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Full text of "Recueil de l'Institut botanique (Université de Bruxelles)"

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RECUEIL 


DE 


L'INSTITUT BOTANIQUE 


(UNIVERSITÉ DE BRUXELLES) 


PUBLIE PAR 


EVE. RRB RE 


TOME Ill 


AVEC CENT SOIXANTE-QUATRE FIGURES DANS LE TEXTE ET DIX PLANCHES 


RECHERCHES DIVERSES SUR LES BACTERIES, LES MYXOMYCETES, 
LES ALGUES ET LES CHAMPIGNONS. 
HISTOLOGIE, ANATOMIE, EMBRYOLOGIE. — INFLUENCE DES FACTEURS EXTERNES 
| SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ORGANES. 
INFLUENCE DES FACTEURS EXTERNES SUR LA CARYOCINÈSE ET LA DIVISION 
DES CELLULES. — CICATRISATION. 


CE ID 


BRUXELLES 
HENRI LAMERTIN, ÉDITEUR-LIBRAIRE 


20, RUE DU MARCHÉ AU BOIS, 20 


1908 


REO OU ETE 


DE 


LP PNStI PUL BOTANIQUE 


PÉCULIL 


DE 


L'INSTITUT BOTANIQUE 


(UNIVERSITÉ DE BRUXELLES) 


PUBLIÉ PAR 


ESERRERA 


———_ 


TOME iti 


AVEC CENT SOIXANTE-QUATRE FIGURES DANS LE TEXTE ET DIX PLANCHES 


\ 


RECHERCHES DIVERSES SUR LES BACTERIES, LES MYXOMYCETES, 
LES AL@UES ET LES CHAMPIGNONS. 
HISTOLOGIE, ANATOMIE, EMBRYOLOGIE. — INFLUENCE DES FACTEURS EXTERNES 
SUR LE DEVELOPPEMENT DES ORGANES. 
INFLUENCE DES FACTEURS EXTERNES SUR LA CARYOCINESE ET LA DIVISION 


DES CELLULES. — CICATRISATION. 
LIBRARY 
Ç SD NEW YORK 
BOTANICAL 
GARDEN. 
BRUXELLES 


HENRI LAMERTIN, EDITEUR-LIBRAIRE 


20, RUE DU MARCHE AU BOIS, 20 


1908 


_ 


4 


= HAYEZ, IMPRIMEUR DES ACADEMIES ROYALES, BRUXELLES 


TABLE DES MATIÈRES 


DU TOME III. 


ÉmiLe LAURENT, Sur la prétendue origine bactérienne de la 
Sea: ER RE ee Ca ea an CE 


(Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. X, ne 7, 1885.) 
I. Méthode suivie dans les expériences . . 
PÉNEXpErENCES PAPE LS NE 


19 Avec graines conservées entières . 


2H AVEC STAINES COUDÉES Manet 
3° Avec des tissus pris dans des tukercules ou dans des tiges 
CHAPRUES IS NE ee 4e 
PERRO OHEIUINION Sera Hate Bee Un een lent de © Jen Le 


Emite LAURENT, La Bactérie de la fermentation panaire 


(Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. X, n° 12, 1885.) 


Émize LAURENT, Les microbes du sol. Recherches expéri- 
mentales sur leur utilité pour la croissance des végétaux 


supérieurs 
(Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XI, n° 2, 1886.) 
Préparation des pots LENE cl DRE EME TR 
RTC CS MALES NT ca Mae Nee) 0 de 


Eire LAURENT, Recherches sur le te sd du Cla- 


deeper herbarium. "11: à J) se 
(Annales de l'Institut Pasteur, vol. II, pp. 558 et 582, 1888.) 
I. Cladosporium herbarum (Link) . . . . . . . . . 
Il. Penicillium cladosporioides (Ftésénius). . . 


JAN 2- 1909 


LIBRARY 
NEW YORK 
BOTANICAL 

GARDEN, 


Pages. 


XO se eT On 


29 


31 


TOME III, 1908. 


VI TABLE DES MATIÈRES. 


Pages. 

MDC IPULLUIANS (ACIBATY OUEN ee 0, 07, 53 
IV. Formes-levures de Cladosporium herbarum . . . . . . . 61 
A CHOnIGela CHAU yc ets AR NET ea Us! 5 Ae «cy tne 7% 
PNCUOM ICU LEEDS AE Aer LORMAN AE ce hoe, fs Oe le 72 

Vi Humago de Cladosporium herbarume Vio EE MORT 0) 73 


Émile LAURENT, Expériences sur l’absence de Bactéries dans 
VESUAISSEAUE desplantes | Jt SR TN NT ee ek Ge à 79 


(Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XIX, n° 4, pp. 468-471, 1890.) 


Emile LAURENT, Sur le microbe des nodosités des Légumi- 
PICTUS ES SRE à Adee ee METAS: fa CA Ne TR EN end FO lun OR ANS ah AL SRE 


Comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris, 17 novembre 1800. 
7 9 


ÉmiLe LAURENT, Recherches sur les nodosités radicales des 
DÉGUMRINEUSESNENTe ie MERE aig te Pact tale) rere Meal bec trata. alk eam 


(Annales de l'Institut Pasteur, t. V, p. 105, 1891.) 


I. Les nodosités PE QU RE NET AC ater 88 


II. Développement de nodosités à la suite d’inoculations . . . . 96 
Inhuence/delage des modosités NL SAR AMIENS 
Formation de races chez le microbe des nodosités. . . . . 105 
Dispersion du microbe dans laiterre .) 2 |. oi el). ro 

Iie Naturerdiu microbe des nodosites 0 NE nt ES EOS 
CUITE EEE 2 octane ER D UE BEN Won TN a eee TLS 


IV.) Proprictes physiologiquesidu RAzzobewm NO LEE TT 


Gequedeviennent les modosites te Gat. Wi. eee note See eS 
Intimencedevlarchaleun (en) seis) o, Bid the he ey NE No 
Influence duMemDS EME spas: RSR Mare RE aude be Seo 
Iniiience Gesmuitratess ih. fy. 2. noe 1. eth ieee ete) pe ont wre eB 


Culture du Æizobiuim dans les solutions minérales avec ou 
sans azote. Influence de substances diverses. . . . . . 121 


EP CatiOMiGesHplanNGHES.™ ceo wiil Sony UE [wath EC EE TRE LT NE 


. 7 


SS — d'été 


Tome III, 1908. 


TABLE DES MATIERES. 


VII 
: . Pages. 
ÉmiLE LAURENT, Etude sur la variabilité du Bacille rouge 
LE MS ee GS el rs 127 
(Annales de l'Institut Pasteur, vol. IV, p. 465, 1850.) 
I. Caractéres des cultures du Bacille rouge . 130 
II. Influence de la température et de l’oxygéne sur la fonction chro- 
men am Bagile une" 202 Bie Le ee 134 
III. Influence de la réaction du milieu sur la fonction chromogéne 
du Bacille rouge. 135 
IV. Influence de la température et de l’acide carbonique sur la fonc- 
tion chromogéne du Bacille rouge . 139 
V. Action de la lumière sur le Bacille rouge. 142 
VI. Propriétés de la variété incolore du Bacille rouge . 144 
A. DE WEVRE, Note sur Ss Saas Mucédinées de la flore de 
JZ Oe: CRE ROSES Py cee eR TE 149 
(Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. XXVIII, 2° partie, 
p. 128, 1889 ) 
Se duaepng! wen etat (RIESS) EE ie Fae es ee ee AST 
Œdocephalum glomerulosum (Bull.) . . . . . . . . 151 
ichopalgmyces elepans (Corday “2° ER 2 Se A en on lee 152 
A. DE WEVRE, Recherches expérimentales sur le Re 
OA ENT NE) M TRES NES ie lees ee 155 
(Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. XXIX, 2° partie, 
Pp. 107-125, 1891.) 
RUE RTP/ CES CLISONHES rig > DG =.) wart, 3 Cu detre Se AT 168 
Phycomyces renflés. 168 
CoNCLUSIONS 169 
A. DE WEVRE, Recherches expérimentales sur le Rhizopus 
Pan CERF Er AY ee RE eee EE, a het 171 
(Bulletin de la Société belge de microscopie, t. XNIIL, p. 133, 1892) 
Milieux solides. 175 
V0 ODS en ae in el TS 176 
DATE ES ER PRESS Ae Sat lw 177 


Tome III, 1908. 


VIII TABLE DES MATIÈRES. 


Pages. 
Léo ERRERA, Sur le « Pain du ciel » provenant du Diarbékir. 187 


(Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XXVI, n° 7, 1893.) 


Bro ERRERASSIrAcC lune Oo the Weast- Celle EC os 


(Annals of Botany, décembre 1898, et [ rztish Association Report, 1808.) 


G. CLAUTRIAU,; Suriles Bactéries lumineuséso =... + 97 


(Bulletin de la Société royale des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 
54° année, p. 11, février 1896.) 


Explicdtion de 1a splaniche MANN ARE onl eee te ee seh 5 2G 


Jean MASSART, Clautriavia, un nouveau genre de Fla- 
AIS UT CORRE OR Wash Mo teat EE eh ind OR ene ese MESA SEE Se ES Ree 


(Bulletin de la Société royale des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 
58° année, p. 133, novembre 1900.) 


P. NYPELS, La germination de quelques écidiospores . . . 203 
(Mémoires de la Société belge de microscopie, t. XXII, 1898.) 
Endophylium Semperoiti De Baty, ME PER ONE NE CON ee Od 
EndophyliumniSedi ICE OUR NE NE RER EC OR CURE Ci 
A'ecidiumileucospermum DC" NS RER RER NE See OS 
NorBERT ENSCH, Notes sur les Myxomrycèles . . . . . 211 


(MWiscellanées biologiques dédiées au Profr Alfred Giard à l'occasion du, 
XAVe anniversaire de la fondation de la station zoologique de Wimereux. 
Paris, 1899, p. 212.) 


I. Sur apparition du plasmode de Chondrioderma difforme . . . 212 
EX PCTIENCE sini Woes iets trees RS ee Gl ae eee oe 
II. La culture des amibes de Chondrioderma difforme . . . . . 213 
III. Germination de Chondrioderma difforme en gélatine . . . . 215 
Pea durée duStade plasmode Meme eee Wie peak ie, ee) ne 
Vx. SPOLany es Cb SClerOtesmpy PE PONT ETS ER diet eS 
Désorganisation du plasmode devenu négativement hydro- 
LARIUC Rha Nees) eae ee) SN RSA uate eral” Sal ish) Joi,” eae 
HxXpérIeNCes 7) #0) NAN NT NT nce Lo so. A) dos Mesa TE mei) 
FICE DORISAtIOUS, EN RE PNR DE PRE RP RE: 2219 
Bisteides MyxomycétesrTecuelliS MR ROC OR NL - 2220 


BIBLIOGRAPHIE Aen iirc. mec EEE aia) Palate cea rch ice tyes ee QU arama 


DA, à PS PPT 


Tome III, 1908. 


TABLE DES MATIÈRES. IX 
Pages. 

É. DE WILDEMAN, Recherches diverses sur des Cha mpignons, 
des Algues et d'autres organismes inférieurs (Titres) . . . 222 
nat CHARME NES Ur M Es LIL 0 282 


Observations sur quelques Chytridinées nouvelles ou peu connues. 222 


Quelques Chytridiacées nouvelles parasites d’Algues . . . . . 222 
mavEnacéesdemdeltique tins.) 4 iS o MSS. Loi Lis 222 
Note sur quelques Saproléguiées parasites d’Algues . , . . . 222 
Mote sur le Chlorecystts Colmu Reinsch’ . . 3... 2,0,  ! : 222 
ESCORT en! Deere US LE ele Casa 
Census Chytridinaearum . . . . . . . ww . . . . . 222 
Notes sur quelques organismes inférieurs, . . . . . . . À 222 


Em. MARCHAL, Une Mucorinée nouvelle : Syncephalastrum 
ÉCRIRE 0 LE Sn LE NET M CE 923 


Em. MARCHAL, Sur un nouveau Rhopalomyces (Titre) . . 223 


C. BOMMER, Sciéroles et cordons mycéliens (Résumé) . . . 225 


(Mémoires couronnés et mémoires des savants étrangers, Académie royale des 
sciences, des lettres et des b:aux-arts ds B:lgique, t. LIV, 1894.) 


Agglomérations mycéliennes des Basidiomycètes ; 225 
Agglomérations mycéliennes compactes . . . . . . . . . 226 
SNL EN TO CNRS ah Oe AM ow ek Mo att) agg 
Agglomérations mycéliennes des Ascomycétes Mine Et nt 2228 
Comous TEMCÉNERS LE wi bets ef LU ST ee 10 à M 228 
AO TA Ci ele Eu al ae rec De 0228 


PRES CRE SRE ME RE CE CET. Le UE NT TN 220 


ED NS RE ON CSS LR sehr’ ae 12340 


A. DE WEVRE, Note préliminaire sur l'anatomie des Bromé- 
RS fe, ee) ax 


(Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. XXVI, 2° partie, 
12 novembre 1887.) 


Tome III, 1908. 


x TABLE DES MATIERES. 
Pages. 
E. DE WILDEMAN, Sur les sphéres attractives dans quelques 
EG IES MC UCIALES NU sae ny ne ee I ee ashe bats AE + Ss. a ae 
(Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XXI, n° 5, pp. 594-603, 
1891.) 
Explication de da planche NE CIS ENS EM he be se) ts wea 
Léo ERRERA, Note sur un tronc de Hétre à cœur rouge . . 243 
(Bulletin de la Société centrale forestière de Belgique, 3° année, p.311, mai 1896.) 
Jean MASSART, La récapitulation et l'innovation en embryo- 
OT QIEN VE. Bs Pan Ung en codes, NN M PRE Me one ME 
(Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. XXXIII, 1894, 
1re partie.) 
Sommaireae.cestravallits NN PT CN NT O2 1 
Explication des planches CR ST nm NOTE 
Jean MASSART, Sur la morphologie du bourgeon. La diffe- 
renciation raméale chez les lianes (Résumé) ie he ik AP Cee 327 


(Annales du Fardin botanique de Buitenzorg, vol. XII, 1895.) 


Jean MASSART, Sur des fleurs bicalcarées de Corydalis solida. 339 


(Bulletin de la Société belge de microscopie, 1898.) 


Léo ERRERA, L’aimant agit-il sur le noyau en division? . . 343 


(Compte rendu de la séance du rx janvier 1890 de la Société royale de botanique 
de Belgique). (Bulletins, t. X XIX, 2° partie, pp. 17-24.) 


E. DE WILDEMAN, Recherches au sujet de l'influence de la 
température sur la marche, la durée et la fréquence de la 
caryocinese aans lemeone Veselal CENDRES Fa es) USB 


(Annales de la Société belge de microscopie. [Mémoires], t. XV, 1891.) 


DES D ADD VEL NE Manors DUC A ch ei ERNEST OR TS RER 


DETTES Can AUP Pen ICTOLADM wage che ER CA AIMENT LC, ES RG 


TOME III, 1908. 


TABLE DES MATIÈRES. XI 


ae ; Pages. 

: Bou AD COA en See) Moye ee a eee we VK 
PRETO ages.) a Sk asi gy. st, swe Let oo e ey 6 389 
Expleation dés planches. + se + 2... ww ee 306 


Ne ne VU en + 307 


/ 
Jean MASSART, La cicatrisation chez les végélaux . . . . 399 


(Mémoires couronnés et autres mémoires, Académie royale de Belgique 
t. LVII, 1898.) j 


erRaIMAINENGE COMUAUALL Me SR hs ec! ew st ey) a) 8). ZO9 


É. DE WILDEMAN, Sur la réparation chez quelques Algues . 465 


(Mémoires couronnés et autres mémoires, Académie royale de Belgique 
t. LVIIL, 1899.) 


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SUR 


LA PRÉTENDUE ORIGINE BACTÉRIENNE 


DE LA DIASTASE 


PAR 


E. LAURENT (') 


Depuis que l'on connaît le rôle de la diastase dans la digestion 
de l’amidon, divers auteurs ont émis l’opinion que ce sont toujours 
des microorganismes qui sécrétent ce ferment soluble. Le phéno- 
mène facile à observer de la saccharification de l’empois d'amidon 
abandonné a l'air libre et les divers exemples de fermentations 
dues aux Bactéries ont pu donner quelque créance a cette hypo- 
thèse. 

Dans toutes les questions de fermentation, les nombreuses publi- 
cations de M. A. Béchamp sont à consulter. Cet auteur attribue à 
la présence d'organismes microscopiques autonomes le rôle pré- 
pondérant dans les réactions diverses qui se passent chez les êtres 
vivants, et pour le sujet qui nous occupe dans les phénomènes de 
digestion. La doctrine de M. Béchamp, connue sous le nom de 
théorie des microzymas, a eu quelque retentissement; elle était 
destinée, dans le principe, à sauver les théories hétérogénistes si 
cruellement atteintes par les travaux de M. Pasteur. 


(1) Ce travail a paru dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, 
t. X, n° 7, 1885. 


TOME III. 1 


TOME III, 1885. 


2 É. LAURENT. — SUR LA PRÉTENDUE 


M. Béchamp n’a pas abandonné la croyance aux microzymas, et 
il l'a défendue de nouveau dans un travail volumineux, publié 
en 1883 (*), et dans de récentes communications à l’Académie des 
sciences de Paris (’). 

Dès 1873, des idées analogues étaient appliquées d'une manière 
spéciale à la physiologie des plantes par M. J.-E. Bommer (°). 

Dans ses recherches sur les fermentations sous les tropiques, 
M. V. Marcano observa la digestion de l’amidon par des Bactéries; 
il s'empressa d'en inférer que les plantes supérieures, pour digérer 
leurs réserves, pour germer, ne peuvent se passer du concours des 
microorganismes (*). « Le microbe qui fait fermenter l’amidon 
dans le Mais et qui se trouve dans la tige de cette céréale, est celui 
qui produit la fermentation du jus de canne dans les fabriques de 
sucre. Ces vibrions sont contenus dans les cellules de la tige de 
cette plante, ou il est facile d’en constater la presence. » 

Récemment M. G. Wigand a affirmé que les ferments qui, 
comme la diastase, interviennent dans la vie végétale, sont des 
produits de l’activité des Bactéries ; de plus, restaurant les idées de 
M. Béchamp et de Karsten, il annonçait que les microorganismes 
peuvent prendre naissance par génération spontanée dans les 
matiéres fermentescibles (°). 

Au mois de novembre 1884, M. V. Marcano communiquait a 
l'Académie des sciences de Paris un travail sur les phénomènes de 
fermentation peptonique observés dans l'Amérique tropicale (°). 
Ce chimiste a laissé tomber quelques gouttes de seve d’Agave sur 
de la viande hachée maintenue à une température de 35 à 40°; ila 
constaté une fermentation peptonique, qu'il attribue à un ferment 


(1) Les microzymas. Paris, 1883. 

(2) Comptes rendus, t. C, pp. 181 et 458. 

(3) Bulletin de la Société de botanique de Belgique, t. XII, p. 346. 

(4) Comptes rendus, t. XCV, pp. 345 et 856. 

(5) Entstehung und Fermentwirkung der Bacterien. Marbourg, 1884; Bot. Central- 
blatt, 1884. 

(°) Comptes rendus, t. XCIX, p. 811; Fournal de pharmacie et de chimie, 1885, 
p. 245; Fournal de pharmacologie, 1885, p. 161. 


Tome III, 1885. 


ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 3 


figuré. M. Marcano ne précise pas l'origine de ce ferment, mais en 
ne mettant pas en relief le peu de soin de ses expériences, il insinue 
que la sève d'Agave renferme des Bactéries, tandis que tout 
indique que les germes venaient de l’air ambiant. 

L'auteur ajoute que d'autres jus végétaux ont la même pro- 
priété peptonisante, notamment le jus de canne à sucre. Dans les 
conditions où il a opéré, il faut peu s’en Ctonner, car il est plus que 
probable que les résultats eussent été identiques sans addition de 
sucs végétaux. 

M. A. Jorissen a présenté à l’Académie de Belgique une note sur 
la production de la diastase par les Bactéries dans les tissus végé- 
taux (*). Cet auteur a constaté que dans une atmosphere renfer- 
mant de l’acide cyanhydrique, des graines de Mais, d’Orge et 
d’autres espèces ne forment pas de diastase et n’entrent pas en 
germination. En rapprochant cette action de celle de l’acide cyan- 
hydrique sur la vie des microorganismes, M. Jorissen est arrivé par 
généralisation à attribuer la formation de la diastase à l'influence 
des Bactéries dans la germination. 

« La formation de la diastase est donc vraisemblablement indé- 
pendante de l'activité propre des graines, et les expériences rappor- 
tées plus haut confirment les résultats obtenus par M. Marcano. 

» Ce chimiste a constaté l’existence d'un vibrion sur les tégu- 
ments du Maïs. Ce vibrion, qui communique des propriétés 
diastasiques aux liquides dans lesquels il se trouve, se développe 
pendant la germination des grains de Mais, de telle sorte que sion 
fait des coupes de ces grains, on y apercoit au microscope des 
myriades d'organismes. Ceux-ci existent aussi dans la tige du Mais 
et dans diverses graines en germination qui ont été observées. 

» On comprend, dès lors, pourquoi l'acide cyanhydrique, anti- 
septique puissant, non seulement empèche la réduction des nitrates 
par les graines, mais encore arrête la formation de la diastase tant 
dans les semences que dans la farine humide. » 


(1) Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 3° série, t. VIL, p. 553. 


Tome III, 1885. 


4 É. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE 


Comme on le voit, l’existence des Bactéries dans les tissus végé- 
taux n'est pas une hypothèse nouvelle; de mème que celle de la 
génération spontanée, elle a pu surgir à différentes époques sans 
toutefois rallier beaucoup de partisans. Ceux-ci n’ont pas réussi à 
faire admettre l'origine bactérienne des ferments solubles dans les 
plantes supérieures. La propriété des cellules végétales de pro- 
duire de la diastase a été admise sans que l'on ait jusqu'ici prouvé 
spécialement l'absence de Bactéries dans les tissus producteurs de 
diastase. 

Beaucoup de faits sont, a priori, favorables à cette opinion 
l'amidon ou son isomère le glycogène est fréquemment digéré 
dans des cellules isolées, comme des Algues très simples, des 
spores, etc. ; on sait, en outre, que les Bactéries prospèrent surtout 
dans les milieux alcalins, tandis que les sucs végétaux sont géné- 
ralement acides. Une expérience de M. Pasteur, faite en 1872, a 
même montré qu’il n'existe pas de germes dans le suc des fruits. 
Dans ses recherches sur la fermentation alcoolique, ce savant était 
parvenu à conserver pur du jus de raisin extrait sans être mis en 
contact avec l'air atmosphérique (*). Les partisans de l'action 
nécessaire des Bactéries dans les fonctions digestives des plantes 
auraient pu se demander quelle est l'origine de l'invertine dans les 
grains de raisia au moment de leur maturité. 

En limitant la faculté de produire des ferments solubles aux 
êtres microscopiques, on a oublié un peu trop facilement que cest 
établir une dittérence profonde entre les végétaux supérieurs et 
les végétaux inférieurs au moment où l'unité des phénomènes 
physiologiques tend de plus en plus à s'imposer dans la science. 

A divers points de vue, il était donc utile d'entreprendre des 
expériences sur l'existence des Bactéries dans les tissus végétaux. 
C'est ce que nous avons fait depuis le commencement de cette 
année. 

Nous exposerons successivement : 

I, La méthode suivie dans les expériences ; 


() Comptes rendus, t. LXXV, p. 781; Etudes sur la bière, Ds 55¢ 


Tome IIT, 1885. 


ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 5 


IT. Les expériences : 1° avec graines conservées entiéres; 2° avec 
graines coupées; 3° avec tissus pris dans des tubercules et dans 
des tiges charnues ; 

III. Les conclusions. 


I. — MÉTHODE SUIVIE DANS LES EXPERIENCES. 


Les nombreuses contradictions révélées par les discussions rela- 
tives aux Bactéries ont prouvé que les résultats différents souvent 
obtenus sont dus aux méthodes adoptées dans ces recherches. 
Cette considération nous engage à donner quelques détails sur les 
procédés que nous avons suivis. 

Nous avons employé, pour les expériences de germination, des 
graines de Zea, de Phaseolus multiflorus, d'Hordeum, d'Helianthus 
annuus et de Triticum vulgare. Pour des tissus riches en matières 
amylacées, ou de nature charnue, nous avons utilisé des tubercules 
de pomme de terre, des racines de Cichorium Intybus, de Beta 
vulgaris, de Tragopogon porrifolium, de Scorzonera hispanica, des 
bulbes d’Allium Cepa, les feuilles d'Agave americana, des tiges 
épaisses des Cereus coerulescens et geometrizans et de Carica 
Papaya. 

Les graines ont été lavées à grande eau, bien nettoyées avec une 
petite brosse quand leurs dimensions le permettaient; apres étre 
restées dans l'eau pendant quelques heures pour ramollir les 
enveloppes ainsi que les germes de la surface, elles ont été plongées 
pendant vingt a trente minutes dans une solution de bichlorure de 
mercure au ‘/s0. Le sublimé était ensuite décanté et remplacé par 
de l’eau qu'on avait eu soin de priver de germes par l'ébullition 
répétée à un ou deux jours d'intervalle. Des essais ont montré que 
la germination des graines soumises au sublimé n'est presque pas 
influencée par ce violent poison quand l’action de celui-ci n'est pas 
trop prolongée. 

Les graines débarrassées des microorganismes superficiels 
devaient germer à l'abri des germes de l'atmosphère. Pour cela, 
nous avons choisi des cristallisoirs assez larges, dans lesquels nous 


TOME III, 1885. 


6 É. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE 


avons versé du bichlorure de mercure au */,,.,; au bout d’une heure 
ou deux, le sublimé était enlevé et remplacé par de l’eau bouillie. 
Cette eau entrainait les traces de sublimé; elle était jetée, et le vase 
rempli d'eau bouillie jusqu’à 2 centimetres du bord. Une cloche 
nettoyée avec les mêmes soins était placée au-dessus du cristallisoir, 
reposant lui-même sur une assiette désinfectée par un lavage au 
sublimé à */;,.. Ces différentes opérations ont été faites dans la 
pièce du laboratoire, dont l'atmosphère renferme le moins de 
spores. 

Une toile métallique à mailles assez larges a été portée au rouge 
dans toutes ses parties et placée rapidement sous la cloche, 
au-dessus du cristallisoir. C'est sur cette toile métallique que les 
graines devaient germer. A l'aide de pincettes flambées, nous 
avons placé les graines une à une sur la toile, en évitant autant ae 
possible d'agiter l'air environnant. 

Quant aux tubercules et aux tissus charnus, lorsqu'ils devaient 
être mis en expérience sans qu'on les dépouillât de leurs couches 
extérieures, ils ont été lavés avec soin et plongés dans un bain de 
sublimé. 

Lorsque les graines commençaient à montrer leur tigelle ou un 
peu plus tard, elles ont été soumises à la recherche des Bactéries. 
L'examen microscopique direct des tissus en coupes très minces ne 
permet pas de reconnaître avec certitude ces microorganismes. 
Par les moyens de coloration, on ne peut pas non plus affirmer 
catégoriquement l'absence de Bactéries Il n'y a, sous ce rapport, 
que la culture dans des milieux appropriés qui permette de pro- 
noncer un jugement à l'abri de la critique. 

Les recherches de M. Robert Koch sur les Bactéries ont montré 
les qualités de la gélatine additionnée de matières nutritives 
comme milieu de culture. Nous avons suivi cette méthode en 
même temps que nous avons utilisé, dans le même but, des jus 
sucrés de fruits desséchés et particulièrement le jus de pruneaux. 

Pour préparer celui-ci, on fait bouillir dans l'eau des pruneaux 
de bonne qualité et l'on filtre la décoction d’abord à chaud; le jus 
filtré est renfermé dans un ballon bouché par un tampon d’ouate et 
soumis à l’ébullition jusqu'à ce que Ja vapeur s'échappe par le 


Tome III, 1885. 


ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 7 


bouchon. On filtre de nouveau apres refroidissement; si des 
matières en suspension persistent dans le liquide, on décante 
soigneusement jusqu'à ce qu'il ne se forme plus de dépôt au fond 
du vase. L’ébullition est répétée aussi souvent qu'on le juge néces- 
saire. | 

Pour écarter toute erreur venant d’une stérilisation incomplète, 
le jus est versé dans des tubes à réactifs fermés par un tampon 
d’ouate et qui ont été soumis auparavant pendant au moins quatre 
heures à une température de 140 à 150° C. Les tubes ainsi préparés 
sont encore recouverts d’un capuchon en caoutchouc (’) et laissés 
pendant huit jours à l'essai; ceux qui donnent des traces d'infection 
ne sont pas utilisés. 

Le jus de pruneaux a été préféré aux infusions de viande, afin de 
réaliser autant que possible les conditions des sucs cellulaires 
végétaux. On sait qu'ils sont généralement acides, tandis que les 
liquides de l'économie animale sont le plus souvent alcalins. Une 
faible alcalinité est favorable au développement des Bactéries. En 
tout cas, nous avons laissé une partie du jus de pruneaux acide 
et une autre a été légèrement alcalinisée avec du carbonate de 


soude. 


Il; — EXPÉRIENCES. 


1° Avec graines conservées entières. — Le 27 janvier 1885, les 
semis sur toile métallique furent portés sur la terrasse du Jardin 
botanique par une température de 3° et un léger vent du sud- 
ouest. Quatre graines de Zea furent prises avec des pincettes 
flambées et mises chacune dans un tube renfermant de la gélatine 
nutritive de Koch préparée par M. Muencke, de Berlin. On a soin 
d’incliner le tube horizontalement au moment où lon ote le tam- 
pon d’ouate, l'ouverture tournée du côté opposé au vent. 

Le même jour, deux graines de Zea semées dans un sol riche en 


(1) On se les procure, sous le nom de Kappen von Kautschuk, chez M. Robert 
Muencke, à Berlin. 


Tome III, 188s. 


8 É. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE 


humus furent bien lavées à grande eau et mises avec précaution 
dans deux tubes de gélatine. 

Ces six tubes et deux tubes témoins furent placés dans une serre 
dont la température moyenne était de 16° C. environ, température 
assez favorable à la fois au développement des jeunes Zea et à celui 
des Bactéries. 

Dès le 30 janvier, la gélatine des tubes à graines germées dans la 
terre était complètement liquéfiée, tandis qu’un des quatre tubes à 
graines cultivées à l'abri des germes présentait à la surface de la 
gélatine des flocons blanchâtres. Deux autres de ces tubes ont 
montré, les jours suivants, les mêmes impuretés, offrant bientôt 
tous les caractères du Penicillium glaucum. Le quatrième tube, 
resté pur, a continué à pousser en développant ses racines dans la 
gélatine; le 17 février, la tige avait atteint une longueur de 5 centi- 
metres et l'expérience a été arrêtée. Les deux tubes témoins sont 
restés purs. | 

Cette expérience a été répétée avec plus de soin : une graine de 
Lupinus, trois de Zea, une d’Hordeum et une d'Helianthus germées, 
comme ci-dessus, sur toile métallique, ont été introduites dans des 
tubes de gélatine au moment où leur radicule commençait à 
poindre. La croissance, interrompue pendant quelques jours, a 
continué et les jeunes plantes ont pu arriver au sommet du tube à 
essais sans que la gélatine ait montré une trace de Bactéries ou 
d’autres organismes étrangers. Toutefois la graine d’Helianthus 
qui, à cause de sa faible densité, n'avait pas été bien en contact avec 
la solution de sublimé, a été recouverte de Penicillium au bout de 
huit jours. Après un mois, les autres plantules avaient atteint le 
tampon d’ouate et l'expérience a été terminée, sauf pour celle de 
Lupinus, restée plus courte; celle-ci est demeurée en observation 
jusqu'à ce moment (2 juin). Après avoir relevé et épuisé ses coty- 
lédons, la plante est morte d'inanition, faute d'être exposée à la 
lumière; elle a laissé suinter à sa surface son eau d’imbibition et 
s'est desséchée lentement, sans qu'il se soit développé de Bactéries. 

Nous avons ensuite substitué le jus de pruneaux à la gélatine. 
Nous avons laissé germer, au fond de tubes à essais, avec une 
petite quantité d'eau stérilisée par l'ébullition répétée : dans un 


TOME III, 1885. 


ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE 9 


premier tube, huit graines de Zea; dans un deuxieme, quinze 
graines d’Hordeum ; dans un troisième, quinze graines de Triticum. 
La germination s'est faite, et lorsque les tigelles étaient visibles, 
nous avons versé dans chaque tube un peu de jus de pruneaux 
stérilisé. Les tubes ont été soumis a une température de 16 à 20° C.; 
ils n'ont montré dans la suite aucune trace d'organismes étrangers, 
et la croissance a continué sous le liquide. 

Ces expériences prouvent que les Bactéries et autres microorga- 
nism¢s qui se trouvent habituellement à la surface des graines, 
n’interviennent pas dans les phénomènes de la germination. 


2° Expériences avec graines coupées. — Il faut maintenant recher- 
cher sil n'existe pas de Bactéries à l'intérieur des tissus végétaux. 
Nous avons, dans ce but, examiné quantité de graines en germi- 
nation : Zea, Pisum, Lupinus, Triticum, Hordeum, Phaseolus. 
Pour éviter la confusion des granules protoplasmiques avec les 
microorganismes, les coupes ont été colorées au moyen de 
diverses couleurs d’aniline et particulièrement du violet de 
méthyle BBBBB, tant recommandé par M. Robert Koch pour 
caractériser les Bactéries. Malgré de très nombreuses observations, 
nous n'avons rien vu qui puisse être un Micrococcus ou un Bacillus 
quelconque. Il nous est arrivé de prendre des graines d'Hordeum 
et de Trilicum au moment où la tigelle avait atteint 10 à 12 centi- 
metres de hauteur; l’albumen est alors réduit à l'état pâteux au 
milieu des téguments. Il est évident que les innombrables Bactéries 
du sol s'efforcent alors de pénétrer au travers des enveloppes pour 
arriver aux restes de l’albumen dans une intention tout autre que 
celle de se rendre utiles à la plante. Et pourtant des Bactéries ne 
se rencontrent qu'exceptionnellement dans ces résidus désorga- 
nisés de l’albumen, ce qui montre que les téguments de la graine 
ne se laissent pas facilement pénétrer par les germes extérieurs 
dans les conditions normales. Il était aussi intéressant de voir s'il 
existait des Bactéries dans les feuilles où M. Baranetzky (*) et tout 


(1) Die Starkeumbildenden Fermente in den Pflansen, p. 16. 


Tome III, 1885. 


10 E. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE 


récemment M. Brasse (*) ont signalé la présence de la diastase. 
Nous avons eu l'occasion d'examiner au moins un millier de coupes 
soigneusement faites et colorées au violet de méthyle; il ne s’est 
jamais trouvé trace d'êtres microscopiques (’). 

Comme nous l'avons fait remarquer plus haut, on ne peut que 
rarement se fonder sur l'observation microscopique seule dans la 
recherche de ces organismes ; aussi ]’avons-nous complétée par les 
procédés de culture. 

Par des essais préliminaires, nous avions reconnu qu'il est très 
difficile de couper des graines en deux, trois ou quatre morceaux, 
et de les laisser tomber dans des tubes à gélatine ou à jus de pru- 
neaux sans introduire des germes à l’intérieur. Pour diminuer les 
chances d'infection, les couteaux et les pinces ont été flambés après 
chaque graine opérée, l'assiette sur laquelle les coupes étaient 
faites était lavée de temps en temps avec de l’eau bouillie ou rem- 
placée par une autre assiette lavée au sublimé. De cette façon, les 
germes qui auraient pu tomber pendant les opérations précé- 
dentes étaient écartés. Enfin, les graines qui devaient être coupées 
ont été transportées sous cloche sur la terrasse du Jardin bota- 
nique par un temps calme, après une pluie quand c'était possible. 

Dans quinze tubes à gélatine de Muencke, nous avons mis des 
morceaux de graines en voie de germination : cinq de Zea, cinq de 
Phaseolus multiflorus et cinq d’Hordeum. Des morceaux sont 
laissés à la surface de la gélatine, tandis que d’autres sont portés à 
une profondeur plus ou moins grande pour réaliser les conditions 
de vie des formes anaérobies. 

Trois tubes ont été altérés : 1° une graine d’Hordeum coupée 
avait un léger voile constitué par des Micrococcus; deux autres, 
renfermant des fragments de graine de Phaseolus, ont montré, au 
bout de quelques jours, des colonies de Penicillium sur la surface 


(1) Comptes rendus, t. XCIX, p. 878. 

(2) Ces observations ont été faites en décembre 1884 avec mon ami M. J. Mas- 
sart; nous avions cru pouvoir expliquer la contagion de la panachure par l’action 
des Bactéries. Nos recherches n’ont pas été favorables à cette hypothèse sédui- 
sante. 


Tome III, 1885. 


ORIGINE BACTÉRIENNE DE LA DIASTASE. II 


de la gélatine, mais la masse en contact avec les tissus en observa- 
tion est restée bien intacte. Dans les douze autres tubes, il n'y a 
pas eu altération de la gélatine à l’abri de l'oxygène comme au 
contact de l'air. 

A la longue, les cultures dans les tubes à essais se laissent 
envahir par des espèces ubiquistes, et particulièrement par le 
Penicillium. Ce sont des spores qui, tombées sur le tampon d’ouate 
avant le placement du capuchon de caoutchouc, finissent par 
arriver au contact de la gélatine soit directement, soit par l’inter- 
médiaire de mycéliums développés dans l'ouate ou sur les parois 
du tube. Ces accidents se produisent même dans les cultures faites 
par les expérimentateurs qui ont une longue pratique dans l'étude 
des Bactéries. 

M. Van Ermengem a eu l'obligeance de nous indiquer un moyen 
très facile de diminuer la fréquence de ces accidents. Aussitôt le 
tampon d’ouate remis, on l'enfonce entièrement dans le tube, dont 
on flambe la paroi externe jusqu'a roussir l'ouate; le capuchon de 
caoutchouc est ensuite fixé sur l'ouverture du tube. 

Après ces essais dans les tubes à gélatine, des expériences avec 
des graines coupées ont été faites comparativement dans du jus 
de pruneaux naturel, c'est-à-dire acide, et du jus de pruneaux 
alcalinisé. 

Dans quatre tubes à jus acide, ont été mis des morceaux de 
graines coupées de Phaseolus, de Zea, d'Helianthus et d’Hordeum, 
qui avaient germé sur du sphagnum sous cloche, mais sans soins 
de désinfection. 

Quatre tubes a jus alcalin ont reçu des fragments des mêmes 
graines. 

Dans tous les essais suivants, les graines avaient été désinfectées 
au sublimé et mises à l'abri des germes extérieurs. 

Le 22 mars 1885, par un temps calme, nous avons mis: dans dix 
tubes, moitié à jus acide et moitié à jus alcalin, des morceaux de 
graines coupées de Phaseolus ; dans dix tubes, moitié à jus acide et 
moitié à jus alcalin, des graines coupées de Zea; dans dix tubes, 
moitié à jus acide et moitié à jus alcalin, des graines coupées 
d’Hordeum. 

Il y avait donc en ce moment trente-huit tubes en expérience : 


ToME III, 188s. 


Twat. É. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE 


huit renfermant des graines qu’on avait laissé germer sans prépa- 
ration spéciale; et trente renfermant des graines qui avaient été 
soustraites aux microorganismes de l'air. 

Au bout de dix jours, les huit premiers tubes étaient tous atta- 
qués par les Bactéries et les champignons ubiquistes, tandis que 
les trente autres tubes sont restés parfaitement purs. 


3° Expériences avec es tissus pris dans des tubercules ou dans des 
tiges charnues. — En même temps que nous soumettions des 
graines à ces expériences, des fragments de tubercules et de tiges 
charnues étaient l'objet des mêmes recherches. 

Quinze tubes à essais, après avoir été stérilisés à 150°, ont reçu 
un peu de jus de pruneaux. Nous avions en culture des pommes 
de terre, des Cichorium Intybus, des Beta vulgaris, des Daucus 
Carota et des Allium Cepa, dont l'état de végétation indiquait la 
digestion partielle des réserves, ce dont on s'est d’ailleurs assuré 
au microscope. 

A l'aide d’un emporte-piece en laiton (comme on en emploie 

pour percer les bouchons) passé dans la flamme, des cylindres de 
tissus ont été pris dans les plantes indiquées; on les a fait glisser 
au fond des tubes à essais maintenus obliquement pendant la 
manipulation. Pour éviter les chances d'infection provenant des 
germes superficiels, les tissus corticaux avaient êté enlevés avec un 
couteau flambé ; cing tubes ont reçu des tissus de pomme de terre, 
quatre de Cichorium, deux de Beta, deux de Daucus, deux d Allium 
Cepa. : 
Tous ces tubes furent placés dans une serre à une température 
de 16 à 20° C. Au bout de dix jours, quatre étaient infectés : deux 
de pomme de terre, un de Cichorium et un d'Allium; dans les 
trois premiers, il y avait du Penicillium et dans le dernier un 
Bacillus (B. subtilis 2). 

Pour montrer que le milieu n’était pas contraire au développe- 
ment des microorganismes, trois des onze tubes restés purs ont 
reçu chacun une goutte d’eau de la ville en même temps que trois 
autres tubes furent ouverts pendant quelques minutes pour servir 
de témoins. Au bout de trois jours, les tubes avec de l'eau de la 


TOME III, 1885. 


ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 13 


ville renfermaient des végétations florissantes de Bactéries, tandis 
que les témoins étaient intacts. 

Dans les premiers jours d’avril, nous avons mis : dans douze 
tubes, moitié à jus acide et moitié à jus alcalin, des cylindres 
de tissu pris dans des tubercules de pomme de terre à pousses de 
25 à 30 centimètres; dans dix tubes, moitié acides et moitié alcalins, 
des cylindres pris dans la racine d'un Cichorium; dans quatre 
tubes alcalins, des cylindres provenant de feuilles épuisées d’un 
A gave americana venant de fleurir ; dans quatre tubes alcalins, des 
cylindres des feuilles du même Agave, mais riches en réserves; 
dans six tubes alcalins, des cylindres pris à l’intérieur d'une tige de 
Cereus coerulescens. 

L'opération s’est faite avec difficulté pour les tissus du Cereus qui, 
dépourvus de consistance, ne restaient pas dans l'emporte-pièce. 

De ces trente-six tubes, trois renfermant des cylindres de Cereus 
ont présenté des impuretés; l'examen microscopique a révélé 
la présence dans le même tube d'un petit Bacterium et d'un 
Sacchäromyces. | 

En mai, nous avons répété ces expériences en employant le 
Cereus geometrizans, dont les tissus sont plus consistants que ceux 
de Cereus coerulescens. Le Carica Papaya, dont la richesse en pep- 
sine est bien connue, ainsi que la betterave à sucre en végétation 
ont été soumis au même examen. Nous avons également pris une 
dizaine de cylindres de tissu dans la partie blanche d'un Agave 
americana à feuilles panachées ; la surface avait été désinfectée en 
plongeant la feuille dans un bain de sublimé au ‘/,. 

Dix tubes, moitié alcalins et moitié acides, ont reçu des cylindres 
de tissu de Cereus geometrizans; douze tubes, moitié alcalins et 
moitié acides, des cylindres de tissu de Carica Papaya; dix tubes, 
les uns acides, les autres alcalins, des cylindres de tissu dépourvu 
de chlorophylle d'Agave americana fol. var.; enfin dix tubes, les 
uns également acides et les autres alcalins, des cylindres de bette- 
rave à sucre. 

Il n’y a eu au bout de vingt jours aucune trace d'infection. 

Nos essais avec le Phaseolus multiflorus ont été assez nombreux, 
comme on a pu le voir. Les graines de cette espèce ne renferment 


14 


Tome III, 1885. 


E. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE 


pas de diastase avant la germination (*), mais ce ferment y apparaît 
bientôt pendant le développement de l'embryon. Comme les jeunes 
plantes n’ont été coupées qu'au moment ou la tigelle avait de 
5 à 8centimètres, on ne peut mettre en doute la production de la 


diastase pendant la germination. 


III. — CONCLUSIONS. 


Une conclusion ressort clairement de l’ensemble de ces expé- 
riences : il n’y a pas d'organismes étrangers dans les tissus végé- 


taux à l’état normal. 


NOMBRE : 
Numeros Proportion 
: , ! d’ordre lo 
SERIE D’EXPERIENCES. de de 
ans e 
tubes tubes 
chaque série. . ; tubes infectés. 
1 employés. | infectés. 
I 4 3 75 
Avec graines entières . « 2 6 I 16 2/3 
2 3 o fo) 
| I 15 3 20 
Avec graines coupees 
2 30 O O 
I 15 4 262}; 
Avec tissus de tubercules : ; 
; 2 36 3 8 */3 
et de tiges charnues. 
3 42 fe) fe) 


(1) BARANETZKY, /oc, cit., p. 14. 


Tome III, 1885. 


ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 15 


On remarquera aussi que dans les premiers essais de chaque 
série d’expériences, le nombre des tubes infectés est relativement . 
considérable, tandis qu'il va en diminuant a mesure que nous 
avons multiplié les soins dont la connaissance s’acquiert par la 
pratique. Pour qu'on puisse mieux en apprécier l'importance, 
nous avons réuni en un tableau les différents résultats obtenus 
avec les graines désinfectées et avec celles qu'on avait laissé germer 
à l’abri des êtres microscopiques de l'atmosphère. 

La production de la diastase et des autres ferments solubles est 
bien un phénomène propre au protoplasme des végétaux supé- 
rieurs comme à celui des microorganismes. Ce n’est d'ailleurs 
qu'un exemple de l'analogie qui existe entre les réactions physio- 
logiques des uns et les phénomènes de fermentation et de putré- 
faction des autres. 

Si les moyens de vivre sont les mêmes, ne nous étonnons pas 
que les mêmes causes puissent produire la cessation des mouve- 
ments vitaux. Ainsi l'acide cyanhydrique suspend la germination 
-et arrête la formation de la diastase, bien que cet agent n’entrave 
pas l’action de ce ferment sur l'empois d'amidon. 

Dans ses recherches sur l’action de l’acide cyanhydrique au 
moment de la germination des graines, M. A. Jorissen a aussi 
constaté que cet agent empêche la réduction des nitrates en 
nitrites, phénomène déjà observé par Schdnbein (*). « On sait que 
l'activité de ces organismes (les Bactéries) se manifeste fréquem- 
ment par des phénomènes de réduction, et comme dans le cas 
qui nous occupe la transformation des nitrates en nitrites ne 
se produit pas en présence de l'acide cyanhydrique, il était 
vraisemblable d'attribuer aux Bactéries la réaction observée par 
Schônbein. 

» Comme le séjour des graines dans une atmosphère d'acide 
cyanhydrique ne tue pas l'embryon, puisque ce dernier se déve- 
loppe normalement quand on soustrait la graine à l'influence de 


() Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 3° série, t. VIII, p. 551. 


Tome III, 1885. 


16 É. LAURENT. — SUR LA PRETENDUE 


l'antiseptique, il semble que les propriétés réductrices des graines 
soient indépendantes de l’activité propre de celles-ci. » 

Nous avons fait sur ce sujet diverses expériences qui confirment 
les observations de Schônbein relatives au pouvoir réducteur des 
graines en germination. Nous n'en citerons qu'une seule pour le 
moment. 

