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RAPPORTS
SUR LES TRAVAUX
DE L’.AC A DE MIE
DES SCIENCES , ARTS ET BELLES - LETTRES
DE CATY,
Pour les années 18:1, 1812, 1813 ;
1814 et 3815, faisant suite au rap-
port général imprimé en 1811.
PAR P.-F.-T. DELARIVIÈRE, Secrétaire.
A CAEN
Chez P. CnaroP1x, imprimeur de l'Académie,
rue Froide - Rue,
É Ss |
1 s.
N oTA. Les rapports présentés pour chacune des cinq
dernières années n'ayant point été imprimés en
entier, et se trouvant seulement mentionnés très-
succinctement dansles Notices des Séances publiques ,
on a cru devoir les réunir pour faire suite au rap-
port général de 1811, et former un 2°. volume
de mémoires de l'Académie. Ïla paru convenable néan-
moins , dans la distribution des matières, de lais-
ser subsister la distinction des années auxquelles elles
se rapportent, parce qu'il serait difficile , à cause
de la diversité des circonstances , de bien se faire
une idée de l'intérêt que pouvaient offrir certainssujets,,
si l’on n'avait pas égard au temps où ils ont été
traités. '
Chacun de ces rapports, conformément au plan
du rapport général, est divisé en deux sections,
l’une pour la partie scientifique , l’autre pour la partie
littéraire,
RAPPORT
Sur les travaux de l’année 1811.
PREMIÈRE SECTION.
PARTIE SCIENTIFIQUE.
RECHERCHES sur L'ancienne culture du pastel dans
la Basse Normandie, par M, de MANGNEVILLE.
BTE difficulté de se procurer en France cer-
taines productions étrangères, pendant que la guerre
oppose des obstacles presque invincibles aux relations
commerciales avec les nations qui en disposent , devait
naturellement exciter l’industrie Française à chercher
dans les qualités productives de notre sol des sup-
plémens aux substances qu'il ne peut nous fournir,
Malgré le mépris que provoquent tant d'illusions
mensongères , tant de grossières, impostures ; qui
trouvent plus dé railleurs que de dupes, on aurait
tort de mettre sur la même ligne tous les essais qui
tendent à ce but vraiment utile, et de vouerindistinctes.
ment, au ridicule quelques recherches que ce soit,
faites en vue d’accroitre nos richesses indisènes, Ce
À
(4) k
fut toujours en traversant un vaste champ d'erreurs ;
qu'il fut possible d’arriver jusqu'à la vérité ; et
l'on ne trouve dans les méprises fréquentes , dans
les tentatives malheureuses , que les conditions au
pux desquelles ilest permis à l’homme de faire quelques
nouveaux pas dans les routes de la science, Cepen-
dant la prévention qui en résulte , quoique con-
fondue par de nombreux succès , se remontre dans
toute sa force à chaque nouvelle entreprise. Quand
on veut diriger l'industrie vers un objet étranger à
ses procédés antérieurs, on éprouve presque toujours
que les théories les mieux raisonnées échouent contre
la force de l’habitude. Le peuple se laisse difficile-
ment séduire pat les promesses les plus brillantes , et
il est naturellement porté à regarder comme du char-
Jatanisme le zèle ardent des novateurs pour des pra-
tiques qui contrarient sa routine. Le moyen le plus
efficace pour déterminer les cultivateurs en général
à adopter un genre de culture, est sans contredit
de leur montrer que ce n’est point une innovation,
que l'usage qu’on leur recommande a été suivi par
leurs ayeux, et qu’une expérience bien établie est la
garantie des avantages qu’on leur promet. C'est cette
considération qui a engagé M. de Magneville à
recueillir un grand nombre de faits qui prouvent incon-
testablement que le pastel a été cultivé très-ancien-
nement dans le territoire du département du Calva-
dos, Il annonce que, dans ces recherches, il a fait
(52
usage de quelques notions puisées dans un mémoire
communiqué par M. Delarue à la société d’agri-
culture. Son but est d'engager les habitans de nos
campagnes à reprendre une culture qui n’a été presque
entièrement abandonnée qu’à cause de la préférence
donnée à l’imdigo sur le pastel, et qui ne peut manquer
de devenir très-profitable , quand l’emploi des mar-
chandises coloniales qui ne sont pas absolument né-
cessaires, doit être universellement abandonné.
M. de Mangneville cite les différens noms de cette
plante, appelée Zsatis par les Grecs, Wisrum par
les Romains, Guado par les Italiens, Wadda ,
Waisda et Guaisdiur dans le Glossaire de Ducange ,
Vouede ou Vaidia dans les anciens titres et les
anciennes Chartes de ce pays, enfin Zsatis rinctoria
dans les ouvrages des botanistes modernes. Il con-
firme par les termes d’une transaction de 12092 ,
l'étymologie du mot Pasæl, donnée par le Père
Hardouin, dans ses notes sur Pline , puisque cet
acte montre qu’on réduisait le vouède en pâte, et
qu'on en formait des masses, ou gâteaux appelés
Pastella. On trouve différentes mesures employées
pour la vente de cette denrée, mais sans aucun
moyen de les évaluer avec précision. On voit seule-
ment qu’en 1382, une cuve de vouède, bonne paste=
lure, selon expression du temps , se vendait 10 liv. ,
somme considérable , puisqu’elle égalait le prix de cent
boisseaux de blé, Mais on ne sait ni ce que c'était
À 3
(6)
qu'une cuve , nice quéreprésentaient 2,000 de vouëde
4,400 ; 5,000 , termes employés dans d’autres actes.
On, ne découvre point de traces de la culture du
pastel dans ce pays avant le 13€. siècle ; mais elle
a été trés-étendue depuis cette époque jusqu’au temps
où des relations multipliées avec l'Amérique ont fait
prévaloir l'emploi de l'indigo. On ne peut pas con-
clure du défaut de preuves positives, que cette
branche d'industrie fût inconnue en Normandie dans
les temps les plus reculés, non plus qu’on ne serait
autorisé à affirmer qu’elle était restreinte dans les
communes d’Allemagne, d’'If , de Cormeïl, de Bé-
nouville, de May, de Giberville, de Sanerville et
de Cagny , parce que ce sont’les seules citées dans les
actes dont notre colleghe a pu avoir connaissance. Il
est très-probable au contraire que le vouède était par-
ticulièrement cultivé sur les bords de la mer, où
aucune de ces communes n’est située, puisque cette
plante croît naturellement sur les côtes maritimes ; et
on a la preuve que cette culture était étendue et
florissante dans notre contrée , et qu’elle s’y est
maintenue jusqu'à une époque assez rapprochée de
nous, soit en considérant l'établissement d’un octroi
sur cette marchandise, et l’institution de mesureurs
jurés pour sa vente, soit en faisant attention aux
nombreux moulms à vouëde dont les actes des ta-
bellions font mention dans le 15€ siècle , jusqu’en
1536, et dont plusieurs terrains ont conservé jus+
(9)
qu'ici la dénomination. Il faut même ajouter qu’on
trouve encore dans les communes de Luc , de Lan-#
grune et de Douvres plusieurs champs de vouède
disséminés , et que suivant le témoignage de quelques
habitans, cette culture était bien plus considérable iln'y
a qu’üne soixantaine d'années. Si ce genre de récolte
à pu , dans les circonstances les plus défavorables 4
offrir assez d'avantages pour être préférés aux autres,
dans dés terrains précieux et du plus grand produit,
on peut se faire une idée de ceux qu'il procurerait
dans un temps où une censommation prodigieuse
ne pourra manquer d'élever fort haut le prix de
cette denrée. C’est à cette conséquence que s’arrête
surtout M. de Mangneville, sans entrer dans les dé+
tails , soit de la culture , soit de la préparation , objets
sur lesquels les instructions sont abondamment ré-
pandues. 11 remarque seulement qu’on envoie au-
jourd’hui en Picardie la feuille de vouède simple-
ment desséchée , tandis qu’autrefois on mettait le.
pastel en pélotes, et on le vendait à la rondelle ?
espèce de mesure, jaugée comme le boisseau, et
dont chaque marchand était pourvu.
Quoique la petite quantité de pastel qu’on cultive
dans le pays, pût fournir en peu de temps assez de
graine pour une exploitation étendue, notre collègue
croit préférable de renouveler les semences, en en
tirant du Midi. Il à joint à cette observation l’an-
nonce d'un envoi considérable de graine fait par le
À 4
(8)
gouvernement, pour favoriser cette branche d’indus-
trie. ;
Mémoire sur la manière de dégraisser les laines , par
M. NicoLas.
C'est encore ladoption d’une branche d’industrie
étrangère, qui a donné lieu à ce mémoire, divisé
en deux parties,
Dans la première partie, M. Nicolas, après avoir
exposé le motif qui l’a déterminé à entreprendre un
travail sur cette matière, savoir les difficultés qu’é-
prouvent les propriétaires des moutons d’Espagne ;
vulgairement appelés mérinos , pour le dégraissage
de leurs laines, et l'espèce de découragement qui er
est la suite , présente quelques réflexions sur la mau-
vaise tenue de nos bergeries , et la négligence ou les
préjugés fâcheux de la plupart des cultivateurs. Les
principaux abus qu’il signale sont 1°. la coutume
de laisser les bêtes à laine pendant un temps très-
considérable sur la même litière, et de les tenir ren-
fermés pendant toute la mauvaise saison , dans la
fausse idée qu’on ne peut leur procurer trop de cha-
leur; 2°, la mauvaise construction des étables, or-
dinairement basses, enfoncées, mal aérées , et consé-
quemment humides et mal saines ; 3°. le défaut d'é-
coulement des urines, qui séjournent trop long-temps
dans les bergeries, et contribuent avec le mauvais air
aux maladies des moutons, qui souvent excités par
(9)
de violentes démangeaisons à se déchirer la peau avec
leurs dents, avalent de petites portions de laine, d’où
se forment peu à peu ces égagropiles , qui ont été
l'objet d’un mémoire adressé il y a deux ans par
l’auteur à l'institut national. I] traite aussi du par-
cage , en convenant qu’il n’est pas praticable dans tous
les pays, et il résume les précautions qu’on peut
employer partout pour la prospérité des troupeaux.
Dans la seconde partie , l’auteur traite expressément
du dégraissage des laines , surtout par rapport aux
mérinos. Il rend compte avec la même franchise , et
des essais infructueux qu’il a faits d’abord, et du
dernier, dont il a obtenu un succès complet et bien
attesté par l’échantillon présenté à l’assemblée.
Après avoir bien fait battre sur une claie la toison
d’un mouton d’Espagne, pour en Ôter la poussière ,
les pailles et les ordures qui y sont attachées, il l’a
divisée en trois portions. Il a traité la première selon
un procédé qu’il décrit, et dans lequel il emploie
l'urine ; et il n’a pu parvenir à rendre sa laine blanche
et douce au toucher, malgré plusieurs expédiens. Il
a suivi pour la seconde partie la méthode de M,
Boyer , consignée dans le dictionnaire raisonné des
sciences, des arts et métiers, article /aize. Enfin voici
comment 1l expose lui-même son dernier essai :
« La troisième partie de cette taison ayant été mise
en macération dans un baquet avec de l’eau derivière,
à la seule exposition au soleil, pendant dix à douze
(10)
heures, a été renfermée dans un sac , et etisiite por<
tée à la rivière, pour y être parfaitement lavées
Lorsque l’eau en est sortie claire ét limpide, la laine a été
mise en macération au soleil, dans un bain composé
d’eau de rivière ; tenant en solution une once de
savon de Marseille pour chaque livre. Dix à douze
heures après , on a bien frotté cétté laine dans l’eau
de savon, et on l’a ensuite lavée à la rivière : après
quoi, ona délayé du blanc de Troye dans de l’eau,
de manière à lui communiquer là consistance d’un
fait un peu épais, Les parties les plus grossières s’é-
tant précipitées, on a versé dans un vase la liquéur
blanche , par inclination , et on ÿ a fait tremper la
laine, que l’on a ensuite frottée entre les mains pen
dant une demi-heure. Enfin, pour dernier apprèt ,
la laine retirée de cette eau chargée de craie , a été
bien lavée, et ensuite exposée au soleil et à la rosée
pendant douze jours , sur une toile étendue et fixée
sur des piquets, à deux pieds de terre. »
M. Nicolas avertit 1°. que le lavage de la laine
ne doit être fait que par petites parties à la fois; 20.
Que le déchet, selon sa méthode, n’est que de 30
à 3$ livres sur 100 livres, tandis qu’en suivant les
autres procédés , notamment celui de M. Boyer , on
perd de $o à $2 livres pour les laines ordinaires,
et jusqu'à 70 livres pour les laines fines; 3°. que
cette méthode d’une très-facile exécution est en même
LC)
temps très-peu coûteuse, puisque les frais ne vont
pas à plus de deux sous par livre de laine.
Noricé sur le petit poisson vulwairement connu à Casr
sous le nom de montée, par M. NICOLAS.
M. Nicolas a aussi traité un sujet sur lequel l’A-
cadémie désirait depuis long-temps obtenir des lumières
sûres, et qu’elle avait même compris dans un pro-
gramme de questions publiées précédemment. Il a
essayé de déterminer la nature de la Montée, qué
diverses circonstances de son existence rendent digne
d’une attention particulière , et dont la véritable espèce
est restée incertaine jusqu'ici, quoiqu'elle se pêche
en grande abondance aux portes mêmes de la ville
pendant une partie considérable de l’année.
L'auteur commence par une description très-détail-
lée de ce petit poisson, qui paraît, dit-il, être en-
gendré par de plus gros, dont l’espèce n’est pas encore
invariablement connue. La prodigieuse quantité des
individus qui nagent en société et comme agglutinés
les uns aux autres , et l’uniformité dans les propor-
tions de leurs corps, qui n’ont communément que
deux pouces et demi de longueur, et quatre lignes
au plus de circonférence , lui semblent iudiquer une
colonie nouvellement éclose d’un frai déposé par cer-
tains poissons de mer dans nos rivières. Il conclut
des caractères qu’il a marqués, que cette espèce ap-
païtient à la classe des apodes , et au genre des
(12)
murènes où anguilles. Mais à quelle espèce ? est-ce
à la murène congre ? est-ce à la murène anguille ?
M. Nicolas prétend que la montée n’est point le frai
du congre; parce que le congre a deux petits barbil-
lons à la mâchoire supérieure ; que sa nageoire dorsale
commence beaucoup plus près de la tête que celle
de la montée ; que cette nageoire est d’ailleurs bordée
de noir, et qu'il porte aussi une ligne latérale ponc-
tuée de blanc, que n’a pas la montée. Il pense que
c’est l’espèce murena anguilla maritima ; et annonce
ainsiles particularités qui motivent son opinion, jointes
à quelques autres, qui en sont le développement :
» 19, Le poisson dit montée a absolument la même
conformation que le murena anguilla. 2°. Comme
l’anguille , il se tient le jour dans la vase, et ne
voyage que pendant la nuit. 3°. Ce n’est que pendant
h nuit, et à l’aide d’un tamis de crin fixé à un
long manche, que l’on prend ce poisson, attiré vers
les bords de la rivière par la lumière d’un flambeau
ou d’une lanterne. 4°. La pêche de ce poisson com-
mence vers le milieu de Mars, et finit en Juin. 5°.
Elle se fait en opposant le tamis au flux de l’eau,
et en le portant contre le courant , soit que la marée
monte ou baisse, 6°. Le passage est quelquefois si
abondant, et les individus se trouvent réunis en si
grande masse, que d’un seul coup de tamis on en
prend le contenu d’un demi-litre. 7°. On trouve
souvent parmi la montée de petites anguilles de quatre
(13)
à cinq pouces de longueur. 8°. Ces anguilles , plus
colorées que la montée , perdent comme elle leur
couleur dans l’alkool, et y deviennent de même
fermes et d'un blanc mat. 99. L’une et l’autre espèce
se convertissent presque en totalité en gélatine par
leur ébullition dans l’eau. ».
Après cette solution du problème que présente la
nature de la montée, M. Nicolas a rendu compte
d'un procédé qu’il a éprouvé pour faire sécher ce
poisson , et le conserver long-temps. Il a assuré qu’il
en avait mangé qui était desséché depuis environ
un mois, et qu'il lui avait trouvé la même saveur
qu’à celui qui est frais. Il avait versé environ quatre
litres de montée dans une terrine et y avait répandu un
peu de vinaigre. Tous les poissons bien vivans sortirent
du vase, et se répandirent sur une nappe étendue des-
sous. Après quelques heures d'exposition au soleil,
ils se trouvèrent bien desséchés , et furent renferimés
dans des boîtes que l’on eut soin de tenir dans un
lieu sec.
Mémoire sur la montée, par M. LAMOUROUX.
M. Lamouroux a aussi porté ses recherches et
ses observations sur Ja montée, Au commence-
ment de son mémoire, qui a été lu dans la même
séance que le précédent , et qui ne peut nulle-
ment en être regardé comme une réfutation , :l
justifie l'intérêt qu’il a mis à cet examen par quelques
(24):
réflexions générales sur les ouvrages de la nature ;
dont l'importance, äux yeux du naturaliste et du
philosophe, ne se mesure point sur le volume. Pas-
sant ‘ensuite à la montée, qu’il rapporte au genre
murène des naturalistes modernes , il pose ces. ques-
tions : la montée est-elle le frai du congre ? Est-elle
le frai de l’anguille ? est-ce un animal particulier ?
il réduit, d’après Lacepède , le genre rrurène à
quatre espèces, la murène anguille, la murène ta-
chetée , la murène myre, la murène congre. La
montée ne peut appartenir ni à la seconde , origi-
naire de la mer rouge et de la mer des Indes, ni à
la troisième, qui habite la Méditerranée , et dont le
museau est terminé en pointe aigue : elle n’offre d'ail-
leuts aucuns caractères propres assez essentiels pour
constituer une espèce distincte. Il reste donc qu'elle
soit du frai d’anguille ou du frai de congre.. |
M. Lamouroux ne croit point que la montée soit
le frai de l’anguille. L'une et l’autre ont, il est vrai,
la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure,
les deux mâchoires garnies de dents, visibles dans
la montée seulement au microscope, l'ouverture des
branchies étroite, en forme de croissant , et fortifiée
par plusieurs rayons. Mais à ces points de ressem-
blance on peut opposer des différences nombreuses
et considérables. D’abord l’anguille est repandue dans
les quatre parties du monde, et vit long-temps dans
toute sorte d'eaux : suivant Spa//anzani | d'accord
(350 |
“sur ce pont avec d’autres naturalistes, elle ne peut
frayer que dans la. mer ; elle remonte par l’embou-
chure des fleuves , et va chercher les eaux douces,
où elle reste jusqu'à ce qu’elle ait acquis un certain
accroissement , époque où ses efforts constans et
opiniâtres pour regagner la mer malgré tous les
obstacles, ne peuveut. guères s'expliquer que par le
besoin pressant de la reproduction. Les petites an-
guilles qui se trouvent souvent mêlées avec la
montée, et qu'il est toujours facile d’en distinguer,
se pêchent pendant le printems et l'été : si on les
met dans un vase , elles vivent inditféremment dans
l'eau, de rivière ou de puits, mêlée ou non avec
des plantes : leur situation est constamment horizon
tale : elles montent et descendent avec une égale
rapidité : leur. mouvement est peu. ondulé, et pres-
que nul pendant le jour. La montée, au contraire,
ne parait que dans les rivières de l'Orne , de la
Touque et de la Dive , et seulement cepuis le
mois de Mars jusqu’au commencement de Mar,
a l'époque des grandes marées : elle remonte avec
le flot, et s’en retourne avec lui : celle qui n’a pas
été prise, et qui n’& pu regagner la mer, noircit et
périt en peu, de temps : mise dans un vase, elle ne
vit que deux ou trois jours dans l’eau de puits, un
peu plus, si l’on y rnêle des plantes ou de la mie
de pain, et ses mouvemens y sont moins vifs que
dans l’eau de rivière , où on-peut la conserver jusqu’à
»
(16)
deux mois : elle tombe rapidement au fond du vase ;
ou s’y plonge la tête la première, mais elle remonte
lentement et péniblement, et toujours la tête plus
élevée que le reste du corps : son mouvement dure
la nuit comme le jour, mais se rallentit à mesure
que le soleil monte sur l'horizon, et augmente à
mesure que cet astre descend ; elle reste à peu près
tranquille au fond du vase depuis onze heures jus-
qu'à trois. En second lieu , la montée est trans-
parente , et l’anguille ne l’est jamais, quelque jeune
qu’elle soit : la première a la bouche et les yeux
beaucoup plus grands proportionnellement à la tête :
ka longueur de sa nageoire dorsale est à celle de l’a-
nimal comme 26 à 32 ou 33, et elle est dans l’autre
comme 26 à 38 ou 40 : la montée a certainement
moins de rayons aux nageoirés que l’anguille, quoi-
qu’on ne puisse pas en déterminer le nombre au juste,
et l'humeur visqueuse y est beaucoup plus abon-
dante : enfin le bouillon d’anguille ne vaut rien, et
l'on prétend que celui de la montée est bon. Si l’on
objecte à l’auteur qu’on a trouvé au bout d’un cer-
tain temps de l’anguille dans des pièces d’eau où l’on
avait mis de la montée, il en donne pour raison
le mélange dont il a déja parlé de plus ou moins de
petites anguilles avec la montée.
M. Lamouroux pense donc que la montée n'est
autre chose que le frai du congre , opinion com-
mune parmi les pêcheurs, et adoptée par plusieurs
naturalistes.
(17)
maturalistes. Cette conclusion sort de la comparaison
de -ces deux poissons, entre lesquels on ne peut as-
signer d’autres différences que la forme de la nageoire
pectorale, la grandeur et la couleur.
La nageoire pectorale de la montée, moins ar-
rondie que celle de l’anguille, l’est plus que celle
du congre. Elle est à bords échancrés , à la différence
de l’un et de l’autre , et fortifiée seulement de 12
rayons , très-visibles avec la loupe dans les grands
individus, tandis que le congre en a de 12 à 19,
Panguille de 15 à 20. Cette différence ne paraît point
essentielle à l’auteur du mémoire. Le nombre des
rayons, qu'on ne peut détermin2r dans les petites
montées , où il est peut-être au-dessous de 12 , peut
croître avec l’âge, puisqu'il varie dans les individus;
et cet accroissement successif, ou bien le frottement,
peut faire disparaître les échancrures.
La granceur ne peut servir d'indice , puisque la
montée ne reste sous nos yeux que quelques heures,
et que nous ne voyons le congre que déjà grand,
eñsorte que lé passage de son premier état à une
croissance avancée nous est inconnu. L'’auteuf, en
donnant pour cause de Papparition de la montée
sa faiblesse, qui ne lui permet pas de résister au flux,
explique par là pourquoi on ne voit ce frai que
quand il est nouvellement éclos , et pourquoile congre ,
croissant depuis cette époque dans le sein des mers,
ne reparaît que déjà grand.
B
(18)
Quant à la couleur, on sait qu’elle change avec
‘âge dans beaucoup d’espèces. Si le congre n’est
point du tout transparent , la grande montée l’est
déja moins que la petite, Celle-ci est tout-à-fait
blanche ; l’autre, marquée de points noirs, qui se
rapprochant de plus en plus, peuvent bien, pendant
le long intervalle qui sépare l’état de montée de l’é-
tat de congre, se confondre jusqu’à produire cette
couleur noirâtre continue qui distingue le second du
premier. Au reste M. Lamouroux apporte beaucoup
de faits et d'observations qui ne peuvent entrer dans
un extrait.
Toutefois l’auteur n’a eu l’intention de présenter
son sentiment que comme purement conjectural. C’est
ce qu’il a formellement déclaré quelques mois plus
tard , en rendant compte de nouvelles observations
qu'il avait eu occasion de faire dans quelques voyages
sur nos côtes, et de faits importans, qu'il avait été
à portée de recueillir, et dont l'effet avait été de
le faire revenir sur sa première opinion. La réunion
des circonstances qui ont été l’objet de ses dernières
recherches , lui ont fait juger définitivement que la
montée n’était point le frai du congre, comme il
l'avait annoncé d’abord , mais celui du pémperner,
qui est une variété de l’anguille.
(19)
Essai pour servir à l'analyse méthodique des sels ,
dans lequel on considèreen particulier les combinai-
sons des acides minéraux non métalliques avec
les bases alcalines er rerreuses , par M. THIERRY fils.
Dès qu’une fois on a trouvé la véritable méthode
d’une science, on ne peut plus marquer de bornes
à ses progrès ; en méditant sur un probléme , on
entrevoit la solution d’un autre, et chaque décou-
verte en prépare une nouvelle, C'est ce qui est
arrivé aux sciences physiques , et particulièrement
à la chimie, depuis qu'on a substitué à des théories
purement imagimaires l'observation et l'expérience, es
qu’on a examiné les effets pour en déduire les causes ,
au lieu de supposer les causes pour expliquer les
effets. C’est d’un aperçu rapide des avantages dus À
cette marche si naturelle, et cependant adoptée si
tard, que M. Thierry passe à l’exposition du sujet
qu'il veut traiter. Le but qu’il annonce est évidem-
ment un nouveau pas dans la carrière analytique, et
un degré de perfection bien digne d'attirer les regards
des savans. Il ne suffit pas, dit-il, d’avoir des pro-
cédés pour anaïiyser les produits naturels; il faut
encore tâcher de découvrir sûrement, par des moyens
faciles et prompts, les corps d’une origine quel-
conque , qui se trouvent placés sous nos yeux : et
c’est précisement à quoi tend son essai , par rapport
B 2
(20)
à une classe de corps particulièrement intéressans
par la multitude et la variété de leurs usages, savoir
les combinaisons des acides minéraux non métalliques
avec les bases alcalines et terreuses. Quelque bien
connus que soient ces corps , il manque à Ja science
une méthode simple et générale pour les analyser ,
comme on en a déjà pour les substances organiques ,
les eaux minérales , les pierres, les mines ; et notre
confrère en propose une qui a l'avantage de n'’exiger
ni connaissances chimiques bien profondes , ni ap-.
pareils bien compliqués.
D'abord il compte onze genres de sels minéraux
non métalliques, les s/fares , les susfires , les ni-
rates \ les nairrites | les muriates | les muriates
suroxigénes , les phosphates , les phosphires , les
fluates , les borates et les carbonates | nombre égal
à celui des acides minéraux , moins l’acide muria-
tique oxigéné ; ensuite douze bases salifiables , la
silice, l'alumine, la glucine , l’ytria, la zircone , la ma-
gnésie , la chaux , la baryte, la strontiane , la potasse ,
la soude, et l'ammoniac , dont les combinaisons avec
ces acides constituent les espèces: mais l Auteur s’ar-
rête pour le moment aux genres , en observant seu-
lement que le nombre des espèces n’est pas , comme
il semblerait au premier abord, égal au nombre des
acides multiplié par celui des bases, parc: qu'il y
a des bases qui ne se combinent pas avec tous les
acides, au moins assez parfaitement pour fermer des
(2) :
sels, et que d’un autre côté, des sels unis entre ‘eux
ou à un excès de base, ou à un excès d’acide,
peuvent donner naissance à de nouveaux corps salins.
Ce qu'il s'agirait de trouver pour parvenir à un
procédé très-simple, ce serait un agent qui produisit
avec chacun des genres des phénomènes bien dis-
tincts ; mais on n’en conmaît aucun qui ait cet
avantage, et voici l’expédient que M. Thierry imagine
pour y suppléer. À défaut d’un moyen d'arriver
immédiatement à la connaissance du genre, on peut,
dit-il, former des onze genres un certain nombre de
groupes , et l’on résoudra le problème en détail, IL
choisit pour cette opération lacide sulfurique , et
| justifie la préférence qu'il lui donne , soit sur le ca:
lorique , soit sur le charbon, soit sûr tout avtre
agent. Les effets que produit l'acide sulfurique sur
les onze genres de sels proposés, se réduisent à trois :
absence de vapeurs et d’effervescence | marqué par
zéro ; effervescence sans vapeurs , vapeurs. De là trois
sections , dont la première contient quatre genres,
la seconde deux, la troisième cinq. Ainsi, en opé-
rant sur un sel dont on cherche à découvrir le genre,
on connaîtra par cette première épreuve que c’est
un sulfate, un phosphate, un phosphite, ou un
borate, s’il appartient à la première section ; un sul-
fite ou un carbonate, s’il appartient à la seconde ;
et enfin un des cinq autres genres , s’il appartient
à la troisième, L'auteur montre ensuite comment on
B 3
(2)
réduit la solution à un seul genre, soit immédiatement »
soit par l'élimination successive des autres. |
Ce mode d'analyse présente trop de simplicité et
de facilité, pour qu’on ne désire pas que son appli-
cation soit étendue aux espèces.
UT SNNEEE = “HA NU SAR
Essai sur l'influence du tempérament des médecins
dans leur.pratique et leurs écrits , par M. TRoUvÉ.
L'auteur déclare ne vouloir point discuter la
théorie des tempéramens , sur laquelle , il se contente
de comparer les principes des anciens avec ceux des
modernes , à l'avantage de ces derniers. Il sé borne à
en faire l'application qu’annonce le titre de son mé-
moire , et à présenter un résultat qu'il croit n'avoir
encore été traité par personne, Baglivi lui paraissant
ne l'avoir qu’indiqué , sans le développer ni l'appro-
fondir. Ses preuves consistent surtout en faits , soit
généraux , soit particuliers, dont l'opinion qu'il veut
établir, semble être une conséquence , sinon toujours
infaillible , au moins toujours très-probable, La pre-
mière observation qu’il rapporte, et qu'on peut ré-
péter souvent dans les hôpitaux , c'est la diversité
frappante, quelquefois même l'opposition absolue
dans la pratique de deux médecins également dis-
tingués par leurs talens , imbus des mêmes principes,
(23)
instruits a la même école, vivant dans les mêmes so-
ciétés , etexerçant dans des circonstances parfaitemen
semblables. Ce n’est , selon lui , que par l'influence du
tempérament qu'on peut expliquer ce contraste, qui
a exposé la médecine au reproche de n'être qu'une
science conjecturale, et qui a provoqué contre elle
tant d'attaques, ou sérieuses , ou plaisantes. Et pour
confirmer ce raisonnement , il présente, d’après le
docteur Pinel, l'histoire critique de deux médecins,
dont l’un, d’un tempérament bilieux à l'excès, por-
tait dans toutes ses opérations un caractère de préci-
pitation et de hardiesse , presque toujours fâcheux
pour ses malades , et l’autre , d’une constitu-
tion éminemment lymphatique , agissait toujours
avèc une lenteur et une timidité qui n'étaient pas
moins funestes. Il rapporte, à cette occasion , l'exemple
d’une opiniâtreté téméraire du docteur Tronchin, qui
après avoir précipité au tombeau une amie qui lui
était très-chère, en l’inoculant contre l’avis de tous
ses confrères, dans une saison très-dangereuse , suc-
comba lui-même , au bout de trois mois, à ses re-
grets et à ses remords.
Ce n'est pas seulement dans la médecine que ces
effets du tempérament personnel du praticien peuvent
s’observer ; c’est même dans la chirurgie , quoique
sa marche semble assujettie à des règles bien plus cer-
taines et plus évidentes : et des faits que M. Trouvé
2 eus sous les yeux ne lui permettent pas de douter
B 4
(24) |
que , tantôt la pétulance présomptueuse, tantôt la cir=
conspection pusillanime d’un chirurgien , soit dans
le traitement des plaies, soit dans les accouchemens
ne soit souvent meurtrière. |
Cette influence se fait sentir principalement dans
ces consultations médicales , où l’homme vif, d’un
caractère tranchant , surtout s'il est doué du talent
de la parole , s’il jouit d’une grande considération ,
est presque sûr de triompher de la défiance et de
la modération deses confrères, quelque éclairés qu’ils
soient : et c’est ce qui arriva à Marseille dans l’épi-
démie de 1720, où tout céda à l’ascendant de
quelques coryphées de la science , excepté le seu
Bertrand , qui éloigné de leurs délibérations, osal
montrer leurs erreurs avec autant de franchise que
de modestie.
Notre collègue croit trouver encore dans une dis-
position organique la cause de ce qu’il appelle cette
manie de quelques médecins de ne traiter que certain
genres de maladies. Quant au penchant que plusieurs
ont à voir partout celle dont ils sont eux-mêmes
affectés , il a été remarqué par Baglivi et. Zimmers
mann ,; dont le dernier cite l'exemple du fameux-
Bouvard, qui n’ordonnait les antiscorbutiques avec
tant de confance et de’ profusion, que parce qu’il
croyait voir chez tous ses malades la cachexie dont
il était lui-même atteint. Cette circonstance est souvent
le principe des réputations exclusives pour la guéri-
son de certaines affections ; et c’est à elle qu’un de
(25)
nos collègues, dont la mort a excité des regrets uni-
versels , attribuait l'opinion qu’on avait de son habi-
leté dans le traitement des maladies de poitrine. Mais
‘une pareille opinion peut être très-fondée > parce qu'il
est présumable qu’un homme qui a éprouvé une in-
firmité est plus propre à la reconnaître et'à la guérir
dans les autres.
L'influence du tempérament dans les écrits paraît
peu susceptible d’être contestée ; et plusieurs des
exemples qu’en cite M. Trouvé, prouvent qu'il
ne la restreint pas aux ouvrages des médecins. Il en
est de même, à pe forte raison, des vociférations
aussi satyriques qu ’injustes, qu’il reproche à Bouvard
contre Bordeu et Tronchin ; et l'on a pu observer
de tout temps, que les écrivains, en quelque genre
que ce soit, d’un caractère violent et emporté, sont
sujets à se laisser dominer par leur passion.
Au reste M. Trouvé est loin de croire qu'il y ait
_des tempéramens incompatibles avec une sage pratique
de l’art médical, Il y a des moyens de détruire, ou
au moins d’atténuer extrêmement cette influence de
l’organisation , et de faire prévaloir la raison et la
science. Il développe ces moyens dans un recueil
de préceptes qui termine son mémoire.
on At nent l paei
Outre les écrits qui ont été lus par leurs auteurs
dans les séances académiques , la correspondance des
associés et de quelques autres savans a procuré un
grand nombre d'ouvrages, dont plusieurs ont été
(26)
l’objet d’un examen particulier et du rapport d’une
commission. On doit distinguer parmi ces produc-
tions celles qui traitent quelques-unes des questions
énoncées dans la notice de la séance publique de
l'année précédente, et sur lesquelles l’académie in-
vitait les personnes qu'elles pouvaient intéresser, €t
spécialement ses correspondans , à diriger leurs re-
cherches.
Quelle est la nature du petit poisson connu à Can
sous le nom de Montée, qui se pêche dans l'Orne
à des époques périodiques ?
Tel était l'énoncé du 14°. article du programme
lu dans la séance du 18 Mai 1810, et qui était
lobjet des deux mémoires de M. Nicolas et de M.
Lamouroux , dont il a été rendu compte. Un autre
mémoire sur le même sujet a été adressé à l’académie
dans la forme usitée pour les concours. IL porte pour
épigraphe ce passage de Pline : z2ultum adhuc restat
operis , multumque restabir , nec ulli nato post mille
sæcula precluditur occas'o aliquid adjiciendi. l'au-
teur, après une analyse exacte et méthodique, qui
prouve qu’il a de bons principes de théorie, et l'ha-
bitude de ce genre d'observations , conclut que la
montée appartient au genre mwræna, et propose de
la nommer mwræna Cadomensis. Cette conclusion a
été jugée insuffisante, comme ne renfermant que la
she
(CE7)
partie la plus facile de la solution. En effet il s’agis-
sait moins d'établir que la montée était renfermée
dans le genre murène , que de comparer ses caractères
avec ceux des autres espèces du même genre , afin
de décider si elle avait des différences assez essentiel-
les pour constituer une espèce distincte , ou si elle
devait être rapportée à une des autres , par exemple
à l’anguille ou au congre. Au reste il a été remar-
qué que l’auteur du mémoire, étant éloigné de Caen,
et n'ayant pu se procurer que des individus morts
de l'espèce qu’il s’agissait de déterminer, n’a pas été
à portée de faire des observations aussi sûres et
aussi complètes que s’il eûtété sur les lieux.
Quels sont les effers de le terreur sur l'économie
animale à
Deux mémoires sont parvenus à l’Académie sur
cette question. Le premier porte pour épigraphe,
Terrorem spectant tetanus , pallorque virescens,
Et tremor, anxietas , vesania , deliquium et mors.
L'auteur, pour définir la terreur , dit qu’elle est
la plus violente de toutes Les passions de l'âme , er
la seule dont on ne puisse éviter les funestes attèintes:
la plus violente, parce qu’elle intervertit en un ins-
tant l’ordre de toutes nos fonctions , et peut entière-
ment nous détruire ; la seule inévitable , parce qu’elle
est indépendante de la réflexion , et que naturel-
(28)
lement tous les hommes frémissent à l’aspect d’un
objet affreux , d’un péril imminent. Il tire des
poëmes d’Homère et de Virgile, et ensuite des livres
saints, un grand nombre d'exemples, en vue de con-
firmer ces deux caractères qu’il assigne à la terreur.
Mettant néanmoins des restrictions au dernier , il
montre par des traits d’un autre genre , que certaines
affections morales, surtout celles qui sont exaltées par
une inspiration surnaturelle , peuvent rendre l’âme
supérieure à l'impression des maux ou des dangers
les plus terribles. De ce contraste des hommes qui
cèdent à l’empire de l’organisation commune, et de
ceux qui s'élèvent au-dessus de la nature même, il
passe à celui que présentent ces êtres atroces qui
épouvantent l'humanité par leurs fureurs, opposés à
ces personnages généreux et bienfaisans , dont la vertu
est digne d’admiration. Revenant aux effets qui ont
été cités, dit-il, comme attributs de La terreur, l'im-
mobilité | le tremblement, la pâleur , l'extrême agilite ,
l’aphonie, la syncope , le trouble de l'âme , la stupeur ,
lespèce de pérrification du cœur , etc. , il ajoute même
l'extinction totale de la vie ; y voit les suites d’une
secousse que donne à tout le corps l'âme épouvantée
par un danger réel ou mensonger , le caractère d’une
maladie évidemment tonique , évidemment convulsive.
Après une courte digression sur l'impossibilité d’expli-
quer le moyen de cette action de l’âme sur le corps,
et la témérité d’une pareille tentative , il développe par
(29)
des descriptionset par desexemplesle tableau dont ilavait
présenté l’esquisse , et conclut, en se résumant , que
la terreur est en effet Z plus redoutable de routes
ks affections de l’éme, Tous les détails sont ap-
puyés de citations. Des considérations d’un genre
tout-à-fait oratoire sur l’'admirable constitution ‘de
Phomme, tant au physique qu’au moral, terminent
le mémoire.
Suivant le rapport d’une commission, dont l’A-
cadémie adopta le jugement , ce travail annonce une
instruction étendue et un talent remarquable, 1l of-
fre une diction élégante et ornée, un ton souvent
éloquent , et même pathétique; mais l’auteur s’est
trop abandonné à son imagination , comme il en
convient assez clairement lui-même en quelques en-
droits ; il n’a point suivi cette marche méthodique
qui pouvait seule , dans une discussion de cette nature,
le conduire à une conclusion rigoureuse. Une partie
considérable de son ouvrage se compose d’ornemens
tout-ä-fait étrangers au point de la question; les
qualités qu'il attribue à la terreur , sous la forme
dune définition , présentent quelque chose de vague
et d’obscur , et sont susceptibles d’être contestées ,
puisque, d’une part, la violence des.affections ne
tient pas absolument à leur nature spécifique, mais
dépend d’une multitude de circonstances , soit inté-
rieures , soit extérieures , et que de l’autre on ne voit
pas bien en quel sens il pourrait être vrai de dire.
(30)
que l’on peut se soustraire aux autres impressions qui
nous viennent du dehors, et que la terreur seule
est inévitable.
Quant à ce qu'il y a de plus précis dans cette
dissertation, savoir que la terreur produit des effets
essentiellement toniques , opère la cohesion des mo-
lécules organiques , l'excès de ron des organes , cette
opinion a été regardée comme erronée. « La ter-
reur, comme le rapporteur de la commission l’a énoncé ,
porte sa principale action sur le centre phrénique,
et de là sur tout le systême nerveux et sur les prin-
cipaux organes de l’économie animale ; l’homme qui
en est frappé , éprouve un sentiment de froid par
tout le corps, il frissonne par tous ses membres, il
est saisi d’une anxiété extrême ; il y a constriction
spasmodique de tous les capillaires ; la pâleur s’em-
pare de lui, ses muscles sont frappés d’atonie , 1l
tremble malgré lui; ses sphincters se rélâchent , les
urines, les matières fécalesimême , sont expulsées in-
volontairement ; quelquefois il tombe sans sentiment
et sans parole »; et ces accidens, dont la plupart
sont cités par l’auteur lui-même comme les effets
les plus ordinaires de la terreur , ne supposent pas
un excès de ton des organes. Si l’on a observé quelques
phénomènes contraires, ils doivent être attribués à
des conditions extraordinaires, ou à une réaction se-
condaire , plutôt qu’à un mode d’action immédiat et
essentiel.
(isa)
Le second mémoire sur la même question porte
pour épigraphe :
Obstupui , steterunt que come , vox faucibus hesie:
Ænéid. lb. Il. v. 774.
Il a paru rédigé avec netteté , et dans les princies
de la saine physiologie; et l’Académie a décerné à
sen auteur, M. Guittard, médecin à Bordeaux, une
des médailles d'argent annoncées dans le programme.
Remontant aux premiers principes de ces modifica-
tions si ncmbreuses et si diverses qui changent à chaque
instant l’état de nos organes, le plaisir et la douleur ,
M. Guittard montre l’âme tantôt attirée par les objets
qui lui sont agréables , tantôt repoussée par ceux qui
lui déplaisent. Dans le premier cas, le systéme ner-
veux s’épanouit, tout l'organisme paraît s’élancer au
devant de la sensation ; dans le dernier, le système
nerveux se resserre , ainsi que les organes qu’il met
en jeu : dans l’un et l’autre , les fonctions de
l'économie animale se resentent de cet état moral.
Mais indépendamment de ces passions que l’auteur
appelle primitives et simples , il admet plusieurs af-
fections qu’on peut considérer comme mixres , ce qui
produit alternativement ou à la fois des effets con-
traires , ayant une influence tantôt favorable et tantôt
(32)
funeste à l'harmonie des fonctions du corps humain ;
selon l'intensité de leurs causes, la constitution des
individus sur lesquels elles agissent, leur sexe, leur
âge , le temps ou les circonstances de leur développe-
ment, etc.; et il range dans cette derniere classe la
terreur, passion qui nait, dit-il, de l'émorion excitée
dans l'âme à la vue d’un grand mal ou d'un grand
péril, qui a lieu instantanément , et nous frappe &
d'improviste.
Après avoir comparé la serreur avec les impres-
sions analogues que présentent les mots peur, frayeur »
effroi , il expose les phénomènes quelle produit dans
P P q P
ses divers degrés , développe les désordres qu’elle
cause. Il la considère comme portant sa principale
action sur le régime épigastrique; et de là sur tout
le système nerveux.
« C’est par ce méchanisme, dit-il, qu’elle déter-
# mine une secousse le plus souvent funeste, mais
»# qui pourtant peut être, dans certains cas salutaire,
» selon que l’économie animale réagit plus ou moins
» puissamment contre elle. » Selon lui, la terreur
frappe d’une atonie plus où moins complète l’estomac
— et tous les organes digestifs, comme le prouvent le
saisissement et l'anxiété qu’on ressent : de là le trouble
des digestions, les jaunisses subites, l’ictère noir, etc. ;
Elle détermine un spasme général, qui se commu-
nique à divers organes , et fait quelquefois affluer le
sang en abondance vers certaines parties : de là
l’hémoptysie ,
(3%)
lhémoptysie , les hémorragies utérines , l'avortement ;
des anévrismes du cœur, des apoplexies prompte-
ment mortelles, etc. , etc. Il peut arriver que la
vive impression que reçoit le système phrénique se
réfléchisse sur le cerveau avec violence : de là l’épi-
lepsie , la catalepsie, la paralysie , la folie, la manie , etc.
Elle peut aussi débiliter tellement le système lympha-
tique , qu’on lui a vu produire des engorgemens glan-
duleux qui sont devenus squirreux.
Après avoir décrit les effets pernicieux de la ter-
reur ; et apporté en preuve des plus considérables ,
des faits bien avérés, M. Guittard indique quelques
circonstances dans lesquelles cette vive affection de
Pâme a été salutaire. Il cite, sur l'autorité d’Hil
danus , de Salmuth et de Daignan , trois exemples
de goutteux guéris par une impression de cette nature;
et dans l'explication qu'il donne de ces phénomènes,
il énonce l'opinion que la guérison de plusieurs
maniaques obtenue en partie par leur immersion dans
l'eau de la mer, pourrait bien être due à une per-
turbation produite par une frayeur subite et consi-
dérable, plutôt qu’à une prétendue spécificité de ces
sortes de bains. C’est sans doute une conjecture pa-
reille qui dirigea Boerrhave, lorsque s’entourant adroi-
tement d’un appareil de terreur, il arrêta dans l’hôpi-
tal d'Harlem des convulsions qui semblaient se pro-
pager par une espèce de contagion. Au reste, en
citant cet exemple et quelques autres semblables ,
C
se)
l’auteur réserve au génie seul le privilége d'employer
ces moyens toujours dangereux, et qui ne doivent
jamais être tentés qu'après l'insuffisance bien cons-
tatée des remèdes ordinaires.
Le rapporteur de la commission a exprimé du regret
de ce que l’auteur du mémoire n’avait pas considéré
son sujet sous deux rapports bien dignes d’attention.
Le premier est l'intensité qu’acquièrent les effets de
la terreur , lorsqu'elle frappe à la fois un grand
nombre d'individus. Quelle consternation , dit-il, et
quel mal ne produit-elle pas dans les lieux où règnent
des maladies pestilentielles ? n’est-ce pas avec la ter-
reur seule que le conquérant met quelquefois en dé-
route les armées les plus nombreuses , qu’il réduit les
cités les plus populeuses, qu'il fait subir le joug à
des nations entières ? c’est souvent avec cette arme
puissante que les tyrans donnent des fers aux peuples
subjugués. L’autre considération est relative aux effets
moraux de la terreur, à cet avilissement humiliant
auquel elle réduit l’homme, à cette perte de tout
courage, de tout sentiment généreux et bienfaisant
qui en est la suite ordinaire, à cet oubli des plus
saints devoirs, à ces noires trahisons , à ces lâches
délations , enfin à toutes les actions honteuses dont
elle rend capable. Toutefois | quelqu’intérêt que
puissent présenter ces points de vue , il faut avouer
qu’ils ne pouvaient entrer que secondairement dans
l'examen d'une question qui avait pour objet propre
les effets de la terreur sur l’économie animale,
. (359
Lil
mar nn,
Notice sur des matières renfermies dans le sol du Dé:
partement du Calvados , qui sont propices pour des
manufactures chimiques ; pat M. CHAMBERLAIN,
Directeur de l’exploitation des mines à Honfleur,
associé-correspondant de l’Académie.
Quoique le petit écrit adressé sous ce titre à l’A-
eadémie ait quelque rapport avec la IX£. question
du programme, il n’a point été regardé comme pièce
de concours , parce que son auteur s’est fait con-
naître, et que d’ailleurs il n’a point traité formel-
lement le sujet proposé.
M. Chamberlain, muni d’un privilége du gouver<
nement pour l'exploitation des pyrites et terres vitrio=
liques , n’a pas cru inutile d'informer l’Académie de
la découverte qu'il a faite le long des côtes du Cal-
vados, d’une tourbière sulfureuse très-abondante et
d’une exploitation facile. En vantant les propriétés
de la tourbe qu'il en a tirée , il les déduit de ses
principes constitutifs , et explique la formation de
l'acide sulfurique qu’elle produit. Il s'étend sur les
grands avantages qu'on peut tirer des sels en général
dans l’agriculture , et indique un procédé simple pour
les employer dans les ensemencemens. Il cite aussi
un essai du souffre fait par M. Bréard, et dont le
succès a surpassé ses espérances. En reconnaissant les
G' 2
C36Y -
bons effets du plâtre dans quelques ças, M. Cham-
berlain ne dissimule pas l'opinion de ceux qui pré-
tendent que les chevaux nourris avec des fourrages
auxquels il a servi d'engrais, sont sujets à devenir
poussifs et à perdre la vue. En considérant cet in-
convénient par rapport au plâtre, et par rapport au
souffre, celui d’une importation prodigieuse et d’une
grande consommation de combustible , il conclut que
Femploi de la tourbe qu’il a découverte serait beau-
coup plus avantageuse, et plus économique dans les
procédés qu’elle exige. Où il existe une manufacture
de soude , il conviendrait , suivant notre corres-
pondant , d'établir une fabrique de savon. Il termine
sa notice par des considérations sur les résultats beau
coup plus profitables qu’on obtiendrait dans la fa-
brication de la soude de varec , au moyen d’une ma
nipulation mieux entendue.
Mémoire sur la cristallisation du basalte, par M,
GEOFFROY , associé-correspondant.
« La formation du basalte , a dit M. Trouvé ;
dans un rapport sur ce mémoire, est une des ques-
tions les plus importantes qui aient été agitées par les
géologues. On range ceux qui s’en sont occupés en
deux classes, suivant qu'ils attribuent son origine au
feu ou à l’eau : de Hà les dénominations de Vo/cas
(37)
nistes et de Neptuniens qu’on leur a données. M.
Geoffroy se range ouvertement du parti des premiers,
parmi lesquels on compte Buffon , Dolomieu, Des-
marets, Faujas et Haui. Bergmann et Valerius sont
les chefs du parti opposé, »
« M. Geoffioy , continue le rapporteur, après
avoir parlé dans son mémoire du spectacle aussi im-
posant qu'instructif qu’offre aux regards du géologue ,
la nature dont les entrailles ouvertes vomissent et
jettent à des distances considérables ces produits que
lon nomme volcaniques , observe que c’est à seu=
lement qu’on peut prendre des idées justes sur la
formation de ces matières , et paraît regretter de
n'avoir pu jouir d’un pareil avantage. Il ne parle
lui-même du basalte que d’après des échantillons
recueillis dans l'Auvergne, et qui lui ont été remis
par un naturaliste distingué, M. Ramond. »
» Un examen attentif fait penser à M. Geoffroy
que le basalte n’est point formé de molécules si-
milaires, mais au contraire irrégulières et toutes dif-
férentes. Comment expliquer , d’après cela, les prismes
trièdes assez réguliers du basalte, qui semblent devoir
être le résultat d’une vraie cristallisation ? c’est |à
le probléme de géologie que M. Geoffroy se propose
de résoudre, Suivant lui, ce serait grossièrement se
méprendre de juger que les prismes de basalte se sont
formés au milieu d’un fluide par une attraction mu-
tuelle de molécules qui seraient attirées réciproque-
C 3
(38)
ment dans le sens de leurs faces. Si la nature, pour
produire des corps réguliers, est souvent lente dans
ses combinaisons, on la voit aussi les former comme
d’un jet, lors même qu’elle semble observer les lois
de la plus sévère géométrie. »
L'auteur du mémoire entreprenant d’expliquer la
cristallisation du basalte, avertit de ne pas perdre de
vue qu’en sortant des volcans cette matière est d’abord
fluide, et qu’en se répandant en nappe sur un plan à
peu près horizontal , où elle se refroidit , elle consti-
tue le basalte en table , dont on a vu, dit M.
Faujas Sr. Fond, des pièces ayant jusqu’à 36 pieds
de largeur. Quant au basalte en masse, objet prin-
cipal de son attention, cette matière fluidifiée par le
feu sonterrain lui paraît différer essentiellement de la
lave, en ce que devenue solide elle est compacte
et sans soufflure. Elle se précipite du sommet des
volcans, et acquiert de la consistance par le refroi-
dissement : les substances hétérogènes qu’elle avait
saisies en s’échappant ont été rompues à la suite du
retrait que ce refroidissement lui fait subir, Telle est
l'opinion de M. Geoffroy , qu'il fonde sur le seul
examen des échantillons de basalte qu'il possède. M.
Trouvé après avoir cité ses raisonnemens , s'étonne
qu'il n’ait pas envoyé au moins un ou deux de ces
échantillons à l’appui d’un fait nouveau et inconnu
aux géologues.
Suivant le sentiment exposé par le rapporteur , la
(39)
formation des prismes de basalte, dont on voit un
exemple si extraordinaire dans les nombreuses co-
lonnes qui constituent dans le comté d’Antrim en
Irlande ce groupe fameux connu sous le nom de
chaussées des péans , ne peut être assimilée à ces belles
cristallisations que présentent les entrailles de la terre.
Une preuve frappante que les prismes basaltiques ne
résultent pas des mêmes lois, ce sont ces différences
bien prononcées entre ceux qui proviennent du même
endroit. La mesure des angles n’est pas la même; le
degré d’inclinaison des pans varie. Dès lors plus d’é-
galité d'incidence des parties situées également : carac-
tère qui distingue si éminemment les cristaux pier-
reux et métalliques.
