes donnent trois espèces d'huiles : 
1°. Des huiles essentielles ou volatiles , qn'on retire 


par un feu lent, et quelquefois par expression de 


l'écorce de quelques fruits. Ces huiles différent 


par la couleur, l'odeur, le goût, la consistance 
et l'épaisseur , suivant les végétaux dont elles ont 


été tirées : elles different eneoré par leur nature 
et leurs propriétés, parce qu'elles se montrent à 
la distillation , ou sous la forme d’une résine, ou 
sous la forme d'une Substance. saline , Ou enfin sous 
la forme du camphre, 

2°. Des huiles fixes, plus tenáces et moins vola- 
tiles que les huiles essentielles , à cause de la quan- 
tité de terre et de graisse dont elles sont char 2óes; 


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8 PRINCIPES RAISONNÉS 


On les obtient par expression de la plápart des 
, 


plantes, quelquefois par la cuisson: alors on leur 
donne le nom d’Auiles cuites. Elles diffèrent entre 
elles par le goût, l'odeur et la coxsistance. La 
cuisson leur communique une PS rance et dés- 
agréable. La longueur du temps leur fait con- 
tracter la méme odeur, les rend épaisses et les 
gáte. 

3? Deshuilesempyreumatiques: ellessont presque 
de la méme nature dans touies les plantes , et on ne 
les obtient qu'à l'aide du feu. En vieillissant elles 
prennent la consistance de la poix ; elles contiennent 
beaucoup de terres et un sel épais. 

Les huiles sont composées d'une substance in- 
flammable , et d'une substance terreuse , combinées 
avec de l’eau , à l'aide d'un acide. La diversité des 
huiles dépend de la nature des acides, et des pro- 
portions des Wonripos qui les re La chimie 
a fait voir que les huiles végétales différent des 
huiles minérales. On peut 1 Had ici les obser- 
vatious de HOMBERS, sur les huiles des plantes, 
insérées dans les mémoires de l'Académie des 
$ciences , année 1700. | 


La substance muqueuse d se trouve dani quel- 
ques végétaux , est composée d'eau, d'un acide de 
terre, et d'une trés petite portion d'huile. Elle se 
dissout dans l'eau , et non dans l'esprit-de-vin. Elle 

* 


+ 


p à ; 
Dok L^A-GROCURLCOEUS.RE Co 
esf très fluide, DL contient une grande 
quantité d'eau ct d'acide, et épaisse, quand elle 
renferme beaucoup de terre et d'huile. Le règne 
minéral n'offre po oint de substance de cette nature. 
«La gomme, qui est pareillemeut dissoluble 

dans l'eau, et non dans l'esprit de vin , a beau- 
coup de ressemblance avec la substdpüg muqueuse ; 
sice n'est que la gomme contient moins d'eau, 


et est plus compacte. 


La substance savonneuse est également Pide 
luble dans l'eau et dans l'ésprit de vin. On la tire 
de certaines plantes , et l'on peut s'en servir comme 
du savon fait par l'art. Cette substance est com- 
posée d'eau, de terre, d'huile et de sel, combinés 
de manière à se dissoudre dans l'eau, et dans 
l'esprit ue Cette subsignce ne se tronve point 


. dans le règne minéral. La chimie enseigne la 


méthode Tm faire des savons artificiels. 

Les résines qui ne se dissolvent que dans l'esprit 
de vin, sont, ou fluides , et alors on les nomme 
baumes : ou solides, et s'appellent proprement 
résines. Elles sont de plus, ou ductiles, ees 
tibles de s'étendre , et d'avoir quelque élasticité , 
ou tenaces, et elles portent le nom de cire , ou 
cassantes , comme le camphre, Ou grasses et 
ouctueuses , et on les nomme benrres. Ces sub- 
stances qui diffèrent beaucoup les vnes des autres, 


TO 


10 PRINCIPES RAISONNÉS-. 


ont cependant un grdnd nombre de propriétés: 


communes. 
Les substances résineuses sont composées d'une 


huile et d'un acide, qui les fige , ei les rend com- 


pactes. Néanmoins, Boërhave a prouvé , dans 
la seconde partie de ses élémens de chimie, que 
l'on peut former une substan^e résineuse, en 
dégageant la partie aqueuse des parties huileuses, 
pures. Cette opération ne peut se faire par la 


distillation, parce que l'une de ces parties est non 


seulement intimement liée avec l'autre ; mais elle 
en est encore altérée , et presque décomposée. 
Les résines sont différentes, comme les huiles 
qui entrent dans leur composition‘; quoique leur 


différence puisse être en partie l'effet de la diver- 
Y 


sité des acides. Les Tv résineuses ne se 


trouvent point dans le règne minéral. A la yénté, 


l'ambre et le succin paroissent apr ad de la 
nature de la résine ; mais si l'on compare leurs 
propriétés , et les expériences qu'on fait sur ces 
substances, on trouve des différences palpables, 
et qui ont été remarquées par un grand nombre 
de chimistes. 

L'air que l'on trouve dans les plantes, est un 
fluide élastique, ou un gaz, qu'on ne peut en 
séparer sans la décomposition totale de la plante ; 


ouilest un fluide sans élasticité. HALES et ELLER 


MR: L'IACOR I CU:L T OU RE 1 
ent fait voir que la partie aérienne ne peut étre 
dégagée sans la destruction de la plante. En effet , 
cet air se sépare des corps à l'aide d'un feu violent ; 
effervescence et la fermentation produisent le 
méme effet. Je ne déciderai pas si cet air se trouve 
réellement dans le végétal, et s'il a perdu sa 
fluidité et son élasticité , pour y former une sub- 
stance compacte , ous'il faut le regarder comme un 
nouveau produit. Nous examinerons plus loin les 
influences de l'air sur la croissance des plantes. 

. La partie spiritueuse, différente dans presque 
toutes les espèces de plantes, n'a, pour ainsi. 
dire, aucun poids. Cependant elle est dissoluble 
dans l'eau comme dans l'esprit de vin , ainsi qu'on 
le voit dans les eaux aromatiques distillées. — 

Il. paroít que les substances spiritueuses sont 
de deux espèces. Les unes ont une odeur agréable, 
comme celle que l'on trouve aux huiles éthérées , 
aux baumes et aux résines ; les autres exhalent 
une odeur pénétrante et fétide. Les substances 
spiritueuses, de même que l'odeur des plantes, 
sont augmentées ou diminuées par la culture, 
la nature du sol, et par d'autres circonstances. 
On voit donc que les plantes peuvent étre privées 
de cet esprit, sans être-altérées peur cela. Un 
arbre peut aussi perdre son odeur, sans qu'il en 
résulte aucun changement dans ses principes." La 





; d 4 ' »" 
12 PRINCIPES RAISONNÉS 
diversité que lon trouve dans ces substances 
spiritueuses , parcit venir de la diversité des acides 
et des sels combinés avec différentes : huiles. 
L'expérience prouve cette opinion, en montrant 
que l'acide du sel marin, uni à une substance 
infiammable , produit une odeur d'ail. Tous les 
acides PA exactemerft. combinés avec de 
l'esprit de vin”, rendent une odeur très save 5 
les métaux mis dans des acides , répandent une 
odeur tantót agréable , et tantót désagréable. De 
3 3 unis aux aromates en exaltent 
l'odeur , taudis que les alkalis fixes , ou carbonates 


de potasse l'affoiblissent, et les huiles distillées 


kaki, perde nt leur qualité pénétrante. 
Yaiileuzs, on sait que les plantes et leurs huiles 
perdent toute leur saveur, quand on les a 


privées de cette substauce s spiritueuse, ct que 


touie. saveur fem des sels. Cepen ndant on 


ne peut se dissimuler que les huiles essen- 
tielles , jointes avec des acides trés concentrés , 
perdent leur odeur ; mais ce changement vient 
de la conversion de ces huiles en résines, le mdu- 


vement violent ayant détruit la combinaison de 


leurs parties. Outre que cette substance spiri- 


tneuse est bien p lus subtile que celte qui est pro 

duite par les fermentations artibcielles , il est 
- » T E , WT n 1 4 3 1 Led 

ires vraisemblable qu'eile est due à la fermen- 


HE ARE 


^ 


DE. LT AS G/RA CU.L^r-U RE. ^£ 


fation naturelle, qui, pendant la végétation , se 
fait dans chaque semence par le concours des 


> principes qui constituent cette substance spiri- 


tueuse ; l'odeur qui se fait sentir pendant la végé- 
tation, en est la preuve. j les expériences de 
N. Dalibard viennent à l'appui de cette conjec- 
ture.*l a semé des graines de plantes aromatiques 
dans un terrein di: les y a laissé croître; 
et les plantes qu'il en a recueillies , n'ont eu aucune 
odeur ; il y a plus, c'est qu'après les avoir trans- 
plantées dans un terrein plus gras, elles ont con- 
servé la propriété inodore, tandis que les plantes 
de méme espèce qui y étoient venues, avoient une 
odeur agréable. En effet, comme la fermentation 


‘artificielle est accélérée ou retardée par plusieurs 


causes extérieures, il est à présumer que la fer- 
mentation naturelle qui se fait dans les semences 
des plantes, pendant leur végétation , est de même 
augmentée ou diminuée par différentes causes 
D bible , d’où il résulte une substance spiri- 
tueuse plus ou moins forte. C'est cette substance 


que Boërhave a nommée esprit recteur. 


On vient de voir, d’après les principes de la 


chimie, que les substances résineuses sont compo- 


sées d'huile et d'acide ; que les parties savonneuses, 
gommeuses et muqueuses sont composées d'eau , 
de terre , d'huile et de sels combinés en différentes 





14 PRINCIPES RAISONNÉS 
proportions ; il est donc naturel d'en conclure que 
ces substances ne doivent pas être regardées 
comme les élémens des plantes ; mais qu'elles 
eont produites par l'eau, la terre, le sel et l'huile, 
diversemént combinés , et élaborés dans les plantes 
elles-mêmes, puisque ces substances ne se trouvent 
point dans le règne minéral , comme oh la 
remarqué. 


ES 


d 


DE CG RUE CU bOEDUIR ED x35 
CERTA TL 


DES PRINCIPES DE LA V ÉGÉTATION. 


O, entend par la végétation , le changement 
progressif et la croissance des plantes, que produit 
le mouvement des liqueurs , par le moyen duquel 
les parties nutritives contribuent à l'augmentation 
des plantes, en s'y insinuant de toutes les 
maniéres. : 

Par principes de la végétation on n'entend pas 
seulement les matériaux, mixtes, ou agrécés, 
qui entrent comme £élémens dans la combinaison 
des végétaux pour € mala àleur croissance; 
maison entend encore les choses qui, comme 
instrumens , concourent réellement à cette 
végétation. 

"Un végétal est un corps organisé, qui n'a 
point par lui-même la faculté de se mouvoir ; 
-mais qui, à l'aide des pores, des ouvertures ou 
vaisseaux qui sont à sa surface, peut attirer la 
matière qui est propre à le nourrir. On voit, 
par cette définition, qu'il ne peut entrer dans le 
corps du végétal, que des substances capables 
de passer par les plus petits orifices des ouver- 
tures ou vaisseaux ; mais, gomme ces vaisseaux; 


, 
16 PRINCIPES RAISONNÉS 
si déliés que l'oeil seul ne peut les appercevoir, 
doivent éire proporiionnés aux particules de l'eau 
qui y entre imperc ARE ement sous Ja forme d'une: * 
vapeur, il faut qu'ils soient de la méme nature 
que les pores qui se trouvent sur la peau des 
animaux. On sait que la vapeur suffit pour faire 
| croître les plantes bulbeuses, et qu'il suffit méme 





| de les attacher à la muraille dans un lieu hu- 

í mide. Il est donc naturel de conclure que les 

plantes n eurent tirer Joni nowrriture que d'une  ; 

substance trés déliée , très fluidé, et qui est sous 

la forme d'une vapeur. 

[4 Ji faut pour la végétation et l'accroissement 
uer plantes, une substance ropre à les étendre 
et à les augmenter: c'est l'opinion de ceux qui 
croyent que toute l'agriculture dépend des engrais 
ou du fumier. 

Je ne prétends point disconvenir que l'eau , en 
excitant du mouvement dans le suc muqueux, 
et méme dans la substance farineuse, qui se 

. trouvent dans la bulbe et dans la semence des 
végétaux, ne les fasse contribuer à leur nutrition; 
cependant , d’après les expériences que BONNET 
a rapportées dans ses recherches sur l'usage 
des feuilles, il paroit qu'en enlevant le germe . 
d'une féve partagée e deux, le mettent en terre, 
et larrosant fréquemment avec de l'eau, il ne 


vow 


^ r 

BET AGRICULTURE 19 

laisse pas de pousser et de croître, malgré sa 
structure délicate. D'où l’on peut conclure que 
les plantes peuvent bien, au commencement de 
leur végétation, tirer quelque nourriture de ces 
sucs et de cette matière farineuse; mais qu'ils ne 
suffisent point pour achever leur croissance. En 
effet, peut-on concevoir que d'une trés petite 
semence, il püt sortir une grande plante, ou 
méme un arbre avec ses branches, ses feuilles e£ 
ses fruits, sans le concours d'une matière qui 
produise de l'accroissement ? 

Pour pouvoir pénétrer dans le végétal, par les 
orifices et les fibres déliés qui sont à sa surface, 
il faut que les substances nutritives soient con- 
venablement combinées, dissoutes, et atténuées. 

‘il faut méme qu'elles scient unies immédiatement 
aux semences et aux plantes qui n'ont point la 
faculté de se mouvoir. Voilà ce qu'ont en vue 
ceux qui prétendent que c'est en labourant souvent 
la terre, qu'on peut la rendre fertile. Il faut 
encore une disposition naturelle dans la semence, 
pour recevoir la nourriture et pour la porter en- 
suite dans la plante. C'est pour augmenter la force 
de la semence, que quelques cultivateurs la 
trempent , ou emploient d'autres moyens analogues. 
Enfin, il faut encore écarter les obstacles qui 


peuvent afloiblir ou empêcher la nutrition et la 
végétation. B 


à 





1$ | PRINCIPES RAISONNÉS 

Les substances homogènes et similaires pott- 
vant seules contribuer à l'accroissement des 
plantes , ilest clair que les terres minérales; 
ie souffre, les bitumes, les substances métal- 
liques et  pierreuses ne sont pas propres à la 
nouriture des végétaux ; parce que ces substan- 
ces n'ont aucune aflinité avec les plantes et 
les animaux. Ainsi lorsque la substanee nutri- 
tive est d'une nature différente du corps qu'elle 
doit nourir , il faut commeneer par dégager 
ceite substance de ce au'elle a de contraire, 
pau la rendre capable de nourir. Il est bon 

d'observer que les E se nourissent et s'ac- 
croissent plus vivement et plus promptement 
d'une substance qui leur est déja similaire , 
ou analogue , que de celle qui doit être mo- 
difiée ou dégagée de ses parties hétérogènes. 
L'expérience nous apprend qu'une substance grasse 
et huileuse est plus propre que l'eau pure à faire 
croitre les végétaux. 

J'ai dit plus haut, que les substances nutri- 
tives des plantes ne peuvent entrer par leurs 
pores , qu'après avoir été dissoutes et atténuées: 
or l’eau possède cette faculté en se réduisant en 
vapeur ; c'est donc elle qu'il faut employer à ” 
cet usage. Les sels ont aussi la méme faeulié ; 
car ils entrent dans la combinaison des huiles 


BG TOM GAME CU EL TU RE o" 
et servent à rendre les parties grasses miscibles 
avec l'eau. Ce sont ces moyens que je nomme 
instrumentaux , parce qu'ils servent à la divi- 
sion et à la combinaison des particules des sub- 
stances qui servent à la végétation. 

Les substances nutritives et instrumentales 
n'ont par elles-mêmes aucun mouvement, et 
sont purement passives; il leur faut donc un 
agent qui leur imprime le mouvement , les fasse 
agir les unes sur les autres, pour opérer la dis- 
solution , l'atténuation, et la combinaison, et 
les porte à la surface du végétal. Cette puissance 
agissante;- qui ne peut être que l'air modifié par 
la chaleur, de laquelle dépend tout mouvement 
et toute fluidité , méme dans l'air ; je l'appelle 
l'agent extérieur. 

Quoique les plantes soiént des corps orgánis 
sés , elles ne sont point pourvues d'un instru- 
ment, qui, comme le cœur des animaux , ré- 
pandent les liqueurs jusqu'aux extrémités du 
corps. Il leur faut donc un autre principe agis- 
saut , par le moyen duquel elles attirent les 
substances propres à les nourir, à les distribuer 
;et à les multiplier. Mais ce pz rincipe est double: 
l'un est intérieuf: il tient à la nature de là 
"plante elle-même, il est dà à l'énergie qu'à 
chaque plante pour s'accroítre et se multiplier, 


B 3 





20 PRINCIPES RAISONNÉS 


L'autre est extérieur , et dépend de la cause 
agissante externe , e'et-à-dire, de l'air modifié 
par la chaleur.Ce principe est incapable denerien 
effectuer, si le principe intérieur n'est mis en 
action , et ces deux principes s'entr'aident mu- 
tuellement. | 

Il] y a plusieurs obstacles qui contribuent à 
afoiblir , à altérer, détruire les causes agissantes 
et les causes passives. L'expérience nous apprend | 
que ces obstacles sont dus principalement, ou à 
la trop grande humidité, ou à la trop grande 
sécheresse, ou à une certaine acidité , ou à 
quelque altération , ou enfin à des causes qui 
empéchent le concours des principes agissans. 
Mais ces obstacles varient en raison de la di- 
versité des principes actifs ou passifs, et l'on 
peut les écarter d’après leurs qualités, et les 
effets qu'on leur voit preduire. | 


DD OAIGRICU LMUIR:E. 23 


CHAPITRE 1I 


DE LA FACULTÉ INTERNE QU'ONT LES 
PLANTES DE SE MULTIPLIER. 


O, a vu dans le chapitre précédent que les 
végétaux avoient la double faculté de se nourrir 
et de se multiplier. Celle-ci paroît dépendre de la 
premiére: car l'expérience a fait voir, que sou- 
vent la faculté nutritive étant très forte, la faculté 
multiplicative est tres foible, et que cette derniere 
venant à cesser, la première n'en est point dé- 
truite. Il y a des plantes qui ne donnent du fruit 
qu'au bout d'un an et plus; d'autres tendent plu- 
tót à se nourrir et à s’aceroître qu'à produire du 
fruit. Examinons d’abord en quoi consiste dans les 
plantes la faculté de se multiplier. 

On connoit par les observations , que les plantes 
ne se multiplient pas seulement par la semence, 
.mais encore par l'inoculation , par la greffe , 
les feuilles , les racines , par l'écorce ; ou par les 
nœuds. On voit par-là que la faculté multi- 
plicative des végétaux , est renfermée dans tout 
le corps du végétal , comme dans la semence. 
. Les expériences de Chrétien WOLF prouvent qu'il 
y avoit une faculté multiplianie dans les ar- 
ticulations ou jointures inférieures d'un tuyau 


B 3 





22 PRINCIPES RAISONNÉS 


de bled , et que ees jointures peuvent être re- 


gardées comme des réservoirs de semence propres 
. . X 
à produire de nouvelles racines et de nouveaux 


épis. La faculté multi plicative qui se troave dans 


le corps de la plante et dans ses parties prove- 
nant de celle. qui réside dans la^ graine: l'ordre 
demande que nous examinions d'abord celle-ci. 
En considérant la structure des graines des vé- 
gétaux , on trouve qu'elles sont composées, de 
pellicules, d'un germe , d'un lobe, et de la racine. 
Les pellicules ne sont que des enveloppes qui ne 
contribuent pasà la plante qui doit venir, puis- 
qu'on les trouve attachées àsa racine. Le lobe com- 
posé d'une substance farineuse , sert à la nou- 
riture du germe , sur-tout avant son développe- | 
ment: mais comme nous avons des expériences 
qui prouvent que cette substance farineuse se 
vide et disparoît, c'est dans le germe que nous 
devons chercher la plante qui doit naître. 
^ Par l'analyse chimique des graines des plantes 
farineuses de la nature du bled, par exemple, 
pour connoître leurs parties constituantes; on 
trouve qu'en lavant ces graines avec de l’eau 
pure, on n'en tire aucune substance saline, lors- 
qu'elles sont parfaitement mûres ; tandis que 
celles qui ne le sont point, communiquent un 
peu d'acidité à l'eau. On trouve encore, qu'en 


- 


-— 


Dr L'AGRICULTURE. 23 
les faisant macérer dans l'eau, on obtient une 
grande quantité de substance muqueuse ou gom- 
meuse, selon qu'elles sont bien mures et que 
la fdrine est plus pure. 

En distillant cés graines , on obtient d' abord 
un esprit acide huileux , ensuite une huile , et 
il reste une terre. 

A feu nu, ces graines donnent dela fumée 


et noircissent; si l'on augmente le feu, elles. 


s'enflamment et se convertissent en charbon; 
et après que les parties huileuses et volatiles 
en ont été expulsées, elles donnent une petite 
quantité d'une terre blanche, qui se change facile: 


ment en verre. Cette portion de terre est d'autant 


plus petite et plus vitrifiable, que la graine a été 
plus nourrissante. Ainsi le riz fournit beaucoup 
moins de terre, et plus aisée à fondre, que le 
froment , et celui-ci , que l'avoine &c. D'où je 
conclus , que la substauee farineuse est com- 
posée d'une terre , produite par le mouvement 
interne de l'eau, et combinée avec une grande 
quantité d'huile, laquelle prend aussi, par le 
mouvement, la consistance d'une terre compacte 
mêlée d'une eau acide. En effet, les expéri- 
ences rapportées dans le vingt-unième volume 
des mémoires de lacadémie de Suède, font 


*oir, me l'eau se convertit , par le mouvement 
B 4 


24 PRINCIPES RAISON NÉS 


en une terre: vitrifiable , À les huiles en une 
terre inflammable. | 

Voici ce que l'expérience nous apprend de la 
faculté de se multiplier qui réside dañs la 
graine des végétaux: elle n'agit point parelle- * 
méme, à moins qu'uue cause agissante exté- 
rieure, qui est l'air chaud , ne vienne la mettre 
en action, ou la développer. L'air et la cha- 
leur , sans le concours d'une quantité convenable. 
d'humidité qui puisse dissoudre , atiénnuer , et 
rendre les parties plus mobiles , ne fercient point 
agir cette facylié, parce que les graines n'en- 
trent pas en végétation tant qu'elles.sont dans 
des lieux secs. Cette faculté multiplicative dé- 
pend non seulement de l'humidité, mais encore 
de la quantité suffisante et de la propriété in- 
terne de la substance farineuse ou de celle qui 
sert à la nourriture iniérieure de la graine. 
Aussi , ne regarde-t-on comme fécondes, que 
les graines qui sont grosses , pesantes, remplies 
de farine, qui s'écrasent avec bruit sous les 
doigts, et qui tombent au fonds de l'eau ; tandis 
qu'on regarde comme peu fécondes, celles. qui 
sont petites, ridées, légères, peu remplies, qui 
s'aplatiseent sous les doigis sans se crever, et 
qui nagent à la surface de l'eau. 

In observant ce qui se passe dans la végé- 

» 





DE L'AGRICULTURE. 25 


tation de ces graines , on trouve qu'elles se 
gonflent peu à peu par le concours de l'humi- 
dité de lair et dela chaleur; preuve que l'hu- 
midité est entrée dans leurs pores. On sappercoit 
ensuite que la chaleur interne devient! de plus 
en plus sensible , phénomène que l'on découvre 
aisément dans un tas de bled qui germe, et du 
quel il sort une odeur particulière ; il s’y fait 
un changement dars le goüt, dans les sucs 
intérieurs, et l'on appercoit les premiers vestiges 
de la racine et de la feuille. Ce mouvement 
continuant , on voit l'enveloppe ou la pellicule 
se vider, les racines et les feuilles s'étendre et 
s'augmenter dans la méme proportion, et le suc 
intérieur prendre un goût différent. Toutes ces 
observations et beaucoup d'autres prouvent qu'il 
se fait dans les graines, qui végètent, un mou- 
vement interne , qui fait subir des altérations 
différentes suivant la nature de,chaque plante, 
et qu'il se fait une vraie fermentation qui a 
toutes les qualités de celle que la Chimie nous 
apprend à connoítre: d’où je conclus que la fa- 
culté de se multiplier consiste dans un mouve- 
ment de fermentation, et dépend de la matière. 
fermentative qui, pendant la végétation, se com- 
unique à chaque graine, suivant sa nature 
particulière. 





E 
26 - PRINCIPES RAISONNÉS 

A la suite de ce qui vient d'étre dit , nous 
remarquerons encore que les principes matériels 
tant actifs que passifs de la fermentation, sont 
dans L A et dans la sbve; que tous les 
sucs tirés par expression sont par eux-mêmes 
susceptibles de fermentation; que ces sucs ne 
peuvent être ni atténués, ni combinés les uns 
avec les autres , sans un mouvement interne; 
enfin, qu'une substance spiritueuse est produite 
par cette fermentation naturelle , comme dans 
la fermentation artificielle. Toutes ces observa- 
tions conspirent à donner de la certitude à la 
doctrine que je viens d'établir. D'ailleurs ce 
sentiment a été adopté par plusieurs natura- 
listes célèbres , tels que Malpighi, Digby , Rédy, 
Lemery , Vallemont , Homberg , Eysfarth , 
Marzuchi , Kiesling , Kraft &c. 

Les différentes saveurs et odeurs que rendent 
les difiérens végétaux, meitent en droit d'en 
conclure , que ces fermentations varient dans 
chacun d'eux. C'est sur ce principe qu'est fondé 
l'art de greffer. Car je ne vois pas qu'on puisse 
expliquer autrement qüe par un changement 
qui s'opère dans la fermentation du bob 
de la feuille ou de la branche, le change- 
ment total dans le goût, et dans les qualités 
de la sève d'une branche , ou d'ux arbre à la 


MEL AGRICULTURE. 27 
suite de la greffe pratiquée par les jardiniers. 
D'ailleurs le simple mécanisme ne suffiroit pas 
pour rendre raison d'un pareil changement. 

Il n'est pas aisé de décider quelle est la ma- 
tiere qui met la graine en fermentation , et* 
de laquelle dépend la diversité que lon trouve 
dans les plantes. S'il m'est permis de hasarder ici 
mon opinion, je crois que ce levaiu est la pous- 
sière des étamines qui sert à la fécondation des 
graines , lorsque les plantes germent: cette pous- 
sière aprés avoir été purifice, s'élève de même 
que la levure, et se communique à la graine 
qui n'est point encore développée. 

Ce systóme de la fermentation peut, ce me 
semble, expliquer pourquoi les petites racines et 
les germes dout les fibres ont pourtant une origine 
commune, ont une direction opposée, les plantes 
s'élevant tandis que les racines s'enfoncent. En 
eflet, par le mouvement de fermentation qui 
commence au milieu de la graine , il faut né- 
cessairement que la partie la plus légère monte, 
et que la plus pesante descende : mais ces par- 
ties supérieures et inférieures de la graine ne dé- 
pendent point des causes extérieures, il faut donc 
qu'elles dépendent de la structure interne et de 
- la disposition mécanique des parties et des fibres. 
Je laisse à d'autres physiciens plus instruits 


| 
; 


^ 





28 PRINCIPES RAISONNÉS 


que moi, à décider la question. C'est ce mou- 
vement de fermentation qui fait que les bleds 
recueilis dans un été humide, sont moins dis- 
posés à la fermentation, qu'exige le pain; ces 


sortes de bleds ayant déjà subi une première 


fermentation, ils ont déjà éprouvé du change- 
nint dans leurs propriétés originelles. Au reste, 
on peut leur rendre le mouvement de fermen- 
tation nécessaire pour faire du pain, en leur 
joignant un levain plus actif, et en prolongeant 
le tems de la fermentation. Ainsi la fermenta- 
tion naturelle des plantes de méme que leur fa- 
culté multiplicative et la végétation des graines 
peuvent êire non seulement changées et diver- 
sifiées par l'addition d'un levain différent; mais 
on peut encore les augmenter ou les diminuer, 
tant par des causes intérieures, que par des 
causes extérieures. 

La faculté multiplicative des graines peut 
être aidée et augmentée , d'abord, par la ma- 
turité , qui perfectionne leur. disposition méca- 
rique, qui élabore complettement le suc nourri- 
cier et les rend plus propres à la fermentation. 
Ainsi pour semer, ii faut choisir des ‘graines 
bien müres. On ne peut done donzer trop d'é- 


loges aux laboureurs , qui, aprés avoir mis leur 


2M 
bled en gerbe, le mettent à couvert , et le 


bua T A-OGORCÜOL TU RE. 29 
laissent encore quelque tems exposé à l'air pour 
le faire mürir d'avantage. 

En second lieu, on augmente la faculté multi- 
plicative des graines, par un degré de chaleur 
convenable , parce que sans la chaleur on ne peut 
exciter ni mouvement, ni fermentation, consé- 
quemment point de germination. On verra , dans 
le chapitre suivant , quel degré de chaleur il faut 
pour cela. Un épi de bled étendu sur la terre, 


avant, ou aprés avoir germé, ne donne que des 


grains inféconds , ou incapabies de se multiplier. 


Cela vient du manque de chaleur , parce qu'étant 
près de la terre , ils ne sont pas suffisamment 
échauffs de tous les cótés. Les arbres sont ordi- 
nairement plus vivans, et plus chargés de feuilles 
du côté du midi. Ainsi, quand on voudra semer , 
il faudra choisir la graine, qui a été, autant qu'il 
est possible , échauffée et mürie de tous les côtés 
par le soleil. 
Troisiémement, la faculté multiplicative des 
graines est augmentée , par une graisse et une 
humidité convenable dans le terrein. Car, toute 
fermentation exigeant une quantité proportion- 
nelle de parties humides , salines et huileuses, la 
faculté multiplicative des graines exige pareil- 
lement une quantité convenable de ces principes 
et appropriée à leur nature. Il ne faut donc pas 


20 PRINCIPES RAISONNÉS. 
s'étonner, si trop d'humidité et trop de graisse 
étouffent les végétaux , ou ne leur font produire 
que des graines infécondes , et qui ne mürissent - 
pas. Dans cet état , les plantes surchargées d'hus 
midité , ne peuvent parvenir à maturité ; tout se 
porte à la croissance et à la paille, et rien à la 
fructification. Par la méme raison , les graines 
semées dans du fumier , produisent rarement, Ou. 
jamais des graines müres. Mais il faut remarquer 
que la quantité de graisse et d'humidité varie 
considérablement , suivant :la nature de chaque 
plante. L'expérience seule peut indiquer celles 
qui en demandent plus ou moins. Elle nous ap- 
pread, que pius les. graines sont farineuses Let 
nourissantes , plus elles exigent d'humidité et de 
chaleur: le contraire à lieu, pour les graines: 
aoins farineuses. D'après cela , on peut.se faire 
une regle pour choisir les graines que l'on veut 
semer. 
Quatrièmement , enfin, on peut augmenter la 
faculté multiplicative, par un levain, ou matière 
fermentante convenable, qui, pour se joindre à 
la graine, demande un tems serein , lorsque les 
plantes cgmmencent à pousser. Ta 
Ce qui vient d’être dit, suffit pour faire cons 
noftre , s'il est vrai que le changement de terrein 
et de climat contribue à la multiplication des 


LD PASGRIGQULTURE  - 91 
plates. Nous en parlerons par la suite avec plus 
d'étendue, et nous examinerons si cette multi- 
plication peut étre favorisée par l'art. 
| oyons maintenant, comment la faculté mul- 
tiplicative dans la graine , est diminuée. 

19. Par son immaturité > comme nous l'avons 
vu plus haut. 

29. Par le froid , ou par le "défaut d'une chaleur 
convenable. Ainsi, le voisinage des forêts nuit 
aux terres, à cause du froid et de l'ombrage 
qu'elles occasionnent. 

3e. Par la sécheresse et l’aridité du sol: pär- 
ce que les plantes qui croissent sur un terrein 
stérile , employent nécessairement tout leur tems 
à changer la matière nutritive, et la graine en 
est moins féconde. 

4%. Par le défaut d'un levain, ou d'une ma- 
tière propre à exciter la fermentation. 