Des graines de Zea et d’Hordeum ont été plongées pendant vingt 
a trente minutes dans une solution de sublimé au ’/4.. Elles 
ont été ensuite lavées a l'eau privée de spores par l'ébullition 
répétée et nous les avons laissé germer dans un cristallisoir 
stérilisé par le sublimé et lavé ensuite avec de l’eau bouillie. 

Lorsque la radicule avait atteint une longueur de 1 centimètre, 
les graines ont été mises avec précaution dans des tubes à essais 
stérilisés a 150°; on y a ensuite versé une solution de nitrate de 
potasse au ‘/.. Cette solution avait été également soumise à l'ébul- 
lition pour la stériliser. Les tubes ont été placés dans une serre à 
une température de 25 a 30° C. 

Au bout de vingt heures, la réduction du nitrate en nitrite était 
tres nette aussi bien pour les graines de Zea que pour celles d’Hor- 
deum. 

Il est possible que M. Jorissen ait eu l'occasion de constater, 
dans ses expériences, des actions réductrices dues à des Bactéries 
anaerobies, phénomène étudié à diverses reprises dans ces dernières 
années (7). Quoi qu'il en soit, la réduction des nitrates en nitrites 
paraît être, comme la production de l'alcool, une propriété com- 
mune à certains microorganismes et aux cellules de plantes supé- 
rieures lorsque la vie se fait dans un milieu privé d'oxygène 
libre. 

Qu'il nous soit permis, en terminant, de remercier M. le profes- 
seur Léo Errera pour les conseils qu’il a bien voulu nous donner 


(1) MEUSEL, Comptes rendus, t. LXXXI, p. 533. — DEHERAIN et MAQUENNE, 
t. XCV, pp. 691, 732 et 854. — Gayon et DuPETiT, t. XCV, p. 1365 


Tome III, 1885." 


ORIGINE BACTERIENNE DE LA DIASTASE. 17 


pendant le cours de ce travail; nous tenons aussi à témoigner notre 
reconnaissance à M. le Dt Van Ermengem, qui nous a généreu- 
sement communiqué les perfectionnements apportés par lui, dans 
ces derniers temps, à la technique des Bactéries. 


Bruxelles, Laboratoire d'anatomie et de physiologie végétales 
de l’Université. 


Tome IIT, 2 


AMEN TERRE 


DE LA 


fem NIATION PANAIRE 


PAR 


É. LAURENT () 


L'usage d’ajouter à la pâte qui sert à faire le pain un peu de 
levain conservé depuis la cuisson précédente est d'origine très 
ancienne et se retrouve chez presque tous les peuples. La fermen- 
tation acquiert ainsi plus d'énergie et le pain en devient plus léger 
et plus facile à digérer. 

Bien que ce soit là une habitude presque universelle, on n'avait 
jusqu'ici que des idées très vagues sur la nature et sur le rôle du 
ferment renfermé dans le levain. Après les études de Pasteur 
sur le vinaigre, le vin et la bière, on avait le droit d'attribuer la 
fermentation panaire à un microorganisme du groupe des Levures 
ou des Bactéries. Les recherches de divers savants ont montré dans 
le levain des bâtonnets et une petite Levure appelée par Engel 
Saccharomyces minor (*). L'action de cette dernière espèce a même 
été exagérée au point d'y voir l'agent principal de la fermentation 
de la pâte. Quant aux Bactéries du levain, on ne leur a accordé 
que peu d'importance, faute de pouvoir leur attribuer des carac- 


() Ce travail a paru dans le Bulletin del’ Académie royale de Belgique, 3° série, 
t. X, n° 12, 1885. 
(2) Des ferments alcooliques, Thèse, Paris, 1872. 


Tome III, 1885. 


20 E. LAURENT. — LA BACTÉRIE 


tères spécifiques. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si un savant de 
la valeur de Duclaux affirme dans sa Microbiologie que « cette 
question importante (la fermentation panaire) est a reprendre 
depuis ses origines (*) ». 

L'étude d'une maladie du pain fréquente en Belgique m'a con- 
duit a faire un examen assez approfondi des ferments naturels du 
pain. Un seul par sa coustance et son abondance dans la pate me 
paraît devoir être considéré comme l'agent normal de la fermenta- 
tion panaire. C’est une bactérie du groupe des Bacillus et pour 
laquelle je propose le nom de Bacillus panificans. Ce qui confirme 
cette hypothèse, c’est qu'une culture pure de cette Bactérie intro- 
duite dans un peu de pâte y détermine une fermentation semblable 
a celle que produit le levain. 

Pour trouver le Bacillus panificans, il suffit de prendre un peu 
de levain quelconque de farine de froment, de seigle ou d’épeautre, 
et de le mélanger à une petite quantité d'eau dépourvue de micro- 
organismes. Dans tous mes essais, j'ai employé de l'eau filtrée sur 
un filtre Chamberland, système Pasteur, de temps en temps 
nettoyé et stérilisé à haute température. Une goutte du liquide 
agité au contact du fragment de levain est introduite dans un peu 
de gélatine de Koch, acide ou légèrement alcaline, que l'on répand 
sur une lame de verre suffisamment grande ou sur un verre de 
montre plat. Dès la fin du deuxième ou au commencement du 
troisième jour, on peut voir des colonies d’un aspect assez caracté- 
ristique. Leur contour est circulaire, à bord tout à fait entier.Vues 
par réflexion, elles sont d'un jaune de chrome très pâle ; par trans- 
parence, elles ont une teinte gris brunâtre plus ou moins accen- 
tuée au bout de quelques jours Le développement des colonies est 
très lent et on n'en voit presque jamais arriver à se toucher par les 
bords, même quand elles sont très serrées. A la température ordi- 
naire (15°), elles ne liquéfient pas la gélatine dans les cultures sur 
lames. 

Ce sont des caractères importants pour ceux qui sont habitués à 


(1) Microbiologie. (ENCYCLOPÉDIE CHIMIQUE DE FREMY, p. 585.) 


Tome III, 1885. 


DE LA FERMENTATION PANAIRE. 21 


cultiver les microbes, car ils permettent de reconnaître le Bacillus 
panificans dans un mélange de Bactéries de la putréfaction. 

Inoculé dans un tube de gélatine par une seule piqûre, ce bacille 
donne une trace bien nette, formée de colonies plus ou moins 
serrées les unes contre les autres le long de la piqüre; a la surface, 
il se développe très lentement en une grande colonie découpée sur 
les bords comme un lobe de feuille de fougère. 

Des centaines de levains reçus de diverses régions de la Belgique 
et de divers points de l'Europe ont montré constamment des bâton- 
nets assez étroits et plus ou moins longs. Un grand nombre 
d'échantillons pris au hasard ont donné par la culture sur lame de 
gélatine les colonies caractéristiques du Bacillus panificans. L’ob- 
servation est facilitée par l'addition à la préparation d’une goutte 
de solution iodée, ou par la coloration des bacilles au moyen de 
solutions aqueuses de violet de méthyle BBBBB ou de fuchsine. 

Les cultures sur gélatine solide montrent que la Bactérie du pain 
vit parfaitement au contact de l'air. Ce n'est pas toutefois une 
condition indispensable au développement de cet organisme; des 
cultures faites au laboratoire de M. Paul Gibier, à Paris, m'ont 
donné une végétation rapide dans une atmosphère raréfiée dont la 
pression était inférieure a 1 millimetre de mercure. 

Le développement se fait déjà vers 6°, se continue jusqu'à 45° en 
passant vers 33° à 34° par son optimum. Dans les premiers jours de 
la culture, on observe au microscope des bâtonnets très courts et 
très mobiles; plus tard, quand les milieux liquides s’appauvris- 
sent, il n y a plus que des bacilles allongés, et, par une température 
suffisamment élevée, ils forment un voile superficiel. On y trouve 
souvent de très longs filaments. Bientôt après apparaissent les 
spores au milieu de chaque article, et elles ne tardent pas à tomber 
au fond du liquide. 

Les spores du Bacillus ane ne sont tuées qu'à la tempéra- 
ture de 100° prolongée pendant plus de dix minutes. Les bâtonnets 
sans spores résistent aussi à des températures assez élevées ; il est 
certain qu'ils survivent à la cuisson du pain lorsqu'ils se trouvent 
à la profondeur de plus de 7 ou 8 millimètres dans la mie. Cela n’a 
rien d'étonnant puisque, d'après mes recherches, la température 
interne du pain dans le four n’atteint pas ordinairement 100°. 


Tome III, 1885. 


22 É. LAURENT. — LA BACTERIE 


Van Ermengem, dans ses études sur le choléra, a fait la même 
constatation (*). 

Au point de vue chimique, le Bacillus panificans rend facilement 
soluble le gluten de la pâte; il réussit à se développer aux dépens 
de l’amidon cuit dans un milieu qui n'est pas trop acide; on peut 
le cultiver aussi dans des solutions minérales additionnées de 
saccharose. 

Cette triple action est remarquable sous le rapport de la phy- 
siologie humaine. Dans 1 gramme de pain, il y a un nombre 
immense de bacilles du pain; j'en ai compté dans certains cas plus 
de 500,000. Ils ne sont pas détruits dans l'estomac, car des spores 
et des bâtonnets ont résisté à vingt heures de submersion dans du 
suc gastrique artificiel. Les bacilles introduits avec le pain dans 
le tube digestif de l’homme y trouvent un milieu extrèmement 
riche en matières albuminoïdes et en amidon cuit. Grâce à leurs 
propriétés d'être à la fois aérobies et anaérobies, de pouvoir vivre 
dans des milieux alcalins ou acides, ils doivent contribuer pour 
quelque chose à la digestion intestinale. Ce que je puis affirmer 
dès maintenant, c'est que le Bacillus panificans pullule réellement 
dans les selles. 

D'après une citation de Cornil et Babes, Bienstock paraît avoir 
signalé cette bactérie (*). Le n° 3 des bacilles des selles étudiées 
par ce savant se développe très lentement dans les cultures sur 
lames de gélatine, et la colonie n'atteint que 2 millimetres au bout 
de deux semaines. Examinée avec un puissant objectif, on peut 
distinguer la forme allongée de la bactérie, sinon on croirait 
voir un Micrococcus. Bienstock ne lui suppose aucun rôle dans la 
digestion. 

Le Bacillus panificans présente précisément ce caractère qui mé- 
rite d'attirer l'attention des bactériologues : il a une forme presque 
sphérique quand on le cultive sur gélatine solide. 

L'origine du bacille du pain est bien intéressante. Chicandard, 


(1) Recherches sur le microbe du choléra asiatique. (ANN. DE LA SOC. BELGE DE 
MICROSC., t. X, p. 246.) 
(2) Cornit et BABES, Les Bactéries, p. 125. 


Tome III, 1885. 


DE LA FERMENTATION PANAIRE. 2 


qui a fait une bonne étude chimique de la fermentation panaire, 
avait été frappé de voir des bâtonnets dans la pâte (*). Il leur avait 
attribué une origine merveilleuse. 

Les matières albuminoïdes provenant des cellules végétales 
détruites se seraient organisées en êtres vivants de la forme la plus 
simple (Microzyma) pour évoluer ensuite dans la pâte en forme de 
Bacillus. 

Cette genèse spontanée d'êtres vivants a eu quelques autres par- 
tisans que j'ai cités dans une note publiée au Bulletin de l'Aca- 
démie (*). Il est facile d'établir que ces observations n'ont pu 
résister jusqu'ici à une critique approfondie. 

Aussi ai-je préféré m'inspirer des anciennes recherches de 
Pasteur sur la dispersion des germes de Saccharomyces à la sur- 
face des grains de raisin employés pour faire le vin. J'ai pris dans 
les champs éloignés de toute habitation des épis de froment, de 
seigle et d’orge, que j'ai mis isolément dans des tubes à essais sté- 
rilisés à haute température et bouchés par des tampons d’ouate. 
Un peu d'eau filtrée d’après le système Pasteur a été agitée au 
contact de l'épi. Quelques gouttes ajoutées à de la gélatine nutri- 
tive ont donné des colonies du Bacille du pain. 

Voilà donc une bactérie qui, sur presque toute la terre, est pro- 
bablement déposée par le vent à la surface des épis du froment, 
du seigle, de l'orge, de l'épeautre et peut-être d'autres plantes. 
Vraisemblablement, cette espèce est extrêmement répandue dans 
la nature et doit avoir une grande part dans les phénomènes de 
putréfaction. 

J'ai analysé les bactéries de nombreux échantillons de son et de 
farine de froment et de seigle. Toujours j'y ai retrouvé par la 
culture les caractères du Bacillus panificans. 

Le nombre de bacilles est plus grand dans le son et dans la farine 
non blutée que dans les farines pures. Cette remarque est bien en 
rapport avec l'origine superficielle des germes sur les grains. 


(*) Moniteur scientifique de Quesneville, 1883, p. 927. 

(2) Sur la prétendue origine bactérienne de la diastase. (BULL. DE L’ ACAD. ROY. DE 
BELGIQUE. 3° série, t. X, n° 7.) Réimprimé plus haut, dans le tome III du 
Recueil de l'Institut botanique. 


Tome III, 1885. 


24 E. LAURENT. — LA BACTERIE 


La présence des germes du Bacillus pantficans dans le son et dans 
la farine explique certains faits pratiques assez intéressants. Lorsque 
dans les fermes on fait avec un mélange de son et de farine de 
seigle, ou avec l'une de ces matières seulement, une sorte de pâte 
grossière que l'on donne aux animaux domestiques, il y a augmen- 
tation de volume au bout de quelques heures. 

En Hongrie, on prépare un levain en jetant du son dans une 
infusion de son, de froment et de houblon. 

Enfin nos ménagères des campagnes belges, lorsqu'elles n’ont 
pas de levain, font une pâte molle avec de la farine mélangée à de 
l'eau tiède; le tout, mis dans un endroit chaud, donne au bout de 
douze heures environ une fermentation très marquée et peut être 
utilisé en guise de levain conservé. 

Comme on le voit, on peut obtenir une fermentation panaire 
spontanée de la même façon que les moûts de raisin et de bière 
fermentent sans addition de levure. 

Le pétrissage a pour but de répartir dans la pâte aussi également 
que possible les bacilles, l'eau et en même temps lair, afin d’assurer 
une fermentation régulière. 

Dans la pâte, le Bacillus se nourrit des albuminoïdes solubles et 
insolubles ainsi que des sucres déjà assimilables; je ne crois pas 
quil y attaque l’amidon cru dans les cas normaux de fermentation. 
Il produit notamment de l'acide carbonique qui s’accumule dans 
les méats formés par suite de la résistance du gluten. C’est là le 
phénomène le plus apparent de la fermentation panaire. Il se forme 
en même temps divers corps parmi lesquels je signale, d’après 
Chicandard (*), les acides acétique, butyrique et lactique. Ce 
sont ces derniers corps qui donnent au levain son acidité bien 
connue. 

Si le Bacillus panificans ne paraît pas pouvoir attaquer l'amidon 
cru, il n’en est pas toujours ainsi après la cuisson. L'action de cette 
bactérie peut même devenir alors tellement énergique que la mie 
de pain se transforme en une masse de consistance très visqueuse. 
On a dans ce cas la maladie du pain visqueux ou du pain qui file. 


() Moniteur scientifique de Quesneville, 1883, p. 933. 


Tome III, 1885. 


DE LA FERMENTATION PANAIRE. 


to 
A 


Jen ai fait l'objet d'un travail que je soumettrai dans quelque 
temps au jugement de l'Académie. Je me bornerai ici à un aperçu 
rapide. 

Pendant les mois les plus chauds de l'année, de juin à septembre, 
il arrive souvent que le pain préparé dans les ménages de la cam- 
pagne subisse des transformations d'une nature toute spéciale. Deux 
ou trois jours après la cuisson, il répand une odeur putride; con- 
sommé alors, il a un goût sucré qui ne déplaît pas. Peu de temps 
après, l'odeur devient plus forte et ne tarde pas à rappeler celle 
des matières albuminoïdes en décomposition. Un couteau intro- 
duit dans la mie se couvre d'une matière gluante qui se détache 
difficilement. Si l'on enfonce le doigt dans la partie centrale de la 
mie et qu'on le retire lentement, il entraîne des lambeaux qui 
prennent la forme de filaments analogues à ceux que donne la 
colle forte. 

Le pain malade ne peut plus être consommé. Les pertes qui en 
résultent sont élevées et elles frappent surtout les populations 
laborieuses des localités où la consommation du pain de boulanger 
est encore très restreinte. 

Déjà en 1884, des préparations de pain visqueux m'avaient 
montré des myriades de bacilles. L'époque était alors trop avancée 
pour en entreprendre l’étud:; les matériaux suffisants me faisaient 
défaut. 

Encouragé par M. le professeur Léo Errera, j'ai eu soin de 
rechercher des échantillons de pain visqueux dès le commence- 
ment de juin de cette année (1885). Voici les résultats généraux 
obtenus à la suite de longues recherches exécutées au laboratoire 
de physiologie végétale de l'Université de Bruxelles et au labora- 
toire de pathologie de M. Paul Gibier, aide-naturaliste au Muséum 
de Paris : 

i° La bactérie du pain visqueux est le Bacillus pantficans ; 

2° Le pain visqueux ne se produit pas quand on porte du pain 
pendant quinze minutes à 100° ou quand on imbibe de la mie avec 
une solution à 1 °/,, de sublimé corrosif; 

3° Il en est de même quand le pain est suffisamment acide; 

4° Il suffit d’alcaliniser légèrement du pain quelconque pour le 
voir devenir visqueux en moins de quarante-huit heures à 35°; 


Tome III, 1885. 


26 É. LAURENT. — LA BACTERIE 


5° Cette transformation est surtout trés rapide entre 30° et 45°, 
mais elle commence a une température d'autant plus basse que le 
pain est moins acide et plus humide; 

6° La matière visqueuse, qui me paraît être de l’érythrodex- 
trine, semble devenir plus abondante au moment où les albumi- 
noïdes du pain sont en grande partie épuisés. La multiplication 
des bacilles cesse et les spores apparaissent dans la plupart des 
batonnets. [| suffit alors d’ajouter une solution minérale azotée (du 
nitrate d’ammoniaque) pour faire germer les spores et provoquer 
une consommation de la matiére visqueuse par les bacilles. 

Le pain visqueux est done produit par le Bacillus panificans 
lorsque la mie est insuffisamment acide. Des calculs acidimétriques 
précis ont confirmé mes observations. 

Mes travaux de laboratoire ont été suivis d’expériences en grand 
exécutées par des personnes dont le pain devenait visqueux sous 
l'influence de la haute température de été dernier. On a fait des 
pâtes avec les mêmes farines qui avaient donné quelques jours 
auparavant du pain visqueux; les procédés de préparation furent 
identiques, sauf que l'on ajouta une quantité de vinaigre du com- 
merce variant entre 1 et 2 litres par 100 kilogrammes de farine, 
selon l'acidité du vinaigre et la nature de la farine. J'ai observe, 
par exemple, que les farines qui ont déjà fermenté dans les maga- 
sins donnent souvent en été du pain visqueux. Je n'ai pas eu le 
temps jusqu'ici d'approfondir ce dernier point, mais je suis 
convaincu qu'il s'agit là d'une altération de l'acidité normale des 
farines. Le pain acidulé comme je l’ai indiqué n'est jamais devenu 
visqueux. 

Les idées que je viens d'émettre sur la panification me permet- 
tent d’entrevoir la possibilité de tirer un meilleur parti des farines 
avariées (=). 


(1) Pendant l'impression, j'ai vu que Zopf (SCHENK, Æandbuch, p. 90) a 
indiqué un Bacillus (Bacterium) dysodes qui produit une altération du pain, 
mais pour lequel il ne signale aucun rapport avec la panification normale. Je me 
propose d'étudier plus tard si ce bacille est le même que celui dont il est ques- 
tion dans ce travail. 


ToME III, 1885. 


DE LA FERMENTATION PANAIRE. 


to 
| 


Voici le résumé succinct des faits principaux énoncés dans cette 
note : 


I. Il y aa la surface des grains de froment, de seigle et d'autres 
céréales les germes d'un Bacillus qui par la mouture passe dans la 
farine; 


IT. Ce Bacillus se développe normalement dans la pâte et y dégage 
de l'acide carbonique qui la fait lever ; 


III. [1 donne dans les cultures sur gélatine nutritive des colonies 
suffisamment caractéristiques pour le distinguer des autres ba- 
cilles. Je lui donne le nom de Bacillus panificans ; 


IV. Le Bacillus panificans est aérobie et anaérobie; 


V. Il rend solubles les albuminoïdes et principalement le gluten; 
il peut se nourrir de saccharose et. dans un milieu faiblement 
acide, d’amidon cuit; 


VI. Il résiste a la cuisson lorsqu'il se trouve dans la mie a une 
profondeur supérieure a 7 ou 8 millimetres; 


VII. Il abonde dans le pain consommé et on le retrouve en quan- 
tité très grande dans les selles: 


VIII. Le bacille du pain, après la cuisson, peut attaquer l'amidon 
dans un milieu insuffisamment acide: il le transforme en une ma- 
tière analogue à l'érythrodextrine. C’est le processus de la produc- 
tion du pain visqueux; 

IX. L’addition d'une quantité suffisante d'un acide organique 


empéche la formation du pain visqueux. 


Bruxelles, Laboratoire d’anatomie et de physiologie végétales 
de l’Université. 


| Fe he) 


Pee ROBES DU SOL 


RECHERCHES EXPERIMENTALES 


SUR LEUR UTILITE POUR 


LA CROISSANCE DES VEGETAUX SUPERIEURS 


É. LAURENT (') 


Les agriculteurs ont cru pendant des siécles que les matiéres 
organiques du sol servent directement à l’alimentation des plantes 
cultivées. Dans cette hypothèse, l'humus était considéré comme 
une réserve nutritive dans laquelle les racines pouvaient puiser en 
toute liberté. 

Liebig fut le premier à affirmer que la nourriture de nos plantes 
cultivées est essentiellement minérale; que, par conséquent, les 
débris organiques du sol doivent être réduits en composés plus 
simples, inorganiques, avant d'être utilisés par la plante verte. 

On sait combien fut féconde cette théorie du grand chimiste alle- 
mand : elle renversa les anciennes idées sur la jachere, l'assole- 
ment et sur d'autres pratiques agricoles ; elle eut comme corollaire 
l'emploi des engrais chimiques en agriculture. 

Pendant bien des années, l'humus fut un peu oublié, sacrifié a 
la doctrine nouvelle. Il n'y a pas si longtemps qu'il attira de nou- 


(:) Ce travail a paru dans le Bulletin de 1’ Académie royale de Belgique, 3° série, 
t. XI, n° 2, 1886. 


Tome III, 1886. 


30 É. LAURENT. 


veau l'attention des chimistes, préoccupés de connaître les trans- 
formations que subit la matière organique dans la terre arable. 

Une découverte capitale due à Schloesing et Muntz (*) fit entre- 
voir la grande importance des réactions qui s’accomplissent dans 
le sol. Grâce aux travaux de ces chimistes, complétés par ceux de 
Warington (’), la nitrification est aujourd’hui bien connue. Sous 
l'action de certains microorganismes du sol, désignés par le terme 
un peu général de Micrococcus nitrificans, il se produit des nitrates 
dans les sols riches en débris d'origine organique. 

L'interprétation de ce phénomène a remis en relief le rôle de 
l'humus et a donné une première notion des services que les bac- 
téries du sol rendent à la végétation. L'étude de ces microorga- 
nismes n'a pas encore été entreprise d'une façon méthodique; il est 
a souhaiter que pareil travail se fasse, car il permettrait de 
résoudre bien des questions encore mal. comprises de chimie 
agricole. 

Dans ces dernières années, divers microbiologistes ont pensé, 
avec raison, que les Bactéries jouent un grand rôle dans le sol 
cultivé en détruisant les matières organiques pour les rendre 
absorbables par les racines. Ces vues a priori ont toutefois provoqué 
jusqu'ici peu de recherches expérimentales. En dehors de celles de 
Schloesing et Muntz, de Warington, on ne peut guère citer que 
l'expérience de Duclaux sur l'impossibilité où est la racine des 
plantes de digérer des corps organiques (°). 

Ce savant a pris des haricots et des pois qu'il a fait germer dans 
un sol arrosé avec du lait, du sucre candi et de l’empois d'amidon, 
mais privé de bactéries. Ces matières sont restées intactes et les 
plantes n'ont pu les utiliser faute de pouvoir sécréter des ferments 
solubles adaptés à la digestion nécessaire. Cette expérience n'est 
pas des plus concluantes, à cause de la nature assez insolite des 
matières mises à la disposition des racines des plantes. 


(:) Comptes rendus, t. LXXXIV, p. 301; t. LXXXIX, pp. 891 et 1074. 

(2) Journal of the Chemical Society, 1878, p. 44: 1879, p. 429. — Chemical News, 
XV D 42050. LV ap 82075 

(3) Comptes rendus, t. C, p. 66. 


Tome III, 1886. 


LES MICROBES DU SOL. 


31 


Le jour où la communication de Duclaux fut faite à l'Aca- 


démie des sciences de Paris, Pasteur émit 
l'idée de nourrir entièrement un animal en 
le soustrayant à l'action des microbes. La cul- 
ture des plantes vertes dans de l'humus privé 
de bactéries me parut mériter aussi un essai, 
et je me promis de l’exécuter pendant l'été. 


Préparation des pots de culture. 


Apres avoir examiné avec M. le professeur 
Léo Errera les conditions de l'expérience pro- 


jetée, je fis fabriquer des pots en terre d’un ‘ 


modèle tout particulier. Ils ont la forme ordi- 
naire des pots a fleurs, avec cette différence 
que le rebord supérieur présente une entaille 
circulaire pour recevoir un couvercle. Celui- 
ci est, comme la paroi des pots, épais d'envi- 
ron 1 centimetre; il est percé de cing trous 
circulaires, dont trois (fig. 1 et 2,a et b) de 
4 centimètres de diamètre et deux (c) de 2 cen- 
timètres. L'une des premières ouvertures (a) 
est centrale et doit donner passage aux tiges 
des plantes, les ceux autres (b) servent a 
l'aération de la terre du pot; quant aux deux 
trous plus petits, ils sont destinés aux arro- 
sements. Tous les pots, d'égales dimensions, 
ont 18 centimètres de profondeur, 18 centi- 
mètres de diamètre à l’ouverture supérieure 
et 12 centimètres au fond. 


Du terreau provenant de fumier de ferme décompose est grossié- 
rement tamisé pour le priver des parties les plus massives, diffi- 
ciles à stériliser. Dans la partie qui a passé au tamis, il y avait 
principalement des tiges de céréales plus ou moins recouvertes de 
cette matière d'un brun noir qui constitue l'humus du fumier de 


ferme. 


Tomer III, 1886. 


32 E. LAURENT. 


Des quantités énormes de bactéries se rencontrent dans la 
moindre parcelle de cet humus. 

Une partie du terreau tamisé est portée pendant quatre heures 
à 140° dans une étuve peu profonde, de façon à obtenir dans toute 
la masse une température régulière. 

Toutes les spores du sol sont tuées par ce traitement, comme je 
m'en suis assuré par divers essais dans des moûts stérilisés ou dans 
la gélatine peptonifiée. 

Chaque pot est renversé au-dessus d'un fort bec de Bunsen 
jusqu'à ce que les parois aient pris la teinte de la terre à briques 
recuite. La température élevée a détruit tout germe qui se serait 
trouvé sur les parois. Les tessons (fragments de pots) que les jardi- 
niers ont l'habitude de mettre au fond des pots pour en assurer le 
drainage sont aussi fortement chauffés en les passant plusieurs fois 
dans la flamme du chalumeau oxyhydrique. 

Avant d’étre refroidi, chaque pot est porté sur une assiette ste- 
rilisée placée sous une cloche également stérilisée, et les tessons sont 
jetés directement au fond du pot. Le couvercle est également stéri- 
lisé a la flamme du chalumeau. Les deux ouvertures (b) pour 
l’aération sont fermées avec de lVouate stérilisée et dans chacune 
des deux ouvertures (c), laissées pour l'introduction de l'eau, on 
ajuste un bouchon auquel est adapté un tube de verre coudé 
pourvu d’un tampon d’ouate. Bouchons et tubes ont séjourné plus 
d’une heure dans l’eau bouillante. 

Les pots sont alors prêts à recevoir le terreau. 

Cette opération se fait par un temps calme dans une atmosphère 
renfermant peu de germes. J'ai soin de me laver les mains au 
sublimé et a l'eau stérilisée. Le terreau ne remplit pas complete- 
ment l'intérieur du pot il reste sous le couvercle un espace libre 
d'environ 3 centimètres, afin d'empêcher le contact de la terre et 
des tampons d’ouate. Aussitôt le couvercle remis, il est soudé au 
bord du pot au moyen de plâtre stérilisé coulé sur un peu d’ouate 
roussie introduite dans l'intervalle à fermer. Du plâtre est en mème 
temps versé sur la surface des bouchons de liège pour en assurer 
la fermeture hermétique. 

Le terreau stérilisé, complètement desséché par la chaleur, doit 
être mouillé avant de servir à la culture des plantes. Les jardiniers 


Tome III, 1886 


LES MICROBES DU SOL. 33 


savent qu’il est bien difficile de faire pénétrer l’eau dans une masse 
de terreau qui a perdu presque toute son eau d’imbibition. Force 
est de laisser la terre stérilisée au contact de l’eau pendant un cer- 
tain temps sans permettre l’introduction de germes. Pour atteindre 
ce résultat,chaque pot fermé avec du plâtre ainsi qu'il a été dit plus 
haut, est remis sur une assiette stérilisée et recouvert d'une cloche. 
Je soulève légèrement la cloche et à l’aide d'une pissette j’introduis 
de l’eau stérilisée au filtre Chamberland; la plus grande partie de 
cette eau parvient rapidement au fond du pot et se dépose sur 
l'assiette. La paroi du pot et son contenu s’en imbibent lentement 
et il suffit en général d'un second arrosement pratiqué le deuxième 
jour pour ramener le terreau au degré d'humidité convenable. Un 
coup d’œil jeté par les ouvertures d'aération, dont j'enlève l’ouate 
un instant, permet de s’en assurer à la teinte de la terre. 

Sept pots sont préparés comme je viens de le décrire. J'en ai trois 
dans lesquels je compte cultiver des plantes sans microorganismes 
du sol; deux autres, stérilisés avec les mêmes soins que ces pre- 
miers, sont inoculés avec des bactéries du sol obtenues en faisant 
passer un peu d’eau sur du terreau; enfin les deux derniers, privés 
aussi de bactéries, devaient recevoir plus tard un supplément de 
nourriture constitué par des solutions minérales nutritives. Afin 
d'avoir un point de comparaison, j'ajoute a ces pots deux autres 
remplis de terreau ordinaire, fermés aussi au moyen d'un cou- 
vercle avec plâtre. 

J'aurai donc quatre séries de plantes en expérience : 

1° Dans du terreau naturel; 

2° Dans du terreau stérilisé, puis inoculé avec des bactéries du 
sol ; 

3° Dans du terreau stérilisé; 

4° Dans du terreau stérilisé avec addition d'engrais chimiques. 

La deuxième série est mise en expérience pour s'assurer que la 
haute température à laquelle le terreau a été porté ne le rend pas 
inapte à la nourriture des plantes. Il suffit pour cela d’établir qu'en 
lui inoculant des bactéries du sol, on lui fait reprendre peu à peu 
ses propriétés alimentaires. On peut donc s'attendre à voir les 
plantes de la deuxième série, inférieures d’abord à celles de la pre- 

Tome IIL. 3 


ToME III, 1886. 


34 É. LAURENT. 


mière, regagner graduellement la distance perdue. Et c'est ce qui 
est arrivé. 

La troisième série, comparée à la deuxième, montrera la part 
qui revient aux bactéries dans la préparation de la nourriture 
souterraine des plantes. Quant à la quatrième série, elle réalisera 
artificiellement l’action naturelle des bactéries du sol. 


Culture des plantes. 


Pendant que le terreau subissait la préparation que je viens 
d'exposer, des graines de sarrasin (Kagopyrum) ont été stérilisées 
par un bain de vingt minutes dans une solution de sublime au NE 
(20 juillet 1885). On les a ensuite laissées germer dans un cristalli- 
soir au préalable stérilisé; pour maintenir l'atmosphère humide, 
je fermais le cristallisoir par une lame de verre portant à la face 
inférieure un morceau de papier à filtrer légèrement imbibé d’eau 
stérilisce. 

Le 25 juillet, au moment ou les radicules commencent a poindre, 
je laisse tomber cinq graines dans l’ouverture centrale des pots, 
jusqu'ici bouchée avec de l’ouate. Les graines sont de volume aussi 
égal que possible; pour les prendre, je me sers de pincettes passées 
dans la flamme. L'ouverture (4) est aussitôt fermée avec un verre de 
montre et par surcroît de précaution j'y ajoute encore une cloche. 

Les neuf pots sont portés le 27 juillet dans une serre à double 
versant, mise obligeamment à ma disposition par M. Lubbers; les 
conditions de chaleur et de lumière sont aussi égales que possible. 
Chaque pot repose sur deux briques séparées par un intervalle de 
quelques centimètres; par cette disposition, les vers de terre ne 
peuvent pénétrer par l'ouverture du fond qui sert à l'écoulement 
de l’eau en excès. M. Pasteur a, en effet, attiré l'attention sur le 
rôle des vers de terre dans la dispersion des germes des bactéries. 

Lorsque les tigelles ont donné trois ou quatre feuilles, deux sont 
sacrifiées de manière à conserver dans chaque pot trois plantes de 
même taille. Dans deux des pots, deux plantes seulement sont 
conservées, les autres étant trop délicates. 

Dès que les tiges ont dépassé de quelques centimètres le niveau 
du couvercle, elles sont entourées d'ouate de façon à fermer l'ou- 


Tome III, 1886. 


LES MICROBES DU SOL. 35 


verture centrale. Les cloches qui protégeaient les plantes devien- 
nent alors inutiles. Cependant, pour éviter la chute de gouttelettes 
d’eau sur les tampons d’ouate appliqués aux ouvertures d'aéra- 
tion (b), ils sont recouverts de capuchons en papier assez fort et 
non collé. De cette facon, l’ouate reste séche et stérile. 

Il y a donc en culture 25 pieds de sarrasin répartis entre neuf 
pots. Chaque jour, a deux reprises, l'état des pots est observé. Un 
dixième pot, pourvu d’un couvercle non soudé avec du plâtre, in- 
dique approximativement la quantité d’eau nécessaire. Tout en 
distribuant l'eau aussi régulièrement que possible, j'ai soin d'en 
donner un peu plus aux plantes qui, par leur plus grand dévelop- 
pement, annoncent une transpiration plus active. De temps à autre, 
je soulève également le tampon d'ouate des pots faisant partie des 
deux premières séries afin de juger directement de l’état de la terre. 

L’eau employée pour les arrosements est stérilisée par le filtre 
Chamberland et renfermée dans des pissettes pourvues d’une tubu- 
lure effilée; celle-ci peut être introduite pour l'arrosage dans les 
tubes coudés adaptés aux pots. Le petit tampon d’ouate de ces 
tubes est remis, aussitôt l'arrosement terminé. 

Pendant les journées chaudes, les parois des pots ainsi que les 
environs immédiats sont fréquemment aspergés avec de l'eau afin 
d'éviter la dessiccation trop rapide de la terre des pots et l’aridité 
de l’atmosphère. 

Des différences bien sensibles n'ont pas tardé à se montrer entre 
les diverses séries de plantes. Dès les premiers temps après la ger- 
mination, les plantes des séries 1 et 2 ont pris une avance assez 
marquée sur celles des deux autres séries. 

A partir du 15 août, c’est-à-dire au moment de l’épuisement des 
cotylédons, les plantes de la quatrième scrie sont arrosées deux 
fois par semaine avec une solution composée de : 


ASIE MISES EME ETES ese 925 grammes. 
Mitrate de potassium® . ©: . . . . 30 — 
Orthophosphate tricalcique . . . . 15 — 
RE ie Glen 21-02. wy fs 15 — 
oulate dé magnésium : . ..- = : 15 = 


SHMALENGEHICE 5 ssn HU ht Ju traces. 


Tome Ili, 1886. 


36 É. LAURENT. 


L'état des plantes a été examiné à diverses époques de la crois- 


sance. 
Je copie mes notes prises le 28 août 1885. 


Ports I et II. — Dans chacun, trois plantes très robustes, entre- 

ve série . . 4 nœuds normaux; feuilles grandes, vertes; grappes florales 
| bien fournies. 

Por III. — Trois plantes dont une est restée plus faible, tiges 


robustes, un peu moins élevées que les plantes des pots I 
et IL; feuilles grandes, vertes; grappes bien fournies. 


2e série 
Por IV. - Trois plantes dont une tige très robuste et deux 
moins fortes ; feuilles grandes, vertes; grappes bien fournies. 
Por V. — Deux plantes, tiges grêles, entrenœuds allongés; 
feuilles petites, jaunâtres; grappes peu fournies. 
3° série . . 4 Pors VI et VII. — Dans chacun, trois plantes, tiges petites et 


grêles, entrenœuds allongés; feuilles peu nombreuses, jau- 
natres; grappes peu fournies. 


Por VIII. - Trois plantes, qui sont devenues plus robustes à 
partir de l’arrosage avec la solution chimique indiquée pius 
haut; feuilles moyennes, d’un vert sombre; grappes bien 

AciSérie |... = JONIOUENIES 

Por IX. — Deux plantes, ont souffert dans les premiers temps 
de la plantation; cotylédons petits, feuilles moyennes, d’un 
vert sombre. 


Dans le tableau [, j'ai indiqué le nombre des feuilles (outre les 
cotylédons) que portaient les différentes plantes à la date du 
28 août 1885 (:). 


(‘) Les plantes de la quatrième série sont restées souffrantes pendant tout le 
mois d'août, bien que j'aie donné la solution minérale à partir du 15 de ce mois. 
J'attribue le peu d’action des engrais chimiques, dans les premiers temps, à 
l’époque relativement tardive de leur emploi : j'avais attendu l'épuisement des 
réserves. Mais avant ce moment, les racines doivent absorber dans la terre des 
matières minérales, qui n’ont pas été fournies dans le terreau sans microbes. 
Cette remarque peut avoir son importance dans la grande culture lorsqu'il s’agit 
de fixer le moment le plus propice pour l'emploi d’un engrais chimique. 


Tome III, 1886. 


LES MICROBES DU SOL. 37 


TABLEAU I. 


ls 2 14 8 5 
Vitec. II 10 6 
Pise 8 7 3 
IV - 7 6 5 
UN - 5 5 

VI 3 2 4 
VED 5 3 2 
VIII. 6 5 4 
1X s 5 3 


Le 11 septembre, le nombre des feuilles de chaque plante a de 
nouveau été noté (tableau II). 


TABLEAU II. 


Tome III. 1886. 


38 E. LAURENT. 


La comparaison des tableaux I et II montre que les plantes de la 
deuxième série, dont la végétation ne paraissait pas le 28 août dif- 
férer beaucoup de la troisième série, n’ont pas tardé à croître avec 
plus de vigueur. Cette influence un peu tardive se comprend aisé- 
ment si l'on se représente la multiplication graduelle des bactéries 
inoculées dans la masse de terreau. 

La floraison n'est pas moins intéressante à suivre dans les 
diverses séries que le développement de l'appareil végétatif. Les 
premières fleurs se sont montrées le 17 août sur I et II, le 20 sur 
III et IV, le 28 sur VIII et seulement le 30 sur V. Les grappes sont 
grandes, bien ramifiées sur les plantes cultivées dans du terreau 
riche en bactéries; elles sont moins belles sur les plantes nourries 
avec des engrais chimiques. Quant aux pieds de la troisième série, 
les grappes en étaient courtes et peu ramifiées; les enveloppes 
florales même n'étaient pas sans paraître quelque peu réduites. 

Le tableau III indique le nombre des fleurs comptées jusqu'au 
13 septembre, époque où les derniers boutons commengaient a 
s'ouvrir. 

Les colonnes de même ordre représentent les mêmes plantes 
dans tous les tableaux. 


TABLEAU III. 


Tome III, 1886. 


= 


LES MICROBES DU SOL. 39 


Le 29 septembre, la floraison est terminée; les fruits sont en voie 
de formation et une bonne partie ont déjà atteint l'époque de 
maturité. Comme je devais quitter Bruxelles dans les premiers 
jours d'octobre, j'ai compté le nombre des fruits mûrs sur chaque 
plante en y ajoutant ceux qui étaient sur le point d'atteindre leur 
entier développement (tableau IV). L'erreur qui a pu résulter de 
ce mode de calcul est faible et peut être négligée, puisqu'elle s’ap- 
plique uniformément à toutes les séries. 

Vers la mi-septembre, un vent violent s'était fait sentir dans la 
serre, dont les ventilateurs n'avaient pas été fermés. Plusieurs 
plantes ont été renversées et quelques-unes n’ont pas survécu à 
cet accident. 


TABLEAU IV. 


À Mie ee CRE DRE OO 138 89 57 

M 246 5 ec Ce MERE 144 plante morte | plante morte 
Pees hie Ant 137 95 61 

IV 133 92 68 

V 36 14 

VI 29 24 23 
WLS" aie ER CAR AE 26 25 II 
UNE oh ge Coe ae PER e 83 79 plante morte 
IX 64 4I 


Afin de mieux faire ressortir les differences que présentent les 
plantes des diverses séries, j'ai calculé, par plante, le nombre 
moyen des feuilles le 28 août et le 11 septembre, des fleurs et des 
fruits. Ces moyennes sont réunies dans le tableau V. 


ToME III, 1886. 


40 E. LAURENT. 
TABLEAU V. 
NOMBRE 
de feuilles de feuilles de fleurs de fruits 
le le jusqu’au le 


28 août. |11 septembre.|13 septembre.|29 septembre. 


1re série . . . 9 15 126.33 94.0- (1) 
D VETS es 5 1 LE 6 13.17 128 96 

RO ete sie 3.62 6.62 58 2385 
AOVSETIE\, © 1 2 4.6 10 88.4 66.75 


A l’aide de ces moyennes, j'ai dessiné la figure 3 dans laquelle la 
relation qui existe entre les diverses séries est représentée graphi- 
quement. En réunissant Jes points qui se rapportent a chacune 
d’elles, on a des lignes brisées dont la comparaison permet de saisir 
rapidement les phases de la végétation dans chaque série. 

A tous les points de vue, la troisième série est très inférieure aux 
autres. Il est remarquable que la deuxième série ait donné un peu 
plus de fleurs et de fruits que la première, qui a cependant été 
cultivée dans du terreau naturel. 

Les chiffres consignés dans les cinq tableaux ci-dessus montrent 
a l'évidence que l'action des microbes est des plus utiles dans la 
terre arable, riche en détritus organiques. Et n'oublions pas, en 
envisageant ces résultats, que les plantes cultivees dans le terreau 
privé de bactéries ont encore profité des matières minérales 
produites par ces microbes avant la stérilisation. 

Il n'est plus permis de négliger l'importance des microorga- 
nismes du sol dans l'alimentation des plantes pour lesquelles l'acide 
carbonique et les matières minérales constituent la nourriture prin- 
cipale. 


(:) Moyenne du pot I. 


Tomr III. 1886. 


LES MICROBES DU SOL, 41 


Désormais, la chimie agricole aura à s'occuper des propriétés 
biologiques des bactéries du sol. Nous ne pouvons encore entre- 
voir les découvertes a faire dans cette voie, qui a été si féconde 
pour la chimie organique générale. Tout permet de présumer que 
bien des faits observés par les agriculteurs, difficiles à accorder avec 
les théories actuelles, pourront ainsi recevoir leur véritable inter- 
prétation scientifique. 


Fig. 3. 

26 
95 
24 
23 
HR EM 2 

21 

eee 
eT ae a 
Bay) aa eee 
wi 18 
7] M 
16 
15 
14 
NI 

13 
12 

11 
10 
17° série - - 9 
8 
7 
2me série : - 6 
5 
AUST Serie? -e- 4 
gme série’. 5 
3 

4 

2 5e See gee go 

27 us a3 2 = un = Bw 

RE bas Sf Beak 

Z ov Zz v © AT > Ze > 

cS = gs CES 


L'assimilation du carbone par les plantes vertes est actuellement 


ee 
1 div.=r feuille 


\ 


‘Tome III, 1886. 


42 É. LAURENT. — LES MICROBES DU SOL. 


la seule cause connue de production de matiére organique. Elles 
peuvent, lorsque leur alimentation est exclusivement minérale 
(plantes cultivées dans des solutions nutritives), vivre indépen- 
damment des autres êtres vivants. Toutefois la quantité de matières 
assimilables qui renferment du phosphore, de la potasse et surtout 
de l'azote et qui sont à la disposition de la vie végétale à la surface 
du globe, est limitée, et les générations successives sont obligées de 
vivre les unes aux dépens des détritus des autres. Mais la plante 
verte est incapable de s’assimiler directement les débris de ses 
pareilles qui viennent de mourir. Il faut ici l’intervention des 
microorganismes du sol qui vont précisément puiser leur carbone 
dans les restes des végétations disparues. 

Une telle dépendance, une mutualité si utile et si simple à com- 
prendre peut être comparée à la symbiose des Algues et des Cham- 
pignons dans les Lichens et à celle non moins remarquable des 
racines de Cupulifères avec des Champignons hypogés. Pendant 
que les feuilles vertes exploitent l'air ambiant, les microbes rendent 
utilisable humus du sol sillonné par les racines. Mais ici encore la 
symbiose n’est pas également nécessaire aux deux parties : les 
plantes a chlorophylle pourraient se passer quelque temps des 
microbes du sol, mais ceux-ci sont impuissants a soustraire leur 
carbone a une source entièrement inorganique. 

A l'époque où j'avais imaginé la méthode suivie dans cette étude 
(mai 1885), M. Errera m'avait engagé à l'appliquer à l'étude de la 
symbiose des racines de Cupulifères avec des mycéliums de Cham- 
pignons hypogés (‘). Malheureusement la saison avancée ne me 
permit pas de trouver des fruits non germés de Chéne et d’autres 
espèces de la même famille. Je me propose d'aborder cette ques- 
tion plus tard. 


Bruxelles, Laboratoire d'anatomie et de physiologie végétales 
de l’Université. 


(1) B. FRANCK, Ueber die auf Wurselsymbiose beruhende Ernährung gewisser 
Baume durch unterirdische Pilse. (BER. DER DEUTSCH BOT. GES., 1885, p. 128.) 


Oe eee 


RECHERCHES 


fae r OLY MOKPHISME 


DU 


CLADOSPORIUM HERBARUM 


PAR 


É. LAURENT (°) 


Il existe parmi les champignons une foule de formes d'organisa- 
tion peu compliquée, très répandues dans la ature, et qui depuis 
longtemps ont attiré l’attention des botanistes. Ce sont les Hypho- 
mycètes ou Mucédinées. Les uns, au début des études crypto- 
gamiques, les considéraient comme des champignons complets, 
autonomes, et en décrivaient les aspects si variés comme autant 
d'espèces distinctes. D'autres, à une époque qui n’est pas si loin- 
taine, admettaient pour ces organismes un polymorphisme presque 
indéfini. 

