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Full text of "Rapport General sur les Travaux de l'Academie des Sciences, Arts et Belles- Lettres de la Ville de Caen"

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RAPPORTS 


SUR LES TRAVAUX 


DE L’.AC A DE MIE 
DES SCIENCES , ARTS ET BELLES - LETTRES 
DE CATY, 


Pour les années 18:1, 1812, 1813 ; 
1814 et 3815, faisant suite au rap- 


port général imprimé en 1811. 


PAR P.-F.-T. DELARIVIÈRE, Secrétaire. 


A CAEN 


Chez P. CnaroP1x, imprimeur de l'Académie, 
rue Froide - Rue, 


É Ss | 


1 s. 


N oTA. Les rapports présentés pour chacune des cinq 
dernières années n'ayant point été imprimés en 
entier, et se trouvant seulement mentionnés très- 
succinctement dansles Notices des Séances publiques , 
on a cru devoir les réunir pour faire suite au rap- 
port général de 1811, et former un 2°. volume 
de mémoires de l'Académie. Ïla paru convenable néan- 
moins , dans la distribution des matières, de lais- 
ser subsister la distinction des années auxquelles elles 
se rapportent, parce qu'il serait difficile , à cause 
de la diversité des circonstances , de bien se faire 
une idée de l'intérêt que pouvaient offrir certainssujets,, 
si l’on n'avait pas égard au temps où ils ont été 
traités. ' 

Chacun de ces rapports, conformément au plan 
du rapport général, est divisé en deux sections, 
l’une pour la partie scientifique , l’autre pour la partie 
littéraire, 


RAPPORT 


Sur les travaux de l’année 1811. 


PREMIÈRE SECTION. 


PARTIE SCIENTIFIQUE. 


RECHERCHES sur L'ancienne culture du pastel dans 


la Basse Normandie, par M, de MANGNEVILLE. 


BTE difficulté de se procurer en France cer- 
taines productions étrangères, pendant que la guerre 
oppose des obstacles presque invincibles aux relations 
commerciales avec les nations qui en disposent , devait 
naturellement exciter l’industrie Française à chercher 
dans les qualités productives de notre sol des sup- 
plémens aux substances qu'il ne peut nous fournir, 
Malgré le mépris que provoquent tant d'illusions 
mensongères , tant de grossières, impostures ; qui 
trouvent plus dé railleurs que de dupes, on aurait 
tort de mettre sur la même ligne tous les essais qui 
tendent à ce but vraiment utile, et de vouerindistinctes. 
ment, au ridicule quelques recherches que ce soit, 
faites en vue d’accroitre nos richesses indisènes, Ce 
À 


(4) k 


fut toujours en traversant un vaste champ d'erreurs ; 
qu'il fut possible d’arriver jusqu'à la vérité ; et 
l'on ne trouve dans les méprises fréquentes , dans 
les tentatives malheureuses , que les conditions au 
pux desquelles ilest permis à l’homme de faire quelques 
nouveaux pas dans les routes de la science, Cepen- 
dant la prévention qui en résulte , quoique con- 
fondue par de nombreux succès , se remontre dans 
toute sa force à chaque nouvelle entreprise. Quand 
on veut diriger l'industrie vers un objet étranger à 
ses procédés antérieurs, on éprouve presque toujours 
que les théories les mieux raisonnées échouent contre 
la force de l’habitude. Le peuple se laisse difficile- 
ment séduire pat les promesses les plus brillantes , et 
il est naturellement porté à regarder comme du char- 
Jatanisme le zèle ardent des novateurs pour des pra- 
tiques qui contrarient sa routine. Le moyen le plus 
efficace pour déterminer les cultivateurs en général 
à adopter un genre de culture, est sans contredit 
de leur montrer que ce n’est point une innovation, 
que l'usage qu’on leur recommande a été suivi par 
leurs ayeux, et qu’une expérience bien établie est la 
garantie des avantages qu’on leur promet. C'est cette 
considération qui a engagé M. de Magneville à 
recueillir un grand nombre de faits qui prouvent incon- 
testablement que le pastel a été cultivé très-ancien- 
nement dans le territoire du département du Calva- 
dos, Il annonce que, dans ces recherches, il a fait 


(52 


usage de quelques notions puisées dans un mémoire 
communiqué par M. Delarue à la société d’agri- 
culture. Son but est d'engager les habitans de nos 
campagnes à reprendre une culture qui n’a été presque 
entièrement abandonnée qu’à cause de la préférence 
donnée à l’imdigo sur le pastel, et qui ne peut manquer 
de devenir très-profitable , quand l’emploi des mar- 
chandises coloniales qui ne sont pas absolument né- 
cessaires, doit être universellement abandonné. 

M. de Mangneville cite les différens noms de cette 
plante, appelée Zsatis par les Grecs, Wisrum par 
les Romains, Guado par les Italiens, Wadda , 
Waisda et Guaisdiur dans le Glossaire de Ducange , 
Vouede ou Vaidia dans les anciens titres et les 
anciennes Chartes de ce pays, enfin Zsatis rinctoria 
dans les ouvrages des botanistes modernes. Il con- 
firme par les termes d’une transaction de 12092 , 
l'étymologie du mot Pasæl, donnée par le Père 
Hardouin, dans ses notes sur Pline , puisque cet 
acte montre qu’on réduisait le vouède en pâte, et 
qu'on en formait des masses, ou gâteaux appelés 
Pastella. On trouve différentes mesures employées 
pour la vente de cette denrée, mais sans aucun 
moyen de les évaluer avec précision. On voit seule- 
ment qu’en 1382, une cuve de vouède, bonne paste= 
lure, selon expression du temps , se vendait 10 liv. , 
somme considérable , puisqu’elle égalait le prix de cent 
boisseaux de blé, Mais on ne sait ni ce que c'était 

À 3 


(6) 
qu'une cuve , nice quéreprésentaient 2,000 de vouëde 
4,400 ; 5,000 , termes employés dans d’autres actes. 
On, ne découvre point de traces de la culture du 
pastel dans ce pays avant le 13€. siècle ; mais elle 
a été trés-étendue depuis cette époque jusqu’au temps 
où des relations multipliées avec l'Amérique ont fait 
prévaloir l'emploi de l'indigo. On ne peut pas con- 
clure du défaut de preuves positives, que cette 
branche d'industrie fût inconnue en Normandie dans 
les temps les plus reculés, non plus qu’on ne serait 
autorisé à affirmer qu’elle était restreinte dans les 
communes d’Allemagne, d’'If , de Cormeïl, de Bé- 
nouville, de May, de Giberville, de Sanerville et 
de Cagny , parce que ce sont’les seules citées dans les 
actes dont notre colleghe a pu avoir connaissance. Il 
est très-probable au contraire que le vouède était par- 
ticulièrement cultivé sur les bords de la mer, où 
aucune de ces communes n’est située, puisque cette 
plante croît naturellement sur les côtes maritimes ; et 
on a la preuve que cette culture était étendue et 
florissante dans notre contrée , et qu’elle s’y est 
maintenue jusqu'à une époque assez rapprochée de 
nous, soit en considérant l'établissement d’un octroi 
sur cette marchandise, et l’institution de mesureurs 
jurés pour sa vente, soit en faisant attention aux 
nombreux moulms à vouëde dont les actes des ta- 
bellions font mention dans le 15€ siècle , jusqu’en 


1536, et dont plusieurs terrains ont conservé jus+ 


(9) 

qu'ici la dénomination. Il faut même ajouter qu’on 
trouve encore dans les communes de Luc , de Lan-# 
grune et de Douvres plusieurs champs de vouède 
disséminés , et que suivant le témoignage de quelques 
habitans, cette culture était bien plus considérable iln'y 
a qu’üne soixantaine d'années. Si ce genre de récolte 
à pu , dans les circonstances les plus défavorables 4 
offrir assez d'avantages pour être préférés aux autres, 
dans dés terrains précieux et du plus grand produit, 
on peut se faire une idée de ceux qu'il procurerait 
dans un temps où une censommation prodigieuse 
ne pourra manquer d'élever fort haut le prix de 
cette denrée. C’est à cette conséquence que s’arrête 
surtout M. de Mangneville, sans entrer dans les dé+ 
tails , soit de la culture , soit de la préparation , objets 
sur lesquels les instructions sont abondamment ré- 
pandues. 11 remarque seulement qu’on envoie au- 
jourd’hui en Picardie la feuille de vouède simple- 
ment desséchée , tandis qu’autrefois on mettait le. 
pastel en pélotes, et on le vendait à la rondelle ? 
espèce de mesure, jaugée comme le boisseau, et 
dont chaque marchand était pourvu. 

Quoique la petite quantité de pastel qu’on cultive 
dans le pays, pût fournir en peu de temps assez de 
graine pour une exploitation étendue, notre collègue 
croit préférable de renouveler les semences, en en 
tirant du Midi. Il à joint à cette observation l’an- 
nonce d'un envoi considérable de graine fait par le 


À 4 


(8) 
gouvernement, pour favoriser cette branche d’indus- 


trie. ; 


Mémoire sur la manière de dégraisser les laines , par 
M. NicoLas. 


C'est encore ladoption d’une branche d’industrie 
étrangère, qui a donné lieu à ce mémoire, divisé 
en deux parties, 

Dans la première partie, M. Nicolas, après avoir 
exposé le motif qui l’a déterminé à entreprendre un 
travail sur cette matière, savoir les difficultés qu’é- 
prouvent les propriétaires des moutons d’Espagne ; 
vulgairement appelés mérinos , pour le dégraissage 
de leurs laines, et l'espèce de découragement qui er 
est la suite , présente quelques réflexions sur la mau- 
vaise tenue de nos bergeries , et la négligence ou les 
préjugés fâcheux de la plupart des cultivateurs. Les 
principaux abus qu’il signale sont 1°. la coutume 
de laisser les bêtes à laine pendant un temps très- 
considérable sur la même litière, et de les tenir ren- 
fermés pendant toute la mauvaise saison , dans la 
fausse idée qu’on ne peut leur procurer trop de cha- 
leur; 2°, la mauvaise construction des étables, or- 
dinairement basses, enfoncées, mal aérées , et consé- 
quemment humides et mal saines ; 3°. le défaut d'é- 
coulement des urines, qui séjournent trop long-temps 
dans les bergeries, et contribuent avec le mauvais air 
aux maladies des moutons, qui souvent excités par 


(9) 


de violentes démangeaisons à se déchirer la peau avec 
leurs dents, avalent de petites portions de laine, d’où 
se forment peu à peu ces égagropiles , qui ont été 
l'objet d’un mémoire adressé il y a deux ans par 
l’auteur à l'institut national. I] traite aussi du par- 
cage , en convenant qu’il n’est pas praticable dans tous 
les pays, et il résume les précautions qu’on peut 
employer partout pour la prospérité des troupeaux. 

Dans la seconde partie , l’auteur traite expressément 
du dégraissage des laines , surtout par rapport aux 
mérinos. Il rend compte avec la même franchise , et 
des essais infructueux qu’il a faits d’abord, et du 
dernier, dont il a obtenu un succès complet et bien 
attesté par l’échantillon présenté à l’assemblée. 

Après avoir bien fait battre sur une claie la toison 
d’un mouton d’Espagne, pour en Ôter la poussière , 
les pailles et les ordures qui y sont attachées, il l’a 
divisée en trois portions. Il a traité la première selon 
un procédé qu’il décrit, et dans lequel il emploie 
l'urine ; et il n’a pu parvenir à rendre sa laine blanche 
et douce au toucher, malgré plusieurs expédiens. Il 
a suivi pour la seconde partie la méthode de M, 
Boyer , consignée dans le dictionnaire raisonné des 
sciences, des arts et métiers, article /aize. Enfin voici 
comment 1l expose lui-même son dernier essai : 

« La troisième partie de cette taison ayant été mise 
en macération dans un baquet avec de l’eau derivière, 
à la seule exposition au soleil, pendant dix à douze 


(10) 

heures, a été renfermée dans un sac , et etisiite por< 
tée à la rivière, pour y être parfaitement lavées 
Lorsque l’eau en est sortie claire ét limpide, la laine a été 
mise en macération au soleil, dans un bain composé 
d’eau de rivière ; tenant en solution une once de 
savon de Marseille pour chaque livre. Dix à douze 
heures après , on a bien frotté cétté laine dans l’eau 
de savon, et on l’a ensuite lavée à la rivière : après 
quoi, ona délayé du blanc de Troye dans de l’eau, 
de manière à lui communiquer là consistance d’un 
fait un peu épais, Les parties les plus grossières s’é- 
tant précipitées, on a versé dans un vase la liquéur 
blanche , par inclination , et on ÿ a fait tremper la 
laine, que l’on a ensuite frottée entre les mains pen 
dant une demi-heure. Enfin, pour dernier apprèt , 
la laine retirée de cette eau chargée de craie , a été 
bien lavée, et ensuite exposée au soleil et à la rosée 
pendant douze jours , sur une toile étendue et fixée 
sur des piquets, à deux pieds de terre. » 

M. Nicolas avertit 1°. que le lavage de la laine 
ne doit être fait que par petites parties à la fois; 20. 
Que le déchet, selon sa méthode, n’est que de 30 
à 3$ livres sur 100 livres, tandis qu’en suivant les 
autres procédés , notamment celui de M. Boyer , on 
perd de $o à $2 livres pour les laines ordinaires, 
et jusqu'à 70 livres pour les laines fines; 3°. que 
cette méthode d’une très-facile exécution est en même 


LC) 
temps très-peu coûteuse, puisque les frais ne vont 
pas à plus de deux sous par livre de laine. 


Noricé sur le petit poisson vulwairement connu à Casr 
sous le nom de montée, par M. NICOLAS. 


M. Nicolas a aussi traité un sujet sur lequel l’A- 
cadémie désirait depuis long-temps obtenir des lumières 
sûres, et qu’elle avait même compris dans un pro- 
gramme de questions publiées précédemment. Il a 
essayé de déterminer la nature de la Montée, qué 
diverses circonstances de son existence rendent digne 
d’une attention particulière , et dont la véritable espèce 
est restée incertaine jusqu'ici, quoiqu'elle se pêche 
en grande abondance aux portes mêmes de la ville 
pendant une partie considérable de l’année. 

L'auteur commence par une description très-détail- 
lée de ce petit poisson, qui paraît, dit-il, être en- 
gendré par de plus gros, dont l’espèce n’est pas encore 
invariablement connue. La prodigieuse quantité des 
individus qui nagent en société et comme agglutinés 
les uns aux autres , et l’uniformité dans les propor- 
tions de leurs corps, qui n’ont communément que 
deux pouces et demi de longueur, et quatre lignes 
au plus de circonférence , lui semblent iudiquer une 
colonie nouvellement éclose d’un frai déposé par cer- 
tains poissons de mer dans nos rivières. Il conclut 
des caractères qu’il a marqués, que cette espèce ap- 
païtient à la classe des apodes , et au genre des 


(12) 
murènes où anguilles. Mais à quelle espèce ? est-ce 
à la murène congre ? est-ce à la murène anguille ? 
M. Nicolas prétend que la montée n’est point le frai 
du congre; parce que le congre a deux petits barbil- 
lons à la mâchoire supérieure ; que sa nageoire dorsale 
commence beaucoup plus près de la tête que celle 
de la montée ; que cette nageoire est d’ailleurs bordée 
de noir, et qu'il porte aussi une ligne latérale ponc- 
tuée de blanc, que n’a pas la montée. Il pense que 
c’est l’espèce murena anguilla maritima ; et annonce 
ainsiles particularités qui motivent son opinion, jointes 
à quelques autres, qui en sont le développement : 

» 19, Le poisson dit montée a absolument la même 
conformation que le murena anguilla. 2°. Comme 
l’anguille , il se tient le jour dans la vase, et ne 
voyage que pendant la nuit. 3°. Ce n’est que pendant 
h nuit, et à l’aide d’un tamis de crin fixé à un 
long manche, que l’on prend ce poisson, attiré vers 
les bords de la rivière par la lumière d’un flambeau 
ou d’une lanterne. 4°. La pêche de ce poisson com- 
mence vers le milieu de Mars, et finit en Juin. 5°. 
Elle se fait en opposant le tamis au flux de l’eau, 
et en le portant contre le courant , soit que la marée 
monte ou baisse, 6°. Le passage est quelquefois si 
abondant, et les individus se trouvent réunis en si 
grande masse, que d’un seul coup de tamis on en 
prend le contenu d’un demi-litre. 7°. On trouve 
souvent parmi la montée de petites anguilles de quatre 


(13) 
à cinq pouces de longueur. 8°. Ces anguilles , plus 
colorées que la montée , perdent comme elle leur 
couleur dans l’alkool, et y deviennent de même 
fermes et d'un blanc mat. 99. L’une et l’autre espèce 
se convertissent presque en totalité en gélatine par 
leur ébullition dans l’eau. ». 

Après cette solution du problème que présente la 
nature de la montée, M. Nicolas a rendu compte 
d'un procédé qu’il a éprouvé pour faire sécher ce 
poisson , et le conserver long-temps. Il a assuré qu’il 
en avait mangé qui était desséché depuis environ 
un mois, et qu'il lui avait trouvé la même saveur 
qu’à celui qui est frais. Il avait versé environ quatre 
litres de montée dans une terrine et y avait répandu un 
peu de vinaigre. Tous les poissons bien vivans sortirent 
du vase, et se répandirent sur une nappe étendue des- 
sous. Après quelques heures d'exposition au soleil, 
ils se trouvèrent bien desséchés , et furent renferimés 
dans des boîtes que l’on eut soin de tenir dans un 
lieu sec. 


Mémoire sur la montée, par M. LAMOUROUX. 


M. Lamouroux a aussi porté ses recherches et 
ses observations sur Ja montée, Au commence- 
ment de son mémoire, qui a été lu dans la même 
séance que le précédent , et qui ne peut nulle- 
ment en être regardé comme une réfutation , :l 
justifie l'intérêt qu’il a mis à cet examen par quelques 


(24): 
réflexions générales sur les ouvrages de la nature ; 
dont l'importance, äux yeux du naturaliste et du 
philosophe, ne se mesure point sur le volume. Pas- 
sant ‘ensuite à la montée, qu’il rapporte au genre 
murène des naturalistes modernes , il pose ces. ques- 
tions : la montée est-elle le frai du congre ? Est-elle 
le frai de l’anguille ? est-ce un animal particulier ? 
il réduit, d’après Lacepède , le genre rrurène à 
quatre espèces, la murène anguille, la murène ta- 
chetée , la murène myre, la murène congre. La 
montée ne peut appartenir ni à la seconde , origi- 
naire de la mer rouge et de la mer des Indes, ni à 
la troisième, qui habite la Méditerranée , et dont le 
museau est terminé en pointe aigue : elle n’offre d'ail- 
leuts aucuns caractères propres assez essentiels pour 
constituer une espèce distincte. Il reste donc qu'elle 
soit du frai d’anguille ou du frai de congre.. | 

M. Lamouroux ne croit point que la montée soit 
le frai de l’anguille. L'une et l’autre ont, il est vrai, 
la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure, 
les deux mâchoires garnies de dents, visibles dans 
la montée seulement au microscope, l'ouverture des 
branchies étroite, en forme de croissant , et fortifiée 
par plusieurs rayons. Mais à ces points de ressem- 
blance on peut opposer des différences nombreuses 
et considérables. D’abord l’anguille est repandue dans 
les quatre parties du monde, et vit long-temps dans 
toute sorte d'eaux : suivant Spa//anzani | d'accord 


(350 | 

“sur ce pont avec d’autres naturalistes, elle ne peut 
frayer que dans la. mer ; elle remonte par l’embou- 
chure des fleuves , et va chercher les eaux douces, 
où elle reste jusqu'à ce qu’elle ait acquis un certain 
accroissement , époque où ses efforts constans et 
opiniâtres pour regagner la mer malgré tous les 
obstacles, ne peuveut. guères s'expliquer que par le 
besoin pressant de la reproduction. Les petites an- 
guilles qui se trouvent souvent  mêlées avec la 
montée, et qu'il est toujours facile d’en distinguer, 
se pêchent pendant le printems et l'été : si on les 
met dans un vase , elles vivent inditféremment dans 
l'eau, de rivière ou de puits, mêlée ou non avec 
des plantes : leur situation est constamment horizon 
tale : elles montent et descendent avec une égale 
rapidité : leur. mouvement est peu. ondulé, et pres- 
que nul pendant le jour. La montée, au contraire, 
ne parait que dans les rivières de l'Orne , de la 
Touque et de la Dive , et seulement cepuis le 
mois de Mars jusqu’au commencement de Mar, 
a l'époque des grandes marées : elle remonte avec 
le flot, et s’en retourne avec lui : celle qui n’a pas 
été prise, et qui n’& pu regagner la mer, noircit et 
périt en peu, de temps : mise dans un vase, elle ne 
vit que deux ou trois jours dans l’eau de puits, un 
peu plus, si l’on y rnêle des plantes ou de la mie 
de pain, et ses mouvemens y sont moins vifs que 
dans l’eau de rivière , où on-peut la conserver jusqu’à 


» 


(16) 

deux mois : elle tombe rapidement au fond du vase ; 
ou s’y plonge la tête la première, mais elle remonte 
lentement et péniblement, et toujours la tête plus 
élevée que le reste du corps : son mouvement dure 
la nuit comme le jour, mais se rallentit à mesure 
que le soleil monte sur l'horizon, et augmente à 
mesure que cet astre descend ; elle reste à peu près 
tranquille au fond du vase depuis onze heures jus- 
qu'à trois. En second lieu , la montée est trans- 
parente , et l’anguille ne l’est jamais, quelque jeune 
qu’elle soit : la première a la bouche et les yeux 
beaucoup plus grands proportionnellement à la tête : 
ka longueur de sa nageoire dorsale est à celle de l’a- 
nimal comme 26 à 32 ou 33, et elle est dans l’autre 
comme 26 à 38 ou 40 : la montée a certainement 
moins de rayons aux nageoirés que l’anguille, quoi- 
qu’on ne puisse pas en déterminer le nombre au juste, 
et l'humeur visqueuse y est beaucoup plus abon- 
dante : enfin le bouillon d’anguille ne vaut rien, et 
l'on prétend que celui de la montée est bon. Si l’on 
objecte à l’auteur qu’on a trouvé au bout d’un cer- 
tain temps de l’anguille dans des pièces d’eau où l’on 
avait mis de la montée, il en donne pour raison 
le mélange dont il a déja parlé de plus ou moins de 
petites anguilles avec la montée. 

M. Lamouroux pense donc que la montée n'est 
autre chose que le frai du congre , opinion com- 
mune parmi les pêcheurs, et adoptée par plusieurs 

naturalistes. 


(17) 
maturalistes. Cette conclusion sort de la comparaison 
de -ces deux poissons, entre lesquels on ne peut as- 
signer d’autres différences que la forme de la nageoire 
pectorale, la grandeur et la couleur. 

La nageoire pectorale de la montée, moins ar- 
rondie que celle de l’anguille, l’est plus que celle 
du congre. Elle est à bords échancrés , à la différence 
de l’un et de l’autre , et fortifiée seulement de 12 
rayons , très-visibles avec la loupe dans les grands 
individus, tandis que le congre en a de 12 à 19, 
Panguille de 15 à 20. Cette différence ne paraît point 
essentielle à l’auteur du mémoire. Le nombre des 
rayons, qu'on ne peut détermin2r dans les petites 
montées , où il est peut-être au-dessous de 12 , peut 
croître avec l’âge, puisqu'il varie dans les individus; 
et cet accroissement successif, ou bien le frottement, 
peut faire disparaître les échancrures. 

La granceur ne peut servir d'indice , puisque la 
montée ne reste sous nos yeux que quelques heures, 
et que nous ne voyons le congre que déjà grand, 
eñsorte que lé passage de son premier état à une 
croissance avancée nous est inconnu. L'’auteuf, en 
donnant pour cause de Papparition de la montée 
sa faiblesse, qui ne lui permet pas de résister au flux, 
explique par là pourquoi on ne voit ce frai que 
quand il est nouvellement éclos , et pourquoile congre , 
croissant depuis cette époque dans le sein des mers, 
ne reparaît que déjà grand. 

B 


(18) 

Quant à la couleur, on sait qu’elle change avec 
‘âge dans beaucoup d’espèces. Si le congre n’est 
point du tout transparent , la grande montée l’est 
déja moins que la petite, Celle-ci est tout-à-fait 
blanche ; l’autre, marquée de points noirs, qui se 
rapprochant de plus en plus, peuvent bien, pendant 
le long intervalle qui sépare l’état de montée de l’é- 
tat de congre, se confondre jusqu’à produire cette 
couleur noirâtre continue qui distingue le second du 
premier. Au reste M. Lamouroux apporte beaucoup 
de faits et d'observations qui ne peuvent entrer dans 
un extrait. 

Toutefois l’auteur n’a eu l’intention de présenter 
son sentiment que comme purement conjectural. C’est 
ce qu’il a formellement déclaré quelques mois plus 
tard , en rendant compte de nouvelles observations 
qu'il avait eu occasion de faire dans quelques voyages 
sur nos côtes, et de faits importans, qu'il avait été 
à portée de recueillir, et dont l'effet avait été de 
le faire revenir sur sa première opinion. La réunion 
des circonstances qui ont été l’objet de ses dernières 
recherches , lui ont fait juger définitivement que la 
montée n’était point le frai du congre, comme il 
l'avait annoncé d’abord , mais celui du pémperner, 
qui est une variété de l’anguille. 


(19) 


Essai pour servir à l'analyse méthodique des sels , 
dans lequel on considèreen particulier les combinai- 
sons des acides minéraux non métalliques avec 
les bases alcalines er rerreuses , par M. THIERRY fils. 


Dès qu’une fois on a trouvé la véritable méthode 
d’une science, on ne peut plus marquer de bornes 
à ses progrès ; en méditant sur un probléme , on 
entrevoit la solution d’un autre, et chaque décou- 
verte en prépare une nouvelle, C'est ce qui est 
arrivé aux sciences physiques , et particulièrement 
à la chimie, depuis qu'on a substitué à des théories 
purement imagimaires l'observation et l'expérience, es 
qu’on a examiné les effets pour en déduire les causes , 
au lieu de supposer les causes pour expliquer les 
effets. C’est d’un aperçu rapide des avantages dus À 
cette marche si naturelle, et cependant adoptée si 
tard, que M. Thierry passe à l’exposition du sujet 
qu'il veut traiter. Le but qu’il annonce est évidem- 
ment un nouveau pas dans la carrière analytique, et 
un degré de perfection bien digne d'attirer les regards 
des savans. Il ne suffit pas, dit-il, d’avoir des pro- 
cédés pour anaïiyser les produits naturels; il faut 
encore tâcher de découvrir sûrement, par des moyens 
faciles et prompts, les corps d’une origine quel- 
conque , qui se trouvent placés sous nos yeux : et 
c’est précisement à quoi tend son essai , par rapport 

B 2 


(20) 
à une classe de corps particulièrement intéressans 
par la multitude et la variété de leurs usages, savoir 
les combinaisons des acides minéraux non métalliques 
avec les bases alcalines et terreuses. Quelque bien 
connus que soient ces corps , il manque à Ja science 
une méthode simple et générale pour les analyser , 
comme on en a déjà pour les substances organiques , 
les eaux minérales , les pierres, les mines ; et notre 
confrère en propose une qui a l'avantage de n'’exiger 
ni connaissances chimiques bien profondes , ni ap-. 
pareils bien compliqués. 

D'abord il compte onze genres de sels minéraux 
non métalliques, les s/fares , les susfires , les ni- 
rates \ les nairrites | les muriates | les muriates 
suroxigénes , les phosphates , les phosphires , les 
fluates , les borates et les carbonates | nombre égal 
à celui des acides minéraux , moins l’acide muria- 
tique oxigéné ; ensuite douze bases salifiables , la 
silice, l'alumine, la glucine , l’ytria, la zircone , la ma- 
gnésie , la chaux , la baryte, la strontiane , la potasse , 
la soude, et l'ammoniac , dont les combinaisons avec 
ces acides constituent les espèces: mais l Auteur s’ar- 
rête pour le moment aux genres , en observant seu- 
lement que le nombre des espèces n’est pas , comme 
il semblerait au premier abord, égal au nombre des 
acides multiplié par celui des bases, parc: qu'il y 
a des bases qui ne se combinent pas avec tous les 
acides, au moins assez parfaitement pour fermer des 


(2) : 
sels, et que d’un autre côté, des sels unis entre ‘eux 
ou à un excès de base, ou à un excès d’acide, 

peuvent donner naissance à de nouveaux corps salins. 

Ce qu'il s'agirait de trouver pour parvenir à un 
procédé très-simple, ce serait un agent qui produisit 
avec chacun des genres des phénomènes bien dis- 
tincts ; mais on n’en conmaît aucun qui ait cet 
avantage, et voici l’expédient que M. Thierry imagine 
pour y suppléer. À défaut d’un moyen d'arriver 
immédiatement à la connaissance du genre, on peut, 
dit-il, former des onze genres un certain nombre de 
groupes , et l’on résoudra le problème en détail, IL 
choisit pour cette opération lacide sulfurique , et 
| justifie la préférence qu'il lui donne , soit sur le ca: 
lorique , soit sur le charbon, soit sûr tout avtre 
agent. Les effets que produit l'acide sulfurique sur 
les onze genres de sels proposés, se réduisent à trois : 
absence de vapeurs et d’effervescence | marqué par 
zéro ; effervescence sans vapeurs , vapeurs. De là trois 
sections , dont la première contient quatre genres, 
la seconde deux, la troisième cinq. Ainsi, en opé- 
rant sur un sel dont on cherche à découvrir le genre, 
on connaîtra par cette première épreuve que c’est 
un sulfate, un phosphate, un phosphite, ou un 
borate, s’il appartient à la première section ; un sul- 
fite ou un carbonate, s’il appartient à la seconde ; 
et enfin un des cinq autres genres , s’il appartient 
à la troisième, L'auteur montre ensuite comment on 


B 3 


(2) 
réduit la solution à un seul genre, soit immédiatement » 
soit par l'élimination successive des autres. | 

Ce mode d'analyse présente trop de simplicité et 
de facilité, pour qu’on ne désire pas que son appli- 
cation soit étendue aux espèces. 


UT SNNEEE = “HA NU SAR 
Essai sur l'influence du tempérament des médecins 
dans leur.pratique et leurs écrits , par M. TRoUvÉ. 


L'auteur déclare ne vouloir point discuter la 


théorie des tempéramens , sur laquelle , il se contente 
de comparer les principes des anciens avec ceux des 
modernes , à l'avantage de ces derniers. Il sé borne à 
en faire l'application qu’annonce le titre de son mé- 
moire , et à présenter un résultat qu'il croit n'avoir 
encore été traité par personne, Baglivi lui paraissant 
ne l'avoir qu’indiqué , sans le développer ni l'appro- 
fondir. Ses preuves consistent surtout en faits , soit 
généraux , soit particuliers, dont l'opinion qu'il veut 
établir, semble être une conséquence , sinon toujours 
infaillible , au moins toujours très-probable, La pre- 
mière observation qu’il rapporte, et qu'on peut ré- 
péter souvent dans les hôpitaux , c'est la diversité 
frappante, quelquefois même l'opposition absolue 
dans la pratique de deux médecins également dis- 
tingués par leurs talens , imbus des mêmes principes, 


(23) 

instruits a la même école, vivant dans les mêmes so- 
ciétés , etexerçant dans des circonstances parfaitemen 
semblables. Ce n’est , selon lui , que par l'influence du 
tempérament qu'on peut expliquer ce contraste, qui 
a exposé la médecine au reproche de n'être qu'une 
science conjecturale, et qui a provoqué contre elle 
tant d'attaques, ou sérieuses , ou plaisantes. Et pour 
confirmer ce raisonnement , il présente, d’après le 
docteur Pinel, l'histoire critique de deux médecins, 
dont l’un, d’un tempérament bilieux à l'excès, por- 
tait dans toutes ses opérations un caractère de préci- 
pitation et de hardiesse , presque toujours fâcheux 
pour ses malades , et l’autre , d’une constitu- 
tion éminemment lymphatique , agissait toujours 
avèc une lenteur et une timidité qui n'étaient pas 
moins funestes. Il rapporte, à cette occasion , l'exemple 
d’une opiniâtreté téméraire du docteur Tronchin, qui 
après avoir précipité au tombeau une amie qui lui 
était très-chère, en l’inoculant contre l’avis de tous 
ses confrères, dans une saison très-dangereuse , suc- 
comba lui-même , au bout de trois mois, à ses re- 
grets et à ses remords. 

Ce n'est pas seulement dans la médecine que ces 
effets du tempérament personnel du praticien peuvent 
s’observer ; c’est même dans la chirurgie , quoique 
sa marche semble assujettie à des règles bien plus cer- 
taines et plus évidentes : et des faits que M. Trouvé 
2 eus sous les yeux ne lui permettent pas de douter 


B 4 


(24) | 
que , tantôt la pétulance présomptueuse, tantôt la cir= 
conspection pusillanime d’un chirurgien , soit dans 
le traitement des plaies, soit dans les accouchemens 
ne soit souvent meurtrière. | 

Cette influence se fait sentir principalement dans 
ces consultations médicales , où l’homme vif, d’un 
caractère tranchant , surtout s'il est doué du talent 
de la parole , s’il jouit d’une grande considération , 
est presque sûr de triompher de la défiance et de 
la modération deses confrères, quelque éclairés qu’ils 
soient : et c’est ce qui arriva à Marseille dans l’épi- 
démie de 1720, où tout céda à l’ascendant de 
quelques coryphées de la science , excepté le seu 
Bertrand , qui éloigné de leurs délibérations, osal 
montrer leurs erreurs avec autant de franchise que 
de modestie. 

Notre collègue croit trouver encore dans une dis- 
position organique la cause de ce qu’il appelle cette 
manie de quelques médecins de ne traiter que certain 
genres de maladies. Quant au penchant que plusieurs 
ont à voir partout celle dont ils sont eux-mêmes 
affectés , il a été remarqué par Baglivi et. Zimmers 
mann ,; dont le dernier cite l'exemple du fameux- 
Bouvard, qui n’ordonnait les antiscorbutiques avec 
tant de confance et de’ profusion, que parce qu’il 
croyait voir chez tous ses malades la cachexie dont 
il était lui-même atteint. Cette circonstance est souvent 
le principe des réputations exclusives pour la guéri- 
son de certaines affections ; et c’est à elle qu’un de 


(25) 

nos collègues, dont la mort a excité des regrets uni- 
versels , attribuait l'opinion qu’on avait de son habi- 
leté dans le traitement des maladies de poitrine. Mais 
‘une pareille opinion peut être très-fondée > parce qu'il 
est présumable qu’un homme qui a éprouvé une in- 
firmité est plus propre à la reconnaître et'à la guérir 
dans les autres. 

L'influence du tempérament dans les écrits paraît 
peu susceptible d’être contestée ; et plusieurs des 
exemples qu’en cite M. Trouvé, prouvent qu'il 
ne la restreint pas aux ouvrages des médecins. Il en 
est de même, à pe forte raison, des vociférations 
aussi satyriques qu ’injustes, qu’il reproche à Bouvard 
contre Bordeu et Tronchin ; et l'on a pu observer 
de tout temps, que les écrivains, en quelque genre 
que ce soit, d’un caractère violent et emporté, sont 
sujets à se laisser dominer par leur passion. 

Au reste M. Trouvé est loin de croire qu'il y ait 
_des tempéramens incompatibles avec une sage pratique 
de l’art médical, Il y a des moyens de détruire, ou 
au moins d’atténuer extrêmement cette influence de 
l’organisation , et de faire prévaloir la raison et la 
science. Il développe ces moyens dans un recueil 
de préceptes qui termine son mémoire. 

on At nent l paei 

Outre les écrits qui ont été lus par leurs auteurs 

dans les séances académiques , la correspondance des 


associés et de quelques autres savans a procuré un 
grand nombre d'ouvrages, dont plusieurs ont été 


(26) 

l’objet d’un examen particulier et du rapport d’une 
commission. On doit distinguer parmi ces produc- 
tions celles qui traitent quelques-unes des questions 
énoncées dans la notice de la séance publique de 
l'année précédente, et sur lesquelles l’académie in- 
vitait les personnes qu'elles pouvaient intéresser, €t 
spécialement ses correspondans , à diriger leurs re- 
cherches. 


Quelle est la nature du petit poisson connu à Can 
sous le nom de Montée, qui se pêche dans l'Orne 
à des époques périodiques ? 


Tel était l'énoncé du 14°. article du programme 
lu dans la séance du 18 Mai 1810, et qui était 
lobjet des deux mémoires de M. Nicolas et de M. 
Lamouroux , dont il a été rendu compte. Un autre 
mémoire sur le même sujet a été adressé à l’académie 


dans la forme usitée pour les concours. IL porte pour 


épigraphe ce passage de Pline : z2ultum adhuc restat 
operis , multumque restabir , nec ulli nato post mille 
sæcula precluditur occas'o aliquid adjiciendi. l'au- 
teur, après une analyse exacte et méthodique, qui 
prouve qu’il a de bons principes de théorie, et l'ha- 
bitude de ce genre d'observations , conclut que la 
montée appartient au genre mwræna, et propose de 
la nommer mwræna Cadomensis. Cette conclusion a 
été jugée insuffisante, comme ne renfermant que la 


she 


(CE7) 

partie la plus facile de la solution. En effet il s’agis- 
sait moins d'établir que la montée était renfermée 
dans le genre murène , que de comparer ses caractères 
avec ceux des autres espèces du même genre , afin 
de décider si elle avait des différences assez essentiel- 
les pour constituer une espèce distincte , ou si elle 
devait être rapportée à une des autres , par exemple 
à l’anguille ou au congre. Au reste il a été remar- 
qué que l’auteur du mémoire, étant éloigné de Caen, 
et n'ayant pu se procurer que des individus morts 
de l'espèce qu’il s’agissait de déterminer, n’a pas été 
à portée de faire des observations aussi sûres et 
aussi complètes que s’il eûtété sur les lieux. 


Quels sont les effers de le terreur sur l'économie 


animale à 


Deux mémoires sont parvenus à l’Académie sur 
cette question. Le premier porte pour épigraphe, 


Terrorem spectant tetanus , pallorque virescens, 
Et tremor, anxietas , vesania , deliquium et mors. 


L'auteur, pour définir la terreur , dit qu’elle est 
la plus violente de toutes Les passions de l'âme , er 
la seule dont on ne puisse éviter les funestes attèintes: 
la plus violente, parce qu’elle intervertit en un ins- 
tant l’ordre de toutes nos fonctions , et peut entière- 
ment nous détruire ; la seule inévitable , parce qu’elle 
est indépendante de la réflexion , et que naturel- 


(28) 
lement tous les hommes frémissent à l’aspect d’un 
objet affreux , d’un péril imminent. Il tire des 
poëmes d’Homère et de Virgile, et ensuite des livres 
saints, un grand nombre d'exemples, en vue de con- 
firmer ces deux caractères qu’il assigne à la terreur. 
Mettant néanmoins des restrictions au dernier , il 
montre par des traits d’un autre genre , que certaines 
affections morales, surtout celles qui sont exaltées par 
une inspiration surnaturelle , peuvent rendre l’âme 
supérieure à l'impression des maux ou des dangers 
les plus terribles. De ce contraste des hommes qui 
cèdent à l’empire de l’organisation commune, et de 
ceux qui s'élèvent au-dessus de la nature même, il 
passe à celui que présentent ces êtres atroces qui 
épouvantent l'humanité par leurs fureurs, opposés à 
ces personnages généreux et bienfaisans , dont la vertu 
est digne d’admiration. Revenant aux effets qui ont 
été cités, dit-il, comme attributs de La terreur, l'im- 
mobilité | le tremblement, la pâleur , l'extrême agilite , 
l’aphonie, la syncope , le trouble de l'âme , la stupeur , 
lespèce de pérrification du cœur , etc. , il ajoute même 
l'extinction totale de la vie ; y voit les suites d’une 
secousse que donne à tout le corps l'âme épouvantée 
par un danger réel ou mensonger , le caractère d’une 
maladie évidemment tonique , évidemment convulsive. 
Après une courte digression sur l'impossibilité d’expli- 
quer le moyen de cette action de l’âme sur le corps, 
et la témérité d’une pareille tentative , il développe par 


(29) 

des descriptionset par desexemplesle tableau dont ilavait 
présenté l’esquisse , et conclut, en se résumant , que 
la terreur est en effet Z plus redoutable de routes 
ks affections de l’éme, Tous les détails sont ap- 
puyés de citations. Des considérations d’un genre 
tout-à-fait oratoire sur l’'admirable constitution ‘de 
Phomme, tant au physique qu’au moral, terminent 
le mémoire. 

Suivant le rapport d’une commission, dont l’A- 
cadémie adopta le jugement , ce travail annonce une 
instruction étendue et un talent remarquable, 1l of- 
fre une diction élégante et ornée, un ton souvent 
éloquent , et même pathétique; mais l’auteur s’est 
trop abandonné à son imagination , comme il en 
convient assez clairement lui-même en quelques en- 
droits ; il n’a point suivi cette marche méthodique 
qui pouvait seule , dans une discussion de cette nature, 
le conduire à une conclusion rigoureuse. Une partie 
considérable de son ouvrage se compose d’ornemens 
tout-ä-fait étrangers au point de la question; les 
qualités qu'il attribue à la terreur , sous la forme 
dune définition , présentent quelque chose de vague 
et d’obscur , et sont susceptibles d’être contestées , 
puisque, d’une part, la violence des.affections ne 
tient pas absolument à leur nature spécifique, mais 
dépend d’une multitude de circonstances , soit inté- 
rieures , soit extérieures , et que de l’autre on ne voit 
pas bien en quel sens il pourrait être vrai de dire. 


(30) 

que l’on peut se soustraire aux autres impressions qui 
nous viennent du dehors, et que la terreur seule 
est inévitable. 

Quant à ce qu'il y a de plus précis dans cette 
dissertation, savoir que la terreur produit des effets 
essentiellement toniques , opère la cohesion des mo- 
lécules organiques , l'excès de ron des organes , cette 
opinion a été regardée comme erronée. « La ter- 
reur, comme le rapporteur de la commission l’a énoncé , 
porte sa principale action sur le centre phrénique, 
et de là sur tout le systême nerveux et sur les prin- 
cipaux organes de l’économie animale ; l’homme qui 
en est frappé , éprouve un sentiment de froid par 
tout le corps, il frissonne par tous ses membres, il 
est saisi d’une anxiété extrême ; il y a constriction 
spasmodique de tous les capillaires ; la pâleur s’em- 
pare de lui, ses muscles sont frappés d’atonie , 1l 
tremble malgré lui; ses sphincters se rélâchent , les 
urines, les matières fécalesimême , sont expulsées in- 
volontairement ; quelquefois il tombe sans sentiment 
et sans parole »; et ces accidens, dont la plupart 
sont cités par l’auteur lui-même comme les effets 
les plus ordinaires de la terreur , ne supposent pas 
un excès de ton des organes. Si l’on a observé quelques 
phénomènes contraires, ils doivent être attribués à 
des conditions extraordinaires, ou à une réaction se- 
condaire , plutôt qu’à un mode d’action immédiat et 
essentiel. 


(isa) 


Le second mémoire sur la même question porte 
pour épigraphe : 


Obstupui , steterunt que come , vox faucibus hesie: 
Ænéid. lb. Il. v. 774. 


Il a paru rédigé avec netteté , et dans les princies 
de la saine physiologie; et l’Académie a décerné à 
sen auteur, M. Guittard, médecin à Bordeaux, une 
des médailles d'argent annoncées dans le programme. 

Remontant aux premiers principes de ces modifica- 
tions si ncmbreuses et si diverses qui changent à chaque 
instant l’état de nos organes, le plaisir et la douleur , 
M. Guittard montre l’âme tantôt attirée par les objets 
qui lui sont agréables , tantôt repoussée par ceux qui 
lui déplaisent. Dans le premier cas, le systéme ner- 
veux s’épanouit, tout l'organisme paraît s’élancer au 
devant de la sensation ; dans le dernier, le système 
nerveux se resserre , ainsi que les organes qu’il met 
en jeu : dans l’un et l’autre , les fonctions de 
l'économie animale se resentent de cet état moral. 
Mais indépendamment de ces passions que l’auteur 
appelle primitives et simples , il admet plusieurs af- 
fections qu’on peut considérer comme mixres , ce qui 
produit alternativement ou à la fois des effets con- 
traires , ayant une influence tantôt favorable et tantôt 


(32) 

funeste à l'harmonie des fonctions du corps humain ; 
selon l'intensité de leurs causes, la constitution des 
individus sur lesquels elles agissent, leur sexe, leur 
âge , le temps ou les circonstances de leur développe- 
ment, etc.; et il range dans cette derniere classe la 
terreur, passion qui nait, dit-il, de l'émorion excitée 
dans l'âme à la vue d’un grand mal ou d'un grand 
péril, qui a lieu instantanément , et nous frappe & 
d'improviste. 

Après avoir comparé la serreur avec les impres- 
sions analogues que présentent les mots peur, frayeur » 


effroi , il expose les phénomènes quelle produit dans 
P P q P 


ses divers degrés , développe les désordres qu’elle 
cause. Il la considère comme portant sa principale 
action sur le régime épigastrique; et de là sur tout 
le système nerveux. 
« C’est par ce méchanisme, dit-il, qu’elle déter- 
# mine une secousse le plus souvent funeste, mais 
»# qui pourtant peut être, dans certains cas salutaire, 
» selon que l’économie animale réagit plus ou moins 
» puissamment contre elle. » Selon lui, la terreur 
frappe d’une atonie plus où moins complète l’estomac 
— et tous les organes digestifs, comme le prouvent le 
saisissement et l'anxiété qu’on ressent : de là le trouble 
des digestions, les jaunisses subites, l’ictère noir, etc. ; 
Elle détermine un spasme général, qui se commu- 
nique à divers organes , et fait quelquefois affluer le 
sang en abondance vers certaines parties : de là 
l’hémoptysie , 


(3%) 


lhémoptysie , les hémorragies utérines , l'avortement ; 
des anévrismes du cœur, des apoplexies prompte- 
ment mortelles, etc. , etc. Il peut arriver que la 
vive impression que reçoit le système phrénique se 
réfléchisse sur le cerveau avec violence : de là l’épi- 
lepsie , la catalepsie, la paralysie , la folie, la manie , etc. 
Elle peut aussi débiliter tellement le système lympha- 
tique , qu’on lui a vu produire des engorgemens glan- 
duleux qui sont devenus squirreux. 

Après avoir décrit les effets pernicieux de la ter- 
reur ; et apporté en preuve des plus considérables , 
des faits bien avérés, M. Guittard indique quelques 
circonstances dans lesquelles cette vive affection de 
Pâme a été salutaire. Il cite, sur l'autorité d’Hil 
danus , de Salmuth et de Daignan , trois exemples 
de goutteux guéris par une impression de cette nature; 
et dans l'explication qu'il donne de ces phénomènes, 
il énonce l'opinion que la guérison de plusieurs 
maniaques obtenue en partie par leur immersion dans 
l'eau de la mer, pourrait bien être due à une per- 
turbation produite par une frayeur subite et consi- 
dérable, plutôt qu’à une prétendue spécificité de ces 
sortes de bains. C’est sans doute une conjecture pa- 
reille qui dirigea Boerrhave, lorsque s’entourant adroi- 
tement d’un appareil de terreur, il arrêta dans l’hôpi- 
tal d'Harlem des convulsions qui semblaient se pro- 
pager par une espèce de contagion. Au reste, en 


citant cet exemple et quelques autres semblables , 
C 


se) 
l’auteur réserve au génie seul le privilége d'employer 
ces moyens toujours dangereux, et qui ne doivent 
jamais être tentés qu'après l'insuffisance bien cons- 
tatée des remèdes ordinaires. 

Le rapporteur de la commission a exprimé du regret 
de ce que l’auteur du mémoire n’avait pas considéré 
son sujet sous deux rapports bien dignes d’attention. 
Le premier est l'intensité qu’acquièrent les effets de 
la terreur , lorsqu'elle frappe à la fois un grand 
nombre d'individus. Quelle consternation , dit-il, et 
quel mal ne produit-elle pas dans les lieux où règnent 
des maladies pestilentielles ? n’est-ce pas avec la ter- 
reur seule que le conquérant met quelquefois en dé- 
route les armées les plus nombreuses , qu’il réduit les 
cités les plus populeuses, qu'il fait subir le joug à 
des nations entières ? c’est souvent avec cette arme 
puissante que les tyrans donnent des fers aux peuples 
subjugués. L’autre considération est relative aux effets 
moraux de la terreur, à cet avilissement humiliant 
auquel elle réduit l’homme, à cette perte de tout 
courage, de tout sentiment généreux et bienfaisant 
qui en est la suite ordinaire, à cet oubli des plus 
saints devoirs, à ces noires trahisons , à ces lâches 
délations , enfin à toutes les actions honteuses dont 
elle rend capable. Toutefois | quelqu’intérêt que 
puissent présenter ces points de vue , il faut avouer 
qu’ils ne pouvaient entrer que secondairement dans 
l'examen d'une question qui avait pour objet propre 
les effets de la terreur sur l’économie animale, 


. (359 


Lil 
mar nn, 


Notice sur des matières renfermies dans le sol du Dé: 
partement du Calvados , qui sont propices pour des 
manufactures chimiques ; pat M. CHAMBERLAIN, 
Directeur de l’exploitation des mines à Honfleur, 
associé-correspondant de l’Académie. 


Quoique le petit écrit adressé sous ce titre à l’A- 
eadémie ait quelque rapport avec la IX£. question 
du programme, il n’a point été regardé comme pièce 
de concours , parce que son auteur s’est fait con- 
naître, et que d’ailleurs il n’a point traité formel- 
lement le sujet proposé. 

M. Chamberlain, muni d’un privilége du gouver< 
nement pour l'exploitation des pyrites et terres vitrio= 
liques , n’a pas cru inutile d'informer l’Académie de 
la découverte qu'il a faite le long des côtes du Cal- 
vados, d’une tourbière sulfureuse très-abondante et 
d’une exploitation facile. En vantant les propriétés 
de la tourbe qu'il en a tirée , il les déduit de ses 
principes constitutifs , et explique la formation de 
l'acide sulfurique qu’elle produit. Il s'étend sur les 
grands avantages qu'on peut tirer des sels en général 
dans l’agriculture , et indique un procédé simple pour 
les employer dans les ensemencemens. Il cite aussi 
un essai du souffre fait par M. Bréard, et dont le 
succès a surpassé ses espérances. En reconnaissant les 


G' 2 


C36Y - 

bons effets du plâtre dans quelques ças, M. Cham- 
berlain ne dissimule pas l'opinion de ceux qui pré- 
tendent que les chevaux nourris avec des fourrages 
auxquels il a servi d'engrais, sont sujets à devenir 
poussifs et à perdre la vue. En considérant cet in- 
convénient par rapport au plâtre, et par rapport au 
souffre, celui d’une importation prodigieuse et d’une 
grande consommation de combustible , il conclut que 
Femploi de la tourbe qu’il a découverte serait beau- 
coup plus avantageuse, et plus économique dans les 
procédés qu’elle exige. Où il existe une manufacture 
de soude , il conviendrait , suivant notre corres- 
pondant , d'établir une fabrique de savon. Il termine 
sa notice par des considérations sur les résultats beau 
coup plus profitables qu’on obtiendrait dans la fa- 
brication de la soude de varec , au moyen d’une ma 
nipulation mieux entendue. 


Mémoire sur la cristallisation du basalte, par M, 
GEOFFROY , associé-correspondant. 


« La formation du basalte , a dit M. Trouvé ; 
dans un rapport sur ce mémoire, est une des ques- 
tions les plus importantes qui aient été agitées par les 
géologues. On range ceux qui s’en sont occupés en 
deux classes, suivant qu'ils attribuent son origine au 
feu ou à l’eau : de Hà les dénominations de Vo/cas 


(37) 


nistes et de Neptuniens qu’on leur a données. M. 
Geoffroy se range ouvertement du parti des premiers, 
parmi lesquels on compte Buffon , Dolomieu, Des- 
marets, Faujas et Haui. Bergmann et Valerius sont 
les chefs du parti opposé, » 

« M. Geoffioy , continue le rapporteur, après 
avoir parlé dans son mémoire du spectacle aussi im- 
posant qu'instructif qu’offre aux regards du géologue , 
la nature dont les entrailles ouvertes vomissent et 
jettent à des distances considérables ces produits que 
lon nomme volcaniques , observe que c’est à seu= 
lement qu’on peut prendre des idées justes sur la 
formation de ces matières , et paraît regretter de 
n'avoir pu jouir d’un pareil avantage. Il ne parle 
lui-même du basalte que d’après des échantillons 
recueillis dans l'Auvergne, et qui lui ont été remis 
par un naturaliste distingué, M. Ramond. » 

» Un examen attentif fait penser à M. Geoffroy 
que le basalte n’est point formé de molécules si- 
milaires, mais au contraire irrégulières et toutes dif- 
férentes. Comment expliquer , d’après cela, les prismes 
trièdes assez réguliers du basalte, qui semblent devoir 
être le résultat d’une vraie cristallisation ? c’est |à 
le probléme de géologie que M. Geoffroy se propose 
de résoudre, Suivant lui, ce serait grossièrement se 
méprendre de juger que les prismes de basalte se sont 
formés au milieu d’un fluide par une attraction mu- 
tuelle de molécules qui seraient attirées réciproque- 


C 3 


(38) 
ment dans le sens de leurs faces. Si la nature, pour 
produire des corps réguliers, est souvent lente dans 
ses combinaisons, on la voit aussi les former comme 
d’un jet, lors même qu’elle semble observer les lois 
de la plus sévère géométrie. » 

L'auteur du mémoire entreprenant d’expliquer la 
cristallisation du basalte, avertit de ne pas perdre de 
vue qu’en sortant des volcans cette matière est d’abord 
fluide, et qu’en se répandant en nappe sur un plan à 
peu près horizontal , où elle se refroidit , elle consti- 
tue le basalte en table , dont on a vu, dit M. 
Faujas Sr. Fond, des pièces ayant jusqu’à 36 pieds 
de largeur. Quant au basalte en masse, objet prin- 
cipal de son attention, cette matière fluidifiée par le 
feu sonterrain lui paraît différer essentiellement de la 
lave, en ce que devenue solide elle est compacte 
et sans soufflure. Elle se précipite du sommet des 
volcans, et acquiert de la consistance par le refroi- 
dissement : les substances hétérogènes qu’elle avait 
saisies en s’échappant ont été rompues à la suite du 
retrait que ce refroidissement lui fait subir, Telle est 
l'opinion de M. Geoffroy , qu'il fonde sur le seul 
examen des échantillons de basalte qu'il possède. M. 
Trouvé après avoir cité ses raisonnemens , s'étonne 
qu'il n’ait pas envoyé au moins un ou deux de ces 
échantillons à l’appui d’un fait nouveau et inconnu 
aux géologues. 

Suivant le sentiment exposé par le rapporteur , la 


(39) 

formation des prismes de basalte, dont on voit un 
exemple si extraordinaire dans les nombreuses co- 
lonnes qui constituent dans le comté d’Antrim en 
Irlande ce groupe fameux connu sous le nom de 
chaussées des péans , ne peut être assimilée à ces belles 
cristallisations que présentent les entrailles de la terre. 
Une preuve frappante que les prismes basaltiques ne 
résultent pas des mêmes lois, ce sont ces différences 
bien prononcées entre ceux qui proviennent du même 
endroit. La mesure des angles n’est pas la même; le 
degré d’inclinaison des pans varie. Dès lors plus d’é- 
galité d'incidence des parties situées également : carac- 
tère qui distingue si éminemment les cristaux pier- 
reux et métalliques. 