59. Par la vieillesse; en effet , sur ce point les 
plantes paroissent avoir de lanalogie avec les 
animaux : la vieillesse leur óte de plus en plus la 
faculté de se reproduire. Dans. cet état, la partie 
humide et huileuse en est dissipée , et il est pos- 
sible que le levain soit, à certains égards, sujet 
à se corrompre. D'après cela , on ne peut admettre 
l'opinion de ceux qui prétendent quil vaut mieux 
employer de vieilles graines; pour ensemencer les 


^ 


42 | PRINCIPES RAISONNÉ SN 
terres: opinion qui est contredite par l'expérience 
et par la raison. 

6°. Enfin, la faculté multiplicative des graines. 
est diminuée, par le changement du climat ; sur- 
tout lorsqu'on fait passer les plantes d'un climat 
chaud à un climat froid. I] en est de méme des 
animaux , tels que les beeufs et les chevaux que- 
l'on transporteici(ez Suède) et qui y dégénèrent 
en peu de tems. Les cultivateurs, par exemple ». 
qui font venir de la Podolie du bled pour le semer 
ici, y trouvent , sans doute, du profit la première 
année; mais la suivante , ils perdent tout le fruit 
de leurs travaux, parce que la faculté multipli- 
cative s'affoiblit , en raison de la diminution de la 
chaleur et de la graisse du terrein. 

De nombreuses disputes se sont élevées de nos 
jours , pour savoir, s'il étoit possible que la diffé- 
rence du sol, du climat et de la semence pro- 
duisit un changement dans la graine. Pour moi, 
je crois que l'expérience et l'observation, bien 
pius que le raisonnement , sont faites pour décider 
la question. Nous sommes bien loin d'avoir dé- 
couvert tous les secrets de la nature. Je pense 
qu'une seule expérience, faite avec soin et qui 
constateroit clairement ce changement , suffiroit 
pour terminer la querelle: certainement, un 
grand nombre. d'expériences manquées ne font 


DE L'AGRICULTURE 33 
rien conclure , si non que cetie sorte de transmu- 
tation ne réussit pas en tout tems et en tous 
lieux. C'est donc s'opposer aux progrès des connois- 
sances , et aux moyens de constater la vérité , que 
de, détourner les hommes de ténter de pareilles 
expériences. Quel jugement fa@t-il porter de 
ceux qui veulent persuader aux autres qu'ils 
connoissent suflisamment les voies incompréhen- 
sibles qu'emploie la nature pour la génération, 
dans les divers régnes , comme dans un seul? De 
tout tems le charlatanisme des faux savans a mis 
des entraves à la recherche de la vérité; c'est le 
fléau destructeur des connoissances humaines. 
Espérons que de nouvelles expériences ameneront 
la décision de cette importante question. 


Li 


34 PRINCIPES 'RAISONNÉS 
CHAPITRECIY. 


DE LA CHALEUR, COMME UN DES AGENS QUI 


CONTRIBUENT A LA V ÉGÉTATION. 
Js plantes 2 ainsi que les animaux , ne peuvênt 
vivre sans chaleur. Dans l'automne, lorsque la 
chaleur diminue, la végétation devient languis- 
sante, la couleur des plantes disparoit, et se 
ranime au retour de la chaleur. Dans les étés 
froids, les plantes croissent avec pius de lenteur: 
et parviennent plus promptement' à la maturité , 
dans les étés chauds; la chaleur contribue donc 
beaucoup à la végétation et à la croissance des 
piantes. 

Pour connoitre comment s'op?re ce phénoméne, 
il faut distinguer deux espéces de chaleur: l'une, 
contenue dans l'air, l'autre dans la terrequi s’elève 
en haut. Voyons quels effets ces deux espécés de 
chaleur produisent sur les plantes, sur la terre, 
dans laquelle elles croissent, et sur l'air qui les 
environne. 

L'expérience et la théorie font voir que la 
chaleur agit de deux manières sur les plantes; 1°. 
réellement et formellement , en ce qu'elle produit 
et favorise le mouvement des sucs: car la cessa- 
tion de la chaleur occasionne celle du mouvement ; 
conséquemment il v a aussi cessation dans la 


= L’'AGRIGUETUREE. 35 
nadüebture et dans l'accroissement. L'eau et les sucs 
restent sans mouvement dans les fibres, et s'y 
corrompent, dés que la chaleur manque, et si 
le froid vient à s'y joindre, ils se convertissent 
en glace. De plus, sans le secours de la chaleur , 
les substances nutritives ne peuvent être appro- 


priées ou assimilées aux végétaux, comme nous 


l'avons fait voir plus haut: et sans elle, leurs 
principes internes ne sont point mis en action. 

2°. La chaleur agit matériellement sur les 
plantes, en leur communiquant une substance 
nutritive inflammable. La chimie physique dé- 
montre que la chaleur consiste dans le mouvement 
du calorique , et que la formation d'une sub- 
stance grasse et huileuse, n'est due qu'à une 
matière inflammable combinée avec l'eau par 
l'interméde du sel. Aussi Kulbel , dans son traité 
de la fertilité , a-t-il conjecturé que les huileset les 
matières grasses, sont produites par la terre grasse 
et inflammable. J'aurai occasion, par la suite, 
de m'étendre plus amplement sur cet obiet. 

La chaleur de l'air et celle de la terre agissent 
de deux facons sur la terre elle-même. D'abord 
d'une manière réelle et formelle, en résolvant en 
vapeur l'eau et la partie grasse de la terre, et en 
les poussant vers la surface des végétaux. Cet 
eflet est dà particuliérement à la chaleur sou- 


C3 


36 PRINCIPES RAISONNÉS 


terraine, qui, au défaut de l'eau qui vient de 


l'air, évapore l'humidité qui se trouve par-tout 
dans la terre, et la porte vers la racine des 
plantes. Cette chaleur souterraine empêche encore 
que le froid ne saisisse et ne glace tous les sucs 
végétaux. 


En second lieu, la chaleur de l’air et celle de 


la terre, agit sur la terre elle-même d'une manière 


matérielle , en combinant la partie inflammable, - 


qui se trouve , et dans la terre méme et dans 
l'air, avec la partie grasse du sol, qu'elle rend 
par-là plus fertile et plus nourrissant. Remarquons 
encore que la substance spiritueuse du règne végé- 
tal se combine avec les susbtances huileuses; 
voilà pourquoi les terrains gras sont toujours plus 
chauds que les terrains arides et secs: c'est que 
dans un terrain qui manque de graisse , la sub- 
stance inflammable ne peut point se combiner; 
parce qu'alors elie n'a point de substance analogue 
àvec laquelle elle puisse former de l'union. 

La chaleur agit sur l'air d'une manière réelle, 
soit en l'atténuant , pour faciliter son mouvement, 
ainsi que celui des sucs dans les végétaux, soit 
en favorisant la végétation, à l'aide des vapeurs 
qu'elle éléve. 

La chaleur agit matériellement sur l'air, de 
deux manières; la première , en combinant les 


^ edi 


DE L'AGATCULTURF 37 
molécules aqueuses ou les vapeurs, et les molé- 
cules inflammables, de facon à produire un prin- 
cipe salin , que quelques-uns ont. nommé sel 
aérien ; la seconde, en ce que cette chaleur combine, 
à l'aide de ce sel, les molécules aqueuses, de 
manière à produire une huile très ténue, que 
l'on pourroit appeller avec raison, huile étAérée, 
ou vo/atrle. | 

La chaleur ne sauroit exercer ses diverses facons 
d'agir, sans une force proportionneile à la nature 
de chaque plante, parce qu'elles différent toutes 
par le degré de froid qu'elles peuvent supporter. 
Cette diversité dépend du plus ou du moins 
d'énergie dans la faculté multipliante. 

En général, la chaleur doit étre à un degré 
tel qu'elle pénétre à travers l'écorce dela plante, 
et se fasse sentir jusques dans son intérieur. Elie 
nuit aux plantes, quand elle est trop forte, parce 
qu'alors elle force la substance nutritive de sortir 
de la terre en forme de vapenrs ; les sucs et les 
fibres des végétaux desséchés, ne peuvent être 
atténués , et s'épaississent. La trop grande chaleur 
produit le même effet sur les animaux, en épais- 
sissant pareillement leurs humeurs. La chaleur 
trop foible nuit aussi aux plantes, parce qu'alors 
le mouvement des sucs nourriciers est affoibli, 
ou méme totalement arrété, 


C 3 


938 PRINCIPES RAISONNÉS 
Quelques philosophes ont nommé esprit du 
monde , la substance de laquelle tous les corps 
vivans de la nature tiennent la vie, l'accroissement 
ct la conservation; mais c'est à la chaleur que ces 
citets sont düs. Il paroît que cet esprit du monde 
n'est autre chose que la matière de la lumière ou 
de la chaleur, le caZorigue ( suivant la nouvelle 
nomenclature chimique), combinée avec les parties 
invisibles de la matière inflammable. En effet, 
la chimie prouve que la matière échauffante, 
ou le VY MT est le résultat de la combi- 
naison de la lumière avec la substance inflam- 


in3ble, on le principe hypothétique de STHAL. 
E 


DE L'AGRICULTURE. 29 
LAILAPITBBZIGE.NXM. 


DE L'AIR, CONSIDÉRÉ COMME UN MOYEN 
QUI CONCOURT À: LA VÉGÉTATION. 


| WES physiciens et les chimistes ont observé , 
depuis long-(ems, que, sans le concours de l'air, 
où dans un lieu qui en est privé , les graines ne 
peuvent point germer , ni les plantes Po Pour 
se faire une idée claire de l'influence de Fair sur 
la végétation , il faut le considérer sous deux 
aspects différens ; comme pur et dégagé de toutes 
substances hétérogènes ; sous cette forme, il prend 
le nom de zatére éthérée, ou de gaz oxigène ; 
ou comme combiné avec des substances étrangères : 
et alors on le nomme arr atinosphérique. 

Le gaz oxigène, ou l'air pur et élastique, 
contribue à la végétation, parce qu'il favorise 
la fermentation intérieure des sucs, par là faculté 
qu'il a d'atténuer et de, diviser , qui dépend de 
la : chaleur , et par celle de les épaissir, qui 
dépend du froid. Il est certain que l'air élastique 
est aussi nécessaire à la vie des plantes qu'à la 
circulation des fluides, et à la respiration des 
animaux. 

L’air atmosphérique est celui que les animaux 


* 


v su 


40 PRINCIPES RAISONNÉS 
respirent , et dans lequel les’ plantes germent , 
vivent et végètent. Pour connoîire en quoi l'air 
contribue à la végétation, il faut en examiner 
les parties séparément. 

Les molécules, que la respiration, ou léva- 
poration a portées dans latmosphere, et qui 
viennent , soit de la terre elle-même, soit des 
corps qui sont à sa surface , ne peuvent être que 
des molécules plus légères que l'air, mais parmi 
lesquelles nous ne connoissons que les molécules 
inflammables pures, qui soient réduites en va- 
peurs , et volatilisées à l’aide de la chaleur. Parmi 
ces molécules , l'on doit compter ; 1?. les particules 
aqueuses, dont une quantité borne est conti- 
nuellement volatilisée et pad » de la mer, 
des lacs ; des rivières et de tous les corps de la 
nature, par la chaleur ; 2°. les particules inflam- 
mables , qui se dégagent d'elles-mómes des. corps, 
et sur-tout de la terre, pour se répandre dans 
l'air, et lui communiquer toute sa chaleur ; 3°. les 
particules huileuses et grasses, qui, aprés avoir 
été résolues en vapeurs, et volatilisées par. la 
chaleur, passent en si grande quantité dans l'air, 
que JUNKER et d'autres chimistes ont regardé 
l'air comme le réservoir et le sié(ze naturel des 
parties huileuses et inflammables ; cette vérité est 
rendue palpable non-seulement par la chaleur; 


è 


DÆ L’AGRICUETURE. 4i 


. mais encore par les éclairs, les tonnerres et les 
autres météores; 4?. les particules salines qui 
contiennent'un acide trèssubtil et un acide volatil, 
et qui sont par elles-mêmes fluides, spiritueuses , 
et sous la forme de vapeurs, mais qui paroissent 
s'élever en moindre quantité dans l'air, puisqu'on 
n’en trouve que de très foibles vestiges dans l'eau 
qui en tombe. C’est une erreur de prétendre que 
l'air renferme du nitre, du soufre ou d’autres 
substances compactes , parce que les corps de cette 
espèce, dans leur état de combinaison , ne sont 
pas même susceptibles d'évaporation. 

D'après ce principe , je crois que les particules 
terreuses, quelque déliées qu'on les suppose , ne 
s'élèvent point dans l'air, pour y rester suspendues. 
Je coüviens que dans la partie inférieure de notre 
atmosphère , il peut voltiger des particules de terre 
très déliées; je ne nie pas non plus que la fumée, 
qui, par l'analyseque l'on fait de la suie , contient 
des particules terreuses, n'en porte une certaine 
quantité dans l'air; mais on sait que ces par- 
ticules sont , ou inflammables par elles-mêmes, 
ou combinées avec quelques parties inflammables, 
et qu'en conséquence elles nagent à la surface 
de l'eau , sôus la forme d'une poudre très fine. 
On sait encore que, lorsque ces particules se 
sont élevées jusqu'à une certaine hauteur, par 


42 PRINCIPES MAISONNÉS | 
le moyen de l'air ou de la chaleur, ou d'une. 
substance inflammable, elles retombent eusuite 
peu-à-peu. Pour s'en convaincre, il n'y a: qu'à 
étendre du linge blane, ou des glaces polies ; 
lorsque l'air est serein et tranquille, ils se couvri- 
ront deces particules terreuses, sous la forme d’une 
poussière très fine. C'est done sans aucun fondement 
que quelques écrivains ont supposé que l'air 
renfermoit une substance nitreuse, qui étoit le. 
principe de la végétation ; et que d'autres ont 
cru que les plantes étoient nourries. par des par- 
ticules terreuses qui se trouvoient dans l'air, ou 
qui y avoient été portées. À 

Les corpuscules formés dans l'air, que Ton 
découvre dans l'atmosphère , et qui sont produits 
par une nouvelle combinaison des particules 
évaporées , auxquelles le mouvement et frottement 
ont fait subir divers changemens , sont ; 1° des 
acides qui sont dûs à une matière inflammable, 
très subtile , combinée avec des particules aqueuses 
en vapeurs , et pourvues d'élasticité. C'est . de-là 
que l'on donne à ces acides le nom d'acide uni- 
versel et primitif. Les observations électriques , 
ainsi que l'acide qui se trouve dans quelques 
plantes , semblent indiquer que cet acide universel 
a de lanalogie avec l'acide sulfurique ; 2°. des 
parties grasses et huileuses, formées par une cer- 


DT D'AGRTCU LTURE. 43 
taine huile; que je nommerai orzzinelle, qui 
paroît avoir été produite dans l'air même, d'une 
substance inflammable , au moyen de /'acide 
carbonique ; mais qui ne se trouve dans l'air 
que sous la forme d'une vapeur ; 3?. des particules 
sulfureuses et électriques formées par la combi- 
naison de l'acide, carbonique avec une matière 
inflammable. J'observerai que les parties inflam- 
mables ne sout point produites , mais qu'elles 
doivent étre regardées comme des élémens, qui, 
par la circulation continuelle, sont portées de 
la terre dans l'air, et vice versé. 

D'après ce qu’on vient de dire, je conclus, que 
les particules formées dans l'air, différent de celles 
qui ont été formées par l'évaporation, non-seule- 
ment parce qu'elles se forment dans des lieux dif 
férens et d'une manière différente , mais encore 
parla nature et les diverses propriétés de ces par- 
Aicules, comme le prouvent assez les effets mer- 
veilleux du soufre aérien, et les météores. On 
peut donc conclure que l'air , en tant que composé , 
contribue à la végétation de deux manières; pre- 
Mmièrement , par les variations qui y surviennent, 
et par le mouvement plus ou moins fort que les 
vents y excitent. On ne sauroit deuter que les 
variations de l'air ne dépendent de la nature des 
vapeurs, de l'abondance ou du défaut ‘+ parties 


44 PRINCIPES RAISONNÉS 


aqueuses, des parties inflammables , du froid et 
du chaud. Mais tout le monde sait que les varia- - 
tions de l'air, et la diversité des vents contribuent 
à la végétation, et que les végétaux ne peuvent 
croitreavec vigueur, nidans un air continuellement 
sec, ni continuellement humide. Ces variations 
servent tantót à favoriser, tantót à retarder 
l'évaporation , à purifier les substances nutritives, 
et à les faire entrer dans les plantes, ou à les 
débarrasser de celles qui sont nuisibles. En second 
lieu, l'air, par son mouvement , sert à diviser, 
atténuer et combiner, soit les particules qu'il 
renferme , soit celles qui y sont portées par l'éva- 
poration , scit celles qui se forment en lui. 

Enfin l'air contribue matériellement à la végé- 
tation , en lui fournissant les substances nutritives 
dont il s'est, chargé par l'évaporation ; telles sont, 
les parties aqueuses qui tombent , et.qui se joignent 
aux plantes, soit sous la forme d'une vapeur , soit 
sous une forme épaissie, soit sous celle de la gelée, 
dans la rosée, le brouillard, la pluie, la neige, : 
etc. , les parties inflammables, qui sont agitées , 
chassées par le mouvement de l'air, et qui sur-tout 
éprouvent l'actión des rayons du soleil. Les parties 
huilewses subtiles qui sont poussées par le mouve- 
ment de l'air, mais qui retombent en méme tems 
que les partiesaqueuses , et que l'art est parvenu à 


-* 


DE L'AGRICULTURE. 45 


séparer des eaux aériennes. As oilà pourquoi les eaux 
du ciel sont si sujettes à se corrompre, ‘et sont 
si propres à fertiliser la terre. STHAL , dans son 
traité de la fermentation, a pensé que ce sont 
ces parties huileuses et inflammables, qui servent 
à l'entretien et à la nourriture des arbres rési- 
neux , tels que les pins, les sapins, les genevriers, 
etc. , qui croissent dans des terrains maigres, sa- 
blonneux et remplis de cailloux , et qui cependant, 
contiennent plus de parties grasses que tous les 
autres arbres. En effet , d’où pourroient-ils tirer 
la partie grasse et inflammable donf ils abondent ? 
Enfin les parties salines qui retombent pareille- 
ment avec les parties aqueuses, et qui sont peut- 
être l'interméde qui sert à lier les parties huileuses 
avec les ee aqueuses. 

Les expériences d'UnBAIN HIARNE , et de 
MaAnGRAF, prouvent que l'on peut tirer une 
portion d'acide nitrique, et d'acide muriatique 
de soude, des eaux du ciel. On sait qu'après 
le tonnerre, on s'appercoit d'un acide sulfurique 
trés subtil ; et l'on peut conclure que cet acide 
se combine avec les plantes par le su/fate de 
potasse, ainsi que par.un acide semblable à 
l'acide sulfurique , qui se trouve dans le chêne, 
et dans quelques autres arbres. 

Les observations font voir, que les plantes que 


» 
46 PRINCIPES RAISONNÉS 


l'on conserve dans les maisons, ne croissent que’ 


très lentement et demandent l'air libre, quoiqu'elles 
ne manquent ni de vapeurs, ni de chaleur, ni 
d'air. On voit aussi que les graines des plantes 
ne germent que tres lentement , ou*méme point 
du tout dans un air stagnant, quoiqu'il y ait des 
vapeurs et des exhalaisons. Ajoutons que les ani- 
maux ne peuvent vivre long-tems dans le méme 
air, qui nuit à la conservation de la vie, lors- 
quil a été SR Me la respiration réitérée. 
Le sang exposé à l'air, est d’un rouge très vif, 
et le perd quand on le prive du contact, de 
l'air. 

Quelques philosophes ont cru , qu'indépen- 
damment de l'air et des diverses exhalaisons , 
l'atmosphère fournissoit encore une substance 


nourrissante propre à ranimer la végétation, et 


à conserver la vie des plantes et des animaux; 
cette substance, ils l'ont nommée, Paprès le 
Cosmopolite, la gourriture occulte de la vie ; 
mais comme , à l'exception des exhalaisons, il 
n'existe, dans l'atmosphère, d'autre substance 
ncurrisante que l'acide formé dans l'air, et les 
parties huileuses et inflammables ; j'en conclus 
que la nourriture occulte de La vie consiste uni- 
quement dans les parties huileuses et sulfureuses , 
ou inflammables , ou électriques, qui se forment 


^ 


DTA GREC UÙ L TU RE: 4Y 
dans l'air, et qui tirent leur origine de l'ame du 
monde. 

La substance nourricière cachée , de méme que 
les exhalaisons, concourent à la fois à la germi- 
nation et à la végétation des plantes, ou immé- 
diatement ; car ces substances entrent par la 
succion dans le corps de la plante, par les vais- 
seaux. propres à les attirer, et se joignent aux 
sucs qui y circulent : c'est pour cette raison que 
les arbres cessent de croitre, quand on les a 
dépouillés de leurs feuilles; et plus ils ont de feuilles, 
plus ils sont gras, comme le pin et le sapin ; ou 
médiatement, en ce que ces substances sont com- 
muniquées à la terre, etla rendent fertile. L'ex- 
périence prouve que la terre inféconde , qui est 
placée dans la profondeur, devient fertile 
en peu d'années, quand elle est exposée à l'air; 
preuye que la terre se charge des substances aé- 
riennes. Leseaux dn ciel, imprégnées des substances 
formées dans l'air et des exhalaisons, possèdent 
Ja faculté de fertiliser ; elles ont de plus, la pro- 
priété de dissoudre , et de combiner les substances 
hétérogènes, pour les rendre propres à la végétation, 

L'air et les substances qu'il contient , ne sont 
pas de la méme nature en tout temps et en tout 
lieu: on y trouve des différences considérables , 
selon le plus eu le moins de chaleur du climat , 


PRINCIPES RAISONNÉS. 48 


ou de la température. Cette différence dépend de 
la plus ou moins grande quantité de molécules in- 
flammables qui produisent la chaleur. C'est peut- 
- être la raison pourquoi le zapel est moins vénéneux 
dans les contrées du Nord , que dans celles du Midi, 
et pourquoi les baies du Fustet et de la Belladone , 
sont moins vénéneuses en Îtalie, etc. 

On trouve encore des différences dans l'air, en 
raison de l'élévation du terrain au dessus du niveau: 
de la mer: car plus on s'éléve dans l'air , moins 
on rencontre d'exhalaisons et, par conséquent , 
moins on éprouve de chaleur à proportion que 
le lieu est plus éloigné de la mer et des eaux , 
ainsi que des foréts et des terres incultes. En effet , 
plus un terrain est voisin de la mer, plus il est 
exposé aux variations de l'air, et plus cet air est 
chargé d'exhalaisons et d'humidité. Dans les lieux 
incultes et couverts par les foréts, l'action de l'air 
et de la chaleur est interceptée : il ne peut donc y 
avoir qu'une foible évaporation des molécules in- 
flammabies ; conséquemment ces endroits sont com- 
munément très froids, selon la nature et les pro- 
priétés du sol , parce qu'un terrain aride et sec ne 
peut produire les mémes exhalaisons , qu'un terrain 
divisé et spongieux. Un sol échauffé par la chaleur 
souterraine n'est point le méme qu'un terrain froid. 
Une terre inculte et inhabitée n'est pas si propre 


DE L AGRICULTURE 49 
à produire ,; que celle qui est habitée et cultivée : 
et un terrain montueux n'a pas les mémes pro- 
priétés ; quune plaine ou un vallon. Enfin, les 
différences de l'air dépendent d'un infinité de cir- 
constances qu'il ne seroit pasfacile d'indiquer toutes. 
Celles qu'on vient de remarquer , jointes à beau- 
coup d'autres, qui noussont peut-étre totalement 
inconnues , sont cause que souvent, sous un méme 
ciel, et dans la même contrée , les mêmes plantes 
ne peuvent point croître , et qu'on ne réussit pas 
toujours, quand on transplante une plante d'un 
leu dans un autre , sous le même climat. 
D'après ce que nous avons dit sur les parties 
constituantes des plantes, si l'on considère que 
toute eau peut se convertir en terre, comme on 
le démontrera danslechapitre suivant , noussommes 
en droit de conclure que l'air contient tous les 
principes dont les végétaux sont composés. Ainsi, 
lesplantes prospèrent d'autant plus qu’elles jouissent 
du libre contact de l'air, que toutes leurs parties , 
conséquemment leurs racines en sont touchées, et 
suivant qu'il est plus adapté à la nature de chaque 
plante, d'après sa quantité et sa qualité. Voilà 
pourquoi les plantes croissent si bien dans la 
mousse. 


óo PRINCIPES RAISONNÉS 

# 
CH API TRE: VE 
^ 


DE L'EAU, CONSIDÉRÉE COMME UN DES 


AGENS QUI CONTRIBUENT ALA VÉGÉTATION: 


i r n'est personne qui ne sache, par expérience , 
que les plantes ne peuvent végéter sans eau. On 
observe journellement que leur accroissement est 
proportionnel à la quantité d'eau qu'elles reçoivent 
de l'air. Aussi plusieurs naturalistes, anciens et 
modernes , ayant remarqué que les plantes croissent 
daus l'eau simple, ont prétendu que l'eau seule 
suffisoit à la végétation. Mais d'autres n'ont pu 
comprendre comment l'eau seule pouvoit fournir 
un si grand nombre de substances variées aux 
plantes, et ils l'ont regardée plutót comme un 
véhicule, que comme la substance nourricière. : 
Je vais rendre en peu de mots, la plápart des 
expériences qui ont été faites d’après cette idée. 

Ces expériences sont de deux espèces : les unes 
ont eu pour objet lesespéces de plantes elles-mêmes; 
et les autres ont été faites sur l'eau. Jean-Baptiste 
Van HELMONT est, je crois, le premier qui ait 
prouvé, par une expérience, quela tezre necontri- 
bue en rien à la nourriture des plantes. Voici les 
paroles de l'Auteur:« J'ai pris un vaisseau de 


vov Y Y ox 


DEL AGRICULTURE i 
terre , dans lequel j'ai niis deux eent livres de 
terre séchée au four; je l'ai humectée avec de 
l'eau de pluie, et j'y ai piacé une branche de 
saule du poids de cinq livres. Au bout de cinq 
ans , l'arbre qui s'y étoit formé , pesa neuf cent 
livres et environ trois onces. J'avois eu soin 


» de remettre, toutes les fois qu'il en étoit besoin, 
» de l'eau de pluie, ou de l'eau distiliée dans le 


vaisseau quiétoit fort large et que j'avois en- 
foncé dans la terre. Pour empécher que la 
poussière n'y entrát , j'avois couvert l'ouverture 
du vaisseau avec un couvercle de fer-blane , 
rempli de trous, Je ne fis point entrer dans 
mon calcul le poids des feuilles qui étoient 
tombées chaque année. Enfin, je fis sécher 


la terre contenue dans le vaisseau, et je 


retrouyai qu'elle pesoit deux cent livres, 
moins quelques onces. » Robert Boyle a fait 


depuis une expérience semblable à celle de Van 
HELMONT , sur une courge, et il à remarqué un 
accroissement proportionnel, sans déchet dela terre. 
GrEDITSCH. et BONNET s'y sofif,pris d'une autre 
manière pour faire des expériences et ils ont trouvé 
pareillement que les plantes n'avoient pas besoin 
de terre pour croitre , pourvu qu'elles aient une 
suffisante quantité d'eau. Ils ont vu que de la 
mousse et. ! »s champignons , renfermé: dans un 


D 2 


55 PRINCIPES RAISONNÉS 


vaisseau de verre et humectée avec de l'eau ; 
croissent trésbien. Duhamela réitéré des expériences 
semblables. Ce savant naturaliste a fait en méme 
temps des expériences chimiques sur les plantes 
qui croissent dans l'eau, et il a trouvé qu'elles 
donnent les mémes produits que celles quicroissent 
dans la terre : d’où il a conclu que leurs principes 
viennent de l'eau pure. Il a aussi trouvé qu'une 
eau saturée avec du nitre, du muriate de soude , et 
la lessive de cendres, ainsi que les dissolutions du 
fumier et du terreau lavés dans l'eau , contribuent 
trés peu à la croissance des plantes, qui viennent 
beaucoup mieux dans l'eau simple. Kraft a fait 
desexpériences du méme genre , suivantsa méthode , 
eta trouvé les mêmes résultats. Il a semé del'avoine 
et du chenevis sur de la terre fertile, sur du sable 
desséché , sur des rognures de papier, sur du 
drap ou de la laine coupée, sur du foin haché : en- 
suite il a humecté ces graines avec de l’eau, et il 
a trouvé qu'elles levoient également sur chacune 
de ces matières , et à peu prés dans le méme tems. 
Au contraire ,-il a trouvé que ces graines ne 
levoient point; lorsqu'on les traite de la méme 
maniére , en y joignant de la limaille de fer, des 
cendres non lessivées , du sable mêlé avec du nitre , 
de la potasse et de la farine. Enfin , Charles Alston 
rapporte des expériences faites dans le même goût, 


NE: LAÂAGRICGULIT U.RE. 53 


et suivies des mêmes succès. Il a vu que différens sels 
mêlés avec la terre , non seulement retardent , mais 
encore anéantissent la végétation, tandis qu'une 
terre maigre et épuisée, étant passée au tamis , a prc- 
duit des plantes aussi fortes, qu'auroit pulefairele 
terrain le plus gras. Il a , depuis , remarqué qu'en 
employant la chaux vive , la croissance étoit plus 
foible , et que l'eau de chaux ne rendoit ies plantes 
ni plus belles , ni plus fortes. 

Concluons de toutes ces expériences qui ont été 
faites avec soin, et dont le résultat ne s'est point 
démenti, que la terre matériellement ne contribue 
en aucune sorte à la nourriture, ou à l’accroisse- 
ment des végétaux , et que le suc nourricier des 
- plantes , n'est dû qu'à l'eau et à l'air. : 

Voici d'autres expériences qui prouvent encore 
que les plantes tirent leur croissance uniquement 
de l'eau. l'RIEW ALD en a fait decegenre en 1730 
en Suède : elles ont été répétées par MiLLARD, 
en Angleterre. ELLER en a fait, avec le plus 
grand soin, toujours avec les mémes résultats il: 
a confirmé celles de VAN HELMONT et de BOYrE, 
par l'exemple d'une citrouille qui a crû sans dé- 
chet dans toute sa grosseur , et móme ayec augmen- 
tation de laterre. De plus, ila misdes oignons de 
jacinthes dans de l'eau distillée, et il en a obtenu 


D 3 


54 PRINCIPES RAISONNÉS 


des plantes parfaites, qui, brülées, ont donné une 
véritable terre. | 

Toutes ces choses prouvent que la terre n'entre 
point avec l'eau dans les végétaux , pour enformer 
la base solide; mais que l'eau, par le mouvement 
qu'elle y éprouvé, se convertit en terre. 

Puisque nous venons de voir que les plantes 
tirent de l'eau tous leurs principes constituans , 
il est clair qu'elles en tirent aussi leurs parties sa-. 
lines , huileuses, mème terreuses. Apuyons encore 
cette vérité par un raisonnement: dans une terre 

ui pese vingt livres , il peut croître quatre mille 
plantes différentes, dans lesquelles on trouvera 
des huiles et des sels difiérens. Supposons qu'on 
fasse l'analyse chimique de ces plantes; on ob- 
tiendra presque de chaque plante à peu prés une 
once d'huile et de sel; si cette huile et ce sel 
venoient de la terre, il faudroit qu'elle contint 
quatre mille onces , ou deux cent cinquante livres 
d'huile et de sel, tandis qu'on n'y en trouvera 
pas méme un grain de l'un ou de l'autre. 