Par leurs caractères souvent peu distincts, la succession de leurs 
formes sur un même substratum, les Hyphomycétes semblaient se 
prêter à merveille à ce transformisme. Il fallut les recherches 
de de Bary, de Brefeld et de Van Tieghem pour ramener les 
esprits à des idées plus saines. Comme il advient souvent à la 
suite des controverses, l'autonomie des champignons inférieurs 
parut de plus en plus évidente. Quelques cas de polymorphisme 


(?) Ce travail a paru dans les Annales de l'Institut Pasteur, vol. II, pp. 558 et 
582 (1888). 


Tome III, 1888. 


44 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


restaient cependant incontestables; tel est le Botrytts cinerea, 
forme conidienne du Peziza Sclerotiorum. 

Apres les récents travaux sur le développement des champi- 
gnons inférieurs, les botanistes qui s’en occupaient au point de vue 
systématique, reprirent la description détaillée de ces végétaux. 
Les formes considérées comme especes devinrent de plus en plus 
nombreuses. Pour s'en convaincre, il suffit de parcourir le volume 
que Saccardo consacre aux Hyphomycètes dans son Sylloge 
Fungorum et les diverses flores mycologiques publiées dans ces 
dernières années. 

Trop rarement, ces prétendues espèces sont soumises à une 
étude méthodique basée sur le développement des organes repro- 
ducteurs. Des travaux de cette nature ont une utilité d’un ordre 
plus élevé : pour beaucoup de naturalistes, toutes ces moisissures 
ne seraient que des états de développement de champignons à 
structure plus compliquée, qui pour la plupart appartiennent 
à l’ordre des Ascomycètes, un petit nombre a celui des Basidio- 
mycètes. Cette hypothèse ne peut assurément être confirmée que 
par de nombreuses cultures expérimentales. 

Dans ces études, il importe de ne pas oublier que les milieux 
liquides ne conviennent guère au plus grand nombre d’Hypho- 
mycetes. Beaucoup n'y développent que les filaments mycéliens 
sans revêtir l'aspect naturel avec cellules reproductrices. D’autre 
part, la méthode des cultures dans les liquides se préte assez mal 
a la séparation des divers types qui peuvent se trouver mélangés 
sur un même substratum. Des procédés de culture plus parfaits 
étaient a désirer. 

Une nécessité du même ordre s'était révélée dans l'étude des 
bactéries; c'est R. Koch qui y répondit par la vulgarisation de 
la méthode de culture sur milieux solides et particulièrement sur 
gélatine. 

Pendant le mois de décembre 1886, je fus amené à appliquer 
ce procédé a l'étude du Cladosporium herbarum, recueilli sur les 
matières végétales les plus variées. J'ai fait de ce champignon une 
étude prolongée, qui m'en a fait connaître le curieux polymor- 
phisme. 


Tome IIL, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 45 


Le milieu de culture dont j'ai fait ’emploi le plus fréquent, est 
le moût de bière additionné de 8 à 10 °/ de gélatine. Il est excellent 
pour la croissance d'un très grand nombre de moisissures. Les 
cultures ont été faites sur verres de montre placés dans des godets 
en porcelaine disposés en pile. Le procédé est très commode et 
permet d'observer facilement la croissance des mycéliums sous le 
microscope. 

Tous les résultats consignés dans ce travail ont été contrôlés par 
la culture en goutte de gélatine nutritive suspendue à la face infé- 
rieure d’une lamelle. On peut ainsi suivre d’une manière continue, 
sous le microscope, le développement d’une même spore, sans 
crainte d'impuretés causées par les germes de l'atmosphère. 


CLADOSPORIUM HERBARUM (Link). 


Cette mucédinée est extrèmement commune dans la nature. Elle 
recouvre de taches foncées, parfois roussâtres, les tiges des plantes 
mortes; elle est très répandue à l'automne et au printemps. En 
été, elle abonde également sur ies baies, surtout dans les derniers 
temps de la maturation. Ce sont au début des filaments irréguliers, 
cloisonnés, qui rampent à la surface des tiges mourantes, et qui 
parfois pénètrent dans les tissus corticaux. Çà et là il se produit 
des amas de cellules brunes, d'où s'élèvent bientôt des filaments 
dressés, terminés par des conidies. 

Les productions appliquées sur les écorces se rapportent aux 
formes décrites par Link sous les noms de Demalium nigrum et 
de Torula herbarum. Des masses identiques peuvent cependant 
appartenir à d'autres champignons. La culture seule peut ren- 
seigner exactement sur la nature des mycéliums dématioïdes qui 
se reñcontrent sur les débris végétaux. 

Au sommet des filaments dressés naissent des conidies, à accrois- 
sement terminal et qui sont de forme extrèmement variable. 
Tantôt ce sont des cellules ovoïdes à membrane assez épaisse et 


Tome III, 1888. 


46 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


brune; ou bien ces conidies se divisent et deviennent septées, 
formées de deux a cing cellules. D’autres restent unicellulaires et 
conservent leurs parois hyalines; elles ont l'aspect de cellules de 
Levures, surtout des formes-levures mycodermiques (Saccharo- 
myces Mycoderma). Plongées dans une goutte d'eau ou d'alcool, ces 
conidies se détachent avec la plus grande vivacité et se répandent 
dans le liquide. 


\ 


Fic. 1. — Cladosporium herbarum, récolté sur courge : a, mycélium et filaments 
conidifères. Gr. — 200. — 6, diverses formes de conidies. Gr, = 200. — c, coni- 
dies en germination. Gr. — 600. 


La vigueur des filaments du Cladosporium et les dimensions des 
conidies varient suivant la nature spécifique des plantes hospita- 
lières. Les exemplaires récoltés sur les fruits charnus en décom- 
position (courges,...) sont beaucoup plus forts que ceux que l’on 
rencontre sur les tiges sèches. Enfin les divers échantillons placés 
en chambre humide donnent toujours des filaments plus élevés 
que ceux qui ont été recueillis en plein air. Ce sont là des varia- 
tions causées par la différence de milieux nutritifs et qui dispa- 
raissent dans les cultures en milieux artificiels. Cependant on 
peut admettre l'existence de plusieurs races qui semblent se main- 
tenir dans la suite des générations et qui se caractérisent par 


st nt dé D  — 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 47 


l'étendue des mycéliums, le diamètre des filaments et la taille 
des appareils conidifères. Des variétés de même ordre existent 
aussi chez d’autres moisissures très communes (Penicillium glau- 
cum). Il n'y a certainement pas lieu de les considérer comme 
espèces. 

La description que je viens de donner du Cladosporium her- 
barum se rapporte à la forme conidifère. D’après plusieurs bota- 
nistes (*), celle-ci appartiendrait à un Ascomycete, le Pleospora 
herbarum, qui se présente en petites masses noires et globuleuses, 
sur les tiges mortes des plantes herbacées. De pareils rapproche- 
ments, faits sans cultures de vérification, sont toujours sujets a 
caution. L'identité spécifique du Cladosporium et du Pleospora a 
déja été contestée par Gibelli et Griffini (’). 

Dans mes nombreuses cultures de Cladosporium, je n’ai jamais 
observé la production de périthèces. Ce n'est toutefois pas une 
raison suffisante pour nier l'identité spécifique du Cladosporium 
et du Pleospora, car il est permis d2 supposer que la transformation 
d’une forme conidifère en forme ascomycète exige des conditions 
physiologiques particulières. 

J'ai essayé sans plus de succès la transformation inverse par la 
culture du Pleospora. 

Si la culture du Cladosporium ne m'a pas permis d'observer la 
production de périthèces, elle m'a révélé la variété remarquable 
des états conidifères de ce champignor. 

Cultivé dans des solutions nutritives, moût de bière, infusion 
de pruneaux, liquide de touraillons sucré, etc., le Cladosporium 
typique en recouvre la surface d'un feutrage serré, pourvu a la 
face supérieure d’appareils conidiens de couleur foncée. La couche 
mycélienne est parfois gaufrée comme celle d'une culture d’Asper- 
gillus niger dans le liquide Raulin. Si l'on prend la semence 


(1) TULASNE, Selecta Carpologia fung., Il, p. 261. O. WUNSCHE, Flore générale 
des Champignons, 1885, p- 45 

(2) Sul polimorfismo della Pleospora herbarum. (ARCH. DEL LABORAT. DI BOT. 
CRITTOG. IN PAVIA, I, p. 53, 1875.) 


Tome III, 1888. 


48 É. LAURENT, — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


sur une écorce exposée à l'air, il arrive, mais rarement, que la 
culture s'arrête a l'état mycélien. On obtient ainsi des aspects 
dematium qui, en vieillissant, brunissent et forment des croûtes 
noirâtres analogues à l'état fumago que l'on rencontre sur les 
feuilles. 

Lorsque la végétation du Cladosporium est dématioide, il y a 
production dans le liquide de cellules isolées ou groupées en très 
petit nombre, absolument comparables à celles des Levures. Je les 
désignerai sous le nom de cellules formes-levures de Cladosporium. 
Cuboni, qui les a observées, les appelait cellules saccharomycéti- 
formes (*). J'aurai l'occasion de parler de cette forme-levure. 

Le Cladosporium croît assez bien dans le liquide Raulin, sans 
présenter de caractère particulier. 

En somme, la culture du Cladosporium herbarum sur milieux 
liquides reproduit l'aspect typique; de plus, elle présente parfois 
à l’intérieur du liquide des filaments sans conidies aériennes, mais 
pourvus de conidies aquatiques qui ont la forme des cellules de 
Levures. J'emploie ici le mot aquatique pour caractériser ces pro- 
ductions cellulaires, car, à mon avis, elles correspondent exacte- 
ment aux conidies portées par les filaments aériens. 

Si, aux milieux liquides, on substitue la gélatine nutritive, le 
développement du Cladosporium devient bien plus intéressant à 
observer. 

Quand les conidies semées proviennent d’une forme typique, 
c’est-à-dire non dématioïde, on voit les filaments mycéliens envahir 
la gélatine, puis atteindre la surface, se dresser dans l'air et se 
terminer par des appareils conidifères beaucoup plus compliqués 
que ceux du Cladosporium observé sur débris végétaux ou à la 
surface des liquides nutritifs. Ce sont de petites cimes arbo- 
rescentes, à rameaux nombreux, dont les cellules diminuent pro- 
gressivement de taille vers l'extrémité de chaque ramification. La 
croissance est terminale comme chez le Cladosporium ; les cellules 
du sommet sont donc celles qui ont été produites en dernier lieu. 


(4) CuBONI, Sulla probabile origine det Saccaromicete, 1885. 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 49 


Au contraire, chez le Penicillium glaucum, l'accroissement se fait 
4 la base des chapelets de conidies. 

La forme conidienne que présente le Cladosporium cultivé sur 
gélatine nutritive est connue des mycologues sous le nom de Peni- 
cillium cladosporioides Frésénius. 

Pour l'obtenir à l’état le, plus parfait, il ne faut semer sur 
gélatine riche en matières sucrées qu'un nombre modéré de coni- 
dies, de manière à assurer à chaque mycélium une abondante 
alimentation. Vues au microscope, à un faible grossissement, 
l’aspect des taches mycéliennes recouvertes de leurs appareils coni- 
difères est vraiment admirable. Lorsque de nombreux mycéliums 
se pressent sur un petit espace, les filaments conidifères restent 
beaucoup plus maigres et ne diffèrent pas de ceux du Cladosporium 
récoltés sur tiges mortes. 


ja) 


PENICILLIUM CLADOSPORIOIDES [Frésénius (*)]. 


Synonymes : P. olivaceum Corda; P. nigrovirens T'résénius; P. viride Frésénius; 
P. chlorinum Frésénius; Hormodendron cladosporioides Saccardo. 


Il est caractérisé par des filaments dressés, cloisonnés, terminés 
par des appareils conidifères formés de rameaux disposés en 
grappes plus ou moins ramifiées, portant des conidies ovoïdes en 
chapelets, unicellulaires ou pluricellulaires, olivacées ou fauves. 

Au contact de l'eau, les conidies se détachent de leur support 
avec la plus grande facilité ; il est presque impossible d'en faire de 
belles préparations microscopiques. 

L’étude du Pen. cladosporioïdes a été entreprise par E. Loew (’). 


(') G. FRÉSÉNIUS, Bettrage zur Mykologie, 1850, p. 22. 
(2) E. Lav, Zur Entwickelungsgeschichte von Penicillium. (JAHRBÜCHER FÜR 
WISSENSCH. BOTANIK, t. VII, p. 472, 1870.) 


Tome III. 4 


Tomer III, 1888. 


50 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


Comme G. Frésénius, Loew admet la distinction de ce champi- 
gnon, mais identifie P. viride, P. nigrovirens, P. chlorinum de 
Frésénius et le P. olivaceum de Corda avec le P. cladosporioïdes. 
Ces formes diffèrent par le diamètre et la couleur de leurs filaments 
conidiferes, ainsi que j'ai pu le constater fréquemment dans la 
suite de ces recherches. Une forme naine, gréle dans tous ses 
organes, est surtout commune sur la plupart des fruits sucrés 
arrivés a maturite. 


Fig. 2. — Penicillium cladosporioïdes, cultivé sur gélatine. Gr. = 8o. 


Les diverses variétés de Pen cladosporioïles correspondent aux 
races de Cladosporium herbarum dont j'ai déjà fait mention. 
J'aurai l'occasion d'indiquer des variations de même nature dans 
la forme dematium et la forme-levure qui derivent du Cladospo- 
rium. 

La mucédinée décrite par Frésénius n'est un vrai Penicillium 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. SI 


que par la disposition en pinceau plus ou moins parfait de ses 
rameaux conidifères. Elle se distingue du Pen. glaucum par la 
croissance terminale de ces derniers, ainsi que je l’ai déjà fait 
remarquer. Pour ce motif, on devrait abandonner ici le nom géné- 
rique de Penicillium. Je ne le fais pas, parce que j'estime que pour 
les Hyphomycètes, la valeur des noms génériques est trop relative 
pour avoir la même importance que dans la classification des 
animaux et des végétaux supérieurs. Pour moi, le nom de Pen. 
cladosporioides désigne simplement et d'une facon commode un 
état conidifère du Cladosporium herbarum. 


Fic. 3. — Penicillium cladosporioides, varièté à filaments mycéliens étroits 
et à filaments conidiferes très courts. Gr. = 80. 


Malgré l’extréme dispersion des spores de ce champignon, la 
forme Penicillium est tres rarement citée dans les flores cryp- 
togamiques. Dans ses études sur les germes de lair, E. Hansen 
a observé le Pen. cladosporioides a plusieurs reprises (*). Avant 
d’entreprendre le présent travail, je ’avais trouvé sur une solution 
de dextrine très concentrée, et sur ce milieu J'avais pu constater 
toutes les transitions entre la forme Cladosporium à conidies peu 
abondantes et la forme Penicillium à conidies nombreuses. Il n'y a 


(:) Comptes rendus du Laboratoire de Carlsberg, 1879, pp. 59 et 66. 


Tome III, 1888. 


52 E. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


la qu'une question de nutrition plus ou moins favorable a une 
végétation vigoureuse. Les milieux sur lesquels le Cladosporium 
développe son mycélium sont ordinairement trop pauvres pour 
produire du Pen. cladosporioïdes. 

Lorsque la gélatine qui sert à la culture se dessèche fortement, 
les filaments mycéliens qui y sont plongés concentrent çà et la 
leur protoplasine. Les masses ovoides ainsi formées semblent 
constituer des chlamydospores analogues à celles de plusieurs 
Mucorinées. 

Ensemence dans des tubes de gélatine par piqûre avec un fil de 
platine, le Pen. cladosporioïdes se développe exclusivement dans la 
portion superficielle. I] n'est nullement anaérobie. J'insiste sur ce 
point, car d'autres formes conidiennes de Cladosporium, que je 
décrirai plus loin, peuvent se développer dans la profondeur des 
liquides. 

La transformation du Cladosporium en Pen. cladosporioides est 
aisée a réaliser sur gélatine. Le contraire est-il possible? Peut-on, 
avec des conidies de ce dernier, revenir à la forme normale des 
tiges mortes? Ce n'est pas difficile, pourvu que l’on emploie des 
milieux nutritifs appropriés. J'ai bien réussi sur empois d’amidon 
et surtout sur des morceaux de courge et de tiges de topinambour 
qui avaient été stérilisés par la vapeur d'eau et placés ensuite en 
chambre humide. J'ai obtenu des productions identiques à celles 
du Cladosporium placé dans les mêmes conditions. 

La même transformation est aussi facile à réaliser par la culture 
du Pen. cladosporioïdes sur morceaux d’aubier de peuplier abattu 
au mois de juin et gorgé de matières sucrées. Enfin M. Massart 
est arrivé au même résultat par l'emploi d'une gélatine nutritive 
additionnée de 60 à 70 °/, de saccharose, de 20 °/, de glycérine, de 
10 °/. de chlorure de sodium ou de 20 °/, de nitrate de potassium. 
À pareille concentration, ces substances sont nuisibles a l'assimi- 
lation par leur action osmotique considérable. 

Il n’y a donc aucun doute : le Penicillium cladosporioides est une 
forme bien nourrie, très vigoureuse du Cladosporium herbarum. 
Mais le sujet n'est pas épuisé, et nous y reviendrons dans un 
prochain article. 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 53 


IT] 


DEMATIUM PULLULANS [de Bary (°)]. 


Sous ce nom, de Bary a décrit des masses mycéliennes qui 
abondent dans les solutions organiques abandonnées a lair. Ce 
sont des filaments formés de cellules courtes, d'abord hyalines, 
mais qui s’entourent plus tard de membranes épaissies d'un brun 
olivâtre; les cellules deviennent alors renflées et paraissent arti- 


CS 
ESS = = 


Fic. 4. — Dematium pullulans, sans formes-levures, observé dans une solution 
d’acétate de potassium. 


culées. Jamais il n’y a formation de filaments aériens avec coni- 
dies, mais, dans le liquide, il se produit souvent des cellules 


(‘) Morphol. und Physiol. der Pilze, p. 182, 1866. 


Tome III, 1888. 


24 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


formes-levures, qui bourgeonnent à la façon des cellules de 
Levures. 

Dans ses Etudes sur la bière (pl. IX, fig. G), Pasteur a très bien 
figuré l'aspect du Dematium avec formes-levures, récolté sur des 
grains de raisin plongés dans des solutions sucrées. 

Cette mucédinée est extrêmement répandue; il n'est pas possible 
de placer dans des solutions nutritives un fragment de plante 
cueilli à l'air sans la voir apparaître. Elle est l’hôte habituel des 
liquides organiques préparés dans les laboratoires. Si commune 
quelle soit, cette moisissure n’avait pourtant jusqu'ici qu'une 
histoire très obscure. 


Fic. 5. — Dematiuin pullulans, avec formes-levures. Gr. = 300. 


E. Loew en a fait l'objet d'une bonne étude (*). Cet auteur a 
remarqué la ressemblance du Demalium avec les filaments mycé- 
liens de Cladosporium, mais na pas cru devoir admettre une 
communauté d'origine. Lcew a parfaitement observé la produc- 
tion de cellules formes-levures sur les filaments du Dematium. 

Saccardo, dans son Sylloge Fungorum (vol. IV, p. 351), 
indique le Dematium pullulans comme un état mycélien du Cla- 
dosporium herbarum. Cette opinion n'est basée, d'après ce que 


(1) E. Low, Ueber Dematium pullulans. (JAHRB. FÜR WISSENSCH. BOTANIK, 
t. VI, p 467, 1868.) 


ToME III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 55 


m'a écrit le botaniste italien, que sur l'aspect des filaments mycé- 
liens. | 

Frank (*) rattache avec doute le Dematium au Pen. cladospo- 
rioiles. 

Pour Flügge (*), le Dematium appartient vraisemblablement 
au Fumago ou au Pleospora. 

Enfin, tout récemment, Costantin (*) déclare identiques le 
Dematium et le Cladosporium, sans en donner de preuve. 


Fig. 6. — Un rameau d’une colonie etoilee de Dematium avec formes levures, 
cultive sur gelatine. Gr. = 60. 


Depuis l’année 1884, j'ai eu fréquemment l’occasion de rencon- 
trer le Dematium, et j'ai essayé en vain d'en obtenir des conidies 
aériennes. En 1886, j'avais fortuitement observé, dans une solu- 
tion d’acétate de potassium, un Dematium dont les tilaments se 
prolongeaient par des appareils conidiferes de Pen. cladospo- 
rioides. J'étais donc porté à admettre la mème origine pour ces 


(7?) A. FRANK, Synopsis der Pflanzenkunde, Bd II, Kryptogamen, p. 610, 1886. 
(2) G. C. FLiGGE, traduction de F. Henrijean, Les microorganismes, p. 72, 1887. 
(3) J. Cosrantin, Les Mucédinées simples, p. 144, 1888. 


Tome III, 1888. 


56 E, LAURENT, — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


deux mucédinées, lorsque mes études sur le Cladosporium her- 
barum me conduisirent a faire de nombreuses observations sur Je 
Dematium. 

Dans les cultures du Cladosporium dans des milieux liquides, on 
rencontre parfois, je l'ai déjà dit, des formes Dematium et levures. 
Mais elles sont peu favorables à l'examen, car les cellules formes- 
levures se séparent du filament et se répandent dans le liquide 


Fic. 7. — Six colonies de Dematium avec formes-levures, cultivé sur gélatine. 
On voit toutes les transitions entre les colonies étoilées et les colonies arron- 
dies, analogues à celles des levures. Gr. = 66. 


nutritif. Il n'en est plus ainsi dans les cultures sur milieux solides, 
principalement sur gélatine. On voit alors les filaments mycéliens 
produire latéralement des formes-levures, qui par bourgeonne- 
ment constituent des colonies analogues à celles des Levures 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 57 


cultivées sur gélatine. Ces colonies ne subissent aucune altération 
tant que la gélatine reste solide. 

Il s'en produit ainsi tout le long de chaque rameau; elles sont 
d’autant plus petites qu’elles sont plus rapprochées du sommet du 
filament, au voisinage duquel on voit encore des formes-levures 
isolées. Chacun des rameaux mycéliens est ainsi transformé en un 
chapelet de colonies de formes-levures ; l’ensemble du mycélium a 
l'aspect d’une étoile à rayons plus ou moins nombreux fixée dans 
la couche de gélatine nutritive. L'examen microscopique à un 
faible grossissement en est des plus intéressants (fig. 6). 


Fig. 8. — Un rameau de Dematium avec formes-levures, terminé par un 
appareil conidifère de Penicillium cladosporioides, observé dans une culture 
sur gélatine. Gr. = 66. 


Cultivé sur gélatine, le Dematium avec cellules formes-levures 
donne très rarement des filaments aériens avec conidies; j'en al 
cependant observé, à plusieurs reprises, qui n'étaient autres que 
les appareils conidifères du Pen. cladosporioïdes. J'ai eu la bonne 
fortune de constater le même fait dans des cultures de pollen 
faites dans des solutions de saccharose concentrées, et avec 
lesquelles il n'était presque pas possible d'éviter l'envahissement 
par le Dematium des chambres humides placées sous le microscope. 


Tome ill, 1888. 


58 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


Plusieurs mycéliums produisirent des filaments aériens de Pen. 
cladosporioides. 

Ces observations permettent de considérer le Dematium pullu- 
lans comme une forme mycélienne, aquatique, du Cladosporium 
herbarum. 

Il convient de faire ici une remarque qui n'est pas sans impor- 
tance dans cette question de polymorphisme. Le Cladosporium 
donne sûrement du Pen. cladosporioïdes, mais toutes les conidies 
de ces deux moisissures ne sont pas aptes à prendre l'aspect dema- 
tium. J'ai pu le constater dans des centaines de cultures. ll y a 
plus. Parmi les formes dematium, on rencontre toutes les tran- 
sitions entre des mycéliums vigoureux, dépourvus de formes- 
levures, et des mycéliums réduits à quelques-unes de ces cellules. 
Les premiers, cultivés sur gélatine, produisent du Pen. cladospo- 
rioides ; ils ne sont pas encore dégénérés aussi profondément que 
les formes dematium avec formes-levures. qui, elles, sont absolu- 
ment incapables de reprendre l'état conidifère aérien. Tous les 
artifices de culture que j'ai employés : cultures sur tiges, sur fruits 
stérilisés, dans les milieux organiques les plus variés, ne m'ont 
jamais donné trace de retour au type originel. 

J'étais donc arrive à cette conclusion, pressentie par Frank 
et Saccardo, que le Dematium pullulans est un état affaibli du 
Cladosporium herbarum. Une preuve expérimentale était cepen- 
dant nécessaire pour appuyer cette opinion. |’eus recours a bien 
des essais sans arriver au résultat espéré. Dans les milieux les 
plus pauvres (acctates...), les spores de Cladosporium donnent des 
mycéliums avec filaments conidiferes typiques. Je n'ai pas été plus 
heureux avec l'emploi de la chaleur. L'idée me vint d’essayer la 
lumière solaire. Des spores de Pen. cladosporioides furent placées 
avec un peu de moût sucré dans des tubes à essai couchés très 
obliquement sur du papier blanc. Le tout fut exposé dans une 
serre, et recevait les rayons solaires, en été, depuis 8 heures du 
matin jusqu à 6 heures du soir. Des tubes témoins se trouvaient 
non loin de là, sous une cloche noire; je me suis assuré que la 
température n'était pas sensiblement différente au voisinage immé- 
diat de chaque série de tubes mis en expérience. Après une inso- 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 59 


lation plus ou moins prolongée, les tubes furent retirés et j'y versai 
quelques centimetres cubes de moût sucré stérilisé. 

Voici alors ce qu’on observe. Les tubes qui n'ont été exposés au 
soleil que pendant quelques heures ou durant deux ou trois jours. 
ne tardent pas a présenter la couche mycélienne superficielle si 
caractéristique du Cladosporium. Une insolation plus longue, de 
quatre. cing jours ou plus en été, de plusieurs semaines au prin- 
temps, amène un changement bien marqué dans le développe- 
ment. Des masses mycéliennes apparaissent dans la profondeur du 
liquide sous forme de taches floconneuses, et l'examen microsco- 
pique permet d'y reconnaître du dematium, encore assez vigoureux, 
mais pourvu de formes-levures analogues à celles que donne la 
culture du Dematium pullulans. 

L'action de la lumière sur les Bactèries a été étudiée par divers 
observateurs (7), qui ont reconnu qu’elle affaiblit le pouvoir germi- 
natif et finit par tuer les spores de ces microbes. Mais c'est la 
première fois qu'une modification morphologique durable est 
signalée parmi les champignons comme due à un agent physique. 

L'influence de la lumière explique suffisamment la fréquence 
assez grande des formes dématioides dans les cultures de Cladospo- 
rium recueillies sur des tiges ou des fruits exposés au soleil. 

il y a d’ailleurs un autre moyen d’arriver au même résultat. 

Conservé a l'obscurité, le Ciadosporium se modifie aussi avec le 
temps : des cultures âgées de près de six mois ont aussi donné des 
dematium avec formes-levures. 

Il importe d'observer que, par suite de la modification causée 
par la lumière, le champignon acquiert la propriété de se déve- 
lopper dans la profondeur des liquides et même dans le vide. 
Il est devenu partiellement anaérobie. Le Cladosporium typique 
n'est nullement anaérobie; ses spores refusent de germer dans le 
vide. 

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la diminution de 
dimensions des conidies n'est pas un symptôme de dégéné- 


(:) Voir Annales de l'Institut Pasteur, t. 1, p. 88. 


Tome III, 1888. 


60 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


rescence. Je me suis assuré que les spores les plus ténues, non 
affaiblies par la lumière, donnent sur gélatine des mycéliums a 
filaments gréles, mais néanmoins pourvus de rameaux conidifères 
aériens. 


Au bout de quelque temps, les cultures de Dematium sur géla- 
tine et sur pomme de terre changent d’aspect : elles perdent leur 
teinte blanchatre pour devenir d’un noir souvent très foncé. Les 
filaments et les formes-levures cessent d'être hyalins, leur mem- 
brane cellulaire s’épaissit, brunit fortement et le tout rappelle 
les pellicules de fumago, que l'on observe sur les feuilles des 
plantes. 

La méme modification se produit aussi dans les cultures en 
milieux liquides; apres un laps de temps de durée très variable, 
on y trouve des amas de filaments et de formes-levures à mem- 
brane épaissie et de couleur très foncée. C’est là, sans conteste, un 
état favorable a la conservation du pouvoir germinatif, qui corres- 
pond pour le Demalium aux spores des Bactéries. Lors de la 
germination, ces kystes émettent des filaments de dematium avec 
formes-levures; les plus volumineux, nés de- formes affaiblies, 
n'ont jamais reproduit l’état cladosporium. Voila donc un cham- 
pignon qui peut donner du dematium par dégénérescence, sans que 
la transformation inverse paraisse possible à réaliser. 

Les états dematium et fumago ne sont pas propres au Cladospo- 
rium. Il en est de beaucoup moins répandus dans la nature, qui 
appartiennent à d’autres moisissures (A/fernaria tenuis, Penicil- 
lium glaucum, etc.). Eux aussi reviennent très difficilement au 
type primitif, et il est souvent très malaisé de déterminer, même 
par la culture, la nature spécifique de ces productions crypto- 
gamiques. 

Une insolation prolongée complète la dégénérescence du c/a- 
dosporium : la forme dematium diminue progressivement de 
vigueur et tend à donner exclusivement des colonies de plus en 
plus réduites. Des colonies étoilées très rameuses ne donnent plus 
par ensemencement que des masses à un ou deux filaments laté- 
raux, et on arrive bientôt a des colonies arrondies comme celles de 


Tome IIl, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 61 


la levure de biere (voir fig. 7). Enfin, aprés une exposition au soleil 
d'autant plus courte que les rayons sont plus ardents, la plante 
meurt. I] n’est pas possible d’exprimer par des chiffres la résistance 
du Demalium à la lumière solaire. Je l'ai vu détruit après six jours 
d'insolation pendant le mois d'août 1887, tandis qu'il a pu résister 
du 25 février au 7 avril 1888. 


IV 


FORMES-LEVURES DE CLADOSPORIUM HERBARUM (‘). 


J'ai signalé la production de cellules a aspect de Levures sur les 
filaments mycéliens du Dematium dans les cultures sur gélatine et 


Fic. 9. — Forme-levure de Cladosporium. Gr. = 60. 


les solutions nutritives. Ces cellules se détachent rapidement de 
leur support dans les cultures liquides. Isolées, elles bourgeonnent 


(*) Il y aurait peut-étre lieu de réserver le terme levure aux champignons 
inférieurs qui provoquent les fermentations alcooliques typiques (levures de 
bière, de vin, etc.). Les microbes qui leur ressemblent, mais qui sont 
dépourvus du caractère ferment, seraient réunis sous le nom de formes-levures. 
Lorsque celles-ci recouvrent la surface des liquides organiques, ce seraient des 
formes-levures mycodermiques. Cette nomenclature empêcherait de confondre 
des organismes qui se ressemblent au point de vue morphologique, mais qui 
sont doués de propriétés physiologiques bien différentes. 


Tome III, 1888. 


62 E. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


a la facon des Levures; plus rarement elles donnent des filaments 
germinatifs, qui ne tardent pas a prendre l’état dematium ou 
fumago. 

Les formes-levures ont été signalées chez les champignons par 
divers observateurs : par de Bary et Loew pour le Dematium pullu- 
lans; par Cuboni pour le Cladosporium; par Brefeld pour des 
Ustilaginées (*) et des Basidiomycetes (*); par Duclaux pour le 
Oidium lactis (*). J'en ai observé chez plusieurs Ustilaginées non 
citées par Brefeld et chez le Tubercularia vulgaris. Enfin, Massart 
en a obtenu tout récemment dans la culture du Lycoperdon 
cælatum. 

Au moment de leur formation, toutes ces formes-levures sont 
dépourvues du caractère ferment, mais conservent indéfiniment 
cet état. Il convient de rappeler que des Mucorinées, dont l'organi- 
sation est si distincte des champignons que je viens de citer, ont 
aussi des formes-levures. Mais la durée de l'état levure n'est pas 
indéfinie: 

La multiplicité des espèces qui peuvent engendrer des cellules à 
aspect de Levures, rend bien difficile à préciser l'origine des 
formes-levures si répandues, surtout dans l'atmosphère. 

Sous le nom de torulacées, Pasteur a étudié des formes- 
levures rencontrées sur des grains de raisins, et qu'il rattachait 
avec raison au Demalium pullulans. J'ai pu m'assurer, par la 
culture, de la présence du Dematium et de ses formes-levures sur 
les fruits les plus variés, principalement sur ceux de nature 
pulpeuse. Ces productions sont aussi répandues sur les fruits des 
espèces sauvages que sur les fraises, les cerises, les groseilles, etc., 
récoltées dans les jardins et dans les serres. Toutefois elles sant 
bien plus abondantes en plein soleil que sur les baies situées à 
l'ombre, où prédomine le Cladosporium typique. Nous savons 


(1) Osc. BREFELD, Untersuchungen aus den Gesammtgebiete der Mykologie, 
Heft V, Hefenpilze. Leipzig, 1483. 

(?) Idem, Heft VII, Basidiomyceten, 1888. 

(3) Ducraux, Microbiologie, p. 673, 1883 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 63 


maintenant pourquoi. Les fruits protégés par un épiderme résis- 
tant, comme les pommes, les poires, certaines variétés de raisins, 
sont aussi peu favorables a la production des formes dematium et 
levures. 

Pasteur a émis l'hypothèse que c’est parmi ces végétations 
superficielles que naissent les ferments alcooliques (*). Il y avait 
donc le plus grand intérêt à soumettre la forme-levure de Cladospo- 
rium à une étude aussi complète que possible. 

Pour obtenir une semence bien pure, je suis parti des colonies 
plus ou moins rameuses gue produit le Demaiium cultivé sur 
gélatine. Les cellules formes-levures sont le plus souvent ovoïdes, 
mais on en voit de forme presque sphérique. Leur taille est extrè- 
mement variable dans la même culture : les dimensions les plus 
communes sont de 8 à 15 v pour le plus grand diamètre et de4àgu 
pour la largeur. 

Presque toujours les cultures de forme-levure renferment un 
nombre plus ou moins grand de filaments de Dematium, car le 
passage de l’un a l’autre état ne cesse de se faire que dans les races 
les plus affaiblies. Les renseignements qui vont suivre, relatifs a 
l'histoire de la forme-levure de Cladosporium, s'appliquent par 
. conséquent au Dematium pullulans, arrivé a l’état producteur de 
cellules formes-levures. 

Cultivée dans ies solutions sucrées, moût de bière, de vin, 
liquide de touraillon sucré, etc., la forme-levure trouble bientôt 
le liquide, le rend fortement visqueux et donne à la surface du 
liquide une masse blanchâtre appliquée sur les parois du verre. 
Dans les tubes à essais, et dans les matras Pasteur, il se produit 
ainsi un anneau mycodermique assez caractéristique. À la longue, 
cet anneau noircit par suite de l'épaississement et de la subé- 
risation des membranes. En même temps, la taille des cellules 
devient beaucoup plus considérable; elles se remplissent de goutte- 
lettes de matière grasse et revêtent l'état fumago. Cette transfor- 
mation n a pas seulement lieu à la surface, elle se fait aussi, mais 


(1) Etudes sur la bière, p. 155, 1876. 


TOME III, 1888. 


64 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


avec plus de lenteur, dans la profondeur des solutions sucrées. 

Les cultures dans le vide ne présentent pas d’anneau mycoder- 
mique; il en est de même pour les cultures des races les plus 
dégénérées. 

La figure 7 représente l'aspect des colonies rameuses et non 
rameuses du Dematium et de la forme-levure sur lame de gélatine. 
En tube de gélatine, après un ensemencement par piqûre dans la 
masse, le développement est curieux à observer. À la surface, 
c'est une colonie épaisse, blanchâtre, qui s'accroît lentement et qui 
plus tard liquéfiera la gélatine. Tout le Jong de la piqre, il se 
produit des rameaux qui rayonnent vers la paroi du tube. On ne 
peut mieux comparer l'aspect de la culture qu’à une jeune racine 
de maïs développée dans une chambre humide et couverte de poils 
radicaux. 

Au sein de la gélatine, la pénétration de l’oxygène extérieur est 
fort difficile. Il faut donc que la forme-levure possède le pouvoir 
de croître en l'absence d'air. Le Cladosporium typique, dont elle 
provient, est au contraire nettement aérobie. Les produits de 
dégénérescence de ce champignon sont donc mieux doués que le 
type originel pour ce qui est de la nutrition dans la profondeur des 
liquides sucrés. 

La forme-levure liquéfie la gélatine assez rapidement à la tempé- 
rature ordinaire : du sixième au huitième jour, la culture a pris la 
consistance d'une matière extrèmement visqueuse. Je me suis 
assuré que cette viscosité n’est point due à des gaines gélatineuses 
analogues à celles qui sont si fréquentes chez beaucoup d’orga- 
nismes inférieurs. | 

Lorsque les cultures sur gélatine se desséchent, les cellules 
noircissent, se gonflent et forment des masses à aspect de fumago. 
Cette modification se fait aussi bien à l'obscurité qu'à la lumière. 

J'ai fait aussi des cultures sur tranches, stérilisées à la vapeur, 
de pomme de terre, de carotte, de navet, placées dans de larges 
tubes à essais fermés par un tampon d’ouate. 

Dans ces conditions, il se produit des pellicules visqueuses, d'un 
blanc de crème, sur lesquelles on aperçoit çà et là un léger duvet, 
dû aux productions filamenteuses de nature dématioïde. Ces pelli- 
cules noircissent aussi avec le temps; mais auparavant, si on les 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 65 


expose à la lumière, même diffuse, elles acquièrent une teinte rose 
assez marquée. J'ai fait des cultures comparatives à l'obscurité, 
à la lumière diffuse et en plein soleil. La différence de coloration a 
toujours été des plus frappantes. J’exposerai plus loin les résultats 
auxquels je suis parvenu par la culture des formes devenues rouges 
à la lumière. / 

Pour ce qui est de la nutrition, la forme-levure de Cladospo- 
rium (et il en est de même du Cladosporium et du Dematium) 
a des aptitudes extrêmement variées. Elle se nourrit avec facilité 
des diverses matières sucrées, des peptones, de la gélatine pure, 
des citrates, tartrates, malates, succinates, lactates et acétates; 
elle végète dans des solutions minérales appropriées additionnées 
de glycérine, de divers glycosides et même de certains alcaloïdes 
(colchicine, atropine). 

Le Cladosporium et ses formes réduites intervertissent la saccha- 
rose, attaquent jusqu’a un certain point les albuminoides et peuvent 
même se nourrir de matière amylacée à l'état d’empois. 

La forme-levure préfère les milieux acides; elle résiste à 
15 millièmes d'acide tartrique, a 25 millièmes d’acide lactique. 
Toutefois elle parvient à croitre dans des moûts additionnés de 
5 millièmes de soude caustique; une proportion de 1 °/o de cet 
alcali entrave la croissance. 

J'ai remarqué que la liquéfaction de la gélatine est un peu plus 
rapide dans les cultures en gélatine alcaline; il y apparaît aussi 
de bonne heure des formes fumago, qui trahissent un état de 
souffrance. 

Les grosses cellules noires ainsi produites peuvent, à la germi- 
nation, donner des filaments dématioides. Le retour de la forme- 
levure ordinaire a l'état demalium est donc aussi facile à réaliser 
que la transformation inverse. 

Comme pouvoir d'assimilation pour les substances organiques, 
il n’y a guère que le Penicillium glaucum et la Levure de bière (*) 


(1) E. LAURENT, Sur les aliments organiques de la Levure de bière. (BULL. Soc. 
BOT. DE BELGIQUE, t. XXVII, 1888.) 
Tome III. 5 


Tome III, 1888. 


66 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


qui puissent rivaliser avec le Cladosporium et ses états poly- 
morphes. Ceux-ci se laissent cultiver sans difficulté dans les solu- 
tions minérales qui renferment, outre un aliment azoté, un peu 
de phosphate de potassium et de sulfate de magnésium associé 
à l'une des matières combustibles dont je viens de faire l’'énuméra- 
tion (*). La nature ammoniacale ou nitrique de l'engrais n'est pas 
indifférente. 

Le Cladosporium préfère les nitrates; il pousse moins bien dans 
les solutions qui contiennent du sulfate d’ammoniaque. Voici les 
résultats de cultures comparatives faites dans des solutions renfer- 
mant des quantités équivalentes d'azote, de nitrate de sodium 
et de sulfate d'ammoniaque, et une proportion de saccharose égale 
4219 0/0 

Matière sèche produite pour 20 centimètres cubes du mélange 
après vingt jours de végétation à la température de 20 à 22°: 


Ve Il. 


Avecvemitrate de sodium) . . ~ 0;2037om: 0,1895 gr. 


Avec le sulfate d’ammoniaque . . . . 0,164 — 0,120 — 


Il n’en est pas de même de la forme-levure, qui donne un poids 
de cellules toujours plus élevé dans la solution ammoniacale. Trois 


(t) Voici la composition du mélange salin que j’emploie le plus fréquemment 
dans la culture des microbes; il a été calculé d’après la composition de la levure 
de bière et convient à une foule d'organismes : 


FAUNE RE RE 0) 4. je) Os Br OOOICC: 
Nuitrate de sodium Rj. =. - . .. . 60707 
ou sulfate d'ammoniaque . . . . . . 4,71 — 
Phosphate'de potassium.) 2). .: ws . :£ «0,75 — 
Sulfateidenmnaonesiumime ss 6). D TO — 


Une matière organique 


Pour les champignons, il est utile d'ajouter un millième d’acide tartrique; le 
liquide doit être légèrement alcalinisé s’il est destiné aux bactéries. 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 67 


races différentes ont été cultivees dans les mémes conditions que le 
Cladosporium : 


I. Il. II. 


Avec le nitrate de sodium . . 0,0795 gr. 0,078 gr. 0,0325 gr. 


Avec le sulfate d’ammoniaque. 0,090 — 0,0895 — 0,058 — 


L’addition de sulfate de sodium à 1 °/, aux deux solutions ne 
modifie en rien les résultats; ils sont donc bien l’effet de l’action 
différente des nitrates et des sels ammoniacaux. 


Fic. 10, — Forme-levure cultivée dans la solution nitrique. Gr. == 200. 


Un examen attentif des cultures montre que dans la solution 
ammoniacale, il y a l’anneau mycodermique habituel, et que le 
liquide est devenu trés visqueux. Dans le mélange nitrique, ni 
anneau mycodermique ni viscosité. Ce n’est pas tout. Le microscope 
révèle une différence d'un autre ordre. La solution nitrique favo- 
rise le développement de filaments dématioides (fig. 10), tandis que 
dans la solution ammoniacale, ce sont les cellules formes-levures 


ToME III, 1888. 


68 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


qui prédominent à l'exclusion presque complète de productions 
filamenteuses (fig. 11). 


Fic. 11. — Forme-levure cultivée dans la solution ammoniacale. Gr. — 180. 


Une relation paraît exister entre cette influence du nitrate de 
sodium sur la forme-levure et la préférence du Cladosporium pour 
le même sel. I] n’est pas non plus impossible que l'observation 
actuelle puisse être rapprochée de l'action presque nulle des 
nitrates sur le développement de la Levure de bière. 

La forme-levure, et il en est de même du Cladosporium, réduit 
les nitrates en nitrites. La réaction qui nous a servi à vérifier ce 
fait est celle du chlorure de naphtylamine et de l'acide sulfo- 
anilique. 

Dans les milieux peu nutritifs, la forme-levure passe rapidement 
à l'état fumago, et souvent aussi ses cellules se remplissent de 
nombreux globules gras, de dimensions parfois considérables. 

Comme dans la grande majorité des champignons, le Cladospo- 
rium, et surtout ses formes-levures, se prêtent très bien à la 
formation de réserves hydrocarbonées, qui s'accumulent dans les 
cellules à l’état de glycogène, et que l’iode colore en rouge brun 
plus ou moins foncé. La réaction est surtout bien visible dans 
les cultures sur gélatine, avant le moment de la liquéfaction. Des 
que les cellules peuvent reprendre leur croissance sans obstacle, 
comme dans les liquides, la rèserve ne tarde pas à disparaitre. 

Cultivée dans les solutions sucrées, de maltose, de glycose ou 
de sucre interverti, la forme-levure normale est dépourvue du 
caractère ferment. Cependant il se produit un peu d’alcool par 
suite de la continuation de la vie dans la profondeur des liquides. 


& 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 69 


La proportion d'alcool ainsi formée est toujours très faible; à 
diverses reprises, j'ai trouvé, dans des moûts sucrés à 5 °/,, de 0.6 
à 1 °/, d'alcool après un mois de végétation. 

La forme-levure se distingue en outre des vraies Levures par 
l'absence d'endospores. J'ai fait de très nombreux essais, à des 
températures variées, surtout sur le plâtre, en vue d'observer 
la production de spores internes. Jamais la forme normale ne 
m'en a donné, tandis que des cultures simultanées de Levures de 
bière et de vin m'en produisaient en abondance. Plusieurs fois 
cependant j'avais cru en avoir observé; mais ce n'étaient que des 
corps gras réunis par deux, trois ou quatre dans chaque cellule. 
Le contact prolongé de l'éther les faisait disparaître et enlevait 
toute illusion. 

Je me suis assuré par la culture que la forme-levure ne peut pas 
non plus produire de végétations mycodermiques à la surface des 
liquides alcooliques (vin et bière). 

Il semble donc que. les cellules bourgeonnantes de dematium 
soient absolument différentes des Levures. Néanmoins, j'estime que 
rien ne nous autorise à abandonner l'hypothèse de Pasteur sur 
l'origine des ferments alcooliques, et j’indiquerai bientôt des faits 
probants dans cet ordre d'idées. 

Je ne veux insister pour le moment que sur la production de 
races de formes-levures de Cladosporium à colonies roses sur 
Pomme de terre. J'avais eu l'occasion de l'observer pendant le 
mois de décembre 1887, mais je n'y avais pas attaché grande 
importance parce que cette variation ne m’avait pas paru persister 
dans des cultures successives. Pendant le mois de septembre 
dernier, une petite forme-levure de Cladosporium, trouvée sur des 
Groseilles desséchées, fut exposée au soleil, et comparativement 
a l'obscurité, afin d’en étudier les modifications. Je fus très surpris 
de trouver, au bout de quelque temps, dans les tubes exposés au 
soleil, non seulement la dégradation morphologique dont j'ai déjà 
parlé, mais encore la formation d'un anneau rose au niveau du 
liquide. Des cultures faites sur gélatine avec des ceilules contenues 
dans les tubes insolés et non insolés, m'ont fourni des résultats 
bien différents. Celles qui provenaient de tubes conservés a l'obscu- 


Tome III, 1888. 


7O É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


rité ont produit des colonies pour la plupart étoilées et blanches 
comme d’habitude. Elles liquéfiaient la gélatine au bout de six ou 
sept jours. Les cultures provenant d’une semence exposée au soleil 
pendant deux jours ne différaient guére des premieres. Quatre 
jours d’insolation avaient provoqué la production de colonies a 
contour arrondi, caractère du à l’action débilitante des radiations 
solaires. Les plus superficielles présentèrent, dès le troisième jour, 
une nuance rose qui s’accentua au point de donner des productions 
absolument semblables à la forme-levure rose, si répandue dans 
les eaux et l'atmosphère. J'en avais en culture au moment de ces 
expériences. La ressemblance des colonies et des cellules n'aurait 
permis aucune distinction pour l'œil le plus exercé. Les cellules, 
assez allongées sur la gélatine (fig. 12), devenaient plus arrondies 
sur tranches de Pommes de terre (fig. 13). 