Au reste, si la théorie de M. Geoffroy n’a pas 
présenté à la commission ce caractère entraînant 
de vérité qu’un esprit exact aime à voir dans tous 
les objets qui l’intéressent, elle ne l’a pas trouvée 
dépourvue de vraissmblance, et elle a pensé qu’on 
devait savoir gré à l’auteur d’avoir cherché à ajouter 
aux travaux de M. Desmarets, qui a émis avant lui 
la théorie du retrait. Malgré cet hommage rendu 
au zèle et aux connaissances géologiques de notre 
correspondant , le rapporteur a déclaré qu’ilétait encore 
difficile de fixer son opinion , et de prendre parti pour 
les yolcanists ou les neptuniens. Ne serait-il point 
plus sage, dit-il en finissant , ainsi que l’observe le 
savant Haui, d'attendre qu’une étude plus approfon- 


C4 


( 45) 
die des faits fasse jaillir un trait de lumière auquel 
personne ne puisse fermer les yeux ? 


Lente) 
Sur Les agates , par le même associé-correspondant. 


M. Geoffroy a aussi envoyé a l’Académie un mé- 


moire sur les agates, qui a été l’objet d’un rapport 
de M. Lamouroux. 


L'auteur s’estattaché, dit-il , à étudier divers échan- 
tillons d’agate qu’il possède , il les a comparés tant 
entre eux , qu'avec d’autres pierres qui présentent des 
caractères analogues. Cet examen attentif, qui lui a 
paru nécessaire pour acquérir quelques lumières sur 
la nature dés agates et les causes de certaines parti- 
cularités qu’elles présentent, l’a conduit à juger qu’elles 
sont composées, ou plutôt que leur matière propre 
ne sert guères que de ciment pour unir les diverses 
substances que l’on y découvre. Il cherche à expliquer 
quelques-uns des accidens qu'il a rémarqués dans 
cette espèce de pierre, et cite les opinions de divers 
naturalistes. Pour vérifier celle qui y reconnaît la cal- 
cédoine , la sardoine, la cornaline , l’opale, l’onix, ila 
eu, dit-il, recours à l'observation, qui lui a appris 
que beaucoup d’agates n’offrent aucun indice propre 
à faire soupçonner quelqu’une de ces substances. 
Quant aux taches et aux veines qu’on y remarque, 
ses explications précédentes lui paraissent en fendre 
suffisamment raison. 


(41) 

Suivant le rapoorteur, les observations dont M: 
Geoffroy donne le détail ne fournissent aucun résultat 
qui ne fût déjà connu des naturalistes , et il aurait 
pu s'étendre beaucoup d’avantage sur la composition 
et sur les innombrables variétés des agates sans rien 
dire qui ne soit contenu dans leurs ouvrages. Il n’en 
faut pas moins féliciter cet observateur aussi exact 
que zélé, quien découvrant par ses propres recherches 
des points de théorie déjà consignés dans les livres, 
montre par là même qu'il est sur la voie de nouvelles 
découvertes; et on doit l’engager à poursuivre un 
genre d'étude très-important , dans lequel 1l assurera 
ses succès en comparant le résultat de ses travaux 
avec la doctrine des maîtres les plus recomman- 


dables. 


Projet d'un appareil propre à faciliter le séjour des 
hommes au fond des eaux , par M. DELAVILLE, 
associé-correspondant. 


Ce qui distingue ce projet de beaucoup d’autres 
conçus dans les mêmes vues , c’est l'application des 
réservoirs d’air comprimé, tels que celui du fusil à 
vent. L'auteur donne la description dmbateau pour 
lequel il propose ce nouveau moyen de fournir plus 
ou moins long-temps à la respiration , sans commu 
nication avec l'air extérieur. Il a même joint à son 


(4) 
mémoire un plan qui facilite l'intelligence de son 
exposé. La capacité du bateau est divisée en une 
calle, qui en forme le fond, et un entrepont au= 
dessus, destiné au séjour de l'équipage. Ces deux 
compartimens sont hermétiquement fermés , et leplan- 
cher intermédiaire quiles partage , ainsi que le plan- 
cher inférieur de la calle, et le plancher supérieur de 
l'entrepont , ont chacun unseul trou , qui s'ouvre et 
se ferme à volonté par des soupapes. Il y a dans 
lentrepont un certain nombre de boîtes remplies d’air 
comprimé, qu’on en laisse échapper au besoin par le 
moyen d’un robinet. Faire descendre le bateau sous 
l'eau , le faire remonter , renouveller l’air lorsqu'il a 
cessé d’être suffisamment respirable : telles sont les trois 
opérations auxquelles M. Delaville prétend pourvoir 
par son mécanisme. Pour la premiere, il ouvre les 
soupapes des trois planchers. L’eau qui s’introduit 
par le trou du fond , chasse une partie de l'air de 
la calle dans l’entrepont , d’où il en sort une égale 
quantité par l’ouverture d’enhaut , jusqu’à ce que 
le surcroît de pesanteur submerge le bateau: alors 
il ferme toutes les soupapes. Veut-il remonter ? lais- 
sant la soupape d’enhaut fermée, il ouvre les deux 
autres, et lâche autant d'air comprimé qu’ii en faut 
pour forcer igau de la calle à sortir , jusqu’à ce que 
le bateau soit sufhisamment allégé. Enfin pour re- 
nouveler Pair , ouvrant ses trois soupapes, il fait 
entrer dans l'entrepont celui qui reste dans la calle; et 


(43) 


en cas d'insuffisance , 1l ferme seulement la soupape 
supérieure, puis laisse échapper de ses boîtes ce qu’il 
veut d'air comprimé. 

Une commission, dont M. Prudhomme a été rap- 
porteur , a reconnu tout le mérite de l’idée ingénieuse 
qui sert de base au projet de M. Delaville ; mais 
élle a regretté qu'il se füt borné à un exposé très- 
succinct de son mécanisme, sans entrer dans aucun 
développement , sans prévenir aucune des difficultés 
d'exécution , et sans appuyer d'aucun raisonnement 
ni d'aucun calcul les résultats qu’il suppose. IL n’a 
pas dit quelle forme et quelle dimension il donnerait 
à l'ouverture du plancher supérieur pour s’assurer que 
l'eau qui le couvrirait n’entrerait pas par une partie 
de cette ouverture, en même temps que l'air s’échap- 
perait par l’autre. Il n’a point parlé non plus des 
manœuvres qu'il pourrait être nécessaire d'exécuter 
à lextérieur. On ne peut qu’inviter l’auteur à examiner 
avec soin toutes les parties de son projet, et à ne 
pas abandonner les grands avantages que laisse au 
moins entrevoir un moyen très-précieux , soit qu'il 
lait conçu le premier , soit que d’autres, à son insu , 
laient déja employé pour produire des effets sem- 
blables à ceux qu’il se propose, 


L'Académie a reçu un nouveau manuel métrique 
et des sables de conversions des livres reurnois en 


(44) 


francs et des francs en livres , suivies des tarifs pour 
Ls anciennes monnoies d'or et d'argent, par M. PE- 
RIAUX de Rouen ; un discours prononcé par M. 
DESGENETTES à l'ouverture des écoles de médecine, 
et un article sur Les parotides dans les maladies aigues ; 
un glossaire de botanique de M. DE THÉIS ; un mémoire 
de M. MOLLET sur deux faits nouveaux , l'inflam- 
mation des matières combustibles et l'apparition d’une 
vive lumière obtenues par la seule compression de l'air ; 
un coup d'œil sur le réranos, par M. VALENTIN; 
un ouvrage de MM. CUVIER et BRONGUIARD sur 
la géognosie ou minéralogie géographique des environs 
de Paris, dont M. LAMOUROUX a présenté une 
analyse. 


SRE BR VE ES DT RE RE PET ASE SRE PERRET 


. SECONDE SECTION 
PARTIE LITTÉRAIRE. 
LU a To Ve a To ns 


Dissertation eur l'épigramme , par M. de BAUDRE: 


L: nom d’épigramme ne signifie qu’une inscription , 
ainsi que l’entendaient les Grecs, qui en avaient pris l’u- 
sage des Egyptiens. Les inscriptions , dit M. de Baudre, 
furent mises d’abord dans la prose la plus simple, 
et souvent même elles se réduisaient au monogramme, 


(45 ) 
On en faisait Sur toute sorte desujets; mais la langue 
Grecque avait le nom dépiraphe | pour distinguer 
celles qui étaient mises sur les tombeaux. 

Le sens général du mot épigramme a été restreint 
par un usage postérieur à désigner un petit poëme 
remarquable par une pensée piquante et maligne. 
C'est de cette épigramme, qu'il appelle satyrique ;, 
que M. de Baudre donne ici une sorte de poétique. 
Il n’en détermine pas l'étendue avec précision; mais 
il croit que les plus longues ne doivent pas excéder 
quinze ou seize vers. Dans la comparaison qu’il fait 
des épigrammes de Catulle et de celles de Martial, 
il remarque dans le premier de ces poëtes du naturel, 
de l’aménité , une finesse et une délicatesse continues , 
sans rien de saillant à la fin de la pièce ; dans l’autre 
au contraire, un trait piquant qui termine l’épigramme, 
et pour lequel tout le reste semble fait : ce qui donne l’idée 
de deux différentes espèces. L’épigramme admet des vers 
de toutes mesures : c’est surtout le sujet qui doit en 
déterminer le choix, selon qu'il est noble et sérieux, 
ou simple et badin. En faisant remarquer les divers 
caractères des épigrammes , qui plaisent chacune à 
leur manière , M. de Baudre a soin de citer des 
exemples qui expliquent et appuient ses distinctions, 
et dont quelques-uns sont de sa composition. À la 
suite de ses observations sur ceux de nos poëtes chez 
qui l’on trouve plus particulièrement des traits de cet 
esprit fin et épigrammatique qui car actérise surtout 


(46) 

les poëtes Français, et que Voltaire , Qui le possédait 
à un degré éminent , faisait entrer dans toutes ses 
compositions , il regrette que la licence et lobscé- 
nité gâtent presque toujours un genre de poésie qui 
amuserait sans nuire aux mœurs, et souvent même 
en les servant, s’il se renfermait dans les bornes d’une 
gaîté décente et d’une malice agréable, sans aigreur 
et sans méchanceté. 


Notices sur Segrais, par M. LAIR: 


M. Laïr plein de zèle pour la mémoire de tous 
les hommes qui ont contribué à la gloire de sa ville 
natale , a voulu entretenir ses collègues d’un écrivain 
qui a des droits particuliers à leur estime et même 
à leur reconnaissance , puisqu'il accueillit leurs pré- 
décesseurs dans sa maison avec une extrême bien- 
weïllance , lorsque la mort de M. de Matignon eut fait 
perdre à l’Académie des Belles-Lettres de cette Ville 
un zèlé protecteur. En rappellant une partie des faits 
consionés dans les auteurs de biographie , il y a ajouté 
quelques particularités moins connues. 

Jean Regnault de Segrais, né à Caen le 22 Août 
1624, y mourut le 2$ Mars 1702. M. le Comte de 
Fresque , charmé de ses talens, l’emmena , encore 
fort jeune à Paris, où il entra chez Mademoiselle 


(47) 


de Montpensier en qualité de gentilhomme ordinaire 
de sa chambre. Mais malgré les agrémens de son esprit, 
et son succès dans les poésies légères et galantes, qui 
ctaient alors en vogue , sa franchise naturelle, peu 
convenable à la Cour, et surtout le courage qu’il 
eut de blâmer le mariage de la Princesse avec le 
Duc de Lauzun , le firent disgracier. Il ne profita 
que peu de temps de l'asile qu’il avait trouve chez 
Mademoiselle de la Fayette, et, dégoûté peut-être 
du grand monde , il se retira dans sa patrie , qui 
était alors le séjour des Bochard, des Halle, des 
Morin , des Huer et d’autres hommes distingués par 
leur mérite. Nommé Echevin de Caen, il posa eri 
cette qualité la première pierre de l'Église des Jésuites, 
chez lesquels il avait fait ses études. Madame 
de Fontevrauls et Madame de Maintenon V’en- 
gagèrent vainement à revenir à la cour , où elles 
voulaient le placer auprès du jeune Duc du Maine: 
il opposa son âge déjà avancé et un commencement 
de surdité. Madame de Fonteyvrault eut beau lui 
représenter qu'il ne s’agissait pas d'écouter le Prince, 
mais de lui parler ; il savait par expérience, disait-il, 
que dans un pays comme celui-là , il fallait de bons 
yeux et de bonnes oreilles. Il passa le reste de sa vie 
entre les soins de l'administration et la culture des let- 
tres. Sa maison était le rendez-vous de toutes les per- 
sonnes de distinction et de mérite. Ona peine à con- 
cevoir qu’une vive discussion avec Huet sur un pas- 


(48) 
sage des géorgiques de Virgile ait été capable de di= 
viser pour toujours deux hommes aussi recomman- 
dables. 

M. Lair, en citant les productions qui ont fondé 
la réputation littéraire de Segrais , loue avec une 
justice impartiale et sans aucune exagération le 
goût qui s’y trouve, bien plus que la grâce et la 
correction, et il avoue même que Boileau lui paraît 
avoir traité ce poëte avec trop d'indulgence dans son 
art poétique. La traduction des égloques de Virgile, 
à laquelle s’applique le jugement de ce critique , Or- 
dinairement si sévère, est quoi qu’on en ait dit, fort 
au-dessous de l'original. Segraistraduisit aussi les géor= 
giques et l’énéide du même poëte. Il avait débuté 
de très-bonne heure dans la carrière poétique par 
une tragédie sur la mort d’Hippolite et par divers 
morceaux qui annonçaient du talent, Son poëme 
pastoral d’Arhis , composé en l’honneur de son pays 
offre une invention piquante , des fictions agréables , 
quelquefois la belle simplicité des anciens ; mais l'au= 
teur a placé le théâtre des aventures qu’il décrit dans 
des lieux trop obscurs et trop peu connus pour in- 
téresser beaucoup de lecteurs. 

M. Lair n’a point négligé dans sa notice quelques- 
uns de ces traits ordinairement si propres à faire bien 
connaître les hommes. Ce que M. de Matignon disait 
de Segrais, qu’il n’y avait qu’à le montrer et le laisser 
aller ensuite, donne une idée de l’abondance et de 

la 


(49) 


la facilité de sa conversation , qui ne finissait pas. 
aisément , quand elle était commencée , mais qui 
charmait toujours par sa grâce et par les anecdotes 
qu’il y faisait entrer à propos. Mademoiselle de Mont- 
pensier faisait allusion à cet accent natal qu'il avait 
toujours conservé , lorsqu'elle disait à un gentilhomme 
qui allait faire avec lui le voyage de Normandie, 
qu'il avait là un fort bon guide , qui savait parfaite- 
ment la langue du pays. 

Segrais, marié fort tard , est mort sans postérité, 
et sa famille est éteinte. | 


Mémoire de M. BISSON , associé-correspondant , sur 
cette question proposée dans un programme de 
l’Académie : quels changemens la mer a-t-elle opéres 
sur le littoral des Départemens du Calvados er de 
la Manche ? 


L'auteur de ce mémoire , auquel il a été décerné 
une médaille d'encouragement , a pris pour épigraphe 
ces paroles de Jérémie , posui arenam terminum mari. 
Intumescent fluctus ejus et non transibunt. Il com- 
mence par déterminer le mode d’examen qui peut seul 
convenir à l’homme , quand il s’agit des ouvrages 
du créateur , et dont le but n’est point de remonter 
à une origine impénétrable, mais seulement d’obser- 


D 


(50) 

ver des effets sensibles et d'en considérer les causes 
prochaines. En parcourant successivement tous Îles 
points remarquables d’un développement de côtes 
de plus de cent lieues, depuis Honfleur, où com- 
mence le Département du Calvados , jusqu’à Pontor- 
son, où finit celui de la Manche, il fait sur chacun 
les observations qui ont le plus de rapport à la ques- 
tion, ou du moins au point de vue sous lequel il 
l’a envisagée. En citant dans le littoral du Calvados, 
Honfleur, Touques, Dives, Bernières , Courseule y 

‘Aromanche , le rocher du Calvados, Port en Bessin, 
iVierville, Grand camp et Isigny , il fait connaître 
avec exactitude l’état actuel de ces lieux , il donne 
les étymologies de la plupart de leurs noms, et s’aide 
souvent des conjectures qu’elles fournissent pour ap- 
puyer son opinion sur leur ancien état. Sa conclu- 
sion générale , qui n’est que le résumé de celles qu'il 
a tirées de ses examens particuliers , est que la mer 
n’a opéré sur cette partie de la côte que des chan- 
gemens fort peu considérables , et dont l'effet a plutôt 
été d'augmenter que de diminuer le territoire. Si 
quelques endroits sont devenus moins impertans qu'ils 
n’ont été autrefois, M. Bisson en trouve souvent 
la raison dans les atterrissemens formés par les dépôts 
que charient les rivières, ou dans la grandeur actuelle 
des vaisseaux , qui ne leur permet plus de remonter 
des cours d’eau suffisans pour les anciens navires. 
Comme le sentiment de l’auteur sur la situation à 


_— 


(51) 

peu près invariable de notre littoral contredit quelques 
opiniens plus ou moins accréditées , il est conduit à 
réfuter plusieurs raisonnemens qu'on pourrait lui op- 
poser. Par exemple il ne voit aucun fondement à 
la supposition que la vallée d’Auge ait été autre- 
fois une baie , comme plusieurs l’ont conjecturé. 
Loin qu’on trouve quelque trace ou quelque mention 
de ce changement, les anciennes chroniques et les 
* chartres appelent la vallée d’Auge Salrus Algiæ, ce 
qui désigne une forêt, et non une baie, 

« Il y avait autrefois , dit M. Bisson, un petit 
havre à Bernières, formé par un bras de la Seule , 
qui se divisait tout près de son embouchure ; mais 
un traitant qui avait mis en parti le commerce des 
huîtres, le détruisit, en bouchant ce bras. Cepen- 
dant en 1735, un ouragan qui dura deux jours, les 
9 et 10 Janvier, poussa la mer avec tant de force 
et en si grande abondance dans les terres, que les 
eaux se rassemblant dans le canal bouché, rouvrirent 
en s ’écoulant le havre de Bernières. Au reste , comme 
leur couts ne s’est point entretenu , le ob se re- 
ferma bientôt, et dura si peu de temps, qu’on s’en 
souvient à peine dans le lieu même. Au surplus , 
ajoute-t-il, c’est ici un changement léger , et de trop 
peu de conséquence pour entrer en considération 
dans un aperçu général. » 

L'auteur du mémoire reconnaît qu’au de là, dans 
une anse médiocrement enfoncée, la mer tait quelques 


(52) 

progrès , en minant par le pied et en faisant ébou- 
ler de temps en temps une certaine quantité d’une 
pierre tendre et peu compacte , qui tombée dans 
l'eau s’y durcit très-promptement ; mais :l est per- 
suadé qu’on a prodigieusement exagéré ces empiéte= 
mens, et que les calculs qu’on a faits B-dessus ne 
sont fondés sur aucune donnée précise. 

Quant au rocher du Calvados, qu’on a prétendu 
avoir été il y a quelques siècles contigu à la côte, 
dont il est maintenant éloigné d’environ une lieue, 
et avoir été le siége d’un bourg appelé comme lui 
Calvados , ceux qui lont visité pendant les grandes 
marées, où il se découvre, n’ont pu y trouver aucun 
indice d’habitation. On a vanté des actes passés de- 
vant les tabellions de ce lieu, et conservés dans les 
chartriers de quelques seigneurs voisins ; mais on 
n’a jamais cité ces chartriers, ni indiqué aucun moyen 
de trouver ces actes. Dailleurs le laps de temps néces- 
saire pour opérer une pareille séparation , selon le calcul 
même de ceux qui l’'admettent , est tel, qu'il a’existe 
point de titres d’une si haute antiquité. Le nom de 
Calvados , qui ne paraît pouvoir appartenir qu’à la 
langue Espagnole , est probablement dû au naufrage 
de quelque navigateur de cette nation. La dénomi- 
nation de fosse d Espagne , donnée au mouillage qui 
se trouve entre la terre et le rocher , confirme cette 
conjecture ; et la dispersion de la flotte considérable 


que Philippe IT, Roi d’Espagne, avait dans la Manche 


(53) 


en 1588, et dont une partie poussée sur nos côtes 
par une violente tempête, y fut détruite , est en- 
core un fait authentique qui vient à l’appui de la 
même supposition. 

Le résultat des observations que M. Bisson pré- 
sente sur les différens points du littoral du Dépar- 
tement de la Manche, lui parait également favo- 
rable à lopinion qu'il veut établir. La petite baie 
que forment les Jeys s'éleve successivement, et le 
terrain de Brevant , qui s’avance au milieu, s’ac- 
croit de jour en jour par les laisses de la mer, 
que les secours de Part peuvent rendre très-impor-! 
tantes, Carentan , déja enfoncé dans les terres , est cité 
par les anciens géographes comme port de mer. Les 
îles Sainr-Marcou et la pointe de la Æoupue n’offrent 
les indices d’aucun changement notable. Quoique 
tous ces endroits soient bien exposés à la fureur des 
flots, rien n’annonce qu’ils aient éprouvé de grandes 
pertes, et leurs noms celtiques, qui désignent leur 
ancienne position , conviennent toujours à leur posi- 
tion actuelle. De là jusqu'à Barffeur , une côte de 
granite paraît plutôt défier la mer que la craindre. Un 
banc formé à l’entrée du port de cette ville en rend 
l'entrée difficile , et empêche que son petit commerce 
de pêche et de cabotage ne devienne intéressant. Il 
n’y a aucun changement naturel à observer à Cher- 
bourg, qui doit son importance à sa position, et sur 
tout aux travaux prodigieux qui y ont été exécutés. 

D 4 


(54) 


On n’en remarque point non plus , au moins de con- 
sidérables, ni au cap de la Hague, ni sur la côte 
occidentale , quelque exposée qu'elle soit au vent de 
l’ouest et du sud-ouest. Il est vrai que des auteurs 
prétendent que la petite île d’Aurigny , à l’ouest du 
Raz Blanchard , s’est appelée autrefois Æ/dernay , 
ou Ardennay , qui signifie foréts, et qu’elle tenait à 
la Hague, dont le nom a la même signification ; mais 
si la séparation de cette île était réellement due à la 
mer , 1l faudrait la regarder comme très-ancienne , et 
l'imputer à une cause qui cesse d’agir. 

M. Bisson ne dissimule pas les autorités qu’on 
peut lui opposer, mais 1l les réfute. Telle est l’asser- 
tion de M. l’Abbe Belley, qui dans un mémoire de 
PAcadémie des inscriptions et Belles-Lettres, sou- 
tient qu'il a existé près de Carterey un port qu'il 
nomme Ælauna , et qu’il suppose comblé par le 
volage de la mer ; tandis que l’ancienne Alone, dont 
les vestiges ont été découverts en 169$ par M. Fou- 
cault , intendant de Caen , était située sur une 
hauteur voisine de la Ville actuelle de Valogne. 

Suivant une vieille tradition , la vaste Baie de 
Saint-Michel n'aurait été jadis qu’une forêt qui s’a- 
vançait bien loin dans le Cotentin, et qui même 
unissait au Continent toutes les îles actuelles, qui en 
étaient seulement séparées par une rivière qu’on pou- 
vait passer sur une planche, L'auteur du mémoire 
©ppose l’aroument général tiré de ce que de pareils 


(55 ) 

changemens ne s’opèrent plus depuis qu’on écrit des 
histoires authentiques, et en outre deux faits bien 
constans, l’un qu’à la fin du septième siècle, Saint 
Aubert, Evêque d’Avranches , se retirait de temps 
en temps sur le mont Saint-Michel, qui était comme 
aujourd’hui zx periculo maris ; l'autre, que dans le 
sixième siècle, Saint Marcoul était obligé de s’embar- 
quer pour aller dans l’île de Gerzey visiter son dis- 
ciple Saint Hélier. 11 répond aussi à l'objection que 
fournissent les troncs d'arbres ensablés qu’on trouve 
en assez grande quantité sur les bords de la mer. Comme 
on en trouve aussi dans des terrains qui en sont 
éloignés , il ne voit là que les effets de la grande ca- 
tastrophe qui a bouleversé la terre, ou de quelques 
débordemens violens des rivières. 

Au reste , on voit dans tout le cours du mémoire 
que son auteur a traité la question proposée, comme 
s'il eût supposé qu'il y a quelque témérité dans les 
recherches de ce genre, et que. les changemens suc- 
cessifs dont il s'agissait de vérifier l'existence, pour- 
raient paraître moins conformes , soit à la bonté, 
soit à la sagesse du créateur, que des révolutions 
bien plus considérables , dont il reconnaît les preuves 
dans les grands amas de coquillages et de pétrifica 
tions marines qui se trouvent au milieu des terres. 
Mais l’Académie, en proposant ce sujet, a été fort 
éloignée d'y rien apercevoir qui pût altérer l'idée 
d’une providence toujours adorable et incompréhen- 

D 4 


( 6} 
sible, soit dans la permanence invariable des êtres 
créés, soit dans des successions d’état lentes ou ra- 
pides , qui sembleraient même devoir ajouter à l’ad- 
miration , en montrant d’une manière plus sensible 
l'action perpétuelle de la puissance suprème. 

La commission chargée de l’examen de ce mémoire ; 
en y reconnaissant un mérite d’exactitude et d’éru- 
dition que l’Académie a jugé digne d’une distinction 
honorable, n’y a point trouvé la solution précise 
du problême proposé, et a témoigné le désir que 
Pauteur complétät son ouvrage. L’objet de la ques- 
tion n’était pas la statistique actuelle de la côte, ni 
même des imductions purement conjecturales sur son 
état ancien. Il s’agissait de discuter un certain nombre 
de faits particuliers, à l’aide des preuves physiques 
que les observations géologiques peuvent fournir , 
ou des monumens historiques qui sont relatifs à 
ces faits, 


ES Eat td | 


f ° L 

Le partage des biens communaux a-t-il été avanta- 
« 
geux , ou non, à l'agriculture dans les Départe- 
mens de la ci-devant Normandie à 


Il a été adressé deux mémoires à l’Académie sur 
cette question. Le premier, portant cette épigraphe, 
tirée de Voltaire, rien n'est plus périlleux que de 


si ei ins af te use 


(#71) 


quitter le bien pour étre mieux, defend le parti de 
la négative, et prouve les inconvéniens du partage 
dont il s’agit par un certain nombre de faits détermi- 
nés avec assez de précision. Mais quoique ce mémoire 
ait paru bien écrit et bien raisonné suivant l’opinion 
de l’auteur, on n’a point trouvé qu'il eût traité la 
question dans sa généralité et sous son vrai point de 
vue. Les observations partielles et les faits très-cir- 
conscrits qu'il renferme, prouvent bien que dans 
quelques localités , et surtout à l'égard de certains 
individus , le défrichement a été préjudiciable, ce qui 
ne pouvait guères être matière de doute; mais ils 
ne donnent pas les moyens de décider si, en somme, 
il est résulté de cette mesure des avantages, non pré- 
cisément pour les particuliers qu’elle concerne, mais 
en général pour l’agriculture de nos Départemens. 
Le second mémoire, qui a pour épigraphe , 6 
fortunatos nimidm , sua si bona nôrint, agricolas ! 
Virg. Georg. Il, offre au contraire des considéra- 
tions générales qui conduisent l’auteur à défendre la 
cause du partage des communaux. On a reconnu 
dans ce travail de grandes vues et des aperçus tiés- 
judicieux ; mais les raisonnemens n’y sont point ap- 
puyés par des faits positifs , et quelques éloges que 
mérite la théorie de l’auteur, elle a plutôt paru offrir 
des conjectures probables sur un essai qu’il s'agirait 
de tenter, que les résultats formels d’une expérience 


(53) 
réellement faite, qui étaient le véritable point du 
probléme à résoudre. 


Dans les envois de ses associés-correspondans ; 
l’Académie a remarqué des mémoires biographiques 
de M. Le Carpentier , professeur de l’Académie de 
dessin et de peinture de Rouen , qui continue de 
travailler avec une persévérance bien digne d’éloges 
au monument qu’il a entrepris d'élever à la gloire des 
artistes les plus distingués, sous le titre de Gazerie 
des peintres célèbres. I] a envoyé cette année, outre 
une Norice nécrologique sur feu M. Masquelier , gra- 
veur & Paris, mort le 26 Mai 1811, trois autres 
notices , la 127€, sur Claude Gelée, dit le Lorrain ; la 
2€. sur Marie Van-Ostermich ; la 3°. sur Michel= 
Ange Amerigi, dir le Caravage. 

M. Guilbert, aussi de Rouen, a publié le pros- 
pectus d’un Mécrologe , ou mémoires biographiques 
et littéraires par ordre alphabétique , sur les hommes 
qui se sont fait remarquer dans le Département de 
la Seine-Inférieure , par leurs écrits , leurs actions , 
leurs talens , leurs vertus etc. 

M. le Tertre, licencié en droit, a composé un 
Précis historique sur l'origine et les changemens du 
droit romain , et sur son introduction en France. 

11 a été lu dans les séances Académiques un grand 


(59) 

nombre de compositions poétiques , et d’autres y ont 
été seulement annoncées. On y a entendu entre 
autres, une traduction de la XIE, satyre de Juvénal, 
et un morceau de poésie légère, par M. MÉCHIN ; 
une pièce de vers de M. le PRÊTRE, intitulée, Le 
dévouement héroïque de Léopold, Duc de Brunsvwik, 
deux romances , La jouissance maternelle , et La jouis- 
sance paternelle ; une ballade prise du Vicaire de Wake- 
field de Goldsmith; troisfables, L'aigle er les oisons, L’oi- 
seau reconnaissant , L’orageet le zéphyr, et deuxcontes, 
La liberté de la presse et Le Gascon démonté , du même 
membre; une traduction en versde la 3€. satyre de Per- 
se, de M. de BAUDRE, ainsique six contes, intitulés, Le 
petit Vicaire, Le Médecin malade , Les Revenans , Le 
jugement de Sancho, Le droit du Seigneur, Le perir 
Panier d'œufs-frais ; un apologue et un conte de 
M. BRÉMONTIER , ayant pour titre, l’un Le mer/- 
leur des impôts , autre Les convenancese 


M. ARNAULT, associé-correspondant, a fait pré- 
senter à l’Académie une scène d’une tragédie iné» 
dite , précédemment lue à la classe de la langue et 
de la littérature française de l'institut, quelques 
cantates composées pour des fêtes publiques, et un 
discours prononcé aux funérailles de M. Chénier. 


M.BAILLY , aussi associé-correspondant ,aenvoyé 
deux fables inédites, intitulées , l’une Les deux Cirons, 
l’autre L'ami du Jour ; M. P.-A VIEILLARD, une 


(60) 
cantate intitulée Le retour d’Astrée, M. VIGÉE , une 
Épitre en vers & Jean-François Ducis , sur Les avan- 
tages de la médiocrité , avec cette épigraphe, Auream 
guisquis mediocritatem... Hor. Od. 10 lib, Il; 

Parmi les autres ouvrages présentés à l’Académie ; 
Je citerai une Norice de M. LAIR sur la troisième expo- 
sition publique des productions des arts du Dépar- 
cement du Calvados ; une Notice sur la vie de M M.- 
A. Petit, de Lyon, par M. le Baron DESGENETTES; 
des Mémoires Académiques, par M. de SAINT-AMANS, 
de l'Académie d'Agen ; un rapport de M. François 
de NEUFCHATEAU, intitulé Coup d'œil sur lin= 
fluence que la socièté d'agriculture du Département de 
la Seine a exercée sur l'amélioration de l'agriculture x 
plusieurs productions poétiques de M. Malingre, dont 
une intitulée ? Anglererreen miniature , ou précis des 
révolutions Anglaises jusqu'a nos jours , en vers, avec 
des notes historiques. 

L'académie doit à la correspondance qu’elle entre- 
tient avec plusieurs sociétés savantes , outre des pro- 
grammes de prix de l’Académie de Mâcon, de celle 
de Marseille , de celle des jeux floraux de Toulouse, 
avec une notice de la séance publique de cette der- 
nière du 13 Janvier, et un précis de celle du 3 
Mai et un recueil de pièces, un précis analytique 
des travaux de l Académie des Sciences , Belles-Lertres 
et Arts de Rouen , pendant l'année 1810. 


D Rd Sn 


DA LED) EC 


Sur les travaux de l’année 1812. 


PREMIÈRE SECTION. 


PARTIE SCIENTIFIQUE. 


(OBSERVATIONS sur Les météores et les maladies , 
par M. GODEFROY. 


M. GODEFROY a présenté deux tableaux des 
observations qu’il a faites sur les météores et les ma- 
ladies , l’un pour le mois de Janvier 1812 , l’autre pour 
le dernier trimestre de 1811, Le premier de ces ta- 
bleaux est divisé en deux parties, et porte en tête la 
définition de ce qu’onappelle l’année médicale , d'après 
le dictionnaire encyclopédique. La partie supérieure, 
qui a pour objet les météores, comprend cinq co- 
lonnes , dont la première marque 1° le jour du mois 
où a été observée la plus grande élévation du baro- 
mètre, le matin , à midi, et le soir; 2°. le jour 
où a été observée la moindre; 3°. l'élévation moyenne 
entre ces deux extrêmes. La seconde colonne présente 
des observations pareilles sur l’élévation du thermo- 


(&) 
mètre, et la troisième sur celle de l’hygromètre. La : 
quatrième indique le nombre de fois qu’a soufflé le vent 
de chacun des points de l’horison rapportés aux huit 
principaux, et au-dessous, le nombre des jours où 
l'on a éprouvé chacune des différentes températures. 
La cinquième est un résumé de la quatrième , et 
donne les vents dominans et la température la plus 
fréquente pendant le mois. 

La seconde partie du tableau présente les maladies 
observées pendant le même mois, et classées selon la 
méthode du docteur Pinel. Au centre de cette divi- 
sion se trouvent les affections prédominantes , qui 
établissent la constitution parhosique , laquelle réunie 
avec la constitution zzéthéorique par une accolade, 
compose le mois médical, d’après la définition don- 
née pour l’année médicale. Dans une colonne d’ob- 
servations se trouve ce qu’il y a eu de plus marquant 
dans l'atmosphère , et ce que les maladies ont-pré- 
senté de particulier relativement aux complications et 
au traitement. On y voit aussi quels médicamens 
ont eu le plus de succès, non seulement pour les af- 
fections primitives | mais encore -pour les complica- 
tions. 

Le rabl:au synoptique des observations faites pen- 
dant le dernier trimestre de 1811, est dressé dans 
la même forme. Les indications relatives à chacun 
des trois mois d'Octobre, Novembre et Décembre 
sont résumées pour former le trimestre médical. 


(63) 

M. Godefroy a fait remarquer que pour expri- 
- mer l’état des météores et des maladies, il s’était servi 
des mots méréorique et pathosique | au lieu de mé- 
téorolegique et pathologique , parce qu’une consti- 
tution n'était point un traité, mais seulement un 
résultat de faits observés. Il a justifié aussi l'emploi 
du terme décompliquer , qui lui a paru le seul propre 
à rendre avec précision l'effet qu’on produit sur une 
maladie en détruisant les accidens qui la compliquent, 
et en la réduisant à un état simple. Comme on dis- 
tingue les maladies compliquées des maladies com- 
posées , il lui a semblé que le mot décomposer ne 
pouvait pas se dire pour les unes et pour les autres, 
parce que ce qui décompose ne décomplique pas. 

M. DE ROUSSEL a présenté à l’Académie un 
Précis des moyens Les plus importans aux progrès de 
l'hygrométrie. I a été conduit à adopter les opinions 
exposées dans son mémoire , surtout par rapport à 
l'évaporation spontanée de l’eau , par une suite d’ob- 
servations et d'expériences qu'il a décrites avec soin, 
et dont il a exprimé les résultats avec précision. Mais 
il a pensé que des faits de cette nature , pour opérer 
une pleine conviction dans l'esprit de ceux à qui ils 
sont transmis , ont besoin d’être examinés par plu- 
sieurs observateurs , pour qu’il ne reste aucune crainte 
d'erreur ou d’illusion. C’est pourquoi il a été nom- 
mé, sur sa demande, une commission chargée d’as- 
sister aux expériences qu’il doit recommencer , et d’en 
rendre compte. 


(64) 


Exposition des effets météorologiques de l'air par M. 
PRUDHOMME. 


Ce Mémoire n’a été composé par M. Prudhomme 
que pour servir en quelque sorte d'introduction à 
un travail beaucoup plus étendu ; et commencé 
depuis long-temps , sur /a cause des vents. Il a pensé 
qu’une courte théorie sur l’ascension de l’eau dans 
Patmosphère, et sa précipitation sous la forme de 
brouillards, de pluies, de grêle, etc. , pourrait être 
très-utile pour l'intelligence des phénomènes dont il 
avait principalement en vue l’explication , et avec les- 
quels ceux-là sont étroitement liés. 

En convenant que les physiciens se sont occupés 
depuis long-temps de rassembler les différens phéno- 
mènes météorologiques, et en ont fait un corps de 
doctrine , notre confrère croit qu’ils ont avancé quel- 
ques principes dont la vérité n’est point suffisamment 
démontrée , et qu’ils en ont oublié d’autres pro- 
pres à jeter du jour sur la matière. Il excepte ce- 
pendant M. Ze Roy , médecin de Montpellier , sur 
les découvertes et les expériences duquel il base la 
théorie qu’il présente, et qui n’est qu’un développe- 
ment de quatre principes reconnus par ce savant , et 
résumés sous forme d’axiomes à la fin du mémoire. 

Suivant 


(6) 

Suivant le premier de ces principes ; l'air est un 
dissolvant de l’eau, c’est-à-dire que les couches in- 
férieures de ce fluide pressées par la masse atmosphé- 
rique sur les pièces d’eau ou les lieux humides , sol- 
licitent les molécules aqueuses à se combiner avec 
elles, ce qui suppose que ces molécules ont moins 
d’affinité entre elles qu'avec le fluide aérien. M. 
Prudhomme assimile cette combinaison de l’eau avec 
l'air, que l’on connaît sous le nom d’évaporation, 
aux solutions ordinaires, telle que celle du.sel dans 
l’eau , et il lui donne pour caractère de ne point altérer 
la transparence de l'air | qui reste toujours la même, 
jusqu’à ce que la combinaison soit troublée , c’est-à- 
dire , qu'il y ait précipitation et condensation des 
molécules. Cette vertu dissolvante que l'air exerce 
sur l’eau n’est point illimitée. Il vient un instant où. 
il en est saturé au point de n’en pouvoir plus dis- 
soudre ; et l’on conçoit que l’évaporation, à laquelle 
est dû le desséchement quelquefois si prompt des sur- 
faces humides ne produrait que des effets à peine 
sensibles , si la couche d’air en contact avec l’eau 
restait dans le même état et dans la même situation. 
Il faut donc , ou que les molécules aqueuses com- 
binées d’abord avec cette couche inférieure , passent 
dans les supérieures , pour être remplacées par de 
nouvelles, ou que le mouvement du fluide atmosphé- 
rique fasse varier sans cesse la partie de ce fluide qui 
presse sur l’eau. L'auteur du mémoire donne l’une et 


E 


(66) 
l'autre explication. De plus cette même vertu disi 
solvante n’est point uniforme et invariable. Elle dépend 
de la température, non pour son existence absolue 
( car elle a lieu sous toutes les températures, et sur 
la glace et la neige , comme sur l’eau ) mais quant 
à son degré ; ensorte qu’un air chaud dissout plus 
d’eau avant d’en être saturé, qu’un air froid, et 
que par conséquent, si un air entièrement saturé à 
une température basse , vient à être échauffé par une 
cause quelconque , il devient capable de dissoudre de 
nouvelle eau; de même que celui qui est saturé à une 
température élevée , s’il vient à se refroidir, se trouve 
supersaturé et forcé d'abandonner une partie de l’eau 
qu’il tient en dissolution : et c’est surtout à ce der- 
nier effet que sont dus beaucoup de phénomènes mé- 
téorologiques, dont M. Prudhomme expose les prin- 
cipaux. Telles sont les vapeurs qui s'élèvent sur les 
rivières , qui sortent des caves, ou qui se mêlent à 
l’haleine des animaux, et qui paraissent comme une 
fumée, en passant dans un air froid. Telles sont ces 
rosées et ces brumes , où l’on ne doit voir que le 
produit d’un air supersaturé, qui s’est refroidi par 
l'éloignement du soleil. Telles sont les pluies , dont les 
gouttes se forment par le rapprochement des molécules 
précipitées , dû à un mouvement plus ou moins violent 
de l'air et se grossissent en s’unissant à d’autres dans 
leur chute : ce qui fait qu’elles sont plus grosses quand 
elles tombent de nuages plus élevés, comme il arrive 


(67) 
erdinairement en été, que quand les nuages sont bas ; 
excepté toutefois dans le cas d'orage, où l’explosion 
électrique doit agiter fortement le nuage, et favo- 
riser le rapprochement des molécules par cette agita- 
tion même, et peut-être aussi en les dépouillant de 
leur électricité, qui les faisait se repousser mutuelle 
ment. Telles sont encore les différentes qualités que 
nous attribuons aux vents qui soufflent du sud et du 
sud-ouest, et à ceux qui viennent du nord, du nord- 
est , et même de l’est, dont les premiers saturés d’eau, 
en abandonnent une partie en traversant nos contrées 
plus froides , tandis que les derniers ont la propriété 
d'en dissoudre, et d'amener par conséquent de la 
sécheresse. La même cause explique aussi ces vapeurs 
dont se couvre une bouteille qui contient de l’eau 
rafraichie avec la glace, et en général tout vase placé 
dans un air plus chaud qu'il n’est lui-même. L'air 
mis en contact avec ses parois extérieurs perd en 
s’y refroidissant une partie de sa force dissolvante, 
et y dépose des molécules d’eau qui s’y condensent. 
I en est de même de ces gouttelettes que l'on voit 
le matin sur les vitres, en dedans des appartemens, 
lorsque c’est l’air du dehors qui est le plus froid ; et 
en dehors, lorsque c’est celui du dedans. Dans ces 
deux cas, ainsi que dans le précédent, les vapeurs dé- 
posées sur une des surfaces du verre pourront même 
se congeler , si l’autre surface est exposée à une tem- 


pérature assez basse, 
Ex 


(68) 

Le degré de la force dissolvante de l'air n’a point 
pour unique cause sa température ; il dépend encore 
de sa condensation ou de sa raréfaction , et c’est lors- 
qu'il est le plus comprimé qu'il peut dissoudre le plus 
d'eau pour arriver au point de saturation. C’est le 
second principe établi dans le mémoire , et confirmé 
pas deux expériences inverses l’une de l’autre. La 
première consiste à soutirer graduellement de l'air 
comprimé sous le récipient d’une machine pneuma- 
tique et saturé d’eau. À mesure que sa densité di- 
minue, on voit sa transparence se troubler , et la 
précipitation de l’eau devenir sensible, d’abord par une 
espèce de brouillard , et ensuite par des gouttelettes qui 
coulent le long des parois. La seconde consiste à in- 
troduire de l'air sous un récipient où l’on a fait le 
vide. Le même phénomène se remarque tant que 
l'air introduit est en assez petite quantité pour être 
extrêmement dilaté et perdre ainsi de son pouvoir dis- 
solvant : l’effet diminue comme sa raréfaction, et 
cesse quand il a repris sa densité. Les observations 
barométriques confirment ce principe , dans lequel 
elles trouvent leur explication. En effet, lorsqu’après 
plusieurs beaux jours, la colonne de Mercure ren- 
fermée dans un tube où l’on a fait le vide, vient à 
baisser, c’est parce que Pair qui pèse sur la surface 
quiest à découvert , est moins dense, puisqu'il exerce 
une moindre pression : il ne doit donc plus être ca- 
pable de retenir toute l’eau qu’il avait dissoute, et il 


( 69 ) 

faut qu'il en abandonne. une partie , sous la forme 
de nuages, de brouillards , ou de brume. Au 
contraire , si après plusieurs jours pluvieux, la co- 
lonne de Mercure s'élève, elle indique que les couches 
inférieures de l'atmosphère deviennent plus compri- 
mées , et acquièrent conséquemment une plus grande 
vertu dissolvante qui doit procurer de la séche- 
resse, 

Ces deux premiers principes concourent l’un et 
l’autre à rendre raison des vapeurs continuelles qui 
se déposent sur les montagnes. Les couches inférieures 
de l'atmosphère poussées contre ces grandes masses 
sont obligées de refluer en haut, où elles éprouvent 
à la fois, et une moindre compression , par la dimi- 
nution de hauteur des colonnes aériennes , et un 
abaissement de température , qui est toujours propor- 
tionnel à l'élévation, double raison pour qu’elles 
se trouvent supersaturées d’eau , et forcées d’en aban- 
donner. Cette eau précipitée sous forme de rosée , 
s’infiltrant dans les fentes et les’ cavités, devient l’a- 
ment des sources , conjointement avec les nuages 
que les vents poussent contre les hauts sommets, 
et qui se résolvent en pluie par l’effet de ce choc, 
ou restent accumulés autour des montagnes par la 
force attractive qu'elles exercent sur tous les corps 
environnans. 

Les deux derniers principes qui peuvent, selon 


M. Prudhomme, compléter l'explication de tous les 
E 3 


(70 ) 

météores aqueux , et qu’il se contente d'exposer , Ont 
que la température de l’air hausse ou baisse , selon 
qu'il précipite de l'eau, ou qu'il en dissout ; et que 
plus l'air tiént d’eau en dissolution , moins il a de 
pesanteur spécifique , quoique chaque colonne exerce 
plus de pression à cause de la plus grande hauteur 
qu’elle a acquise. 

Notre collègue termine son mémoire par la solution 
d’une difficulté tirée de ce qu’à une certaine hauteur 
la transparence de l'atmosphère n’est jamais troublée 
par des nuages, ce qui semble contredire la vertu 
dissolvante attribuée à l’air. Il répond que la quantité 
d’eau que l'air peut dissoudre diminuant , et dans 
un rapport assez rapide , à mesure que l'élévation 
augmente, il est un point où elle est très-peu con- 
sidérable, et qu’à cette hauteur, où l'on n’observe 
plus ni nuages , ni végétation , le froid constam- 
ment excessif n’est point , non plus que la densite ; 
susceptible de variations qui puissent déterminer une 
précipitation sensible. 


Notice sur Les jardins de M. Dumont de Courser, 
sioués aux environs de Boulogne Sur mer, Par 


M. LAIR. 


M. Lair a présenté cette description comme extraite 
de son voyage de Paris & Calais, fait en Octobre 


(7x) 
et Novembre 1811. Un homme qui comme M. Du- 
mont de Courset consacre son temps et une partie 
de sa fortune à étendre et perfectionner la culture 
des plantes , mérite bien que ceux qui ont pu admirer 
de près ses travaux , répètent partout son nom , et 
le proposent à l'estime de tous les amis des sciences 
et de la prospérité commune, 

C'est de Boulogne que M. Lair alla visiter les jar« 
dins de Courset, en passant, à quatre lieues de là, 
par Desvres autrefois Desurènes, dont la singularité 
la plus remarquable est d’avoir dans M. Dezoteux, 
comme Paris dans M. le François , un cordonnier 
auteur d’un recueil de poésies. Cette petite Ville, où 
l'on fabrique de grosses étoffes de laine , est située au 
pied d’une côte , qui fait partie de la chaine circu- 
laire de montagnes interposée entre le haut et le bas 
Bourbonnais , et dont le sommet offre la vue la plus 
intéressante. Le parc de Courset, à deux lieues de 
Desvres, commence sur le revers de la montagne, 
et se prolonge jusqu’au fond d’un vallon où est à 
mi-côte le château , dont il est séparé par une 
prairie. 

En parcourant avec notre voyageur, conduit par 
le maître lui même , tous les principaux détails de 
‘ce beau domaine, on ne sait qu’admirer davantage 
de la multitude de plantes , soit indigènes , soit 
étrangères, qu’il renferme, ou de la rare intelligence 
qui a présidé à leur distribution , et qui offre à la fois, 

E 4 


(72) 

au savant un ordre systématique ; assujetti à la mé- 
thode de Jussieu , à l'amateur et à l'artiste, les com- 
binaisons les plus variées et les aspects les plus agréa- 
bles. Une large allée qui traverse tout le parc, sé- 
pare les jardins potagers et deux grands vergers, qui 
se trouvent à droite en sortant du château , des jar- 
dins de botanique, qui sont à gauche. M. Lair s’ar- 
réta peu aux premiers, ainsi qu’au parc, dans lequel 
il aperçut des prés et des terresen labour , une pépinière 
considérable , un plant de quatre à cinq cents arbres 
résineux , un quinconce de cent mélèzes , et enfin un 
bois de haute futaie, qui sert d’abri contre les vents 
du nord et de l’ouest. 

Les jardins de botanique sont exposés au midi, et 
beaucoup plus étendus en longueur qu’en largeur. 
Outre les bois du parc, des allées de tilleuls , d'ormes 
et de chênes très-élevés , et en quelques endroits des 
palissades en épine et en charmille , garantissent les 
plantes en raison de leur délicatesse , soit des grands 
froids, soit des chaleurs excessives. Ces jardins sont 
en même temps consacrés à des essais de culture, 
à la multiplication des arbres fruitiers et forestiers , 
même à la propagation des végétaux de simple agré- 
ment, M. de Courset s’est particulièrement occupé 
d’acclimater les plantes exotiques, et il est parvenu, 
À force de soin, et en tirant tout le parti possible 
de la disposition de son terrain en pente , à en na- 
turaliser plusieurs, Ici des allées droites sont bordées de 


(73) 


différens genres classés par ordre, et dont chacun 
réunit ses espèces; la les individus de la même fa- 
mille, confondant leurs feuilles et leurs fleurs, pro- 
duisent par ce mélange les tableaux les plus pitto- 
resques. Pour rendre l’esquisse déja très-succincte que 
notre confrère nous a présentée de cette riche col- 
lection, il faudrait à peu près copier son mémoire. 
Je me bornerai à indiquer quelques-uns des objets 
les plus frappans : par exemple, un bosquet toujours 
vert de rhododendrons , de kalmies, d’alaternes, de 
filaria, d’azareros , d’aucubes , au milieu duquel est 
un beau cèdre du Liban entouré d’une épaisse haie 
de chaïmille ; dans une autre enceinte triangulaire , 
un mélèze d’une hauteur considérable, des chassis 
de 120 pieds de longueur , des serres de plus de 160, 
contenant 6 à 7000 pots et 120 caisses, et où se 
trouvent les plantes les plus rares et les plus nouvel- 
lement apportées en France ; un amphithéatre où sont 
rangées les plantes grasses dans la belle saison ; une 
réunion de plantes alpines ; des plates-bandes pour 
les semis en pleine terre; des bassins entourés d’ar- 
brisseaux de terre de bruyère, qu’on trouve dans le 
voisinage ; parmi trois rangs d’arbres résineux , des 
pins du lord Weymouth de plus de soixante pieds 
de haut; un bosquet du printemps, couronné par 
douze tulipiers ; un bosquet de l'hiver, qui contient 
plus de deux cents arbres résineux , et entr’autres des 
sapins argentés qui ont au moins quarante pieds de 


G1à 


haut et cinq de circonférense , quoïqu’ils n'aient été 
plantés qu’en 1790, ce qui semble justifier la pré- 
férence que M. Dumont donne aux arbres verts, 
sous le rapport de l’utilité, 

Les orangers et les citronniers ne sont pas les arbres 
qui abondent le plus dans ce jardin , sans doute 
parce que ce ne sont pas ceux dont la culture a 
le plus besoin d’être encouragée. On y voit un grand 
nombre d’espèces de rosiers, pour lesquels on a 
préféré les positions où le soleil ne donne que la moitié 
du jour, On ne trouve point là de ces ornemens de 
pure vanité ou de caprice, auxquels la raison ne 
saurait assigner de but, comme des montagnes fac- 
tices, des ponts sans eau, des chaumières sans ha- 
bitans. Il n’y a point non plus de murs, et la vue 
n’aperçoit de tous côtés pour clôture que des haies 
et des charmilles, On reconnaît partout que l’utilité 
a été le principal , et l’agrément l’accessoire., Un vaste 
parterre, au bas du jardin , contient neuf cents plantes 
étrangeres herbacées, Près de là, le genre des érables 
d’un côté, de l’autre celui des frênes; plus loin les 
peupliers et les cornouillers ; un quinconce formé 
des genres sulipier, platane , tilleul, aune et bouleau. 
Une prairie assez vaste contient aussi différens genres 
qui y sont disséminés par groupes , et d’autres qui la 
bordent, 

Cet admirable jardin, cité comme un modèle dans 
tous les ouvrages nouveaux sur l’agriculture et Le jar- 


(75) 


dinage, et qui mériterait bien les honneurs d’une des< 
cription méthodique et raisonnée , contient plus 
de dix arpents , et le parc en contient davantage. 
On y cultive, sans les plantes annuelles, plus de 
3600 espèces étrangères , vivaces et ligneuses, de 
toute température, dont la plupart sont très-multi- 
pliées. Le propriétaire , qui l’a formé lui-même, en 
l'augmentant successivement depuis 1784 jusqu’en 
1792, est un ancien Capitaine de cavalerie, Baron 
de Courset , aussi intéressant par ses qualités morales 
que par l'étendue et la justesse de ses connaissances. 
Il a inséré des observations georgico-méteorologiques 
dans les mémoires, pour 1786 , 87 et 88 , de l’an- 
cienne société Royale d'agriculture , dont il était 
membre. Il a aussi des mémoires dans les annales de 
l'agriculture française de MM. Tessier et Bosq, et 
dans le tome XXXVII des réponses a des questions 
difficiles proposées par le ministre en 1799. Mais 
son ouvrage le plus important , qui est le fruit de 
trente ans d'observations et d’expériences, et qu’on 
regarde comme le meilleur en ce genre qui ait été 
publié en France, est son Boraniste cultivateur , dont 
une nouvelle édition en 6 volumes in-8°. contient 
la description de 1400 genres et de 8700 espèces. 
Membre correspondant de l’institut de France et de la 
société d'agriculture du Département de la Seine , M. 
de Courset ne s'occupe pas seulement de jardinage 

mais il cultive encore les lettres, le dessin , et même 


(76) 

la musique, et il jouit en outre de tous les charmes 
dont les tendres soins et les hommages d’une famille 
aimable et chérie peuvent embellir son existence. Tout 
en lui rappellait à M, Lair le caractère , les manières 
et les goûts de M. Moisson Devaux, en qui l’A- 
cadémie , et même notre pays a perdu le cultiva- 
teur botaniste le plus recommandable, tant par les 
talens et les grâces de son esprit, que par la mul- 
titude et la variété de ses connaissances. 

M. Lair a aussi composé et publié une znstrucrion 
sur l’usiliré de la culture des fèves et des pommes de 
terre dans le Département du Calvados. 


Essai sur les thalassiophytes non articulees , par M. 
LAMOUROUXx. 