La chimie a trouvé que les eaux peuvent se 
convertir en une substance saline et huileuse, à 
l'aide de la chaleur, ou de la putréfection. De 
l'eau distillée mise dans un vaisseau fermé que 
l'on expose aux rayons du soleil, rend, aprés une 
seconde distillation, un acide spiritueux et une 
substance huileuse. 





pE*rA:G RACUSR TU RIE. — 3 

D'après ce qui vient d’être dit, on voit que 
les plantes se chargent d'une très grande quantité 
d'eau, tellement que cette quantité qu'elles at- 
tirent chaque jour, est égale et surpasse même 
très souvent le poids de la plante ou de la branche 
qu'on y met. Cependant, il ne faut pas croire que 
toute cette eau demeure dans les plantes: la plus 
grande partie s'évapore , et il n'en reste qu'un 
petite portion. GUETTARDaremarqué que l'évapo- 
ration étoit plus forte dans certaines plantes, et 
moins considérable -dans d'autres. Ce savant a 
pareillement observé que les plantes qui sont ex- 
posées au soleil, évaporeat plus que celles. qui 
sont à l'ombre. ila fait voir avec HALES, que le 
fluide qui s'évapore est, comme l'eau pure, privé 
de saveur et d'odeur ; mais qu'une augmentation 
de chaleur lui dohne de la saveur, et le fait entrer 
plus promptement en putréfaction. Ainsi, toute 
l'eau qui passe dans les végétaux , ne doit point 
étre regardée comme servant à leur nourriture: 
la plus grande partie de cette eau y est attirée 
pour d'autres usages. VV OODYV ARD a examiné la 
quantité d'eau qui restoit dans chaque plante; il 
a trouvé que, dans quelques unes, ee qui en 
restoit, étoit, dans l'espace de soixante et dix 
jours, comme 1 à 714, et que dans d'autres , la 
poriion restante de l'eau attirée dans un jonr, 


D 4 


56 PRINCIPES RAISONNÉS 


comme 2 et demi à 354. Il est difficile de dé- 
terminer la quantité d'eau qui reste dans les 
plantes, parce qu'elles n'en évaporent pas en tout 
tems la méme quantité , et , qu'indépendamment 
de l’eau , elles évaporent encore d'autres parties 
excrémentales , qui font aisément entrer cette 
eau en putréfaction. 

On vient de voir comment l'eau contribue à 


la végétation ; mais pour répandre encore plus de . 


jour sur cette question , il faut considérer l'effet 
qu'elle produit sur les végétaux et sur la terre. 

D'abord l'eau agit matériellement sur les plantes 
en ce qu'elle est nécessaire pour leur porter la 
substance nutritive; et, par le concours d'une 
certaine matière aérienne , il se forme des molé- 
cules terreuses , salines et huileuses. Par le moyen 
de son fluide non élastique , Élle fournit aux 
plantes une substance visqueuse , qui favorise, pat 
le moyen de l'huile, la réunion parfaite des molé- 
cules terreuses: car une partie de l'eau est si 
fortement attachée dans l'intérieur du corps 
solide de la plante, qu'on ne peut l'en expulser 
sans la décomposer et la déiruire totalement. 
Mais comme l'eau forme la combinaison de la 
plante dans laquelle elle entre elle-même, il faut 
nécessairement la regarder comme la vra:e cause 
matérielle de la végétation. 


i 


HR L'AGRICULTURE 5 


En second lieu , l'eau agit mécaniquement sur 
les plantes; soit en amolissant l'écorce, pour 
qu'elle puisse se nourrir et s'étendre, soit en 
communiquant à la plante une substance huileuse 
et saline aérienne, à l'aide de la chaleur. 

Troisièmement l'eau favorise le mouvement de 
la fermentation excitée par l'air et la chaleur. 
De plus, elle est un véhicule et un dissolvant des 
molécules salines et nutritives; puisque c'est par 
l'interméde du sel que les parties grasses peuvent 
être combinées avec l’eau, élaborées et converties 
en une substance fluide, propre à la nourriture 
des végétaux. Enfin l’eau est un véhicule qui peut 
entraîner les excrémens et les lies, et les faire 
évaporer avec les suos ou liqueurs surabondantes. 

L'eau agit sur la terre, en la rendant poreuse , 
de maniere que l'air puisse arriver jusqu'aux 
racines , et.qu'elles puissent s'étendre. En humec- 
tant la terre , l'eau la rend nourrissante : elle lui 
fournit une humidité, qui s'élève, par lévapo- 
ration , jusqu'à la racine des végétaux; enfin, elle 
dissout les substances salines qui sont dans la terre, 
à l'aide desquelles elle se combine avec les parties 
grasses et huileuses. Pour être en tat de favoriser 
la végétation, l'eau doit étre sous une forme de 
vapeurs très déliées, autrement elle ne pourroit 
point s'insinuer dans les fibres qui doivent 


58 PRINCIPES RAISONNÉS 


l'attirer. 11 faut , de plus , qu'elle ait un degré de 
chaleur convenable, pour pouvoir dilater les 
orifices et les fibres, et pour atténuer et diviser les 
parties visqueuses et épaisses: car l'eau et les 
vapeurs froides Contracteroient ces fibres et: ces 
orifices. Aussi les exhalaisons froides des foréts 
et des lieux humides, sont-elles comimurément 
contraires à la végétation. 1l ne faut donc point 
arroser les plantes chaudes avec des eaux trop 
froides, et réciproquement. Enfin, il faut que’ 
l'eau soit dans une quantité suffisante et propor- 
tionnée à chaque plante: car son excès est aussi 
nuisible que son défaut. Mais, pour rendre nos 
idées justes sur ce point , examinons attentivement 
les eaux qui sont à la surface de la terre, et celles 
qui viennent du ciel. 

La trop grande quantité des premières est.nui- 
sible. Une nourriture surabondante empéche les 
plantes de donner de la graine; du moins celle 
qu'elles donnent est irop aqueuse; séchée à la 
chaleur, elle se contracte et se gáte dans peu au 
grand froid. Une grande quantité de matière nu- 
tritive ne doit donc pas donner l'espoir d'une 
récolte abondante. La surabondance de l'eau dilate 
trop les orifices et les fibres des plantes, elle les 
déchire même, et ce déchirement est d'autant plus 
considérable , que les orifices ou les pores opposent 


| - 





biet uA GK icur*ruxmt : 5 


plus de résistance à l'eau. Il est certain que la 
‘trop grande quantité d'eau gâte la substance 
nutritive: en effet, l’eau exposée à la chaleur du 
soleilet aux impressions de l'air , ou se corrompt , ou 
s'aigrit , comme on le voit dans leseaux dormantes. 
Il paroît que c'est dans ces sucs aigris que les 
plantes tirent de l'eau, qu'il fant chercher la 
cause pourquoi les champs trop humides produisent 
'des plantes sujettes à une sorte de maladie gangré- 
neuse. ll est vraisemblable que c'est aussi de-là 
que viennent cette quantité de nœuds et d'espèce 
de galle, que l'on remarque aux tiges et aux 
feuilles de quelques végétaux. 

Trop d'humidité , jointe à la chaleur du soleil, 
produit la poussière , rend les terres marneuses et 
argileuses trop compactes, pour que les racines 
puissent s'étendre facilement. Enfin, la présence 
des eaux empêche, sans contredit , l'air de s'ap- 
precher de la racine des végétaus. Donc la trop 
grande quantité d'eau sur un terrain, dérange la 
disposition intérieure des plantes, et nuit plus à 
la végétation, qu'elle ne la favorise. 

Le manque d'eau est également nuisible à la 
végétation ; parce que , dans ce cas, le terrain est 
trop sec et trop brülant. La chaleur dissipe l'hu- 
midité de la terre qui s'imprégne alors des 
rayons du soleil, et brüle les racines, Les champs 


60 PRINCIPES RAISONNÉS 


marneux , et ceux sur lesquels on a répandu, ou 
des sels alkalis , ou de la chaux , ou du fumier qui 
n'est pas assez pourri, sont ex posés à cet incons 
vénient. Le défaut d'eau fait manquer tous les 
effets qu'elle doit produire sur le terrain , pour la 
végétation. 

La surabondance des eaux du del peut éga- 
lement nuire à la végétation , parce qu'elle 
diminue la chaleur dans le terrain et dans les 
tuyaux des plantes. On sait, par expérience , que, 
pendant une pluie forte et de longue durée, les 
plantes ne croissent point; qu'elles prennent une 
couleur pále; qu'elles paroissent diminuer , sur- 
tout lorsqu'il survient une gelée qui resserre leurs 
fibres. Cette trop grande quantité d'eau óte aux 
racines leur roideur , et les détache du terrain qui 
se trouve trop délayé. Les tiges sont couchées par 
terre, sur-tout dans les champs gras où l'on a 
économisé la semence; ce qui occasionne souvent 
la pourriture de la graine et de la tige. Le trop 
d'eau suspend l'opération de la fructification , 
principalement quand la pluie vient dans le tems 
de la fleur, parce qu'alors elle entraîne la pous- 
sière des étamines , ou elle les met en masses. : 

On objectera peut-étre que si la nourriture des 
végétaux dépendoit de l’eau, jamais aucun terrain 
ne seroit stérile. Je réponds qu'un terrain devient 


DE L'AGRICULTURE. 61 
stérile en le laissant sans culture, et lorsqu'il 
manque d’eau et de graisse. La graisse fait croître 
les plantes, mais Peli les fait vivre. En disant 
que la végétation est due à l'eau et à l'air, on 
ne prétend point exclure les engrais , qui donnent 
de la force et de la vivacité aux plantes. D'ailleurs 
la graisse est propre à retenir plus long-tems les 
parties aquéuses. | 


Ea 


62 PRINCIPES RAISONNÉS 
CORP TI TOR EN THE. ' 
DE 14 TERRE , CONSIDÉRÉE COMME lux 


MOYEN QUI CONTRIBUE A LA VÉGÉTATION 


É différence très caractérisée de la terre végé- 
tale à la terre minérale, donne lieu de croire que 
cette dernière ne contribue pas plus à la: végé- 
tation que la première : d'où nous concluroñs 
que la terre comme terre , ne fournit aucune 
nourriture aux végétaux. Cependant , ce système 
est contraire au premier principe de JETHRO 
THUL,et ce DUHAMEL du MONCEAU , ainsi que 
d'autres naturalistes, qui ont regardé la terre 
comme le principal aliment des végétaux. Le 
sentiment du chancelier BACON paroít plus pro- 
bable , lorsqu'il dit que la terre ne sert que d'appui 
ou de charpente aux plantes, ef les garantit de la 
chaleur et du froid. On sait à présent que les 
végétaux tirent leur nourriture par les feuilles , 
dont la terre n'approche pas autant que des 
racines. 

| Puisque l'expérience fait voir que les plantes 
croisent mieux dans un lerrain, que dans un 
autre , on ne sauroit douter que lt terrain ne 
contribue beaucoup à la végétation , suivant sa 
nature et ses propriétés: c'est méme ce qui cons- 














Y 

DEN L'A:G À 1 CU E TU RE. 63 
titue la différence d'un terrain fort à un terrain 
foible. Cette différence vient encore de là diversité 
des substances qui s'y trouvent jointes, et qui font 
qu'un terrain se nomme fertile ou stérile. 

On appelle terre forte celle qui, par sa profon- 

deur et sa tenacité , conserve plus long-tems sa 
graisse , et résiste plus long-iems à la chaleur et 
aux variations de l'air. La terre légère ou foible 
est celle qui a moins de profondeur, et qui, par 
_sa porosité , perd aisément sa graisse et son humi- 
dité, et ne résiste pas aux variations de l'air. Pour 
connoître les différens terrains, il est important de 
faire attention à leur profondeur. Les terrains pro- 
fonds, sont ceüx qui sont composés d'une-couche 
marneuse ou glaiseuse, qui a plusieurs. pieds 
d'épaisseur : et on appelle terrains minces, ceux 
qui n'ont que peu d'épaisseur au dessus d'un lit de 
sable, de pierre ou de cailloux. 
.. Un terrain fertile est, en général , celui qui est 
pourvü. d'une quantité convenable de substances 
nutritives , et proportionnée à la nature de chaque 
plante. Un- terrain stérile est celui qui ne contient 
que peu ou point de substances nutritives. Ce 
dernier peut étre rendu fertile , en lui donnant dee 
substances propres à la nourriture des végétaux. 
Ainsi, l'on voit que la fertilité ne vient pas dirccte- 
ament de la nature particulière de la terre , mais 
des substances étrangères qui y sont mêlées. 


* 
64 PRINCIPES HAISOXNÉS 


CHAPITRE VELL 


DE LA TERRE VÉGÉTALE, COMME.UN 


MOYEN QUICONTRIBUE ALAVÉGÉTATION. 


La terre végétale est une terre poreuse et di- 
visée , qui se trouve en plus ou moins grande 
quantité à la surface du globe. Elle est ordinaire- 
ment d'une couleur brune ou noirâtre : elle est 
sponsgieuse et se gonfle quand on y verse de l'eau; 
mais quand elle est sèche, elle s'affaisse et se met 
en poussière. Elle procure un passage facile à l'eau 
pour se filtrer ou pour s'évaporer. Il n'entre pas 
dans mon plan de détailler les genres , les espèces, 
ni les propriétés de la terre végétale : je ne con- 
sidérerai, quant à présent, que les qualités par 
lesquelles elle contribue à là végétation. 

Pour connoître les principes constituans de la 
terre végétale, on la fait bouillir à un feu modéré; 
l’on fait évaporer ensuite la lessive qui en pro- 
vient , et elle déposeune poudre jaunátre d'un goût 
salin. Si l'on augmente le feu, l'on obtient un 
extrait fluide de couleur brune qui, concentré par 
l'évaporation , prend une saveur ácre et une odeur 
piquante. Si on pousse l'évaporation jusqu'à siccité 
il reste une matière visqueuse et saline , soluble dans 

l'eau, 


DATA CG À 1 C'U'L T'U BR E. 65 


l'eau. C'estceque KULBEL a nommé marc onctueux 
( magma unguinosum )5 et auquel il prétend qu'est 
due la fertilité; mais cette matiére est si épaisse 
et si tenace, qu'elle ne peut se faire passage à 
travers les fibres, les tuyaux et les orifices des 
végétaux. KRAFT a observé que le lait ni le miel, 
. me peuvent point pénétrer par les pores des plantes, 
à plus forte raison cette matière onctueuse , qui 
n'est autre chose qu'une matière qui a servi à lier 
les filamens et les particules terreuses des plantes 
qui ont formé la terre végétale. Cette matière, 
ayant les propriétés de la gonime végétale, je 
l'appelle une matière saline et visqueuse. 

La partie. saline que l'on tire de la terre végé- 
tale par la lessivation, est, suivant les expériences 
de KULBEL et d'autres chimistes , tantôt alkaline , 
tantôt de la nature du su/fate de soude, tantôt 
de celle du nitre , tantót d'une autre nature. Ce- 
pendant, on y trouve toujours une portion de 
muriatede soude. Au reste , tous cessels paroissent 
accidentels et étrangers à la terre végétale. 

Par la distillation, la terre végétale donne , 
1°. Un phlegme , en plus ou moins grande quan- 
tité, suivant qu'elle est plus ou moins humide ; 
2°. Une liqueur spiritueuse, piquante et âcre, 
d'une couleur foncée , ressemblant assez à l'esprit 
de tartre;, 3°. Une huile rougeátre. On voit, par 

, 


"o 


66 PRINCIPES RAISONÉS 


cette analyse , que la terre végétale provient de 
la destruction des végétaux. Puisqu'on ne trouve 

nisubstance visqueuse, ni spiritueuse , ni huileuse 
is ans le règne minéral , on voit encore que la ma- 
tière onciueuse est due à l'huileque l'on obtient par 
la distillation. : 

TEM la terre végétale est exposée aux rayons 
du soleil, elle perd sa substance onctueuse , et la 
partie aqueuse dans laquelle elle est enveloppée , 

et il ne reste qu'une terre en poussière. Mais la 
terre végétale des lieux humides et du voisinage 
des eaux, loin d'éprouver la moindre déperdition , 
s'augmente chaque année par la pourriture des 
plantes et des racines. Voilà l'origine de la tourbe 


et des tourbieres , dans lesquelles la terre végétale 


se trouve comme étouffée. L'expérience a fait con- 
noitrequeleschamps engraissés avec de la tourbe di- 
visée , n'enéprouvent plus d'utilité au bout de deux 
ans. 1l n'y a donc aucun profità se servir de cet en- 
grais. Il vaut beaucoup mieux mêler dela terre végé- 
tale avec dela glaise, parce quece mélangelesdivise. 
Ceux qui prétendent que la terre végétale se con- 
vertit en glaise, paroissent n'avoir examiné ni la 
nature de cette terre, ni celle de la terre argileuse. 

Par ce qui vient d'être dit , on voit que la terre 
végétale contribue beaucoup à la végétation. 


D'abord , en fournissant une substance grasse, 


coo eda, EC ING 





NP À;G R I, CU B TU:R EE. 6} 


propre à nourrir les plantes, et une substance 
saline qui sert à combiner la graisse avec l’eau : 
mais l'eau et la chaleur divisent facilement ces 
terres ; il faut donc, pour empêcher cette division, 
mêler la terre végétale avec la glaise. En second 
lieu, elle s'imbibe de la partie grasse de l'air, qui 
est disposée à s'unir avec des substances analogues. 
Au moyen de sa porosité et de sa solubilité, elle 
donne passage à l'air qni s'approche des semences 
qui germent et de leurs racines. Enfin , cette terre 
végétale est facile à travailler. 

Cependant , il faut remarquer que toute terre 
végétale n'est pas également fertile. Celle qui se 
trouve dans les lieux ombragés , est ordinairement 
plus grasse que celle qui est exposée aux rayons du 
soleil. L'acide qui se trouve accidentellement en 
plus ou moins grande quantité dans les différentes 
terres végétales, est de deux espèces ; lun est 
de nature végétale , et vient, ou des plantes méme 

. ou plutôt des eaux stagnantes: cet acide se dis- 
"sipe par le desséchement ; lorsque la terre est 
exposée au soleil. L'autre acide participe de l'acide 
minéral; il est dà aux eaux qui l'entraínent, et la 
chaleur ne sauroit le dissiper. Cet acide minéral 
est ou sulfurique , et se trouve dans la touïbe qu'on 
rencontre aux piedsdes montagnes , ou dans lespays 
montueux. Cette tourbe, mise dans un grand few, 


123 


68 PRINCIPES RAISONNÉS 

ne s'allume pasaisément , et ne fait que se changef 
en eharbon; ou bien cet acide est de la nature de 
celui du muriate de soude. La tourbe qui le con- 
tient, se trouve dans le voisinage dela mer. Aussi 
les chimistes, qui ont analisé la tourbe, y ont-ils 
trouvé des acides trés différens. C'est à cette diver- 
sité qu'il faut attribuer les différens jugemens due 
l’on a portés surl'utilité de la tourbe. Il faut observer 
que la tourbe qui contient un acide végétal, est 
la meilleure pour les terres, pourvü que l'eau n'en 
ait pas entièrément emporté la graisse. Ce qui 
arrive presque toujours dans les endroits qui sont 
alternativement inondés et desséchés ; mais il faut 
nécessairement que cet acide en ait préalablement 
+ Éié dégagé et expulsé. On voit donc que la tourbe 
chargée d’un acide ou d’un sel minéral , est moins 
propre à fertiliser la terre. 

Quelque pure que soit la terre végétale , et 
quelque dégagée qu'elle puisse étre de substances 
étrangères , elle n’en à pas moins ses inconvéniens et 
ses désavantages. Dansles années sèchés, elle est trop 
divisée ; elle s'évapore et ne peut conserver ni l'humi- 
dité , nila graisse qui lui sont propres, ou qu'elle tire 
de l'air. Cette terre, très élastique , est dilatée par 
l'eau dont elle s'imbibe , et est condensée lorsqu'elle 
en est privée, conséquemment la semence ne peut 
y prendre d'assiette : de-là une végétation foible 


DE L'AGRICULTURE 69 


et souvent interceptée , parce que cette dilatation 
et cette condensation peuvent causer un déchirement 
dans les racines des plantes. Cette terre étant 
poreuse et peu liée , la gelée la divise en grains ^ 
au lieu de la mettre en masses: les racines peuvent 
donc être endommagées ou déchirées par le froid. 
Elle perd trés facilement sa fécondité. Cette terre 
est trésutile dans les jardins que l'on arrose toutes 
les fois qu'il est nécessaire. Aussi, les naturalistes 
Anglais Ja regardent-ils comme destinée par la 
nature à produire de l'herbe , et comme plus con- 
venable aux jardins qu'aux terres labourables. Ils 
observent aussi que dans la terre végétale ou ter- 
reau , les plantes donnent plus de tiges et de feuilles 
que de graines; ce qu'il ne faut pourtant entendre 
que de la terre qui est très grasse et très chargée 
d'humidité, | 


| 


E 3 


70 PRINCIPES RAISONNÉS 


CHA PIE 


DE LA GLAISE , CONSIDÉRÉE COMME CON- 


TIBUANT A LA VEGÉTATION. 


; RN glaise ou l'argile est , en général , une terre 
tenace, grasse au toucher, qui, étant humide, 
s'attache aux doigts , compacte, composée de parti- 
cules très délices. Celle qui se trouve à la surface dela 
terre est très mélangée de terreau ,. de sable et 
d'autres substances qui lui sont étrangères ; ce qui 
met de la différence dans sa tenacité et sa densité. 

La glaise s'imbibe d’eau, s'en charge ,se paítrit 
et forme une espèce de pâte molle trés ductile : 
elle ne fournit donc pas un libre passage à l'eau 
dont elle ne se dégage que par l'évaporation. Ainsi 
la glaise devient le principal instrument, pour con- 
server l'humidité souterraine. Aussi est-elle tou- 
jours humide dans les lieux profonds; c'est elle aussi 
qui produit les sources et les fontaines. Elle a la 
propriété de se durcir et de se sécherà l'air chaud, 
ainsi que dans le feu. Il se forme à sa partie supé- 
rieure une croüte qui se gerce et se brise, ou 
fait des crevasses qui sont d'autant plus grandes , 
qu'elle est plus mélée de sable ou de substances étran- 
gères, 


MAMAN GE R POULTUR E. 71 


En lavant la glaise dans l'eau , on n'en tire au- 
cune substance saline, à moins qu'elle n'y ait té 
“portée par quelqu'accident. HIERNE en a tiré une 
petite portion de muriate de soude, et KÜLBEL 
un peu d'alkali ; mais souvent on n'y trouve rien 
de salin : preuve queces sels ne sont qu'accidentels 
à la glaise , et ne-font point partie de son essence. 
Celle qui se trouve dans l'intérieur de la terré , 
est toujours plus pure que celle qui est à sa sur- 
face. On voit donc que c'est aux eaux du ciel et 
de la terre que sont dues les parties salines qui 
s'y. trouvent quelquefois. 
: + En distillant de la glaise , on obtient un phlegme 
très différent ; dits unes en donnent un très 
pur, d’autres en donnent qui contient un peu 
d'alkali volatil. 

Enfin ; on tire un phlegme un peu acide dela glaise 
qu'on trouve dans les pays montueux, ou qui a 
été long temps exposée à l'air , et qui s'est imbibée 
d'eau de pluie ou de neige. De ce phlegme on 
obtient un peu de sel qui se sublime , ou qüi est 
ou ammoniacal ou urineux. 

La glaise ne donne aucune substance grasse par 
le lavage , ni par la distillation. Cependant , il faut 
bien qu'elle contienne quelque partie grasse, pour 
produire des parties salines , et qu'à force de la laver 
on en tire une portion de graisse , comme ÉTLER 


I4 


7* PRINCIPES RAISONNÉS 
dit en avoir trouvé ; mais c'est en si petite quan- 
tité, que l'on doit à peine y faire attention, et 
qu'on peut laregarder comme une terre entièrement 
privée de graisse. On ne peut concevoir une colle 
sans parties huileuses et inflammables ; ainsi, la 
glaise ne contient point de matière collante ou 
glutineuse. C'est de la facilité qu'a cette terre 
des'imbiber d'eau , et de se charger des substances 
qu'elle contient, que vient, probablement , la pro- : 
priété qu'elle a de céder sous les doigts , ou d'étre 
tenace. | 

La glaise se durcit à une chaleur continue. Il 
n'est donc passurprenant que la chaleur de l'atmos- 
phère, jointe à d'autres causes, lüi donne la con- 
sistance d'une pierre , ou la pétrifie. Mais comme 
l'expérience prouve qu'elle ne perd sa tenacité et 
sa ductilité qu'à un feu violent , ou à l'aide des 
acides minéraux très concentrés , nous croyons pon- 
voir douter que cette terre puisse , naturellement 
et d'elle-même , se convertir en une terre divisée. 

Il y a des espèces de glaises moins tenaces que 
d'autres, et que l'on nomme glaises courtes, ou 
glaises de la nature du tripoli; mais leur divisi- 
bilité est due à des substances étrangéres. 

La glaise contribue mécaniquement à la ferti- 
lité , parce qu'elle se charge de l'eau , des vapeurs, 
souterraines et de la substance grasse contenue 


DIE! L'!: AG RH ŒU LITU RE; 73 
dans l'air; de plus, elle les conserve et les retient 
plus long temps que toute autre terre , au dessous 
de la croûte qui se forme à sa surface , et ne s'en 
dégage que par l'évaporation. Aiasi les plantes 
trouvent dans la glaise de quoi se nourrir *dans 
l'été et les tems de sícheressé. C'est pour cette 
raison qu'elle est appellée terre forte. Elle retient 
pareillement et conserve les parties grasses du 
fumier , ou celles qui viennent de l'air , et les 
empêche d'être entraînces et dissoutes par les 
eaux. Par les gercures ou fentes qui se font à sa 
surface en séchant , elle laisse un libre passage à 
|air, pour porter la nourriture à la racine des 
plantes. Par la faculté qu'elle a de se lier, elle 
affermit la terre végétale qu'on lui mêle ou qui 
se forme, et celle-ci conserve plus long temps sa 
substance visqueuse et onctueuse. La glaise garantit 
la racine des plantes du froid et de la gelée, 
parce que la gelée la met en une masse continue, 
La grande sécheresse , ni la grande humidité , ne 
changent point sa nature ; elle conserve toujours 
ses mêmes propriétés , malgré les variations de l'air. 

La glaise pure nuit à la végétation par sa 
tenacité , parce qu'elle a peine à se séparer de 
la partie aqueuse et de la partie grasse. Elle 
empéche l'air de s'approcher des semences qui 
germent et de leurs racines: elle écarte la cha« 


74 PRINCIPES RAISONNÉS 

lear par son humidité. Sa dureté est également 
pernicieuse à la végétation, puisqu'elle óie à l'air 
la facilité d'approcher des racines, et celles-ci 
ne peuvent ni s'étendre, ni recevoir leurs sucs 


nourficiers. Si les gercures facilitert l'accès de. 


l'air, elles augmentent aussi l'évaporation pendant 
l'été, et les racines se desséchent. Si ces gercures 
n'ont été ep ve par les pluies d'automne , elles 
donnent passage au froid qui nuit aux racines. 
Les terres g!aises sont d'une culture difficile. 
Quand elles sont amollies par trop d'eau, elles 
s'attachent fortement à la charrue. D'ailleurs, 
elles forment de grandes croûtes en se durcissant. 
Le manque d'ean , au contraire, les durcit; elles 
ne peuvent se diviser , et forment de grosses 
mottes. C'est par toutes ces causes qu'il ne croît 
que peu ou point de végétaux dans la glaise 
pure. Plus les terres glaiseuses ou argileuses 
sont mélangées avec des substances étrangères 
qui empéchent le rapprochement de leurs par- 
ties , moins elles sont en état de retenir la partie 
aqueuse et la partie grasse. Cependant , elles 
sont alors moins sujettes à se durcir par la cha- 
leur ; elles se travaillent plus facilement; elles sont 
plus propres à la végétation , plus en état de 
donner passage à l'air, et plus susceptibles de 
prendre le degré de chaleur convenable. Une glaise 


—— M MÀ 





DESEE Rh kcrgGCULTURXE 75 
sujette à fermenter , ne convient point aux 
terres : leau s'y aigrit et y passe comme par 
des tuyaux, ce qui lui a fait donner le nom de 
terre fistzleuse. Cette terre a donc des incon- 
véniens qui lui sont propres, et d'autres qui lui sont 
communs avec l'argile. 


36 PRINCIPES RAISONNÉS 


UH ATFLITHEA 


DE LA CRAIE ET DES TERRES CALCAIRES: 
LEUR INFLUENCE SUR LA FÉGÉTATION. 


LO dines auteurs ont beaucoup vanté les terres 
crétacées et calcaires comme d'excellens engrais. 
Avant de prononcer sur cette opinion assez gé- 
néralement reçue , il est à propos de faire 
quelques recherches sur la nature et les pro- 
priétés de ces substances. C'est toujours par l'a- 
nalyse chimique que nous nous sommes proposé 
d'examiner les divers objets de la nature qui 
peuvent intéresser l'agriculture. 

Les Chimistes ont fait voir qu'il y avoit quel- 
que différence entre la Craie et la Chaux : néan- 
moins , les différences ne sont point assez con- 
sidérables ; pour que nous distinguions ces 
substances , par rapport à leur influence sur la 
fertilisation. La craie et la chaux absorbent l'eau 
qu'on y verse ; mais elles la laissent passer tres 
promptement. En lavant avec de l'eau l'une et 
l'autre de ces substances, il s'en dissout une 
portion. C'est de-là que l'eau de chaux possède 
la propriété de faire effervescence avec les acides 
et celle de dissoudre les substances grasses et 
huileuses. , | 


DIE LÀ G'RÉC'ULTUNRIE. 79 


On sait, par expérience , que la chaux mélée 
avec de l'eau , enfacilite et accélère l'évaporation. 
Ce phénomène est dà probablement au degré de 
chaleur que prend l'eau, en se combinant avec 
là chaux. 

Par la distillation, ón n'obtient rien de la 
crâie, sinon un peu de sel volatil, ou de car- 
bonâté ammoniacäl ; mais si l'ón mêle de la 
craie dans une quantité suffisante d'eau , pour 
lui denner une consistance de bouillie, et qu'on 
 distille ensuite ce mélange , on en obtient une 
eau qui participe de la nature de la craie, en 
ce qu'elle montre dés vestiges d'alkali. 

La chaux distillée toute seule, ne rend aucun 
sel; mais quand on la mêle avec de l'eau avant 
la distillation , elle rend une liqueur qui a le 
goüt de chaux, et dans laquelle on trouve des 
vestiges de sel alkali. Ainsi la craie et la chaux 
contiennent une substance miscible à l'eau, et 
qui s'évapore avec elle. 

D'après les observations qu'on vient de faire sur 
la craie et sur la chaux , et qui suffisent pour notre 
objet, nous pouvons conclure que ces espèces de 
terres sont avantageuses aux champs et aux se- 
mences, L'avantage:qu'elles procurent n'est point 
matériel, puisqu ‘elles ne fournissent aucune sub- 
$tauce grasse et nutritive. Les gens qui sont dans 


59 PRINCIPES RAISONNÉS 


la persuasion que la terre calcaire-entre dans la 
combinaison des végétaux, et que sous cet aspect 
la chaux est pour eux une substance nourriciere, 
n'ont pas fait attention qu'on ne rencontre point 
de terre calcaire dans les grains, ni dans les plus 
petites plantes , et que d'ailleurs , la terre calcaire 
que l'on tire de quelques plantes dures , est très 
différente dela chaux , ou de la terre calcaire mi- 
nérale avec laquelle elle n'a que peu de conformité. 

Ces terres agissent mécaniquement sur le sol et 
sur la semence, en ce qu'elles attirent l'acide hu- 
mide et la partie grasse de l'air. Elles commu- 


niquent au terrain et aux eaux un plus grand 


degré de chaleur, en s'échauffant elles-mêmes, et 
attirent les substances inflammables. A l'aide de 
la chaleur , ces terres résolvent l'eau et la graisse 
en vapeurs. La chaux accompagne les vapeurs 
humides , et peut , par ce moyen , se faire passage 
dans la semence des végétaux , et en dissoudre les 
parties huileuses. Elle absorbe l'acide: elle favorise 
la fermentation qui s'excite dans la germination, 
la tempere et l'adoucit. 

Bien des gens employent avec succès la chaux, 
pour les mélanges dans lesquels ils veulent exciter 
des fermentatiôns spiritueuses artificielles ; mais 
ils ignorent la maniere dont la chaux favorise 
cette fermentation. 