0 S@o 
s ( 2) 0 CO 
Fic. 12. — Forme-levure de C/a- Fig. 13. — La même, cultivee sur 
dosporium rose, cultivé sur géla- Pomme de terre. Gr. = 600. 


tine. Gr. — 600. 


La forme-levure rose de lair (Saccharomyces ou Cryptococcus 
glutinis de Frésénius et de Cohn, Rosahefe des auteurs allemands 
modernes) a été l’objet de nombreuses observations. Hansen (*) 
croit qu'il en existe plusieurs espèces (*), les unes a cellules arron- 
dies, une autre à rameaux germinatifs (°). 

La forme-levure rose de Cladosporium diffère, il est vrai, quelque 


(*) Comptes rendus du Laboratoire de Carlsberg, 1879, p. 81. 

(2) Il vaudrait mieux employer le mot races. 

(3) Pour l’une d’elles, cet auteur dit avoir observé des endospores. Bien sou- 
vent, j’ai voulu vérifier ce fait : tout ce que j’ai obtenu, c’était des corps gras qui 
simulaient des spores de la manière la plus parfaite, mais disparaissaient à la 
longue dans l’éther. 


‘Tome II], 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 71 


peu de la forme-levure rose de l'air : dans les liquides sucrés, 
la coloration est moins nette; elle liquéfie aussi la gélatine plus tôt, 
et il y a, plus souvent qu'avec la forme-levure rose de l'air, dévelop- 
pement, dans les cultures, de rameaux latéraux semblables à ceux 
du demalium cultivé sur gélatine. Il se produit ainsi des formes 
dematium roses. Cette diversité d'aspect montre que l'insolation 
n'avait pas encore affaibli la descendance d’une façon égale pour 
tous les individus d’une même race. Il y en avait de plus atteints 
les uns que les autres. Dès lors, il nous est possible de comprendre 
et d'expliquer l'existence dans l'air de plusieurs races de forme- 
levure rose, comme l'avait observé Hansen. Rien ne nous dit, 
d’ailleurs, que d'autres Champignons ne puissent donner des 
formes-levures analogues. 

Il me paraît, en effet, assez probable que les mycéliums roses 
que l'on trouve souvent sur les lames de gélatine exposées à l'air, 
dérivent aussi de spores influencées par la lumière solaire. Beau- 
coup de ces mycéliums appartiennent au Peziza Sclerotiorum 
(Botrytis cinerea). Dans les cultures, ils perdent aisément leur 
matiere colorante et retournent aux types spécifiques, tandis que 
la forme-levure rose de l'air ne m'a jamais présenté de variation 
incolore, et semble par conséquent plus stable. 


Action de la chaleur. — Comme la plupart des microbes ubi- 
quistes, la forme-levure de Cladosporium se montre peu difficile 
au point de vue de la température. A 6°, le développement en est 
bien marque : il ne cesse qu’a 38°; l’optimum de croissance est 
compris entre 26° et 30°. 

Le chauffage dans l'eau à 45°, pendant cinq minutes, des cellules 
de la forme-levure et des conidies de Cladosporium, affaiblit forte- 
ment le pouvoir germinatif; pour la première, les cellules courtes 
prédominent au détriment des formes filamenteuses. La tempé- 
rature de 48° pendant cinq minutes est mortelle. 

Si le chauffage se fait à sec, il faut élever la température 
à 100° pendant le temps indiqué pour détruire la vitalité des 
germes. 

Je n’ai pas indiqué la production des formes dégénérées dans le 
chauffage des spores du Cladosporium ; on y parviendrait peut-être 


Tome III, 1888. 


72 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


par une action plus longue de la chaleur, plus favorable a une 
oxydation lente du protoplasme. 


Action du temps. — La forme-levure de Cladosporium et ses 
variétés sont extrèmement répandues dans l'air et même dans les | 
couches superficielles du sol. Des centaines de lames ont depuis 
deux ans été exposées à l'air dans des localités diverses. Toujours 
j'ai rencontré des colonies étoilées ou arrondies de dematium et 
de forme-levure, que la culture m'a permis de rapporter au 
Cladosporium. Il ne faut donc pas s'étonner si les fruits charnus 
portent des légions de cellules, tant à l'état de Cladosporium que 
sous l'aspect de dematium et de formes-levures. J'en ai compté des 
milliers sur des Fraises, des Cerises et des Raisins de moyenne 
grosseur, récoltés avec toutes les précautions exigées en pareille 
circonstance. 

Cette abondance de germes d'une même espèce s'explique beau- 
coup mieux par la facilité avec laquelle ces moisissures se nour- 
rissent des substances les plus variées que par la durée du pouvoir 
germinatif des spores. Les conidies du Cladosporium et du Pen. 
cladosporioides, ainsi que les cellules hyalines ou noires de dema- 
tium et de forme-levure, ne tardent pas à s’altérer, surtout au 
contact de l'air. Après six mois, des conidies de Pen. cladospo- 
rioides cultivé sur gélatine en tubes à essais et conservé à l’obscu- 
rité, sont restées inertes sur gélatine comme dans les moûts sucrés. 
J'en ai vu d'autres se développer apres trois, quatre ou cing 
mois de conservation dans les mêmes conditions. Les cellules 
hyalines de la forme-levure ne résistent pas pendant un temps plus 
long; même dans des ampoules de verre, elles ont été trouvées 
mortes apres neuf mois, malgré l'absence d'air. Par contre, les 
cellules qui ont pris l'aspect fumago sont plus résistantes; j'en ai 
vu se développer vigoureusement après dix mois de séjour dans un 
matras Pasteur placé à l'obscurité. 

D'après Duclaux (*), les conidies de Penicillium glaucum 


(*) E. DucLaux, Sur la durée de la vie chez les germes des microbes. (ANN. DE 
CHIMIE ET DE PHYSIQUE, 68 série, t. V, 1885.) 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 73 


sont encore vivantes apres six années de conservation a sec. Le 
Cladosporium, quoique tres répandu comme le Pen. glaucum, est 
donc moins bien doué pour ce qui est de la longévité des germes. 
Par contre, il résiste beaucoup mieux que celui-ci à l'influence de 
la lumiére solaire, qui est rapidement mortelle pour les spores de 
Penicillium glaucum. Ainsi s’explique la prépondérance du Clado- 
sporium dans la nature. 


y 


FUMAGO DE CLADOSPORIUM HERBARUM. 


Les botanistes s'accordent généralement à appeler fumago des 
productions noirâtres qui recouvrent les feuilles de plantes, surtout 
des espèces atteintes de la miellée. Zopf (*) a montré la variété 
des aspects que présente le Fumago, surtout en ce qui concerne 
la production des conidies. Il en a également signalé la forme- 
levure. 

J'ai été amené, dans le cours de ces recherches, à faire un grand 
nombre de cultures sur gélatine de fumagos récoltés sur des 
plantes très variées dans les diverses régions de l'Europe et même 
dans les pays tropicaux. Il résulte de ces essais que ces productions 
se rapportent à plusieurs types, au moins à deux ou trois que 
je crois bien distincts, mais parmi lesquels le Cladosporium herba- 
rum est le plus commun. Bien souvent les cultures sur gélatine de 
fumago recueilli sur des plantes de pleine terre et de serres, 
surtout sur Oranger, m'ont donné du Pen. cladosporioides, du 
Dematium pullulans et la forme-levure de Cladosporium. Comme 
on le voit, l’action solaire a pu dans ce cas modifier profondément 
les cellules du Cladosporium. J'aurais voulu réaliser expérimen- 


(1) Zopr, Die Conidienfruchte von Fumago. (NOVA ACTA DER LEOP. CAROL., 
tXEpArs 7.) ; 


Tome III, 1888. 


74 E. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


talement la transformation de ces derniers en fumago sur les 
feuilles des plantes les plus sujettes à ce développement crypto- 
gamique. Il n'est pas possible de les stériliser sûrement sans les 
tuer, ce qui modifie les conditions de vie des Champignons super- 


Fig. 15. — Fumago produit par la forme-levure cultivée dans une solution 
minérale additionnée de colchicine. Gr. = 200. 


Fic. 16. — Fumago de forme-levure cultivée dans un liquide sucré. Gr. = 200. 


Tome III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 79 


ficiels. Mais sur gélatine et surtout sur Pomme de terre, j'ai 
observé bien souvent la formation d'états fumago dérivés de 
cultures de dematium et de Cladosporium. Il n’y a donc aucune 
raison pour laquelle les conidies de ce Champignon et de ses formes 
végétatives ne puissent se développer sur les feuilles recouvertes 
de matières sucrées. 

Il convient de remarquer que je réunis sous le nom de fumago 
de Cladosporium des productions dérivées d'états très différents 
de ce Champignon. Ainsi les conidies de Cladosporium typique et 
de Pen. cladosporioïdes, les cellules de dematium et de forme-levure 
blanche peuvent revêtir l'aspect de grosses cellules, véritables 
kystes à membranes épaisses et brunes. Ce ne sont là que des états 
plus résistants, auxquels on ne peut accorder, au point de vue 
du polymorphisme, l'importance des formes dematium et levure. 
Jai déjà fait remarquer que cellé-ci retourne à celle-là par l'inter- 
médiaire d’un état fumago, dans lequel on pourrait voir une 
forme de retour vers le type immédiatement supérieur, le 
Dematium. C'est là un exemple d'évolution progressive qui se 
manifeste dans le développement des formes très dégénérées de 
Cladosporium. 

Quand il vit à l'état de fu:zago sur les feuilles des plantes, le 
Cladosporium n'est pas un vrai parasite : il se nourrit des matières 
sucrées diffusées au travers de l'épiderme par suite d’un état 
maladif des tissus foliaires. Il est cependant des cas où le Cladospo- 
rium prend des allures parasitiques plus nettes. C'est ce que j'ai 
pu constater en Belgique sur des Ananas magnifiques, cultivés 
dans des conditions d'humidité telles que les fruits étaient atteints 
de gommose, et se laissaient pénétrer par des filaments mycéliens. 
Ceux-ci appartenaient à une race grêle de Cladosporium avec 
formes dematium et levure. Le mycélium provoquait une rapide 
décomposition des tissus atteints. La maladie disparut avec la 
cessation de l'humidité excessive dont on entourait les plantes. 

J'ai pu me convaincre que certaines affections de plantes de 
grande culture (pourriture des feuilles de Betteraves, Carottes...) 
sont également dues à des races de Cladosporium. 

Il n’y a pour moi pas le moindre doute que des états de dévelop- 


Tome II]. 1888. 


76 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME 


pement du Cladosporium ont été a diverses reprises décrits par 
des botanistes trop désireux de créer des noms nouveaux. C'est 
ce qui ressort de l'examen des travaux des anciens mycologues. 
Mais le laconisme des descriptions ne permet guère de faire des 
identifications certaines. 


VI 


Restreint aux résultats obtenus dans le cours des présentes 
recherches, le polymorphisme du Cladosporium herbarum peut 
suggèrer quelques réflexions sur la nomenclature des Hypho- 
mycètes. 

D'après mes observations, ce Champignon peut présenter les 
états suivants : 

1. Cladosporium herbarum (type naturel); 

2. Penicillium cladosporioides ; 

3. Dematium (pullulans) sans cellules formes-levures ; 


4. — = avec cellules formes-levures ; 
5. Forme-levure blanche ou torulacée de Pasteur; 
6. — — rose; 


7. Fumago ou état d’enkystement commun aux cing premières 
formes. 

En laissant de côté les Furnago, on peut classer ces états de déve- 
loppement en deux groupes: le premier comprend les n° 1 et 2, 
et on peut y réunir le n° 3 dépourvu de conidies aquatiques, mais 
capable de produire des conidies aériennes. Le second groupe est 
formé des n°* 4, 5 et 6, à conidies uniquement aquatiques. Les 
formes du premier groupe ne peuvent donner celles du second 
sans l'intervention de causes qui affaiblissent l'organisme. Et les 
races suffisamment affaiblies n’ont jamais repris l’état dont elles ne 
sont que des produits dégénérés. 

On se trouve dans la nécessité de désigner ces formes sous des 
noms différents pour éviter des descriptions sommaires. 


ToME III, 1888. 


DU CLADOSPORIUM HERBARUM. 77 


Comme on le voit, la nomenclature des organismes inférieurs 
n’aura jamais la précision qui en fait le mérite chez les êtres supé- 
rieurs à développement défini. 

Néanmoins une réforme complète du langage botanique appli- 
qué aux Hyphomycètes serait à souhaiter et pourrait être réalisée 
au fur et à mesure des progrès des études. En admettant, ce que 
je ne crois pas, que le Cladosporium herbarum ne se rapporte a 
aucun Champignon d'organisation plus élevée, il y aurait avantage 
à en désigner les états végétatifs de la manière suivante : forme 
penicillium, forme dematium, forme-levure blanche, forme-levure 
rose, fumago. 

Cette réforme, toute radicale qu’elle puisse paraître, s'imposera 
tôt ou tard; elle sera le corollaire nécessaire de l'étude expérimen- 
tale des Hyphomycetes. - 

Jusqu'ici je me suis abstenu d'émettre une hypothèse sur l'état 
ascomycete du Cladosporium herbarum. Ce n'est pas le Pleospora 
herbarum, dont jai obtenu les péritheces dans la culture de 
l’'Allernaria tenuis. Il semble mème, d'après mes observations, 
ne pas exister d'affinité tres grande entre le Cladosporium et 
l'Alternaria. Il est très vraisemblable que la forme ascospore du 
premier n'est autre que le Capnodium salicinum, auquel jusqu'ici 
les mycologues ont attribué exclusivement les fumago foliaires. 
J'aurais voulu vérifier cette hypothèse par la culture des ascospores 
de Capnodium, mais je n'en ai jamais rencontré pendant la durée 
de ces recherches. 

Il n'est pas inutile, pour la compréhension du polymorphisme 
des êtres inférieurs, de mettre en relief l’idée générale à déduire 
des recherches actuelles. 

Le Cladosporium est un exemple d'organisme capable de con- 
server indéfiniment son état végétatif avec conidies aériennes. 
L'influence de la lumière, ainsi que du temps, modifie l’organi- 
sation de ce Champignon au point de lui faire prendre des états 
absolument distincts, aussi persistants que la forme typique (dema- 
ttum, formes-levures blanche et rose). 

Un tel polymorphisme n’est nullement comparable a la succes- 
sion des états conidiens et ascomycetes (Botrytis et Peziza Sclero- 


Tome III, 1888. 


78 É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LE POLYMORPHISME, ETC. 


tiorum), ni à l'alternance des appareils sporifères des Champignons 
parasites qui vivent sur des plantes d'espèces différentes (des 
Urédinées). 

Dans un prochain travail, je démontrerai que les variations 
morphologiques et surtout physiologiques sont chez les Bactéries 
encore bien plus remarquables. 


Travail fait au laboratoire de physiologie végétale de l’Université de 
Bruxelles et au laboratoire de microbiologie de la Sorbonne, à Paris. 


EXPÉRIENCES 


SUR 


L'ABSENCE DE BACTERIES DANS LES VAISNEAUX DEN PLANTES 


PAR 


É. LAURENT (:. 


Dans une note publiée en 1885 (*), j'ai démontré qu'il n'existe pas 
de bactéries dans les graines de Maïs et d'Orge ni dans les tuber- 
cules de Pomme de terre et de quelques autres plantes. Depuis 
quatre ans, des recherches analogues ont été faites par Fern- 
bach (°), di Vestea (*) et J. Grancher et E. Deschamps (°). Ces expé- 
rimentateurs ont également conclu que les tissus des plantes qu'ils 
ont étudiées ne renferment pas de bactéries lorsqu’on les examine 
a l’état normal. 

Si les tissus cellulaires des graines et des tubercules ne se laissent 
pas pénétrer par les microbes, on peut supposer qu'il en est autre- 
ment dans les canaux vasculaires des plantes dont les racines 
plongent dans le sol. Un petit nombre de couches cellulaires sépa- 


(!) Ce travail a paru dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, 
t. XIX, n° 4, pp. 468-471, 1890. 

(2) Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. X, p. 38. 

(3) Annales de [Institut Pasteur, t. II, p. 567, 1888. 

(4) Zôidem, t. II, p. 670, 1888. 

(5) Archives de médecine expérimentale et d'anatomie pathologique, 1*° série, t. I, 
Pp. 33, 1889. 


Tome III, 1890. 


80 E. LAURENT. — SUR L'ABSENCE DE BACTERIES 


rent les extrémités des vaisseaux du milieu extérieur si riche en 
microbes de toutes sortes. Souvent aussi des racines sont détruites, 
soit par les petits animaux souterrains, soit par la pourriture. Il y 
avait donc lieu de s’assurer par l'expérience si des bactéries exis- 
tent dans la sève des plantes observées à l’état normal. 

J'ai fait choix de jeunes Vignes cultivées en pots. Le grand 
diamètre et la rareté des cloisons transversales des vaisseaux de 
cette espèce la rendent a priori très favorable à la circulation des 
germes bactériens à travers la tige. 

Onze pieds de Vigne, qui n'avaient subi aucune taille, furent mis 
en expérience pendant l'hiver dernier. Après quelques semaines de 
séjour dans une serre chaude, chaque tige avait donné plusieurs 
rameaux couverts de feuilles. A ce moment, on la coupa avec un 
scalpel flambé après avoir eu soin de passer dans la flamme d’une 
lampe à alcool la partie de l'écorce où devait se faire la section. La 
plaie était elle-méme soumise avec rapidité au même traitement, 
et aussitôt la tige était recourbée dans un large tube à essai muni 
d'un tampon d’ouate. Ce tube avait, au préalable, reçu 10 centi- 
mètres cubes d'un liquide nutritif et avait été stérilisé. 

Des onze tubes employés, quatre renfermaient du bouillon de 
veau légèrement alcalin; quatre du liquide de touraillons neutre; 
dans les trois derniers, j'avais introduit le même liquide, mais 
après l’avoir légèrement acidulé avec l'acide tartrique. Le bouillon 
de veau et le liquide de touraillons conviennent admirablement au 
développement des bactéries vulgaires. 

Au bout de vingt-quatre heures, il y avait dans chaque tube 
> à 10 centimètres de sève qui s'était mélangée avec le liquide 
stérilisé. Les tiges furent retirées avec précaution et les tubes placés 
à la température de 30°. Une semaine plus tard, un seul présentait 
des bactéries dans le liquide nutritif dilué par la sève. C’étaient de 
petits bacilles dont les germes provenaient assurément de l’air et 
avaient pénétré dans le tube au moment de l’expérience. Ceux qui 
sont habitués aux recherches microbiques se rendront facilement 
compte de la difficulté de se mettre complètement a l'abri des 
germes aériens dans des expériences aussi délicates. 

On peut donc admettre que les microbes du sol ne cheminent 


Tome III, 1890, 


DANS LES VAISSEAUX DES PLANTES. 8r 


aac eee 


pas dans les vaisseaux de la Vigne, et tout nous porte a supposer 
qu'il en est de même chez toutes les plantes vasculaires. Il n’en est 
pas ainsi lorsqu'une plante n'est plus à l'état sain, qu'elle a été 
tuée pour une Cause quelconque (maladie, froid, etc.). Souvent 
alors, l’intérieur des vaisseaux se remplit de matière gommeuse 
dans laquelle se développent de nombreuses colonies de bactéries 
saprophytes. On enrencontre defréquents exemples chez les plantes 
cultivées dans les terrains trop humides ou épuisés par une culture 
mal entendue. Wakker (‘) a signalé des bacilles qui envahissent 
les plantes bulbeuses par la voie des vaisseaux. Le plus souvent, la 
contamination des tissus ne se fait pas par les vaisseaux, mais par 
le parenchyme lui-même. Les microbes se développent de proche 
en proche dans les masses charnues des tubercules et finissent par 
en amener la désorganisation. C'est ainsi qu’il faut expliquer un 
fait auquel Béchamp (*) avait autrefois attribué une assez grande 
importance, et dont la véritable interprétation n'a, que je sache, 
pas encore été donnée. 

Il s'agissait de pieds d'Echinocactus et d'Opuntia qui avaient été 
gelés. Peu de temps après, leur tissu cellulaire était rempli de 
bactéries que Béchamp supposait provenir de la transformation 
de microzymas, c'est-à-dire des granulations protoplasmiques. 
Leur origine est beaucoup moins extraordinaire. 

Pendant l'hiver de l'année 1887, des Echinocactus que j'avais 
laissés geler à dessein, ont subi le mème sort que les pieds observés 
par Béchamp. Mais une section longitudinale des plantes gelées 
montrait que le tissu cellulaire avait été entamé de proche en 
proche par des bactéries originaires du sol. Elles appartenaient à 
une espèce très répandue dans la terre, assez analogue à ce qui a 
été décrit sous le nom de Baclerium termo et qui à la longue digère 
les membranes cellulaires. 

Le fait que je viens de rapporter donne la mesure de la valeur 
qu'il faut accorder à la fameuse théorie des microzymas de 


(*) Archives néerlandaises des sciences exactes et naturelles, t XXIII, p. 6, 1888. 
(2) Les microzymas. Paris, 1883, p. 141. 
Tome III. 6 


ToME III, 1890. 


82 E. LAURENT. — SUR L’ABSENCE DE BACTÉRIES, ETC. 


Béchamp. Elle est le résuitat d'une vive imagination dépourvue 
du moindre contrôle expérimental. Les opinions de A. Wigand 
sur le même sujet ne méritent pas plus de crédit. De Bary (°) l'a 
prouvé lorsqu'il a montré que les prétendues bactéries du Trianea 
bogotensis et du Galeobdolon luteum ne sont que des cristaux 
d’oxalate de chaux! 


(1) Les Bactéries. Paris, 1886, p. 85. 


SUR 


LE MICROBE DES NODOSITÉS 


DES LEGUMINEUSES 


PAR 


É. LAURENT (:) (’). 


, 


Malgré les nombreux travaux consacrés a l'étude des nodosités 
des racines de Legumineuses, on est encore bien peu renseigné sur 
les causes qui président a leur formation. Les organismes qu’on y 
rencontfe ont été tour a tour considérés comme des étres parasites, 
rangés parmi les Myxomycètes, les Bactéries ou les Champignons 
filamenteux ; d'autres botanistes leur ont refusé toute autonomie. 

Il est pourtant facile de s'assurer, en cultivant des Pois à l'abri 
de tout germe étranger, que les racines de Légumineuses ne don- 
nent pas spontanément de tubercules; l'intervention d’un germe 
est nécessaire, soit qu’il provienne d’une nodosité ou d'une terre 
qui a porté des Légumineuses. 

On peut aussi (et de nombreux savants l’avaient fait avant moi) 
faire des inoculations de racine à racine. Sur des Pois nains, 
cultivés sur une solution nutritive privée d'azote combiné, j'ai tou- 
jours vu ces inoculations réussir quand je prenais la semence dans 
des tubercules par trop âgés. Les premières nodosités apparaissaient 
huit ou dix jours après la piqûre sous-épidermique de la racine à 
infecter. Le succès est moins constant quand la semence est pré- 


(*) Cette note a paru dans les Comptes rendus del Académie des Sciences de Paris, 
le 17 novembre 1890. 

(2) Travail du laboratoire de microbiologie de la Sorbonne, à l'Institut 
Pasteur. 


Tome III, 1890. 


84 É. LAURENT. — SUR LE MICROBE 


levée sur la plante vers l'époque de la formation des graines. 

J'ai ainsi réussi à inoculer au Pois les nodosités de plus de trente 
espèces de Légumineuses appartenant à des genres très différents. 
Le nombre, les dimensions des nodosités, ainsi que l'aspect des 
microbes qu'on y trouve, varient pourtant avec la nature des 
espèces auxquelles on a emprunté la semence. 

Il y avait un pas de plus à faire pour assurer à ces microbes l'au- 
tonomie qu'on leur a contestée : c'était de les cultiver dans des 
cultures pures, en dehors des tissus. Divers savants assurent y 
avoir réussi; mais les affirmations de plusieurs d’entre eux me 
semblent contestables, car ils donnent comme mobiles les êtres 
rencontrés dans leurs cultures. Or les bactéroïdes des nodosités, 
comme ceux de mes cultures, n'ont jamais que le mouvement 
brownien. 

De mon côté, j'ai obtenu des cultures florissantesen ensemençant, 
à l'abri de tout germe étranger, un peu de la substance d’une 
nodosité sur des bouillons, gélatinisés ou non, de Pois et de Lupin. 
Dans les milieux liquides, un dépôt visqueux se forme au fond 
des matras de culture, et l’on y retrouve, au microscope, les formes 
en Y, en T, et même les formes les plus compliquées des bacté- 
roïdes observés dans les nodosités. Ces liquides de culture, inoculés 
dans la racine de jeunes Pois, y déterminent la formation de 
nodosités. 

I] n’est même pas nécessaire d'avoir recours à des sucs végétaux; 
on peut cultiver le microbe des nodosités dans de l’eau pure, a 
laquelle on a ajouté un millième de phosphate de potassium, un 
dix-millième de sulfate de magnésium et cinq ou dix millièmes de 
saccharose bien pure. Dans ce mélange, dans lequel on n’a pas mis 
d'azote, les bactéroïdes donnent, après quatre ou cing jours à 
24°, une membrane visqueuse collée au fond du vase de culture. 
La saccharose peut être remplacée par la maltose, la lactose, la 
dextrine, la mannite ou la glycérine. 

Dans ces milieux privés d'azote, les Bactéries banales, cultivées 
comparativement, poussent peu ou mal. Le microbe des nodosités 
donne, au contraire, un dépôt assez notable. Il semble donc qu il 
ait la propriété d'assimiler l’azote libre. Mais c’est là un point sur 
lequel je me réserve de revenir. 


Tome III, 1890. 


DES NODOSITES DES LEGUMINEUSES. 85 


Ces êtres sont donc bien réellement autonomes. Dés lors, à quelle 
place faut-il les mettre? Beaucoup de savants en ont fait des Bac- 
téries, en se fondant sur leur aspect dans les nodosités adultes. On 
les voit sous forme de corpuscules bactériformes rectilignes, 
courbés, quelquefois en Y ou en T, quelquefois a ramifications plus 
compliquées. 

Lorsqu'on examine au microscope des tubercules en voie de 
croissance, surtout si l'on plonge les coupes dans une solution assez 
étendue de violet dahlia, on découvre toujours des filaments très 
irréguliers, traversant la région centrale du tissu cellulaire. Je les 
ai même observés dans les nodosités des Lupins et du Haricot 
d'Espagne, contrairement aux assertions de plusieurs botanistes. 
Ca et la, ces filaments donnent des renflements sessiles, ou situés 
au sommet de petits rameaux latéraux. A la surface de ces renfle- 
ments apparaissent des ramuscules très courts qui leur donnent 
l'aspect d’une mûre. J'ai ainsi observé chez le Lathyrus sativus, le 
Galega officinalis et chez le Pois, la production de ces bactéroides 
sur les renflements mamelonnés des filaments et parfois le long des 
rameaux. Ces corpuscules ne tardent pas à se détacher et conti- 
nuent à vivre dans la masse protoplasmique environnante. Au 
lieu de se multiplier par division transversale, comme les Bacté- 
ries, les bactéroides se ramifient par une sorte de bourgeonnement 
dichotomique qui aboutit à la production des formes en Yeten T 
si caractéristiques. Les bourgeons ainsi produits se séparent à la 
façon des cellules de levures. Ce mode de ramification et de 
reproduction rappelle celui que Metchnikoff (") a signalé chez le 
Pasteurta ramosa, parasite des Daphnies. Ce microbe et les orga- 
nismes des nodosités légumineuses me paraissent devoir constituer 
un groupe distinct, intermédiaire entre les Bactéries et les cham- 
pignons filamenteux inférieurs, et qu'on pourrait appeler Pasleu- 
riacées. 


(1) Annales de l'Institut Pasteur, t. I, p. 165, 1888. 


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RECHERCHES 


SUR 


LES NODOSITÉS RADICALES 


DES LEGUMINEUSES (’) 


PAR 


É. LAURENT (°) 


Bien peu de questions de physiologie végétale ont été l'objet 
d'autant de controverses que celle de l'origine de l’azote des Légu- 
mineuses. Depuis deux mille ans, ces plantes sont considérées, à 
bon droit, par les agriculteurs, comme améliorantes, c'est-à-dire 
qu'elles semblent rendre le sol plus fertile lorsqu'elles l'ont occupé 
pendant un certain temps. Cette propriété, qui implique l’assimi- 
lation par ces plantes de l'azote libre de l'atmosphère, a paru long- 
temps paradoxale aux chimistes et aux physiologistes. Elle n'a 
commencé à entrer dans la Science que lorsque Hellriegel fit 
voir que la végétation des Légumineuses, dans les sols privés d'azote, 
ne peut réussir complètement que si leurs racines sont pourvues de 
petits lubercules particuliers. 

Mais que sont ces tubercules, et à quelle cause sont-ils dus? On 


() Les points principaux exposés dans ce travail ont été présentés dans une 
note préliminaire à l’Académie des sciences de Paris, à la séance du 17 no- 
vembre 1800. 

(2) Ce travail a paru dans les Annales de l'Institut Pasteur, t. V, p. 105, 1891. 


TOME III, 1891. 


88 É. LAURENT. — RECHERCHES 


les connaît depuis longtemps, et les botanistes du XVIIe siècle les 
mentionnent; on les a pris tantôt pour des productions physiolo- 
giques, tantôt comme le résultat de l'intervention des microbes (*). 
Quelques détails sur leur structure ne seront pas inutiles pour bien 
comprendre leur genèse et leur étiologie. 


LES NODOSITES. 


Les nodosités radicales ont été observées sur la plupart des 
Légumineuses, et sont si régulièrement présentes en particulier 
chez les Papilionacées, que certains botanistes les ont considérées 
comme un caractère de famille. Très communes dans les genres 
Tréfle, Pois, Fève, Lupin, elles sont beaucoup plus rares chez les 
Genéts, les Astragales, et surtout la Pistache de terre (Arachis 
hypogæa). Elles ne sont du reste pas toujours également abon- 
dantes dans la même espèce : certains sols, en général les moins | 
fertiles, sont plus favorables que d’autres à l'apparition des tuber- 
cules. 

Des formations analogues, souvent plus volumineuses, se ren- 
contrent sur les racines des Aulnes et des Elæagnus. En dehors de 
ces deux genres, on ne connaît de nodosités radicales, comparables 
a celles des Légumineuses, sur aucun autre végétal à l'état normal. 

La forme de ces tubercules peut différer beaucoup dans des 
espèces voisines, mais elle est assez constante dans la mème espèce. 
Tantôt les tubercules sont simples et sphériques (Haricot), ovoides 
ou elliptiques (Trèfle, Gesse), tantôt ils présentent des ramifica- 
tions plus ou moins nombreuses nées à la suite de dichotomies 
successives (Vesce, Luzerne). Les Lupins, surtout le Lupin jaune, 


(*) Sous le nom de microbes, je comprends l’ensemble des organismes infé- 
rieurs. 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LÉGUMINEUSES. 89 
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ne sont pas pourvus de nodosités abondantes; souvent, au voisi- 
nage du collet, il se forme une masse volumineuse, d’abord latérale, 
mais qui, plus tard, enveloppe toute la périphérie. 

A premiere vue, les tubercules radicaux ne semblent pas obéir 
aux règles qui président à l’apparition des racines nouvelles sur 
les axes radicaux. Il n'en est rien cependant et, comme l'ont dé- 
montré Van Tieghem et Doulliot (*), la position occupée par les 
nodosités se trouve en relation constante avec le systéme libéro- 
ligneux ou fibro-vasculaire de la racine. 

Une couche cellulaire spéciale, le péricycle ou péricambium, 
donne naissance aux tubercules de mème qu’aux radicelles des 
Légumineuses. Elle se trouve a la périphérie du cylindre central, 
et confine donc à l’assise cellulaire la plus interne du système cor- 
tical. Cette assise, appelée endoderme, et parfois aussi les assises 
corticales les plus internes, agrandissent et cloisonnent leurs 
cellules autour des endroits ou des formations latérales vont se 
produire: elles constituent la poche digestive, chargée de digérer 
le reste de P’écorce. 


p, poils radicaux; v, vaisseaux; pd, parenchyme à bactéroides; m, méristéme; 
Pp, pericycle; end, enduderme. 


A l'état adulte, un tubercule présente toujours deux catégories 
de cellules nettement distinctes. Les unes occupent la portion cen- 


(1) Bulletin de la Société botanique de France, t. XXXV, p. 105, 1888. 


Tome III, 1891. 


90 É. LAURENT. — RECHERCHES 


trale; elles sont relativement trés grandes, et, de prime abord, 
semblent remplies d’un contenu dense et fortement granuleux. 
Autour d'elles, des couches cellulaires plus ou moins nombreuses 
constituent l'écorce; leurs cellules sont plus petites et hyalines. Au 
milieu de celles-ci existent des cordons libéro-ligneux en rela- 
tion avec un ou plusieurs faisceaux correspondants de la racine. 
Dans la grande majorité des cas, on découvre sur une coupe trans- 
versale un nombre variable de faisceaux libéro-ligneux disposés en 
cercle autour des grandes cellules centrales. Des coupes longitudi- 
nales permettent de constater que ces faisceaux partent de l’axe 
radical, ordinairement en un tronc unique qui se bifurque plu- 
sieurs fois, et dont les branches divergent vers la périphérie. Chaque 
cordon comprend, au moins sur une portion de son parcours, une 
région ligneuse et une région libérienne. 

Lorsque la nodosité est très jeune, elle porte encore des poils 
radicaux; mais ils disparaissent par la suite. En même temps, elle 
prend une teinte brune, et ses cellules les plus externes se subé- 
risent, au moins dans la portion parvenue à l'état adulte. Parfois 
aussi les tubercules deviennent rougeatres : c'est le tissu central qui 
prend cette coloration. 

Les cellules les plus extérieures de l'écorce sont souvent l’objet 
d’exfoliations partielles; leur surface prend alors un aspect assez 
irrégulier, qui rappelle celui de certaines pilorhizes. 

Reprenons l'examen du tissu à grandes cellules qui occupe la 
région centrale des nodosités. Il se distingue très nettement des 
cellules hyalines environnantes; çà et la des éléments ont conservé 
leur aspect ordinaire, ce qui annonce déja que la transformation 
n'est pas due à une cause générale, mais est provoquée par un agent 
particulier localisé à certains endroits. 

Un grossissement suffisant met en évidence, tout au moins dans 
les cellules situées vers la base de la nodosité, des éléments bacté- 
riformes extrèmement abondants. Parfois ils paraissent mobiles: 
mais ce n’est pas autre chose que l'effet du mouvement brownien, 
car les mouvements persistent dans les solutions iodées et d'autres 
liquides toxiques. 

Des fragments de tubercule écrasés sur une lame, et examinés 


TOME III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 9I 


au microscope, permettent d'observer les aspects très variés des 
petits corps bactériformes, que je désignerai sous le nom de 
bactéroides, à l'exemple de Brunchorst. Ils ont environ 1 u de 
diamètre transversal, mais il y en a de plus gros et de plus minces. 
Les uns rappellent à s'y méprendre l'aspect des bacilles les plus 
communs, avec cette différence que leurs contours sont moins 
réguliers (Haricot, Cytise, Lupin). D'autres sont ramifiés et simu- 
lent soit la lettre Y ou bien la lettre T (Pois, Vesce); il y en a parmi 
ceux-ci qui ont des formes plus irrégulières encore par suite de 
ramifications dichotomiques. 

Ainsi que l'ont fait remarquer Franck et Beyerinck, la forme 
des bactéroïdes est assez constante chez une même espèce, ou, tout 
au moins, il existe pour chacune une forme dominante. Cette règle 
n'est cependant pas absolue, et je signalerai plus loin une cause 
assez intéressante de variations. 

Sous l'influence des réactifs, les bactéroïdes se comportent comme 
les Bactéries banales : ils se colorent en jaune par l’iode, absorbent 
avec la plus grande facilité des couleurs d’aniline, particulièrement 
la fuchsine et le violet de méthyle, ainsi que |’hématoxyline. Au 
chapitre III, j'aurai l’occasion de discuter la nature des bacté- 
roïdes. 

Ce sont ces corpuscules qui attirent le plus l'attention de ceux 
qui observent pour la première fois des nodosités au microscope. 
Il y a cependant d autres éléments non moins intéressants dans le 
tissu à bactéroïdes. Les cellules qui constituent ce tissu ne sont pas 
semblables dans une nodosité en voie de croissance. Nous venons 
de voir que les plus anciennes sont bourrées de bactéroides; à côté 
de celles-la, il y en a qui sont creusées de plusieurs vacuoles ou 
d'une grande vacuole centrale entourée d’une couche protoplas- 
mique relativement épaisse ; on y distingue un noyau volumineux 
avec nucléole apparent; enfin les cellules les plus jeunes, voisines 
du tissu générateur ou méristeme, se trouvent vers le sommet du 
tubercule. Ce méristème reste actif pendant un temps assez long, 
de sorte que sur une coupe longitudinale de nodosité, perpendicu- 
laire à la racine mère, on distingue le plus souvent des cellules à 
bactéroïdes aux différents états de développement. 


Tome III, 1891. 


92 É. LAURENT. — RECHERCHES 


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Une telle coupe, traitée par une solution iodée, présente la colo- 
ration bleue caractéristique de l’amidon, tout au moins dans 
une partie du tissu central. Au microscope, on reconnait la pré- 
sence de grains d’amidon dans la plupart des cellules à bacté- 
roides, et aussi dans celies qui, arrivées a leur taille adulte, n'en 
contiennent pas encore. Généralement, une assise ou deux des 
cellules internes de l'écorce renferment également de l'amidon. Cet 
amidon n'est que transitoire, et un rôle important lui est réservé 
dans la physiologie du tubercule. 

Dans les cellules les plus jeunes du parenchyme à bactéroïdes 
traité par l’iode, un examen microscopique très attentif permet 
d'observer des filaments protoplasmiques non cloisonnés, assez 
irréguliers, qui traversent les membranes cellulaires et se renflent 
çà et là en masses ovoïdes ou sphériques, sessiles ou pédicellées, 
isolées ou réunies par deux ou trois sur un même support. Décou- 
verts d’abord par Prillieux (*) et par Frank (°), ces filaments ont été 
l'objet d’observations tres soignées de la part de Vuillemin (*) et 
surtout de Marshall Ward ({), qui les vit pénétrer dans les racines 
par les poils radicaux. Il est difficile de comprendre l'opinion de 
Beyerinck (°), qui, s'attachant surtout à l'étude biologique des 
bactéroïdes, fut porté à considérer les filaments muqueux comme 
les restes des tonnelets nucléaires. Tschirch (°) avait, quelque temps 
auparavant, adopté une opinion analogue. 

Kny (’) et Prillieux considéraient ces productions comme sem- 
blables à celles que donnent certains Myxomycètes, entre autres 
le Plasmodiophora Brassicæ, qui cause la hernie des racines de 
plusieurs Crucifères. 


(') Bulletin de la Société botanique de France, t. XXV1, p. 98, 1879. 

(2) Botan. Zeitung, p. 377, 1879. 

(3) Annales de la Science agronomique, 5° année, t. II, p. 121, 1888. 

(4) Philosoph. Transactions of the Roy. Society of London, B, vol. CLXXVIII, 
p. 539, 1887, et Proceedings of the Roy. Society, vol XLVI, p. 431, 1889. 

(5) Botan. Zeitung, n® 46 à 50, 1888. 

(°) Berichte d. deutsch. botan. Gesellsch., t. V, 1887. 

(7) Botan. Zeitschrift, p. 57, 1879. 


TOME III, 1801. 


SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LEGUMINEUSES. 93 


Prazmowski (*) voit dans les filaments intracellulaires des 
formations protoplasmiques appartenant au microbe des tuber- 
cules, et dans lesquelles des Bactéries spécifiques naissent et se 
multiplient avant de se transformer en bactéroides. Les cordons 
protoplasmiques seraient donc des sortes de zooglées. 

Récemment, Frank (*) a émis une opinion entièrement diffé- 
rente : la légumineuse produirait les filaments, dans le proto- 
plasme desquels les bactéroides prendraient naissance sous l'in- 
fluence de Micrococcus particuliers. 

Dès 1874, Eriksson (*) avait identifié les filaments dont il vient 
d’étre question a un véritable mycélium pourvu d’une membrane 
cellulosique propre. L'existence d'une telle membrane a été de 
nouveau affirmée par Vuillemin (*), Pichi (°) et plus récemment 
par A. Koch (°). Ces savants ont pu la découvrir après avoir traité 
des coupes par l'hypochlorite de soude ou l'eau de Javel, et ensuite 
par le chlorure de zinc iodé. 

Cependant, la présence d'une enveloppe ceilulosique ne termine 
pas toute discussion sur la nature du microbe des nodosités Plus 
d'un point important relatif à la morphologie de cet organisme 
est resté jusqu'ici des plus controversés. 

Dans l'étude des nodosités et des êtres vivants qui les habitent, 
il importe de renoncer aux moyens employés d'habitude pour les 
travaux histologiques. Ainsi l'immersion dans l'alcool donne de 
mauvais résultats; les filaments deviennent alors tres difficiles à 
distinguer au milieu du contenu cellulaire coagulé. Mieux vaut ne 
les étudier que sur des coupes fraîchement préparées. L’iode suffit 
pour les rendre plus apparents; ce réactif les colore en jaune. Les 


(1) Botan. Centralbl., t. XXXVI, 1888, et Die Wurzselknôllchen der Erbse 
(LANDWIRTSCH. VERSUCHS-STATIONEN, t. XXXVII, p. 161, 1890.) 

(2) Berichte d. deutsch. botan. Gesellsch., t. VII, p. 332, 1889, et Ueber die Pilz- 
symbiose der Leguminosen. (LANDWIRTHSCH. JAHRBUCHERN, 1890.) 

(3) Studer üfver Leguminernas rotknôlar. Lund, 1874. 

(4) Loc. cit., p. 189. 

(5) Atte d. Societa Toscana d. scienze natur., 1888. 

(°) Botan. Zeitung, p. 607, 1890. 


TOME III, 1891. 


94 E, LAURENT. — RECHERCHES 


couleurs d’aniline ordinairement employées ne conviennent guére, 
parce qu'elles n'ont d'action que sur le protoplasme mort, Il en est 
tout autrement du violet dahlia, cet excellent réactif que Certes a 
fait connaître comme capable de colorer les protoplasmes vivants. 

Des coupes très minces de nodosités de Pois, de Fève, de Gesse 
cultivée, etc., etc., plongées pendant quelques minutes dans une 
solution aqueuse de violet dahlia, m'ont donné d'excellents résul- 
tats. Dans toutes les cellules du parenchyme à bactéroïdes, l'exis- 
tence des filaments muqueux est alors des plus nettes. Ils traver- 
sent les cellules, et présentent le plus souvent un épaississement 
local au niveau des cloisons cellulosiques qu'ils traversent. Pour 
Frank, cette particularité, de même que la forme amincie et 
pointue de certains rameaux, s’expliquait (1879) par l’étirement 
des filaments dans les cellules en voie de croissance. Certes, il y a 
une part de vérité dans cette interprétation; mais il est aussi vrai 
que les filaments protoplasmiques s'appliquent fréquemment contre 
les parois des cellules qu'ils traversent (voir pl. II, fig. 7 et 11). Grâce 
à la coloration par le violet, on les voit parfois se diviser en ramus- 
cules très délicats qui se perdent dans le protoplasme environ- 
nant. 

Un fait beaucoup plus important m'a été révélé par l'emploi du 
violet dahlia. Les productions arrondies que présentent les fila- 
ments ont été considérées dès 1879 comme des sucoirs par Frank. 
Pour Prazmowski, ce sont des sortes de sporanges où s'accu- 
mulent les Bactéries avant de se répandre dans les cellules exté- 
rieures. | 

Ni l’une ni l’autre de ces opinions n’est exacte. En effet, le 
violet dahlia employé en solutions aqueuses diluées donne, après 
quelques minutes, à la plupart des masses globuleuses, un aspect 
mamelonné, parfois hérissé, que l'on ne pourrait que très difficile- 
ment soupconner en l'absence de coloration. Chacune présente un 
certain nombre de ramifications très courtes dont les stérigmates 
des Aspergillus nous donnent une idée assez exacte. 

Cette observation, faite en premier lieu sur la Gesse cultivée et 
sur le Pois, fut vérifiée sur une assez grande quantité de Papiliona- 
cées. Toutes les espèces ne conviennent pas d'une manière égale; 


TOME III, 1891. 


SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LÉGUMINEUSES. 95 


ainsi chez la Fève, les petites aspérites en question sont peu appa- 
rentes, et l’organe qui les porte a plutôt l'aspect d'une mire. 

L'observation de ces rameaux hérissés de pointes très courtes 
et très délicates me fit tout de suite supposer que c'était sans doute 
là l'origine des bactéroïdes. Le pressentiment était des plus fondés. 
D’innombrables coupes furent faites avec soin dans des nodosités 
d'âge variable de Gesse cultivée et de Pois. Je finis par découvrir 
un certain nombre de renflements muqueux auxquels des bacté- 
roïdes typiques étaient encore attachés. J'ai représenté, planche II, 
plusieurs de mes observations. 

Ce n’est pas tout. L'existence de ces stérigmates à bactéroïdes me 
fit observer avec plus d'attention certaines aspérités que j'avais 
remarquées le long des filaments muqueux; elles sont souvent 
groupées en petit nombre vers l'extrémité amincie de certains de 
ces filaments. Bientôt, j'acquis encore la conviction que ces petites 
pointes latérales se continuent parfois en filaments très minces qui 
se perdent dans le protoplasme cellulaire; je les ai vues aussi en 
continuité évidente avec des bactéroides; d’autres se terminent 
brusquement à peu de distance de leur insertion, ce qui permet de 
supposer que leurs productions spéciales ne s'étaient pas encore 
formées ou venaient de s’en détacher. 

Voici encore un détail qui confirme la production des bactéroïdes 
par les filaments protoplasmiques : dans l’examen des prépara- 
tions, il m'est arrivé de rencontrer des cellules laissées intactes par 
le rasoir et dans lesquelles un petit nombre de bactéroïdes environ- 
naient les renflements muqueux. 

Ce n’est pas une opinion nouvelle que de considérer les bacté- 
roides comme des productions bourgeonnantes des filaments 
observés dans les nodosités. L'idée fut d’abord émise par Knÿ 
(loc. cil.), puis par Frank (loc. cit.), qui l’abandonna depuis pour 
une opinion toute différente. Marshall Ward l'a reprise sans 
l'affirmer d'une manière catégorique : les bactéroides semblent, 
dit-il, naître des hyphes par bourgeonnement (loc. cit. p. 547). 

Les observations du botaniste anglais devaient rencontrer peu 
de crédit. On révoquait même en doute l'autonomie biologique de 
ces corpuscules. 


Tome III, 1891. 


96 É. LAURENT. — RECHERCHES 


Comme je lai exposé plus haut,il est très facile, à l'aide du violet 
dahlia, d'observer les filaments du microbe des nodosités. Le 
moment est venu de faire une remarque qui n'est pas sans intérêt. 
Dans les nodosités des Lupins et du Haricot commun, l'existence 
des hyphes a été niée par maints observateurs. Ils étaient de bonne 
foi, mais la prudence ne permettait pas de conclure avec autant 
de précipitation. Brunchorst (?) a également contesté la présence 
des hyphes chez le Haricot d'Espagne, la Podalyre, le Desmodium 
canadense et deux autres espèces peu connues. 