Au reste, si la théorie de M. Geoffroy n’a pas
présenté à la commission ce caractère entraînant
de vérité qu’un esprit exact aime à voir dans tous
les objets qui l’intéressent, elle ne l’a pas trouvée
dépourvue de vraissmblance, et elle a pensé qu’on
devait savoir gré à l’auteur d’avoir cherché à ajouter
aux travaux de M. Desmarets, qui a émis avant lui
la théorie du retrait. Malgré cet hommage rendu
au zèle et aux connaissances géologiques de notre
correspondant , le rapporteur a déclaré qu’ilétait encore
difficile de fixer son opinion , et de prendre parti pour
les yolcanists ou les neptuniens. Ne serait-il point
plus sage, dit-il en finissant , ainsi que l’observe le
savant Haui, d'attendre qu’une étude plus approfon-
C4
( 45)
die des faits fasse jaillir un trait de lumière auquel
personne ne puisse fermer les yeux ?
Lente)
Sur Les agates , par le même associé-correspondant.
M. Geoffroy a aussi envoyé a l’Académie un mé-
moire sur les agates, qui a été l’objet d’un rapport
de M. Lamouroux.
L'auteur s’estattaché, dit-il , à étudier divers échan-
tillons d’agate qu’il possède , il les a comparés tant
entre eux , qu'avec d’autres pierres qui présentent des
caractères analogues. Cet examen attentif, qui lui a
paru nécessaire pour acquérir quelques lumières sur
la nature dés agates et les causes de certaines parti-
cularités qu’elles présentent, l’a conduit à juger qu’elles
sont composées, ou plutôt que leur matière propre
ne sert guères que de ciment pour unir les diverses
substances que l’on y découvre. Il cherche à expliquer
quelques-uns des accidens qu'il a rémarqués dans
cette espèce de pierre, et cite les opinions de divers
naturalistes. Pour vérifier celle qui y reconnaît la cal-
cédoine , la sardoine, la cornaline , l’opale, l’onix, ila
eu, dit-il, recours à l'observation, qui lui a appris
que beaucoup d’agates n’offrent aucun indice propre
à faire soupçonner quelqu’une de ces substances.
Quant aux taches et aux veines qu’on y remarque,
ses explications précédentes lui paraissent en fendre
suffisamment raison.
(41)
Suivant le rapoorteur, les observations dont M:
Geoffroy donne le détail ne fournissent aucun résultat
qui ne fût déjà connu des naturalistes , et il aurait
pu s'étendre beaucoup d’avantage sur la composition
et sur les innombrables variétés des agates sans rien
dire qui ne soit contenu dans leurs ouvrages. Il n’en
faut pas moins féliciter cet observateur aussi exact
que zélé, quien découvrant par ses propres recherches
des points de théorie déjà consignés dans les livres,
montre par là même qu'il est sur la voie de nouvelles
découvertes; et on doit l’engager à poursuivre un
genre d'étude très-important , dans lequel 1l assurera
ses succès en comparant le résultat de ses travaux
avec la doctrine des maîtres les plus recomman-
dables.
Projet d'un appareil propre à faciliter le séjour des
hommes au fond des eaux , par M. DELAVILLE,
associé-correspondant.
Ce qui distingue ce projet de beaucoup d’autres
conçus dans les mêmes vues , c’est l'application des
réservoirs d’air comprimé, tels que celui du fusil à
vent. L'auteur donne la description dmbateau pour
lequel il propose ce nouveau moyen de fournir plus
ou moins long-temps à la respiration , sans commu
nication avec l'air extérieur. Il a même joint à son
(4)
mémoire un plan qui facilite l'intelligence de son
exposé. La capacité du bateau est divisée en une
calle, qui en forme le fond, et un entrepont au=
dessus, destiné au séjour de l'équipage. Ces deux
compartimens sont hermétiquement fermés , et leplan-
cher intermédiaire quiles partage , ainsi que le plan-
cher inférieur de la calle, et le plancher supérieur de
l'entrepont , ont chacun unseul trou , qui s'ouvre et
se ferme à volonté par des soupapes. Il y a dans
lentrepont un certain nombre de boîtes remplies d’air
comprimé, qu’on en laisse échapper au besoin par le
moyen d’un robinet. Faire descendre le bateau sous
l'eau , le faire remonter , renouveller l’air lorsqu'il a
cessé d’être suffisamment respirable : telles sont les trois
opérations auxquelles M. Delaville prétend pourvoir
par son mécanisme. Pour la premiere, il ouvre les
soupapes des trois planchers. L’eau qui s’introduit
par le trou du fond , chasse une partie de l'air de
la calle dans l’entrepont , d’où il en sort une égale
quantité par l’ouverture d’enhaut , jusqu’à ce que
le surcroît de pesanteur submerge le bateau: alors
il ferme toutes les soupapes. Veut-il remonter ? lais-
sant la soupape d’enhaut fermée, il ouvre les deux
autres, et lâche autant d'air comprimé qu’ii en faut
pour forcer igau de la calle à sortir , jusqu’à ce que
le bateau soit sufhisamment allégé. Enfin pour re-
nouveler Pair , ouvrant ses trois soupapes, il fait
entrer dans l'entrepont celui qui reste dans la calle; et
(43)
en cas d'insuffisance , 1l ferme seulement la soupape
supérieure, puis laisse échapper de ses boîtes ce qu’il
veut d'air comprimé.
Une commission, dont M. Prudhomme a été rap-
porteur , a reconnu tout le mérite de l’idée ingénieuse
qui sert de base au projet de M. Delaville ; mais
élle a regretté qu'il se füt borné à un exposé très-
succinct de son mécanisme, sans entrer dans aucun
développement , sans prévenir aucune des difficultés
d'exécution , et sans appuyer d'aucun raisonnement
ni d'aucun calcul les résultats qu’il suppose. IL n’a
pas dit quelle forme et quelle dimension il donnerait
à l'ouverture du plancher supérieur pour s’assurer que
l'eau qui le couvrirait n’entrerait pas par une partie
de cette ouverture, en même temps que l'air s’échap-
perait par l’autre. Il n’a point parlé non plus des
manœuvres qu'il pourrait être nécessaire d'exécuter
à lextérieur. On ne peut qu’inviter l’auteur à examiner
avec soin toutes les parties de son projet, et à ne
pas abandonner les grands avantages que laisse au
moins entrevoir un moyen très-précieux , soit qu'il
lait conçu le premier , soit que d’autres, à son insu ,
laient déja employé pour produire des effets sem-
blables à ceux qu’il se propose,
L'Académie a reçu un nouveau manuel métrique
et des sables de conversions des livres reurnois en
(44)
francs et des francs en livres , suivies des tarifs pour
Ls anciennes monnoies d'or et d'argent, par M. PE-
RIAUX de Rouen ; un discours prononcé par M.
DESGENETTES à l'ouverture des écoles de médecine,
et un article sur Les parotides dans les maladies aigues ;
un glossaire de botanique de M. DE THÉIS ; un mémoire
de M. MOLLET sur deux faits nouveaux , l'inflam-
mation des matières combustibles et l'apparition d’une
vive lumière obtenues par la seule compression de l'air ;
un coup d'œil sur le réranos, par M. VALENTIN;
un ouvrage de MM. CUVIER et BRONGUIARD sur
la géognosie ou minéralogie géographique des environs
de Paris, dont M. LAMOUROUX a présenté une
analyse.
SRE BR VE ES DT RE RE PET ASE SRE PERRET
. SECONDE SECTION
PARTIE LITTÉRAIRE.
LU a To Ve a To ns
Dissertation eur l'épigramme , par M. de BAUDRE:
L: nom d’épigramme ne signifie qu’une inscription ,
ainsi que l’entendaient les Grecs, qui en avaient pris l’u-
sage des Egyptiens. Les inscriptions , dit M. de Baudre,
furent mises d’abord dans la prose la plus simple,
et souvent même elles se réduisaient au monogramme,
(45 )
On en faisait Sur toute sorte desujets; mais la langue
Grecque avait le nom dépiraphe | pour distinguer
celles qui étaient mises sur les tombeaux.
Le sens général du mot épigramme a été restreint
par un usage postérieur à désigner un petit poëme
remarquable par une pensée piquante et maligne.
C'est de cette épigramme, qu'il appelle satyrique ;,
que M. de Baudre donne ici une sorte de poétique.
Il n’en détermine pas l'étendue avec précision; mais
il croit que les plus longues ne doivent pas excéder
quinze ou seize vers. Dans la comparaison qu’il fait
des épigrammes de Catulle et de celles de Martial,
il remarque dans le premier de ces poëtes du naturel,
de l’aménité , une finesse et une délicatesse continues ,
sans rien de saillant à la fin de la pièce ; dans l’autre
au contraire, un trait piquant qui termine l’épigramme,
et pour lequel tout le reste semble fait : ce qui donne l’idée
de deux différentes espèces. L’épigramme admet des vers
de toutes mesures : c’est surtout le sujet qui doit en
déterminer le choix, selon qu'il est noble et sérieux,
ou simple et badin. En faisant remarquer les divers
caractères des épigrammes , qui plaisent chacune à
leur manière , M. de Baudre a soin de citer des
exemples qui expliquent et appuient ses distinctions,
et dont quelques-uns sont de sa composition. À la
suite de ses observations sur ceux de nos poëtes chez
qui l’on trouve plus particulièrement des traits de cet
esprit fin et épigrammatique qui car actérise surtout
(46)
les poëtes Français, et que Voltaire , Qui le possédait
à un degré éminent , faisait entrer dans toutes ses
compositions , il regrette que la licence et lobscé-
nité gâtent presque toujours un genre de poésie qui
amuserait sans nuire aux mœurs, et souvent même
en les servant, s’il se renfermait dans les bornes d’une
gaîté décente et d’une malice agréable, sans aigreur
et sans méchanceté.
Notices sur Segrais, par M. LAIR:
M. Laïr plein de zèle pour la mémoire de tous
les hommes qui ont contribué à la gloire de sa ville
natale , a voulu entretenir ses collègues d’un écrivain
qui a des droits particuliers à leur estime et même
à leur reconnaissance , puisqu'il accueillit leurs pré-
décesseurs dans sa maison avec une extrême bien-
weïllance , lorsque la mort de M. de Matignon eut fait
perdre à l’Académie des Belles-Lettres de cette Ville
un zèlé protecteur. En rappellant une partie des faits
consionés dans les auteurs de biographie , il y a ajouté
quelques particularités moins connues.
Jean Regnault de Segrais, né à Caen le 22 Août
1624, y mourut le 2$ Mars 1702. M. le Comte de
Fresque , charmé de ses talens, l’emmena , encore
fort jeune à Paris, où il entra chez Mademoiselle
(47)
de Montpensier en qualité de gentilhomme ordinaire
de sa chambre. Mais malgré les agrémens de son esprit,
et son succès dans les poésies légères et galantes, qui
ctaient alors en vogue , sa franchise naturelle, peu
convenable à la Cour, et surtout le courage qu’il
eut de blâmer le mariage de la Princesse avec le
Duc de Lauzun , le firent disgracier. Il ne profita
que peu de temps de l'asile qu’il avait trouve chez
Mademoiselle de la Fayette, et, dégoûté peut-être
du grand monde , il se retira dans sa patrie , qui
était alors le séjour des Bochard, des Halle, des
Morin , des Huer et d’autres hommes distingués par
leur mérite. Nommé Echevin de Caen, il posa eri
cette qualité la première pierre de l'Église des Jésuites,
chez lesquels il avait fait ses études. Madame
de Fontevrauls et Madame de Maintenon V’en-
gagèrent vainement à revenir à la cour , où elles
voulaient le placer auprès du jeune Duc du Maine:
il opposa son âge déjà avancé et un commencement
de surdité. Madame de Fonteyvrault eut beau lui
représenter qu'il ne s’agissait pas d'écouter le Prince,
mais de lui parler ; il savait par expérience, disait-il,
que dans un pays comme celui-là , il fallait de bons
yeux et de bonnes oreilles. Il passa le reste de sa vie
entre les soins de l'administration et la culture des let-
tres. Sa maison était le rendez-vous de toutes les per-
sonnes de distinction et de mérite. Ona peine à con-
cevoir qu’une vive discussion avec Huet sur un pas-
(48)
sage des géorgiques de Virgile ait été capable de di=
viser pour toujours deux hommes aussi recomman-
dables.
M. Lair, en citant les productions qui ont fondé
la réputation littéraire de Segrais , loue avec une
justice impartiale et sans aucune exagération le
goût qui s’y trouve, bien plus que la grâce et la
correction, et il avoue même que Boileau lui paraît
avoir traité ce poëte avec trop d'indulgence dans son
art poétique. La traduction des égloques de Virgile,
à laquelle s’applique le jugement de ce critique , Or-
dinairement si sévère, est quoi qu’on en ait dit, fort
au-dessous de l'original. Segraistraduisit aussi les géor=
giques et l’énéide du même poëte. Il avait débuté
de très-bonne heure dans la carrière poétique par
une tragédie sur la mort d’Hippolite et par divers
morceaux qui annonçaient du talent, Son poëme
pastoral d’Arhis , composé en l’honneur de son pays
offre une invention piquante , des fictions agréables ,
quelquefois la belle simplicité des anciens ; mais l'au=
teur a placé le théâtre des aventures qu’il décrit dans
des lieux trop obscurs et trop peu connus pour in-
téresser beaucoup de lecteurs.
M. Lair n’a point négligé dans sa notice quelques-
uns de ces traits ordinairement si propres à faire bien
connaître les hommes. Ce que M. de Matignon disait
de Segrais, qu’il n’y avait qu’à le montrer et le laisser
aller ensuite, donne une idée de l’abondance et de
la
(49)
la facilité de sa conversation , qui ne finissait pas.
aisément , quand elle était commencée , mais qui
charmait toujours par sa grâce et par les anecdotes
qu’il y faisait entrer à propos. Mademoiselle de Mont-
pensier faisait allusion à cet accent natal qu'il avait
toujours conservé , lorsqu'elle disait à un gentilhomme
qui allait faire avec lui le voyage de Normandie,
qu'il avait là un fort bon guide , qui savait parfaite-
ment la langue du pays.
Segrais, marié fort tard , est mort sans postérité,
et sa famille est éteinte. |
Mémoire de M. BISSON , associé-correspondant , sur
cette question proposée dans un programme de
l’Académie : quels changemens la mer a-t-elle opéres
sur le littoral des Départemens du Calvados er de
la Manche ?
L'auteur de ce mémoire , auquel il a été décerné
une médaille d'encouragement , a pris pour épigraphe
ces paroles de Jérémie , posui arenam terminum mari.
Intumescent fluctus ejus et non transibunt. Il com-
mence par déterminer le mode d’examen qui peut seul
convenir à l’homme , quand il s’agit des ouvrages
du créateur , et dont le but n’est point de remonter
à une origine impénétrable, mais seulement d’obser-
D
(50)
ver des effets sensibles et d'en considérer les causes
prochaines. En parcourant successivement tous Îles
points remarquables d’un développement de côtes
de plus de cent lieues, depuis Honfleur, où com-
mence le Département du Calvados , jusqu’à Pontor-
son, où finit celui de la Manche, il fait sur chacun
les observations qui ont le plus de rapport à la ques-
tion, ou du moins au point de vue sous lequel il
l’a envisagée. En citant dans le littoral du Calvados,
Honfleur, Touques, Dives, Bernières , Courseule y
‘Aromanche , le rocher du Calvados, Port en Bessin,
iVierville, Grand camp et Isigny , il fait connaître
avec exactitude l’état actuel de ces lieux , il donne
les étymologies de la plupart de leurs noms, et s’aide
souvent des conjectures qu’elles fournissent pour ap-
puyer son opinion sur leur ancien état. Sa conclu-
sion générale , qui n’est que le résumé de celles qu'il
a tirées de ses examens particuliers , est que la mer
n’a opéré sur cette partie de la côte que des chan-
gemens fort peu considérables , et dont l'effet a plutôt
été d'augmenter que de diminuer le territoire. Si
quelques endroits sont devenus moins impertans qu'ils
n’ont été autrefois, M. Bisson en trouve souvent
la raison dans les atterrissemens formés par les dépôts
que charient les rivières, ou dans la grandeur actuelle
des vaisseaux , qui ne leur permet plus de remonter
des cours d’eau suffisans pour les anciens navires.
Comme le sentiment de l’auteur sur la situation à
_—
(51)
peu près invariable de notre littoral contredit quelques
opiniens plus ou moins accréditées , il est conduit à
réfuter plusieurs raisonnemens qu'on pourrait lui op-
poser. Par exemple il ne voit aucun fondement à
la supposition que la vallée d’Auge ait été autre-
fois une baie , comme plusieurs l’ont conjecturé.
Loin qu’on trouve quelque trace ou quelque mention
de ce changement, les anciennes chroniques et les
* chartres appelent la vallée d’Auge Salrus Algiæ, ce
qui désigne une forêt, et non une baie,
« Il y avait autrefois , dit M. Bisson, un petit
havre à Bernières, formé par un bras de la Seule ,
qui se divisait tout près de son embouchure ; mais
un traitant qui avait mis en parti le commerce des
huîtres, le détruisit, en bouchant ce bras. Cepen-
dant en 1735, un ouragan qui dura deux jours, les
9 et 10 Janvier, poussa la mer avec tant de force
et en si grande abondance dans les terres, que les
eaux se rassemblant dans le canal bouché, rouvrirent
en s ’écoulant le havre de Bernières. Au reste , comme
leur couts ne s’est point entretenu , le ob se re-
ferma bientôt, et dura si peu de temps, qu’on s’en
souvient à peine dans le lieu même. Au surplus ,
ajoute-t-il, c’est ici un changement léger , et de trop
peu de conséquence pour entrer en considération
dans un aperçu général. »
L'auteur du mémoire reconnaît qu’au de là, dans
une anse médiocrement enfoncée, la mer tait quelques
(52)
progrès , en minant par le pied et en faisant ébou-
ler de temps en temps une certaine quantité d’une
pierre tendre et peu compacte , qui tombée dans
l'eau s’y durcit très-promptement ; mais :l est per-
suadé qu’on a prodigieusement exagéré ces empiéte=
mens, et que les calculs qu’on a faits B-dessus ne
sont fondés sur aucune donnée précise.
Quant au rocher du Calvados, qu’on a prétendu
avoir été il y a quelques siècles contigu à la côte,
dont il est maintenant éloigné d’environ une lieue,
et avoir été le siége d’un bourg appelé comme lui
Calvados , ceux qui lont visité pendant les grandes
marées, où il se découvre, n’ont pu y trouver aucun
indice d’habitation. On a vanté des actes passés de-
vant les tabellions de ce lieu, et conservés dans les
chartriers de quelques seigneurs voisins ; mais on
n’a jamais cité ces chartriers, ni indiqué aucun moyen
de trouver ces actes. Dailleurs le laps de temps néces-
saire pour opérer une pareille séparation , selon le calcul
même de ceux qui l’'admettent , est tel, qu'il a’existe
point de titres d’une si haute antiquité. Le nom de
Calvados , qui ne paraît pouvoir appartenir qu’à la
langue Espagnole , est probablement dû au naufrage
de quelque navigateur de cette nation. La dénomi-
nation de fosse d Espagne , donnée au mouillage qui
se trouve entre la terre et le rocher , confirme cette
conjecture ; et la dispersion de la flotte considérable
que Philippe IT, Roi d’Espagne, avait dans la Manche
(53)
en 1588, et dont une partie poussée sur nos côtes
par une violente tempête, y fut détruite , est en-
core un fait authentique qui vient à l’appui de la
même supposition.
Le résultat des observations que M. Bisson pré-
sente sur les différens points du littoral du Dépar-
tement de la Manche, lui parait également favo-
rable à lopinion qu'il veut établir. La petite baie
que forment les Jeys s'éleve successivement, et le
terrain de Brevant , qui s’avance au milieu, s’ac-
croit de jour en jour par les laisses de la mer,
que les secours de Part peuvent rendre très-impor-!
tantes, Carentan , déja enfoncé dans les terres , est cité
par les anciens géographes comme port de mer. Les
îles Sainr-Marcou et la pointe de la Æoupue n’offrent
les indices d’aucun changement notable. Quoique
tous ces endroits soient bien exposés à la fureur des
flots, rien n’annonce qu’ils aient éprouvé de grandes
pertes, et leurs noms celtiques, qui désignent leur
ancienne position , conviennent toujours à leur posi-
tion actuelle. De là jusqu'à Barffeur , une côte de
granite paraît plutôt défier la mer que la craindre. Un
banc formé à l’entrée du port de cette ville en rend
l'entrée difficile , et empêche que son petit commerce
de pêche et de cabotage ne devienne intéressant. Il
n’y a aucun changement naturel à observer à Cher-
bourg, qui doit son importance à sa position, et sur
tout aux travaux prodigieux qui y ont été exécutés.
D 4
(54)
On n’en remarque point non plus , au moins de con-
sidérables, ni au cap de la Hague, ni sur la côte
occidentale , quelque exposée qu'elle soit au vent de
l’ouest et du sud-ouest. Il est vrai que des auteurs
prétendent que la petite île d’Aurigny , à l’ouest du
Raz Blanchard , s’est appelée autrefois Æ/dernay ,
ou Ardennay , qui signifie foréts, et qu’elle tenait à
la Hague, dont le nom a la même signification ; mais
si la séparation de cette île était réellement due à la
mer , 1l faudrait la regarder comme très-ancienne , et
l'imputer à une cause qui cesse d’agir.
M. Bisson ne dissimule pas les autorités qu’on
peut lui opposer, mais 1l les réfute. Telle est l’asser-
tion de M. l’Abbe Belley, qui dans un mémoire de
PAcadémie des inscriptions et Belles-Lettres, sou-
tient qu'il a existé près de Carterey un port qu'il
nomme Ælauna , et qu’il suppose comblé par le
volage de la mer ; tandis que l’ancienne Alone, dont
les vestiges ont été découverts en 169$ par M. Fou-
cault , intendant de Caen , était située sur une
hauteur voisine de la Ville actuelle de Valogne.
Suivant une vieille tradition , la vaste Baie de
Saint-Michel n'aurait été jadis qu’une forêt qui s’a-
vançait bien loin dans le Cotentin, et qui même
unissait au Continent toutes les îles actuelles, qui en
étaient seulement séparées par une rivière qu’on pou-
vait passer sur une planche, L'auteur du mémoire
©ppose l’aroument général tiré de ce que de pareils
(55 )
changemens ne s’opèrent plus depuis qu’on écrit des
histoires authentiques, et en outre deux faits bien
constans, l’un qu’à la fin du septième siècle, Saint
Aubert, Evêque d’Avranches , se retirait de temps
en temps sur le mont Saint-Michel, qui était comme
aujourd’hui zx periculo maris ; l'autre, que dans le
sixième siècle, Saint Marcoul était obligé de s’embar-
quer pour aller dans l’île de Gerzey visiter son dis-
ciple Saint Hélier. 11 répond aussi à l'objection que
fournissent les troncs d'arbres ensablés qu’on trouve
en assez grande quantité sur les bords de la mer. Comme
on en trouve aussi dans des terrains qui en sont
éloignés , il ne voit là que les effets de la grande ca-
tastrophe qui a bouleversé la terre, ou de quelques
débordemens violens des rivières.
Au reste , on voit dans tout le cours du mémoire
que son auteur a traité la question proposée, comme
s'il eût supposé qu'il y a quelque témérité dans les
recherches de ce genre, et que. les changemens suc-
cessifs dont il s'agissait de vérifier l'existence, pour-
raient paraître moins conformes , soit à la bonté,
soit à la sagesse du créateur, que des révolutions
bien plus considérables , dont il reconnaît les preuves
dans les grands amas de coquillages et de pétrifica
tions marines qui se trouvent au milieu des terres.
Mais l’Académie, en proposant ce sujet, a été fort
éloignée d'y rien apercevoir qui pût altérer l'idée
d’une providence toujours adorable et incompréhen-
D 4
( 6}
sible, soit dans la permanence invariable des êtres
créés, soit dans des successions d’état lentes ou ra-
pides , qui sembleraient même devoir ajouter à l’ad-
miration , en montrant d’une manière plus sensible
l'action perpétuelle de la puissance suprème.
La commission chargée de l’examen de ce mémoire ;
en y reconnaissant un mérite d’exactitude et d’éru-
dition que l’Académie a jugé digne d’une distinction
honorable, n’y a point trouvé la solution précise
du problême proposé, et a témoigné le désir que
Pauteur complétät son ouvrage. L’objet de la ques-
tion n’était pas la statistique actuelle de la côte, ni
même des imductions purement conjecturales sur son
état ancien. Il s’agissait de discuter un certain nombre
de faits particuliers, à l’aide des preuves physiques
que les observations géologiques peuvent fournir ,
ou des monumens historiques qui sont relatifs à
ces faits,
ES Eat td |
f ° L
Le partage des biens communaux a-t-il été avanta-
«
geux , ou non, à l'agriculture dans les Départe-
mens de la ci-devant Normandie à
Il a été adressé deux mémoires à l’Académie sur
cette question. Le premier, portant cette épigraphe,
tirée de Voltaire, rien n'est plus périlleux que de
si ei ins af te use
(#71)
quitter le bien pour étre mieux, defend le parti de
la négative, et prouve les inconvéniens du partage
dont il s’agit par un certain nombre de faits détermi-
nés avec assez de précision. Mais quoique ce mémoire
ait paru bien écrit et bien raisonné suivant l’opinion
de l’auteur, on n’a point trouvé qu'il eût traité la
question dans sa généralité et sous son vrai point de
vue. Les observations partielles et les faits très-cir-
conscrits qu'il renferme, prouvent bien que dans
quelques localités , et surtout à l'égard de certains
individus , le défrichement a été préjudiciable, ce qui
ne pouvait guères être matière de doute; mais ils
ne donnent pas les moyens de décider si, en somme,
il est résulté de cette mesure des avantages, non pré-
cisément pour les particuliers qu’elle concerne, mais
en général pour l’agriculture de nos Départemens.
Le second mémoire, qui a pour épigraphe , 6
fortunatos nimidm , sua si bona nôrint, agricolas !
Virg. Georg. Il, offre au contraire des considéra-
tions générales qui conduisent l’auteur à défendre la
cause du partage des communaux. On a reconnu
dans ce travail de grandes vues et des aperçus tiés-
judicieux ; mais les raisonnemens n’y sont point ap-
puyés par des faits positifs , et quelques éloges que
mérite la théorie de l’auteur, elle a plutôt paru offrir
des conjectures probables sur un essai qu’il s'agirait
de tenter, que les résultats formels d’une expérience
(53)
réellement faite, qui étaient le véritable point du
probléme à résoudre.
Dans les envois de ses associés-correspondans ;
l’Académie a remarqué des mémoires biographiques
de M. Le Carpentier , professeur de l’Académie de
dessin et de peinture de Rouen , qui continue de
travailler avec une persévérance bien digne d’éloges
au monument qu’il a entrepris d'élever à la gloire des
artistes les plus distingués, sous le titre de Gazerie
des peintres célèbres. I] a envoyé cette année, outre
une Norice nécrologique sur feu M. Masquelier , gra-
veur & Paris, mort le 26 Mai 1811, trois autres
notices , la 127€, sur Claude Gelée, dit le Lorrain ; la
2€. sur Marie Van-Ostermich ; la 3°. sur Michel=
Ange Amerigi, dir le Caravage.
M. Guilbert, aussi de Rouen, a publié le pros-
pectus d’un Mécrologe , ou mémoires biographiques
et littéraires par ordre alphabétique , sur les hommes
qui se sont fait remarquer dans le Département de
la Seine-Inférieure , par leurs écrits , leurs actions ,
leurs talens , leurs vertus etc.
M. le Tertre, licencié en droit, a composé un
Précis historique sur l'origine et les changemens du
droit romain , et sur son introduction en France.
11 a été lu dans les séances Académiques un grand
(59)
nombre de compositions poétiques , et d’autres y ont
été seulement annoncées. On y a entendu entre
autres, une traduction de la XIE, satyre de Juvénal,
et un morceau de poésie légère, par M. MÉCHIN ;
une pièce de vers de M. le PRÊTRE, intitulée, Le
dévouement héroïque de Léopold, Duc de Brunsvwik,
deux romances , La jouissance maternelle , et La jouis-
sance paternelle ; une ballade prise du Vicaire de Wake-
field de Goldsmith; troisfables, L'aigle er les oisons, L’oi-
seau reconnaissant , L’orageet le zéphyr, et deuxcontes,
La liberté de la presse et Le Gascon démonté , du même
membre; une traduction en versde la 3€. satyre de Per-
se, de M. de BAUDRE, ainsique six contes, intitulés, Le
petit Vicaire, Le Médecin malade , Les Revenans , Le
jugement de Sancho, Le droit du Seigneur, Le perir
Panier d'œufs-frais ; un apologue et un conte de
M. BRÉMONTIER , ayant pour titre, l’un Le mer/-
leur des impôts , autre Les convenancese
M. ARNAULT, associé-correspondant, a fait pré-
senter à l’Académie une scène d’une tragédie iné»
dite , précédemment lue à la classe de la langue et
de la littérature française de l'institut, quelques
cantates composées pour des fêtes publiques, et un
discours prononcé aux funérailles de M. Chénier.
M.BAILLY , aussi associé-correspondant ,aenvoyé
deux fables inédites, intitulées , l’une Les deux Cirons,
l’autre L'ami du Jour ; M. P.-A VIEILLARD, une
(60)
cantate intitulée Le retour d’Astrée, M. VIGÉE , une
Épitre en vers & Jean-François Ducis , sur Les avan-
tages de la médiocrité , avec cette épigraphe, Auream
guisquis mediocritatem... Hor. Od. 10 lib, Il;
Parmi les autres ouvrages présentés à l’Académie ;
Je citerai une Norice de M. LAIR sur la troisième expo-
sition publique des productions des arts du Dépar-
cement du Calvados ; une Notice sur la vie de M M.-
A. Petit, de Lyon, par M. le Baron DESGENETTES;
des Mémoires Académiques, par M. de SAINT-AMANS,
de l'Académie d'Agen ; un rapport de M. François
de NEUFCHATEAU, intitulé Coup d'œil sur lin=
fluence que la socièté d'agriculture du Département de
la Seine a exercée sur l'amélioration de l'agriculture x
plusieurs productions poétiques de M. Malingre, dont
une intitulée ? Anglererreen miniature , ou précis des
révolutions Anglaises jusqu'a nos jours , en vers, avec
des notes historiques.
L'académie doit à la correspondance qu’elle entre-
tient avec plusieurs sociétés savantes , outre des pro-
grammes de prix de l’Académie de Mâcon, de celle
de Marseille , de celle des jeux floraux de Toulouse,
avec une notice de la séance publique de cette der-
nière du 13 Janvier, et un précis de celle du 3
Mai et un recueil de pièces, un précis analytique
des travaux de l Académie des Sciences , Belles-Lertres
et Arts de Rouen , pendant l'année 1810.
D Rd Sn
DA LED) EC
Sur les travaux de l’année 1812.
PREMIÈRE SECTION.
PARTIE SCIENTIFIQUE.
(OBSERVATIONS sur Les météores et les maladies ,
par M. GODEFROY.
M. GODEFROY a présenté deux tableaux des
observations qu’il a faites sur les météores et les ma-
ladies , l’un pour le mois de Janvier 1812 , l’autre pour
le dernier trimestre de 1811, Le premier de ces ta-
bleaux est divisé en deux parties, et porte en tête la
définition de ce qu’onappelle l’année médicale , d'après
le dictionnaire encyclopédique. La partie supérieure,
qui a pour objet les météores, comprend cinq co-
lonnes , dont la première marque 1° le jour du mois
où a été observée la plus grande élévation du baro-
mètre, le matin , à midi, et le soir; 2°. le jour
où a été observée la moindre; 3°. l'élévation moyenne
entre ces deux extrêmes. La seconde colonne présente
des observations pareilles sur l’élévation du thermo-
(&)
mètre, et la troisième sur celle de l’hygromètre. La :
quatrième indique le nombre de fois qu’a soufflé le vent
de chacun des points de l’horison rapportés aux huit
principaux, et au-dessous, le nombre des jours où
l'on a éprouvé chacune des différentes températures.
La cinquième est un résumé de la quatrième , et
donne les vents dominans et la température la plus
fréquente pendant le mois.
La seconde partie du tableau présente les maladies
observées pendant le même mois, et classées selon la
méthode du docteur Pinel. Au centre de cette divi-
sion se trouvent les affections prédominantes , qui
établissent la constitution parhosique , laquelle réunie
avec la constitution zzéthéorique par une accolade,
compose le mois médical, d’après la définition don-
née pour l’année médicale. Dans une colonne d’ob-
servations se trouve ce qu’il y a eu de plus marquant
dans l'atmosphère , et ce que les maladies ont-pré-
senté de particulier relativement aux complications et
au traitement. On y voit aussi quels médicamens
ont eu le plus de succès, non seulement pour les af-
fections primitives | mais encore -pour les complica-
tions.
Le rabl:au synoptique des observations faites pen-
dant le dernier trimestre de 1811, est dressé dans
la même forme. Les indications relatives à chacun
des trois mois d'Octobre, Novembre et Décembre
sont résumées pour former le trimestre médical.
(63)
M. Godefroy a fait remarquer que pour expri-
- mer l’état des météores et des maladies, il s’était servi
des mots méréorique et pathosique | au lieu de mé-
téorolegique et pathologique , parce qu’une consti-
tution n'était point un traité, mais seulement un
résultat de faits observés. Il a justifié aussi l'emploi
du terme décompliquer , qui lui a paru le seul propre
à rendre avec précision l'effet qu’on produit sur une
maladie en détruisant les accidens qui la compliquent,
et en la réduisant à un état simple. Comme on dis-
tingue les maladies compliquées des maladies com-
posées , il lui a semblé que le mot décomposer ne
pouvait pas se dire pour les unes et pour les autres,
parce que ce qui décompose ne décomplique pas.
M. DE ROUSSEL a présenté à l’Académie un
Précis des moyens Les plus importans aux progrès de
l'hygrométrie. I a été conduit à adopter les opinions
exposées dans son mémoire , surtout par rapport à
l'évaporation spontanée de l’eau , par une suite d’ob-
servations et d'expériences qu'il a décrites avec soin,
et dont il a exprimé les résultats avec précision. Mais
il a pensé que des faits de cette nature , pour opérer
une pleine conviction dans l'esprit de ceux à qui ils
sont transmis , ont besoin d’être examinés par plu-
sieurs observateurs , pour qu’il ne reste aucune crainte
d'erreur ou d’illusion. C’est pourquoi il a été nom-
mé, sur sa demande, une commission chargée d’as-
sister aux expériences qu’il doit recommencer , et d’en
rendre compte.
(64)
Exposition des effets météorologiques de l'air par M.
PRUDHOMME.
Ce Mémoire n’a été composé par M. Prudhomme
que pour servir en quelque sorte d'introduction à
un travail beaucoup plus étendu ; et commencé
depuis long-temps , sur /a cause des vents. Il a pensé
qu’une courte théorie sur l’ascension de l’eau dans
Patmosphère, et sa précipitation sous la forme de
brouillards, de pluies, de grêle, etc. , pourrait être
très-utile pour l'intelligence des phénomènes dont il
avait principalement en vue l’explication , et avec les-
quels ceux-là sont étroitement liés.
En convenant que les physiciens se sont occupés
depuis long-temps de rassembler les différens phéno-
mènes météorologiques, et en ont fait un corps de
doctrine , notre confrère croit qu’ils ont avancé quel-
ques principes dont la vérité n’est point suffisamment
démontrée , et qu’ils en ont oublié d’autres pro-
pres à jeter du jour sur la matière. Il excepte ce-
pendant M. Ze Roy , médecin de Montpellier , sur
les découvertes et les expériences duquel il base la
théorie qu’il présente, et qui n’est qu’un développe-
ment de quatre principes reconnus par ce savant , et
résumés sous forme d’axiomes à la fin du mémoire.
Suivant
(6)
Suivant le premier de ces principes ; l'air est un
dissolvant de l’eau, c’est-à-dire que les couches in-
férieures de ce fluide pressées par la masse atmosphé-
rique sur les pièces d’eau ou les lieux humides , sol-
licitent les molécules aqueuses à se combiner avec
elles, ce qui suppose que ces molécules ont moins
d’affinité entre elles qu'avec le fluide aérien. M.
Prudhomme assimile cette combinaison de l’eau avec
l'air, que l’on connaît sous le nom d’évaporation,
aux solutions ordinaires, telle que celle du.sel dans
l’eau , et il lui donne pour caractère de ne point altérer
la transparence de l'air | qui reste toujours la même,
jusqu’à ce que la combinaison soit troublée , c’est-à-
dire , qu'il y ait précipitation et condensation des
molécules. Cette vertu dissolvante que l'air exerce
sur l’eau n’est point illimitée. Il vient un instant où.
il en est saturé au point de n’en pouvoir plus dis-
soudre ; et l’on conçoit que l’évaporation, à laquelle
est dû le desséchement quelquefois si prompt des sur-
faces humides ne produrait que des effets à peine
sensibles , si la couche d’air en contact avec l’eau
restait dans le même état et dans la même situation.
Il faut donc , ou que les molécules aqueuses com-
binées d’abord avec cette couche inférieure , passent
dans les supérieures , pour être remplacées par de
nouvelles, ou que le mouvement du fluide atmosphé-
rique fasse varier sans cesse la partie de ce fluide qui
presse sur l’eau. L'auteur du mémoire donne l’une et
E
(66)
l'autre explication. De plus cette même vertu disi
solvante n’est point uniforme et invariable. Elle dépend
de la température, non pour son existence absolue
( car elle a lieu sous toutes les températures, et sur
la glace et la neige , comme sur l’eau ) mais quant
à son degré ; ensorte qu’un air chaud dissout plus
d’eau avant d’en être saturé, qu’un air froid, et
que par conséquent, si un air entièrement saturé à
une température basse , vient à être échauffé par une
cause quelconque , il devient capable de dissoudre de
nouvelle eau; de même que celui qui est saturé à une
température élevée , s’il vient à se refroidir, se trouve
supersaturé et forcé d'abandonner une partie de l’eau
qu’il tient en dissolution : et c’est surtout à ce der-
nier effet que sont dus beaucoup de phénomènes mé-
téorologiques, dont M. Prudhomme expose les prin-
cipaux. Telles sont les vapeurs qui s'élèvent sur les
rivières , qui sortent des caves, ou qui se mêlent à
l’haleine des animaux, et qui paraissent comme une
fumée, en passant dans un air froid. Telles sont ces
rosées et ces brumes , où l’on ne doit voir que le
produit d’un air supersaturé, qui s’est refroidi par
l'éloignement du soleil. Telles sont les pluies , dont les
gouttes se forment par le rapprochement des molécules
précipitées , dû à un mouvement plus ou moins violent
de l'air et se grossissent en s’unissant à d’autres dans
leur chute : ce qui fait qu’elles sont plus grosses quand
elles tombent de nuages plus élevés, comme il arrive
(67)
erdinairement en été, que quand les nuages sont bas ;
excepté toutefois dans le cas d'orage, où l’explosion
électrique doit agiter fortement le nuage, et favo-
riser le rapprochement des molécules par cette agita-
tion même, et peut-être aussi en les dépouillant de
leur électricité, qui les faisait se repousser mutuelle
ment. Telles sont encore les différentes qualités que
nous attribuons aux vents qui soufflent du sud et du
sud-ouest, et à ceux qui viennent du nord, du nord-
est , et même de l’est, dont les premiers saturés d’eau,
en abandonnent une partie en traversant nos contrées
plus froides , tandis que les derniers ont la propriété
d'en dissoudre, et d'amener par conséquent de la
sécheresse. La même cause explique aussi ces vapeurs
dont se couvre une bouteille qui contient de l’eau
rafraichie avec la glace, et en général tout vase placé
dans un air plus chaud qu'il n’est lui-même. L'air
mis en contact avec ses parois extérieurs perd en
s’y refroidissant une partie de sa force dissolvante,
et y dépose des molécules d’eau qui s’y condensent.
I en est de même de ces gouttelettes que l'on voit
le matin sur les vitres, en dedans des appartemens,
lorsque c’est l’air du dehors qui est le plus froid ; et
en dehors, lorsque c’est celui du dedans. Dans ces
deux cas, ainsi que dans le précédent, les vapeurs dé-
posées sur une des surfaces du verre pourront même
se congeler , si l’autre surface est exposée à une tem-
pérature assez basse,
Ex
(68)
Le degré de la force dissolvante de l'air n’a point
pour unique cause sa température ; il dépend encore
de sa condensation ou de sa raréfaction , et c’est lors-
qu'il est le plus comprimé qu'il peut dissoudre le plus
d'eau pour arriver au point de saturation. C’est le
second principe établi dans le mémoire , et confirmé
pas deux expériences inverses l’une de l’autre. La
première consiste à soutirer graduellement de l'air
comprimé sous le récipient d’une machine pneuma-
tique et saturé d’eau. À mesure que sa densité di-
minue, on voit sa transparence se troubler , et la
précipitation de l’eau devenir sensible, d’abord par une
espèce de brouillard , et ensuite par des gouttelettes qui
coulent le long des parois. La seconde consiste à in-
troduire de l'air sous un récipient où l’on a fait le
vide. Le même phénomène se remarque tant que
l'air introduit est en assez petite quantité pour être
extrêmement dilaté et perdre ainsi de son pouvoir dis-
solvant : l’effet diminue comme sa raréfaction, et
cesse quand il a repris sa densité. Les observations
barométriques confirment ce principe , dans lequel
elles trouvent leur explication. En effet, lorsqu’après
plusieurs beaux jours, la colonne de Mercure ren-
fermée dans un tube où l’on a fait le vide, vient à
baisser, c’est parce que Pair qui pèse sur la surface
quiest à découvert , est moins dense, puisqu'il exerce
une moindre pression : il ne doit donc plus être ca-
pable de retenir toute l’eau qu’il avait dissoute, et il
( 69 )
faut qu'il en abandonne. une partie , sous la forme
de nuages, de brouillards , ou de brume. Au
contraire , si après plusieurs jours pluvieux, la co-
lonne de Mercure s'élève, elle indique que les couches
inférieures de l'atmosphère deviennent plus compri-
mées , et acquièrent conséquemment une plus grande
vertu dissolvante qui doit procurer de la séche-
resse,
Ces deux premiers principes concourent l’un et
l’autre à rendre raison des vapeurs continuelles qui
se déposent sur les montagnes. Les couches inférieures
de l'atmosphère poussées contre ces grandes masses
sont obligées de refluer en haut, où elles éprouvent
à la fois, et une moindre compression , par la dimi-
nution de hauteur des colonnes aériennes , et un
abaissement de température , qui est toujours propor-
tionnel à l'élévation, double raison pour qu’elles
se trouvent supersaturées d’eau , et forcées d’en aban-
donner. Cette eau précipitée sous forme de rosée ,
s’infiltrant dans les fentes et les’ cavités, devient l’a-
ment des sources , conjointement avec les nuages
que les vents poussent contre les hauts sommets,
et qui se résolvent en pluie par l’effet de ce choc,
ou restent accumulés autour des montagnes par la
force attractive qu'elles exercent sur tous les corps
environnans.
Les deux derniers principes qui peuvent, selon
M. Prudhomme, compléter l'explication de tous les
E 3
(70 )
météores aqueux , et qu’il se contente d'exposer , Ont
que la température de l’air hausse ou baisse , selon
qu'il précipite de l'eau, ou qu'il en dissout ; et que
plus l'air tiént d’eau en dissolution , moins il a de
pesanteur spécifique , quoique chaque colonne exerce
plus de pression à cause de la plus grande hauteur
qu’elle a acquise.
Notre collègue termine son mémoire par la solution
d’une difficulté tirée de ce qu’à une certaine hauteur
la transparence de l'atmosphère n’est jamais troublée
par des nuages, ce qui semble contredire la vertu
dissolvante attribuée à l’air. Il répond que la quantité
d’eau que l'air peut dissoudre diminuant , et dans
un rapport assez rapide , à mesure que l'élévation
augmente, il est un point où elle est très-peu con-
sidérable, et qu’à cette hauteur, où l'on n’observe
plus ni nuages , ni végétation , le froid constam-
ment excessif n’est point , non plus que la densite ;
susceptible de variations qui puissent déterminer une
précipitation sensible.
Notice sur Les jardins de M. Dumont de Courser,
sioués aux environs de Boulogne Sur mer, Par
M. LAIR.
M. Lair a présenté cette description comme extraite
de son voyage de Paris & Calais, fait en Octobre
(7x)
et Novembre 1811. Un homme qui comme M. Du-
mont de Courset consacre son temps et une partie
de sa fortune à étendre et perfectionner la culture
des plantes , mérite bien que ceux qui ont pu admirer
de près ses travaux , répètent partout son nom , et
le proposent à l'estime de tous les amis des sciences
et de la prospérité commune,
C'est de Boulogne que M. Lair alla visiter les jar«
dins de Courset, en passant, à quatre lieues de là,
par Desvres autrefois Desurènes, dont la singularité
la plus remarquable est d’avoir dans M. Dezoteux,
comme Paris dans M. le François , un cordonnier
auteur d’un recueil de poésies. Cette petite Ville, où
l'on fabrique de grosses étoffes de laine , est située au
pied d’une côte , qui fait partie de la chaine circu-
laire de montagnes interposée entre le haut et le bas
Bourbonnais , et dont le sommet offre la vue la plus
intéressante. Le parc de Courset, à deux lieues de
Desvres, commence sur le revers de la montagne,
et se prolonge jusqu’au fond d’un vallon où est à
mi-côte le château , dont il est séparé par une
prairie.
En parcourant avec notre voyageur, conduit par
le maître lui même , tous les principaux détails de
‘ce beau domaine, on ne sait qu’admirer davantage
de la multitude de plantes , soit indigènes , soit
étrangères, qu’il renferme, ou de la rare intelligence
qui a présidé à leur distribution , et qui offre à la fois,
E 4
(72)
au savant un ordre systématique ; assujetti à la mé-
thode de Jussieu , à l'amateur et à l'artiste, les com-
binaisons les plus variées et les aspects les plus agréa-
bles. Une large allée qui traverse tout le parc, sé-
pare les jardins potagers et deux grands vergers, qui
se trouvent à droite en sortant du château , des jar-
dins de botanique, qui sont à gauche. M. Lair s’ar-
réta peu aux premiers, ainsi qu’au parc, dans lequel
il aperçut des prés et des terresen labour , une pépinière
considérable , un plant de quatre à cinq cents arbres
résineux , un quinconce de cent mélèzes , et enfin un
bois de haute futaie, qui sert d’abri contre les vents
du nord et de l’ouest.
Les jardins de botanique sont exposés au midi, et
beaucoup plus étendus en longueur qu’en largeur.
Outre les bois du parc, des allées de tilleuls , d'ormes
et de chênes très-élevés , et en quelques endroits des
palissades en épine et en charmille , garantissent les
plantes en raison de leur délicatesse , soit des grands
froids, soit des chaleurs excessives. Ces jardins sont
en même temps consacrés à des essais de culture,
à la multiplication des arbres fruitiers et forestiers ,
même à la propagation des végétaux de simple agré-
ment, M. de Courset s’est particulièrement occupé
d’acclimater les plantes exotiques, et il est parvenu,
À force de soin, et en tirant tout le parti possible
de la disposition de son terrain en pente , à en na-
turaliser plusieurs, Ici des allées droites sont bordées de
(73)
différens genres classés par ordre, et dont chacun
réunit ses espèces; la les individus de la même fa-
mille, confondant leurs feuilles et leurs fleurs, pro-
duisent par ce mélange les tableaux les plus pitto-
resques. Pour rendre l’esquisse déja très-succincte que
notre confrère nous a présentée de cette riche col-
lection, il faudrait à peu près copier son mémoire.
Je me bornerai à indiquer quelques-uns des objets
les plus frappans : par exemple, un bosquet toujours
vert de rhododendrons , de kalmies, d’alaternes, de
filaria, d’azareros , d’aucubes , au milieu duquel est
un beau cèdre du Liban entouré d’une épaisse haie
de chaïmille ; dans une autre enceinte triangulaire ,
un mélèze d’une hauteur considérable, des chassis
de 120 pieds de longueur , des serres de plus de 160,
contenant 6 à 7000 pots et 120 caisses, et où se
trouvent les plantes les plus rares et les plus nouvel-
lement apportées en France ; un amphithéatre où sont
rangées les plantes grasses dans la belle saison ; une
réunion de plantes alpines ; des plates-bandes pour
les semis en pleine terre; des bassins entourés d’ar-
brisseaux de terre de bruyère, qu’on trouve dans le
voisinage ; parmi trois rangs d’arbres résineux , des
pins du lord Weymouth de plus de soixante pieds
de haut; un bosquet du printemps, couronné par
douze tulipiers ; un bosquet de l'hiver, qui contient
plus de deux cents arbres résineux , et entr’autres des
sapins argentés qui ont au moins quarante pieds de
G1à
haut et cinq de circonférense , quoïqu’ils n'aient été
plantés qu’en 1790, ce qui semble justifier la pré-
férence que M. Dumont donne aux arbres verts,
sous le rapport de l’utilité,
Les orangers et les citronniers ne sont pas les arbres
qui abondent le plus dans ce jardin , sans doute
parce que ce ne sont pas ceux dont la culture a
le plus besoin d’être encouragée. On y voit un grand
nombre d’espèces de rosiers, pour lesquels on a
préféré les positions où le soleil ne donne que la moitié
du jour, On ne trouve point là de ces ornemens de
pure vanité ou de caprice, auxquels la raison ne
saurait assigner de but, comme des montagnes fac-
tices, des ponts sans eau, des chaumières sans ha-
bitans. Il n’y a point non plus de murs, et la vue
n’aperçoit de tous côtés pour clôture que des haies
et des charmilles, On reconnaît partout que l’utilité
a été le principal , et l’agrément l’accessoire., Un vaste
parterre, au bas du jardin , contient neuf cents plantes
étrangeres herbacées, Près de là, le genre des érables
d’un côté, de l’autre celui des frênes; plus loin les
peupliers et les cornouillers ; un quinconce formé
des genres sulipier, platane , tilleul, aune et bouleau.
Une prairie assez vaste contient aussi différens genres
qui y sont disséminés par groupes , et d’autres qui la
bordent,
Cet admirable jardin, cité comme un modèle dans
tous les ouvrages nouveaux sur l’agriculture et Le jar-
(75)
dinage, et qui mériterait bien les honneurs d’une des<
cription méthodique et raisonnée , contient plus
de dix arpents , et le parc en contient davantage.
On y cultive, sans les plantes annuelles, plus de
3600 espèces étrangères , vivaces et ligneuses, de
toute température, dont la plupart sont très-multi-
pliées. Le propriétaire , qui l’a formé lui-même, en
l'augmentant successivement depuis 1784 jusqu’en
1792, est un ancien Capitaine de cavalerie, Baron
de Courset , aussi intéressant par ses qualités morales
que par l'étendue et la justesse de ses connaissances.
Il a inséré des observations georgico-méteorologiques
dans les mémoires, pour 1786 , 87 et 88 , de l’an-
cienne société Royale d'agriculture , dont il était
membre. Il a aussi des mémoires dans les annales de
l'agriculture française de MM. Tessier et Bosq, et
dans le tome XXXVII des réponses a des questions
difficiles proposées par le ministre en 1799. Mais
son ouvrage le plus important , qui est le fruit de
trente ans d'observations et d’expériences, et qu’on
regarde comme le meilleur en ce genre qui ait été
publié en France, est son Boraniste cultivateur , dont
une nouvelle édition en 6 volumes in-8°. contient
la description de 1400 genres et de 8700 espèces.
Membre correspondant de l’institut de France et de la
société d'agriculture du Département de la Seine , M.
de Courset ne s'occupe pas seulement de jardinage
mais il cultive encore les lettres, le dessin , et même
(76)
la musique, et il jouit en outre de tous les charmes
dont les tendres soins et les hommages d’une famille
aimable et chérie peuvent embellir son existence. Tout
en lui rappellait à M, Lair le caractère , les manières
et les goûts de M. Moisson Devaux, en qui l’A-
cadémie , et même notre pays a perdu le cultiva-
teur botaniste le plus recommandable, tant par les
talens et les grâces de son esprit, que par la mul-
titude et la variété de ses connaissances.
M. Lair a aussi composé et publié une znstrucrion
sur l’usiliré de la culture des fèves et des pommes de
terre dans le Département du Calvados.
Essai sur les thalassiophytes non articulees , par M.
LAMOUROUXx.