BN I) RE CU ET URE | 7 


ALSTON prétend que l’eau de chaux ne nourrit 
point les oignons des plantes , et ne contribue point 
à augmenter la croissance des végétaux: mais 
cette assertion n'est vraie, que lorsqu'on emploie 
une eau de chaux toute pure, et qui n'est pas 
mélée d'aucune auire substance nourriciere. La 
chaux et la eraie absorbent l'acidité surabondante 
qui se trouve dans le'sol. Sous ce point de vue, 
elle est encore propre à détruire les insectes nui- 
sibles qui se forment , communément , dans les 
terrains qui ont de l'acidité , puisqu'elle anéantit 
cette mauvaise qualité. Âu reste, je ne puis assu- 
rer que la chaux détruise les mauvaises herbes, en 
enlevant l'acidité. Ces mêmes terres dissolvent la 
graisse du sol, et la rendent plus miscible à l'eau 
en l'atténuant. Elles sont , de plus, d'une culture 
facile. 

S'ilest vrai , comme il est dit dans les mémoires 
de l'académie de Suede , année 1741, que la chaux 
fasse grossir la semence et l'empéche de noircir 
ou prévient la nielle , il faut attribuer ces effets 
aux qualités que nous lui avons trouvées ci-devant: 
car la nielle ne vient pas des insectes , mais de 
l'acreté de la partie huileuse qui brûle la semence 
de la méme manière que pourroit faire le feu. On 
peut faire cesser cette maladie de la terre , en lui 


enlevant son ácreté qui vieut de l'acide , comme 


e 


H 
——À -— 


8o PRINCIPES RAISONNÉS 


les expériences chimiques l'ont prouvé. 

Quoi qu'il en soit , la chaux et la craie ont de 
inconvériens. La propriété qu'ont ces terres de 
s'échauffer , les rendent capables de brüler la se- 
mence ét la racine des plantes. C'est la raison qui 
a fait dire à quelques chimistes, que le sel cal- 
caire étoit brálant. Il est donc tout simple qu'un 
terrain déjà maigre, lesoit encore devenu davan- 
tage par l'addition de la chaux , suivant la re- 
marque d' ALSTON. Ces terres, en accélérant l'éva- 
poration , desséchent le terrain , et privent les 
plantes de leur nourriture humide. Elles s'at- 
tachent à l'enveloppe de la semence , bouchent 
en grande pariie les orifices des fibres, durcissent 
lécorce des graines , et obstruent les passages du 
suc  nourricier. Elles dissolvent et absorbent 
promptement la graisse du sol. C'est ce qui a fait 
dire à quelques pe;sonnes , qu'il n'y a que les 
vieillards qui profitent , ou s'enrichissent du pro- 
duit d'un terrain fertilisé par la chaux. 

Il est donc aisé de voir que la chaux et les 
terres calcaires ne sont pas propres à la croissance 
des plantes; mais qu'elles sont trés avantageuses 
aux terres labourables quand on ies emploie con- 
venablement , sur-tout en les mêlant avec du 
fumier, ou bien en les mettant sous une forme 


fluide. Il n'est pas douteux que la chaux ne soit 
d’une 





DE UAGRICULTUREIT- Et 
d'une très grande utilité sur un terrain aigre et 
froid , quand on y en met une quantité conve- 
nable : cependant il faut convenir que , mêl£e 
avec ]la glaise et le sable , elle ne prenne la 
dureté d'une pierre : mais d’après les observations 
. que nous avons faites, chaque cultivateur pourra 

connoitre les circonstances , dans lesquelles l'usage 
. de la chaux deviendra avantageux aux terres, , 





82 PRINCIPES RAISONNÉS 


CHAPITRE "XL 


DE LA MARNE ET DE SON INFLUENCE 


SUR LA FÉGÉTATION. 


, 


; B marne, espèce de mélange de la terre glaise 
ou de l'rgile et de la terre calcaire, qui par- 
ticipe parconséquent de la nature de l'une et de 
lYautre, ne se trouve que très rarement à la 
surface de la terre : mais puisque les anciens 
etlesmodernes ont beaucoup vanté cette substance, 
je vais d'abord parler de ses usages dans l'agri- 
culture. 

Toute espèce de marne mise dans l'eau, se 
divise et perd sa liaison; et quelque compacte 
qu'elle ait été dans le sein de la terre, exposée 
à l'air, elle se réduit plus ou moins víte en une, 
poudre semblable à de la farine. Néanmoins, elle 
a cela de commun avec la glaise , qu'elle se charge 
de l'eau et la retient, mais moins fortement. La 
marne caleinée devient plus compacte, mais 
ensuite elle absorbe l'eau avec plus d'avidité, et 
elle perd sa liaison à l'air. Si on la lave dans l’eau, 
on n'en obtient ni parties salines, ni parties grasses* 
Je l'ai fait bouillir long-tems dans l'eau, et sa 


i] 


KIA 17 A QUALI C UPSL TOU R E, 83 


décoction n'a point changé la couleur du sirop de 
violettes, ni précipité le mercure dissout dans 
lacide nitreux: mais cette méme décoction , aü 
bout d'un long tems, a précipité une petite 


portion de muriate de mercure corrosif d'une 


couleur blanchátre. S'il est vraique KULBEL ait 
tiré une matière onctueuse de la marne, il est 
certain qu'elle venoit de quelque substance qui 
6 y tronvoit mêlée accidentellement. Par la dis- 
tillation de la marne, on n'en obtient ni subs- 
tance grasse, ni huileuse: on n'en retire pas 
davantage en la distillant avec de l'eau. 

Puisque la marne par la distillation, ni par le 
lavage , ni dans l'aleohol, ni dans l'acide nitrique, 
ne donne aucun vestige de graisse, il n'est pas 
aisé de voir sur quoi se fonde l'opinion de ceux 
qui prétendent qu'elle en contient, à moins que 
ce ne soit sur la propriéié qu'elle a d'étre douce 
au toucher. La méme observation doit avoir lieu 
relativement au prétendu sel fertilisant qu'on lui 
attribue sans preuve , attendu que jamais on n'en 
a pu tirer la moindre quantité. La marne fait 
effervescence avec tous les acides, les attire for- 
tement et les absorbe, sans pourtant les décom- 
poser entièrement : à son tour, elle n'en est pas 
totalement dissoute. J'aifait bouillir deux onces 
d'acile nitreux avec deux drachmes de marne; 


TIRE D^ 


21 PRINCIPES RAISONNÉS 
et il ne s'en est dissout que douze grains. L'acide 
ritreux retiré par la distillation, a fait efferves- 
eence-avec le se! alkali; mais la marne restante 
 éioit en poussière, et rude au toucher comme 
du sable. : 
In général, la marne absorbe et dissout la 
graisse: c'estce qui la rend propre à ôter les taches 
des habits. Quand elle est fine, on l'employe à 
fouler les étoffes. La marne ne contribue pas 
maiériellement à fertikser, puisqu'elle est "He 
vue de toute graisse et de tout ce] propre à 
éconder la terre, mais elle y contribue mécani- 
euement, en attirant l'humridité, l'acide et la 
graisse de l'air. Comme elle déploye cette faculté 
evec plus de force après qu'elle a été calcirée, 
en voit la-raison pour laquelle les Angleis l'eme 
ployent souvent ainsi dans l'agriculture. Deplus, 
il est eonstant que plus on la remue pour lir- 
corporer avec le terrain, plus elle lui est avantae 
geuse. Elle contribue encore à la fertilisation, 
en détruisant toute l'acidité du terrain , ou celle 
que les eaux stagnantes pourroient produire; et 
eu empéchant par-là qu i n'entre agit d'acide 
dans la semence. Elle dissout la graisse du sel 
et produit une substance savonneuse et soluble 
dans l'eau, qui peut pénétrer dans les pores des 
végétaux. Elle enlève au terrain sa tenaciló, et 
la propriété qu'elle a de se décomposer à l'air, 





De LA GRICPLTURE 83 
diminue la liaison des parties de la glaise, et la 
rend: plus facile à travailler, et plus propre à la 
végétation. Enfin, elle donne de la consistance 
aux terres lésères et sablonneuses, et leur procure 
une fertilité mécanique. Les expériences que les 
Anglais ont faites sur la marne, contredisent 
l'opibion de ceux qui prétendent qu'il ne fau£ 
point marner les terrains sablonneux, 

La-trop grande: quantité’ de marne, et lé trop: 
long: stjour qu'on lui laisse faire sur là terre, læ 
rend nuisible à l'agriculture. Par sa propriété 
alkaline, qui lui donne beaucoup dé rapport avec: 
la chaux, elle desséche trop fortement, comme 
les anciens l’avoient déjà remarqué; elle dissouf 
et absorbe promptement la graisse de la terre, et 
l'épuise :-elle détruit la liaison de là terre glaise ;. 
et la rend incapable de retenir leseaux. Les marues 
diffèrent considérablement dans les avantages oi 
les inconvéniens qu'elles apportent, Cette diversité” 
vient dece qu'elles sont plas ou moins argileuses. 
ou calcaires. I1 est donc aisé de reconnoitre ,, qu'il? 
n'est pas indifférent d'emplóyer toute espèce de- 
marne sans avoir examiné la nature du terrain ef 
la qualité de. la nrarne elle-mème. Ainsi, Pline- 
.& eu raison de dire que la marne étoit Bonne dans- 
un terrain humide et froid , et qu'elle prodüisoir. 
les meilleurs effets pour la végétation quand og 


‘> 


la mêloit avec de la graisses. | E à 


S6 PRINCIPES RAISONNÉS 


! CH APPPRP (xL 


DES TERRAINS SABLONNEUX ET 
CAILLOUTEUX. 


LEUR INFLUENCE SUR LA VÉGETATION. 


ges sable et le gravier sont cemposés de 
petites pierres, ou d'une poussière pierreuse , 
et n'ont aucune liaison , soit secs , soit humides. 
J'ai trouvé que l'espéce de gravier, employé pour 
ciment ou pour mortier par les gens de la 
campagne, étoit mêlé de glaise que les eaux en 
séparent, de parties calcaires qui se décèlent par 
leur effervescence avec les acides, et de parties 
ferrugineuses que l'acide nitro-muriatique en 
extrait. Ainsi cette espèce de gravier peut être 
regardé comme un ciment naturel: l’eau ne dé- 


tache rien du sable et du gravier; et comme ils 


“sont des substances vitrifiables, les acides n'ont 


point de prise sur eux. il y a du gravier qui, 
étant mêlé de parties glaiseuses , ne laisse pas de 
prendre de la liaison jusqu'à un certain point en 
y meltant de l'eau: ce mélange, qui se durcit en 
séchant, se fait avec l'espèce de gravier dont nous 
avons parlé plus haut. 


———À és 


LEN "D ÁÀAGCNRLICULTUREÉE 97 
Le sable et le gravier ne peuvent fournir aucune 
substance nutritive aux végétaux, et, si cela arrive 
quelquefois, ils ne doivent cette propriété qu'à 
d'autres terres qui sont mêlées avec eux: ils 
servent à diviser les terres, et à les rendre moins 
compactes et moins tenaces ; ils dennent plus de 
consistance aux terres végétales et à celles qui 
sont de la nature de la tourbe; car l'expérience 
nous apprend que les terrains bas et humides 
preunent de la solidité, lorsqu'on y joint du sable 5 
c'est, sans doute, parce que le sable se lie avec la 
partie grasse dela tourbe : ils favorisent le passage 
de lair, qui se porte sur les racines; enfin les 
terres mélées de sable sont d'une culture facile. 
C'est une erreur de croire que le gravier et les 
pierres contribuent à la fertilité de la terre, en 
vertu d'une substance saline que quelques personnes 
leur supposent sans raison. Elles peuvent étre 
de quelque utilité aux terres, en les garantissant 
des ardeurs du soleil , et en laissant couler sur les 
végétaux et leurs racines, l'eau qui y tombe: 
aussi voyons-nous l'herbe croître à souhait au- 
dessous des pierres, lorsque la terre y est assez 
profonde. | 
Les terrains sablonneux, remplis de gravier 
et de cailloux , ne sont pas favorables à la végé- 
tation, parce que ces terrains s'échauffent trop, 


88 PRINCIPES RAISONNÉS 


les pierres conservant long-tems la chaleur du 


soleil; n'étant pas assez serrés, ils perdent promp- 


tement l'eau et la graisse qui filtrent à travers, 
ou que la chaleur fait évaporer; de plus, ils 
laissent trop de passage au froid pour frapper les 
racines des plantes. La dureté de leurs parties est 
cause qu'ils n'attirent que peu ou point l'humidité 
oula graisse de l'air: ils ne peuvent donc con- 
tribuer en rien à la nourriture des plantes. 


L'expérience prouve que le sable est utile aux. 


terres froides et humides: mais la tourbe n’a pu 
fertiliser une butte de sable, comme l'avoit tenté 
Charles Boizes. Pour bien connoître la qualité 
d'un terrain, ilest important de faire attention 
aux couches de terre qui sont audessous; quel- 
quefois le couche inférieure vaut mieux que la 
couche supérieure, et réciproquement. ÂAinsi,ce 
qu'on vient de dire des avantages et des incon- 
véniens des terrains sablonneux et remplis de 


Aia Les dE 





Ee et de cailloux, ne doit s'entendre que 


de la couche supérieure , parce que celle-ci peut 


être bonifiée, ou détériorée par celle de dessous. 


selon leurs qualités respectives. 


+ 


DE L'AGRICULTURE. 89 


CHAPITRE KILL 


Dv SEL, ET DE SON INFLUENCE SUR LA 


FÉGÉTATION. 


P LUSIEURS auteurs, tant anciens que modernes; 
qui ont écrit sur l'agriculture et sur l'économie 
_ rurale, ont attribué aux sels une vertu particulière 
pour favoriser. la végétation. Il:se sont persuadés 
que non-seulement js sels devoient étre regardés 
| comme propres à nourrir les végétaux, mais 
encore comme la cause unique de la fertilité, 
Pour savoir si cette opinion est fondée, ilest à 
propos d'examiner les sels en général, et en par- 
. ticulier. 

D'après les expériences. de. KRAFT , on. voit; 
qu'ayaut semé des graines dans un sable bien sec , 
que les ayant ensuite arrosées avec.de l'eau. com^ 
. mune , il a remarqué que dés le cinquième jour, 
elles avoient levé aussi bien que dans le terreau, 
ou dans la. terre végétale. Danus un autre vaisseau, 
il mêla du sable sec avec du muriate de soude; 
dans un troisième, du méme sable avec du nitre ; 
dans un quatrieme , toujours du méme avec de la 
potasse, et il les arrosa avec de leau, mais ik 
trouva que la graige n'y avoit pas levé. ASTON, 





go PRINCIPES RAISONNÉS 


rapporte aussi avoir trouvé , qu'en mêlant différens + 
sels avec de la terre, loin .de favoriser la végé- 
tation , ils faisoient même périr les plantes. Les 
expériences de BONNET prouvent la même vérité. 
Ii fait voir qu'une eau pure qui ne contient point 
de sels, est la plus propre à la végétation ; tandis | 
que celle qui est chargée de parties ácres , sul- 
furenses, urineuses , laiteuses , ou de substances 
spiritueuses, nuit à la croissance des plantes. 
L'analyse des végétaux nousa fait/ voir qu'ils 
ne contiennent point de sels minéraux , à l'excep- 
tion seulement de quelques plantes marines, dans 
lesquelles on trouve un peu de muriate de soude , 
ou de sulfate de sonde ; car les sels quise trouvent 
dans un trés petit nombre de plantes, sont d'une 
nature tout-à-fait différente. A l'égard desgraines; 
dont il est iei question, je n'y ai pas trouvé 
le moindre vestige de sel dans toutes les expé- 
riences que jai faites. D'ailleurs, comme les 
sels n'entrent ‘pas dans la composition des fibres 
des végétaux , on doit en conclure qu'ils ne 
contribuent pas plus à leur vie, qu'à celle des 
animaux. On sait que les sels minéraux ont 
plutôt la propriété de durcir que de nourrir. 
PLINE étoit déjà persuadé de cette vérité. Mais, 
pour ne plus laisser aucun doute sur ce point H 
j'ai fait dissoudre dans de l’eau, du nitre, auquel 


* 
DE m^ AcnrguuTuht 9I 


on attribue si Bene: alement la vertu de fertiliser ; 
j'ai fait tremper des graines dans cette solution, 
et j'ai remarqué que ces graines ne se gontloient 
pas, se durcissoient , et ne levoient aucunement. 
C'est le sel qui durcit les viandes. Ces mêmes sels 
ne sont pas plus appropriés à la nature des végé- 
taux, qu'à celle des animaux , par le corps des quels 
ils passent sans altération, même quand ils 
s'unissent avec les humeurs. 

Le froid , que les sels neutres et sur-tout le 
nitre et le muriate de soude excitent dans la terre 
et dans l’eau, diminue non seulement l'évaporation, 
mais il contracte encore les pores des végétaux, et 
les rétrécit. Ce qui prouve qu'ils sont plus propres 
à les empêcher de pousser, qu'à faciliter leur dé- 
veloppement. Plusieurs éxpériences prouvent que 
les plantes ne réussissent pas dans les endroits 
imprégnés de certains sels; tels sont les terrains 
bas qui sont chargés de sels neutres, et ceux 
qui sont placés prés des sources d'eaux minérales 
acidules, 

Voyons les expériences de ceux qui ent vanté 
la vertu du muriate de soude , du nitre, du sel 
alkali, pour la fertilisation, et les conséquences 
qu'ils en ont tirées. On a dit que le muriate dé 
-soude contribuoit à féconder , parce que les 
Anglais sont dans l'usage de fertiliser leurs 


E-— 








01 PRINCIPES RATSONNÉS 
terres avec des plantes maritimes mélées aveé 
le limon glaiseux de la mer, comme CAMBDEN 
assure que le font les habitans de Cornouailles 
ou avec le sable dela mer, suivant CniILDREY , 
qui prétend que ce sable est d'autant meilleur 
à cet usage , qu'il est tiré des endroits les 
plus avaucés de la mer, parce qu'alors il est 
pius. chargé. de. muriate de soude. On assure 
de méme que les habitans de la Gothie ferti- 


lisent leurs terres avec de l'algue, ap es l'avoir 


o 


entassé pour les faire nourrir. POTT prétend que 
le muriate de soude calciné avec dela chaux, 
ou mêlé avec du nitre ou de l'urine, peut 
contribuer à la fertilisation. On a cra pareil- 
lement qu'en lavant le grain dans une dissolutiom 
de muriate de soude , on prévient la nielle. 
I] faut observer que les plantes pourries, pro- 
Venant de la terre ou dela mer, diffèrent très 
peu du fumier, et doivent, conséguemment, 
produire les mêmes effets que lui, et qu'ainsi 
l'on a attribué au muriate de soude, ce qu’on 
devoit attribuer à une substance pourrie. En 
second Heu, que le sable de la mer, quand if 
est employé. à propos, peut aecidenteilement con- 
tribuer à la fertilisation. Je conviens que le sable‘ 
de la mer, par l'humidité qu'il renferme, et: 
privé comme il est des partios fezruzineuses qui 






















DUM A GRIQUILTURE 93 


blorent les terres, peut avoir des avantages ; 
nais cela ne conclut rien en faveur du DROP 
le soude. On lit dans les éphémérides des curieux 
le la nature, que nombre de gens qui ont pré- 
'eindu feriiliser leurs champs , en v répandant 
lu muriate de soude, ont été obligés, au bout 
le 7 ans, de les laisser en jachère. L'expérience 
ieule décidera s'il est vrai que l'eau salée pré- 
menne la nielle ; car il n'est pas question ici 
les maladies des végétaux, mais de la facon de 
les faire croîire. 

Cependant le muriate de soude employé dans 
ane proportion convenable, sert à diviser méca- 
niquement les terrains gras ; il les atténue , et 
les rend miscibles à l'eau. En effet, on a quel- 
quefois remarqué que des inondations de la mer 
avoient contribué à fertiliser des terres ; ce qui. 
a pu venir par l'humidité, ou par la graisse que 
ces inondations y ont portée , tandis que c'est au 
muriate de soude tout seul qu'on a voulu attri- 
buer ces efleis. Les débordemens du Nil pro- 
duisent les eífets que nous venons de voir. 

. On est encore plus prévenu en faveur du nitre 
pour la fertilisation des terres. Mayou, Glauber, 
Bacon, Digby, Lémery , Vallemont, Nienwentyt, 
et ceux qui les ont copiés sans examen, prétendent 
que le nitre est l'ame de la vég étation de la 













94 PRINCIPES RAISONNÉS 


génération et de la multiplication des plantes, 
et que sans nitre , elles ne croitroient point. Ceux 
qui ont écrit sur l’agriculture, cherchent à ap- 
puyer ce sentiment par le témoignage des anciens, 
qui ont beaucoup vanté le nitre ; parce que 1 
nitre vient du ciel, et se trouve répandu partout; 
qu'on en trouve dans les plantes, et qu'en les 
brülant , il s'alkalise, lacide en étant alors 
expulsé ; enfin, parce que sa vertu fécondante 
est constatée par un grand nombre d'expériences, 
et que le fumier , après s'étre changé en une 
terre nitreuse , montre une propriété singuliere 
à fertiliser les terres. á 

Mais, les fondemens sur lesquels reposent les 
avantages du nitre, sont trós foibles. Il faut 
bien remarquer que le nitre des anciens étoit une 
substance très différente du nitre des modernes. 
Celui des premiers étoit le za/ron ou carbonate 
de soude , ou le sel alkali minéral. Nous verrons 
dans peu jusqu'à quel point il favorise la végé- 
tation. Nous pouvons accorder que le nitre , par] 
rapport à son-acide, vient de l'air ; mais nous 
ne conviendroné pas que l'on rencontre du nitre 
dans l'air. Les acides du muriate de soude, du 
nitre, du vitriol, se trouvent en égale quantité 
dans latmosphére ; mais jusqu'ici personne n'y 
a jamais trouvé le plus petit atóme de sel neutre, 


n^. UT A. — ed 
?* p" , , , 


DE L' AGRIC Lt tU RE. 95 


D'ailleurs, les plantes qui contiennent un sel essen- 
tiel nitreux , ou semblable au nitre, sont extrê- 
mement rares, et nous avons vu plus haut qu'on 
me trouve point ce sel, ni aucun autre dans les 
grains. Le sel alkali, qu'on obtient en brülant 
les plantes, n'est pas formé par le nitre, qui y 
étoit déjà lui-móme; mais il est produit par une 
nouvelle combinaison des parties , telles que l'acide, 
l'huile, la terre. Quant à l'expérience, j'avoue - 
que la terre nitreuse favorise la fertilisation , et 
que le fumier est changé en une terre nitreuse, 
par sa putréfaction ; mais il ne s'en suit pas de-là 
que cette fertilisation soit due à la graisse de 
cette terre, par le moyen du nitre qui n'y con- 
tribue que mécaniquement , tandis qu'il est 
prouvé qu’elle vient immédiatement de la 
graisse. 

Les terres retirent du nitre à-peu-pres les 
mémes avantages que du muriate de soude; 
c'est-à-dire, qu'il atténue les parties huileuses 
et grasses, de manière à les rendre miscibles à 
l’eau. Ona remarqué que les terres fertilisées 
par le nitre, étoient plus sujettes à geler. Dans 
ce cas, le nitre est nuisible, comme par la pro- 
priété qu'il a de durcir. Le muriate de soude 
produit le même inconvénient , parce que ces 
deux sels produisent du froid. Nous voyons que 


$6 FRINCIPES RAISONNÉS 
des champs fertiles sont devenus stériles par l'ad- 
dition du nitre. 


Quelques personnes vantent l'usage des alkalis - 
fixes, ou des cendres non lessivées. Elles donnent 


pour garant l'expérience des anciens et des mo- 
dernes, et sur-tout le témoignage de VinGILE , de 


COLUMELLE, de PLINE, et de beaucoup d'autres, « 


parce qu'il est décidé que le natron ou carbonate 
de soude des anciens est un:sel alkali. Flies al- 
léguent en outre l'exemple des Anglais, qui fer- 


tilisent leurs terres avec des cendres de plantes | 


brülées qu'ils mêlent avec du sable. Elles en citent 
d'autres qui ont engraissé leurs terres avec dela 
mousse brülée, ou avec des cendres de bois, etc. 
D'autres se fondent sur des riches moissons que 
quelques cultivateurs ont obténues, en mettant 
le feu à des bruyères. Eufin, elles insistent 
sur ce qu'on trouve dans tout terrain fertile un 
sel alkali, suivant les expériences de HIÆRNE et 

de KULBEL. | 
Pour se faire une idée claire des avantages du 
eel alkali, il faut examiner sa nature, et voir 
de. quelle manière il peut être utile ou nuisible 
au sol. Les sels alkalis attirent l'humidité et la 
graisse de l'air, ainsi que son acide, et se com- 
binent fortement avec eux ; c'est pour cela qu'ils 
se résolvent en eau à l'air. Ces sels dissolvent 
entièrement 





- 


* 9 





DE L'AGRICULTURE. 97 
entièrement la graisse de la terre ;et la divisent, 
"ce qui produit une substance say onneuse , soluble 
dans l'eau. Ces sels retiennent enccre ri 'umidité 
Tdu- terrain, et l'einpéchent de s'évaporer. En ab- 
sorbant les acides, ili facilitent dans la semence 
“la fermentation qui accompagne la germination; 
ils rendent la terre plus divisée et plus spoa- 
^gieuse , effet que produisent surtout les cendres 


Pa 


mon lessivées. |l faut cependant observer que, 


Morsqu'on en met une trop grande quantité pour 
opérer cette division, il en résulie de grands ia- 
lconvéuiens , parce qu'on risque d'épuiser la graisse 
Let à cause de la qualité brûlante des alkalis. D'oà 
l'on voit que les sels alkalis ne font que pro- 
"duire-avec plus de force, les mêmes effets que 

produit la chaux, 
Ces mêmes sels alkalis deviennent nuisibles, 
parce quiis atlirent tcuie la partie grasse du 
"erraim , et ne laissent qu'une terre. maizre et 
“épuisée. On peut s'en convaincre par les combus- 
“tions réitérées des bruyères, et où la terre ne 
“produit que très lentement des arbres. Ces sels 
"échauffent et desséchent la terre. Enfin, ils dur- 
“cissent l'enveloppe dela graine comme les autres 
msels. D'après ces observations, on voit que les 
sels aikalis employés avec préc 'auiion , 50nt utiles 
jpuurdes terrains 2685; mais qu’ils leur sont plus 

G. 


LA 


98 PRINCIPES RAISONNES 


nuisibles que tous les autres sels , si on les y met 
en trop grande abondance. Ainsi les sels miné- 
raux et artificiels ne contribuent que peu, ou 
point à la fertilisation; mais comme il n'existe 
pas une seule plante, ni un seul arbre, dans les 
quels on ne trouve une portion d’une substance 
saline , je ferai voir ici que ce sel est acide par 
sa nature, et qu'il vient immédiatement de l'air 
ou de l'eau qui, pendant la fermentation, s'est 
combinée daus la plante même avec une subtance 
inflammable. Ce sel est différent pour le goüt et 
dans ses propriétés , suivant la différence du mou 
vement de fermentation, et de ]a proportion des 
parties qui le constituent. 

J'expliquerai en peu de mots la maniere dont 
je concois que l'air et l'eau peuvent produire les 
différentes parties constituantes que l'on trouve 
dans les végétaux. Il se forme un acide différent 
dans les diverses plantes , par un mouvement 
interne de fermentation d'une substance inflam- 
mable , qui vient, ou de l'air, ou de l'eau, on 
qui a été commuriquée au ferrain , ou enfin qui 
se trouve dans chaqüe semence , ou qui vient de 
l'air et de l'eau à la fois. A l'aide des mêmes prin- 


Y 


cipes, je veux dire de l'eau, de la matière in- - 


flammable et de l'acide qui s'est formé , quand 
la fermentation est continuée, il se forme une 

























DE L'AGRICULTURE, 99 
liuile spiritueuse et ténue , que l'odeur appercoit , 
st qui est différente dans chaque plante, en raison 
le son acide. Quand cette huile ténue a été de 
ôlus en plus concentrée par l'acide, et, pour ainsi 
lire, rapprochée par la décoction , il se forme 
ime huile véritable, volatile et spiritueuse , qui 
rarie suivant la diversité de la partie spiritueuse. 
l'elle est la voie lente et simple, dont la nâture 
ie sert, pour former les parties constituantes des 
végétaux , qui, de simples deviennent très com- 
»osés. Nous avons fait voir plus haut comment ces 
;»arties produisent de la farine. 

Mais dans la crainte qu'on ne regarde cette 
loctrine comme une simple conjecture , je prie 
mes lecteürs de parcourir les expériences rap- 
»ortées par plusieurs chimistes , et je cite, à cette 
>ccasion, l'exemple des eaux de pluie, de la rosée, 
les eaux dormantes , qui se couvrent , sui-tout en 
Sté, d'une couleur verte, et desquelles, mème 
quand elles sont pures, après avoir été exposées 
iu soleil, on peut tirer les substances dont ou 
rient de parler. On voit donc, d’après ce qui a 
Sté dit, que les sels minéraux et étrangers, ainsi 
que les terres minérales, ne peuvent contribuer à 
nourriture des végétaux, 


G. 2. 


100 PRINCIPES RAISONNES 













CHA PETER ELEMENTS 


DES MOYENS ARTIFICIELS DE FERTILISER 


LA SEMENCE. 


j. SQU'ICI nous avons vu les moyens que | 
nature emploie pour favoriser la végétation? 
voyons maintenant les secours que l'art peut lui 
fournir, Commencons par la semence ; nous exa- 
minerons eusuite les moyens de fertiliser le terrain. 
Les auteurs qui ont écrit sur l'agriculture , onf 
empiové trois voies, pour favoriser par l'art ] 
multiplication de la semence, dont nous avon: 
parlé au troisième chapitre de cet ouvrage. Quel 
ques-uns ont prétendu que, pour obtenir des se- 
mences très fécondes , il falloit semer les plante 
dans des pépinières prépa1ées exprès. D'autres oni 
" 

cru qu'on pouvoit rendre la semence fécondes 
en la faisant tremper , et ont nommé cette opé- 
ration la fécondation immersive. Enfin d'autre 
»nt pensé qu'on pouvoit parvenir à cette fin par 
le moyen des fumigations, ou en environnant la 
semence de quelques matières pulvérisées. 
Ceux qui cherchent à rendre la terre fécondes 
en la semant dans des pépinières, fondent leur 


MES ESL 


ET 










DEN" AUCRAICUB Lut U'/R'E. rot 
Spinion sur l'expérience et sur l'analogis, qui 
font voir que la faculié multiplicative dans la 
semence , est fortibée et augmeniée par l'humidité 
et par la graisse convenable du terrain, ainsi qu'on 
l'a vü pius hant. Par la méme raison , les semences 
produites sur un terrain brûlé, sont souvent tr 

fécondes; comme les animaux les plus forts sont 
plus féconds que les plus foibles. C'est sur ce prin- 


"ipe , que les partisans de cette opinion regardent 
comme utile et nécessaire de former des pépi- 
jieres , que l'on cultive avec soin , pour cbienir 
des semences bien pleines, et dans lesquelles la 
faculté de germer soit très forte. 