Prazmowski (*) a signalé la présence de ces filaments dans les 
nodosités du Lupinus perennis et du Phaseolus vulgaris. J'ai fait la 
mème constatation pour le Lupinus luteus et le Phaseolus multi- 
florus sur des coupes colorées par le violet dahlia (voyez pl. I, 
fig. 2, 3 et 4). Chez ces especes, les filaments disparaissent de bonne 
heure et ne laissent d’autre trace que de rares amas protoplas- 
miques de forme tres irréguliere. Cette destruction plus ou moins 
compléte des hyphes est assez générale et se fait quelque temps 
après la production des bactéroides. Dans l'intervalle, les noyaux 
des cellules a bactéroides se désorganisent, comme le prouve la 
diminution du pouvoir chromatique dans les tissus adultes. 

Je reviendrai de nouveau sur le cas des Lupins dans le chapitre 
suivant, et je d4montrerai par une voie differente la parenté qui 
existe entre les organismes des tubercules des Lupins et ceux des 
autres Légumineuses. 


IT 


DEVELOPPEMENT DE NODOSITES A LA SUITE D’INOCULATIONS. 


Ce fut Prillieux qui remarqua le premier que le développe- 
ment des nodosités sur les racines de Légumineuses peut être pro- 
voqué par l'introduction, dans le milieu de culture, de racines 


(:) Berichte d. deutsch., botan. Gesellsch., t. XIT, 1885. 
(2) Botan. Centralblatt, t. XXXVI, p. 252. 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 97 


pourvues de semblables organes. La méme observation fut faite 
presque simultanément par Frank. 

Déjà à cette époque, on pouvait pressentir la nature vivante de 
la cause qui produit les tubercules. Hellriegel et Wilfarth (*) 
ont confirmé cette opinion par leurs nombreux essais de culture 
dans le sable, avec ou sans ensemencement de germes du microbe 
provenant soit des tubercules, soit d’une terre qui avait porté des 
Légumineuses. 

D’autres essais d'inoculations ont ensuite été entrepris par 
Marshall Ward, Prazmowski, Beyerinck, Bréal (*), et par moi- 
même (°). 

Pour ma part, j'ai fait, cette année, plusieurs centaines d'essais 
de culture avec la variété de Pois nain de Grâce ou Gonthier, dont 
la tige ne dépasse guère 30 centimètres de hauteur. Mes essais 
m'ont permis de faire quelques remarques que je crois utile de 
signaler. 

En premier lieu, je me suis appliqué à démontrer rigoureuse- 
ment que l'intervention d'un germe est nécessaire au développe- 
ment des nodosités. C'est la une vérité que différents auteurs ont 
cru établir, sans toutefois apporter des preuves tout à fait con- 
cluantes, parce qu'ils n’opéraient pas dans des conditions de 
stérilité absolue. 

Or, en pareille matière, on a le droit de penser que toutes les 
probabilités, si grandes qu'elles soient, n’équivalent pas a une cer- 
titude, et qu'il est besoin de preuves décisives. C’est dans l’intention 
de les donner que j’ai fait croître des Pois nains dans des conditions 
completes de stérilité (*). 


() Untersuchungen über die Stickstoffnahrung der Gramineen und Leguminôsen. 
Berlin, 1888. 

(°) Annales agronomiques, t. XIV, p. 481, 1888, et t. XV, p. 529, 1889. 

(3) Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 3° série, t. XIX, p. 764, 1890. 

(4) Dans le numéro du 26 décembre dernier de la Botan. Zeitung, Beyerinck 
a décrit un procédé différent de celui que j'ai adopté, pour cultiver des plantes 
à l'abri des microbes. 


Tome III, 


~I 


Tome III, 1891. 


98 É. LAURENT. — RECHERCHES 


Les graines avaient été d’abord stérilisées par l'immersion, pendant quinze 
minutes, dans une solution à 1 °/ de sublimé, contenue dans de larges tubes à 
essais; c’est dans ces tubes bien lavés à l’eau stérilisée que se fit la germination. 

Le mélange nutritif que j'ai employé était composé de : 


Eau distillée: = (our ee een, LT OO0!C:C- 
Sulfate de magnésium . Cine Carat OSS. PTs 
— Wide POIASSILNN cite qe) east TO — 
— "de Calcium 0 NEO seule tes 0,5 — 
=. «deifer./ EME ERNEST SO OT == 
Phosphatetricalcique PREND TO, — 
Ghlorure de SOU EEE ES Os TRE 


Le mélange était renfermé dans des éprouvettes de 200 ou de 350 centimètres 
cubes, fermées par un bouchon plat coupé en deux moitiés. Entre celles-ci, dans 
une petite ouverture centrale, était fixée avec un peu d’ouate la partie inférieure 
de la tige. 

Les bocaux des cultures stérilisées étaient fermés d’une façon hermétique au 
moyen de bouchons choisis avec le plus grand soin. Ils furent, après remplissage, 
chauftés à l’autoclave ; lorsqu'ils furent refroidis, j'introduisis avec précaution la 
radicule des plantules germées en tubes stériles entre les deux moitiés du bou- 
chon ; enfin, du coton stérile entourait la radicule de manière à empêcher le 
passage des germes. 

La graine se trouvait ainsi placée au-dessus du bouchon; afin d’éviter la des- 
siccation, le bocal fut placé pendant dix jours dans une atmosphère saturée de 
vapeur d’eau. 

Six Pois ainsi cultivés se sont développés d’une manière normale; les racines 
étaient plus longues, même plus ramifiées que celles des Pois inoculés et pourvus 
de nodosités. Quant aux tiges, elles avaient une douzaine de feuilles, qui sont 
devenues jaunâtres après l'épuisement des graines. Chaque tige a donné de deux 
à quatre fleurs, dont une seule a noué et a donné une graine plus petite que 
celle qui avait été semée. L'analyse de deux de ces plantes n’a indiqué qu’un 
enrichissement minime en azote. 


Azote ides deux prdiNES RS ee LO NET. 
— ‘des plantes récoltées "MM 20,5 mer- 


A la fin de la culture, j'ai vérifié la stérilité des mélanges nutritifs par des 
ensemencements sur milieux gélatinisés appropriés : cinq se sont montrés 
stériles; le sixième contenait du Mucor racemosus. 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 99 


Si l’on compare les racines d’un Pois privées de nodosités avec celles d’un 
autre qui a été inoculé avec succès, on est toujours frappé de la ramification 
plus abondante des premières. La plante multiplie ses organes d’absorption 
comme si elle était prévenue de l'insuffisance de son alimentation. Telle est 
également la ramification de maintes espèces cultivées dans l’eau distillée et dans 
les sols stériles. 


Nous sommes donc certains qu'un organisme particulier est 
indispensable à la production des nodosités. On a cru et dit que 
c'est une des Bactéries banales qui vivent et pullulent dans le sol. 
Il n'en est rien, comme je m'en suis assuré par l'inoculation, à des 
Pois maintenus jusque-là stériles, de plusieurs races de ces microbes, 
provenant du sol et de l'air et qui avaient été isolées avec le plus 
grand soin. Jamais la moindre nodosité ne s'est développée sur les 
racines soumises a ce traitement. C'est donc à tort que l’on a iden- 
tifié les microbes des nodosités avec des Bactéries ubiquistes. 

Je viens d'attirer l'attention sur l’allongement et la ramification 
plus touffue des racines des Pois qui ne sont pas infectés. Une diffé- 
rence non moins curieuse s'observe sur les pieds cultivés dans le 
mélange nutritif additionné de nitrate de sodium ou de sulfate 
d'ammoniaque a I °/. Les Pois souffrent dans ce dernier mélange, 
mais ils sont très prospères en présence de nitrate de sodium; 
leurs tiges sont vigoureuses et robustes; leurs feuilles larges et 
d'un vert foncé; les fleurs nouent parfaitement. Quant aux racines, 
elles sont ramifiées en proportion du développement foliaire, mais 
ne présentent qu’un très petit nombre de tubercules. 

Des observations analogues avaient été faites depuis longtemps 
par de Vries (*) sur le Trèfle rouge, et plus récemment par 
Schindler (7) et Vines (*). Ces auteurs avaient observé que 
beaucoup de Légumineuses, cultivées dans des sols riches en 
engrais azotés, ne portent presque pas, parfois méme pas du tout 


(!) Landwirth. Fahrbiicher, t. V1, 1877. 
(2) Botan, Centralblatt, t. XVIII, 1886. 
(3) Annals of Botany, vol. II, 1888-1889. 


Tome III, 1891. 


100 E. LAURENT. — RECHERCHES 


de nodosités radicales. Dans ce cas, ces plantes se conduisent 
comme si elles avaient conscience de l'inutilité de leur association 
avec le microbe des nodosités. Je reviendrai sur ce point au 
chapitre IV, et dirai comment je le comprends. 

Il n'y a pas que les substances azotées qui fassent sentir leur 
influence sur la production des nodosités; celle-ci dépend encore 
des matiéres salines qui existent dans le milieu ambiant. 

Pour mettre en lumière cette action des substances minérales, 
j'ai cultivé des Pois dans l’eau distillée et dans des solutions privées 
de soufre, de phosphore, de potassium, de calcium, de magnésium 
ou de fer; j'avais soin d’ajouter au liquide quelques nodosités 
écrasées pour en faire sortir le suc. 

L'absence d'acide phosphorique, de chaux et de magnésie déter- 
mine une végétation rabougrie et supprime l'aptitude à produire 
des nodosités. Sans potasse et sans fer, les plantes poussent mieux, 
les racines sont ramifiées et assez vigoureuses, mais ne portent 
guère de tubercules. Pour ce qui est du soufre, ni la végétation des 
Pois ni le développement des nodosités ne paraissent se ressentir 
de son absence, sans doute parce que la graine renferme une quan- 
tité suffisante de cet élément. Il convient de remarquer à ce propos 
que les graines de Pois sont particulièrement pauvres en chaux et 
en magnésie, et beaucoup plus riches en potasse. 

Dans l'eau distillée, les plantes se comportent beaucoup mieux 
que dans les solutions privées d'acide phosphorique, de chaux ou 
de magnésie; mème leurs racines sont pourvues de quelques nodo- 
sites. C’est, du reste, un résultat qui est conforme à ce que l'on 
observe lorsqu'on fait des cultures aqueuses de Mais ou d’Avoine 
comparativement dans l’eau distillée et dans des mélanges privés 
de chaux ou de potasse. Les plantes croissent mieux dans l’eau 
pure que dans ces derniers milieux. Il semble alors que certaines 
combinaisons salines, utiles dans le mélange nutritif complet, aient 
la propriété de nuire à l’utilisation des réserves de la graine. 

L'influence si marquée des phosphates et des sels de calcium et 
de magnésium sur la croissance des Pois et leur aptitude à donner 
des nodosités mérite d'attirer l'attention, et n’est pas sans avoir une 
certaine importance pratique. 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. IOI 


J'ai signalé plus haut la réussite constante des cultures de Pois 
inoculées avec le contenu des nodosités. Rien n'est plus facile que 
d'obtenir, à jour fixe, des pieds pourvus de nodosités radicales. 
Lorsque les essais ne doivent pas être faits dans des conditions de 
pureté absolue, il suffit de faire germer des graines de Pois nains, 
variété de Grâce, sur une toile à larges mailles tendue au-dessus 
d’un cristallisoir rempli d’eau et placé sous une cloche. Quand les 
radicules ont 5 à 8 centimètres de longueur, on les pique avec une 
pointe de verre ou mème une aiguille ordinaire plongée, au préa- 
lable, dans une nodosité de Pois ou d’une autre Légumineuse. 
Lorsque le temps est favorable à la végétation, ies premieres nodo- 
sités apparaissent sur les racines environ dix jours aprés l'inocula- 
tion. Ces tubercules se trouvent dispersés sur les racines et non pas 
limités au voisinage des points d'infection. Cela n'a rien d'étonnant, 
car une partie des germes apportés par l'opération peuvent se 
mélanger au liquide de culture. Le microbe envahisseur peut aussi 
se propager de proche en proche dans l’intérieur des tissus, comme 
je l'établirai plus loin (IV). 

Lorsqu'on se contente de déposer la semence dans le liquide sans 
blesser l'écorce des racines, il faut généralement deux à quatre 
jours de plus avant de voir apparaître les premières nodosités. Les 
microbes trouvent une porte d'entrée toute préparée dans les 
racines blessées, tandis qu'ils doivent pénétrer dans celles qui sont 
intactes. 

Enfin, j'ai remarqué qu'un délai de quelques jours est nécessaire 
lorsqu'on remplace, dans les inoculations par piqûre, le contenu de 
nodosités par un peu de terre qui a porté des Légumineuses. Il 
semble que le microbe se trouve dans la terre à l’état de repos, et 
qu'il mette un certain temps avant de pouvoir entamer les racines 
de la plante hospitalière. 

La semence nécessaire aux inoculations ne doit pas forcément 
être empruntée à l'espèce que l'on se propose d'infecter. Ainsi, 
j'ai inoculé avec succès des Pois nains avec des nodosités prises sur 
les espèces indiquées ci-dessous. Quelle que soit la nature de l’es- 
pèce qui a fourni la matière inoculée, il se développe toujours des 
nodosités; le nombre et les dimensions de celles-ci varient avec la 
nature des espèces auxquelles on a emprunté la semence. 


Tome III, 1891. 


102 E. LAURENT. — RECHERCHES 


Le tableau suivant résume les résultats de mes observations 
faites dans cet ordre d'idées. Je crois-utile de faire remarquer que 
les nodosités servant aux inoculations étaient plongées pendant dix 
minutes dans une solution de sublimé à 1 °/..; parfois elles étaient 
simplement lavées vivement au moyen d’un jet d'eau stérilisée 
lancée au point où j'allais percer la nodosité; il m’est aussi arrivé 
de stériliser cet endroit au moyen d'un objet en métal porté au 
rouge. 


eee 


NATURE DES ESPECES REMARQUES 
qui ont fourni faites 
LA SUBSTANCE INOCULÉE AUX POIS. SUR LES NODOSITÉS. 


Acacia leptophylla . . . . . . . | Nombreuses, de moyenne grosseur. 

ESA UCOL EN SE TE CE » » » 
Mimosa saligna. 5. - + +» + + = >» » » 
Dolichos melanophthalmus . . . . » » » 
Haricot commun (Phaseolus vulgaris) > et grosses. 


Pois (Pisum sativum). 


Gesse cultivée (Lathyrus sativus) . . > > » 
— odorante( — odoratus) . . » » » 
— sans feuilles (Lathyrus aphaca) . » » » 

Fève (Faba vulgaris). . . . « . » » » 

Lentille (Ærvum Lens) . . . . . | Rares et petites. 


Baguenaudier (Co/utea arborescens). . | Assez nombreuses et grosses. 
Psoralea acaulis . . . . . . . | Quelques-unes, grosses. 
Lotus uliginosus. . . . . + . .| Nombreuses et grosses. 


LL FALODEUS. « ; + “ia, o> fee » de moyenne grosseur. 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES 103 


Lupinus luteus . 


— Cvruiskshanksti . » » 


NATURE DES ESPÈCES REMARQUES 
qui ont fourni faites 
LA SUBSTANCE INOCULEE AUX POIS. SUR LES NODOSITEs. 
Tetragonolobus purpureus. . . . . | Nombreuses de moyenne grosseur 
Securigera corallina . . > » » 
Trifolium incarnatum. > et grosses, 
= pratense. . > » 
— repens (Tréfle blanc). Nombreuses et grosses. 
_ elegans. . » et assez petites. 
— subterraneum . Rares et petites. 
Melilotus albus . Rares et grosses. 
= ONCE A Votes) oe Sh, » » 
Limacon (Medicago scutellata) . . . | Nombreuses et assez petites. 
Lupuline ( — lupulina) . . . | Rares et grosses. 
Luzerne ( — Satida) « =~ » > 
Medicago orbicularis . . . . . . » > 
— machlaia. 71% » » 
Genista sibirica. . . > » 
— spachiana. . » » 
> » 

ae RICHI LE RE tea dese be » » 

et NEA Die Sole SS » » 

— albus » > 


Tome III, 1891. 


104 É. LAURENT. — RECHERCHES 


Ces renseignements montrent que les espèces qui conviennent le 
mieux pour communiquer au Pois l'aptitude a produire des tuber- 
cules sont le Pois, la Fève, les Gesses, les Acacias, les Lotiers et 
certaines espèces de Trefle. Par contre, les Mélilots, les Medicago, 
les Genéts et surtout les Lupins sont beaucoup moins favorables 
aux essais d’inoculations avec le Pois. 

Les divers genres indiqués au tableau sont rangés selon leurs 
affinités botaniques. Après examen comparatif des résultats, on est 
porté a croire que le microbe des tubercules se propage mieux sur 
les racines d’une espèce de Légumineuse, lorsque celle-ci n'est pas 
trop différente de l'espèce qui a fourni la semence. Il ne convient 
cependant pas d'exagérer cette remarque, car le développement des 
nodosités dépend aussi de l’âge des tubercules inoculés aux racines 
à infecter. 


Influence de l’âge des nodosités. — Dans les essais d’inoculations 
rapportés au tableau, la semence était toujours empruntée à des 
tubercules jeunes, en voie de croissance. Souvent même, ceux-ci 
étaient percés avec une pointe en verre à l'endroit où le parenchyme 
continue à se diviser; le microbe y est encore à l'état de vie très 
active. Il en est tout autrement lorsque la substance inoculée pro- 
vient d’un tissu adulte, d’une nodosité qui cesse de s'accroître. 
Aussi, pour assurer le succès des inoculations, il importe de les 
pratiquer avec des tubercules récoltés sur des plantes dont la 
végétation n'est pas trop avancée. C'est Beyerinck qui signala 
le premier ce fait intéressant. Dès que les fleurs commencent à se 
former, la vitalité du microbe diminue sensiblement ; il met plus 
de temps à se développer, à produire des tubercules, et en donne 
une quantité moindre. Plus tard, beaucoup d'inoculations restent 
stériles sur les racines du Pois. Le microbe trahit une sorte de 
malaise, et les germes qui restent dans le tissu des tubercules ne 
pourront évoluer qu'après avoir traversé une période de repos dans 
la terre. 

Ces faits ont été vérifiés de nombreuses fois avec des nodosités 
de Pois et de Fève en boutons, en fleurs ou en fruits. Ils pourraient 
faire supposer que les racines des Légumineuses ne constituent pas 


Tome III, 2891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 105 


Phabitat naturel du microbe des nodosités, et qu’il n’y peut vivre 
indéfiniment. Des observations analogues ont été faites pour la vie 
anaérobie de la Levure par Cochin.. Une telle hypothèse ne 
serait pourtant pas justifiée, car le microbe des Légumineuses peut 
étre propagé sur des Pois pendant plusieurs mois, lorsqu’on a soin 
d’employer des nodosités très jeunes pour les inoculations succes- 
sives. 


Formation de races chez le microbe des nodosités. — Non seule- 
ment la nature spécifique des plantes qui fournissent les nodosités 
inoculées retentit sur le nombre et les dimensions des tubercules 
chez le Pois, mais encore sur l’aspect des bactéroides. Comme 
Beyerinck l’a mis en évidence, l'aspect de ces corpuscules diffère 
sensiblement chez les diverses espèces de Légumineuses; leur gros- 
seur est assez variable, leur forme tantôt simple, tantôt plus ou 
moins ramifiée. Ces caractères sont assez constants chez la même 
espèce; les exceptions qui se rencontrent dans la nature s’expli- 
quent sans difficulté de la manière suivante. Après avoir habité 
une espèce, le microbe s'en ressent dans sa descendance, tout au 
moins pendant une génération. Voici qui le prouve. 

Un certain nombre de nodosités, dont il est question au tableau 
de l'avant-dernière page, furent broyéesetexaminéesau microscope. 
Les bactéroïdes, quoique développés sur le Pois, offraient des diffé- 
rences assez sensibles pour un œil exercé. La figure 2 en donne 
une idée assez exacte. 


LIE if 
(fe Ul ( 
pean gol Ph EN 
a> | Ni) v . De) \ 2 § S7 J} 
DST Ye eer MCs 
es ara ane PS Be 

=F, we 0 iy 24 Ÿ 

a b 


Fig. 2. — GR. 700. 


a, Bactéroides de Pois inoculé avec nodosités de Haricot vulgaire. 
6, Id. id. de Limacon. 
Cy Id. id. d’ Acacia leptophylla. 


TOME III, 1891. 


106 É. LAURENT. — RECHERCHES 


Il m'a paru exister une certaine analogie entre ces diverses formes 
de bactéroïdes et celles qui sont propres aux différentes espèces de 
Légumineuses. De nouvelles observations m’éclaireront définitive- 
ment sur ce point. 

Quoi qu'il en soit, les différences entre les microbes observés 
dans les nodosités ne sont pas assez tranchées pour qu'il soit 
opportun d'y voir plus d'un type spécifique. La race propre aux 
Lupins ne réussit guère à s'implanter sur les racines des Pois. Elle 
se distingue, en outre, comme je l’ai dit plus haut, par la durée 
éphémère des filaments mycéliens et la prédominance des bacté- 
roïdes. Cependant, inoculée sur le Pois, elle y produit des nodo- 
sités au milieu desquelles abondent des filaments très irréguliers 
et plus durables que dans les nodosités des Lupins. (Voir pl. I, 
fig. 5.) 

Peut-être cette race pourrait-elle s’accoutumer à la longue sur le 
Pois et s'y développer d’une façon plus régulière. Je m'étais pro- 
posé d'examiner ce point par une série de cultures successives sur 
des Pois, mais l'hiver est venu les interrompre. 


Dispersion du microbe dans la terre.— Toutes les terres ne renfer- 
ment pas les germes du microbe des nodosités. C’est la un fait qui 
tend à prouver que ce n'est pas un organisme saprophyte et 
ubiquiste, qui vit passagerement a l'état de symbiose dans les 
racines des plantes supérieures. 

Déjà Hellriegel a démontré, surtout pour le Lupin jaune et 
aussi pour la Serradelle, que les terres qui n’ont pas porté de 
Légumineuses ne conviennent pas aux ensemencements faits en vue 
d’infecter les racines de ces végétaux. Pour les Lupins, on peut 
admettre que dans les terrains qui jusque-là en ont été privés, le 
développement des nodosités est tout à fait exceptionnel. Des cen- 
taines de pieds cultivés depuis deux ans dans le jardin de l'Institut 
Pasteur, où, sans doute, on n’a jamais cultivé de Lupins, ne m'ont 
présenté qu'une seule nodosité de très petite taille. À côté, des 
Fèves, des Pois, des Gesses et des Haricots avaient des racines plus 
ou moins riches en tubercules. Pour peu que l’on fasse attention 
lors de l'arrachage de Légumineuses cultivées côte à côte, on 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 107 


observe que les unes sont mieux pourvues que les autres de la 
méme espéce. Et dans les sols pauvres en azote, tels que le sable, la 
vigueur de la croissance coincide constamment avec l'abondance 
des nodosités sur les racines. C’est méme cette remarque qui 
conduisit Hellriegel a sa célebre découverte. 

L’absence de tubercules sur les racines des Lupins cultivés a 
côté de Pois ou de Fèves qui sont pourvus de ces organes est encore 
une preuve de l'existence de races physiologiquement distinctes 
chez le microbe des nodosités. Tels germes répandus dans la terre 
cultivée envahissent les racines de maintes espèces et sont cepen- 
dant incapables de vivre en symbiose avec les Lupins. 

Dans les terres cultivées, les germes capables de se développer 
sur les racines des Pois, et vraisemblablement de la plupart des 
Légumineuses autres que les Lupins, ne sont pas répandus d'une 
manière uniforme. J'ai eu l’occasion de m'en assurer par des 
cultures en solutions aqueuses, dans lesquelles j'avais introduit un 
peu de terre recueillie dans des carrés du Jardin botanique de 
Bruxelles consacrés depuis soixante ans à la culture de plantes 
autres que les Légumineuses. Dans ces conditions, les Pois n'ont 
donné qu'un très petit nombre de nodosités, dont le vent avait sans 
doute apporté les germes à la surface du sol. 

Tout nous fait donc supposer que les microbes fixateurs d'azote 
ne vivent pas à l’état autonome dans la terre, et que leurs germes 
n'y sont introduits que par la pourriture des nodosités. C'est la une 
vérité dont les agriculteurs devront se souvenir toutes les fois qu'ils 
ensemenceront des Légumineuses, surtout des Lupins, dans des 
champs qui jusque-là en avaient été privés. 


Tome III, 1891. 


108 É. LAURENT. — RECHERCHES 


IT 


NATURE DU MICROBE DES NODOSITES. 


L’idée que les nodosités des Légumineuses résultent de l'inter- 
vention d'un microbe fut intreduite dans la science par Woro- 
nin (*} en 1866. Ce botaniste considérait les corpuscules bactéri- 
formes du parenchyme des tubercules comme de véritables 
Bactéries. 

En 1874, Ericksson observe dans le tissu central de jeunes 
nodosités des filaments mycéliens intracellulaires, et il les voit 
même traverser l'écorce des jeunes racines. 

Pour Kny et Prillieux, ces filaments sont de même nature que 
certains plasmodes de Myxomycétes, comparaison que motivait la 
difficulté d'observer la membrane propre des filaments mycéliens. 
Quant aux bactéroides, ce seraient des formations de ces prétendus 
plasmodes. 

Quant à Frank, il supposait, dès 1879, que les bactéroïdes 
sont des bourgeons produits par les hyphes; il niait tout mouve- 
ment propre à ces corpuscules et donnait au Champignon le nom 
de Schinzia leguminosarum. Plus tard,le même botaniste a refusé le 
caractère d'organismes aux bactéroïdes et les a considérés comme 
des corps albuminoïdes formés dans le protoplasme des cellules 
des tubercules. 

Cette opinion est due a Brunchorst (*), qui considérait aussi 
les filaments comme de nature mycélienne, mais sans aucune 
relation avec les corpuscules bactériformes. 

Hellriegel reprend l’idée que les bactéroides sont réellement des 
Bactéries, mais il ne se fonde que sur leurs apparences. A la suite 


(1) Annales des Sciences naturelles, Botanique, t. VII, 1866. 
(°) Berichte d. deutsch. botan. Gesellsch., t. II, 1885. 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 109 


des recherches du chimiste allemand sur la nutrition azotée des 
Légumineuses, beaucoup d’observateurs ont admis son avis sur la 
nature du microbe des nodosités. 

Cependant Marshall Ward met en évidence les filaments 
mycéliens; il les voit pénétrer par les poils radicaux de la Féve 
dans le parenchyme des racines et en provoquer l'hypertrophie. 
Ward considère les bactéroïdes comme des bourgeons (gem- 
mules) produits par les filaments mycéliens, sans toutefois indi- 
quer ce fait comme démontré par des observations certaines. 

La même année, Tschirch défend l'opinion de Brunchorst, 
et l’exagère même au point de nier la nature mycélienne des fila- 
ments intracellulaires; ils n'étaient, à son avis, autre chose que des 
débris protoplasmiques. 

Bien que favorable à l'idée que les bactéroïdes ne sont pas des 
êtres vivants, Vuillemin étudie principalement les filaments 
myceliens, qu'il attribue a une Chytridiacée. 

C'est sans doute sous l'impression des travaux de Brunchorst 
et de Tschirch que Beyeriack considère les filaments du tissu 
des nodosités comme des cordons muqueux provenant de la 
division des noyaux. Il accorde la plus grande attention aux bacté- 
roides, qu’il range parmi les Bactéries sous le nom de Bacillus 
radicicola.Le même savant en a obtenu les premières cultures pures 
sur des bouillons de Légumineuses gélatinisés et additionnés d'as- 
paragine. 

Au chapitre I‘, j'ai indiqué les opinions de Prazmowski et de 
Frank sur la nature des filaments et des bactéroïdes. Ce dernier 
assure (") que le Haricot commun, en sol stérilisé, donne des nodo- 
sités contenant des bactéroides. Je n’ai pu, pas plus que Praz- 
mowski (*), vérifier cette assertion par des cultures de trois variétés 
de Haricots faites dans le sable chauffé a 120° et dans la solution 
nutritive stérilisée par le même procédé. Aucune précaution spé- 
ciale n'avait mème.été prise contre les germes que l'air pouvait 


(!) Berichte der deutsch. bot. Gesellsch., t. VII, p. 336, 1889. 
(2) Die landwirtsch. Versuchs-Stationen, t. XXXVIII, p. 59, 1890. 


TOME III, 1801. 


110 É. LAURENT. — RECHERCHES 


apporter. Néanmoins, je ne pus découvrir la plus petite nodosité 
sur les racines de douze Haricots ainsi cultivés. 

Telles sont les opinions successivement émises depuis le travail 
de Woronin sur la nature du microbe des tubercules des Légu- 
mineuses. Il n'est pas sans intérêt de faire remarquer que dans 
cette question, comme dans tant d'autres, la vérité a été devinée 
ou entrevue, a plusieurs reprises, par différents observateurs : 
Kny, Frank (1879) et surtout Marshall Ward; celui-ci toucha 
presque du doigt la solution du probléme. 

Ainsi que je l’ai établi au chapitre I, le microbe des nodosités 
est constitué par des filaments qui traversent l'écorce des racines 
et qui, apres une abondante ramification, produisent par bour- 
geonnement les bactéroides. Dans la suite de ce travail, je désignerai 
cet organisme sous le nom de Rhizobium leguminosarum, donné 
par Frank aux Bactéries qui, d’apres lui, existent dans les 
tubercules. Inutile de dire que nous différons complètement sur les 
caractères morphologiques du Rhizobium. 


Culture du Rhizobium. — Les contradictions signalées dans 
l'étude morphologique du microbe des tubercules se retrouvent 
dans les résultats des essais de culture entrepris par plusieurs expé- 
rimentateurs. Confiants dans l'aspect de cet organisme, quelques- 
uns ont cru avoir réussi à le cultiver avec une facilité sujette a 
caution. Je m’empresse d'affirmer que les essais si heureux tentés 
par Beyerinck et puis par Prazmowski sont à l'abri de tout 
reproche. 

De même que dans toutes les recherches de microbiologie, il est 
dans l'étude du Rhizobium tout à fait nécessaire de recourir aux 
cultures d'une pureté absolue, afin d’écarter toute confusion pos- 
sible avec les Bactéries banales. 

Le meilleur critérium pour s'assurer de la pureté d’une culture 
du Rhizobium est d'en faire des inoculations à de jeunes Pois. Au 
chapitre II, j'ai déjà annoncé que les Bactéries banales ne peuvent 
déterminer la formation de tubercules sur les racines du Pois. 
Elles ne les empêchent pourtant pas, ainsi que j'ai eu l'occasion de 
m'en assurer au début de mes recherches, lorsqu'elles sont inocu- 


Tome III, 1801. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. III 


lées à l’état de mélange avec le Rhizobium. Mais les cultures pures 
sont d'un effet plus sûr, et voici comment j'ai réussi à en 
obtenir. 

Sur les racines des Pois cultivés dans les solutions nutritives, 
jai coupé quelques fragments pourvus de nodosités pas trop 
avancées, mais contenant déjà des bactéroïdes. Je les ai plongés 
dans une solution de sublimé à 1 °/, et, après dix minutes, lavés 
à trois reprises avec de l'eau stérilisée à 120°. Les fragments de 
racines avec leurs tubercules ont ensuite été broyés avec un agita- 
teur préalablement flambé; quelques gouttes du mélange aspirées 
avec un tube capillaire ont été introduites dans les milieux de 
culture. 

Ce procédé m'a paru meilleur que celui que j’avais suivi d'abord, 
et qui consistait a percer les nodosités stérilisées avec un tube 
capillaire; souvent, des microbes étrangers pénètrent dans les 
cultures pendant les manipulations. Un avantage plus important 
encore, c'est que le broyage permet de mélanger les bactéroïdes 
d'âges différents, et dont l'aptitude au développement est fort 
inégale. 

Quant au milieu de culture, je me servais de prime abord de 
bouillon de Pois gélatinisé et additionné d asparagine, d après les 
indications de Beyerinck. Mais cette substance amidée ne s'est 
pas montrée bien nécessaire, ni même avantageuse dans des 
cultures comparatives. 

Sur bouillon de Pois gélatinisé, le développement des colonies 
est assez inégal. On voit côte à côte, et à la surface de la gélatine 
nutritive, des colonies tres petites formées de cellules peu nom- 
breuses, tandis que d’autres atteignent un diamètre de près d'un 
millimètre. Cette différence tient sans aucun doute à l'état physio- 
logique des bactéroïdes au moment de l’ensemencement. Les plus 
petites colonies sont arrondies, les plus grandes m'ont présenté 
plusieurs fois des contours sinueux qui rappellent les colonies de 
la forme-levure de Cladosporium, que j'ai figurées naguère dans 
les Annales de l'Institut Pasteur (t. II, p. 584; voir pl. II, fig. 12). 

Ces formes de développement sont très rares; je me suis assuré 
qu elles étaient bien dues au Rhizobium, par le procédé des inocu- 


Tome III, 1801. 


112 É. LAURENT. — RECHERCHES 


lations au. Pois, et en y constatant la présence des formes ramifiées 

des bactéroïdes. 

Prazmowski indique une membrane très mince qui enveloppe 
les jeunes colonies. Au moment de mes recherches, mon attention 
n’a pas été attirée sur ce point. Ce qui m'a frappé, c'est l’extréme 
viscosité des colonies les plus vigoureuses. Elle est due à une sub- 
stance glaireuse qui environne les éléments cellulaires, et qu'un 
examen superficiel pourrait faire considérer comme de nature 
protoplasmique. Elle absorbe avec énergie le violet dahlia, se colore 
en jaune par l'iode, et ne présente pas la réaction de la cellulose 
avec ce réactif et l'acide sulfurique. 

Dans une note récente (*), Prillieux a cherché à établir une 
analogie entre le dépôt visqueux dans lequel sont plongés les bac- 
téroïdes cultivés et le plasmode qu'il décrivit autrefois dans les 
tubercules. Cette opinion me paraît difficilement acceptable; tout 
fait supposer que la matière qui rend le liquide filant est l'une de 
ces nombreuses substances visqueuses si répandues dans le monde 
des microbes. 

Nous la retrouverons, d'ailleurs, dans les cultures liquides aux- 
quelles le microbe communique la viscosité. 

Les colonies du Rhizobium sur gélatine sont blanchatres et leur 
surface semble glacée ; on peut assez facilement les reconnaître dans 
un mélange de Bactéries banales lorsqu'on a une grande habitude 
de la culture de ces organismes. 

_ En tube de gélatine, ensemencée par piqûre, les bactéroides 
donnent une trace peu marquée qui diminue avec la profondeur. 
Dans les bouillons de Pois non gélatinisés, un dépôt visqueux se 

forme au fond des matras de culture, et on y retrouve, au micro- 
scope, les formes en Y, en T, et même les formes les plus compli- 
quées des bactéroides observées dans les nodosités. De méme que 
sur gélatine, le diamètre de ces corpuscules est un peu plus petit 
que dans les nodosités, leurs formes sont moins souvent ramifiées, 
et il y a prédominance des états de bactérium et de bacille. 


(1) Comptes rendus, t. CXI, p. 926. 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 113 


Mes cultures ne m'ont jamais offert que des organismes dé- 
pourvus de tout mouvement propre. Je n'ai pas eu l'occasion 
d'observer les bâtonnets mobiles d'un très petit diamètre (0.2 u 
environ) signalés par Beyerinck (*) et Prazmowski (’). La 
petitesse de ces éléments m'a probablement empêché de les 
distinguer. 

Avant de continuer l’exposé des propriétés physiologiques du 
Rhizobium, le moment est venu de discuter la place à lui accorder 
dans la classification. | 

Le Rhizobium n'est pas une Bactérie proprement dite. L'idée de 
considérer le microbe des nodosités comme une Bactérie s'imposait 
naturellement à l'esprit des premiers naturalistes qui observèrent 
les bactéroides. On n’en connaissait ni l’origine ni le mode de 
reproduction, et l’on ne pouvait présumer que la similitude n'était 
qu'apparente.Aujourd'hui nous savons que les bactéroïdes naissent 
par bourgeonnement des filaments mycéliens, et que c’est encore 
par le même procédé qu'a lieu leur reproduction. Chez les Bac- 
téries typiques, celle-ci se fait par division transversale. 

Le bourgeonnement des bactéroïdes suffirait a leur assurer une 
certaine parenté avec les champignons iniérieurs du groupe des 
Levures et des formes-levures. Ce rapprochement s'impose si l'on 
tient compte de l'existence constante dans les nodosités des fila- 
ments mycéliens. Longtemps, on n’en avait pas vu les membranes 
cellulosiques; mais ce caractère est devenu tout à fait certain à la 
suite des observations faites par Vuillemin, Pichi, et plus 
récemment par Koch. 

Il faut donc abandonner la parenté du Rhizobium et des Myxo- 
mycètes. 

Tout un groupe de Champignons filamenteux présentent avec 
cet organisme plusieurs caractères communs. Ce sont les Ustila- 
ginées, parasites également entophytes, dont plusieurs pénètrent 
par les racines dans les végétaux supérieurs; presque toutes, 


(x) Loc. cit., p. 758. 
(2) Loc. cit., t. XXXVII, p. 202. 
Tome III. 8 


Tome III, 1891. 


114 É. LAURENT. — RECHERCHES 


comme l’a montré Brefeld, produisent des formes-levures; d'autre 
part, la formation des spores chez ces Champignons n'est pas 
sans analogie avec celle des kystes arrondis qui persistent après 
la décomposition des nodosités. 

L'affinité du Rhizobium et des Ustilaginées a été signalée déja 
par Marshall Ward (loc. cit., p. 540). Et c'est, à mon avis, une 
opinion tout à fait justifiée. 

Assurément, les Ustilaginées sont, avec les Hyphomycètes, les 
Champignons à thalle cloisonné les plus inférieurs, si l'on veut bien 
faire abstraction des états plus élevés auxquels beaucoup de Mucé- 
dinées ont pu être rapportées. 

J'ai hâte de faire remarquer qu’il est un caractère, d'importance 
peut-être assez relative, qui rapproche le Rhizobium des Bactéries. 
Ce sont les corps ovoïdes, signalés surtout par Beyerinck, et qui 
apparaissent dans l’intérieur des bactéroïdes. Je les ai rencon- 
trés, assez rarement il est vrai, aussi bien dans les nodosités que 
dans les cultures en milieux artificiels. Il est difficile d'admettre 
que ce ne soient que des globules huileux, ainsi qu'on l'a affirmé. 
Bien que la germination n'en ait pas été observée, il est permis de 
croire que ce sont là des spores endogènes analogues à celles des 
Bactéries typiques. 

Il existe un organisme qui présente également avec le Rhizobium 
une grande analogie. Je fais allusion au Pasteurza ramosa décrit 
dans les Annales de l’Institut Pasteur (t. II, p. 165) par Metchnikoff. 
C'est cet éminent naturaliste qui a bien voulu me signaler la 
ressemblance entre les bactéroïdes et le Pasteuria. Pendant l'été 
dernier, il avait étudié, en Russie, un grand nombre de tubercules 
de racines de Légumineuses, et avait été frappé du mode de 
ramification des bactéroïdes. 

Je dois aussi à la bienveillance de Metchnikoff le dessin de la 
figure 14 (pl. Il), qui, comparée aux divers aspects du Pasteuria, 
établit la grande ressemblance entre cette espèce et les formes 
ramifiées du Rhizobium. 

Je saisis cette occasion pour remercier publiquement M. Metch- 
nikotf de l'intérêt qu'il a témoigné a mes recherches actuelles. 

Les lecteurs des Annales de l'Institut Pasteur se le rappellent, le 
Pasteuria ramosa vit dans les Daphnies, se ramifie par division 


Tome III, 1801. 


SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LÉGUMINEUSES. 115 


longitudinale qui aboutit a la production de groupes analogues 
a certains bactéroides ramifiés. Il se forme également des spores 
endogènes. Les ramuscules du Pasteuria sont représentés chez le 
Rhizobium par les filaments qui pénètrent l'écorce et se ramifient 
dans le parenchyme. Enfin, le bourgeonnement des bactéroides 
est souvent dichotomique, et est accompagné alors d’une division 
longitudinale de la cellule en voie de croissance. Lorsque l’une des 
deux ramifications prend une direction perpendiculaire a l'autre, 
il se produit un bactéroide en forme de T; dans le cas contraire, 
ce sont des bactéroides en Y qui apparaissent, parfois méme des 
figures dichotomiques plus ramifiées. 

Jestime avec Metchnikoff que ces caractères permettent de 
réunir en un même groupe le Rhizobium et le Pasteuria, et ce 
groupe est, à mon avis, intermédiaire entre les Bactéries authen- 
tiques et les Champignons filamenteux les plus inférieurs (Ustila- 
ginées, Hyphomycetes et Levures) (*). 


(*) Dans ma note préliminaire, j’ai proposé de désigner cette nouvelle famille 
de microbes sous le nom de Pasteuriacées. En agissant de la sorte, je n’obéis pas 
seulement aux lois de la nomenclature botanique, mais me réjouis d’honorer le 
nom du savant illustre, qui a donné aux études microbiologiques une impulsion 
si féconde. 

La famille des Pasteuriacées comprend actuellement deux genres, l’un parasite 
des Daphnies, l’autre vivant en symbiose avec les Légumineuses. Chez le Pasteu- 
ria, il y a prédominance de la division longitudinale, tandis que chez le 
Rhizobium, des filaments produisent des bourgeons souvent réunis sur des sortes 
de capitules; on observe fréquemment l’existence de bourgeons dichotomiques 
entre lesquels se fait d’abord un commencement de division longitudinale. 

Les naturalistes respectent autant que faire se peut la première dénomination 
donnée à un être vivant. Quelques explications sont nécessaires afin de motiver 
le nom que j'ai adopté pour le microbe des nodosités. Le genre Schinzia comprend 
aujourd’hui des espèces assez différentes de ce microbe. Au reste, c’est l’auteur 
lui-même, Frank, qui a créé le nom de Rhizobium leguminosarum pour la 
Bactérie en forme de Micrococcus dont il admet la présence dans les tubercules 
des Légumineuses. Tout en conservant cette dénomination, j’attribue au microbe 
en question des caractères tout différents. 

Quant au genre C/adochytrium, dû à Vuillemin, il est fondé sur des organes 
(zoospores) dont l’existence est très problématique. Ils ont été observés dans 


Tome III, 1891. 


116 E. LAURENT. — RECHERCHES 


IV 


PROPRIETES PHYSIOLOGIQUES DU RHIZOBIUM. 


Non seulement le Rhizobium pénètre dans les racines par des fila- 
ments perpendiculaires à l’épiderme, mais il peut aussi s'y déve- 
lopper dans la direction longitudinale, et porter l'infection de 
proche en proche. Chaque nodosité d’une méme racine n’est donc 
pas due a un germe différent. Voici le procédé qui m’a permis de 
me convaincre de ce fait : 


Dans deux éprouvettes cylindriques, je fis entrer avec force un bouchon de 
liège assez épais; il partageait chaque vase en deux compartiments dont le supé- 
rieur était clos par un autre bouchon coupe en deux. Le premier était perce 
d’un trou central dans lequel j’introduisis l’extrémité d’une jeune racine de Pois, 
et que je fermai avec du coton stérilisé. La solution nutritive ne remplissait pas 
complètement le compartiment inférieur. La culture fut entourée de toutes 
les précautions décrites au chapitre II, et l’inoculation fut faite sur la portion 
de racine située au-dessus du bouchon. Il y avait donc des racines qui croissaient 
dans l’air maintenu humide au moyen d’un peu de papier à filtrer imbibé d’eau 
stérilisée; d’autres plongeaient dans le liquide de culture. 

Les nodosités se sont formées d’abord dans l’air humide et quelque temps après 
dans l’eau, surtout au voisinage de la cloison séparatrice. Des filaments mycéliens 
avaient dû croître dans la direction des faisceaux libéro-ligneux, à la façon des 
mycéliums des Usti/ago qui vivent dans les tiges de diverses Graminées. 


Ces deux cultures m'ont mis à même de constater avec certitude 
que la production des bactéroïdes dépend de l’aération du milieu 


des tubercules récoltés après l’hiver, sans doute envahis par des organismes 


étrangers. 
Enfin, la désignation adoptée par Beyerinck, Bacillus radicicola, ne peut pas 
non plus être conservée pour un microbe nettement different des Bactéries 


authentiques. 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 117 


qui entoure les tubercules. Plusieurs observateurs avaient mis en 
doute la fixation de l'azote aérien par les Légumineuses cultivées 
dans les solutions nourricières. Cependant Bréal (*) et plus 
récemment Prazmowski (*) ont obtenu avec des Pois des gains 
d'azote très notables. La divergence des résultats s’explique, à mon 
avis, par les conditions d’aération des racines. 

A plusieurs reprises, j'ai examiné au microscope des tubercules 
de Pois dont les racines n'avaient jamais cessé de plonger dans 
l'eau. Bien qu'elles fussent arrivées a l'état adulte, elles ne conte- 
naient pas ou presque pas de bactéroïdes, mais étaient bourrées 
d’une grande quantité de grains d’amidon, dont la plupart se colo- 
raient en rouge-brique par l'iode, comme du glycogène. On a 
signalé plusieurs variétés d’amidon qui ont la mème propriété. 

Au contraire, les nodosités formées sur les portions de racines 
situées hors de l'eau ne m'ont pas présenté d’amidon rougi par 
l'iode, et contenaient invariablement de grandes quantités de bac- 
téroïdes, à un stade suffisamment avancé de leur développement. 

Ce n'est pas tout. Les Pois avec tubercules insuffisamment aérés 
ne fixent que des quantités insignifiantes d'azote libre, restent 
malingres, donnent peu de fleurs et tout au plus une seule graine. 
Ils étaient aussi misérables que leurs congénères de la même variété 
cultivés à l'abri de tout microbe. 

Au contraire, les pieds dont les nodosités plongeaient dans l'air 
humide, ont donné plus de feuilles, de fleurs et presque toujours 
plusieurs graines. C'est la un résultat très satisfaisant, car le Pois 
nain de Grâce donne rarement dans les jardins plus de quatre ou 
cinq gousses. 

Les deux Pois de la page précédente, dont la majorité des nodo- 
sités avaient été maintenues tout le temps dans l'air humide, ren- 
fermaient à la fin de leur végétation 31™8'3 d'azote; les deux graines 
originelles en contenaient 19 milligrammes. 

Bréal (loc. cit., p. 536) a déjà attiré l'attention sur l'influence 


(1) Annales agronomiques, t. XV. 
(2) Die landwirtsch. Versuchs-Stationen, t. XX XVIII, p. 46. 


Tome III, 1891. 


118 E. LAURENT. — RECHERCHES 


de l’air sur la fixation d'azote. La rareté des bactéroïdes dans les 
tubercules mal aérés fait supposer que leur apparition est conco- 
mitante de l'assimilation de l'azote aérien. 

Dans les nodosités qui renferment beaucoup de bactéroïdes, 
l'amidon finit constamment par disparaître. Il est utilisé pour la 
formation de substances albuminoïdes aux dépens des produits de 
l'assimilation de l'azote aérien. 