L'auteur avertit d’abord que pour exprimer par
un seul mot les plantes marines , il emploie le terme
de thalassiophytes , dont les deux racines Grecques
présentent la mêmefignification. Toutes ces plantes
peuvent être diviséesen deux classes, l’une des tha-
lassiophytes articulées , l’autre des thalassiophytes non
articulées. C’est seulement de cette dernière qu’il traite
dans son essai, en remarquant qu’il est persuadé que
les divisions qu'il adopte, pourraient s'appliquer à la
première. Après avoir prouvé dans un mémoire. lu
(9779
à la société philomatique, que la tige du fucus digi-
zatus était formée de quatre parties bien distinctes ,
analogues à l’épiderme, à l’Ecorce, au bois et à la
moelle des plantes dicoryledones , 1 a été conduit
par une suite d'observations et de réflexions, à fon-
der sur ces quatre sortes de rapports la distinction de
quatre familles de plantes marines, qui comprennent
toutes les espèces classées par Linné dans les genres
fucus et ulva. I] en a ajouté deux qui semblent réu-
nir les thalassiophytes aux polypiers par le facies ,
mais qui en diffèrent par tous les autres caractères,
Ce n’est qu'avec une certaine défiance que M.
Lamouroux propose un système tout-à-fait nouveau ,
qui tend à mettre de la clarté et de la précision dans
une partie de l’histoire naturelle trop peu étudiée
jusqu’à ce jour, et d’autant plus difficile à bien con-
naître, qu'il est certain que, dans le règne végétal,
comme dans le règne animal, les espèces qui ap-
partiennent à l’empire des eaux, ont des caractères
bien moins tranchans que les productions terrestres ,
ét pourraient, à deur égard , ,ne paraître que de
simples ébauches.
Les six familles de thalassiophytes non articulées
dont M. Lamouroux présente les traits caractéristiques ,
sont les fzcacées , les floridées , les dicryolées , les ul-
vacees , les alcyonophytes , les spongophytes. La pre-
mière , à organisation ligneuse , couleurs olivâtres ,
comprend les six genres fucus , laminaria , osmunda-
(78)
cea, furcellaria, acanthicum, chorda. La seconde, à or=
ganisation corolloide, couleurs rougéatres , comprend
en tout onze genres , dont trois à feuilles planes , la c/au-
dea , la delesseria | le chondrus ; huit sans feuilles
planes, savoir cinq à tiges et rameaux sans contrac-
tions ni cloisons, le ge/idium , la laurencia , l’'hypnoi-
dea , l'acanthophora , La fistularia ; et trois à tiges et
rameaux contractés ou cloisonés, soit en partie , soit
en totalité, la gigartina , la plocamia , la mertensia.
La troisième classe, à organisation réticulée et folia-
cée, couleurs verdâtres, a les quatre genres amansia ,
dictyopteris , diceyola., flabellum. La quatrième, à
organisation herbacée , couleurs vertes, a les quatre
genres asperococcus , ulva , bryopsis, caulerpa. La cin-
quième , à organisation gélatineuse couleurs terreuses
et la sixième, à organisation spongieuse, couleurs vertes
très-foncées , n’ont chacune qu’un genre , l’une le
genre alcynophytum , l'autre le genre spongophytum.
Tous ces genres sont divisés dans le mémoire en plus
ou moins d'espèces. Plusieurs des noms que M. La-
mouroux a composés , tant pour des genres que pour
des espèces , sont destinés à consacrer la mémoire de
quelque savant recommandable , ou de quelque ami
digne de reconnaissance. Un entr'autres , celui de
la claudea est lhommage d’un fils respectueux en-
vers un père chéri.
(79)
Rapports faits à la première classe de l'institut de
France sur des mémoires de M. LAMOUROUX.
L’académie a eu communication de deux rapports
faits à la première classe de l'institut , l’un dans la
séance du 19 Octobre 1812, au nom d’une com-
mission composée de MM. Cuvier et Bosc ; l'autre
dans celle du 26 Octobre , au nom a’une commis-
sion composée de MM. Olivier , Lacépède et Bosc.
Dans le premier, le rapporteur commence par rap-
peler un mémoire de M. Lamouroux sur la monrée ,
où il la regardait comme le frai du congre , et un
rapport sur ce premier mémoire , où la commission
ne partageant pas son avis, jugeait que la montée était
plutôt le frai d’une des espèces d’anguilles encore
imparfaitement connues ( telles que le pinperneau ),
Jl cite ensuite le second travail de M. Lamouroux,
où prenant pour guide cette opinion de la com-
mission, il prouve par de nouvelles observations , et
par les dessins qu’il y a joints, que la montée est
effectivement le frai de l’anguille pinperneau. La
classe adopte l’avis de sa commission , d’engager M.
Lamouroux à publier ce fait, et à suivre ses recher-
ches sur les espèces du genre anguille (murena de Lin.)
Le second rapport a pour objet le travail de M.
(8)
Lamouroux sur les polypiers coralligènes non entiè-
rement pierreux. Le rapporteur , avant d'annoncer ce
travail, présente une courte esquisse des progrès de cette
étude, et cite lesnaturalistes quis’en sont particulièrement
occupés. Il fait remarquer la position peu favorable de
notre collègue , qui n’ayant point voyagé, n’a point
été à portée d'observer sur le vivant, quoique la
difficulté de réussir dans cette observation en rende
le défaut moins fâcheux ; et après avoir donné des
éloges à son discours préliminaire , pour mettre la
classe à portée de juger du mérite des genres qu’il
propose , 1l les compare successivement avec ceux de
Linnæus et de M. de la Marck. Ces rapprochemens
donnent lieu à plusieurs réflexions favorables à l’au-
teur de la nouvelle classification , et à quelques-unes
qui contredisent son système. Le rapporteur termine
ainsi : «
» Tel est l’aperçu des améliorations que M. La=
mouroux propose d'introduire dans la classe des po-
lypiers non entièrement pierreux. La collection qu’il
possède , et qu'il a mise sous les yeux de votre com-
mission, est fort nombreuse, tant en espèces connues
qu’en espèces inconnues. Tous l2s genres ont été
établis sur la nature, et tous ont été vérifiés par elle.
La classe peut juger, par le petit nombre de remar-
ques critiques auxquelles le travail de ce naturaliste
a donné lieu, qu'il a rempli son but aussi parfaite-
ment que la nature du sujet et la position où il se
trouve
(81)
trouve l’ont permis. Au reste , ce qu’il a soumis à son’
Jugement n’est que la première partie d’un ouvrage
qu'il se propose de rédiger , dont il nous a même
déjà fait voir quelques parties entièrement rédigées ;
Ouvrage qui doit contenir le résumé de tout ce qui
a été écrit sur chaque genre et sur chaque espèce,
ainsi que la description de plusieurs centaines d’es-
pèces , dont beaucoup sont très-remarquables. Toutes
les espèces qui n’ont pas encore été figurées, le se-
ront; et si les gravures répondent à l'exactitude et
à la perfection de quelques dessins qui sont déja
faits, on peut croire que l’étude des polypiers co-
ralligènes non pierreux deviendra très-facile à nos
neveux.
Votre commission est d’avis que M. Lamouroux
mérite à un haut degré les encouragemens de la
classe, et que son mémoire est dans le cas d’être
imprimé, au moins par extrait, dans les mémoires
des savans étrangers. »
La classe a approuvé le rapport , et en a adopté
les conclusions.
Rapport fait a M. Le Baron Méchin, Prefet du
Calvados , sur la maladie épidémique qui a désolé
la commune de Bernières sur mer, pendant lété
et l'automne de 1811, par M. RaAISiN.
Ce travail intéressant, non seulement par l'im-
F
(82)
portance de son objet, mais encore par l'exposition
claire et méthodique qu’il offre, et par les résultats
qu'il présente, est divisé en cinq paragraphes, dont
le premier traite de la marche et du caractère de
l’épidérnie , divisée en trois périodes. Les détails
dans lesquels notre confrère entre à cet égard ne
sont pas susceptibles d’extrait, non plus que ceux
qu'il donne sur le traitement , dans le dernier pa-
ragraphe. On doit seulement citer deux observa-
tions générales. La première , que la maladie a sou-
vent cédé à la fin du second septénaire et a ra-
rement passé le troisième , chez les malades trai-
tés à temps, et selon une sage méthode; tandis
que sa durée a beaucoup varié chez ceux qui ont été
mal dirigés, ou privés dans le principe des secours
de l'art, et que chez tous la convalescence a été
longue , et les rechutes fréquentes ; ce que M.
Raisin attribue ailleurs, relativement au plus grand
nombre , à la misère qui a été la suite inévitable de
la maladie : la seconde, que le nombre des morts
n’a pas été à beaucoup près proportionné à celui des
malades, puisqu'il n’a été que de quarante-neuf sur
environ neuf cents, que plusieurs, dans ce nombre,
ont succombé à des causes étrangères à l'épidémie,
et que la mortalité n’a frappé que des enfans et des
vieillards , à l'exception de dix individus âgés de plus
de sept ans et de moins de cinquante.
Dans le second paragraphe , sur la topographie de
(83)
Bernières, on voit que cette commune située à quatre
lieues N.+ N-O. de la ville de Caen , dans une
campagne plate et presque entièrement découverte,
est composée principalement de deux lignes d’habita-
tions, l’une dans la direction du Sud au Nord, et
l'autre dans celle de l'Est à l'Ouest, de manière à
former un angle saillant vers le Nord-Ouest , d’environ
90 degrés. Cette dernière ligne , presque parallèle au
rivage de la mer, n’en est séparée que par des ma-
rais formés par l’ancien lit de la Seule, et situés en
partie au Nord, en partie au Nord-Ouest , et en par-
tie au Nord-Est. La première est avoisinée à l'Ouest
par un terran rempli de sources, nommé %s perirs
marais. Au rapport des habitans du lieu , les proprié-
taires de la portion des marais située au Nord:Ouest,
élevèrent , il y a environ trente-six ans, sur le travers
du lit de la rivière, entre Courseule et Bernières ,
une digue, pour mettre leurs prairies à couvert des
inondations, et une autre en deçà de la première,
il y a une dixaine d’années; ce qui a causé la sta-
gnation des eaux, faute d’écoulement du côté de
Courseule , et a rendu le desséchement impossible au-
trement que par l’évaporation due aux chaleurs de
l'été.
Le troisième paragraphe offre un résumé , mois
par mois, de la température de l'atmosphère , de la
station des vents , et de l’état du ciel, pendant le
cours de 1811. Le résultat général de ce tableau est
F 2
(84)
que 1°, Le mois de Janvier a été froid et humide ;"
celui de Février , tempéré et humide; Mars sec et
tempéré; Avril, Mai, Juin, Juillet, Août et Sep-
tembre, chauds et secs; Octobre, chaud et humide;
Novembre, humide et tempéré ; Décembre, froid et
humide ; 2°. que les vents dominans ont été ceux de
l'Ouest et du Sud-Ouest pendant les cinq premiers mois
et pendant le dernier ; et ceux du Nordet du Nord-Est
pendant les mois de Juin, Juillet, Aoûtet Septembre;
30. que les vents du Nord et du Nord-Est ont été
faibles : 40. que dans les mois de Mai, Juin, Juil-
let, Août et Septembre il y a eu un assez grand
nombre de jours orageux : 5° que le ciel a été sou-
vent couvert OU nuageux.
Le but des observations contenues dans ces trois
premiers paragraphes est de s’en aider pour parvenir
à connaître la véritable cause de l'épidémie , et cette
cause est l’objet du quatrième. L'auteur n'hésite
point à l’assigner à l'influence délétère des gaz hydro-
gène sulfuré, phosphoré, ammoniacal, etc. , dégagés ,
à la faveur d’une haute température, des vases qui
se trouvaient à découvert dans les marais dont il a
été parlé; et il appuie ‘son opinion sur des preuves
qui paraissent très-solides. Elles sont tirées de la coin-
cidence de l'invasion de l’épidémie avec l’époque de
la chaleur, et de l'accroissement simultané de l’une
et de l’autre ; de la direction des vents dominans
pendant toute l’année , qui a été telle, qu'ils arri-
(8)
vaient à la commune de Bernières après avoir
passé sur les marais, dont ils pouvaient ainsi lui
apporter les miasmes ; du peu de violence de ces
vents , qui ne souffaient point avec assez d’impétuo-
sité, pour éparpiller et pousser au loin les gaz dont
ils étaient chargés, et les laissaient se déposer sur les
habitations qu’ils rencontraient; enfin des observations
analogues de M. Godefroy , qui ayant eu occasion
de voir beaucoup de malades pendant cette épidé-
mie, a manifesté le même sentiment, et de M. le
Boucher , qui ayant été envoyé à Bernières il y a dix
ans par l'autorité administrative , dans une cir-
constance semblable, n’imputa pas ce fléau à d’autres
causes. L’influence qu’on a voulu attribuer aux rou-
toirs est réfutée, et par leur éloignement , et par le
temps du rouissage, postérieur au commencement de
l'épidémie. Quant aux fumiers entassés devant les ha-
bitations , M. Raisin convient qu'ils ont contribué à
rendre la maladie plus grave et plus dangereuse , et
il en cite des exemples ; mais en condamnant un
usage pernicieux ; et qu’une bonne police devrait
réprimer , il refuse d’y voir la cause principale du
mal dont il s’agit. Ses preuves sont que le même
abus existe dans les communes voisines, sans que
le même effet y ait lieu ; que des habitations propres
et vastes , éloignées de pareils dépôts , environnées
même de plantations, et très-favorablement situées ,
n'ont pas été plus épargnées que les autres ; enfin
F3
(36)
qu'on n'avait point observé d'épidémies à Bernières
avant que l’écoulement des eaux fût arrêté par la
chaussée élevée il y a dix ans, quoiqu'il y eût alors
des fumiers comme aujourd’hui, et qu'il y en a eu
trois depuis cette époque. Si l’on demande pourquoi
le même effet n’est pas produit tous les ans par la
même cause, la réponse est qu’il exige deux condi-
tions essentielles, qui le plus souvent ne concourent
pas. La première est une chaleur assez forte et assez
‘continue pour l’évaporation des eaux et le dégage-
ment des miasmes ; la seconde , une direction cons-
tante du vent depuis le Nord-Est jusqu’au Sud-Ouest ,
en passant par le Nord.
Le cinquième et dernier paragraphe est intitulé ;
craitement et prophilactique. Après y avoir rendu
compte des moyens curatifs employés aux diverses
époques de la maladie, M. Raisin propose comme
le seul moyen préservatif l'ouverture de canaux d’é-
coulement, qui en conduisant les eaux à la mer,
procurent le dessèchement des marais ; mais il manifeste
en même temps la crainte que les habitans, en gé-
néral peu fortunés, et la plupart appauvris par le
fléau qui les a affligés , ne soient hors d’état de sub-
venir par eux-mêmes aux frais de cette opération;
et que cette commune très-populeuse, et précieuse
pour la marine, ne restât encore long-temps exposée
au retour de la même calamité , si le gouvernement
1.
( 87)
ne prennait pas soin de lui rendre la salubrité dont
elle jouissait autrefois.
L'auteur du mémoire le termine en faisant l’éloge
du bureau de bienfaisance, et nommément de M.
Aubert, l’un de ses membres , et desservant de la com-
mune , ainsi que de M. Lénault , son vicaire , qui ont
montré le dévouement le plus courageux ; et en ren-
dant le meilleur témoignage du zèle et de l’activité
de MM. Luard et Violard, officiers de santé, qu’il
avait été autorisé à requérir pour le seconder. Il re-
connaît que sans les secours en médicamens et ali-
mens dus à la sollicitude bienfaisante de M. le Pré-
fet , la maladie aurait .été beaucoup plus meur-
trière,
Aperçus physiologiques et pathologiques sur les fonc-
tions de l'appareil hépatique , par M. DESBOR:
DEAUX.
M. Desbordeaux , auteur de deux ouvrages qu'il
avait précédemment présentés à l’Académie , l'un
imprimé en 180$ , ayant pour titre, Nouvelle ortho-
pédie , ou précis sur Les difformités que l’on peur pré-
venir ou corriger dans les enfans ; autre intitulé Dis-
sertation sur la cause directe des fièvres, traite dans
ce nouveau mémoire un objet qui n’est pas moins intés
F 4
(88)
tessant. En partant du principe que l’art médical
ne peut être basé solidement que sur des connais-
sances physiologiques bien établies | et que des
notions obscures ou inexactes sur les viscères,
mènent inévitablement à des erreurs plus ou moins
funestes dans le traitement de leurs maladies , il
pose en fat que l'appareil hépatique et ses fonc-
tions sont jusqu'ici mal connus ; et c'est à en
redreser et à en développer la théorie que tend sa
dissertation. Non seulement les anciens lui paraissent
n'avoir eu aucune notion exacte sur cette partie de
notre organisation , et il confirme ce jugement par
la série de leurs opinions plus ou moins fausses et
souvent bizarres ; mais même depuis que les progrès
de la physiologie ont fait abandonner la théorie des
quatre humeurs , il trouve dans les systèmes plus ré-
cens du vague et de l'incertitude, et surtout de l’in-
suffisance. Le sentiment unanime des modernes est que
l'unique fonction du foie se réduire à la séparation de
la bile au moyen des capillaires de la veine porte, ee
que la rate ne fait que contribuer à la préparation de
cette humeur ; et si quelques-uns ont paru supposer à
cet appareil d’autres propriétés, ils n’ont du moins rien
exposé sur ce sujet de clair et de précis. M. Des-
bordeaux attaque cette doctrine, et entreprend de
montrer que les viscères dont il s’agit ont d’autres
fonctions que celles qu’on leur assigne. Comme dans
toute recherche des objets situés hors la poïtée des sens ,
(3)
la méthode d’analogie ese , dit-il, Ze moyen L plus
shr et Le plus direct de découvrir La vérité, il me
devient indispensable de comparer l’organisation de
l'appareil hépatique du fatus avec celle de ce méme ap-
pareil chez l'enfant nouvellement né. 1 présente en
effet une description du foie et de la rate à ces deux
époques , en indiquant leur usage, et surtout en fai-
sant remarquer le volume considérable du foie , le peu
d’étendue de la veine porte jusqu’aux derniers temps
de la gestation, et son inaction avant que les capillaires
artériformes remplacent ceux de la veine ombilicale ;
et comme dans ses explications, le foie, avant la
naissance , sert de second filtre élaborateur au sang
que la veine ombilicale puise dans le tissu spon-
gieux du placenta, et lui tient lieu de système diges-
tif, et qu’il sépare l'humeur adypeuse, même avant
d'offrir la moindre apparence de bile , 1l se croit au-
torisé à lui assigner des fonctions analogues, après
la naissance , surtout en considérant que sa texture
albumino-adypeuse annonce qu’il se répare avec les
produits de la défécation de la matière crémeuse du
chyle , qu'ilne change point de conformation , et qu’il
continue d’avoir une veine artériforme dans la veine
porte, et un placenta permanent dans la rate,
La conclusion de M. Desbordeaux est donc que
le foie ne sert pas seulement à sécréter la bile, fonc-
tion qu’il ne trouve nullement proportionnée à son
volume ; maïs qu’il sécrète encore la graisse , et outre
( 90 )
le raisonnement d’analogie tiré de létat de ce
viscère dans le fœtus , il confirme cetk opinion
par différentes considérations sur la saveur du paren-
chyme du foie, sur le rapport de son état avec
l’embonpoint , et sur des opérations dont le détail
est peu susceptible d’entrer dans un simple extrait ;
et il la présente comme propre à jetter un grand jour
sur plusieurs phénomènes mal expliqués jusqu’à pré-
sent, et sur un grand nombre de lésions, dont il
offre la série en indiquant leurs symptômes , leurs
effets sur le physique et sur le moral, et quelques
moyens de réparer ces désordres ou d’en arrêter les
progrès. Ce simple exposé suffit pour faire voir que
l’objet du mémoire de M. Desbordeaux est d’une
très-grande importance , puisqu'il tend à substituer
des notions claires et satisfaisantes à des opinions in-
complètes et incertaines ; mais que d’un autre côté,
la solidité de sa théorie ne peut être appréciée que
par des hommes en état de juger de l’exacti-
tude des descriptions, des faits et des explications
dont il s’appuie, et en même temps de la justesse
de ses conséquences, c’est-à-dire , que par des méde-
cins qui joignent à une profonde étude de la physio-
logie les connaissances que procure une longue pratique
dans l’art de guérir.
La lecture de ce mémoire a donné lieu à quelques
observations qui n’ont pu être sufhisamment appro:
fondies, .
*
Co1)
(Observations sur la jalousie des enfans , par M.
TROUVÉ.
f
L'étude des causes morales dans l'examen des ma=
fadies a toujours été une partie essentielle de l’art de
la médecine; mais on ne pense pas assez à rechercher
une influence de ce genre dans le traitement des en-
fans ; et la jalousie surtout, très-commune parmi eux ,
est rarement soupçonnée d’être la cause de ces dé-
sordres inexplicables qui mettent en défaut toute la
sagacité de beaucoup d’habiles praticiens. Le docteur
Corvisard dit littéralement que la jalousie est une ma-
ladie non décrite, peu connue , et pourtant qui
existe réellement. M. Trouvé , sans prétendre remplir
cette lacune dans la science médicale, annonce l'in-
tention de provoquer du moins par quelques observa-
tions lesrecherches dont cette matière peut être l’objet.
Il remarque, sans chercher à l'expliquer, le contraste
qu’offrent la mobilité de volition et l’inconstance or-
dinaire des enfans , due à la mollesse de leur tissu ,
avec cette disposition opinjâtre qui peut seule ame-
ner les suites funestes de la jalousie. Il explique la
nature et les caractères de cette passion , que n’exclut
point l’âge le plus tendre , et dont on voit des
exemples dans des enfans encore à la mammelle, et
(92)
il appuie sa théorie sur deux faits ; dont il expose
toutes les circonstances importantes. Le premier con-
cerne un enfant de 8 à 9 ans, fils unique jusqu’à
cet âge , pour qui la naissance d’une sœur devint
une cause de jalousie , qui le conduisit par degrés au
tombeau, du moins autant qu’il est possiblé d’en
juger par les différens symptômes et les progrès du
mal, qui paraissent ne pas laisser lieu au moindre
doute à cet égard. Le second fait montre aussi le
même effet de la jalousie dans un enfant de six ans,
dont la mère, devenue veuve, se remaria et eut
un autre enfant qu’elle allaita, sans que sa tendresse
pour le premier en souffrit en rien, L’impression de
ce sentiment jaloux fut si forte, que toutes les pré-
cautions et tous les remèdes échouèrent, et qu’il fut
impossible de sauver le malade.
En exposant les causes les plus ordinaires de la
jalousie , sa marche , ses progrès et ses résultats,
avec quelques réflexions sur les faits rapportés, M.
Trouvé n’a rempli qu’une partie de la tâche qu'il
s'était imposée. Il entrait encore dans son plan de
présenter des vues sur le traitement de cette mala-
die; et c’est là qu’il fait profession de cette noble
indépendance qui éleve le médecin digne de sa profes-
sion au-dessus de cette foiblesse timide, de ces con-
descendances pussillanimes qui compromettent l’hon-
neur de l’art.
On pense bien que dans une maladie toute mo-
tale dans son principe, on doit, dès qu’on est parvenu
(93)
à en découvrir la cause , agir principalement sur le
moral , et chercher à détruire ce fonds de tristesse et
de langueur qui fournit les premiers symptômes. Mais
il est souvent besoin d’une grande sagacité pour re-
monter à la vraie source , et pour se garantir de toute
méprise, La précaution que l’auteur conseille comme
la plus efficace, et même prescrit comme indispen-
sable dans les cas graves, c’est d’éloigner l’objet de
la jalousie. Il ne se dissimule pas les obstacles qui
peuvent s'opposer à cette mesure; mais le médecin,
dont l’unique but est le salut de son malade, ne doit
céder à aucune considération. Il doit suivre l’exemple
d’un des plus célèbres praticiens de l’Europe déjà cité,
le docteur Corvisard , qui appelé auprès d’une petite
fille de trois ans, et ayant découvert qu’elle était ja-’
louse d’un jeune frère nouvellement arrivé de la
campagne, prescrivit le prompt éloignement de ce
rival, et sauva, comme il l’avait prédit, la malade
menacée d’une mort prochaine. Parmi les autres moyens
de guérison , il en est de relatifs à diverses mala-
dies, dont la jalousie peut se compliquer , et qui ne
doivent point faire perdre de vue l’affection princi-
pale. Il ne suffit pas, dit en terminant M. Trouvé,
de faire connaître une maladie , il faut encore selon un
de nos meilleurs nosologistes, indiquer quel est le
rang qu’elle doit occuper dans un cadre nosographi-
que. Celle dont il s’agit ici paraît à notre confrère
avoir la plus plus grande affinité avec cette mala-
(94)
die très-commune aux Suisses qui ont quitté leur
patrie, et qu’on nomme la nostalgie. Il trouve que
les causes, la marche, les résultats, la base du trai-
tement sont les mêmes dans l’une et dans l’autre , et
qu'elles doivent être regardées comme deux espèces
du même genre. /
Recherches sur la sécrétion et sur l'apsorption dès gaz
dans Les corps organiques ,| par M. THILLAYE,
associé-corespondant.
L'auteur à traité cette question en deux mémoires
dont le second est la suite du premier. Celui-ci est
divisé en deux chapitres, l’un sur les sécrétions ga-
zeuses dans les végétaux, l’autre sur les sécré-
tions gazeuses dans les animaux. Ce dernier cha-
pitre contient quatre Paragraphes, dont le premier
intitulé , sécrétions par Ls organes respiratoires , traite
en cinq articles des poumons, des branchies, des
trachées aériennes , destrachées aquifères , et de la res-
piration des animaux privés d'organes spéciaux; le
second a pour titre sécrétions gazeuses par les organes
digestifs ; le 3°. sécrétions gazeuses par Les organes
de la transpiration ; et le 4°. sécrétions gazeuses dans
Ls animaux pour aider à la natation. Tous les dé-
veloppemens sont accompagnés de notes nombreuses,
dont ia plupart servent à indiquer les autorités sur
(95)
lesquelles l’auteur s'appuie. Il présente ainsi le résu*
mé de son mémoire.
» Il résulte de l'exposé précédent que les végé-
taux et les animaux sécrètent des gaz ou fluides élas-
tiques aériformes ; que les gaz reconnus jusqu'alors sont
l'oxigène, l'azote, l’hydrogêne , et l'acide carbonique;
que dans les végétaux c'est le gaz oxigène qui est le
plus abondamment produit ; que le parenchyme vert,
par l’action de la lumière et de la chaleur solaire , opère
cette sécrétion; que les autres gaz ne sont produits
qu’en petite quantité ; que dans les animaux c’est l’a-
cide carbonique qui est le plus généralement produit;
que l’existence animale tient à cette formation gazeuse;
que l'azote superflu de l’animalisation dans l’homme
est rejetté par la peau ; que certains organes des
végétaux et des animaux déposent dans leur intérieur
des gaz de nature différente ; que dans les poissons.
la vessie natatoire sécrète abondamment des gaz oxi--
gène et azote; que le premier de ces gaz est en
quantité d’autant plus considérable, que l’habitation
ordinaire de l’animal a lieu dans les endroits les plus
profonds et réciproquement.
Le second mémoire est divisé de même en deux
chapitres , en suivant la distinction des végétaux et
des animaux. Après avoir considéré les phénomènes
que présentent la sécrétion et l’absortion des gaz dans
les circonstances les plus ordinaires , c’est-à-dire dans
j'état de santé", l’auteur se propose , comme il
«
( 96 )
enprévient dans un avant-propos , d'étendre lesmêmes
observations aux différens états d’altération des organes.
Trapporte à trois circonstances l’état pathologique des
végétaux, l’éiotement, la panachure , et L1 colora=
tion qui précède la chute des feuilles ; et c’est la ma-
tière de trois sections, qui font la division du 1er.
chapitre. Le dernier est divisé en quatre, dont la
première a pour objet les altérations causées dans les
animaux par le tissu muqueux, examiné dans les dif-
férens organes ; la 2€, les sécrétions gazeuses opérées
par les membranes séreuses ; la 3°., les sécrétions
gazeuses opérées par le tissu cellulaire ; et la 49. les
gaz qui se trouvent dans le système circulatoire sanguin.
Les couclusions de l’auteur sont » que les différens or-
ganes des végétaux et des animaux éprouvent dans
la sécrétion des gaz, des changements qui constituent
autant d'états pathologiques dépendans de l’augmen-
tation , de la suppression , ou des changemens de na-
ture de ces corps élastiques ; que dans l’état d’étio-
lement des végétaux , et de coloration de leur pa-
renchyme , lorsque naturellzment il est vert , le gaz
oxigène n’est plus sécrété; que dans les animaux les
fonctions respiratoires sont changées par la sécrétion
des nerfs pneumogastriques , que les poumons ne
donnent plus de gaz acide carbonique , que le gaz
oxigène n’est absorbé qu’en petite quantité , que l’es-
pèce de paralysie qui atteint ces organes est la cause
is b
première de ces changemens ; que des effets sem-
blables
( 97 )
blables s’observent après l’extirpation de la vessie nata-
toire des poissons, et la section de la moelle épinière
dans la partie supérieure chez les jeunes animaux ;
que les organes digestifs sont susceptibles d’être dis-
tendus par des gaz dont la nature n’est pas toujours
connue ; que la vésicule du fiel, la vessie urinaire,
les organes génitaux, les membranes séreuses du cœur,
des poumons , de la cavité abdominale, la syroviale
du genou , le tissu cellulaire, contiennent accidentel-
lement des gaz qui génent leurs fonctions ; que les
systèmes séreux, synovial, cellulaire , qui ne con-
tiennent point de gaz ordinairement, peuvent donner
lieu à leur formation par un état pathologique parti-
culier, qui change la nature de la sécrétion ; que
dans le plus grand nombre des circonstances, les gaz
développés ne sont pas connus. » |
Un tableau généfal placé à la fin de ce travail pré-
sente, dans un petit espace , toutes les formations de
gaz suivant la division des deux mémoires.
Le même associé-correspondant a aussi adressé à l’A-
cadémie un mémoire intitulé Essai d’une nouvelle théo-
rie de la vision à distances variables dans l’homme
et les animaux ; mais ce travail qui a été lu dans
une de nos séances, ayant paru mériter un examen
approfondi , pour être bien apprécié, a été renvoyé
à l'examen d’une commission , dont le rapport ap-
partiendra aux travaux de l’année prochaine.
G
C8)
Remarques sur la direction , l’obliquiré et le parallé-
lisme de certains climats comparés avec les pro-
ductions végétales et minérales, pat M. GROULT ,
associé-correspondant.
Dans ce petit écrit, qui n'est qu’une simple note,
M. Groult rappelle un mémoire qu’il composa à
l’occasion de celui qui fut publié en 1767 par M. Le
Vallois sur la disposition intérieure des montagnes. IL
n’embrassa pas une sphère aussi vaste que le marin,
qui offrait le fruit des observations faites pendant piu-
sieurs voyages dans les quatre parties du monde :
il ne citait que des faits observés par lui-même aux
environs de Cherbourg, et d’autant plus faciles à vé-
rifier. Le résultat qu'il avait obtenu était que la di-
rection des pierres schisteuses , ardoisines , lamelleuses,
quartzeuses , graniteuses et autres pierres réfractaires ;
était du Sud-Ouest au Nord-Est, et qu’il avait eu oc-
casion de remarquer que cette direction se continuait
dans toute la presqu’ile du Cotentin, et même de
s'assurer par le témoignage d’un savant de ses amis,
qu’elle se retrouvait dans l’île de Jersey. Mais une
singularité qui la frappé davantage, c’est que les dif-
férens genres de productions végétales suivent cette
même direction du Sud-Ouest au Nord-Est , au lieu
de répondre au parallélisme de l'équateur , et il cite
(99)
en preuve différentes contrées de la France , telles
que la Normandie et la Lorraine, la Bréragne et la
Champagne, où la culture des vignes n’est point en
rapport avec le climat. Une petite carte de la Presqu lg
du Cotentin présente quelques couches minérales di-
rigées selon la théorie adoptée par l’auteur.
Essai sur la formation des charbons de terre, on ré-
ponse au WITIE. Programme de L Académie de Caen.
Ce mémoire, envoyé comme réponse à une des
questions du programme publié par l'Académie , a
pour épigraphe : l'amour du vrai est la disposition
da plus favorable de le trouver. ( Helvétius,.de l'hom-
me ) La commission chargée de l’examiner, et dont
M. Nicolas a été le rapporteur , a reconnu d’abord
qu'il ne remplissait pas les vues énoncées dans le pro-
gramme , et exprimées en ces termes : guels sont Les
points du Département, outre le territoire de Lirry ,
qui réunissent au plus haur degré Les caracières géolo-
giques propres à indiquer l'existence du charbon de
serre ? Quoique assez étendu, il ne traite cependant
que des seules mines de charbon de terre de Litry ,
dont il donne une description fort détaillée. Néan-
moins il a paru aux commissaires que les connaissances
géologiques dont cet ouvrage offre la preuve, et
surtout le tableau qui s’y trouve des différens bancs
G 2
( 100 )
de matières pénétrés par la fouille du puits de re“
cherche ouvert à Goville, fournissaient des données
précieuses pour arriver à la solution directe du pro-
blème proposé ; et ils ont ouvert l’avis, qui a été
adopté , de décerner à l’auteur une médaille d'encou-
ragement, en linvitant à donner suite à son travail,
pour répondre d’une manière plus satisfaisante à la
question de l’Académie. Il a été reconnu que ce mé-
moire avait été composé par M. Gabriël Aimé NOEL,
ingénieur démissionaire des ponts et chaussées, des
Académies de Caen et de Cherbourg.
Ouvrages présentés & l'Académie.
ges P
L'Académie a reçu un Annuaire de la socièté d'a-
griculture et de commerce de Caen pour l'année 1812;
un écrit imprimé , de M. Guittard , médecin de
Bordeaux , intitulé, Des passions dans leurs rapports
avec la médecine ; un autre du même auteur , ayant
pour titre, Mémoire qui a remporte le prix, au ju-
gement de l’Académie des sciences, Arts et Bells-
Lettres de Caen , dans sa séance publique du 3 Juiller
1811, sur la question proposée en ces termes : Quels
sont les effets de la terreur sur l’économie animale ?
des Observations relatives à la ligature du cordon.
ombilical , par M. Gèrard, docteur médecin de
Lyon; une description des opérations employées par
M M. Benjamin Pavie et Gresset, manufacturiers à
Cros
Rouen, pour l'extraction de l’indigo indigène, dont
ils ont envoyé un très-bel échantillon à l'Académie ;
un Bulletin des sciences médicales , par les membres
‘du comité central de la société de médecine du Dépar-
tement de l'Eure, adressé par M. Delarue, Secré-
taire de cette société et du comité central. Cette
précieuse association , formée dès 180$, publie deux
sortes de recueils, l’un sous le titre de Bulletin , au
commencement de chaque trimestre; l’autre, chaque
année , sous le titre d’ Annuaire. Dans le premier , le
comité rend compte , par l'organe de son Secrétaire,
de la constitution médicale du trimestre précédent ,
des observations qui lui ont été envoyées , et des
ouvrages nouveaux relatifs à la médecine. Le second
contient la liste des membres , celle des associés , et celle
des correspondans , le résumé des constitutions mé-
dicalés de l’année précédente , les rapports et les
observations lus dans la dernière séance publique.
L'Académie, depuis le premier envoi, a reçu deux
nouveaux bulletins.
TSF RELEASES OU AUS
SECONDE SECTION
PARTIE LITTÉRAIRE.
LV a Ts a ns ee a ee 7
Mémoire sur Le livre de Job, par M. CAILLY.
Crtre dissertation a été présentée par notre collègue
comme destinée à entrer dans la collection des preuves
que peuvent fournir , soit les monumens de la nature
ét de l’art, soit les écrits les plus anciens, pour faire
remonter l’origine de notre globe au delà de l'é-
poque qu'on lui assigne communément.
M. Caiïlly avance d’abord que le livre de Job à
tous les caractères d’une haute antiquité. Il commence
par rapporter à l'appui de cette opinion une thèse
soutenue en Sorbonne en 176$ par M. l'abbé Cons-
tant dela Molette, vicaire-général de Vienne, quiprétend
que ce livre est bien antérieur à tous les livres, tant
sacrés que profanes , qui existent, sans même en
excepter le Pentateuque. L'auteur de cette thèse tire
ses raisons du silence absolu que garde le livre de
Job sur les prodiges les plus frappans, tels que le
passage de la Mer Rouge et du Jourdain, la manne,
etc., dont tous les livres sacrés écrits parMoyse ou
depuis lui font mention; en second lieu de différens
passages et surtout des discours des amis de Job,
(103 )
Sophas et Eliphaz, qui prouvent qu’on ne connois-
soit pas encore l’idolâtrie terrestre, si manifestement
établie au temps de Moyse, mais seulement l'idoltrie
céleste, bien antérieure à l’autre ; ensuite de la longue
vie de Job, qui ne peut pas d’après les faits avoir été
de moins de 190 ans, longévité inconnue depuis les
patriarches ; en outre d’une pièce de monnoie appellée
gesitha, qui paraît n’avoir pas encore été en usage au
temps d'Abraham ; et de plus, des caractères attribués
aux constellations de Kiel et de Kesil, quine peu-
vent être que les Pléiades et le Scorpion ,.et qui
sont citées comme signes, l’une du printemps et
l’autre de l’hiver , quoique l’époque où elles répon=
daïent à ces deux saisons, remonte suivant les cal-
culs astronomiques à 2136 ans ayant J. C., ce qui
toutefois n’empêche pas, suivant M. l’abbé Constant,
qu’elles n’aient pu être citées sous le même rapport
trois ou quatre cens ans plus:tard; enfin des usages
et des mœurs tout-a-fait patriarchales de ce temps,
où l’on ne connoissoit d’autres sacrifices que des ho-
locaustes , où le chef de famille en était en même
temps le prêtre et le sacrificateur , où toutes les ri-
chesses, consistaient en troupeaux.
M. Cailly, en adoptant les moyens de preuve de
M. l'abbé de la Molette, en étend beaucoup les con-
séquences, et croit qu'il y a de la contradiction,
après tant de caractères d’antiquité découverts dans
le livre de Job, d’en supposer l’auteur contemporain
G 4
(104)
des fils de Jacob. Pour lui, il n’hésite pas à le croire
de beaucoup antérieur même à Abraham , dontil ne
parle nulle part, malgré la grande célébrité de ce
patriarche et de sa postérité. I juge même que l'Égypte,
déjà si florissante quand Abraham s'établit dans les
pays voisins de l’Idumée , n’existait pas encore et était
sous les eaux au temps de Job , ce qui lui paraît
pouvoir seul expliquer son silence sur cette contrée.
Quant à l'opinion qui lui fait regarder l'existence de
l'Egypte comme postérieure à celle des autres pays et
comme due aux atterrissemens du Nil, en sorte que
dans un temps la Méditerrannée ait communiqué avec
la Mer Rouge, il cite l'autorité d’Hérodote , celle
d'Homère, suivant lequel l’île du Phare , aujour-
d’hui contigué à Alexandrie , était située à une journée
de navigation de l'Egypte, et qui fait naviguer Mé-
nélas jusque chez les Ethiopiens et les Sidoniens, éta-
blis d’abord sur les côtes de la mer rouge. Il trouve
aussi dans les mo numentsobservés par Bruce à Axum,
la preuve que l'Ethiopie est antérieure à l'Egypte , et
que c’est elle qui lui a transmis l'écriture hiérogly-
phique.
L'auteur du mémoire , après avoir fait valoir tous
les raisonnemens qui peuvent donner de la force à son
opinion sur la haute antiquité du livre de Job, ajoute
qu'il n’a pu être composé que dans un temps où les
sociétés humaines étaient elles-mêmes déjà très-ana
ciennes , pour conclure ultérieurement que le déluge
Cros) |
universel remonte beaucoup au delà du terme où le
fixent la plupart des chronologistes. C’est par le texte
même de l'ouvrage qu’il prétend établir cette se-
conde proposition; et il voit dans de nombreux pas-
sages, dont il a rapporté plusieurs fragmens , la
preuve incontestable que les peuples de l'Arabie, dès
le temps de Job, connoissaient depuis long-temps lé-
criture en lettres, qui n’a dû suivre que de bien
loin l'écriture hiérologlyphique ; que les astres étaient
connus et distingués par des noms propres, et qu’il
existait un système d’astronomie, qui ne paraît sus-
ceptible d’être établi que sur l’observation de révolu-
tions longues et nombreuses ; que l’agriculture et les
arts qui y tiennent, étaient parvenus à un degré de
perfection qu’on ne peut supposer chez un peuple
nouveau ; que les mines étaient découvertes et exploi-
tées , que les arts du luxe étaient en vigueur; que
les relations commerciales étaient très-étendues ; qu'en
fin tous les vices avaient fait des progrès , il y avait
eu des etats bouleversés | des trônes renversés, et un
grand nombre de ces vicissitudes politiques qui n’en-
trent que dans l’histoire des peuples vieilliss et la
manière même dont’ Job s'exprime dans un endroit
qui paraît faire allusion au déluge, semble signifier
qu’il s'était écoulé bien des siècles depuis cette grande
catastrophe.
M. Cailly termine par quelques considérations
littéraires sur le livre de Job, et cite cet éloge qu'en
( 196 )
fait Madame Victorine de Chastenai dans son excellent
ouvrage du génie des peuples anciens. |
« On voitbriller dans ce poëme les plus fortes affec-
tions de l’âme , les mouvemens les plus rapides de la
douleur , de la colère et de l’indignation. Il:est semé
d’une grande variété de penseés et d'images. On y
voit une belle peinture des mœurs : les figures, des
métamorphoses hardies y sontmultipliées; on y.trouve
des descriptions élégantes et appropriées aux choses. .…
ÆEnfin le poëme de Job lemporte sur les autres
poëmes des Hébreux par la disposition du sujet, et
ne le cède à aucun'par l'élégance, la sublumité , la
richesse de l’expression. »
Observations sur Le livre de Job, par M.
BELLENGER.
Le but de cette dissertation, comme l’auteur l’an-
monce dès le commencement, est de répondre à
quelques objections contenues dans le mémoire de M.
Cailly sur le même sujet. » Job est-il un person-
nage réel, ou n’est-il qu’un personnage fictif ? à quelle
époque a-t-il existé ? faut-il le placer dans l’âge des
patriarches ? est-il ante-diluvien ? remonte-t-il jusqu’à
Adam ? le devance-t-il même ? et de quels traits in-
sérés dans le livre qui porte son nom, peut-on con=
(107 )
clure que le monde a une origine bieh plus ancienne
que celle qu'on est en possession de lui attribuer >»
Telles sont les questions que M. Bellenger croit devoir
examiner succinctement, pour éclaircir un point de
critique qui lui paraît avoir un autre objet que ce-
lui de la curiosité; comme tenant à un ensemble ‘de
faits qui sert de base à l’histoire et à la religion: Voici
le résultat sommaire de cet examen.
19, L'existence de Job ne peut être révoquée en
doute. Il est tellement caractérisé dans le livre qui
porte son nom; son pays, ses domaines , la nature
et la quantité de ses bestiaux ; ses voisins et leurs
possessions, le nombre de ses:enfans et:les divers ac-
cidens qu’ils éprouvent , y sont tellement circonstan-
ciés, qu’on ne peut rapporter des détails si précis à
un personnage purement allésorique. D'ailleurs des
textes formels de l’écriture, par exemple de Tobie,
qui se le propose comme un modèle de patience ,
d’Ezéchiel, qui le compare à Noé:et a: Daniel pour
sa justice, de Saint-Jacques même, qui dans son
épitre assure que Dieu pour le récompenser lui rendit
plus qu'il n'avait perdu par ses malheurs , sont autant
-de nouvelles preuves :de :son existence, qui n’a ja-
mais été contestée ni par les Rabbins ni par les pères
de PEglise, 20, Job est communément regardé comme
contemporain de Moyse. Il se trouve comme lui
éloigné d'Abraham de quatre générations, en ap-
pliquant à Job le nom de Jobad, cité au premier
( 108 }
chapitre du 1er. livre des Paralipomènes. On objecte
le silence qu’il garde sur les livres du Pentateuque et
sur les grands événemens qui y sont décrits, pour
en conclure avec M. l'abbé Constant de la Mo-
lette, qu’il est antérieur à Moyse. On prouverait de
même , en retournant l’argument , que non-seulement
les cinq livres du Pentateuque , mais encore ceux de
Josué, des Juges etc., sont antérieurs à celui de Job,
puisqu'ils n’en font aucune mention; en admettant
même la conséquence de l'abbé de la Molette, il s’en
suivrait uniquement que l’auteur du livre de Job
aurait écrit avant Moyse, ou au moins vers le même- -
temps, et nullement qu'il fallüt rapporter le héros
de ce livre à une antiquité bien plus reculée, ainsi
qu’on prétend le faire dans le mémoire réfuté, et
placer son existence à une époque antérieure à celle
qu’on fixe pour le déluge, ou même pour la création;
puisque depuis Adam jusqu’au déluge on compte
‘2,656 ans , et depuis le déluge jusqu’à Moyse $ 13 anse
Mais le raisonnement lui-même peut être rejetté.
Job , quoiqu’adorateur du vrai Dieu, ne vivait point
sous la loi de Môoyse. Qu’importait à un Arabe une
collection de livres qui lui étaient entièrement étran-
gers ? Cependant ce prétendu silence sur les faits ra-
contés par Moyse peut être contesté. La création, le
déluge , l’'embrâsement de Sodôme y sont clairement
énoncés, selon de savans interprètes ; et même Va-
table et Dom Calmet ont prétendu trouver dans le
( 109 }
12€. verset du chapitre 26 une allusion au passage
de la mer rouge. La difficulté tirée du mot kesicha
attribué à une pièce de monnoie, disparaîtra si l’on
admet que ce mot peut signifier également une bre-
bis , puisque ce sens peut se lier aussi bien que l’autre
avec le contexte. Or la Vulgate le traduit par ovis , et
Vatable avoue que cette traduction est exacte, quoi-
que lui-même ait rendu ce mot par Pecunia. Les
textes appliqués aux deux constellations des Pléiades
et d'Orion présentent une difhculté plus grave. M.
Bellenger se borne à dire que Job n’a voulu par là
que prouver la puissance de Dieu , et il remarque
que cette difficulté est absolument insoluble dans le
système qui reporte l'existence de Job à des temps
inconnus , puisque le raisonnement tiré de ces cons-
tellations conduirait à une époque déterminée. Ici se
termine la première partie du mémoire.
Dans la seconde, l’auteur continue de réfuter les
preuves ou les inductions qui font supposer l’existence
de Job bien antérieure au temps même d'Abraham.
L'ouvrage , a-t-on dit, ne pourrait manquer de faire
mention de ce patriarche si célèbre dans le voisinage
de lIdumée, s’il lui était postérieur, et il y serait
infailliblement parlé de l'Egypte déjà si florissante à
cette époque. Il faut donc admettre qu’au temps
où le livre de Job a été composé, non-seulement
Abraham n’avait pas encore existé, mais l'Egypte
même était encore sous les eaux, au moins quant à
( 110 )
sa partie basse, qu'on prétend avoir été formée des
alluvions du Nil. M. Bellenger ne se borne pas à dire
que ce ne sont là que des argumens négatifs, aux-
quels on pourrait se dispenser de répondre ; il en-
treprend encore de les réfuter directement, Selon lui,
tout ce que Job aurait pu dire d'Abraham avait si
peu de rapport avec le triste sujet de son poëme ;
que l’on ne voit pas comment il aurait fait entrer
dans le récit. de ses douleurs des détails relatifs à ce
personnage opulent et célèbre , qui lui était entière-
ment étranger,
Quant à l'Egypte, toute la force de l’objection
repose sur le sentiment qui fait regarder la se
Egypte comme une alluvion du Nil, et il s’en faut
beaucoup que ce sentiment soit solidement établi. Il
est refuté ici d’abord par l'autorité de Freret , qui
dans une dissertation lue à l’Académie des inscrip-
tions le 15 Novembre 1742, examine l’apinion com-
muniquée à Hérodote par les prêtres de Memphis ,
sur l'élévation progressive du sol de l'Egypte , et
montre que suivant leur supposition il autoit dû s'é-
lever depuis Hérodote de 22 coudées, ou environ 30
pieds ; ensuite par un raisonnement tiré de l'effet ordi-
naire et naturel des débordemens, qui ne portent
pas sur les terres inondées le dépôt limoneux qui
forme les atterrissemens, mais en déposent la partie
la plus grossière dans le canal du fleuve ou du tor-
C'xrei)
rent débordé , dont le fond s'élève d'année en année , et
nécessite l’exhaussement successif de ses bords.
Le passage de l’Iliade d’Homère , qui place à une jour
née de navigation de l'Egypte, l’île du Phare , au-
jourd’hui contigué à Alexandrie , est aussi discuté par
M. Freret, qui montre que l'ile du Phare et le port
d'Alexandrie sont éloignés de plus de trente lieues
du bras Canopique , et qu'avant qu’Alexandre eût
fait bâtir la Ville de son nom, il n’y avait aucun
canal qui portât les eaux du Nil de ce côté-là. Il faut
ajouter qu’une partie de la côte entre l’île du Phare
et le Nil, forme un Cap assez élevé, rempli de ro-
chers qui ne peuveut être un produit du limon dé-
posé par le fleuve. Mais une solution plus péremptoire,
est celle que fournit le savant Paulmier, en dé-
montrant que dans l’endroit d’Homère dont il s’agit,
le nom d'Egypte, Airrnros, ne s'entend pas du
continent de l'Egypte, mais du fleuve du Nil.
Les dernières inductions tirées du livre même de
Job, ne tendent pas directement à établir l’antiquité
de ce livre, mais celle du monde, au temps où il
a été composé. La mention qu'il fait des objets qui
tiennent au luxe et aux progrès des arts, surtout de
l'agriculture , des observations astronomiques , des
relations commerciales , des révolutions politiques,
indique des sociétés déjà vieillies ; et s’il était reconnu
que Job est de beaucoup antérieur à l'époque qu’on
Jui assigne, il deviendrait nécessaire de reculer celle
(112)
des premières sociétés, et par conséquent celle du
déluge qui les a précédées. Le fond de la réponse
qu’on fait à toutes ces objections consiste à détruire
la seule supposition qui puisse leur servir de fonde-
ment. On a imaginé une interruption absolue entre
les connaissances qui ont précédé le déluge et celles
qui l’ont suivi, et l’on a assimilé le monde réparé
par la famille de Noé à un monde formé de nou-
veau. Mais si l’on considère que les progrès dans
l'agriculture et dans tous les arts ont dû être très-
rapides dans les premiers temps , que la longévité
des hommes, en facilitait extrêmement la propaga-
tion, et que Noé et ses fils ont pu verser dans les
nouvelles générations humaines ce riche dépôt des
connaissances acquises dans l’état le plus privilégié ,
il ne sera plus permis d’argumenter de la lenteur
avec laquelle l’état social se perfectionne chez un
peuple nouveau et entièrement abandonné à lui
même : C’est par cette réflexion que M. Bellenger
termine son mémoire.
Notice sur M. Le Clerc de Beauberon, par M. LAIR.
M. Lair a communiqué à l’Académie une notice
historique qu’il a composée sur feu M. François-
Nicolas Le Clerc, professeur de théologie de l’an-
cienne
C:13)
‘cienne université de Caen, et qui est destinée à
entrer dans une nouvelle édition qu’il prépare d’un
ouvrage appartenant à l’histoire de cette ville. On
voit dans cette exquisse un contraste peut-être plus
remarquable que le mérite même de celui qui en est
le sujet , et qui paraît avoir surtout frappé M. Lair.
M. Le Clerc offrit dès sa première jeunesse l’exemple
d’un phénomène qui sans être inoui , est du moins fort
extraordinaire ; c’est le passage d’une extrême inaptitude
pour tout ce qui dépend des facultés de lesprit et surtout
de la mémoire , aux dispositions intellectuelles les plus
heureuses, à la suite d’un violent coup de marteau
sur la tête, dont il pensa mourir. De brillantes
études , une chaire de théologie à l’Université, qu’il
obtint en sortant de dessus les bancs, remplie avec
une grande distinction pendant 49 ans , une vaste
érudition dans les matières qui étaient l’objet de ses .
études , le talent de discuter et celui d'écrire, sur-
tout en latin , prouvé par des harangues de divers
genres , et principalement par son traité en deux vo-
lumes in-80. De homine lapso et reparato , qui lui
valut les éloges de quelques journalistes et celui même
du Pape; un caractère de sagesse et de modération
dans la discussion , une grande simplicité de mœurs ,
une vie régulière, une âme bienfaisante , les dignités
académiques et des places honorables dans l’église :
voilà les fondemens de la considération dont il est
certain que M. Le Clerc n’a cessé de jouir jusqu’à
H
( 114
la fin de sa vie. L'auteur de la notice oppose à ces
titres d'estime, une ignorance presque abselue sur
tout ce qui était étranger à la théologie, et qu'il
faisait principalement remarquer par une crédulité
vraiment étrange dans un homme renommé pour
ses lumières dans une science de l’ordre le plus re-
levé ; une vanité puérile , dont il convenait lui-
même, et qu'il se reprochait sans pouvoir la vain-
cre, ni s'empêcher de repousser quelquefois les at-
teintes qu’elle recevait, par des épigrammes dont la
malice contrastait avec sa bonhomie habituelle ; une
manie de faire des mariages , qui l'aveuglait sou=
vent sur les convenances , et dont les suites ne ré-
pondaient pas toujours à ses bonnes intentions. Au
reste tout homme sage refusera d’ajouter foi à une
foule d’añecdotes et de traits de' naïveté tout-à-faif
ridicules , que des gens frivoles se sont plu à répé-
ter sur M. Le Clerc, et qui ne s’accordent nullement
avec lestime générale dont jouissait ce fameux théo-
logien.