Je dirai sur cette méthode , que je regarde 
comme une vérité incontestable , que l'abondance 
de la récolte dépend beaucoup de la bonté et de 
la force de la semence; mais comme les plantes 
pe vivent et ne s'accroissent pas seulement de la 
nourriture qui se trouve déjà dans la semence, 
mais la tirent encore de l'air et du terrain, il 
faut avoir égard à d'autres circonstances exté- 
rienres qui peuvent contribuer à la bonté de la 
semence , et desquelles nous avons parlé plus haut. 
De plus, suivant les observations de VVorr, ia 
paille, ou les tiges qui sont à égale distance les 
unes des autres, tirent leur force, non de la :e- 


menee elle-même , mais des nœuds de la tige, qui 
h G. E 


102 PRINCIPES RAISONNÉS 


Ji 


doivent leur force à la qualité et à la force du 
terrain, comme un poulet sorti de sa coque né 
tire plus sa force de l'œuf qui l'a produit, mais 
d'une nourriture étrangère qu'il se procure. On 
voit par là qu'il n'est pas encore décidé , si la 
bonté de la semence est préférable à celle du 
terrain , et réciproquement. Si les deux causes se 
trouvent réunies, l'on seroit en droit d'attendre 
une trés bonne récolte; sans cela, je crois que les 
cultivateurs doivent apporter tous leurs soins à 
bien préparer les terres, et à les fumer convena- 
blement. | 
ll suit de-là , que ceux qui veulent former des 
pépinières, doivent bien faire. attention, s'il y 
a une quantité suffisante de graisse, tant pour la 
pépinière, que pour le terrain qu'on veut ense- 
mencer; et si les avantages que procure cette mé- 
thode, dédommagent du travail et des frais. 
Pour moi, qui suis assuré que les semences des 
végétaux peuvent être endommagées par le froid , 
par la vieillesse , par le climat , ou par d'autres 
causes étrangères, je pense que cette méthode 
pénible et laborieuse , ne peut point donner à la 
semence une vertu suffisante , pour dédommager 
du travail, et qu'il vaut mieux s'oecuper de l'en- 
grais et de la préparation du terrain. Cependant; 
il est très nécessaire que la semence ait les qua 


DES P AGRIGUILT.UTRIEÉE. : roi 


lités , que nous avons indiquées ci-devant Chap. IIT 
et soit de la meilleure espéce que l'on puisse se 
procurer. Indépendamment des inconvéniens qui 
accompagnent la méthode des pépinières, l'on a 
souvent remarqué que des semences qui n'étoient 
pas bien pleines, germoient beaucoup plus vîte, 
que celles qui étoient plus fortes et plus pleines; 
mais que la graine qui en provenoit étoit très 
foible. Il faut encore observer que, dans un terrain 
trop gras, les plantes sont plus nourries que 
rendues propres à se multiplier : aussi ont-elles de 
plus grandes feuilles, des tiges plus fortes , tandis 
que les graines sont petites, et ne parviennent 
point à maturité. 1 

Les*partisans de l'immersion semblent se pro- 
poser deux objets fort opposés. Quelques-uns ont 
pour but de garantir la semence des vers et des 
maladies : de-là , quelques anciens ont nommé ces 
opérations médicamens, remèdes ou guérisons. 
D'autres ont pour but de rendre les graines plus 
propres à se multiplier. Quelques-uns , pour y par- 
venir, croyent qu'il faut amollir l'éceorce ou 
l'enveloppe; et d’autres espèrent par-là joindre 
aux semences des substances qui favorisent leur 
croissance et leur maturité. Il se présente done 
ici trois questions à résoudre : 1°. S'il est vrai 
que par ce détrempement on guérisse re maladie 

4 


104 PRINCIPES RAISONNÉS 


des semences, et si on les ga srantit des vers et des 


ieseetes. £9. S'il est avantageux d'amollir l'en- 
veloppe de la semence avant de la mettre en terre. 


39. S'il est possible de communiquer à la semence. 


quelque chose. qui favorise sa croissance et sa 
ryalturiic. 

ÜLINE nous apprend queies anciens, par la pre- 
raière méthode 
aux maladies de Ja semence, d'en écarter les in- 
secies , et même les oiseaux; sur quoi il cite l'au- 
lorité de VincirE et de DÉMOCRITE. Parmi les 
modernes, plusieurs se servent, pour le même effet 
de chaux , de suie, de jus d'ail, ou d'autres ma- 
tières. 1l seroit à souhaiter quel'on püt découvrir 
nn panacée ou remède universel, qui pát étarter 
des graines les maladies et les insectes. Quant aux 
maladies, je peuse que les semences n'en ont point 
d'autres que celles qui viennent de la corruption 
de leurs sucs, et celle-ci vient , on de la vieillesse 
ou des vices qu'elles contractent du terrain ou de 
Fair. Dars le premies cas , il n'est aucun remède; 
Gans le second, il faut cbrtiges le terrain, sans 
quoi on travailleroit en vain à la guérison de la 
semence. Il est moins question ici des maladies 
de la semence, que de celles des plantes produites 
par la semence : cn écartera les premières, en 
choisissant une boure semence, pour remplacer la 


, ont eu pour objet de remédier 


—o 


- 


"^46 re —. 


NR BUOAcGmrcóT T'UntE 105 
mauvaise; les dernières viennent du terrain et de 
L'air. Il peut se faire que l'ussge de la chaux ou 
de la marne prévienne la nielle ou la rouille: quant 
aux insectes et aux vers, ils endommagent et la 
semence et la plante. Aureste, c'est hors de la 


semence qu'il faut chercher l'origiue de ces vers. 


KRAFFT en a trouvé des longs et couverts de 


| poils, qui avoient déjà mangé les feuilles à peine 


écloses de fèves plantées depuis qnatre jours: d'un 


autre côté, MUSCHFNBROCK paroíi Cire d'un 


avis contraire; il dit avoir placé desfêvesei d'autres 


"semences, dans un terrain bien sec, les avoir 


ul 


arrosées avec de l'eau distillée, et avec ces pré- 
cautions n'avoir point vu de vers. C'est donc dans 
la qualité du terrain qu'il faut chercher l'origine 
des vers qui dévorent la semence; il faut bien que 
ce terrain leur serve de retraite. J'incline fort à 
croire que ces vers n'attaquent que les semences 
qui ont déja quelques défauts : l'expérience apprend 


aux cultivateurs , que les vieilles semences sont 


beaucoup plus sujettes aux vers que les nouvelles: 


» c'est d’après cette observation que CHR. VVor rre 


écivoit à KRAFFT , qu'il attribuoit Ja présence 


4 


des vers dans la semence , ou à la vieillesse , on 


..à quelque suc corrompu, occasionné par l'air, ov 


| par quelqu'autre cause. C'est donc en corrigeant 


les défauts du terrain , qu'on peut parvenir a ex- 
lirper les vers qui dévorent la semence. 


106 PRINCIPES RAISONNÉS 


Je suis loin de croire que tous les remèdes contre 
les vers sont inutiles: je les crois au contraire trés 
nécessaires, sur-tout lorsqu'on ne peut connoître 
parfaitement, ni les défauts du terrain, ni les 
remèdes qu'il faut y porter , ou lorsque ces défauts 
viennent de l'air ou du climat. L'expérience seule 
fera connoitre si c'est par l'immersion de la se- 
mence , ou par la fumigation, ou par quelqu'autre 
moyen, que l'on peut remédier à ces inconveniens. 
On a découvert que l'odeur de là poudre à canon 
mêlée avec la semence, étoit ux remede assuré 
pour detruire les vers qui attaquent la graine des 
navets. On vante aussi l'odeur de l'ail, qui seroit 
d'un grand secours, si elle se conservoit long-tems 
parcequ'elle tue toute espece de vers. Quelques- 
uns font usage du chanvre, pour écarter les pa- 
pilons; d'autres de la tourbe humide que l'on 
répand sur les champs; et d'autres de la fiente 
de poules. On conseille la suie, la chaux etc. 
contre les vers et les mouches qui s'attachent aux 
plantes ; mais il faut user de précaution, quand 
on employe ces remèdes; car j'ai quelque-fois 
remarqué que la chaux tamisée sur des plantes 
tendres, les détruisoit totalement. 

La seconde question , à la quelle nous avons 
promis de répondre, est: s’il est avantageux 


d'amollr la semence, avant de la mettre en 
terre ? 


rj 


HN L'AGIOMLEGUI.IUOE . 197 


Il est naturel de croire que le germe et les 
petites racines sortent avec plus de facilité d'une 
enveloppe tendre, que d'une enveloppe dure. Il 
n'est pas douteux non plus que les sucs nourri- 
ciers ne passent plus aisément par des pores élar- 
gis et par une enveloppe amollie. Aiusi, une 
découverte qui produiroit ces eílets, ne seroit 
point à rejetter. Examinons cependant si cette 
pratique n'a pas des désavantages inévitables , 
et plus grands que les avantages qu'on s'en pro- 
met. Il est aisé de voir que la semence ainsi 
amollie, est plus exposée aux impressions du vent 
et à l'intempérie de l'air , qui peuvent l'endom- 
mager ou la gáter totalement. S'il survient une 
trop grande chaleur, il est constant que toute 
l'humidité, tant de la semence que du terrain, 
doit s'évaporer: ainsi, la semence en perd plus 
qu'elle n'en recoit; conséquemment , elle doit se 
dessècher, se flétrir et périr. S'il survient du froid 
l'eau intérieure se gèle, et les fibres se déchi- 
rent. Si l'air est trop humide, les fibres sont 
trop dilatées et se gátent. Il faut remarquer de 
plus, qu'une trop grande quantité d'eau versée 
sur la semence, peut autant lui Óter de sa force 
que lui en donner, si le détrempement ne se 
fait pas avec précaution. En efet, si on laisse 
tremper la semence jusqu'à ce qu'eiie se gonfle 


" 


o8 PRINCIPES^ RAISONNÉS 


fan 


et se remplisse d'eau, il doit arriver que l'eau 

hui enlève de sa veriu, comme le prouve le 
^ t ] ] - s * À. 

goût et la couleur que prend la liqueur ,dans 

laquelle elle à trempé. Je conclus que la mé- 

thode de tremper la semence , peut, à certains 

égards, étre utile , mais que l'usage en est peul- 


^ x Ts s E 
ótre tres dangereux. Si quelques tentatives de 


cefte esoèce ont pu avoir du succes, il étoit dû 
sans doute, à la température de l'air, ou à la 
bonté du terrain, qui a pu fenrnir une nour- 
riture sufiüsante, et qui a conservé son Hanni- 
dité; ou enfin aux soins du cultivateur et du 
jardinier, qui, en arrosant souvent, ont préve- 
nu les effets de la sécheresse. 

Nombre de gens ont cru qu'on pouvoit com- 
muniquer à la semence la faculté de croitre et 
de se multiplier jusqu'a ]a maturité. CARDAN 
prétend qu'on y réussit en versant de l'huile sur 
la semence. Ce sentiment est confirmé davs Île 
journal des savans, année 1684; on y trouve 
encore, année 1635 qu'un nommé HDME WILD, 
a fait croître en deux heures, une salade dans 
vme terre préparée d’une certaine facon. Le P. 
REGNAULT dit qu'on peut faire la méme chose, 
en faisant tremper la graine de salade dans de 
leau de vie, et en la mélant ensuite avec de 











BENTL LA C.H H.CADSE Go oU BEN 109 


m 
Y 


la chaux et de la fiente de pigeons. Voici les 
raisons qui ine font douter de ces expériences, 
Je suis convaincu qu'on ne peut pas plus com- 
muniquer à la semence la faculté de croître, 
qu'à l'embryon dans le corps de la mère, parce- 
qu'il est: contraire à l'expérience que la plante 
puisse paryerir à maturité, en vertu de la nour- 
riture qu'elle a recue dans ses premiers filamens. 
A l'appui de ce que je viens d'obsérver, BACON 
dit que la semence trempée dans le vin de Mal- 
yoisie et dans l'eau. de vie ne peut croître en 
aucune facon. KRAFFT , a pareillement observé 
que, ni l'eau de vie, ni le lait, ni l'urine ne 
contribuent point à faire croítre les plantes. Il 
en est de méme de l'opinion de LE GRAND , 
qui prétend que les plantes acerbes s'adoucissent, 
quand on fait ramoliir leur semence dans du miel: 
assertion dont HALLES a fait voir la fausseté, 
daus sa Statique des végétaux. Enfin tout cela 
est contraire aux expériences de BONNET , qui 
a remarqué que les feuilles abreuvées de liqueurs 
viueuses et spiritueuses se dessèchent. Je me 
suis convaincu moi-même que les semences trem- 
pées dans l'huile se durcissent , et ne peuvent 
peint du tout germer. Concluons douce que les 
plantes ne tirent leur nourriture que de l'eau 
e«t de la graisse réduite en vapeurs, et qu'elles 


110 PRINCIPES RAISONNÉS 


n'en tirent aucune des autres substances tenaces 
et spiritueuses. 

Il y a six espèces de matières simples , que 
lon employe pour la fécondation des terres par 
la macération, et trois espèces de matières com- 
posées. Les premières sont, l'Alkali , le Nitre, 
lUrine, lHuile,le Vinaigre et le Vin. Les 
secondes sont, le Savon , le Nitre combiné avec 
des substances grasses, et les subtsances hui- 
leuses et spiritueuses. La méthode dont les jar- 
diniers se servent, en trempant leurs semences 
dans leau, me paroit étre la meilleure , sur- 
tout si la macération doit avoir lieu, parce que 
l'eau du cielest le meilleur aliment pour les 
végétaux, comme étant pourvu d'une substance 
saline et d'une graisse fort divisée , et que cette 
opération ne dérange pas la fermentation in- 


terne. Mais je crois qu'il est important de pren- . 


dre garde aux inconvéniens qui peuvent résul- 
ter de cette méthode. Je mets au nombre des fé- 
condations alkalines, celles qui se font. avec la 
lessive des cendres, ou les solutions des sels al- 
kalis, ou avec de l'eau de chaux. On voit ce 


qu'il faut penser de cette méthode, par ce quá 


a été dit précédemment de la chaux , et du sel 
alkali. J'ajouterai seulement, qu'on auroit tort 
d'attendre de la macération de la semence dans 


f 


^ 


DE nA cnrcuLTUn:—r9 1I 


des solutions alkalines on calcaires, les mêmes 
avantages que du méiange du fumier ou de la 
terre avec ces solutiens: car l'expérience nous 
a appris que les sels alkalis, et la chaux, ont 
vne qualité caustique, plus propre à nuire, qu'à 
faire fructifier , et que leur contact extérieur 
doit durcir les semences. 

DicBv , HOMBERG et d'autres ont beaucoup 
vanié la méthode de macérer les plantes dans 
une dissolution de nitre; mais j'ai trouvé leurs 
expériences fausses. Les semences ainsi trempées 
se durcissent , et sont exposées aux effets de la 
gelée, qui arrête plàtot le mouvement interne 
qu'il ne l'excite. Quelques auteurs attribuent une 
grande vertu à l'urine. STRIDSBERG prétend qu'elle 
contient un sel végétal ou tartrite de potasse et 
pénétrant, quoique les chimistes n'y aient jamais 
trouvé que du sel microcosnique et volatil, qui 
ressemble au muriate ammoniacal. Je conviens que 
l'urine peut contribuer à la fécondation, par la 
substance huileuse et savonneuse , mais caustique , 
qu'elle contient. En effet , elle est nuisible à l'eau, 
et l'on voit les avantages que le fumier imprégné 
d'urine , procure aux terres, Mais les expériences 
de KRAFFT prouvent que l'urine, par elle-même 
ne contribue à féconder ni le terrain, ni la se- 
meuce que l’on y fait tremper , et tout nous in- 







122 PRBINCIPES RAIBONNEÉS 
dique qu'elle fait jaunir et périr les plantes: et, si 
elle sert à amollir les semences, elle ronge en 
méme iems leurs enveloppes et leurs fibres, et 
doit troubler leur fermentation interne. Ainsi 
l'urine seule ne peut être employée, ni à dé-- 
iremper les semences, ni sur le terrain: il faut 
qu'elle soit intimement combinée avec l'engrais | 
ou le fumier, afin de modérer et adoucir sa caus- | 
iicité , et qu'elle puisse former une substance 
savonneuse avec les parties huileuses. du fumier. 4 
nous verrons ci-après si l'urine putrifiée est préfé- 
rable à l'urine fraiche, 

La méthode de faire tremper la semence dans 
l'huile n'est plus en usage. Ainsi, nous ne pou- 
vous rien dire de certain sur la manière usitée 
par les anciens, de faire tremper leurs semences 
daus la lie .de l'huile. Il est certain que les 
parties huileuses doiveut boucher les pores des 
végétaux, intercepter le passage de l'eau, et les 


; EO. RP AOI ed gingen eA RECS Stats hi Cunt an is 


empècher de tirer leur nourriture. | 

L'usage des acides sur le terrain, et pour faire, 
tremper les semences, est rejeité avee raison par 
tous les cultivateurs modernes , qui savent trés. 
bien que tous les acides arrêtent toute fermenta- 
tion, et par conséquent celle qui procure le dé-4 
veloppement du germe et sa croissance. On voit. 


ces effets dans les fruits coufts dans le vinaigre 
Plusieurs# 


* 


DE EAemRICULTunuEt 113 
Plusieurs ont cru que le vin étoit utile aux 
plantes , et servoit à les ranimer: mais BACON, 
KRAFFT et BONNET ont fait des expériences 
qui démentent cette opinion. 

H faut mettre au rang des macérations savon- 
neuses , celles qui se font par les alkalis, la chaux, 
la lessive tirée des cendres mêlées avec le jus du 
fumier ou l'urine, auxquels on joint quelquefois 
d'autres sels, tels que le muriate de soude, ou le 
nitre. Daws ces sortes de mélanges, la Pare 
grasse se combine avec l'eau, par le moyen de ja 
chaux ou des sels; ce qui forme une substance 
propre à nourrir les plantes. Mais il faut remar- 
quer , que les semences trempées dans de pareils 


mélanges , sont exposées aux inconvéniens qui ac- 


compagnent en général la méthode de tremper, 


que , lorsqu'il survient de la chaleur, les grains 
que l’on obtient sont peu féconds, parce que, 
placés dans un terrain gras, ils jettent de fortes 
racines et de larges feuilles , qui attirent une 
grande portion de la nourriture ; ce qui fait que 
les fibres et les pores sont de plus en plus dilatés; 
que la tige se courbe , et que le grain est plus 
aqueux que farineux , et contracte apres l'éva- 
poration de l'humidité. 


Quelquefois l'on fait tremper la semence dans 


des solutions nitreuses et grasses, composées de 


i) 
is 


114, PRINCIPES, RAISONNÉS, 

nitre et de quelques matières grasses, auxquelles 
on joint souvent d'autres substances. BrcHER, 
SALANDER , VALLEMONT et TRANTMANN 
vantent beaucoup cette méthode. Elle consiste à 
mêler du fumier, ou des matières grasses ana- 
logues, avec une dissolution .d*s nitrate de po- 
tasse. Mais quand même le nitrate de potasse seroit 


un tartrite de potasse ou sel végétal, je crois tou- 





jours que c'est prodiguer inuliiement ce sel, qui 
est plutôt nuisible qu'avantageux. Si, après avoir 
suivi cette méthode, l'on s'est appereu d'une vé= 4 
gétation plus abondante , on devroit plutót l'at- 
tribuer à la graisse et à l’eau qu'au nitre. Au 
reste , ces mélanges sont de la méme espèce que 
ceux dont nous avons parié précédemment. 

Qn pratique diversement la méthode de tremper | 
les semences dans des liqueurs spiritueuses; Les 
uns prétendent extraire l'essence du fumier avec 
le vin on le tartre. D'autres ont eru tirer quel- 
que chose du nitrate de potasse. D'autres ont # 
cru pouvoir tirer des semences des végétaux, une | 
vertu propre à être communiquée à d'autres se- | 


mences; mais j'ai fait voir plus haut que les li- 


1 

| 

queurs spiritueuses sont plus prepres à détruire | 
P » L 3 

qu'à nourrir les végétaux. On sait, de plus, que . 
les liqueurs spiritueuses, par leur volatilité , ne | 


peuvent point long-tems demeurer unies aux se- 


ME LAC RICU CT U. RE it 
| mences. Ces procédés ne servent donc qu'à faire 
perdre inutilen ent le vin ou l'esprit-de-vin. On 
voit, par tout ce qui vient d'être dit, que les 
méthodes de tremper la semence sont peu süres, 
et que chacune d'elles est sujette à des incon- 
véniens. Si pourtant quelqu'un étoit eucore 
tenté d'employer ces méthodes, il feroit sagement 
de prendre celle qui se fait avec de l'eau. de 
pluie, où avec des matières grasses et savonneuses. 
— D'apres ce que nous avons và dans le chap. X 
ilest facile de juger des effets que l'on doit at- 
tendre de la chaux sèche mêlée avec la semence. 
J'ajouterai seulement ici, que la chaux séche 
s'attache difficilement à la semence sèche, ou 
qu 'elle s'en détache aisément: ainsi, lon doit 
sen promettre moins d'effet, qu'en la mêlant 
avec la terre. 

Par l'analyse chimique , on trouve que la suie 
ést composée de parties huileuses, salines, 
áqueuses et terreuses , que l’on sépare par la dis- 
tillation, ou par extraction. L'eau commune fait 
l'extrait ou se charge de près de la quatrième 
partie de la suie. Mais on trouve dans la suie 
une amertume qui est due à l'alkali uni avec 
l'huile, ce qui prouve qu'elle est savonneuse: l'u- 
iion de Falkali avec l'huile la rend propre à dis 
sóudre les sucs épais et tenaces de la semence; 


H a 


Ld 


116, PRINCIPES RAISONNÉS 

c'est cette amertume qui en éloigne les vers. 
Ue pius, la grande quantité de substance hui- 
leuse et inflammable que contient la suie, la fait 
résister au froid, et attirer la chaleur de l'air. 
File a encore la fzculté de conserver long-tems 
l'eau et l'humidité, et de la même manière que 
la poussière de charbon mouillé. 

Ainsi, la suie favorise la végétation matériel- . 
lement et de la méme He que le meilleur fu- 
per : et ensuite mécaniquement , puisqu'elle 
attire la chaleur et la conserve ; qu'elle s'imbibe 
iain lement à l'humidité de l'air et la retient ; 
qu'elle dissout les substances visquetises de la se- 
inence ; phe écarte les vers et les insectes ; 
enbn, que par sa qualité alkaline, elle absorbe | 
l'acide du terrain , et celui de la semence. 

D'un autre côté, la suie peut nuire à la 
végétation , lorsqu'on en met une trop g grande 
quantité, à cause de sa dtu corrosive , qui 
peut arrêter toute fermentation dans la se- 
imence , et ronger les végétaux. On voit donc que 
ia suie emplovée avec mesure et en petite quan- 
tité, est d'une grande utilité comme engrais de 
la terre; mais qu'elle ne procure pas le méme 
avantage en la mélant simplement avec la se- 
mence, parce qu'étant sèche, elle s'en détache 











BN ULAGHIiON LTUmR;E 117 


promptement , et parce que c'est dans la terre 
que doit se faire l'extrait , dont on peut attendre 
du profit. On assüre que les Anglais font un 
grand usage de la suie, quoique celle qui pro- 
vient du charbon de terre ne puisse pas avoir 
les mêmes vertus que celle du bois. Mais il y a 
de là différence , méme entre les différentes sortes 
de suies qui viennent du bois. Celles qui se forment 
dans les cheminées des cuisines sont plus grasses 
et sont bonnes pour les terrains sablonneux: les 
autres sont plus alkalines, et peuvent être em- 
ployées sur les terres glaiseuses. Les Anglais font 
autant de cas d'un boisseau de suie , que d'une 
charretée de fumier. 

Puisque la suie est produite par la famée, il 
ne doit pas y avoir une grande différence entre 
elles deux: aussi quelques personnes vantent-elles 
l'usage des fumigations des semences, comme con- 
tribuant à les rendre fécondes. Mais en se rap- 
pelant ce qui a été dit de la suie , je crois que 
par la méthode de la fumigation, on détruit 
la trop grande acidité qui pourroit être dans 
la semence, l'on procure de la chaleur et l'on 
écarte les vers. Si lon considère en même tems 
que ce moyen chasse l'humidité de la semence 
et que la fumée est d'une nature corrosive , il 


sera facile de comprendre que la fumigation 
H 3 | 


118 PRINCIPES RAISONNÉS 


peut empêcher, plus où moins, la fermentation 
qui fait germer , suivant que la semence a été 
plus on moins desséchée. Nous avons déjà observé 
que la vieillesse et la trop grande acidité em- 
pêchoient les graines de germer. Ainsi, quand 
on veut appliquer la fumigation aux semences , 
il faut les exposer à une fumée peu chaude, 
et voir si les avantages que l'on attend de la 
fumigalion, répondent à la dépense que cette 
méthode entraîne, 





DI" A € À É CMILTUR €. 119 


EUH ATWWIEPNES OV. 


* 


DE L'ENGRAIS DES TERRES, OU DE LA 


MÉTHODE DE LES FUMER. 


CE entend par l'engrais des terres, les opé- 
rations , par lesquelles on joint au terrain des 
sabstances que l'on croit propres à favoriser la 
végétation. On sait que les végétaux demandent 
pour leur accroissement , le.secours de quelques 
substances étrangères; mais, comme ni les terres 
ni les sels ne peuvent être regardés comme 
propres à nourrir les végétaux, il ne peut y 
avoir dans le sol d’autres matières nutritives 
des végétaux, et analogues à eux, que la 
graisse et l'humidité. Je ne parle ici que des sub- 
stances qui viennent du sol, et qui contribuent 
à la croissance des plantes, parce que j'ai par- 
lé ci-devant des matiéres nutritives qu'elles re- 
coivent de l'air. 

Les meilleurs engrais sont ceux qui contiennent 
une substance huileuse combinée avec de l'eau. 
Mais comme la graisse et l’eau, dans l'état. de 
fluidité et en trop grande abondance , sont plus 
nuisibles qu'utiles, et comme, lorsque ces sub= 
PR à H 4 


120 PRINCIPES RAISONNÉS 


sfances ne sont point atténuées et dissoutes en 


vapeurs , elles ne peuvent point entrer par les 
Fr 


pores des végétaux , il faut conclure que les 
matiéres les plus propres aux engrais, sont 
celles qui fournissent une substance atténuce et 
nne eau réduite en vapeurs. Dans les substances 
sujettes à une putréfaction ou à un mouvement 
iüterne , la substance buileuse étant divisée et 
atténuée, et ]a partie aqueuse réduite en vapeurs, 
il est clair que les matières qui sont sujettes, 
à des mouvemens internes de cette nature, sont 
les plus propres à fournir la nourriture aux vé- 
ectaux. 

Il y a des graisses de cinq espèces différentes, 
savoir: celles qui sont aëriennes et minérales; 
les végétales , les animales, et celles qui en sont 
composées. Or,les graisses minérales different 
considérablement, par leur nature, des graisses 
végétales. Nous avons déjà traité de la graisse 
aérienne ou contenue dans lair. 

Plus l'engrais à d'analogie | avec la graisse 
animale, plus il est utile. La graisse végétale 
est préférable à la graisse mélangée, et celle- 
ci à la graisse animale, lorsque toutes choses 
d'ailleurs sont dans un ordre convenable. Plus 
la partie grasse contenue dans l'engrais est fa- 
cile à décomposer, moins elle est avantageuse 


v, 
sind gor RP NE d RE grid Sr GRAS A rt Sade 





T - 





I 


/ 


DEUL À CRICWLTURE 121 

. au cultivateur. Mais comme d’après l'expérience 
la graisse végétale n'est pas de la méme . durée 

- que celle qui est mêlée, et la graisse ani- 
male de moindre durée que la graisse végétale, 

i| s’en suit que la graisse mêlée est préférable. 

Plus il y aura de parties grasses daus un en- 

grais, plus il sera durable et avantageux pour 

la végétation; aussi la graisse mixte ou méian- 

gée est-elle meilleure que les autres, et le fu- 

mier produit par des animaux bien nourris, vaut 

mieux que celui des bestiaux maigres; plus l'en- 

 grais sera disposé à la putréfaction , plus’ sa 
graisse sera divisée et dissoute en vapeurs. Ainsi, 

la graisse animale est préférable à la graisse 


^ 


mélangée , et celle-ci à la graisse végétale. 
Voilà pourquoi le fumier, dans le quel il entre 
de l’urine , est préférable à celui qui en est: 
privé; il acquiert par là une plus grande quan- 
tité de parties grasses. 

Les corps morts des animaux ne doivent pas 
être Jettés sur des terres labourables, parce 
grands iuconvéniens. 
On engraisse bien mieux les terres, en y faisant 


qu'il en résulte de très 


passer la nuit aux bestiaux, ou en les y fai- 
sant parquer. Ils engraissent la terre de leur 
fumier , de leur urine, et des émanations qui 
sortent de leurs corps. On réussit mieux encore 


LA 


x 


122 PRINCIPES RAISONNÉS 


en couvrant la terre avec de la paille, parce. 


qu'elle empêche l'évaporation jusqu'à un certain 
point. Le fumier est, par la paille dont il est 
composé, une matière véséiale, humectée, im- 
bibée , mélangée avec les liqueurs et sécrétions 
qui sortent des intestins des animaux. Il est 
donc un mélange disposé à la putréfaction qui 
contient une substance grasse analogue à celle 
des végétaux ; il leur communique une graisse 
durabie, que l’on peut obtenir aisément, et 
sans beaucoup de dépense. 1l est conséquem- 
ment indubitable que le fumier est un des prin- 
Clpaux engrais. 

C'est sans aucun fondement, que quelques 
personnes ont cru que les vertus du fumier lui 
venoient d'une substance saline qui s'y trouve 
en plus ou moins grande quantité. . Les expé- 
rences que DALMAN ESKILSSON a faites sur 
les eaux tirées par le lavage de difiérens fumiers 
qu'il a traitées avec des acides, des sels alkalis 
et d'autres substances, ne donrent rien moins 
qu'une grande quantité de sel alkali, de soufre, 
de nitre, comme il l'a prétendu: elles rendent 
uniquement une très petite portion d'alkali vola- 
til, qui vient de la putréfaction plus ou moins 
avancée et une graisse qui s'est unie avec l'eau, 


à laide de ce sel. Ainsi, toute la différence 





! 
b 
4 
» 
Mi 
Ü 


nos ripa ra E uai 


J e LA ty 


6DEMLDAGcHIPCHLTUnRnÉ 123 


qui se trouve entre les fumiers ne dépend que 


de la quantité de parties grasses, et de leur 


 solubilité dans l'eau. La distillation fait voir la 


uantité de cette sraisse, et elle diffère en rai- 
e 2 


son de la nourriture, ou des alimens qui l'ont 


produite. Plus le fumier est gras ,plus il est 


chaud. Ainsila fiente des oiseaux qui ne se nour- 
rissent presque que de graines, est plus chaude 


que celle de cheval, et celle-ci plus chaude que 


la fente de vache. 


DUHAMEL DU MONCEAU, dans son traité de 
la culture desterres, cà il suit JÉTHRO Turr, 
n'a pas donné la vraie théorie de l'usage du fumier. 
ll dit que le fumier n'agit sur les terres , que par- 
ce que par sa pourriture ou sa fermentation interne 
il divise ou brise les particules de sable, et quà 
mesure que la surface de la terre s'augmente, 
les pores intérieurs de la même terre sontmultipliés, 
et que plus ils sont multipliés, plus on les suppose 
capables de fournir aux végétaux leur nourriture 


 terreuse: mais comme, suivant lui, la division 


des grains de sible se fait beaucoup mieux avec 
la charrue , il conclut que la méthode usitée d'en- 


-graisser les terres par le fumier, n'est d'aucune 


utilité. 

llest aisé de démontrer que cette conclusion 
| | 1 l 
porte sur trois principes bazardés. i?.Cet auteur 


: 


124 PRINCIPES RAISONNÉS 


suppose que les plantes tirent leur nourriture 
uniquement de la terre, ou d'une substance 
 terreuse , et il regarde cette opinion comme un 
- principe constant: mais nons avons déjà fait voir 
que ce sentiment FRDEUE au mécanisme des 
'égétaux l AH d 
be ul iT. ainsi qu'à £XBR érience. 2 préten 


que le fumier contribue à la végétation d'une facon | 


purement mécanique et qu'il divise les grains de 
sable, au moyen de sa pourriture. Tout le monde 
sent eombien cette assertion est contraire à l'ex- 
périence, sans parler que souvent on se sert pour 
l'engrais d'un fumier déjà pourri, et que d'ailleurs 
cetie putréfaction est un mouvement interne , qui 
ne s'étend pas aux corps exlérieurs. 3°. Kufin i] 





suppose que la division des grains de sable est. 


aussi avantageuse que le fumier, tandis que les 
gens de la campagne et les jardiniers savent la 
Busclé de ce principe. J'ai fait voir plus haut 
ju'un terrain trop poreux, ou trop léger, est 
dé:avantageux, à cause de la grande évaporation 
à laquelle il est sujet. 