Ce que deviennent les nodosilés. — Les bactéroïdes formés dans les 
tubercules n'ont d'ordinaire qu’une durée assez courte. Les auteurs 
qui avaient été portés à leur refuser toute autonomie (Brun- 
chorst, Tschirch), avaient signalé la disparition plus ou moins 
complète de ces corpuscules, et s'étaient fondés sur ce fait pour les 
considérer comme des réserves de nature protéique. Ce sont, en 
effet, des réserves, mais qui dérivent de l'activité d’un organisme 
étranger, et qui servent à la nutrition de la Légumineuse. 

La digestion des bactéroïdes est vraisemblablement due à une 
zymase ou diastase, qui finit par les transformer en combinaisons 
solubles. Une telle hypothèse nous expliquerait la diminution et 
finalement la perte de vitalité, constatées d'abord par Beyerinck, 
et que j'ai vérifiées bien souvent dans le cours de ces recherches. 
Il suffit d'employer un tubercule cueilli sur un Pois ou une Fève en 
fleurs ou en fruits pour rendre le succès de l'inoculation très aléa- 
toire; souvent même on ne voit apparaître aucune nodosité. 

Après la digestion des bactéroïdes, beaucoup de tubercules pré- 
sentent une cavité centrale; le plus souvent ils sont bientôt la 
proie des microbes banaux du sol et ils entrent en putréfaction. 

J'ai étudié attentivement des nodosités, les unes encore pleines, 
les autres déjà creuses, envahies ou non par la pourriture; partie 
provenaient de Pois cultivés dans l’eau, partie de Fèves et de Pois 
semés en pleine terre et arrivés au terme de leur végétation. Dans 
tous ces tubercules, j'ai observé des corpuscules arrondis, le plus 
souvent ovoides, de taille assez inégale (5 à 10 u) et enveloppés par 
une mince membrane. L’iode les colore en jaune; ils absorbent 
vivement le violet dahlia. Je les considère comme des sortes de 
kystes provenant des filaments mycéliens en grande partie ré- 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 119 


sorbés ; j'en ai vu (pl. Il, fig. 13) en relation avec des restes de ces 
filaments. Parfois, ces kystes ont leur surface légèrement mame- 
lonnée comme les renflements producteurs des bactéroïdes, ce qui 
me fait supposer que ceux-ci participent à leur constitution. 

A côté de ces renflements, on trouve assez souvent des produc- 
tions arrondies, fréquemment groupées par trois ou même quatre, 
et dont la surface est lisse. Par leur forme, ces masses ressemblent à 
celles qui ont leur surface mamelonnée et qui donnent les bacté- 
roïdes ; d'après Ward, elles pourraient prendre le même aspect. 
On peut donc admettre que les unes et les autres concourent à la 
formation des kystes dans les tubercules. 

Les kystes résistent à la putréfaction des tubercules, et on les 
retrouve sans difficulté au milieu des restes cellulaires envahis par 
les Bactéries banales. Je n’ai pu observer la germination de ces 
germes. Les insuccès des inoculations avec les nodosités trop 
avancées font supposer qu'ils doivent passer un certain temps à 
l'état de repos au sein de la terre. Et leur germination pourrait 
bien être déterminée par des actions chimiotaxiques provoquées 
par les poils radicaux des Légumineuses. 


Influence de la chaleur. — Sur gélatine et dans les bouillons de 
Pois ou de Lupin, la race de Rhizobium que j'ai cultivée se 
développe le mieux aux températures comprises entre 22° et 26°; 
elle ne croît plus a 30°; à 10°, la croissance des colonies est encore 
assez vigoureuse. 

Cependant, des Fèves et des Pois cultivés a une température 
voisine de celle-ci (semis faits en pleine terre a la fin de septembre 
et au commencement d'octobre) ne donnent guère de nodosités 
radicales. Il en est de mème des Pois cultivés en hiver dans des serres 
suffisamment chauffées. La cause de cet arrêt dans le développe- 
ment du Rhizobium ne doit pas être recherchée dans la tempéra- 
ture ambiante, mais dans la diminution de la fonction d’assimila- 
tion du carbone. On sait, en effet, que tout ce qui nuit à celle-ci 
diminue l'aptitude à produire des tubercules, parce que le Rhizo- 
bium emprunte des aliments hydrocarbonés à la plante hospita- 
lière. 


TOME III, 1891. 


120 E. LAURENT. — RECHERCHES 


Plusieurs savants (Hellriegel, Beyerinck, Prazmowski) ont 
indiqué que les germes du microbe des nodosités sont tués par un 
chauffage a 60°, 70° ou 75°. Des nodosités en voie de croissance et 
intactes, doivent être chauffées dans l’eau à 90° ou 95° pendant cinq 
minutes pour perdre leur pouvoir d'infection sur racine de Pois. 
On abaisse notablement le chiffre de ces degrés de résistance, 
quand on assure la rapide pénétration de la chaleur en chauffant 
de petites ampoules de verre remplies de liquide de cultures pures; 
le chauffage a été fait dans l'eau et a duré cinq minutes. Le 
microbe a résisté a 5o°, mais a été tué à 55°, même lorsqu'il 
était emprunté a d’anciennes cultures. Dans celles-ci, il y avait ça 
et la des corps brillants en forme de spores à l'intérieur des bacté- 
roïdes. Leur résistance est donc très limitée; mais cet argument 
ne suffit pas pour leur refuser la qualité de spores. 

Lorsque je faisais des essais de chauffage avec des nodosités, j'ai 
remarqué que celles qui avaient été portées à 56° et 62° provo- 
quaient chez le Pois l'apparition de tubercules plus nombreux 
que dans les cultures faites sans chauffage de la semence. J'attribue 


ce résultat à l'excitation que la chaleur avait communiquée au 
microbe. 


Influence du temps. — Des cultures de Rhizobium faites en 
juin 1889 dans du bouillon de poule, et conservées jusqu'au mois 


d'octobre 1890, c'est-à-dire pendant quinze mois, ont été ensemen- 
cées sans succes. 


Influence des nitrates. — L'addition de '/so ou de ‘/. de nitrate 
de potassium ou de sodium aux bouillons de Pois ou de Lupin les 
rend presque stériles pour le Rhizobium. Il n'en est nullement ainsi 
dans les milieux minéraux additionnés de sucre dont il sera bientôt 
question, et dans les bouillons de Pois et de Lupin gélatinisés. 

Ces résultats permettent de supposer qu'il existe dans le Pois et 
le Lupin une substance qui, en présence des nitrates, paralyse le 


développement du Rhizobium, substance dont la gélatine empéche- 
rait la diffusion rapide. 


ToME III, 1801. 


SUR LES NODOSITÉS RADICALES DES LÉGUMINEUSES. 121 


Culture du Rhizobium dans les solutions minérales avec ou sans 
azote. Influence de substances diverses. — Les premières cultures 
de Rhizobium en solutions minérales avec ou sans azote ont été 
faites par Prazmowski (*). Sans connaître les résultats obtenus par 
ce savant, j'avais entrepris des essais analogues, dont il a déjà été 
question dans ma note (*) des Comptes rendus du 17 novembre. 
Comme Prazmowski, j'ai vu le microbe des nodosités végéter 
dans des solutions privées d’azote; bien qu’aucune estimation 
précise de l'azote libre fixé dans ces conditions n'ait été faite, l’assi- 
milation de ce gaz par le Rhizobium est extrèmement probable. 

Tout récemment, Frank (?) et Beyerinck (*) ont annoncé égale- 
ment avoir fait des cultures dans des solutions minérales avec 
ou sans azote. 

Le milieu que j'ai employé est de l’eau distillée privée de combi- 
naisons azotées et additionnée de phosphate de potassium à 1 °/, 
et de sulfate de magnésium à 0.1 °/oo. 

Les cultures que l’on obtient sont assez prospères si l’on ajoute a 
ce mélange 1°/.. d'asparagine, 1 à 10 ‘/,, de peptone, un peu de 
fibrine du sang, d'albumine de l'œuf, ou de caséine. A la tempéra- 
ture de 24°, le liquide se trouble bientôt et produit une membrane 
visqueuse collée au fond du vase. Mais le développement est plus 
actif, et très appréciable après trois ou quatre jours, lorsqu'on ajoute 
une substance sucrée à l'un des mélanges que je viens d'indiquer. 
Le dépôt s’accentue progressivement pendant plusieurs semaines. 

Comme on le voit, les substances organiques azotées peuvent 
suffire à la nutrition du Rhizobium, mais il préfère l'association de 
ces aliments avec une matière hydrocarbonée assimilable. 

La suppression de l'aliment azoté n’empéche pas du tout le déve- 
loppement de cet organisme, tandis que dans les mêmes conditions 
les Bactéries banales poussent peu ou mal. 


(1) Die Wurzelknôllchen der Erbse, p. 201. 1890. 

(2) Voir p. 83 du présent volume. 

(3) Berichte der deut. botan. Gesellschaft, séance du 28 novembre 1890. 
(+) Botan. Zeitung, 1890, n° 52 (26 décembre 1890). 


Tome III, 1801. 


122 É. LAURENT. — RECHERCHES 


J'ai fait de nombreuses cultures dans la solution minérale a 
laquelle j'ajoutais 5 à 10 °., de saccharose, de maltose, de lactose, 
de dextrose, de mannite et de glycérine. Ces produits étaient très 
purs; les sucres avaient été purifiés avec soin en vue de recherches 
spéciales. . 

La saccharose m'a paru convenir particulièrement au Rhizobium ; 
les bactéroïdes qui s'en nourrissent sont plus gros, plus réguliers, 
moins ramifiés que ceux qui avaient végété sur bouillon de Pois 
gélatinisé. 

Le dépôt visqueux ne s'est pas formé au fond des vases de 


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Fig. 3. — GR. 1,000. 


a, Bacteroides de Pois cultivés sur bouillon de Pois gélatinise. 


6, Bactéroides de Pois cultivés dans la solution minérale sans azote 
et avec saccharose. 


c, Bactéroides de Pois cultivés dans la solution minérale avec fibrine. 


culture lorsque le liquide nutritif a une épaisseur de plus de 5 mil- 
limètres; avec une couche de 1 centimètre d’épaisseur, il s’est pro- 
duit seulement des flocons qui flottaient dans le liquide; enfin,dans 
les liquides plus profonds, j’ai observé un trouble, mais pas de 
dépôt. 

Dans les bouillons de Pois et de Lupin, le manque d'air se fait 
moins sentir, et l’on obtient un dépôt assez abondant, sous des 
couches de liquides de 3 ou 4 centimètres d'épaisseur. 

Il semble donc que l’action de l'air soit surtout nécessaire dans 
les mélanges privés d’azote combiné. À propos des cultures des 
Pois dans les solutions sans azote, j'ai signalé la même exigence. 
Ces deux remarques portent à croire que l'air n'est pas seulement 
indispensable comme source d'oxygène, mais aussi comme source 
d'azote dans les milieux auxquels cet élément fait défaut. 


Tome III, 1801. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 123 


L'expérience suivante me paraît prouver l'exactitude de cette 
présomption. 

Au fond de deux petits matras coniques, j'avais introduit du 
bouillon de Lupin gélatinisé, qui après stérilisation fut ensemencé 
avec du Rhizobium. L'air des matras fut chassé par un courant, 
prolongé pendant un quart d'heure, d'azote préparé au moyen de 
cuivre chauffé au rouge. Après fermeture hermétique, les deux 
récipients furent retournés sous l’eau. Des colonies larges d'environ 
3 millimètres se sont développées sur la gélatine nutritive; bien 
que plus réduites que d’autres laissées à l'air ordinaire, elles attes- 
tent que dans l'azote pur le Rhizobzum peut continuer à croître 
pendant quelque temps. 

Le microbe est donc un organisme aérobie qui, dans les milieux 
privés de combinaisons azotées, exige le concours de l'azote plus 
que celui de l’oxygène. 


J'ai commencé à étudier l'action de diverses substances minérales 
ou organiques. A la dose de 1 °/,., les sulfates de zinc, de cuivre, 
d’alumine, de fer, le chlorure de sodium, l'acide tartrique, le 
tartrate de potassium et l'urée empêchent le développement du 
Rhizobium dans la solution minérale avec 1 °/,, de saccharose. 

Le sulfate d'ammoniaque et la potasse à 1 °/o ne sont pas nui- 
sibles ; ce sont donc les milieux neutres ou légèrement alcalins qui 
sont les plus convenables. Et, en effet, j'ai constaté que les colonies 
développées sur gélatine sont toujours bien neutres. Dans les 
diverses décoctions végétales naturellement acides (Carotte, Navet, 
Chou, Pomme de terre, Chou-fleur), ainsi que dans l'eau de Levure, 
dans le liquide Raulin, aucune croissance n'a été remarquée. 

Lorsque ces mêmes liquides sont gélatinisés et neutralisés, ils 
conviennent parfaitement a la culture du microbe; j'en ai obtenu 
de très grandes colonies sur bouillon de Carotte ainsi préparé. 

Enfin, je me suis proposé de rechercher si chacun des éléments 
minéraux composant la solution nutritive (soufre, phosphore, 
potassium et magnésium) est indispensable à la végétation du 
Rhizobium. J'ai préparé des mélanges auxquels l'un de ces corps 
simples faisait défaut ; après ensemencement, ils sont restés vierges 


TOME III, 1891. 


124 É. LAURENT. — RECHERCHES 


de toute végétation, à l'exception de celui qui était privé de soufre 
et dans lequel un faible dépôt s’est formé, grâce sans doute à l'exis- 
tence d’un peu de soufre dans le sucre employé. 


Il ne suffit pas de cultiver un organisme dans des milieux miné- : 
raux privés d'azote pour démontrer l'assimilation de l'azote libre : 
des indications numériques fournies par l'analyse sont de toute 
nécessité pour emporter les convictions. Pour obtenir un gain 
d'azote sensible, il convient de disposer de dépôts de cultures assez 
considérables; l'obligation de ne donner à celles-ci qu'une très faible 
épaisseur exige l'emploi de matras à fond plat d’un très grand dia- 
mètre, et dont le col serait étiré et fermé pour éviter l'influence 
des combinaisons azotées de l'atmosphère. Une première série 
d'essais réunissant ces conditions n’a pas donné des résultats assez 
concluants. J'espère les répéter bientôt avec plus de succès. 

En attendant, et en considérant comme permis d'attribuer au 
Rhizobium la propriété d’assimiler l'azote libre de l'air, la biologie 
de cet organisme peut être résumée comme suit : 

Les germes de Rhizobium mélangés à la terre arable se dévelop- 
pent au contact des poils radicaux des Légumineuses, y pénetrent 
a l'état de filament, et donnent lieu à un développement cellu- 
laire anormal. Lorsqu'il assimile l’azote de l'air, le mycélium pro- 
duit par bourgeonnement une infinité de corpuscules, les bacté- 
roides, riches en matière albuminoïde. Plus tard, ces corpuscules 
se dissolvent et sont utilisés par la plante hospitalière pour sa 
propre nutrition. Quant au microbe, il se conserve soit par des 
spores nées dans les bactéroïdes, soit par des kystes qui persistent 
après la résorption des filaments mycéliens. Ces germes finissent 
par se mélanger à la terre par suite de la pourriture des tubercules. 


Travail fait au Laboratoire de chimie biologique de la Sorbonne 
à l’Institut Pasteur, 1891. 


Re 


Tome III, 1891. 


SUR LES NODOSITES RADICALES DES LEGUMINEUSES. 125 


EXPLICATION DES PLANCHES 


PLANCHE I 


Fic. 1. — Fragment d’une coupe d’un jeune tubercule de Fève cultivée dans 
l’eau, montrant les filaments du RAzzobium avec leurs renflements 
mamelonnés : z., noyau; v., vacuoles. Gr. 700. 


Fig. 2. — Fragment d’une coupe de nodosité de Haricot d’Espagne; les fila- 
ments sont bien visibles dans les cellules du bas, tandis que dans 
celles du haut, remplies de bactéroïdes, les filaments sont en voie 
de résorption. Gr. 700. 


Fig. 3. — Fragment d’une coupe de nodosite de Lupin jaune dans laquelle il 
ne reste plus que des tronçons de filaments mycéliens : /, restes 
de filaments myceliens; »., noyau; am., grains d’amidon. 
Gr. 400. 


Fic. 4. — Deux cellules très jeunes d’un tubercule de Lupin jaune avec fila- 
ment mycélien très fin. Gr. 700. 


Fig. 5. — Portion d’une coupe d’une jeune nodosité de Pois, inoculé avec 
nodosité de Lupin tricolore, montrant des filaments anastomoses. 
Gr. 300. Les cellules pointillées appartiennent au parenchyme a 
bactéroïdes, les autres à l’écorce. 


PLANCHE II 


Fig. 6. — Fragment d’une coupe de tubercule de la Gesse cultivée, dans lequel 
on voit des filaments qui portent des bactéroides : »., noyau; 
&., masses ovoides à surface lisse qui deviendront des kystes. 
Gr. 500. 


126 


Fie. 


Fig. 


Fi1G. 


Fie. 


Fie. 


Fie. 


Fi. 


Tome III, 1891. 


É. LAURENT. — RECHERCHES SUR LES NODOSITES, ETC. 

7. et 8. — Cellules d’un tubercule de Gesse cultivée, avec filaments qui 
portent des bactéroides. Gr. 700. 

9. — Cellules d’une nodosité de Ga/ega officinalis. Gr. 700. 

10. — Morceaux de filaments mycéliens de Rhizobium observés dans les 
cellules de la même espèce. Gr. 700. 

11. — Cellules d’un tubercule de Pois dans lesquelles les filaments du 
Rhizobium portent des bactéroïdes. La cellule centrale renferme 
quatre corps ovoïdes, nés en grappe et à surface lisse. Gr. 700. 

12. — Diverses formes de colonies de bactéroïdes cultivés sur bouillon de 
Pois gélatinisé, et observées après huit jours. Gr. 150. 

13. — Cellules d’une vieille nodosité de Fève, dont le contenu est en voie 
de résorption, et qui renferment des corpuscules brillants (kystes) : 
J., restes de filaments; z., noyau; #., kystes. Gr. 700. 

14. — Diverses formes de bactéroïdes cultivées en solution minérale 


additionnée de 1 °/, de saccharose et de 1 °/oo de peptone. 
Gr. 1500. Dessin fait par Metchnikoff. 


Toutes les coupes dessinées avaient été colorées avec le violet dahlia. 


Recuell de l'Institut botanique de Bruxelles. 7. III. BL LAURENT. PL 1 


LUE 


‘4 


Recueil de l'Institut botamque de Bruxelles, T, IL  E LAURENT. Pl. TL. 


ÉTUDE 


SUR 


Eee eer LA PTE 


DU 


BACILLE ROUGE DE: KIEL 


PAR 


E. LAURENT (:) 


A plusieurs reprises, il a été question, dans ces annales, des 
variations durables que peuvent présenter les propriétés physiolo- 
giques des Bactéries. Je n'en ferai done pas l'histoire, et je me 
borne à rappeler que ces variations portent tantôt sur la viru- 
lence ou l’aptitude a donner des spores, tantôt sur la production 
de matières colorantes ou d’autres substances faciles a caracté- 
riser. 

Une sélection méthodique, secondée par l’influence de milieux 
de culture appropriés, permet d'obtenir des races nouvelles parmi 
les organismes inférieurs, d’une manière analogue à celle que 
mettent en œuvre les horticulteurs pour modifier certaines caté- 
gories de plantes cultivées. Beaucoup de microbes sont, en outre, 
particulièrement sensibles aux agents extérieurs; leurs propriétés 
se transforment plus ou moins rapidement lorsqu'on soumet 


(:) Ce travail a paru dans les Annales de l'Institut Pasteur, vol. IV, p. 465, 
(1890). 


TOME III, 1890. 


128 É. LAURENT. — ÉTUDE SUR LA VARIABILITÉ 


leurs cellules à l’action prolongée de l'oxygène, à l'influence de 
substances nuisibles ou antiseptiques, ou encore à des tempéra- 
tures assez élevées. 

Peut-on cependant affirmer que, dans la nature, il puisse se faire 
une sélection aussi méthodique et aussi certaine ? Certes, l’action 
de l'oxygène est presque universelle, mais il s’en faut de beaucoup 
qu'il en soit de même pour les substances antiseptiques et les 
températures favorables à la production de variétés nouvelles dans 
le monde des microbes. Les adversaires de la variabilité de ces 
organismes peuvent donc arguer que les modifications observées 
dans les laboratoires ne sont dues qu'à des circonstances exception- 
nelles, et que, à l'état naturel, les types se maintiennent sans 
présenter de variations bien sensibles. 

Cette objection m’a conduit à rechercher si d’autres influences 
naturelles, auxquelles les germes sont normalement exposés, ne 
pourraient pas provoquer des changements rapides et durables 
dans les propriétés des Bactéries. Parmi les tentatives que j'ai 
faites, c'est la lumière qui m’a donné les résultats les plus con- 
cluants. Ce n'est pas la premiere fois que la radiation solaire est 
utilisée pour modifier les propriétés de ces microbes. D'après 
Arloing (:), les filaments du bacille du charbon, exposés au soleil 
et à l'air, perdent peu à peu leur virulence : les bacilles issus 
de la culture insolée ne tuent plus les cobayes, et leur confèrent 
parfois l’immunité. 

De toutes les espèces que j'ai exposées au soleil, c'est le bacille 
rouge de Kiel qui m'a donné les résultats les plus remarquables. 
Parmi les bactéries chromogènes, le Micrococcus auranliacus n'est 
pas décoloré ni affaibli par plusieurs heures d’insolation très vive; 
le Micrococcus prodigiosus est rapidement décoloré, mais la modi- 
fication ne se transmet que très imparfaitement dans les cultures 
successives. 

Mes expériences ont été faites en déposant quelques parcelles 
de colonie adulte de M. prodigiosus à la surface d’une tranche de 


(1) Archives de physiologie, 1886, p. 232. 


TouE III, 1890. 


DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 129 


Pomme de terre stérilisée et renfermée dans un tube incliné, que 
je placais dans une direction perpendiculaire a celle des rayons 
solaires. Dans ces conditions, le pigment est détruit apres deux ou 
trois heures d’insolation, mais les germes restent vivants. 

Ensemencés sur tranche de Pomme de terre, ils donnent des 
colonies qui présentent, il est vrai, toutes les teintes entre le blanc 
pur et le rouge vif. Mais les colonies incolores et celles qui sont 
rose päle donnent sans exception des colonies rouge vif, dès le 
deuxième ou le troisième passage sur Pomme de terre. La modi- 
fication subie n'est donc pas héréditaire. 

Si l'on prolonge l'insolation jusqu'à une durée de cing heures à 
un soleil ardent, toutes les cellules du M. prodigiosus sont tuées 
sans exception; elles ne se développent plus dans les milieux les 
plus favorables au rajeunissement. La décoloration provoquée 
par la radiation solaire chez le NW. prodigiosus n'est donc que 
passagère. 

Il en est tout autrement du bacille rouge de Kiel : bien que sa 
coloration résiste mieux que celle du M. prodigiosus a la lumière 
solaire, les descendants des germes insolés ont une tendance nette- 
ment accusée à rester incolores. 

Cette intéressante bactérie a été trouvée dans les eaux de la 
ville de Kiel par J. Breunig, qui l'a décrite dans sa these de 
doctorat (*). A l'œil nu, il n’est guère possible de distinguer les 
cultures du bacille rouge sur milieux solides de celles du Wicro- 
coccus prodigiosus. La teinte est à très peu de chose près la même, 
et il faut une très grande habitude pour ne pas s'y tromper. Il en 
est tout autrement au microscope. Tandis que, sur Pomme de 
terre, le M. prodigiosus est légèrement ovoide et a environ un x, 
dans son plus grand diamètre, le bacille rouge est un bacille 
bien caractérisé, quels que soient les milieux sur lesquels il a été 
cultivé. 

Comme l'histoire biologique du bacille rouge n'a pas encore été 


(:) Bacteriologische Untersuchung Trinkwassers der Stadt Kiel, Kiel, 1888. 
Tome III. 9 


ToME III, 1890. 


130 É. LAURENT. — ÉTUDE SUR LA VARIABILITÉ 


— ———ZE 


faite, j'ai profité de mes études sur la variabilité de cet organisme 
pour faire un certain nombre d'observations relatives a cette 
espèce. J'en donne ici le résumé, autant pour l'intelligence de ce 
travail que pour l'intérêt que présentent quelques particularités de 
l'histoire de ce microbe. 


CARACTERES DES CULTURES DU BACILLE ROUGE. 


Dans une culture récente sur Pomme de terre, le bacille rouge a 
une longueur qui varie entre 2.5 et 5 y, et une largeur de 0.7 a 
0.8 u. Ces dimensions ne sont guere modifiées par la culture dans 
le lait ou le bouillon. Cependant, dans les cultures anciennes sur 
Pomme de terre, on trouve des bacilles qui peuvent atteindre 
8 et 104. 

Quatre ou cing heures après l'ensemencement sur Pomme de 
terre, à la température de 35°, les bâtonnets sont mobiles, sans 
être cependant tres agiles; le mouvement dépend de la présence 
de ’oxygene, et il cesse dès que ce gaz fait défaut dans la prepa- 
ration. 

Cultivé a la température de 18-20° sur bouillon gélatinisé, le 
bacille rouge donne dans la profondeur des colonies ovales, a con- 
tour entier ou sinueux, d'un jaune pâle au microscope, blanches a 
l'œil nu. Les colonies superficielles sont colorées en rouge sang, 
s'étalent largement, et leur contour devient sinueux; elles sont 
entourées d’une zone claire et, dès le cinquième jour, liquéfient 
lentement la gélatine. Après six ou sept jours, les colonies les 
plus voisines de la surface deviennent légèrement roses; plus 
profondément, elle restent incolores par suite de la privation 
d'oxygène à l'état libre. 

En tube de gélatine légèrement alcaline, le bacille rouge donne 
une trace profonde et bien marquée; la gélatine ne tarde pas a se 
liquëfier vers la surface, et le liquide ainsi formé est vivement 


TomE III, 1890. 


DU BACILLE ROUGE DE KIEL. E34 


coloré. Dans la profondeur du tube, il se produit souvent des 
bulles gazeuses. 

Sur gélose a 30-35°, le bacille est d'abord rose pâle et passe 
ensuite a la teinte rouge-brique. 

Cultivé sur Pomme de terre a 30-35%, le bacille se développe 
très rapidement, et recouvre toute la tranche, après vingt-quatre 
heures, d’une grande colonie d'un rouge pourpre violacé. Il en est 
parfois de même à des températures inférieures à 25°, surtout 
lorsqu'on a des races vigoureuses. Le plus souvent, les colonies 
formées sur Pomme de terre à ces températures sont d’un rouge 
moins foncé, qui, d'abord orangé, devient ensuite rouge carmin. 
Toutefois, cette coloration est presque toujours localisée à la 
surface de la colonie et, dans la profondeur, elle fait place à la 
teinte violacée. J'aurai l'occasion d’expliquer ces variations de colo- 
ration produites sous l'influence de la température. 

La matière colorante du bacille rouge est peu soluble dans la 
benzine, plus soluble dans l'eau et surtout dans les alcools méthy- 
lique et éthylique. Elle est insoluble dans l'essence de térében- 
thine, l'éther de pétrole, l'alcool amylique, le chloroforme, le 
sulfure de carbone. L’éther sulfurique décolore la substance rouge, 
mais cette action cesse dès que l'on ajoute au mélange quelques 
gouttes d'acide chlorhydrique. 

A petite dose, les acides, même les plus énergiques, comme 
l'acide sulfurique, avivent la coloration rouge. Au contraire, elle 
disparaît sous l'action des alcalis (soude, potasse, ammoniaque), 
mais elle réapparaît ensuite par l'addition des acides. 

Les solutions dans les alcools méthylique et éthylique, évaporées 
lentement, laissent des corpuscules arrondis d’un rouge sang. 
Il m'a été impossible d'obtenir des combinaisons cristallisables de 
la substance chromogène. 

Toutes ces propriétés appartiennent également au pigment du 
M. prodigiosus. 

Dans le bouillon de veau neutre, le bacille rouge trouble forte- 
ment le liquide après vingt-quatre heures, et le colore en rose pâle. 
Cependant, on peut obtenir des cultures liquides qui présentent 
une coloration rouge magnifique. Je préciserai plus loin les condi- 
tions nécessaires pour arriver à ce résultat. 


ToME III, 1890. 


132 É. LAURENT. -— ETUDE SUR LA VARIABILITÉ 


Le bacille rouge se développe admirablement dans les solutions 
minérales nutritives additionnées d’une substance organique assi- 
milable. J’ai de préférence employé le mélange suivant, qui m’a 
déjà servi a des études sur la Levure : 


EAU” -14. Sel ye DE RENTE CRM AE CE TL OOO).C3 (CE 

Phosphate de potassium’)... (soe) sen <2 00,75 27: 

Sulfate de magnésium MEL 5 9. <1. 10,10 — 
—  dammoniaque:: | ©.) 33\/\. .J -= §,60/— 


Les corps organiques les plus variés conviennent a l’alimentation 
du bacille rouge. Tels sont : albumine de l'œuf et du sang, peptone, 
caséine, fibrine du sang, asparagine, leucine, saccharose, maltose, 
lactose, dextrose et sucre interverti, mannite, gomme arabique, 
salicine, glycérine, succinate, citrate et tartrate d’ammoniaque, 
lactate de calcium et méme les acétates. Les oxalates et les for- 
miates ne sont pas assimilés. 

Lorsque l'on ne prend pas de précautions spéciales, la matière 
rouge n'apparaît pas dans tous les milieux artificiels formés avec 
ces différentes substances organiques. Je l'ai observée dans les 
cultures ordinaires avec les albumines, la peptone, la caséine, le 
succinate d'ammoniaque, et surtout avec le lactate de calcium. 
La réaction n'avait pas cessé d'être alcaline, ou tout au moins 
neutre. Dans tous les autres mélanges nutritifs, qui étaient 
demeurés incolores, j'ai constaté une réaction très nettement acide. 
C’est la substance acide, produite surtout dans les solutions hydro- 
carbonées, qui a empêché la formation du pigment. Si l'on retarde 
la croissance du microbe, ce qui a pour effet immédiat de dimi- 
nuer l'acidité du liquide de culture pendant les premiers jours, la 
coloration rouge peut devenir visible dans les solutions sucrées. 
Elle est beaucoup plus accusée si l'on alcalinise le mélange nour- 
ricier, ou lorsqu’on y ajoute une petite quantité de carbonate de 
chaux. Les cultures dans le mélange minéral additionné de saccha- 
rose, de maltose, de dextrose, de glycérine, etc., deviennent alors 
d’un rouge très marqué. 

Enfin, dans le lait, à la température de 35°, il y a coagulation au 


Tome III, 1800. 


DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 133 


bout de vingt-quatre heures, et il ne se produit pas la moindre 
trace de coloration rouge. Au contraire, à la température ordi- 
naire, la coagulation se fait longtemps attendre, et la surface du 
liquide devient rouge sang comme à la suite d'un ensemencement 
de M. prodigiosus. La matière rouge se répand graduellement 
dans la profondeur du liquide. 

La coagulation du lait n’est pas due à une sécrétion de présure, 
mais résulte de l'influence de l'acide produit par le microbe aux 
dépens de la lactose. En effet, le lait additionné de carbonate de 
chaux ne se coagule pas, bien que le bacille y végète à merveille, 
et du lait qu’il a rendu acide, neutralisé avec la soude, n’a pas non 
plus d'action sur la caséine. 

J'établirai bientôt la cause pour laquelle la matière rouge ne se 
développe pas dans le lait a la température de 30-35°. Je tiens 
cependant à faire remarquer que la culture du bacille rouge à 
cette température a une certaine influence sur la fonction chromo- 
gène de cet organisme : ainsi le bacille qui avait vécu dans ces 
conditions, donne sur Pomme de terre, à 30°, des colonies qui sont 
d'abord blanches; ce n'est qu'au troisième jour que j'ai vu appa- 
raitre de nouvelles colonies légèrement teintées de rose. Une 
deuxième culture, à 30°, des colonies incolores, prend, dés le début 
du développement, la coloration rouge normale. A la température 
de 18-20°, les colonies de la race cultivée dans le lait à 30° sont 
rouges dès le premier jour. 

L’exemple de la culture dans le lait nous permet de prévoir que 
la fonction chromogène du bacille rouge peut être influencée par la 
présence d'un acide organique, et par l'action d’une température 
assez élevée. Nous allons voir qu'il peut encore exister d’autres 
causes de variations. 


ToME III, 1890. 


134 E. LAURENT. — ETUDE SUR LA VARIABILITÉ 


I 


INFLUENCE DE LA TEMPERATURE ET DE L’OXYGENE SUR LA FONCTION 
CHROMOGENE DU BACILLE ROUGE. 


Le bacille rouge ne croît presque pas a des températures infé- 
rieures à 10°, et ne se développe plus a 42°; l'optimum de tempé- 
rature est compris entre 30 et 35°. A partir de 36°, il souffre et 
donne des colonies incolores, qui redeviennent colorées lorsqu’on 
les cultive a des températures plus basses. Dès la premiere géné- 
ration, la matière rouge fait sa réapparition. Même des cultures 
faites à 39°5, et que j'avais maintenues pendant quatre jours à cette 
température, sont devenues roses après quelque temps de séjour 
a 15°, et a la suite d’une croissance nouvelle. 

L'action de l'air n’est pas indispensable à la croissance du bacille 
rouge. Sans être doué de propriétés anaérobies très accusées, il se 
développe dans le vide, mais n'y est jamais coloré, de même que 
les autres bactéries chromogènes. 

La privation d'oxygène paraît exercer une certaine influence sur 
Ja race. J’ai préparé trois tubes à essais, dont chacun contenait un 
petit fragment de Pomme de terre. Après y avoir ensemencé une 
très petite parcelle de colonie rouge, j'ai fait le vide dans l'un 
des trois tubes, introduit de l'hydrogène dans le deuxième et de 
l'acide carbonique dans le troisième. L'air renfermé dans les parties 
profondes de la Pomme de terre est difficile à enlever : il était 
donc resté une très petite quantité d'oxygène dans les tubes, 
malgré le temps assez long que j'avais consacré à chasser l'air avec 
de l'hydrogène. Aussi, quelques colonies rouges prirent naissance 
dans les trois cultures placées a 30°; la croissance s'arrêta bientôt 
faute d'oxygène, mais lorsque j'eus fait pénétrer de l'air dans les 
tubes, ces colonies rouges produisirent de nouvelles colonies vigou- 
reuses et {out à fait incolores. Il y a plus. Les colonies nées dans le 
tube qui avait été rempli d'acide carbonique, ensemencées en série 


Tome III, 1890. 


DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 135 


sur des tranches de Pommes de terre, ont donné, à la temperature 
de 30°, des cultures incolores pendant deux générations. A 15-20°, 
le retour de la coloration fut immédiat. 

Les colonies formées dans l'hydrogène et dans le vide ont fourni 
à 30° des cultures légèrement roses au premier passage et rouges 
par la suite. 


IT 


INFLUENCE DE LA RÉACTION DU MILIEU SUR LA FONCTION 
CHROMOGÈNE DU BACILLE ROUGE. 


La coloration du bacille rouge est influencée d’une manière 
assez curieuse par les acides. On en a la preuve lorsqu'on le cultive 
comparativement dans du bouillon neutre, dans du bouillon addi- 
tionné de 1 °/. d'acide tartrique, et dans le même liquide avec 
I °/ de soude. La croissance est sensiblement la même dans le 
bouillon neutre et dans celui qui est alcalin. Celui-ci se colore 
en rouge assez vif et celui-là en rouge beaucoup plus pâle. Si l'on 
examine la réaction avec le papier de tournesol, on voit que le 
bouillon neutre est devenu acide, tandis que, après vingt-quatre 
heures à 20°, l’autre est encore légèrement alcalin. 

Dans le liquide acide, la croissance est extrêmement lente, et il 
n’y a aucune trace de coloration. 

La conclusion à tirer de ce premier essai, c'est qu'un certain 
degré d’acidité nuit à la croissance du bacille rouge et l'empêche 
de produire son pigment. 

Pour que cette vérité soit encore plus évidente, j’ai eu recours a 
la culture dans des solutions de saccharose très pure, additionnées 
de sels minéraux. Dans six larges matras a fond plat, j'introduis 
100 centimètres cubes du mélange minéral indiqué plus haut, 
plus 2 °/, de saccharose. Deux de ces matras sont neutres, deux 
alcalinisés avec I °/ de soude; les deux autres sont additionnés 
de I %oo d'acide tartrique. Tous sont ensemencés avec deux races 


TOME III, 1800. 


136 É. LAURENT. — ÉTUDE SUR LA VARIABILITÉ 


—————————————— ——————— 


de bacille rouge, que jindiquerai par les lettres À et B; ces races 
avaient la même origine, mais différaient légèrement l'une de 
l'autre par suite de cultures antérieures dans des milieux diffé- 
rents. Après vingt-quatre heures de séjour à 20°, seuls les matras 
4 réaction neutre sont légèrement colorés, surtout celui qui avait 
été ensemencé avec la race A. A la fin du deuxième jour, l’état des 
cultures est encore plus frappant. Dans le mélange alcalin, le 
bacille A est rouge vif et le bacille B est rouge très pale; la colo- 
ration de ce dernier devient plus accentuée les jours suivants. 

Dans le mélange primitivement neutre, les deux bacilles sont 
demeurés rouge pâle; par la suite, ils ne sont jamais aussi colorés 
que les deux cultures faites en milieu alcalin. 

Quant aux cultures acides, elles sont restées vierges de tout 
développement. 

J'ai dosé l'acidité de trois des matras fertiles. Les deux matras 
neutres au début de l'expérience avaient, après quarante-huit 
heures, une acidité équivalente à celle de 5.9 °/, d'acide tartrique. 
Dans la solution alcalinisée et ensemencée avec le bacille B, 
l'acidité, après le même laps de temps, correspondait seulement 
a 3.5 ‘Lo d'acide tartrique. Elle a augmenté les jours suivants 
concurremment avec l'intensité de la coloration, et a atteint 5.9 °/oo 
à la fin du troisième jour. 

Une autre expérience a été entreprise afin de déterminer 
l'influence de la température sur la production de la matière acide 
et sur le pigment. J'ai mis en culture avec le bacille A deux matras 
contenant chacun 100 centimètres cubes du mélange salin, et 18'9 
de saccharose (quantité correspondant à 2 grammes de sucre inter- 
verti). La réaction était bien neutre apres stérilisation. Un matras 
fut placé a 33°, l’autre a 20°. 

Vingt-quatre heures plus tard, le matras mis a 20° présente 
une légère coloration rose; son acidité équivaut a 3.9 °/.. d'acide 
tartrique, et la solution contient 0895 de sucre interverti sans 
trace de saccharose. La culture a 33° n’est nullement colorée; 
son acidité correspond à 4.6 °/..; elle renferme o®'46 de sucre 
interverti. 

Après quarante-huit heures (a partir du début de l'expérience), 


Tome III, 1890. 


DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 137 


le matras a 20° est rouge vif; l'acidité est de 4.8 °/.. et la quantité 
de sucre de o8'8. Le matras a 33° est toujours incolore; son acidité 
est 5.9 °/.. et il renferme o'4 de sucre. 

Dans un dernier essai, j'ai mis deux matras avec la méme solu- 
tion que dans l'expérience précédente, mais j'y ajoutais une 
certaine quantité de carbonate de chaux. L’un fut placé a 20°, 
l'autre a 33°. Tous les deux se sont colorés en rouge d’autant plus 
rapidement que la température était plus favorable a la croissance. 
La coloration n'était cependant pas aussi vive que dans un matras 
mis à 20° et dans lequel il n’y avait pas de calcaire pour neutra- 
liser l’acidité. Mais une goutte d’acide chlorhydrique, ajoutée à 
quelques centimetres cubes du liquide de culture avec calcaire, 
avivait aussitôt la coloration et lui donnait une belle teinte fleur de 
pècher. 

On peut résumer ces diverses expériences sur le rôle des acides 
vis-à-vis du bacille rouge, de la manière suivante : 

1° Le bacille rouge ne se développe pas dans nn liquide de 
culture artificiel additionné de I °/.. d’acide tartrique; 

2° Il rend acide le milieu de culture; lorsque l'acidité ainsi pro- 
duite correspond à 5.9 °/.. d'acide tartrique, le microbe cesse de se 
multiplier ; 

3° L’acidité gène également la formation du pigment à une con- 
centration plus faible que celle qui arréte la croissance (4.6 °) ; 
mais elle augmente l’intensité de la coloration du pigment produit 
dans un liquide alcalin, neutre ou peu acide. 

J'ai, a la page 132, attiré l'attention sur ce fait, en apparence 
inexplicable, que le lait ensemencé avec le bacille rouge est inco- 
lore à 30-35°, et se colore en rouge à la température ordinaire. La 
cause en est très simple. Aux températures voisines de l'optimum, 
la multiplication des bâtonnets est très active, et par suite la 
production d’acide est très abondante au point d’empécher la 
formation du pigment. A la température ordinaire, l’augmentation 
d’acidité est beaucoup plus lente et ne contrarie pas le développe- 
ment de la substance chromogéne. 

L'influence des acides sur le bacille rouge nous explique aussi 
pourquoi il reste incolore dans les liquides additionnés de sucres, 


ToME III, 1890. 


138 E. LAURENT. — ETUDE SUR LA VARIABILITE 


de mannite, de glycérine ou d'autres corps qui favorisent la pro- 
duction de l'acide particulier a ce microbe. 

Wasserzug ('), qui avait observé la même influence des sucres 
sur le Bacillus pyocyaneus, le M. prodigiosus et d’autres espèces, 
croyait a l'action directe des sucres sur le pouvoir chromogène de 
ces bactéries. Le mème auteur avait vérifié cette observation faite 
par Hueppe (’), que le Bacillus cyanogenus (du lait bleu), 
devenu incolore dans les liquides a la suite de cultures sur les 
milieux solides, redevient coloré par des cultures successives dans 
des liquides d’acidité progressivement croissante. A la suite de ces 
observations, on était porté à admettre que l'acidité est toujours 
favorable à la production du pigment par les bactéries chromo- 
gènes. Les faits relatifs à la coloration du bacille rouge montrent 
que cette opinion n'est pas complètement exacte. Il convient de 
distinguer au sujet des acides : 1° leur action sur la végétation des 
bactéries chromogènes et indirectement sur la coloration des 
cultures; 2° l'action directe des acides sur la production de la 
matière colorante; 3° l'action de l'acide sur l'intensité du pigment 
déjà formé. Enfin, il y a une quatrième action dont il convient 
de tenir compte : c'est l'influence des acides sur le pouvoir 
chromogène, influence qui avait été signalée par Hueppe et 
Wasserzug. | 

Chez le bacille rouge, on peut aussi obtenir des races qui sont 
colorées dans les liquides légèrement acides. Il suffit de débuter 
par des cultures dans du bouillon avec 1 pour 10000 d’acide tar- 
trique, et de passer ensuite dans des bouillons à */s000, ‘/50 et même 
"loo GU même acide. Le bouilion devient alors très vivement 
coloré. Ceci nous prouve une fois de plus l'importance qu'il faut 
attacher à l'éducation donnée à une race de microbes par une suite 
de cultures faites dans des conditions particulières. 


2 


(1) Annales de l'Institut Pasteur, t. 1, p. 587, 1887. 
(2) HUEPPE, Arbeit. a. d. Kais, Gesund., t. Il, p. 353, 1884. 


Tome III, 1800. 


DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 139 


IV 


INFLUENCE DE LA TEMPERATURE ET DE L’ACIDE CARBONIQUE 
SUR LA FONCTION CHROMOGENE DU BACILLE ROUGE. 


J'ai indiqué précédemment la différence que présentent a 25-35° 
et à 10-25° les cultures du bacille rouge sur Pomme de terre. 
Il en est de même des cultures sur gélose, avec cette légère diffé- 
rence, qu'elles sont, à 30-35°, d’abord rose pale, et ensuite rouge 
brique. | 

Sur Pomme de terre, à une température voisine de l'optimum, 
les colonies sont d’un rouge pourpre violacé, qui rappelle la cou- 
leur du sang veineux. A la température ordinaire, les colonies 
sont le plus souvent d'un rouge orangé qui devient plus tard rouge 
carmin. 

Quelle est la cause qui détermine cette variation? Est-ce une 
question de race, ou bien n'est-ce qu'un effet dû aux conditions de 
culture? Jusqu'à un certain point, on peut dire qu'il y a ici inter- 
vention des phénomènes d'hérédité, en ce sens que l'on peut 
exalter la différence de coloration par des cultures successives à 
la température ordinaire. Mais ils sont dominés par d’autres 
influences, et voici ce qui le prouve jusqu'à l'évidence. Une culture 
du bacille rouge est faite à 35°; après quarante-huit heures, elle est 
rouge violacé et je la mets à 18. Vingt-quatre heures plus tard, 
elle est devenue rouge carmin à la surface de ses colonies. 
Replacée à 35°, elle est de nouveau rouge violacé après un jour, 
et redevient encore rouge carmin à 18° vingt-quatre heures plus 
tard. Enfin, un cinquième et dernier changement modifie la colo- 
ration d'une partie des colonies dans les vingt-quatre heures 
suivantes. Au bout de cinq jours, toutes étaient redevenues rouge 
violacé. j 

Il importe de remarquer que ces changements de teinte provo- 
qués par la température n'intéressent que la couche superficielle 


ToME III, 1890. 


140 É. LAURENT. — ÉTUDE SUR LA VARIABILITÉ 


des colonies. Les couches profondes restent rouge violacé; au 
début de la culture, elles sont parfois plus claires, mais ne tardent 
pas à devenir plus foncées. 

Aussi longtemps que la culture n’est pas trop âgée, sa coloration 
est sensible à l'influence de la température. 

Au lieu de placer les cultures colorées en rouge carmin à l’étuve 
à 35° pour leur donner la teinte violacée, on peut arriver au même 
résultat par l'exposition à un soleil modéré pendant cinq ou six 
heures. Cette observation m'avait fait supposer que les change- 
ments de coloration du bacille rouge étaient d'ordre chimique. De 
prime abord, j'avais cru qu'il y avait oxydation d’une matière 
associée au pigment, et que, par suite de cette action, celui-ci 
devenait plus foncé. 

Le mécanisme qui intervient dans cette circonstance est beau- 
coup plus simple. 

A l’intérieur de tubes avec tranches de Pomme de terre recou- 
vertes de colonies rouge violacé du bacille de Kiel, j'ai introduit de 
l'acide carbonique. Les colonies ont conservé leur teinte à 18-20°, 
sans jamais présenter le moindre îlot rouge carmin. Au contraire, 
les colonies rouge carmin des cultures sur Pomme de terre et sur 
gélose faites à 18-20°, deviennent, dans l'acide carbonique, d'un 
rouge violacé très foncé après dix à quinze heures de séjour 
à 30-35°. La coloration est beaucoup plus intense que dans les 
cultures au sein de l’air faites à la même température. 

Ni l'hydrogène ni le vide n’exercent la même influence que 
l'acide carbonique sur la matière colorante du bacille rouge. C'est 
donc ce dernier gaz qui lui donne la coloration violacée. Peut-être 
y a-t-il intervention d'une substance particulière, mais il est tout 
aussi admissible que c'est la matière colorante elle-même qui 
se combine avec l’anhydride carbonique. Dans cette dernière hypo- 
thèse, on ne pourrait mieux comparer le rôle de ce gaz qu'à celui 
de l'oxygène sur l’hémoglobine du sang, avec cette différence que, 
dans le sang, c'est une teinte moins foncée qui résulte de la combi- 
naison. 