Mémoire sur l'origine de la langue française, pa
M. LABBEY DELAROQUE.
M. Delaroque pose en principe que le celtique et
le slavon peuvent être regardés comme les langues
(us)
mères de toutes celles qui sont usitées aujourd’hui en
Europe, et dans lesquelles ces deux idiomes se trou-
vent diversement mêlés avec le grec et le latin..« Le
russe, dit-il, est le slavon, combiné avec le celti-
que et le grec moderne : dans le polonais , il est
mêlé de celtique et de latin. Les langues de l'Espagne
tiennent beaucoup du slavon , dont la langue des.
Gots était un dialecte ; il y reste aussi des traces de
celtique : cependant le fond en est le latin, mêlé
de mots arabes , auxquels elle doit surtout sa majesté.
L'anglais n’a point de caractère distinctif, parce qu'il
les a tous; et lorsque l’expression lui manque, il
choisit librement dans les autres langues le mot qui
lui paraît rendre le mieux sa pensée. L’italien a pris
_de tous les anciens idiomes ce qu'ils avaient de plus
harmonieux ; et cet heureux choix a produit la langue
la plus sonore, la plus flexible, la plus douce, la
plusriche, la plus énergique, la mieux cadencée, et
la plus pittoresque peut-être de tout l'Univers , Arabe
excepté. »
L'auteur admet que la langue celtique était come
mune à tous les peuples Gaulois, et que si César les di-
vise en trois grandes portions différentes pour le lan-
gage, ( ki omnes lingué différuns ) À ne faut l’entendre
que d’une différence de dialecte, suivant Strabon qui
dit formellement : eddem non ‘usquèquaque lingu&
utuntur omnes , sed paululim variati. Cette opinion
est confirmée par l’état politique de ces peuples, qui
H 2
( 116 )
formaient une espèce de fédération , et tenaient des
assemblées générales pour y discuter les intérêts com-
muns , ainsi que par la réunion des Druides, une
fois l’année , auprès de Chartres, pour y rendre la
justice à tous ceux de la nation qui s’adressaient à
eux : ce qui suppose un langage uniforme , ou au moins
peu différent. Elle l’est encore par la conformité de
terminaison des noms propres dans toute l'étendue
des Gaules. M. Delaroque cite aussi quelques faits fa-
vorables au sentiment de l’'illustre Bochart et de plu-
sieurs érudits , qui regardent le patois Bas-Bréton
comme un dialecte de l’ancien celtique.
Comment cette langue des anciens habitans de notre
pays a-t-elle été remplacée par la langue francaise ?
M. Delaroque n’entreprend pas de suivre dans tous
leurs détails les vicissitudes qui ont amené un pareil ré«
sultat ; mais il en marque les points principaux. La
domination des Romains une fois affermie dans les
Gaules, leur langue s’introduisit bientôt dans les tri
bunaux , dans les armées , dans la chaire , et fut adop-
tée par la partie la plus considérable de la nation: le,
Celtique ne fut plus parlé que par le peuple. La
conquête des Francs , au Ve. siècle, ne produisit pas
une révolution aussi complete dans le langage. Il se
forma du mélange de leur langue germanique ou tu-
desque , avec le latin, généralement répandu , etbeau-
coup de mots et de tournures celtiques, un nouvel
idiome , que dès Je commencement du cinquième
( H9)
siècle Sulpice Severe désignait par le mot gallicà, lors-
qu’il écrivait à Postumien : #4 verd celricè , vel si
navis , loquere gallicè. Ce qui caractérise particuliè-
rement cet idiome, c’est le retranchement des ter-
minaisons latines établies pour la distinction des genres
et des cas; mais la corruption alla beaucoup plus loin
dans le 7€. siècle, comme le prouvent les formules
recueillies par Marculfe. Ce mauvais latin passa du
langage vulgaire dans les actes, les chartes, aiplô-
mes, testamens , requêtes et autres pièces qui furent
écrites sur la fin de la première race de nos Rois; et
c’est à sa barbarie tout-à-fait choquante que M.
Detaroque attribue la résolution prise par Charlemagne
d'établir des écoles dans les cathédrales et dans les
principaux monastères, pour conserver la pure latix
nité. La langue tudesque conservée à la cour, s’y
maintint encore pendant plus de cent ans; mais en-
fin elle céda à ce mauvais latin du peuple que l’on
nomuhait la Romane rustique, et qui a produit la
Romane Française. C’est dans le dixième siècle, et
vers le commencement de l’onzième, que M. De-
laroque place le changement le plus notable de ce
langage, et l’époque où prennant les terminaisons,
les articles et les tournures de notre langue actuelle,
ila pu être appelé du français, tandis qu’il n’était au-
paravant que du latin corrompu. Pour justifier cette
fixation , 1l cite le serment réciproque fait par Charles
le Chauve, Roi de France, et par Louis son frère,
H 3
( m8)
roi de Germänie, pour consacrer leur traité d’ai-
liance de 842, et rapporte les mêmes pièces en ro-
man du 12€ siècle, en remarquant qu’il est peu dif-
férent de celui de l’onzième.
Voici le serment de Louis ( d’après le Nithard,
manuscrit du Vatican ) adressé aux français en langue
romane :
5
3}
s+
3?
»
5
»
& Pro deo amur, et pro christian poplo, et nos-
tro commun salvament, dist di en avant , in quant
Deus savir et prodir me dunat, si salvara jéo cist
meon fradre Karlo , et in adjudha, et in cadhu-
na Ccosa, si cum om per dreit son fradra salvar
dist, in o quid il ni altre si fazet, et ab ludher
nul plaid numquam prindrai, qui meon vol cist
meon frandre karle in damno sit. »
Le méme acte en français du 12°. siècle.
» Por dex amor , et por christian pople , et nostre
commun salvament , de cest jor‘in avant, en quant
Deus saveir et prooir me done, si salverai jeo cist
meon frere Karle, et en ajudhe seroï en cascune
cose, .si cum um per dreit sun freire saïvert dist
en o kiil me altresi faset, et a Lothaire nul plaid
n’onques prindrai, qui par mon voil à cist meun
frere Karle en damne seit, »
Traduction en français du 16€ siècle,
» Pour l’amour de Dieu et pour le peuple chré-
[2
(Cr)
» tien et notre commun salut, de ce jour en avant,
» autant que Dieu m’en donne le savoir et le pou-
» voir, je défendrai mon frère Charles ici présenit ;
» et l’aiderai en toute chose ainsi qu’un homme
» par droit de justice doit défendre son frère, en
» tout ce qu'il ferait de la même manière pour moi:
» et je ne ferai jamais avec Lothaire aucun accord ,
» qui par ma volonté porterait dommage à mon
# frère Charles que voici. »
» Ainsi conclut M. Delaroque, le siècle le. plus
décrié par son ignorance, qui ne fut cependant ni si
profonde, ni si générale qu’on le croit communément ,
le dixième siècle a donné naissance à une des langues
les plus polies de l'Europe. » La connaissance du bon
latin était rare ; le latin vulgaire tombait dans le mé-
pris, et aurait entièremtnt disparu , s'il n'avait pas
été la langue de la religion. Le roman en profita ;
ils’introduisit à la Cour , et fut employé par les évêques
dans les Conciles. Son perfectionnement successif se-
rait l’objet de longues recherches que l’auteur du mé-
moire ne s'était pas proposées.
EE rene er nennsennnes)
Du madrigal | par M. DEBAUDRE.
Cette dissertation fait suite à une autre du même
membre , sur l’épigramme, dont il a été rendu compte
dans le rapport de l’année précédente.
H 4
( 10 )
Melin de Saint Gelais, Poëte du commencement
du XVI siècle , a intitulé Madrigale une seule de ses
pièces, qu'on regarde comme la première qui ait
reçu ce nom en français; jusques-là les Madrigaux
n’étaient point distingués des épigrammes, d’où suit
Pobservation énoncée en tête du mémoire , que les
épigrammes de l’anthologie st en général des Poëtes
Grecs, plusieurs parmi celles de Catulle et même de
Martial, sont véritablement des Madrigaux. Après
avoir rapporté deux éthymologies de Ménage , éga-
lement incertaines , mais qui autorisent l’une et l’autre
à regarder le Madrigal comme un poëme galant at-
tribué dans l’origine aux bergers amoureux, M. De
Baudre le définit : wne pensée qui respire le senti-
ment; un trait que l’on aiguise avec une délicatesse
remplie de grace, dans un style doux , harmonieux ,
ec précis. Il confirme sa définition par ces deux vers
de l'Art Poétique :
Le Madrigal est simple et noble dans son tour ,
Respirant la douceur, la tendresse et l'amour.
Et il ajoute peu après, comme une observation qui
peut-être n’a jamaisété faite , parce qu’on n’a point ap-
profondi ce genre , que le Madrigal n’est pas seu-
lement l'expression de l’amour , mais l’expression du
sentiment. En admettant que sa pointe ne doit pas
être aigüe comme celle de l’épigramme , il trouve
trop rigoureux le précepte de le Batteux , adopté par
l'Encyclopédie , qui n’y admet de piquant que ce qu’il
( 122 )
lui en faut pour n'être pas fade. Ce n'est pas seu<
lement dans les pièces qui en portent le nom, ou
au moins qui sont présentées sous le titre d’épigram-
mes dans plusieurs Poëêtes, comme Marot, que M.
De Baudre trouve des madrigaux : selon lui, ce
genre admis dans la bonne compagnie , embelli des
atours d’une élégante poésie , et qui n’exclut pas
même l’admiration, est monté sur le théâtre, et se
distingue dans le dialogue et dans les ariettes de nos
galans faiseurs de tragédies et de comédies lyriques ;
sans affirmer qu’il doive toujours être confondu avec
le compliment de société , 1l paraît croire que celui-
ci est un Madrigal , lorsqu'il ne renferme qu’une
pensée. Il en est de même des épitaphes et des vers
faits pour être mis au bas des portraits ; et ce poëme
moins enjoué que sérieux, peut s'étendre aux mord- |
lités et même aux reproches , qui ont le sentiment
pour objet. Quant à la longueur du Madrigal, Pau-
teur du mémoire regarde dix ou douze vers comme
le terme qu’on ne doit pas excéder , quoique quel-
ques-uns aillent jusqu’à seize ou dix-sept. Pour les
Madrigaux en prose, ils ne jouissent pas, dit-il ,
d’une grande faveur, et annoncent des complimens
d’une fade galanterie. Il cite parmi nos Poëtes dis-
üngués dans le genre du Madrigal, Marot, Jean
Berthaud de Caen, devenu Evêque de Sées, Ben-
serade y M. de la Sablière, Madame et Mademoi-
selle Deshoulières, et outre un assez grand mombre
a
( 122)
d’autres , Ferrand , Rousseau et surtout Voltaire. Entre
plusieurs auteurs vivans, il ne nomme que M. de
Boufflers. Le mémoire au reste est rempli d’une quan-
tité de citations, dont chacune a du rapport avec
le précepte exposé, ou devient l’objet de quelques
remarques ; et il est terminé par un Madrigal de M.
De Baudre lui même, qui en a composé beaucoup
d’autres. » J'ai peint, dit-il, le ruisseau qui m'a vu
# naître, J'ai chanté le petit bois où j'allais souvent
» goûter le charme de l'étude et fuir les atteintes de
» la persécution. C’est un souvenir mélancolique ,
» une opposition gracieuse, une sensation délicate ;
# et ces pensées n’appartiennent pas moins au Ma-
# drigal que les complimens de galanterie, puisque
# l’on range dans la classe des madrigaux toutes les
# petites pièces qui se terminent par un trait de
# louange ou de sentiment. » .
Le genre du madrigal et celui de lépigramme
ne sont pas les seuls dont M. Debaudre ait parti-
culièrement étudié la nature et les règles : il s’est
surtout adonné aux contes en vers; et il en a un
recueil assez considérable | dont une partie a déjà
été communiqué à l’Académie dans plusieurs séances.
Il a aussi composé un grand nombre de fables, et
d’autres pièces-de vers de différentes espèces.
nn
(123)
Sur quelques bons et vrais philosophes ; par M:
TousTAIN de RICHEBOURG. Avec ces trois
épigraphes :
Philosophia catechismus ad fidem. St CYR
Melior est profectd humilis rusticus qui Deo servir,
quam Superbus philosophus qui , se neglecto , cur-
sum cœli considerat. Amitat. Lib. 1 C. 2.
Initium sapientiæ timor. Domini. Ps. 110:
M. de Toustain annonce en commençant le des-
sein de concilier les principes de la philosophie avec
les maximes de la religion, de montrer aw’on peut
estimer la première sans offenser la seconde , et être
entièrement soumis à la seconde sans condamner la
première ; et que c’est en les entendant mal, qu’on
les juge opposées. Pour ne laisser aucun doute sur
l'esprit dans lequel il prétend établir cet accord, il
fait la profession de foi la plus formelle | et déclare
sans ambiguité qu’il ne reconnait point de vraie phi-
losophie hors de l’orthodoxie chrétienne, et que la
sagesse des payens lui paraît n’avoir de bon que ce
qui la rapproche de la foi, et être nécessairement
imparfaite, faute d’être appuyée sur cette base,
(124)
C’est principalement , et presque exclusivement ;
sur Pythagore et Platon que roule l’apologie entre-
prise par l’auteur. Il a soin, comme pour s’autori-
ser à faire leur éloge, d'appliquer à leurs prosé-
lytes les reproches que quelques saints personnages
peuvent avoir faits à leur doctrine , tels que ceux que
le grand Bassuet adresse à la philosophie Platonicien-
ne, et qui ne regardent réellement que les Plotin ;
les Porphyre, les Hiéroclès et les autres qui l'ont
défigurée. Il fortifie cette justification par un grand
nombre de témoignages cités dans le cours du mé-
moire ; et 1l oppose à l’inconcevable oubli du nom
de Platon dans le vaste répertoire alphabétique de
Bayle , l'honorable mention que font de lui le père
Paulian , qui consacre également à Pythagore un ar-
ticle dans son dictionnaire de physique , le marquis
de Saint Aubin, dans sen traité de l’opinion, Tho-
mas , dans son essai sur les éloges, et surtout Laharpe
dans le 3°, tome de son cours de littérature , sans
parler des hommages que lui rendent Fénélon, Bos-
suet et Rollin, tout en déplorant les taches inhé-
rentes au paganisme. Les ouvrages dont il rapporte
les passages , sont particulièrement le Génie du chris-
tianisme , le Traité des études de Rollin , les Carac-
tères de la Bruyère , le Petit carême de Massillon ,
et le 8°, Livre de la cité de Dieu de Saint Augus-
tin, dont un extrait, pris dans le 3°. tome de la
bibliothèque ecclésiaftique de Dupin, lui paraît le plus
LG URS
illustre de tous les témoignages à la gloire du philo-
sophe Grec.
Pythagore et Platon sont, au jugement de M. de
Richebourg , les deux philosophes qui ont fait le plus
d'honneur à la raison humaine privée des lumières
de l’évangile, et dont les connaissances approchent
le plus de celles qu’on ne peut devoir qu’à la révéla-
tion. Les rapports qu’il trouve entre leur doctrine et
celle de nos plus illustres docteurs sur plusieurs points
essentiels ne lui paraissent pas même dus à la seule
force de leur génie ; et il adopte comme l'explication
la plus plausible de leur prééminence en métaphysique
et en morale sur tous les philosophes profanes , la
communication que Dacier et plusieurs autres ont
supposé qu'ils avaient eue de quelques parties de l’é-
criture sainte, Suivant les conséquences de son sys-
tème, le quartenaire de Pythagore et les attributs ,
allégories et symboles qu’il y a joints , sont tirés des
quatre lettres qui forment en Hébreu le nom de je-
hovah , ou plus régulièrement eco , d’après la gram-
maire de l’Advocat ; et il remarque comme une sin-
gularité bien favorable à cette conjecture , qu’il entre
également quatre lettres dans les mots Grecs @xox et
ZEUZ, dans le latin Deus, le français Dieu, dans
les mots altérés Jafé, Jobe, Jove et deux cas du
nom Jupiter. « N’est-il pas vraisemblable , ajoute-t-
» il, que la vue de cet adorable nom inscrit par les
» juifs au milieu d’un triangle, ait suggéré l’emblêrge
(21269).
triangulaire que Platon , grand imitateur et par-
» tisan de Pythagore, donne à la divinité, em-
# blême publiquement adopté depuis long - temps
» par une association non moins connue que ré-
» pandue, malgré le secret et le mystère de ses
» travaux et de ses cérémonies ? » Cette supposi-
tion au reste ne tend nullement à contredire l’abbé.
Molleville , quant aux preuves qu'il apporte, pour
établir que ce ternaire, inconnu des premiers chré-
tiens, n’a nullement influé sur la manière dont l’é-
glise entend le mystère de la sainte Trinité.
L'auteur du mémoire est loin de se laisser aveu
gler par la prévention en faveur des deux grands
génies dont il établit le mérite. S’il reproche à M.
Fortia d’avoir inculpé Platon pour défendre Xeno-
phon, il n’excuse pas davantage M. Dacier d’avoir
sacrifié la gloire de celui-ci à la défense du premier,
persuadé d’ailleurs que la mésintelligence entre ces deux
disciples de Socrate ne tenait qu'à un mal entendu,
et que c'était moins à eux qw'à qui que cesoit qu'il
convenait d'appliquer un système d’apologie toujours
blâmable. Il avoue de Platon ce qu'Horace a dit
d'Homère , qu'il a quelquefois sommeillé, et qu'il
a pu adopter quelques rêveries de Pythagore ; mais
il avertit en même-temps qu’on doit bien se donner
de garde, pour l’un comme pour l’autre, de prendre
au pied de la lettre toutes les opinions qu’on leur a
imputées, Par exemple, il est persuadé que le système
#
w
(127)
de la métempsycose, tel que le concevait réellement
le philosophe de Samos, se réduit à cette transmi-
gration partielle, successive , continuelle et réciproque
de la matière que reconnaît la physique , et qu’on
l'a défiguré par-des sophismes , et en confondant
des opinions qu’il ne faisait qu’exposer , avec celles
qu'il professait. Quant à la fameuse hécatombe de
cent bœufs, qui s'accorde si mal avec la modéra-
tion et le peu de fortune de Pythagore, et surtout
avec son horreur pour l’effusion du sang , il adopte
l'explication donnée par M. Gosseaume dans un
mémoire lu à l’Académie de Rouen, et qui réduit
l'objet de ce sacrifice à une valeur de cent pièces
de monnoie qui avaient le nom de #œuf, comme
nous avons eu au 14°. siècle nos mourons et nos
agnelets d'or. Il faut également modifier les projets
politiques de Platon par les restrictions qu’il a
lui-même exprimées ou indiquées, et qui repous-
sent la plupart des applications qu’on pourrait en
faire. Son Atlandide est selon notre correspon-
dant, une fiction, comme le Paradis terrestre est
une réalité. Ses idées sur la communauté des
femmes et les préservatifs d’une trop grande fé- :
condité , sont le produit d’une saillie ou d’une folie
| passagère, dont il s’est désisté lui-même, qu'il a
plutôt exposé qu’adopté, que sen disciple Aristote
a rigoureueusement combattu , et sur lequel M.
Groult, son dernier traducteur, a donné un excel-
( 128 }
lente notice corrective. La connaissance ou au moins
une connaissance plus complète des livres saints l’eût
préservé des réveries de la métempsycose , de la pré-
existence des âmes , et de son espèce de manichéisme ,
suite naturelle du Polythéisme et d’une tradition al-
térée de la chute de nos premiers parens. On peut
opposer à ces erreurs les argumens les plus forts er
faveur de la providence. Le reproche qui lui a été fait
d’avoir été parasite de Denys, tyran de Syracuse, est
réfuté dans le mémoire , ainsi que les observations
injurieuses contenues dans le dictionnaire philosophi-
que de Voltaire.
Au reste, ce qui est directement relatif aux deux phi-
losophes ce l'antiquité qui sont présentés comme su
jet de l'ouvrage, n’en fait qu’une partie assez mé-
diocre. Chacune des réflexions qui les concernent ,
amène des digressions plus ou moins longues, des
* citations, des anecdotes sur des écrivains modernes,
dont plusieurs sont encore vivans; et semble n'être
présentée que comme une occasion d'établir l’insuf-
fisance de la raison naturelle pour conduire l’homme
à la vérité, et la supériorité de la foi sur toutes les
doctrines humaines, et de plaindre ou de comdam-
ner tant d'écrivains téméraires , qui n’ont pas su
profiter du don précieux qui leur avait été fait ; en-
sorte qu’il est très-vaisemblable que le véritable but
de l’auteur a été de rendre un hommage formel à
la religion dans laquelle il se felicite d’être né et
d’avoir
( 129 )
d’avoir vécu, et de défendre contre les entreprises
du philosophisme, cette pure morale qui vient du ciel,
et qui peut seule fonder sur la terre un bonlieur pur
et durable. Ce qui n’est pas une simple conjecture ,
c’est que M. Toustain de Richebourg possède une
vaste érudition puisée dans les sources de la plus
saine littérature. Cette thèse , à laquelle il revient
très-souvent , que le plus bel éloge de la philosophie ,
est d’être l’avant-courrière, la compagne de la reli-
gion , il déclare lavoir prouvée plus au long dans un
discours sur les avantages. de la philosophie, lu à
Académie de Rouen en 1767, et qu’il a retouché
avec le plus grand soin. Diverses conjonctures l’ont
empêché jusqu'ici de faire imprimer ce mémoire ,
ainsi que de faire réimprimer plusieurs autres ouvrages
qu'il a corrigés et étendus, entr'autres un Essai sur
l'histoire de Normandie, et la Réalit des figures de
da bible. I expose et développe dans ce dernier une
doctrine qu’il croit irrépréhensible, et qu’il prétend
d’ailleurs justifier suffisamment par deux passages tirés,
le premier de la préface que l'Evêque Amiot a mise
en tête des morales du Plutarque ; le second, de celle
que M. l’abbé Groult a composée pour la traduction
des lois de Platon. La citation de ces deux morceaux
termine le mémoire,
M. Toustain de Richebourg a aussi envoyé à
PAcadémie un précis des réflexions que lui a sug-
gerées la lecture du Rapport Général sur les travaux
I
(130)
de cette société. Après quelques questions relatives
à différens membres, qu'il croit connaître directe-
ment ou indirectement , il passe en revue les mé-
moires et autres ouvrages mentionnés dans le rapport,
en donnant à chacun des auteurs un suffrage plus où
moins formel et plus ou moins étendu , et en y joi-
gnant quelquefois des observations sur l'objet traité.
ee RER REED SRE 27 CSCRRERE
Tables alphabétiques manuscrits | générales , perpé-
suelles et comparatives de la législation mantime
de l'Europe, par M. GROULT, associé-corres-
pondant.
Ce n’est qu’une feuille manuscrite, à laquelle en est
jointe une autreimprimée sous lemême titre. M. Groult
annnonce que le prospectus de ces tables, imprimé
en 178$, n’a jamais été distribué; et il en donne
les raisons , qui tiennent surtout à la réimpression de
deux mémoires sur la législation de la marine, qui
avaient reçu l'approbation de l’Académie Royale de
Marine le 19 Décembre 1782, et aux soins qu'il prit
de recueillir de nouveaux matériaux pour le perfection-
nement d’un travail que le gouvernement encoura=
gea par la confiance la plus flatteuse. L'auteur n’a
point perdu de vue cette entreprise interrompue par
les divers évènemens politiques , et connue du gou-
vernement actuel; et il en fonde l’importance sur la
prodigieuse multitude des ouvrages, lois et décisions
(131)
relatifs à la marine qu'il fait monter à 40, ou 50
mille , dans un recueil même incomplet , et qui doivent
entrer dans ses tables. La seule lettre A, imprimée
én 1786, contient environ 10,000 citations, mais
l’auteur fait voir comment un même article peut
se trouver , non seulement sous différentes lettres ,
mais encore plusieurs fois sous la même. L'avantage
qui recommande particulièrement ces tables, que M.
Groult regarde comme indispensablement nécessaires .
à tous les agens du gouvernement employés dans la
marine , est la facilité d’ajouter à la main , sous chaque
titre, les nouveaux articles que l’on vient à décou-
vrir, OU qui seraient relatifs, à des lois ou des dé-
cisions nouvelles,
Poësres.
L'Académie a entendu dans ses séances , une tra=
duction en vers de la quatrième satyre de Juvenal ,
par M. Méchin; un extrait, aussi en vers français,
du poëme de Thompson, intitulé L’orage , avec l’é-
pisode d'Amélie et de Céladon , et quatre fables
intitulées, Le serpenc ec le lézard , La guépe et Le pa-
pillon, Le Normand et Le Gascon , Le duel terminé,
par M. Le Prêtre ; un conte de M. de Baudre, intitulé Le
procès ; des Srances sur la gloire, par M. Le Tertre ;une
fable intitulée La chenille, er Le limaçon, par M. Chan-
tepie; un Voyage en Silésie, ef une Épétre en vers
F2
(132)
d'un grenadier de la garnison d'Ereinbresthein au
congrès de Rastad, par M. Moisson ; deux pièces de
vers de M. Vieillard ; et trois de M. d’Ornay , tous
deux associés-correspondants : les deux premières sont
une ode intitulée La comète de 1811, et une Épirre
en vers à M. Vieillard de Boismartin , qui proposait
à l’auteur de se faire inscrire sur le tableau des avocats
de Saint Lo ; les dernières ont pour titres, Quasre-
vingts ans, songe, La mémoire et l'oubli.
Ouvrages envoyés à l’Académie.
Il a été envoyé en outre à l’Académie plusieurs
autres ouvrages , en prose et en vers. Je citerai un
Abrégé des géoponiques , extrait d’un ouvrage grec ;
par M. Cafarelli, associé-correspondant ; deux no-
tices de M. Le Carpentier , aussi associé-correspondant s
faisant suite à sa Galerie des peintures célèbres, l'une
sur Salyator Rosa, né à Renelle, à deux milles
de Naples en 160$ , mort à Rome en 1673;
l'autre sur Antonio de Allegris , ou le Corrége; un
éloge historique de Charles-Nicolas-Sigisberg Sonni-
ni de Manoncourt, membre d’un grand nombre de
sociétés académiques, et entr'autres de l’ancienne
Académie de Caen, par M. Arsenne Thiébault de
Berneaud , associé-correspondant ; un prospectus d’une
Histoire littéraire de la France, par M. Le Prévost
d’Iray , autre associé correspondant ; quatre ouvrages
(133)
de M. Le Pileur, le premier en 3 volumes in-80.
intitulé , Mélanges d'histoire, de Littérature, de géo-
graphie, de morale, erc., le second, en un volume
aussi in-80, intitulé Élémens de la langue Hollandaise
ou méthode analytique et neuve , le troisième , même
format, contenant plusieurs morceaux de prose en
cette langue, et quelques-uns de poésie | avec une
version interlinéaire en français, le quatrième intitulé
Tableaux synoptiques de mots similaires qui se rrou=
vent dans les, langues Persane, Sanscrite | Grecque ,
Latine , Moœsogothique, Islandaise, Suéogothique ,
Suédoise , Danoise , Anglo-Saxonne , Celto-Brétonne
Armorique ; Anglaise , Alémanique ou Francique ,
Haut-Allemande et Bas-Allemande , précédés de l'abrégé
d'une grammaire analytique du persan , de comparaisons
des parties constitutives de ces langues , et d’un essai
sur lanalogie des mots persans entr'eux et avec ceux
de plusieurs idiomes ; un prospectus de Lertres aca-
démiques sur la langue française ; La profession de
foi des poëres à la mode, par M. Mus ; une Notice
de la séance publique de la société libre d’émulation
de Rouen du 9 Juin 1812 ; un procès-verbal de
séance publique et deux programmes de prix de la
société de littérature, sciences et arts de Rochefort ;
un programme des prix proposés par la société d’en-
couragement pour l’industrie nationale ; un recueil
des travaux de l’Académie des jeux floraux de Tou-
Jouse pour 1812, avec un programme pour le con<
E3
(134)
cours de 18133 une notice des ouvrages lus aux
séances tant publiques que particulières de la société
académique de Cherbourg, depuis le 7 Jum 1810
jusqu’au 14 Novembre 1811 ; une notice de la
séance publique de l’Académie du Gard du 21 Dé-
cembre 1811 ; des procès-verbaux et mémoires de
la société académique de Poitiers ; un programme de
prix de l'Académie de Marseille.
FA D cou 2 Q ARE
Sur Les travaux de l’année 1813.
PREMIÈRE SECTION.
PARTIE SCIENTIFIQUE.
EE
Nouvel essai sur les causes générales des vents; pat
M. PRUDHOMME, avec cette épigraphe :
Magna , nec ingeniis investigata priorum ;
Quaæque dit latuere. Ovid. Métam.
IT. Prudhomme avait présenté le mémoire qu'il
lut l’année dernieré , sous le titre d’Exposiion des
effers météorologiques de l'air, comme préliminaire à
un travail beaucoup plus étendu sur la cause des
vents, qu'il à communiqué cette année à l’Acadé-
mie, et qui a fourni la matière de plusieurs lectures,
Avant d'en venir directement à son objet , il expose.
dans une introduction les divers points de vue sous
lesquels les vents peuvent être envisagés, et les théo-
ries proposées jusqu'ici par les savans pour en expli-
quer les causes. Son but est d’ajouter quelques expli-
(126)
cations et quelques développemens à leurs découverà
tes. Après avoir montré en quoi diffèrent , relati-
vement à cette recherche, les deux méthodes d’a-
nalyse et de synthèse, il annonce qu’il suivra la der-
nière ; et distinguant aussi deux manières différentes
d’écrire sur les Sciences , l’une proprement élémentaire
et convenable à ceux qui n’ont aucune connaissance
préliminaire , l’autre plus académique , et appropriée
à des hommes instruits , il prévient que devant em-
ployer celle-ci, il s’abstiendra de tout détail minu-
tieux, et ne développera que les considérations qui
lui paraissent neuves, ou des expériences peu con-
nues. Cet Essai est divisé en quatre parties. La pre-
mière contient sur l’air et plusieurs de ses phéno-
mènes et sur la nature du vent, des principes gé-
néraux, qui pourraient paraître un peu éloignés de
l’objet direct du mémoire, mais que M. Prudhomme
à cru devoir mettre en avant , pour faire connaître
la doctrine dont il est imbu, et qu’il appliquera dans
la suite de son travail. De tout ce qu'il a dit dans
cette première partie ; il conclut ; 1°. que l’athmos-
phère contient de l’eau en dissolution ; 2°. qu’elle
en dissout d’autant plus qu’elle est plus dense ; 3°.
que toutes les fois qu'il arrive quelque raréfaction
dans sa masse, l’eau dissoute est abandonnée; 4°.
. que lorsqu’elle dissout de l’eau , sa température doit
s’abaisser ; 5°, enfin que lorsqu'elle précipite l’eau
dissoute , sa température s'élève.
(137)
La seconde partie a pour objet de développer les
causes des vents. M. Prudhomme en distingue de
trois sortes : des causes constantes , et il compte
pour telles la rotation de la terre, l'attraction de
. da lune, et la dilatation de l’air par la chaleur du
sol; des causes inconstantes, comme l’éruption des
volcans , les gaz ou vents qui sortent des cavités
souterraines , les effluves spontanées de l'électricité
de la terre, la formation des nuages, et beaucoup
d’autres ; enfin des causes secondes, qui supposent
l’action antérieure de quelque cause directe : tel est
l'obstacle qu’une chaîne de montagnes oppose au
cours du vent , dont la réflexion produit un nouveau
vent dans une autre direction.
M. Prudhomme n'entre dans aucune preuve di-
recte sur l’existence du vent par le mouvement de
rotation de la terre. Il adopte celles que Dan. Ber-
nouilli a développées dans sa réfutation du mémoire
de Dalembert contre cette théorie, et admet comme
un point bien établi, que la rotation de la terre pro-
duit un vent d’Est, faible à la vérité, mais réel,
mais constant sur toute la surface de la terre, quoique
presque nul aux pôles, qu’on appele vers alisé.
L’attraction de la lune est une autre eause, dont
Dalembert a démontré la réalité. Elle produit à l’é-
quateur un vent d'Est , qui fortifie les vents alisés,
mais qui varie et pour la force et pour la direc-
tion selon les différentes latitudes des lieux, et selon
(138)
la position de la terre par rapport à l'Equateur. L’ac-
tion de cet astre sur l'atmosphère paraît incontesta-
ble pour quiconque admet celle qu'il exerce sur l’O-
céan, et il faut y ajouter la réaction du sphéroide
aqueux. M. Prudhomme indique les différens vents
qui résultent de la combinaison de ces causes pour
lun et l’autre hémisphère.
Pour bien concevoir le vent produit par la cha-
leur du sol, il faut supposer la surface de la sphère
homogène , telle qu’elle l’est en grande partie dans
les vastes mers; car la diversité des matières qui re-
couvrent le globe , en apporte dans ce vent. Le
point le plus échauffé de tous par les rayons solaires
dilatant Pair qui lui est contigu , détermine de toutes
parts des courans qui y viennent aboutir ; mais s’il
se meurt umformément sur un cercle, les courans
qui partent des deux points de ce cercle également
éloignés du point le plus échauffé, venant à la ren-
contre l’un de l’autre , se détruisent mutuellement.
Âu reste ce point le plus échauffé n’est pas celui sur
lequel les rayons du soleil tombent perpendiculaire-
ment , parce que le point qui a été échauffé de
cette manière , s’échauffe encore lorsque la direction
est devenue oblique; ensorte que le Maximum de
chaleur est assez généralement entre 2 et 3 heures
dans les jours de 12 heures, et entre $ et 6, dans
ceux de 16 à 18. Cette troisième cause des vents
constans produit un vent d’Est dans l'hémisphère
(139)
où est le soleil après son passage par lEqua-
teur, et un vent d'Ouest dans l’hémisphère opposé ,
et dans chacun un vent de Nord pour l’hémisphère
septentrional , et de Sud pour l’hémisphère méridio-
nal. Lorsque le soleil est dans l'Équateur , le vent
d’Est où d'Ouest est nul, et 1iln’y en a point aux
pôles. Par la combinaison de ces vents avec ceux
qui sont dus à l'attraction de la lune , 1l doit exister
du côté du Nord des vents Est, Est-Nord-Est,
Nord-Est, et du coté du Sud, des vents Est, Est-
Sud-Est , Sud-Est, .
C’est ici que M. Prudhomme traite des causes se-
condaires, qui en arrétant le cours de l’air, donnent
naissance à un vent réfléchi, tandis que les tranches
supérieures à l’obstacle continuent de suivre leur di-
rection. Il explique ensuite trois des causes inconstan-
tes qu’il a indiquées , savoir : les éruptions volcaniques,
la formation des nuages, les cavités souterraines.
Les matières rejettées avec force du sein embrasé
d’un volcan, la plupart avec une quantité plus on
moins grande d’eau vaporisée, soulèvent et écartent
la masse d’air qui est au-dessus du cratère , et par
cette répulsion produisent des courans en tous sens,
Comme ces matières élevées à une très-haute tem-
pérature se condensent bientôt en se refroidissant ,
l'air doit revenir se précipiter dans le vide qui en
résulte ; mais l'équilibre qui tend à se rétablir, est de
nouveau troublé par les secousses qui se succèdent ;
(140)
et cette suite d’actions er de réactions ne peut man
quer de produire un trouble considérable.
Voici sur quel raisonnement M. Prudhomme ad-
met la formation des nuages comme une cause du
vent. Les nuages se forment , ou parceque l'air aban-
donne la chaleur nécessaire à la dissolution de l’eau,
ou par une raréfaction subite d’une espace donné
d’air. Dans l’un et l’autre cas, il doit se former un
vide dans toute l’étendue où le nuage prend nais-
sance , et l'air environnant venant s’y précipiter pour
rétablir l’équilibre, forme divers courants. Quelque-
fois c’est le vent lui-même qui cause la raréfaction
qui détermine la formation du nuage, et c’est alors
qu’il est le plus violent. L’auteur se contente de pro-
poser aux physiciens comme un sujet digne de leurs
méditations ces bruyantes agitations de l’air, qui ac-
compagnent la chute d’une grande pluie d’orage.
Quant aux cavités souterraines , dont l’existence
est bien établie, et dont plusieurs ont été décrites,
il en sort avec plus ou moins de violence un air
échauffé par les feux qu’elles renferment , et dont
les effets varient d'intensité, en raison du volume de
cet air, de la compression qu’il éprouvait, et de
plusieurs circonstances qui ne sauraient être déter-
minées avec précision.
Dans la 3°. partie de son ouvrage , M. Prud-
homme présente une nouvelle division qui lui per-
met de considérer les vents sous un rapport essen=
(141)
tiel à son objet. Il distingue des causes supérieures ;
qui sont au-dessus de l’atmosphère , et des causes in-
férieures , qui résident sur la surface du globe, et par
conséquent des vents supérieurs et des vents inférieurs.
L'action simultanée de ces deux espèces de causes ,
soit qu’elles agissent dans une même direction, ou
dans des directions opposées avec des forces égales
ou inégales, donne des résultats qui sont autant de
conséquences des lois générales du mouvement, dont
quelques-unes sont rapportées dans le mémoire. Par
exemple , si les causes supérieures étant en opposition
avec les causes inférieures, sont plus puissantes , elles
feront parcourir à l’air leurs propres directions , et
il n’y aura qu’une seule cause de vent. Si la puis-
sance est égale, il y aura calme. Mais il arrive sou-
vent que les causes supérieures agissant moins puis-
samment sur la partie basse de l’air exercent seules
leurs forces sur la portion élevée qui est hors de
la sphère d'activité des causes inférieures ; et alors
il y a deux courans opposés , l’un supérieur , l’autre
inférieur.
M. Prudhomme pose en principe 1°. que, si
une masse d’air se meut d’un mouvement uniforme
dans toute son étendue , l’ordre des tranches, leur
densité et leur pesanteur réciproque resteront les
mêmes; 2° que si cette masse obéit à deux forces
égales et opposée qui se détruisent dans une des
tranches horizontales , les pressions réciproques
(19)
seront toujours les mêmes qu'avant le mouvement ;
et que la forme inclinée, à laquelle arrivera cette
masse, dans un certain temps , aura la même sur-
face. Il ajoute, sous le titre de théorème , que tout
corps, pesant en l’état de repos en raison de sa masse
sur une surface plane, ne se meut qu’en perdant
une partie de sa pesanteur, et que la diminution
de sa pression est proportionnelle à la vitesse du mou-
vement. Appliquant ce théorème à deux colonnes
d’air superposées l’une à l’autre, et agitées en sens
contraire , il conclut qu’il y aura une raréfaction ,
croissante en raison directe de la vitesse du mouve-
ment, jusqu’au moment où les deux tranches se-
ront en équilibre ; qu’il y aura conséquemment pré-
cipitation de l’eau dissoute dans l'air, production de
chaleur, et élévation de température; mais que si toute
la masse vient à prendre un mouvement uniforme ,
les densités des tranches se rétabliront , l'air redevien-
dra capable de dissoudre de l’eau, les nuages se ré-
soudront, et l'air reprendra sa limpidité. La seule ob-
servation de deux courans opposés, indiqués par la
marche des nuages, suffit pour reconnaître ces effets.
Cette théorie explique les variations du baromètre,
et les présages qu’on en tire pour un temps pluvieux
ou serein; puisqu'il doit descendre, lorsque la pres-
sion atmosphérique diminue , c’est-à-dire lorsque l’op-
position, de deux vents raréfie l'air, en précipite l’eau
sous forme de nuages, et prépare la pluie, et qu'il
(143)
doit monter dans les circonstances contraires. En ar-
gumentant de ces principes, rapprochés de ceux qui
ont été exposés dans les premières parties ,| on trou-
vera que dans nos climats voisins du 50e. degré,
le temps devra être sec, le Ciel clair, et la tem-
pérature plus basse, lorsque le vent inférieur souf-
fiera du Nord à l'Est, parce que l’attractoin de la
lune produit par nos parallèlles un vent de Nord-
Est, ainsi qu'il a été établi, et qu'il n’y a point
Opposition entre ces deux vents ; qu’au contraire un vent
du Sud à l’Est étant opposé au vent supérieur trouble-
blera le ciel, élèvéra la température et amenera de
la pluie : et c’est ce que l'expérience confirme. Les
mêmes raisonnemens sont applicables à l’autre kémis-
phère et à toutes les latitudes.
M. Prudhomme réfute une opinion très-accréditée
sur la raison du froid ou de la chaleur attribués à
certains vents, et qui se tire de la température des
régions que ces vents ont parcourues. Trois ou quatre
degrés de différence en latitude n’en donnent pas
deux en température, dans l'été d’un hémisphère :
or il faudrait au vent, par un mouvement moyen
plus de 26 heures pour parcourir trois degrés du
méridien, On ne devrait donc avoir, 26 heures
après un changement de vent, que deux degrés de
différence dans la température, et l’on éprouve que
les changemens sont bien plus prompts et plus con-
sidérables, Quand la vitesse de 4 mètres par seconde ,
(144)
attribuée ici au vent moyen, paraïtrait devoir être
augmentée de beaucoup , la conséquence n’en serait
pas moins bien établie.
En étendant ses explications à la zone torride 3
et en montrant leur généralité , l’auteur rencontre
une objection , qu'il détruit sans peine. Un vent
Nord-Est dans la presqu’île en de-çà du Gange, où
le vent supérieur est Est-Nord-Est donne , ainsi qu’il
doit arriver, un temps clair et sec dans la partie oc-
cidentale de cette presqu'île; mais en même temps,
il pleut abondamment dans la partie orientale, Une
chaine de montagnes, nommée 4s Gas, qui di-
vise ces deux parties dans toute leur longueur pres-
que dans la direction du Nord au Sud , explique ce
phénomène; puisque le vent direct rencontrant cet
obstacle du côté Est, produit un nouveau courant op-
posé, ce qui n’arrive pas de l’autre côté.
L’ile de Cayenne présente des effets analogues.
Le vent qui soufle de l’Est, rencontrant à l'Ouest
des côtes beaucoup plus élevées que l’intérieur, re-
flue par un contre-courant, et occasionne des pluies
abondantes pendant six mois; au lieu que, soufflant
du Nord-Nord-Est pendant les six autres mois, et
ne trouvant plus un semblable obstacle, il balaie
toutes les vapeurs , et procure un Ciel clair et un
temps sec. C’est par cette observation qu’est terminée:
la 3° partie du mémoire,
La
(145)
La 4€. traite du tonnerre, des trombes ; des mouse
sons, et des brises de mer et de terre,
M. Prudhomme montre que la foudre , qui cause
souvent la variation des vents, en est aussi un effet.
Une masse d’eau a comme tout autre corps, sa por-
tion d’électricité naturelle. Ce n’est pas seulement en
lui Ôtant ou en lui ajoutant du fluide électrique, qu’on
peut changer son état sous ce rapport; c’est encore
en faisant varier son volume, Conséquemment cette
masse, en se vaporisant ; devient considérablement
moins électrique, puisqu'elle devient 12 ou 13,000
fois pius volumineuse ; et elle tend fortement à sou-
tirer l'électricité des corps environnans. Mais lorsque
l'air abandonne l’eau qu'il avait dissoute , les nuages,
qui sont le résultat de cette précipitation, doivent
contenir du fluide électrique, dont la quantité dé-
pend de leur forme et de leur étendue, comme l’a
prouvé M. Achard, de Berlin; ce qui explique
comment un nuage peut soutirer des étincelles d’un
autre nuage, ou en donner lui-même, lancer la foudre
par l'effet du raccourcissement et de l’allongement de
ses dimensions , circonstances que l'on peut rappor-
ter a l’action des vents. Cet article contient une ci-
tation du P. Beccaria, et une explication du fameux
nuage noir du Cap-de-Bonne-Espérance , appellé
Œil-de-Bœuf par les navigateurs.
Notre collègue s’est convaincu par lui-même
de la réalité des trombes, que M, de Lacoudrave
K
( 146 )
est tenté de révoquer en doute : il en a observé
une aux environs de Bordeaux, dont il nous a lu
une description. Il expose deux manières d'expliquer
ces phénomènes : l’éruption de gaz ou de feux sou-
terrains, qui soulève les eaux, souvent jusqu’à une
hauteur considérable ; et la rencontre de plusieurs
vents opposés, dont le frottement à leur contact for-
mant un tourbillon rapide, produit un vide , ou une
grande dilatation dans son intérieur, et facilite l’élé-
vation des matières légères ou très-mobiles.
Les moussons fournissent encore à M. Prudhomme
un argument en faveur de sa théorie. Cette espèce
de vent soufle pendant six mois du Nord-Est dans.
toute la partie septentrionale de la zone torride, et
du Sud-Est dans la partie méridionale de cette zone;
et pendant les six autres mois du Sud-Ouest dans
la première, et du Nord-Ouest dans la deuxième. Lors-
que le soleil a passé dans l'hémisphère boréal, il
commence à échauffer la surface de l’Arabie, de
lIndoustan et de Siam; et cette chaleur augmente
à mesure qu'it approche du Tropique. Mais ces terres
réfléchissent plus fortement les rayons solaires, que
les mers qu'elles ont à leur Sud; et dilatant davan-
tage les colonnes d’air qu’elles soutiennent , elles dé-
terminent un courant de Nord-Ouest ou une mous-
son d'été, sujette à de grandes variations, depuis
environ le 15 Avril jusque vers le 15 Octobre. Les
effets sant réciproques dans l’autre partie de l’année,
( 147 )
et dans l’autre hémisphère. La situation et la hau«
teur de certaines terres donnent les moyens de con-
cilier cette théorie des moussons avec celle des vents
alisés, et les difhcultés sont résolues par les détails
des différentes localités.
Le dernier article de cette 4°, partie a pour
objet les vents périodiques nommés brises de mer es
brises de rerre. Ces vents ne sont guères connus
que des navigateurs, qui les rencontrent aux envi-
rons des grandes îles, le long des côtes de l’Amé-
rique méridionale, et en général auprès de toutes
les côtes et des îles des zones brülantes. Chaque jour,
le soleil, en se levant , excite à la surface de ces terres
une chaleur qui croît jusqu'à deux ou trois heures
après midi, et diminue ensuite jusqu’au coucher : de
là un vent demer, ou rise de large, qui fraîchit de
plus en plus, jusqu’au maximum de la chaleur, et
mollit ensuite. Après un moment de calme, la par-
tie supérieure de l’air se refroidissant par l’absence
du soleil , et se condensant , refoule la partie infé-
rieure et la pousse vers la mer : de là un vent, ou.
une brise de terre, qui dure toute la nuit, sauf
quelques variations et quelques exceptions.
M. Prudhomme sollicite en finissant les obser-
vations et les -conseils de ses collègues sur un essai,
dont il déclare qu'il s'occupe depuis plus de vingt
ans avec un grand zèle, et pour lequel il a recueilli
tous les faits, tous les témoignages et toutes les ins-
Ke
(148)
tructions qui pouvaient aider la solution d’un pro-
blème intéressant par son objet et par les difficultés
qu'il présente,
Conyectures sur la possibilité que Le sokil, les planètes,
Les satellites | ec méme les comètes soient constituées
de manière a admettre des habitans de même na-
sure que ceux de notre terre, par M. WHEAT-
CROFT. (
La connaissance des véritables dimensions et de
la nature de ces grands corps qui circulent dans
Vespace , et qui composent notre système solaire ,
devait naturellement conduire à les supposer habi-
tables. Une fois convaincu que ces globes, loin de
n'être que des ornemens accessoires du nôtre, sont
la plupart beaucoup plus considérables , on n’a plus
de raison de croire que la terre soit l’objet prinçi-
pal et le centre de la création; et que , quand les
moindres portions de sa masse solide , l’eau qui
couvre en grande partie sa surface, l'air qui l’en-
veloppe , fourinillent d’habitans de toute espèce , les
autres corps célestes n’aient aucun but d'utilité pro-
portionné à leur importance, et soient condammés à
un état éternel de mort et de stérilité. L’idée que
tout nous donne de la sagesse divine semble répu-
Éc
(149 )
gner à cette supposition. Cependant, dit M. Wheat-
croft , tous nos physiciens et astronomes du dernier
” siècle ont jugé que les planètes , et à plus forte raison :
les comètes, sont trop près ou trop Join du soleil pour
jouir d’un degré de lumière et de chaleur qui püût
les rendre habitables. C’est cette opinion qu’il veut
combattre, en établissant qu'il n’est aucun corps
dans notre système solaire qui ne pût être habité par
des êtres constitués comme les êtres terrestres.
La première objection qui se présente , se tire
de la chaleur, qui serait insupportable à un distance
du soleil telle que celle où se trouvent Mercure et
Vénus, tandis qu’elle serait si faible dans Jupiter ,
dans Saturne, et dans les autres corps plus éloignés,
que tout y serait perpétuellement dans un état de
glace. Pour détruire cette objection, notre collègue
pose en principe que c’est par un préjugé faux qu’on
regarde les rayons du soleil comme la cause unique
et entière de la chaleur , et la distance de cet astre
comime la vraie mesure de la température. Il faut,
selon lui, aux rayons solaires, ce qu’il appelle un
aliment propre, c’est-à-dire un milieu sur lequel ils
puissent agir; et ce milieu est l'atmosphère , qui est
plus ou moins échauffée selon qu’elle est plus dense
ou plus rare. Les faits confirment cette théorie. A
mesure qu'on s'élève au-dessus du niveau de.la mer,
soir sur des montagnes, soit avec des aérostats , on
trouve un air plus rare et en même-temps plus froid;
(C150)
ensorte qu’au même iustant où, sous l'équateur les
plaines sont brülées par des ardeurs excessives, les
hautes montagnes y sont couvertes de glaces et de
neiges éternelles. Il est donc évident que la conden-
sation ou la raréfaction de l’atmosphère suffisent pour
procurer à chaque planète la température qui lui
convient. Si l'on considère de plus qu’à toutes les
profondeurs où l'on a pu pénétrer dans l’intérieur de
la terre, on a toujours trouvé une température cons-
tante et modérée, il sera difficile d’attriuer toute
la chaleur du globe à l’action des rayons solaires ,
et de ne pas admettre une chaleur centrale ou propre
à la masse terrestre , quelle qu’en soit la cause. Cette
hypothèse est un nouveau moyen de concevoir toutes
les planètes convenablement échauffées, en suppo-
sant que chacune a reçu dans le principe une cha-
leur centrale d’autant plus forte qu’elle était plus loin
du soleil. M. Wheatcroft applique les résultats de
sa théorie à chaque planète en particulier, et l’étend
aux comètes, qu'il ne croit point exposées à ces
extrêmes {variations de température qu’on a jugées
être l’effet nécessaire du prodigieux allongement de
leur orbite. Newton suppose que la comète de 1680
a éprouvé dans son périhélie un degré de chaleur
deux mille fois plus considérable que celui d’un fer
rouge. Nous ne connaissons point de corps qui püût
résister à une telle chaleur : cependant la comète a
passé et a continué sa route dans le Ciel jusqu’à la
(151)
distance de 11 billions de milles. Si l’on admet avec
l’auteur du mémoire que ces immenses trainées de
lumière appelées queues, qui ont coutume d’accom-
pagner les comètes, sont leurs atmosphères, qui se
condensent à mesure qu’elles s’éloignent du soleil ,
et dont elles se dégagent en grande partie dans leur
plus grande proximité de cet astre, on trouvera
qu’elles peuvent-être toujours maintenues dans un état
à peu près uniforme,
Quant à la lumière, l'expérience prouve que nos
yeux peuvent au moyen du resserrement ou de la
dilatation de la pupille, s’accommoder du plus grand
degré comme du plus petit. Il y a une différence
prodigieuse dans la manière dont nous sommes éclairés
par un beau soleil ou par un ciel nébuleux, et à
peine y faisons-nous attention. On a trouvé que le
soleil nous donnait 300,000 fois plus de lumière
que la pleine lune , à la même hauteur. Amsi, quand
une comète serait assez éloignée pour ne recevoir que
la millième partie de la lumière solaire que nous
recevons, elle serait encore 300 fois plus éclairée que
nous ne le sommes par la pleine lune.
M. Wheatcroft prévient une objection tirée du
danger de fréquentes inondations par les marées ,
auquel il semble que la lune et les satellites des autres
planètes seraient sujets , s'ils étaient, comme notre
terre en partie couverts d’eau, ainsi qu'il faut l’ad-
mettre dans un système qui les suppose habi'ables, I
K 4
(151)
montre comment if suffit pour éviter ce danger, que
ces corps fassent leur rotation sur eux-mêmes en
même-temps que leur révolution autour de_ leur
planète principale , et en lui présentant toujours le
même côté, que d’ailleurs leur surface ait de grandes
irrégularités, et que leur forme soit loin d’être par-
faitement sphérique, et qu’en cas d'insuffisance de ces
causes, ils n'aient pas dé grandes mers, les seules qui
soient exposées à des marées directes.