L'auteur avertit d’abord que pour exprimer par 
un seul mot les plantes marines , il emploie le terme 
de thalassiophytes , dont les deux racines Grecques 
présentent la mêmefignification. Toutes ces plantes 
peuvent être diviséesen deux classes, l’une des tha- 
lassiophytes articulées , l’autre des thalassiophytes non 
articulées. C’est seulement de cette dernière qu’il traite 
dans son essai, en remarquant qu’il est persuadé que 
les divisions qu'il adopte, pourraient s'appliquer à la 
première. Après avoir prouvé dans un mémoire. lu 


(9779 
à la société philomatique, que la tige du fucus digi- 
zatus était formée de quatre parties bien distinctes , 
analogues à l’épiderme, à l’Ecorce, au bois et à la 
moelle des plantes dicoryledones , 1 a été conduit 
par une suite d'observations et de réflexions, à fon- 
der sur ces quatre sortes de rapports la distinction de 
quatre familles de plantes marines, qui comprennent 
toutes les espèces classées par Linné dans les genres 
fucus et ulva. I] en a ajouté deux qui semblent réu- 
nir les thalassiophytes aux polypiers par le facies , 
mais qui en diffèrent par tous les autres caractères, 

Ce n’est qu'avec une certaine défiance que M. 
Lamouroux propose un système tout-à-fait nouveau , 
qui tend à mettre de la clarté et de la précision dans 
une partie de l’histoire naturelle trop peu étudiée 
jusqu’à ce jour, et d’autant plus difficile à bien con- 
naître, qu'il est certain que, dans le règne végétal, 
comme dans le règne animal, les espèces qui ap- 
partiennent à l’empire des eaux, ont des caractères 
bien moins tranchans que les productions terrestres , 
ét pourraient, à deur égard , ,ne paraître que de 
simples ébauches. 

Les six familles de thalassiophytes non articulées 
dont M. Lamouroux présente les traits caractéristiques , 
sont les fzcacées , les floridées , les dicryolées , les ul- 
vacees , les alcyonophytes , les spongophytes. La pre- 
mière , à organisation ligneuse , couleurs olivâtres , 
comprend les six genres fucus , laminaria , osmunda- 


(78) 

cea, furcellaria, acanthicum, chorda. La seconde, à or= 
ganisation corolloide, couleurs rougéatres , comprend 
en tout onze genres , dont trois à feuilles planes , la c/au- 
dea , la delesseria | le chondrus ; huit sans feuilles 
planes, savoir cinq à tiges et rameaux sans contrac- 
tions ni cloisons, le ge/idium , la laurencia , l’'hypnoi- 
dea , l'acanthophora , La fistularia ; et trois à tiges et 
rameaux contractés ou cloisonés, soit en partie , soit 
en totalité, la gigartina , la plocamia , la mertensia. 
La troisième classe, à organisation réticulée et folia- 
cée, couleurs verdâtres, a les quatre genres amansia , 
dictyopteris , diceyola., flabellum. La quatrième, à 
organisation herbacée , couleurs vertes, a les quatre 
genres asperococcus , ulva , bryopsis, caulerpa. La cin- 
quième , à organisation gélatineuse couleurs terreuses 
et la sixième, à organisation spongieuse, couleurs vertes 
très-foncées , n’ont chacune qu’un genre , l’une le 
genre alcynophytum , l'autre le genre spongophytum. 
Tous ces genres sont divisés dans le mémoire en plus 
ou moins d'espèces. Plusieurs des noms que M. La- 
mouroux a composés , tant pour des genres que pour 
des espèces , sont destinés à consacrer la mémoire de 
quelque savant recommandable , ou de quelque ami 
digne de reconnaissance. Un entr'autres , celui de 
la claudea est lhommage d’un fils respectueux en- 
vers un père chéri. 


(79) 


Rapports faits à la première classe de l'institut de 
France sur des mémoires de M. LAMOUROUX. 


L’académie a eu communication de deux rapports 
faits à la première classe de l'institut , l’un dans la 
séance du 19 Octobre 1812, au nom d’une com- 
mission composée de MM. Cuvier et Bosc ; l'autre 
dans celle du 26 Octobre , au nom a’une commis- 
sion composée de MM. Olivier , Lacépède et Bosc. 

Dans le premier, le rapporteur commence par rap- 
peler un mémoire de M. Lamouroux sur la monrée , 
où il la regardait comme le frai du congre , et un 
rapport sur ce premier mémoire , où la commission 
ne partageant pas son avis, jugeait que la montée était 
plutôt le frai d’une des espèces d’anguilles encore 
imparfaitement connues ( telles que le pinperneau ), 
Jl cite ensuite le second travail de M. Lamouroux, 
où prenant pour guide cette opinion de la com- 
mission, il prouve par de nouvelles observations , et 
par les dessins qu’il y a joints, que la montée est 
effectivement le frai de l’anguille pinperneau. La 
classe adopte l’avis de sa commission , d’engager M. 
Lamouroux à publier ce fait, et à suivre ses recher- 
ches sur les espèces du genre anguille (murena de Lin.) 

Le second rapport a pour objet le travail de M. 


(8) 

Lamouroux sur les polypiers coralligènes non entiè- 
rement pierreux. Le rapporteur , avant d'annoncer ce 
travail, présente une courte esquisse des progrès de cette 
étude, et cite lesnaturalistes quis’en sont particulièrement 
occupés. Il fait remarquer la position peu favorable de 
notre collègue , qui n’ayant point voyagé, n’a point 
été à portée d'observer sur le vivant, quoique la 
difficulté de réussir dans cette observation en rende 
le défaut moins fâcheux ; et après avoir donné des 
éloges à son discours préliminaire , pour mettre la 
classe à portée de juger du mérite des genres qu’il 
propose , 1l les compare successivement avec ceux de 
Linnæus et de M. de la Marck. Ces rapprochemens 
donnent lieu à plusieurs réflexions favorables à l’au- 
teur de la nouvelle classification , et à quelques-unes 
qui contredisent son système. Le rapporteur termine 
ainsi : « 

» Tel est l’aperçu des améliorations que M. La= 
mouroux propose d'introduire dans la classe des po- 
lypiers non entièrement pierreux. La collection qu’il 
possède , et qu'il a mise sous les yeux de votre com- 
mission, est fort nombreuse, tant en espèces connues 
qu’en espèces inconnues. Tous l2s genres ont été 
établis sur la nature, et tous ont été vérifiés par elle. 
La classe peut juger, par le petit nombre de remar- 
ques critiques auxquelles le travail de ce naturaliste 
a donné lieu, qu'il a rempli son but aussi parfaite- 
ment que la nature du sujet et la position où il se 

trouve 


(81) 

trouve l’ont permis. Au reste , ce qu’il a soumis à son’ 
Jugement n’est que la première partie d’un ouvrage 
qu'il se propose de rédiger , dont il nous a même 
déjà fait voir quelques parties entièrement rédigées ; 
Ouvrage qui doit contenir le résumé de tout ce qui 
a été écrit sur chaque genre et sur chaque espèce, 
ainsi que la description de plusieurs centaines d’es- 
pèces , dont beaucoup sont très-remarquables. Toutes 
les espèces qui n’ont pas encore été figurées, le se- 
ront; et si les gravures répondent à l'exactitude et 
à la perfection de quelques dessins qui sont déja 
faits, on peut croire que l’étude des polypiers co- 
ralligènes non pierreux deviendra très-facile à nos 
neveux. 

Votre commission est d’avis que M. Lamouroux 
mérite à un haut degré les encouragemens de la 
classe, et que son mémoire est dans le cas d’être 
imprimé, au moins par extrait, dans les mémoires 
des savans étrangers. » 

La classe a approuvé le rapport , et en a adopté 
les conclusions. 


Rapport fait a M. Le Baron Méchin, Prefet du 
Calvados , sur la maladie épidémique qui a désolé 
la commune de Bernières sur mer, pendant lété 
et l'automne de 1811, par M. RaAISiN. 


Ce travail intéressant, non seulement par l'im- 
F 


(82) 

portance de son objet, mais encore par l'exposition 
claire et méthodique qu’il offre, et par les résultats 
qu'il présente, est divisé en cinq paragraphes, dont 
le premier traite de la marche et du caractère de 
l’épidérnie , divisée en trois périodes. Les détails 
dans lesquels notre confrère entre à cet égard ne 
sont pas susceptibles d’extrait, non plus que ceux 
qu'il donne sur le traitement , dans le dernier pa- 
ragraphe. On doit seulement citer deux observa- 
tions générales. La première , que la maladie a sou- 
vent cédé à la fin du second septénaire et a ra- 
rement passé le troisième , chez les malades trai- 
tés à temps, et selon une sage méthode; tandis 
que sa durée a beaucoup varié chez ceux qui ont été 
mal dirigés, ou privés dans le principe des secours 
de l'art, et que chez tous la convalescence a été 
longue , et les rechutes fréquentes ; ce que M. 
Raisin attribue ailleurs, relativement au plus grand 
nombre , à la misère qui a été la suite inévitable de 
la maladie : la seconde, que le nombre des morts 
n’a pas été à beaucoup près proportionné à celui des 
malades, puisqu'il n’a été que de quarante-neuf sur 
environ neuf cents, que plusieurs, dans ce nombre, 
ont succombé à des causes étrangères à l'épidémie, 
et que la mortalité n’a frappé que des enfans et des 
vieillards , à l'exception de dix individus âgés de plus 
de sept ans et de moins de cinquante. 

Dans le second paragraphe , sur la topographie de 


(83) 

Bernières, on voit que cette commune située à quatre 
lieues N.+ N-O. de la ville de Caen , dans une 
campagne plate et presque entièrement découverte, 
est composée principalement de deux lignes d’habita- 
tions, l’une dans la direction du Sud au Nord, et 
l'autre dans celle de l'Est à l'Ouest, de manière à 
former un angle saillant vers le Nord-Ouest , d’environ 
90 degrés. Cette dernière ligne , presque parallèle au 
rivage de la mer, n’en est séparée que par des ma- 
rais formés par l’ancien lit de la Seule, et situés en 
partie au Nord, en partie au Nord-Ouest , et en par- 
tie au Nord-Est. La première est avoisinée à l'Ouest 
par un terran rempli de sources, nommé %s perirs 
marais. Au rapport des habitans du lieu , les proprié- 
taires de la portion des marais située au Nord:Ouest, 
élevèrent , il y a environ trente-six ans, sur le travers 
du lit de la rivière, entre Courseule et Bernières , 
une digue, pour mettre leurs prairies à couvert des 
inondations, et une autre en deçà de la première, 
il y a une dixaine d’années; ce qui a causé la sta- 
gnation des eaux, faute d’écoulement du côté de 
Courseule , et a rendu le desséchement impossible au- 
trement que par l’évaporation due aux chaleurs de 
l'été. 

Le troisième paragraphe offre un résumé , mois 
par mois, de la température de l'atmosphère , de la 
station des vents , et de l’état du ciel, pendant le 
cours de 1811. Le résultat général de ce tableau est 

F 2 


(84) 
que 1°, Le mois de Janvier a été froid et humide ;" 
celui de Février , tempéré et humide; Mars sec et 
tempéré; Avril, Mai, Juin, Juillet, Août et Sep- 
tembre, chauds et secs; Octobre, chaud et humide; 
Novembre, humide et tempéré ; Décembre, froid et 
humide ; 2°. que les vents dominans ont été ceux de 
l'Ouest et du Sud-Ouest pendant les cinq premiers mois 
et pendant le dernier ; et ceux du Nordet du Nord-Est 
pendant les mois de Juin, Juillet, Aoûtet Septembre; 
30. que les vents du Nord et du Nord-Est ont été 
faibles : 40. que dans les mois de Mai, Juin, Juil- 
let, Août et Septembre il y a eu un assez grand 
nombre de jours orageux : 5° que le ciel a été sou- 
vent couvert OU nuageux. 

Le but des observations contenues dans ces trois 
premiers paragraphes est de s’en aider pour parvenir 
à connaître la véritable cause de l'épidémie , et cette 
cause est l’objet du quatrième. L'auteur n'hésite 
point à l’assigner à l'influence délétère des gaz hydro- 
gène sulfuré, phosphoré, ammoniacal, etc. , dégagés , 
à la faveur d’une haute température, des vases qui 
se trouvaient à découvert dans les marais dont il a 
été parlé; et il appuie ‘son opinion sur des preuves 
qui paraissent très-solides. Elles sont tirées de la coin- 
cidence de l'invasion de l’épidémie avec l’époque de 
la chaleur, et de l'accroissement simultané de l’une 
et de l’autre ; de la direction des vents dominans 


pendant toute l’année , qui a été telle, qu'ils arri- 


(8) 
vaient à la commune de Bernières après avoir 
passé sur les marais, dont ils pouvaient ainsi lui 
apporter les miasmes ; du peu de violence de ces 
vents , qui ne souffaient point avec assez d’impétuo- 
sité, pour éparpiller et pousser au loin les gaz dont 
ils étaient chargés, et les laissaient se déposer sur les 
habitations qu’ils rencontraient; enfin des observations 
analogues de M. Godefroy , qui ayant eu occasion 
de voir beaucoup de malades pendant cette épidé- 
mie, a manifesté le même sentiment, et de M. le 
Boucher , qui ayant été envoyé à Bernières il y a dix 
ans par l'autorité administrative , dans une cir- 
constance semblable, n’imputa pas ce fléau à d’autres 
causes. L’influence qu’on a voulu attribuer aux rou- 
toirs est réfutée, et par leur éloignement , et par le 
temps du rouissage, postérieur au commencement de 
l'épidémie. Quant aux fumiers entassés devant les ha- 
bitations , M. Raisin convient qu'ils ont contribué à 
rendre la maladie plus grave et plus dangereuse , et 
il en cite des exemples ; mais en condamnant un 
usage pernicieux ; et qu’une bonne police devrait 
réprimer , il refuse d’y voir la cause principale du 
mal dont il s’agit. Ses preuves sont que le même 
abus existe dans les communes voisines, sans que 
le même effet y ait lieu ; que des habitations propres 
et vastes , éloignées de pareils dépôts , environnées 
même de plantations, et très-favorablement situées , 
n'ont pas été plus épargnées que les autres ; enfin 
F3 


(36) 

qu'on n'avait point observé d'épidémies à Bernières 
avant que l’écoulement des eaux fût arrêté par la 
chaussée élevée il y a dix ans, quoiqu'il y eût alors 
des fumiers comme aujourd’hui, et qu'il y en a eu 
trois depuis cette époque. Si l’on demande pourquoi 
le même effet n’est pas produit tous les ans par la 
même cause, la réponse est qu’il exige deux condi- 
tions essentielles, qui le plus souvent ne concourent 
pas. La première est une chaleur assez forte et assez 
‘continue pour l’évaporation des eaux et le dégage- 
ment des miasmes ; la seconde , une direction cons- 
tante du vent depuis le Nord-Est jusqu’au Sud-Ouest , 
en passant par le Nord. 

Le cinquième et dernier paragraphe est intitulé ; 
craitement et prophilactique. Après y avoir rendu 
compte des moyens curatifs employés aux diverses 
époques de la maladie, M. Raisin propose comme 
le seul moyen préservatif l'ouverture de canaux d’é- 
coulement, qui en conduisant les eaux à la mer, 
procurent le dessèchement des marais ; mais il manifeste 
en même temps la crainte que les habitans, en gé- 
néral peu fortunés, et la plupart appauvris par le 
fléau qui les a affligés , ne soient hors d’état de sub- 
venir par eux-mêmes aux frais de cette opération; 
et que cette commune très-populeuse, et précieuse 
pour la marine, ne restât encore long-temps exposée 
au retour de la même calamité , si le gouvernement 


1. 


( 87) 

ne prennait pas soin de lui rendre la salubrité dont 
elle jouissait autrefois. 

L'auteur du mémoire le termine en faisant l’éloge 
du bureau de bienfaisance, et nommément de M. 
Aubert, l’un de ses membres , et desservant de la com- 
mune , ainsi que de M. Lénault , son vicaire , qui ont 
montré le dévouement le plus courageux ; et en ren- 
dant le meilleur témoignage du zèle et de l’activité 
de MM. Luard et Violard, officiers de santé, qu’il 
avait été autorisé à requérir pour le seconder. Il re- 
connaît que sans les secours en médicamens et ali- 
mens dus à la sollicitude bienfaisante de M. le Pré- 
fet , la maladie aurait .été beaucoup plus meur- 
trière, 


Aperçus physiologiques et pathologiques sur les fonc- 
tions de l'appareil hépatique , par M. DESBOR: 
DEAUX. 


M. Desbordeaux , auteur de deux ouvrages qu'il 
avait précédemment présentés à l’Académie , l'un 
imprimé en 180$ , ayant pour titre, Nouvelle ortho- 
pédie , ou précis sur Les difformités que l’on peur pré- 
venir ou corriger dans les enfans ; autre intitulé Dis- 
sertation sur la cause directe des fièvres, traite dans 
ce nouveau mémoire un objet qui n’est pas moins intés 


F 4 


(88) 

tessant. En partant du principe que l’art médical 
ne peut être basé solidement que sur des connais- 
sances physiologiques bien établies | et que des 
notions obscures ou inexactes sur les viscères, 
mènent inévitablement à des erreurs plus ou moins 
funestes dans le traitement de leurs maladies , il 
pose en fat que l'appareil hépatique et ses fonc- 
tions sont jusqu'ici mal connus ; et c'est à en 
redreser et à en développer la théorie que tend sa 
dissertation. Non seulement les anciens lui paraissent 
n'avoir eu aucune notion exacte sur cette partie de 
notre organisation , et il confirme ce jugement par 
la série de leurs opinions plus ou moins fausses et 
souvent bizarres ; mais même depuis que les progrès 
de la physiologie ont fait abandonner la théorie des 
quatre humeurs , il trouve dans les systèmes plus ré- 
cens du vague et de l'incertitude, et surtout de l’in- 
suffisance. Le sentiment unanime des modernes est que 
l'unique fonction du foie se réduire à la séparation de 
la bile au moyen des capillaires de la veine porte, ee 
que la rate ne fait que contribuer à la préparation de 
cette humeur ; et si quelques-uns ont paru supposer à 
cet appareil d’autres propriétés, ils n’ont du moins rien 
exposé sur ce sujet de clair et de précis. M. Des- 
bordeaux attaque cette doctrine, et entreprend de 
montrer que les viscères dont il s’agit ont d’autres 
fonctions que celles qu’on leur assigne. Comme dans 
toute recherche des objets situés hors la poïtée des sens , 


(3) 

la méthode d’analogie ese , dit-il, Ze moyen L plus 
shr et Le plus direct de découvrir La vérité, il me 
devient indispensable de comparer l’organisation de 
l'appareil hépatique du fatus avec celle de ce méme ap- 
pareil chez l'enfant nouvellement né. 1 présente en 
effet une description du foie et de la rate à ces deux 
époques , en indiquant leur usage, et surtout en fai- 
sant remarquer le volume considérable du foie , le peu 
d’étendue de la veine porte jusqu’aux derniers temps 
de la gestation, et son inaction avant que les capillaires 
artériformes remplacent ceux de la veine ombilicale ; 
et comme dans ses explications, le foie, avant la 
naissance , sert de second filtre élaborateur au sang 
que la veine ombilicale puise dans le tissu spon- 
gieux du placenta, et lui tient lieu de système diges- 
tif, et qu’il sépare l'humeur adypeuse, même avant 
d'offrir la moindre apparence de bile , 1l se croit au- 
torisé à lui assigner des fonctions analogues, après 
la naissance , surtout en considérant que sa texture 
albumino-adypeuse annonce qu’il se répare avec les 
produits de la défécation de la matière crémeuse du 
chyle , qu'ilne change point de conformation , et qu’il 
continue d’avoir une veine artériforme dans la veine 
porte, et un placenta permanent dans la rate, 

La conclusion de M. Desbordeaux est donc que 
le foie ne sert pas seulement à sécréter la bile, fonc- 
tion qu’il ne trouve nullement proportionnée à son 
volume ; maïs qu’il sécrète encore la graisse , et outre 


( 90 ) 

le raisonnement d’analogie tiré de létat de ce 
viscère dans le fœtus , il confirme cetk opinion 
par différentes considérations sur la saveur du paren- 
chyme du foie, sur le rapport de son état avec 
l’embonpoint , et sur des opérations dont le détail 
est peu susceptible d’entrer dans un simple extrait ; 
et il la présente comme propre à jetter un grand jour 
sur plusieurs phénomènes mal expliqués jusqu’à pré- 
sent, et sur un grand nombre de lésions, dont il 
offre la série en indiquant leurs symptômes , leurs 
effets sur le physique et sur le moral, et quelques 
moyens de réparer ces désordres ou d’en arrêter les 
progrès. Ce simple exposé suffit pour faire voir que 
l’objet du mémoire de M. Desbordeaux est d’une 
très-grande importance , puisqu'il tend à substituer 
des notions claires et satisfaisantes à des opinions in- 
complètes et incertaines ; mais que d’un autre côté, 
la solidité de sa théorie ne peut être appréciée que 
par des hommes en état de juger de l’exacti- 
tude des descriptions, des faits et des explications 
dont il s’appuie, et en même temps de la justesse 
de ses conséquences, c’est-à-dire , que par des méde- 
cins qui joignent à une profonde étude de la physio- 
logie les connaissances que procure une longue pratique 
dans l’art de guérir. 

La lecture de ce mémoire a donné lieu à quelques 
observations qui n’ont pu être sufhisamment appro: 
fondies, . 


* 


Co1) 


(Observations sur la jalousie des enfans , par M. 
TROUVÉ. 


f 


L'étude des causes morales dans l'examen des ma= 
fadies a toujours été une partie essentielle de l’art de 
la médecine; mais on ne pense pas assez à rechercher 
une influence de ce genre dans le traitement des en- 
fans ; et la jalousie surtout, très-commune parmi eux , 
est rarement soupçonnée d’être la cause de ces dé- 
sordres inexplicables qui mettent en défaut toute la 
sagacité de beaucoup d’habiles praticiens. Le docteur 
Corvisard dit littéralement que la jalousie est une ma- 
ladie non décrite, peu connue , et pourtant qui 
existe réellement. M. Trouvé , sans prétendre remplir 
cette lacune dans la science médicale, annonce l'in- 
tention de provoquer du moins par quelques observa- 
tions lesrecherches dont cette matière peut être l’objet. 
Il remarque, sans chercher à l'expliquer, le contraste 
qu’offrent la mobilité de volition et l’inconstance or- 
dinaire des enfans , due à la mollesse de leur tissu , 
avec cette disposition opinjâtre qui peut seule ame- 
ner les suites funestes de la jalousie. Il explique la 
nature et les caractères de cette passion , que n’exclut 
point l’âge le plus tendre , et dont on voit des 
exemples dans des enfans encore à la mammelle, et 


(92) 
il appuie sa théorie sur deux faits ; dont il expose 
toutes les circonstances importantes. Le premier con- 
cerne un enfant de 8 à 9 ans, fils unique jusqu’à 
cet âge , pour qui la naissance d’une sœur devint 
une cause de jalousie , qui le conduisit par degrés au 
tombeau, du moins autant qu’il est possiblé d’en 
juger par les différens symptômes et les progrès du 
mal, qui paraissent ne pas laisser lieu au moindre 
doute à cet égard. Le second fait montre aussi le 
même effet de la jalousie dans un enfant de six ans, 
dont la mère, devenue veuve, se remaria et eut 
un autre enfant qu’elle allaita, sans que sa tendresse 
pour le premier en souffrit en rien, L’impression de 
ce sentiment jaloux fut si forte, que toutes les pré- 
cautions et tous les remèdes échouèrent, et qu’il fut 
impossible de sauver le malade. 

En exposant les causes les plus ordinaires de la 
jalousie , sa marche , ses progrès et ses résultats, 
avec quelques réflexions sur les faits rapportés, M. 
Trouvé n’a rempli qu’une partie de la tâche qu'il 
s'était imposée. Il entrait encore dans son plan de 
présenter des vues sur le traitement de cette mala- 
die; et c’est là qu’il fait profession de cette noble 
indépendance qui éleve le médecin digne de sa profes- 
sion au-dessus de cette foiblesse timide, de ces con- 
descendances pussillanimes qui compromettent l’hon- 
neur de l’art. 

On pense bien que dans une maladie toute mo- 
tale dans son principe, on doit, dès qu’on est parvenu 


(93) 
à en découvrir la cause , agir principalement sur le 
moral , et chercher à détruire ce fonds de tristesse et 
de langueur qui fournit les premiers symptômes. Mais 
il est souvent besoin d’une grande sagacité pour re- 
monter à la vraie source , et pour se garantir de toute 
méprise, La précaution que l’auteur conseille comme 
la plus efficace, et même prescrit comme indispen- 
sable dans les cas graves, c’est d’éloigner l’objet de 
la jalousie. Il ne se dissimule pas les obstacles qui 
peuvent s'opposer à cette mesure; mais le médecin, 
dont l’unique but est le salut de son malade, ne doit 
céder à aucune considération. Il doit suivre l’exemple 
d’un des plus célèbres praticiens de l’Europe déjà cité, 
le docteur Corvisard , qui appelé auprès d’une petite 
fille de trois ans, et ayant découvert qu’elle était ja-’ 
louse d’un jeune frère nouvellement arrivé de la 
campagne, prescrivit le prompt éloignement de ce 
rival, et sauva, comme il l’avait prédit, la malade 
menacée d’une mort prochaine. Parmi les autres moyens 
de guérison , il en est de relatifs à diverses mala- 
dies, dont la jalousie peut se compliquer , et qui ne 
doivent point faire perdre de vue l’affection princi- 
pale. Il ne suffit pas, dit en terminant M. Trouvé, 
de faire connaître une maladie , il faut encore selon un 
de nos meilleurs nosologistes, indiquer quel est le 
rang qu’elle doit occuper dans un cadre nosographi- 
que. Celle dont il s’agit ici paraît à notre confrère 
avoir la plus plus grande affinité avec cette mala- 


(94) 


die très-commune aux Suisses qui ont quitté leur 
patrie, et qu’on nomme la nostalgie. Il trouve que 
les causes, la marche, les résultats, la base du trai- 
tement sont les mêmes dans l’une et dans l’autre , et 
qu'elles doivent être regardées comme deux espèces 
du même genre. / 


Recherches sur la sécrétion et sur l'apsorption dès gaz 
dans Les corps organiques ,| par M. THILLAYE, 
associé-corespondant. 


L'auteur à traité cette question en deux mémoires 
dont le second est la suite du premier. Celui-ci est 
divisé en deux chapitres, l’un sur les sécrétions ga- 
zeuses dans les végétaux, l’autre sur les sécré- 
tions gazeuses dans les animaux. Ce dernier cha- 
pitre contient quatre Paragraphes, dont le premier 
intitulé , sécrétions par Ls organes respiratoires , traite 
en cinq articles des poumons, des branchies, des 
trachées aériennes , destrachées aquifères , et de la res- 
piration des animaux privés d'organes spéciaux; le 
second a pour titre sécrétions gazeuses par les organes 
digestifs ; le 3°. sécrétions gazeuses par Les organes 
de la transpiration ; et le 4°. sécrétions gazeuses dans 
Ls animaux pour aider à la natation. Tous les dé- 
veloppemens sont accompagnés de notes nombreuses, 
dont ia plupart servent à indiquer les autorités sur 


(95) 


lesquelles l’auteur s'appuie. Il présente ainsi le résu* 
mé de son mémoire. 

» Il résulte de l'exposé précédent que les végé- 
taux et les animaux sécrètent des gaz ou fluides élas- 
tiques aériformes ; que les gaz reconnus jusqu'alors sont 
l'oxigène, l'azote, l’hydrogêne , et l'acide carbonique; 
que dans les végétaux c'est le gaz oxigène qui est le 
plus abondamment produit ; que le parenchyme vert, 
par l’action de la lumière et de la chaleur solaire , opère 
cette sécrétion; que les autres gaz ne sont produits 
qu’en petite quantité ; que dans les animaux c’est l’a- 
cide carbonique qui est le plus généralement produit; 
que l’existence animale tient à cette formation gazeuse; 
que l'azote superflu de l’animalisation dans l’homme 
est rejetté par la peau ; que certains organes des 
végétaux et des animaux déposent dans leur intérieur 
des gaz de nature différente ; que dans les poissons. 
la vessie natatoire sécrète abondamment des gaz oxi-- 
gène et azote; que le premier de ces gaz est en 
quantité d’autant plus considérable, que l’habitation 
ordinaire de l’animal a lieu dans les endroits les plus 
profonds et réciproquement. 

Le second mémoire est divisé de même en deux 
chapitres , en suivant la distinction des végétaux et 
des animaux. Après avoir considéré les phénomènes 
que présentent la sécrétion et l’absortion des gaz dans 
les circonstances les plus ordinaires , c’est-à-dire dans 
j'état de santé", l’auteur se propose , comme il 


« 


( 96 ) 
enprévient dans un avant-propos , d'étendre lesmêmes 
observations aux différens états d’altération des organes. 
Trapporte à trois circonstances l’état pathologique des 
végétaux, l’éiotement, la panachure , et L1 colora= 
tion qui précède la chute des feuilles ; et c’est la ma- 
tière de trois sections, qui font la division du 1er. 
chapitre. Le dernier est divisé en quatre, dont la 
première a pour objet les altérations causées dans les 
animaux par le tissu muqueux, examiné dans les dif- 
férens organes ; la 2€, les sécrétions gazeuses opérées 
par les membranes séreuses ; la 3°., les sécrétions 
gazeuses opérées par le tissu cellulaire ; et la 49. les 
gaz qui se trouvent dans le système circulatoire sanguin. 
Les couclusions de l’auteur sont » que les différens or- 
ganes des végétaux et des animaux éprouvent dans 
la sécrétion des gaz, des changements qui constituent 
autant d'états pathologiques dépendans de l’augmen- 
tation , de la suppression , ou des changemens de na- 
ture de ces corps élastiques ; que dans l’état d’étio- 
lement des végétaux , et de coloration de leur pa- 
renchyme , lorsque naturellzment il est vert , le gaz 
oxigène n’est plus sécrété; que dans les animaux les 
fonctions respiratoires sont changées par la sécrétion 
des nerfs pneumogastriques , que les poumons ne 
donnent plus de gaz acide carbonique , que le gaz 
oxigène n’est absorbé qu’en petite quantité , que l’es- 
pèce de paralysie qui atteint ces organes est la cause 


is b 
première de ces changemens ; que des effets sem- 
blables 


( 97 ) 


blables s’observent après l’extirpation de la vessie nata- 
toire des poissons, et la section de la moelle épinière 
dans la partie supérieure chez les jeunes animaux ; 
que les organes digestifs sont susceptibles d’être dis- 
tendus par des gaz dont la nature n’est pas toujours 
connue ; que la vésicule du fiel, la vessie urinaire, 
les organes génitaux, les membranes séreuses du cœur, 
des poumons , de la cavité abdominale, la syroviale 
du genou , le tissu cellulaire, contiennent accidentel- 
lement des gaz qui génent leurs fonctions ; que les 
systèmes séreux, synovial, cellulaire , qui ne con- 
tiennent point de gaz ordinairement, peuvent donner 
lieu à leur formation par un état pathologique parti- 
culier, qui change la nature de la sécrétion ; que 
dans le plus grand nombre des circonstances, les gaz 
développés ne sont pas connus. » | 

Un tableau généfal placé à la fin de ce travail pré- 
sente, dans un petit espace , toutes les formations de 
gaz suivant la division des deux mémoires. 

Le même associé-correspondant a aussi adressé à l’A- 
cadémie un mémoire intitulé Essai d’une nouvelle théo- 
rie de la vision à distances variables dans l’homme 
et les animaux ; mais ce travail qui a été lu dans 
une de nos séances, ayant paru mériter un examen 
approfondi , pour être bien apprécié, a été renvoyé 
à l'examen d’une commission , dont le rapport ap- 
partiendra aux travaux de l’année prochaine. 


G 


C8) 


Remarques sur la direction , l’obliquiré et le parallé- 
lisme de certains climats comparés avec les pro- 
ductions végétales et minérales, pat M. GROULT , 
associé-correspondant. 


Dans ce petit écrit, qui n'est qu’une simple note, 
M. Groult rappelle un mémoire qu’il composa à 
l’occasion de celui qui fut publié en 1767 par M. Le 
Vallois sur la disposition intérieure des montagnes. IL 
n’embrassa pas une sphère aussi vaste que le marin, 
qui offrait le fruit des observations faites pendant piu- 
sieurs voyages dans les quatre parties du monde : 
il ne citait que des faits observés par lui-même aux 
environs de Cherbourg, et d’autant plus faciles à vé- 
rifier. Le résultat qu'il avait obtenu était que la di- 
rection des pierres schisteuses , ardoisines , lamelleuses, 
quartzeuses , graniteuses et autres pierres réfractaires ; 
était du Sud-Ouest au Nord-Est, et qu’il avait eu oc- 
casion de remarquer que cette direction se continuait 
dans toute la presqu’ile du Cotentin, et même de 
s'assurer par le témoignage d’un savant de ses amis, 
qu’elle se retrouvait dans l’île de Jersey. Mais une 
singularité qui la frappé davantage, c’est que les dif- 
férens genres de productions végétales suivent cette 
même direction du Sud-Ouest au Nord-Est , au lieu 
de répondre au parallélisme de l'équateur , et il cite 


(99) 


en preuve différentes contrées de la France , telles 
que la Normandie et la Lorraine, la Bréragne et la 
Champagne, où la culture des vignes n’est point en 
rapport avec le climat. Une petite carte de la Presqu lg 
du Cotentin présente quelques couches minérales di- 
rigées selon la théorie adoptée par l’auteur. 


Essai sur la formation des charbons de terre, on ré- 
ponse au WITIE. Programme de L Académie de Caen. 


Ce mémoire, envoyé comme réponse à une des 
questions du programme publié par l'Académie , a 
pour épigraphe : l'amour du vrai est la disposition 
da plus favorable de le trouver. ( Helvétius,.de l'hom- 
me ) La commission chargée de l’examiner, et dont 
M. Nicolas a été le rapporteur , a reconnu d’abord 
qu'il ne remplissait pas les vues énoncées dans le pro- 
gramme , et exprimées en ces termes : guels sont Les 
points du Département, outre le territoire de Lirry , 
qui réunissent au plus haur degré Les caracières géolo- 
giques propres à indiquer l'existence du charbon de 
serre ? Quoique assez étendu, il ne traite cependant 
que des seules mines de charbon de terre de Litry , 
dont il donne une description fort détaillée. Néan- 
moins il a paru aux commissaires que les connaissances 
géologiques dont cet ouvrage offre la preuve, et 
surtout le tableau qui s’y trouve des différens bancs 

G 2 


( 100 ) 


de matières pénétrés par la fouille du puits de re“ 
cherche ouvert à Goville, fournissaient des données 
précieuses pour arriver à la solution directe du pro- 
blème proposé ; et ils ont ouvert l’avis, qui a été 
adopté , de décerner à l’auteur une médaille d'encou- 
ragement, en linvitant à donner suite à son travail, 
pour répondre d’une manière plus satisfaisante à la 
question de l’Académie. Il a été reconnu que ce mé- 
moire avait été composé par M. Gabriël Aimé NOEL, 
ingénieur démissionaire des ponts et chaussées, des 


Académies de Caen et de Cherbourg. 


Ouvrages présentés & l'Académie. 
ges P 


L'Académie a reçu un Annuaire de la socièté d'a- 
griculture et de commerce de Caen pour l'année 1812; 
un écrit imprimé , de M. Guittard , médecin de 
Bordeaux , intitulé, Des passions dans leurs rapports 
avec la médecine ; un autre du même auteur , ayant 
pour titre, Mémoire qui a remporte le prix, au ju- 
gement de l’Académie des sciences, Arts et Bells- 
Lettres de Caen , dans sa séance publique du 3 Juiller 
1811, sur la question proposée en ces termes : Quels 
sont les effets de la terreur sur l’économie animale ? 


des Observations relatives à la ligature du cordon. 


ombilical , par M. Gèrard, docteur médecin de 
Lyon; une description des opérations employées par 
M M. Benjamin Pavie et Gresset, manufacturiers à 


Cros 


Rouen, pour l'extraction de l’indigo indigène, dont 
ils ont envoyé un très-bel échantillon à l'Académie ; 
un Bulletin des sciences médicales , par les membres 
‘du comité central de la société de médecine du Dépar- 
tement de l'Eure, adressé par M. Delarue, Secré- 
taire de cette société et du comité central. Cette 
précieuse association , formée dès 180$, publie deux 
sortes de recueils, l’un sous le titre de Bulletin , au 
commencement de chaque trimestre; l’autre, chaque 
année , sous le titre d’ Annuaire. Dans le premier , le 
comité rend compte , par l'organe de son Secrétaire, 
de la constitution médicale du trimestre précédent , 
des observations qui lui ont été envoyées , et des 
ouvrages nouveaux relatifs à la médecine. Le second 
contient la liste des membres , celle des associés , et celle 
des correspondans , le résumé des constitutions mé- 
dicalés de l’année précédente , les rapports et les 
observations lus dans la dernière séance publique. 
L'Académie, depuis le premier envoi, a reçu deux 
nouveaux bulletins. 


TSF RELEASES OU AUS 


SECONDE SECTION 


PARTIE LITTÉRAIRE. 


LV a Ts a ns ee a ee 7 


Mémoire sur Le livre de Job, par M. CAILLY. 


Crtre dissertation a été présentée par notre collègue 
comme destinée à entrer dans la collection des preuves 
que peuvent fournir , soit les monumens de la nature 
ét de l’art, soit les écrits les plus anciens, pour faire 
remonter l’origine de notre globe au delà de l'é- 
poque qu'on lui assigne communément. 

M. Caiïlly avance d’abord que le livre de Job à 
tous les caractères d’une haute antiquité. Il commence 
par rapporter à l'appui de cette opinion une thèse 
soutenue en Sorbonne en 176$ par M. l'abbé Cons- 
tant dela Molette, vicaire-général de Vienne, quiprétend 
que ce livre est bien antérieur à tous les livres, tant 
sacrés que profanes , qui existent, sans même en 
excepter le Pentateuque. L'auteur de cette thèse tire 
ses raisons du silence absolu que garde le livre de 
Job sur les prodiges les plus frappans, tels que le 
passage de la Mer Rouge et du Jourdain, la manne, 
etc., dont tous les livres sacrés écrits parMoyse ou 
depuis lui font mention; en second lieu de différens 
passages et surtout des discours des amis de Job, 


(103 ) 


Sophas et Eliphaz, qui prouvent qu’on ne connois- 
soit pas encore l’idolâtrie terrestre, si manifestement 
établie au temps de Moyse, mais seulement l'idoltrie 
céleste, bien antérieure à l’autre ; ensuite de la longue 
vie de Job, qui ne peut pas d’après les faits avoir été 
de moins de 190 ans, longévité inconnue depuis les 
patriarches ; en outre d’une pièce de monnoie appellée 
gesitha, qui paraît n’avoir pas encore été en usage au 
temps d'Abraham ; et de plus, des caractères attribués 
aux constellations de Kiel et de Kesil, quine peu- 
vent être que les Pléiades et le Scorpion ,.et qui 
sont citées comme signes, l’une du printemps et 
l’autre de l’hiver , quoique l’époque où elles répon= 
daïent à ces deux saisons, remonte suivant les cal- 
culs astronomiques à 2136 ans ayant J. C., ce qui 
toutefois n’empêche pas, suivant M. l’abbé Constant, 
qu’elles n’aient pu être citées sous le même rapport 
trois ou quatre cens ans plus:tard; enfin des usages 
et des mœurs tout-a-fait patriarchales de ce temps, 
où l’on ne connoissoit d’autres sacrifices que des ho- 
locaustes , où le chef de famille en était en même 
temps le prêtre et le sacrificateur , où toutes les ri- 
chesses, consistaient en troupeaux. 

M. Cailly, en adoptant les moyens de preuve de 
M. l'abbé de la Molette, en étend beaucoup les con- 
séquences, et croit qu'il y a de la contradiction, 
après tant de caractères d’antiquité découverts dans 
le livre de Job, d’en supposer l’auteur contemporain 

G 4 


(104) 


des fils de Jacob. Pour lui, il n’hésite pas à le croire 
de beaucoup antérieur même à Abraham , dontil ne 
parle nulle part, malgré la grande célébrité de ce 
patriarche et de sa postérité. I juge même que l'Égypte, 
déjà si florissante quand Abraham s'établit dans les 
pays voisins de l’Idumée , n’existait pas encore et était 
sous les eaux au temps de Job , ce qui lui paraît 
pouvoir seul expliquer son silence sur cette contrée. 
Quant à l'opinion qui lui fait regarder l'existence de 
l'Egypte comme postérieure à celle des autres pays et 
comme due aux atterrissemens du Nil, en sorte que 
dans un temps la Méditerrannée ait communiqué avec 
la Mer Rouge, il cite l'autorité d’Hérodote , celle 
d'Homère, suivant lequel l’île du Phare , aujour- 
d’hui contigué à Alexandrie , était située à une journée 
de navigation de l'Egypte, et qui fait naviguer Mé- 
nélas jusque chez les Ethiopiens et les Sidoniens, éta- 
blis d’abord sur les côtes de la mer rouge. Il trouve 
aussi dans les mo numentsobservés par Bruce à Axum, 
la preuve que l'Ethiopie est antérieure à l'Egypte , et 
que c’est elle qui lui a transmis l'écriture hiérogly- 
phique. 

L'auteur du mémoire , après avoir fait valoir tous 
les raisonnemens qui peuvent donner de la force à son 
opinion sur la haute antiquité du livre de Job, ajoute 
qu'il n’a pu être composé que dans un temps où les 
sociétés humaines étaient elles-mêmes déjà très-ana 
ciennes , pour conclure ultérieurement que le déluge 


Cros) | 
universel remonte beaucoup au delà du terme où le 
fixent la plupart des chronologistes. C’est par le texte 
même de l'ouvrage qu’il prétend établir cette se- 
conde proposition; et il voit dans de nombreux pas- 
sages, dont il a rapporté plusieurs fragmens , la 
preuve incontestable que les peuples de l'Arabie, dès 
le temps de Job, connoissaient depuis long-temps lé- 
criture en lettres, qui n’a dû suivre que de bien 
loin l'écriture hiérologlyphique ; que les astres étaient 
connus et distingués par des noms propres, et qu’il 
existait un système d’astronomie, qui ne paraît sus- 
ceptible d’être établi que sur l’observation de révolu- 
tions longues et nombreuses ; que l’agriculture et les 
arts qui y tiennent, étaient parvenus à un degré de 
perfection qu’on ne peut supposer chez un peuple 
nouveau ; que les mines étaient découvertes et exploi- 
tées , que les arts du luxe étaient en vigueur; que 
les relations commerciales étaient très-étendues ; qu'en 
fin tous les vices avaient fait des progrès , il y avait 
eu des etats bouleversés | des trônes renversés, et un 
grand nombre de ces vicissitudes politiques qui n’en- 
trent que dans l’histoire des peuples vieilliss et la 
manière même dont’ Job s'exprime dans un endroit 
qui paraît faire allusion au déluge, semble signifier 
qu’il s'était écoulé bien des siècles depuis cette grande 
catastrophe. 

M. Cailly termine par quelques considérations 
littéraires sur le livre de Job, et cite cet éloge qu'en 


( 196 ) 

fait Madame Victorine de Chastenai dans son excellent 
ouvrage du génie des peuples anciens. | 

« On voitbriller dans ce poëme les plus fortes affec- 
tions de l’âme , les mouvemens les plus rapides de la 
douleur , de la colère et de l’indignation. Il:est semé 
d’une grande variété de penseés et d'images. On y 
voit une belle peinture des mœurs : les figures, des 
métamorphoses hardies y sontmultipliées; on y.trouve 
des descriptions élégantes et appropriées aux choses. .… 
ÆEnfin le poëme de Job lemporte sur les autres 
poëmes des Hébreux par la disposition du sujet, et 
ne le cède à aucun'par l'élégance, la sublumité , la 
richesse de l’expression. » 


Observations sur Le livre de Job, par M. 
BELLENGER. 


Le but de cette dissertation, comme l’auteur l’an- 
monce dès le commencement, est de répondre à 
quelques objections contenues dans le mémoire de M. 
Cailly sur le même sujet. » Job est-il un person- 
nage réel, ou n’est-il qu’un personnage fictif ? à quelle 
époque a-t-il existé ? faut-il le placer dans l’âge des 
patriarches ? est-il ante-diluvien ? remonte-t-il jusqu’à 
Adam ? le devance-t-il même ? et de quels traits in- 
sérés dans le livre qui porte son nom, peut-on con= 


(107 ) 


clure que le monde a une origine bieh plus ancienne 
que celle qu'on est en possession de lui attribuer >» 
Telles sont les questions que M. Bellenger croit devoir 
examiner succinctement, pour éclaircir un point de 
critique qui lui paraît avoir un autre objet que ce- 
lui de la curiosité; comme tenant à un ensemble ‘de 
faits qui sert de base à l’histoire et à la religion: Voici 
le résultat sommaire de cet examen. 

19, L'existence de Job ne peut être révoquée en 
doute. Il est tellement caractérisé dans le livre qui 
porte son nom; son pays, ses domaines , la nature 
et la quantité de ses bestiaux ; ses voisins et leurs 
possessions, le nombre de ses:enfans et:les divers ac- 
cidens qu’ils éprouvent , y sont tellement circonstan- 
ciés, qu’on ne peut rapporter des détails si précis à 
un personnage purement allésorique. D'ailleurs des 
textes formels de l’écriture, par exemple de Tobie, 
qui se le propose comme un modèle de patience , 
d’Ezéchiel, qui le compare à Noé:et a: Daniel pour 
sa justice, de Saint-Jacques même, qui dans son 
épitre assure que Dieu pour le récompenser lui rendit 
plus qu'il n'avait perdu par ses malheurs , sont autant 
-de nouvelles preuves :de :son existence, qui n’a ja- 
mais été contestée ni par les Rabbins ni par les pères 
de PEglise, 20, Job est communément regardé comme 
contemporain de Moyse. Il se trouve comme lui 
éloigné d'Abraham de quatre générations, en ap- 
pliquant à Job le nom de Jobad, cité au premier 


( 108 } 
chapitre du 1er. livre des Paralipomènes. On objecte 
le silence qu’il garde sur les livres du Pentateuque et 
sur les grands événemens qui y sont décrits, pour 
en conclure avec M. l'abbé Constant de la Mo- 
lette, qu’il est antérieur à Moyse. On prouverait de 
même , en retournant l’argument , que non-seulement 
les cinq livres du Pentateuque , mais encore ceux de 
Josué, des Juges etc., sont antérieurs à celui de Job, 
puisqu'ils n’en font aucune mention; en admettant 
même la conséquence de l'abbé de la Molette, il s’en 
suivrait uniquement que l’auteur du livre de Job 
aurait écrit avant Moyse, ou au moins vers le même- - 
temps, et nullement qu'il fallüt rapporter le héros 
de ce livre à une antiquité bien plus reculée, ainsi 
qu’on prétend le faire dans le mémoire réfuté, et 
placer son existence à une époque antérieure à celle 
qu’on fixe pour le déluge, ou même pour la création; 
puisque depuis Adam jusqu’au déluge on compte 
‘2,656 ans , et depuis le déluge jusqu’à Moyse $ 13 anse 
Mais le raisonnement lui-même peut être rejetté. 
Job , quoiqu’adorateur du vrai Dieu, ne vivait point 
sous la loi de Môoyse. Qu’importait à un Arabe une 
collection de livres qui lui étaient entièrement étran- 
gers ? Cependant ce prétendu silence sur les faits ra- 
contés par Moyse peut être contesté. La création, le 
déluge , l’'embrâsement de Sodôme y sont clairement 
énoncés, selon de savans interprètes ; et même Va- 
table et Dom Calmet ont prétendu trouver dans le 


( 109 } 


12€. verset du chapitre 26 une allusion au passage 
de la mer rouge. La difficulté tirée du mot kesicha 
attribué à une pièce de monnoie, disparaîtra si l’on 
admet que ce mot peut signifier également une bre- 
bis , puisque ce sens peut se lier aussi bien que l’autre 
avec le contexte. Or la Vulgate le traduit par ovis , et 
Vatable avoue que cette traduction est exacte, quoi- 
que lui-même ait rendu ce mot par Pecunia. Les 
textes appliqués aux deux constellations des Pléiades 
et d'Orion présentent une difhculté plus grave. M. 
Bellenger se borne à dire que Job n’a voulu par là 
que prouver la puissance de Dieu , et il remarque 
que cette difficulté est absolument insoluble dans le 
système qui reporte l'existence de Job à des temps 
inconnus , puisque le raisonnement tiré de ces cons- 
tellations conduirait à une époque déterminée. Ici se 
termine la première partie du mémoire. 

Dans la seconde, l’auteur continue de réfuter les 
preuves ou les inductions qui font supposer l’existence 
de Job bien antérieure au temps même d'Abraham. 
L'ouvrage , a-t-on dit, ne pourrait manquer de faire 
mention de ce patriarche si célèbre dans le voisinage 
de lIdumée, s’il lui était postérieur, et il y serait 
infailliblement parlé de l'Egypte déjà si florissante à 
cette époque. Il faut donc admettre qu’au temps 
où le livre de Job a été composé, non-seulement 
Abraham n’avait pas encore existé, mais l'Egypte 
même était encore sous les eaux, au moins quant à 


( 110 ) 


sa partie basse, qu'on prétend avoir été formée des 
alluvions du Nil. M. Bellenger ne se borne pas à dire 
que ce ne sont là que des argumens négatifs, aux- 
quels on pourrait se dispenser de répondre ; il en- 
treprend encore de les réfuter directement, Selon lui, 
tout ce que Job aurait pu dire d'Abraham avait si 
peu de rapport avec le triste sujet de son poëme ; 
que l’on ne voit pas comment il aurait fait entrer 
dans le récit. de ses douleurs des détails relatifs à ce 
personnage opulent et célèbre , qui lui était entière- 
ment étranger, 

Quant à l'Egypte, toute la force de l’objection 
repose sur le sentiment qui fait regarder la se 
Egypte comme une alluvion du Nil, et il s’en faut 
beaucoup que ce sentiment soit solidement établi. Il 
est refuté ici d’abord par l'autorité de Freret , qui 
dans une dissertation lue à l’Académie des inscrip- 
tions le 15 Novembre 1742, examine l’apinion com- 
muniquée à Hérodote par les prêtres de Memphis , 
sur l'élévation progressive du sol de l'Egypte , et 
montre que suivant leur supposition il autoit dû s'é- 
lever depuis Hérodote de 22 coudées, ou environ 30 
pieds ; ensuite par un raisonnement tiré de l'effet ordi- 
naire et naturel des débordemens, qui ne portent 
pas sur les terres inondées le dépôt limoneux qui 
forme les atterrissemens, mais en déposent la partie 
la plus grossière dans le canal du fleuve ou du tor- 


C'xrei) 


rent débordé , dont le fond s'élève d'année en année , et 
nécessite l’exhaussement successif de ses bords. 

Le passage de l’Iliade d’Homère , qui place à une jour 
née de navigation de l'Egypte, l’île du Phare , au- 
jourd’hui contigué à Alexandrie , est aussi discuté par 
M. Freret, qui montre que l'ile du Phare et le port 
d'Alexandrie sont éloignés de plus de trente lieues 
du bras Canopique , et qu'avant qu’Alexandre eût 
fait bâtir la Ville de son nom, il n’y avait aucun 
canal qui portât les eaux du Nil de ce côté-là. Il faut 
ajouter qu’une partie de la côte entre l’île du Phare 
et le Nil, forme un Cap assez élevé, rempli de ro- 
chers qui ne peuveut être un produit du limon dé- 
posé par le fleuve. Mais une solution plus péremptoire, 
est celle que fournit le savant Paulmier, en dé- 
montrant que dans l’endroit d’Homère dont il s’agit, 
le nom d'Egypte, Airrnros, ne s'entend pas du 
continent de l'Egypte, mais du fleuve du Nil. 

Les dernières inductions tirées du livre même de 
Job, ne tendent pas directement à établir l’antiquité 
de ce livre, mais celle du monde, au temps où il 
a été composé. La mention qu'il fait des objets qui 
tiennent au luxe et aux progrès des arts, surtout de 
l'agriculture , des observations astronomiques , des 
relations commerciales , des révolutions politiques, 
indique des sociétés déjà vieillies ; et s’il était reconnu 
que Job est de beaucoup antérieur à l'époque qu’on 
Jui assigne, il deviendrait nécessaire de reculer celle 


(112) 

des premières sociétés, et par conséquent celle du 
déluge qui les a précédées. Le fond de la réponse 
qu’on fait à toutes ces objections consiste à détruire 
la seule supposition qui puisse leur servir de fonde- 
ment. On a imaginé une interruption absolue entre 
les connaissances qui ont précédé le déluge et celles 
qui l’ont suivi, et l’on a assimilé le monde réparé 
par la famille de Noé à un monde formé de nou- 
veau. Mais si l’on considère que les progrès dans 
l'agriculture et dans tous les arts ont dû être très- 
rapides dans les premiers temps , que la longévité 
des hommes, en facilitait extrêmement la propaga- 
tion, et que Noé et ses fils ont pu verser dans les 
nouvelles générations humaines ce riche dépôt des 
connaissances acquises dans l’état le plus privilégié , 
il ne sera plus permis d’argumenter de la lenteur 
avec laquelle l’état social se perfectionne chez un 
peuple nouveau et entièrement abandonné à lui 
même : C’est par cette réflexion que M. Bellenger 
termine son mémoire. 


Notice sur M. Le Clerc de Beauberon, par M. LAIR. 


M. Lair a communiqué à l’Académie une notice 
historique qu’il a composée sur feu M. François- 
Nicolas Le Clerc, professeur de théologie de l’an- 

cienne 


C:13) 
‘cienne université de Caen, et qui est destinée à 
entrer dans une nouvelle édition qu’il prépare d’un 
ouvrage appartenant à l’histoire de cette ville. On 
voit dans cette exquisse un contraste peut-être plus 
remarquable que le mérite même de celui qui en est 
le sujet , et qui paraît avoir surtout frappé M. Lair. 
M. Le Clerc offrit dès sa première jeunesse l’exemple 
d’un phénomène qui sans être inoui , est du moins fort 
extraordinaire ; c’est le passage d’une extrême inaptitude 
pour tout ce qui dépend des facultés de lesprit et surtout 
de la mémoire , aux dispositions intellectuelles les plus 
heureuses, à la suite d’un violent coup de marteau 
sur la tête, dont il pensa mourir. De brillantes 
études , une chaire de théologie à l’Université, qu’il 
obtint en sortant de dessus les bancs, remplie avec 
une grande distinction pendant 49 ans , une vaste 
érudition dans les matières qui étaient l’objet de ses . 
études , le talent de discuter et celui d'écrire, sur- 
tout en latin , prouvé par des harangues de divers 
genres , et principalement par son traité en deux vo- 
lumes in-80. De homine lapso et reparato , qui lui 
valut les éloges de quelques journalistes et celui même 
du Pape; un caractère de sagesse et de modération 
dans la discussion , une grande simplicité de mœurs , 
une vie régulière, une âme bienfaisante , les dignités 
académiques et des places honorables dans l’église : 
voilà les fondemens de la considération dont il est 
certain que M. Le Clerc n’a cessé de jouir jusqu’à 


H 


( 114 

la fin de sa vie. L'auteur de la notice oppose à ces 
titres d'estime, une ignorance presque abselue sur 
tout ce qui était étranger à la théologie, et qu'il 
faisait principalement remarquer par une crédulité 
vraiment étrange dans un homme renommé pour 
ses lumières dans une science de l’ordre le plus re- 
levé ; une vanité puérile , dont il convenait lui- 
même, et qu'il se reprochait sans pouvoir la vain- 
cre, ni s'empêcher de repousser quelquefois les at- 
teintes qu’elle recevait, par des épigrammes dont la 
malice contrastait avec sa bonhomie habituelle ; une 
manie de faire des mariages , qui l'aveuglait sou= 
vent sur les convenances , et dont les suites ne ré- 
pondaient pas toujours à ses bonnes intentions. Au 
reste tout homme sage refusera d’ajouter foi à une 
foule d’añecdotes et de traits de' naïveté tout-à-faif 
ridicules , que des gens frivoles se sont plu à répé- 
ter sur M. Le Clerc, et qui ne s’accordent nullement 
avec lestime générale dont jouissait ce fameux théo- 
logien. 