DUHAMEL prétend que le fumier communique 
une odeur désagréable aux végétaux. Ila donc 


ignoré que les substances qui servent à la nourri- 


ture des plantes, sont pendant la végétation ,% 


assi puc à elles, ou cbangées en nne matiere 


P iat aga moe 


AL MERI Rm M ER 


DES AC R'1 CU TU R À 125 


corrompus ne peuvent facilemeut entrer dans les 
pores des végétaux ? C'est ce que prouve une 
expérience de COLUMELLE: ildit qu'une vigne, 
dont la racine avoit été arrosée avec de l'urine 
putréfiée, a produit du raisin et du vin, qui 
n'avoient aucunement ce goût. KRAFFT, que 
nous avons souvent cité, prouve la même vérité. 
DUHAMEL suppose aussi que les sucs du fumier 
entrent daas les végétaux, et les auteurs que nous 
venous de citer, nient directement ce fait: ainsi 
que sa prétendue faculté de diviser lesgrains de 
sable. Il prétend que le fumier est nuisible à la 
santé , parce qu'il sert de retraite à des animaux 
venimeux. Pour écarter ce soupcon , je dirai que 
l'expérience nous apprend, que les plantes les 
plus vénéneuses plantées dans du fumier, perdent 
beaucoup de leurs mauvaises qualités, ou du 
moins n'en deviennent pas plus dangereuses. 1l 
n'est pas vrai non plus, que le famier soit d'une 
nature vénéneuse, ni qu'il serve de retraite à des 
animaux venimeux. 

DUHAMEL assure que le fumier remplit les 
terres de chien-dent et de mauvaises herbes. Je 
réponds que les mauvaises herbes sont plutôt 
dues au travail de la culture, qu'au fumier. Je 
' conviens que le fumier de cheval produit souvent 
ceteffet; attendu qu'il estordinairementrempli de se- 


195 PRINCIPES RAISOÓNNÉS 


mences non décomposées; mais les cultivateurs 
savent que le travail remédie à cet inconvénient. 
Enfin, il prétend que le fumier attire des vers 
et des insecles aux semences et aux végétaux. 
J'avoue que cela est vrai à quelques égards; mais 
comme la présence des vers est presque foujours 
due à la négligence du cultivateur, il est vrai- 
semblable qu'on pourtoit prévenir cet incon- 
vénient , en travaillant convenablement la terre. 

Les substauces végétales, dont on se sert pour 
l'engrais , sont ou fraîches , ou pourries. Les 
fraîches sont des feuilles de pin ou de sapin, des 
écorces d'arbres, des coupeaux ou de la sciüre 
de bois, ete. Elles sont à la vérité d'une matière 
analogue aux végétaux; mais comme étant ré- 
pandues sur la terre , clles n'entrent pas aisément 
cn putréfaciion et que d’ailleurs elles ne con- 
tiennent pas beaucoup de graisse et d'humidité ; 
i| est clair que leur usage est inférieur à celui 
du fumier. Cependant , ces substances ont la 
propriété d'absorber l'acide , quoiqu'en trop 


1 
* 


erande quantité, elies peuvent rendre au terrain 


une portion de l'acide dont elles sont imbibées , ! 


‘est ce qui fait que quelques personnes éroÿent | 


que ces substances rendent le terrain aigre. 


Au nombre des substances végétales pourries 4 


ou décomposées , je mets le terreau, ou la terre 


des - 





2 


X DIE 0h A.G R1 GC W,L TU R & 127 


des jardins, la suie, la poussière de charbon 
qu'on croit qui se charge de l'acide et de l'humi- 
dité du terrain et les retient: car elle ne peut 
point contribuer matériellement à la nourriture 
des plantes, puisque cette poussière ne ‘contient 
rien de gras , et que l'eau n'en peut rien tirer de 
.salin. 

Nous ne déciderons pas en quel tems il est le 
plus à propos de fumer les terres; mais il est de 
la plus grande importance que l'on prenne le 

"tems où le terrain est sec, par conséquent dis: 
posé à saisir la graisse et,à la conserver. Il faut 
aussi bien étendre sur le terrain le fumier qu'on 
y a répandu , l'enterrer bientót aprés, le méler 
avec la terre à l'aide de la charrue, 


Cc i 


et assez 
profondément, pour que les parties aqueuses et 


huileuses ne puissent pas aisément se dissiper. Tl 
"paroit que l'automne, lorsqu'il est sec, est le 
tems le plus propre à fumer les terres. 

Une trop grande quantité de fumier peut nuire 
sur un terrain chaud, parce qu'il en augmente la 
chaleur et brûle les végétaux. Il ne faut pas le 
prodiguer non plus sur une terre forte , parce qui 
fait croître beaucoup de plantes qui ne parvien- 
À nent pas à maturité: les feuilles sont épaisses , les 
tiges fortes , tandis que les semences sont petites. 
D'où l'on voit au'il faut que l'engrais soit pres 


. sera facile de juger de l'engrais et de la quantité 


celle des oiseaux a plus de chaleur que celle des 


L4 


& 
128 PRINCIPES RAISONNÉS 






portionné à la nature du terrain qu'on veut fumer. 
Pour y párveni r, il faut observer les regles sui- 
vantes. » | 
19. Plus le terrain sera froid et humide , plus | 
il aura besoin de graisse; car il faut que sa froi-# 
hens soit corrigée par la chaleur du fumier. 
. Un terrain un peu sec demande moins de. 
Fami er, de peur qu'une trop grande quantité de | 
chaleur ne brûle les plantes. 
3°. Un terrain glaiseux, et, les autres terres - 
d'une nature frcide , veulent un fumier qui ne soit À 
pas pourri, tel que les excrémens humains, la | 
fiente d'oiseaux , de brebis , de chèvre, de cochon. 1 
49. Le terreau un peu sec demande peu de 
fumier. ; 
59. Un terrain sablonneux , qui est d'une na- . 
ture plus chaude, et qui est audessus d'un terrain | 
chaud , exige un fumier pourri ,.ou du moins un - 
peu de celui qui ne l'est point , e£ que l'on renou-. 
vellera souvent. | 
D'après ce qui vient d'étre dit sur le plus ou 
le moins de chaleur du terrain et du fumier, il: 


E . \ : f : 
qui convient à chaque terre. Les excrémens hu- | 
mains sont le plus chaud de tous les engrais: la 
fiente de bœuf est regardée comme le plus froid: 


rebis 





D'EUL’ A GR Fc U LTU KE. 3% 


brebis , et celle-ci est plus chaude que le fumier 
de cheval. Cependant, il est rare que l'on emploic 
d'autre fumier que celui des chevaux, des bœufs, 
des brebis et des cochons. 

6°. ]l faut ordinairement six ans pour épuiser 
la graisse de la terre ; après ce tems-là on la fume 
de nouveau: on est obligé de fumer plus souvent 
les terres sablonneuses , sur-tóut quand on fume 
avec des substances végétales. 

On voit ce qu'on doit penser du mélange des 
substances végétales fraîches, ou décomposées , 
d'après leur nature. Il faut seulement observer, 
que le mélange de matières étrangères, telles que 
la chaux, les cendres etc. est plutôt nuisible 
qu'avantageux à la bonté du fumier, au moins 
lorsqu'on y en mêle ure trop grande quantité, 
vít que ces matières salines et corrosives détruisent 
la graisse. 


130 PRINCIPES RAISONNÉS 


CHAPITRE JXVAL. 


Dv MÉLANGE DES TERRES. 


t 


Li terre que lon destine à produire des | 
grains doit être PRE ettrès divisée , afin que ! 
m racines puissent s'étendre avec facilité; que. 

l'air puisse les toucher; et que la substancenu- # 
tritive puisse environner de toutes parts les ra- 3 
cines. DUHAMEL DUMONCEAU a traité au long 
cette dernière circonsiance, en partant toujours 





du principe que c'est sur-tout dela tezre que vient 





la nourriture des végétaux. (C est de 1à qu il pense 








que; la porosité ou la division de la terre, est 


pius nécessaire que tous lesfumiers ouengrais, que 








l'on peut y joindre. Mais ce que nous avons dit 
suffit, pour faire voir ce que l'on doit penser 2 
de cette ihéorie , et ce que nous en dirons en- 


(s 


core servira à fixer notre ra d ) 








NIC LUTTE s dab ey? fr » 2». 
(:2 ) ÆArertissement essentiel du Redacteur. 


SITE ANA JE t 
Nos lecteurs sont sans doute indignés de la maniere dés- 


oblgeante et peu polie, avec laquelle W ALLERIUS rélute 
ct combat l'opinion. prétendue de DunauEers DuMONCEAU, 


sur lesængrais des terres. [ls seroient en quelque sorte au- 


torisés à ge croire d'iutellizence avec ce savant du nord, 








nt t. 


n 4 | e 
DwuL'"«amocUPTURE HM 
. Ceux qui mettent la chaux , et la marne, et des 
substances semblables au nombre des engrais, 
confondent ceux-ci avec le mélange des terres. 
lls ne. font pas attention, ou ils ignorent que 
les récoltes abondantes que l'on obtient en. mé- 
langeant les terres , ne sont pas dues à un en- 
grais ou matière nulritive , mais qu'elles viennent 
de la porositó du terrain. C'est toujours Du- 
HAMEL DUMONCEAU que l'on fait parler ici: 
voyons la réfutation. | 
Un terrain trop divisé est exposé à diffrens 


mauvais effets de l'air, parce qu'il perd aisément 





pour affoiblir les droits que notre Savant académicien s'es 
L] 


cr 


acquis à la reconnoissance de la Nation Frangaise et à celle 


‘de tous les peuples qui connoissent ses ouvrages , si j allo:s 


plus loin , sans avertir que je donnerai,à la fin du livre de 
WALLERIUS, un extrait en forme d'appendice du travail de 
DunaAnEL sur l'agriculture. On y verra, ou. que l'écrivain 
suédois n'a pas entendu notre compatriote, ou qu’il a été 
trompé dans la traduction qui a été faite de ses œuvres. 
J'aime à le croireau moins, car quelle apparence qu’il ait 
voulu étre injuste envers un auteur dont le nom seul an- 
nonce un bienfait. Tavré par gout, et par amour pour ses 
semblables à l'étude de agriculture, personne n’a Tontri-- 
bué plus efficacement aux progrès de cet art. Après ce court 
avertissement que jai cru indispensable pour ne point abuser 
de la patience des lecteurs, je reviens à la suite. de l'ouvrage 
de VV ALLERIUS. | 


à 3g 


132 PRINCIPES RAISONNÉS 


sa graisse et son humidité par l'évaporation. 
Il laisse passer trop directement la chaleur et 
le froid, pour frapper les racines des plantes , 
ce qui fait qu'elles sèchent ou gèlent. Ainsi, 
un terrain trop léger ou divisé a peu de force, 


et ne peut être avantageux. Les Jardiuiers aiment 


un terrain frès divisé , parce qu'ils préviennent 
les mauvais effets de l'air en arrosant fréquem- 
ment , et par d'autres moyens. Les cultivateurs 
au contraire, préfèrent avec raison, une terre 
plus compacte. 

Une terre trop compacte est désavantageuse, 
parce qu'elle est sujette aux inconvéniens aux- 
quels la porosité remédie. Il faut donc observer 
des proportions dans le mélange des terres; nous 
allozs en donner des règles. 1°. Les terres com- 
pactes doivent être divisées et rendues poreuses, 
de manière cependant, qu'elies conservent tou- 
jours une certaine tenacité. Ainsi, plus une 
glaise sera compacte et froide, plus il faudra 
iui Joindre de sable, ou de terreau. Plus cette 
tgfre sera aigre, plus on sera sûr de remédier 
à cette mauvaise qualité, en la mêlant avec 
de la marre, des cendres, de la chaux, ou 
avec des substances propres à absorber et à pro- 
curer de la chaleur. Si cette terre est trop hu- 
mide, on pourra bien lu: joindre de la poussière 


5.255 


(Ü 


$ 


Ux LA CRKDCULTURE 133 


de charbon ou des substances végétales, non 
encore pourries et décomposées. Voici la manière 
dont il faut s'y prendre pour savoir combien 
il faut de terres de cette espèce, pour rendre 
léger et divisé un terrain compacte. Que l'on 
mêle par exemple, de la terre d'un champ avec 
une portion de sable ou de terreau; que l'on pé- 
trisse le mélange avec de l'eau: si en le fai- 
sant sécher ou chauffer , le tout devient dur 
et compacte, c'est ui sigue que l'ondoit y remettre 
encore plus de sable ou de terreau; si au con- 
ttaire , le mélange ne prenoit plusaucune liaison , il 
faudroit augmenter la quantité ou proportion 
de la terre qu'on y joint , jusqu'à ce que le tout 
étant séché prít un degré de consistance tel, 
qu'il n'y eût que çà et là quelques parties qui 
se lieut en petites masses ; et ce sera un signe 
que la glaise aura été suffisamment divisée. 

2°. La terre trop légère et trop divisée , doit être 
rendue plus compacte. On produit eet effet avec 
de la glaise , ou même avec de la marne, quiservent 
toutes deux à donner de la liaison à un terrain 
trop sablonneux. 

3°. Un terrain trop humide doit être rendu plus 
sec avec du sable, s'il est marécageux; mais si le 
terrain est aigre, on emploiera ou de la marne, 
ou des substances végétales non pourries, ou de 


124 PRINCIPES RAISONNÉS 

la poussière de charbon. On sait que quelques 
plantes exigent un terrain humide, et d’autres 
un terrain plus sec: il faut donc avoir égard à 
ces deux circonstances. 

4^ On humecle un terrain trop sec avec de la 
glaise ou de la marne, qui ont la propriété d'at- 
tirer et de retenir l'humidité. 

Le mélenge des terres peut se faire en trois 
manisres. 1?. En transportant la terre sur un 
champ. 2^. En Ja mêlant préalablement avec de 
l'engrais ou du fumier , afin de lui communiquer 
de la graisse, et la portant ensuite sur le champ. 
39. En la retournant, lorsqu'elle se trouve au- 
dessous de la terre du champ, et en la mélant 
ainsi avec la couche supérieure. 

]] n'est pas douteux qu'une terre chargée de 
graisse ne soit favorable à la végétation, et 
ne contribue à la fertHité. Ainsi la meilleure 
méthode est celle des cultivateurs, qui, quand les 
circonstances le permettent , font de la terre 


qu'ils veulent joindre à leur champ, des tas” 


avec du fumier, pour les porter ensuite sur Jes 


terres qu'ils veulent bonifier. Il est vrai que la 


terre qu'on y mêle augmente le volume du tas 
de fumier: cependant i| ne faut pas croire que 
cette terre serve à lui donner plus de graisse; 
je conviens que les parties grasses sont mieux 





ML AGRIGCUETUXRXE, 139 
retenues dans la terre qu'on y joint , et que sans 
cela elles pourroient aisément se dissiper; mais 
il ne s'en suit pas que la terre contribue par 
elle-même à l'augmentation de l'engrais. C'est 
done une erreur de croire, qu'en mêlant de la 
terre au fumier, on multiplie la matière propre 
à engraisser. 

Quelques auteurs ont appellé ferre sauvage , 
et d'autres ferre vierge celle qui n'a point encore 
été exposée aux impressions de l'air et du soleil, 
et qui n'a point encore produit de végétaux; 
mais qui étoit au-dessous de la terre travaillée , 
sans avoir été touchée par le soc de la charrue. 
. C'est cette terre qui sert de support aux terres 
labourables. Elle varie suivant les lieux où 
elle se trouve. Quelquefois elle est de la même 
nature que le terrain qui est audessus : quelque- 
fois elle forme une couche d'une nature toute diffé- 
rente : souvent elle est sablonneuse et fait un lit de 
gravier ; d'autrefois elle est argileuse ou marneuse. 
Ainsi l'on voit aue souvent cette terre peut être 
meilleure que celle qui la couvre et qu'on travaille, 
comme quand l'une est glaiseuse ou marneuse, tandis 
que.celle qu'on laboure est sablonneuse; souvent 
aussi elle est d'une plus mauvaise qualité lorsque 
la terre de dessous est sablonneuse, et celle de 
dessus glaiseuse. Mais il se. trouve Fréquég MM 


126 PRINCIPES RAISONNÉS 
que la terre inférieure est de la même nature et 
de la même bonté que la terre sup£rieure. L'on 
voit qu'il faut user de précaution, quand il s'agit 
de retourner , ou de mettre celte terre en dessus. 
Nous pouvons dire, en général, que plus cette 
terre est remplie de parties grasses et huileuses, 
plus elle est gg. et plus elle est capable de 
Fépagipenser le cultivateur de la peine qu'il prend 
à la retourner , soit en labourant plus protondé- 
ment, soit par d'autres moyens qui la transpor- 
tent en haut et qui la mélent avec la couche 
supérieure. 

On ne s'est point accordé sur la nature de 
cette zZerre Sauvage. HOFFMANN , et sur-tout 
JEAN FRÉDERIC NEUMANN , ainsi que beaucoup 
d'autres, ont pensé que cetle terre éloit inió- 

t 


conde et sauvage, et qu'il étoit dangereux de 


la metire au jour. lis ont cherché à fonder 
eur sentiment sur l'expérience, qui, suivanteux, 
fait voir que la bare portée de desious à la 


surface des terres, les rendoit infécondes, on 


1 


inême d'une pius mauvaise quaiité. DENSO en, 


fournit un exemple , lorsqu'il cite quelqu'un qui 
s'est très mal trouvé d’avoir mis en. dessus un 
sable qui étoit au dessous de son champ. Ces 
auteurs ont encore voulu confirmer leur eer. x 


en disant quil n'y a point de parties grass 


v 


Li 





DEQL'ÀAGnICUL T,U RE. 137 


qui puissent descendre jusqu'à cette terre; mais 
que lorsqu'elle est mêlée avec la couche supéri- 
eure, sa graisse se dissipe en haut, et rie des- 
cend point. J. A. HERTZOG, ainsi que ORTH, 
prétendent que non seulement des terres, uni- 
quement pour avoir été labourées plus profondé- 
ment et sans fumier, ont donné une récolte, 
mais encore que des terrains maigres sont deve- 
nus tres fertiles après avoir été ainsi retournés, 
et ont conservé leur fécondité, plus que s'ils 
eussent éié. fumés. LA QUINTINIE semble être 
aussi de cet avis de même que PIERRE KRETS- 
.CHMAR. Ils disent que par un double labourage, 
ou endoublant par un labour profond la hauteur 
des sillons , les terres sont singulièrement boni- 
fiées. Pour pouvoir juger dans cette dispute , il 
faut avoir égard aux circonstances suivantes. 

1°. Lorsque cette terre vierge ou sauvage n'est 
pas meilleure que la terre supérieure, ou du- 
moius n'est pas d'une égale bonté, le plus sur 
sera de n'y point toucher. 

2?. Lorsque cette même terre n’a pas plus d'un 
pied de profondeur, on fera pareillement trós 
bien de la laisser en repos, quelque bonze qu'elle 
puisse être; parce qu'en ja portaut en baut, la 
graisse et l'humidité ne seroient plus arrêtées, 
et se dissiperoient , tant par le haut, que par le 


138 PRINCIPES RAISONNÉS * 


bas: d’où l'on voit que l'on ne doit pas Ja porter 


totaiement à la surface; mais qu'il n'en faut 


íra insporter qu ‘une TRI US 


3°. J'accorde à NEUMANN , que là graisse ct. 
l'humidité etis être poussées én hant, ou 


dissipées par la chaleur; mais je crois qu'il a 
tort de n'avoir pas fait attention que les parties, 


tant grasses qu'humides, qui sont très-bien re- 


o 
tenues et conservées dans un terrain gras, puis 
qu'eles sont mises à couvert de la chaleur du 
e st 


soleil par ia couche supérieure , aprés qu'elles ont 


été dissoutes par la pluie et la neige, se rendent 


‘en bas, par leur pu iété 
i 1 
1i 


ive.de la terre. Ainsi 


té et par la force attrac- 


Orsque cette terre vier 'ge 


Al 


est sablonnéuse et trop pati e, il ne faut pas Ta 


transporter à la surface; elle n’en vaut pas la 
Wu | 

| faut observer que cette terre vierge , qui 
n 'est pas à portée de sentir les*mpressions de l'air, 
‘quand eile est compacte et serrée , contient cont- 
munément un acide minéral nuisible aux végé- 
taux , et est privée des ibit que l'air com- 


munique aux dificrentes espèces de terres, et 


r 


qu'eile ne peut pas acquérir le degré de division 


indi ic: 





ou de lézereté convenable par un , ou même par 


plusieurs labours. Il est donc nécessaire que cette 


terre vierge reste quelque tems ex posée aux inr 


ect M 


UD BEA GR CULTURES. 139 
E | 

pressions de l'air, afia que ses parties nuisibles 
sen dégagent , et qu’elle se charge de celles qui 
sont plus analogues et plus favorables à la nature 
des végétaux. Il est encore nécessaire que cette 
terre soit divisée par des labours réitérés. C'est la 
raison pourquoi ces sortes de terres sont stériles 
la première année , et deviennent très fertiles par 
la suite; và qu'elles attirent avec plus de force 
les substances eontenues dans l'air , que des terres 
qui ont été lon 


| 


g-tems exposées à ses impressions. 
5°. Comme cette terre favorise la végétation 
pour deux raisons; savoir, au moyen de la graisse 
qui est descendue en elle de la couche supérieure, 
et au moyen des substances qu'elle attire for- 
tement de l'air, il ne faut réitérer l'opération 
de transporter cette terre à la surface quand elle 
a les qualités requises, qu'au bout de dix ans, 
et méme plus tard. Cela est encore nécessaire à 
cause de la densité de la couche de terre qui est 
au-dessous ; mais nous tácherons dans le chapitre 
Suivant, de jetter encore plus de jour sur cette 
matiere. 


/ 


E 


140 PRINCIPES RAISONN tÉS. 






CHAPITREOXVLE 


: 


DU LABOURAGE, DE LA SEMAILLE ET DÉ 


LA CULTURE DU TERRAIN. i 


T i 
N OUS avons vuci-devant , que c'est de l'air qu& 
la terre tire sur-tout les substances propres à 
nourrir les végétaux, et même qu'une terre sté 
rile pouvoit étre rendue féconde lors qu'elle a été 
exposée à l'air. Nous avons encore démontré que 
la terre devoit être divisée : si neus ajoutons & 
cela que dans une terre non travaillée , il croît 
de mauvaises herbes qui attirent beaucoup de 
nourriture , et dout les racines contribuent à lier 
des moites, et que souvent l'eau, retenue dang 
ices de la terre, s'aisrit et devient nui- 
sible aux plantes, on verra la nécessité du la- 
bourage , et qu'il est fondé sur quatre raisons, 
1°. Afin que chaque molécule de terre soit exe 
posce aux impressions fertilisantes de l'air. 2% 
Pour que l'acide nuisible soit expulsé: car, plus 
la terre est retournée , plus elle expose ses parties 
à l'air, plus les substances nuisibles peuvent en 
être dégagées, et plus elle se charge de celles 
qui sont utiles. Cependant , nous ne pouvons 
nier que la terre ne pcrde par-là quelques-unes 


D ET AP G R 1:C Ü LOT SUE. Lii 
le ses parties nutritives. 3°. Pour détruire le 
hiendent et les mauvaises herbes. 4?. Pour que 
e terrain devienne léger et divisé, moyen qui 
rocure les avantages attachés à cette espèce de 
erre. 

On se propose encore un,objet particulier en 
abourant. C'est de mêler plus intimement les 
ngrais ou les terres avec le champ; mais il n'est 
as nécessaire de faire sentir ces cheses. Si l'on 
soit que l'on peut, en faisant des tranchées, 
lélivrer les terres de l'acide qui vient des eaux, 
f que par conséquent il ne seroit pas nécessaire 
le labourer pour cette fin; je répondrois, qu'il 
L a une espèce d'acidité qu'on ne peut pcint en- 
ever eu faisant des tranchées, mais seulement 
ar le labour. C'est ce qui arrive, lorsque cette 
icidiié , fortement combinée avec le terrain, ne 
eut être chassée ou détruite que par le moye: 
le l'air. 

On voit, par ce qui vient d'étre dit, qu'un 
errain poreux et divisé n'a pas autant besoin 
Pêtre labouré qu' un terrain compacte , parce que 
rop de légóreté pent être suisibles DUnAMEXL, 
u cer ; dans la première partie de l'ou- 
rage que nous avons cité, assure qu'un terraiu 
Éger, ainsi qu'un terrain plus fort et compacte, 
oit être également labouré; ( On en jugera ci- 


142 PRINCIPES RAISONNÉS. 


apres ): mais il n'a point fait attention aux 







inconvéniens qui résultent d'un terrain trop di- 
visé ; en quoi il parcit avoir été induit en erreur 
par les principes dont nous avons parlé. ; 
Je ne me suis pas proposé de décrire les diffé- 
rentes manières de labourer, ni les instrumens 
dont on se sert pour cela : je me contenterai de 
pas des principes sur lesquels se fondent les: 
différentes méthodes du labourage: je les réduirai 
aux règles suivantes. 1°. Pius le terrain est aigre 
et rempli de mauvaises herbes, plus il faut le 
retourner, aíin que la terre de dessous soit. exe 
posée à l'aetion de l'air et du soleil , et pour dé- 
pictae les herbes inutiles ; 
. En labourant , il faut faire en sorte qu'il 
ne reste point de terre non.divisée entre les 
sillous. On reconnoît que le labour a été ‘mal 
fait, quand les sillons sont tortueux, parce que 
les sinuosités indiquent une terre qui n'a pas été 
divisée. 


$^. I] faut labourer de manière gque la terre, 


coupée et relevée par le soc, soit prise moitié 
: : de an 
dans l'ancien sillon, et moitié dans la partie. 


ui est à Jabourer. De cette manière da terre. 
. > PLUS 1 

sera bien divisée, les racines seront arrachéesé 

hamp sera unie. | j| 


4? Dans le second labour, il faut que les pres: 


rdum Lon 


DAR À GR 1GDEMQUR EU MI 
niers sillons soient tranchés transversaleent 
par la charrue, afin que les mottes qui n'au- 
roient pas été divisées la première fois , puissent 
l'être la seconde. Ce labour divise la terre, la 
rend bien plus légère, et les sillons se pré- 
sentent de biais, aux rayons du soleil: ce qui 
les empéche d'être aussi fortement desséchés par 
la chaleur du midi. 


1 


. 59. Dans le troisième labour, il faut que la 
charrue traverse les premiers et es seconds si- 
lous. Ce troisième travail divise de plus eu plus 


les mottes, pourvü que 


RE soit propre 

remplir cet objet. 

- 69. Lorsqu'on commence à labourer dans le 
milieu du champ, il est haussé dans cet endroit, 

et s'abaisse vers les côtés. 

| . Cette dernière manière de labourer est plus 
avantageuse pour les terrains humides ,que pour 
Tes terrains secs et placés sur les hauteurs. Dans 

le premier cas, les eaux peuvent s'écouler; dans 

| c second , dans les années pluvieuses, le milieu 






roduit quelque chose, tandis que les côtés qui 
sont noyés d'eau ue produisent rien du tout, et 
éciproquement pour les années sèches. Ajoutez 
à cela que: comme on est continuellement obligé 
i 


le terre qui n'a jainais 


de remettre de nouvel i 


E. 

Eté exposée aux impressions de l'air, pour re- 
| ee 

*: 


= 


ET mec Ja à ES 


144 PRINCIPES RAISONNÉS 


hausser les côtés, il faut nécessairement quele 
brings produise moins par ces mêines côtés. . 
8°. Pour que le terrain soit divisé convena- 
blement, il faut qu'il soit labouré ou sillonné, 
d'abord en ligne droite, ensuite de biais, et enfin 
transversalement. Cependant , il faut observer 
qu'un terrain gras doit être labouré bien plus sou- 
vent qu'un maigre; parce que celui-ci seroit 
bientót privé de sa nourriture , et deviendroit 
stériie : d’ailleurs, un terrain maigre est moins 
rempli de mauvaises herbes. 
viser les mottes de terre , il faut recourir à d’au- 
tres iustramens pour les briser et les diviser. 
égard du temps propre à labourer , il faut 
simplement observer de choisir un tems où il soit 
disposé à se diviser. Ainsi, on ne doit paslabou- 


rer la terre quand elle est tro p mouiilée, ni quand: 


elle est trop sèche: dans le premier cas, elle se 


Lorsque le labour n'a pu suffisamment di- | 


He t 2 ^ jq ae3Yr-fot d ] te jins | 
le et se met en masse , sur-tout dans ies terrains 


slaiseux ; dans le second cas’, le labour ne sert à 


rien pour la divisicn du terrain. Un champ hu- 


Es E iie d a. ^ À 
mide par sa nature et par sa position, doit être 
labouré dans un tems sec, pour dissiper son hu- 
midité. Ui 
terreau et léger , ou mêlé de aeu de terre 
Re: 

tenace et d'une glaise dure, ne doit être labouré, 
- que 


A" 


n champ sec, sablonneux , rempli de? 


DETTA GR'L1CUE TU RE. 145 
que quand il a été bien détrempé par la pluie. Un 
terrain, poreux et divisé par sa nature , peut être ; 
labouré de meilleure heure et plus promptement 
qu'un terrain compacte. Un terrain élevé peut 
étre labouré pluiót qu'un terrain bas. D'aprés 
ce qu'on vient de dire , on jügera s'il est avan- 
tageux de labourer au printems , lorsque la 
terre intérieure n'est pas encore dégelée , comme 
l'a prétendu un anonyme Suédois. | 

Quant à la profondeur du labour , je crois 
qu'elle doit être proportionnée à l'extension des 
racines , afin que l'air puisse pénétrer jusqu'à 
elles. Il est inutile de labourer trop profondément, 
và qu'on peut parveuir sans cela au but de cette 
opération. Cette méthode peut méme devenir 
nuisible , parce qu'elle divise la terre inférieure, 
"et la rend plus sujette à s'évaporer , ce qui fait 
tort à la racine des végétaux. 

Les Modernes ont été fort partagés sur la pro- 
fondeur du labour. L'expérience de Woif a fait 
conclure à quelques personnes , qu'il étoit ab- 
“solument nécessaire de labourer profondément , 
afin qu'un plus graud nombre de nœuds , ou 

“d’articulations des végétaux püt avoir le contact 
de a ter:e, et pousser de nouvelles racineS et de 
nouveaux germes lorsqu'ils en sont couverts. C'est 


sur ce principe que KRETSCHMAR a regardé 


K 


346 PRINCIPES RAISONNÉS 

comme tres-nécessaire l'usage du double labour ; 
dont il a été parlé ci-devant. D'autres, au contraire, 
regardent comme inutiles les labours profonds, 
en voyant que des grains, tombés par hasard 
sur la terre, ne laissent pas d'y germer très-bien, 

Nous remarquerons à cette occasion, que tout 
les terrains n'ont pas une égale profondeur , et 
que c'est à quoi l'on doit avoir égard en labourant; 
en effet, il y a des terrains qui, au premier coup- 
d'œil, parcissent profonds et; épais, mais qui. 
ont à peine, à un pied au-dessons, une couche de 
sable ou de gravier. Ou leur nuiroit en labourant 
irop avant. Dans tous les végétaux les racines 
ne s'étendent pas également, suivant leur plusou 
moins de longueur. Ainsi, pour déraciner par- 
faitement lechiendent et les herbes inutiles, et 
pour défoncer suffisamment le terrain, et donner 
la facilité aux racines de s'étendre, il faut con- 
sulter les circonstances pour ouvrir le terrain 
d'une facon convenable, afin que l'air pénètre 
jusqu'aux racines. ll faut encore régler la pro- 
fondeur du labour sur celle à laquelle on a 
semé. 