Notre collègue n'excepte point de sa théorie le
soleil, qu’on est accoutumé à concevoir comme un
océan de feu liquide; et il cite à ce sujet les idées
exposées par Herschell dans des mémoires publiés des
puis quelques années. Suivant ce célèbre astronome,
le soleil serait un corps opaque, comme la terre et
lesautres planètes, enveloppé à la distance de plusieurs
milliers de milles, d’une brillante atmosphère ; qui
servirait à l’échauffer , à l’éclaiter lui-même, ainsi que
tout le reste du système. Les taches qu’on aperçoit
sur son disque, et qui lorsqu'elles sont sur les bords,
paraissent rentrer de plusieurs milliers de milles , ne
seraient que des parties de sa surface , rendues vi-
sibles par quelque dérangement dans son atmosphère.
Quelle sublime idée, s’écrie M. Wheatcroft ! un
monde un million de fois plus grand que le nôtre
jouissant d’un jour et d’un été éternels !
(153)
Réflexions sur le. mémoire précédent , par M;
THIERRY fils.
M. Thierry pose en principe que quelqu’ingénieuse
que soit une théorie, elle ne peut être admise au
nombre de celles que la vraie science. peut fournir,
et on doit la faire rentrer dans le/domaine de l1-
magination , toutes les fois qu’elle ne concorde pas
avec les faits : or les conjectures de M. Wheatcroft
lui paraissent être dans ce cas. En effet, pour prouver
que toutes les planètes pourraient jouir d’un degré
de chaleur qui les rendît susceptibles d’être habitées
par des êtres de même nature que ceux de la terre,
rejettant comme un préjugé faux l'opinion qui re-
garde la distance du soleil comme l’unique cause de
la température de notre globe, 1l lui en assigne en-
core deux autres, d’abord la densité de l’atmosphère
qui l’enveloppe , et ensuite un feu central propre et
indépendant de l’action du soleil ; et comme l’auteur
de la nature a pu donner à chaque corps de rotre
système solaire une atmosphère d’autant plus dense
ou plus rare, et une chaleur centrale d’autant plus
forte ou plus faible, qu’il se trouvait placé plus loin
ou plus près du soleil, ilen conclut qu’il n’y a point
de position où l’on ne pût jouir d’une température
(154) ;
semblable à celle dont nous jouissons. L'argument
de M. Wheatcroft, par rapport aux eflets qu’il at-
tribue au plus ou moins de densité de l'air, est tiré
de la différence de chaleur que l’on observe dans le
même temps et à la même latitude, entre les vallées
ou les plaines et les montagnes, et en général entre
les lieux où l’air est le plus condensé et ceux ou
il est plus raréfié. Parmi les diverses hypothèses par
lesquelles on pourrait tenter d'expliquer ce phéno-
mène reconnu , M. Wheatcroft choisit la combinai-
son des rayons solaires avec l’air atmosphérique ; en-
sorte que dans son système, on sent plus de cha-
leur là où l'air est plus dense, parce qu’il absorbe
plus de rayons solaires. Mais si l’on établit que le
calorique rayonnant traverse l'air sans en recevoir au-
cune entrave dans sa marche , et sans l’échauffer sen-
siblement, on détruira l'hypothèse de M. Wheatcroft :
or c’est un fait généralement reconnu par tous les
physiciens qui ont fait une étude particulière de cet
objet , et principalement par Schéele ; et l'on doit re-
garder comme un principe qui fait partie de la
science , que les rayons solaires n’échauffent les corps
ni en les traversant, comme il leur arrive à l'égard
de l’air, ni en touchant seulement leur surface, pour
être réfléchis, mais seulement lorsqu'ils sont absorbés
par eux ; et puisque le globe terrestre comme tout
autre corps solide peut absorber , et absorbe réel-
lement des rayons solaires, le même principe con-
(155)
tredit ce qu’ajoute M. Wheatcroft, que si la terre
était dépouillée de son atmosphère , elle ne pourrait
plus être échauffée par le soleil. Tel est le raison-
nement de M. Thierry.
Quant au feu central, qui n’est ni prouvé selon
l’idée qu’en ont donnée ceux qui ont avancé son exis-
tence , ni nécessaire pour expliquer la chaleur de
notre globe, il est insuffisant sans l’autre hypothèse
pour appuyer le système de M. Wheatcroft. Quoi
qu'on puisse penser de cette chaleur supposée in-
hérente au globe, on voit que dans son mode d’ac-
tion, elle n’empêche pas beaucoup de contrées d’être
glacées , et notamment les pôles , quoique par leur
applatissement ils se trouvent plus rapprochés du centre
de la terre que ses autres parties. J1 serait indispen-
sable pour réfuter directement l'influence qu’on lui
attribue, de savoir quelle idée s’en forme l’auteur
du mémoire que M. Thierry combat.
Il est probable qu’une discussion plus approfondie
fournira les moyens de prononcer avec confiance sur
k mérite de l'hypothèse avancée par M. Wheatcroft
et réfutée par M. Thierry.
Mémoire sur Le blé lammas, par M. LAMOUROUx.
M. Lamouroux , ayant fait à la société d’agricul-
ture et de commerce de cette Ville un rapport sur
(156)
une nouvelle variété de blé nommé 44 lammas , a
communiqué à l’Académie les principaux faits et les
vues les plus importantes contenus dans ce rapport.
C'est à M. Wheatcroft , l’un de nos collègues,
qu'est due l'introduction du blé lammas en Norman-
die. Ayant reçu d'Angleterre une variété de froment
nommée b/ carré, il trouva dans le champ où il
l'avait semé, deux épis de Zamrmas, qu’il connais-
sait depuis long-temps ; il en recueillit avec soin tous
les grains, et les sema dans son jardin à Ardennes
en 1797. Telle est l'origine de cette culture, que
M. Lamouroux expose, après avoir donné la syno-
nymie de ce blé, et les raisons qui lui font préférer
la dénomination de Zammas. Les autres objets dont il
traite sous autant de titres, sont es caractères de cette
variété, a préparation de la terre | l'époque de l’en-
semencement , la quantité et le choix des semences , Le
blé en herbe, la récole, la paille, le battage, Les
maladies du blé, le produit du terrain en gerbes et
en grain, les qualités du grain , celles de la farine
et celles du pain, Le prix. du lammas, l'étendue du
pays où le lammas est culiivé en 1813, enfin l'a-
nalyse chimique. Le rapport est terminé par cette
récapitulation générale des avantages er des désavan-
sages que présente Le lammas.
10. Ce blé est désavantageux à cause des précau-
tions qu'il faut prendre pour avoir une semence
exempte de tout mélange.
(157)
29, Il est avantagenx par la facilité qu’il offre de
pouvoir être semé presqu’en tous temps avec la cer-
titude de le voir parvenir à une maturité parfaite.
Il n’en est pas de même du franc blé ou des gros
blés.
3°. [résiste plus que les autres aux variations de
l'atmosphère et aux météores destructeurs de nos ré-
coltes,
4°. On peut le moissonner presque à la même
époque que le seigle, c’est-à-dire 15 ou 20 jours
avant les autres; avantage inappréciable dans les pays
sujets à la grêle et aux orages , ainsi que dans les
années de disette. |
5°. Il a le désavantage dé s’égrainer facilement,
si l’on attend une maturité parfaite peur en faire la
récolte. Cet inconvénient disparaît en grande partie,
si, comme l'indique l’expérience, on a soin de le
moissonner 8 à 10 jours avant qu'il soit parfaite-
ment mûr, et si l’on emploie la faucille au lieu de
la faux.
6°. La paille du /ammas n'est pas aussi bonne
que celle du franc blé ou des gros blés , pour la nour-
riture des chevaux. Cet inconvénient peut être com-
pensé par la préférence que lui donnent les bœufs
et les vaches, à cause des herbes qui s’y trouvent
méêlées.
7°. Le chaume du /4mmas est le meilleur de tous
(158)
pour la couverture des maisons. Il se conserve deux
ou trois ans de plus que les autres.
80, Le lammas est beaucoup plus facile à battre.
Un ouvrier ordinaire en travaille un cinquième de plus
dans le même espace de temps.
9°. Il est moins -sujet que les autres blés aux ma-
ladies qui attaquent les plantes céréales.
100, Il produit autant que le franc blé dans les
bonnes terres, et davantage dans les terrains mé-
diocres.
11°. Seul il prospère dans les terres à seigle.
120. Il donne plus de farine et plus de pain que
le franc blé ou les gros blés.
13°. La farine et le pain sont inférieurs à ceux
des autres variétés. |
140. Le son ne vaut pas celui des autres blés.
15°. Le prix est égal à celui du franc blé et ne
paraît devoir être jamais au-dessous.
169. Il entre pour environ un quart dans la quan-
tité totale de toutes les variétés de blé que l’on
cultive dans l’arrondissement de Caen; et cette pro-
portion augmente tous les jours.
170. Enfin son analyse chimique indique qu’il est
plus riche en fécule amilacée , et moins en gluten
que le franc blé.
M. Lamouroux conclut de tous ces résultats que
la culture du blé /ammas est avantageuse et, doit
être encouragée.
(159)
Mémoire sur la nécessité d’alrerner Les récoltes, par
M. de MANGNEVILLE.
L'expérience a démontré depuis long-temps , dit
M. de Mangneville , que la terre ne pouvait pro-
duire constamment les mêmes récoltes, sans perdre
sa fécondité. Un terrain inculte ne produit que les
plantes qu’il peut nourrir; et l’on voit que ces
plantes varient , et sont rarement dans une année
toutes les mêmes qu'on y avait vu croître les an-
nées précédentes. Quelques voyageurs assurent que,
lorsqu'on abat des arbres dans les forêts de l’Amé-
rique , l’espace vide se trouve bientôt couvert de
bois d’une espèce différente. Le cultivateur ne fait
donc que suivre l'indication de la nature, en adop-
tant cette succession de récoltes , qu’on appelle as-
solemenr, L'auteur regarde comme inutile de prouver
la nécesssité généralement reconnue des assolemens ;
mais il lui semble important de rechercher les causes
de cette influence salutaire du changement de ré-
coltes. |
La sève, dit-il, d’après M. Sennebier et M.
Fourcroy , est le suc nourricier des plantes, et elle
renferme les élémens de la nourriture végétale. Ce
sucest ensuite modifié par l’acte de la végétation , pour
( 160 )
former les différens matériaux immédiats des plantes ;
tels que les acides , la fécule, les huiles, les résines,
et généralement toutes les substances que l’on trouve
dans les végétaux, et dont la production est due à
la nature des vaisseaux par lesquels la sève a été
élaborée. Il cite à l’appui de cette théorie l’exemple
de la greffe; et entre plusieurs faits l'expérience
rapportée par M. Duhamel, d’un jeune citron gros
comme un pois, qui ayant été greffé par sa queue
sur une branche d’oranger , y grossit, y müûrit,
et conserva sa qualité de citron, sans participer en
rien de l'orange. Tous les faits de cette sorte con-
firment que les divers matériaux immédiats des végé-
taux sont formés dans leurs organes. Les chimistes
nous ont appris d’ailleurs qu’ils proviennent des mêmes
principes, et que la cause de la variété est dans la
seule différence des proportions.
M. de Mangneville examinant ensuite si les végé-
taux tirent de la terre des substances différentes pour
former leur sève, rapporte plusieurs expériences qui
prouvent qu'avec de l’air et de l’eau pure on peut
faire croître des plantes de nature très - diverse,
et que l’hydrogène et l’oxigène contenus dans
l'eau, avec l’acide carbonique absorbé de Pair, sont
les trois principaux élémens de toutes les susbtances
végétales. Quant à la nourriture plus abondante
qu’elles tirent de la terre, et des engrais, et qui
leur est nécessaire pour un accroissement complet ,
il
( 161)
il montre qu’elle fournit également les mêmes prin-
cipes aux différentes plantes.
Mais si la même nourriture , ajoute-t-il, convient
également à toutes les plantes, comment expliquer
la nécessité des assolemens ? la différence de direc-
tion des racines lui fournit la réponse à cette question.
Si on fait succéder une plante pivotante à une autre
qui prend sa nourriture dans la couche supérieure de
la terre, la couche inférieure se reposera , et absor-
bant de nouveaux principes , redeviendra propre à
une nouvelle production; et l'effet sera le même dans
une succession inverse. L'expérience vient à lappui
de cette explication. On ne voit jamais le blé réus-
sir sur un terrain qui a produit de l’orge ou de l’a-
voine. De même pour les arbres, un orme n’aura
qu'un faible accroissement , si ce n’est dans un ter-
rain extraordinairement riche, s’1 remplace un autre
orme. Cette influence se fait même sentir par le seul
voisinage des arbres de même espèce.
Le mémoire est terminé par une observation que
tout le monde peut faire. Si l’on parcourt un champ
de blé situé le long d’un haie garnie de frênes , d’ormes
et de chênes, on remarquera que le blé est plus vi-
goureux proche de ce dernier arbre qu’aux environs
des ormes, et que ce sera le frêne qui aura le plus
détérioré la récolte. En examinant les racines de
chacun , on reconnaitra que le frêne étend :les
siennes à la surface de la terre , et qu’elles ont un
L
(:262\)
chevelu qui se confond avec celles du blé, et qui
absorbe sa nourriture. Les racines de l’orme qui s’é-
tendent pareillement , ayant moins de chevelu, sont
moins nuisibles. Mais celles du chêne s’enfonçant pro-
fondément, ne font aucun tort à la récolte , et cet
arbre ne peut être préjudiciable que par son ombrage
et par l'obstacle qu’il met à la circulation de Pair.
Rapport de M. de MANGNEVILLE sur plusieurs
ouvrages de M. THIÉBAUD de BERNEAUD , as-
socié-correspondant.
Le premier de ces ouvrages, qui avaient été ren-
voyés à l’examen d’une commission dont M. de Man-
gneville a été le rapporteur , a pour titre Mémoire
sur le cactus opuntia, que l’auteur recommande de
multiplier en France, ainsi que l’insecte qui fournit
la cochenille. Après une distinction entre le cacrus opun-
tia et Le cactus coccinellifer , indiqué par M. Four-
croy dans son système des connnaisances chimiques,
la commission en reconnaissant la possibilité d’éléver
dans les départemens méridionaux la cochenille, qui
y est déjà acclimatée depuis long-temps , pense que
c’est à l’expérience à confirmer s'il est avantageux
pour la France de s'approprier encore cette produc-
tion du nouveau Continent.
<
(163)
Le second Ouvrage est un Mémoire sur La culture
des dalhies et sur leurs usages comme ornemens des
Jardins et comme plantes économiques. Le rappor-
teur remarquesur plusieurs des avantages attribués aux
dalhies, qu'ils sont communs au sarrasin, au colzat
et à beaucoup d’autres plantes.
Le troisième ouvrage , qui n’est point encore ter-
. 4 . . CE , !
mine , a pour titre : Essai Critique Sur Les prèjuges
et les erreurs populaires en agriculture. Les commis-
saires reconnaissent l'utilité de ce travail; mais par-
mi les préjugés dont il est fait mention dans les feuilles
déjà imprimées , ils en distinguent quine sont point gé-
néralement accrédités, comme la transformation du
blé en ivraïe et en seigle, et du seigle en orge ; d’autres,
comme le tort que la fauchaison des prés fait aux
blés , qu'il ne faut pas rejetter, sans examiner s'ils
ne doivent point leur origine à quelque vérité dont
on aura tiré de fausses conséquences. L'article 4 tend
à prouver l’innocuité de l’épine-vinette par rapport aux
blés et aux autres vécétaux environnans. La commission
ne trouve point les développemens suffisans, ni la preuve
complette. Elle termine son rapport par des observa-
tions sur le 14€, article de cet ouvrage; et en ad-
mettant avec l’auteur que le voisinage des arbres est
salutaire à l'homme , pourvu qu'ils ninterceptent
point la lumière et la libre circulation dé l'air , et
qu'ils n’eñtfetiennent point dans son habitation une
humidité constante , elle réfute comme uni très-grande
L 2
(164)
erreur l’opinion où il est que les arbres ne nuisent
point aux végétaux qui croissent sous leur ombre , et
en faveur de laquelle il cite entr’auttes le Départe-
ment du Calvados, quoiqu'il soit incontestable que
labondance de ses récoltes est due à la bonne qua-
lité du sol, et qu’elle est toujours beaucoup diminuée
par l'ombre des arbres dans les terres où il y en a.
Quelques considérations sur Les Albinos, par M. Le
SAUVAGE.
M. Le Sauvage commence par exposer des idées
générales sur la singularité qu’exprime cette dénomi-
nation, et il passe ensuite à deux observations qui
lui sont personnelles : la première sur un individu âgé
de trois ans, nommé Louis-Camille-Pierre Martin ,
demeurant à Paris; la deuxième sur Pierre Groult,
âgé de 19 ans, né à Caen, et résidant maintenant
dans l'hôpital de Lisieux. Il donne une descrip-
tion exacte de toutes les particularités remarquables
dans l’un et dans l’autre, et cite sur le dernier une
circonstance qui lui a été attestée par feu M. le Curé
de Saint-Etienne. Sa mère s'était, dit-on , fortement
attachée à un lapin blanc femelle, qu’elle considé-
rait continuellement dans le temps qu’elle était en
ceinte, Son mari qui craïgnit les suites de cette fan
NE, VE
(165)
taisie, menaça plusieurs fois de tuer l'animal, et le
tua en effet; et c’est à la forte impression que cet
évènement avait fait sur cette femme, qu’on s’ac-
corda généralement à attribuer la conformation par-
ticulière de son enfant. M. Le Sauvage, sans adopter
formellement la croyance vulgaire sur ce genre d’in-
fluence, rejetté par les savans, quelquefois avec, dé-
rision , parce qu'il n’a pas encore été expliqué, croit
qu'on ne doit point dédaigner de joindre les faits
de cette nature, qui se présentent de nouveau, à la
masse de ceux qui ont été précédemment observés,
ni regarder la question comme définitivement dé-
cidée. |
Au reste, 1l réduit ses observations à quelques ré-
sultats précis. Les Albinos ont pour principaux ca-
ractères les cheveux et les poils du corps très-blancs ,
les yeux un peu saillans , myopes , très-irritables par
l'effet de la lumière solaire , et doués d’une grande
et rapide mobilité , ce qui trouble leur vision pen-
dant le jour, sans qu'ils aient pour cela la faculté
de voir la nuit plutôt que les autres; la pupille d’une
couleur rouge plus ou moins foncée, qui s’altère lé-
gèrement sur l'iris ; la peau d’une couleur blafarde ,
le tissu cellulaire peu consistant , et une faiblesse par-
ticulière, qui paraît dépendre en grande partie de la
prédominance du système Jymphatique, doué d’une
très-grande énergie.
Des trois circonstançes dans lesquelles on peut
L 3
( 166 )
renfermer ces caractères, savoir le défaut de colora-
tion de la peau et des poils, la coloration en rouge
de la membrane choroïde ; et la faiblesse du tissu cel-
lulaire ; qui influe sur celle de toute l’économie, on
peut concevoir la première comme une conséquence
de la dernière; mais le rapport de la seconde avec
les deux autres ne peut s'expliquer dans l’état actuel
de la science. Il serait curieux de connaître si les
animaux qui changent accidentellement de pelage
éprouvent ce changement dans la couleur de la cho-
roïde.
Il paraît bien établi que l’organisation particulière
des albinos est le résultat d’une altération morbide
congénitale , et ne forme point une race distincte
de l'espèce humaine , ni un caractère transmissible par la
génération, et commun aux individus d’unemême fa-
mille. Cette modificationse remarque même dans plu-
sieurs classes d'animaux , surtout chez les mammifères,
les oiseaux et les poissons ; et l’on doit la regarder
dans chaque race primitive de l’homme , comme
une nuance extrême , que des nuances intermédiaires
rapprochent de celle qui lui est la plus opposée,
( 167 )
Rapport de M. Le SAUVAGE sur un mémoire de
M. THILLAYE, associé-correspondant , intirulé :
Essai sur une nouvelle théorie de la vision à dis-
tances variables dans l’homme et les animaüx.
Pour expliquer la faculté merveilleuse que l’homme
et la plupart des animaux ont d’apercevoir les objets
à des distances très-différentes, on en a cherché les
causes dans des variations correspondantes de la forme
de la cornée, de la position et de la figure du cristal-
lin , dela sclérotique , enfin de l'iris plus contracté ou
plus dilaté. M. Thillaye adopte la première, et réfute
successivement les autres ; mais en attribuant les va-
riétés de la vision aux différentes formes de la cornée ,
il rejette toutes les explications données à celles-ci,
et prétend les faire dépendre des diverses modifications
de la choroïde , déterminées elles-mêmes par une
affluence du sang dans les nombreux vaisseaux de
cette membrane, dont la cause immédiate résiderait
dans les diverses impressions de la lumière sur la
rétine.
Le rapporteur partage le sentiment de l’auteur sur
l'influence attribuée au cristallin on à la sclérotique,
et assez peu fondée pour dispenser d’une réfutation
détaillée. Il admet aussi une partie de ses objec-
L3
( 168 )
tions contre quelques-unes des hypothèses relatives à
la cornée ; mais d’autres lui paraissent plus spécieuses
que solides , et il les discute avec quelque détail.
Quant à la contraction et à la dilatation de l'iris,
dont M. Thillaye combat l'influence contre le sen-
timent qui se soutient encore avec le plus d'avantage,
M. Le Sauvage n’est pas de son avis; et il com-
mence par détruire une supposition de fat, qui a
pour elle à la vérité la plupart des physiologistes mo-
dernes , mais qui est contredite par les expériences de
maître Jean. Elle consiste à admettre le resserrement
de la pupille dans la vision à petite distance , et sa
dilatation dans la vision au loin.
Ce point fondamental méritait sans doute d’être
vérifié : il l’a été par la commission. M, le Sauvage a
rendu compte des expériences qui ont été tentées d’a-
bord sur quelques élèves du Lycée , et continuées en-
suite avec la plus grande attention sur une douzaine
des militaires casernés au château, et placés dans
un jour convenable , à portée de voir successivement
la batte de Caumont, située à plus de six lieues de
distance, les clochers de Samt Etienne, éloignés de
plusieurs centaines de toises , et un disque opaque
de trois pouces de diamètre tenu à quelques pieds
de l'œil. On a constamment remarqué , et sans au-
cune exception , que la pupille se resserrait à me-
sure que la vue se portait de l’objet le plus proche
sur le plus éloigné, et qu’elle se dilatait sensiblement
( 169 )
quand la vue revenait de l’objet le plus éloigné au
plus proche.
La théorie de M. Thillaye est principalement fondée
sur une sympathie entre la rétine et la choroïde, en
vertu de laquelle cette dernière membrane, gonflée
par l’afluence du sang en raison des distances de
la vision, aurait la faculté de comprimer les hu-
meurs de l’œil , et de les porter vers la cornée avec
assez d'énergie, pour qu’elles pussent étendre et faire
saillir en avant cette membrane, ce qui produirait des
variations dans l’étendue du diamètre antéropostérieur
de Pœil. Cette érectilité de la choroïde est déduite
de ses prétendues analogies avec l'Iris, dans lequel
tous les physiologistes modernes, et parmi eux M.
Mannoir , reconnaissent cette faculté à un haut degré;
mais le même M. Mannoir s’est convaincu par ume
expérience faite sur l'œil d’un homme récemment
décapité, et exposée dans le rapport, que les mou-
vemens de l'Iris peuvent être excités indépendamment
du gonflement de la choroïide; et de plus les ob-
servations de maître Jean, confirmées par celles de
la commission, ayant démontré que la dilatation de
la pupille est d'autant plus grande, que l’objet de la
vision est plus proche, tandis que dans le système
de M. Thillaye elie devrait être d’autant moindre,
à cause de l'allongement de l'œil , il s'ensuit que
l'analyse mise en avant ne peut être soutenue.
Au reste le rapporteur , en déclarant, non pas
(170)
que la théorie de M. Thillaye soit inadmissible , puis-
que même M. Mannoir paraît disposé à reconnaitre
l’action de la membrane choroiïde dans le phéno-
mène dont il s’agit, mais du moins que les preuves
dont il l’appuie sont insuffisantes , reconnaît que les
difficultés jusqu'ici insurmontables, que présente ce
sujet , rendraient son erreur très-excusable , et qu'on
ne doit pas moins lui savoir gré de ses efforts et de
ses laborieuses recherches , et il donne des éloges à
l’ordre qu’il a su mettre dans les nombreux maté-
riaux dont il s’est servi.
M. Le Sauvage, avant de discuter le système de
M. Thillaye, avait insisté sur une distinction essen-
tielle entre Îes parties constitutives de l'œil. Il:y re-
vient à la fin de son mémoire, qu’il termine ainsi :
» L'idée principale par laquelle M. Thillaye s'est
laissé séduire était ingénieuse sans doute ; mais elle a
dû le conduire à des résultatsinexacts ; et en cela il a par-
tagé le sort de la plupart de ses devanciers. On a trop
oublié, dans l’étude des phénomènes de la vision ,
que l'œil était un organe .vivant. À la vérité,
quelques particularités de son organisation le placent
sous l’empire des lois physiques ; mais elles ne peuvent
le soustraire à l'influence des lois physiologiques : et
c'est ce que paraissent avoir trop souvent ignoré,
et les physiciens, qui se sont exclusivement emparés
de cet organe , et les physiologistes , qui se sont con-
tentés de leurs explications. Il ont considéré œil
(171)
comme une machine de dioptrique ,; de même que
les chimistes pneumatistes comparaient le poumon à
leurs vases inertes, lorsqu'ils voulaient donner un théo-
rie de la respiration. Les uns et les autres auraient
dû ne jamais perdre de vue cette grande vérité, qu’il
existe, comme l’a dit Bichat, deux classes d'êtres ,
deux classes de propriétés ; deux classes de sciences;
et que l’application des lois physiques pour étudier
les phénomènes physiologiques, doit donner des ré-
sultats aussi fautifs |, que le serait l'emploi des lois
physiologiques dans l’étude de la physique. »
Rapport de M. Le SAUVAGE sur un mémoire de
M. GEOFFROY ayant pour titre : Sur les diffé-
rens états des coquillages au sein de la terre.
Le rappporteur réduit les idées longuement déve-
loppées dans une bonne partie du mémoire , aux
quatre propositions suivantes,
1°. Dans les coquilles composées d’une partie
nacrée, et d’une partie colorée, quelquefois la première
est intacte, la seconde seule a été altérée.
29. La partie colorante. semble résider plus parti-
culièrement dans la partie gélatineuse de la coquille ,
d’où 1l résulte que la destruction de la dernière en-
traine toujours celle de la première.
(172)
3°. Quelques coquilles fossiles sont uniformément
colorées ; et alors elles ont emprunté leur couleur $
qui n’est jamais brillante , aux substances minérales
avec lesquelles elles s'étaient trouvées en contact.
4°. Les coquilles pétrifiées ne seraient que des
moules , auxquelles la coquillé aurait donné la forme
avant de disparaître par l’effet de sa destruction ; et
on croit en trouver la preuve dans la disposition de
ces fossiles, qui offrent à leur surface les empreintes
des saillies au enfoncemens qui existaient à l’intérieur
de la coquille.
Les trois premières propositions paraissent au rap-
porteur n’énoncer que des observations peu impor
tantes ; et que l’on peut faire à l’aide de l’examen
le plus superficiel des coquilles fossiles. Quant à la
quatrième , il la croit inadmissible dans sa généralité.
Un rencontre en effet, des pétrifications dont la sur-
face indique qu’elles ont été moulées dans des co-
quilles ; mais on en trouve aussi qui représentent
l'extérieur même de la coquille, et la difficulté d’expli-
quer cette étonnante conversion ne saurait la faire re-
jetter. Soit qu’on adopte le système du professeur
Haui, ou celui de M. Patrin, on ne peut nier qu’il
y ait combinaison d’une substance nouvelle avec la
partie calcaire de la coquille, et conséquemment-pé-
trification.
Dans le reste de son memoire, M. Geoffroy
s'étend avec beaucoup de complaisance sur les avan=
(33)
tages qu’on peut tirer de l’érude des coquilles fos<
siles, soit pour la détermination de l’âge et des ré-
volutions du globe, soit pour le perfectionnement des
méthodes conchyliologiques. 11 réfute l’opinion des na-
turalistes qui ont prétendu que les espèces de coquilles
dont on ne trouve plus les analogues vivantes n’ont
point péri, mais que des changemens successifs dans
leur forme extérieure les rend méconnaissables, Le
rapporteur qui combat aussi cette hypothèse, qu’on
a voulu appliquer à tous les êtres organisés , cite
contre elle les cadavres d’animaux embaumés depuis
deux ou trois mille ans, que M. Geoffroy St.-
Hilaire a rapportés d'Egypte, et qui ressemblent
parfaitement dans toutes leurs parties aux animaux
de même espèce qui existent maintenant.
Suivant le rapport, le mémoire de M. Geoffroy
annonce un amateur ardent, même enthousiaste de
l'histoire naturelle, au moins quant à quelques par-
ties ; il est écrit avec correction et exactitude ; et
suppose de longues études et des connaissances éten-
dues : il faut avouer cependant que l’auteur est loin
d’avoir embrassé les considérations les plus relevées
et les plus importantes que présentait son objet.
(174)
Mémoire sur un canal de dérivation de quatre mille
soixante-un mètres de longueur & construire dans
la plaine de Poses , avec une écluse à Sas, er
un pont pour Les communications vicinales ,
afin d'éviter les difficultés er faire cesser L:s dangers
qu'éprouve la navigation de la Seine au pertuis de
Poses , par M. LESCAILLE, ingénieur ef chef
du Département de l'Eure, associé correspondant.
M. Lescaille , aprèsavoir montré succinctement l’im-
portance de la navigation dont il s’agit, «en indiquant
les nombreuses communications qu’elle facilite , dé-
veloppe , d’après les reconnaissances , nivellemens ,
sondes , et autres opérations faites sur le terrain, les
différens travaux qu’il est absolument indispensable
d'exécuter pour éviter le passage difficile..et dange-
reux du pertuis de Poses. Cette nécessité résulte des
retards considérables, de la dépense énorme et des
dangers très-graves qu'entraîne l’état actuel de cette
navigation, Suivant les détails très-circonstanciés que
contient le mémoire, 1l faut ordinairement à un bateau
pour monter le pertuis de Poses , depuis vingt-
quatre jusqu’à quarante-six chevaux , en raison de
ses dimensions , indépendamment de la fourniture
des cordages pour le haler , et du salaire des hommes
employés à cette opération ; ensorte que d’après
des évaluations très-fondées , le prix réduit du pas-
£ C175)
sage pour un bateau montant s'élève à cent quatre-
vingt-serze francs, et pour un bateau descendant
à quarante francs, en ne comprenant pas les che-
vaux du halage , mais seulement les frais extraordi-
naires ; et comme on estime qu’en temps de paix il
ne passe pas moins de 36$ bateaux montans, et autant
de bateaux descendans , la dépense annuelle monte
à 82,490 francs. Si l’on ajoute à la suppression de
cette dépense la célérité et la süreté que procurera
à la navigation l'établissement proposé, on y trou-
vera une ample compensation du prix des travaux
qu'il exige , et qui sont évalués à 1,369253 francs,
y compris les indemnités à payer aux propriétaires
de fonds. Au reste M. Lescaille répond aux objec-
tions tirées de quelques intérêts particuliers et de quel-
ques considérations locales.
À ce mémoire, qui avait été lu dans la séance pu-
blique de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts
du Département de l'Eure, du 16 Mai 1813, était
joint le Procès-verbal imprimé, relatif au passage du
premier bateau dans la grande écluse du Pont-de-
l'Arche sur La rivière de Seine , dans le bras de de-
rivation du fossé, daté du 14 Août 1813: Un
discours adressé par M. Lescaille à M. Le Comte
de Miramon, Préfet du Département de l'Eure, en
présence ‘des autorités publiques réunies pour être
témoins de ce passage, expose les motifs qui ont
fait ordonner l'établissement de cette écluse , les dif-
ficultés et toutes les circonstances de son exécution.
"
RE ST EG EE
a
SECONDE SECTION.
PARTIE LITTÉRAIRE.
a" à "| à Sn 7
Essai ou recherches sur Les vrais Élémens de l'histoire
ancienne du globe terrestre ,| par M. CaiLLy.
L'ivreur présente dans une introduction quel-
ques considérations générales sur la multitude et la
variété des systèmes de géologie et de cosmogonie,
nés de cette curiosité avide et toujours insatiable qui
voudrait tout connaître, accommodés aux préjugés
des différens peuples, et à l’ambitieuse prétention
de chacun d’eux d’être la première souche du genre
humain , et le plus souvent confirmés et en quelque
sorte consacrés par leur liaison avec les doctrines reli-
gieuses. Le progrès deslumières, l’accroissement de tous
les moyensd’étendre nos connaissances lui semblent des
motifs suffisans pour abandonner tant de vaines théo-
ries enfantées par l'imagination et accueillies par la
crédulité, et pour chercher dans des études sagement
dirigées, des notions plus sûres et mieux fondées sur
l'état des anciens habitans de notre terre. Son but
n’est point d’assigner une époque à l'existence du
globe terrestre, ce qui serait selon lui une folle pré-
tention
C177)
tention et une sotte vanité; mais il prétend établir
qu'on ne peut lui refuser une prodigieuse antiquité,
et appuyer son opinion sur des preuves avec les-
quelles ne pourraient se concilier les systèmes de
chronologie les plus suivis, dont il attribue le crédit
à l'autorité des Grecset des Romains sur nos jugemens
historiques, et à l’empire des principes religieux qui
ont été mis dans une sorte de dépendance de ces
systèmes.
M. Cailly indique quatre sources où l’on peut puiser
des lumières satisfaisantes sur le sujet qu’il traite:
1°. la géologie, ou la connaissance du globe ter-
restre ; 2°, les monumens épars sur sa surface ; 3°:
la tradition des connaissances astronomiques , celle
des faits et de ces longs souvenirs perpétués par des
usages qui, quoique dénaturés, conservent un reste
de leur primitive empreinte ; 4°. enfin la comparaison
de quelques faits transmis par les historiens. Il en fait
la matière d’autant de chapitres, dont le premier,
qui est seul l’objet de ce mémoire , est intitulé :
Preuves de la haute antiquité du globe tirées de la
géologie.
La première de ces preuvesest prise de ces immenses
chaïnes de montagnes quartzeuses et granitiques vraï-
semblablement antérieures à l'existence de la nature
organisée , dont elles ne contiennent aucune trace ,
et regardées avec raison comme les ossemens ou la
charpente primitive du glôbe, Si l’on regarde comme
M
(178 )
bien établi que ces énormes masses de granit , qui
renferment de vastes blocs de quartz ne sont que
des crystalhisations ; ou plutôt des aggrégations de
crystaux, qui ne sont eux-mêmes qu’une supeérpo-
sition successive de lames extrêmement minces, et
que leur formation assujettie à une admirable régu-
larité, ne peut s’opérer qu'avec une extrême len-
teur, combien de siècles a-t-il fallu pour produire
ces immenses aggrégations ?
Après la formation des roches primitives , dit l’au-
teur du mémoire, on découvre les masses schis-
teuses ou hétérogènes , qui semblent accolées aux
montagnes mères. C’est là que se sont principale-
ment formés les minéraux; et ces montagnes secon-
daires ont éprouvé plus de bouleversemens et de se-
cousses, parce qu'elles renferment plus de matière
propre à alimenter ce feu souterrain qui produit les
volcans.
Untroisième objet que M. Cailly présente commeune
preuve bien puissante de son opinion , c’est cette pro-
digieuse quantité de terre calcaire dont les couches
horizontales recouvrent une partie considérable du
globe , tantôt en forme de montagnes, tantôt en forme
de plaines. En admettant avec les naturalistes que
ces terres proviennent de corps organisés , quel que
soit le mode de leur décomposition; en considérant
que si la plupart contiennent encore quelques-uns de
ces corps en nature, beaucoup de bancs n’en offrent
(179)
plus aucuns vestiges, et attestent par conséquent uné
décompositiorf complète ; en supposant de plus que
ces couches alternativesde terre calcaire et de terre vé-
gétale, que l’on a trouvées dans plusieurs fouilles,
sont dues à des invasions successives de la mer,
qui aura recouvert plusieurs fois le sol qu’elle avait
plusieurs fois abandonné ; à juger du temps nécessaire
à ces grands résultats par celui des changemens presque
insensibles dont nous pouvons être témoins , quelle
durée prodigieuse ne serait-on pas forcé d'accorder
même à la nature vivante ?
Ces mers de sable, qui offrent un aspect si
effrayant dans le continent de l'Afrique, et dont
le temps seul ne semble pas expliquer suffisamment
la production ; ces volcans éteints qui n'ont dû
leur existence qu’à leur voisinage de la mer, et
qui se trouvent dans des lieux qui en sont aujour-
d'hui fort éloignés, et qui l’étaient même, tel que
le centre de la France, dans les temps les plus re-
culés dont l’histoire fasse mention , sont encore des
moyens de preuve que M. Caiïlly apporte à l'appui
de son système.
A loccasion des volcans, l’auteur cite une re-
marque intéressante de M. Goux de Faix sur l’Indous-
tan. Cet immense pays ne fournit aucune trace ré-
elle ou traditionnelle de ces foyers de destruction re-
trouvés plus ou moins fréquemment par les voyageurs
dans les quatre parties du monde, à l'exception du
M 2
Le ( 180 )
seul volcan placé à l'extrémité méridionale de la
Presqu'île. Si l’on ajoute à cette singularité la nature:
q j 8
et la forme des montagnes , généralement formées
de granit bleu ou rouge , en couches toujours pa-
rallèlles à Fhorizon et à peu près égales entr’elles , la
profondeur de la terre végétale, qui n’a pas moins
de dix à douze pieds d’épaisseur , l’absence de piertes
calcaires, de silex, de pyrites, de mines à charbon
de terre et de métaux ou demi-métaux, enfin de
tout indice de bouleversemens, on sera porté à croire
que ce pays a été le plus anciennement habité, ainsi
que le conclut M. Cailly, qui a donné, au reste,
d’amples développemens à tous les moyens de preuve
qui n’ont pu qu'être indiqués ici, et qui a confirmé
ses explications théoriques par de nombreuses et
longues citations de Saussure , de Pallas, de Faujas
de Saint-Font, de Humbolt, et par l’autorité de
plusieurs autres savans,
Il lui restait à répondre aux ebjections de plusieurs
hommes instruits contre les conséquences qu’il adopte
relativement à l’ancienneté du globe. M. André, qui
a visité la chaîne des Alpes , et qui l’a observée
avec une exactitude qui n’est point révoquée en
doute, y a remarqué une dégradation continuelle
et rapide, qui ne permet point d'attribuer à ces
montagnes une existence fort ancienne , parce que
dans ce cas, elles devraient déjà être totalement
détruites. Les attérissemens successifs et assez prompts
(18r) |
formés par les fleuves lui paraissent aussi repousser
l'hypothèse d’une haute antiquité , et il voit dans
une grande débâcle la cause des désordres et des
irrégularités qu’on voudrait rapporter à une action
lente et continue des agens de la nature. M. de
Leu méconnaît les invasions de la mer et la dégra-
dation successive de ses côtes. Sur ce dernier point,
M. Cailly en appelle à des faits notoires observés sur
les côtes de la Normandie, et à des changemens no
tables consignés dans les chartes encore subsistantes.
Il cite à ce sujet , une trentaine de vers d’un voyage
de M. de Nesle, qui prouvent que ces effets étaient
reconnus. Quant à la supposition d’une débâcle gé-
nérale, il la juge insoutenable et contredite par tant
de dépôts réguliers, qu’elle n'aurait pu manquer de
troubler. Les dégradations observées dans les Alpes et
ailleurs ne sont, à son avis, que des accidens par-
tiels, qui ne peuvent pas faire juger de l’ensemble.
exempt de toute altération considérable, comme le
prouvent les deux chaînes des Gates dans l’Indous-
tan; et l’on ne saurait attribuer un progrès bien ra-
pide aux attérissemens des fleuves, si l’on en juge
par ceux du Nil, puisqu'on ne voit pas que depuis
Hérodote, c’est-à-dire depuis plus de 22 siècles ,
ils aient beaucoup aggrandi le sol du Delta Egyptien.
Cette première partie du travail de M. Cailly est
terminée par la citation d’un passage qui est comme
le résumé des propositions qu’elle renferme, et qui
a été extrait du Mercure, n°, 436. M 3
(182) ji
Description de l'ouverture de l'avant-port de Cher-
bourg qui a eu lieu le 27 Août 1813 , et détails
sur ce qui s’est passé à cette occasion, par M.
LAIR.
Il y avait déjà plusieurs jours que M. Lair visi-
tait les travaux maritimes de Cherbourg avec l’admi- ,
ration d’un amateur zélé et l'intérêt d’un citoyen
rempli de l'amour de la patrie, lorsque l’on con-
somma la confection du nouveau bassin, en lui ou-
vrant une communication avec la mer ; et l’âme toute
pleine de ce grand spectacle et des sentimens qu'il
avait excités en lui, il voulut faire partager à ses col-
Jègues , autant qu'il était possible , les jouissances qu'il
avait éprouvées, en leur faisant un récit exact et dé-
taillé, non seulement de ce qu'ilavait vu, mais même
de ce qu'il avait senti et pensé.
La rade de Cherbourg, qui s'étend au Nord de
la Ville jusqu'à environ une lieue en mer , sur une
étendue bien plus considérable de l'Est à l'Ouest,
est fermée par des forts, dont la batterie Napoléon
complète la ligne, en partageant en deux une passe
beaucoup trop large , eten ne laissant à chaque extré-
mité de la nouvelle digue qu’une entrée peu spacieuse,
qui ne pourrait être franchie de vive-force. Dans la
’ (185)
partie occidentale de cette rade, et tout près de la
terre, la nature offrait un espace resserré et profond
entre deux rochers , dont on concut le projet de faire
l'entrée d’un port, où les plus grands vaisseaux pussent
accéder non-seulement dans toutes les hautes mers,
mais encore une heure environ avant ou après les
basses marées. Une pareille entreprise , en promettant
des avantages immenses à notre navigation , présen-
tait des difficultés effrayantes. La plus grande, sans
doute, était d’élever dans l’ouverture formée natu-
rellement, une digue qui fût assez solide pour sou-
tenir le poids des eaux , et surtout les efforts des
plus violentes tempêtes pendant un assez grand
nombre d’années , nécessaire pour creuser un port
derrière cette digue, et qui fût, d’un autre côté ,
assez mobile pour pouvoir être enlevée complète-
ment et facilement à la fin des travaux ; et c’est ce
que l’Art a exécuté, Après la construction de deux
môles en granit, qui réduisaient le passage à une
largeur de 196 pieds 8 pouces, on a mis à flot le
3 Septembre 1807 un vaste batardeau construit à
peu de distance de là, et on l’a enfoncé dans l’es-
pace que laissait les deux môles. Ce batardeau n’é-
tait pas d’une seule construction. Sa partie princi-
pale consistait en une espèce de grand bateau de
142 pieds de long , sur 84 pieds de largeur à la
base, 44 au sommet, et 40 pieds de hauteur ver
ticale. Les deux, intervalles qui restaient jusqu'aux
M 4
| (184)
môles, et qui formaient ensemble une longueur de
54 pieds , furent remplis par des pièces additionnelles
et d’une construction analogue au système principal.
Cest à l'abri de cette digue factice, ouvrage de
M. Guillaume, à laquelle on avait donné une soli-
dité à toute épreuve, en l’emplissant de sable et de
terre glaise, et par tous les autres moyens de l'Art,
qu'on a creusé un chenal , qui va en s’élargissant
depuis 196 pieds qu'il a entre les môles , jusqu’à 308,
sur une longueur de 247, et à la suite de ce che
nal,un bassin formant un parallélogramme de 900
pieds de long , sur 720 de large, et $$ de profon-
deur. Le chenal est moins profond d’environ $ pieds.
Le tout a été creusé dans un schiste généralement
quartzeux , dont la dureté augmentait à mesure qu’on
allait plus avant. La partie supérieure de cette enceinte
est revêtue d’un mur de granit solidement construit;
mais depuis le fond jusqu’à environ 24 pieds de hau-
teur , le talus, incliné de 4$ degrés à la verticale , est
formé du roc même, qui est continu sans aucune
interruption , et qui a été taillé avec le même soin
que des pierres de maçonnerie, Dans cette enceinte ont
été pratiquées deux embrâsures , dont l’une du côté
du fort Homet, c’est-à-dire vers le Nord,momentané-
ment fermée par un bateau-porte , doit faire la com-
munication du bassin déjà creusé, et qui n’est des-
üné qu’à servir d’avant-port , avec le bassin des ara
memens, qui est déjà fort avancéghet qui doit être
C185)
terminé dans deux ans. Dans le côté opposé , la
seconde ouverture présente une belle forme en granit,
taillée avec une perfection étonnante, dans laquelle
les vaisseaux de la plus grande dimension pourront
être construits ou radoubés. Il avait été creusé au
fond du bassin deux fosses , l’une en avant de la
forme dont on vient de parler, l’autre en face de la
passe, dans chacune desquelles on déposa le 23
Août, en présence du ministre de la Marine, une
plaque en platine , où était gravée la date de la
construction du port, avec ses principales circons-
tances, et une boîte en bois de chêne recouverte d’une
feuille de plomb, contenant toutes les pièces de
monnaie Française en circulation, et 80 médailles
en bronze du règne de l'Empereur. Une filtration
d’eau appellée Renard, qu'aucun moyen n'avait pu
arrêter pendant toute la durée des travaux , avait
nécessité l'établissement de trois pompes à feu, pour
maintenir à sec le fond du bassin. L’enceinte du
port se trouvait fermée par des retranchemens garnis
de canons , surtout près de la passe. Sur l’un des deux
môles on doit élever un phare , et sur l’autre un
sémaphore. M. Lair a ajouté aux mesures linéaires
que nous avons données les superficies et les volumes,
qu'il est facile d’en déduire, à l’aide du calcul. |
Ce fut le Vendredi 27 Août que le bassin fut
ouvert aux eaux de la mer. On avait employé beau-
coup d'ouvriers , d’abord à faire des ouvertures dans
( 186')
lebatardeau, et à le décharger d’une partie du sable
et de la terre glaise qu'il contenait, et ensuite à en
sapper les appuis. Sur les cinq heures un quart du
soir , la marée étant parvenue à une certaine hauteur ,
l'eau commença à entrer par trois ouvertures , en aug-
mentant toujours de volume, et présentant un spectacle
de plus en plus intéressant. M. Lair en détaille avec
le plus grand soin toutes les particularités, Il nomme
beaucoup de personnes distinguées par leur mérite ,
qui se trouvèrent parmi la foule des curieux, et il
n'oublie pas de payer un juste tribut de louanges à
M. Cachin, directeur de ces importans travaux. Notre
confrère méritait bien par son empressement et sa
persévérance, de ne rien perdre d’un événement si
remarquable. Il était resté avec un très-petit nombre
de spectateurs , lorsqu'à neuf heures du soir , un
craquement épouvantable et une secousse violente an-
noncèrent la rupture du batardeau du côté du bassin.
Des pièces de la charpente se détachèrent à plu-
sieurs reprises , et la mer se précipitant avec impé-
tuosité eut rempli en une demi-heure la vaste ca-
pacité de l’avant-port. C'est avec un véritable en-
thousiasme que M. Lair décrit cette scène ma-
gnifique , dont les effets étaient agréablement variés
par les reflets des lampions et des pots à feu rangés
dans le batardeau et le long du bassin. Ce serait af-
fablir l'idée du tableau qu’il en a tracé que de vouloir
en offrir une esquisse, et il paraît suffire au but de
(187)
cet extrait d’avoir recueilli les faits principaux aux-
quels peuvent tenir des résultats éminemment utiles.
LA
Notice sur M. Foucault, intendant de la généralité
de Caen, par M. Lair. É
F
M. Foucault joignait aux qualités ES précieuses
de l’hemme public, l'amour actif des lettres et des
sciences. Cet administrateur n’a pas seulement le
mérite d’avoir obtenu en 170$ à la ville de Caen
l'établissement d'une Académie Royale de Belles-
Lettres, dont Louis XIV: le nomma protecteur; il
se livrait particulièrement à l'étude des antiquités. On
lui doit la découverte de l’ouvrage , attribué à Lac-
tance, et publié par Baluze, de Mortibus persecuto-
rum ; des fouilles considérables faites à Vieux par ses
ordres , et continuées avec zèle jusqu’à l’époque où
il fut appellé à Paris, pour y remplir les fonctions
de Conseiller d'État , et de chef du Conseil de
Madame ; D'autres fouilles en différens endroits de
son Département , et entr’autes celles à 4/Laume
proche la butte du Monr-Cätre, aux environs de
Valognes , consignées dans les mémoires de Caylus,
et rappelées dans le rapport général sur les travaux
de l’Académie de Caen imprimé en 1811. Ses obser-
vations sont insérées dans les mémoires de l’Académie
des inscriptions et Belles-Lettres de Paris, dont il était
(188)
membre honoraire. Il composa sous le titre de San-
martiniana , Un recueil des traitsles pluspiquans de la
vie singulière de l'abbé de Saint Martin. En parlant des
nombreux objets d’antiquités recueillis par ses soins,
M. Laiïr regrette qu’au lieu d’être rassemblés à Caen
dans un dépôt public, ils soient dispersés au loin, et
à-peu-près perdus pour la Ville qui avait le plus
d'intérêt et de droit à les conserver.
Mémoire sur les Trouvères Normands et Anglo-Nor-
mands , par M. DELARUE.
Ce mémoire n’est qu’un extrait d’un ouvrage plus
étendu ayant pour titre : Histoire des Trouvères Nor-
mands. L’auteur ne l’ayant point déposé, il ne peut
en être rendu compte dans ce rapport.
Notice sur une partie de la Moscovie , sur Moscou et
le Kremlin, par M. CAILLY fils, associé-corres-
pondant.
L’invasion de l’ancienne Moscovie par une armée
composée de Français, d’Italiens , d'Espagnols, de
Portugais et des peuples de la confédération du
( 189 )
Rhin, sera, comme le dit en commençant M. Cailly;
un évènement mémorable et un phénomène politique.
Elle fournissait à un observateur instruit et attentif
une belle occasion pourrectifier des relations inexactes ,
ou faire connaître les changemens et les amélio-
rations qui se sont opérés dans ce pays; et c’est dans
cet esprit qu'a été rédigée la notice. L'auteur, en
suivant la route que l’armée a parcourue , parle
d’abord de la ville de Smolensk , dont il donne
l’historique et la description. Elle avait, dit-on, 1500
maisons et 12000 habitans; mais elle était en partie
incendiée et entièrement déserte. Sa position sur le
penchant d’une colline à la droite du Borystène ,
et au milieu d’une campagne bien cultivée et semée
de bouquéts de différens arbres, lui donnait un as-
pect très-pittoresque. Cest dans la plaine en avant
de Smolensk que se donna la bataille du 17 Août-
1812. ‘Au retour de l’armée, les fortifications de
cette Ville ont été détruites.
Pour aller de Smolensk à Moscou, on ne trouve
point, comme on le prétendait, une forêt de 50
lieues, mais une belle route, large et garnie de fossés ,
sur laquelle on rencontre , à la distance de 21 lieues,
Dorogobou; , ville très-importante dès le 11°. siècle ;
puis, 15 lieues plus loin, Viazma, et ensuite Phjat
et|Porodino , gros bourg en avant de Mojaisk ,
petite ville à 24 lieues de Moscou. C’est à trois
lieues en deçà de Mojaisk que se donna le 7 Sep-
L
__ (190)
tembre la fameuse bataille de la Moscoua. M. Caïlly
donne sur la position, l'importance et le commerce
deices différens endroits des détails intéressans, des-
quels on peut conclure avec lui que la Moscovié
était depuis long-temps civilisée. |
Moscou est l’objet que l'auteur de la notice pa-
raît avoir eu principalement en vue, et sur lequel il
s'étend davantage, Il considère cette ancienne ca-
pitale sous tous les rapports dignes d’observation ;
et l’idée qu’il donne de son étendue , de ses riches-
ses et de sa magnificence, ne peut qu’exciter l’m-
dignation contre l’entreprise ambitieuse qui porta son
gouvernement à l’affreuse résolution de faire de cette
Ville la proie des flammes , et de causer à ses peuples
une perte évaluée à plus de deux milliards et demi.