Mémoire sur l'origine de la langue française, pa 
M. LABBEY DELAROQUE. 


M. Delaroque pose en principe que le celtique et 
le slavon peuvent être regardés comme les langues 


(us) 

mères de toutes celles qui sont usitées aujourd’hui en 
Europe, et dans lesquelles ces deux idiomes se trou- 
vent diversement mêlés avec le grec et le latin..« Le 
russe, dit-il, est le slavon, combiné avec le celti- 
que et le grec moderne : dans le polonais , il est 
mêlé de celtique et de latin. Les langues de l'Espagne 
tiennent beaucoup du slavon , dont la langue des. 
Gots était un dialecte ; il y reste aussi des traces de 
celtique : cependant le fond en est le latin, mêlé 
de mots arabes , auxquels elle doit surtout sa majesté. 
L'anglais n’a point de caractère distinctif, parce qu'il 
les a tous; et lorsque l’expression lui manque, il 
choisit librement dans les autres langues le mot qui 
lui paraît rendre le mieux sa pensée. L’italien a pris 
_de tous les anciens idiomes ce qu'ils avaient de plus 
harmonieux ; et cet heureux choix a produit la langue 
la plus sonore, la plus flexible, la plus douce, la 
plusriche, la plus énergique, la mieux cadencée, et 
la plus pittoresque peut-être de tout l'Univers , Arabe 
excepté. » 

L'auteur admet que la langue celtique était come 
mune à tous les peuples Gaulois, et que si César les di- 
vise en trois grandes portions différentes pour le lan- 
gage, ( ki omnes lingué différuns ) À ne faut l’entendre 
que d’une différence de dialecte, suivant Strabon qui 
dit formellement : eddem non ‘usquèquaque lingu& 
utuntur omnes , sed paululim variati. Cette opinion 
est confirmée par l’état politique de ces peuples, qui 

H 2 


( 116 ) 

formaient une espèce de fédération , et tenaient des 
assemblées générales pour y discuter les intérêts com- 
muns , ainsi que par la réunion des Druides, une 
fois l’année , auprès de Chartres, pour y rendre la 
justice à tous ceux de la nation qui s’adressaient à 
eux : ce qui suppose un langage uniforme , ou au moins 
peu différent. Elle l’est encore par la conformité de 
terminaison des noms propres dans toute l'étendue 
des Gaules. M. Delaroque cite aussi quelques faits fa- 
vorables au sentiment de l’'illustre Bochart et de plu- 
sieurs érudits , qui regardent le patois Bas-Bréton 
comme un dialecte de l’ancien celtique. 

Comment cette langue des anciens habitans de notre 
pays a-t-elle été remplacée par la langue francaise ? 
M. Delaroque n’entreprend pas de suivre dans tous 
leurs détails les vicissitudes qui ont amené un pareil ré« 
sultat ; mais il en marque les points principaux. La 
domination des Romains une fois affermie dans les 
Gaules, leur langue s’introduisit bientôt dans les tri 
bunaux , dans les armées , dans la chaire , et fut adop- 
tée par la partie la plus considérable de la nation: le, 
Celtique ne fut plus parlé que par le peuple. La 
conquête des Francs , au Ve. siècle, ne produisit pas 
une révolution aussi complete dans le langage. Il se 
forma du mélange de leur langue germanique ou tu- 
desque , avec le latin, généralement répandu , etbeau- 
coup de mots et de tournures celtiques, un nouvel 
idiome , que dès Je commencement du cinquième 


( H9) 


siècle Sulpice Severe désignait par le mot gallicà, lors- 
qu’il écrivait à Postumien : #4 verd celricè , vel si 
navis , loquere gallicè. Ce qui caractérise particuliè- 
rement cet idiome, c’est le retranchement des ter- 
minaisons latines établies pour la distinction des genres 
et des cas; mais la corruption alla beaucoup plus loin 
dans le 7€. siècle, comme le prouvent les formules 
recueillies par Marculfe. Ce mauvais latin passa du 
langage vulgaire dans les actes, les chartes, aiplô- 
mes, testamens , requêtes et autres pièces qui furent 
écrites sur la fin de la première race de nos Rois; et 
c’est à sa barbarie tout-à-fait choquante que M. 
Detaroque attribue la résolution prise par Charlemagne 
d'établir des écoles dans les cathédrales et dans les 
principaux monastères, pour conserver la pure latix 
nité. La langue tudesque conservée à la cour, s’y 
maintint encore pendant plus de cent ans; mais en- 
fin elle céda à ce mauvais latin du peuple que l’on 
nomuhait la Romane rustique, et qui a produit la 
Romane Française. C’est dans le dixième siècle, et 
vers le commencement de l’onzième, que M. De- 
laroque place le changement le plus notable de ce 
langage, et l’époque où prennant les terminaisons, 
les articles et les tournures de notre langue actuelle, 
ila pu être appelé du français, tandis qu’il n’était au- 
paravant que du latin corrompu. Pour justifier cette 
fixation , 1l cite le serment réciproque fait par Charles 
le Chauve, Roi de France, et par Louis son frère, 
H 3 


( m8) 


roi de Germänie, pour consacrer leur traité d’ai- 
liance de 842, et rapporte les mêmes pièces en ro- 
man du 12€ siècle, en remarquant qu’il est peu dif- 
férent de celui de l’onzième. 


Voici le serment de Louis ( d’après le Nithard, 


manuscrit du Vatican ) adressé aux français en langue 
romane : 


5 
3} 
s+ 
3? 
» 
5 


» 


& Pro deo amur, et pro christian poplo, et nos- 
tro commun salvament, dist di en avant , in quant 
Deus savir et prodir me dunat, si salvara jéo cist 
meon fradre Karlo , et in adjudha, et in cadhu- 
na Ccosa, si cum om per dreit son fradra salvar 
dist, in o quid il ni altre si fazet, et ab ludher 
nul plaid numquam prindrai, qui meon vol cist 
meon frandre karle in damno sit. » 


Le méme acte en français du 12°. siècle. 


» Por dex amor , et por christian pople , et nostre 
commun salvament , de cest jor‘in avant, en quant 
Deus saveir et prooir me done, si salverai jeo cist 
meon frere Karle, et en ajudhe seroï en cascune 
cose, .si cum um per dreit sun freire saïvert dist 
en o kiil me altresi faset, et a Lothaire nul plaid 
n’onques prindrai, qui par mon voil à cist meun 
frere Karle en damne seit, » 


Traduction en français du 16€ siècle, 


» Pour l’amour de Dieu et pour le peuple chré- 


[2 


(Cr) 

» tien et notre commun salut, de ce jour en avant, 
» autant que Dieu m’en donne le savoir et le pou- 
» voir, je défendrai mon frère Charles ici présenit ; 
» et l’aiderai en toute chose ainsi qu’un homme 
» par droit de justice doit défendre son frère, en 
» tout ce qu'il ferait de la même manière pour moi: 
» et je ne ferai jamais avec Lothaire aucun accord , 
» qui par ma volonté porterait dommage à mon 
# frère Charles que voici. » 

» Ainsi conclut M. Delaroque, le siècle le. plus 
décrié par son ignorance, qui ne fut cependant ni si 
profonde, ni si générale qu’on le croit communément , 
le dixième siècle a donné naissance à une des langues 
les plus polies de l'Europe. » La connaissance du bon 
latin était rare ; le latin vulgaire tombait dans le mé- 
pris, et aurait entièremtnt disparu , s'il n'avait pas 
été la langue de la religion. Le roman en profita ; 
ils’introduisit à la Cour , et fut employé par les évêques 
dans les Conciles. Son perfectionnement successif se- 
rait l’objet de longues recherches que l’auteur du mé- 
moire ne s'était pas proposées. 


EE rene er nennsennnes) 


Du madrigal | par M. DEBAUDRE. 


Cette dissertation fait suite à une autre du même 
membre , sur l’épigramme, dont il a été rendu compte 


dans le rapport de l’année précédente. 
H 4 


( 10 ) 

Melin de Saint Gelais, Poëte du commencement 
du XVI siècle , a intitulé Madrigale une seule de ses 
pièces, qu'on regarde comme la première qui ait 
reçu ce nom en français; jusques-là les Madrigaux 
n’étaient point distingués des épigrammes, d’où suit 
Pobservation énoncée en tête du mémoire , que les 
épigrammes de l’anthologie st en général des Poëtes 
Grecs, plusieurs parmi celles de Catulle et même de 
Martial, sont véritablement des Madrigaux. Après 
avoir rapporté deux éthymologies de Ménage , éga- 
lement incertaines , mais qui autorisent l’une et l’autre 
à regarder le Madrigal comme un poëme galant at- 
tribué dans l’origine aux bergers amoureux, M. De 
Baudre le définit : wne pensée qui respire le senti- 
ment; un trait que l’on aiguise avec une délicatesse 
remplie de grace, dans un style doux , harmonieux , 
ec précis. Il confirme sa définition par ces deux vers 
de l'Art Poétique : 

Le Madrigal est simple et noble dans son tour , 

Respirant la douceur, la tendresse et l'amour. 

Et il ajoute peu après, comme une observation qui 
peut-être n’a jamaisété faite , parce qu’on n’a point ap- 
profondi ce genre , que le Madrigal n’est pas seu- 
lement l'expression de l’amour , mais l’expression du 
sentiment. En admettant que sa pointe ne doit pas 
être aigüe comme celle de l’épigramme , il trouve 
trop rigoureux le précepte de le Batteux , adopté par 
l'Encyclopédie , qui n’y admet de piquant que ce qu’il 


( 122 ) 

lui en faut pour n'être pas fade. Ce n'est pas seu< 
lement dans les pièces qui en portent le nom, ou 
au moins qui sont présentées sous le titre d’épigram- 
mes dans plusieurs Poëêtes, comme Marot, que M. 
De Baudre trouve des madrigaux : selon lui, ce 
genre admis dans la bonne compagnie , embelli des 
atours d’une élégante poésie , et qui n’exclut pas 
même l’admiration, est monté sur le théâtre, et se 
distingue dans le dialogue et dans les ariettes de nos 
galans faiseurs de tragédies et de comédies lyriques ; 
sans affirmer qu’il doive toujours être confondu avec 
le compliment de société , 1l paraît croire que celui- 
ci est un Madrigal , lorsqu'il ne renferme qu’une 
pensée. Il en est de même des épitaphes et des vers 
faits pour être mis au bas des portraits ; et ce poëme 
moins enjoué que sérieux, peut s'étendre aux mord- | 
lités et même aux reproches , qui ont le sentiment 
pour objet. Quant à la longueur du Madrigal, Pau- 
teur du mémoire regarde dix ou douze vers comme 
le terme qu’on ne doit pas excéder , quoique quel- 
ques-uns aillent jusqu’à seize ou dix-sept. Pour les 
Madrigaux en prose, ils ne jouissent pas, dit-il , 
d’une grande faveur, et annoncent des complimens 
d’une fade galanterie. Il cite parmi nos Poëtes dis- 
üngués dans le genre du Madrigal, Marot, Jean 
Berthaud de Caen, devenu Evêque de Sées, Ben- 
serade y M. de la Sablière, Madame et Mademoi- 
selle Deshoulières, et outre un assez grand mombre 


a 


( 122) 


d’autres , Ferrand , Rousseau et surtout Voltaire. Entre 
plusieurs auteurs vivans, il ne nomme que M. de 
Boufflers. Le mémoire au reste est rempli d’une quan- 
tité de citations, dont chacune a du rapport avec 
le précepte exposé, ou devient l’objet de quelques 
remarques ; et il est terminé par un Madrigal de M. 
De Baudre lui même, qui en a composé beaucoup 
d’autres. » J'ai peint, dit-il, le ruisseau qui m'a vu 
# naître, J'ai chanté le petit bois où j'allais souvent 
» goûter le charme de l'étude et fuir les atteintes de 
» la persécution. C’est un souvenir mélancolique , 
» une opposition gracieuse, une sensation délicate ; 
# et ces pensées n’appartiennent pas moins au Ma- 
# drigal que les complimens de galanterie, puisque 
# l’on range dans la classe des madrigaux toutes les 
# petites pièces qui se terminent par un trait de 
# louange ou de sentiment. » . 

Le genre du madrigal et celui de lépigramme 
ne sont pas les seuls dont M. Debaudre ait parti- 
culièrement étudié la nature et les règles : il s’est 
surtout adonné aux contes en vers; et il en a un 
recueil assez considérable | dont une partie a déjà 
été communiqué à l’Académie dans plusieurs séances. 
Il a aussi composé un grand nombre de fables, et 
d’autres pièces-de vers de différentes espèces. 


nn 


(123) 


Sur quelques bons et vrais philosophes ; par M: 
TousTAIN de RICHEBOURG. Avec ces trois 
épigraphes : 


Philosophia catechismus ad fidem. St CYR 


Melior est profectd humilis rusticus qui Deo servir, 
quam Superbus philosophus qui , se neglecto , cur- 
sum cœli considerat. Amitat. Lib. 1 C. 2. 


Initium sapientiæ timor. Domini. Ps. 110: 


M. de Toustain annonce en commençant le des- 
sein de concilier les principes de la philosophie avec 
les maximes de la religion, de montrer aw’on peut 
estimer la première sans offenser la seconde , et être 
entièrement soumis à la seconde sans condamner la 
première ; et que c’est en les entendant mal, qu’on 
les juge opposées. Pour ne laisser aucun doute sur 
l'esprit dans lequel il prétend établir cet accord, il 
fait la profession de foi la plus formelle | et déclare 
sans ambiguité qu’il ne reconnait point de vraie phi- 
losophie hors de l’orthodoxie chrétienne, et que la 
sagesse des payens lui paraît n’avoir de bon que ce 
qui la rapproche de la foi, et être nécessairement 
imparfaite, faute d’être appuyée sur cette base, 


(124) 

C’est principalement , et presque exclusivement ; 
sur Pythagore et Platon que roule l’apologie entre- 
prise par l’auteur. Il a soin, comme pour s’autori- 
ser à faire leur éloge, d'appliquer à leurs prosé- 
lytes les reproches que quelques saints personnages 
peuvent avoir faits à leur doctrine , tels que ceux que 
le grand Bassuet adresse à la philosophie Platonicien- 
ne, et qui ne regardent réellement que les Plotin ; 
les Porphyre, les Hiéroclès et les autres qui l'ont 
défigurée. Il fortifie cette justification par un grand 
nombre de témoignages cités dans le cours du mé- 
moire ; et 1l oppose à l’inconcevable oubli du nom 
de Platon dans le vaste répertoire alphabétique de 
Bayle , l'honorable mention que font de lui le père 
Paulian , qui consacre également à Pythagore un ar- 
ticle dans son dictionnaire de physique , le marquis 
de Saint Aubin, dans sen traité de l’opinion, Tho- 
mas , dans son essai sur les éloges, et surtout Laharpe 
dans le 3°, tome de son cours de littérature , sans 
parler des hommages que lui rendent Fénélon, Bos- 
suet et Rollin, tout en déplorant les taches inhé- 
rentes au paganisme. Les ouvrages dont il rapporte 
les passages , sont particulièrement le Génie du chris- 
tianisme , le Traité des études de Rollin , les Carac- 
tères de la Bruyère , le Petit carême de Massillon , 
et le 8°, Livre de la cité de Dieu de Saint Augus- 
tin, dont un extrait, pris dans le 3°. tome de la 
bibliothèque ecclésiaftique de Dupin, lui paraît le plus 


LG URS 
illustre de tous les témoignages à la gloire du philo- 
sophe Grec. 

Pythagore et Platon sont, au jugement de M. de 
Richebourg , les deux philosophes qui ont fait le plus 
d'honneur à la raison humaine privée des lumières 
de l’évangile, et dont les connaissances approchent 
le plus de celles qu’on ne peut devoir qu’à la révéla- 
tion. Les rapports qu’il trouve entre leur doctrine et 
celle de nos plus illustres docteurs sur plusieurs points 
essentiels ne lui paraissent pas même dus à la seule 
force de leur génie ; et il adopte comme l'explication 
la plus plausible de leur prééminence en métaphysique 
et en morale sur tous les philosophes profanes , la 
communication que Dacier et plusieurs autres ont 
supposé qu'ils avaient eue de quelques parties de l’é- 
criture sainte, Suivant les conséquences de son sys- 

tème, le quartenaire de Pythagore et les attributs , 
allégories et symboles qu’il y a joints , sont tirés des 
quatre lettres qui forment en Hébreu le nom de je- 
hovah , ou plus régulièrement eco , d’après la gram- 
maire de l’Advocat ; et il remarque comme une sin- 
gularité bien favorable à cette conjecture , qu’il entre 
également quatre lettres dans les mots Grecs @xox et 
ZEUZ, dans le latin Deus, le français Dieu, dans 
les mots altérés Jafé, Jobe, Jove et deux cas du 
nom Jupiter. « N’est-il pas vraisemblable , ajoute-t- 
» il, que la vue de cet adorable nom inscrit par les 
» juifs au milieu d’un triangle, ait suggéré l’emblêrge 


(21269). 

triangulaire que Platon , grand imitateur et par- 
» tisan de Pythagore, donne à la divinité, em- 
# blême publiquement adopté depuis long - temps 
» par une association non moins connue que ré- 
» pandue, malgré le secret et le mystère de ses 
» travaux et de ses cérémonies ? » Cette supposi- 
tion au reste ne tend nullement à contredire l’abbé. 
Molleville , quant aux preuves qu'il apporte, pour 
établir que ce ternaire, inconnu des premiers chré- 
tiens, n’a nullement influé sur la manière dont l’é- 
glise entend le mystère de la sainte Trinité. 

L'auteur du mémoire est loin de se laisser aveu 
gler par la prévention en faveur des deux grands 
génies dont il établit le mérite. S’il reproche à M. 
Fortia d’avoir inculpé Platon pour défendre Xeno- 
phon, il n’excuse pas davantage M. Dacier d’avoir 
sacrifié la gloire de celui-ci à la défense du premier, 
persuadé d’ailleurs que la mésintelligence entre ces deux 
disciples de Socrate ne tenait qu'à un mal entendu, 
et que c'était moins à eux qw'à qui que cesoit qu'il 
convenait d'appliquer un système d’apologie toujours 
blâmable. Il avoue de Platon ce qu'Horace a dit 
d'Homère , qu'il a quelquefois sommeillé, et qu'il 
a pu adopter quelques rêveries de Pythagore ; mais 
il avertit en même-temps qu’on doit bien se donner 
de garde, pour l’un comme pour l’autre, de prendre 
au pied de la lettre toutes les opinions qu’on leur a 
imputées, Par exemple, il est persuadé que le système 


# 


w 


(127) 


de la métempsycose, tel que le concevait réellement 
le philosophe de Samos, se réduit à cette transmi- 
gration partielle, successive , continuelle et réciproque 
de la matière que reconnaît la physique , et qu’on 
l'a défiguré par-des sophismes , et en confondant 
des opinions qu’il ne faisait qu’exposer , avec celles 
qu'il professait. Quant à la fameuse hécatombe de 
cent bœufs, qui s'accorde si mal avec la modéra- 
tion et le peu de fortune de Pythagore, et surtout 
avec son horreur pour l’effusion du sang , il adopte 
l'explication donnée par M. Gosseaume dans un 
mémoire lu à l’Académie de Rouen, et qui réduit 
l'objet de ce sacrifice à une valeur de cent pièces 
de monnoie qui avaient le nom de #œuf, comme 
nous avons eu au 14°. siècle nos mourons et nos 
agnelets d'or. Il faut également modifier les projets 
politiques de Platon par les restrictions qu’il a 
lui-même exprimées ou indiquées, et qui repous- 
sent la plupart des applications qu’on pourrait en 
faire. Son Atlandide est selon notre correspon- 
dant, une fiction, comme le Paradis terrestre est 
une réalité. Ses idées sur la communauté des 
femmes et les préservatifs d’une trop grande fé- : 
condité , sont le produit d’une saillie ou d’une folie 
| passagère, dont il s’est désisté lui-même, qu'il a 
plutôt exposé qu’adopté, que sen disciple Aristote 
a rigoureueusement combattu , et sur lequel M. 
Groult, son dernier traducteur, a donné un excel- 


( 128 } 


lente notice corrective. La connaissance ou au moins 
une connaissance plus complète des livres saints l’eût 
préservé des réveries de la métempsycose , de la pré- 
existence des âmes , et de son espèce de manichéisme , 
suite naturelle du Polythéisme et d’une tradition al- 
térée de la chute de nos premiers parens. On peut 
opposer à ces erreurs les argumens les plus forts er 
faveur de la providence. Le reproche qui lui a été fait 
d’avoir été parasite de Denys, tyran de Syracuse, est 
réfuté dans le mémoire , ainsi que les observations 
injurieuses contenues dans le dictionnaire philosophi- 
que de Voltaire. 

Au reste, ce qui est directement relatif aux deux phi- 
losophes ce l'antiquité qui sont présentés comme su 
jet de l'ouvrage, n’en fait qu’une partie assez mé- 
diocre. Chacune des réflexions qui les concernent , 
amène des digressions plus ou moins longues, des 
* citations, des anecdotes sur des écrivains modernes, 
dont plusieurs sont encore vivans; et semble n'être 
présentée que comme une occasion d'établir l’insuf- 
fisance de la raison naturelle pour conduire l’homme 
à la vérité, et la supériorité de la foi sur toutes les 
doctrines humaines, et de plaindre ou de comdam- 
ner tant d'écrivains téméraires , qui n’ont pas su 
profiter du don précieux qui leur avait été fait ; en- 
sorte qu’il est très-vaisemblable que le véritable but 
de l’auteur a été de rendre un hommage formel à 
la religion dans laquelle il se felicite d’être né et 

d’avoir 


( 129 ) 


d’avoir vécu, et de défendre contre les entreprises 
du philosophisme, cette pure morale qui vient du ciel, 
et qui peut seule fonder sur la terre un bonlieur pur 
et durable. Ce qui n’est pas une simple conjecture , 
c’est que M. Toustain de Richebourg possède une 
vaste érudition puisée dans les sources de la plus 
saine littérature. Cette thèse , à laquelle il revient 
très-souvent , que le plus bel éloge de la philosophie , 
est d’être l’avant-courrière, la compagne de la reli- 
gion , il déclare lavoir prouvée plus au long dans un 
discours sur les avantages. de la philosophie, lu à 
Académie de Rouen en 1767, et qu’il a retouché 
avec le plus grand soin. Diverses conjonctures l’ont 
empêché jusqu'ici de faire imprimer ce mémoire , 
ainsi que de faire réimprimer plusieurs autres ouvrages 
qu'il a corrigés et étendus, entr'autres un Essai sur 
l'histoire de Normandie, et la Réalit des figures de 
da bible. I expose et développe dans ce dernier une 
doctrine qu’il croit irrépréhensible, et qu’il prétend 
d’ailleurs justifier suffisamment par deux passages tirés, 
le premier de la préface que l'Evêque Amiot a mise 
en tête des morales du Plutarque ; le second, de celle 
que M. l’abbé Groult a composée pour la traduction 
des lois de Platon. La citation de ces deux morceaux 
termine le mémoire, 
M. Toustain de Richebourg a aussi envoyé à 
PAcadémie un précis des réflexions que lui a sug- 


gerées la lecture du Rapport Général sur les travaux 
I 


(130) 
de cette société. Après quelques questions relatives 
à différens membres, qu'il croit connaître directe- 
ment ou indirectement , il passe en revue les mé- 
moires et autres ouvrages mentionnés dans le rapport, 
en donnant à chacun des auteurs un suffrage plus où 
moins formel et plus ou moins étendu , et en y joi- 
gnant quelquefois des observations sur l'objet traité. 


ee RER REED SRE 27 CSCRRERE 


Tables alphabétiques manuscrits | générales , perpé- 
suelles et comparatives de la législation mantime 
de l'Europe, par M. GROULT, associé-corres- 
pondant. 


Ce n’est qu’une feuille manuscrite, à laquelle en est 
jointe une autreimprimée sous lemême titre. M. Groult 
annnonce que le prospectus de ces tables, imprimé 
en 178$, n’a jamais été distribué; et il en donne 
les raisons , qui tiennent surtout à la réimpression de 
deux mémoires sur la législation de la marine, qui 
avaient reçu l'approbation de l’Académie Royale de 
Marine le 19 Décembre 1782, et aux soins qu'il prit 
de recueillir de nouveaux matériaux pour le perfection- 
nement d’un travail que le gouvernement encoura= 
gea par la confiance la plus flatteuse. L'auteur n’a 
point perdu de vue cette entreprise interrompue par 
les divers évènemens politiques , et connue du gou- 
vernement actuel; et il en fonde l’importance sur la 
prodigieuse multitude des ouvrages, lois et décisions 


(131) 

relatifs à la marine qu'il fait monter à 40, ou 50 
mille , dans un recueil même incomplet , et qui doivent 
entrer dans ses tables. La seule lettre A, imprimée 
én 1786, contient environ 10,000 citations, mais 
l’auteur fait voir comment un même article peut 
se trouver , non seulement sous différentes lettres , 
mais encore plusieurs fois sous la même. L'avantage 
qui recommande particulièrement ces tables, que M. 
Groult regarde comme indispensablement nécessaires . 
à tous les agens du gouvernement employés dans la 
marine , est la facilité d’ajouter à la main , sous chaque 
titre, les nouveaux articles que l’on vient à décou- 
vrir, OU qui seraient relatifs, à des lois ou des dé- 
cisions nouvelles, 


Poësres. 


L'Académie a entendu dans ses séances , une tra= 
duction en vers de la quatrième satyre de Juvenal , 
par M. Méchin; un extrait, aussi en vers français, 
du poëme de Thompson, intitulé L’orage , avec l’é- 
pisode d'Amélie et de Céladon , et quatre fables 
intitulées, Le serpenc ec le lézard , La guépe et Le pa- 
pillon, Le Normand et Le Gascon , Le duel terminé, 
par M. Le Prêtre ; un conte de M. de Baudre, intitulé Le 
procès ; des Srances sur la gloire, par M. Le Tertre ;une 
fable intitulée La chenille, er Le limaçon, par M. Chan- 
tepie; un Voyage en Silésie, ef une Épétre en vers 

F2 


(132) 

d'un grenadier de la garnison d'Ereinbresthein au 
congrès de Rastad, par M. Moisson ; deux pièces de 
vers de M. Vieillard ; et trois de M. d’Ornay , tous 
deux associés-correspondants : les deux premières sont 
une ode intitulée La comète de 1811, et une Épirre 
en vers à M. Vieillard de Boismartin , qui proposait 
à l’auteur de se faire inscrire sur le tableau des avocats 
de Saint Lo ; les dernières ont pour titres, Quasre- 
vingts ans, songe, La mémoire et l'oubli. 


Ouvrages envoyés à l’Académie. 


Il a été envoyé en outre à l’Académie plusieurs 
autres ouvrages , en prose et en vers. Je citerai un 
Abrégé des géoponiques , extrait d’un ouvrage grec ; 
par M. Cafarelli, associé-correspondant ; deux no- 
tices de M. Le Carpentier , aussi associé-correspondant s 
faisant suite à sa Galerie des peintures célèbres, l'une 
sur Salyator Rosa, né à Renelle, à deux milles 
de Naples en 160$ , mort à Rome en 1673; 
l'autre sur Antonio de Allegris , ou le Corrége; un 
éloge historique de Charles-Nicolas-Sigisberg Sonni- 
ni de Manoncourt, membre d’un grand nombre de 
sociétés académiques, et entr'autres de l’ancienne 
Académie de Caen, par M. Arsenne Thiébault de 
Berneaud , associé-correspondant ; un prospectus d’une 
Histoire littéraire de la France, par M. Le Prévost 
d’Iray , autre associé correspondant ; quatre ouvrages 


(133) 
de M. Le Pileur, le premier en 3 volumes in-80. 
intitulé , Mélanges d'histoire, de Littérature, de géo- 
graphie, de morale, erc., le second, en un volume 
aussi in-80, intitulé Élémens de la langue Hollandaise 
ou méthode analytique et neuve , le troisième , même 
format, contenant plusieurs morceaux de prose en 
cette langue, et quelques-uns de poésie | avec une 
version interlinéaire en français, le quatrième intitulé 
Tableaux synoptiques de mots similaires qui se rrou= 
vent dans les, langues Persane, Sanscrite | Grecque , 
Latine , Moœsogothique, Islandaise, Suéogothique , 
Suédoise , Danoise , Anglo-Saxonne , Celto-Brétonne 
Armorique ; Anglaise , Alémanique ou Francique , 
Haut-Allemande et Bas-Allemande , précédés de l'abrégé 
d'une grammaire analytique du persan , de comparaisons 
des parties constitutives de ces langues , et d’un essai 
sur lanalogie des mots persans entr'eux et avec ceux 
de plusieurs idiomes ; un prospectus de Lertres aca- 
démiques sur la langue française ; La profession de 
foi des poëres à la mode, par M. Mus ; une Notice 
de la séance publique de la société libre d’émulation 
de Rouen du 9 Juin 1812 ; un procès-verbal de 
séance publique et deux programmes de prix de la 
société de littérature, sciences et arts de Rochefort ; 
un programme des prix proposés par la société d’en- 
couragement pour l’industrie nationale ; un recueil 
des travaux de l’Académie des jeux floraux de Tou- 
Jouse pour 1812, avec un programme pour le con< 


E3 


(134) 

cours de 18133 une notice des ouvrages lus aux 
séances tant publiques que particulières de la société 
académique de Cherbourg, depuis le 7 Jum 1810 
jusqu’au 14 Novembre 1811 ; une notice de la 
séance publique de l’Académie du Gard du 21 Dé- 
cembre 1811 ; des procès-verbaux et mémoires de 
la société académique de Poitiers ; un programme de 
prix de l'Académie de Marseille. 


FA D cou 2 Q ARE 


Sur Les travaux de l’année 1813. 


PREMIÈRE SECTION. 


PARTIE SCIENTIFIQUE. 


EE 


Nouvel essai sur les causes générales des vents; pat 
M. PRUDHOMME, avec cette épigraphe : 


Magna , nec ingeniis investigata priorum ; 
Quaæque dit latuere. Ovid. Métam. 


IT. Prudhomme avait présenté le mémoire qu'il 
lut l’année dernieré , sous le titre d’Exposiion des 


effers météorologiques de l'air, comme préliminaire à 
un travail beaucoup plus étendu sur la cause des 
vents, qu'il à communiqué cette année à l’Acadé- 
mie, et qui a fourni la matière de plusieurs lectures, 
Avant d'en venir directement à son objet , il expose. 
dans une introduction les divers points de vue sous 
lesquels les vents peuvent être envisagés, et les théo- 
ries proposées jusqu'ici par les savans pour en expli- 
quer les causes. Son but est d’ajouter quelques expli- 


(126) 

cations et quelques développemens à leurs découverà 
tes. Après avoir montré en quoi diffèrent , relati- 
vement à cette recherche, les deux méthodes d’a- 
nalyse et de synthèse, il annonce qu’il suivra la der- 
nière ; et distinguant aussi deux manières différentes 
d’écrire sur les Sciences , l’une proprement élémentaire 
et convenable à ceux qui n’ont aucune connaissance 
préliminaire , l’autre plus académique , et appropriée 
à des hommes instruits , il prévient que devant em- 
ployer celle-ci, il s’abstiendra de tout détail minu- 
tieux, et ne développera que les considérations qui 
lui paraissent neuves, ou des expériences peu con- 
nues. Cet Essai est divisé en quatre parties. La pre- 
mière contient sur l’air et plusieurs de ses phéno- 
mènes et sur la nature du vent, des principes gé- 
néraux, qui pourraient paraître un peu éloignés de 
l’objet direct du mémoire, mais que M. Prudhomme 
à cru devoir mettre en avant , pour faire connaître 
la doctrine dont il est imbu, et qu’il appliquera dans 
la suite de son travail. De tout ce qu'il a dit dans 
cette première partie ; il conclut ; 1°. que l’athmos- 
phère contient de l’eau en dissolution ; 2°. qu’elle 
en dissout d’autant plus qu’elle est plus dense ; 3°. 
que toutes les fois qu'il arrive quelque raréfaction 
dans sa masse, l’eau dissoute est abandonnée; 4°. 
. que lorsqu’elle dissout de l’eau , sa température doit 
s’abaisser ; 5°, enfin que lorsqu'elle précipite l’eau 
dissoute , sa température s'élève. 


(137) 

La seconde partie a pour objet de développer les 
causes des vents. M. Prudhomme en distingue de 
trois sortes : des causes constantes , et il compte 
pour telles la rotation de la terre, l'attraction de 
. da lune, et la dilatation de l’air par la chaleur du 
sol; des causes inconstantes, comme l’éruption des 
volcans , les gaz ou vents qui sortent des cavités 
souterraines , les effluves spontanées de l'électricité 
de la terre, la formation des nuages, et beaucoup 
d’autres ; enfin des causes secondes, qui supposent 
l’action antérieure de quelque cause directe : tel est 
l'obstacle qu’une chaîne de montagnes oppose au 
cours du vent , dont la réflexion produit un nouveau 
vent dans une autre direction. 

M. Prudhomme n'entre dans aucune preuve di- 
recte sur l’existence du vent par le mouvement de 
rotation de la terre. Il adopte celles que Dan. Ber- 
nouilli a développées dans sa réfutation du mémoire 
de Dalembert contre cette théorie, et admet comme 
un point bien établi, que la rotation de la terre pro- 
duit un vent d’Est, faible à la vérité, mais réel, 
mais constant sur toute la surface de la terre, quoique 
presque nul aux pôles, qu’on appele vers alisé. 

L’attraction de la lune est une autre eause, dont 
Dalembert a démontré la réalité. Elle produit à l’é- 
quateur un vent d'Est , qui fortifie les vents alisés, 
mais qui varie et pour la force et pour la direc- 
tion selon les différentes latitudes des lieux, et selon 


(138) 
la position de la terre par rapport à l'Equateur. L’ac- 
tion de cet astre sur l'atmosphère paraît incontesta- 
ble pour quiconque admet celle qu'il exerce sur l’O- 
céan, et il faut y ajouter la réaction du sphéroide 
aqueux. M. Prudhomme indique les différens vents 
qui résultent de la combinaison de ces causes pour 
lun et l’autre hémisphère. 

Pour bien concevoir le vent produit par la cha- 
leur du sol, il faut supposer la surface de la sphère 
homogène , telle qu’elle l’est en grande partie dans 
les vastes mers; car la diversité des matières qui re- 
couvrent le globe , en apporte dans ce vent. Le 
point le plus échauffé de tous par les rayons solaires 
dilatant Pair qui lui est contigu , détermine de toutes 
parts des courans qui y viennent aboutir ; mais s’il 
se meurt umformément sur un cercle, les courans 
qui partent des deux points de ce cercle également 
éloignés du point le plus échauffé, venant à la ren- 
contre l’un de l’autre , se détruisent mutuellement. 
Âu reste ce point le plus échauffé n’est pas celui sur 
lequel les rayons du soleil tombent perpendiculaire- 
ment , parce que le point qui a été échauffé de 
cette manière , s’échauffe encore lorsque la direction 
est devenue oblique; ensorte que le Maximum de 
chaleur est assez généralement entre 2 et 3 heures 
dans les jours de 12 heures, et entre $ et 6, dans 
ceux de 16 à 18. Cette troisième cause des vents 
constans produit un vent d’Est dans l'hémisphère 


(139) 

où est le soleil après son passage par lEqua- 
teur, et un vent d'Ouest dans l’hémisphère opposé , 
et dans chacun un vent de Nord pour l’hémisphère 
septentrional , et de Sud pour l’hémisphère méridio- 
nal. Lorsque le soleil est dans l'Équateur , le vent 
d’Est où d'Ouest est nul, et 1iln’y en a point aux 
pôles. Par la combinaison de ces vents avec ceux 
qui sont dus à l'attraction de la lune , 1l doit exister 
du côté du Nord des vents Est, Est-Nord-Est, 
Nord-Est, et du coté du Sud, des vents Est, Est- 
Sud-Est , Sud-Est, . 

C’est ici que M. Prudhomme traite des causes se- 
condaires, qui en arrétant le cours de l’air, donnent 
naissance à un vent réfléchi, tandis que les tranches 
supérieures à l’obstacle continuent de suivre leur di- 
rection. Il explique ensuite trois des causes inconstan- 
tes qu’il a indiquées , savoir : les éruptions volcaniques, 
la formation des nuages, les cavités souterraines. 

Les matières rejettées avec force du sein embrasé 
d’un volcan, la plupart avec une quantité plus on 
moins grande d’eau vaporisée, soulèvent et écartent 
la masse d’air qui est au-dessus du cratère , et par 
cette répulsion produisent des courans en tous sens, 
Comme ces matières élevées à une très-haute tem- 
pérature se condensent bientôt en se refroidissant , 
l'air doit revenir se précipiter dans le vide qui en 
résulte ; mais l'équilibre qui tend à se rétablir, est de 
nouveau troublé par les secousses qui se succèdent ; 


(140) 
et cette suite d’actions er de réactions ne peut man 
quer de produire un trouble considérable. 

Voici sur quel raisonnement M. Prudhomme ad- 
met la formation des nuages comme une cause du 
vent. Les nuages se forment , ou parceque l'air aban- 
donne la chaleur nécessaire à la dissolution de l’eau, 
ou par une raréfaction subite d’une espace donné 
d’air. Dans l’un et l’autre cas, il doit se former un 
vide dans toute l’étendue où le nuage prend nais- 
sance , et l'air environnant venant s’y précipiter pour 
rétablir l’équilibre, forme divers courants. Quelque- 
fois c’est le vent lui-même qui cause la raréfaction 
qui détermine la formation du nuage, et c’est alors 
qu’il est le plus violent. L’auteur se contente de pro- 
poser aux physiciens comme un sujet digne de leurs 
méditations ces bruyantes agitations de l’air, qui ac- 
compagnent la chute d’une grande pluie d’orage. 

Quant aux cavités souterraines , dont l’existence 
est bien établie, et dont plusieurs ont été décrites, 
il en sort avec plus ou moins de violence un air 
échauffé par les feux qu’elles renferment , et dont 
les effets varient d'intensité, en raison du volume de 
cet air, de la compression qu’il éprouvait, et de 
plusieurs circonstances qui ne sauraient être déter- 
minées avec précision. 

Dans la 3°. partie de son ouvrage , M. Prud- 
homme présente une nouvelle division qui lui per- 
met de considérer les vents sous un rapport essen= 


(141) 
tiel à son objet. Il distingue des causes supérieures ; 
qui sont au-dessus de l’atmosphère , et des causes in- 
férieures , qui résident sur la surface du globe, et par 
conséquent des vents supérieurs et des vents inférieurs. 
L'action simultanée de ces deux espèces de causes , 
soit qu’elles agissent dans une même direction, ou 
dans des directions opposées avec des forces égales 
ou inégales, donne des résultats qui sont autant de 
conséquences des lois générales du mouvement, dont 
quelques-unes sont rapportées dans le mémoire. Par 
exemple , si les causes supérieures étant en opposition 
avec les causes inférieures, sont plus puissantes , elles 
feront parcourir à l’air leurs propres directions , et 
il n’y aura qu’une seule cause de vent. Si la puis- 
sance est égale, il y aura calme. Mais il arrive sou- 
vent que les causes supérieures agissant moins puis- 
samment sur la partie basse de l’air exercent seules 
leurs forces sur la portion élevée qui est hors de 
la sphère d'activité des causes inférieures ; et alors 
il y a deux courans opposés , l’un supérieur , l’autre 
inférieur. 

M. Prudhomme pose en principe 1°. que, si 
une masse d’air se meut d’un mouvement uniforme 
dans toute son étendue , l’ordre des tranches, leur 
densité et leur pesanteur réciproque resteront les 
mêmes; 2° que si cette masse obéit à deux forces 
égales et opposée qui se détruisent dans une des 
tranches horizontales , les pressions réciproques 


(19) 
seront toujours les mêmes qu'avant le mouvement ; 
et que la forme inclinée, à laquelle arrivera cette 
masse, dans un certain temps , aura la même sur- 
face. Il ajoute, sous le titre de théorème , que tout 
corps, pesant en l’état de repos en raison de sa masse 
sur une surface plane, ne se meut qu’en perdant 
une partie de sa pesanteur, et que la diminution 
de sa pression est proportionnelle à la vitesse du mou- 
vement. Appliquant ce théorème à deux colonnes 
d’air superposées l’une à l’autre, et agitées en sens 
contraire , il conclut qu’il y aura une raréfaction , 
croissante en raison directe de la vitesse du mouve- 
ment, jusqu’au moment où les deux tranches se- 
ront en équilibre ; qu’il y aura conséquemment pré- 
cipitation de l’eau dissoute dans l'air, production de 
chaleur, et élévation de température; mais que si toute 
la masse vient à prendre un mouvement uniforme , 
les densités des tranches se rétabliront , l'air redevien- 
dra capable de dissoudre de l’eau, les nuages se ré- 
soudront, et l'air reprendra sa limpidité. La seule ob- 
servation de deux courans opposés, indiqués par la 
marche des nuages, suffit pour reconnaître ces effets. 
Cette théorie explique les variations du baromètre, 
et les présages qu’on en tire pour un temps pluvieux 
ou serein; puisqu'il doit descendre, lorsque la pres- 
sion atmosphérique diminue , c’est-à-dire lorsque l’op- 
position, de deux vents raréfie l'air, en précipite l’eau 
sous forme de nuages, et prépare la pluie, et qu'il 


(143) 


doit monter dans les circonstances contraires. En ar- 
gumentant de ces principes, rapprochés de ceux qui 
ont été exposés dans les premières parties ,| on trou- 
vera que dans nos climats voisins du 50e. degré, 
le temps devra être sec, le Ciel clair, et la tem- 
pérature plus basse, lorsque le vent inférieur souf- 
fiera du Nord à l'Est, parce que l’attractoin de la 
lune produit par nos parallèlles un vent de Nord- 
Est, ainsi qu'il a été établi, et qu'il n’y a point 
Opposition entre ces deux vents ; qu’au contraire un vent 
du Sud à l’Est étant opposé au vent supérieur trouble- 
blera le ciel, élèvéra la température et amenera de 
la pluie : et c’est ce que l'expérience confirme. Les 
mêmes raisonnemens sont applicables à l’autre kémis- 
phère et à toutes les latitudes. 

M. Prudhomme réfute une opinion très-accréditée 
sur la raison du froid ou de la chaleur attribués à 
certains vents, et qui se tire de la température des 
régions que ces vents ont parcourues. Trois ou quatre 
degrés de différence en latitude n’en donnent pas 
deux en température, dans l'été d’un hémisphère : 
or il faudrait au vent, par un mouvement moyen 
plus de 26 heures pour parcourir trois degrés du 
méridien, On ne devrait donc avoir, 26 heures 
après un changement de vent, que deux degrés de 
différence dans la température, et l’on éprouve que 
les changemens sont bien plus prompts et plus con- 
sidérables, Quand la vitesse de 4 mètres par seconde , 


(144) 
attribuée ici au vent moyen, paraïtrait devoir être 
augmentée de beaucoup , la conséquence n’en serait 
pas moins bien établie. 

En étendant ses explications à la zone torride 3 
et en montrant leur généralité , l’auteur rencontre 
une objection , qu'il détruit sans peine. Un vent 
Nord-Est dans la presqu’île en de-çà du Gange, où 
le vent supérieur est Est-Nord-Est donne , ainsi qu’il 
doit arriver, un temps clair et sec dans la partie oc- 
cidentale de cette presqu'île; mais en même temps, 
il pleut abondamment dans la partie orientale, Une 
chaine de montagnes, nommée 4s Gas, qui di- 
vise ces deux parties dans toute leur longueur pres- 
que dans la direction du Nord au Sud , explique ce 
phénomène; puisque le vent direct rencontrant cet 
obstacle du côté Est, produit un nouveau courant op- 
posé, ce qui n’arrive pas de l’autre côté. 

L’ile de Cayenne présente des effets analogues. 
Le vent qui soufle de l’Est, rencontrant à l'Ouest 
des côtes beaucoup plus élevées que l’intérieur, re- 
flue par un contre-courant, et occasionne des pluies 
abondantes pendant six mois; au lieu que, soufflant 
du Nord-Nord-Est pendant les six autres mois, et 
ne trouvant plus un semblable obstacle, il balaie 
toutes les vapeurs , et procure un Ciel clair et un 
temps sec. C’est par cette observation qu’est terminée: 
la 3° partie du mémoire, 


La 


(145) 
La 4€. traite du tonnerre, des trombes ; des mouse 
sons, et des brises de mer et de terre, 

M. Prudhomme montre que la foudre , qui cause 
souvent la variation des vents, en est aussi un effet. 
Une masse d’eau a comme tout autre corps, sa por- 
tion d’électricité naturelle. Ce n’est pas seulement en 
lui Ôtant ou en lui ajoutant du fluide électrique, qu’on 
peut changer son état sous ce rapport; c’est encore 
en faisant varier son volume, Conséquemment cette 
masse, en se vaporisant ; devient considérablement 
moins électrique, puisqu'elle devient 12 ou 13,000 
fois pius volumineuse ; et elle tend fortement à sou- 
tirer l'électricité des corps environnans. Mais lorsque 
l'air abandonne l’eau qu'il avait dissoute , les nuages, 
qui sont le résultat de cette précipitation, doivent 
contenir du fluide électrique, dont la quantité dé- 
pend de leur forme et de leur étendue, comme l’a 
prouvé M. Achard, de Berlin; ce qui explique 
comment un nuage peut soutirer des étincelles d’un 
autre nuage, ou en donner lui-même, lancer la foudre 
par l'effet du raccourcissement et de l’allongement de 
ses dimensions , circonstances que l'on peut rappor- 
ter a l’action des vents. Cet article contient une ci- 
tation du P. Beccaria, et une explication du fameux 
nuage noir du Cap-de-Bonne-Espérance , appellé 
Œil-de-Bœuf par les navigateurs. 

Notre collègue s’est convaincu par lui-même 
de la réalité des trombes, que M, de Lacoudrave 


K 


( 146 ) 

est tenté de révoquer en doute : il en a observé 
une aux environs de Bordeaux, dont il nous a lu 
une description. Il expose deux manières d'expliquer 
ces phénomènes : l’éruption de gaz ou de feux sou- 
terrains, qui soulève les eaux, souvent jusqu’à une 
hauteur considérable ; et la rencontre de plusieurs 
vents opposés, dont le frottement à leur contact for- 
mant un tourbillon rapide, produit un vide , ou une 
grande dilatation dans son intérieur, et facilite l’élé- 
vation des matières légères ou très-mobiles. 

Les moussons fournissent encore à M. Prudhomme 
un argument en faveur de sa théorie. Cette espèce 
de vent soufle pendant six mois du Nord-Est dans. 
toute la partie septentrionale de la zone torride, et 
du Sud-Est dans la partie méridionale de cette zone; 
et pendant les six autres mois du Sud-Ouest dans 
la première, et du Nord-Ouest dans la deuxième. Lors- 
que le soleil a passé dans l'hémisphère boréal, il 
commence à échauffer la surface de l’Arabie, de 
lIndoustan et de Siam; et cette chaleur augmente 
à mesure qu'it approche du Tropique. Mais ces terres 
réfléchissent plus fortement les rayons solaires, que 
les mers qu'elles ont à leur Sud; et dilatant davan- 
tage les colonnes d’air qu’elles soutiennent , elles dé- 
terminent un courant de Nord-Ouest ou une mous- 
son d'été, sujette à de grandes variations, depuis 
environ le 15 Avril jusque vers le 15 Octobre. Les 
effets sant réciproques dans l’autre partie de l’année, 


( 147 ) 
et dans l’autre hémisphère. La situation et la hau« 


teur de certaines terres donnent les moyens de con- 
cilier cette théorie des moussons avec celle des vents 
alisés, et les difhcultés sont résolues par les détails 
des différentes localités. 

Le dernier article de cette 4°, partie a pour 
objet les vents périodiques nommés brises de mer es 
brises de rerre. Ces vents ne sont guères connus 
que des navigateurs, qui les rencontrent aux envi- 
rons des grandes îles, le long des côtes de l’Amé- 
rique méridionale, et en général auprès de toutes 
les côtes et des îles des zones brülantes. Chaque jour, 
le soleil, en se levant , excite à la surface de ces terres 
une chaleur qui croît jusqu'à deux ou trois heures 
après midi, et diminue ensuite jusqu’au coucher : de 
là un vent demer, ou rise de large, qui fraîchit de 
plus en plus, jusqu’au maximum de la chaleur, et 
mollit ensuite. Après un moment de calme, la par- 
tie supérieure de l’air se refroidissant par l’absence 
du soleil , et se condensant , refoule la partie infé- 
rieure et la pousse vers la mer : de là un vent, ou. 
une brise de terre, qui dure toute la nuit, sauf 
quelques variations et quelques exceptions. 

M. Prudhomme sollicite en finissant les obser- 
vations et les -conseils de ses collègues sur un essai, 
dont il déclare qu'il s'occupe depuis plus de vingt 
ans avec un grand zèle, et pour lequel il a recueilli 
tous les faits, tous les témoignages et toutes les ins- 


Ke 


(148) 
tructions qui pouvaient aider la solution d’un pro- 
blème intéressant par son objet et par les difficultés 
qu'il présente, 


Conyectures sur la possibilité que Le sokil, les planètes, 
Les satellites | ec méme les comètes soient constituées 
de manière a admettre des habitans de même na- 
sure que ceux de notre terre, par M. WHEAT- 
CROFT. ( 


La connaissance des véritables dimensions et de 
la nature de ces grands corps qui circulent dans 
Vespace , et qui composent notre système solaire , 
devait naturellement conduire à les supposer habi- 
tables. Une fois convaincu que ces globes, loin de 
n'être que des ornemens accessoires du nôtre, sont 
la plupart beaucoup plus considérables , on n’a plus 
de raison de croire que la terre soit l’objet prinçi- 
pal et le centre de la création; et que , quand les 
moindres portions de sa masse solide , l’eau qui 
couvre en grande partie sa surface, l'air qui l’en- 
veloppe , fourinillent d’habitans de toute espèce , les 
autres corps célestes n’aient aucun but d'utilité pro- 
portionné à leur importance, et soient condammés à 
un état éternel de mort et de stérilité. L’idée que 
tout nous donne de la sagesse divine semble répu- 


Éc 


(149 ) 

gner à cette supposition. Cependant, dit M. Wheat- 
croft , tous nos physiciens et astronomes du dernier 
” siècle ont jugé que les planètes , et à plus forte raison : 
les comètes, sont trop près ou trop Join du soleil pour 
jouir d’un degré de lumière et de chaleur qui püût 
les rendre habitables. C’est cette opinion qu’il veut 
combattre, en établissant qu'il n’est aucun corps 
dans notre système solaire qui ne pût être habité par 
des êtres constitués comme les êtres terrestres. 

La première objection qui se présente , se tire 
de la chaleur, qui serait insupportable à un distance 
du soleil telle que celle où se trouvent Mercure et 
Vénus, tandis qu’elle serait si faible dans Jupiter , 
dans Saturne, et dans les autres corps plus éloignés, 
que tout y serait perpétuellement dans un état de 
glace. Pour détruire cette objection, notre collègue 
pose en principe que c’est par un préjugé faux qu’on 
regarde les rayons du soleil comme la cause unique 
et entière de la chaleur , et la distance de cet astre 
comime la vraie mesure de la température. Il faut, 
selon lui, aux rayons solaires, ce qu’il appelle un 
aliment propre, c’est-à-dire un milieu sur lequel ils 
puissent agir; et ce milieu est l'atmosphère , qui est 
plus ou moins échauffée selon qu’elle est plus dense 
ou plus rare. Les faits confirment cette théorie. A 
mesure qu'on s'élève au-dessus du niveau de.la mer, 
soir sur des montagnes, soit avec des aérostats , on 
trouve un air plus rare et en même-temps plus froid; 


(C150) 
ensorte qu’au même iustant où, sous l'équateur les 
plaines sont brülées par des ardeurs excessives, les 
hautes montagnes y sont couvertes de glaces et de 
neiges éternelles. Il est donc évident que la conden- 
sation ou la raréfaction de l’atmosphère suffisent pour 
procurer à chaque planète la température qui lui 
convient. Si l'on considère de plus qu’à toutes les 
profondeurs où l'on a pu pénétrer dans l’intérieur de 
la terre, on a toujours trouvé une température cons- 
tante et modérée, il sera difficile d’attriuer toute 
la chaleur du globe à l’action des rayons solaires , 
et de ne pas admettre une chaleur centrale ou propre 
à la masse terrestre , quelle qu’en soit la cause. Cette 
hypothèse est un nouveau moyen de concevoir toutes 
les planètes convenablement échauffées, en suppo- 
sant que chacune a reçu dans le principe une cha- 
leur centrale d’autant plus forte qu’elle était plus loin 
du soleil. M. Wheatcroft applique les résultats de 
sa théorie à chaque planète en particulier, et l’étend 
aux comètes, qu'il ne croit point exposées à ces 
extrêmes {variations de température qu’on a jugées 
être l’effet nécessaire du prodigieux allongement de 
leur orbite. Newton suppose que la comète de 1680 
a éprouvé dans son périhélie un degré de chaleur 
deux mille fois plus considérable que celui d’un fer 
rouge. Nous ne connaissons point de corps qui püût 
résister à une telle chaleur : cependant la comète a 
passé et a continué sa route dans le Ciel jusqu’à la 


(151) 

distance de 11 billions de milles. Si l’on admet avec 
l’auteur du mémoire que ces immenses trainées de 
lumière appelées queues, qui ont coutume d’accom- 
pagner les comètes, sont leurs atmosphères, qui se 
condensent à mesure qu’elles s’éloignent du soleil , 
et dont elles se dégagent en grande partie dans leur 
plus grande proximité de cet astre, on trouvera 
qu’elles peuvent-être toujours maintenues dans un état 
à peu près uniforme, 

Quant à la lumière, l'expérience prouve que nos 
yeux peuvent au moyen du resserrement ou de la 
dilatation de la pupille, s’accommoder du plus grand 
degré comme du plus petit. Il y a une différence 
prodigieuse dans la manière dont nous sommes éclairés 
par un beau soleil ou par un ciel nébuleux, et à 
peine y faisons-nous attention. On a trouvé que le 
soleil nous donnait 300,000 fois plus de lumière 
que la pleine lune , à la même hauteur. Amsi, quand 
une comète serait assez éloignée pour ne recevoir que 
la millième partie de la lumière solaire que nous 
recevons, elle serait encore 300 fois plus éclairée que 
nous ne le sommes par la pleine lune. 

M. Wheatcroft prévient une objection tirée du 
danger de fréquentes inondations par les marées , 
auquel il semble que la lune et les satellites des autres 
planètes seraient sujets , s'ils étaient, comme notre 
terre en partie couverts d’eau, ainsi qu'il faut l’ad- 


mettre dans un système qui les suppose habi'ables, I 
K 4 


(151) 

montre comment if suffit pour éviter ce danger, que 
ces corps fassent leur rotation sur eux-mêmes en 
même-temps que leur révolution autour de_ leur 
planète principale , et en lui présentant toujours le 
même côté, que d’ailleurs leur surface ait de grandes 
irrégularités, et que leur forme soit loin d’être par- 
faitement sphérique, et qu’en cas d'insuffisance de ces 
causes, ils n'aient pas dé grandes mers, les seules qui 
soient exposées à des marées directes. 