L'action de l’anhydride carbonique sur la fonction chromogene 
du bacille rouge permet d'expliquer certaines particularités que 


Tome III, 1890. 


DU BACILLE ROUGE DE KIEL. I4I 


j'ai signalées dans les pages précédentes. Il arrive que des cultures 
soient colorées en rouge violacé a 18-20°; ce sont des races tres 
vigoureuses, au point de produire des bulles gazeuses qui bour- 
souflent les colonies. Je n’ai pu déterminer les conditions dans 
lesquelles ces races se produisent; d’ailleurs, elles ne sont pas fixes 
et, dans leur descendance, il se produit plus ou moins rapidement 
des colonies rouge carmin sur Pomme de terre. 

Lorsqu'on a des colonies douées d’une grande vitalité, la pro- 
duction d'acide carbonique est très active, et toute l'épaisseur de 
ces colonies est rouge pourpre violacé. Au contraire, à une végé- 
tation plus lente correspond une respiration moins énergique, 
et le pigment n'est violacé que dans les couches profondes, là 
où la diffusion des gaz se fait avec peine. A la surface, cette diffu- 
sion atteint son maximum et les colonies y sont colorées en rouge 
car min. 

Quant à la coloration rouge violacé que présentent toutes les 
cultures aux températures voisines de l’optimum, elle s'explique 
par l'intensité des phénomènes respiratoires, et par une émission 
abondante d’acide carbonique. Les colonies développées à 30-35", 
placées ensuite à 20°, perdent leur coloration violacée pour devenir 
rouge carmin, parce que la respiration diminue et permet à la 
couche superficielle de perdre l’excès d'acide carbonique. 

La difference de teinte des colonies aux diverses températures 
est moins manifeste dans les cultures en tube de gélatine que sur 
Pomme de terre ou sur gélose. Elle n’existe pas dans les milieux 
liquides, ce que j attribue à la facilité avec laquelle les matières s'y 
mélangent ; ea outre, ces milieux sont bientôt saturés d'acide car- 
bonique. Cependant, il se produit parfois de petits îlots rouge 
carmin a la surface d’une couche de gelatine, liquéfiée et vivement 
colorée par le bacille rouge. 

Dissoute dans l’eau ou dans l'alcool, la substance rouge carmin 
des cultures a 18-20° donne une coloration plus pale que la matière 
violacée des cultures à 30-35°. On ne sen aperçoit pas si l’on a 
soin d'éviter le mélange de la couche superficielle moins foncée et 
des couches profondes saturées d’acide carbonique. 


ToME III, 1890. 


142 É. LAURENT. — ETUDE SUR LA VARIABILITÉ 


y 


ACTION DE LA LUMIÈRE SUR LE BACILLE ROUGE. 


Le bacille est particulièrement sensible à l'action de la radiation 
solaire. 

Le 6 juillet 1889, trois cultures que je venais de préparer sur 
Pomme de terre, ont été exposées dans une direction perpendicu- 
laire aux rayons lumineux. La matière rouge ne résiste pas à une 
très vive insolation et se décolore. Un soleil moins ardent la 
respecte, mais influe néanmoins sur la race. Les trois cultures du 
bacille rouge furent retirées, l'une après une heure d'insolation, 
l’autre après trois heures et la troisième après cinq heures; toutes 
les trois furent placées à l'étuve a 33°. 

La culture exposée au soleil pendant une heure a donné des 
colonies blanches et un petit nombre de taches roses. Celle qui 
avait subi l'influence solaire pendant trois heures a produit des 
colonies incolores, sauf quelques-unes qui étaient rose pâle. Cinq 
heures d’insolation avaient stérilisé la troisième culture. 

Les colonies blanches des deux premières cultures ont été ense- 
mencées sur tranches de Pommes de terre placées à l’étuve à 33°. 
La coloration rose se développa dans presque toutes les colonies 
issues de la culture exposée pendant une heure au soleil. Sauf 
quelques exceptions, toutes les colonies qui provenaient de la 
semence insolée pendant trois heures étaient restées incolores. Au 
troisième passage sur Pomme de terre de ces colonies, il n’y eut 
plus la moindre trace de coloration rouge. Nous verrons bientôt 
que cette variation s'est maintenue intacte dans des conditions 
déterminées. La lumière avait modifié la physiologie du bacille au 
point d'en faire une race décolorée des plus stables, capable de 
garder indéfiniment l'impression de la radiation solaire. 

L'expérience a été répétée plusieurs fois avec le même succès. 
Il n'est pas nécessaire que la lumière soit très ardente pour deter- 


Tome III, 1890. 


DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 143 


miner la perte du pouvoir chromogéne chez le bacille rouge. J'ai 
vu des cultures, exposées au soleil pendant trois, quatre ou six 
heures en septembre et octobre, donner aussi un mélange de colo- 
nies blanches et roses. Celles-ci étaient plus nombreuses que dans 
les cultures insolées pendant l'été. Quant aux colonies blanches, 
leur descendance avait une tendance assez prononcée à retourner 
au type originel ; néanmoins, j'ai pu en obtenir des races absolu- 
ment décolorées. Le peu de stabilité des variations incolores obte- 
nues en automne est la conséquence d’une radiation insuffisante et 
se conçoit sans difficulté. 

Des cultures du bacille rouge faites à 18-20°, et qui avaient 
la teinte rouge carmin, ont donné également des races incolores à 
la suite d’une insolation suffisante. 

Dans toute culture dont la semence a été exposée au soleil, on 
observe toujours des colonies entièrement blanches et d’autres d'un 
rouge plus ou moins pâle. Il faut attribuer ces différences à l'in- 
égale sensibilité des germes vis-à-vis de la lumière. Un autre facteur 
entre également en jeu : c'est la différence d'action de la radia- 
tion par suite de causes accidentelles, comme les impuretés qui 
recouvrent çà et là le verre, ainsi que l'inégale épaisseur de la 
couche de semence sur la tranche de Pomme de terre. 

Un certain nombre d'essais ont été faits pendant le mois 
d'octobre 1889 et le mois de juillet 1890, dans le but de déter- 
miner le rôle que joue l'oxygène dans les phénomènes en cours 
d'étude, et la nature des rayons qui influent sur la perte de la 
fonction chromogène chez le bacille rouge. Des tubes de culture 
ont ete exposés au soleil après avoir été vidés d'air ou remplis 
d'hydrogène ou d’acide carbonique. 11 résuite de ces essais que 
l'action de la lumière sur le bacille rouge se fait surtout sentir en 
presence de l'air; c'est alors seulement qu'il se produit des races 
décolorées d'une manière durable. 

Dans le but de rechercher l'influence propre aux diverses régions 
du spectre, j'ai eu recours à des écrans constitués par des solutions 
saturées d’alun, de bichromate de potassium, de sulfate de cuivre 
ammoniacal et de sulfate de quinine. Les solutions qui servaient 
d'écrans avaient 15 millimètres d'épaisseur. 


TOME III, 1890. 


144 É. LAURENT. — ÉTUDE SUR LA VARIABILITÉ 


Sous l’alun, le bacille est impressionné aussi vivement qu'à la 
lumière directe; il en est à peu près de même sous la solution de 
sulfate de quinine. Ce sont donc les rayons lumineux du spectre 
qui ont l'action prépondérante sur le bacille rouge. Cependant, les 
cultures dont les semences avaient été exposées au soleil sous 
la solution de bichromate de potassium n'en avaient gardé aucune 
modification bien apparente. Sous le sulfate de cuivre, la perte du 
pouvoir chromogène était un peu plus marquée. Il semble que 
toutes les radiations lumineuses interviennent dans la destruction 
du pigment et la production de races incolores chez le bacille 
rouge, mais que le maximum d'action appartienne à la partie la 
plus réfrangible de ces radiations. 


VI 


PROPRIÉTÉS DE LA VARIÉTÉ INCOLORE DU BACILLE ROUGE, 


La variété incolore du bacille rouge, obtenue sous l'influence de 
la lumière, ne diffère du type ni par la taille des bâtonnets, ni par 
la rapidité du développement. 

Sur lame de gélatine, les colonies ont le même aspect que celles 
du type originel; celles qui sont superficielles se colorent à 18-20°, 
en rouge pâle. Il en est de même en tube de gélatine à la tempéra- 
ture ordinaire. 

Au contraire, les cultures sur gélose et surtout sur tranches de 
Pomme de terre, placées à l'étuve à 25-35°, restent complètement 
incolores. A cette température, le type originel est toujours rouge 
violacé. 

Trente-deux cultures successives de la race incolore ont été faites 
sur Pomme de terre à la température indiquée. Jamazs il n'est 
apparu la moindre trace de coloration. 

Dans ies liquides nourriciers, la constance de la même variété 
n'est pas moins remarquable. A la température ordinaire, de 


Tome III, 1890. 


DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 145 


même qu’à l’étuve à 30-35°, le bacille demeure incolore, non seule- 
ment dans le bouillon, mais dans tous les mélanges qui se sont 
montrés le plus favorables à la production du pigment, tels que 
les albuminoïdes, la peptone, les sucres en solution alcaline, le 
lactate de calcium. 

La culture dans des bouillons de plus en plus acides ne rend pas 
la fonction chromogène au bacille décoloré, comme cela se fait 
pour le bacille du lait bleu. 

Dans le lait, il reste incolore à toutes les températures. La coa- 
gulation, sous l'influence de l'acidité, se produit tout aussi rapide- 
ment que dans les cultures du bacille rouge typique. 

Quel que soit le milieu de culture où ie bacille s’est maintenu 
incolore (Pomme de terre ou gélose a 30-35°, bouillon, lait. 
mélanges nutritifs), la matière colorante reparait toujours quand 
on le reporte sur tranches de Pomme de terre, à une température 
comprise entre 10 et 25°. La coloration est tout aussi vive que 
celle du type placé dans les mêmes conditions. Mais le retour de la 
fonction chromogène n'est pas définitif : des que la race se retrouve 
dans les conditions indiquées plus haut, elle donne de nouveau des 
cultures tout à fait incolores. J'ai fait une douzaine de cultures 
successives sur Pomme de terre, alternativement à 18-20° et a 
30-35°, sans jamais avoir vu une colonie incolore à 18°, ni une trace 
de coloration à 35°. 

Une colonie née à haute température ne devient pas colorée 
si on la porte ensuite à basse température. Lorsque la Pomme de 
terre n'est pas complètement recouverte, on voit un bord rouge 
se former autour des colonies incolores. Inversement, une culture 
rouge à 18-20° ne se décolore pas à 35°; elle devient plus violacée 
par suite de l'activité des phénomènes respiratoires. Si la croissance 
continue, les nouvelles formations sont tout à fait incolores. 

La variété artificielle du bacille rouge se distingue donc par 
l'absence de coloration dans les milieux de culture liquides les 
plus divers à toutes les températures ; par le mème caractère dans 
les cultures sur tranche de Pomme de terre et sur gélose à 25-35°, 
et par une coloration rouge très pale dans le bouillon gélatinisé. 
Elle ressemble au type dont elle provient, par la forme de ses 

Tome III. 10 


TOME III, 1890. 


146 É. LAURENT. — ETUDE SUR LA VARIABILITÉ 


bâtonnets et de ses colonies, et surtout par l'identité de coloration 
sur Pomme de terre et sur gélose aux températures inférieures 
à 25°. Ces propriétés sont complètement stables depuis plus d’un 
an, malgré les nombreux passages subis par la variété incolore 
dans les milieux ies plus différents. 

Par le chauffage à 56 et à 63°, pendant cinq minutes, de 
semences de la variété incolore conservées pendant trois mois, j'ai 
obtenu une variété qui reste incolore, à toutes les températures, 
sur tranches de Pomme de terre. Cette nouvelle variété est fort 
débile et peut être considérée comme le produit d'une véritable 
dégénérescence. 

Quant au bacille rouge typique, il résiste à 63° sans présenter 
d’altération ni dans la coloration ni dans la vigueur du développe- 
ment. Le chauffage à 70°, et pendant cinq minutes, le tue de même 
que la variété incolore. 


Je ferai remarquer en terminant l'importance du retour de la 
fonction chromogène sur tranche de Pomme de terre à la tempé- 
rature ordinairé comme preuve de la pureté de mes cultures. 
A défaut de cette preuve, on aurait pu m'objecter que le bacille 
que j'ai étudié a été peu a peu remplacé accidentellement par une 
autre espèce dans la série de mes essais. Je me suis ainsi trouvé 
en mesure de rattacher directement la nouvelle race décolorée au 
type primitif. Mais on peut facilement concevoir des cas de varia- 
tions qui n’ont plus d'attache avec leurs types originels. Et ceux 
qui les étudient seraient naturellement conduits à les considérer 
comme des formes spécifiques. Seules, des études expérimentales 
suffisamment variées pourront nous éclairer sur ces variations des 
Bactéries. 

Il me semble, en outre, que quelques notions solidement établies 
sur des faits du même ordre, seraient de nature à appuyer des 
idées qui tendent de plus en plus à se faire jour dans la science des 
microbes pathogènes. Supposons, en effet, pour fixer les idées, que 
le bacille rouge de Kiel soit pathogène et qu'il doive sa virulence 
à sa matière colorante. On serait naturellement porté à le consi- 
dérer comme différent d’un bacille saprophyte qui lui ressemblerait 


ToME III, 1800. 


DU BACILLE ROUGE DE KIEL. 147 


en tout sauf dans sa fonction chromogéne. Celui-ci serait considéré 
comme inoffensif, jusqu’au jour où l'un de ces hasards de la vie de 
laboratoire aurait mis un expérimentateur sur la voie de la trans- 
formation de la race saprophyte en race pathogène. Dans notre 
hypothése, par la culture sur Pomme de terre a basse température, 
la première deviendrait capable de produire la substance toxique; 
elle serait devenue virulente. 

Si l'étude des conditions de ce retour a la virulence n'a pas 
encore été abordée, il est déjà permis de prévoir sa possibilité, et 
d'envisager le vaste champ qu'elle fournira aux investigations dans 
un avenir peut-être rapproché. Les relations étroites signalées 
dans le dernier numéro des Annales de l'Institut Pasteur (vol. IV, 
p. 409), par MM. Roux et Yersin, entre le bacille pseudo-diphté- 
rique et le bacille diphtérique vrai, en fournissent un remar- 
quable exemple. 

Assurement, le transformisme indéfini des Bactéries rêvé par 
l'ancienne école polymorphiste n’est qu'une chimère. Mais quel 
vaste champ de recherches reste à explorer dans la voie des varia- 
tions physiologiques des microbes ! 


Travail fait au Laboratoire de chimie biologique de la Sorbonne. 


NOTE 


SUR 


QUELQUES MUCÉDINÉES 


DE LA FLORE DE BELGIQUE 


PAR 


A. DE WËVRE (1 


On range sous le nom de Mucédinées simples (?) tous les Cham- 
pignons filamenteux se développant à la surface des matières 
vivantes ou inanimées et produisant des spores externes. 

On admet généralement que ces organismes ne sont que des 
formes conidiennes d’autres Champignons, appartenant soit à des 
Ascomycètes, soit a des Hyménomycètes, ou à des Mucorinées. 
Pour certains d’entre eux, on sait avec certitude que ce ne sont que 
des formes conidiennes: tels sont, par exemple, les Aspergillus et 
Jes Penicillium; mais pour le plus grand nombre, on n'a que de 
très vagues idées ou même on ne connaît rien touchant leur auto- 
nomie. Pour ma part, je crois que certaines Mucédinées ne se pre- 
sentent que sous un seul état, et je pense qu'il sera impossible de 
les rattacher à une forme ascomycète. 

Tel pourrait bien être le cas des OEdocephalum, dont je n’ai pu 
trouver de formes ascomycètes, bien que je les aie cultivés pen- 
dant assez longtemps, en grande masse, sur crottin de Cheval. 


(*) Cette note a paru dans le Bulletin de la Société royale de botanique de 
Belgique, t. XXVIII, 2° partie, p. 128, 1889. 
(7) CosTanTIN, Les Mucédinées simples. 


TOME III, 1880. 


150 A. DE WEVRE. — NOTE SUR QUELQUES MUCEDINEES 


Il se peut très bien que certaines Mucédinées ou n'aient jamais eu 
que la forme conidienne, ou que les formes ascomycètes et autres, 
-ne leur étant d’aucune utilité, se soient à jamais perdues. 

Ayant trouvé quelques OEdocephalum et Rhopalomyces nouveaux 
pour la Belgique, je les ai étudiés, et ce sont les remarques et obser- 
vations faites à leur sujet que je vais exposer; je crois bon d’y 
joindre une description aussi complète que possible et d'indiquer 
la place que l'on est convenu de leur accorder actuellement dans 
la classification. C'est au premier des quatre grands groupes de 
Mucédinées de Costantin que se rapportent les Champignons 
dont je vais parler, c'est-à-dire à celui où les spores sont insérées 
sur un appareil spécial en forme d’ampoule arrondie ou sphé- 
rique. 

Ce premier groupe renferme plusieurs genres, entre autres les 
deux genres Rhopalomyces Corda et OEdocephalum Preuss. 

Les Rhopalomyces sont constitués par un mycélium fin (1 «), sur 
lequel se dressent des filaments non cloisonnés, terminés a leur 
extrémité par un renflement sphérique dont la surface est hérissée 
de pointes portant des spores allongées noirâtres. 

Ainsi délimité par Costantin, ce genre ne contient plus que 
les trois espèces suivantes : R. elegans (Corda), R. nigripes (Cost.), 
R. Cucurbitarum (Berk. et Br.). D'après Van Tieghem, ces Cham- 
pignons posséderaient des stylospores, ce qui les rapproche- 
rait des Mucorinées. Le Rhopalomyces elegans, que j'ai observé, 
ne me les a pas présentés. 

Les OEdocephalum sont très voisins des Rhopalomyces; ils s'en 
distinguent par un mycélium rampant, à filaments larges et cloi- 
sonnés. Les filaments fructifères qui en naissent, sont terminés par 
un renflement en massue ou en sphère. Sur cette dilatation se 
trouvent de petites verrues auxquelles viennent s'attacher des 
spores incolores ou peu colorées. 

Saccardo (') indique quatorze espèces comme appartenant au 
genre OEdocephalum. 


(*) SAcCARDO, Sylloge Fungorum. 


Tome III, 1880. 


DE LA FLORE DE BELGIQUE. 151 


Voici la description, ainsi que quelques recherches sur deux 
OEdocephalum. 


Œdocephalum fimetarium (Riess.) Sacc., Haplotrichum fimeta- 
rium. — Ce Champignon a été trouvé a diverses reprises sur crottin 
de Cheval. Il forme sur ceux-ci de petits amas blanchatres ou des 
sortes de guirlandes qui s'accrochent aux Mucors. 

Examiné au microscope, on y reconnaît la présence d’un mycé- 
lium incolore, cloisonné, à filaments assez épais, d’où partent des 
tubes conidifères. Souvent les filaments sont placés à deux l’un à 
côté de l’autre, ou bien l'un des filaments présente à sa base un 
renflement d’où part une deuxième branche. 

Les tubes conidifères sont dressés, cespituleux, hyalins, d'une 
hauteur de 200 à 250 x, pourvus de cloisons ayant un épaississe- 
ment central. 

Ils se terminent par un renflement sphérique, incolore, revêtu sur 
toute sa surface de petites éminences, points d’attache des spores et 
dont l'ensemble (renflement et spores) forme une tête sphérique. 
Les dimensions des filaments sont : à la base de 10 à 142 et 
au voisinage du renflement de 4 à 7 p. Celui-ci mesure de 17 à 
28 «, généralement 17 p 85 en hauteur. 

Les spores sont incolores ou un peu jaunâtres, hyalines, ellip- 
tiques, allongées, mesurant 8 « en longueur sur 3 « de large. 


Œdocephalum glomerulosum (Bull.) Sacc., Haplotrichum glo- 
merulosum (Bull.), Mucor glomerulosus, OEdocephalum elegans 
(Preuss). 

Le petit Champignon que je vais décrire m'a présenté des carac- 
teres qui me le font rapporter a OE. glomerulosum (Bull.), bien 
qu’il soit plus grand. 

Son mode de vie ainsi que son habitat sont identiques a ce que 
nous avons dit de l'OEdocephalum fimetarium; comme celui-ci, il 
forme sur crottin de Cheval de petites touffes, seulement elles sont 
plus élevées et leur taille peut atteindre 1 millimètre. 

Le mycélium est formé de tubes épais assez larges, incolores, 
d’cu s'élèvent des filaments conidifères à peu près incolores, cylin- 


Tome III, 1880. 


152 A. DE WEVRE. — NOTE SUR QUELQUES MUCEDINEES 


driques, larges de 7a 8 «, pourvus de cloisons à épaississement 
central très net. 

Cette espèce permet d'observer très bien ce genre de cloison, 
assez fréquent du reste chez les Champignons. Ce sont des mem- 
branes en verre de montre dont le centre est occupé par un épais- 
sissement plus ou moins marqué suivant les espèces; cet épaissis- 
sement se produit des deux côtés de la cloison. 

Le tube précédemment décrit présente à son extrémité un ren- 
flement en forme de ballon, dont la surface est garnie d’éminences 
au sommet desquelles les conidies viennent s’insérer. La hauteur 
de ce renflement est de 35 w. 

Les conidies, assez nombreuses et peu colorées, forment une tête 
sphérique: elles sont soit ovales, soit plus ou moins piriformes; 
leurs dimensions varient de 17 à 25 « en longueur. 

J'ai pu observer toutes les phases de la formation de ces conidies. 
Voici comment les choses se passent. Sur le mycélium, on voit une 
protubérance prendre naissance ; celle-ci s’allonge jusqu'a ce qu'elle 
ait la grandeur voulue, puis alors elle renfle son extrémité en 
ballon. Sur le renflement ainsi constitué, les spores se forment par 
bourgeonnement; on y aperçoit tout d'abord de très petites sphères 
pédicellées qui, dans la suite, augmentent de volume, s’allongent et 
construisent leur pédicelle; en même temps, la conidie acquiert 
sa forme et son volume définitifs. 

Cette espèce m'a aussi servi à faire quelques recherches sur les 
noyaux. 

Les tubes conidiens placés pendant un certain temps dans de la 
picronigrosine. puis traités successivement par l'alcool, l'essence 
de girofle et finalement inclus dans le baume, m'ont montré de 
très petits corps colorés en bleu, que je considère comme étant des 
noyaux. 

Ils sont fort petits (1 «), ovales, a plusieurs dans une cellule et 
plongés dans le protoplasme qui tapisse le tube. 

Dans les spores, il paraît n’y avoir qu'un seul de ces petits corps. 


Rhopalomyces elegans (Corda), Haplotrichum elegans (Corda). 
J'ai rencontré ce joli petit Champignon sur des crottins de 
Chèvre. 


Tome III, 1889. 


DE LA FLORE DE BELGIQUE. 153 


Bien qu'il n’ait pas plus d'un millimètre de hauteur et que ses 
filaments soient épars sur le substratum, on le remarque assez faci- 
lement grace a la téte noire relativement forte qui termine le fila- 
ment. Le tube conidifere, incolore, hyalin, cylindrique, non cloi- 
sonné, d’un diamètre de 15 à 20 uw, se termine, d’une part, par une 
sorte de système radiculaire/formé de quelques filaments inco- 
lores et cloisonnés, d’autre part, par un renflement globuleux, 
incolore, dont la hauteur est de 53 » et la largeur de 5o w. 

La surface du renflement est hérissée d'une quarantaine de 
pointes ayant jusqu’à 7 « de longueur et servant à l’insertion des 
spores. Ces spores sont remarquables par leurs dimensions extra- 
ordinairement grandes: j'en ai mesuré dont la longueur allait 
jusqu’à 57 « sur 27 « de large. 

Elles présentent la forme ellipsoide et, lorsqu'elles sont bien 
mûres, elles ont une teinte brun noirâtre tres caractéristique. On 
remarque habituellement sur ces spores un enfoncement qui dispa- 
raît apres quelques minutes de séjour dans l’eau. J'ai essayé de 
faire germer ces spores, mais malheureusement je n'ai pu y par- 
venir ; elles ne se développent ni dans l’eau, ni dans une solution 
de glucose, ni dans une décoction de crottin de Cheval. 

Peut-être doivent-elles préalablement passer par le corps d'un 
Animal, comme c'est le cas pour les Ascobolus. 


Nr EU : É HU he MAÉ ee a Mi . 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


SUR 


RE Phy CUMYCES . NEFENSKRUNZE) 


PAR 


A. DE WEVBRE (’). 


Ce Champignon fut trouvé pour la premiere fois en 1817 par 
C. Agardt (*), qui, a cause de sa coloration verte, le prit pour une 
algue et lui donna le nom d’Ulva nitens. Il fut ensuite retrouvé par 
Kunze (), qui le placa parmi les Champignons et l’appela Phyco- 
myces nitens; cet auteur le considérait comme un Aspergillus. Ce 
fait fut démontré inexact par Berkeley (*), qui, remarquant la 
similitude de cet organisme avec le Mucor, l'incorpora dans ce . 
genre. 

Quelques autres botanistes le rencontrerent encore et le décri- 
virent sous différents noms. 

Tous les mycologues précités avaient trouvé le Phycomyces sur 
des substances imbibées d'huile ou des corps gras; Carnoy (°) le 


(1) Ce travail a paru dans le Bulletin de la Société royale de botanique de 
Belgique, t. XXIX, 2° partie, pp. 107-125, 1801. 

(2) C. AGARDT, Synopsis Algarum Scandinaviae, 1817, p. 46: IDEM, Spectes 
Algarum, 1823, I, p. 425. 

(3) Kunze UND SCHMIDT, Mykhologische Hefte, IL, 1823, p. 113. 

(4) BERKELEY, Outlines, pp. 28 et 407. 

(5) CARNOY, Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. IX, n° 2, 


p. 157, 1870. 


Tome III, 1801. 


156 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


rencontra a Rome sur un excrément humain et fit sur cet orga- 
nisme un très long travail. Il le désignait sous le nom de Mucor 
romanus. 

L'étude de ce Champignon fut ensuite reprise par Van Tie- 
ghem (*), qui vérifia et corrigea les recherches de ses prédécesseurs, 
en y ajoutant des détails nouveaux et en indiquant ses zygospores. 
Il le sépara du genre Mucor pour le rapporter au Phycomyces 
nilens. 

Aujourd'hui ce Champignon, quoique toujours rare dans la 
nature, se voit dans presque tous les laboratoires de physiologie, 
où il est employé pour la démonstration d'un grand nombre de 
phénomènes; je citerai l'hydrotropisme, l'héliotropisme, le géotro- 
pisme, la croissance, etc. 

Cultivé en grande masse, ce Champignon forme des touffes d’une 
teinte vert bleuâtre plus ou moins foncé et d’une hauteur qui est 
généralement de 7 ou 8 centimètres, mais qui peut atteindre 15 à 
20 centimètres et même, d’après Van Tieghem, 30 centimètres, 
dimension à laquelle je n'ai jamais pu arriver, même avec des 
milieux identiques à ceux employés par cet auteur. 

Ce cryptogame est constitué par un mycélium d’où s'élèvent des 
tubes portant à leur extrémité une sporange contenant des spores. 
Prenons maintenant une spore et observons ce qui se passera si 
nous la plaçons dans un milieu nutritif convenable. 

Pour cela, nous pouvons la mettre soit dans une goutte de décoc- 
tion de pruneaux, soit sur une plaque gélatinée, ce qui me semble 
encore plus commode. 

Dans ces conditions, la spore se décolore et, absorbant de l'eau, 
se gonfle très fortement ; bientôt elle envoie de l’une de ses extré- 
mités, ou de toutes les deux, une branche hyaline qui s'allonge 
fortement et produit sur tout son parcours des branches secon- 
daires, lesquelles se ramifient à leur tour et finalement donnent 
naissance à un système très ramifié, ce qui est évidemment très 


(6) Van TIEGHEM et LE MONNIER, Annales des sciences naturelles, 5° série, 
t. XVII, p. 284. 


Tome III, 1891. 


SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 157 


favorable a l’exploitation du substratum. Ce mycélium présente 
certains rameaux renflés en massue; ce genre de production est 
surtout abondant dans les cultures sur plaques gélatinées avec 
moût de bière. Ces renflements mycéliens donnent habituellement 
naissance à des radicelles, plus rarement à des filaments fructifères. 
Ils sont quelquefois remplis d’un protoplasme granuleux et parfois 
une cloison les sépare de la branche mère, ce qui permettrait de 
les considérer comme des sortes de chlamydospores mycéliennes 
dépourvues de stade de repos. 

Si l'on examine les plus gros rameaux du mycélium à un fort 
grossissement, on voit que le protoplasme interne est animé d’un 
mouvement assez rapide; c'est un spectacle vraiment curieux que 
de voir ce protoplasme s'écouler comme l’eau d’un ruisseau en 
charriant d'innombrables petits granules. 

Les tubes sporangifères apparaissent sur le mycélium sous 
forme de protubérances qui s'allongent, sortent du milieu nutritif 
et viennent à l'air. Si le substratum est solide, le deuxième ou le 
troisième jour (suivant la température), on constate qu'il est recou- 
vert d'un mycélium, d'où partent des filaments dressés, d’un blanc 
sale, terminés en pointe, d’une hauteur de 10 à 15 millimètres. 

A ce stade, la croissance s'arrête, chaque hyphe renfle alors son 
extrémité en une petite sphère arrondie. Ce renflement prend 
d’abord une teinte jaune qui s’accentue de plus en plus et finit par 
être d'un jaune doré; le restant du filament, jaune dans le voisinage 
du sporange, commence à prendre une légère teinte verdâtre qui 
arrive à son maximum d'intensité vers la base. En mème temps 
que le sporange se forme, la columelle se développe, et les spores y 
apparaissent lorsqu'elle est achevée. La croissance du Chainpignon 
reste stationnaire pendant toute la durée de la formation du spo- 
range; une fois celle-ci achevée, le Phycomyces se remet à croître 
avec une rapidité beaucoup plus grande que dans la période d’allon- 
gement précédente. Ce développement rapide se continue pendant 
quelques jours, après quoi il se ralentit pour s’arréter définitive- 
ment; cet arrèt survient au bout de sept, huit, douze et même 
quinze jours, Selon le milieu et la température ; notre Champignon 
a alors acquis sa taille maximum. 


Tome III, 1807. 


158 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


Si nous l’examinons a ce moment, nous constatons que les fila- 
ments fructiferes sont simples, non cloisonnés, d’une couleur bleu 
verdâtre plus ou moins foncé, dont l'intensité augmente encore 
avec l'âge et varie avec le milieu, comme je le démontrerai dans la 
suite de ce travail. 

Ses dimensions en longueur varient énormément, suivant la 
nature des substratums sur lesquels il se développe. Sur pain, il a 
babituellement 8 ou g centimetres de hauteur, mais en addition- 
nant le pain de diverses substances nutritives, on peut lui faire 
atteindre 15 a 20 centimetres. Van Tieghem a vu sa taille s’élever a 
30 centimetres sur laque de cochenille. La largeur des filaments 
varie d'un individu à l’autre et elle n'est pas la même à toutes les 
places d'une même tige, car le tube, large à la base, s’amincit 
en se rapprochant du sporange. Voici les dimensions qui se con- 
statent le plus fréquemment : 


Base au filament LP 200 GO 1 
En'peuplus hawt ss ON EE NEO 
Voisinage du sporange. . . . 60p 


Lorsque le sporange est près d'atteindre son volume définitif, la 
columelle s'y forme et s'y développe; enfin, quelques heures après 
l'apparition de la columelle, la croissance du sporange finit ; c’est 
alors que la division en spores s’y effectue et qu'il acquiert son état 
de maturité complète. 

Pendant le temps que les spores formées mûrissent, la couleur 
du sporange se modifie; de jaune qu'elle était, elle devient bru- 
nâtre pour être finalement d’un brun noiratre a la maturité. 

Le sporange n’est pas déhiscent comme celui de certains Mucor, 
mais il est diffluent, c'est-à-dire qu'il absorbe de l'eau et se trans- 
forme en une masse semi-liquide dans laquelle la membrane spo- 
rangiale et la matière intersporaire disparaissent ; de sorte qu'à un 
moment donné on n’observe plus de membrane. Les sporanges du 
Phycomyces sont globuleux, leur dimension est ordinairement de 
1 millimètre, quelquefois davantage. 

La columelle est habituellement remplie d'un protoplasme gra- 


Tome III, 1891. 


SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 159 


nuleux, jaunâtre; sa forme la plus habituelle est celle d’un cylindre 
déprimé vers son milieu (forme de violon, panduriforme); parfois, 
surtout les filaments malingres, présentent une columelle cylin- 
drique ou ovoide. 

Les sporanges renferment un très grand nombre de spores : 
d'après Van Tieghem jusqu'à 80,000. Ces spores sont elliptiques, 
allongées, parfois un peu aplaties sur l’un des côtés, hyalines ou 
légèrement jaunâtres quand elles sont isolées et d’un jaune bru- 
nâtre quand elles sont en grand nombre. Leurs dimensions varient 
entre 17 p 85 et 22 p, très souvent 21 » en longueur; leur largeur 
est comprise entre 8 et 15 z. 

Toute cette description s'applique au Phycomyces normal, tel 
qu'il se présente sur du pain humide; nous allons maintenant exa- 
miner l'aspect qu'il prend sur d’autres milieux, ainsi que les ano- 
malies qu'il peut présenter. 

Carnoy et Van Tieghem avaient déja fait quelques observations 
au sujet de l'influence du milieu; j'ai revérifié les faits avancés par 
ces auteurs et J'ai fait des recherches nouvelles qui prouvent que 
le milieu a une très grande influence sur la forme, la couleur, la 
taille, le port et l'aspect du Champignon. 

Les milieux employés sont : les substances solides, liquides et 
semi-liquides. 

Comme liquides, j'ai fait usage de la décoction de pruneaux, de 
jus de citron, de diverses décoctions de crottins, de solutions de 
sucre et de glucose, de liquides nutritifs minéraux, etc. 

Semées dans l’eau distillée ou dans l'eau ordinaire, les spores 
ne germent jamais; dans l’eau distillée sucrée (8 °/), on obtient 
une germination, mais elle ne continue pas. Cela est dû au manque 
d'aliments. | 

Dans les solutions concentrées de glucose (8 °/.) faites avec de 
l'eau ordinaire, les spores développent quelques branches mycé- 
liennes qui se remplissent bientôt d'un protoplasme granuleux, 
puis, une douzaine de jours aprèsl'ensemencement, produisent deux 
ou trois sporanges. Ces productions avaient environ 250 # de hau- 
teur et se terminaient par un sporange brunâtre, renfermant une 
douzaine de spores de 10 p de longueur. Ce faible développement 


Tome III, 1897. 


160 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


était sans doute dû au manque d'azote. J'ai aussi fait quelques 
essais avec de l’eau ordinaire stérilisée, additionnée des diverses 
substances suivantes: acide oxalique 1 °/,, chloral 1 °/,, chloral 0.5%/o, 
acide tartrique 1 °/., sucre de glycose 8 °/.. 

L’acide oxalique n’a pas permis la germination; au bout de 
quelques jours, les spores étaient plasmolysées, ce qui indiquait 
que la concentration était trop forte. Le chloral à 1°/. et celui à 0.5 °/, 
n'ont rien donné, mais il n’y a pas eu plasmolyse. 

Avec l'acide tartrique à 1 °/., les spores n’ont pas germé, mais 
par contre du Penicillium glaucum s'y est parfaitement bien déve- 
loppé. 

La solution de sucre seule a donné des résultats, mais, comme je 
l'ai dit plus haut, ils étaient bien maigres. Les décoctions de pru- 
neaux et d'autres permettent la germination, mais ne donnent 
jamais d'aussi beaux résultats que les milieux solides, même les 
plus mauvais. 

Les aliments solides expérimentés sont le pain, seul ou addi- 
tionné de liquides nutritifs divers, différentes gélatines, l'agar- 
agar, du foie de bœuf, des rondelles de carotte, de citron, de 
pomme de terre, de la fécule de pomme de terre, différents excré- 
ments (Chien, Cheval, Mouton), etc. 

Sur pain simplement mouillé, les Phycomyces acquièrent, après 
une huitaine de jours, leur développement maximum (si la tempé- 
rature est d'au moins 14°); ils présentent alors tous les caractères 
précédemment indiqués : couleur d’un vert bleuâtre foncé, taille 
de 8 ou 9 centimètres. 

Si nous prenons une pincée des filaments qui recouvrent immé- 
diatement le pain, nous trouvons un très grand nombre de Phyco- 
myces anormaux; ce sont de petits avortons dont la présence avait 
déjà été constatée par Carnoy et Van Tieghem. L’humidité m'a 
paru en augmenter considérablement le nombre; toutefois on les 
trouve dans toutes les cultures, aussi bien sur gélatine que sur 
pain, et dans toutes les conditions. Leur apparition a lieu soit tout 
au commencement du développement, alors que le mycélium 
n'est pas encore suffisamment formé pour pouvoir absorber une 
grande quantité d'aliments, soit à la fin lorsqu'il est épuisé. Je les 


Tome III, 1891. 


SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 161 


ai également vus se former sur une plaque de gélatine placée dans 
une atmosphère d’anhydride carbonique. Les spores germant dans 
les liquides ne donnent souvent pas lieu à autre chose. Ces Phyco- 
myces avortes sont très petits; souvent ils n’ont pas mème 1 milli- 
mètre; leur coloration est jaune brunâtre; ordinairement ils 
partent du mycélium à plusieurs en un même point, formant un 
petit faisceau. | 

Leur tube sporangifère est habituellement très renflé et terminé 
par un petit sporange arrondi, la columelle diffère totalement de 
celle des Phycomyces normaux; exceptionnellement, elle est bien 
marquée et affecte alors une forme presque cylindrique ou celle 
d'un ellipsoïde placé sur un de ses côtés larges ; le plus souvent, la 
columelle n’est représentée que par une simple cloison à peine 
bombée, placée soit au sommet du tube sporangifère, soit à une 
distance plus ou moins grande dans le tube. 

Carnoy a dessiné une de ces formes dans laquelle les spores 
remplissent non seuicment le sporange, mais aussi tout le tube. 
Bien que j'aie examiné un très grand nombre de ces formes naines, 
je n’ai jamais rencontré ce cas, ce qui me fait croire que l'individu 
examiné avait perdu sa columelle, ce qui avait permis aux spores 
de se répandre dans le pied. 

Les spores sont sphériques ou plus ou moins elliptiques, d'une 
coloration jaune, a contenu granuleux; leurs dimensions oscillent 
autour de 16 w. 

J'ai recherché quelle pouvait bien être l'influence d’une humi- 
dité très forte sur le Phycomyces. A cet effet, J'ai pris deux morceaux 
de pain de mêmes dimensions; je les ai stérilisés, puis ensemencés. 
L'un des deux fut placé dans une atmosphere très humide, l’autre 
dans les conditions ordinaires. Cette expérience m'a permis de 
constater qu'une humidité très forte leur était très nuisible; les 
Phycomyces y sont moins nombreux, plus petits et de plus pré- 
sentent toutes sortes de déformations dues a l’hydrotropisme. 

La lumière solaire agit aussi sur le Phycomyces. Pour le 
constater, il suffit de prendre deux cultures faites dans les mêmes 
conditions, placées au même endroit, également chauflées, et de 
recouvrir l’une d'une cloche noire, l’autre, d’une cloche ordinaire. 

Tome III. II 


Tome III, 1891. 


162 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


Au bout d’un certain temps, on peut constater que celui qui a été 
exposé à la lumière est plus petit que l’autre. ‘ 

Deux cultures faites, l’une sur du pain humecté d'eau, l'autre 
sur du pain imbibé d'une solution sucrée (glycose), m'ont démontré 
l’action bienfaisante du sucre sur le développernent de notre Cham- 
pignon. En effet, les Phycomyces développés sur pain sucré étaient 
beaucoup plus beaux et plus grands que ceux de l’autre culture. 
Le quatorzième jour, j'ai mesuré des filaments ayant 14 */, centi- 
mètres de hauteur. 

Une autre culture sur pain additionné de sucre m'a offert des 
faits assez singuliers. Les Phycomyces qu'elle donnait étaient d'une 
taille assez élevée, certains avaient jusqu’à 16 centimetres de hau- 
teur, mais ils étaient pour la plupart stériles ; au lieu de présenter 
un sporange à leur extrémité, ils se terminaient par une pointe; de 
plus, un grand nombre d’entre eux, quoique bien vivants, présen- 
taient un enroulement en tire-bouchon très curieux. Les filaments 
fertiles enroulés d’une semblable façon étaient rares. 

Les cultures sur pain arrosé d’une solution de peptone à 1 ° 
donnent des Champignons dont la taille est plus forte, la couleur 
plus vive et la croissance plus rapide que sur pain seul. 

Le pain humecté de jus de pruneaux donne de fort beaux 
Phycomyces, mais les cultures sont encore bien plus belles et mieux 
fournies si, outre le jus de pruneaux, on ajoute une solution de 
sucre à 6°. C'est l’un des meilleurs substratums. Le Phycomyces 
semé sur des rondelles de carotte produit, après deux jours, un 
mycélium blanc qui s'étale à la surface du milieu nutritif; puis, 
continuant à s’accroître les jours suivants, il a vers le quatrième 
jour des filaments sporangifères hauts de 1 a 2 centimètres, 
terminés par un sporange jaune brun. Le sixième jour, ils ont 
6 centimètres de hauteur; ils sont bien colorés et tout a fait nor- 
maux; seulement on remarque que le mycélium, de bianc qu'il 
était, est devenu jaune, par suite d’un dépôt huileux, et de plus que 
les filaments sporangifères se sont développés à la périphérie de la 
rondelle, sur la partie rouge, tandis que ia partie centrale (portion 
jaune) en est à peu près totalement dépourvue ou n'en possède que 
de très petits. Dans la suite, les filaments se sont encore accrus, 
jusqu'à acquérir 8 centimètres de hauteur, et même apres douze 


Tome II], 1891. 


SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 163 


jours les tubes les plus élevés mesuraient jusqu'à 12 centimètres de 
hauteur. La carotte est donc un excellent milieu de culture. 

Si l'on prend comme substratum un Oignon cru ou stérilisé à la 
vapeur d'eau, on observe des choses très singulières; les Cham- 
pignons qui s'y développent présentent, en effet, un aspect tout 
différent de celui qu'on est habitué à leur voir. Le mycélium blanc 
provenant de la germination des spores prend, vers le troisième 
jour, une couleur jaune; vers le quatrième jour, il s'en échappe des 
filaments de 1 à 2 centimètres de hauteur, terminés par un sporange 
jaune. Ces filaments s’accroissent encore un peu les jours suivants 
et atteignent vers le sixième jour 3 centimètres. A cette époque, ils 
ont encore toujours leur sporange jaune. 

Ce Phycomyces, avec ses filaments hyalins et ses sporanges 
jaunes, est tout à fait remarquable. Toutefois, il a le port du Phyco- 
myces ordinaire et ses spores ont les dimensions normales, soit 
18 à 21 » 5 de longueur sur 7 & 14 à 14 « 28 de largeur ; le diamètre 
des filaments est toujours moindre que celui de tubes normaux. La 
columelle peut offrir toutes sortes de formes. 

En somme, l'Oignon est un mauvais milieu nutritif, qui agit sur 
le Champignon en empêchant la formation de la matière colo- 
rante verte. Cette modification résulte probablement de l’action de 
l'essence. 

Semé sur tranche de citron frais, le Phycomyces pousse sur les 
parties blanches du fruit (écorce et cloisons), mais je ne l’ai pas vu 
se développer sur les portions charnues; ce qui est dû bien certai- 
nement à leur acidité trop forte. Notre Mucorinée était un peu plus 
pale que sur pain, mais sa taille allait jusqu’à 7 centimètres de 
hauteur. J'ai aussi vu le Phycomyces se développer sur une graine 
de citron coupée en deux; il y était normal, mais petit (4 à 5 centi- 
mètres de hauteur). 

Les tranches de pomme de terre crue ne conviennent pas; on 
n'y voit jamais que des individus rabougris. Les tranches qui ont 
été bouillies valent beaucoup mieux; elles sont d’autant meilleures 
qu'elles ont bouilli plus longtemps. 

Ce fait est facile a vérifier; il suffit de faire bouillir une pomme 
de terre entière de telle façon que la couche externe soit cuite, 
tandis que la partie interne soit laissée intacte ou a peu près. 


Tome III, 1801. 


164 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


Si l'on ensemence une semblable tranche, on constate que les 
Phycomyces de la périphérie, ceux qui se sont développés sur la 
partie cuite, sont vigoureux, tandis que ceux du centre sont peu 
nombreux et petits. 

Sur une tranche de pomme de terre cuite, les filaments peuvent 
atteindre une hauteur de 7 a 8 centimetres. 

La fécule de pomme de terre crue ou cuite convient beaucoup 
moins que le pain. Si l'on fait deux cultures, l'une sur de la fécule 
de pomme de terre que l'on a cuite de façon a la réduire à l'état 
gélatineux, l'autre sur de la fécule crue imbibée d'eau ordinaire, 
froide, mais ayant été préalablement bouillie, on constate sur le 
premier substratum l'apparition de Phycomyces ayant 4 ou 5 centi- 
mètres de hauteur, c’est-à-dire d'individus d'une taille inférieure a 
ceux croissant sur pain. Cela résulte probablement de ce qu'ils 
n'ont pas assez d’azote à leur disposition. 

Avec le deuxième milieu (fécule et eau refroidie), j'ai obtenu des 
Phycomyces nains; c’étaient de petits filaments dressés, verdatres, 
terminés par un petit sporange brun noiratre; leur hauteur était 
de 1 centimètre environ. 

Les cochenilles broyées, préconisées par Van Tieghem pour la 
production des zygospores, ont aussi été expérimentces. Il s'y est 
produit des Phycomyces splendides, dont la taille avait 20 centi- 
mètres de hauteur, mais jamais je n'ai vu une seule zygospore 
apparaitre. La laque de cochenille, indiquée par le méme auteur, 
ne ma rien donné de bon, il faut croire qu'elle ne valait rien. 

Sur papier filtre humide, il était à prévoir que l'on n'obtiendrait 
rien; c'est ce que l'expérience a confirmé. J'y ai toutefois vu un 
commencement de mycélium se montrer, mais, faute de nourriture, 
sa croissance s'est arrêtée. 

Le foie de porc cuit est un assez bon substratum. Les Phyco- 
myces qui y avaient été semés, sy sont bien développés; ils 
avaient une coloration verte assez intense et une apparence vigou- 
reuse. Ce que j'ai remarqué cependant, c'est la grande taille qu'ils 
acquéraient avant de donner lieu à la formation de leur sporange; 
certains avaient au moins 5 centimètres de hauteur et malgré cela 
ils ne présentaient pas encore trace de renflement ; leur extrémité 
était mème encore jaunatre. 


Tome III, 1891. 


SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 165 


Différents excréments ont été employés comme substratum : les 
crottins de Mouton, de Cheval et de Chien. Sur tous, les PAyco- 
myces se développent, mais leur taille varie suivant la nature du 
crottin. Les excréments de Chevaux permettent d'obtenir de beaux 
individus, tout à fait normaux, dont la taille peut s'élever à 8, 9 et 
10 centimètres de hauteur. 