Le Kremlin occupe une place considérable dans la rela-
tion de M. Cailly. C’est la partie la plus petite et la plus
ancienne de cette grandeVille, dont l’origine ne remonte
pas fort haut , et qui avait pris des accroissemens suc-
cessifs ,. distingués par les dénominations de ses
quatre quartiers ou villes, savoir outre le Kremlin,
lé Karaïgorod, ou ville Chinoise, occupé non par
des Chinois, mais par des étrangers et des mar-
chands; Biclogorod, ou ville Blanche , et Zembia-
noigorod , ou la ville de Terre, qui enveloppe les
trois autres. Ces quatre villes sont entourées de plus
de trente vastes faubourgs. Le Kremlin ne forme
pas , comme l’a dit l’auteur du tableau dela Russie,
(rot)
un triangle parfait ; mais c’est un vrai trapézoide. Il
contient un grand nombre d’édifices publics, entr’au-
tres un ancien palais des Czars, qu'Ivan Vasilic-
“witch fit achever et augmenter vers la fin du 15°.
siècle ; plusieurs Églises, dont deux principales , ap-
pelées de la Mort de la Vierge et de ! Archange Mr-
chel, étaient consacrées, l’une au sacre des Czars,
l’autre à renfermer leurs tombeaux, et toutes deux
richement décorées. On voyait dans la première un
lustre d'argent massif, d’une dimension extraordi-
naire , donne à Boris-Gondenow par la République de
Venise. À côté de la Métropole s'élevait la tour d’I-
van , qui contenait la fameuse cloche du poids de
480,000 liv. Elle est maintenant enfoncée en terre;
mais un large fossé pratiqué tout au tour permet
d'entrer dans l’intérieur par une échancrure qui s’est
faite lors de sa chute. M. Cailly estime son diamè-
tre de 30 pieds et sa hauteur de 25. On remar-
quait aussi dans le Kremlin le palais du Sénat et
celui où les Empereurs donnoient leurs audiences,
deux édifices d’une architecture moderne et élégante ,
distribués et décorés avec goût.
Moscou , dont une bonne partie avait été renouvel-
lée depuis 15 à 16 ans, offrait le contraste de beau-
coup de monumens de nos arts perfectionnés, avec
ces masses colossales et surchargées d’ornemens, où
lon trouvait le caractère de l’ancienne architecture
des Russes; et le beau était mêlé avec le bizarre.
‘(in)
On pourrait remarquer une opposition analogue en<
tre la civilisation de plusieurs seigneurs Russes d’un
esprit cultivé et orné, et la grossièreté barbare de la
multitude , surtout dans les contrées éloignées de
Pétersbourg. Il est à regretter que M. Cailly n’ait
pas été à portée de considérer avec détail les mœurs
d’un peuple, qui fait encore la guerre comme dans
le 11€. et le 12€. siècle, s'enfuit après avoir ra-
vagé et incendié son pays, au lieu de le défendre,
pour ne laisser à l'ennemi que des cendres et des
ruines. Sans doute il nous aurait fait connaître le
caractère, les vices et les vertus, les préjugés et les
sentimens de cette nation, aussi exactement qu’il
nous a fait connaître la situation , les agrémens , les
commodités et les défauts de leurs cités et de leurs
constructions.
TE
Nouce sur Les ruines de Juliobona , capitale des
Caletes ox Caleti, par M. REVER; associé cor-
respondant,.
M. Rever ne se propose point de discuter dans
cette notice l'emplacement de l’ancienne ville de Ju-
liobona , ni de réfuter les erreurs commises à ce
sujet , parce qu'il regarde comme hors de doute
qu'elle existait où est la ville actuelle de Lille-
bonne ;
(193)
bonne ; mais le résumé de ses recherches a pour but
de prouver que c’est mal-àä-propos qu’on prend ce
qui reste du châteaü pour les débris d’une construc-
tion Romaine , tandis qu’il ne remonte pas au delà
du 13°. ou du 12€. siècle, et que par rapport à
l'ancien théâtre, qui suffit pour constater l’impor-
tance de la ville, la description qu’on en a faite
n’est pas exempte d’exagération. Sur le premier point,
notre collègue , qui a tout examiné avec un soin scru-
puleux , tire ses preuves de la forme des croisées, dont
une subsiste encore en assez grande partie pour qu’on
ÿ reconnaisse le caractère d’une construction gothi-
que; des ruines d’une tour ‘octogone, dent il ne reste
plus que trois pans, et qui portent visiblement le
même caractère, n'ayant ni petit carré dans les pa-
remens de moëllon, ni chaînes de brique entre les
assises de pierre, et étant surchargées d’un attirail
d'architecture qui ne saurait appartenir aux Romains ;
mais surtout de la voûte du troisième et dernier
étage , dont la clef présente un écusson que M.
Rever aperçut facilement dans tous ses détails, à
la faveur d’une large brèche faite pendant la révo-
lution , et qui éclaire parfaitement cette partie, au-
paravant obscure , et au moyen d’un échafaud qu'il
fit suspendre aux arrêtes de cette voûte en ruine
pour voir de plus près ces armoiries, et même en
prendre un creux en plâtre, Commeil s’est bien assuré
que cet écusson est du temps même où la tour a
N
(194)
été construite, et qu’il n'y a aucun changement fait
q y 8
à la clef ou à la sculpture dont elle est ornée, il
a acquis une entière conviction de Porigine gothique
de ce château.
Quant au théâtre, les déblais accidentels de l’an-
née dernière, dont M. Rever a tiré un grand parti
pour ses recherches , au moyen de quelques sacrifices
pécuniaires, l’ont mis à portée d’en lever le plan
d’une manière exacte ; et de découvrir plusieurs par-
ticularités remarquables , qu’il a consignées dans
le rapport de ses mesures. Une singularité dont il
n'a pu s'expliquer la cause, c’est que la plus grande
partie des murs ne se joignent que par approche,
et ne sont pas liaisonnés entr'eux. Entre les objets
trouvés dans ces ruines, et la plupart insignifians
notre collègue en distingue trois, qu’il décrit. Le
premier n’est qu’un fragment de vase de verre. C’est
une portion de fond, sur laquelle des lettres en relief,
qui font partie du nom de la fabrique ou de l’ou-
vrier, prouvent que le verre amolli fut pressé dans
un moule où des caractères étaient gravés en creux.
Mais ce qu’il trouve plus curieux , c’est un reste d’at-
tache appellée Ponty par les ouvriers, située au fond
du vase , et très-rare dans les vases antiques. Cette
attache indique que ce vase, quoique grand, fut
tenu suspendu au bout de la canne sur le fourneau,
et non avec une pince à ressort, selon l'usage gé-
néral des Romains, Le second objet est un cachet
(195)
d’oculiste , pareil à ceux qu'a publiés M. de Caylus ,
et qui se trouve aujourd’hui le 12°. de son genre.
C’est un carré de pierre verdätre , dont chaque
tranche porte deux lignes de lettres en creux , et dans
un ordre renversé, destinés à être appliqués sur des
collyres secs, ou peut-être sur des phioles de col-
lyres liquides , recouvertes à cette fin d’une couche
de cire. La première partie de ces inscriptions com-
mune aux quatre faces, et composée des lettres
TIBIULCLARI, est interprétée par M. Rever TI-
Berii IVLii CLARI, prénoms et nom de l'ocu-
liste. La seconde partie est, sur la première tranche,
DIALEPIDADASPR , interprété DIALEPIDium AD
ASPRiütudinem , collyre à la Cardamine contre l’as-
pritudo où aspretudo des anciens , c’est-à-dire, le
gonflement et linduration squameuse des paupières ;
sur la seconde, DIALIBANVADIM , interprété DIA4=
LIBANUM, AD IMpetum , collyre à l’encens con-
tre l’ophtalmie; sur la troisième DIARODONPIM,
( DIARODON POst 1Mpetum , ) collyre à la rose
contre les suites de l’ophtalmie; et sur la qua-
trième , DIAMISADUC , interprété DIAMISY ou
DIAMISios AD ULcus coërcendum , collyre mi-
néral pour la guérison des ulcères. Au reste ces
interprétations sont développées et appuyées. Le
3°. objet est une tête d’enfant en bronze, qui ser-
vait de poids à une balance. Un autre qui mérite
encore d’être cité, est un fragment de tablette dé
N 2
( 196 )
marbre , portant des traces d'inscription des deux
côtés. M. Rever juge que c’est une tablette retour-
née , dont on se sera servi pour un nouvel usage,
et que les deux inscriptions ne sont point du même-
temps , conjecture confirmée par la différence de
leurs caractères , et la position renversée de l’une
par rapport à l’autre. Ce qu'il y a de frappant dans
ces fouilles, c’est la disparate des objets qu’elles ren-
ferment, et leur peu de rapport avec la destination
d’un théâtre. Notre collègue a dessiné et fait graver
les parties de construction sur lesquelles il a établi
ses raisonnemens , ainsi que le cachet-étiqueté, deux
petits vases en bronze, et une urne cinéraire , etila
ajouté quelques notes, dont une entr'autres con-
tient une observation importante. N’ayant pu bien
faire prendre le plâtre dont il se servait pour avoir
l'empreinte de l’écusson , il reconnut, conformément
au soupçon du couvreur qui lavait fourni, que
cela venait de l’eau de puits avec laquelle on l'avait
gâché ; et un nouvel essai qu’il fit, en employant
l'eau de rivière , eut un succès complet.
( 197)
Description des autels de l’ancienne chapelle du Mont-
Dol, canton de Dol, Arrondissement de Saint-
Malo, Département d'Ille-er-Villaine , par M.
REVER , associé-correspondant.
Ce second mémoire de M. Rever, aussi enrichi
de notes,et de gravures, commence par une courte
dissertation sur les sacrifices appelés Touroboles , qu’il
ne fait pas remonter au delà du second siècle de
l'Ëre Chrétienne , et pour lesquels, selon un pas-
sage cité du poëte Prudence, on se servait d’une
fosse recouverte d’ais mal joints et percés pour donner
passage au sang du taureau qu’on immolait sur cette
espèce de planche. Le Grand-Prêtre, revêtu de ses
ornemens pontificaux , descendait dans la fosse, pour
y recevoir ce sang sur son corps, et sur ses vête-
mens, qu’il étendait à cette fin. Notre collègue ra-
conte ensuite la découverte et donne une descrip-
tion exacte de deux autels trouvés dans une an-
cienne chapelle , bâtie sur la pointe orientale du
Mont-Dol, au Département d’Ille-et-Vilaine, dé-
pendante de l’abbaye de Saint Michel, et entretenue
sous l’invocation du même Saint, jusqu’à sa sup-
pression vers le milieu du siècle dernier , dont il a
recueilli exactement , et fait constater par l’adminis-
N 3
(198 )
tration municipale de Dol la forme, les dimensions
et les particularités. Il paraît certain que les tauro-
boles et quelques autres sortes de purifications ou
de consécrations analogues, inconnues avant l’éta-
blissement du christianisme , n’avaient été instituées
que pour être mises en opposition avec le baptême
des chrétiens, et qu’on eut d'autant plus de zèle à
en détruire toutes les traces , lorsque le paganisme
succomba entièrement ; en sorte qu’on doit regarder
comme un phénomène la conservation au moins
partielle de deux tables d’autel qui en rappellent
l'idée , et qui n’ont pu échapper à la destruction
que par la nouvelle destination à laquelle on les a
appropriées , en les faisant servir au culte nouveau,
ainsi que la chapelle où ils étaient. Pour ne perdre
rien d’essentiel des descriptions de M. Rever , il
faudrait les copier en entier. On se fera cependant
une idée de ce monument , si l’on conçoit un corps
de bâtiment long à l’intérieur d’environ 16 mètres et
large de $ au plus, dont un bon tiers à l’opposite
de la porte d’entrée, forme une espèce de chapelle ,
qui communique avec le reste par une large porte.
Une autre chapelle un peu moins grande, a été cons-
truite à côté de cette première à droite, ensorte
que tout l'édifice a la forme d’une clef ou d’une
hache. La seconde chapelle a une porte de com-
munication avec la première , et en outre une porte
extérieure, plus grande même que celle du bâtiment
( 199 )
principal ; et tournée comme elle vers l'Occident.
Chaque chapelle avait en face de l'entrée un autel
adossé contre le pignon oriental. La pièce principale
de cet autel et la plus remarquable, était une table
de pierre d'environ 6 pieds et demi, dans la plus
grande des deux chapelles, et cinq pieds dans l’autre,
. percée de trois rangs de trémies carrées, ayant six
à sept pouces de large à l’entrée, et rétrécies de ma-
nière à n’avoir plus qu’un pouce et demi au fond,
Chaque rang contenait neuf trémies, dans la plus
grande table , et seulement sept dans la plus petite.
Ces deux autels avaient quelques autres différences de
dimensions. On avait pratiqué derrière chacun d’eux
une petite porte dans le pignon, qui répondait au-
dessous de l’autel, vis-à-vis le plus grand. intervalle
que laissaient ses supports.
. M. Rever est persuadé que Prudence , voulant
faire sentir la honte et le ridicule des tauroboles , a
par une exagération poétique , réuni toutes les cir-
constances les plus propres à remplir son but, mais
qu’on ne doit pas croire pour cela qu’on ne se servit
que de fosses pour ces sacrifices. Le luxe que les
Romains mettaient dans leur culte religieux, ne per-
met pas de douter qu’ils ne les fissent comme les
autres dans des temples et sur des autels , hors cer-
tains cas de nécessité , comme dans un temps de
persécution, où l’on pouvait y suppléer par une
fosse. Mais les fortes raisons qu'il a de juger que
N 4
( 200 )
les autels trouvés sur le Mont-Dol, étaient destinés
à cet usage , se trouvent combattus par des circons-
tances embarassantes. Ni l'étendue des autels , ni
l'espace qui les entourait , ne permettent de sup-
poser qu’on y püt étendre un taureau vivant pour
l'y égorger. De plus le peu d’ouverture des petites
portes ou fenêtres, à peine hautes de 22 pouces et
larges de 14, pratiquées dans un mur de deux pieds
d'épaisseur, ne pouvaient donner un passage suffi-
sant pour pénétrer sous l’autel, où il n’y avait pas
d’ailleurs assez d’espace pour qu’un homme , même
d’une petite stature , püt se tenir ou se mouvoir sans
une gêne extrême. M. Rever ne peut opposer à ces
difficultés que des conjectures , mais qui ne sont
pas dénuées de vraisemblance. Comme il devoit s’agir
dans ces sacrifices de recevoir une ablution de sang,
ainsi que les chrétiens , dans leur bâptême , en re-
cevaient une d’eau , il devait suffire que celui qui
voulait être purifié pût avancer sa tête jusque sous
une partie des trous ou trémies dont l'autel était
percé ; et si, commeil est probable, les enfans étaient
admis à cette purification , ils pouvaient facilement
aller tout-à-fait jusque dans l’intérieur. Cette dernière
supposition sert même à expliquer pourquoi il y avait
deux autels , parce que l’affluence pouvait être assez
grande pour qu’un seul ne pût sufhre, soit qu’alors
ce point füt le centre d’une nombreuse population,
soit qu'étant isolé et d’un difficile accès , 1l présentât
(201)
par cela même un attrait de plus à la dévotion;
dont le caractère est souvent de braver les obstacles.
Quant aux victimes , rien n’empêche de penser qu’au
lieu de forts taureaux, on immolât de jeunes veaux ;
ou bien des béliers, et même des chèvres; car les
payens attribuaient aussi une vertu sanctifiante au
criobole et à l'ægibole ou æœgobok; et les autels du
Mont-Dol étaient suffisans pour ces sacrifices. Ces
explications sont d’autant plus admissibles ,| que les
dispositions de ces autels sont entièrement opposées
aux usages chrétiens, que leur établissement porte le
sceau d’une construction Romaine , et que les payens
n’avaient nulle autre espèce de sacrifice à laquelle
ils pussent convenir.
Recherches sur un camp Romain qui existe dans
Le Cotentin , par M. LEHÉRICIER de GER-
VILLE, de Valognes.
M. de Gerville se propose de prouver qu’un lieu
situé sur la partie orientale de la montagne connue
aujourd’hui sous le nom de Monr-Castre, à peu près
à égale distance de Valognes et de Coutances, et à
une demi-lieue de la route d’Alleaume à Rennes,
est le véritable emplacement d’un camp Romain
établi par Sabinus lan de Rome 696, et mentionné
( 202 )
en plusieurs endroïts des commentaires de César.
L'auteur montre d’abord par des citations très-for-
melles , que ce camp de Sabinus était situé dans le
pays des Unelli, qui d’après l'opinion de Nicolas
Sanson , adoptée par Danville et par tous les savans,
ne peut se chercher ailleurs que dans le Cotentin;
qu'il était placé dans un lieu élevé , et qu'il pré-
sentait toutes les commodités ; qu’il contenait trois
légions ; que Viridorix , Général des Unelli , auxquels
s'étaient joints les Aulerci-Eburovices et les Lexovz ,
campait à deux milles de distance ; que le terrain
qui terminait le camp, Romain du côté des enne-
mis était en pente douce sur une longueur d’environ
mille pas. Or toutes ces circonstances se retrouvent
avec la plus grande précision dans le Mont-Castre.
Le terrain est élevé et domine toute la plaine en-
vironnante , principalement le camp des Gaulois ;
il fournit de l’eau en abondauce, même dans les
étés les plus secs; son étendue est d'environ quatre-
vingts arpens , espace nécessaire pour le GApANEnE
de trois légions , d'après Polybe, qui évalue à 25
ou 26 arpens l’emplacement de chaque légion ; ensorte
qu’on peut lui appliquer ce que Tacite dit du camp
de Varus, que ses dimensions le faisaient facilement
reconnaître pour avoir contenu trois légions. Au
reste, la solidité des travaux, la largeur et la pro-
fondeur des fossés | qui varient suivant la disposition
du sol, l’enceinte du prétoire, connue dans le pays
(203 )
sous le nom de Donjon, ainsi que le point nommé
par Rosier Lorica castrorum ; appellé aujourd’hui
sangle du Donjon, la distribution des portes, entre
lesquelles on distingue particulièrement celle qui devait
être la décumane , et enfin une foule d’autres parti-
cularités faciles à retrouver, malgré le bois dont cet
emplacement est couvert , ne permettent pas de mécon-
naître les restes d’un camp Romain. Mais une circons-
tance unique et décisive, c’est qu’à deux milles de ce
camp se trouve un lieu nommé les Casrillons ( nom
qui comme celui de mont castre rappelle son ancien
usage ) qui ne peut être que l’ancien camp de Viride-
tix , situé effectivement à deux milles de celui des Ro-
mains , suivant le récit de César. Il est aussi sur
une hauteur dans la lande de Lanne, et présente
une imitation, mais très-imparfaite de la castramé-
tation Romaine , dont les Gaulois avaient acquis
quelques notions par des prisonniers. Malgré les tra-
vaux qui ont défiguré cet emplacement, on y aper-
çoit encore très-bien des carrés assez réguliers ; mais
on y distingue trois enceintes séparées, et trois pré-
toires , dont un, qui est le plus grand de tous domine
toute la lande. Ce dernier, dit l’auteur, désigne-
rait-il le quartier de Viridorix lui-même, chef des
Unelli et des peuples voisins ? et les deux autres
étaient-ils pour les chefs des deux peuples confédérés ?
c’est une conjecture assez vraisemblable.
M. de Gerville répond à l'objection qu’on pourrait
( 104)
tirer de la forme du camp qu'il a observé, et dont
il a levé le périmètre. Il s’en faut beaucoup que cette
forme présente un carré, quoique Polybe, Rosin,
Juste - Lipse et Rollin s'accordent à représenter les
camps Romains carrés. Outre que la raison seule
5m que la préférence donnée à cette forme, était
subordonnée aux localités , l’auteur du mémoire prouve
par des passages de Varron et d’Ammien Marcellin,
qu’il y avait en effet de fréquentes exceptions, et il
ajoute que de tous les camps Romains qu’ila vus dans
le Cotentin pas un seul n’a une enceinte carrée.
Eu citant une opinion de M. le Franc , qui plaçait
le camp de Sabinus dans un lieu nommé le Champre-
pus , fondé principalement , et peut-être uniquement ,
sur une prétendue analogie entre le nom de 7%ri-
dorix et celui du Fief de Vierville, où ce lieu était
situé, il croit inutile de la discuter à fond. Le plan
seul, qu'il a vu, a suffi pour le convaincre que ce
camp , si c'en était un, loin d’avoir pu convenir au
campement de trois légions, est d’une telle étendue,
que les Romains n’ont jamais eu d’armée assez con-
sidérable pour un tel emplacement , puisqu'il contient
plus de 700 hectares, au lieu de 40 environ que
devait avoir le camp de Sabinus, D'ailleurs on ne
trouve à la distance indiquée par César aucune lo-
calité qui présente la moindre trace du camp des
Gaulois,
(205 )
Recherches sur le pays des Unelli, et sur Les Villes
qui y ont existé sous la domination Romaine,
par M. le HERICIER de GERVILLE.
M. de Gerville commence par réunir les preuves
qui ne permettent pas de douter que le pays des
Unelli ne soit situé dansle Cotentin. Mais à la suite
de cette opinion , sur laquelle l'accord des savans
est à peu près unanime, il s’en présente d’autres
bien plus embarassantes sur l’emplacement des Villes
qui ont existé dans ce pays du temps des Romains.
Les principaux systèmes sur cet objet sont présentés
successivement et discutés avec une critique très-ju-
dicieuse. Un précis qui termine le mémoire contient
le résultat de ces discussions , suivant lequel , l’opi-
nion de Sanson , adoptée généralement pendant plus
d’un siècle, et qui place Coriallum à Cherbourg ,
Cosedia à Coutances , ainsi que Constantia , qui est
un nom postérieur, Æ/auna à Alleaume, et Crocia-
sonum à Carentan , est de beaucoup la mieux éta-
blie , parce que toutes les positions qu’il indique
offrent des antiquités Romaines, et que leurs dis-
tances respectives s’accordent avec la table Théodo-
sienne et l'itinéraire d’Antonin, à l'exception pour-
tant de celle d’Alleaume à Carentan, qu’on ne pour-
(206 ) |
rait faire cadrer avec celle que la table de Pentinger
indique entre. A/auna et Crociatonum : les autres
systèmes sont encore plus embarassans à cet égard.
Celui de M. Danville, adopté servilement par de
bons géographes, est déclaré le moins probable ; et
cet exemple amène quelques réflexions judicieuses sur
l'inconvénient des grandes réputations , qui paraissent
à beaucoup d'écrivains des titres suffisans pour faire
adopter sans examen l'opinion d’un auteur, sur tous
les points, parce qu'il a eu raison sur plusieurs.
Sur un pavé en mosaïque trouvé a Vieux.
Je fis connaître à l’Académie, vers le commen-
cement de cette année, qu’en creusant un fossé
entre deux champs , dont l’un appartenait à M.
Rousselin, on avait trouvé un pavé en mosaique ,
qui n'était recouvert d’un côté que de trois ou quatre
pieds de terre, et de l’autre de quelques pieds de
plus. M. Vautier, professeur de rhétorique, en
m'informant de ce fait, qu'il avait vérifié avec M.
Rousselin fils, n’avait remis quelques échantillons ;”
et un plan linéaire en raccourci de la partie qui avait
été mise à découvert, et dont la longueur n’était
pas de plus de quatre pieds et demi, sur environ
quinze pouces de largeur, parce que le dégel sur-
(207)
ventf à la suite d’une forte gelée n’avait pas permis
d'enlever la terre au-delà sans endommager le pavé.
Cette portion de mosaique , qui n’était terminée
d'aucun côté, présentait deux carrés presque entiers
et le commencement d’un troisième , disposés sur
la même ligne, dont les côtés étaient de six à sept
pouces , et qui étaient séparés par des intervalles de
même largeur. Ces carrés étaient remplis de petits
dés en pierre noire, de cinq à six lignes, et les inter-
valles, ainsi qu’une bordure qui en entourait un nombre
inconnu, et qui n'avait pas plus de deux pouces
de largeur, étaient remplis d’autres dés en marbre
blanc, un peu plus petits. que les précédens. Une
enceinte qui enveloppait le tout , et dont l'étendue
n'avait pu être déterminée , était formée de dés en
terre rougeâtre , les plus grands de tous. Ce payé
était posé sur une couche de mortier de plusieurs
pouces d'épaisseur. On trouve dans les champs Voisins
une grande quantité de fragmens d’une espèce de
brique à rebord , composée de terre rouge, dont un
échantillon a été mis sous les yeux des meinbres,
ainsi que des dés des trois espèces mentionnées.
Des commissaires furent chargés de se transporter
sur les lieux , et de faire les recherches et les fouilles
nécessaires pour découvrir la nature et l’usage de l’é-
difice qui a existé dans cet emplacement. Ils n’ont
point encore fait leur rapport à l’Académie ; mais
M. Vautier , qui avait donné les premières notions
| (208)
sur cette découverte, et qui se trouva à leur visite ;
m'a remis un plan du local, avec quelques notes ,
dont le contenu se trouvera avec plus de dévelop-
pement dans le compte que la Commission rendra
de ses recherches.
Poësies lues à L’Academie,
M. le Prêtre a lu un fragment de sa traduction
en vers du poëme des Saisons de Thompson intitulé
La pêche. |
M. Letertre a lu des Stances sur la mort de De-
lille. L'Académie a aussi entendu une pièce de vers
de M. Ange Vieillard , intitulée La mine de Bonjon ;
un conte de M. Chanvalon, intitulé La curiosité ;
une pièce de vers de Raoul Tortaire, moine de
Fleury , dont une copie manuscrite a été présentée
par M. Moysant , avec quelques notes sur l’auteur.
Ouvrages reçus.
L’Académie a reçu un Traité de statistique , par M. J.-
B. Labey, associé-correspondant; un Discours prononcé
part
(209 )
par M. le chevalier Delaville | aussi associé- cor:
respondant, en faisant hommage au corps législatif
de plusieurs ouvrages de M. Groult sur le droit
maritime ; un ouvrage, de M. Dubuisson , sur
la manie; cinq mémoires imprimés de M. Magen-
die, docteur en médecine de Paris, intitulés, le
premier , Examen de l'action de quelques vévéraux
sur la moëlle épiniere , le second, Mémoire sur les
organes de l'absorption chez les mammifères, le troi-
sième, Expériences pour servir à l’histoire de la trans-
piration pulmonaire, le quatrième, Mémoire sur Le
vomissement , le cinquième , Mémoire sur l'usage de
d'épiglotte dans la déoluition ; la Notice des travaux
de la classe des Beaux-Arts de l'Institut de France
pour l'année 18x13 ; un Rapport fait à la société
d'encouragement pour l’industrie nationale sur la
ceruse de Clichy ; deux bulletins des Sciences médi-
cales de la société d’Évreux, avec une circulaire de
M. Delarue , secrétaire ; Le Recueil des travaux de
l'Acadèmie des Jeux Floraux de Toulouse pour
1813, et le programme pour le concours de 1814;
une Norice des lectures de la séance publique de l'A-
cadémie de Marseille, du Dimanche 22 Août 1813,
avec un programme de prix; un Compte rendu des
travaux de la socièté d'Agriculture , Sciences er Arts
du Département du Nord, par M. Boinvilliers, se-
crétaire général ; run Programme de la société des
Sciences, Belles-Lertres er Arts de Bordeaux , séance
O
1
(210)
publique du 30 Août 1813, avec un Prospectus
des ruines de Pompeï, plusieurs autres ouvrages d’au-
teurs étrangers à l’Académie, et qui lui sont parve-
nus par des voies indirectes.
RAP ECO
Fait à l’Académie à la fin de 1814.
ee
ME#ssiEURS,
Les Travaux présentés à l’Académie ont été moins
nombreux dans le cours de cette année, que dans
les années précédentes. Je ne puis faire cette remarque,
sans indiquer la principale cause de cêtte différence,
Loin d’accuser votre zèle, elle honore plutôt votre
patriotisme, puisqu'elle tient à cet intérêt du bon-
heur public, qui: dans le danger de la patrie suspend
les goûts les plus honnêtes, et même les plus utiles.
Je ne dois pas craindre d’ailleurs d’appeler la pensée
sur des évènemens dont l'issue, en mettant fin à nos
calamités et à nos frayeurs, nous a montré dans un
règne équitable et pacifique le prix de si longues et
ÿ terribles épreuves. Revenus des funestes égaremens
n ( a12,9
où nous avait jetés l'ivresse de la liberté , déjà, à
l'époque du rétablissement de cette Académie, nous
avions espéré cultiver en paix la sagesse, et vivre à
l'abri des troubles et des excès. Ilnous restait encore
à être victimes de l'ambition, età épuiser tous les fléaux
qu’elle peut accumuler sur un peuple condamné à
en être l'instrument. Les nations, comme les indi-
vidus , profitent rarement d’une expérience étrangère.
On a toujours vu les projets trop vastes devenir tôt
ou tard désastreux : et cependant nous nous sommes
encore laissé séduire -par l’éclat d’une gloire trompeuse.
Nous avons oublié les anathèmes lancés tant de fois
par la raison et par l’humanité contre l'esprit de con-
quête. L'empire de la force a méconnu les maximes
les plus respectées, triomphé des droits les plus sacrés.
Nous nous sommes crus grands, pour être devenus
terribles. L’orgueil de nos succès nous a fait penser
que le genre humain n’avait rien qui nous fût com-
parable, comme si la misère et la dévastation des
contrées étrangères eussent pu faire la prospérité de
notre pays; comme si les trophées de nos victoires
eussent pu couvrir les vastes tombeaux qui regor-
geaient chaque jour de nouvelles victimes , et les
chants d'’allégresse des vainqueurs étouffer les gémise
semens et les sanglots de tant de familles sacrifiées
à de chimériques prétentions. Beaucoup d’esprits
sages n'ont vu qu'avec effroi , et même qu'avec
horreur les progrès d’une audace téméraire, qui en
Qrea
( 212 ) .
nous élevant au-dessus d’un abyme, nous préparait
dans notre élévation même une chute plus terrible.
Mais les voix de la flatterie se sont seules fait en-
tendre ; les éloges ont retenti de toutes parts. C’est
ainsi qu'on a toujours vu les hommes extraordinaires
encensés comme des Dieux bienfaisans , quand leurs
déplorables exploits ne faisaient qu’accroitre et mul-
tiplier sans cesse les maux de l'espèce humaine, Au
reste, je ne prétends pas confondre avec cette cou-
pable adulation qui loue le mal comme le bien, et
qui encourage la tyrannie, cette soumission respec-
tueuse , ces hommages publics, qui sont partout l’a-
panage de l’autorité, dont le tribut est indépendant
du jugement que portent les peuples de ceux qui les
gouvernent , et dont le refus serait souvent un signal
de rebellion , propre à provoquer une oppression
encore plus insupportable, ou même les horreurs de
a guerre civile. Il est des circonstances où l’on ne
peut raisonnablement attendre un changement dans
Vétat des choses que de quelqu'un de ces grands
évènemens qui excèdent communément les calculs de
la prudence humaine, et dont il est juste de rap-
porter la disposition à une puissance supérieure. Croyons
qu'il ne nous appartenait point d’abréger cette pé-
nible épreuve qui nous a fourni des leçons si impor-
tantes, et jouissons de notre retour à un règne de
paix et de modération comme d’un bienfait de la
Providence. Nous regretterons moins les sacrifices
(2030)
auxquels nous avons été condamnés, si nous savons
apprécier tous les biens que nous promet le gouver-
nement d’un monarque éclairé, bienfaisant , religieux
et sage, qui veut à l'exemple de la divinité, que la
bonté soit le premier de ses attributs. Les amis des
lettres et de toutes les connaissances qui tendent au
bonheur social , sont assurés de trouver en lui un
protecteur sincère, Nous n’aurons point à craindre sous
son règne de voir se renouveler ces crises alarmantes
qui ont si long-temps troublé nos paisibles médi-
tations.
Toutefois, Messieurs , si les désastres publics ne
nous Ont pas permis de nous livrer aussi constam-
ment aux travaux académiques, ils n’ont pas inter-
rompu nos réunions. Des conférences instructives sur
des objets d'histoire naturelle, de physique , de lit-
térature et de morale ont remplacé des compositions
écrites. Plusieurs séances ont même été remplies par
des productions littéraires de différens genres, dont
je vais vous rendre un compte succinct, en suivant
le même ordre que dans mes rapports précédens.
PRET SEC EEE ETES PP ES EE SEXE
PREMIÈRE SECTION.
PARTIE SCIENTIFIQUE.
RSR NV SU
Mémoire sur le corail, par M. LAMOUROUX.
Cr article sur le corail est extrait d’un ouvrage
que M. Lamouroux se propose de publier sur les
plantes marines. L’auteur donne d’abord une des-
cription méthodique de la substance qui en est l’objet.
Dans divers mémoires présentés à l’Institut, il en avait
fait le dixième et dernier ordre de ses Polypiers
coralligènes flexibles ; mais éclairé depuis par de nou-
velles observations, et n’ayant trouvé sur ce polypier
d'autre caractère distinctif que celui d’un axe pierreux,
il n'a pas cru ce caractère assez essentiel pour cons=
tituer un ordre , et il a préféré ne faire du corail
qu'un genre de l’ordre des gorgonices.
En convenant que le corail rouge, seule espèce
du genre Corallium , était connu dès la plus haute
antiquité , M. Lamouroux ajoute que les nombreux
auteurs qui ont écrit sur cette belle production en
ont ignoré long-temps la véritable nature. Les Grecs,
dans le nom qu’ils luiavaient donné, ne le présentaient
que comme une substance marine qui sert à l’orne-
| (215)
ment. C’est sous ce point de vue qu'il est considéré
par Théophraste , qui le cite comme une pierre pré-
cieuse ; par Pline, qui en indiquant les lieux d’où les
pêcheurs le tiraient , fait aussi mention des diverses pro-
priétés médicinales qu’on lui supposait, L'usage qu’en
faisaient les Romains prouve qu’on lui attribuait une
sorte de vertu magique.
L'étude du corail fut abandonnée durant l’état de
barbarie dans lequel l’Europe fut plongée pendant
plusieurs siècles. Guysonius, écrivain du XVE, siècle,
est le premier auteur du moyen âge qui en fasse
mention : il le classa parmi les substances minérales.
Boccone, qui avait d’abord adopté la même opinion ,
attribua dans la suite la production du corail à desani-
maux analogues à ceux des Gorgones, Tournefort
le’ figura dans ses institutions comme une plante de
là mer. Marsilli, imbu de ses principes, décrivit les
polypes du corail comme dés fleurs, dont la coralle
composée de huit pétales ciliés s’épanouissait sur des
branches’ dépourvues de feuilles ; et son ouvrage
rapidement répandu dans le monde savant fit ranger
décidément le corail dans le règne végétal. Mais
l’heureuse découverte des polypes marins par Peyson-
nel , celle des polypes d'eau douce par Trembley,
ayant ouvert une nouvelle carrière aux naturalistes ,
l'erreur de Marsil fut reconnue ; dès lors le corail
fut regardé comme le produit et l'habitation d’une
foule de petits animaux , réunis ensemble par
O 4
( 216 )
leurs parties latérales, et ayant tout à la fois une
vie commune à tous, et une vie particulière à
chacun d’eux. M. Lamoureux suit les progrès dus
dans cette étude à Réaumur, à Bernard de Jussieu,
à Donati, à Ellis, enfin à Linné; puis les opinions
de Pallas, de Solander et de Gmelin, et en dernier
lieu de M. de Lamarck, qui a fait du corail un
genre particulier, sous le nom de corallium , adopté
par tous les zoologistes modernes.
On trouve le corail, dit M. Lamouroux , dans dif-
férentes parties de la Méditerrannée et dans la mer
rouge. C’est par erreur que quelques auteurs ont
cru qu'il ne s’attachait jamais qu'aux voûtes des grottes
sous-marines, et que ses extrémités étaient toujours
tournées vers le centre du globe. Il s’attache à des
roches dures de toute nature, et croît dans une di-
rection perpendiçulaire au plan sur lequel il a pris
naissance. Un le trouve quelquefois fixé sur des corps
mobiles , et flottant sur les eaux, ce qui empêche son
accroissement, toujours plus lént au reste , même
dans la position la plus favorable, et imcomparable-
ment plus borné que celui des polypiers madrépo-
riques de la mer des Indes ou de i’immense Océan
oriental, auxquels peu d’années suffisent pour fermer
l’entrée des parts, et élever à la surface des eaux
des rescifs contre lesquels viennent échouer les na-
vigateurs. Le corail, qui ne croît que pendant une
dixaine d'années , ne dépasse pas deux ou trois dé-
(217)
cimètres de hauteur. Parvenu à ce degré d’accrois“
sement, il grossit , mais très-lentement , et il est bientôt
percé en tous sens par des vers rongeurs. Sa tige,
détachée et jettée sur le rivage, perd son éclat, ou
même se. réduit en poussière par le frottement.
M. Lamouroux entre dans des détailssur les endroits
où se pêche le corail, sur les positions qui lui sont
les plus .favorables , sur les différentes profondeurs
où on le trouve , sur les diverses nuances de sa
couleur relatives à la hauteur de l’eau qui le couvre;
et qui lui fait ressentir plus ou moins l'influence de
la lumière , enfin sur les procédés employés jusqu’à
ce jour pour le pêcher. Son mémoire est terminé
par une énumération des objets auxquels il sert d’or-
nement chez différens peuples , et des moyens que la
mode a su en tirer , depuis que la médecine l’a aban-
donné.
Observations sur une chute d'aérolithes dans ‘ le
Département de Lot-er- Garonne , par M.
Lamouroux.
M. Lamouroux , avant d’entrer dans des détails par-
ticuliers sur le phénomène qui est l’objet de cet ar-
ticle, a communiqué à l’Académie deux écrits im-
primés ; dont le premier est intitulé, Rapport fait
( 218 )
& La société d’ Agriculture, Sciences et Arts d Agen ;
dans la Séance du 14 Septembre x814, sur Les
pierres tombées du Ciel dans quelques communes du
département de Lot-er-Garonne , par M. de Saint-
Amans. Secrétaire perpétuel de la Société ; Vautre,
Lettre de M. J. Lamouroux , ex-pharmacien des ar-
mées , & M.. le Comte de Villeneuve ; Préfet du dé-
partement de Lot-et-Garonne , sur le même sujet.
Les auteurs de ces deux écrits. rapportent égale-
ment que le $ Septembre 1814, on aperçut dans
le département de Lot-et-Garonne et dans ceux
qui l’avoisinent , un peu avant midi ; un nuage
très-élevé , et d’une couleur blanchâtre , au milieu
d’un ciel très-serein ; et que ce nuage’ paraissant
se précipiter vers la terre, en tournant sur lui-
même , on entendit quatre ou cinq détonations suc-
cessives , que l’on a comparées à autant de coups
de canon, suivies d’un roulement terrible ; que le
nuage ayant-paru se diviser en quatre ou cinq parties,
il tomba des pierres de différentes grosseurs , dont
deux de neuf kilogrammes chaque, L’auteur de la
lettre évalue la totalité à vingt-cinq ou trente kilo-
grammes, et l’espace danslequel elles furent dispersées ,
à une circonférence d’une lieue de rayon. Il diffère,
au reste, de l’auteur du rapport en deux points
principaux. Le premier suppose que le phénomène
a été produit à une élévation d’au moins trente lieues ,
et le second n’estime pas cette hauteur à plus de
(219)
deux lieues. Celui-ci dit positivement que les pierres
étaient très-chaudes; et selon M. de Saint-Amand ,
il paraît qu’elles n’ont point été trouvées chaudes.
Dans les détails circonstanciés que M. Lamouroux
a ajoutés à ces rapports , il a assuré que les maires
des communes où le phénomène avait eu lieu, avaient,
attesté que les pierres avaient été trouvées chaudes
après leur chute. Ses observations ont provoqué une
discussion intéressante sur les. diverses hypothèses
imaginées jusqu’à présent relativement à l’origine de
ces pierres appelées ÆAérolithes , et par quelques-uns
Uranolithes ; et quelques membres ont fait espérer
des développemens plus approfondis sur la nature
de ce phénomène merveilleux.
SECONDE SECTION.
PARTIE LITTÉRAIRE.
Observations sur Les invasions de la mer et son
action sur le littoral du Calyados et de la Manche,
par M. CAILLY.
Ur: question proposée il y a quelques années
par l’Académie sur les. changemens que la mer a
apportés au littoral du Calvados et de la Manche,
avait procuré quelques mémoires, dont un seul ,
ouvrage de M. Bisson , associé-correspondant , fut
jugé digne d’attention , et obtint une distinction ho-
norable , quoiqu'il fût reconnu qu'il ne remplissait
pas complètement l’objet du programme , et que
l’auteur devait être invité à tirer un plus grand
parti des connaissances qu’il paraissait avoir sur la
matière. M. Cailly , qui fut particulièrement frappé
de l'insuffisance de ce travail, a entrepris de traiter
le même sujet. Il reproche à M. Bisson d’avoir fait
dans son memoire une sorte de critique de la question
proposée , en la regardant comme téméraire , et
prétend que, s’il a bien connu et observé avec sqin
(221)
les changemens arrivés sur nos côtes, il aurait dû
les juger dignes d’un examen approfondi. Cette as-
sertion est appuyée sur une suite de faits précédés
de quelques observations générales sur le gisement
de notre côte, qui présente un grand enfoncement
dans les terres depuis Barfleur jusqu'au delà de
Dieppe ; sur l’action des vents d'Ouest, Nord-Ouest
et Nord, et les tempêtes qui rendent la navigation
de la Manche si périlleuse ; sur les vastes forêts
souterraines découvertes dans les parties correspon-
dantes de l'Angleterre et de la Normandie; sur la
conformité des productions de la nature , et d’autres
circonstances favorables à l’ancienne tradition qui sup-
posait la Grande Brétagne détachée de la France par
un de ces cataclysmes qui ont bouleversé plus d’une
fois des portions du globe.
En entrant dans l’examen particulier du littoral
de notre Département , M. Cailly distingue une
première espèce de changemens, qui tend à aggrandir
le sol par des attérissemens. Il suit cet effet à l’em-
bouchure de nos différentes rivières, où les dépôts
successifs de limon et d’autres matières solides ,
fixés par le refoulement du flux de la mer, forment
avec le temps des masses qui obstruent les ports,
et finissent quelquefois par les combler, si l’art ne
prévient ces désastres. La Seine, la Touques, la
Dives fournissent à cet égard des faits importans dé-
taillés dans le mémoire, Quant à l'Orne, l’auteur
( 22% )
renvoie à l’excellent mémoire de M. Cachin et aux
cartes qui l'accompagnent, et se contente de citer
un extrait du rapport relatif aux affouillemens très-
inquiétans que produit au-delà de la Pointe du Siége,
le courant de la rivière réfléchi de la rive de l'Ouest
sur celle de l'Est, où son action contre cette dernière
plage estaugmentée par la mer montante. Une seconde
citation se rapporte à la fosse de Colleville. Un point
particulièrement intéressant est Courseule et Berniè-
res. Des recherches faites par M. Delarue dans une
affaire particulière et rapportées par M. Cailly,
prouvent qu'il y avait autrefois un port à Bernières;
qu'en 1613 la mer franchit les dunes et renversa
tous les magasins ; que l’année suivarite ; une seconde
tempête rompit les dunes entre Grais et Courseule,
et mina tellement le terrain jusqu’à la Seulles, que
cette rivière prit un autre cours par cette ouverture,
ét alla former l'embouchure actuelle entre ces deux
communes, Une nouvelle tempête en 1638 menaça
Bernières d’une submersion totale. Ses suites sont
exposées dans le mémoire. Depuis Courseule jusqu’à
Porten Bessin, la Fosse d’Espagne entre la côte et
le rocher du Calvados qui la défend, offe a M.
Cailly une preuve du remous considérale occasionné
par les eaux poussées par les vents et repoussées d’une
part par les dunes et de l’autre par le rocher. Il
a trouvé à Port, qu'il a visité, des effets incontestables
de Penvahissement de la mer, dont les traces s’ob-
(223)
servent jusqu'à Grand-Camp. Il passe delà aux Veys;
où les attérissemens qui aggrandissent le sol , s’expli-
quent par l’affluent des trois rivières qui y débou-
chent.
En traitant du littoral de la Manche, M. Cailly,
sans s'arrêter à la preuve que les îles de Saint-
Marcouf et de Quettehou fourniraient d’une grande
catastrophe , parce que ces bouleversemens, heureu-
sement rares, ne sont point son objet , se borne à quel-
ques points de vue généraux. Il explique pourquoi le
côté de la presqu'île, qui est à l'Est, n’a pas éprouvé
de grands changemens ; comment les vents agissent
sur la partie du Nord, dont un enfoncement con-
sidérable comprend la rade de Cherbourg. Quant à
la partie occcidentale , les nombreuses îles qui parais-
sent détachées du Continent , et les rescifs ou bancs
de rochers qui rendent la navigation si difficile et
si périlleuse dans ces parages , proviennent , selon
l'auteur , de l’action violente des vents d'Ouest. Les
invasions de la mer sur cette côte sont bien établies
par une foule d'observations, et notamment par les
recherches de l’abbé le Franc, grand-vicaire de M.
l'Evêque de Coutances. Des citations précises à cet
égard et des témoignages irrécusables ne permettent
pas de douter qu’il ne se soit opéré des change-
mens prodigieux dans cette contrée.
M. Cailly s'attache dans la dernière partie de son
mémoire à combattre les idées de l’auteur qu'il
(2241)
combat; par rapport aux grandes révolutions que le
globe aurait pu subir. Il réfute les argumens tirés
de la puissance de Dieu, qui n’a pas besoin dere-
courir aux moyens qu’on lui suppose ; de sa sagesse ,
qui ayant créé une quantité d’eau proportionelle
aux besoins de notre globe, doit toujours la main-
tenir la même; enfin du témoignage d’Hérodote ,
qu’il tourne contre lui. En discutant ce dernier point,
il entre dans des développemens curieux sur le Delta
d'Egypte, et cite des observations récentes du Gé-
néral Andréossi très-propres à rectifier les idées à cet
égard.
Essai sur l'existence de la noblesse en. France et en
Normandie dans les temps les plus anciens , par
M. LABBEY DE LA ROQUE.
Le but de cette dissertation est de reéfuter le sen-
timent le plus communément adopté, qui attribue
la première noblesse en France à la possession des
fiefs au Xe. siècle, et même celui qui en fait re-
monter l’origine aux Seigneuries patrimoniales , et
aux bénéfices rendus héréditaires dans le VIIS. Elle
est divisée en plusieurs titres, dont le premier est :
Noblesse dans les Gaules avant les Romains. César ,
a son entrée dans les Gaules, dit M. De la Roque ,
C225)
y trouva une noblesse nombreuse et puissante, Le
peuple , sans être précisément esclave, était compté
pour rien. La considération , l'autorité n'étaient que
pour les prêtres et les nobles. Ceux-ci ne s’occu-
paient que de la chasse, de la guerre, du gouver-
nement de leurs cités, Il rapporte ce passage des
commentaires de César : on juge de la naissance er
de la puissance d'un homme par son cortége. Il n'a
d'autre marque de grandeur que le nombre de chiens
qui l'entourent; et il en indique beaucoup d’autres,
pour prouver par leur ensemble l’existence au temps
de César, d’une noblesse qui sans doute subsistait
depuis long-temps : et du système suivi par les Ro-
mains de laisser aux peuples vaincus leurs usages et
leurs institutions , il conclut que cette distinction
exista jusqu’à l'invasion des Francs; non que les
sénats des Gaules, modifiés sur celui de Rome, et
composés des plus nobles, se fussent maintenus jus-
qu’alors, mais parce que la noblesse de ceux qui en
avaient fait partie s'était propagée dans leur pos-
térité,
Le second article est intitulé, Noblesse dans Les
Gaules sous Les rois François Mérovingiens. L'au-
teur avance comme un principe confirmé par cent
passages des auteurs contemporains , Grégoire de
Tours, Venance Fortunat , Frédegaire et plusieurs
autres, que les Francs, conquérans des Gaules, en
traitèrent les habitans comme avaient fait les Ro-
P
{ 226)
mains , et laissèrent chacun dans sa condition. La
conséquence qu’il en tire, est que les nobles con-
servèrent la considération attachée à leur naissance ,
et dans la distribution des grâces et des emplois, la
préférence qui en est l’effet ; maïs il convient que la
noblesse Gauloise paraît n'avoir eu sous les Francs
aucun privilége réel. Au reste, ce ne sont pas seu
lement les Gaulois qu’il prétend avoir eu une noblesse;
mais les Francs eux-mêmes ; et pour prouver cette
assertion contre l'autorité de Velly, Dubos, Hé-
naut , Mably, il argumente de plusieurs phrases
de Tacite, qui lui semblent exprimer que les Ger-
mains avaient des nobles, et qui doivent s’appliquer à
tous les peuples de cette nation, parce qu’elles se,
trouvent dans les caractères que l’historien déclare être
communs à tous les Germains. Les Bataves avaient
une noblesse , dit-il, et les Bataves étaient des Francs,
parce qu'ilsétaient des Cattes, et que les Cattes étaient
une des tribus de la nation des Francs , suivant
Sidenius, Apollinaris et Avitus. A largument tiré
du silence des lois Saliques et Ripuaires, et quin’est
que négatif, il répond que, si ces lois ne font pas
mention de noblesse dans cette nation , ce n'est pas
qu'il ny eût des personnes nobles et honorées par
des distinctions, mais c’est que les nobles n’y for-
maient pas comme dans la plupart des nations ger-
maniques, un ordre séparé du peuple , et que tous
les Francs sous les rois Mérovingiens , étaient dis-
(227 )
tribués en deux ordres, les. clercs et les laïques ;
comme on le voit dans Adrien de Valois, l’homme,
selon l’auteur, qui après Ducange, a le mieux connu
nos antiquités ; et qui seula eu de la noblesse de
ces premiers temps une juste idée,
La conclusion de cet article, est que « la noblesse
fut chez les Francs ou Français jusqu’à la féoda-
lité, ce qu’elle a été primitivement chez presque tous
les peuples, et ce qu’elle était encore en 1789
dans plusieurs républiques en Europe , une classe dis-
tinguée dans l’estime générale , sans tenir dans l’ordre
politique aucun rang ; occupant ordinairement les pre-
miers emplois, parce qu’une éducation plussoignée, des
aieux à imiter , le désir de s’en montrer digne , lui
donnent plus d'énergie , surtout plus de crainte du dés-
honneur, qu'aux hommes nouveaux ; mais cependant
n’excluant ceux-ci d’aucunes places, lorsque de grands
talensles y appellent , leur commandant ou leur ebéis-
sant suivant les circonstances , opinant indistinctement
avec eux dans les assemblées générales , n’étant enfin
queles premiers entre les laïques , et ne jouissant au-
dessus des autres que de la considération inséparable
d’une naissance illustre, ou seulement distinguée. »
J'ai voulu MM. vous citer en entier ce passage
du mémoire, parce qu'il m'a paru propre à vous
donner une juste idée de cette noblesse dont M.
de la Roque fait remonter l'existence au temps des rois
Mérovingiens , età vous présenter son système comme
: P'a
(228 )
moins opposé au sentiment des historiens ; que l’é«
noncé ne pourrait le faire juger. Car sil ne s’agit
que d’une distinction purement morale, que chacun
pût de soi-même acquérir avecle temps, sans qu’elle
supposât aucune inauguration solemnelle, et aucun
titre authentique, ni qu’elle conférât aucun privilége
social , ce ne sera pas précisement la même noblesse
que celle dont lorigine est fixée au X£. siècle et
au plutôt au VII.
Noblesse en Normandie avant Clovis. Pour prouver
le fait énoncé sous ce titre , M. de la Roque se con-
tente de considérer le grand nombre de Saxons établis
en Normandie, lorsqu’en 497 les provinces Armo-
riques se donnèrent à Clovis, et qui faisaient ap-
peler tout ce pays le rivage Saxon , outre tous ceux
qui y passèrent d'Angleterre depuis 497 jusques vers
Pan $$o. Puisqu’on voit dans les lois des Saxons
qu'ils, avaient par leurs constitutions un ordre de no-
blesse, l’auteur en tire la conséquence que la pro-
vince appelée aujourd’hui Normandie avait des
nobles , lorsqu'elle passa sous la domination des
Francs. Il renvoie au reste aux mémoires historiques
sur Alençon par M. Odolsnt-Desnos, et à une
dissertation de M. Delarue.
Le paragraphe suivant est intitulé Nobksse en
France sous les deux premières races. Ici notre col-
lègue , après avoir nommé les autorités contempo-
raines où il puise ses preuves, Grégoire de Tours,
(229)
Frédegaire et ses continuateurs, Fortunat de Poitiers;
les Gestes des Francs, plusieurs des histoires et des
pièces de la collection de Dom Bouquet, et enfin
les Acta sancrorum des Bollandistes, prévient l’ob-
jection qu’on pourrait tirer surtout contre ce dernier
recueil, du défaut de critique ou même de véracité
de quelques-uns des agiographes qui y sont cités. IL
avance avec raison que la force de leur témoignage
par rapport à l’existence de la noblesse est indépendante
de l'exactitude de leurs récits ; car quand même
ils tromperaient en qualifiant de nobles les personnages
dont ils parlent, on est forcé de convenir qu’il fallait
bien que cette qualification existât au temps où ils
écrivaient. Quant aux citations qui viennent à la
suite de cette observation, on sent bien que les
termes de nobzes et de noblesse, qui n’ont par eux-
mêmes qu’un sens très-vague, seraient des preuves
insuffisantes, si les circonstances n’en déterminaient
pas l’acception ; et c’est aussi sur de pareilles cir-
constances qu’on prétend les faire valoir. Mais pour
se convaincre directement que les faits ont été exac-
tement interprétés, 1l faudrait chercher dans les ou-
vrages mêmes des développemens que M. de la Roque
na pu qu'indiquer succinctement.