Notre collègue n'excepte point de sa théorie le 
soleil, qu’on est accoutumé à concevoir comme un 
océan de feu liquide; et il cite à ce sujet les idées 
exposées par Herschell dans des mémoires publiés des 
puis quelques années. Suivant ce célèbre astronome, 
le soleil serait un corps opaque, comme la terre et 
lesautres planètes, enveloppé à la distance de plusieurs 
milliers de milles, d’une brillante atmosphère ; qui 
servirait à l’échauffer , à l’éclaiter lui-même, ainsi que 
tout le reste du système. Les taches qu’on aperçoit 
sur son disque, et qui lorsqu'elles sont sur les bords, 
paraissent rentrer de plusieurs milliers de milles , ne 
seraient que des parties de sa surface , rendues vi- 
sibles par quelque dérangement dans son atmosphère. 
Quelle sublime idée, s’écrie M. Wheatcroft ! un 
monde un million de fois plus grand que le nôtre 
jouissant d’un jour et d’un été éternels ! 


(153) 


Réflexions sur le. mémoire précédent , par M; 
THIERRY fils. 


M. Thierry pose en principe que quelqu’ingénieuse 
que soit une théorie, elle ne peut être admise au 
nombre de celles que la vraie science. peut fournir, 
et on doit la faire rentrer dans le/domaine de l1- 
magination , toutes les fois qu’elle ne concorde pas 
avec les faits : or les conjectures de M. Wheatcroft 
lui paraissent être dans ce cas. En effet, pour prouver 
que toutes les planètes pourraient jouir d’un degré 
de chaleur qui les rendît susceptibles d’être habitées 
par des êtres de même nature que ceux de la terre, 
rejettant comme un préjugé faux l'opinion qui re- 
garde la distance du soleil comme l’unique cause de 
la température de notre globe, 1l lui en assigne en- 
core deux autres, d’abord la densité de l’atmosphère 
qui l’enveloppe , et ensuite un feu central propre et 
indépendant de l’action du soleil ; et comme l’auteur 
de la nature a pu donner à chaque corps de rotre 
système solaire une atmosphère d’autant plus dense 
ou plus rare, et une chaleur centrale d’autant plus 
forte ou plus faible, qu’il se trouvait placé plus loin 
ou plus près du soleil, ilen conclut qu’il n’y a point 
de position où l’on ne pût jouir d’une température 


(154) ; 
semblable à celle dont nous jouissons. L'argument 
de M. Wheatcroft, par rapport aux eflets qu’il at- 
tribue au plus ou moins de densité de l'air, est tiré 
de la différence de chaleur que l’on observe dans le 
même temps et à la même latitude, entre les vallées 
ou les plaines et les montagnes, et en général entre 
les lieux où l’air est le plus condensé et ceux ou 
il est plus raréfié. Parmi les diverses hypothèses par 
lesquelles on pourrait tenter d'expliquer ce phéno- 
mène reconnu , M. Wheatcroft choisit la combinai- 
son des rayons solaires avec l’air atmosphérique ; en- 
sorte que dans son système, on sent plus de cha- 
leur là où l'air est plus dense, parce qu’il absorbe 
plus de rayons solaires. Mais si l’on établit que le 
calorique rayonnant traverse l'air sans en recevoir au- 
cune entrave dans sa marche , et sans l’échauffer sen- 
siblement, on détruira l'hypothèse de M. Wheatcroft : 
or c’est un fait généralement reconnu par tous les 
physiciens qui ont fait une étude particulière de cet 
objet , et principalement par Schéele ; et l'on doit re- 
garder comme un principe qui fait partie de la 
science , que les rayons solaires n’échauffent les corps 
ni en les traversant, comme il leur arrive à l'égard 
de l’air, ni en touchant seulement leur surface, pour 
être réfléchis, mais seulement lorsqu'ils sont absorbés 
par eux ; et puisque le globe terrestre comme tout 
autre corps solide peut absorber , et absorbe réel- 
lement des rayons solaires, le même principe con- 


(155) 


tredit ce qu’ajoute M. Wheatcroft, que si la terre 
était dépouillée de son atmosphère , elle ne pourrait 
plus être échauffée par le soleil. Tel est le raison- 
nement de M. Thierry. 

Quant au feu central, qui n’est ni prouvé selon 
l’idée qu’en ont donnée ceux qui ont avancé son exis- 
tence , ni nécessaire pour expliquer la chaleur de 
notre globe, il est insuffisant sans l’autre hypothèse 
pour appuyer le système de M. Wheatcroft. Quoi 
qu'on puisse penser de cette chaleur supposée in- 
hérente au globe, on voit que dans son mode d’ac- 
tion, elle n’empêche pas beaucoup de contrées d’être 
glacées , et notamment les pôles , quoique par leur 
applatissement ils se trouvent plus rapprochés du centre 
de la terre que ses autres parties. J1 serait indispen- 
sable pour réfuter directement l'influence qu’on lui 
attribue, de savoir quelle idée s’en forme l’auteur 
du mémoire que M. Thierry combat. 

Il est probable qu’une discussion plus approfondie 
fournira les moyens de prononcer avec confiance sur 
k mérite de l'hypothèse avancée par M. Wheatcroft 
et réfutée par M. Thierry. 


Mémoire sur Le blé lammas, par M. LAMOUROUx. 


M. Lamouroux , ayant fait à la société d’agricul- 
ture et de commerce de cette Ville un rapport sur 


(156) 

une nouvelle variété de blé nommé 44 lammas , a 
communiqué à l’Académie les principaux faits et les 
vues les plus importantes contenus dans ce rapport. 

C'est à M. Wheatcroft , l’un de nos collègues, 
qu'est due l'introduction du blé lammas en Norman- 
die. Ayant reçu d'Angleterre une variété de froment 
nommée b/ carré, il trouva dans le champ où il 
l'avait semé, deux épis de Zamrmas, qu’il connais- 
sait depuis long-temps ; il en recueillit avec soin tous 
les grains, et les sema dans son jardin à Ardennes 
en 1797. Telle est l'origine de cette culture, que 
M. Lamouroux expose, après avoir donné la syno- 
nymie de ce blé, et les raisons qui lui font préférer 
la dénomination de Zammas. Les autres objets dont il 
traite sous autant de titres, sont es caractères de cette 
variété, a préparation de la terre | l'époque de l’en- 
semencement , la quantité et le choix des semences , Le 
blé en herbe, la récole, la paille, le battage, Les 
maladies du blé, le produit du terrain en gerbes et 
en grain, les qualités du grain , celles de la farine 
et celles du pain, Le prix. du lammas, l'étendue du 
pays où le lammas est culiivé en 1813, enfin l'a- 
nalyse chimique. Le rapport est terminé par cette 
récapitulation générale des avantages er des désavan- 
sages que présente Le lammas. 

10. Ce blé est désavantageux à cause des précau- 
tions qu'il faut prendre pour avoir une semence 
exempte de tout mélange. 


(157) 


29, Il est avantagenx par la facilité qu’il offre de 
pouvoir être semé presqu’en tous temps avec la cer- 
titude de le voir parvenir à une maturité parfaite. 
Il n’en est pas de même du franc blé ou des gros 
blés. 

3°. [résiste plus que les autres aux variations de 
l'atmosphère et aux météores destructeurs de nos ré- 
coltes, 

4°. On peut le moissonner presque à la même 
époque que le seigle, c’est-à-dire 15 ou 20 jours 
avant les autres; avantage inappréciable dans les pays 
sujets à la grêle et aux orages , ainsi que dans les 
années de disette. | 

5°. Il a le désavantage dé s’égrainer facilement, 
si l’on attend une maturité parfaite peur en faire la 
récolte. Cet inconvénient disparaît en grande partie, 
si, comme l'indique l’expérience, on a soin de le 
moissonner 8 à 10 jours avant qu'il soit parfaite- 
ment mûr, et si l’on emploie la faucille au lieu de 
la faux. 

6°. La paille du /ammas n'est pas aussi bonne 
que celle du franc blé ou des gros blés , pour la nour- 
riture des chevaux. Cet inconvénient peut être com- 
pensé par la préférence que lui donnent les bœufs 
et les vaches, à cause des herbes qui s’y trouvent 
méêlées. 

7°. Le chaume du /4mmas est le meilleur de tous 


(158) 
pour la couverture des maisons. Il se conserve deux 
ou trois ans de plus que les autres. 

80, Le lammas est beaucoup plus facile à battre. 
Un ouvrier ordinaire en travaille un cinquième de plus 
dans le même espace de temps. 

9°. Il est moins -sujet que les autres blés aux ma- 
ladies qui attaquent les plantes céréales. 

100, Il produit autant que le franc blé dans les 
bonnes terres, et davantage dans les terrains mé- 
diocres. 

11°. Seul il prospère dans les terres à seigle. 

120. Il donne plus de farine et plus de pain que 
le franc blé ou les gros blés. 

13°. La farine et le pain sont inférieurs à ceux 
des autres variétés. | 

140. Le son ne vaut pas celui des autres blés. 

15°. Le prix est égal à celui du franc blé et ne 
paraît devoir être jamais au-dessous. 

169. Il entre pour environ un quart dans la quan- 
tité totale de toutes les variétés de blé que l’on 
cultive dans l’arrondissement de Caen; et cette pro- 
portion augmente tous les jours. 

170. Enfin son analyse chimique indique qu’il est 
plus riche en fécule amilacée , et moins en gluten 
que le franc blé. 

M. Lamouroux conclut de tous ces résultats que 
la culture du blé /ammas est avantageuse et, doit 
être encouragée. 


(159) 


Mémoire sur la nécessité d’alrerner Les récoltes, par 
M. de MANGNEVILLE. 


L'expérience a démontré depuis long-temps , dit 
M. de Mangneville , que la terre ne pouvait pro- 
duire constamment les mêmes récoltes, sans perdre 
sa fécondité. Un terrain inculte ne produit que les 
plantes qu’il peut nourrir; et l’on voit que ces 
plantes varient , et sont rarement dans une année 
toutes les mêmes qu'on y avait vu croître les an- 
nées précédentes. Quelques voyageurs assurent que, 
lorsqu'on abat des arbres dans les forêts de l’Amé- 
rique , l’espace vide se trouve bientôt couvert de 
bois d’une espèce différente. Le cultivateur ne fait 
donc que suivre l'indication de la nature, en adop- 
tant cette succession de récoltes , qu’on appelle as- 
solemenr, L'auteur regarde comme inutile de prouver 
la nécesssité généralement reconnue des assolemens ; 
mais il lui semble important de rechercher les causes 
de cette influence salutaire du changement de ré- 
coltes. | 

La sève, dit-il, d’après M. Sennebier et M. 
Fourcroy , est le suc nourricier des plantes, et elle 
renferme les élémens de la nourriture végétale. Ce 
sucest ensuite modifié par l’acte de la végétation , pour 


( 160 ) 


former les différens matériaux immédiats des plantes ; 
tels que les acides , la fécule, les huiles, les résines, 
et généralement toutes les substances que l’on trouve 
dans les végétaux, et dont la production est due à 
la nature des vaisseaux par lesquels la sève a été 
élaborée. Il cite à l’appui de cette théorie l’exemple 
de la greffe; et entre plusieurs faits l'expérience 
rapportée par M. Duhamel, d’un jeune citron gros 
comme un pois, qui ayant été greffé par sa queue 
sur une branche d’oranger , y grossit, y müûrit, 
et conserva sa qualité de citron, sans participer en 
rien de l'orange. Tous les faits de cette sorte con- 
firment que les divers matériaux immédiats des végé- 
taux sont formés dans leurs organes. Les chimistes 
nous ont appris d’ailleurs qu’ils proviennent des mêmes 
principes, et que la cause de la variété est dans la 
seule différence des proportions. 

M. de Mangneville examinant ensuite si les végé- 
taux tirent de la terre des substances différentes pour 
former leur sève, rapporte plusieurs expériences qui 
prouvent qu'avec de l’air et de l’eau pure on peut 
faire croître des plantes de nature très - diverse, 
et que l’hydrogène et l’oxigène contenus dans 
l'eau, avec l’acide carbonique absorbé de Pair, sont 
les trois principaux élémens de toutes les susbtances 
végétales. Quant à la nourriture plus abondante 
qu’elles tirent de la terre, et des engrais, et qui 
leur est nécessaire pour un accroissement complet , 

il 


( 161) 


il montre qu’elle fournit également les mêmes prin- 
cipes aux différentes plantes. 

Mais si la même nourriture , ajoute-t-il, convient 
également à toutes les plantes, comment expliquer 
la nécessité des assolemens ? la différence de direc- 
tion des racines lui fournit la réponse à cette question. 
Si on fait succéder une plante pivotante à une autre 
qui prend sa nourriture dans la couche supérieure de 
la terre, la couche inférieure se reposera , et absor- 
bant de nouveaux principes , redeviendra propre à 
une nouvelle production; et l'effet sera le même dans 
une succession inverse. L'expérience vient à lappui 
de cette explication. On ne voit jamais le blé réus- 
sir sur un terrain qui a produit de l’orge ou de l’a- 
voine. De même pour les arbres, un orme n’aura 
qu'un faible accroissement , si ce n’est dans un ter- 
rain extraordinairement riche, s’1 remplace un autre 
orme. Cette influence se fait même sentir par le seul 
voisinage des arbres de même espèce. 

Le mémoire est terminé par une observation que 
tout le monde peut faire. Si l’on parcourt un champ 
de blé situé le long d’un haie garnie de frênes , d’ormes 
et de chênes, on remarquera que le blé est plus vi- 
goureux proche de ce dernier arbre qu’aux environs 
des ormes, et que ce sera le frêne qui aura le plus 
détérioré la récolte. En examinant les racines de 
chacun , on reconnaitra que le frêne étend :les 
siennes à la surface de la terre , et qu’elles ont un 


L 


(:262\) 


chevelu qui se confond avec celles du blé, et qui 
absorbe sa nourriture. Les racines de l’orme qui s’é- 
tendent pareillement , ayant moins de chevelu, sont 
moins nuisibles. Mais celles du chêne s’enfonçant pro- 
fondément, ne font aucun tort à la récolte , et cet 
arbre ne peut être préjudiciable que par son ombrage 
et par l'obstacle qu’il met à la circulation de Pair. 


Rapport de M. de MANGNEVILLE sur plusieurs 
ouvrages de M. THIÉBAUD de BERNEAUD , as- 


socié-correspondant. 


Le premier de ces ouvrages, qui avaient été ren- 
voyés à l’examen d’une commission dont M. de Man- 
gneville a été le rapporteur , a pour titre Mémoire 
sur le cactus opuntia, que l’auteur recommande de 
multiplier en France, ainsi que l’insecte qui fournit 
la cochenille. Après une distinction entre le cacrus opun- 
tia et Le cactus coccinellifer , indiqué par M. Four- 
croy dans son système des connnaisances chimiques, 
la commission en reconnaissant la possibilité d’éléver 
dans les départemens méridionaux la cochenille, qui 
y est déjà acclimatée depuis long-temps , pense que 
c’est à l’expérience à confirmer s'il est avantageux 
pour la France de s'approprier encore cette produc- 
tion du nouveau Continent. 


< 


(163) 


Le second Ouvrage est un Mémoire sur La culture 
des dalhies et sur leurs usages comme ornemens des 
Jardins et comme plantes économiques. Le rappor- 
teur remarquesur plusieurs des avantages attribués aux 
dalhies, qu'ils sont communs au sarrasin, au colzat 
et à beaucoup d’autres plantes. 

Le troisième ouvrage , qui n’est point encore ter- 


. 4 . . CE , ! 
mine , a pour titre : Essai Critique Sur Les prèjuges 


et les erreurs populaires en agriculture. Les commis- 
saires reconnaissent l'utilité de ce travail; mais par- 
mi les préjugés dont il est fait mention dans les feuilles 
déjà imprimées , ils en distinguent quine sont point gé- 
néralement accrédités, comme la transformation du 
blé en ivraïe et en seigle, et du seigle en orge ; d’autres, 
comme le tort que la fauchaison des prés fait aux 
blés , qu'il ne faut pas rejetter, sans examiner s'ils 
ne doivent point leur origine à quelque vérité dont 


on aura tiré de fausses conséquences. L'article 4 tend 


à prouver l’innocuité de l’épine-vinette par rapport aux 
blés et aux autres vécétaux environnans. La commission 
ne trouve point les développemens suffisans, ni la preuve 
complette. Elle termine son rapport par des observa- 
tions sur le 14€, article de cet ouvrage; et en ad- 
mettant avec l’auteur que le voisinage des arbres est 
salutaire à l'homme , pourvu qu'ils  ninterceptent 
point la lumière et la libre circulation dé l'air , et 
qu'ils n’eñtfetiennent point dans son habitation une 


humidité constante , elle réfute comme uni très-grande 
L 2 


(164) 
erreur l’opinion où il est que les arbres ne nuisent 
point aux végétaux qui croissent sous leur ombre , et 
en faveur de laquelle il cite entr’auttes le Départe- 
ment du Calvados, quoiqu'il soit incontestable que 
labondance de ses récoltes est due à la bonne qua- 
lité du sol, et qu’elle est toujours beaucoup diminuée 
par l'ombre des arbres dans les terres où il y en a. 


Quelques considérations sur Les Albinos, par M. Le 
SAUVAGE. 


M. Le Sauvage commence par exposer des idées 
générales sur la singularité qu’exprime cette dénomi- 
nation, et il passe ensuite à deux observations qui 
lui sont personnelles : la première sur un individu âgé 
de trois ans, nommé Louis-Camille-Pierre Martin , 
demeurant à Paris; la deuxième sur Pierre Groult, 
âgé de 19 ans, né à Caen, et résidant maintenant 
dans l'hôpital de Lisieux. Il donne une  descrip- 
tion exacte de toutes les particularités remarquables 
dans l’un et dans l’autre, et cite sur le dernier une 
circonstance qui lui a été attestée par feu M. le Curé 
de Saint-Etienne. Sa mère s'était, dit-on , fortement 
attachée à un lapin blanc femelle, qu’elle considé- 
rait continuellement dans le temps qu’elle était en 


ceinte, Son mari qui craïgnit les suites de cette fan 


NE, VE 


(165) 

taisie, menaça plusieurs fois de tuer l'animal, et le 
tua en effet; et c’est à la forte impression que cet 
évènement avait fait sur cette femme, qu’on s’ac- 
corda généralement à attribuer la conformation par- 
ticulière de son enfant. M. Le Sauvage, sans adopter 
formellement la croyance vulgaire sur ce genre d’in- 
fluence, rejetté par les savans, quelquefois avec, dé- 
rision , parce qu'il n’a pas encore été expliqué, croit 
qu'on ne doit point dédaigner de joindre les faits 
de cette nature, qui se présentent de nouveau, à la 
masse de ceux qui ont été précédemment observés, 
ni regarder la question comme définitivement dé- 
cidée. | 

Au reste, 1l réduit ses observations à quelques ré- 
sultats précis. Les Albinos ont pour principaux ca- 
ractères les cheveux et les poils du corps très-blancs , 
les yeux un peu saillans , myopes , très-irritables par 
l'effet de la lumière solaire , et doués d’une grande 
et rapide mobilité , ce qui trouble leur vision pen- 
dant le jour, sans qu'ils aient pour cela la faculté 
de voir la nuit plutôt que les autres; la pupille d’une 
couleur rouge plus ou moins foncée, qui s’altère lé- 
gèrement sur l'iris ; la peau d’une couleur blafarde , 
le tissu cellulaire peu consistant , et une faiblesse par- 
ticulière, qui paraît dépendre en grande partie de la 
prédominance du système Jymphatique, doué d’une 
très-grande énergie. 

Des trois circonstançes dans lesquelles on peut 


L 3 


( 166 ) 
renfermer ces caractères, savoir le défaut de colora- 
tion de la peau et des poils, la coloration en rouge 
de la membrane choroïde ; et la faiblesse du tissu cel- 
lulaire ; qui influe sur celle de toute l’économie, on 
peut concevoir la première comme une conséquence 


de la dernière; mais le rapport de la seconde avec 


les deux autres ne peut s'expliquer dans l’état actuel 
de la science. Il serait curieux de connaître si les 
animaux qui changent accidentellement de pelage 
éprouvent ce changement dans la couleur de la cho- 
roïde. 

Il paraît bien établi que l’organisation particulière 
des albinos est le résultat d’une altération morbide 
congénitale , et ne forme point une race distincte 
de l'espèce humaine , ni un caractère transmissible par la 
génération, et commun aux individus d’unemême fa- 
mille. Cette modificationse remarque même dans plu- 
sieurs classes d'animaux , surtout chez les mammifères, 
les oiseaux et les poissons ; et l’on doit la regarder 
dans chaque race primitive de l’homme , comme 
une nuance extrême , que des nuances intermédiaires 
rapprochent de celle qui lui est la plus opposée, 


( 167 ) 


Rapport de M. Le SAUVAGE sur un mémoire de 
M. THILLAYE, associé-correspondant , intirulé : 
Essai sur une nouvelle théorie de la vision à dis- 
tances variables dans l’homme et les animaüx. 


Pour expliquer la faculté merveilleuse que l’homme 
et la plupart des animaux ont d’apercevoir les objets 
à des distances très-différentes, on en a cherché les 
causes dans des variations correspondantes de la forme 
de la cornée, de la position et de la figure du cristal- 
lin , dela sclérotique , enfin de l'iris plus contracté ou 
plus dilaté. M. Thillaye adopte la première, et réfute 
successivement les autres ; mais en attribuant les va- 
riétés de la vision aux différentes formes de la cornée , 
il rejette toutes les explications données à celles-ci, 
et prétend les faire dépendre des diverses modifications 
de la choroïde , déterminées elles-mêmes par une 
affluence du sang dans les nombreux vaisseaux de 
cette membrane, dont la cause immédiate résiderait 
dans les diverses impressions de la lumière sur la 
rétine. 

Le rapporteur partage le sentiment de l’auteur sur 
l'influence attribuée au cristallin on à la sclérotique, 
et assez peu fondée pour dispenser d’une réfutation 
détaillée. Il admet aussi une partie de ses objec- 

L3 


( 168 ) 


tions contre quelques-unes des hypothèses relatives à 
la cornée ; mais d’autres lui paraissent plus spécieuses 
que solides , et il les discute avec quelque détail. 
Quant à la contraction et à la dilatation de l'iris, 
dont M. Thillaye combat l'influence contre le sen- 
timent qui se soutient encore avec le plus d'avantage, 
M. Le Sauvage n’est pas de son avis; et il com- 
mence par détruire une supposition de fat, qui a 
pour elle à la vérité la plupart des physiologistes mo- 
dernes , mais qui est contredite par les expériences de 
maître Jean. Elle consiste à admettre le resserrement 
de la pupille dans la vision à petite distance , et sa 
dilatation dans la vision au loin. 

Ce point fondamental méritait sans doute d’être 
vérifié : il l’a été par la commission. M, le Sauvage a 
rendu compte des expériences qui ont été tentées d’a- 
bord sur quelques élèves du Lycée , et continuées en- 
suite avec la plus grande attention sur une douzaine 
des militaires casernés au château, et placés dans 
un jour convenable , à portée de voir successivement 
la batte de Caumont, située à plus de six lieues de 
distance, les clochers de Samt Etienne, éloignés de 
plusieurs centaines de toises , et un disque opaque 
de trois pouces de diamètre tenu à quelques pieds 
de l'œil. On a constamment remarqué , et sans au- 
cune exception , que la pupille se resserrait à me- 
sure que la vue se portait de l’objet le plus proche 
sur le plus éloigné, et qu’elle se dilatait sensiblement 


( 169 ) 


quand la vue revenait de l’objet le plus éloigné au 
plus proche. 

La théorie de M. Thillaye est principalement fondée 
sur une sympathie entre la rétine et la choroïde, en 
vertu de laquelle cette dernière membrane, gonflée 
par l’afluence du sang en raison des distances de 
la vision, aurait la faculté de comprimer les hu- 
meurs de l’œil , et de les porter vers la cornée avec 
assez d'énergie, pour qu’elles pussent étendre et faire 
saillir en avant cette membrane, ce qui produirait des 
variations dans l’étendue du diamètre antéropostérieur 
de Pœil. Cette érectilité de la choroïde est déduite 
de ses prétendues analogies avec l'Iris, dans lequel 
tous les physiologistes modernes, et parmi eux M. 
Mannoir , reconnaissent cette faculté à un haut degré; 
mais le même M. Mannoir s’est convaincu par ume 
expérience faite sur l'œil d’un homme récemment 
décapité, et exposée dans le rapport, que les mou- 
vemens de l'Iris peuvent être excités indépendamment 
du gonflement de la choroïide; et de plus les ob- 
servations de maître Jean, confirmées par celles de 
la commission, ayant démontré que la dilatation de 
la pupille est d'autant plus grande, que l’objet de la 
vision est plus proche, tandis que dans le système 
de M. Thillaye elie devrait être d’autant moindre, 
à cause de l'allongement de l'œil , il s'ensuit que 
l'analyse mise en avant ne peut être soutenue. 

Au reste le rapporteur , en déclarant, non pas 


(170) 

que la théorie de M. Thillaye soit inadmissible , puis- 
que même M. Mannoir paraît disposé à reconnaitre 
l’action de la membrane choroiïde dans le phéno- 
mène dont il s’agit, mais du moins que les preuves 
dont il l’appuie sont insuffisantes , reconnaît que les 
difficultés jusqu'ici insurmontables, que présente ce 
sujet , rendraient son erreur très-excusable , et qu'on 
ne doit pas moins lui savoir gré de ses efforts et de 
ses laborieuses recherches , et il donne des éloges à 
l’ordre qu’il a su mettre dans les nombreux maté- 
riaux dont il s’est servi. 

M. Le Sauvage, avant de discuter le système de 
M. Thillaye, avait insisté sur une distinction essen- 
tielle entre Îes parties constitutives de l'œil. Il:y re- 
vient à la fin de son mémoire, qu’il termine ainsi : 

» L'idée principale par laquelle M. Thillaye s'est 
laissé séduire était ingénieuse sans doute ; mais elle a 
dû le conduire à des résultatsinexacts ; et en cela il a par- 
tagé le sort de la plupart de ses devanciers. On a trop 
oublié, dans l’étude des phénomènes de la vision , 
que l'œil était un organe .vivant. À la vérité, 
quelques particularités de son organisation le placent 
sous l’empire des lois physiques ; mais elles ne peuvent 
le soustraire à l'influence des lois physiologiques : et 
c'est ce que paraissent avoir trop souvent ignoré, 
et les physiciens, qui se sont exclusivement emparés 
de cet organe , et les physiologistes , qui se sont con- 
tentés de leurs explications. Il ont considéré œil 


(171) 
comme une machine de dioptrique ,; de même que 
les chimistes pneumatistes comparaient le poumon à 
leurs vases inertes, lorsqu'ils voulaient donner un théo- 
rie de la respiration. Les uns et les autres auraient 
dû ne jamais perdre de vue cette grande vérité, qu’il 
existe, comme l’a dit Bichat, deux classes d'êtres , 
deux classes de propriétés ; deux classes de sciences; 
et que l’application des lois physiques pour étudier 
les phénomènes physiologiques, doit donner des ré- 
sultats aussi fautifs |, que le serait l'emploi des lois 


physiologiques dans l’étude de la physique. » 


Rapport de M. Le SAUVAGE sur un mémoire de 
M. GEOFFROY ayant pour titre : Sur les diffé- 
rens états des coquillages au sein de la terre. 


Le rappporteur réduit les idées longuement déve- 
loppées dans une bonne partie du mémoire , aux 
quatre propositions suivantes, 

1°. Dans les coquilles composées d’une partie 
nacrée, et d’une partie colorée, quelquefois la première 
est intacte, la seconde seule a été altérée. 

29. La partie colorante. semble résider plus parti- 
culièrement dans la partie gélatineuse de la coquille , 
d’où 1l résulte que la destruction de la dernière en- 
traine toujours celle de la première. 


(172) 

3°. Quelques coquilles fossiles sont uniformément 
colorées ; et alors elles ont emprunté leur couleur $ 
qui n’est jamais brillante , aux substances minérales 
avec lesquelles elles s'étaient trouvées en contact. 

4°. Les coquilles pétrifiées ne seraient que des 
moules , auxquelles la coquillé aurait donné la forme 
avant de disparaître par l’effet de sa destruction ; et 
on croit en trouver la preuve dans la disposition de 
ces fossiles, qui offrent à leur surface les empreintes 
des saillies au enfoncemens qui existaient à l’intérieur 
de la coquille. 

Les trois premières propositions paraissent au rap- 
porteur n’énoncer que des observations peu impor 
tantes ; et que l’on peut faire à l’aide de l’examen 
le plus superficiel des coquilles fossiles. Quant à la 
quatrième , il la croit inadmissible dans sa généralité. 
Un rencontre en effet, des pétrifications dont la sur- 
face indique qu’elles ont été moulées dans des co- 
quilles ; mais on en trouve aussi qui représentent 
l'extérieur même de la coquille, et la difficulté d’expli- 
quer cette étonnante conversion ne saurait la faire re- 
jetter. Soit qu’on adopte le système du professeur 
Haui, ou celui de M. Patrin, on ne peut nier qu’il 
y ait combinaison d’une substance nouvelle avec la 
partie calcaire de la coquille, et conséquemment-pé- 
trification. 

Dans le reste de son memoire, M. Geoffroy 
s'étend avec beaucoup de complaisance sur les avan= 


(33) 


tages qu’on peut tirer de l’érude des coquilles fos< 
siles, soit pour la détermination de l’âge et des ré- 
volutions du globe, soit pour le perfectionnement des 
méthodes conchyliologiques. 11 réfute l’opinion des na- 
turalistes qui ont prétendu que les espèces de coquilles 
dont on ne trouve plus les analogues vivantes n’ont 
point péri, mais que des changemens successifs dans 
leur forme extérieure les rend méconnaissables, Le 
rapporteur qui combat aussi cette hypothèse, qu’on 
a voulu appliquer à tous les êtres organisés , cite 
contre elle les cadavres d’animaux embaumés depuis 
deux ou trois mille ans, que M. Geoffroy St.- 
Hilaire a rapportés d'Egypte, et qui ressemblent 
parfaitement dans toutes leurs parties aux animaux 
de même espèce qui existent maintenant. 

Suivant le rapport, le mémoire de M. Geoffroy 
annonce un amateur ardent, même enthousiaste de 
l'histoire naturelle, au moins quant à quelques par- 
ties ; il est écrit avec correction et exactitude ; et 
suppose de longues études et des connaissances éten- 
dues : il faut avouer cependant que l’auteur est loin 
d’avoir embrassé les considérations les plus relevées 
et les plus importantes que présentait son objet. 


(174) 


Mémoire sur un canal de dérivation de quatre mille 
soixante-un mètres de longueur & construire dans 
la plaine de Poses , avec une écluse à Sas, er 
un pont pour Les communications vicinales , 
afin d'éviter les difficultés er faire cesser L:s dangers 
qu'éprouve la navigation de la Seine au pertuis de 
Poses , par M. LESCAILLE, ingénieur ef chef 
du Département de l'Eure, associé correspondant. 


M. Lescaille , aprèsavoir montré succinctement l’im- 
portance de la navigation dont il s’agit, «en indiquant 
les nombreuses communications qu’elle facilite , dé- 
veloppe , d’après les reconnaissances , nivellemens , 
sondes , et autres opérations faites sur le terrain, les 
différens travaux qu’il est absolument indispensable 
d'exécuter pour éviter le passage difficile..et dange- 
reux du pertuis de Poses. Cette nécessité résulte des 
retards considérables, de la dépense énorme et des 
dangers très-graves qu'entraîne l’état actuel de cette 
navigation, Suivant les détails très-circonstanciés que 
contient le mémoire, 1l faut ordinairement à un bateau 
pour monter le pertuis de Poses , depuis vingt- 
quatre jusqu’à quarante-six chevaux , en raison de 
ses dimensions , indépendamment de la fourniture 
des cordages pour le haler , et du salaire des hommes 
employés à cette opération ; ensorte que d’après 
des évaluations très-fondées , le prix réduit du pas- 


£ C175) 

sage pour un bateau montant s'élève à cent quatre- 
vingt-serze francs, et pour un bateau descendant 
à quarante francs, en ne comprenant pas les che- 
vaux du halage , mais seulement les frais extraordi- 
naires ; et comme on estime qu’en temps de paix il 
ne passe pas moins de 36$ bateaux montans, et autant 
de bateaux descendans , la dépense annuelle monte 
à 82,490 francs. Si l’on ajoute à la suppression de 
cette dépense la célérité et la süreté que procurera 
à la navigation l'établissement proposé, on y trou- 
vera une ample compensation du prix des travaux 
qu'il exige , et qui sont évalués à 1,369253 francs, 
y compris les indemnités à payer aux propriétaires 
de fonds. Au reste M. Lescaille répond aux objec- 
tions tirées de quelques intérêts particuliers et de quel- 
ques considérations locales. 

À ce mémoire, qui avait été lu dans la séance pu- 
blique de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts 
du Département de l'Eure, du 16 Mai 1813, était 
joint le Procès-verbal imprimé, relatif au passage du 
premier bateau dans la grande écluse du Pont-de- 
l'Arche sur La rivière de Seine , dans le bras de de- 
rivation du fossé, daté du 14 Août 1813: Un 
discours adressé par M. Lescaille à M. Le Comte 
de Miramon, Préfet du Département de l'Eure, en 
présence ‘des autorités publiques réunies pour être 
témoins de ce passage, expose les motifs qui ont 
fait ordonner l'établissement de cette écluse , les dif- 
ficultés et toutes les circonstances de son exécution. 


" 


RE ST EG EE 


a 


SECONDE SECTION. 


PARTIE LITTÉRAIRE. 


a" à "| à Sn 7 


Essai ou recherches sur Les vrais Élémens de l'histoire 
ancienne du globe terrestre ,| par M. CaiLLy. 


L'ivreur présente dans une introduction quel- 
ques considérations générales sur la multitude et la 
variété des systèmes de géologie et de cosmogonie, 
nés de cette curiosité avide et toujours insatiable qui 
voudrait tout connaître, accommodés aux préjugés 
des différens peuples, et à l’ambitieuse prétention 
de chacun d’eux d’être la première souche du genre 
humain , et le plus souvent confirmés et en quelque 
sorte consacrés par leur liaison avec les doctrines reli- 
gieuses. Le progrès deslumières, l’accroissement de tous 
les moyensd’étendre nos connaissances lui semblent des 
motifs suffisans pour abandonner tant de vaines théo- 
ries enfantées par l'imagination et accueillies par la 
crédulité, et pour chercher dans des études sagement 
dirigées, des notions plus sûres et mieux fondées sur 
l'état des anciens habitans de notre terre. Son but 
n’est point d’assigner une époque à l'existence du 
globe terrestre, ce qui serait selon lui une folle pré- 

tention 


C177) 

tention et une sotte vanité; mais il prétend établir 
qu'on ne peut lui refuser une prodigieuse antiquité, 
et appuyer son opinion sur des preuves avec les- 
quelles ne pourraient se concilier les systèmes de 
chronologie les plus suivis, dont il attribue le crédit 
à l'autorité des Grecset des Romains sur nos jugemens 
historiques, et à l’empire des principes religieux qui 
ont été mis dans une sorte de dépendance de ces 
systèmes. 

M. Cailly indique quatre sources où l’on peut puiser 
des lumières satisfaisantes sur le sujet qu’il traite: 
1°. la géologie, ou la connaissance du globe ter- 
restre ; 2°, les monumens épars sur sa surface ; 3°: 
la tradition des connaissances astronomiques , celle 
des faits et de ces longs souvenirs perpétués par des 
usages qui, quoique dénaturés, conservent un reste 
de leur primitive empreinte ; 4°. enfin la comparaison 
de quelques faits transmis par les historiens. Il en fait 
la matière d’autant de chapitres, dont le premier, 
qui est seul l’objet de ce mémoire , est intitulé : 
Preuves de la haute antiquité du globe tirées de la 
géologie. 

La première de ces preuvesest prise de ces immenses 
chaïnes de montagnes quartzeuses et granitiques vraï- 
semblablement antérieures à l'existence de la nature 
organisée , dont elles ne contiennent aucune trace , 
et regardées avec raison comme les ossemens ou la 
charpente primitive du glôbe, Si l’on regarde comme 

M 


(178 ) 

bien établi que ces énormes masses de granit , qui 
renferment de vastes blocs de quartz ne sont que 
des crystalhisations ; ou plutôt des aggrégations de 
crystaux, qui ne sont eux-mêmes qu’une supeérpo- 
sition successive de lames extrêmement minces, et 
que leur formation assujettie à une admirable régu- 
larité, ne peut s’opérer qu'avec une extrême len- 
teur, combien de siècles a-t-il fallu pour produire 
ces immenses aggrégations ? 

Après la formation des roches primitives , dit l’au- 
teur du mémoire, on découvre les masses schis- 
teuses ou hétérogènes , qui semblent accolées aux 
montagnes mères. C’est là que se sont principale- 
ment formés les minéraux; et ces montagnes secon- 
daires ont éprouvé plus de bouleversemens et de se- 
cousses, parce qu'elles renferment plus de matière 
propre à alimenter ce feu souterrain qui produit les 
volcans. 

Untroisième objet que M. Cailly présente commeune 
preuve bien puissante de son opinion , c’est cette pro- 
digieuse quantité de terre calcaire dont les couches 
horizontales recouvrent une partie considérable du 
globe , tantôt en forme de montagnes, tantôt en forme 
de plaines. En admettant avec les naturalistes que 
ces terres proviennent de corps organisés , quel que 
soit le mode de leur décomposition; en considérant 
que si la plupart contiennent encore quelques-uns de 
ces corps en nature, beaucoup de bancs n’en offrent 


(179) 

plus aucuns vestiges, et attestent par conséquent uné 
décompositiorf complète ; en supposant de plus que 
ces couches alternativesde terre calcaire et de terre vé- 
gétale, que l’on a trouvées dans plusieurs fouilles, 
sont dues à des invasions successives de la mer, 
qui aura recouvert plusieurs fois le sol qu’elle avait 
plusieurs fois abandonné ; à juger du temps nécessaire 
à ces grands résultats par celui des changemens presque 
insensibles dont nous pouvons être témoins , quelle 
durée prodigieuse ne serait-on pas forcé d'accorder 
même à la nature vivante ? 

Ces mers de sable, qui offrent un aspect si 
effrayant dans le continent de l'Afrique, et dont 
le temps seul ne semble pas expliquer suffisamment 
la production ; ces volcans éteints qui n'ont dû 
leur existence qu’à leur voisinage de la mer, et 
qui se trouvent dans des lieux qui en sont aujour- 
d'hui fort éloignés, et qui l’étaient même, tel que 
le centre de la France, dans les temps les plus re- 
culés dont l’histoire fasse mention , sont encore des 
moyens de preuve que M. Caiïlly apporte à l'appui 
de son système. 

A loccasion des volcans, l’auteur cite une re- 
marque intéressante de M. Goux de Faix sur l’Indous- 
tan. Cet immense pays ne fournit aucune trace ré- 
elle ou traditionnelle de ces foyers de destruction re- 
trouvés plus ou moins fréquemment par les voyageurs 


dans les quatre parties du monde, à l'exception du 
M 2 


Le ( 180 ) 


seul volcan placé à l'extrémité méridionale de la 


Presqu'île. Si l’on ajoute à cette singularité la nature: 
q j 8 


et la forme des montagnes , généralement formées 
de granit bleu ou rouge , en couches toujours pa- 
rallèlles à Fhorizon et à peu près égales entr’elles , la 
profondeur de la terre végétale, qui n’a pas moins 
de dix à douze pieds d’épaisseur , l’absence de piertes 
calcaires, de silex, de pyrites, de mines à charbon 
de terre et de métaux ou demi-métaux, enfin de 
tout indice de bouleversemens, on sera porté à croire 
que ce pays a été le plus anciennement habité, ainsi 
que le conclut M. Cailly, qui a donné, au reste, 
d’amples développemens à tous les moyens de preuve 
qui n’ont pu qu'être indiqués ici, et qui a confirmé 
ses explications théoriques par de nombreuses et 
longues citations de Saussure , de Pallas, de Faujas 
de Saint-Font, de Humbolt, et par l’autorité de 
plusieurs autres savans, 

Il lui restait à répondre aux ebjections de plusieurs 
hommes instruits contre les conséquences qu’il adopte 
relativement à l’ancienneté du globe. M. André, qui 
a visité la chaîne des Alpes , et qui l’a observée 
avec une exactitude qui n’est point révoquée en 
doute, y a remarqué une dégradation continuelle 
et rapide, qui ne permet point d'attribuer à ces 
montagnes une existence fort ancienne , parce que 
dans ce cas, elles devraient déjà être totalement 
détruites. Les attérissemens successifs et assez prompts 


(18r) | 
formés par les fleuves lui paraissent aussi repousser 
l'hypothèse d’une haute antiquité , et il voit dans 
une grande débâcle la cause des désordres et des 
irrégularités qu’on voudrait rapporter à une action 
lente et continue des agens de la nature. M. de 
Leu méconnaît les invasions de la mer et la dégra- 
dation successive de ses côtes. Sur ce dernier point, 
M. Cailly en appelle à des faits notoires observés sur 
les côtes de la Normandie, et à des changemens no 
tables consignés dans les chartes encore subsistantes. 
Il cite à ce sujet , une trentaine de vers d’un voyage 
de M. de Nesle, qui prouvent que ces effets étaient 
reconnus. Quant à la supposition d’une débâcle gé- 
nérale, il la juge insoutenable et contredite par tant 
de dépôts réguliers, qu’elle n'aurait pu manquer de 
troubler. Les dégradations observées dans les Alpes et 
ailleurs ne sont, à son avis, que des accidens par- 
tiels, qui ne peuvent pas faire juger de l’ensemble. 
exempt de toute altération considérable, comme le 
prouvent les deux chaînes des Gates dans l’Indous- 
tan; et l’on ne saurait attribuer un progrès bien ra- 
pide aux attérissemens des fleuves, si l’on en juge 
par ceux du Nil, puisqu'on ne voit pas que depuis 
Hérodote, c’est-à-dire depuis plus de 22 siècles , 
ils aient beaucoup aggrandi le sol du Delta Egyptien. 
Cette première partie du travail de M. Cailly est 
terminée par la citation d’un passage qui est comme 
le résumé des propositions qu’elle renferme, et qui 
a été extrait du Mercure, n°, 436. M 3 


(182) ji 


Description de l'ouverture de l'avant-port de Cher- 
bourg qui a eu lieu le 27 Août 1813 , et détails 
sur ce qui s’est passé à cette occasion, par M. 
LAIR. 

Il y avait déjà plusieurs jours que M. Lair visi- 
tait les travaux maritimes de Cherbourg avec l’admi- , 
ration d’un amateur zélé et l'intérêt d’un citoyen 
rempli de l'amour de la patrie, lorsque l’on con- 
somma la confection du nouveau bassin, en lui ou- 
vrant une communication avec la mer ; et l’âme toute 
pleine de ce grand spectacle et des sentimens qu'il 
avait excités en lui, il voulut faire partager à ses col- 
Jègues , autant qu'il était possible , les jouissances qu'il 
avait éprouvées, en leur faisant un récit exact et dé- 
taillé, non seulement de ce qu'ilavait vu, mais même 
de ce qu'il avait senti et pensé. 

La rade de Cherbourg, qui s'étend au Nord de 
la Ville jusqu'à environ une lieue en mer , sur une 
étendue bien plus considérable de l'Est à l'Ouest, 
est fermée par des forts, dont la batterie Napoléon 
complète la ligne, en partageant en deux une passe 
beaucoup trop large , eten ne laissant à chaque extré- 
mité de la nouvelle digue qu’une entrée peu spacieuse, 
qui ne pourrait être franchie de vive-force. Dans la 


’ (185) 
partie occidentale de cette rade, et tout près de la 
terre, la nature offrait un espace resserré et profond 
entre deux rochers , dont on concut le projet de faire 
l'entrée d’un port, où les plus grands vaisseaux pussent 
accéder non-seulement dans toutes les hautes mers, 
mais encore une heure environ avant ou après les 
basses marées. Une pareille entreprise , en promettant 
des avantages immenses à notre navigation , présen- 
tait des difficultés effrayantes. La plus grande, sans 
doute, était d’élever dans l’ouverture formée natu- 
rellement, une digue qui fût assez solide pour sou- 
tenir le poids des eaux , et surtout les efforts des 
plus violentes tempêtes pendant un assez grand 
nombre d’années , nécessaire pour creuser un port 
derrière cette digue, et qui fût, d’un autre côté , 
assez mobile pour pouvoir être enlevée complète- 
ment et facilement à la fin des travaux ; et c’est ce 
que l’Art a exécuté, Après la construction de deux 
môles en granit, qui réduisaient le passage à une 
largeur de 196 pieds 8 pouces, on a mis à flot le 
3 Septembre 1807 un vaste batardeau construit à 
peu de distance de là, et on l’a enfoncé dans l’es- 
pace que laissait les deux môles. Ce batardeau n’é- 
tait pas d’une seule construction. Sa partie princi- 
pale consistait en une espèce de grand bateau de 
142 pieds de long , sur 84 pieds de largeur à la 
base, 44 au sommet, et 40 pieds de hauteur ver 
ticale. Les deux, intervalles qui restaient jusqu'aux 
M 4 


| (184) 
môles, et qui formaient ensemble une longueur de 
54 pieds , furent remplis par des pièces additionnelles 
et d’une construction analogue au système principal. 
Cest à l'abri de cette digue factice, ouvrage de 
M. Guillaume, à laquelle on avait donné une soli- 
dité à toute épreuve, en l’emplissant de sable et de 
terre glaise, et par tous les autres moyens de l'Art, 
qu'on a creusé un chenal , qui va en s’élargissant 
depuis 196 pieds qu'il a entre les môles , jusqu’à 308, 
sur une longueur de 247, et à la suite de ce che 
nal,un bassin formant un parallélogramme de 900 
pieds de long , sur 720 de large, et $$ de profon- 
deur. Le chenal est moins profond d’environ $ pieds. 
Le tout a été creusé dans un schiste généralement 
quartzeux , dont la dureté augmentait à mesure qu’on 
allait plus avant. La partie supérieure de cette enceinte 
est revêtue d’un mur de granit solidement construit; 
mais depuis le fond jusqu’à environ 24 pieds de hau- 
teur , le talus, incliné de 4$ degrés à la verticale , est 
formé du roc même, qui est continu sans aucune 
interruption , et qui a été taillé avec le même soin 
que des pierres de maçonnerie, Dans cette enceinte ont 
été pratiquées deux embrâsures , dont l’une du côté 
du fort Homet, c’est-à-dire vers le Nord,momentané- 
ment fermée par un bateau-porte , doit faire la com- 
munication du bassin déjà creusé, et qui n’est des- 
üné qu’à servir d’avant-port , avec le bassin des ara 
memens, qui est déjà fort avancéghet qui doit être 


C185) 
terminé dans deux ans. Dans le côté opposé , la 
seconde ouverture présente une belle forme en granit, 
taillée avec une perfection étonnante, dans laquelle 
les vaisseaux de la plus grande dimension pourront 
être construits ou radoubés. Il avait été creusé au 
fond du bassin deux fosses , l’une en avant de la 
forme dont on vient de parler, l’autre en face de la 
passe, dans chacune desquelles on déposa le 23 
Août, en présence du ministre de la Marine, une 
plaque en platine , où était gravée la date de la 
construction du port, avec ses principales circons- 
tances, et une boîte en bois de chêne recouverte d’une 
feuille de plomb, contenant toutes les pièces de 
monnaie Française en circulation, et 80 médailles 
en bronze du règne de l'Empereur. Une filtration 
d’eau appellée Renard, qu'aucun moyen n'avait pu 
arrêter pendant toute la durée des travaux , avait 
nécessité l'établissement de trois pompes à feu, pour 
maintenir à sec le fond du bassin. L’enceinte du 
port se trouvait fermée par des retranchemens garnis 
de canons , surtout près de la passe. Sur l’un des deux 
môles on doit élever un phare , et sur l’autre un 
sémaphore. M. Lair a ajouté aux mesures linéaires 
que nous avons données les superficies et les volumes, 
qu'il est facile d’en déduire, à l’aide du calcul. | 
Ce fut le Vendredi 27 Août que le bassin fut 
ouvert aux eaux de la mer. On avait employé beau- 
coup d'ouvriers , d’abord à faire des ouvertures dans 


( 186') 
lebatardeau, et à le décharger d’une partie du sable 
et de la terre glaise qu'il contenait, et ensuite à en 
sapper les appuis. Sur les cinq heures un quart du 
soir , la marée étant parvenue à une certaine hauteur , 
l'eau commença à entrer par trois ouvertures , en aug- 
mentant toujours de volume, et présentant un spectacle 
de plus en plus intéressant. M. Lair en détaille avec 
le plus grand soin toutes les particularités, Il nomme 
beaucoup de personnes distinguées par leur mérite , 
qui se trouvèrent parmi la foule des curieux, et il 
n'oublie pas de payer un juste tribut de louanges à 
M. Cachin, directeur de ces importans travaux. Notre 
confrère méritait bien par son empressement et sa 
persévérance, de ne rien perdre d’un événement si 
remarquable. Il était resté avec un très-petit nombre 
de spectateurs , lorsqu'à neuf heures du soir , un 
craquement épouvantable et une secousse violente an- 
noncèrent la rupture du batardeau du côté du bassin. 
Des pièces de la charpente se détachèrent à plu- 
sieurs reprises , et la mer se précipitant avec impé- 
tuosité eut rempli en une demi-heure la vaste ca- 
pacité de l’avant-port. C'est avec un véritable en- 
thousiasme que M. Lair décrit cette scène ma- 
gnifique , dont les effets étaient agréablement variés 
par les reflets des lampions et des pots à feu rangés 
dans le batardeau et le long du bassin. Ce serait af- 
fablir l'idée du tableau qu’il en a tracé que de vouloir 
en offrir une esquisse, et il paraît suffire au but de 


(187) 
cet extrait d’avoir recueilli les faits principaux aux- 
quels peuvent tenir des résultats éminemment utiles. 


LA 


Notice sur M. Foucault, intendant de la généralité 
de Caen, par M. Lair. É 


F 


M. Foucault joignait aux qualités ES précieuses 
de l’hemme public, l'amour actif des lettres et des 
sciences. Cet administrateur n’a pas seulement le 
mérite d’avoir obtenu en 170$ à la ville de Caen 
l'établissement d'une Académie Royale de Belles- 
Lettres, dont Louis XIV: le nomma protecteur; il 
se livrait particulièrement à l'étude des antiquités. On 
lui doit la découverte de l’ouvrage , attribué à Lac- 
tance, et publié par Baluze, de Mortibus persecuto- 
rum ; des fouilles considérables faites à Vieux par ses 
ordres , et continuées avec zèle jusqu’à l’époque où 
il fut appellé à Paris, pour y remplir les fonctions 
de Conseiller d'État , et de chef du Conseil de 
Madame ; D'autres fouilles en différens endroits de 
son Département , et entr’autes celles à 4/Laume 
proche la butte du Monr-Cätre, aux environs de 
Valognes , consignées dans les mémoires de Caylus, 
et rappelées dans le rapport général sur les travaux 
de l’Académie de Caen imprimé en 1811. Ses obser- 
vations sont insérées dans les mémoires de l’Académie 
des inscriptions et Belles-Lettres de Paris, dont il était 


(188) 

membre honoraire. Il composa sous le titre de San- 
martiniana , Un recueil des traitsles pluspiquans de la 
vie singulière de l'abbé de Saint Martin. En parlant des 
nombreux objets d’antiquités recueillis par ses soins, 
M. Laiïr regrette qu’au lieu d’être rassemblés à Caen 
dans un dépôt public, ils soient dispersés au loin, et 
à-peu-près perdus pour la Ville qui avait le plus 
d'intérêt et de droit à les conserver. 


Mémoire sur les Trouvères Normands et Anglo-Nor- 
mands , par M. DELARUE. 


Ce mémoire n’est qu’un extrait d’un ouvrage plus 
étendu ayant pour titre : Histoire des Trouvères Nor- 
mands. L’auteur ne l’ayant point déposé, il ne peut 
en être rendu compte dans ce rapport. 


Notice sur une partie de la Moscovie , sur Moscou et 
le Kremlin, par M. CAILLY fils, associé-corres- 
pondant. 


L’invasion de l’ancienne Moscovie par une armée 
composée de Français, d’Italiens , d'Espagnols, de 
Portugais et des peuples de la confédération du 


( 189 ) 

Rhin, sera, comme le dit en commençant M. Cailly; 
un évènement mémorable et un phénomène politique. 
Elle fournissait à un observateur instruit et attentif 
une belle occasion pourrectifier des relations inexactes , 
ou faire connaître les changemens et les amélio- 
rations qui se sont opérés dans ce pays; et c’est dans 
cet esprit qu'a été rédigée la notice. L'auteur, en 
suivant la route que l’armée a parcourue , parle 
d’abord de la ville de Smolensk , dont il donne 
l’historique et la description. Elle avait, dit-on, 1500 
maisons et 12000 habitans; mais elle était en partie 
incendiée et entièrement déserte. Sa position sur le 
penchant d’une colline à la droite du Borystène , 
et au milieu d’une campagne bien cultivée et semée 
de bouquéts de différens arbres, lui donnait un as- 
pect très-pittoresque. Cest dans la plaine en avant 
de Smolensk que se donna la bataille du 17 Août- 
1812. ‘Au retour de l’armée, les fortifications de 
cette Ville ont été détruites. 

Pour aller de Smolensk à Moscou, on ne trouve 
point, comme on le prétendait, une forêt de 50 
lieues, mais une belle route, large et garnie de fossés , 
sur laquelle on rencontre , à la distance de 21 lieues, 
Dorogobou; , ville très-importante dès le 11°. siècle ; 
puis, 15 lieues plus loin, Viazma, et ensuite Phjat 
et|Porodino , gros bourg en avant de Mojaisk , 
petite ville à 24 lieues de Moscou. C’est à trois 
lieues en deçà de Mojaisk que se donna le 7 Sep- 


L 


__ (190) 

tembre la fameuse bataille de la Moscoua. M. Caïlly 
donne sur la position, l'importance et le commerce 
deices différens endroits des détails intéressans, des- 
quels on peut conclure avec lui que la Moscovié 
était depuis long-temps civilisée. | 

Moscou est l’objet que l'auteur de la notice pa- 
raît avoir eu principalement en vue, et sur lequel il 
s'étend davantage, Il considère cette ancienne ca- 
pitale sous tous les rapports dignes d’observation ; 
et l’idée qu’il donne de son étendue , de ses riches- 
ses et de sa magnificence, ne peut qu’exciter l’m- 
dignation contre l’entreprise ambitieuse qui porta son 
gouvernement à l’affreuse résolution de faire de cette 
Ville la proie des flammes , et de causer à ses peuples 
une perte évaluée à plus de deux milliards et demi. 
Le Kremlin occupe une place considérable dans la rela- 
tion de M. Cailly. C’est la partie la plus petite et la plus 
ancienne de cette grandeVille, dont l’origine ne remonte 
pas fort haut , et qui avait pris des accroissemens suc- 
cessifs ,. distingués par les dénominations de ses 
quatre quartiers ou villes, savoir outre le Kremlin, 
lé Karaïgorod, ou ville Chinoise, occupé non par 
des Chinois, mais par des étrangers et des mar- 
chands; Biclogorod, ou ville Blanche , et Zembia- 
noigorod , ou la ville de Terre, qui enveloppe les 
trois autres. Ces quatre villes sont entourées de plus 
de trente vastes faubourgs. Le Kremlin ne forme 
pas , comme l’a dit l’auteur du tableau dela Russie, 


(rot) 

un triangle parfait ; mais c’est un vrai trapézoide. Il 
contient un grand nombre d’édifices publics, entr’au- 
tres un ancien palais des Czars, qu'Ivan Vasilic- 
“witch fit achever et augmenter vers la fin du 15°. 
siècle ; plusieurs Églises, dont deux principales , ap- 
pelées de la Mort de la Vierge et de ! Archange Mr- 
chel, étaient consacrées, l’une au sacre des Czars, 
l’autre à renfermer leurs tombeaux, et toutes deux 
richement décorées. On voyait dans la première un 
lustre d'argent massif, d’une dimension extraordi- 
naire , donne à Boris-Gondenow par la République de 
Venise. À côté de la Métropole s'élevait la tour d’I- 
van , qui contenait la fameuse cloche du poids de 
480,000 liv. Elle est maintenant enfoncée en terre; 
mais un large fossé pratiqué tout au tour permet 
d'entrer dans l’intérieur par une échancrure qui s’est 
faite lors de sa chute. M. Cailly estime son diamè- 
tre de 30 pieds et sa hauteur de 25. On remar- 
quait aussi dans le Kremlin le palais du Sénat et 
celui où les Empereurs donnoient leurs audiences, 
deux édifices d’une architecture moderne et élégante , 
distribués et décorés avec goût. 