Le but qu'on se propose en mettant la semence 
eu térre, se borne à la mettre en sureté coutre 
les oiseaux etlesinsecies ; à la garantir des vents 
et des injures de l'air, dela pluie qui épuiseroit 


DE L'AGRICULTURE. 147 


les sucs, et de la chaleur qui les dissiperoit ; à 
lui fournir une retraite où elle puisse germer et 
se développer en liberté; enfin à fournir, selon 
. les expériences de VVOLFF, aux nœuds ou articu- 
lations, un moyen de germer et de pousser des 
racines. Eu effet, l'expérience prouve que nulle 
semence ne peut germer et croitre, sielle n'est 
mise à couvert de l'air et placée dans la terre. 
TULL a éprouvé que des semences qui avoient été 
mises à neuf pouces en terre, y sont demenrées dix 
ans sans souitrir la moindre altération ; d'autres 
semences mises à six pouces en terre, ont très-bien 
germé; d'autres qui n'ont été mises qu'à un ou 
deux pouces, ont encore mieux germé. DALMAN 
ESKILSSON confirme cette dernière expérience. 
De tout cela je conclus que la semence des végé- 
taux doit êire semée plus on moins profondément , 
suivant la différence de sa nature, mais jamais 
au delà de cinq ou six pouces, et que souvent trois 
pouces sout une profondeur suffisante, pour que 
l'air y pénètre sans obstacle; ce qui est de la plus 
haute importance, pour que la semence germe. 
Pour ce qui est dela quantité de semence 
nécessaire gon: easemencer les terres, il faut con- . 
sulterla bonté de la semence et la nature du terrain. 
Il est donc à propos d'observer, que plus le ter- 
rain est gras et plus il a été soigné et 


148 PRINCIPES RAISONNÉS 

plus il doit être semé légèrement; car, en semant 
en trop grande quantité, non seulement on nuit à 
la croissance des prodi mais encore la tige ou 
la plante est sujette à se courber aprés s'étre FAI 
et l'épi n'est pas fourni. Plus le terrain est maigre 
moins il faut épargner la semence, parce que dans 
une pareiile terre la croissance et la multiplication 
ne sont*pas à craindre. 

Quelques personnes pensent qu'il se trouve moins 
de substance nutritive dans un terrain maigre que 
dans un terrain gras: d'où elles concluent qu'il 
faut y semer en moindre quantité. Cependant il 
faut observer que dans un terrain maigre, un 
seul grain de semence ne produit qu'un seul épi, 
aulieu que dans un terrain gras, où un grain 


produit plusieures tiges on épis , en semant peu, 


on peut en obtenir beaucoup. C'est donc en se- 
mant abondamment dans un terrain maigre, 
qu'on peut obtenir l'équivalent d'un terrain plus 
gras. 

On se régle ordinairement sur la nature du ter- 


rain même, ou sur des signes extérieurs, pour le 


tems des semailles; mais sans nous y arrêter pour 
le présent, nous dirons simplement qu il ya deux 
saisons pour semer , l'automne et le printems. Pour 
semer en automne , il faut seulement, selon moi, se 
réeler sur la maturité de la semence, qui doit fixer 


. na 
DEL AGRICULTURE. 149 
le tems où elle doit être miseen terre. Dans un été 
froid les grains ne mürissent que fort tard, et quand 
on semetard,les plantesn'ont pu, à l'entrée de l'hi- 
. Ver jettev des racines assez fortes pour résister aux ri- 
gueurs de la saison, et aux mauvais temsde l'hiver 
et du printems : ainsi on fait fort bien, dans ce 
cas, d'employer de l'ancien bled pour ensemencer 
Ja terre, Pour semer au printems, on ne peut se 
régler que sur l'état du terrain: il faut voir s'il 
n'est ri trop see ni trop humide, et s'il a le degré 
de légèreté ou de division qui eonvient: tous les 
autres signes qu'on puisse alléguer , ne sont d'au- 
cune valeur. Un bon cultivateur sera quelquefois 
dans le cas d'ensemencer la partie la plus élevée 
. d'un champ, et attendra quelque tems pour en- 
semencer la partie la plus basse. Nous avons déjà 
indiqué la semence qu'il falioit choisir, et nous 
ayons exposé en général, quelles doivent être les 
qualités du terrain que l'on doit enseinencer. 
Aprés les raisons qui ont inspiré aux hommes 
de mettre les semences dans le sein de la terre; 
je dirai qu'on remplit cetobjet, scit avec la 
€harrue , soit avec la herse, soit avec toutes les 
deux à-la-fois. Au moyen du labour, la semence 
rest mise plus avant en terre, que par la here, 
mais on peut la mettre à la même profondeur 4 


en semant sur des sillons ouverts, Si on sèms 
a 


150 PRINCIPES RAISONNÉS - 


avec la charrue, il faudra dans les champs qui 
vont en pente , former des sillons transversaux , 


pour que les pluies fortes ne puissent pas entraîner | 


la semence, de la partie haute dans la partie 
basse du champ. Pour que les germes et les 
feuilles des végétaux puissent passer sans obstacle 
au travers de la terre qui les couvre , d'autant 


plus que l'expérience nous montre que ces feuilles | 
: $ 
et ces tiges se courbent , quand elles rencontrent 


une croûte dure , et sont méme étouffées et se 
dessèchent, il faut que l'on divise beaucoup la 
terre qui doit couvrir la semence; briser ensuite 
la croûte qui se forme par la terre empátée 
avec leseaux de pluie, ou par d’autrescanses , après 
que le champ a été ensemencé. Dès que les feuilles 
sont sorties de la terre, il n'y a plus de rai- 
son qui engage à diviser le terrain : "car alors 
il est nécessaire que la terre se resserre et devienne 
compacte , afin de pouvoir retenir les substances 
humides et grasses nécessaires à la nourriture des 
végétaux. Ainsi, ceux qui, aussitôt que les 
feuilles sont sorties, pressent et égalisent le ter- 
rain, font très-bien ce qui peut contribuer à mul- 


] 


E 


tiplier les tiges, par le moyen E nœuds qui sont. 


recouverts de terre. | 
Mon objet, dans cet ouvrage, n'étant que. de 
| , 


DR À CGR L'CRLE TU RE 153 


trailer des principes chimiques des productions 
qni sont dues à l'agriculture, je laisse à d'autres 


à parler des instrumens nécessaires à l'exploitation 
des terres. 


4 


K 4: 


152 PRINCIPÉS RAISON NÉS 


CE API ER TV EC 


DE QUELQUES INCONVÉNIENS QU'IL FAUT 


ÉCARTER DANS L AGRICUITURE. 


À 
IN OUS avons parlé des principaux inconvéniens | 
qui s'opposent à la nourriture et à la croissance 
des végétaux, ou qui les affoiblissent , nous allons 
encore examiner en peu de mots, ceux que l'in- 
dustrie humaine peut écarter, tels qi ueflles forêts — 
les eaux, les neiges , les pierres et les animaux. 
Les arbres, par l'ombre qu'ils jettent , em- 
péchent les rayons du soleil d'agir sur les terres; 
iis interceptent l'action des vents, et en même 
tems , la circulation de la graisse aérierne. Aussi 
les forêts conservent-elles loug-tems la neige et la 
glace ; et dans les pays couverts de bois, le froid 
dure pius long-tems qu'ailleurs, et les exhalaisons 
y sont plus fra iches. Ainsi, il est nécessaire d'é- 
ner les terres labourables, le plus qu'il est 
le , des forêts, ou de détruire celles qui se 
trouvent dans leur, voisinage. Un bon économe 
doit calculer si Poe 0 lui rapportent plus que 
ses terres , et se régler là-dessus pour sa culture. 
Il faut déraciner 13 arbres et les buissons qui 


" 


DE UE Aoc n/CUL"rUv RE 5B 


se trouvent dans les champs, parce qu'ils Ótent 


aux grains leur nourriture , et que par leur ombre , 


et par leurs feuiiles qui tombent , ils étouffent les 
pios d et conmnitiquent de l'aigreur au terrain, 
pár les eaux qu'ils arrêtent. Il. paroît cependant 
que l'on peut tolérer le bouleau et le bois blanc; 


_và qu'ils croissent sur des terrains secs, et que par 


leur distance , ils n'interceptent point la nourri- 
ture de Ja semence. 

Pour écarter les inconvéniens qui 1 résultent des 
eaux, ilefaudra former des tranchées dans les 
champs, suivant la nature et la position des lieux, 
à l'occasion de quoi, on observera les regles 
suivantes. | 

. Par rapport à la position, ou les champs 


sont en pente, ou ils sont unis: il faut donc que 


l'on forme les tranchées, de manière que le champ 
aitle moins de pente possible. Car sur les champs 
qui ont de la pente , les eaux e itrafnent toute la 


graisse et l'humidité vers Ja partie la plus basse, 


et en privent la partie la plus élevée. Ainsi, l'on 
doit former des fossés transversaut , et non des 
fossés en pente dans ces sortes de champs. Quel-. 
ques cultivateurs mettent leur champ en pente, 
sur-tout lorsqu' ils ônt exposés au levant ou au 
midi, mais j'ai souvent observé, qu'en donnant 
üne' pente forte aux eaux de pluie, elles entraînent 


154 PRINCIPES RAISONNÉS 


avec violence les {erres, elles détruisent les fossés ; 
elles se font des passages au travers des champs, 
et leur causent un dommage irréparable , sans 
parler des autres inconvéniens qui résultent de la 
perte. i 

29. Plus un champ est bas et humide, plus on 
peut y faire de tranchées; et plus il est sec et 
élevé, moins il faut y en faire. Car dans un ter- 
rain bas et humide, il y a tonjours une grande 
quantité d'eau qui s'écoule avec d'autant plus 
de peine, que le champ a plus de largeur et 
d'étendue, E 

3°, Les fossés ou tranchées doivent avoir de 
li grandeur et de la profondeur , lorsqu'ils tournent 
autour du champ , et qu'ils sont destinés à recevoir 
toutes les eaux dont il doit être débarrassé. Les 
tranchées destinées à faire couler les eaux du 
milieu du champ, deivent être pius petites que 


4°. Les petites tranchées dont je viens de 
parler , ne doivent avoir que la profondeur des 
racines , à moins que le champ ne soit disposé 
de manière à être souvent inondé. En effet, nous 
avons vu , dans le cours de cet ouvrage , que les 
végétaux se nourrissent de vapeurs aqueuses qui 
s'élèvent de la terre. Ainsi, plus on fera écouler 


les eaux par des tranchées profondes, plus on 


” 
"d PORC à dqd sur rvd* 155 
 Giera de cette nourriture aux végétaux. Consé- 
quemment , il paroit nécessaire de ne point faire 
ces tranchées plus profondes qu'il ne faut , pour 
dégager les racines de la trop grande quantité 
des eaux. 
5°. Enfin il faut que tous les fossés soient 
.. faits de manière que les peiites tranchées con- 
-duisent l'eau dans les plus g'andes , et que celles- 
ci la conduisent hors du champ. Pour que l'eau 
ne puisse pas séjourner sur un champ , il ne suftit 
pas d'y faire des fossés ; il faut encore l'égaliser , 
pour ns n'y ait point d'endroiis où l'eau puisse 
s'arréler; et apres avoir semé, il faudra former 
des silluns plus grands que les autres, et: qui 
puissent conduire les eaux dans les fossés. 
æ Dans un pays nni, où l'on ne trouve ni có- 
teaux , ni montagnes, comme en Pologne, il 
.me semble que lon pourroit se passer de faire 
des fossés ; au lieu que dans un pays inégal et 
montueux , où les champs vont en pente , et qui 
sont exposés à de grandes fontes de neige au pziu- 
temps, on ne peut se dispenser de former des fossés 
et des tranchées, La neige est nuisible, parce 
qu'en tombant sur un terrain non gelé ,elle em- 
pêche le froid de pénétrer jusqu'à la racine et à 
la terre, et que quand elle vient à fondre , elle 
déchire les racices. La neige, en fondant au 


4 nt | 
156 PRINCIPES RAISONNÉS 
printems , augmente le volume des eaux qui sont 
dans les champs. D'ailleurs, elle est entassée par 
les vents, et s'attache autour des haies, des 
buissons et des arbres du voisinage. D'après ces 
observations , on voit qu'il est bon , pendant 
l'hiver, d'ôter les neiges de dessus les terres; ce 
qui s'exécute en Suéde avec un instrument ap- 
pellé charrue de neige. On peut écarter l'eau de 
neige des champs , en formant des fossés et des 
tranchées. On voit aussi, qu'il faut óter les ar- 
bres, les buissons et les pierres , et que. les haies 
doivent être dans un certain éloignement de la . 
terre labourée, afin de laisser de la’ place à la 
neige. 

Autant qu'il est possible , on détruira les buttes 
les roches et les inégalités dans un champ, pars 
ce que non seulement elles sont nuisibles par leur 
ombre , mais encore par la neige qui s'y amasse, 
et qui est long-tems sans se fondre. De plus, 
l'eau qui s'en écoule pour se porter vers les en- 
droits plus bas, peut causer du dommage. Je re- 
garde les cailloux et les petites pierres comme 
plus utiles que nuisibles, suivant la nature du 
terrain : c'est ce que confirme l'expérience. 

Pour garantir les plantes contre les animaux , 
il faut environner les terres de fossés, de haies, 


de retranchemens, afin que les bestiaux ne puis- 


DE L'AGRICULTANRE 157 
sent point y entrer. Je finis par la maxime de 
. PLATON , au neuvième chapitre du dix-huitième 
livre. « Par où faut-il commencer ? Par bien tra- 
« vailler le terrain. Que faut-il faire ensuite? Bien 
« labourer. Que faut-il faire en troisième lieu? 
« Bien fumer. Ne labourez pas inégalement, et 
« labourez au tems propre. Tout champ doit 
« étre labouré d'abord en sillons droits , et ensuite 
« en sillons transversaux. 


158 PRINCIPES RAISONNÉS 


- 


A PP END 


M ALLERIUS prétend, et a publié dans l'ou- 
vrage qu'ou vient de lire, que DUHAMEL DU- 
MONCEAU recommande aux agriculteurs , de 
bannir tout engrais de leurs terres: je ne puis | 
mieux réfuter cette assertion , au moins hasar- 
dée, qu'en mettant sous les yeux des lecteurs, 
l'analyse succincte des ouvrages d'un citoyen, qui 
n'a cessé de bien mériter de sa patrie, par son 
zèle infatigable pour le bien public, auquel il 
s'est dévoué la plns grande partie de sa vie. 
Je le répète, si VVallerius a bien entendu les 
élémens d'agricuiture et du labourafe de notre 
compatriote, dans quelie vue lui a-t-il attribué 
me doûtrine qui est si loin d’être la sienne? 
Pour combattre l’assertion de l’auteur suédois, 
je vais rapporter l'excellent extrait des ouvrages 
de DUHAMEL , fait par un homme de lettres 
distingué , le citoyen B... 

Dans un siècle où toutes les vues se portent 
vers l'utilité pubiique, on a vu une foule de 
bons citoyens s'empresser de ranimer par leurs 
écrits, le goüt et lamour de l'agriculture en 
France; chacun a proposé scs observations et 


D E IF A*6 n 1"C UT, TU R'E. 159 


ses expériences, et il en est résulté un avan- 
tage réel et des succès dont l'influence com- 
mence déjà à se faire sentir ; mais aucun n'a. 
contribué plus efficacement aux progrés de cet 
art, que DugBaMwErL DuMwoNcEaU. Ce savant 
S'est, pour ainsi dire, consacré à cette partie, et 
ha engagé par son exemple tous les physiciens 
à diriger leurs recherches vers un objet si 
intéressant. Après avoir donné un traité. sur les 
arbres et les arbustes qu'on peut naturaliser en 
France, une physique des arbres, et plusieurs 
volumes sur le semis, les plantations et l'ex- 
ploitation des forêts, tous enrichis d'expériences 
exactes et détaillées: il publia en 1763 ( v. s. ) 
ses élémens d'agriculture et du labourage. Il 
a réuni dans cet ouvrage ses principes sur 
l'agriculture avec le système de TUIL Anglais, 
sur la nouvelle culture. Les matières y sont 
traitées dans l'ordre suivant. Il cherche quel est 
en gros le mécanisme de la végétation; quels 
sontles meilleurs moyens de défricher les terres; 
en quoi consistent les bons labours, et ce qu'on 
doit en espérer; quels sont les diflérens engrais, 
la meilleure manière de les employer; le choix 
et la préparation des semences , les différentes 
maniéres de les répandre; les soins qu'exigent 


2 d 3121 117 ‘nc 3 1. 1 M 
les grains pendant qu'ils sont sur pic d : ia facon de 


160 PRINCIPES RAISONNÉS 

de les récolter, de les battre, de les nettoyer; 
de les conserver; quels sont les meilleurs ins- 
trumens propres au labourage: l'utilité des prés 
naturels ou artificiels , les moyens de les former 
et de les améliorer; la culture particulière de 
quelques planies utiles; enfin, il expose et com- 
bat quelques abus qui forment un obstacle aux 
progres de l'agriculture etc. 

Connoissances préliminaires. Pour travailler 
mát hodiquement aux progrès de l'agriculture, pour 
se mettre en état de juger sainement de la 
culture des terres, et pour sentir les avantages 
jr une méthode peut avoir sur une autre, Dü- 
EAMEL recommande d'examiner l'organisation 
des plantes, les secours qu'elles recoivent de 
leurs racines et de leurs feuilles, la qualité de 
la substance qui les nourrit et la nature des 
terres qui leur fournissent ce suc nourricier. 
Ensuite il observe séparément. les parties qui 
constituent les plantes, leur influence réciproque 
par rapport à la végétation; il ajoute des ob- 
servations sur la nature et le mouvement de la 
«ève , et il termine ce premier livre par quelques 
considérations sur les difíérenies qualités des 
ierres. 

Terres franches. DUHAMEL donne ce nom à 


celles qui contiennent plus de suc nourricier, et 
qui 


LN 


AN rLr'"Avemnufc'ut£u uar 161 


qui sont parconséquent plus propres à la végé- 
tation. Il en distingue trois espèces: les 
blanches, les brunes et les rousses. 

Les terres blanches sont ainsi appelées parce 
qu'en se desséchant elies prennent un oil blan- 
chátre: ce sont les meilleures pour le froment. 

Les terres brunes sont celles qui, en se des- 
séchant, conservent encore un peu de leur cou- 


.leur. Quoique peu inférieures aux précédentes, 


eles sont néanmoins encore fort bonnes pour 
les grains. 

Les terres rousses sont assez bonnes pour le 
froment dans les années humides; ro si peu 


. que la sécheresse se fasse sentir, elles deviennent 


alors fort inférieures aux terres brunes et aux 
terres blanches. 

Toutes ces terres natureilemert très fertiles, 
font effervescence avec les acides. Lorsqu' elles 
sont sèches, si on les humecte, elles répandent 
une odeur de pluie d'été: eiles s'ameublissent 
aisément par les labours, et fournissent aux ra- 
cines une nourriture abondante. 

Les autres terres qui contiennent moins de sucs 
nutritifs , sont l'argile ou glaise, le sable pur, 
la marne, la craie et le tuf. 

La glaise, que l'on nomme aussi argile , con- 
fient quelque sue nourricier; mais ses pores 


L 


162 PRINCIPES RAISONNÉS 


étant trop serrés , les racines la pénètrent difficile- 
ment. 

Le sable pur admet l'eau entre ses parties, 
tandis qu'elles-mémes sont impénétrables à ce 
fluide: en sorte qu'elles laissent entr'elles des 
espaces qui servent de passage à l'eau, sans en 
retenir ; ce qui fait que le sable est bientót des- 
séché. Les sables permettent aux racines de 
s'étendre; mais ils ne fournissent par eux- 
mêmes aucune substance nutritive: ainsi, tout y 
périt par le hále , d'autant plus promptement, 
que le sable s'échauffe beaucoup. 

La marne est une terre qui par elle-même, 
est aussi iufertile que le sable pur; mais lors- 
qu'elle est mêlée avec d'autres terres, elle les 
rend aussi fertiles que le sable gras. On dis- 
tingue les marnes coquillières , les graveleuses et 
celles qu'on nomme crayons. Les premières sant : 
communément très-bonnes: les marnes graaeleuses 
sont d'autant moins propres à fertiliser, qu'elles 
contiennent plus de. gravier: excepté qu'on les 
répande sur des fonds glaiseux: celles qu'on ap- 
pelle crayons, fertilisent promptement et puissam- 
ment ; mais leur eïlet ne dure pas aussi long- 
tems que celui des marnes grasses. 

La craie est une pierre tendre , dans laquelle 
les racines ne peuvent pénétrer, ct qui ne paroît 


IN 1 Ac RUN CU*L TU R'E 163 


pas contenir beaucoup de substance, propre à 
la végétatioh ; néanmoius, quand on entame 
la craie à force de bras, la pluie, le soleil, 
la gelée ne laissent pas de la diviser, et avec: 
le secours des fumiers, elle devient capable de 
nourrir des végéiaux. 

Le tuf est une terre vierge , ou qui n'a point 
été remuée, parce qu'elle est au-dessous des 
labours. Par sa nature, elle n'est pas propre à 
la végétation ; cependant, à force;d'avoir été 
labourée , et d'avoir recu l'impression de la gelée 
et du soleil, et étant aidée par des engrais, on 
peut la rendre fertile. 

Terres trop fortes ou trop légères. Le suc 
nourricier des plantes seroit inutilement répandu 
dans le sein de la terre , si les plantes ne ponvoient 
pas le recevoir. C'est ce qui arrive dans les terres 
trop compactes, et daus celles dont les molécules. 
sont rapprochées les unes des autres, les racines 
ne peuvent s'étendre ; c'est un défaut des terres 
fortes. Si, au contraire, les interstices sont trop 
grands, les racines les traversant, sans presque 
toucher la terre , n'en tirent aucun secours, Voilà 
ce qui constitue les terres trop légères. 

- On peut , par une bonne culture , éd en 

partie à tous ces inconvéniens : il suffit.pour cela 

de diviser les molécules de terre ; de facon qu'elles 
L9 


16% — PRINCIPES RAISONNÉS 


laissent entr'elles une infinité de petits espaces, 
dans lesquels les racines puissent s'insinuer. Alors 
cuchant immédiatement les molécules de terre, 
elles en pomperont tous les sucs nourriciers. Il 
est facile d'opérer celte division par les labours 


et par les engrais. - 


Préparations qu'on doit donner aux terres, 
jour se procurer de bonnes récoltes. Ges prépa- 


: e 22d; Sosa cr dq E 4 4m 
raíions conusisieni à Gciricuer la terre rode précé- 


demment, elle n'a pas Cié mise en culture ; à jui 

donner les labonurs nocossalres ; si c'est une terre 
E LA 1 

qui esten rapport depuis long-tems ; à lui fournir 


b SEA pP ELO TUE PERPE le VP I-A PK 1. , $5 
es eng&rai55 à GIStTIOUCT 1ES saisons d ure maniere 
| 


convenable; à faire un £on choix des grains qu'on 
r 1 , £ 
doit semer ; et-à les Géposer, quand ii le fant , 


e 
MÀ 
ee 
etd 
tb 
r^ 
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L3 


1° " + TTE xi» . 
encore a extir Der les Iüuauvoises berbes. 
De/richen nent des terres. &)n peut ranger sous 


1 = 1 * 
quaire Ciasse M:crentes, les terres quon veut 


on 
|n) 


défrieler ; savoir, celies qui sont en bois, celles 
«qui sont en landes, ceiles qui sont en friches, 
et celles qui sont humides, 

Quand en veut défricher un terrain qui est en 


. 1 1 : j 
bois, on arrache les souches avec soin, et les 


fouilles qu'on est obligé de faire pour en tirer 
"les racines, retournent et focousent avanlageu- 


sement la terre; quand le terrain est bien dressé 


vien —— 


Lot 








MEET" À CRTC UN TU À EF. 165 


il re faut vs donner, dans l'automne, un bon 
labour avec la charrue à versoir. Les gelées d'hi- 
ver font périr les herbes , elles divisent les mottes; 
et, après un second labour fait au printems 
peut ensemencer ces terres en grains de mers 
et compter sur une récolte très abondante: car jd; 
arbres n'ayant point épuisé la ferre de ja super- 
ficie, l'ayant même fzmee avec] 


* jc i» 
> (os Lx * ^ 6A EN T et l 3 be les *y 13 LA EU 

on peut porn , peudant Dien des années, ui 

produit considérab 

3 re . 3 1 . €» 

Pour é£fricher ies landes, Hi 


. » Pl 
les mauvaises sal quis'v trouvent. Noñ- 


hok A oA ai 
senleiment parce que leurs cendres améliorent ! 


LI 
P LJ 

LA RCE M UE ^ nA MASA 
terre un; mais encore | parce que io TC PIDPCEC EH 
2 fl à E EN 3 T^ sit nreace 
partie le rejet ae 3 racines ; ct qu 1 Goiruült ores 


que toutes les semences nuisibles, qui n'auroier 
pas manqué de germer: quelquefois mème il fait 
péric plusieurs insectes. La saison la pis propre 
pour brüler ces landes, c'est vers ja lin de Téte: 


- 


. IT. CEA Et 
on choisit , à cet eut , un jour Caine et serelu. 


i * CRI CRUE Oe Ao ANE 
Quand toute la sûperficie de la i2nde est bruiée » 
1 M UNE » ^£ IAS xy ^ ( AC eue ] vhs . 
ou arrache avec la pioche ies racines des arpustess 


on attend ensuile que ir terre toit humeciée pac 
les pluies d'auiomue, pour la libourer par gros 
sions avec une forie chacrue à versoic t et ayant 
donné un sceond la 


r, 
904 , H . EXIT la mp: T3 [^ *YY 
lensemencer eu 2voinc. La seconós znnee, om 


166 PRINCIPES RAISONNÉS 


lui donne trois bons labours; et la troisième , elle 
est en état de fournir une bonue récolte de froment. 

Sous le nom de terres en friche, on doit com- 
prendre les sainfoins, les luzernes, les trèfles , et 
généralement tous les prés qu'on veut mettre en 
labour pour les ensemencer. On renferme aussi 
sous cette dénomination les terres qu'on ne la- 
boure que tous les huit ou dix ans. 

À l'égard des prés de toute espèce , on se con- 
tente ordinairement de les labourer , aprés que les 
terres ont été bien ramollies par les pluies d'au- 
tomne. Lorsquele priatems n’est pas fort humide, 
un second labour donné à propos , les met en état 
d'être ensemencées en avoine; mais il ne faut y 
metire du froment, qu'après que la terre aura 
éié assez affinée, par des labours répétés, pour 
recevoir cette plante, qui demande plus de nour- 
riture que l'avoine. se 

Quant aux terres qu'on ne laboure que tous 
les huit ou dix ans, on les égobe de cette ma- 
nière: des ouvriers vigoureux culèvent , avec une 
piocue courbe , toute la superficie de la terre par 
gazons qu'on dresse et qu'on appuie l'un contre 
l'autre ea faitière , mettant l'herbe en dedans. 
Lorsque ces gazons ont €lé desséchés par les ar- 
deurs du soleil, on y met le feu: et au bout de 
vingt-quatre , ou vingt-huit heures , quand le feu 


DEÉXL'AGRÍÉCUELTU RE. 167 


est éteint , toutes les mottes sont réduites en 
poudre. Lorsque les fourneaux sont refroidis, on 
attend que le tems se mette à la pluie, afin que 
la cendre ne s'envole pas: alors on répand la 
terre cuite le plus uniformément qu'on peut , n'en 
laissant point aux endroits oü étoient les four- 
neaux , qui malgré cela donneront des grains 
plus beaux que le reste du champ. On donne 
aussitót un labour fort léger , pour commencer à 
mêler la terre cuite avec celle de la superficie. Si 
lon peut donner le premier labour au mois de 
juin, et s'il est survenu de la pluie, il sera pos- 
sible de retirer tout d'un coup quelque profit de 
la terre, en y semant du millet, des raves où 
des navets, ce qui n'empéchera pas de semer du 
seigle ou du froment dans lautomne suivant. 
Néanmoins, il vaut mieux se priver de cette pre- 
mière récolte , pour avoir tout le tems de préparer 
la terre à recevoir du froment. Il y en a qui 
aiment mieux semer du seigle que du froment , 
parce que les premières productions étant très 
vigoureuses, le froment est plus sujet à verser 
que le seigle. 

Cette manière de brûler les terres les épuise- 
à la longue: attendu qu'il y a toujours une 
partie de la terre qui se cuit en brique, et 
qui perd dès-lors toute sa fertilité. : 

| ^A 


168 PRINCIPES RAISONNÉS 


, 


Lorsqu'on veut dessécher les terrains humides, 
c'est-à-dire, ceux qui, étant dans des fonds re- 
coivent l'eau des terres voisines, il faut envi- 
ronner la pièce d'un bon fossé pour égouter 
l'humidité de la pièce qn'on se propose de la- 
bourer; ce qui est aisé pour peu qu'elle ait de 
peste ) mais s'il y avoit un fond au milieu de 
la pièce, il seroit nécessaire de la refendre 

ar un bon fossé qui conduiroit l'eau dans le 
fossé du contour; et méme, ilseroit expédient 
de faire de petites rigoles en pattes d'oie, qui 
iroient aboutir au second fossé. Le terrain étant 
desséché , on le défriche en suivant le moyen 
dont nous avons déjà parlé. 

Lubours.en suivant les principes de DuxA- 
MEL DUMONCEAU , on peut augmenter la ferti- 
lié des terres , de deux manières différentes: 
par les Zaóours et parlesfumiers. Le premier 
moyen est souvent préférable, và la difficulté 
qu'on a de trouver assez de fumier, et les in- 
convériens qui résultent. de l'usage de cet en- 
grais. Les plantes qui croissent dans le fumier, 
n'ont Jamais la saveur agréable de celles qui 
croissent dans une bonne terre médiocrement 
fumée. Le fumier qui agit par voie de fermen- 
tation, fait à la vérité, une division intérieure 
des molécules, qui doit êire fort mtile: mais 


DAS À (GR 2 EU LIT ER Ë. 169. 
il ne renverse pas le terrain, et ne change pas 
de place les molécules de terre: ce. qui est ce- 
pendant très nécessaire, pour qu ‘alles soient pé- 
nétrées par l'eau de pluie et des rosées, et par les 
rayons du soleil: on a remarqué ‘aussi que le 
fumier attire les insectes qui rongent les plantes. 
Les labours peuvent pt ea aux avantages que 
procurent les fumiers, soit dans les terres fortes, 
soit dans les terres légères. A force de labourer 
la terre on écarte teliement ses molíeules, qud 
les racines ayant la liberté de s'étendre, sont 
en état de fournir aux plantes ia nourriture 
qui leur est nécessaire. Les préceptes que donne 
4 auteur à ce ER sont Confirinés par une suite 
d'expériences. 

On emploie ordinairement quatre es peees d'a- 
nimaux pour ' Jabourer la terre , les ânes, les 
mulets , wi chevaux et les bœuis. DUHAMEL 
recommande aux fermiers d'avoir ua attelage de 
bœufs pour eutre-hiverner les terres , défricher 
les prés et faire tous les autres ouvrages fatizans; 
et d'acheter un bon attelage de chevaux pour 
faire les derniers labours. 

Le nombre des labours et la manière de les 
exécuter , varie suivaut les différentes provinces, 
et selon que la différente nature des terres l'exig 


: 
mais toutes tendea tà un inmême but, qui consiste 


€ 
M 


170 PRINCIPES RAISONNÉS 


à détruire les mauvaises herbes, à briser et à 
soulever la terre, et à la mettre en état de 
recevoir la semence. Lorsque la terre ne retient 
point l'eau , il faut labourer à plat pour ne point 
perdre inutilement du terrain: si, au contraire, 
les terres retiennent l'eau, il faut labourer par 
sillons , ou au moins par planches plus ou moins 
larges, selon qu'il est plus ou moins nécessaire de 
donuer un écoulement aux eaux: de sorte que , 
suivant la nature des terres , ou leurs situations, 
on pratique quelquefois dans une méme ferme, 
l'une et l'autre méthode. 

Le premier labour s'appelle lever les guérets 
ou Zes jachères : il consisie à retourner les 
chaumes d'avoine. On le donne depuis le mois 
de janvier jusqu'au mois de juin. 1l y a des pays 
où l'on ne commence qu'au mois d'avril ; mais 
par-tout il est fini avec le mois de juin: il y 
a quatorze mois que la terre n'a été remuée ; en 
conséquence ce labour est plus pénible que les 
autres. | 

La seconde facon qu'on nomme binage , com- 
mence quand les guérets sont levés, et finit dans 
le mois de Septembre (. v.s). On le commence 
par la raie qui a fini le labour des guérets. H 
faut observer que, dans ces labours, un des che- 
vauximarche toujours dans la raie que le soc 


v 


"p E f'AGRIGULITU m .tÉE. 17 
'va remplir, tandis que l'autre cheval marche 
sur la terre qui n'est pas encore labourée, et 
le soc suit entre les deux chevaux, pendant 
que le charretier marche dans le sillon qui se 
forme, de sorte que le guéret n'est. point trépigné. 