Il a réfuté un des principaux argumens apportés par
Dubos pour établir légalité de condition des Français
au VIII. siècle. Il est tiré d’un capitulaire fait en
797 dans une assemblée générale des Saxons, qui
Pr3
(230)
porte que partout où les Francs paieront 12 sols ;
les Saxons qui sont nobles paieront aussi 12 sols ,:
ceux qui sont hibres, 8, et les serfs 4. De ce qu'ici
tous les Francs se trouvent confondus dans une seule
classe , tandis que les Saxons sont divisés en trois ,
il semble naturel de conclure que les premiers
n'avaient point de nobles. Mais c’est mal entendre
ce texte, qui se trouverait ainsi en opposition avec
d’autres plus clairs et plus formels. La parité qu’on
remarque entre tous les Francs et les Saxons nobles
seulement , vient de ce qu’alors il n’y avait chez
ce dernier peuple nouvellement conquis , et d’une
fidélité justement suspecte à Charlemagne, d’autres
Francs que les Comtes, Centeniers et autres off-
ciers envoyés pour les gouverner, et qui étaient tous
nobles , soit par leur extraction , soit par leurs places,
qui donnaient la noblesse.
De toutes les citations qui confirment cette ré-
ponse, je ne rappellerai que l’art. des capitulaires
de 8o$, où se trouve énoncée parmi les peines
de certains délits, la perte des bénéfices , du rang
et de la noblesse; et un passage où Thégan répro-
chant à Ebbon, Archevêque de Rheims, son ingra-
titude envers l'Empereur Louis le pieux , lui dit
qu'il la fait libre , non noble, ce qui était impos-
sible après l'esclavage ; d’où l’on peut inférer qu’alors
nos Rois anoblissaient, et qu’ils croyaient ne pou
(231)
voir honorer de cette grâce que des hommes nés
libres.
Les deux derniers titres du mémoire sont :
L'état de la noblesse en Normandie aux Xe. et
XIe. siècles, et Sur la Chevalerie en Normandie.
Sous le premier, l’auteur réunit un grand nombre de
témoignages , il insiste particulièrement sur une cita-
tion de Dudon, pour montrer que les Normands ou
Danois avaient leurs nobles , et que la noblesse exis-
tant déjà en Normandie, Rollon devenu maître de
cette province, n’aura pas pu y abolir cette insti-
tution, qu'il aurait plutôt établie, s’il ne Peût pas
trouvée. À la suite de quelques développemens ,
vient une discussion sur le mot Prince, pour établir
qu’il désignait comme formant une classe particulière
de nobles, ceux qui tenaient leurs terres immédiate-
ment du Duc, comme aleu dérivant du premier
partage.
Quant à la Chevalerie, M. de la Roque rapporte
à l’onzième siècle sa naissance en Normandie, ou au
moins l’établissement des formes sous lesquelles elle
devint si célèbre. Il cite pour exemple de Nor-
mands armés chevaliers, deux fils de Géroye, fils
d'Arnaud le Gros, un Robert II, un Guillaume
Géroye, un Robert de Bellème, en ajoutant qu'il
lui serait facile de multiplier de pareilles citations. Il
termine par une réflexion sur linconvénient de s’en
rapporter plutôt à l'autorité des écrivains qu’à la
P 4
C232)
nature de leurs témoignages , et de rejetter tous ceux
qui n’ont pas une grande réputation.
|
Essai sur Homere, par M. CAILLY.
La première réflexion que présente à M. Cailly
le génie sublime de ce poëte , dont la gloire a tra-
versé tant de siècles sans recevoir aucune atteinte,
et continuera sans doute de braver les efforts du
temps, tombe sur le haut degré de perfection auquel
la raison humaine était déja parvenue, à une époque
qu'on devrait regarder comme son enfance , puis-
qu’elle est antérieure à notre ère d’environ mille
ans , et qu’elle n’est éloignée du déluge que de treize
siècles à peu près. Les faits dont il appuie cette ré-
flexion, sont la profonde connaissance qu’Homère avait
‘du cœur humain ; les maximes pleines de sagesse qu’il
sème dans ses ouvrages ; des détails exacts et judi-
cieux qui attestent un esprit versé dans la théogonie,
dans l'astronomie , la géographie, et parfaitement
instruit du caractère et des mœurs d’une multitude
de nations déjà très-dignes d’être observées. Si l’on
joint à ces preuves d’un mérite éminent , la con-
ception du plan, et la beauté de l'exécution, on ne
s’'étonnera point qu'Homère ait toujours été regardé
comme le plus excellent modèle en poésie. M, Caiïlly
(233)
s’arrète particulièrementau caractère si parfait , si bien
soutenu que ce grand écrivain donne au héros de son
Îliade ; et il cite en faveur de cette sensibilité tou-
Chante qui rend Achille si intéressant , le discours
plein d’une tendre humanité, qu’il adresse à Aga-
memnon dans le 24°. livre, lersque sa douleur un
peu calmée fui permet d’épancher son âme géné-
reuse. L’autéur du mémoire fait encore quelques autres
citations qui confirment ses opinions sur Homère.
Eclaïrcissemens historiques sur Malherbe | par M.
HÉBERT.
L'Académie avait manifesté depuis long-temps l’in=
tention d’honorer la mémoire du poëte Malherbe,
dont la ville de Caen est justement orgueilleuse
d’avoir été le berceau. En attendant que les circons-
tances permissent de lui ériger quelque monument
digne de sa célébrité, il avait été résolu d'indiquer
par une inscription la maison où 1l reçut le jour, et
il avait été fait des démarches auprès des proprié-
taires actuels de cette maison, pour obtenir leur con-
sentement. Mais il était nécessaire d’éclaircir certains
points qui présentaient des difficultés assez embarras-
santes. Le premier regarde le temps de la naissance
de Malherbe, que le plus grand nombre des écrivains
(234)
s'accorde à placer en 155$, tandis que quelques
autres la retardent jusqu’à 1556, sans qu’on ait à
cet égard aucun document authentique. On trouve
cette dernière date sur un de ses portraits gravés.
Mais ces deux opinions peuvent se concilier par la
double manière de compter les années , en partant
de Pâques, comme on faisait alors, ou en partant
du premier Janvier, comme on l’a fait dans la suite.
Quoi qu'il en soit, on a des autorités suffisantes pour
admettre que l’année où nâquit ce poëte, doit être
désignée par le nombre 1554.
Une autre difficulté est relative à la maison de Mal-
herbe. Celle que lon suppose généralement lui avoir
appartenu , est située au bas de la rue. de lOdon,
ayant sa façade sur la rue Notre-Dame, vers la
place de la Belle-Croix , appelée aujourd’hui Place
Malherbe. Deux frontons qui s’aperçoivent au-dessus
des fenêtres du grenier portent chacun une inscrip-
tion Latine. L'une, à droite , est, Civiratis ornamento
Lariumque avitorum memoriæ ; l’autre à gauche,
Franciscus Malherbeus has-ce ædes exstrui curavit 1582.
La tradition bien établie était que le François. Mal-
herbe auteur de cette reconstruction, était le poëte
Malherbe. Le résultat des premieres recherches de
M. Hébert fut, sinon de détruire entièrement cette
opinion , du moins de Paffaiblir assez pour que l’A-
cadémie ne pût s’en faire une autorité. En effet, il
prouva que notre poëte avait accompagné Henri, Duc
À
y
f
4
|
à
à
(235 ).
d'Angoulême, dansson voyage de Provence en 1574;
qu'il l'y avait suivi en, 1579 , lorsque ce Prince en
devint gouverneur, qu'il s’y était marié, et que le
seul fils qui lui était resté, y avait été tué en duel,
lorsqu'il était sur le point d’être reçu conseiller au
parlement de cette province, Ces faits et plusieurs
autres cités par M. Hébert ne permettent pas de
croire que Malherbe ait fait bâtir la maison dont il
s'agit en 1582, ni qu'il ait même jamais pensé à
revenir se fixer à Caen. Il est remarquable d’ailleurs
que Huet ne fait aucune mention de cette maison,
et que de Bras, dont les recherches vont jusqu’en
1588, n’en parle pas davantage, quoiqu'il cite trois:
belles maisons sur cette même Place de la Belle-
Croix.
Il était difficile d’un autre côte de croire qu'un
frère de Malherbe eût comme lui le prénom de:
François, et il restait de l'incertitude sur le véritable
propriétaire de la maison reconstruite. Cette incerti-
tude a été entièrement dissipée par M. Hébert. Il a
prouvé par des faits positifs que le poëte Mal-
herbe était fils de François Malherbe , Sieur de
Digny , Conseiller , qui avait fait reconstruire la
maison de ses ancêtres en 1582, et que par consé-
quent il était né dans cette maison 27 ans avant
sa reconstruction.
(236)
Réponse a une question de M. Jouyneau-Desloges,
associé-correspondant sur l'institution de la che-
valerie en France, par M. DELARUE.
M. Jouyneau-Desloges avait adressé à l’Académie
un mémoire intitulé, Recherches et observaions sur
une assertion de lhistorien Velly concernant Le
prernier ordre de Chevalerie en France; et il la con-
sultait sur la question de savoir si le Roi Jean est
le premier auteur d’une institution de ce genre, et
si celle qu'on appelle l’ordre de l'étoile, est la pre-
mière qu'on trouve dans nos annales. L’historien
Velly se prononce formellement pour l’afirmative.
M. Jouyneau-Desloges combat son opinion, et pré-
tend que l’ordre de l'étoile fut primitivement institué
par le Roi Robert en 1022 , et que le Roi Jean
n’en fut que le restaurateur.
M. Delarue , à qui cette question fut renvoyée
a pensé que ne pouvant connaître les raisons qui
ont déterminé Velly, on ne peut condamner l’o-
pinion de cet historien généralement estimé, qu’au reste
le fait de la première institution ou d’un simple ré-
tablissement de l’ordre de l'étoile par le Roi Jean,
doit résulter de la teneur même des lettres-patentes
de ce Roï, données en 1351, et consignées dans
(237)
le Xe, volume du Specilegium de Dom d’Achery ;
puisqu'on ne peut rejetter un témoignage aussi au
thentique , sans livrer tous les faits à l’incertitude.
Quant aux mémoires de Jean Delahaye , qui
font le principal moyen de M. Jouyneau, M. Dela-
rue est loin de les regarder comme une preuve suf-
fisante, parce que c’est un auteur du seizième siècle
qui atteste un fait arrivé dans l’onzième , et que
d’ailleurs les manuscrits sur lesquels on établit ce té-
moignage n'existent plus dans les bibliothèques pu-
bliques.
Mais si l’opinion de M. Jouyneau n’est pas prou-
vée par des moyens directs, il existe plusieurs faits
qui l’appuient indirectement , en montrant que la
chevalerie avait plusieurs ordres particuliers établis
bien avant le Roi Jean.
D'abord, on ne peut méconnaître que l’onzieme
et le douzième siècles ont été proprement les siècles
de la chevalerie, que les historiens Normands font
même remonter jusqu’au dixième. Bénoît de Saint-
Maure, qui écrivait en vers l’histoire de notre pro-
vince, dans le XIIe. siècle, ne dit pas seulement
que Hugues le Grand , père de Hugues Capet,
avait reçu chevalier à Paris le Duc de Normandie,
Richard premier ; 1l raconte même toutes les circons-
tances de cette cérémonie. Les mêmes historiens disent
que dans l’onzième siècle, Saint-Lanfranc , Arche-
vêque de Cantorbéry , reçut chevälier Guillaume le
(238)
Roux, second fils du conquérant , avant de le cou-
ronner Roi d'Angleterre.
En second lieu, malgré les récits merveiileux con-
tenus dans nos romans de l’onzième et du douzième
siècles, et surtout dans ceux de la table ronde , ils
supposent nécessairement l'existence d’une cheva-
lerie, sans quoi leurs détails auraient été imintelli-
gibles. L’authenticité de ce fait principal est tout-à-
fait indépendante des fictions qui l’accompagnent,
et qu’on attribuait aux Brétons insulaires et armo-
ricains, comme le déclare Robert Wace :
Fist Roi Arthur la ronde table
Dont Brétons Dient mainte fable.
Un passage de Rapin Thoïras, cité dans la réponse ;
confirme cette distinction, en présentant comme un
fait positif l'institution d’un ordre de chevalerie ap-
pelé La: table ronde , par le Roi Arthur, que les
récits fabuleux des romanciers ne doivent pas em-
pêcher de regarder comme un Prince d’un mérite
extraordinaire , dont la vie méritait d’être écrite par
les historiens les plus graves et les plus sensés.
Enfin on voit dans le dictionnaire de A. T.
Gaigne, que Garica VI, Roi de Navarre, avait ins-
titué un ordre du lys dès l’an 1048.
(239)
Essai sur Anaximandre et sur la philosophie.
Dans cet écrit, lu par M. Cailly , à qui il avait
été remis par M. Gabriel Chaulieu , l’auteur a pour
but de recueillir ce qu’il y a , sinon de plus certain
du moins de plus probable sur la doctrine d’Anaxi=
mandre , qu'il appelle l’un des ornemens de l’école
ionique , et que Laërce met à la tête de cette école,
sans doute parce qu'il produisit au grand jour la doc-
trine qu'il avait puisée dans ses entretiens familiers
avec Thalés, etque celui-ciavait tenus secrets, quoiqué
l'usage d’enseigner la philosophie dans un lieu public
à un grand nombre d’auditeurs existât depuis plus
d’un siècle dans la Grèce proprement dite. Les té-
moignages nombreux sur lesquels le mémoire est ap-
puyé dans toutes ses parties ne s’accordent pas toujours,
et laissent des doutes sur plusieurs opinions d’Anaxi-
mandre. On voit que, ne trouvant pas l'eau, ou l’é-
lément humide, un principe assez délié pour lui at-
tribuer , à l’exemple de son maître, l’origine de toutes
les choses, il lui substitua /’zrfin:, ou selon Cicéron
l’infinité des choses ; mais rien n'indique clairement
quelle idée il attachait à cet infini. Il paraît avoir
ajouté à la force mouvante, ou à l’âme admise par
Thaïès, le froid et la chaleur. Selon Diogène de
(24)
Laërce, il reconnaissait à la terre une figure sphé-
rique ; et Théon de Smyrne enseigne, d’après Eu-
dème, qu’il la regardait comme suspendue dans les
airs, et tournant autour du centre du monde : mais
ces autorités sont balancées par d’autres. Il regardait
les astres comme des Dieux, sans qu’on puisse dire
en quoi consistait leur divinité. Ses idées sur la gran-
deur et la place du soleil , ainsi que des autres astres ,
participaient à l’imperfection des connaissances astro-
nomiques de son temps, quoiqu'on lui attribue, sur
quelques points , des aperçus remarquables. Les objets
relevés qui étaient le principal objet de ses médi-
tations , ne l’empêchaient pas d’étudier la nature dans
des phénomènes plus accessibles à nos recherches ;
mais ses systèmes en physique n’offrent rien qui püt
être pour nous d’un grand intérêt. On lui a dû in-
contestablement quelques découvertes en géométrie ;
et il paraît certain qu’il donna le premier dans la Grèce
l’utile et intéressant exemple de tracer sur une surface
les contours de la terre et des mers. On lui faitencore
honneur , avec plus ou moins de vraisemblance , de
diverses autres inventions , que rapporte l’auteur du
mémoire.
Poësies
(241)
Poësies lues à l’Académie.
M. le Prêtre a lu, en différentes séances, 19°, un
distique latin Sur Le rerour de l’auguste famille des
Bourbons rendue au trône et aux vœux empressés de
la France , avec la traduction en vers français;
2° un quatrain latin, aussi traduit en vers français x
sur le même sujet; 3°. une ode intitulée, Homme:
légitime rendu a la mémoire de Louis XVI. Une ode
sur la véritable grandeur, une autre Contre Les combats ;
4°. un hymne tiré du poëme dessaisons de Thompson;
5°. des vers sur Alexandre le Grand ; 6°, deux
fables intitulées, l’une , Le moineau et Les hirondelles ,
l'autre L’orage et Le z2phyr ; et six autres ayant pour
titres, La poule d'Inde et la fourmi ; le taureau er Le
mâtin; Le chien, Le berger er le loup ; La jeure
fille ec la naïade ; La imarte, le renard et le loup ;
L'allouette et la perdrix. Ces six fables sont imitées,
Jes trois premières de Gay , la quatrième du père
Dubillon, ewles deux dernières de Hagerdon.
M. de Baudre a lu, 1°. des vers sur l’arriyce
du Roi Louis XVIII ; huitcontesintitulés , Le Grand
Seigneur et le Capucin, Le perit-maître er Le Capucin,
Le Capucin dévalisé , Le marchand de chasuble
Le friand Bailly , M. Gousseau , Le petit Saint .
rome , Le voleur et Le petir père ; 39. trois épigram-
TR
1...
e-
(242 )
mes , ayant pour titres : Le président a l'élection, Sur
la ville de Domfront, L'esprit; 4°. L’épitaphe d'un
plaideur, et une autre épitaphe.
M. Méchin a lu une traduction en vers français
de la 13°. satyre de Juvenal.
L’académie a encore entendu une fable de M,
Bremontier , imitée de Gay, intitulée, Le renard à
l'article de La mort; des Stances allègoriques sur le
danger de la flatterie , par M. le Tertre, associé-corres-
pondant, qui a aussi communiqué à la compagnie
le prospectus d’un Choix des poësies de Malherbe,
avec des remarques, précédé d'un éloge littéraire de
l'auteur ; des Fragmens d’un voyage au centre de
l'Italie; opuscule en prose et en vers, par M. Du-
bois, aussi associé-correspondant ; une Épirre à Picard
sur son roman intitulé , les aventures d'Eugène de
Senneville et Guillaume de Lorme, par un Normand,
( M. Vieillard de St. Lo; ) deux allégories de M,
Vigné de Rouen, autre associé-correspondant, ayant
pour titres: l’une, Le rocher et les oiseaux de passage,
l’autre, La rose et le lys
(24)
peninmetnntantensg
Ouvrages reçus.
L'Académie a reçu la Description des jardins de
Courset , par M. Pierre-Aimé Lair ; plusieurs opuscules
de M. Dubois, savoir une Notics sur Les bains de
Bagnoles, une Dissertation sur le camp du Cha-
cellier, vuloairement appelé camp de César | sirue
dans la commune de Mont-Merë, près Aroentan ;
l'avenue des chärelers | élégie ; un mémoire manuscrit
ayant pour titre, De l'inventeur du Vaudeville es
d'une nouvelle édition des Vaux de Wire d'Olivier
Basselin, notice lirtéraire ; une notice sur M. Houel,
peintre, et une autre sur Rembrandt-Van-Ryn ,
faisant suite à la galerie des peintres célèbres, par
M. le Carpentier, de Rouen; une Nosice sur l'his=
roire géognostique du Cotentin, extrait du Journal
des mines , n°. 206, Février 1814 , par Alexandre
Brongniard , ingénieur des mines ; un mémoire ma-
nuscrit de M. Geoffroy, de Valognes, Sur la com-
position du granit , renvoyé a l'examen d’une com-
mission ; un ouvrage intitulé , Repertoire de méde-
cine, ou recueil d'extraits et d'indications de differens
ouvrages, Anglais, Français , Italiens er Latins , par
M. Balme , docteur en médecine , également renvoyé
à une commission, selon le désir manifesté par l’au=
Q 2
(244)
teur ; deux bulletins\de la Société des sciences mé
dicales de l’Eure ; le Prècis analytique des travaux
de l'Académie des Sciences , des Belles-Letrres et
des Arts de Rowen pour 1812; un autre Précis ana-
lyrique des travaux de la même Académie, depuis
sa fondation en 1744, jusqu’à l’époque de sa res-
tauration le 29 Juin 1803 ; une notice de Séance pu-
blique de la Société d'émulation de la même ville,
du Oo Juin 18143 un Programme de l Académie
des Jeux Floraux de Toulouse pour le concours de
1815; un Programme de l’Académie Royale des
Sciences, Belles-Lertres et Arts de Bordeaux, séance
publique du 2$ Août 1814; un Programme de ques-
tions proposées par La société d’encosragement pour
L'industrie nationale | dans sa séance générale du 6
Octobre 1813 ; un Précis analytique des travaux
de la société Académique des Sciences, Lettres, Arts
et Agriculture de Nancy ; un Bulleun de correspon-
dance de la Société d'agriculture et de commerce du
Département de la Vienne, séance du 15 Messidor
an 13; un compte rendu des travaux de la Société
d'Agriculture, Sciences et Arts du Département du
Nord, pendant les années 1812 et 1813.
H'ASPPO'RT
Sur Les travaux de l’année 1815.
PREMIÈRE SECTION.
PARTIE SCIENTIFIQUE.
Considérations sur Les caractères distinctifs de l'oxi-
gène et ses rapports généraux avec Les autres ma=
tières réputées simples , pat M. THIERRY fils.
—
M. Thierry , avant d'entrer en matière, présente
quelques réflexions sur de nouvelles vues de M. Davy.
Ce savant chimiste Anglais a cru devoir associer à
l'oxigène le chlore et ensuite liôde comme corps
simples et comburans, et dépouiller ainsi la première
de ces trois substances d’un caractère qui lui était
assigné exclusivement, et qui avait fait définir la
combustion la combinaison de l’oxigène avec Les corps
combustibles. En discutant les faits qui ont motivé
cette innovation, M. Thierry ne trouve point qu’ils
établissent une analogie assez prononcée du chlore
et de liode avec l’oxigène, pour en faire les espèces
Q 3
(246)
d'un même genre, puisqu'ils ne se comportent de la
même manière que dans un-petit nombre de ren-
contres, et que les phénomènes qu’ils offrent peuvent
s’observer dans d’autres corps combustibles. Il lui a
donc semblé, et il a vu depuis que c’était aussi l’o-
pinion de M. Thénard, qu’en associant l’iode au
chlore , il convenait de les séparer de l’oxigène, pour
les admettre l’un et l’autre au nombre des matières
combustibles.
._ Quant à l’objet même du mémoire, après avoir
posé les principes de la chimie moderne par rapport
à l’oxigène, M. Thierry le considère relativement
aux trois grandes propriétés qui le font regarder
comme j’âme de la théorie pneumatique, savoir son
pouvoir acidifiant, la nécessité de son entremise dans
la combustion, et sa fonction dans Pacte de la res-
piration.
Le nom doxigène est fondé sur la supposition
que la substance qu’il désigne est le principe de tous
les acides; maïs l’auteur du mémoire montre qu’elle
ne jouit pas exclusivement de cette propriété, et il
cite l'hydrogène sulfuté, l'acide muriatique , autre-
ment acide hydrochlorique , et l’acide hydriodi-
que , qui sont Le ‘résultat de la combinaison de
hydrogène avec le soufre , le chlore et l’iode.
Il remarque aussi que lhydrogène , qui par-
tage avec l’oxigène le pouvoir acidifiant , est le
seul des corps combustibles que celui-ci ne puisse
(247)
acidifier, ne s’unissant avec lui que dans une seule
proportion pour former l’eau, Il ajoute que l’oxigène,
produisant par sa combinaison avec certains métaux
les alcalis fixes, les terres alcalmes, et très-probable-
ment toutes les matières terreuses, pourrait aussi bien
être appellé a/caligène. Il déduit de cette double ob-
servation l’imperfection inévitable d’une nomencla-
ture destinée à représenter les propriétés caractéris-
tiques des corps, tant que les progrès de la science
peuvent faire varier les rapports de ces propriétés.
La part qu’a l’oxigène dans la combustion n’offre
pas à l’auteur du mémoire un caractère plus absolu.
Car si l’on se borne à dire que la combustion est la
combinaison de l’oxigène avec un corps combustible,
suivant la définition adoptée, ce n’est plus à l’oxi-
gène, mais bien à l’acte de la combustion que l’on
assigne un caractère , puisqu'on ne reconnait plus
celle-là que par la présence de celui-ci. Mais si l’on
veut considérer cet acte en lui-même et indépen-
damment des agens qui concourent à sa production,
de quelque manière qu’on le conçoive , on ne pourra
plus affirmer que l’oxigène en est la cause nécessaire,
parce qu’il y aura toujours quelques-uns de ses effets
qui pourront exister sans cette cause; et d’ailleurs il
n’est pas possible dans l’état actuel de la science de
déterminer d’une manière précise ce qui constitue la
combustion , abstraction faite de la présence de
lexigène,
Q 4
(248 )
M. Thierry voit dans la respiration , acte nécessaire
à la vie, et manifesté par des signes toujours recon-
naissables, la seule propriété caractéristique de l’oxi-
gène, puisqu'il est certain qu’en aucun cas la respi-
ration ne peut avoir lieu sans la présence de ce gaz.
Un nom qui rappelerait cette propriété , serait donc,
suivant lui , plus convenable que celui d’oxigène.
Tel serait, par exemple, celui de Zoarque | opposé
à Ayore, mais qui aurait l’inconvénient de présenter
comme principe de la vie l’agent nécessaire d’un
acte qui en est seulement dépendant et inséparable.
11 désirerait un mot qui exprimât ce caractère, et
qui réunissant la briéveté à harmonie propre à notre
idiome, fût encore susceptible de se modifier de
manière à remplacer les mots oxide, oxider, oxigène,
oxigénation , etc., Au surplus il déclare être loin
de vouloir prendre l'initiative sur un changement de
nom qui ne serait avantageux qu'autant qu'il aurait
été provoqué par le vœu général des chimistes.
Un dernier article du mémoire traite des rapports
généraux de l’oxigène avec les autres corps. Quoique
M. Thierry se trouve obligé d’enlever à cette subs--
tance quelques prérogatives, il n’en reconnaît pas
moins que la puissance et l'étendue de ses affinités,
la distinguent de tous les corps. Les terribles de-.
tonations de la poudre à canon et des composés
analogues dus à l’oxigène, les brillans phénomènes
de chaleur et de lumière causés par son passage d’une,
(249)
combinaison à une autre, en un mot le rôle qu’il
joue dans presque toutes les opérations de la nature ,
lui paraissent justifier la grande idée qu’en avaient
conçues les illustres fondateurs de la doctrine Fran-
çaise , et que confirme le soin qu'a pris la providence
de faire de l'atmosphère un immense réservoir de ce
fluide , et d’en réparer les absorptions continuelles
par les efuves abondantes des végétaux frappés
de la lumière. Lui donner le titre de corps com-
burant, c'était exprimer implicitement ses affinités
énergiques ; et quoiqu'a la rigueur la distinction de
corps comburant et de corps combustible ne soit que
théorique , parce que dans la combustion les deux subs-
tances qui se combinent exercent une action réci-
proque , cependant le corps qui était seul connu
propre à produire ce phénomène avec chacun. des
autres , semblait mériter une dénomination qui lui
attribuait une rôle actif.‘ Aujourd’hui que de nou-
velles découvertes ont fait reconnaître une propriété ana-
logue dans d’autres corps, il pourrait être nécessaire
de faire quelques changemens dans lathéorie ; mais M.
Thierry pense qu’on ne doit les tenter qu'avec beau-
coup de précaution .et de réserve , surtout quand
il ne s’agit pas d’une réforme partielle, mais d’une
innovation qui intéresse l’ensembie de la science. Voici
comment il résume en finissant les caractères géné-
raux de l'oxigène.
« L'oxigène est le seul corps qui dans unecon-
(250)
dition appropriée puisse entretenir la respiration des
animaux. Par sa combinaison avec le calorique , il
forme un gaz permanent. Ce gaz est incolore, ino-
dore, insipide , peu soluble dans l’eau. Son poids
spécifique , à zéro de température , et à la pression
de 28 pouces, égale 1,10359 , le poids spécifi-
que de l'air dans les mêmes circonstances étant
représenté par l'unité. C’est sa présence dans l’air
atmosphérique quirend celui-ci propre à la combustion
ét à la respiration. Il sert à la combustion jusqu’à sa
dernière molécule. L’oxigène peut acidifier tous les
corps combustibles simples non métalliques, excepté
hydrogène. Il peut acidfer quelques métaux. IL
transforme également plusieurs métaux en alcalis. Les
métaux ne peuvent s’unir aux acides, s’il ne s’y com-
bine avec eux. »
Exposé d'un projet présenté en 1812, pour l'ame-
lioration du port de Caen, par M. PATTU.
M. Pattu commence par exposer les avantages de
la navigation intérieure , qui ajoute tant aux com-
modités des grandes routes, et qui peut les suppléer
d’une manière si économique. Il développe en par-
ticulier l’utilité du port de Caen, et passe ensuite
aux obstacles qui empêchent d’être la source d’une
(251)
plus grande prospérité, et aux travaux exécutés ou
conçus pour son amélioration. Le projet le plus impor-
tant qui ait été pris en considération avant celui dont il
s'agit ici, et que M. Pattu lui-même regarde comme
ayantpu naturellement produire ce dernier, est celui
de M. Cachin, qui dans un mémoire imprimé en
l'an VII , propose d'abandonner la navigation du
lt de l'Orne, et d'ouvrir un canal depuis Caen jus-
qu’à la fosse de Colleville, avec des portes et des
jettées à l'extrémité. L’exécution de ce projet fut or-
donnée par décret du 25 Mai 18w13 mais le devis
des travaux ayant montré que cette entreprise exigeait
. une dépense de 4,700,000 fr. , au lieu de 700,006
fr. seulement, qui avaient été accordés , il fallut
y renoncer. Le projet qui est substitué à celui de
M. Cachin , consiste en un barrage dans le lit même
de l'Orne , au-dessous de Bénouville, avant le: haut
fonds des cerisiers, par une écluse à portes d’èbe ,
qui arrêterait en cet endroit la mer montante, avec
les matières qu’elle entraine jusqu’à Caen, et la
remplacerait par les eaux douces élevées à la même
hauteur, M. Pattu a discuté les effets de cet éta-
blissement de manière à montrer qu’il remédierait cons-
tamment aux obstacles qui entravent la navigation
de l'Orne , outre qu’il contribuerait à l'agrément et
à la salubrité de la ville, en maintenant les eaux
de la rivière à une grande hauteur dans un cours
de deux lieues et demie,
(252)
Plus on est frappé de la simplicité de ce projet,
qui attache à une opération prompte, et peu dis-
pendieuse , au moins comparativement , les avantages
d’une entreprise effrayante par la longueur du temps
et les frais qu’elle exigerait , plus 1l est naturel de
craindre qu’il n’y ait quelque incertitude dans les
résultats qu'on se promet de ce nouveau moyen;
mais il sufht de connaitre la circonspection et les lu-
mières de M. Pattu, pour être assuré que ses cal-
culs sont appuyés sur des données bien exactes; et
d’ailleurs l'admission de son projet par le conseil des
ponts et chaussées , après un mür examen, est propre
a dissiper tous les doutes que l'on pourrait conce-
voir sur le succès.
Précis historique sur la navigation de la rivière
d'Orne , par M. LANGE.
Le mémoire précédent a été l’occasion des recherches
faites sur le même sujet par M. Lange , qui s’est
occupé dans tous les temps avec un intérêt par-
ticulier des moyens d'améliorer la navigation de l'Orne.
Il déclare en commençant qu’il ne se propose
point de présenter des choses absolument nouvelles,
puisque les faits ne se créent pas; et que son travail
s’est borné à recueillir et à réunir en un faisceau des
(253)
notions éparses dans beaucoup d’écrits, et dont l’en-
semble lui a paru propre à confirmer lés espérances con-
_ çues en divers temps sur l'amélioration de la navi-
_gation de l'Orne, et peut-être à éclairer les opéra
tions qui tendent à ce but. M. de Bras est le plus
ancien écrivain qui parle des projets exécutés ou con-
çus sur cette rivière; et depuis lui il ne reste d’autres
sources d'instruction, que des mémoires de d'férens
ingénieurs, assez difficiles à rassembler. Notre col-
lègue s’est aussi aidé de quelques écrits lus dans nos
séances , et il prévient que l’on reconnaîtra facile-
ment certains détails qu'il a puisés dans le rapport
général sur les travaux de l’Académie.
M. Lange remonte au plus ancien état de la na-
vigation de Caen, sous les premiers Ducs de Nor-
mandie. L’Odon , après avoir passé sous le pont de
Darnetal, aujourd’hui le pont Saint-Pierre, allait se
jetter dans l'Orne au delà de l’emplacement de l’hô-
pital actuel , en longeant une chausssée que remplace
la rue Saint Jean; et cette partie de son lit for-
mait alors le port.
Le Duc Robert, fils aîné de Guillaume le con-
quérant, tira de l'Orne, en 1104,à une centaine
ae toises du pont de Vaucelles, un canal qui vient
se rendre à celui de Saint Pierre, en passant sous
ceux de l'hôpital Saint-Louis et de Saint-Jacques.
D'un autre côté il recula le cours dé l'Ocon , de
(254)
manière à former une île presque ronde , partagée
à peu près en deux parties égales par la chaussée.
En 1531, on redressa l'Orne dans une partie de
son cours, en ouvrant dans la prairie au-dessus du
Hameau de Longueval un canal de 640 toises de lon-
gueur et de 15 pieds de profondeur , au mépris d’un
préjugé qui faisait craindre des inondations dans les
grandes marées.
Quant à l'Orne supérieure , ou s’est contenté d’y
ouvrir successivement plusieurs chaussées ; etes projets
de navigation souvent reproduits, sont toujours restés
sans effet, par des causes tout-à-fait indépendantes
de leur utilité et de la possibilité de leur exécution,
On fit de nouveaux redressemens dans le cours
de l'Orne inférieure , en vertu des lettres patentes
de Louis XIV du 6 Mai 1679 , sur un plan de Vauban
pour létablissement d’un port d’asile dans la rade
de Colleville; et sans la mort de Colbert , les ou-
vrages auraient été continues et prolongés jusqu'à
Argentan en remontant la rivière.
Ce ne fut qu’en 1740, que plusieurs citoyens re-
commandables firent de nouvelles tentatives pour
l'exécution du projet de Vauban, et que M. Lalonde,
en particulier, membre de l’Académie Royale des
Belles-Lettres de cette ville , redigea un mémoire qui
fut favorablement accueilli , mais dont la guerre arrêta
l'effet. IL en présenta un nouveau à la paix, et après
une visite exacte des lieux et la vérification des faits,
C255 )
dl fournit avec ses généreux associés à la dépense des
plans et devis dont les villes de Caen et d’Argen-
tan n'étaient guères en état de faire les frais, et dont
la remise au conseil pouvait influer sur la décision,
Ce travail reçut es plus grands éloges de M. Gouwr-
don de l'Églizière, Lieutenant-général des armées du
Roi, Directeur général des fortifications. Un mé-
moire devenu assez rare , développait au public les
avantages de ce projet, dont une compagnie offrait
d'entreprendre l'exécution, moyennant certains droits
à percevoir sur les objets de la navigation, Dansun
sommaire de ce mémoire, M. Lange fait connaître
les rivières qui se jettent dans l'Orne depuis sa source,
les travaux à‘exécuter pour la rendre navigable , toutes
les espèces de denrées et de marchandises au transport
desquelles elle pourrait servir, soit en montant, soit
en descendant , et enfin les divers établissemens qu’elle
pourrait favoriser. Ensuite , après avoir manifesté l’es-
poir que l’état consolidé sur ses antiques fondemens
est propre à faire naître relativement à tous les genres
d'améliorations , il passe aux vues de M. Vialet, in-
génieur en chef de la généralité de Caen, qui outre
les redressemens de la rivière aux abords de la ville,
parait avoir médité les moyens d’en reporter l’em-
bouchure vers le havre d'Oystreham ; aux travaux
de M. le Febvre, dont il donne la description ; et
au projet de M. Cachin, dont il expose les dé-
tails, d’après le mémoire publié par cet ingénieur,
C256)
æt qui consistait principalement à aggrandir le bassin
actuel, dit bassin de Saint Pierre , et à ouvrir un
canal depuis le milieu de ce bassin jusqu’à la fosse de
Colleville. Les grandes dépenses qu’auraient exigé
ces travaux, en ont empèché l'exécution. Néan-
moins ce projet fut reproduit dans une circonstance
qui parut très-favorable ; et un décret du 15 Mai
1811, en ordonnant qu'il serait étudié et porté à
la délibération du conseil des ponts et chaussées
dans le mois de Décembre suivant , et de plus que
es quais de cette ville seraient achevés , affectait à
toutes ces dépenses une somme 700,000 francs. Il
ne fallait pas un examen bien approfondi pour re-
connaître l'insuffisance de cette somme. M. le Jeune,
ingénieur en chef du département , en redu sant toutes
les parties du plan autant qu’il était possible, ne put
pas en évaluer la dépense au-dessous de 4,700,000
fr.; ce qui fit encore renoncer à l’entreprise, et af-
fecter à la continuation des murs de quais la tota-
lité des 700,000 francs obtenus.
C'est dans ces circonstances que M. Pattu, ingé-
nieur ‘actuel, proposa en 1812 le projet de Barrage
développé dans le mémoire lu à l'Académie. M. Lange
fait ressortir les avantages de ce nouveau projet ; et
après avoir fait mention d’un décret du 3 Février
1813, qui assigne pour ces travaux 500,000 fr. sur
les 7 accordées, mais dont les événements ont sus-
pendu leffet, il cite un arrêté pris par le conseil
général
(257)
général du département dans sa session du mois
d'Octobre 1814, relativement au projet de M.
Pattu , dont l'exécution a paru à l’administration des
ponts et chaussées d’une nécessité si urgente , qu’elle
a formé la demande d’une somme de 60,000 fr.
pour commencer les travaux.
M. Lange, pour détruire toute crainte que malgré
le barrage ii ne se forme de nouveaux attérrissemens,
apporte des faits bien avérés, et qui prouvent com-
plètement que les vases qui encombrent le lit de
l'Orne viennent uniquement de son embouchure. Il
termine son mémoire en proposant avec la réserve
la plus modeste, une idée qui mérite l'examen des
hommes de l’Art, auxquels il la soumet, et qui sans
nécessiter des dépenses énormes , et sans contrarier
aucun plan d’amélioration, procurerait un des prin-
cipaux avantages du projet de M. Cachin.
Voici comment il le présente :
« Entre Bénouville et Oystreham l'Orne se par-
tage eu deux branches, dont la droite qui est la plus
forte, passe devant Sallenelles et le moulin de Mau-
pertuis.
Un peu plus bas que ce moulin, cette branche
se divise aussi en deux bras inégaux. Le plus petit
tourne la pointe de Merville , et se porte vers la côte
de l'Est; l’autre se dirige par la pointe du Siège vers
le Nord-Ouest, et forme la véritable embouchure,
La seconde branche , après avoir longé la côte:
R
(258)
d'Oystreham vient aussi se rendre à la pointe du
Siége , où elle }{e confond avec la première. Je pro-
poserais de P'élargir dans une longueur de 709 toises
à partir de la bifurcation, ensuite d’en continuer le
cours presque en ligne droite vers la mer , près la
redoute d'Oystreham, qui resterait à 200 toises en«
viron sur la gauche.
Ce nouveau lit de 900 toises de longueur , pro-
curerait une embouchure commode et peu sujette
aux attérissemens. Les vents dominans dans la Manche
sont ceux d'Ouest et d’Ouest-Nord-Ouest. Les flots
qu'ils poussent avec violence sur la côte de l'Est,
en détachent continuellement des terres, que l’action
combinée de ces vents et du remous de la côte pré-
cipite entre les deux pointes, pour aller encombrer
les différens canaux de l'Orne.
Or la nouvelle embouchure, éloignée de goo
toises à peu près de la pointe de Merville , et d’en-
viron 2500 de la côte ne pourrait en recevoir immé-
diatement les débris, comme le fait l’embouchure ac«
tuelle. |
Au reste , si ce canal éprouvait quelques dépôts de
vases, on conçoit quelle chasse énergique exerce-
raïent dans toute sa longueur les eaux de l’immense
bassin de M. Pattu, et combien sa direction à peu-
près droite serait favorable à cette chasse.
Du moment que la rivière y serait introduite ,
et qu’on aurait barré la branche principale actuelle
(259)
à l'endroit de la bifurcation , tout le terrain com:
pris entre cet endroit et les deux pointes serait bien-
tôt exhaussé par les alluvions de la marée, de ma-
nière à permettre d'établir d’une pointe à l’autre une
digue d'environ 300 toises dont la base serait traver-
sée par des auges ou canaux à clapets pour l’écou-
lement des eaux du pays.
La concession de ce riche terrain de plus de 30000
perches de superficie, seulement au prix modique de
10 fr., donnerait un capital de 300,000, qui cou-
vrirait peut-être , et même au-delà , toute la dépense
d’une entreprise qui n’exigerait aucuns ouvrages d'Art,
et ne consisterait qu’en pilotis , clayonnages, terrasses
et épis en pierres brutes , que fournissent abondam-
ment les carrières des environs.
Si ce projet était admissible , le gouvernement pour-
rait, dans un court espace de temps, et sans qu'il
lui en coutât un centime , faire exécuter des travaux
si manifestement proftables à l’agriculture, au com-
merce et à la salubrité de la contrée ».
Rapport sur un mémoire de M. Geoffroy de Valognes ,
associé- correspondant, par M. LAMOUROUX.
M. Lamouroux expose d’abord l'opinion négative
P 8
de M. Geoffroy sur la question qui sert de titre à
ya
{ 260 )
son mémoire : Le tubipore musique est-il un polypier ?
Il présente ensuite les idées de l’auteur par rapport
au nom de subipore, qu'il croit devoir changer, et
au lieu duquel il propose d’abord celui de subulaire ,
et ensuire celui d’oroue , en considérant que celui
de tubulaire est appliqué à un genre de polypier
connu depuis long-temps. Le rapporteur , sans entrer
là-dessus en aucune discussion , en vient à l’objet prin-
cipal du mémoire, qui est la proposition faite par
M. Geoffroy de joindre les tubipores aux vers qu'il
appelle vers subicules, En blâmant cette dénomina-
tion, comme appartenant à des êtres d’une nature
très-différente, M. Lamouroux appuie sa critique sur
des autorités et sur des raisonnemens qui tendent à
prouver que , Si Panimal du tubipore musique est
un polype, son habitatation ne saurait être celle
d’une annélide , ce qui suivrait du système de M.
Geoffroy. Le rapport est terminé par une citation
intéressante de M. Péron , qui en confirme les con-
clusions.
Rapport sur l'ouvrage de M. Balme, par M. le
SAUVAGE.
L'ouvrage de M. Balme intitulé , Répertoire de
Médecine , ou recueil d'extraits et d'indications de dif-
( 261 )
ferensouvrages, Anglais, Français , Iraliens er Latins x
a été conçu dans l’intention d'épargner aux médecins
des recherches longues et pénibles pour trouver des
moyens de solution dans les cas embarrassans qui
peuvent entraver leur pratique. L’avantage de con-
naître en peu d’instans quels auteurs ont traité cha-
cune des questions qui se présentent, et sous quels
points de vue, ne peut manquer, du moins au pre-
mier coup d’œil, de paraître très-précieux , puis-
qu'il semble attacher au moyen le plus simple l’ins-
truction la plus complète. Mais il faut convenir que
l'exécution , dans les ouvrages de ce genre , est tou-
jours la partié la plus difficile, et qu’elle répond ra-
rement à l’idée que l’auteur s’est formée de sa mé-
thode. M. Balme ne s’est point fait illusion sur cet
inconvénient , et il a provoqué lui-même , avec une
modestie qui doit bien faire présumer de son jugement ,
l'examen attentif et sévère de l’essai qu’il a donné au
public. M. le Sauvage a pleinement rendu justice à
l’auteur sous ce rapport, et a reconnu tout le mérite
qu'on peut trouver dans son ouvrage; mais obligé
de. s’expliquer complètement dans les intérêts de la
science ,1la présenté les différens rapports sous lesquels
les hommes de l’Art ne pourraient pas accorder un suft-
frage absolu à son entreprise. Ses conclusions ont
été que le travail de M. Balme, en présentant de
laborieuses recherches d’un médecin instruit, ne peut
offrir le degré d'utilité dont il la cru susceptible ,
R 3
(264)
parce qu'on n’# voit qu’un recueil de citations e
de notes indicatives puisées dans un nombre déter-
miné d'ouvrages, et accumulées sans aucune espèce
de critique; ensorte qu'il y a à la fois abondance et
disette , à cause de la multitude des indications inu-
tiles et du silence gardé sur les meilleures autoritése
La seule omission des ouvrages d’anatomie patholo-
gique paraît au rapporteur offrir une lacune immense ;
et il lui semble que l’entreprise de M. Balme aurait
offert un tout autre intérêt, etaurait été dans le cas de
rendre à la Science des services importans, s’il se fût
contenté de présenter une collection bien choisie des
faits qui ont servi de base aux principes qui forment
la saine doctrine , et qu’il eût écarté une foule d’ob-
servations insignifiantes ou incomplètes , et surtout
de théories repoussées par un saine critique. Loin que
le mauvais complète la collection de ce qui est bon,
il ne fait que la gâter.
Noc sur de saumon, par M. PRUDHOMME.
M. Prudhomme a cru devoir entretenir l’Acadé-
mie d’un fait qui lui a paru intéressant. Il a vu des
saumons déposés dans un vivier depuis trois ans,
et qu s’y étaient conservés jusqu'alors en bon état,
Cette expérience qu'il désirerait voir répéter et
(263)
étendre , lui a fait concevoir la possibilité de natu-
raliser le saumon dans l’intérieur de la France, en
choisissant des eaux qui lui convinssent. Il a exposé
ses idées sur la manière dont cet essai pourrait être
tenté, et a cité à cette occasion les tentatives faites il y
a plus de vingt ans par M. Noël de Rouen, pour
naturaliser des harengs dans des étangs. Aux États-
Unis, ajoute-tl, ou a fait éclore des œufs de ha-
rengs et d’autres poissons dans des fleuves que ces
animaux n'avaient jamais fréquentés. Les individus
éclos de ces œufs ont contracté l’habitude de reve-
nir chaque année , en en ramenant sans doute avec
eux un grand nombre d’autres. M. Prudhomme pré-
sume qu'on pourrait avec succès déposer dans des
étangs des saumons femelles avec des mâles, pour
y faire leur ponte, sans que le frai qui en naïtrait
pût retourner dans les mers vers Pautomne, temps
où il descend les Fleuves , à partir même d’une très=
grande distance de leur embouchure.
LE TT A te NE ©]
SECONDE SECTION.
PARTIE LITTÉRAIRE.
ES
Recherches sur les ouvrages des Bardes Armoricains
dans le moyen äge, par M. DELARUE.
Taureur traite son sujet comme neuf, puisque
non-seulement les historiens Brétonset les anciens écri-
vains Français ne contiennent rien de positif sur la
poésie Armoricaine , mais que même Dom le Pelletier ,
dans la préface de son dictionnaire Bas-Bréton ,
après avoir dit: Nous ne voyons pas que nos an-
ciens Brérons aient cultivé la poésie, va: jusqu’à
ajouter ; es La langue teilé qu'ils la parlent ne paraît
pas pouvoir se prêter a la mesure, a la douceur ec
a l'harmonie des vers. |
Pour réfuter ce dernier paradoxe , et établir l’exis-
tence d’une poésie Armoricane , M. Delarue remon-
tant du XVe. siècle au XIIE. rapporte pour chacun
de ces quatre siècles des témoignages plus ou moins
nombreux d'écrivains Français et Anglo-Normands,
qui vantent les Lais Brétons ou Armoricains et qui
en font des citations , et il conclut de toutes ces
autorités, 1°, que les Brétons Armoricains avaient
(265)
très-anciennement dans leur langue des pièces de
vers que nos premièrs poëtes appelèrent des Lais, sans
qu’on sache quel nom ils leur donnèrent eux-mêmes,
et qu’il ne faut point confondre avec les Lais de nos
trouverres , mais regarder comme des poëmes con-
tenant le récit d’un évènement intéressant , d’une
longueur modérée , à la différence des romans, sur
un sujet grave et ordinairement Armoricain ou Gal-
lois, et toujours en vers de huit pieds, du moins
dans les traductions Françaises et Anglaises qui sont
parvenues jusqu’à nous ; 2°. que les Lais Brétons
furent tellement estimés dès le commencement du
12°. siècle, qu’on entraduisit un grand nombre, soit
en Latin, soit en prose Française , et qu’à la demande
des Ducs de Normandie et des Barons de cette pro-
vince, on composa d’après ces traductions plusieurs
de nos romans de la table ronde, en prose Latine
cu Française ; 3°. que dans le 12°. siècle les trou-
verres mirent en vers Français plusieurs romans
de la table ronde, soit d’après les traductions La-
tines ou Françaises des Lais Brétons, soit d’après les
romans en prose qui en étaient déjà le produit, et
qu'il est impossible de croire que les trouverres en
‘imposent , quand ils déclarent que leurs romans sont
composés d’après les ouvrages Brétons, et quand ils
nomment les différens Princes qui leur en fournirent
des traductions; 4°. enfin , que dansle 13°. siècle
les trouverres Français et Anglo-Normands traduisirent
( 266 )
encore en vers plusieurs des Lais Brétons, et que
ces traductions ne furent mises en vers Anglais que
dans le siècle suivant.
En examinant les rapports qui pourtaient exister
entre les Lais Brétons et l’ancienne poésie Gauloise,
l’auteur du mémoire établit d’après Posidonius d’A-
pamée, qui vivait avant l'ère vulgaire , et le poëte
Fortunat , écrivain du 6€. siècle, que les Lais Brétons
écrits et chantés dans le genre des poésies Gau-
loises ont dû leur succéder ; que si les poëtes Ar-
moricains ont mêlé quelquefois des aventures Ro-
manesques et imaginaires à des peintures historiques,
comme dans l’histoire d'Arthur, à la différence des
Gaulois toujours historiens, cette innovation ne se
trouve que dans les traductions des Lais Armori-
cains ou dans les ouvrages d’écrivains obscurs et mer-
cenaires qui, pour déguiser leurs plagiats, altéraient
ainsi les productions des anciens Bardes. Cependant
d’après les témoignages de plusieurs historiens Brétons
et Gallois, il paraïîtrait que les poëtes Armoricains
auraient aussi chargé l’histoire d'Arthur et de ses che-
valiers de faits merveilleux et controuvés, auxqueis
les jongleurs qui leur succedèrent auraïent- ajouté de
nouvelles fictions. Mais , se demande l’auteur, où les
Brétons avaient-ils puisé ce merveilleux épique ? Est-
_<e dans une mythologie indigène, c’est-à-dire, Cel-
tique, ou dans une mythologie étrangère ? D’après
Saumaise , ce goût leur aurait été communiqué par les
( 267 )
Arabes et les Espagnols. Lord Percy, Evêque de
Dromore , prétend, qu'il avait passé de l'Orient dans
le Nord avec les Colonies d'Odin , et qu'il avait été
porté en France par les Normands. Huet et le Comte
de Caylus affirment au contraire que nos romans et
les fables dont ils sont remplis, sont nés sur notre sol,
M. Delarue, porté à partager le sentiment de ces
deux célèbres antiquaires , pense que les Bardes At-
moricains qui parlent de géants défaits , de dra-
gons vaincus , de lions domptés , etc. , ont pu tirer
l’idée de ces fictions des prodiges rapportés dans les
livres sacrés, tels que les victoires de David sur le
Géant Goliath , celle du même prophète sur le lion,
de Saint-Michel sur le dragon , sans qu’il leur ait
été nécessaire de puiser dans des sources étrangères;
et que d’ailleurs la mythologie des Grecs, dont on
ne peut douterqu'ils aient eu connaissance , puisqu'ils
ont fait des Lais sur les histoires fabuleuses de Nar-
cisse et d’Orphée, pouvait leur fournir des modèles
d’aventures extraordinaires. Les détails curieux sur les-
quels il fonde cette dernière supposition le conduisent
à parler du séjour de neuf prêtresses, célèbres par
leurs prodiges dans l'Isle de Sein , voisige de l’em-
bouchure de la Loire, et plus tard dans la forêt
de Bréchéliant, lieu sacré où elles possédèrent le
Roi Arthur , afin de le guérir d’une blessure
dont il avait été atteint au combat. Les Brétons,
dans la croyance où ils étaient que leur Prince n’a-
( 268 }
vait pu mourir entre les mains des fées dont ils ad-
miraïent les merveilles , avaient voulu que le fils
d'Henry Il, Duc de Normandie, qui devait régner
sur eux, fût nommé Arthur, prétendant qu'il pour-
rait bien être le guerrier de ce nom dont ils chéris-
saint la mémoire. Leur crédulité fut depuis tournée
en proverbe : on disait d’une espérance mal fondée ,
c’est un espoir Bréton.