Moscou , dont une bonne partie avait été renouvel- 
lée depuis 15 à 16 ans, offrait le contraste de beau- 
coup de monumens de nos arts perfectionnés, avec 
ces masses colossales et surchargées d’ornemens, où 
lon trouvait le caractère de l’ancienne architecture 
des Russes; et le beau était mêlé avec le bizarre. 


‘(in) 

On pourrait remarquer une opposition analogue en< 
tre la civilisation de plusieurs seigneurs Russes d’un 
esprit cultivé et orné, et la grossièreté barbare de la 
multitude , surtout dans les contrées éloignées de 
Pétersbourg. Il est à regretter que M. Cailly n’ait 
pas été à portée de considérer avec détail les mœurs 
d’un peuple, qui fait encore la guerre comme dans 
le 11€. et le 12€. siècle, s'enfuit après avoir ra- 
vagé et incendié son pays, au lieu de le défendre, 
pour ne laisser à l'ennemi que des cendres et des 
ruines. Sans doute il nous aurait fait connaître le 
caractère, les vices et les vertus, les préjugés et les 
sentimens de cette nation, aussi exactement qu’il 
nous a fait connaître la situation , les agrémens , les 
commodités et les défauts de leurs cités et de leurs 
constructions. 


TE 


Nouce sur Les ruines de Juliobona , capitale des 


Caletes ox Caleti, par M. REVER; associé cor- 
respondant,. 


M. Rever ne se propose point de discuter dans 
cette notice l'emplacement de l’ancienne ville de Ju- 
liobona , ni de réfuter les erreurs commises à ce 
sujet , parce qu'il regarde comme hors de doute 
qu'elle existait où est la ville actuelle de Lille- 

bonne ; 


(193) 


bonne ; mais le résumé de ses recherches a pour but 
de prouver que c’est mal-àä-propos qu’on prend ce 
qui reste du châteaü pour les débris d’une construc- 
tion Romaine , tandis qu’il ne remonte pas au delà 
du 13°. ou du 12€. siècle, et que par rapport à 
l'ancien théâtre, qui suffit pour constater l’impor- 
tance de la ville, la description qu’on en a faite 
n’est pas exempte d’exagération. Sur le premier point, 
notre collègue , qui a tout examiné avec un soin scru- 
puleux , tire ses preuves de la forme des croisées, dont 
une subsiste encore en assez grande partie pour qu’on 
ÿ reconnaisse le caractère d’une construction gothi- 
que; des ruines d’une tour ‘octogone, dent il ne reste 
plus que trois pans, et qui portent visiblement le 
même caractère, n'ayant ni petit carré dans les pa- 
remens de moëllon, ni chaînes de brique entre les 
assises de pierre, et étant surchargées d’un attirail 
d'architecture qui ne saurait appartenir aux Romains ; 
mais surtout de la voûte du troisième et dernier 
étage , dont la clef présente un écusson que M. 
Rever aperçut facilement dans tous ses détails, à 
la faveur d’une large brèche faite pendant la révo- 
lution , et qui éclaire parfaitement cette partie, au- 
paravant obscure , et au moyen d’un échafaud qu'il 
fit suspendre aux arrêtes de cette voûte en ruine 
pour voir de plus près ces armoiries, et même en 
prendre un creux en plâtre, Commeil s’est bien assuré 
que cet écusson est du temps même où la tour a 
N 


(194) 
été construite, et qu’il n'y a aucun changement fait 
q y 8 


à la clef ou à la sculpture dont elle est ornée, il 
a acquis une entière conviction de Porigine gothique 
de ce château. 

Quant au théâtre, les déblais accidentels de l’an- 
née dernière, dont M. Rever a tiré un grand parti 
pour ses recherches , au moyen de quelques sacrifices 
pécuniaires, l’ont mis à portée d’en lever le plan 
d’une manière exacte ; et de découvrir plusieurs par- 
ticularités remarquables , qu’il a consignées dans 
le rapport de ses mesures. Une singularité dont il 
n'a pu s'expliquer la cause, c’est que la plus grande 
partie des murs ne se joignent que par approche, 
et ne sont pas liaisonnés entr'eux. Entre les objets 
trouvés dans ces ruines, et la plupart insignifians 
notre collègue en distingue trois, qu’il décrit. Le 
premier n’est qu’un fragment de vase de verre. C’est 
une portion de fond, sur laquelle des lettres en relief, 
qui font partie du nom de la fabrique ou de l’ou- 
vrier, prouvent que le verre amolli fut pressé dans 
un moule où des caractères étaient gravés en creux. 
Mais ce qu’il trouve plus curieux , c’est un reste d’at- 
tache appellée Ponty par les ouvriers, située au fond 
du vase , et très-rare dans les vases antiques. Cette 
attache indique que ce vase, quoique grand, fut 
tenu suspendu au bout de la canne sur le fourneau, 
et non avec une pince à ressort, selon l'usage gé- 
néral des Romains, Le second objet est un cachet 


(195) 
d’oculiste , pareil à ceux qu'a publiés M. de Caylus , 
et qui se trouve aujourd’hui le 12°. de son genre. 
C’est un carré de pierre verdätre , dont chaque 
tranche porte deux lignes de lettres en creux , et dans 
un ordre renversé, destinés à être appliqués sur des 
collyres secs, ou peut-être sur des phioles de col- 
lyres liquides , recouvertes à cette fin d’une couche 
de cire. La première partie de ces inscriptions com- 
mune aux quatre faces, et composée des lettres 
TIBIULCLARI, est interprétée par M. Rever TI- 
Berii IVLii CLARI, prénoms et nom de l'ocu- 
liste. La seconde partie est, sur la première tranche, 
DIALEPIDADASPR , interprété DIALEPIDium AD 
ASPRiütudinem , collyre à la Cardamine contre l’as- 
pritudo où aspretudo des anciens , c’est-à-dire, le 
gonflement et linduration squameuse des paupières ; 
sur la seconde, DIALIBANVADIM , interprété DIA4= 
LIBANUM, AD IMpetum , collyre à l’encens con- 
tre l’ophtalmie; sur la troisième DIARODONPIM, 
( DIARODON POst 1Mpetum , ) collyre à la rose 
contre les suites de l’ophtalmie; et sur la qua- 
trième , DIAMISADUC , interprété DIAMISY ou 
DIAMISios AD ULcus coërcendum , collyre mi- 
néral pour la guérison des ulcères. Au reste ces 
interprétations sont développées et appuyées. Le 
3°. objet est une tête d’enfant en bronze, qui ser- 
vait de poids à une balance. Un autre qui mérite 


encore d’être cité, est un fragment de tablette dé 
N 2 


( 196 ) 

marbre , portant des traces d'inscription des deux 
côtés. M. Rever juge que c’est une tablette retour- 
née , dont on se sera servi pour un nouvel usage, 
et que les deux inscriptions ne sont point du même- 
temps , conjecture confirmée par la différence de 
leurs caractères , et la position renversée de l’une 
par rapport à l’autre. Ce qu'il y a de frappant dans 
ces fouilles, c’est la disparate des objets qu’elles ren- 
ferment, et leur peu de rapport avec la destination 
d’un théâtre. Notre collègue a dessiné et fait graver 
les parties de construction sur lesquelles il a établi 
ses raisonnemens , ainsi que le cachet-étiqueté, deux 
petits vases en bronze, et une urne cinéraire , etila 
ajouté quelques notes, dont une entr'autres con- 
tient une observation importante. N’ayant pu bien 
faire prendre le plâtre dont il se servait pour avoir 
l'empreinte de l’écusson , il reconnut, conformément 
au soupçon du couvreur qui lavait fourni, que 
cela venait de l’eau de puits avec laquelle on l'avait 
gâché ; et un nouvel essai qu’il fit, en employant 
l'eau de rivière , eut un succès complet. 


( 197) 


Description des autels de l’ancienne chapelle du Mont- 
Dol, canton de Dol, Arrondissement de Saint- 
Malo, Département d'Ille-er-Villaine , par M. 
REVER , associé-correspondant. 


Ce second mémoire de M. Rever, aussi enrichi 
de notes,et de gravures, commence par une courte 
dissertation sur les sacrifices appelés Touroboles , qu’il 
ne fait pas remonter au delà du second siècle de 
l'Ëre Chrétienne , et pour lesquels, selon un pas- 
sage cité du poëte Prudence, on se servait d’une 
fosse recouverte d’ais mal joints et percés pour donner 
passage au sang du taureau qu’on immolait sur cette 
espèce de planche. Le Grand-Prêtre, revêtu de ses 
ornemens pontificaux , descendait dans la fosse, pour 
y recevoir ce sang sur son corps, et sur ses vête- 
mens, qu’il étendait à cette fin. Notre collègue ra- 
conte ensuite la découverte et donne une descrip- 
tion exacte de deux autels trouvés dans une an- 
cienne chapelle , bâtie sur la pointe orientale du 
Mont-Dol, au Département d’Ille-et-Vilaine, dé- 
pendante de l’abbaye de Saint Michel, et entretenue 
sous l’invocation du même Saint, jusqu’à sa sup- 
pression vers le milieu du siècle dernier , dont il a 
recueilli exactement , et fait constater par l’adminis- 


N 3 


(198 ) 
tration municipale de Dol la forme, les dimensions 
et les particularités. Il paraît certain que les tauro- 
boles et quelques autres sortes de purifications ou 
de consécrations analogues, inconnues avant l’éta- 
blissement du christianisme , n’avaient été instituées 
que pour être mises en opposition avec le baptême 
des chrétiens, et qu’on eut d'autant plus de zèle à 
en détruire toutes les traces , lorsque le paganisme 
succomba entièrement ; en sorte qu’on doit regarder 
comme un phénomène la conservation au moins 
partielle de deux tables d’autel qui en rappellent 
l'idée , et qui n’ont pu échapper à la destruction 
que par la nouvelle destination à laquelle on les a 
appropriées , en les faisant servir au culte nouveau, 
ainsi que la chapelle où ils étaient. Pour ne perdre 
rien d’essentiel des descriptions de M. Rever , il 
faudrait les copier en entier. On se fera cependant 
une idée de ce monument , si l’on conçoit un corps 
de bâtiment long à l’intérieur d’environ 16 mètres et 
large de $ au plus, dont un bon tiers à l’opposite 
de la porte d’entrée, forme une espèce de chapelle , 
qui communique avec le reste par une large porte. 
Une autre chapelle un peu moins grande, a été cons- 
truite à côté de cette première à droite, ensorte 
que tout l'édifice a la forme d’une clef ou d’une 
hache. La seconde chapelle a une porte de com- 
munication avec la première , et en outre une porte 
extérieure, plus grande même que celle du bâtiment 


( 199 ) 
principal ; et tournée comme elle vers l'Occident. 

Chaque chapelle avait en face de l'entrée un autel 
adossé contre le pignon oriental. La pièce principale 
de cet autel et la plus remarquable, était une table 
de pierre d'environ 6 pieds et demi, dans la plus 
grande des deux chapelles, et cinq pieds dans l’autre, 
. percée de trois rangs de trémies carrées, ayant six 
à sept pouces de large à l’entrée, et rétrécies de ma- 
nière à n’avoir plus qu’un pouce et demi au fond, 
Chaque rang contenait neuf trémies, dans la plus 
grande table , et seulement sept dans la plus petite. 
Ces deux autels avaient quelques autres différences de 
dimensions. On avait pratiqué derrière chacun d’eux 
une petite porte dans le pignon, qui répondait au- 
dessous de l’autel, vis-à-vis le plus grand. intervalle 
que laissaient ses supports. 

. M. Rever est persuadé que Prudence , voulant 
faire sentir la honte et le ridicule des tauroboles , a 
par une exagération poétique , réuni toutes les cir- 
constances les plus propres à remplir son but, mais 
qu’on ne doit pas croire pour cela qu’on ne se servit 
que de fosses pour ces sacrifices. Le luxe que les 
Romains mettaient dans leur culte religieux, ne per- 
met pas de douter qu’ils ne les fissent comme les 
autres dans des temples et sur des autels , hors cer- 
tains cas de nécessité , comme dans un temps de 
persécution, où l’on pouvait y suppléer par une 
fosse. Mais les fortes raisons qu'il a de juger que 

N 4 


( 200 ) 


les autels trouvés sur le Mont-Dol, étaient destinés 
à cet usage , se trouvent combattus par des circons- 
tances embarassantes. Ni l'étendue des autels , ni 
l'espace qui les entourait , ne permettent de sup- 
poser qu’on y püt étendre un taureau vivant pour 
l'y égorger. De plus le peu d’ouverture des petites 
portes ou fenêtres, à peine hautes de 22 pouces et 
larges de 14, pratiquées dans un mur de deux pieds 
d'épaisseur, ne pouvaient donner un passage suffi- 
sant pour pénétrer sous l’autel, où il n’y avait pas 
d’ailleurs assez d’espace pour qu’un homme , même 
d’une petite stature , püt se tenir ou se mouvoir sans 
une gêne extrême. M. Rever ne peut opposer à ces 
difficultés que des conjectures , mais qui ne sont 
pas dénuées de vraisemblance. Comme il devoit s’agir 
dans ces sacrifices de recevoir une ablution de sang, 
ainsi que les chrétiens , dans leur bâptême , en re- 
cevaient une d’eau , il devait suffire que celui qui 
voulait être purifié pût avancer sa tête jusque sous 
une partie des trous ou trémies dont l'autel était 
percé ; et si, commeil est probable, les enfans étaient 
admis à cette purification , ils pouvaient facilement 
aller tout-à-fait jusque dans l’intérieur. Cette dernière 
supposition sert même à expliquer pourquoi il y avait 
deux autels , parce que l’affluence pouvait être assez 
grande pour qu’un seul ne pût sufhre, soit qu’alors 
ce point füt le centre d’une nombreuse population, 
soit qu'étant isolé et d’un difficile accès , 1l présentât 


(201) 


par cela même un attrait de plus à la dévotion; 
dont le caractère est souvent de braver les obstacles. 
Quant aux victimes , rien n’empêche de penser qu’au 
lieu de forts taureaux, on immolât de jeunes veaux ; 
ou bien des béliers, et même des chèvres; car les 
payens attribuaient aussi une vertu sanctifiante au 
criobole et à l'ægibole ou æœgobok; et les autels du 
Mont-Dol étaient suffisans pour ces sacrifices. Ces 
explications sont d’autant plus admissibles ,| que les 
dispositions de ces autels sont entièrement opposées 
aux usages chrétiens, que leur établissement porte le 
sceau d’une construction Romaine , et que les payens 
n’avaient nulle autre espèce de sacrifice à laquelle 
ils pussent convenir. 


Recherches sur un camp Romain qui existe dans 
Le Cotentin , par M. LEHÉRICIER de GER- 
VILLE, de Valognes. 


M. de Gerville se propose de prouver qu’un lieu 
situé sur la partie orientale de la montagne connue 
aujourd’hui sous le nom de Monr-Castre, à peu près 
à égale distance de Valognes et de Coutances, et à 
une demi-lieue de la route d’Alleaume à Rennes, 
est le véritable emplacement d’un camp Romain 
établi par Sabinus lan de Rome 696, et mentionné 


( 202 ) 
en plusieurs endroïts des commentaires de César. 
L'auteur montre d’abord par des citations très-for- 
melles , que ce camp de Sabinus était situé dans le 
pays des Unelli, qui d’après l'opinion de Nicolas 
Sanson , adoptée par Danville et par tous les savans, 
ne peut se chercher ailleurs que dans le Cotentin; 
qu'il était placé dans un lieu élevé , et qu'il pré- 
sentait toutes les commodités ; qu’il contenait trois 
légions ; que Viridorix , Général des Unelli , auxquels 
s'étaient joints les Aulerci-Eburovices et les Lexovz , 
campait à deux milles de distance ; que le terrain 
qui terminait le camp, Romain du côté des enne- 
mis était en pente douce sur une longueur d’environ 
mille pas. Or toutes ces circonstances se retrouvent 
avec la plus grande précision dans le Mont-Castre. 
Le terrain est élevé et domine toute la plaine en- 
vironnante , principalement le camp des Gaulois ; 
il fournit de l’eau en abondauce, même dans les 
étés les plus secs; son étendue est d'environ quatre- 
vingts arpens , espace nécessaire pour le GApANEnE 
de trois légions , d'après Polybe, qui évalue à 25 
ou 26 arpens l’emplacement de chaque légion ; ensorte 
qu’on peut lui appliquer ce que Tacite dit du camp 
de Varus, que ses dimensions le faisaient facilement 
reconnaître pour avoir contenu trois légions. Au 
reste, la solidité des travaux, la largeur et la pro- 
fondeur des fossés | qui varient suivant la disposition 
du sol, l’enceinte du prétoire, connue dans le pays 


(203 ) 

sous le nom de Donjon, ainsi que le point nommé 
par Rosier Lorica castrorum ; appellé aujourd’hui 
sangle du Donjon, la distribution des portes, entre 
lesquelles on distingue particulièrement celle qui devait 
être la décumane , et enfin une foule d’autres parti- 
cularités faciles à retrouver, malgré le bois dont cet 
emplacement est couvert , ne permettent pas de mécon- 
naître les restes d’un camp Romain. Mais une circons- 
tance unique et décisive, c’est qu’à deux milles de ce 
camp se trouve un lieu nommé les Casrillons ( nom 
qui comme celui de mont castre rappelle son ancien 
usage ) qui ne peut être que l’ancien camp de Viride- 
tix , situé effectivement à deux milles de celui des Ro- 
mains , suivant le récit de César. Il est aussi sur 
une hauteur dans la lande de Lanne, et présente 
une imitation, mais très-imparfaite de la castramé- 
tation Romaine , dont les Gaulois avaient acquis 
quelques notions par des prisonniers. Malgré les tra- 
vaux qui ont défiguré cet emplacement, on y aper- 
çoit encore très-bien des carrés assez réguliers ; mais 
on y distingue trois enceintes séparées, et trois pré- 
toires , dont un, qui est le plus grand de tous domine 
toute la lande. Ce dernier, dit l’auteur, désigne- 
rait-il le quartier de Viridorix lui-même, chef des 
Unelli et des peuples voisins ? et les deux autres 
étaient-ils pour les chefs des deux peuples confédérés ? 
c’est une conjecture assez vraisemblable. 

M. de Gerville répond à l'objection qu’on pourrait 


( 104) 

tirer de la forme du camp qu'il a observé, et dont 
il a levé le périmètre. Il s’en faut beaucoup que cette 
forme présente un carré, quoique Polybe, Rosin, 
Juste - Lipse et Rollin s'accordent à représenter les 
camps Romains carrés. Outre que la raison seule 
5m que la préférence donnée à cette forme, était 
subordonnée aux localités , l’auteur du mémoire prouve 
par des passages de Varron et d’Ammien Marcellin, 
qu’il y avait en effet de fréquentes exceptions, et il 
ajoute que de tous les camps Romains qu’ila vus dans 
le Cotentin pas un seul n’a une enceinte carrée. 

Eu citant une opinion de M. le Franc , qui plaçait 
le camp de Sabinus dans un lieu nommé le Champre- 
pus , fondé principalement , et peut-être uniquement , 
sur une prétendue analogie entre le nom de 7%ri- 
dorix et celui du Fief de Vierville, où ce lieu était 
situé, il croit inutile de la discuter à fond. Le plan 
seul, qu'il a vu, a suffi pour le convaincre que ce 
camp , si c'en était un, loin d’avoir pu convenir au 
campement de trois légions, est d’une telle étendue, 
que les Romains n’ont jamais eu d’armée assez con- 
sidérable pour un tel emplacement , puisqu'il contient 
plus de 700 hectares, au lieu de 40 environ que 
devait avoir le camp de Sabinus, D'ailleurs on ne 
trouve à la distance indiquée par César aucune lo- 
calité qui présente la moindre trace du camp des 
Gaulois, 


(205 ) 


Recherches sur le pays des Unelli, et sur Les Villes 
qui y ont existé sous la domination Romaine, 
par M. le HERICIER de GERVILLE. 


M. de Gerville commence par réunir les preuves 
qui ne permettent pas de douter que le pays des 
Unelli ne soit situé dansle Cotentin. Mais à la suite 
de cette opinion , sur laquelle l'accord des savans 
est à peu près unanime, il s’en présente d’autres 
bien plus embarassantes sur l’emplacement des Villes 
qui ont existé dans ce pays du temps des Romains. 
Les principaux systèmes sur cet objet sont présentés 
successivement et discutés avec une critique très-ju- 
dicieuse. Un précis qui termine le mémoire contient 
le résultat de ces discussions , suivant lequel , l’opi- 
nion de Sanson , adoptée généralement pendant plus 
d’un siècle, et qui place Coriallum à Cherbourg , 
Cosedia à Coutances , ainsi que Constantia , qui est 
un nom postérieur, Æ/auna à Alleaume, et Crocia- 
sonum à Carentan , est de beaucoup la mieux éta- 
blie , parce que toutes les positions qu’il indique 
offrent des antiquités Romaines, et que leurs dis- 
tances respectives s’accordent avec la table Théodo- 
sienne et l'itinéraire d’Antonin, à l'exception pour- 
tant de celle d’Alleaume à Carentan, qu’on ne pour- 


(206 ) | 
rait faire cadrer avec celle que la table de Pentinger 
indique entre. A/auna et Crociatonum : les autres 
systèmes sont encore plus embarassans à cet égard. 
Celui de M. Danville, adopté servilement par de 
bons géographes, est déclaré le moins probable ; et 
cet exemple amène quelques réflexions judicieuses sur 
l'inconvénient des grandes réputations , qui paraissent 
à beaucoup d'écrivains des titres suffisans pour faire 
adopter sans examen l'opinion d’un auteur, sur tous 
les points, parce qu'il a eu raison sur plusieurs. 


Sur un pavé en mosaïque trouvé a Vieux. 


Je fis connaître à l’Académie, vers le commen- 
cement de cette année, qu’en creusant un fossé 
entre deux champs , dont l’un appartenait à M. 
Rousselin, on avait trouvé un pavé en mosaique , 
qui n'était recouvert d’un côté que de trois ou quatre 
pieds de terre, et de l’autre de quelques pieds de 
plus. M. Vautier, professeur de rhétorique, en 
m'informant de ce fait, qu'il avait vérifié avec M. 
Rousselin fils, n’avait remis quelques échantillons ;” 
et un plan linéaire en raccourci de la partie qui avait 
été mise à découvert, et dont la longueur n’était 
pas de plus de quatre pieds et demi, sur environ 
quinze pouces de largeur, parce que le dégel sur- 


(207) 

ventf à la suite d’une forte gelée n’avait pas permis 
d'enlever la terre au-delà sans endommager le pavé. 
Cette portion de mosaique , qui n’était terminée 
d'aucun côté, présentait deux carrés presque entiers 
et le commencement d’un troisième , disposés sur 
la même ligne, dont les côtés étaient de six à sept 
pouces , et qui étaient séparés par des intervalles de 
même largeur. Ces carrés étaient remplis de petits 
dés en pierre noire, de cinq à six lignes, et les inter- 
valles, ainsi qu’une bordure qui en entourait un nombre 
inconnu, et qui n'avait pas plus de deux pouces 
de largeur, étaient remplis d’autres dés en marbre 
blanc, un peu plus petits. que les précédens. Une 
enceinte qui enveloppait le tout , et dont l'étendue 
n'avait pu être déterminée , était formée de dés en 
terre rougeâtre , les plus grands de tous. Ce payé 
était posé sur une couche de mortier de plusieurs 
pouces d'épaisseur. On trouve dans les champs Voisins 
une grande quantité de fragmens d’une espèce de 
brique à rebord , composée de terre rouge, dont un 
échantillon a été mis sous les yeux des meinbres, 
ainsi que des dés des trois espèces mentionnées. 

Des commissaires furent chargés de se transporter 
sur les lieux , et de faire les recherches et les fouilles 
nécessaires pour découvrir la nature et l’usage de l’é- 
difice qui a existé dans cet emplacement. Ils n’ont 
point encore fait leur rapport à l’Académie ; mais 
M. Vautier , qui avait donné les premières notions 


| (208) 

sur cette découverte, et qui se trouva à leur visite ; 
m'a remis un plan du local, avec quelques notes , 
dont le contenu se trouvera avec plus de dévelop- 
pement dans le compte que la Commission rendra 
de ses recherches. 


Poësies lues à L’Academie, 


M. le Prêtre a lu un fragment de sa traduction 
en vers du poëme des Saisons de Thompson intitulé 
La pêche. | 

M. Letertre a lu des Stances sur la mort de De- 
lille. L'Académie a aussi entendu une pièce de vers 
de M. Ange Vieillard , intitulée La mine de Bonjon ; 
un conte de M. Chanvalon, intitulé La curiosité ; 
une pièce de vers de Raoul Tortaire, moine de 
Fleury , dont une copie manuscrite a été présentée 
par M. Moysant , avec quelques notes sur l’auteur. 


Ouvrages reçus. 


L’Académie a reçu un Traité de statistique , par M. J.- 
B. Labey, associé-correspondant; un Discours prononcé 


part 


(209 ) 
par M. le chevalier Delaville | aussi associé- cor: 
respondant, en faisant hommage au corps législatif 
de plusieurs ouvrages de M. Groult sur le droit 
maritime ; un ouvrage, de M. Dubuisson , sur 
la manie; cinq mémoires imprimés de M. Magen- 
die, docteur en médecine de Paris, intitulés, le 
premier , Examen de l'action de quelques vévéraux 
sur la moëlle épiniere , le second, Mémoire sur les 
organes de l'absorption chez les mammifères, le troi- 
sième, Expériences pour servir à l’histoire de la trans- 
piration pulmonaire, le quatrième, Mémoire sur Le 
vomissement , le cinquième , Mémoire sur l'usage de 
d'épiglotte dans la déoluition ; la Notice des travaux 
de la classe des Beaux-Arts de l'Institut de France 
pour l'année 18x13 ; un Rapport fait à la société 
d'encouragement pour l’industrie nationale sur la 
ceruse de Clichy ; deux bulletins des Sciences médi- 
cales de la société d’Évreux, avec une circulaire de 
M. Delarue , secrétaire ; Le Recueil des travaux de 
l'Acadèmie des Jeux Floraux de Toulouse pour 
1813, et le programme pour le concours de 1814; 
une Norice des lectures de la séance publique de l'A- 
cadémie de Marseille, du Dimanche 22 Août 1813, 
avec un programme de prix; un Compte rendu des 
travaux de la socièté d'Agriculture , Sciences er Arts 
du Département du Nord, par M. Boinvilliers, se- 
crétaire général ; run Programme de la société des 
Sciences, Belles-Lertres er Arts de Bordeaux , séance 


O 


1 


(210) 
publique du 30 Août 1813, avec un Prospectus 
des ruines de Pompeï, plusieurs autres ouvrages d’au- 
teurs étrangers à l’Académie, et qui lui sont parve- 
nus par des voies indirectes. 


RAP ECO 


Fait à l’Académie à la fin de 1814. 


ee 


ME#ssiEURS, 


Les Travaux présentés à l’Académie ont été moins 
nombreux dans le cours de cette année, que dans 
les années précédentes. Je ne puis faire cette remarque, 
sans indiquer la principale cause de cêtte différence, 
Loin d’accuser votre zèle, elle honore plutôt votre 
patriotisme, puisqu'elle tient à cet intérêt du bon- 
heur public, qui: dans le danger de la patrie suspend 
les goûts les plus honnêtes, et même les plus utiles. 
Je ne dois pas craindre d’ailleurs d’appeler la pensée 
sur des évènemens dont l'issue, en mettant fin à nos 
calamités et à nos frayeurs, nous a montré dans un 
règne équitable et pacifique le prix de si longues et 
ÿ terribles épreuves. Revenus des funestes égaremens 


n ( a12,9 
où nous avait jetés l'ivresse de la liberté , déjà, à 
l'époque du rétablissement de cette Académie, nous 
avions espéré cultiver en paix la sagesse, et vivre à 
l'abri des troubles et des excès. Ilnous restait encore 
à être victimes de l'ambition, età épuiser tous les fléaux 
qu’elle peut accumuler sur un peuple condamné à 
en être l'instrument. Les nations, comme les indi- 
vidus , profitent rarement d’une expérience étrangère. 
On a toujours vu les projets trop vastes devenir tôt 
ou tard désastreux : et cependant nous nous sommes 
encore laissé séduire -par l’éclat d’une gloire trompeuse. 
Nous avons oublié les anathèmes lancés tant de fois 
par la raison et par l’humanité contre l'esprit de con- 
quête. L'empire de la force a méconnu les maximes 
les plus respectées, triomphé des droits les plus sacrés. 
Nous nous sommes crus grands, pour être devenus 
terribles. L’orgueil de nos succès nous a fait penser 
que le genre humain n’avait rien qui nous fût com- 
parable, comme si la misère et la dévastation des 
contrées étrangères eussent pu faire la prospérité de 
notre pays; comme si les trophées de nos victoires 
eussent pu couvrir les vastes tombeaux qui regor- 
geaient chaque jour de nouvelles victimes , et les 
chants d'’allégresse des vainqueurs étouffer les gémise 
semens et les sanglots de tant de familles sacrifiées 
à de chimériques prétentions. Beaucoup d’esprits 
sages n'ont vu qu'avec effroi , et même qu'avec 


horreur les progrès d’une audace téméraire, qui en 
Qrea 


( 212 ) . 
nous élevant au-dessus d’un abyme, nous préparait 
dans notre élévation même une chute plus terrible. 
Mais les voix de la flatterie se sont seules fait en- 
tendre ; les éloges ont retenti de toutes parts. C’est 
ainsi qu'on a toujours vu les hommes extraordinaires 
encensés comme des Dieux bienfaisans , quand leurs 
déplorables exploits ne faisaient qu’accroitre et mul- 
tiplier sans cesse les maux de l'espèce humaine, Au 
reste, je ne prétends pas confondre avec cette cou- 
pable adulation qui loue le mal comme le bien, et 
qui encourage la tyrannie, cette soumission respec- 
tueuse , ces hommages publics, qui sont partout l’a- 
panage de l’autorité, dont le tribut est indépendant 
du jugement que portent les peuples de ceux qui les 
gouvernent , et dont le refus serait souvent un signal 
de rebellion , propre à provoquer une oppression 
encore plus insupportable, ou même les horreurs de 
a guerre civile. Il est des circonstances où l’on ne 
peut raisonnablement attendre un changement dans 
Vétat des choses que de quelqu'un de ces grands 
évènemens qui excèdent communément les calculs de 
la prudence humaine, et dont il est juste de rap- 
porter la disposition à une puissance supérieure. Croyons 
qu'il ne nous appartenait point d’abréger cette pé- 
nible épreuve qui nous a fourni des leçons si impor- 
tantes, et jouissons de notre retour à un règne de 
paix et de modération comme d’un bienfait de la 
Providence. Nous regretterons moins les sacrifices 


(2030) 


auxquels nous avons été condamnés, si nous savons 
apprécier tous les biens que nous promet le gouver- 
nement d’un monarque éclairé, bienfaisant , religieux 
et sage, qui veut à l'exemple de la divinité, que la 
bonté soit le premier de ses attributs. Les amis des 
lettres et de toutes les connaissances qui tendent au 
bonheur social , sont assurés de trouver en lui un 
protecteur sincère, Nous n’aurons point à craindre sous 
son règne de voir se renouveler ces crises alarmantes 
qui ont si long-temps troublé nos paisibles médi- 
tations. 

Toutefois, Messieurs , si les désastres publics ne 
nous Ont pas permis de nous livrer aussi constam- 
ment aux travaux académiques, ils n’ont pas inter- 
rompu nos réunions. Des conférences instructives sur 
des objets d'histoire naturelle, de physique , de lit- 
térature et de morale ont remplacé des compositions 
écrites. Plusieurs séances ont même été remplies par 
des productions littéraires de différens genres, dont 
je vais vous rendre un compte succinct, en suivant 
le même ordre que dans mes rapports précédens. 


PRET SEC EEE ETES PP ES EE SEXE 


PREMIÈRE SECTION. 


PARTIE SCIENTIFIQUE. 


RSR NV SU 


Mémoire sur le corail, par M. LAMOUROUX. 


Cr article sur le corail est extrait d’un ouvrage 
que M. Lamouroux se propose de publier sur les 
plantes marines. L’auteur donne d’abord une des- 
cription méthodique de la substance qui en est l’objet. 
Dans divers mémoires présentés à l’Institut, il en avait 
fait le dixième et dernier ordre de ses Polypiers 
coralligènes flexibles ; mais éclairé depuis par de nou- 
velles observations, et n’ayant trouvé sur ce polypier 
d'autre caractère distinctif que celui d’un axe pierreux, 
il n'a pas cru ce caractère assez essentiel pour cons= 
tituer un ordre , et il a préféré ne faire du corail 
qu'un genre de l’ordre des gorgonices. 

En convenant que le corail rouge, seule espèce 
du genre Corallium , était connu dès la plus haute 
antiquité , M. Lamouroux ajoute que les nombreux 
auteurs qui ont écrit sur cette belle production en 
ont ignoré long-temps la véritable nature. Les Grecs, 
dans le nom qu’ils luiavaient donné, ne le présentaient 
que comme une substance marine qui sert à l’orne- 


| (215) 


ment. C’est sous ce point de vue qu'il est considéré 
par Théophraste , qui le cite comme une pierre pré- 
cieuse ; par Pline, qui en indiquant les lieux d’où les 
pêcheurs le tiraient , fait aussi mention des diverses pro- 
priétés médicinales qu’on lui supposait, L'usage qu’en 
faisaient les Romains prouve qu’on lui attribuait une 
sorte de vertu magique. 

L'étude du corail fut abandonnée durant l’état de 
barbarie dans lequel l’Europe fut plongée pendant 
plusieurs siècles. Guysonius, écrivain du XVE, siècle, 
est le premier auteur du moyen âge qui en fasse 
mention : il le classa parmi les substances minérales. 
Boccone, qui avait d’abord adopté la même opinion , 
attribua dans la suite la production du corail à desani- 
maux analogues à ceux des Gorgones, Tournefort 
le’ figura dans ses institutions comme une plante de 
là mer. Marsilli, imbu de ses principes, décrivit les 
polypes du corail comme dés fleurs, dont la coralle 
composée de huit pétales ciliés s’épanouissait sur des 
branches’ dépourvues de feuilles ; et son ouvrage 
rapidement répandu dans le monde savant fit ranger 
décidément le corail dans le règne végétal. Mais 
l’heureuse découverte des polypes marins par Peyson- 
nel , celle des polypes d'eau douce par Trembley, 
ayant ouvert une nouvelle carrière aux naturalistes , 
l'erreur de Marsil fut reconnue ; dès lors le corail 
fut regardé comme le produit et l'habitation d’une 


foule de petits animaux , réunis ensemble par 
O 4 


( 216 ) 


leurs parties latérales, et ayant tout à la fois une 
vie commune à tous, et une vie particulière à 
chacun d’eux. M. Lamoureux suit les progrès dus 
dans cette étude à Réaumur, à Bernard de Jussieu, 
à Donati, à Ellis, enfin à Linné; puis les opinions 
de Pallas, de Solander et de Gmelin, et en dernier 
lieu de M. de Lamarck, qui a fait du corail un 
genre particulier, sous le nom de corallium , adopté 
par tous les zoologistes modernes. 

On trouve le corail, dit M. Lamouroux , dans dif- 
férentes parties de la Méditerrannée et dans la mer 
rouge. C’est par erreur que quelques auteurs ont 
cru qu'il ne s’attachait jamais qu'aux voûtes des grottes 
sous-marines, et que ses extrémités étaient toujours 
tournées vers le centre du globe. Il s’attache à des 
roches dures de toute nature, et croît dans une di- 
rection perpendiçulaire au plan sur lequel il a pris 
naissance. Un le trouve quelquefois fixé sur des corps 
mobiles , et flottant sur les eaux, ce qui empêche son 
accroissement, toujours plus lént au reste , même 
dans la position la plus favorable, et imcomparable- 
ment plus borné que celui des polypiers madrépo- 
riques de la mer des Indes ou de i’immense Océan 
oriental, auxquels peu d’années suffisent pour fermer 
l’entrée des parts, et élever à la surface des eaux 
des rescifs contre lesquels viennent échouer les na- 
vigateurs. Le corail, qui ne croît que pendant une 
dixaine d'années , ne dépasse pas deux ou trois dé- 


(217) 


cimètres de hauteur. Parvenu à ce degré d’accrois“ 
sement, il grossit , mais très-lentement , et il est bientôt 
percé en tous sens par des vers rongeurs. Sa tige, 
détachée et jettée sur le rivage, perd son éclat, ou 
même se. réduit en poussière par le frottement. 
M. Lamouroux entre dans des détailssur les endroits 
où se pêche le corail, sur les positions qui lui sont 
les plus .favorables , sur les différentes profondeurs 
où on le trouve , sur les diverses nuances de sa 
couleur relatives à la hauteur de l’eau qui le couvre; 
et qui lui fait ressentir plus ou moins l'influence de 
la lumière , enfin sur les procédés employés jusqu’à 
ce jour pour le pêcher. Son mémoire est terminé 
par une énumération des objets auxquels il sert d’or- 
nement chez différens peuples , et des moyens que la 


mode a su en tirer , depuis que la médecine l’a aban- 
donné. 


Observations sur une chute d'aérolithes dans ‘ le 


Département de Lot-er- Garonne , par M. 
Lamouroux. 


M. Lamouroux , avant d’entrer dans des détails par- 
ticuliers sur le phénomène qui est l’objet de cet ar- 
ticle, a communiqué à l’Académie deux écrits im- 
primés ; dont le premier est intitulé, Rapport fait 


( 218 ) 

& La société d’ Agriculture, Sciences et Arts d Agen ; 
dans la Séance du 14 Septembre x814, sur Les 
pierres tombées du Ciel dans quelques communes du 
département de Lot-er-Garonne , par M. de Saint- 
Amans. Secrétaire perpétuel de la Société ; Vautre, 
Lettre de M. J. Lamouroux , ex-pharmacien des ar- 
mées , & M.. le Comte de Villeneuve ; Préfet du dé- 
partement de Lot-et-Garonne , sur le même sujet. 

Les auteurs de ces deux écrits. rapportent égale- 
ment que le $ Septembre 1814, on aperçut dans 
le département de Lot-et-Garonne et dans ceux 
qui l’avoisinent , un peu avant midi ; un nuage 
très-élevé , et d’une couleur blanchâtre , au milieu 
d’un ciel très-serein ; et que ce nuage’ paraissant 
se précipiter vers la terre, en tournant sur lui- 
même , on entendit quatre ou cinq détonations suc- 
cessives , que l’on a comparées à autant de coups 
de canon, suivies d’un roulement terrible ; que le 
nuage ayant-paru se diviser en quatre ou cinq parties, 
il tomba des pierres de différentes grosseurs , dont 
deux de neuf kilogrammes chaque, L’auteur de la 
lettre évalue la totalité à vingt-cinq ou trente kilo- 
grammes, et l’espace danslequel elles furent dispersées , 
à une circonférence d’une lieue de rayon. Il diffère, 
au reste, de l’auteur du rapport en deux points 
principaux. Le premier suppose que le phénomène 
a été produit à une élévation d’au moins trente lieues , 
et le second n’estime pas cette hauteur à plus de 


(219) 
deux lieues. Celui-ci dit positivement que les pierres 
étaient très-chaudes; et selon M. de Saint-Amand , 
il paraît qu’elles n’ont point été trouvées chaudes. 
Dans les détails circonstanciés que M. Lamouroux 
a ajoutés à ces rapports , il a assuré que les maires 
des communes où le phénomène avait eu lieu, avaient, 
attesté que les pierres avaient été trouvées chaudes 
après leur chute. Ses observations ont provoqué une 
discussion intéressante sur les. diverses hypothèses 
imaginées jusqu’à présent relativement à l’origine de 
ces pierres appelées ÆAérolithes , et par quelques-uns 
Uranolithes ; et quelques membres ont fait espérer 
des développemens plus approfondis sur la nature 
de ce phénomène merveilleux. 


SECONDE SECTION. 


PARTIE LITTÉRAIRE. 


Observations sur Les invasions de la mer et son 
action sur le littoral du Calyados et de la Manche, 
par M. CAILLY. 


Ur: question proposée il y a quelques années 
par l’Académie sur les. changemens que la mer a 
apportés au littoral du Calvados et de la Manche, 
avait procuré quelques mémoires, dont un seul , 
ouvrage de M. Bisson , associé-correspondant , fut 
jugé digne d’attention , et obtint une distinction ho- 
norable , quoiqu'il fût reconnu qu'il ne remplissait 
pas complètement l’objet du programme , et que 
l’auteur devait être invité à tirer un plus grand 
parti des connaissances qu’il paraissait avoir sur la 
matière. M. Cailly , qui fut particulièrement frappé 
de l'insuffisance de ce travail, a entrepris de traiter 
le même sujet. Il reproche à M. Bisson d’avoir fait 
dans son memoire une sorte de critique de la question 
proposée , en la regardant comme téméraire , et 
prétend que, s’il a bien connu et observé avec sqin 


(221) 

les changemens arrivés sur nos côtes, il aurait dû 
les juger dignes d’un examen approfondi. Cette as- 
sertion est appuyée sur une suite de faits précédés 
de quelques observations générales sur le gisement 
de notre côte, qui présente un grand enfoncement 
dans les terres depuis Barfleur jusqu'au delà de 
Dieppe ; sur l’action des vents d'Ouest, Nord-Ouest 
et Nord, et les tempêtes qui rendent la navigation 
de la Manche si périlleuse ; sur les vastes forêts 
souterraines découvertes dans les parties correspon- 
dantes de l'Angleterre et de la Normandie; sur la 
conformité des productions de la nature , et d’autres 
circonstances favorables à l’ancienne tradition qui sup- 
posait la Grande Brétagne détachée de la France par 
un de ces cataclysmes qui ont bouleversé plus d’une 
fois des portions du globe. 

En entrant dans l’examen particulier du littoral 
de notre Département , M. Cailly distingue une 
première espèce de changemens, qui tend à aggrandir 
le sol par des attérissemens. Il suit cet effet à l’em- 
bouchure de nos différentes rivières, où les dépôts 
successifs de limon et d’autres matières solides , 
fixés par le refoulement du flux de la mer, forment 
avec le temps des masses qui obstruent les ports, 
et finissent quelquefois par les combler, si l’art ne 
prévient ces désastres. La Seine, la Touques, la 
Dives fournissent à cet égard des faits importans dé- 
taillés dans le mémoire, Quant à l'Orne, l’auteur 


( 22% ) 


renvoie à l’excellent mémoire de M. Cachin et aux 
cartes qui l'accompagnent, et se contente de citer 
un extrait du rapport relatif aux affouillemens très- 
inquiétans que produit au-delà de la Pointe du Siége, 
le courant de la rivière réfléchi de la rive de l'Ouest 
sur celle de l'Est, où son action contre cette dernière 
plage estaugmentée par la mer montante. Une seconde 
citation se rapporte à la fosse de Colleville. Un point 
particulièrement intéressant est Courseule et Berniè- 
res. Des recherches faites par M. Delarue dans une 
affaire particulière et rapportées par M. Cailly, 
prouvent qu'il y avait autrefois un port à Bernières; 
qu'en 1613 la mer franchit les dunes et renversa 
tous les magasins ; que l’année suivarite ; une seconde 
tempête rompit les dunes entre Grais et Courseule, 
et mina tellement le terrain jusqu’à la Seulles, que 
cette rivière prit un autre cours par cette ouverture, 
ét alla former l'embouchure actuelle entre ces deux 
communes, Une nouvelle tempête en 1638 menaça 
Bernières d’une submersion totale. Ses suites sont 
exposées dans le mémoire. Depuis Courseule jusqu’à 
Porten Bessin, la Fosse d’Espagne entre la côte et 
le rocher du Calvados qui la défend, offe a M. 
Cailly une preuve du remous considérale occasionné 
par les eaux poussées par les vents et repoussées d’une 
part par les dunes et de l’autre par le rocher. Il 
a trouvé à Port, qu'il a visité, des effets incontestables 
de Penvahissement de la mer, dont les traces s’ob- 


(223) 
servent jusqu'à Grand-Camp. Il passe delà aux Veys; 
où les attérissemens qui aggrandissent le sol , s’expli- 
quent par l’affluent des trois rivières qui y débou- 
chent. 

En traitant du littoral de la Manche, M. Cailly, 
sans s'arrêter à la preuve que les îles de Saint- 
Marcouf et de Quettehou fourniraient d’une grande 
catastrophe , parce que ces bouleversemens, heureu- 
sement rares, ne sont point son objet , se borne à quel- 
ques points de vue généraux. Il explique pourquoi le 
côté de la presqu'île, qui est à l'Est, n’a pas éprouvé 
de grands changemens ; comment les vents agissent 
sur la partie du Nord, dont un enfoncement con- 
sidérable comprend la rade de Cherbourg. Quant à 
la partie occcidentale , les nombreuses îles qui parais- 
sent détachées du Continent , et les rescifs ou bancs 
de rochers qui rendent la navigation si difficile et 
si périlleuse dans ces parages , proviennent , selon 
l'auteur , de l’action violente des vents d'Ouest. Les 
invasions de la mer sur cette côte sont bien établies 
par une foule d'observations, et notamment par les 
recherches de l’abbé le Franc, grand-vicaire de M. 
l'Evêque de Coutances. Des citations précises à cet 
égard et des témoignages irrécusables ne permettent 
pas de douter qu’il ne se soit opéré des change- 
mens prodigieux dans cette contrée. 

M. Cailly s'attache dans la dernière partie de son 
mémoire à combattre les idées de l’auteur qu'il 


(2241) 
combat; par rapport aux grandes révolutions que le 
globe aurait pu subir. Il réfute les argumens tirés 
de la puissance de Dieu, qui n’a pas besoin dere- 
courir aux moyens qu’on lui suppose ; de sa sagesse , 
qui ayant créé une quantité d’eau proportionelle 
aux besoins de notre globe, doit toujours la main- 
tenir la même; enfin du témoignage d’Hérodote , 
qu’il tourne contre lui. En discutant ce dernier point, 
il entre dans des développemens curieux sur le Delta 
d'Egypte, et cite des observations récentes du Gé- 
néral Andréossi très-propres à rectifier les idées à cet 


égard. 


Essai sur l'existence de la noblesse en. France et en 
Normandie dans les temps les plus anciens , par 
M. LABBEY DE LA ROQUE. 


Le but de cette dissertation est de reéfuter le sen- 
timent le plus communément adopté, qui attribue 
la première noblesse en France à la possession des 
fiefs au Xe. siècle, et même celui qui en fait re- 
monter l’origine aux Seigneuries patrimoniales , et 
aux bénéfices rendus héréditaires dans le VIIS. Elle 
est divisée en plusieurs titres, dont le premier est : 
Noblesse dans les Gaules avant les Romains. César , 
a son entrée dans les Gaules, dit M. De la Roque , 


C225) 
y trouva une noblesse nombreuse et puissante, Le 
peuple , sans être précisément esclave, était compté 
pour rien. La considération , l'autorité n'étaient que 
pour les prêtres et les nobles. Ceux-ci ne s’occu- 
paient que de la chasse, de la guerre, du gouver- 
nement de leurs cités, Il rapporte ce passage des 
commentaires de César : on juge de la naissance er 
de la puissance d'un homme par son cortége. Il n'a 
d'autre marque de grandeur que le nombre de chiens 
qui l'entourent; et il en indique beaucoup d’autres, 
pour prouver par leur ensemble l’existence au temps 
de César, d’une noblesse qui sans doute subsistait 
depuis long-temps : et du système suivi par les Ro- 
mains de laisser aux peuples vaincus leurs usages et 
leurs institutions , il conclut que cette distinction 
exista jusqu’à l'invasion des Francs; non que les 
sénats des Gaules, modifiés sur celui de Rome, et 
composés des plus nobles, se fussent maintenus jus- 
qu’alors, mais parce que la noblesse de ceux qui en 
avaient fait partie s'était propagée dans leur pos- 
térité, 

Le second article est intitulé, Noblesse dans Les 
Gaules sous Les rois François Mérovingiens. L'au- 
teur avance comme un principe confirmé par cent 
passages des auteurs contemporains , Grégoire de 
Tours, Venance Fortunat , Frédegaire et plusieurs 
autres, que les Francs, conquérans des Gaules, en 
traitèrent les habitans comme avaient fait les Ro- 


P 


{ 226) 
mains , et laissèrent chacun dans sa condition. La 
conséquence qu’il en tire, est que les nobles con- 
servèrent la considération attachée à leur naissance , 
et dans la distribution des grâces et des emplois, la 
préférence qui en est l’effet ; maïs il convient que la 
noblesse Gauloise paraît n'avoir eu sous les Francs 
aucun privilége réel. Au reste, ce ne sont pas seu 
lement les Gaulois qu’il prétend avoir eu une noblesse; 
mais les Francs eux-mêmes ; et pour prouver cette 
assertion contre l'autorité de Velly, Dubos, Hé- 
naut , Mably, il argumente de plusieurs phrases 
de Tacite, qui lui semblent exprimer que les Ger- 
mains avaient des nobles, et qui doivent s’appliquer à 
tous les peuples de cette nation, parce qu’elles se, 
trouvent dans les caractères que l’historien déclare être 
communs à tous les Germains. Les Bataves avaient 
une noblesse , dit-il, et les Bataves étaient des Francs, 
parce qu'ilsétaient des Cattes, et que les Cattes étaient 
une des tribus de la nation des Francs , suivant 
Sidenius, Apollinaris et Avitus. A largument tiré 
du silence des lois Saliques et Ripuaires, et quin’est 
que négatif, il répond que, si ces lois ne font pas 
mention de noblesse dans cette nation , ce n'est pas 
qu'il ny eût des personnes nobles et honorées par 
des distinctions, mais c’est que les nobles n’y for- 
maient pas comme dans la plupart des nations ger- 
maniques, un ordre séparé du peuple , et que tous 
les Francs sous les rois Mérovingiens , étaient dis- 


(227 ) 
tribués en deux ordres, les. clercs et les laïques ; 
comme on le voit dans Adrien de Valois, l’homme, 
selon l’auteur, qui après Ducange, a le mieux connu 
nos antiquités ; et qui seula eu de la noblesse de 
ces premiers temps une juste idée, 

La conclusion de cet article, est que « la noblesse 
fut chez les Francs ou Français jusqu’à la féoda- 
lité, ce qu’elle a été primitivement chez presque tous 
les peuples, et ce qu’elle était encore en 1789 
dans plusieurs républiques en Europe , une classe dis- 
tinguée dans l’estime générale , sans tenir dans l’ordre 
politique aucun rang ; occupant ordinairement les pre- 
miers emplois, parce qu’une éducation plussoignée, des 
aieux à imiter , le désir de s’en montrer digne , lui 
donnent plus d'énergie , surtout plus de crainte du dés- 
honneur, qu'aux hommes nouveaux ; mais cependant 
n’excluant ceux-ci d’aucunes places, lorsque de grands 
talensles y appellent , leur commandant ou leur ebéis- 
sant suivant les circonstances , opinant indistinctement 
avec eux dans les assemblées générales , n’étant enfin 
queles premiers entre les laïques , et ne jouissant au- 
dessus des autres que de la considération inséparable 
d’une naissance illustre, ou seulement distinguée. » 

J'ai voulu MM. vous citer en entier ce passage 
du mémoire, parce qu'il m'a paru propre à vous 
donner une juste idée de cette noblesse dont M. 
de la Roque fait remonter l'existence au temps des rois 


Mérovingiens , età vous présenter son système comme 
: P'a 


(228 ) 

moins opposé au sentiment des historiens ; que l’é« 
noncé ne pourrait le faire juger. Car sil ne s’agit 
que d’une distinction purement morale, que chacun 
pût de soi-même acquérir avecle temps, sans qu’elle 
supposât aucune inauguration solemnelle, et aucun 
titre authentique, ni qu’elle conférât aucun privilége 
social , ce ne sera pas précisement la même noblesse 
que celle dont lorigine est fixée au X£. siècle et 
au plutôt au VII. 

Noblesse en Normandie avant Clovis. Pour prouver 
le fait énoncé sous ce titre , M. de la Roque se con- 
tente de considérer le grand nombre de Saxons établis 
en Normandie, lorsqu’en 497 les provinces Armo- 
riques se donnèrent à Clovis, et qui faisaient ap- 
peler tout ce pays le rivage Saxon , outre tous ceux 
qui y passèrent d'Angleterre depuis 497 jusques vers 
Pan $$o. Puisqu’on voit dans les lois des Saxons 
qu'ils, avaient par leurs constitutions un ordre de no- 
blesse, l’auteur en tire la conséquence que la pro- 
vince appelée aujourd’hui Normandie avait des 
nobles , lorsqu'elle passa sous la domination des 
Francs. Il renvoie au reste aux mémoires historiques 
sur Alençon par M. Odolsnt-Desnos, et à une 
dissertation de M. Delarue. 

Le paragraphe suivant est intitulé Nobksse en 
France sous les deux premières races. Ici notre col- 
lègue , après avoir nommé les autorités contempo- 
raines où il puise ses preuves, Grégoire de Tours, 


(229) 


Frédegaire et ses continuateurs, Fortunat de Poitiers; 
les Gestes des Francs, plusieurs des histoires et des 
pièces de la collection de Dom Bouquet, et enfin 
les Acta sancrorum des Bollandistes, prévient l’ob- 
jection qu’on pourrait tirer surtout contre ce dernier 
recueil, du défaut de critique ou même de véracité 
de quelques-uns des agiographes qui y sont cités. IL 
avance avec raison que la force de leur témoignage 
par rapport à l’existence de la noblesse est indépendante 
de l'exactitude de leurs récits ; car quand même 
ils tromperaient en qualifiant de nobles les personnages 
dont ils parlent, on est forcé de convenir qu’il fallait 
bien que cette qualification existât au temps où ils 
écrivaient. Quant aux citations qui viennent à la 
suite de cette observation, on sent bien que les 
termes de nobzes et de noblesse, qui n’ont par eux- 
mêmes qu’un sens très-vague, seraient des preuves 
insuffisantes, si les circonstances n’en déterminaient 
pas l’acception ; et c’est aussi sur de pareilles cir- 
constances qu’on prétend les faire valoir. Mais pour 
se convaincre directement que les faits ont été exac- 
tement interprétés, 1l faudrait chercher dans les ou- 
vrages mêmes des développemens que M. de la Roque 
na pu qu'indiquer succinctement. 