Le troisième labour , qu'on nomme dans quei- 
ques endroits, Zabour à demeure, prépare la 
terre à être semée sur le gnéret: dans ce cas 
le grain est enterré à la berse. ll y a des 
pays ou cette troisieme facon ressemble tout-à- 
fait à la première, excepté que, la terre étant 
très meuble, il se fait avec facilité; alors on 
seme sur ce guéret, et on enterre la semence 
avec la charrue, ce qui fait un quatrieme la- 
bour; mais il est bon de le faire léger, afin 
que la semence , n'étant pas trop enterrée, les 
germes puissent sortir de terre. 

A Fégard des mars, suivant un usage reçu, 
on donne deux labours aux terres qu'on destin 
à recevoir de l'orge, et un seulement à celies 
où l'on veut semer les avoines. Si l'on est décidé 
à donner deux labours aux mars, on commence 
le premier, peu de tems après les semailles du 
fronient ; et le second , immédiatement avant les 
semailes des mars; et lorsqu'on ne veut donner 
qu'un labour aux mars, on le fait en janvier, 
ou février € V. S. ). 


172 PRINCIPES RAISONNÉS 

La maniere de labourer les terres, varie selon: 
leur situation, c'est-à-dire, selon qu'eiles retiens 
nent, ou ne reliennent pas l'eau : et encore selon 
leur nature, c est-à-dire selon qu'elles sont lé- 
géres ou fortes, et suivant qu'elles produisent 
peu ou beaucoup d’herbe. 250 

Les terres maigres et légères, qui n'ont point, 
de fond, ne peuvent jamais donner vn grand 
produit; on ne laisse pas cependant de les culs 
liver ; ii -à- peu on leur donne de la profondeurs 
en enlamant sur le {uf ou la craie ; et à force 
de les "Re on en tire quelque avantage. - 

Il y a d'excclentes terres à froment, qui ne 
forment qu'ua lit d'environ quatre pouces d'épaise! 
seur , sous lequel oa trouve une terre rouge 
sitrile. Conime ces sortes de terre s'imbibent de 
l'eau des pluies, aussitôt qu'elles sont tembéesg 
on les laboure à plat , et l'on a soin que la 
charrue ne pique pas jusqu'à la terre ronge; 
à la récolte suivante , à moins quà 
force de fumier, l'on ne rendit à la terre sa) 
fécondité naturelle. 

On hdi se ces terres avec les petites char- 
rues, qu'on nomme à oreille, ou à tournc-oreilic, 


4 1 f + i Ju : 
Quand les terres sont fortes, telles qu'un sable 


SP 2 e c #3 -- li X. 2 Y 
Bras, on se sert de charrues plus solides, qu'on 
EAS 1 E 3 " 

appeic Ciidii uts à VCESU la 








DIRE G RL ICUILITEU R'ES 193 


L Nos cultivateurs n'emploient ordinairement que 
deux principaux instrumens pour le labourage, 
la bêche et la charrue. 

La béche est un instrument très propre pour 
aire un excellent labour ; elle retourne là terre 
à dix ou douze pouces de dose Cette opé- 
ration est longue, pénible et coûteuse : de sorte 


Qu'on n'en peut faire usige que dans certains 





Cantous, où se trouvent beaucoup d'ouvriers et 
peu de terrain. 


La charrue est plus nee ive ; mais commu- 
s la 


nément elle ne remue pas à une si grande 
profondeur ;souvent eile i renverse: fout d'une 
pièce, sans briser les mottes, et contre-coupe 


le gazon verticalement , le soc qui suit,.le co nupe 
horizontalement, et le versoir cu l'oreille le ren- 


Merse tout d'une piece sur ie côté. 
Quelquefois on rompt les mottes avec des 
maillets; cette opération sercit exceliente , si elle 


m'étoit pas si longue. Dans certains cantons, on 
fait passer un rouleau plus ou moins pesant sur 
es champs où il y a des mottes. Cette pratique 
est très bonne; lorsque la terre n'est ni trop 
sèche, ni trop humide ; mais il est plus avan- 
tagcux meyer un roulean a e dents de 
fer, qu'on appelle une herse rou!: parce que 
cet instrument , baril est un peu PC est 


174 | PRINCIPES RAISONNÉS 


très propre à briser les mottes, et à détruire les 
racines des mauvaises herbes. | 

Engrais. Pour recueillir d'abondantes récoltes, 
il ne suffit pas d'avoir donné des labours à propos, 

i de les avoir souvent répétés, il est encore 
nécessaire d'en améliorer le fond par de bons 
engrais. DumAMwEL pU MONCEAU estici d'um 
sentiment opposé à celui de TULL, qui prétend. 
que le fumier peut produire des mauvais effets, 
et qu'on peut se dispenser d'en faire usage, sans 
craindre de diminuer la fertilité de la terre. 
Notre auteur, loin de désapprouver l'emploi du: 
fumier pour engraisser les terres , ne cesse , au 
contraire, d'exhorter ceux qui s'intéressent aux 
progrès de l'agriculture, à essaver de les rendre 
moins coüteux et plus abondans. En conséquence , 
il assigre les différentes espèces d'engrais qu'on 
peut tirer des trois régnes de la nature. 

Le règne minéral fournit les terres neuves, les, 
curures des mares, le sable, la chaux vive, la 
glaise, les coquilles fossiles, les cendres de tourbe 
et celles du charbon fossile. Toutes ces diverses 
substances forment autant d'engrais particuliers 

Les terres neuves qui ont été long-tems sans. 

rodnire, étant répandues sur les guérets , forment. 
un très bon engrais. | ÿ 

Les curures des mares, sur-tout celles qui sont; 


rion: pn 


duni a nn. 


DE L'AGRICULTURE. 175 
fréquentées par le bétail, sont encore très estimées 
pour le même objet. Il n’en est pas de mème de 
la vase qu'on retire des petites rivières d'eau vive 
et de source. Leur limon se dessèche à l'air; se dur- 

;eit au soleil, et n'est point du tout propre à la 
"végétation. Le limon des étangs rend la culture 
trop difficile, s'il est resté en tas pendant plu- 
sieurs années avant de le répandre. La vase 

de la mer est très fertile ; mais on ne doit 
employer cet engrais qu'en médiocre quan- 
tité. 

Le sable du voisinage de la mer qui a recu une 
impression de sel , celui qui est formé des fragmens 
de pierre calcaire , augmente beaucoup la fertilté. 

La chaux vive peut être fort avantageuse, 
pourvu qu'on s'en serve avec précaution, et sui- 
vant la méthode que l’auteur prescrit. Quelque 
temsaprès avoir donné en mars un premier labour 
,àunpré qu'on veut ensemencer en grain, on portela 
chaux sortant du four dans le champ, à raison de 
dix milliers pesant par arpent, et on la distribue 
de facon qu'il se trouve un tas de cent livres au 
milieu de chaque perche. On relève ensuite la 
terre autour de chaque tas en forme de dóme; on 
en met un demi-pied d'épaisseur. La chaux fuse 
sous cette terre, et se réduit en poussière. Alors 
on la mêle bien avec la terre qui la recouvre, et 


176 PRINCIPES RAISONNÉS 

on la laisse en cet état pendant six semaines où 
deux mois. Vers le mois de juin ( v. S. ) on 
répand uniformément ce mélange sur les guérets : 
on laboure ensuite une fois, si l'on veut semer du 


q^ foc 


sarrasin;et deux ou trois, s1l'on se propose desemer 


du froment. Le den et les vieux mortiers en? 


démolition engraissent singulièrement les terres 
fortes. à 

La slaisequi aura resté deux ans exposée aux 
impressions de l'air, du soleil, des pluies et du 


Ja 


r 
v E] Re Ki os 
froid, est bonne pour améliorer les terres légeres; 


c 


]i faut prendre sd quil y ait des glaises nui 


sibles à la vég gétation. 


£a marne dertilisa les terres: mais toutes les 


, 


espèces ne sont pas eg 
cet avantage. AG on a trouvé de la marne, 


—-4 eb 


tement propres à proeurer 
il est à propos de faire des épreuves en petit, et 
d'attendre deux ou trois ans avant de s'enservir, 
puisqu 'ilest certain que le bon effet de cet engrais 
re commence à se manifester qu'au bout de ce 
lenis. 

Aux environs de Tours, on tronve des banes 


de coauilles connues sous le nom de Falur , dont 


1 3 
les cultivateurs se servent pour améliorer leurs” 


and toot de suite sur les gnéirets, qui deviennent. 


ies féconds. 


ec a 


rres. On les fonille en automne, et on les ré. 


On 


bd cus scu 






à 


DE L'AGRICULTURE, 177 


On a découvert dans le Hainaut, l'Artois, et 
dans quelques cantons de Picardie, une espèce de 
tourbe, qui, étant brûlée, donne une cendre qui 
engraisse prodigieusement : soixante ou quatre- 
vingt livres de ces cendres suffisent pour fumer un 
arpent. Les cendres du charbon fossile, qu'on 
brüle dans les verreries, les brasseries et autres 
manufactures, fournissent un engrais excellent. 
pour les prés, soit naturels, soit artificiels. 

Le régne végétal produit des cendres qui en- 
graisent la terre; la suie, la charrée , la 
tannée, la sciñre de bois, le marc de raisin, 
les feuilles des arbres, le marc des graines de 
lin, de colzat et le varec, ont la mème pro- 
priété. Les cendres des végétaux sont beaucoup 
meilleures que celles des tourbes. 

La suie des cheminées fait un effet admirable 
dans les prés, à la quaniiié de trois ou quatre 
septiers par arpent. 

La charrée , qui est la cendre de la lessive, 
mélée avec du fumier, fertilise les terres: on 
sen sert communément pour les potagers. 

La tannée ou le tan, qui sort des fosses des 
tanneurs, feroit encore un bon engrais, si l'on 
ne préféroit pas de l'employer à faire des mottes 
à brûler. 

La. sciüre de bois peut s'employer comme 


D 


1728 PRINCIPES RAISONNÉS 
engrais, quand on la méle' avec. du fumier ou 
de la cendre. ' 

Le mare du raisin seul est trés-bon. Celui 
de pommes ou de poires doit étre mélé avec 
d'autre fumier. 

Les feuilles des arbres et les tontes des charmilles 
sont très-estimées pour faire un bon engrais; 


r LI f 2 3 > . * à 
néanmoins on prétend que les fumiers faits avec 


la paile , sont meilleurs que ceux qu'on fait 
avec les feuilles et les herbes sèches. 

Le marc des graines de lin, de colzat, de 
chenevis, dont on a exprimé l'huile, est un excel- 
lent engrais. À cet effet, ou le réduit en poudre, 
et on le EO sur la terre, de la méme maniére 


que l'on sen e le grain. 
Le Val. à les E. et généralement toutes 
les plantes mar ont la vertu de fertiliser les 


on asd fasse pourrir avec les fu- 
miers, soit qu'on les réduise en cendres pour les 
répandre sur les prés. 

Le règne animal fournit encore plusieurs sub- 
$lances qui fertilisent la terre: telles sont la chair 
pourrie des animaux., les boyavx, les curures des 
boncheries, le 


et de cuir ; ur Md den le plus commun pro- 
vient des excrémens des animaux , connus sous 


le noni de urn .,cGont on distingue quatre es- 


sd ires Pila Mg 


es raciures de corne, de parchemin | 


DEL AGRICULTURE 179 


| péces: savoir, les excrémens humains; la colom- 
bine, qui est le fumier de toute espèce de vola- 
tile; le fumier des brebis, des moutons et le 
fumier de cour, qui comprend la litière qui a sé- 
journé sous les chevaux, les mulets &c. De tous 
les fumiers , le meilleur est la vidange des latrines; 
mais il communique une mauvaise odeur aux vé- 
gétaux: les chevaux délicats ne veulent pas manger 
l'avoine qu'on a recueillie daus les champs qui ont 
été fumés avec cet excrément. 

La colombine est très-recherchée pour les prés; 
le froment, encore plus pour les chenevières. Ce 
fumier détruit la mousse et le jonc, plantes si 
funestes aux prairies, et il donne une grande vi- 
gueur aux bonnes herbes, Il est si rempli de 
molécules nutritives, que pour engraisser un 
champ que l'on destine au froment, on sème ce 
fumier à poignée comme le grain, à raison de 
“vingt sepliers par arpent 

Le fumier des brebis ; des chèvres et des mou- 
tons a beaucoup d'action, sur-tout daus les 
terres fortes: on a remarqué que le crottin d'été 
est meilleur que celui d'hiver, parceque les 
moutons fientent et urinent beaucoup plus, 
quand ils mangent de l'herbe, que quand on 
les nourrit au sec. 

Pour avoir une excellente cour à fumier,; og 


M a 


180 PRINCIPES RAISONNÉS 


aura soin: 1°. de mêler le fumier des vaches avee 
celui des chevaux , ainsi que celui des cochons; 
2°, De placer les bergeries de manière que le trou- 
peau passe sur le fumier , toutes les fois qu'il va 
aux champs, ou qu'il en revient. 39. Il est à 
propos de déposer le fumier dans un lieu humide 
afin qu'il pourrisse plus promptement : observant 
néanmoius que l'eau ne s'y rassemble en trop 
grande quantité, parce qu'une grande abondance 
d'eau empéche la corruption. 49. Il est absolument 
nécessaire que ces fumiers soient garantis des ar- 
deurs du soleil par les bátimens , ou par des arbres. 
Ainsi, quand les litières sont en partie pourries 
dans les fosses à fumier , on les en tire avec les 
crochets , et on les met en tas fort épais dans 
l'angle de deux murs qui les couvrent contre les 
ardeurs du soleil. | 

Exploitation des terres. Apres avoir préparé les 
terres par les défrichemens, les labours et les en-. 
grais , notre auteur recommande de choisir la ma- 
niére la plus avantageuse de les exploiter: 

Celui qui semeroit tous les ans du froment dans 
un méme champ, n'auroit assurement que de 
médiocres récoltes. On en attribue la cause à ce 
que la terre ayant été épuisée par ce premier pro- 
duit, elle ne pent suffire a nourrir perpétueliement 
cette méme plante, Ainsi, il y a un avantage 


DE L'AGRICULTURE: 18x 


. à semer- successivement différentes plantes dans 
. une méme terre; soit parce que toutes les plantes 
n'out pos également besoin d'une méme quantité 
de nourriture ; soit parce que leur constitution 
est différente, les unes étant plus délicates que 
les autres ; soit euin parce que les unes ont plus de 
facilité à étendre leurs racines dans la terre dure; 
ce qui fait que celles-ci se passent plus volontiers 
des labours que les autres. Ce sont-là les principaux 
motifs qui obligent le cultivateur de diviser les 
terres par saison, et qui le déterminent à semer. 
alternativement différens grains sur une méme 

terre. , 

Dans toute la France on ne suit pas la même 
méthode à l'égard de l'exploitation des terres : 
daus quelques contrées, on les divise en trois 
sols, et dans d'autres, on ne les partage qu'en 
deux. Dans la Beausse, par exemple, et dans 
plusieurs autres pays fertiles , un tiers des terres 
d'une ferme est’ semé en froment au commen- 
cement d'octobre, sur des guérets qui out recu 
trois ou quatre labours; un'autre tiers est semé 
en menus grains au printems , sur des chaumes 
de froment qu'on a labourés une ou deux fois, 
et l'autre tiers reste en jachéres. — 

Tout cultivatéur doit se diriger sur l'obser- 
- vation et l'expérience , rélativement aux différens 


M 3 


182 PRINCIPES RAISONNÉS 


produit qu ‘il attend de son domaine ; si ses terres 
sont plus propres pour l'avoine que pour les grains, 
il doit s'attacher particulièrement à la culture 
de cette plante: carilest toujours plus avan- 
.tageux de faire une abondante récolte d'un grain 
d'une espèce médiocre , qu'une plus petite récolte 
d'un grain plus précieux. 


LE 


Semences. Une expérience souvent répétée. 


prouve qu'en certaines années , la même espèce 
de grains est plus menue que dans d’autres. Lors- 
que cela arrive , les laboureurs peuvent , sans au- 
cune difficulté, en faire leurs semailles; le semeur 
aura seulement l'attention de marcher un peu 
plus vite dans le siilon , parce que sa main con- 
tiendra alors un plus grand nombre de grains, 
1l arrivera souvent que, lors que les années seront 
favorables pour les fromens, ces grains menus pro- 
duiront d'abondantes récoltes. Malgré les expé- 
riences qu'on a faites sur ces mêmes grains , et 


l'usage où sont les fermiers de les semer, quand ^ 


ils les ont recueillis tels, DUHAMEL pense qu'il 
faut toujours donner ‘la préférence aux grains, bien 
conditionniés dans leur espèce, et qu'il faut 
changer de. tems en iems les semences , en les; 
irant des pays où les fromens sont nets d’herbes et 
vigoureux. li fonde son arci sur ce qu'il y a 
des plantes qui s'accommodent mieux d'un cli- 





DE L AGRICULTURE. 183 - 


mat que d'un autre. Celles-]à vierment plus par- 
faites dans le climat qui leur est , pour ainsi dire; 
naturel, que dans celui qui est étranger. Une 
plante qui végète sous une température qui n'est 
pas analogue à son organisation , languit et donne 
des plantes mal constituées. La qualité de la terre 
peut produire le même effet sur les graines , que 
le climat. Car les plantes devenant chétives et 
languissantes dans une terre maigre , on doit 
craindre avec fondement que les graiaes ne parti- 
cipent du mauvais tempéramment des plantes qui 
les ont nourries, et qu'elles ne soient pas en état 
de faire d'aussi belles productions, que si elles 
venoient de plantes plus parfaites en leur genre. 
Il est encore une raison qui autorise notre auteur 
à prescrire de changer de semence. Il y a, dit- 
il, de mauvaises herbes qui se plaisent particu- 
lièrement dans certaines terres , et qui ne réus- 
sissent pas si bien dans d'autres: ainsi, lorsqu'un 
fermier sème le bled qu'il a recueilli, il multiplie 
les mauvaises herbes, dont les graines se trouvent 
mélées avec celles du froment ; et elles ne man- 
queront pas de devenir vigoureuses, parce qu'elles 
seront dans un sol analogue à leur constitution; 
au lieu qu’en changeant son froment , les mMat- 
vaises graines qui s'y trouveront mélées, n'étant 
pas dans le sol qui jeur convient le mieux, ne 
feront qu'un tort médiocre à la récolte. 


M 4 


184: PRINCIPES RAISONNÉS- 

À la suite de ce que nous venons de rapporter; 
DUHAMEL traite des liqueurs prolifiques qui ont 
été imaginées dans différens tems, pour développer 
les germies , et procurer des moissons prodigieu- 
sement abondantes : il conclut que l'effet de ces 
prétendues liqueurs est une pure chimère , et ille 
prouve par beaucoup d'expériences qui ont été 
faites à ce sujet. | | 

Semailles. l/'ensemencement des terres est 
un article si important pour le succèsdes récoltes , 
que les laboureurs doivent y prêter une attention 
singulière. Il faut 1° faire les semailles dans une 
saison convenable. 2? se mettre en état de les exé- 


yw us 1 . 
cuter avec précision. 3° placer les grains en terre ^ 


à une profondeur convenable. 4? n'en répandre 
ni trop , ni trop peu. 5? les distribuer de facon 
quil y ait entre chaque plante , un intervalle 
proportionné àla quaniiié de nourritüres qui lui 
est nécessaire. 

Quoi qu'on ne puisse pas fixer un tems précis 
pour faire les semailles , parce que cette saison 
doit varier , selon que les pays sont plus ou moius 
méridionaux , il est toujours avantageux d'avancer 
les recoltes ; cette raison doit engager de semer 
d'assez bonre-heure, sur-tout dans les provinces 
septentrionales , où les gelées se font sentir plutôt 
que dans les pays méridionaux. 


—— 


| acc 


Wa DR T7 AÀ:G RAC LM U RE. 185 


L'usage le plus ordinaire , c'est de semer le 
bled à la main ; et l'habitude des semeurs fait 
qu'ils le répandent assez uniformément. Dans les 
terres légères, on l'enterre avec la herse ordi- 
naire , et, par cette méthode, on a l'avantage 
de faire les semailles en trés peu de tems; mais 
cet instrument ne pouvant pas bien enterrer le 
grain , lorsqu'il y a des mottes et des pierres , on 
emploie quelquefois des herses roulantes. 

Toutes les plantes ne doivent pas être semées 
à la même profondeur: on doit s'assurer, par des 
épreuves réitérées , quelle est celle qui convient 
à chaque espèce de graine. On peut poser , comme 
un prineipe assez général , que les semences 
menues doivent être semées plus près de la super- 
ficie de la terre , que celles qui sont grosses. 

La pratique du semoir étant une fois adoptée; 


.on remédie à tous les inconvéniens qui peuvent 


résulter des sema;lles qu'on a faites à la main. 1*, 
Par le moyen de cet instrument, on fait des ri- 
goles à la distance qu'on desire , et à peu prés à 
la profondeur qu'on a trouvé par expérience être 


convenable. 29. Les semoirs remplissent de terre 


toutes les rigoles, il n'y a presque aucun grain 
E 2 

qui ne soit enterré. 3°. Enfin les semoirs versent, 

dans chaque rigole, la quaatiióé précise de se- 


pience qu'Ou a ju2é nécessaire. 


186 PRINCIPES RAISONNÉS " 


IF n'est pas possible de donner une règle géné- 
vale sur la distance qu'il doit y avoir entre les 
grains qu'on confie à la terre. Si l'on póuvoit 
être assuré que la saison du printemps fût favo- 
rable pour faire taller les grains, on pourroit 
supprimer beaucoup de semence; mais, comme 
il n'y a que des incertitudes sur ce point ,' il faut 
se borner à répandre la semence proportionnel- . 
lement à la fertilité du sol. Ainsi, plus la terre 
est propre à la végétation , plus elle a été amen- 
dée et labourée ; moins il faut répandre de semence. 

Lorsque les bleds sont semés, ils demeurent ex- 
posés aux dommages que peuvent leur causer les 
mauvaises herbes, les insectes et les oiseaux: ce 
sont autant d'accidens qu'il faut prévenir, en ar- 
rachant les mauvaises herbes, et en éloignant ou 
détruisant les animaux. 4 

Maladies des grains. Le troisième livre des élé- 
mens d'agriculture de DUHAMEL a pour objet les 
ite avec soia la nature 


maladies des grains. Il discu 
de chacune de ces maladies en particulier, et 
donne des moyens pour les pi révenir. 


Le charbon se reconnoît aux caractères suivans ; 
i9. Cette maladie détruit totalement le germe et 
la substance du grain. 25.Elle n'attaque pas le 


$enl épi; toute la plante s'en trouve un peu 


affectée , quand elle a fait de grands progrés, 


DE" "1'ÀAGRTCULTU'TARE 187 


3°. Il est rare, lorsqu'un pied en est attaqué, de 
trouver sur une des talles qui en dépendent , 
un épi qui en soit exempt. 4°.Dès le mois d'avril, 
eh ouvrant avec attention les graines qui enve- 
loppent l'épi, Duhamel à trouvé cet embrion déjà 
attaqué de cette maladie. 5°: Quand l'épi attaqué 
sort des enveloppes que forment les feuilles, il 
paroit menu et maigre. Les enveloppes communes 
€t propres des grains sont tellement altérées et 
amincies, que la poussière noire se manifeste au 
travers; et dès-lofs on ne trouve à la place du 
grain , qu'une poussière noire et de mauvaise odeur, 
qui n'a nulle consistance. 

Pour prévenir cette maladie, l'auteur prescrit 
la pratique de M. AIMEN. Il est d'avis qu’on 
choisisse, pour la semence, le plus beau grain 
et le plus mür: qu'on le batte sans différer , et que 
sur le champ on le passe à la chaux, soit pour 
empécher qu'il ne s'y forme de.la moisissure , 
soit pour détruire celle qui seroit déjà formée. 
Suivant ce principe , la lessive que le C. TirrET 
‘a proposée , seroit également avantageuse pour 
guérir la contagion du charbon. 

ll est une esp?ce de maladie des grains qu'on 
nomme bosse ou carie. Voici les caractères aux- 
quels on la reconnoit 1?. Les plantes que,doivent 
produire des épis infectés de la bosse, sont fortes 
et vigoureuses. 2?. Lorsque la saison de la fleur est 





188 PRINCIPES RAISONNÉS! 


passée, les épis prennent la couleur d'un vert 
foncé tirant sur le bleu, ils deviennent ensuite 
blanchátres. 3° Tous les épis qui viennent d'un 
méme grain, ne sont pas également viciés. 4° Les 
bulles des épis attaqués de la bosse, sont presque 
toujours assez saines, elles paroissent seulement 
plus arides et plus séches. 5°. Le ton, qui forme 
lenveloppe propre du grain, n'est point détruit 
comme il l'est dans le charbon. 6°. Les grainscariés 
sont plus cours, plus ronds, plus légers que les 
grains qui ne sont pas atfteinfS de cette maladie 
7?. On n'appercoit point le germe à l'extrémité 
inférieure des grains cariés. 8? Jusqu'au tems de 
Ja fleur, il y a peu de différence entre les: grains 
cariés, et ceux quisont sains; ils sont uniquement 


un peu plus renflés. Dans le tems de la floraison 


les épis malades prennent une couleur bleuâtre, 
et les balles sont plus ou moins mouchetées de 
petits points blancs. g^. Si on ouvre les grains, 
on les trouve remplis d'une matière grasse brune, 


tirant sur le noir, et de mauvaise odeur. Cette 


poudre n'est pas légère , comme dans les épis 
charbonnés. 10°. Quelque tenis avant la floraison, 
les grains paroissent remplis d'une substauce 
blanche, qui commence à brunir auprès du 
support, et cette couleur s'étend peu-à-peu sur 


tout lépi. 119. Les grains fortement attaqués^ 


L * ; 3 - , 
de carie, sont incapables de germer ; iorsqu on 


dh Ee 


^ 


4 





DENT" AUC mc HW Lb T OUR E 189 


les bat, il sort une poussière noire , qui se 
répand sur les autres grains qui sont sains : ce qui 
suffit pour brunir la farine , et lui donner un goût 
désagréable. 

Pour prévenir cette  fàcheuse maladie ; 
DUHAMEL adopte le procédé de M. TIÉLET; 
qui consiste à laver dans plusieurs eaux claires 
la semence mouchetée, jusqu'à ce qu'elle n'ait 
plus aucune impression de noir; ensuite on la 
passe dansla lessive. Sielle n'est point tachetée , 
on la met tremper dans la décoction suivante. 
On fait, dans un euvier , une lessive , comme pour 
blanchir le linge, mettant quatre livres d'eau pour 
chaque livre de cendres: si on employe cent livres 
de cendre et deux cens pintes d'eau , on aura cent- 
vingt pintes de lessive, à laquelle on ajoutera 
quinze livres de chaux ; ce qui suffit pour préparer 
soixante boisseaux de froment. Lorsqu'on veut 
faire usage de cette lessive , il faut la faire chauffer 
au point de ne pouvoir y tenirla main: alors on 
y plonge le grain , et on le remue avec une spa- 
tule. 

L'ergot est encore une espèce de maladie qui 
attaque asséz fréquemment le seigle, et qui 
endommage aussi quelquefois le froment. Voici 
les caractères de cette maladie. 1°. Les grains 
ergotés sont plus gros et plus ‘longs que les 
autres ; ils sortent ordinairement de la balle 


Ts 


A 
xj0 PRINCIPES RAISONNÉS 
se montrent droits,. et quelquefois plus ou 
moins courbés. 2?. À l'extérieur ils sont bruns 
ou noirs; leur surface, est raboteuse et l'extrémité 
supérieure des grains e&t constamment plus grosse 
que celle qui est attachée à la paille. 3°. Quand 
on rompt l'ergot, on apperçoit dans laxe une 
farine assez blanche, recouverte d'une farine rousse 
ou brune. 4?. Les grains étant mis dans l'eau, 
surnagent d'abord, et tombent ensuite au fond. 
5°, Les balles paroissent saines, quoique celles 


qui sont extérieures soient un peu plus brunes 


] 
que quand les épis sunt sains. 6°. Tous les grains 
d’un épi ne se trouvent jamais attaqués de l'ergot. 
7°. L'ergot est moins adhérent à la paille que 
que le bon grain. " | 


Il est toujours aisé de séparer la plus grande 


partie des grains ergotés , par le secours du crible , 
parce que la plupart de ces grains malades sont 
beaucoup plus gros que les grains qui sont sains. 
1l résulte des expériences de l'auteur , que le pain 
fait avec la farine de bled ergoté, est une nourri- 
ture tres-dangereuse. DUHAMEL divise en trois 
articles ce qu'il a à dire sur la récolte des grains; 
les préparatifs nécessaires, le tems convenable et la 
manière de couper les bleds. Ces préparatifs consis- 
tent à se pourvoir d'un nombre sutusant d'ouvriers 
proportionellement à la quantité des grains qu'on a 








"^ d 
" " *3 
y 


B 


i HE LA CGRICULTURE  1gs 
T wa récolter. Ces ouvriers sont des scieurs pour 
couper le froment; un broqueteur qui aide à 
mettre les gerbes en zriaz ou en Zzpeau ; un , ou 
deux calvaniers, qui arrangent et entassent les 
gerbes dans les granges. En général, la couleur 
de la paille et des épis devenus jaunes ou blancs, 
fait connoítre que les grains sont parvenus à 
leur parfaite maturité, ; 
D'après les fatigues qu'éprouvent les scieurs, 
* les maladies auxquelles ils sont sujets, et qu'ils 
contractent par leur attitude gênante, DUHAMEL 
propose de substituer la faulx à la faucille , en 
attendant que quelque mécanicien ait trouvé un 
"instrument plus commode. Voicile précis de sa 
méthode pour conserver les grains. 

Le fond de cette méthode qu'il a développée 
‘dans un traité particulier, sur Za conservation 
des grains, se réduit : 1°. à dessécher les grains 
dans des étuves, et à y faire périr les insectes 
et leurs œufs. 1l faut pour cela une chaleur de 
80 ou go degrés du thermomètre de RÉAUMUR : 
2°, à déposer ces grains dans des endroits exac- 
tement fermés : 3°. à construire ces greniers dans 
sun lieu frais et sec : 4°. à les rafraîchir de tems 
en tems, par l'air des grands souíllets que dif- 
férens moteurs peuvent faire agir. Par ces moyens, 
on pourra conserver les grains aussi long-tems 
que l’on voudra. 


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4, 4 
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LE 
. yog PRINCIPES 'RAISONNÉS 4 
DUHAMEL , dans le second volume des élémens: 
d'agriculture, donne la description des instrumens . 
du labourage, des charrues , des semoirs, ete. 5 | 
i] y traite de la culture des différentes espèces 
de grains, des prairies, de plusieurs herbages 
qui servent à la hourriture du bétail, soit en 
verd, soit en sec ; de la culture des légumes,.. 
et de quelques plantes potagères ; de la manière 
de cultiver les plantes qui servent à la teinture.’ 
Æufin il termine par des réflexions judicieuses 
sur plusieurs objets importans de l'agriculture. 
Quant à la nouvelle culture de Turr, dont: 
VV ALLERIUS reproche à DUHAMEL d'avoir accré- 
dité et approuvé les principes ; nous invitons nos 
lecteurs à lire, dans l'ouvrage même de motre 
concitoyen , la manière dont ila développé le 
sysiéme de l'auteur anglois, en conseilant aux 
cultivateurs de ne point l'adopter généralement. 
L'analyse des élémens d'agriculture de notre 
auteur, fera voir, s'il est vrai qu'il ait voulu 
bannir tout engrais. de la culture des terres. En 
rendant justice au profond savoir de VV ALLERIUS, 
nous avons cru qu'elle étoit due , à aussi juste 


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titre, à un francais qui a voué la plus grande 
partie de sa vie à servir sa patrie, 


FIN. j À 





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