M. Delarue termine en détruisant avec des preuves
et des témoignages irrécusables plusieurs obiections
qui tendraient à faire supposer que quelques écrivains
imitateurs des Brétons , tel que Geoffroy de Mont-
mouth, pourraient bien être les seuls auteurs des ou
vrages qu'ils attribuent eux-mêmes aux Bardes Ar-
moricains.
ES
d . ° ,
“Essai sur ls moyens par lesquels on a pu jusqu'au
XVIe. siècle s'anoblir soi-même en France, par
M. LABBEY de la ROQUE.
Un passage de l’abrégé chronologique de l’histoire
de France par Hénaut, qui se rapporte à l’année
1600 , a fourni le sujet de cette dissertation. Il com-
mence par ces mots: Edit portant réglement sur le
fais des tailles, par lequel le Roi déclare que la pro
fession des armes n'anoblirait plus celui qui l'exer-
(269 )
ceroit , et même qu'elle ne serait pas censée avoir
anobli parfaitement la personne de ceux qui ne l’a-
vaient exercée que dspuis l'an 1563; et l'explication
ajoutée à cette citation tend à établir trois points,
l'espèce de noblesse attribuée à la qualité d'homme
d'armes , la distinction du gentilhomme de nom et
d’armes et du simple gentithomme , la faculté de
s’anoblir soi-même. Ces propositions ayantété contra-
dictoirement discutées dans des ouvrages, qui malgré
leur mérite littéraire , n’offrent point une solution
entièrement satisfaisante, M. de la Roque les a jugées
dignes de nouvelles recherches ; et il s’attache dans
ce mémoire à approfondir la dernière de ces trois
questions , relative à la faculté de s’anoblir soi-
même.
L'auteur présente le sommaire de toute sa disser-
tation dans un argument aussi simple que con-
cluant, Les familles nobles , dit-il , se sont tou-
jours et partout éteintes très-rapidement , et cette
extinction rapide est un fait positif pour la no-
blesse de France dans les 12€. 13°. 24€. et 15°.
siècles. Cependant le nombre de nobles n’a point
sensiblement diminué pendant un si long espace
de temps : il faut donc que la noblesse ait été
recrutée par de nouvelles familles ; et puisque les
anoblissemens ont été entièrement inconnus dans la
première moitié de cette période, et très-rares du-
rant la seconde, c’est une conséquence nécessaire ,
(270)
que lon ait eu quelques moyens pour s’anoblir sor-
même. M. de la Roque établit son principe de la
prompte extinction des familles nobles sans diminu-
tion de l’ordre de là noblesse, par des dénombre-
mens authentiques faits à différentes époques en plu-
sieurs contrées de la France, et particulièrement en
Normandie. Il résulte de quelques-uns de ces états
qu’un quart à peu près des familles nobles marquées
dans une année ne se retrouve plus au bout de 60
ou 70 ans, et que parmi celles qui les remplacent ,
il n’y en a qu'un petit nombre qui aient été ano-
lies par chartes, Quant aux moyens qui suppléent
à l’insuffisance de cette ressource , il les rapporte à
trois : Noblesse par les mères , noblesse par la posses-
sion des fefs, noblesse par la profession des armés.
Les exemples que cite M. de la Roque ne laissent
aucun doute sur l’ancienne existence d’une noblesse
utérine, dont il ne tire pas la source, avec beau-
coup d'écrivains, de la bataille de Fontenay en 842,
mais plutôt de cette considération extraordinaire dont
jouissaient les femmes chez nos ancêtres Gaulois et
Germains. Ii montre que, malgré l'échec que souf-
frit cette noblesse au 122. siècle , par l'exclusion des
tournois et de la chevalerie , elle ne laissa pas de conser-
ver ses autres droits, dont il a subsisté des traces jus-
qu'aux derniers temps dans différens pays qu'il cite.
Quant à la possession des fiefs , elle a été une
cause très-commune d’anoblissement sous les rois
/
(271)
Mérovingiens , qui n’anoblissaient qu'en conférant
de grandes charges, ou des bénéfices qui étaient la
récompense ordinaire de toute espèce de service, civil
ou militaire , et qui étaient souvent donnés à des
ingénus non nobles et quelquefois à des affranchis,
L’article du memoire qui traite de la noblesse par
la profession des armes est le plus étendu, et c’est
aussi celui qui a le rapport le plus direct à la fa-
culté de s’anoblir soi-même. « Chez une nation ausst
» belliqueuse que la nôtre, dit l’auteur, la profes-
» fession des armes fut toujours sans comparaison la
» plus honorable. C’est à elle que devaient leur
» grandeur la plupart des Seigneurs Français ou
» Normands, issus de ces heureux aventuriers, con-
» quérans des Gaules, de la Neustrie, de la Pouille,
» de la Sicile, de l'Angleterre. Les roturiers qui l'em-
» brassèrent dans la suite firent rarement une aussi
» brillante fortune ; mais dans tous les temps ce noble
» métier éleva tôt ou tard au rang de nobles ceux
» qui l’exercèrent avec distinction , ou seulement
# avec persévérance.
L'idée de noblesse était si étroitement liée avec
celle de la profession militaire, qu'on ne concevait
guères l’une sans l’autre, et que les titres attribués à
la première, tels que ceux de miles , scutifer, are
miger , sont tous relatifs à la seconde. Mais quoique
la carrière des armes fût spécialement ouverte aux
nobles de race, M. de la Roque prouve que les
(272)
plébéiens n’en furent jamais exclus , et qu'ils firent
partie de la force de nos armées dans toutes les
guerres considérables , telle que celle qui soumit
l'Angleterre au duc Guillaume , celle des croi-
sades , et beaucoup d’autres. Après avoir montré que
cette espèce de noblesse qu’on acquérait par les
armes’ subsista sinon de droit, au moins de fait,
jusqu'aux édits de Henri IV en 1598 et 1600 , il
remarque comme une chose singuhère » que ce beau
# privilège d’anoblir qu'avait toujours exercé direc-
# tement ou indirectement dans tous les états de
# l’Europe la profession des armes , elle l'ait perdu
# en France sous le plus belliqueux de nos rois,
# celui qui avait le plus d'obligations aux gens de
» guerre, et qu'après un siècle et demi, il lui ait
» été rendu par le plus pacifique de ses successeurs ;
# Louis le bien-aimé, lorsqu’en 1750 il créa une
noblesse militaire par ce mémorable édit qui fait tant
d'honneur à son règne, et qui a servi de modèle
a celui de 1757, de l’immortelle Impératrice Marie-
Thérèse.
M. de la Roque oppose des faits à l’objection
qu'on pourrait tirer de ce que les moyens qu'il a
développés paraissent contraires aux ordonnances des
rois, et il conclut de toutes ces preuves que c’est
mal à propos qu'on prétendrait assigner une époque
quelconque pour distinguer la noblesse, et faire de
l'ancienne une classe à part; qu’elle n’a cessé de se
renouveler
(27200)
renouveller partiellement d'année en année , et qu'il
ÿ a autant d’inégalité entre les familles nobles sous
le rapport de l’ancienneté , que sous celui de la
puissance, dela richesse , des alliances, de l’illustra-
tion. # Jamais cette diverse inégalité des membres d’un
même corps , ajoute-t-il En terminant , n’aura été plus
sensible qu’à l’époque où je finis cette dissertation,
après les grands évènemens qui rendront l’année
1814 si mémorable dans notre histoire, Que la
noblesse soit tombée , qu’elle se soit relevée avec
nos rois, 1l n'y a là rien contre l’ordre naturel des
choses , puisqu'elle est un des appuis du trône, et l’un
de ses plus beaux ornemens; mais ce qui nous pa-
rait remarquable , c’est qu’elle tire aujourd’hui les
plus grands avantages de ce qui semblait devoir con-
sommer sa ruine. Le fameux décret du $ Août
1789 l'avait réduite à l'égalité ; la création d’une
nouvelle noblesse toute titrée paraissait iui être plus
funeste encore , et devoir l’abaisser même , dans les
rapports sociaux , jusqu’à l'infériorité. Louis XVIIL
reprend la couronne ; et tous ces dangereux rivaux
ne sont plus pour l’ancienne noblesse que d’utiles
auxiliaires. C’est en effet l’existence des nouveaux
nobles qui donne au Roi le moyen de rendre jus-
tice à leurs frères ainés , sans éveiller la jalousie,
sans exciter aucuns murmures : et par l'adoption d’un
si grand nombre de membres, les uns déjà célèbres
dans l’histoire , les autres recommandables par jeur
S
(274)
valeur, distingués par leurs talens, ou puissans par
leurs richesses , la noblesse Française acquiert de nou-
velles forces, et répare autant qu’elle le pouvait les
pertes qu’elle a faites pendant 23 années de mal-
heurs et de persécutions.
1
LR D
Introduction & un cours d'histoire moderne > par
M. HÉRON de LATHUILERIE.
M. de Lathuillerie, chargé de l’enseignement de
la premiere partie de l’histoire moderne , qui s’étend
depuis Auguste jusqu’à Charlemagne , a lu à l’Aca-
démie l’introduction dont il a fait précéder son cours.
Il commence par tracer rapidement une esquisse des
grands évènemens qui remplissent l’espace de neuf
siècles qu’il doit parcourir. La tyrannie succédant à
l'anarchie ; cette fameuse république Romaine long-
temps victorieuse de toutes les nations, vaincue elle-
même par le luxe et les vices qu’il enfante, et finissant par
chérir et admirer le règne d’Auguste , après avoir
détesté ses fureurs ; le christianisme opérant une ré-
volution bien plus importante parmi les nations qu’il
soumet à ses dogmes et à sa sainte morale ; le siége
impérial transféré par Constantin de Rome à Bizance,
et l'empire divisé en deux; les Barbares du Nord
répandus dans l'Italie, et successivement dans les dif-
Pt Re DT
(275)
férentes parties de la domination Romaine; la mo-
narchie Française établie dans les Gaules par Phara-
mond ; les rois de la première race souillés par toute
sortes de cruautés, et ensuite livrés à la mollesse et
à l’indolence , qui finissent par fairetomber le sceptre de
leurs mains ; Pepin , premier Roi de la seconde race,
fils d’un héros , héros lui-même, laissant sur le trône où,
il s'était placé, un homme extraordinaire dont le
“sublimes qualités et les brillans exploits devaien
éclipser la gloire de son père et de son aïeul : tels sont
les principaux traits de ce vaste tableau que le pro-
fesseur doit offrir à l'examen et aux méditations de
ses élèves. Avant d’entrer dans son sujet | il leur
présente avec autant de précision que de clarté les
notions préliminaires qui peuvent leur faciliter l’intel-
ligence des faits historiques. Mais la partie la plus
considérable de son introduction est un récit abrégé,
et pourtant d’une assez grande étendue, des évène-
mens relatifs au peuple Romain et antérieurs à ceux
qui doivent être l’objet direct de ses leçons. Il a in-
titulé ce morceau , Coup-d’œil sur l'histoire Romaine
depuis la fondation de Rome jusqu'a Auguste.
(276)
Notice sur les Cyiganys.
L'Académie a entendu dans une de ses séances la
lecture d’une notice remise à un de ss membres par
M. Boisard, étudiant en droit, sur ces peuples er-
rans qu’on appelle C?iganys , qu'il a eu de fré-
quentes occasions d’observer, pendant qu’il était pri-
sonnier en Hongrie, où ils forment une population
d'environ 30,000 âmes. Le résultat de ces observa-
tions , faites avec beaucoup de soin et de discerne-
ment, sur une classe d'hommes peu connue en
France , et défigurée par les historiens, ne pouvait
manquer d'offrir un intérêt particulier, surtout lorsque
la correction et l’élégance du style se t'ouvaient
jointes dans le récit à des réflexions judicieuses , et
quelquefois profondes.
Une circonstance singulière de l'existence des
Cziganys, c'est que depuis quatre siècles ils ont
continué de vivre au milieu d’une nation franche
et hospitalière, tels à peu près qu'ils y avaient ap-
paru sous le règne de Sigismond, Roi de Honprie ,
c’est-à-dire presque nus, sans lois, sans arts perfec-
tionnés , sans moyens avoués de subsistance , et con-
servant un langage aussi inconnu que, leur origine,
sans que rien ait pu leur inspirer le goût d’une vie
|
1
_
(277)
laborieuse et sédentaire. La description qu’en fait l'au<
teur de la notice est propre à exciter l'horreur, tant
sous le rapport de leur malpropreté qu’à raison de
leurs vices : car ils passent pour être voleurs et men-
teurs, comme sont les hommes lâches et avilis. Un
horrible excès de cruauté, dont ils ont été convain-
cus et punis sous le règne de Joseph Il, et qui ne
s’est pas renouvelé, les a même fait passer pour as-
sassins, [ls ont'une teinture grossière de quelques
arts. Il a fallu en exterminer une grande partie pour
amener le reste à se faire chrétiens. Leur conversion
au christianisme n’empêche par le désordre de leurs
unions, dans lesquelles ils ne respectent rien , pas
même les plus proches degrès de parenté. Si le
moyen de les civiliser qu’employa Marie - Thérèse ,
en leur accordant des terres, des bestiaux et des us-
tensiles, fut aussi sans succès, M. Boisard en donne
pour raison que le soin de l’agriculture ‘est trop rebu-
tant pour des hommes vagabonds et sans prévoyance.
Il pense qu’on aurait mieux réussi en leur ouvrant
des ateliers, qui leur auraient presenté l’appas d’un
gain présent. Au reste, ils sont robustes et sains
et vivent fort souvent vieux.
Les Cziganys sont tristes et taciturnes, Il ont des
musiciens, qui font danser les paysans dans les au-
berges. Leur air favori , quoique fort lugubre , est
celui qu’ils ont fait en mémoire du massacre de Nagy
Ida. Tout ce qu’on sait de leur histoire , c’est qu’ils
S 3
A
(278)
éurent autrefois des chefs appelés Vaidas. Les opi-
nions sont partagées sur leur origine. Katous les fait
venir de l’Indoustan. Tout porte à croire qu'ils sont
une des nations dispersées par Tamerlan. D'un autre
côté, leur constitution physique indique des Asia-
tiques méridionaux. Ils ressemblent à la caste des
Parias pour le moral, et par différens usages, no-
tamment par celui de se nourrir de la chair des ani-
Maux morts naturellement.
Mémoire pour servir à l’histoire des Jeux Floraux:
M. Poitevin Peitavi, secrétaire perpétuel de l’A-
cadémie des Jeux Floraux de Toulouse , en adressant
à l'académie de Caen le mémoire qu'il avait rédigé
pour sa compagnie , avait témoigné le désir de
connaître le jugement qui serait porté de son tra-
vail, et c'est ce qui m'a engagé à en présenter un
extrait d’une certaine étendue.
Cet ouvrage sort de la classe commune de ceux du
même genre, qui ont pour but de retracer l’ori-
gine et les progrès d’une société littéraire , et dont
Pintérêt ne s'étend guères hors de la contrée par-
ticulière où s’est formé un tel établissement. Les
Jeux Floraux de Toulouse ayant eu dès les pre-
mières années du XIVe, siècle une constitution bien
( 279 ) |
établie, et peut-être déjà bien ancienne, la grande
considération et les priviléges singuliers dont ils étaient
en possession dans des temps si reculés, forment un
titre dont toute la république des lettres doit récla-
mer l’honneur. Quoique l’auteur n’ait point prétendu
écrire une histoire proprement dite , qui se serait,
dit-il, trop ressentie de l’affaiblissement de ses forces ,
et qu'il n’ait voulu rédiger qu’un simple mémoire;
son travail contient néanmoims tous les faits et tous
les raisonnemens qui peuvent lui faire atteindre le
but le plus essentiel d’une véritable histoire. Il est
divisé en deux volumes , le premier contenant l’his-
toire générale du collège de la Gaie science , de l’ins-
titution de Clémence Isaure, et des Jeux Floraux
avant et depuis leur érection en Académie , le
deuxième intitulé Biographie Académique.
On trouve au commencement du premier vo-
lume une liste des mainteneurs des Jeux Floraux ,
et une des maîtres ès Jeux Fioraux. En tête de la
première est Le Roi, prorcteur, et ensuite Monsei-
gneur le Chancelier. Dans une introduction, précédée
d’une lettre dédicatoire au Roi, M. Poitevin expose
les différens noms qui ont successivement désigné
l’institution qu’il veut faire connaître, et explique le
sens de diflérens termes, qui n’ont pas conservé leur
ancienne signification. Îl n’y a guères plus de cent
ans que les Jeux Floraux ont été érigés en Acadé-
mie des Belles-Lettres, La dénomination même de
S 4
( 280 )
Jeux Floraux ne remonte pas aux premiers actes
de la fondation de Clémence Isaure , faite à la fin
du XVe. siècle. Dans les temps antérieurs , c'était
un collège de Ga savoir ou de Gaie science , et
c'était la poésie qui était désignée par ces mots. Elle
portait encore le nom d’ÆAmors , et ses règles, celui
de Lois d’Amors, ou de Fleurs du Gai savoir. Les
exercices poétiques s’apellaient Arc joyeux de faire
des vers ; La violette donnée en prix, La joie de
La violer, ce qui n'exprime ici, comme le mot
Amors que la finesse du goût dans les matières de
littérature,
L'histoire des Jeux Floraux se partage en trois
époques, dont la première, relative à l'institution ‘du
IGai consistoire et de la Gaie science , comprend six
chapitres ; la deuxième traite en deux chapitres de
la fondation de Clémence Isaure , et la première
partie de la troisième comprend en trois chapitres , :
l'érection des Jeux Floraux en Académie de Belles-
Lettres. La biographie contenue dans le 2°. volume,
forme la deuxième partie de cette dernière époque.
Elle se compose de notices plus ou moins étendues
sur plus de 140 mainteneurs décédés, terminées par
un éloge de Louis XVI et de Louis XVII, Rois
de France , protecteurs de l’Académie , prononcé
par M. Pinaud, l’un des mainteneurs , dans la séance
publique du 19 Janvier 1815.
Une circonstance qui rendait plus difficile la tâche
( 281 )
entreprise par M. Poitevin , doit en même tempsinspirer
une plus grande confiance dans l'exactitude de son
récit et dans l’authenticité des faits dont il l'appuie.
L'origine des Jeux Floraux n’était pas seulement cou-
verte d’épaisses ténèbres; tout ce qui donne le plus
d'importance à cette institution avait encore été
l'objet des contradictions les plus vives et les plus opi-
niâtres. De longues et fréquentes discussions avec les
Capitouls de Toulouse | et depuis , avec le corps
municipal, avaient suscité à l’Académie des anta-
gonistes passionnés, qui s'étaient attachés à répandre
du doute sur les actes les plus incontestables de
cette Académie. [ls étaient même allés jusqu’à traiter
la fondation de Clémence Isaure de Fable, et la
fondatrice elle-même de personnage chimérique.
Il fallait des preuves bien solides pour détruire ces
fâcheuses préventions, et produire la conviction qui
était le but de l’auteur. Les plus anciens monumens
dont il s’appuie, sont deux registres en vélin, con-
servés dans les archives de l’hôtel-de-ville de Tou-
louse; et un autre registre ou recueil en papier ,
d’une écriture également ancienne, où se trouve la
pièce qui fut couronnée en 1324, et quelques autres
des concours suivans. Un préliminaire historique qui
se trouve en tête du premier registre, contient le
programme d’un concours poétique adressé en 1323 ,
aux poëtes de la langue d'Oc. C’est une lettre en
vers qui prouve incontestablement qu’à cette époque
( 282 )
il y avait à Toulouse une compagnie littéraire , com-
posée de sept poëtes , ayant un établissement fixe,
des exercices réguliers, un sceau commun, un lieu
d’assemblée qu’ils tenaient de leurs devanciers, ainsi
que la règle de leurs exercices. Quelques expres-
sions, sans indiquer l'origine de cette institution ,
ne permettent pas de douter qu’elle füt déjà an-
cienne.
Ce premier registre est divisé en trais sections ,
dont la premiere détermine à quelle partie de la phi-
losophie appartient la poésie , considérée comme une
dépendance de la rhétorique ; la deuxième des règles
de la versification rimée , et de petits poëmes qui
ne sont plus en usage; la troisième est une gram-
maire. Le second registre contient , outre le déve-
loppement de ces mêmes objets, un traité et une
explication fort ample des figures de rhétorique, que
d'Académie des Jeux Floraux doit bientôt publier,
avec une traduction.
Le second chapitre de la première époque expose
dans quatre articles les ordonnances des sept main-
teneurs de la Gaie science : C'est ainsi qu'ils
appellent leurs statuts. Le troisième chapitre est re-
latif à la rédaction de la poétique du Gaï savoir ;
le quatrième à la publication; le cinquième à l’état
du collége de la Gaie science, depuis 1356 jusqu’à
la fin du XIVe. siècle, et le sixième à l’état de
ce collége depuis la fin du XIVe. siècle jusqu’en 1484.
L
(283 )
Le point essentiel de la deuxième époque était la
fondation de Clémence Jsaure, dont l'existence n’a-
vait été révoquée en doute que par une interprétas
tion erronée du titre de Fondarrice du collége de
la Gaie science que lui avaient fait donner ses
grandes libéralités envers ce collège déjà fort ancien,
qui lui dut une nouvelle vie et une considération
tout-à-fait indépendante de l'autorité administrative.
Les détracteurs des Jeux Floraux , qui savaient que
la première fondation de cette Académie ne pouvait
être postérieure au XIIIe, où même au XIIe. siècle ,
n'ayant trouvé dans l’histoire de ce temps aucuné
trace de Clémence Isaure , en avaient conclu qu’elle
n'avait jamais existé, Le secrétaire perpétuel détruit
victorieusement cette erreur par des témoignages et
des monumens de la plus grande authenticité ; et quoi-
qu’on ignore en quelle année Clémence fit la pre-
mière distribution de ses fleurs , parce que le recueil
cité n’est pas eritier, il demeure du moins bien
établi qu’elle en fitune en 1496. Le chapitre qui con-
tient les preuves de sa fondation, est divisé en sept
articles, et se termine par cette conclusion : la
fondation de Clémence Isaure est prouvée par sa
présence aux fêtes du 3 Mai, par le temoignage
des auteurs contemporains , par les monumens du
Capitole et les aveux des Capitouls. Le second cha-
pitre traite de la composition et du régime de la
Gaie science pendant la deuxième époque.
(284)
Ce fut par lettres patentes données à Fontaine-
bleau au mois de Septembre 1694 que les Jeux
Floraux de Toulouse furent érigés en Académie des
Belles-Lettres ; et c’est à cette érection que com-
mence la troisième époque de l’histoire composée
par M. Poitevin. Il donne le texte de ces lettres
patentes, dont plusieurs dispositions ont été réfor-
mées ou modifiées par un édit de 1773 , et il emploie
un chapitre aux détails qui concernent les élections,
les installations, les destitutions et les démissions,
le modérateur et le sous-modérateur , le secrétaire
des assemblées particulières et le travail de ces as-
semblées , les censeurs etles recueils académiques , le
dispensateur et le secrétaire perpétuel; un autre, à ce
qu’il appelle le corps des Jeux Floraux , c’est-à-
dire, au concours et aux fêtes des fleurs , et un
troisième aux prérogatives de l’Académie.
L'Académie proprement dite ne se compose que
du chancelier et des mainteneurs, dont le nombre
fixé à 35 par les lettres patentes de 1694, fut porté
à 40, y compris le chancelier, par d’autres de
1725. Nul aspirant ne peut être proposé pour une
place, s’il n’en a fait directement la demande au
modérateur. Dans l’assemblée qui suit la mort d’un
mainteneur , sa place est déclarée vacante, une dé-
libération est prise pour lui faire un service, et trois
semaines après on lit son éloge, et on lui nomme
un successeur à la majorité de tous les suffrages.
( 285 )
L’élu ne prend rang sur la liste Académique que
par l'installation , et après que ses lettres de main-
teneur lui ont été expédiées. Il est obligé de lire un re-
merciment communiqué d'avance au modérateur ,
qui en rend compte dans une séance particulière,
où il lit la réponse qu'il deit faire luimême dans
la séance publique de réception.
Les lettres patentes de 1694 établissaient un grand
nombre d'officiers, dont une bonne partie fut sup-
primée par l’édit de 1773. Il n’a été conservé qu’un
modérateur et un sous-modérateur , qui sont tirés au
sort pour 3 mois , et dont les noms ne peuvent être
remis dans l’urne qu'après un intervalle de six mois ;
un secrétaire perpétuel ; un secrétaire des assem-
blées , élu pour trois ans , et rééligible ; deux censeurs,
qu'on renouvelle tous les ans , mais que l’on peut
continuer , s'ils y consentent ; et un dispensateur ou
trésorier , qui après une année de gestion rend ses
comptes , et est nécessairement changé. Il reçoit len-
tière dotation de l’Académie, dont il fait l’emplot
sur les mandats du secrétaire perpétuel : ils ont
chacun une clef du coffre à deux serrures.
L’académie s’assemble tous les Vendredis pendant
les huit premiers mois de l’année, Suivant les statuts
de 1694 , elle ne devait s'occuper que de la lecture et
de l'étude des originaux Grecs et Latins, des poëtes
et des orateurs qui ont excellé dans notre langue ;
mais cet exercice devenant moins intéressant à mesure
(286 )
que la critique littéraire faisait plus de progrès ;
quelques membres se permirent des traductions ou
même @es imitations , soit en prose , soit en vers;
et ces contraventions devenues inévitables amenèrent
la délibération du 17 Janvier 175$ , confirmée par
V’édit de 1773, qui permet aux membres de lire les
ouvrages qu'ils ont composés sur un sujet de leur
choix. On ne se borne pas à une simple lecture ,
rien ne se lit qu’il ne soit soumis à un sérieux exa-
men.
Ce que l’auteur appelle Ze corps des Jeux Floraux
et qu’il distingue de l’Académie proprement dite ,
se compose des mainteneurs et des zraîtres ès Jeux
Floraux , qui représentent les anciens Docæeurs en
Gaie science. On ne peut solliciter des lettres de
maître qu'après avoir obtenu trois prix de poésie »
dont un au moins doit être celui de l’ode, et parmi
lesquels n’est point compris celui de hymne à la
Vierge; ou bien après avoir remporté trois fois le
prix du discours. Les maîtres ès Jeux Floraux ne
prennent part qu'aux opérations relatives au con-
cours.
Les ouvrages sont reçus jusqu’au 15 Février de
chaque année. Il en doit être remis trois exem-
plaires au secrétariat de l’Académie par un habitant
de Toulouse , qui en reçoit un récépisé. Les main-
teneurs et les maîtres se partagent en trois bureaux
pour en faire le premier examen et le premier clas-
(287)
sement , et ensuite en bureau général pour détermi-
ner ceux qui doivent être mis définitivement dans
la première classe, Il est nommé un rapporteur pour
chacun des ouvrages admis à la concurrence. Après
qu'ils ont été discutés et comparés deux à deux,
le jugement de préférence est porté successivement
jusqu’au dernier, par la voie du scrutin.
Les prix sont une amaranthe d’or de la valeur
de 400 fr. destinée à une ode; une violette d’ar-
gent, de 250 fr., pour un poëme, ou une épître
en vers; ( La violette était originairement le pre-
mier prix. ) Un souci d'argent, de 200 fr., pour
une égloque ou une idylle; un lys d’argent, de
6o fr. pour un sonnet ou une hymne en l’honneur
de la Vierge ; enfin une églantine d’or, attribuée par
les lettres patentes de 1694 à un discours en prose,
au lieu d’une pièce en vers, et portée par la do-
nation d’un mainteneur, de la valeur de 250 fr. à
celle de 450 fr. Ces prix sont distribués le 3 Mai,
jour appellé la fête des fleurs , avec une pompe
dont M. Poitevin donne tous les détails. Après un
éloge de Clémence Isaure , qui n’est plus pour l’or-
dinaire qu’une épisode dans un discours sur un sujet
littéraire ou philosophique , quatre commissaires des
Jeux Floraux, accompagnés d’une musique et d’une
escorte militaire vont chercher les fleurs déposées le
matin sur le maître autel de l’église de la Daurade ,
et qui leur sont remises avec cérémonie, et après
(288 )
un discours analogue à l’objet, par le Curé de cette
église ou un autre prêtre délégué par lui. Pendant
leur absence ; le secrétaire perpétuel fait un rapport
sur le concours, et le reste du temps jusqu'au retour
des commissaires est rempli par d’autres lectures. Après
la distribution des prix et la lecture de chaque ou-
vrage couronné , faite par l’auteur ou par un des
mainteneurs ou des maîtres, le secrétaire général an-
nonce le sujet de discours pour l’année suivante ,
et la séance finit par la distribution du programme.
Poésies lues a l’Académie.
M. le Prêtre a lu une romance intitulée La
royale orpheline; une pièce de vers ayant pourtitre,
L'hommage d'un cœur reconnaissant a S. M. Louis
XWIIT, pour la décoration du lys donnée à l’au-
teur ; une élépie , intitulée Le deuil de Trianon ;
deux fables, la première , ?’Ane et la lyre, imitée
de la quatrième des Nouveaux apologues de Phèdre,
La seconde, Le cochon gras , imitée du Père du
Billon ; et deux contes, La réponse énergique ,
et le villageois allant au sermon de la Passion.
M. de Baudre a lu deux contes, intitulés , l’un
Pélisson, Vautre La table d'hôre ; trois épigrammes ,
La bonne fontaine , Le bon latinist , Les deux
orateurs
(289 )
erateurs ; Un madrigal intitulé Le négligé, et une
pièce de vers ayant pour titre Le compérage.
L'Académie a encore entendu la traduction en
vers de deux odes d'Horace ; la troisième et la
dixième du troisième livre , et une épigramme intitu=
le La critique inverse, par M. Delogss ; une épître
en vers, Sur le port de Caen, par M. Pattu ; une
pièce de vers de M. Héron de Lathuillerie , inti=
tulée La soupe aux choux verts ; une pièce de vers
imfitulée Le 21 Janvier, avec des notes, une ro-
mance intitulée Le s6mbeau de Louis XVI et de
Marie- Antoinette au cimetière de l1 Madeleine , détæ
diées à M. Descloseaux, et un Chant guerrier sur
la cérémonie de la distribution ec bénédiction des
drapeaux de la garde nationale de Paris , au champ
de Mars, le 7 Septembre 1814 , exécuté sur Le
théâtre de l'Académie royale de musique le 9 Sep-
tembre , musique de M. de Persuis , par M. P-A.
Vieillard , associé-correspondant ; un discours en vers
Sur La littérature et Les littérateurs | par M. Fayolle :
aussi associé-correspondant, qui lut dans la même
séance le sixième chant d’un poëme inédit de Mar-
montel, ayant pour titre Polymnie.
C290 )
ne JR :
\
Ouvrages reçus.
L'Académie a reçu un écrit de M. Pattu, intitulé
description d'une vis d’'Archimède, a double effet ,
destinée aux irrigations et aux épuisemens , et plusieurs
ouvrages de ses associés-correspondans ; savoir un
second volume de fables de M. le Bailly ; une notice
sur Antoine Watteau , par M.le Carpentier de Rouen;
sun volumeintitulé De l'emploi des conjonctions suivies
des modes conjonctifs dans la langue Grecque ; par
M. Séguier; un prospectus d’une Histoire générale
des pêches anciennes et modernes , dans les mers et
les fleuves des deux continens | par M. S-B-J. Noël
de la Morinière ; une traduction en prose de l'Enéide
de Virgile, avec les élégies de Tibulle traduites en
vers, par M. Mollevaut ; un discours sur les travaux
de la société de médecine de Paris pendant 1814,
par M. le Baron Desgenettes ; une Letrre sur l'exé-
cution juridique de deux taureaux. Paris le premier
Juin 1814. ÆArsenne Thiébaut de Berneaud &
Mylord S.. a Londres S. D ; deux petits écrits de
M. Michel Berr, intitulés , lun Larrérature Alle-
mande et Orientale | Vautre , Sur la liberté des
cultes, et sur le projet de décret relatif a l’observance
des fêtes et dimanches. Il a encore été présenté de
|
|
|
(291) |
la part de M. Drieu , capitaine au Corps Royal
d'artillerie , an mémoire sur les ponts militaires, in-
titulé Le guide du pontonnier ; et de la part de M.
D-B. Warden, consul général des États-Unis d’A-
mérique à Paris, un ouvrage Anglais Sur l'origine,
La nature, les progrès et l'influence des établisse-
mens consulaires. M, Wheatcroft , chargé d’exami-
ner cet ouvrage, en a présenté un sommaire, avec
quelques réflexions, dont le résultat est que l’auteur
a traité son sujet d’une manière très-instructive , et
d'autant plus intéressante, qu’il est le premier qui
ait écrit Ex professo sur la matiere qui est l’objet”
de son livre ; que néanmoins on pourrait lui repro-
cher d’y avoir étalé une érudition qui paraît plus
ambitieuse qu’utile ; que, sous le rapport du style,
il n’a pas toujours été fidèle aux règles de sa langue,
et que la longue habitude de parler et d’écrire en
Français lui a fait introduire dans sa diction beau-
coup de gallicismes.
La correspondance des sociétés savantes à pro-
curé à l'Académie un Précis analytique des travaux
de l’Académie des sciences , des Relles-Lerrres er Arts
de Rouen pour l'année 1814; la notice de la séance
publique de la société d’émulation de la même ville,
tenue le 9 Juin 181$ ; deux notices des travaux de
l’Académie de Marseille, l’une pour 1812 et l’autre
pour 1814 ; deux bulletins des sciences médicales
de la Société de médecine du département de
T3
(292)
l'Eure. Elle a aussi reçu des Rapports sur différens
mémoires lus & La première classe de l'institut ; une
Indication sommaire des mémoires présentés à la même
classe par A-L. Cauchy, ingénieur des ponts et chaus-
sées ;une Analyse des travaux de la classe des sciences
mathématiques et physiques de l'institut Royal de
France, pendant l'année 1814, partie mathèma-
tique, par M. le Cher. Delambre, secrétaire perpé=
tuel, et uneautre, pour la Partie physique, par M.
le Cher Cuvier , secrétaire perpétuel ; une Moice
des travaux de la classe des Beaux-Arts de l’ins-
tic Royal de France pour l'année 1814, par
Joachim le Breton, Secrétaire perpétuel de la classe ;
deux MNorices historiques | aussi de M. Joachim le
Breton, l’une, sur la vie er Les ouvrages d’Andre-
Ernes Grétry , l'autre Sur La vie et Les ouvrages
de Joseph Haydn ; un discours prononcé au lieu de
la sépulture de M. de Parny le 7 Décembre 1814,
par M. Etienne, président de la classe de la langue
et de la littérature Française; un autre discours pro-
noncé aux funérailles de M. le Marquis de Bou-
flers le 23 Janvier 1815, par M. Ségur , membre
de la même classe ; deux, rapports faits à la pre-
mière classe de l'institut. au nom de MM. Bosc ,
Latreille et de Lamaték, le premier dans la séance
du 9 Octobre 181$, sur l’ouvrage de M. Lamou-
roux relatif aux polypiers coralligènes flexibles ; le der-
nier, dans celle du 30 du même mois, sur un écrit
( 293 )
du même auteur intitulé, Mémoire sur la Lucernaire
campanulée. Le rapporteur, malgré plusieurs obser-
vations de détail, rend un compte avantageux de ces
productions , et présente l’auteur comme recomman-
dable , tant par son zèle actif, que par ses connais-
sances étendues et ses recherches nouvelles dans la
partie de l’histoire naturelle qu’il cultive particulière-
ment , etcomme digne des encouragemens de la classe.
FIN.
(294 )
ETSANE
Des membres résidans de l’Acadèmie Royale des
Sciences , Arts et Belles-Lettres de la ville de Caen ,
au premier Août 1816.
( Nora. Dans le rapport général de 1811, page
339, ligne $, au lieu de fn de 1809 , lisez
fin de 1799.)
SSSSSSSSS S
MM.
BouIssET , professeur de littérature latine de lA-
cadémie de Caen.
THIERRY ; pharmacien.
DELARIVIÈRE , professeur au Coillége Royal de
Caen. |
Le PRÊTRE le jeune, Homme de Lettres.
Le Grp , chef de Divison à la Préfecture.
Le MENUET , premier Président de la cour Royale.
CaïLLy, Président à la cour Royale.
DELOGES le jeune.
DE MANGNEVILLE.
LaiR , Conseiller de Préfecture.
(295)
GODEFROY , Professeur de niédecine.
CHANTEREYNE , premier Avocat-Général à la cour
Royale.
Le HieuLze, Conseiller à la Cour Royale.
Le BoucHER, Médecin.
LANGE.
REGNAUT , Conseiller à la cour Royale.
DELARUE, professeur d'Histoire de l’Académie de
Caen.
SIMON , Avocat.
PRUDHOMME, professeur de Navigation.
HÉBERT , Bibliothécaire de la ville.
DucHEMIN, professeur de mathématiques de l’A-
cadémie de Caen.
WHEATCROFT , homme de Lettres.
BELLENGER , professeur de [Littérature Française
de l’Académie de Caen.
TIRARD-DESLONCHAMPS, professeur de Philoso-
phie de l’Académie de Caen.
ALEXANDRE, Recteur de l’Académie et Conssiller
a la cour Royale.
THIERRY fils, professeur de Physique et de Chimie
de l'Académie de Caen.
DE BAUDRE, homme de Lettres.
LE MENUET fils, Avocat.
TROUVÉ, Médecin.
GoupriL-PREFELN , Procureur Général près la cour
Royale,
T 4
(296)
LAMOUROUX ; professeur d'Histoire Naturelle de
l’Académie de Caen.
CHÈNE DOLLÉ , inspecteur de l’Académie de Caen.
LE Comte Ferdinand de BERTIER , Préfet du dé-
partement du Calvados.
LABBEY DE LA ROQUE, chevalier de St.-Louis.
PATTU , Ingénieur en chef du département.
LE SAUVAGE, médecin.
SSD SDS SSD IS)
ASSOCIÉS domiciliés a Caen.
MM.
DoMIiNEL, professeur de Médecine,
Dan-DELAVAUTERIE, Médecin.
RaisiN, Médecin.
Le FOLLET, Président à la cour Royale.
CHANTEPIE, inspecteur de l’Académie.
DESsBORDEAUX , Médecin.
HÉRON DE LA THUILEERIE, professeur Agrégé de
l’Académie de Caen.
DE MALHERBE, Maire de Mouën.
SOULLIÉ , professeur au Collège Royal.
( 297 )
ESS DS IIS SI D SSD
ASSOCIÉS CORRESPONDANS:
MM.
Vauquelin, de l’Académie des Sciences à Paris.
Surirary, Médecin au Havre.
Chamberlain, Directeur des Manufactures de Sulfate
de fer et d'acide sulphurique à Honfleur.
Lechevalier , Bibliothécaire à Ste.-Geneviève à Parise
Ripault.
Lalouette, à Bayeux.
Asselin, à Cherbourg.
Fremin-Beaumont, de Coutances.
Poupart, Médecin à Pont-l’Éveque.
Poupart, Avocat, à idem.
Adjutor Tilly , à Villers-Bocage.
Lair, Ingénieur en chef des constructions maritimes
a Brest.
Delaville, Médecin à Cherbours.
Fleury , Chirurgien en chef de la Marine à Toulon,
Goullet-Rugy , à Metz.
Picot-Lapeyrouse, naturaliste à Toulouse.
Langlois | Médecin à Valognes.
Dughevreuil, à Cherbourg.
( 298 ) /
Gayant , Inspecteur divisionnaire des Ponts-et-
Chaussées, à Paris.
Taillefer, Proviseur du Collège Royal de Louis
le Grand.
Brognard, Directeur de la manufacture de Sèvres.
Guérin, Médecin à Avranches.
Collet-Descotils, à Paris.
Descotils, à Valognes.
Bouillon la Grange, professeur de Chimie à Paris,
Le Gagneur, à St.-Aubin d’Arquenay.
David.
De France , à Sèvre.
De Guerle, censeur des études au Collége Royal
de Louis le Grand.
Dubois, à Châtillon-sur-Seine,
Rever , à Condeville département de l'Eure.
Noël, homme de Lettres à Paris.
Bouffey , Médecin à Argentan.
Auber , Médecin à Rouen.
Boufay , Pharmacien à Paris.
Pecquet, Maire de Saint-Loup-de-Fribois.
Chorron , homme de Lettres à Paris.
Bisson , à Bayeux.
Girard, Ingénieur en chef des travaux hydrauliques
a Paris.
Valentin , Médecin à Marseille,
Mollevaut, ( L. Ch. ) homme de Lettres à Paris.
Le Français-Lalande, Adjoint au bureau des longi-
( 299 )
tudes , de l’Académie des Sciences.
D'ornay , à Rouen.
Labbey , professeur de Mathématiques à Paris.
Burckard, Membre du bureau des longitudes , de
P'Académie des Sciences.
Surblé-Desmoulins , à Vire.
Gilbert , médecin des Armées à Paris.
Lescaille | Ingénieur en chef du département de
l'Eure.
Auguste Delabouisse, hemme de Lettres.
Made. Eléonore Delabouisse,
Le Bailly, homme de Lettres, à Paris,
Guilbert, à Rouen.
Pérignon , Avocat au Conseil du Roi.
Le Comte Laplace, Pair de France.
Melle. Hélène-Maria Williams, à Paris.
Desétables, fabricant de Papier à Vire.
Combes-Dounous , à Montauban.
Stone , à Paris.
Vitalis, Secrétaire de l’Académie des Sciences de
Rouen.
Chanvalon, Maire de Carentan.
Jubé.
Geoffroy, Naturaliste à Valognes.
Lasnon-Renaudière , Président du Tribunal Civil à
Vire.
Toustain-de-Richebourg , à Saint-Martin-du-Manoir ,
près Montivilliers,
C300)
Lacépède, de l’Académie des Sciences.
Vigné, Médecin à Rouen. |
Brébisson , à Falaise.
Desgenettes , professeur dela faculté de médecine à
Paris.
Binet, Dessinateur au ministère de la Marine.
Fayolle, homme de Lettres, à Paris.
Regnault-de-Beaucarron , à Nogent-sur-Seine.
Cachin , Inspecteur des Ponts-et-Chaussées.
Le Carpentier, professeur de Dessin à Rouen.
Quenault , Chirugien en chef de l’hospice à Cou-
tance.
Jaquelin Dubisson , à Paris,
Noël, à Cherbourg.
Costaz, à Paris.
De Rosny, à Paris.
Darcet , Hôtel des Monnayes à Paris.
Arsène Thiébaut-de-Berneaud, à Paris.
Hernandez, Médecin à Toulon.
Lepère , Inspecteur - Divisionnaire des Ponts-et-
Chaussées.
Chabot-de-l’Allier , conseiller à la cour de Cassa-
tion. |
Vastel, à Cherbourg.
Demoy.
Caffarelli, au Falga près Carcassonne.
Lautour-du-Châtel, à Argentan.
(301)
Lescalier, consul aux États-Unis d'Amérique.
Turpin, peintre d'Histoire Naturelle, à Paris ;
Cattean, à Paris.
De Théis, à Laon.,
Brault, Evêque de Bayeux.
Marron , Président du Consistoire de la Seine,
De Maimieux, à Paris.
Saint-Amans, Naturaliste à Agen.
Periaux , Imprimeur-Libraire à Rouen.
Guitard , médecin à Bordeaux.
: Jouyneau-Desloges , homme de Lettres à Poitiers;
Robert de Saint-Victor , idem à Rouen,
Moisson, Curé de Chicheboville.
Prévost d’Iray , à Paris.
Le Pileur, homme de Lettres à Paris.
Delarue, Pharmacien à Evreux.
Cailly fils, Capitaine au corps Royal d’Artillerie
à Metz.
Marie-Dumesnil , à Paris,
De Roquefort, à Paris.
Boinvilliers, à Paris.
Méchin , à Paris.
Manoury d’Ectot , à Argentan.
Pelletier, Pharmacien , à Paris.
Bremontier , à Paris.
Sabonadiere, à Guernesey.
Séguier , à Beauvais.
Douce , à Londres.
( 302 )
Le Héricier de Gerville, à Valognes.
Michel Berr, à Paris.
Membres résidans morts depuis le premier Août 1811.
MM.
De Roussel , professeur d'Histoire Naturelle.
Gervais-Delaprise , homme de Lettres.
Moysant , bibliothécaire de la Ville,
Boisard , ancien pharmacien des Armées,
Nicolas, professeur de Chimie.
LDC E
DES MATIÈRES.
RP PORT
Sur Les travaux de l’année 1811.
PREMIÈRE SECTION.
PARTIE SCIENTIFIQUE.
de sur l’ancienne culture du Pastel
dans la Basse-Normandie , par M. de Mangne-
villes Pe 3
Mémoire sur la manière de dégraisser les laines ,
par M. Nicolas. 8
Notice sur le petit poisson Fete con-
nu à Caen sous le nom de montée, par
M. Nicolas. 11
Mémoire sur la montée, per M. Lamouroux ,
13
LT AS ÉT:
Essai pour servir à l'analyse méthodique des
sels, par M. Thierry Fils. P-
Essai sur l’influence du tempérament des mé-
decins dans leur pratique et leurs écrits,
par M. Trouvé.
Quelle est la nature du petit poisson connu à
Caen sous le nom de montée, qui se pêche
dans l'Orne à des époques périodiques.
Quels sont les effets de la terreur sur l’éco-
nomie animale ?
Second mémoire sur la même question.
Notice sur des matières renfermées dans le sol du
département du Calvados, qui sont propices
pour des manufactures chimiques , par M.
Chamberlain ,
Mémoire sur la cristallisation du Basalte, par
M. Geoffroy.
Sur les agathes, par le même.
Projet d’un appareil propre à faciliter le séjour
des hommes au fond des eaux, par M. De-
laville.
Ouvrages reçus par l’Académie,
7
22
AI
43
seconde
SECONDE SECTION.
PARTIE LITTÉRAIRE.
—
Dissenrarios sur l’épigramme, par M. de
Baudre. P-
Notice sur Segtais , par M. Lair.
Quels changemens la mer a-t-elle opérés sur
le littoral des départemens du Calvados et
de la Manche, par M. Bisson.
Le partage des biens communaux a-t-ilété avan-
tageux, ou non, à l’agriculture dans les dé-
partemens de la ci-devant Normandie ?
Ouvrages d’associés-correspondans,
Poésies de MM. le Prêtre, de Baudre, Brémon-
tier, Arnault, Bailly , Vieillard, et Vigée,
Annonces d’autres ouvrages,
44
46
49
R:'AOB PI OR
Sur Les travaux de l’année 1812.
PREMIÈRE SECTION.
PARTIE SCIENTIFIQUE.
Ossenvarioxs sur les mitéores et les mala-
dies , par M. Godefroy. fit
Précis des moyens les plus importans aux pro=
grès de l’hygrométrie, par M. de Rousse 63
Exposition des effets météorologiques de l’air ,
par M. Prudhomme. 64
Notice sur les jardins de M. Dumont de Coursel,
par M. Lar, 70
Essai sur les thalassiophytes non articulées, par M.
Lamouroux. 76
… Rapports faits à la première classe de l'institut
sur des mémoires de M. Lamouroux. 79
Rapport sur l'épidémie de Bernières, par M.
Raisin. 81
Aperçus physiologiques et pathologiques sur les
fonctions de l'appareil hépatique , par M.
Desbordeaux. 87
F A B-È-E.
Observations sur la jalousie des enfans, par M.
Trouvé, 91
Recherches sur la sécrétion et sur l'absorption
des gaz dans les corps organiques, par M.
Tillaye, 94
Essai sur la formation des charbons de terre. 99
Ouvrages présentés à l’Académie. 109
É
SSI II PSSIS
SECONDE SECTION.
PARTIE LETTÉR. AIRE.
Mivorrs sur le livre de Job , par M.
Cailly.
Observations sur le livre de Job, par M. Bel.
| lenger.
Notice sur#M. le Clerc de Bauberon, par M.
Lair.
Mémoire sur l’origine de la langue française,
par M. Labbey de la Roque.
Du madrigal, par M. de Baudre.
Sur quelques bons et vrais phiosophes, par M.
Toustain de Richebourp.
Tables alphabétiques et de législation maritime
de l’Europe , par M. Groui.
Poésies.
Ouvrages envoyés à l’Académie,
FSSPSSSISSE
102
106
112
114
119
123
130
131
132
RAPPORT
Sur Les travaux de l’année 1813.
e
:
PREMIÈRE SECTION.
PARTIE SCIENTIFIQUE:
+
ESSIPSSI SIA
Nov essai sur les causes générales des
vents, par M. Prudhomme. 135
Conjectures sur la possibilité que le soleil, les
planètes , les satellites, et même les comètes
soient. constituées de manière à admettre des
habitans de même nature que ceux de notre
Terre, par M. Whearcroft. 148
Réflexions sur le mémoire précédent , par M.
Thierry fils. 153
Mémoire sur le blé lammas , par M. Lamouroux. 155
Mémoire sur la nécessité d’alterner les récoltes,
par M. de Mangneville. 159
Rapport de M. de Mangnevillesur plusieurs ouvrages
de M. Thiébaut de Berneaud. 162
Quelques considérations sur les albinos , par M.
le Sauvage, 164
TABLE.
Rapport de M. le Sauvage sur un mémoire de
M. Thillaye intitulé, Essai sur une nouvelle
théorie de la vision. p.
Rapport de M. le Sauvage sur un mémoire de
M. Geoffroy ayant pour titre sur Ls diffé-
rens états des coquillages au sein de la terre.
Mémoire sur un canal de dérivation, etc.,
‘par M. Lescaille,
175
174
SECONDE SECTION.
PARTIE LITTÉRAIRE.
FPS CSSEFSSA
Essar ou recherches sur les vrais élémens de
l'histoire ancienne du globe terrestre, par
M. Cailly. p. 176
Description de l'ouverture de l’avant-port de
Cherbourg, par M. Lair. 182
Notice sur M. Foucault, intendant de Caen,
par M. Lair. 187
Mémoire sur les trouvères Normands et Anglo-
Normands, par M. Delarue. 188
Notice sur une partie de la Moscovie, sur
Moscou et le Kremlin, par M. Caïilly fils. ibid
Notice sur les ruines de Juliobona , par M.
Rever. 192
. Description des autels de l’ancienne chapelle du
Mont-Dol par L: même. 197
Recherches sur un camp Romain, par M.Le He-
ricier de Gerville. 201
Recherches sur le pays des Unell, et sur les
villes qui y ont existé sous la domination Ro-
maine, par le méme. 20$
Sur un pavé en Mosaïque trouvé à Vieux, 206
Poésies lues à l’Académie. 208
Ouvrages rEçUSe , fhid,
RAMEORTE
Fait à l’Académie à la fin de 1814. p.210
PREMIÈRE SECTION.
PARTIE SCIENTIFIQUE.
SSII D ISSI D
Mimorms sur le corail, par M. Lamou-
roux. ps 214
Observations sur une chute d’aérolithes dans le
département de Lot-et-Garonne , par Le
même.
4
FSSPSSPIFSSS
SECONDE
RS
SECONDE SECTION.
PARTIE LITTÉRAIRE.
FSÉSSEFSSIÈS PSS
CE varions sur les invasions de la mer
et son action sur le littoral du Calvados et
de la Manche par M. Cuilly. p. 210
Essai sur l’existence de la noblesse en France
et en Normandie dans les temps les plus
anciens , par M. Labbey de la Roque 224
Essai sur Homère par M. Cail!y. 232
Eclaircissemens historiques sur Malherbe , par
M. Hébert. 233
Réponse à une question de M. Jouyneau Des-
loges sur l'institution de la Chevalerie en
France, par M. Delarue. 236
Essai sur Anaximandre et sur sa philosophie. 239
Poésies lues à l’Académie. 241
Ouvrages reçus, 243
FH ANRBGE ORNE"
Sur Les travaux de l’année 1815.
PREMIÈRE SECTION.
PARTIE SCIENTIFIQUE.
Coxsinérarions sur les caractères distinc-
tifs de l’oxigène et ses rapports généraux avec
les autres matières réputées simples, par
M. Thierry fils. P-
Exposé d’un projet présenté en 1812, pour
l'amélioration du port de Caen, par M.
Pari.
Précis historique sur la navigation de la rivière
d'Orne, par M. Lange.
Rapport sur un mémoire de M. Geoffroy , par
M. Lamouroux.
Rapport sur l’ouvrage de M. Balme, par M.
de Sauvage.
Note sur le saumon, par M. Prudhomme.
245
259
252
269
260
262
SECONDE SECTION.
PARTIE LITTÉRAIRE.
FL PPSÉSSS
Rscuercues sur les ouvrages des Bardes
Armoricains dans le moyen âge , par M. De-
larue, P.
Essai sur les moyens par lesquels on a pu jus-
qu'au XVI. siècle s’anoblir soi-même en
France, par M. Labbey de la Roque.
Introduction à un cours d’histoire moderne , par
M. Héron la Thuillerie.
Notice sur les Cziganys.
Mémoire pour servir à l’histoire des Jeux Floraux.
Poésies lues à l’Académie.
Ouvrages reçus.
Liste des membres et des associés de l’Académie.
FIN DE LA TABLE.
264
168
274
276
278
288
290
294
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