Il a réfuté un des principaux argumens apportés par 
Dubos pour établir légalité de condition des Français 
au VIII. siècle. Il est tiré d’un capitulaire fait en 
797 dans une assemblée générale des Saxons, qui 


Pr3 


(230) 

porte que partout où les Francs paieront 12 sols ; 
les Saxons qui sont nobles paieront aussi 12 sols ,: 
ceux qui sont hibres, 8, et les serfs 4. De ce qu'ici 
tous les Francs se trouvent confondus dans une seule 
classe , tandis que les Saxons sont divisés en trois , 
il semble naturel de conclure que les premiers 
n'avaient point de nobles. Mais c’est mal entendre 
ce texte, qui se trouverait ainsi en opposition avec 
d’autres plus clairs et plus formels. La parité qu’on 
remarque entre tous les Francs et les Saxons nobles 
seulement , vient de ce qu’alors il n’y avait chez 
ce dernier peuple nouvellement conquis , et d’une 
fidélité justement suspecte à Charlemagne, d’autres 
Francs que les Comtes, Centeniers et autres off- 
ciers envoyés pour les gouverner, et qui étaient tous 
nobles , soit par leur extraction , soit par leurs places, 
qui donnaient la noblesse. 


De toutes les citations qui confirment cette ré- 
ponse, je ne rappellerai que l’art. des capitulaires 
de 8o$, où se trouve énoncée parmi les peines 
de certains délits, la perte des bénéfices , du rang 
et de la noblesse; et un passage où Thégan répro- 
chant à Ebbon, Archevêque de Rheims, son ingra- 
titude envers l'Empereur Louis le pieux , lui dit 
qu'il la fait libre , non noble, ce qui était impos- 
sible après l'esclavage ; d’où l’on peut inférer qu’alors 
nos Rois anoblissaient, et qu’ils croyaient ne pou 


(231) 
voir honorer de cette grâce que des hommes nés 
libres. 

Les deux derniers titres du mémoire sont : 
L'état de la noblesse en Normandie aux Xe. et 
XIe. siècles, et Sur la Chevalerie en Normandie. 
Sous le premier, l’auteur réunit un grand nombre de 
témoignages , il insiste particulièrement sur une cita- 
tion de Dudon, pour montrer que les Normands ou 
Danois avaient leurs nobles , et que la noblesse exis- 
tant déjà en Normandie, Rollon devenu maître de 
cette province, n’aura pas pu y abolir cette insti- 
tution, qu'il aurait plutôt établie, s’il ne Peût pas 
trouvée. À la suite de quelques développemens , 
vient une discussion sur le mot Prince, pour établir 
qu’il désignait comme formant une classe particulière 
de nobles, ceux qui tenaient leurs terres immédiate- 
ment du Duc, comme aleu dérivant du premier 
partage. 

Quant à la Chevalerie, M. de la Roque rapporte 
à l’onzième siècle sa naissance en Normandie, ou au 
moins l’établissement des formes sous lesquelles elle 
devint si célèbre. Il cite pour exemple de Nor- 
mands armés chevaliers, deux fils de Géroye, fils 
d'Arnaud le Gros, un Robert II, un Guillaume 
Géroye, un Robert de Bellème, en ajoutant qu'il 
lui serait facile de multiplier de pareilles citations. Il 
termine par une réflexion sur linconvénient de s’en 
rapporter plutôt à l'autorité des écrivains qu’à la 


P 4 


C232) 
nature de leurs témoignages , et de rejetter tous ceux 
qui n’ont pas une grande réputation. 


| 


Essai sur Homere, par M. CAILLY. 


La première réflexion que présente à M. Cailly 
le génie sublime de ce poëte , dont la gloire a tra- 
versé tant de siècles sans recevoir aucune atteinte, 
et continuera sans doute de braver les efforts du 
temps, tombe sur le haut degré de perfection auquel 
la raison humaine était déja parvenue, à une époque 
qu'on devrait regarder comme son enfance , puis- 
qu’elle est antérieure à notre ère d’environ mille 
ans , et qu’elle n’est éloignée du déluge que de treize 
siècles à peu près. Les faits dont il appuie cette ré- 
flexion, sont la profonde connaissance qu’Homère avait 
‘du cœur humain ; les maximes pleines de sagesse qu’il 
sème dans ses ouvrages ; des détails exacts et judi- 
cieux qui attestent un esprit versé dans la théogonie, 
dans l'astronomie , la géographie, et parfaitement 
instruit du caractère et des mœurs d’une multitude 
de nations déjà très-dignes d’être observées. Si l’on 
joint à ces preuves d’un mérite éminent , la con- 
ception du plan, et la beauté de l'exécution, on ne 
s’'étonnera point qu'Homère ait toujours été regardé 
comme le plus excellent modèle en poésie. M, Caiïlly 


(233) 


s’arrète particulièrementau caractère si parfait , si bien 
soutenu que ce grand écrivain donne au héros de son 
Îliade ; et il cite en faveur de cette sensibilité tou- 
Chante qui rend Achille si intéressant , le discours 
plein d’une tendre humanité, qu’il adresse à Aga- 
memnon dans le 24°. livre, lersque sa douleur un 
peu calmée fui permet d’épancher son âme géné- 
reuse. L’autéur du mémoire fait encore quelques autres 
citations qui confirment ses opinions sur Homère. 


Eclaïrcissemens historiques sur Malherbe | par M. 
HÉBERT. 


L'Académie avait manifesté depuis long-temps l’in= 
tention d’honorer la mémoire du poëte Malherbe, 
dont la ville de Caen est justement orgueilleuse 
d’avoir été le berceau. En attendant que les circons- 
tances permissent de lui ériger quelque monument 
digne de sa célébrité, il avait été résolu d'indiquer 
par une inscription la maison où 1l reçut le jour, et 
il avait été fait des démarches auprès des proprié- 
taires actuels de cette maison, pour obtenir leur con- 
sentement. Mais il était nécessaire d’éclaircir certains 
points qui présentaient des difficultés assez embarras- 
santes. Le premier regarde le temps de la naissance 
de Malherbe, que le plus grand nombre des écrivains 


(234) 
s'accorde à placer en 155$, tandis que quelques 
autres la retardent jusqu’à 1556, sans qu’on ait à 
cet égard aucun document authentique. On trouve 


cette dernière date sur un de ses portraits gravés. 


Mais ces deux opinions peuvent se concilier par la 
double manière de compter les années , en partant 
de Pâques, comme on faisait alors, ou en partant 
du premier Janvier, comme on l’a fait dans la suite. 
Quoi qu'il en soit, on a des autorités suffisantes pour 
admettre que l’année où nâquit ce poëte, doit être 
désignée par le nombre 1554. 

Une autre difficulté est relative à la maison de Mal- 
herbe. Celle que lon suppose généralement lui avoir 
appartenu , est située au bas de la rue. de lOdon, 
ayant sa façade sur la rue Notre-Dame, vers la 
place de la Belle-Croix , appelée aujourd’hui Place 
Malherbe. Deux frontons qui s’aperçoivent au-dessus 
des fenêtres du grenier portent chacun une inscrip- 
tion Latine. L'une, à droite , est, Civiratis ornamento 
Lariumque avitorum memoriæ ; l’autre à gauche, 
Franciscus Malherbeus has-ce ædes exstrui curavit 1582. 
La tradition bien établie était que le François. Mal- 
herbe auteur de cette reconstruction, était le poëte 
Malherbe. Le résultat des premieres recherches de 
M. Hébert fut, sinon de détruire entièrement cette 
opinion , du moins de Paffaiblir assez pour que l’A- 
cadémie ne pût s’en faire une autorité. En effet, il 
prouva que notre poëte avait accompagné Henri, Duc 


À 
y 
f 
4 
| 
à 
à 


(235 ). 


d'Angoulême, dansson voyage de Provence en 1574; 
qu'il l'y avait suivi en, 1579 , lorsque ce Prince en 
devint gouverneur, qu'il s’y était marié, et que le 
seul fils qui lui était resté, y avait été tué en duel, 
lorsqu'il était sur le point d’être reçu conseiller au 
parlement de cette province, Ces faits et plusieurs 
autres cités par M. Hébert ne permettent pas de 
croire que Malherbe ait fait bâtir la maison dont il 
s'agit en 1582, ni qu'il ait même jamais pensé à 
revenir se fixer à Caen. Il est remarquable d’ailleurs 
que Huet ne fait aucune mention de cette maison, 
et que de Bras, dont les recherches vont jusqu’en 
1588, n’en parle pas davantage, quoiqu'il cite trois: 
belles maisons sur cette même Place de la Belle- 
Croix. 

Il était difficile d’un autre côte de croire qu'un 
frère de Malherbe eût comme lui le prénom de: 
François, et il restait de l'incertitude sur le véritable 
propriétaire de la maison reconstruite. Cette incerti- 
tude a été entièrement dissipée par M. Hébert. Il a 
prouvé par des faits positifs que le poëte Mal- 
herbe était fils de François Malherbe , Sieur de 
Digny , Conseiller , qui avait fait reconstruire la 
maison de ses ancêtres en 1582, et que par consé- 
quent il était né dans cette maison 27 ans avant 
sa reconstruction. 


(236) 


Réponse a une question de M. Jouyneau-Desloges, 
associé-correspondant sur l'institution de la che- 
valerie en France, par M. DELARUE. 


M. Jouyneau-Desloges avait adressé à l’Académie 
un mémoire intitulé, Recherches et observaions sur 
une assertion de lhistorien Velly concernant Le 
prernier ordre de Chevalerie en France; et il la con- 
sultait sur la question de savoir si le Roi Jean est 
le premier auteur d’une institution de ce genre, et 
si celle qu'on appelle l’ordre de l'étoile, est la pre- 
mière qu'on trouve dans nos annales. L’historien 
Velly se prononce formellement pour l’afirmative. 
M. Jouyneau-Desloges combat son opinion, et pré- 
tend que l’ordre de l'étoile fut primitivement institué 
par le Roi Robert en 1022 , et que le Roi Jean 
n’en fut que le restaurateur. 

M. Delarue , à qui cette question fut renvoyée 


a pensé que ne pouvant connaître les raisons qui 


ont déterminé Velly, on ne peut condamner l’o- 
pinion de cet historien généralement estimé, qu’au reste 
le fait de la première institution ou d’un simple ré- 
tablissement de l’ordre de l'étoile par le Roi Jean, 
doit résulter de la teneur même des lettres-patentes 
de ce Roï, données en 1351, et consignées dans 


(237) 
le Xe, volume du Specilegium de Dom d’Achery ; 
puisqu'on ne peut rejetter un témoignage aussi au 
thentique , sans livrer tous les faits à l’incertitude. 

Quant aux mémoires de Jean Delahaye , qui 
font le principal moyen de M. Jouyneau, M. Dela- 
rue est loin de les regarder comme une preuve suf- 
fisante, parce que c’est un auteur du seizième siècle 
qui atteste un fait arrivé dans l’onzième , et que 
d’ailleurs les manuscrits sur lesquels on établit ce té- 
moignage n'existent plus dans les bibliothèques pu- 
bliques. 

Mais si l’opinion de M. Jouyneau n’est pas prou- 
vée par des moyens directs, il existe plusieurs faits 
qui l’appuient indirectement , en montrant que la 
chevalerie avait plusieurs ordres particuliers établis 
bien avant le Roi Jean. 

D'abord, on ne peut méconnaître que l’onzieme 
et le douzième siècles ont été proprement les siècles 
de la chevalerie, que les historiens Normands font 
même remonter jusqu’au dixième. Bénoît de Saint- 
Maure, qui écrivait en vers l’histoire de notre pro- 
vince, dans le XIIe. siècle, ne dit pas seulement 
que Hugues le Grand , père de Hugues Capet, 
avait reçu chevalier à Paris le Duc de Normandie, 
Richard premier ; 1l raconte même toutes les circons- 
tances de cette cérémonie. Les mêmes historiens disent 
que dans l’onzième siècle, Saint-Lanfranc , Arche- 
vêque de Cantorbéry , reçut chevälier Guillaume le 


(238) 
Roux, second fils du conquérant , avant de le cou- 
ronner Roi d'Angleterre. 

En second lieu, malgré les récits merveiileux con- 
tenus dans nos romans de l’onzième et du douzième 
siècles, et surtout dans ceux de la table ronde , ils 
supposent nécessairement l'existence d’une cheva- 
lerie, sans quoi leurs détails auraient été imintelli- 
gibles. L’authenticité de ce fait principal est tout-à- 
fait indépendante des fictions qui l’accompagnent, 
et qu’on attribuait aux Brétons insulaires et armo- 
ricains, comme le déclare Robert Wace : 


Fist Roi Arthur la ronde table 


Dont Brétons Dient mainte fable. 


Un passage de Rapin Thoïras, cité dans la réponse ; 
confirme cette distinction, en présentant comme un 
fait positif l'institution d’un ordre de chevalerie ap- 
pelé La: table ronde , par le Roi Arthur, que les 
récits fabuleux des romanciers ne doivent pas em- 
pêcher de regarder comme un Prince d’un mérite 
extraordinaire , dont la vie méritait d’être écrite par 
les historiens les plus graves et les plus sensés. 

Enfin on voit dans le dictionnaire de A. T. 
Gaigne, que Garica VI, Roi de Navarre, avait ins- 
titué un ordre du lys dès l’an 1048. 


(239) 


Essai sur Anaximandre et sur la philosophie. 


Dans cet écrit, lu par M. Cailly , à qui il avait 
été remis par M. Gabriel Chaulieu , l’auteur a pour 
but de recueillir ce qu’il y a , sinon de plus certain 
du moins de plus probable sur la doctrine d’Anaxi= 
mandre , qu'il appelle l’un des ornemens de l’école 
ionique , et que Laërce met à la tête de cette école, 
sans doute parce qu'il produisit au grand jour la doc- 
trine qu'il avait puisée dans ses entretiens familiers 
avec Thalés, etque celui-ciavait tenus secrets, quoiqué 
l'usage d’enseigner la philosophie dans un lieu public 
à un grand nombre d’auditeurs existât depuis plus 
d’un siècle dans la Grèce proprement dite. Les té- 
moignages nombreux sur lesquels le mémoire est ap- 
puyé dans toutes ses parties ne s’accordent pas toujours, 
et laissent des doutes sur plusieurs opinions d’Anaxi- 
mandre. On voit que, ne trouvant pas l'eau, ou l’é- 
lément humide, un principe assez délié pour lui at- 
tribuer , à l’exemple de son maître, l’origine de toutes 
les choses, il lui substitua /’zrfin:, ou selon Cicéron 
l’infinité des choses ; mais rien n'indique clairement 
quelle idée il attachait à cet infini. Il paraît avoir 
ajouté à la force mouvante, ou à l’âme admise par 
Thaïès, le froid et la chaleur. Selon Diogène de 


(24) 

Laërce, il reconnaissait à la terre une figure sphé- 
rique ; et Théon de Smyrne enseigne, d’après Eu- 
dème, qu’il la regardait comme suspendue dans les 
airs, et tournant autour du centre du monde : mais 
ces autorités sont balancées par d’autres. Il regardait 
les astres comme des Dieux, sans qu’on puisse dire 
en quoi consistait leur divinité. Ses idées sur la gran- 
deur et la place du soleil , ainsi que des autres astres , 
participaient à l’imperfection des connaissances astro- 
nomiques de son temps, quoiqu'on lui attribue, sur 
quelques points , des aperçus remarquables. Les objets 
relevés qui étaient le principal objet de ses médi- 
tations , ne l’empêchaient pas d’étudier la nature dans 
des phénomènes plus accessibles à nos recherches ; 
mais ses systèmes en physique n’offrent rien qui püt 
être pour nous d’un grand intérêt. On lui a dû in- 
contestablement quelques découvertes en géométrie ; 
et il paraît certain qu’il donna le premier dans la Grèce 
l’utile et intéressant exemple de tracer sur une surface 
les contours de la terre et des mers. On lui faitencore 
honneur , avec plus ou moins de vraisemblance , de 
diverses autres inventions , que rapporte l’auteur du 
mémoire. 


Poësies 


(241) 


Poësies lues à l’Académie. 


M. le Prêtre a lu, en différentes séances, 19°, un 
distique latin Sur Le rerour de l’auguste famille des 
Bourbons rendue au trône et aux vœux empressés de 
la France , avec la traduction en vers français; 
2° un quatrain latin, aussi traduit en vers français x 
sur le même sujet; 3°. une ode intitulée, Homme: 
légitime rendu a la mémoire de Louis XVI. Une ode 
sur la véritable grandeur, une autre Contre Les combats ; 
4°. un hymne tiré du poëme dessaisons de Thompson; 
5°. des vers sur Alexandre le Grand ; 6°, deux 
fables intitulées, l’une , Le moineau et Les hirondelles , 
l'autre L’orage et Le z2phyr ; et six autres ayant pour 
titres, La poule d'Inde et la fourmi ; le taureau er Le 
mâtin; Le chien, Le berger er le loup ; La jeure 
fille ec la naïade ; La imarte, le renard et le loup ; 
L'allouette et la perdrix. Ces six fables sont imitées, 
Jes trois premières de Gay , la quatrième du père 
Dubillon, ewles deux dernières de Hagerdon. 

M. de Baudre a lu, 1°. des vers sur l’arriyce 
du Roi Louis XVIII ; huitcontesintitulés , Le Grand 
Seigneur et le Capucin, Le perit-maître er Le Capucin, 
Le Capucin dévalisé , Le marchand de chasuble 
Le friand Bailly , M. Gousseau , Le petit Saint . 
rome , Le voleur et Le petir père ; 39. trois épigram- 


TR 
1... 
e- 


(242 ) 
mes , ayant pour titres : Le président a l'élection, Sur 
la ville de Domfront, L'esprit; 4°. L’épitaphe d'un 
plaideur, et une autre épitaphe. 

M. Méchin a lu une traduction en vers français 
de la 13°. satyre de Juvenal. 

L’académie a encore entendu une fable de M, 
Bremontier , imitée de Gay, intitulée, Le renard à 
l'article de La mort; des Stances allègoriques sur le 
danger de la flatterie , par M. le Tertre, associé-corres- 
pondant, qui a aussi communiqué à la compagnie 
le prospectus d’un Choix des poësies de Malherbe, 
avec des remarques, précédé d'un éloge littéraire de 
l'auteur ; des Fragmens d’un voyage au centre de 
l'Italie; opuscule en prose et en vers, par M. Du- 
bois, aussi associé-correspondant ; une Épirre à Picard 
sur son roman intitulé , les aventures d'Eugène de 
Senneville et Guillaume de Lorme, par un Normand, 
( M. Vieillard de St. Lo; ) deux allégories de M, 
Vigné de Rouen, autre associé-correspondant, ayant 
pour titres: l’une, Le rocher et les oiseaux de passage, 
l’autre, La rose et le lys 


(24) 


peninmetnntantensg 
Ouvrages reçus. 


L'Académie a reçu la Description des jardins de 
Courset , par M. Pierre-Aimé Lair ; plusieurs opuscules 
de M. Dubois, savoir une Notics sur Les bains de 
Bagnoles, une Dissertation sur le camp du Cha- 
cellier, vuloairement appelé camp de César | sirue 
dans la commune de Mont-Merë, près Aroentan ; 
l'avenue des chärelers | élégie ; un mémoire manuscrit 
ayant pour titre, De l'inventeur du Vaudeville es 
d'une nouvelle édition des Vaux de Wire d'Olivier 
Basselin, notice lirtéraire ; une notice sur M. Houel, 
peintre, et une autre sur Rembrandt-Van-Ryn , 
faisant suite à la galerie des peintres célèbres, par 
M. le Carpentier, de Rouen; une Nosice sur l'his= 
roire géognostique du Cotentin, extrait du Journal 
des mines , n°. 206, Février 1814 , par Alexandre 
Brongniard , ingénieur des mines ; un mémoire ma- 
nuscrit de M. Geoffroy, de Valognes, Sur la com- 
position du granit , renvoyé a l'examen d’une com- 
mission ; un ouvrage intitulé , Repertoire de méde- 
cine, ou recueil d'extraits et d'indications de differens 
ouvrages, Anglais, Français , Italiens er Latins , par 
M. Balme , docteur en médecine , également renvoyé 
à une commission, selon le désir manifesté par l’au= 


Q 2 


(244) 

teur ; deux bulletins\de la Société des sciences mé 
dicales de l’Eure ; le Prècis analytique des travaux 
de l'Académie des Sciences , des Belles-Letrres et 
des Arts de Rowen pour 1812; un autre Précis ana- 
lyrique des travaux de la même Académie, depuis 
sa fondation en 1744, jusqu’à l’époque de sa res- 
tauration le 29 Juin 1803 ; une notice de Séance pu- 
blique de la Société d'émulation de la même ville, 
du Oo Juin 18143 un Programme de l Académie 
des Jeux Floraux de Toulouse pour le concours de 
1815; un Programme de l’Académie Royale des 
Sciences, Belles-Lertres et Arts de Bordeaux, séance 
publique du 2$ Août 1814; un Programme de ques- 
tions proposées par La société d’encosragement pour 
L'industrie nationale | dans sa séance générale du 6 
Octobre 1813 ; un Précis analytique des travaux 
de la société Académique des Sciences, Lettres, Arts 
et Agriculture de Nancy ; un Bulleun de correspon- 
dance de la Société d'agriculture et de commerce du 
Département de la Vienne, séance du 15 Messidor 
an 13; un compte rendu des travaux de la Société 
d'Agriculture, Sciences et Arts du Département du 
Nord, pendant les années 1812 et 1813. 


H'ASPPO'RT 


Sur Les travaux de l’année 1815. 


PREMIÈRE SECTION. 
PARTIE SCIENTIFIQUE. 


Considérations sur Les caractères distinctifs de l'oxi- 
gène et ses rapports généraux avec Les autres ma= 
tières réputées simples , pat M. THIERRY fils. 


— 


M. Thierry , avant d'entrer en matière, présente 
quelques réflexions sur de nouvelles vues de M. Davy. 
Ce savant chimiste Anglais a cru devoir associer à 
l'oxigène le chlore et ensuite liôde comme corps 
simples et comburans, et dépouiller ainsi la première 
de ces trois substances d’un caractère qui lui était 
assigné exclusivement, et qui avait fait définir la 
combustion la combinaison de l’oxigène avec Les corps 
combustibles. En discutant les faits qui ont motivé 
cette innovation, M. Thierry ne trouve point qu’ils 
établissent une analogie assez prononcée du chlore 
et de liode avec l’oxigène, pour en faire les espèces 
Q 3 


(246) 

d'un même genre, puisqu'ils ne se comportent de la 
même manière que dans un-petit nombre de ren- 
contres, et que les phénomènes qu’ils offrent peuvent 
s’observer dans d’autres corps combustibles. Il lui a 
donc semblé, et il a vu depuis que c’était aussi l’o- 
pinion de M. Thénard, qu’en associant l’iode au 
chlore , il convenait de les séparer de l’oxigène, pour 
les admettre l’un et l’autre au nombre des matières 
combustibles. 

._ Quant à l’objet même du mémoire, après avoir 
posé les principes de la chimie moderne par rapport 
à l’oxigène, M. Thierry le considère relativement 
aux trois grandes propriétés qui le font regarder 
comme j’âme de la théorie pneumatique, savoir son 
pouvoir acidifiant, la nécessité de son entremise dans 
la combustion, et sa fonction dans Pacte de la res- 
piration. 

Le nom doxigène est fondé sur la supposition 
que la substance qu’il désigne est le principe de tous 
les acides; maïs l’auteur du mémoire montre qu’elle 
ne jouit pas exclusivement de cette propriété, et il 
cite l'hydrogène sulfuté, l'acide muriatique , autre- 
ment acide hydrochlorique , et l’acide hydriodi- 
que , qui sont Le ‘résultat de la combinaison de 
hydrogène avec le soufre , le chlore et l’iode. 
Il remarque aussi que lhydrogène , qui par- 
tage avec l’oxigène le pouvoir acidifiant , est le 
seul des corps combustibles que celui-ci ne puisse 


(247) 


acidifier, ne s’unissant avec lui que dans une seule 
proportion pour former l’eau, Il ajoute que l’oxigène, 
produisant par sa combinaison avec certains métaux 
les alcalis fixes, les terres alcalmes, et très-probable- 
ment toutes les matières terreuses, pourrait aussi bien 
être appellé a/caligène. Il déduit de cette double ob- 
servation l’imperfection inévitable d’une nomencla- 
ture destinée à représenter les propriétés caractéris- 
tiques des corps, tant que les progrès de la science 
peuvent faire varier les rapports de ces propriétés. 

La part qu’a l’oxigène dans la combustion n’offre 
pas à l’auteur du mémoire un caractère plus absolu. 
Car si l’on se borne à dire que la combustion est la 
combinaison de l’oxigène avec un corps combustible, 
suivant la définition adoptée, ce n’est plus à l’oxi- 
gène, mais bien à l’acte de la combustion que l’on 
assigne un caractère , puisqu'on ne reconnait plus 
celle-là que par la présence de celui-ci. Mais si l’on 
veut considérer cet acte en lui-même et indépen- 
damment des agens qui concourent à sa production, 
de quelque manière qu’on le conçoive , on ne pourra 
plus affirmer que l’oxigène en est la cause nécessaire, 
parce qu’il y aura toujours quelques-uns de ses effets 
qui pourront exister sans cette cause; et d’ailleurs il 
n’est pas possible dans l’état actuel de la science de 
déterminer d’une manière précise ce qui constitue la 
combustion , abstraction faite de la présence de 
lexigène, 


Q 4 


(248 ) 

M. Thierry voit dans la respiration , acte nécessaire 
à la vie, et manifesté par des signes toujours recon- 
naissables, la seule propriété caractéristique de l’oxi- 
gène, puisqu'il est certain qu’en aucun cas la respi- 
ration ne peut avoir lieu sans la présence de ce gaz. 
Un nom qui rappelerait cette propriété , serait donc, 
suivant lui , plus convenable que celui d’oxigène. 
Tel serait, par exemple, celui de Zoarque | opposé 
à Ayore, mais qui aurait l’inconvénient de présenter 
comme principe de la vie l’agent nécessaire d’un 
acte qui en est seulement dépendant et inséparable. 
11 désirerait un mot qui exprimât ce caractère, et 
qui réunissant la briéveté à harmonie propre à notre 
idiome, fût encore susceptible de se modifier de 
manière à remplacer les mots oxide, oxider, oxigène, 
oxigénation , etc., Au surplus il déclare être loin 
de vouloir prendre l'initiative sur un changement de 
nom qui ne serait avantageux qu'autant qu'il aurait 
été provoqué par le vœu général des chimistes. 

Un dernier article du mémoire traite des rapports 
généraux de l’oxigène avec les autres corps. Quoique 
M. Thierry se trouve obligé d’enlever à cette subs-- 
tance quelques prérogatives, il n’en reconnaît pas 
moins que la puissance et l'étendue de ses affinités, 
la distinguent de tous les corps. Les terribles de-. 
tonations de la poudre à canon et des composés 
analogues dus à l’oxigène, les brillans phénomènes 
de chaleur et de lumière causés par son passage d’une, 


(249) 

combinaison à une autre, en un mot le rôle qu’il 
joue dans presque toutes les opérations de la nature , 
lui paraissent justifier la grande idée qu’en avaient 
conçues les illustres fondateurs de la doctrine Fran- 
çaise , et que confirme le soin qu'a pris la providence 
de faire de l'atmosphère un immense réservoir de ce 
fluide , et d’en réparer les absorptions continuelles 
par les efuves abondantes des végétaux frappés 
de la lumière. Lui donner le titre de corps com- 
burant, c'était exprimer implicitement ses affinités 
énergiques ; et quoiqu'a la rigueur la distinction de 
corps comburant et de corps combustible ne soit que 
théorique , parce que dans la combustion les deux subs- 
tances qui se combinent exercent une action réci- 
proque , cependant le corps qui était seul connu 
propre à produire ce phénomène avec chacun. des 
autres , semblait mériter une dénomination qui lui 
attribuait une rôle actif.‘ Aujourd’hui que de nou- 
velles découvertes ont fait reconnaître une propriété ana- 
logue dans d’autres corps, il pourrait être nécessaire 
de faire quelques changemens dans lathéorie ; mais M. 
Thierry pense qu’on ne doit les tenter qu'avec beau- 
coup de précaution .et de réserve , surtout quand 
il ne s’agit pas d’une réforme partielle, mais d’une 
innovation qui intéresse l’ensembie de la science. Voici 
comment il résume en finissant les caractères géné- 
raux de l'oxigène. 

« L'oxigène est le seul corps qui dans unecon- 


(250) 

dition appropriée puisse entretenir la respiration des 
animaux. Par sa combinaison avec le calorique , il 
forme un gaz permanent. Ce gaz est incolore, ino- 
dore, insipide , peu soluble dans l’eau. Son poids 
spécifique , à zéro de température , et à la pression 
de 28 pouces, égale 1,10359 , le poids spécifi- 
que de l'air dans les mêmes circonstances étant 
représenté par l'unité. C’est sa présence dans l’air 
atmosphérique quirend celui-ci propre à la combustion 
ét à la respiration. Il sert à la combustion jusqu’à sa 
dernière molécule. L’oxigène peut acidifier tous les 
corps combustibles simples non métalliques, excepté 
hydrogène. Il peut acidfer quelques métaux. IL 
transforme également plusieurs métaux en alcalis. Les 
métaux ne peuvent s’unir aux acides, s’il ne s’y com- 
bine avec eux. » 


Exposé d'un projet présenté en 1812, pour l'ame- 
lioration du port de Caen, par M. PATTU. 


M. Pattu commence par exposer les avantages de 
la navigation intérieure , qui ajoute tant aux com- 
modités des grandes routes, et qui peut les suppléer 
d’une manière si économique. Il développe en par- 
ticulier l’utilité du port de Caen, et passe ensuite 
aux obstacles qui empêchent d’être la source d’une 


(251) 

plus grande prospérité, et aux travaux exécutés ou 
conçus pour son amélioration. Le projet le plus impor- 
tant qui ait été pris en considération avant celui dont il 
s'agit ici, et que M. Pattu lui-même regarde comme 
ayantpu naturellement produire ce dernier, est celui 
de M. Cachin, qui dans un mémoire imprimé en 
l'an VII , propose d'abandonner la navigation du 
lt de l'Orne, et d'ouvrir un canal depuis Caen jus- 
qu’à la fosse de Colleville, avec des portes et des 
jettées à l'extrémité. L’exécution de ce projet fut or- 
donnée par décret du 25 Mai 18w13 mais le devis 
des travaux ayant montré que cette entreprise exigeait 
. une dépense de 4,700,000 fr. , au lieu de 700,006 
fr. seulement, qui avaient été accordés , il fallut 
y renoncer. Le projet qui est substitué à celui de 
M. Cachin , consiste en un barrage dans le lit même 
de l'Orne , au-dessous de Bénouville, avant le: haut 
fonds des cerisiers, par une écluse à portes d’èbe , 
qui arrêterait en cet endroit la mer montante, avec 
les matières qu’elle entraine jusqu’à Caen, et la 
remplacerait par les eaux douces élevées à la même 
hauteur, M. Pattu a discuté les effets de cet éta- 
blissement de manière à montrer qu’il remédierait cons- 
tamment aux obstacles qui entravent la navigation 
de l'Orne , outre qu’il contribuerait à l'agrément et 
à la salubrité de la ville, en maintenant les eaux 
de la rivière à une grande hauteur dans un cours 
de deux lieues et demie, 


(252) 

Plus on est frappé de la simplicité de ce projet, 
qui attache à une opération prompte, et peu dis- 
pendieuse , au moins comparativement , les avantages 
d’une entreprise effrayante par la longueur du temps 
et les frais qu’elle exigerait , plus 1l est naturel de 
craindre qu’il n’y ait quelque incertitude dans les 
résultats qu'on se promet de ce nouveau moyen; 
mais il sufht de connaitre la circonspection et les lu- 
mières de M. Pattu, pour être assuré que ses cal- 
culs sont appuyés sur des données bien exactes; et 
d’ailleurs l'admission de son projet par le conseil des 
ponts et chaussées , après un mür examen, est propre 
a dissiper tous les doutes que l'on pourrait conce- 
voir sur le succès. 


Précis historique sur la navigation de la rivière 
d'Orne , par M. LANGE. 


Le mémoire précédent a été l’occasion des recherches 
faites sur le même sujet par M. Lange , qui s’est 
occupé dans tous les temps avec un intérêt par- 
ticulier des moyens d'améliorer la navigation de l'Orne. 

Il déclare en commençant qu’il ne se propose 
point de présenter des choses absolument nouvelles, 
puisque les faits ne se créent pas; et que son travail 
s’est borné à recueillir et à réunir en un faisceau des 


(253) 


notions éparses dans beaucoup d’écrits, et dont l’en- 
semble lui a paru propre à confirmer lés espérances con- 
_ çues en divers temps sur l'amélioration de la navi- 
_gation de l'Orne, et peut-être à éclairer les opéra 
tions qui tendent à ce but. M. de Bras est le plus 
ancien écrivain qui parle des projets exécutés ou con- 
çus sur cette rivière; et depuis lui il ne reste d’autres 
sources d'instruction, que des mémoires de d'férens 
ingénieurs, assez difficiles à rassembler. Notre col- 
lègue s’est aussi aidé de quelques écrits lus dans nos 
séances , et il prévient que l’on reconnaîtra facile- 
ment certains détails qu'il a puisés dans le rapport 
général sur les travaux de l’Académie. 

M. Lange remonte au plus ancien état de la na- 
vigation de Caen, sous les premiers Ducs de Nor- 
mandie. L’Odon , après avoir passé sous le pont de 
Darnetal, aujourd’hui le pont Saint-Pierre, allait se 
jetter dans l'Orne au delà de l’emplacement de l’hô- 
pital actuel , en longeant une chausssée que remplace 
la rue Saint Jean; et cette partie de son lit for- 
mait alors le port. 

Le Duc Robert, fils aîné de Guillaume le con- 
quérant, tira de l'Orne, en 1104,à une centaine 
ae toises du pont de Vaucelles, un canal qui vient 
se rendre à celui de Saint Pierre, en passant sous 
ceux de l'hôpital Saint-Louis et de Saint-Jacques. 
D'un autre côté il recula le cours dé l'Ocon , de 


(254) 
manière à former une île presque ronde , partagée 
à peu près en deux parties égales par la chaussée. 

En 1531, on redressa l'Orne dans une partie de 
son cours, en ouvrant dans la prairie au-dessus du 
Hameau de Longueval un canal de 640 toises de lon- 
gueur et de 15 pieds de profondeur , au mépris d’un 
préjugé qui faisait craindre des inondations dans les 
grandes marées. 

Quant à l'Orne supérieure , ou s’est contenté d’y 
ouvrir successivement plusieurs chaussées ; etes projets 
de navigation souvent reproduits, sont toujours restés 
sans effet, par des causes tout-à-fait indépendantes 
de leur utilité et de la possibilité de leur exécution, 

On fit de nouveaux redressemens dans le cours 
de l'Orne inférieure , en vertu des lettres patentes 
de Louis XIV du 6 Mai 1679 , sur un plan de Vauban 
pour létablissement d’un port d’asile dans la rade 
de Colleville; et sans la mort de Colbert , les ou- 
vrages auraient été continues et prolongés jusqu'à 
Argentan en remontant la rivière. 

Ce ne fut qu’en 1740, que plusieurs citoyens re- 
commandables firent de nouvelles tentatives pour 
l'exécution du projet de Vauban, et que M. Lalonde, 
en particulier, membre de l’Académie Royale des 
Belles-Lettres de cette ville , redigea un mémoire qui 
fut favorablement accueilli , mais dont la guerre arrêta 
l'effet. IL en présenta un nouveau à la paix, et après 
une visite exacte des lieux et la vérification des faits, 


C255 ) 
dl fournit avec ses généreux associés à la dépense des 
plans et devis dont les villes de Caen et d’Argen- 
tan n'étaient guères en état de faire les frais, et dont 
la remise au conseil pouvait influer sur la décision, 
Ce travail reçut es plus grands éloges de M. Gouwr- 
don de l'Églizière, Lieutenant-général des armées du 
Roi, Directeur général des fortifications. Un mé- 
moire devenu assez rare , développait au public les 
avantages de ce projet, dont une compagnie offrait 
d'entreprendre l'exécution, moyennant certains droits 
à percevoir sur les objets de la navigation, Dansun 
sommaire de ce mémoire, M. Lange fait connaître 
les rivières qui se jettent dans l'Orne depuis sa source, 
les travaux à‘exécuter pour la rendre navigable , toutes 
les espèces de denrées et de marchandises au transport 
desquelles elle pourrait servir, soit en montant, soit 
en descendant , et enfin les divers établissemens qu’elle 
pourrait favoriser. Ensuite , après avoir manifesté l’es- 
poir que l’état consolidé sur ses antiques fondemens 
est propre à faire naître relativement à tous les genres 
d'améliorations , il passe aux vues de M. Vialet, in- 
génieur en chef de la généralité de Caen, qui outre 
les redressemens de la rivière aux abords de la ville, 
parait avoir médité les moyens d’en reporter l’em- 
bouchure vers le havre d'Oystreham ; aux travaux 
de M. le Febvre, dont il donne la description ; et 
au projet de M. Cachin, dont il expose les dé- 


tails, d’après le mémoire publié par cet ingénieur, 


C256) 

æt qui consistait principalement à aggrandir le bassin 
actuel, dit bassin de Saint Pierre , et à ouvrir un 
canal depuis le milieu de ce bassin jusqu’à la fosse de 
Colleville. Les grandes dépenses qu’auraient exigé 
ces travaux, en ont empèché l'exécution. Néan- 
moins ce projet fut reproduit dans une circonstance 
qui parut très-favorable ; et un décret du 15 Mai 
1811, en ordonnant qu'il serait étudié et porté à 
la délibération du conseil des ponts et chaussées 
dans le mois de Décembre suivant , et de plus que 
es quais de cette ville seraient achevés , affectait à 
toutes ces dépenses une somme 700,000 francs. Il 
ne fallait pas un examen bien approfondi pour re- 
connaître l'insuffisance de cette somme. M. le Jeune, 
ingénieur en chef du département , en redu sant toutes 
les parties du plan autant qu’il était possible, ne put 
pas en évaluer la dépense au-dessous de 4,700,000 
fr.; ce qui fit encore renoncer à l’entreprise, et af- 
fecter à la continuation des murs de quais la tota- 
lité des 700,000 francs obtenus. 

C'est dans ces circonstances que M. Pattu, ingé- 
nieur ‘actuel, proposa en 1812 le projet de Barrage 
développé dans le mémoire lu à l'Académie. M. Lange 
fait ressortir les avantages de ce nouveau projet ; et 
après avoir fait mention d’un décret du 3 Février 
1813, qui assigne pour ces travaux 500,000 fr. sur 
les 7 accordées, mais dont les événements ont sus- 
pendu leffet, il cite un arrêté pris par le conseil 

général 


(257) 
général du département dans sa session du mois 
d'Octobre 1814, relativement au projet de M. 
Pattu , dont l'exécution a paru à l’administration des 
ponts et chaussées d’une nécessité si urgente , qu’elle 
a formé la demande d’une somme de 60,000 fr. 
pour commencer les travaux. 

M. Lange, pour détruire toute crainte que malgré 
le barrage ii ne se forme de nouveaux attérrissemens, 
apporte des faits bien avérés, et qui prouvent com- 
plètement que les vases qui encombrent le lit de 
l'Orne viennent uniquement de son embouchure. Il 
termine son mémoire en proposant avec la réserve 
la plus modeste, une idée qui mérite l'examen des 
hommes de l’Art, auxquels il la soumet, et qui sans 
nécessiter des dépenses énormes , et sans contrarier 
aucun plan d’amélioration, procurerait un des prin- 
cipaux avantages du projet de M. Cachin. 

Voici comment il le présente : 

« Entre Bénouville et Oystreham l'Orne se par- 
tage eu deux branches, dont la droite qui est la plus 
forte, passe devant Sallenelles et le moulin de Mau- 
pertuis. 

Un peu plus bas que ce moulin, cette branche 
se divise aussi en deux bras inégaux. Le plus petit 
tourne la pointe de Merville , et se porte vers la côte 
de l'Est; l’autre se dirige par la pointe du Siège vers 
le Nord-Ouest, et forme la véritable embouchure, 

La seconde branche , après avoir longé la côte: 


R 


(258) 

d'Oystreham vient aussi se rendre à la pointe du 
Siége , où elle }{e confond avec la première. Je pro- 
poserais de P'élargir dans une longueur de 709 toises 
à partir de la bifurcation, ensuite d’en continuer le 
cours presque en ligne droite vers la mer , près la 
redoute d'Oystreham, qui resterait à 200 toises en« 
viron sur la gauche. 

Ce nouveau lit de 900 toises de longueur , pro- 
curerait une embouchure commode et peu sujette 
aux attérissemens. Les vents dominans dans la Manche 
sont ceux d'Ouest et d’Ouest-Nord-Ouest. Les flots 
qu'ils poussent avec violence sur la côte de l'Est, 
en détachent continuellement des terres, que l’action 
combinée de ces vents et du remous de la côte pré- 
cipite entre les deux pointes, pour aller encombrer 
les différens canaux de l'Orne. 

Or la nouvelle embouchure, éloignée de goo 
toises à peu près de la pointe de Merville , et d’en- 
viron 2500 de la côte ne pourrait en recevoir immé- 
diatement les débris, comme le fait l’embouchure ac« 
tuelle. | 
Au reste , si ce canal éprouvait quelques dépôts de 
vases, on conçoit quelle chasse énergique exerce- 
raïent dans toute sa longueur les eaux de l’immense 
bassin de M. Pattu, et combien sa direction à peu- 
près droite serait favorable à cette chasse. 

Du moment que la rivière y serait introduite , 
et qu’on aurait barré la branche principale actuelle 


(259) 

à l'endroit de la bifurcation , tout le terrain com: 
pris entre cet endroit et les deux pointes serait bien- 
tôt exhaussé par les alluvions de la marée, de ma- 
nière à permettre d'établir d’une pointe à l’autre une 
digue d'environ 300 toises dont la base serait traver- 
sée par des auges ou canaux à clapets pour l’écou- 
lement des eaux du pays. 

La concession de ce riche terrain de plus de 30000 
perches de superficie, seulement au prix modique de 
10 fr., donnerait un capital de 300,000, qui cou- 
vrirait peut-être , et même au-delà , toute la dépense 
d’une entreprise qui n’exigerait aucuns ouvrages d'Art, 
et ne consisterait qu’en pilotis , clayonnages, terrasses 
et épis en pierres brutes , que fournissent abondam- 
ment les carrières des environs. 

Si ce projet était admissible , le gouvernement pour- 
rait, dans un court espace de temps, et sans qu'il 
lui en coutât un centime , faire exécuter des travaux 
si manifestement proftables à l’agriculture, au com- 
merce et à la salubrité de la contrée ». 


Rapport sur un mémoire de M. Geoffroy de Valognes , 
associé- correspondant, par M. LAMOUROUX. 


M. Lamouroux expose d’abord l'opinion négative 
P 8 


de M. Geoffroy sur la question qui sert de titre à 
ya 


{ 260 ) 


son mémoire : Le tubipore musique est-il un polypier ? 
Il présente ensuite les idées de l’auteur par rapport 
au nom de subipore, qu'il croit devoir changer, et 
au lieu duquel il propose d’abord celui de subulaire , 
et ensuire celui d’oroue , en considérant que celui 
de tubulaire est appliqué à un genre de polypier 
connu depuis long-temps. Le rapporteur , sans entrer 
là-dessus en aucune discussion , en vient à l’objet prin- 
cipal du mémoire, qui est la proposition faite par 
M. Geoffroy de joindre les tubipores aux vers qu'il 
appelle vers subicules, En blâmant cette dénomina- 
tion, comme appartenant à des êtres d’une nature 
très-différente, M. Lamouroux appuie sa critique sur 
des autorités et sur des raisonnemens qui tendent à 
prouver que , Si Panimal du tubipore musique est 
un polype, son habitatation ne saurait être celle 
d’une annélide , ce qui suivrait du système de M. 
Geoffroy. Le rapport est terminé par une citation 
intéressante de M. Péron , qui en confirme les con- 
clusions. 


Rapport sur l'ouvrage de M. Balme, par M. le 
SAUVAGE. 


L'ouvrage de M. Balme intitulé , Répertoire de 
Médecine , ou recueil d'extraits et d'indications de dif- 


( 261 ) 


ferensouvrages, Anglais, Français , Iraliens er Latins x 
a été conçu dans l’intention d'épargner aux médecins 
des recherches longues et pénibles pour trouver des 
moyens de solution dans les cas embarrassans qui 
peuvent entraver leur pratique. L’avantage de con- 
naître en peu d’instans quels auteurs ont traité cha- 
cune des questions qui se présentent, et sous quels 
points de vue, ne peut manquer, du moins au pre- 
mier coup d’œil, de paraître très-précieux , puis- 
qu'il semble attacher au moyen le plus simple l’ins- 
truction la plus complète. Mais il faut convenir que 
l'exécution , dans les ouvrages de ce genre , est tou- 
jours la partié la plus difficile, et qu’elle répond ra- 
rement à l’idée que l’auteur s’est formée de sa mé- 
thode. M. Balme ne s’est point fait illusion sur cet 
inconvénient , et il a provoqué lui-même , avec une 
modestie qui doit bien faire présumer de son jugement , 
l'examen attentif et sévère de l’essai qu’il a donné au 
public. M. le Sauvage a pleinement rendu justice à 
l’auteur sous ce rapport, et a reconnu tout le mérite 
qu'on peut trouver dans son ouvrage; mais obligé 
de. s’expliquer complètement dans les intérêts de la 
science ,1la présenté les différens rapports sous lesquels 
les hommes de l’Art ne pourraient pas accorder un suft- 
frage absolu à son entreprise. Ses conclusions ont 
été que le travail de M. Balme, en présentant de 
laborieuses recherches d’un médecin instruit, ne peut 


offrir le degré d'utilité dont il la cru susceptible , 
R 3 


(264) 

parce qu'on n’# voit qu’un recueil de citations e 
de notes indicatives puisées dans un nombre déter- 
miné d'ouvrages, et accumulées sans aucune espèce 
de critique; ensorte qu'il y a à la fois abondance et 
disette , à cause de la multitude des indications inu- 
tiles et du silence gardé sur les meilleures autoritése 
La seule omission des ouvrages d’anatomie patholo- 
gique paraît au rapporteur offrir une lacune immense ; 
et il lui semble que l’entreprise de M. Balme aurait 
offert un tout autre intérêt, etaurait été dans le cas de 
rendre à la Science des services importans, s’il se fût 
contenté de présenter une collection bien choisie des 
faits qui ont servi de base aux principes qui forment 
la saine doctrine , et qu’il eût écarté une foule d’ob- 
servations insignifiantes ou incomplètes , et surtout 
de théories repoussées par un saine critique. Loin que 
le mauvais complète la collection de ce qui est bon, 
il ne fait que la gâter. 


Noc sur de saumon, par M. PRUDHOMME. 


M. Prudhomme a cru devoir entretenir l’Acadé- 
mie d’un fait qui lui a paru intéressant. Il a vu des 
saumons déposés dans un vivier depuis trois ans, 
et qu s’y étaient conservés jusqu'alors en bon état, 
Cette expérience qu'il désirerait voir répéter et 


(263) 

étendre , lui a fait concevoir la possibilité de natu- 
raliser le saumon dans l’intérieur de la France, en 
choisissant des eaux qui lui convinssent. Il a exposé 
ses idées sur la manière dont cet essai pourrait être 
tenté, et a cité à cette occasion les tentatives faites il y 
a plus de vingt ans par M. Noël de Rouen, pour 
naturaliser des harengs dans des étangs. Aux États- 
Unis, ajoute-tl, ou a fait éclore des œufs de ha- 
rengs et d’autres poissons dans des fleuves que ces 
animaux n'avaient jamais fréquentés. Les individus 
éclos de ces œufs ont contracté l’habitude de reve- 
nir chaque année , en en ramenant sans doute avec 
eux un grand nombre d’autres. M. Prudhomme pré- 
sume qu'on pourrait avec succès déposer dans des 
étangs des saumons femelles avec des mâles, pour 
y faire leur ponte, sans que le frai qui en naïtrait 
pût retourner dans les mers vers Pautomne, temps 
où il descend les Fleuves , à partir même d’une très= 
grande distance de leur embouchure. 


LE TT A te NE ©] 


SECONDE SECTION. 


PARTIE LITTÉRAIRE. 


ES 


Recherches sur les ouvrages des Bardes Armoricains 
dans le moyen äge, par M. DELARUE. 


Taureur traite son sujet comme neuf, puisque 
non-seulement les historiens Brétonset les anciens écri- 
vains Français ne contiennent rien de positif sur la 
poésie Armoricaine , mais que même Dom le Pelletier , 
dans la préface de son dictionnaire Bas-Bréton , 
après avoir dit: Nous ne voyons pas que nos an- 
ciens Brérons aient cultivé la poésie, va: jusqu’à 
ajouter ; es La langue teilé qu'ils la parlent ne paraît 
pas pouvoir se prêter a la mesure, a la douceur ec 
a l'harmonie des vers. | 

Pour réfuter ce dernier paradoxe , et établir l’exis- 
tence d’une poésie Armoricane , M. Delarue remon- 
tant du XVe. siècle au XIIE. rapporte pour chacun 
de ces quatre siècles des témoignages plus ou moins 
nombreux d'écrivains Français et Anglo-Normands, 
qui vantent les Lais Brétons ou Armoricains et qui 
en font des citations , et il conclut de toutes ces 
autorités, 1°, que les Brétons Armoricains avaient 


(265) 
très-anciennement dans leur langue des pièces de 
vers que nos premièrs poëtes appelèrent des Lais, sans 
qu’on sache quel nom ils leur donnèrent eux-mêmes, 
et qu’il ne faut point confondre avec les Lais de nos 
trouverres , mais regarder comme des poëmes con- 
tenant le récit d’un évènement intéressant , d’une 
longueur modérée , à la différence des romans, sur 
un sujet grave et ordinairement Armoricain ou Gal- 
lois, et toujours en vers de huit pieds, du moins 
dans les traductions Françaises et Anglaises qui sont 
parvenues jusqu’à nous ; 2°. que les Lais Brétons 
furent tellement estimés dès le commencement du 
12°. siècle, qu’on entraduisit un grand nombre, soit 
en Latin, soit en prose Française , et qu’à la demande 
des Ducs de Normandie et des Barons de cette pro- 
vince, on composa d’après ces traductions plusieurs 
de nos romans de la table ronde, en prose Latine 
cu Française ; 3°. que dans le 12°. siècle les trou- 
verres mirent en vers Français plusieurs romans 
de la table ronde, soit d’après les traductions La- 
tines ou Françaises des Lais Brétons, soit d’après les 
romans en prose qui en étaient déjà le produit, et 
qu'il est impossible de croire que les trouverres en 


‘imposent , quand ils déclarent que leurs romans sont 


composés d’après les ouvrages Brétons, et quand ils 
nomment les différens Princes qui leur en fournirent 
des traductions; 4°. enfin , que dansle 13°. siècle 
les trouverres Français et Anglo-Normands traduisirent 


( 266 ) 
encore en vers plusieurs des Lais Brétons, et que 
ces traductions ne furent mises en vers Anglais que 
dans le siècle suivant. 

En examinant les rapports qui pourtaient exister 
entre les Lais Brétons et l’ancienne poésie Gauloise, 
l’auteur du mémoire établit d’après Posidonius d’A- 
pamée, qui vivait avant l'ère vulgaire , et le poëte 
Fortunat , écrivain du 6€. siècle, que les Lais Brétons 
écrits et chantés dans le genre des poésies Gau- 
loises ont dû leur succéder ; que si les poëtes Ar- 
moricains ont mêlé quelquefois des aventures Ro- 
manesques et imaginaires à des peintures historiques, 
comme dans l’histoire d'Arthur, à la différence des 
Gaulois toujours historiens, cette innovation ne se 
trouve que dans les traductions des Lais Armori- 
cains ou dans les ouvrages d’écrivains obscurs et mer- 
cenaires qui, pour déguiser leurs plagiats, altéraient 
ainsi les productions des anciens Bardes. Cependant 
d’après les témoignages de plusieurs historiens Brétons 
et Gallois, il paraïîtrait que les poëtes Armoricains 
auraient aussi chargé l’histoire d'Arthur et de ses che- 
valiers de faits merveilleux et controuvés, auxqueis 
les jongleurs qui leur succedèrent auraïent- ajouté de 
nouvelles fictions. Mais , se demande l’auteur, où les 
Brétons avaient-ils puisé ce merveilleux épique ? Est- 
_<e dans une mythologie indigène, c’est-à-dire, Cel- 
tique, ou dans une mythologie étrangère ? D’après 
Saumaise , ce goût leur aurait été communiqué par les 


( 267 ) 
Arabes et les Espagnols. Lord Percy, Evêque de 
Dromore , prétend, qu'il avait passé de l'Orient dans 
le Nord avec les Colonies d'Odin , et qu'il avait été 
porté en France par les Normands. Huet et le Comte 
de Caylus affirment au contraire que nos romans et 
les fables dont ils sont remplis, sont nés sur notre sol, 
M. Delarue, porté à partager le sentiment de ces 
deux célèbres antiquaires , pense que les Bardes At- 
moricains qui parlent de géants défaits , de dra- 
gons vaincus , de lions domptés , etc. , ont pu tirer 
l’idée de ces fictions des prodiges rapportés dans les 
livres sacrés, tels que les victoires de David sur le 
Géant Goliath , celle du même prophète sur le lion, 
de Saint-Michel sur le dragon , sans qu’il leur ait 
été nécessaire de puiser dans des sources étrangères; 
et que d’ailleurs la mythologie des Grecs, dont on 
ne peut douterqu'ils aient eu connaissance , puisqu'ils 
ont fait des Lais sur les histoires fabuleuses de Nar- 
cisse et d’Orphée, pouvait leur fournir des modèles 
d’aventures extraordinaires. Les détails curieux sur les- 
quels il fonde cette dernière supposition le conduisent 
à parler du séjour de neuf prêtresses, célèbres par 
leurs prodiges dans l'Isle de Sein , voisige de l’em- 
bouchure de la Loire, et plus tard dans la forêt 
de Bréchéliant, lieu sacré où elles possédèrent le 
Roi Arthur , afin de le guérir d’une blessure 
dont il avait été atteint au combat. Les Brétons, 
dans la croyance où ils étaient que leur Prince n’a- 


( 268 } 

vait pu mourir entre les mains des fées dont ils ad- 
miraïent les merveilles , avaient voulu que le fils 
d'Henry Il, Duc de Normandie, qui devait régner 
sur eux, fût nommé Arthur, prétendant qu'il pour- 
rait bien être le guerrier de ce nom dont ils chéris- 
saint la mémoire. Leur crédulité fut depuis tournée 
en proverbe : on disait d’une espérance mal fondée , 
c’est un espoir Bréton. 

M. Delarue termine en détruisant avec des preuves 
et des témoignages irrécusables plusieurs obiections 
qui tendraient à faire supposer que quelques écrivains 
imitateurs des Brétons , tel que Geoffroy de Mont- 


mouth, pourraient bien être les seuls auteurs des ou 


vrages qu'ils attribuent eux-mêmes aux Bardes Ar- 
moricains. 


ES 


d . ° , 
“Essai sur ls moyens par lesquels on a pu jusqu'au 
XVIe. siècle s'anoblir soi-même en France, par 


M. LABBEY de la ROQUE. 


Un passage de l’abrégé chronologique de l’histoire 
de France par Hénaut, qui se rapporte à l’année 
1600 , a fourni le sujet de cette dissertation. Il com- 
mence par ces mots: Edit portant réglement sur le 
fais des tailles, par lequel le Roi déclare que la pro 
fession des armes n'anoblirait plus celui qui l'exer- 


(269 ) 


ceroit , et même qu'elle ne serait pas censée avoir 
anobli parfaitement la personne de ceux qui ne l’a- 
vaient exercée que dspuis l'an 1563; et l'explication 
ajoutée à cette citation tend à établir trois points, 
l'espèce de noblesse attribuée à la qualité d'homme 
d'armes , la distinction du gentilhomme de nom et 
d’armes et du simple gentithomme , la faculté de 
s’anoblir soi-même. Ces propositions ayantété contra- 
dictoirement discutées dans des ouvrages, qui malgré 
leur mérite littéraire , n’offrent point une solution 
entièrement satisfaisante, M. de la Roque les a jugées 
dignes de nouvelles recherches ; et il s’attache dans 
ce mémoire à approfondir la dernière de ces trois 
questions , relative à la faculté de s’anoblir soi- 
même. 

L'auteur présente le sommaire de toute sa disser- 
tation dans un argument aussi simple que con- 
cluant, Les familles nobles , dit-il , se sont tou- 
jours et partout éteintes très-rapidement , et cette 
extinction rapide est un fait positif pour la no- 
blesse de France dans les 12€. 13°. 24€. et 15°. 
siècles. Cependant le nombre de nobles n’a point 
sensiblement diminué pendant un si long espace 
de temps : il faut donc que la noblesse ait été 
recrutée par de nouvelles familles ; et puisque les 
anoblissemens ont été entièrement inconnus dans la 
première moitié de cette période, et très-rares du- 
rant la seconde, c’est une conséquence nécessaire , 


(270) 

que lon ait eu quelques moyens pour s’anoblir sor- 
même. M. de la Roque établit son principe de la 
prompte extinction des familles nobles sans diminu- 
tion de l’ordre de là noblesse, par des dénombre- 
mens authentiques faits à différentes époques en plu- 
sieurs contrées de la France, et particulièrement en 
Normandie. Il résulte de quelques-uns de ces états 
qu’un quart à peu près des familles nobles marquées 
dans une année ne se retrouve plus au bout de 60 
ou 70 ans, et que parmi celles qui les remplacent , 
il n’y en a qu'un petit nombre qui aient été ano- 
lies par chartes, Quant aux moyens qui suppléent 
à l’insuffisance de cette ressource , il les rapporte à 
trois : Noblesse par les mères , noblesse par la posses- 
sion des fefs, noblesse par la profession des armés. 
Les exemples que cite M. de la Roque ne laissent 
aucun doute sur l’ancienne existence d’une noblesse 
utérine, dont il ne tire pas la source, avec beau- 
coup d'écrivains, de la bataille de Fontenay en 842, 
mais plutôt de cette considération extraordinaire dont 
jouissaient les femmes chez nos ancêtres Gaulois et 
Germains. Ii montre que, malgré l'échec que souf- 
frit cette noblesse au 122. siècle , par l'exclusion des 
tournois et de la chevalerie , elle ne laissa pas de conser- 
ver ses autres droits, dont il a subsisté des traces jus- 
qu'aux derniers temps dans différens pays qu'il cite. 
Quant à la possession des fiefs , elle a été une 
cause très-commune d’anoblissement sous les rois 


/ 
(271) 

Mérovingiens , qui n’anoblissaient qu'en conférant 

de grandes charges, ou des bénéfices qui étaient la 

récompense ordinaire de toute espèce de service, civil 

ou militaire , et qui étaient souvent donnés à des 

ingénus non nobles et quelquefois à des affranchis, 

L’article du memoire qui traite de la noblesse par 
la profession des armes est le plus étendu, et c’est 
aussi celui qui a le rapport le plus direct à la fa- 
culté de s’anoblir soi-même. « Chez une nation ausst 
» belliqueuse que la nôtre, dit l’auteur, la profes- 
» fession des armes fut toujours sans comparaison la 
» plus honorable. C’est à elle que devaient leur 
» grandeur la plupart des Seigneurs Français ou 
» Normands, issus de ces heureux aventuriers, con- 
» quérans des Gaules, de la Neustrie, de la Pouille, 
» de la Sicile, de l'Angleterre. Les roturiers qui l'em- 
» brassèrent dans la suite firent rarement une aussi 
» brillante fortune ; mais dans tous les temps ce noble 
» métier éleva tôt ou tard au rang de nobles ceux 
» qui l’exercèrent avec distinction , ou seulement 
# avec persévérance. 

L'idée de noblesse était si étroitement liée avec 
celle de la profession militaire, qu'on ne concevait 
guères l’une sans l’autre, et que les titres attribués à 
la première, tels que ceux de miles , scutifer, are 
miger , sont tous relatifs à la seconde. Mais quoique 
la carrière des armes fût spécialement ouverte aux 
nobles de race, M. de la Roque prouve que les 


(272) 

plébéiens n’en furent jamais exclus , et qu'ils firent 
partie de la force de nos armées dans toutes les 
guerres considérables , telle que celle qui soumit 
l'Angleterre au duc Guillaume , celle des croi- 
sades , et beaucoup d’autres. Après avoir montré que 
cette espèce de noblesse qu’on acquérait par les 
armes’ subsista sinon de droit, au moins de fait, 
jusqu'aux édits de Henri IV en 1598 et 1600 , il 
remarque comme une chose singuhère » que ce beau 
# privilège d’anoblir qu'avait toujours exercé direc- 
# tement ou indirectement dans tous les états de 
# l’Europe la profession des armes , elle l'ait perdu 
# en France sous le plus belliqueux de nos rois, 
# celui qui avait le plus d'obligations aux gens de 
» guerre, et qu'après un siècle et demi, il lui ait 
» été rendu par le plus pacifique de ses successeurs ; 
# Louis le bien-aimé, lorsqu’en 1750 il créa une 
noblesse militaire par ce mémorable édit qui fait tant 
d'honneur à son règne, et qui a servi de modèle 
a celui de 1757, de l’immortelle Impératrice Marie- 
Thérèse. 

M. de la Roque oppose des faits à l’objection 
qu'on pourrait tirer de ce que les moyens qu'il a 
développés paraissent contraires aux ordonnances des 
rois, et il conclut de toutes ces preuves que c’est 
mal à propos qu'on prétendrait assigner une époque 
quelconque pour distinguer la noblesse, et faire de 
l'ancienne une classe à part; qu’elle n’a cessé de se 

renouveler 


(27200) 


renouveller partiellement d'année en année , et qu'il 
ÿ a autant d’inégalité entre les familles nobles sous 
le rapport de l’ancienneté , que sous celui de la 
puissance, dela richesse , des alliances, de l’illustra- 
tion. # Jamais cette diverse inégalité des membres d’un 
même corps , ajoute-t-il En terminant , n’aura été plus 
sensible qu’à l’époque où je finis cette dissertation, 
après les grands évènemens qui rendront l’année 
1814 si mémorable dans notre histoire, Que la 
noblesse soit tombée , qu’elle se soit relevée avec 
nos rois, 1l n'y a là rien contre l’ordre naturel des 
choses , puisqu'elle est un des appuis du trône, et l’un 
de ses plus beaux ornemens; mais ce qui nous pa- 
rait remarquable , c’est qu’elle tire aujourd’hui les 
plus grands avantages de ce qui semblait devoir con- 
sommer sa ruine. Le fameux décret du $ Août 
1789 l'avait réduite à l'égalité ; la création d’une 
nouvelle noblesse toute titrée paraissait iui être plus 
funeste encore , et devoir l’abaisser même , dans les 
rapports sociaux , jusqu’à l'infériorité. Louis XVIIL 
reprend la couronne ; et tous ces dangereux rivaux 
ne sont plus pour l’ancienne noblesse que d’utiles 
auxiliaires. C’est en effet l’existence des nouveaux 
nobles qui donne au Roi le moyen de rendre jus- 
tice à leurs frères ainés , sans éveiller la jalousie, 
sans exciter aucuns murmures : et par l'adoption d’un 
si grand nombre de membres, les uns déjà célèbres 
dans l’histoire , les autres recommandables par jeur 
S 


(274) 
valeur, distingués par leurs talens, ou puissans par 
leurs richesses , la noblesse Française acquiert de nou- 
velles forces, et répare autant qu’elle le pouvait les 
pertes qu’elle a faites pendant 23 années de mal- 
heurs et de persécutions. 


1 
LR D 


Introduction & un cours d'histoire moderne > par 
M. HÉRON de LATHUILERIE. 


M. de Lathuillerie, chargé de l’enseignement de 
la premiere partie de l’histoire moderne , qui s’étend 
depuis Auguste jusqu’à Charlemagne , a lu à l’Aca- 
démie l’introduction dont il a fait précéder son cours. 
Il commence par tracer rapidement une esquisse des 
grands évènemens qui remplissent l’espace de neuf 
siècles qu’il doit parcourir. La tyrannie succédant à 
l'anarchie ; cette fameuse république Romaine long- 
temps victorieuse de toutes les nations, vaincue elle- 
même par le luxe et les vices qu’il enfante, et finissant par 
chérir et admirer le règne d’Auguste , après avoir 
détesté ses fureurs ; le christianisme opérant une ré- 
volution bien plus importante parmi les nations qu’il 
soumet à ses dogmes et à sa sainte morale ; le siége 
impérial transféré par Constantin de Rome à Bizance, 
et l'empire divisé en deux; les Barbares du Nord 
répandus dans l'Italie, et successivement dans les dif- 


Pt Re DT 


(275) 


férentes parties de la domination Romaine; la mo- 
narchie Française établie dans les Gaules par Phara- 
mond ; les rois de la première race souillés par toute 
sortes de cruautés, et ensuite livrés à la mollesse et 
à l’indolence , qui finissent par fairetomber le sceptre de 
leurs mains ; Pepin , premier Roi de la seconde race, 
fils d’un héros , héros lui-même, laissant sur le trône où, 
il s'était placé, un homme extraordinaire dont le 
“sublimes qualités et les brillans exploits devaien 

éclipser la gloire de son père et de son aïeul : tels sont 
les principaux traits de ce vaste tableau que le pro- 
fesseur doit offrir à l'examen et aux méditations de 
ses élèves. Avant d’entrer dans son sujet | il leur 
présente avec autant de précision que de clarté les 
notions préliminaires qui peuvent leur faciliter l’intel- 
ligence des faits historiques. Mais la partie la plus 
considérable de son introduction est un récit abrégé, 
et pourtant d’une assez grande étendue, des évène- 
mens relatifs au peuple Romain et antérieurs à ceux 
qui doivent être l’objet direct de ses leçons. Il a in- 
titulé ce morceau , Coup-d’œil sur l'histoire Romaine 
depuis la fondation de Rome jusqu'a Auguste. 


(276) 


Notice sur les Cyiganys. 


L'Académie a entendu dans une de ses séances la 
lecture d’une notice remise à un de ss membres par 
M. Boisard, étudiant en droit, sur ces peuples er- 
rans qu’on appelle C?iganys , qu'il a eu de fré- 
quentes occasions d’observer, pendant qu’il était pri- 
sonnier en Hongrie, où ils forment une population 
d'environ 30,000 âmes. Le résultat de ces observa- 
tions , faites avec beaucoup de soin et de discerne- 
ment, sur une classe d'hommes peu connue en 
France , et défigurée par les historiens, ne pouvait 
manquer d'offrir un intérêt particulier, surtout lorsque 
la correction et l’élégance du style se t'ouvaient 
jointes dans le récit à des réflexions judicieuses , et 
quelquefois profondes. 

Une circonstance singulière de l'existence des 
Cziganys, c'est que depuis quatre siècles ils ont 
continué de vivre au milieu d’une nation franche 
et hospitalière, tels à peu près qu'ils y avaient ap- 
paru sous le règne de Sigismond, Roi de Honprie , 
c’est-à-dire presque nus, sans lois, sans arts perfec- 
tionnés , sans moyens avoués de subsistance , et con- 
servant un langage aussi inconnu que, leur origine, 
sans que rien ait pu leur inspirer le goût d’une vie 


| 
1 


_ 


(277) 

laborieuse et sédentaire. La description qu’en fait l'au< 
teur de la notice est propre à exciter l'horreur, tant 
sous le rapport de leur malpropreté qu’à raison de 
leurs vices : car ils passent pour être voleurs et men- 
teurs, comme sont les hommes lâches et avilis. Un 
horrible excès de cruauté, dont ils ont été convain- 
cus et punis sous le règne de Joseph Il, et qui ne 
s’est pas renouvelé, les a même fait passer pour as- 
sassins, [ls ont'une teinture grossière de quelques 
arts. Il a fallu en exterminer une grande partie pour 
amener le reste à se faire chrétiens. Leur conversion 
au christianisme n’empêche par le désordre de leurs 
unions, dans lesquelles ils ne respectent rien , pas 
même les plus proches degrès de parenté. Si le 
moyen de les civiliser qu’employa Marie - Thérèse , 
en leur accordant des terres, des bestiaux et des us- 
tensiles, fut aussi sans succès, M. Boisard en donne 
pour raison que le soin de l’agriculture ‘est trop rebu- 
tant pour des hommes vagabonds et sans prévoyance. 
Il pense qu’on aurait mieux réussi en leur ouvrant 
des ateliers, qui leur auraient presenté l’appas d’un 
gain présent. Au reste, ils sont robustes et sains 
et vivent fort souvent vieux. 

Les Cziganys sont tristes et taciturnes, Il ont des 
musiciens, qui font danser les paysans dans les au- 
berges. Leur air favori , quoique fort lugubre , est 
celui qu’ils ont fait en mémoire du massacre de Nagy 


Ida. Tout ce qu’on sait de leur histoire , c’est qu’ils 
S 3 


A 
(278) 
éurent autrefois des chefs appelés Vaidas. Les opi- 
nions sont partagées sur leur origine. Katous les fait 
venir de l’Indoustan. Tout porte à croire qu'ils sont 
une des nations dispersées par Tamerlan. D'un autre 
côté, leur constitution physique indique des Asia- 
tiques méridionaux. Ils ressemblent à la caste des 
Parias pour le moral, et par différens usages, no- 
tamment par celui de se nourrir de la chair des ani- 
Maux morts naturellement. 


Mémoire pour servir à l’histoire des Jeux Floraux: 


M. Poitevin Peitavi, secrétaire perpétuel de l’A- 
cadémie des Jeux Floraux de Toulouse , en adressant 
à l'académie de Caen le mémoire qu'il avait rédigé 
pour sa compagnie , avait témoigné le désir de 
connaître le jugement qui serait porté de son tra- 
vail, et c'est ce qui m'a engagé à en présenter un 
extrait d’une certaine étendue. 

Cet ouvrage sort de la classe commune de ceux du 
même genre, qui ont pour but de retracer l’ori- 
gine et les progrès d’une société littéraire , et dont 
Pintérêt ne s'étend guères hors de la contrée par- 
ticulière où s’est formé un tel établissement. Les 
Jeux Floraux de Toulouse ayant eu dès les pre- 
mières années du XIVe, siècle une constitution bien 


( 279 ) | 

établie, et peut-être déjà bien ancienne, la grande 
considération et les priviléges singuliers dont ils étaient 
en possession dans des temps si reculés, forment un 
titre dont toute la république des lettres doit récla- 
mer l’honneur. Quoique l’auteur n’ait point prétendu 
écrire une histoire proprement dite , qui se serait, 
dit-il, trop ressentie de l’affaiblissement de ses forces , 
et qu'il n’ait voulu rédiger qu’un simple mémoire; 
son travail contient néanmoims tous les faits et tous 
les raisonnemens qui peuvent lui faire atteindre le 
but le plus essentiel d’une véritable histoire. Il est 
divisé en deux volumes , le premier contenant l’his- 
toire générale du collège de la Gaie science , de l’ins- 
titution de Clémence Isaure, et des Jeux Floraux 
avant et depuis leur érection en Académie , le 
deuxième intitulé Biographie Académique. 

On trouve au commencement du premier vo- 
lume une liste des mainteneurs des Jeux Floraux , 
et une des maîtres ès Jeux Fioraux. En tête de la 
première est Le Roi, prorcteur, et ensuite Monsei- 
gneur le Chancelier. Dans une introduction, précédée 
d’une lettre dédicatoire au Roi, M. Poitevin expose 
les différens noms qui ont successivement désigné 
l’institution qu’il veut faire connaître, et explique le 
sens de diflérens termes, qui n’ont pas conservé leur 
ancienne signification. Îl n’y a guères plus de cent 
ans que les Jeux Floraux ont été érigés en Acadé- 
mie des Belles-Lettres, La dénomination même de 


S 4 


( 280 ) 

Jeux Floraux ne remonte pas aux premiers actes 
de la fondation de Clémence Isaure , faite à la fin 
du XVe. siècle. Dans les temps antérieurs , c'était 
un collège de Ga savoir ou de Gaie science , et 
c'était la poésie qui était désignée par ces mots. Elle 
portait encore le nom d’ÆAmors , et ses règles, celui 
de Lois d’Amors, ou de Fleurs du Gai savoir. Les 
exercices poétiques s’apellaient Arc joyeux de faire 
des vers ; La violette donnée en prix, La joie de 
La violer, ce qui n'exprime ici, comme le mot 
Amors que la finesse du goût dans les matières de 
littérature, 

L'histoire des Jeux Floraux se partage en trois 
époques, dont la première, relative à l'institution ‘du 
IGai consistoire et de la Gaie science , comprend six 
chapitres ; la deuxième traite en deux chapitres de 
la fondation de Clémence Isaure , et la première 
partie de la troisième comprend en trois chapitres , : 
l'érection des Jeux Floraux en Académie de Belles- 
Lettres. La biographie contenue dans le 2°. volume, 
forme la deuxième partie de cette dernière époque. 
Elle se compose de notices plus ou moins étendues 
sur plus de 140 mainteneurs décédés, terminées par 
un éloge de Louis XVI et de Louis XVII, Rois 
de France , protecteurs de l’Académie , prononcé 
par M. Pinaud, l’un des mainteneurs , dans la séance 
publique du 19 Janvier 1815. 

Une circonstance qui rendait plus difficile la tâche 


( 281 ) 

entreprise par M. Poitevin , doit en même tempsinspirer 
une plus grande confiance dans l'exactitude de son 
récit et dans l’authenticité des faits dont il l'appuie. 
L'origine des Jeux Floraux n’était pas seulement cou- 
verte d’épaisses ténèbres; tout ce qui donne le plus 
d'importance à cette institution avait encore été 
l'objet des contradictions les plus vives et les plus opi- 
niâtres. De longues et fréquentes discussions avec les 
Capitouls de Toulouse | et depuis , avec le corps 
municipal, avaient suscité à l’Académie des anta- 
gonistes passionnés, qui s'étaient attachés à répandre 
du doute sur les actes les plus incontestables de 
cette Académie. [ls étaient même allés jusqu’à traiter 
la fondation de Clémence Isaure de Fable, et la 
fondatrice elle-même de personnage chimérique. 

Il fallait des preuves bien solides pour détruire ces 
fâcheuses préventions, et produire la conviction qui 
était le but de l’auteur. Les plus anciens monumens 
dont il s’appuie, sont deux registres en vélin, con- 
servés dans les archives de l’hôtel-de-ville de Tou- 
louse; et un autre registre ou recueil en papier , 
d’une écriture également ancienne, où se trouve la 
pièce qui fut couronnée en 1324, et quelques autres 
des concours suivans. Un préliminaire historique qui 
se trouve en tête du premier registre, contient le 
programme d’un concours poétique adressé en 1323 , 
aux poëtes de la langue d'Oc. C’est une lettre en 
vers qui prouve incontestablement qu’à cette époque 


( 282 ) 


il y avait à Toulouse une compagnie littéraire , com- 
posée de sept poëtes , ayant un établissement fixe, 
des exercices réguliers, un sceau commun, un lieu 
d’assemblée qu’ils tenaient de leurs devanciers, ainsi 
que la règle de leurs exercices. Quelques expres- 
sions, sans indiquer l'origine de cette institution , 
ne permettent pas de douter qu’elle füt déjà an- 
cienne. 

Ce premier registre est divisé en trais sections , 
dont la premiere détermine à quelle partie de la phi- 
losophie appartient la poésie , considérée comme une 
dépendance de la rhétorique ; la deuxième des règles 
de la versification rimée , et de petits poëmes qui 
ne sont plus en usage; la troisième est une gram- 
maire. Le second registre contient , outre le déve- 
loppement de ces mêmes objets, un traité et une 
explication fort ample des figures de rhétorique, que 


d'Académie des Jeux Floraux doit bientôt publier, 


avec une traduction. 

Le second chapitre de la première époque expose 
dans quatre articles les ordonnances des sept main- 
teneurs de la Gaie science : C'est ainsi qu'ils 
appellent leurs statuts. Le troisième chapitre est re- 
latif à la rédaction de la poétique du Gaï savoir ; 
le quatrième à la publication; le cinquième à l’état 
du collége de la Gaie science, depuis 1356 jusqu’à 
la fin du XIVe. siècle, et le sixième à l’état de 
ce collége depuis la fin du XIVe. siècle jusqu’en 1484. 


L 


(283 ) 

Le point essentiel de la deuxième époque était la 
fondation de Clémence Jsaure, dont l'existence n’a- 
vait été révoquée en doute que par une interprétas 
tion erronée du titre de Fondarrice du collége de 
la Gaie science que lui avaient fait donner ses 
grandes libéralités envers ce collège déjà fort ancien, 
qui lui dut une nouvelle vie et une considération 
tout-à-fait indépendante de l'autorité administrative. 
Les détracteurs des Jeux Floraux , qui savaient que 
la première fondation de cette Académie ne pouvait 
être postérieure au XIIIe, où même au XIIe. siècle , 
n'ayant trouvé dans l’histoire de ce temps aucuné 
trace de Clémence Isaure , en avaient conclu qu’elle 
n'avait jamais existé, Le secrétaire perpétuel détruit 
victorieusement cette erreur par des témoignages et 
des monumens de la plus grande authenticité ; et quoi- 
qu’on ignore en quelle année Clémence fit la pre- 
mière distribution de ses fleurs , parce que le recueil 
cité n’est pas eritier, il demeure du moins bien 
établi qu’elle en fitune en 1496. Le chapitre qui con- 
tient les preuves de sa fondation, est divisé en sept 
articles, et se termine par cette conclusion : la 
fondation de Clémence Isaure est prouvée par sa 
présence aux fêtes du 3 Mai, par le temoignage 
des auteurs contemporains , par les monumens du 
Capitole et les aveux des Capitouls. Le second cha- 
pitre traite de la composition et du régime de la 
Gaie science pendant la deuxième époque. 


(284) 

Ce fut par lettres patentes données à Fontaine- 
bleau au mois de Septembre 1694 que les Jeux 
Floraux de Toulouse furent érigés en Académie des 
Belles-Lettres ; et c’est à cette érection que com- 
mence la troisième époque de l’histoire composée 
par M. Poitevin. Il donne le texte de ces lettres 
patentes, dont plusieurs dispositions ont été réfor- 
mées ou modifiées par un édit de 1773 , et il emploie 
un chapitre aux détails qui concernent les élections, 
les installations, les destitutions et les démissions, 
le modérateur et le sous-modérateur , le secrétaire 
des assemblées particulières et le travail de ces as- 
semblées , les censeurs etles recueils académiques , le 
dispensateur et le secrétaire perpétuel; un autre, à ce 
qu’il appelle le corps des Jeux Floraux , c’est-à- 
dire, au concours et aux fêtes des fleurs , et un 
troisième aux prérogatives de l’Académie. 

L'Académie proprement dite ne se compose que 
du chancelier et des mainteneurs, dont le nombre 
fixé à 35 par les lettres patentes de 1694, fut porté 
à 40, y compris le chancelier, par d’autres de 
1725. Nul aspirant ne peut être proposé pour une 
place, s’il n’en a fait directement la demande au 
modérateur. Dans l’assemblée qui suit la mort d’un 
mainteneur , sa place est déclarée vacante, une dé- 
libération est prise pour lui faire un service, et trois 
semaines après on lit son éloge, et on lui nomme 
un successeur à la majorité de tous les suffrages. 


( 285 ) 


L’élu ne prend rang sur la liste Académique que 
par l'installation , et après que ses lettres de main- 
teneur lui ont été expédiées. Il est obligé de lire un re- 
merciment communiqué d'avance au modérateur , 
qui en rend compte dans une séance particulière, 
où il lit la réponse qu'il deit faire luimême dans 
la séance publique de réception. 

Les lettres patentes de 1694 établissaient un grand 
nombre d'officiers, dont une bonne partie fut sup- 
primée par l’édit de 1773. Il n’a été conservé qu’un 
modérateur et un sous-modérateur , qui sont tirés au 
sort pour 3 mois , et dont les noms ne peuvent être 
remis dans l’urne qu'après un intervalle de six mois ; 
un secrétaire perpétuel ; un secrétaire des assem- 
blées , élu pour trois ans , et rééligible ; deux censeurs, 
qu'on renouvelle tous les ans , mais que l’on peut 
continuer , s'ils y consentent ; et un dispensateur ou 
trésorier , qui après une année de gestion rend ses 
comptes , et est nécessairement changé. Il reçoit len- 
tière dotation de l’Académie, dont il fait l’emplot 
sur les mandats du secrétaire perpétuel : ils ont 
chacun une clef du coffre à deux serrures. 

L’académie s’assemble tous les Vendredis pendant 
les huit premiers mois de l’année, Suivant les statuts 
de 1694 , elle ne devait s'occuper que de la lecture et 
de l'étude des originaux Grecs et Latins, des poëtes 
et des orateurs qui ont excellé dans notre langue ; 
mais cet exercice devenant moins intéressant à mesure 


(286 ) 

que la critique littéraire faisait plus de progrès ; 
quelques membres se permirent des traductions ou 
même @es imitations , soit en prose , soit en vers; 
et ces contraventions devenues inévitables amenèrent 
la délibération du 17 Janvier 175$ , confirmée par 
V’édit de 1773, qui permet aux membres de lire les 
ouvrages qu'ils ont composés sur un sujet de leur 
choix. On ne se borne pas à une simple lecture , 
rien ne se lit qu’il ne soit soumis à un sérieux exa- 
men. 

Ce que l’auteur appelle Ze corps des Jeux Floraux 
et qu’il distingue de l’Académie proprement dite , 
se compose des mainteneurs et des zraîtres ès Jeux 
Floraux , qui représentent les anciens Docæeurs en 
Gaie science. On ne peut solliciter des lettres de 
maître qu'après avoir obtenu trois prix de poésie » 
dont un au moins doit être celui de l’ode, et parmi 
lesquels n’est point compris celui de hymne à la 
Vierge; ou bien après avoir remporté trois fois le 
prix du discours. Les maîtres ès Jeux Floraux ne 
prennent part qu'aux opérations relatives au con- 
cours. 

Les ouvrages sont reçus jusqu’au 15 Février de 
chaque année. Il en doit être remis trois exem- 
plaires au secrétariat de l’Académie par un habitant 
de Toulouse , qui en reçoit un récépisé. Les main- 
teneurs et les maîtres se partagent en trois bureaux 
pour en faire le premier examen et le premier clas- 


(287) 

sement , et ensuite en bureau général pour détermi- 
ner ceux qui doivent être mis définitivement dans 
la première classe, Il est nommé un rapporteur pour 
chacun des ouvrages admis à la concurrence. Après 
qu'ils ont été discutés et comparés deux à deux, 
le jugement de préférence est porté successivement 
jusqu’au dernier, par la voie du scrutin. 

Les prix sont une amaranthe d’or de la valeur 
de 400 fr. destinée à une ode; une violette d’ar- 
gent, de 250 fr., pour un poëme, ou une épître 
en vers; ( La violette était originairement le pre- 
mier prix. ) Un souci d'argent, de 200 fr., pour 
une égloque ou une idylle; un lys d’argent, de 
6o fr. pour un sonnet ou une hymne en l’honneur 
de la Vierge ; enfin une églantine d’or, attribuée par 
les lettres patentes de 1694 à un discours en prose, 
au lieu d’une pièce en vers, et portée par la do- 
nation d’un mainteneur, de la valeur de 250 fr. à 
celle de 450 fr. Ces prix sont distribués le 3 Mai, 
jour appellé la fête des fleurs , avec une pompe 
dont M. Poitevin donne tous les détails. Après un 
éloge de Clémence Isaure , qui n’est plus pour l’or- 
dinaire qu’une épisode dans un discours sur un sujet 
littéraire ou philosophique , quatre commissaires des 
Jeux Floraux, accompagnés d’une musique et d’une 
escorte militaire vont chercher les fleurs déposées le 
matin sur le maître autel de l’église de la Daurade , 
et qui leur sont remises avec cérémonie, et après 


(288 ) 
un discours analogue à l’objet, par le Curé de cette 
église ou un autre prêtre délégué par lui. Pendant 
leur absence ; le secrétaire perpétuel fait un rapport 
sur le concours, et le reste du temps jusqu'au retour 
des commissaires est rempli par d’autres lectures. Après 
la distribution des prix et la lecture de chaque ou- 
vrage couronné , faite par l’auteur ou par un des 
mainteneurs ou des maîtres, le secrétaire général an- 
nonce le sujet de discours pour l’année suivante , 
et la séance finit par la distribution du programme. 


Poésies lues a l’Académie. 


M. le Prêtre a lu une romance intitulée La 
royale orpheline; une pièce de vers ayant pourtitre, 
L'hommage d'un cœur reconnaissant a S. M. Louis 
XWIIT, pour la décoration du lys donnée à l’au- 
teur ; une élépie , intitulée Le deuil de Trianon ; 
deux fables, la première , ?’Ane et la lyre, imitée 
de la quatrième des Nouveaux apologues de Phèdre, 
La seconde, Le cochon gras , imitée du Père du 
Billon ; et deux contes, La réponse énergique , 
et le villageois allant au sermon de la Passion. 

M. de Baudre a lu deux contes, intitulés , l’un 
Pélisson, Vautre La table d'hôre ; trois épigrammes , 
La bonne fontaine , Le bon latinist , Les deux 

orateurs 


(289 ) 

erateurs ; Un madrigal intitulé Le négligé, et une 
pièce de vers ayant pour titre Le compérage. 

L'Académie a encore entendu la traduction en 
vers de deux odes d'Horace ; la troisième et la 
dixième du troisième livre , et une épigramme intitu= 
le La critique inverse, par M. Delogss ; une épître 
en vers, Sur le port de Caen, par M. Pattu ; une 
pièce de vers de M. Héron de Lathuillerie , inti= 
tulée La soupe aux choux verts ; une pièce de vers 
imfitulée Le 21 Janvier, avec des notes, une ro- 
mance intitulée Le s6mbeau de Louis XVI et de 
Marie- Antoinette au cimetière de l1 Madeleine , détæ 
diées à M. Descloseaux, et un Chant guerrier sur 
la cérémonie de la distribution ec bénédiction des 
drapeaux de la garde nationale de Paris , au champ 
de Mars, le 7 Septembre 1814 , exécuté sur Le 
théâtre de l'Académie royale de musique le 9 Sep- 
tembre , musique de M. de Persuis , par M. P-A. 
Vieillard , associé-correspondant ; un discours en vers 
Sur La littérature et Les littérateurs | par M. Fayolle : 
aussi associé-correspondant, qui lut dans la même 
séance le sixième chant d’un poëme inédit de Mar- 
montel, ayant pour titre Polymnie. 


C290 ) 
ne JR : 
\ 
Ouvrages reçus. 

L'Académie a reçu un écrit de M. Pattu, intitulé 
description d'une vis d’'Archimède, a double effet , 
destinée aux irrigations et aux épuisemens , et plusieurs 
ouvrages de ses associés-correspondans ; savoir un 
second volume de fables de M. le Bailly ; une notice 
sur Antoine Watteau , par M.le Carpentier de Rouen; 

sun volumeintitulé De l'emploi des conjonctions suivies 
des modes conjonctifs dans la langue Grecque ; par 
M. Séguier; un prospectus d’une Histoire générale 
des pêches anciennes et modernes , dans les mers et 
les fleuves des deux continens | par M. S-B-J. Noël 
de la Morinière ; une traduction en prose de l'Enéide 
de Virgile, avec les élégies de Tibulle traduites en 
vers, par M. Mollevaut ; un discours sur les travaux 
de la société de médecine de Paris pendant 1814, 
par M. le Baron Desgenettes ; une Letrre sur l'exé- 
cution juridique de deux taureaux. Paris le premier 
Juin 1814. ÆArsenne Thiébaut de Berneaud & 
Mylord S.. a Londres S. D ; deux petits écrits de 
M. Michel Berr, intitulés , lun Larrérature Alle- 
mande et Orientale | Vautre , Sur la liberté des 
cultes, et sur le projet de décret relatif a l’observance 
des fêtes et dimanches. Il a encore été présenté de 


| 
| 
| 


(291) | 

la part de M. Drieu , capitaine au Corps Royal 
d'artillerie , an mémoire sur les ponts militaires, in- 
titulé Le guide du pontonnier ; et de la part de M. 
D-B. Warden, consul général des États-Unis d’A- 
mérique à Paris, un ouvrage Anglais Sur l'origine, 
La nature, les progrès et l'influence des établisse- 
mens consulaires. M, Wheatcroft , chargé d’exami- 
ner cet ouvrage, en a présenté un sommaire, avec 
quelques réflexions, dont le résultat est que l’auteur 
a traité son sujet d’une manière très-instructive , et 
d'autant plus intéressante, qu’il est le premier qui 
ait écrit Ex professo sur la matiere qui est l’objet” 
de son livre ; que néanmoins on pourrait lui repro- 
cher d’y avoir étalé une érudition qui paraît plus 
ambitieuse qu’utile ; que, sous le rapport du style, 
il n’a pas toujours été fidèle aux règles de sa langue, 
et que la longue habitude de parler et d’écrire en 
Français lui a fait introduire dans sa diction beau- 
coup de gallicismes. 

La correspondance des sociétés savantes à pro- 
curé à l'Académie un Précis analytique des travaux 
de l’Académie des sciences , des Relles-Lerrres er Arts 
de Rouen pour l'année 1814; la notice de la séance 
publique de la société d’émulation de la même ville, 
tenue le 9 Juin 181$ ; deux notices des travaux de 
l’Académie de Marseille, l’une pour 1812 et l’autre 
pour 1814 ; deux bulletins des sciences médicales 


de la Société de médecine du département de 
T3 


(292) 
l'Eure. Elle a aussi reçu des Rapports sur différens 
mémoires lus & La première classe de l'institut ; une 
Indication sommaire des mémoires présentés à la même 
classe par A-L. Cauchy, ingénieur des ponts et chaus- 
sées ;une Analyse des travaux de la classe des sciences 
mathématiques et physiques de l'institut Royal de 
France, pendant l'année 1814, partie mathèma- 
tique, par M. le Cher. Delambre, secrétaire perpé= 
tuel, et uneautre, pour la Partie physique, par M. 


le Cher Cuvier , secrétaire perpétuel ; une Moice 
des travaux de la classe des Beaux-Arts de l’ins- 


tic Royal de France pour l'année 1814, par 
Joachim le Breton, Secrétaire perpétuel de la classe ; 
deux MNorices historiques | aussi de M. Joachim le 
Breton, l’une, sur la vie er Les ouvrages d’Andre- 
Ernes Grétry , l'autre Sur La vie et Les ouvrages 
de Joseph Haydn ; un discours prononcé au lieu de 
la sépulture de M. de Parny le 7 Décembre 1814, 
par M. Etienne, président de la classe de la langue 
et de la littérature Française; un autre discours pro- 
noncé aux funérailles de M. le Marquis de Bou- 
flers le 23 Janvier 1815, par M. Ségur , membre 
de la même classe ; deux, rapports faits à la pre- 
mière classe de l'institut. au nom de MM. Bosc , 
Latreille et de Lamaték, le premier dans la séance 
du 9 Octobre 181$, sur l’ouvrage de M. Lamou- 
roux relatif aux polypiers coralligènes flexibles ; le der- 
nier, dans celle du 30 du même mois, sur un écrit 


( 293 ) 


du même auteur intitulé, Mémoire sur la Lucernaire 
campanulée. Le rapporteur, malgré plusieurs obser- 
vations de détail, rend un compte avantageux de ces 
productions , et présente l’auteur comme recomman- 
dable , tant par son zèle actif, que par ses connais- 
sances étendues et ses recherches nouvelles dans la 
partie de l’histoire naturelle qu’il cultive particulière- 
ment , etcomme digne des encouragemens de la classe. 


FIN. 


(294 ) 


ETSANE 


Des membres résidans de l’Acadèmie Royale des 
Sciences , Arts et Belles-Lettres de la ville de Caen , 
au premier Août 1816. 


( Nora. Dans le rapport général de 1811, page 
339, ligne $, au lieu de fn de 1809 , lisez 
fin de 1799.) 


SSSSSSSSS S 
MM. 


BouIssET , professeur de littérature latine de lA- 
cadémie de Caen. 

THIERRY ; pharmacien. 

DELARIVIÈRE , professeur au Coillége Royal de 
Caen. | 

Le PRÊTRE le jeune, Homme de Lettres. 

Le Grp , chef de Divison à la Préfecture. 

Le MENUET , premier Président de la cour Royale. 

CaïLLy, Président à la cour Royale. 

DELOGES le jeune. 

DE MANGNEVILLE. 

LaiR , Conseiller de Préfecture. 


(295) 
GODEFROY , Professeur de niédecine. 


CHANTEREYNE , premier Avocat-Général à la cour 
Royale. 

Le HieuLze, Conseiller à la Cour Royale. 

Le BoucHER, Médecin. 

LANGE. 

REGNAUT , Conseiller à la cour Royale. 

DELARUE, professeur d'Histoire de l’Académie de 
Caen. 

SIMON , Avocat. 

PRUDHOMME, professeur de Navigation. 

HÉBERT , Bibliothécaire de la ville. 

DucHEMIN, professeur de mathématiques de l’A- 
cadémie de Caen. 

WHEATCROFT , homme de Lettres. 

BELLENGER , professeur de [Littérature Française 
de l’Académie de Caen. 

TIRARD-DESLONCHAMPS, professeur de Philoso- 
phie de l’Académie de Caen. 

ALEXANDRE, Recteur de l’Académie et Conssiller 
a la cour Royale. 

THIERRY fils, professeur de Physique et de Chimie 
de l'Académie de Caen. 

DE BAUDRE, homme de Lettres. 

LE MENUET fils, Avocat. 

TROUVÉ, Médecin. 

GoupriL-PREFELN , Procureur Général près la cour 
Royale, 

T 4 


(296) 
LAMOUROUX ; professeur d'Histoire Naturelle de 
l’Académie de Caen. 
CHÈNE DOLLÉ , inspecteur de l’Académie de Caen. 
LE Comte Ferdinand de BERTIER , Préfet du dé- 
partement du Calvados. 
LABBEY DE LA ROQUE, chevalier de St.-Louis. 
PATTU , Ingénieur en chef du département. 
LE SAUVAGE, médecin. 


SSD SDS SSD IS) 
ASSOCIÉS domiciliés a Caen. 


MM. 


DoMIiNEL, professeur de Médecine, 

Dan-DELAVAUTERIE, Médecin. 

RaisiN, Médecin. 

Le FOLLET, Président à la cour Royale. 

CHANTEPIE, inspecteur de l’Académie. 

DESsBORDEAUX , Médecin. 

HÉRON DE LA THUILEERIE, professeur Agrégé de 
l’Académie de Caen. 

DE MALHERBE, Maire de Mouën. 

SOULLIÉ , professeur au Collège Royal. 


( 297 ) 


ESS DS IIS SI D SSD 


ASSOCIÉS CORRESPONDANS: 
MM. 


Vauquelin, de l’Académie des Sciences à Paris. 

Surirary, Médecin au Havre. 

Chamberlain, Directeur des Manufactures de Sulfate 
de fer et d'acide sulphurique à Honfleur. 

Lechevalier , Bibliothécaire à Ste.-Geneviève à Parise 

Ripault. 

Lalouette, à Bayeux. 

Asselin, à Cherbourg. 

Fremin-Beaumont, de Coutances. 

Poupart, Médecin à Pont-l’Éveque. 

Poupart, Avocat, à idem. 

Adjutor Tilly , à Villers-Bocage. 

Lair, Ingénieur en chef des constructions maritimes 
a Brest. 

Delaville, Médecin à Cherbours. 

Fleury , Chirurgien en chef de la Marine à Toulon, 

Goullet-Rugy , à Metz. 

Picot-Lapeyrouse, naturaliste à Toulouse. 

Langlois | Médecin à Valognes. 

Dughevreuil, à Cherbourg. 


( 298 ) / 

Gayant , Inspecteur divisionnaire des Ponts-et- 
Chaussées, à Paris. 

Taillefer, Proviseur du Collège Royal de Louis 
le Grand. 

Brognard, Directeur de la manufacture de Sèvres. 

Guérin, Médecin à Avranches. 

Collet-Descotils, à Paris. 

Descotils, à Valognes. 

Bouillon la Grange, professeur de Chimie à Paris, 

Le Gagneur, à St.-Aubin d’Arquenay. 

David. 

De France , à Sèvre. 

De Guerle, censeur des études au Collége Royal 
de Louis le Grand. 

Dubois, à Châtillon-sur-Seine, 

Rever , à Condeville département de l'Eure. 

Noël, homme de Lettres à Paris. 

Bouffey , Médecin à Argentan. 

Auber , Médecin à Rouen. 

Boufay , Pharmacien à Paris. 

Pecquet, Maire de Saint-Loup-de-Fribois. 

Chorron , homme de Lettres à Paris. 

Bisson , à Bayeux. 

Girard, Ingénieur en chef des travaux hydrauliques 
a Paris. 

Valentin , Médecin à Marseille, 

Mollevaut, ( L. Ch. ) homme de Lettres à Paris. 

Le Français-Lalande, Adjoint au bureau des longi- 


( 299 ) 

tudes , de l’Académie des Sciences. 

D'ornay , à Rouen. 

Labbey , professeur de Mathématiques à Paris. 

Burckard, Membre du bureau des longitudes , de 
P'Académie des Sciences. 

Surblé-Desmoulins , à Vire. 

Gilbert , médecin des Armées à Paris. 

Lescaille | Ingénieur en chef du département de 
l'Eure. 

Auguste Delabouisse, hemme de Lettres. 

Made. Eléonore Delabouisse, 

Le Bailly, homme de Lettres, à Paris, 

Guilbert, à Rouen. 

Pérignon , Avocat au Conseil du Roi. 

Le Comte Laplace, Pair de France. 

Melle. Hélène-Maria Williams, à Paris. 

Desétables, fabricant de Papier à Vire. 

Combes-Dounous , à Montauban. 

Stone , à Paris. 

Vitalis, Secrétaire de l’Académie des Sciences de 
Rouen. 

Chanvalon, Maire de Carentan. 

Jubé. 

Geoffroy, Naturaliste à Valognes. 

Lasnon-Renaudière , Président du Tribunal Civil à 
Vire. 

Toustain-de-Richebourg , à Saint-Martin-du-Manoir , 
près Montivilliers, 


C300) 
Lacépède, de l’Académie des Sciences. 
Vigné, Médecin à Rouen. | 
Brébisson , à Falaise. 
Desgenettes , professeur dela faculté de médecine à 
Paris. 


Binet, Dessinateur au ministère de la Marine. 

Fayolle, homme de Lettres, à Paris. 

Regnault-de-Beaucarron , à Nogent-sur-Seine. 

Cachin , Inspecteur des Ponts-et-Chaussées. 

Le Carpentier, professeur de Dessin à Rouen. 

Quenault , Chirugien en chef de l’hospice à Cou- 
tance. 

Jaquelin Dubisson , à Paris, 

Noël, à Cherbourg. 

Costaz, à Paris. 

De Rosny, à Paris. 

Darcet , Hôtel des Monnayes à Paris. 

Arsène Thiébaut-de-Berneaud, à Paris. 

Hernandez, Médecin à Toulon. 

Lepère , Inspecteur - Divisionnaire des Ponts-et- 
Chaussées. 

Chabot-de-l’Allier , conseiller à la cour de Cassa- 
tion. | 

Vastel, à Cherbourg. 

Demoy. 

Caffarelli, au Falga près Carcassonne. 

Lautour-du-Châtel, à Argentan. 


(301) 


Lescalier, consul aux États-Unis d'Amérique. 

Turpin, peintre d'Histoire Naturelle, à Paris ; 

Cattean, à Paris. 

De Théis, à Laon., 

Brault, Evêque de Bayeux. 

Marron , Président du Consistoire de la Seine, 

De Maimieux, à Paris. 

Saint-Amans, Naturaliste à Agen. 

Periaux , Imprimeur-Libraire à Rouen. 

Guitard , médecin à Bordeaux. 

: Jouyneau-Desloges , homme de Lettres à Poitiers; 

Robert de Saint-Victor , idem à Rouen, 

Moisson, Curé de Chicheboville. 

Prévost d’Iray , à Paris. 

Le Pileur, homme de Lettres à Paris. 

Delarue, Pharmacien à Evreux. 

Cailly fils, Capitaine au corps Royal d’Artillerie 
à Metz. 

Marie-Dumesnil , à Paris, 

De Roquefort, à Paris. 

Boinvilliers, à Paris. 

Méchin , à Paris. 

Manoury d’Ectot , à Argentan. 

Pelletier, Pharmacien , à Paris. 

Bremontier , à Paris. 

Sabonadiere, à Guernesey. 

Séguier , à Beauvais. 

Douce , à Londres. 


( 302 ) 


Le Héricier de Gerville, à Valognes. 
Michel Berr, à Paris. 


Membres résidans morts depuis le premier Août 1811. 
MM. 


De Roussel , professeur d'Histoire Naturelle. 
Gervais-Delaprise , homme de Lettres. 
Moysant , bibliothécaire de la Ville, 

Boisard , ancien pharmacien des Armées, 
Nicolas, professeur de Chimie. 


LDC E 
DES MATIÈRES. 


RP PORT 


Sur Les travaux de l’année 1811. 


PREMIÈRE SECTION. 


PARTIE SCIENTIFIQUE. 


de sur l’ancienne culture du Pastel 

dans la Basse-Normandie , par M. de Mangne- 

villes Pe 3 
Mémoire sur la manière de dégraisser les laines , 

par M. Nicolas. 8 
Notice sur le petit poisson Fete con- 

nu à Caen sous le nom de montée, par 

M. Nicolas. 11 
Mémoire sur la montée, per M. Lamouroux , 


13 


LT AS ÉT: 

Essai pour servir à l'analyse méthodique des 
sels, par M. Thierry Fils. P- 

Essai sur l’influence du tempérament des mé- 
decins dans leur pratique et leurs écrits, 
par M. Trouvé. 

Quelle est la nature du petit poisson connu à 
Caen sous le nom de montée, qui se pêche 
dans l'Orne à des époques périodiques. 

Quels sont les effets de la terreur sur l’éco- 
nomie animale ? 

Second mémoire sur la même question. 

Notice sur des matières renfermées dans le sol du 
département du Calvados, qui sont propices 
pour des manufactures chimiques , par M. 
Chamberlain , 

Mémoire sur la cristallisation du Basalte, par 
M. Geoffroy. 

Sur les agathes, par le même. 

Projet d’un appareil propre à faciliter le séjour 
des hommes au fond des eaux, par M. De- 
laville. 

Ouvrages reçus par l’Académie, 


7 


22 


AI 
43 


seconde 


SECONDE SECTION. 


PARTIE LITTÉRAIRE. 


— 


Dissenrarios sur l’épigramme, par M. de 
Baudre. P- 


Notice sur Segtais , par M. Lair. 

Quels changemens la mer a-t-elle opérés sur 
le littoral des départemens du Calvados et 
de la Manche, par M. Bisson. 

Le partage des biens communaux a-t-ilété avan- 
tageux, ou non, à l’agriculture dans les dé- 
partemens de la ci-devant Normandie ? 

Ouvrages d’associés-correspondans, 

Poésies de MM. le Prêtre, de Baudre, Brémon- 
tier, Arnault, Bailly , Vieillard, et Vigée, 

Annonces d’autres ouvrages, 


44 
46 


49 


R:'AOB PI OR 


Sur Les travaux de l’année 1812. 


PREMIÈRE SECTION. 


PARTIE SCIENTIFIQUE. 


Ossenvarioxs sur les mitéores et les mala- 

dies , par M. Godefroy. fit 
Précis des moyens les plus importans aux pro= 

grès de l’hygrométrie, par M. de Rousse 63 
Exposition des effets météorologiques de l’air , 


par M. Prudhomme. 64 
Notice sur les jardins de M. Dumont de Coursel, 
par M. Lar, 70 
Essai sur les thalassiophytes non articulées, par M. 
Lamouroux. 76 
… Rapports faits à la première classe de l'institut 
sur des mémoires de M. Lamouroux. 79 
Rapport sur l'épidémie de Bernières, par M. 
Raisin. 81 


Aperçus physiologiques et pathologiques sur les 
fonctions de l'appareil hépatique , par M. 
Desbordeaux. 87 


F A B-È-E. 


Observations sur la jalousie des enfans, par M. 
Trouvé, 91 
Recherches sur la sécrétion et sur l'absorption 
des gaz dans les corps organiques, par M. 


Tillaye, 94 
Essai sur la formation des charbons de terre. 99 
Ouvrages présentés à l’Académie. 109 


É 


SSI II PSSIS 


SECONDE SECTION. 


PARTIE LETTÉR. AIRE. 


Mivorrs sur le livre de Job , par M. 
Cailly. 
Observations sur le livre de Job, par M. Bel. 

| lenger. 

Notice sur#M. le Clerc de Bauberon, par M. 
Lair. 

Mémoire sur l’origine de la langue française, 
par M. Labbey de la Roque. 

Du madrigal, par M. de Baudre. 

Sur quelques bons et vrais phiosophes, par M. 
Toustain de Richebourp. 

Tables alphabétiques et de législation maritime 
de l’Europe , par M. Groui. 

Poésies. 

Ouvrages envoyés à l’Académie, 


FSSPSSSISSE 


102 
106 


112 


114 
119 


123 
130 


131 
132 


RAPPORT 


Sur Les travaux de l’année 1813. 


e 
: 


PREMIÈRE SECTION. 


PARTIE SCIENTIFIQUE: 


+ 


ESSIPSSI SIA 


Nov essai sur les causes générales des 
vents, par M. Prudhomme. 135 

Conjectures sur la possibilité que le soleil, les 

planètes , les satellites, et même les comètes 


soient. constituées de manière à admettre des 
habitans de même nature que ceux de notre 


Terre, par M. Whearcroft. 148 
Réflexions sur le mémoire précédent , par M. 
Thierry fils. 153 


Mémoire sur le blé lammas , par M. Lamouroux. 155 
Mémoire sur la nécessité d’alterner les récoltes, 


par M. de Mangneville. 159 
Rapport de M. de Mangnevillesur plusieurs ouvrages 
de M. Thiébaut de Berneaud. 162 


Quelques considérations sur les albinos , par M. 
le Sauvage, 164 


TABLE. 

Rapport de M. le Sauvage sur un mémoire de 
M. Thillaye intitulé, Essai sur une nouvelle 
théorie de la vision. p. 

Rapport de M. le Sauvage sur un mémoire de 
M. Geoffroy ayant pour titre sur Ls diffé- 
rens états des coquillages au sein de la terre. 

Mémoire sur un canal de dérivation, etc., 
‘par M. Lescaille, 


175 


174 


SECONDE SECTION. 
PARTIE LITTÉRAIRE. 
FPS CSSEFSSA 


Essar ou recherches sur les vrais élémens de 
l'histoire ancienne du globe terrestre, par 


M. Cailly. p. 176 
Description de l'ouverture de l’avant-port de 

Cherbourg, par M. Lair. 182 
Notice sur M. Foucault, intendant de Caen, 

par M. Lair. 187 
Mémoire sur les trouvères Normands et Anglo- 

Normands, par M. Delarue. 188 


Notice sur une partie de la Moscovie, sur 
Moscou et le Kremlin, par M. Caïilly fils. ibid 
Notice sur les ruines de Juliobona , par M. 
Rever. 192 
. Description des autels de l’ancienne chapelle du 
Mont-Dol par L: même. 197 
Recherches sur un camp Romain, par M.Le He- 
ricier de Gerville. 201 
Recherches sur le pays des Unell, et sur les 
villes qui y ont existé sous la domination Ro- 


maine, par le méme. 20$ 
Sur un pavé en Mosaïque trouvé à Vieux, 206 
Poésies lues à l’Académie. 208 


Ouvrages rEçUSe , fhid, 


RAMEORTE 


Fait à l’Académie à la fin de 1814. p.210 
PREMIÈRE SECTION. 
PARTIE SCIENTIFIQUE. 
SSII D ISSI D 
Mimorms sur le corail, par M. Lamou- 


roux. ps 214 
Observations sur une chute d’aérolithes dans le 


département de Lot-et-Garonne , par Le 
même. 


4 


FSSPSSPIFSSS 


SECONDE 


RS 
SECONDE SECTION. 
PARTIE LITTÉRAIRE. 
FSÉSSEFSSIÈS PSS 

CE varions sur les invasions de la mer 
et son action sur le littoral du Calvados et 
de la Manche par M. Cuilly. p. 210 


Essai sur l’existence de la noblesse en France 
et en Normandie dans les temps les plus 


anciens , par M. Labbey de la Roque 224 
Essai sur Homère par M. Cail!y. 232 
Eclaircissemens historiques sur Malherbe , par 

M. Hébert. 233 


Réponse à une question de M. Jouyneau Des- 
loges sur l'institution de la Chevalerie en 


France, par M. Delarue. 236 
Essai sur Anaximandre et sur sa philosophie. 239 
Poésies lues à l’Académie. 241 
Ouvrages reçus, 243 


FH ANRBGE ORNE" 


Sur Les travaux de l’année 1815. 


PREMIÈRE SECTION. 
PARTIE SCIENTIFIQUE. 


Coxsinérarions sur les caractères distinc- 
tifs de l’oxigène et ses rapports généraux avec 
les autres matières réputées simples, par 
M. Thierry fils. P- 

Exposé d’un projet présenté en 1812, pour 
l'amélioration du port de Caen, par M. 
Pari. 

Précis historique sur la navigation de la rivière 
d'Orne, par M. Lange. 

Rapport sur un mémoire de M. Geoffroy , par 
M. Lamouroux. 

Rapport sur l’ouvrage de M. Balme, par M. 
de Sauvage. 


Note sur le saumon, par M. Prudhomme. 


245 


259 
252 
269 


260 
262 


SECONDE SECTION. 
PARTIE LITTÉRAIRE. 
FL PPSÉSSS 


Rscuercues sur les ouvrages des Bardes 
Armoricains dans le moyen âge , par M. De- 


larue, P. 


Essai sur les moyens par lesquels on a pu jus- 
qu'au XVI. siècle s’anoblir soi-même en 

France, par M. Labbey de la Roque. 

Introduction à un cours d’histoire moderne , par 
M. Héron la Thuillerie. 

Notice sur les Cziganys. 

Mémoire pour servir à l’histoire des Jeux Floraux. 

Poésies lues à l’Académie. 

Ouvrages reçus. 

Liste des membres et des associés de l’Académie. 


FIN DE LA TABLE. 


264 


168 


274 
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