Les crottins de Chien ont donné d'assez beaux Phycomyees ; quant 
a ceux de Mouton, ils semblent être moins favorables que les 
autres. En effet, après seize jours, les Champignons ne mesuraient 
encore que 7 centimètres de hauteur; quelques-uns présentaient 
une ramification latérale. 

Les gélatines donnent tantôt de fort belles cultures, tantôt, au 
contraire, des cultures très médiocres. Cela dépend des substances 
nutritives dont elles sont additionnées. 

La gélatine seule ne donne rien; elle n’est pas nutritive. 

La gélatine additionnée d'une décoction de crottins de Chevaux 
ne m'a jamais fourni de beaux résultats; au bout de peu de temps, 
ce substratum se liquéfie. 

La gélatine aux poires (décoction) vaut beaucoup mieux; j'y ai 
vu les Phycomyces atteindre 6 centimètres de hauteur; leur colora- 
tion était plus pâle que la teinte normale. 

La gélatine avec décoction de figues est encore meilleure. Les 
filaments fructifères y acquièrent jusqu'à 6 centimètres de hauteur; 
leur teinte est un peu plus foncée que celle des précédents, mais 
toutefois encore un peu plus faible que ceux développés sur du 
pain. 

De toutes les gélatines expérimentées, la meilleure me paraît 
être celle du moût de bière. Les tiges y ont la couleur normale et 
une taille s'élevant à 7 centimètres de hauteur. 

Ce dernier substratum permet d'observer un phénomène curieux 
que j'ai vu se reproduire dans toutes les cultures faites avec cette 
substance nutritive. Voici de quoi il s’agit. Si l'on observe les 
Phycomyces développés après neuf jours, on constate qu'un très 
grand nombre d’entre eux présentent une ou deux branches laté- 
rales. Ces ramifications naissent presque toujours perpendiculaire- 
ment au filament; elles sont parfois terminées par un sporange. 

Lorsque ce sporange existe, on peut y constater l’existence d’une 


TOME III, 1891. 


166 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


columelle jaunâtre, en violon, et de spores elliptiques allongées 
de 21 «. Habituellement au-dessus du niveau ou les branches ont 
pris naissance, il y a une cloison. 

En somme, les gélatines sont inférieures au pain comme milieu 
de culture, mais elles sont plus commodes et permettent d’obtenir 
plus facilement des cultures pures. 

L'agar-agar seul ne donne absolument rien. 

J'ai voulu voir si des cultures en voie de croissance seraient 
modifiées par une immersion de quelques jours dans l’eau. A cet 
effet, j'ai pris deux petits cristallisoirs en verre, renfermant de la 
gélatine nutritive stérilisée ; je les ai ensuite ensemencés, l’un avec 
des Phycomyces, l’autre avec du Mucor racemosus. 

Après deux jours, j'ai rempli les cristallisoirs d’eau et je les ai 
laissés a l’obscurité pendant quatre jours. Apres ce temps, l’examen 
microscopique m'a démontré que ni l'un ni l’autre n’avait été 
modifié et que le seul résultat obtenu avait été la mort des Cham- 
pignons. J'ai alors vidé les cristallisoirs et les ai placés sous cloche; 
le Phycomyces n'a plus bougé, il était donc bien mort. Le Mucor 
racemosus, lui, a, au bout de quelques jours, développé de nouveaux 
filaments sporangifères, lesquels provenaient de la germination 
des chlamydospores. 

L’épaisseur du substratum peut-elle influencer les cultures? 
Pour répondre à cette question, j'ai pris trois morceaux de pain 
égaux en surface, mais d'épaisseur ditférente. Le moins épais avait 
environ 3 millimètres d'épaisseur, le deuxième 1 centimetre et le 
troisième 2 centimètres. À un moment donné, j'ai pu remarquer 
que c'était le substratum le moins épais qui présentait les filaments 
les plus longs; plus tard, toutes les cultures eurent à peu près la 
même taille. Le neuvième jour, j'ai constaté que les morceaux les 
plus épais présentaient des cultures sensiblement égales et 
mieux fournies que sur le substratum mince. Ce fait est facile à 
expliquer. Au commencement du développement, le mycélium est 
peu abondant ; il pénètre dans le pain et y trouve une nourriture 
suffisante, les spores ne développant pas un mycélium plus consi- 
dérable sur les fragments épais que sur les minces. Il va de soi 
que, étant tous dans les mêmes conditions (sous la même cloche) et 
étant tous également nourris, ils devront avoir le même aspect. 


Tome III, 1801. 


SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 167 


Pour ce qui est de la taille plus grande sur le fragment mince, je 
crois qu'elle doit être attribuée a ce que l'aérage y est plus 
facile. Dans la suite, le mycélium augmente; il s'enfonce de plus 
en plus dans le pain, ce qu'il peut faire librement dans les gros 
morceaux, tandis qu'il en est empêché sur les fragments de 
moindre épaisseur. Il arrive, en effet, un moment où les filaments 
ne peuvent plus descendre; ils se tassent alors, s’étalent à la surface 
du substratum et empêchent la germination des spores qui 
tombent des sporanges mûrs. 

Il n’en est pas de même pour les autres cultures; là les spores 
peuvent encore arriver au contact du substratum et germer; il en 
résulte des cultures plus fortes, plus fournies, pourvues de nom- 
breux filaments jeunes. La méme expérience répétée avec de la 
gélatine au moût de bière m'a fourni des résultats du même genre, 
Ici des substratums épais ne servent à rien, car le mycélium n'y 
pénètre pas plus profondément. 

La conclusion à tirer de ces expériences, c'est que pour avoir de 
belles cultures on doit employer des milieux nutritifs d’une épais- 
seur suffisante, mais que, à partir d’une certaine limite, l’augmen- 
tation d'épaisseur n’influence plus la culture. Ainsi un morceau de 
pain de 2 centimètres d'épaisseur fournira une culture aussi belle 
(en surface) qu'un morceau de 5 centimètres. 

La plupart des expériences dont j’ai parlé ont été répétées dans 
des tubes à réactifs stérilisés trois fois; les résultats sont à peu près 
les mêmes que ceux obtenus en grand sous cloche, à cela près que 
les tubes fructifères sont généralement moins colorés. J'attribue ce 
fait à ce que ces derniers y sont plus serrés et par conséquent plus 
mal à l'aise. C'est ce que l’on peut constater en prenant pour sub- 
stratum un peu de pain, de crottin de Cheval, de Mouton, etc. Les 
Oignons fournissent des filaments fructiferes hyalins, terminés par 
un sporange jaune, semblables à ceux que j'avais constatés sous 
cloche. 

Ayant fait deux cultures semblables avec ce même substratum 
(Oignon), jai pu voir combien était grande l'influence du nombre des 
individus sur la vigueur des cultures. En effet, c'était celle des deux 
cultures où les filaments sporangifères étaient les moins nombreux 
qui présentait les plus fortes dimensions (jusqu’à 8 centimètres 


Tome III, 1891. 


168 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


de hauteur); l’autre avait des filaments plus nombreux, mais par 
contre leur taille était bien plus réduite. 


Phycomyces cloisonnés. — On croit généralement que cette 
Mucorinée ne se cloisonne pas : c'est une erreur. Elle peut se cloi- 
sonner, mais seulement dans certaines conditions spéciales. Voic: 
à quelle occasion je lui ai vu des cloisons. Ayant un jour placé 
dans un cristallisoir de 5 centimètres de hauteur des crottins de 
Cheval, jusqu’à ce qu'il fût rempli, puis les ayant ensuite ense- 
mencés avec du Phycomyces qui avait porté des Syncephalis nodosa 
(le tout ayant été recouvert d’une lame de verre et laissé à l'obscu- 
rité), j'ai constaté au bout de quelques jours que les Phycomyces 
avaient poussé très vigoureusement. Certains d'entre eux étaient 
passés entre le cristallisoir et le couvercle et étaient venus mürir 
leur sporange à l'air, les autres, au contraire, s'étaient entassés les 
uns sur les autres et par suite s'étaient trouvés dans d'assez mau- 
vaises conditions. 

C’est parmi ces derniers que se trouvaient les filaments cloison- 
nés ; les cloisons sont en verre de montre, semblables à celles des 


autres Mucor; elles étaient parfois très rapprochées les unes des 
autres. 


Phycomyces renflés. — J'avais observé chez un grand Mucor 
simple une anomalie assez curieuse; elle consistait en ce que toute 
la portion du filament fructifère avoisinant le sporange s'était 
renflée assez fortement et avait déterminé une ampoule sous-spo- 
rangiale, donnant a ce Mucor un aspect assez singulier. Je me suis 
demandé s'il n’y aurait pas moyen de reproduire expérimentale- 
ment la même monstruosité à l'aide des Phycomyces. L'expérience 
m'a démontré que cela était possible. J'ai, en effet, pu obtenir des 
Phycomyces munis d’un renflement sous-sporangial; seulement 
l'ampoule n’était guère aussi forte que celle du Mucor dont il a été 
question. 

Voici de quelle façon j'ai opéré pour arriver à ce résultat. Ayant 
pris un morceau de pain stérilisé, je l’ai humecté (assez faiblement) 
avec du moût de bière renfermant une assez forte dose d’azotate 
d'ammonium, de façon à avoir un milieu nutritif très concentré; 


Tome III, 1891. 


SUR LE PHYCOMYCES NITENS (KUNZE). 169 


je l'ai ensuite ensemencé, puis placé sous une cloche bien sèche. 

Je l'ai laissé bien tranquille, jusqu'au moment où j'ai vu les 
Phycomyces renfler leur extrémité en un sporange; j'ai rendu alors 
le milieu très humide. Après quelque temps de repos, le phéno- 
mène dont j'ai parlé pouvait s'observer çà et là, surtout sur les 
filaments les plus gréles. 

Ces renflements semblent donc être dus à ce que, en vertu de la 
richesse saline du suc cellulaire, une grande quantité d’eau y est 
appelée; celle-ci presse fortement sur la paroi cellulaire encore 
jeune et très élastique, et donne ainsi lieu au renflement sous- 
sporangial (’). 


Conclusions. — Ce petit travail peut être résumé comme suit : 

1° Les substratums solides donnent de meilleurs résultats que 
les milieux mous et surtout que les liquides. 

2° Les meilleurs aliments sont fournis par le pain additionné 
de 6 °/, de glucose, les cochenilles broyées, les rondelles de carotte, 
les crottins de Chevaux, la gélatine au moùût de bière. 

3° Le Phycomyces est susceptible de se modifier suivant le milieu 
nutritif sur lequel il se développe; les modifications portent prin- 
cipalement sur la taille, la couleur, la rapidité de croissance, la 
production de ramifications, de cloisons, de renflements ou de tire- 
bouchons. 

4° Il existe un degré optimum d'épaisseur du substratum, après 
lequel une augmentation plus forte de celui-ci devient inutile. 

5° La lumière diminue la taille des Phycomyces. 

6° L’humidité leur est très pernicieuse. 


(1) Toutes les expériences citées ont été faites, autant que possible, dans les 
mêmes conditions; en tout cas, j'avais toujours une culture-témoin sur pain ou 
sur un autre milieu connu, qui me permettait, méme si le milieu n’était plus 
tout a fait identique, de comparer les diverses cultures et de les rapporter tou- 
jours a la culture normale typique sur pain. 


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RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


EF RHIZOPUS NIGRICANS 
(EHRENBERG) 


A. DE WEVRE (’°). 


Le Rhizopus nigricans est un Champignon extrémement com- 
mun dans la nature; il suffit d'abandonner à lair, pendant un jour 
ou deux, une croûte de pain, un morceau d’écorce d’orange, une 
tranche de melon, etc., pour les voir se recouvrir au bout de peu 
de temps d’une innombrable quantité de Rhizopus nigricans. 

C’est a son peu de rareté qu'il doit sans doute d'avoir éte signalé 
et décrit de très bonne heure. C'est en effet la première Mucori- 
née connue; elle fut indiquée pour la première fois par Malpighi, 
en 1729, puis rencontrée par Tode, qui la nomma Ascophora 
mucedo. 

Ehrenberg, qui l’étudia ensuite, la considéra d’abord comme une 
sorte de Mucor, et l’'appela Mucor stolonifer; dans la suite, il 
changea d'idée et il en fit, sous le nom de Rhizopus nigricans, le 
type d'un genre nouveau, le genre Rhizopus. 

Ses successeurs, Fries, de Bary, etc., en firent tantôt un Mucor, 


(") Ce travail a paru dans le Bulletin de la Société belge de microscopie, t. XVIII, 
p- 133, 1892. 


Tome III, 1802. 


172 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


tantôt un type distinct. C'est Van Tieghem qui décida, d'une 
façon définitive, de sa place dans la classification en en faisant un 
genre distinct du genre Mucor, comme Ehrenberg l'avait fait anté- 
rieurement, et en lui restituant le nom que cet auteur lui avait 
donné. 

Les caractères des ÆRhizopus sont trop nets et trop constants 
pour qu'il soit encore nécessaire de discuter aujourd’hui la question 
de savoir si ce sont des espèces du genre Mucor, ou s'ils doivent 
constituer un genre à part, ce dernier point étant évident. Cela 
permet de dire que le genre Rhizopus est très proche parent des 
Mucor proprement dits, mais qu’il possède des caractères suffisants 
pour qu'il soit nécessaire de réunir les espèces qu'il comprend 
sous une dénomination générique. 

C'est probablement aussi à son extrème abondance dans la 
nature qu'il doit d'avoir été décrit si fréquemment, et cela sous 
toutes sortes de noms. 

Voici, d’après Berlése et de Toni (°), les synonymes qui peuvent 
lui être donnés : 

Rhizopus nigricans (Ehrenb.), Mucor stolonifer (Ehrenb.), 
Ascophora Mucedo (Tode), Ascophora cordata (Bon.), Ascophora 
Coemancii (Bon.). Zimmermann y ajoute Ascophora glauca, Mucor 
ascophorus. 

A ceux-là, j'ajouterai les noms suivants donnés a des Cham- 
pignons classés par ces auteurs, parmi les Mucor, mais dont la 
description très incomplète me paraît devoir être rapportée au 
Rhizopus nigricans ; ce sont : 

Mucor amethysteus (Berk), Mucor cucurbitarum (Berk. et 
Curt.), Mucor clavatus (Link), Mucor de Barii (Bonorden), Mucor 
fuliginosus (Bonorden), Mucor pygmaeus ?, Mucor nigropunctatus? 
(Berl. et de Toni). 

Cultivée sur pain, cette Mucorinée forme d'abord un mycélium 
blanc qui s'étale a Ja surface et à l’intérieur du substratum et d’où 
partent au bout de deux ou trois jours des pinceaux de filaments 


(1) SACCARDO, Sy//oge fungorum. 


Tome III, 1892. 


SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 173 


sporangifères. En même temps que les tubes sporangifères se 
développent, des stolons prennent naissance à leur base, s’allongent 
fortement et viennent s'appliquer contre l'assiette ou contre les 
parois de la cloche, où ils développent a leur extrémité, d’une 
part, un pinceau de filaments sporangifères, d'autre part, un 
faisceau de crampons qui servent à attacher la plantule au verre. 
Le contact n’est pas nécessaire pour déterminer la formation de 
ces filaments sporangifères : on peut le démontrer facilement en 
retournant une culture et en la suspendant, tête en bas, sous une 
cloche; les faisceaux de sporanges se forment aussi bien que si 
lextrémité des stolons était en contact avec un objet solide 
quelconque; on remarque cependant que les stolons sont plus 
longs. 

D'abord blancs, les tubes sporangiferes ne tardent pas à prendre 
une teinte plus foncée et deviennent finalement noirs. 

Au bout d'une douzaine de jours, la culture a acquis un dévelop- 
pement considérable et la surface du pain est recouverte d'un 
ensemble de tubes sporangifères noirs, entremélés de stolons 
blancs qui se dirigent en tous sens, produisant a leur extrémité, 
surtout contre les parois de la cloche, des pinceaux de filaments a 
sporanges noirs. 

Pour bien suivre le développement de ce Champignon, il est 
nécessaire de faire des cultures en chambre humide en prenant 
comme liguides nutritifs du jus d’orange, de cerises, de gro- 
seilles ou de pruneaux, substances qui lui conviennent trés bien. 

En opérant de cette façon, on reconnaît que la spore augmente 
d'abord de volume, puis pousse un tube qui se ramifie et produit 
un mycélium incolore d’où s'élèvent bientôt des filaments sporan- 
gifères; en même temps, de la base des filaments partent des 
stolons qui développent à leur extrémité un pinceau de tubes 
sporangiferes et quelques crampons de coloration brune. 

Les filaments sporangifères sont gris brunâtre, simples, lisses, 
non cloisonnés, à parois épaisses, et d’une hauteur variant entre 
2 et 4 millimètres, exceptionnellement 5 millimetres. Les faisceaux 
peuvent être formés de sept branches, plus souvent de cinq, par- 
fois d’une seule, si le milieu est très peu nutritif. 


TOME III, 1892. 


174 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


Les tubes fructifères sont terminés par un sporange globuleux 
piriforme noir, a membrane diffluente, mesurant de 130 à 250 w 
de hauteur. 

La columelle des khizopus est grande, globuleuse, aplatie, lar- 
gement appuyée sur la membrane sporangiale, d'une coloration 
gris brunatre. 

Les spores sont très nombreuses, généralement elliptiques, par- 
fois sphériques, d'un gris bleuâtre, à surface externe pourvue de 
petites crêtes saillantes qui donnent aux spores un aspect rayé, 
caractéristique pour presque toutes les espèces du genre. Leurs 
dimensions varient de 8  5o à 9 & 71. Elles sont séparées les unes 
des autres par une matière granuleuse. Elles conservent très long- 
temps leur pouvoir germinatif; j'ai pu, non seulement faire germer 
des spores vieilles de trois et de six mois, mais même des spores 
d’un an et quatre mois. Le fait est absolument certain, car j'ai ense- 
mencé deux morceaux de pain stérilisés et tous deux m'ont donné 
des Rhizopus ; comme je n'avais plus cultivé ce Champignon dans 
le laboratoire depuis trois mois, on ne peut pas dire que cela est dû 
a des spores plus jeunes qui y seraient tombées. 

Le Rhizopus nigricans peut donner naissance a des formes bour- 
geonnanles. Pour les obtenir, j’ai opéré de la façon suivante : des 
spores de Rizzopus étant semées sur liquide nutritif stérilisé, je 
les laisse se développer pendant quelques jours, après quoi j'en- 
lève les plantes du liquide, je les lave à l'eau stérilisée, puis je les 
plonge dans une solution de glucose, en ayant soin de les v main- 
tenir immergées. Au bout de deux ou trois jours, on voit des 
cloisons très rapprochées se montrer dans certains filaments, puis 
les articles ainsi constitués se gonflent et donnent lieu à une série 
de cellules ovales, sphériques ou elliptiques pouvant avoir jusqu à 
30 et 40 « de longueur, placées comme les grains d’un chapelet les 
unes à la suite des autres; ces dernières cellules peuvent bour- 
geonner. 

Malgré les nombreuses cultures que j'ai faites avec les substra- 
tums les plus divers et dans les conditions les plus variées, je n'ai 
jamais vu se former de chlamydospores; il est donc probable que 
la plante n'en possède point. 


Tome III, 1892. 


SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 17) 


Les zygospores sont connues. Décrites d'abord par de Bary, 
elles furent ensuite réétudiées par Van Tieghem, qui confirma ce 
que son prédécesseur en avait dit. 

Ces zygospores sont constituées par une masse sphérique noire, 
à épispore cartilagineuse, hérissée de tubercules, qui est placée 
entre deux bras, droits, non /recourbés, inégaux, l’un des deux 
ayant souvent un volume double de l'autre, colorés en brun, par- 
fois mouchetés de blanc. 

Leurs dimensions oscillent entre 170 et 220 p. Elles se forment à 
l'intérieur du milieu nutritif ou bien entre les parois du verre et 
du substratum. 

Outre la forme normale précédemment décrite, on rencontre 
parfois des individus anormaux; ainsi il m'est arrivé de trouver 
dans une culture un filament dont toute la surface, depuis le haut 
jusqu'au bas, était couverte de granules calcaires, solubles dans 
l'acide chlorhydrique. 

Ce fait me semble démontrer le peu de valeur que l’on doit 
accorder à des distinctions spécifiques basées sur la présence ou 
l'absence d aspérités calcaires. 

Parfois l'on trouve des Rhizopus dont la columelle est d'un 
bleu noir, alors que le restant du Champignon est noiratre. 

Enfin un Rhizopus m'a montré, immédiatement sous la colu- 
melle, un renflement sous-sporangial analogue a ceux que Jai 
indiqués pour le Phycomyces nitens et pour le Mucor Mucedo. 

La forme normale change plus ou moins sous l’influence des 
milieux nutritifs et des divers agents physiques. Les faits qui 
suivent nous l’indiqueront suffisamment et nous permettront de 
nous rendre compte des matières nutritives qui conviennent le 
mieux à cette espèce. Les substratums essayés étaient : 

1° Solides ; 

2° Mous; 

3° Liquides. 


Milieux solides. — Le Rhizopus nigricans pousse excessivement 
bien sur les substratums solides. J'ai expérimenté les diverses 
substances suivantes : 


Tome III, 1892. 


176 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


Le pain humecté d’eau, sur lequel le Champignon se développe 
bien, mais est moins vigoureux que sur pain humecté d'une 
décoction de crottins, de pruneaux, de glycose, de jus de cerise, 
de moût de bière ou de bouillon, etc. 

Le pain stérilisé arrosé de jus de fruits lui convient tout particu- 
lièrement. 

Il croît aussi sur la viande cuite, sur les écorces d’oranges et 
surtout sur les fruits de Cucurbitacées (Melon, Potiron). 

Les excréments (crottin de Cheval et autres) sont trés peu 
favorables au développement de ce Champignon : on ne l'y 
rencontre jamais qu'en petite quantité et dans un état de prospé- 
rité médiocre. 

Comme milieux solides, ce sont surtout les fruits et le pain addi- 
tionné de jus de pruneaux ou de l’une des solutions minérales dont 
je vais parler qui donnent les meilleurs résultats. Le Champignon 
s'y montre alors avec de nombreux stolons blancs et une grande 
quantité de petits faisceaux fructifères dont les filaments ont 4 
ou 5 millimètres de hauteur. 

Lorsqu'il croît sur un milieu pauvre (sur du papier humide 
imbibé de crottin de chenilles), il reste tout petit, chétif et ne pro- 
duit plus de faisceaux de filaments fructifères ; il ne donne plus 
alors que quelques rares filaments isolés, peu élevés. 


Milieux mous. — J'ai rangé dans cette catégorie les diverses géla- 
tines. 

J'ai cultivé les Rhizopus sur gélatine au moût de biere, au 
jus de cerises, aux poires, aux figues, au crottin de Che- 
valsietc. 

Il se développe sur tous ces milieux, mais ce sont encore une 
fois ceux aux fruits acides et au moût de bière qui ont la préfé- 
rence. 

Lorsque l’on veut étudier le développement de ce Champignon, 
il n'y a rien de tel que de le cultiver sur plaques de verre gélatini- 
sées; on peut ainsi le voir germer, grandir, donner naissance à ses 
stolons, assister au mouvement du protoplasme à l'intérieur des 
tubes, etc. 


Tome III, 1892. 


SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 177 


Liquides. — Ils permettent le développement du Rhizopus, et cela 
d’autant mieux qu'ils sont plus nutritifs. 

L'eau seule ne convient pas, mais additionnée de substances 
chimiques ou de matières organiques, elle devient un milieu 
permettant plus ou moins bien le développement de notre Cham- 
pignon. 

Les décoctions d’Orge en germination, de crottins, de poires, les 
jus de groseilles, cerises, pruneaux, etc., peuvent tous servir. Les 
cultures comparées prouvent toutefois que le moût de bière, la 
décoction de pruneaux et le jus de fruits donnent les meilleurs 
résultats. 

Comme liquide nutritif, je me suis principalement servi d’une 
liqueur très concentrée que je diluais ensuite, ce qui me permettait 
de constater l'effet de la concentration et en même temps de trou- 
ver le meilleur liquide nutritif minéral pour Rhizopus. Voici la 
formule de la solution mère : 


Phosphate de soude. . . . . 1 gramme. 
Chlorure de Soie: "+". I — 
Sulfatede magnésie . . . . . I — 
Witrate de potasseis En . à: - I — 
Acide tantrique Lan 31152. % 2 grammes. 
(55 (0 OR SCT EN 24 7 — 
Paie ee NICE." 2 1 200 — 


Une semblable solution n’a pas permis la germination, cela 
était du reste à prévoir. 

Le mème liquide additionné de son volume d'eau a rendu la ger- 
mination possible; toutefois les filaments obtenus étaient peu nom- 
breux, rares et gréles. 

Un volume de la liqueur concentrée et trois volumes d’eau 
ont permis l'obtention de filaments encore peu nombreux et 
grêles. 

Avec trôis volumes de liqueur concentrée plus un volume d'eau, 
la germination a été rendue impossible. 

Enfin, j'ai pu constater que les meilleurs résultats étaient obte- 

Tome III. 12 


Tome III, 1892, 


178 A. DE WÈVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


nus lorsque l’on ajoutait à un volume de liqueur mère, neuf volumes 
d’eau. Avec une semblable solution, on n’obtient cependant pas de 
résultats aussi beaux qu’avec des décoctions de cochenilles ou de 
pruneaux, surtout avec cette derniere. 

Les Rhizopus sont rendus bien plus vigoureux si a la solution 
nutritive minérale on ajoute un peu de peptone. 

Un résultat assez curieux est celui que l’on obtient en prenant 
une certaine quantité de liquide de culture (a ‘/..) et en l'addition- 
nant de quantités croissantes de glucose. 

En prenant 20 centimetres cubes de ce liquide et en y ajoutant 
2 grammes de glycose, on constate que la culture contient un bien 
plus grand nombre de filaments sporangiferes, mais que par contre 
ils sont beaucoup plus petits que ceux d’une semblable culture 
dépourvue de glycose; ils n’ont en effet que de 1™™5 a 2 millimetres 
de hauteur; en augmentant les doses de glycose suivant la progres- 
sion que Voici : 


Pour 20 centimètres de liquide, 45710 de glycose, 
a= — 6 grammes de glycose, 


am = 8 uy 


j'ai toujours vu le nombre de filaments sporangifères s'accroître, 
mais par contre leur taille diminuer. 

Est-ce l'effet de la concentration ou de la glucose, je ne l'ai 
pas recherché, mais comme on l'a vu précédemment, plus la 
concentration est grande, plus les Champignons deviennent 
gréles. 

Ce qu'il y a aussi de certain, c’est que dans un essai pour voir 
l'effet de la concentration, j'ai obtenu les résultats suivants : 

Avec liquide nutritif minéral bien proportionné, j'obtenais du 
Rhizopus ayant jusqu’à 3 millimètres de hauteur; tandis que lors- 
que j'employais le même liquide dilué de son volume d'eau, le 
nombre d'individus obtenus était moins considérable et leur taille 
était plus faible: ils avaient seulement 2"*5 de hauteur. 

Le zinc est favorable au Rhizopus, c'est ce que démontre l'expé- 
rience suivante : ayant pris deux tubes contenant la même dose de 


Tome III, 1892. 


SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 179 


liquide nutritif et ayant additionné l'un de deux ou trois gouttes 
d’une solution à ‘/.. de chlorure de zinc tandis que l’autre était 
laissé tel quel, j'ai pu constater au bout de quelques jours que la 
culture avec zinc présentait des filaments plus nombreux et plus 
vigoureux que l’autre. 

En faisant varier certaines substances minérales, j'ai trouvé que : 

1° Avec un liquide minéral renfermant du phosphate de soude, 
on obtient de belles cultures, bien fournies avec filaments sporan- 
giferes atteignant 5 millimètres de hauteur. 

2° Si, au lieu de phosphate de soude, on met du phosphate d’am- 
monium, on obtient une culture un peu mieux fournie et présen- 
tant des filaments un peu plus grands. Cela démontre encore une 
fois que l’azote sous forme ammonium semble être préférable a 
l'azote nitrique pour les Champignons. 

3° Un mélange de parties égales des deux liquides donnait les 
mèmes résultats que l’un des deux seul. 

4° Si l'on emploie du liquide nutritif au phosphate d’ammo- 
nium additionné de 2 centigrammes pour 20 centimètres cubes de 
peptone, les résultats sont beaucoup plus beaux que ceux obtenus 
avec liquide nutritif seul. 

Puisque je suis aux essais avec liquide nutritif minéral, j'en 
profiterai pour intercaler quelques expériences ayant pour but de 
rechercher l'action de diverses substances nutritives, poisons ou 
antiseptiques. 

Dix centimètres cubes de liquide minéral nutritif au phosphate 
d’ammonium étant additionnés : 

1° D'une goutte d'acide chlorhydrique, on obtient un mycélium 
et des sporanges différant a première vue plus ou moins du Rhizo- 
pus ordinaire. 

2° D'une goutte d'huile d'olive, les Rhzzopus obtenus sont beaux, 
identiques a la culture temoin. 

3° D’une goutte d’aldéhyde, pas de germination. 

4° De5 milligrammes de sulfate de cuivre, le développement ne 
s'en est pour ainsi dire pas ressenti. 

5° D'une goutte d’essence de girofle, le développement a été rendu 
impossible. 


ToME III, 1892. 


180 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


6° De 2 centigrammes d’hydroquinone ont permis l'obtention 
d'un mycélium très faible. 

7° De 3 centigrammes d’antipyrine, le liquide s'est comporté 
comme la culture témoin. 

8° De 1 décigramme de chloral, pas de germination. 

9° De 5 centigrammes de salicine, la culture est aussi belle 
qu'avec liquide nutritif seul. 

10° De 1 gramme de glucose, la culture ne semble pas plus belle 
qu’avec la solution nutritive témoin. 

11° De 4 centigrammes de mannite, la culture est rendue un peu 
plus belle qu'avec le liquide minéral seul. 

12° De 2 centigrammes d'asparagine, la culture présente de nom- 
breux individus. 

Ces expériences permettent de constater que c’est toujours en 
milieu azoté que l’on obtient les meilleurs résultats, les composés 
hydrocarbonés non anesthésiques, ou bien ne renforcent pas les 
cultures, ou bien ne leur donnent qu’un surcroît de vigueur insi- 
gnifiant. Enfin, il est des corps qui tuent le Rhzzopus à des doses 
même assez faibles. 

Il nous reste maintenant à savoir quel est l'aliment qui convient 
le mieux à notre Rhizopus; des expériences comparatives nous ont 
démontré que c'étaient les jus de fruits, les décoctions de pru- 
neaux et le moût de bière qui semblaient surtout avoir la préfé- 
rence; il fallait ensuite déterminer si les milieux solides étaient 
oui ou non préférables aux substratums liquides. Pour démontrer 
cela, j'ai fait des essais comparatifs (sous la même cloche) avec 
mott de bière, gélatine, moût de bière et décoction de pruneaux; 
c'est le milieu mou qui montrait les filaments les plus vigoureux. 
Les substratums solides sont encore préférables, c’est ce que j'ai 
toujours observé dans toutes mes cultures. 

Partant de ce fait que la décoction de pruneaux et le moût de 
bière sont les meilleurs liquides de culture, je me suis dit, qu'en les 
rendant meilleurs encore, puis en arrosant alors avec ces solutions 
un milieu solide, du pain par exemple, j'obtiendrais certainement 
le meilleur substratum qu’il soit possible de réaliser. A cet effet, j'ai 


Tome III, 1892. 


SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 181 


recherché l'effet produit par l’addition de diverses matières nutri- 
tives à une décoction de pruneaux. 

1) 10%£3 de décoction de pruneaux, sans aucune addition, 
donnent après quelques jours une culture présentant de nombreux 
individus bien constitués. 

2) La même plus 2 centigrammes de peptone donne une culture 
beaucoup plus belle que la précédente, quatre ou cing fois plus 
fournie. 

3) Une addition de 3 centigrammes d'azotate de soude ne rend 
pas le jus de pruneaux meilleur que sans aucune addition. 

4) Il en est de même pour l'addition de 3 centigrammes de 
phosphate. 

5) Une faible addition d’asparagine (2 centigrammes) détermine 
l'apparition rapide de nombreux et beaux filaments sporangifères. 

Cette culture était aussi belle que celle obtenue n° 8. 

6) L'acide picrique (1 centigramme) empéche la germination. 

7) L’addition de 15 milligrammes d’azotate de soude et de 
15 milligrammes de phosphate de soude donne une culture moins 
belle qu’avec les pruneaux seuls. 

8) Les meilleurs résultats ont été obtenus avec une décoction de 
pruneaux additionnée de 15 milligrammes de phosphate de soude, 
1) milligrammes d’azotate de soude ct 20 milligrammes de 
peptone. Les filaments avaient jusqu'à 5 millimètres de hauteur, 
cé qui est très rare sur liquide. 

Cet ensemble d’expériences démontre encore une fois que le 
Rhizopus aime beaucoup l'azote et que plus on lui en donne, mieux 
il se porte. De plus, l’azote hate le développement de ce Cham- 
pignon, c'est ce que j'ai pu constater avec les cultures renfermant 
de l’asparagine, des peptones, etc. ; 

La résistance du Rhizopus à la chaleur a également fait l'objet 
de quelques recherches. A cet effet, je prenais des tubes à réactif 
contenant de la gélatine au moût de bière, je les stérilisais trois 
fois, puis je les ensemençais. j 

Quatre tubes ainsi préparés furent soumis : 

Le premier à 45° pendant une demi-heure; 

Le deuxième à 50° pendant une demi-heure; 


TOME III, 1892. 


182 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


Le troisième a 55° pendant une demi-heure; 

Le quatrième à 60° pendant une demi-heure. 

Tous ont germé. 

La culture chauffée à 55° était même très belle et présentait des 
filaments au moins aussi longs que ceux venus sur des cultures non 
chauffées. 

Cette même culture fut ensuite portée à 55-56°, puis immergée; 
cette fois elle ne repoussa plus. La chaleur au-dessus d'un certain 
degré retarde les cultures, c’est ce que j’ai pu constater en exposant 
des tubes ensemencés à 45° pendant trois quarts d’heure, une heure 
et une heure quarante-cinq minutes: les spores avaient germé, 
seulement on pouvait s’apercevoir qu'elles se développaient 
d'autant plus lentement qu’elles étaient restées plus longtemps 
soumises à l’action de la chaleur. 

Toutes les expériences que je viens de faire connaître, de même 
que celles qui suivent, ont eu deux buts : 

1° Rechercher le meilleur substratum pour la culture du Rhizo- 
pus nigricans et voir l'influence de celui-ci sur l’aspect du Cham- 
pignon ; 

2° Obtenir les zygospores du Rhizopus. 

Pour se procurer ces zygospores, de Bary et Van Tieghem opé- 
raient de la façon suivante : 

Ils prenaient un vase cylindrique, à fond plat, préalablement 
lavé à l'eau bouillante, puis ils le remplissaient à moitié ou aux 
deux tiers de mie de pain frais, après quoi ils arrosaient le pain 
_avec quelques gouttes d'eau bouillie dans laquelle un sporange de 
Rhizopus avait été délayé, ensuite ils bouchaient le vase et le 
laissaient après cela au repos pendant quelques jours. D’après ces 
auteurs, après deux ou trois semaines, le fond du vase est tapissé de 
milliers de petits points noirs qui sont les zygospores. 

J'ai refait a différentes reprises, pendant divers mois de l’année, 
cette experience, en suivant ponctuellement les indications de 
de Bary et Van Tieghem, sans cependant étre arrivé au résultat 
désiré. 

En analysant le procédé employé, il est facile de se rendre 
compte, comme le dit d'ailleurs Van Tieghem, que les zygospores 


Tome III, 1892. 


SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 183 


se forment ici dans de mauvaises conditions; elles n’ont en effet 
qu'une quantité d'oxygène insuffisante, devenant du reste de plus 
en plus faible par suite du développement; ensuite elles se placent 
là où Pair ne peut que très difficilement leur parvenir (au fond 
du vase). Enfin, je ferai remarquer aussi que le substratum 
employé n’était pas précisément un aliment de toute première 
valeur. 

Partant de ce fait que les zygospores de ce Champignon se 
forment lorsque sa vie est en danger, j'ai institué toute une série 
d'expériences destinées à vérifier jusqu’à quel point cette manière 
de voir est exacte. Je dois dire que les résultats de l'expérimentation 
ne semblent pas du tout confirmer cette hypothèse. 

En effet, non seulement en faisant l'expérience de de Bary et 
Van Tieghem je n’ai rien obtenu, mais je n’ai pas eu plus de chance 
en employant d'autres substratums que le pain. 

J'ai aussi enfermé des Rhizopus, cultivés tantôt sur d'excellents 
milieux, tantôt au contraire sur de détestables milieux, soit avant, 
soit pendant le cours de leur développement, dans des vases clos, 
et jamais je n'ai vu la moindre trace de zygospore. 

J'ai examiné sans plus de succès des cultures vieilles d'un mois. 

J'ai eu recours aux cultures successives, c'est-à-dire que je semais 
des spores de Rhizopus sur du pain nutritif, placé à l'obscurité, 
soit sous cloche, soit dans un cristallisoir recouvert d’une lame de 
verre, puis lorsque les individus étaient arrivés à maturité, je les 
ressemais aussitôt et ainsi de suite; ici encore les résultats ont 
toujours été négatifs, bien que la culture sous cloche ait été refaite 
au moins douze fois. 

Jeus alors l’idée d’essayer l’insolation; à cet effet, je prenais des 
tubes à réactifs renfermant des substances nutritives, je les ense- 
mençais, puis je les exposais au soleil pendant un temps plus ou 
moins long. 

Trois tubes de gélatine au moût de bière, ensemencés de Rhzzo- 
pus, ont été exposés au soleil : 

Le premier pendant une demi-heure ; 

Le deuxième pendant une heure; 

Le troisième pendant une heure et demie : ils portaient le 


TomE III, 1892. 


184 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES 


quatriéme jour des fructifications, celles-ci étaient plus petites que 
dans les cultures non insolées. 

Une quatrième culture faite en même temps que les autres, 
exposée une première fois au soleil pendant une demi-heure, puis 
le lendemain pendant une heure à un soleil faible, ne présentait le 
quatrième jour qu'un faible mycélium sans trace de sporanges; 
le cinquième jour, elle montrait quelques sporanges blancs, très 
petits. 

Huit jours après, toutes les cultures étaient arrivées à maturité; 
on pouvait alors constater que les groupes de filaments sporan- 
giferes venus en second lieu (à l'ombre) étaient plus grands que les 
premiers apparus. 

Ces cultures ne m'ont jamais montré ni chlamydospores ni 
zygospores; cependant le Champignon se trouvait manifestement 
géneé dans son développement. La seule chose que j'aie parfois vue, 
c'est l'apparition de cloisons dans les filaments mycéliens et quel- 
quefois, mais plus rarement, dans les tiges. 

L'effet principal des rayons solaires semble donc être de retarder 
le développement du Champignon et de diminuer sa taille. 

J'ai pu constater le mème fait avec gélatine aux cochenilles : 
toujours les Champignons obtenus étaient petits et malingres. 

Plus la lumière agit longtemps, plus les résultats obtenus sont 
marqués : c’est ce que j’ai surtout pu observer avec deux cultures 
sur cochenilles, exposées d’abord pendant trois quarts d'heure au 
soleil, puis l’une d’entre elles, le lendemain, pendant deux heures à 
un soleil faible. Sur la première, il est venu des sporanges assez 
nombreux, mais pas très grands, avec filaments stolonifères; sur 
la seconde, les sporanges étaient peu nombreux et à peine visibles. 

Il m’a semblé que l’action du soleil n'était pas la même avec des 
substratums différents. 

Les spores de deux cultures de Rhizopus sur gélatine au moût 
de bière ayant été insolées successivement pendant trois heures, 
trois quarts d’heure, trois heures, deux heures, une demi-heure, 
furent ensuite ressemées; au bout de trois jours, elles possédaient 
déja de nombreux filaments stolonifères et de petits tubes sporan- 
giaux. 


LR id 
* ai 


Tome III, 1892. 


SUR LE RHIZOPUS NIGRICANS (EHRENBERG). 185 


Le Rhizopus résiste donc bien à l’action des rayons solaires, 
puisqu'il permet aux spores de se former et ne leur enlève pas 
leurs propriétés germinatives. 

Dans une autre expérience ayant pour but de gèner le Champi- 
gnon dans sa croissance tout en lui fournissant un bon substra- 
tum, je n'ai pas vu non plus de traces de zygospores; voici en quoi 
consistait cette expérience : 

Un Rhizopus cultivé sur décoction de pruneaux était placé sous 
une cloche bien séche, où se trouvait en même temps un petit vase 
rempli de chlorure de calcium ayant pour but de dessécher peu 
à peu la culture. 

Le seul résultat digne d'être noté fut l'obtention de ors très 
grèles, peu nombreux, petits, très peu colorés, mais pas de zygo- 
spores ou de chlamydospores. 

Un autre genre d'expériences qui, à ma connaissance, n'a pas 
encore été fait jusqu'à présent, consiste à immerger les cultures 
dans une solution nutritive; voici comment je procédais : je 
prenais un tube renfermant de la gélatine au moût de bière, je le 
stérilisais trois fois, puis je l’'ensemençais de Rhizopus; celui-ci se 
développait, et lorsqu il était parvenu, soit a l'état de mycélium, 
soit à l'état adulte, je liquéfiais ma gélatine à une très douce 
chaleur (sans déboucher le tube afin de ne pas introduire des 
spores étrangères), puis j'agitais de façon à immerger complète- 
ment la culture. 

Les Rhizopus traités de cette façon repoussaient, mais étaient 
plus petits et mettaient plus de temps pour arriver à maturité. 

La même expérience faite avec un Phycomyces nitens, immergé 
après deux jours de développement, alors qu'il ne présentait 
encore qu'un mycélium, m'a fourni des résultats analogues : la 
culture a parfaitement repoussé, seulement, tandis que, au bout de 
cing jours, les Phycomyces non immergés avaient 6 centimètres de 
hauteur, les immergés n'avaient que quelques rares filaments de 
4 ou 5 centimètres de hauteur. Après un certain temps, cette 
culture est devenue aussi belle et aussi fournie que l'autre. 

En immergeant les Rhizopus chaque fois qu'ils arrivaient a 
maturité et en répétant cela quatre ou cing fois, j'ai vu le Cham- 


Tome III, 1892. 


186 A. DE WEVRE. — RECHERCHES EXPERIMENTALES, ETC. 


pignon repousser sans que sa taille en fût sensiblement affectée, 
mais finalement, après un certain nombre d’immersions, le Cham- 
pignon mourait assez brusquement. Cette mort peut être attribuée 
soit à l'épuisement du milieu nutritif, soit à la présence de 
substances toxiques sécrétées par le Rhizopus et qui, en s’'accumu- 
lant, finissent par annihiler complètement son développement. 

En tout cas, même ici, où le Champignon était forcé de se 
développer successivement, sans interruption, et où en même 
temps il était gèné dans sa croissance par suite des immersions et 
de l'appauvrissement du milieu, jamais je n’ai vu la moindre appa- 
rence de zygospores. 

Tout cet ensemble de faits ou le Champignon s’est trouvé dans 
presque toutes les mauvaises conditions imaginables, prouvent-ils 
que l'hypothèse avancée par de Bary et Van Tieghem est fausse? 
Cela n’est pas absolument certain. 

Ce méme Champignon, placé dans des conditions tout a fait 
inverses, c'est-à-dire dans un milieu très favorable a son dévelop- 
pement et sur les substances que mes expériences m'avaient indi- 
quées comme les meilleures, n’a pas non plus montré ses organes 
sexuels. 

Ce qui semble pouvoir être énoncé au sujet des résultats 
obtenus, c’est que, ou bien le Rhizopus qui a servi à mes expé- 
riences avait perdu la faculté de produire des zygospores, ou bien 
que celles-ci ne se forment que dans des circonstances spéciales 
et sous des influences particulières. Peut-être encore existe-t-il 
des races chez qui la formation des zygospores ne peut plus se 
faire. 


SUR 


LE (PAIN DU CIEL 


PROVENANT DU DIARBÉKIR () 


PAR 


L. ERRERA 


Dans sa dernière séance, l'Académie a reçu de M. le Ministre de 
l'Intérieur et de l'Instruction publique, des échantillons d’une sub- 
stance, ainsi que la dépêche suivante : 


Bruxelles, le 26 mai 1893. 


Monsieur le Secrétaire perpétuel, 


Mon Département a reçu, par l'intermédiaire du consul de Belgique à Alep, 
l'échantillon ci-joint d’une substance alimentaire que les Kurdes de la Mésopota- 
mie désignent sous le nom de « pain du ciel ». 

Dans les premiers jours du mois de mai 1890, une violente tempête s’est 
déchaînée sur le vilayet de Diarbékir, ravageant, sur certains points, les champs, 
déracinant les arbres et portant sur son passage la désolation, sauf pourtant dans 
la région du Djebel-el-Ooffet, dans la plaine qui l'entoure, où il tomba une grêle 
abondante qui, en se fondant, laissa à découvert une couche épaisse de la sub- 
stance dont il s’agit. : 

Il résulte d’informations prises à Diarbékir et à Mardin, que cette matière 


(1) Ce travail a paru dans le Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 3° série, 
t. XXVI, n° 7, 1893. 


Tome III, 1893. 


188 L. ERRERA. — SUR LE «€ PAIN DU CIEL » 


n’existe ni dans le vilayet en question, ni dans son voisinage, et qu’un tourbillon 
doit l’avoir charriée d’une région lointaine. 

D'aucuns prétendent que c’est plutôt une matière végétale, que les pluies tor 
rentielles ont mise à découvert. 

Quoi qu’il en soit, la matière en question, pétrie avec un tiers de son poids de 
farine, fut trouvée mangeable, et elle entre aujourd’hui pour une part notable 
dans l’alimentation des habitants de cette province. 

Bien que les phénomènes du genre de celui relaté par notre agent consulaire 
ne soient pas d’une extrème rareté, notamment dans les contrées s'étendant au 
sud-est de l’Asie-Mineure, il m’a paru utile de le signaler à l’attention de 
l’Académie royale de Belgique. 

Agréez, etc. 

Le Ministre, 
(Signé) J. DE BURLET. 


Comme il est facile de s'en assurer par l'examen microscopique, 
cette substance n'est autre que le Lichen connu sous le nom de 
Lecanora esculenta Eversm. (*). Trouvé d'abord par Pallas dans les 
montagnes arides, calcaires et gypseuses du désert de Tartarie, 
rencontré en abondance par Ledebour et par Eversmann dans les 
steppes des Kirghizes, pres de la partie méridionale du fleuve Jaik, 
au pied des collines gypseuses qui entourent les lacs salés, ce 
Lichen a été rapporté également par le voyageur Parrot, de la 
Perse, où il passe pour être tombé du ciel. Au total, il est commun 
dans l'Asie moyenne (*), et sobserve aussi en Palestine et en 
Algérie (*). Dans certaines parties de l'Asie, le Lecanora esculenta 
couvre le sol en si grande abondance qu’il y forme, d'après Parrot, 
une couche de 15 à 20 centimètres d'épaisseur. 

Les spécimens du Diarbékir, envoyés par notre consul a Alep, 
concordent avec la description et la figure qu’Eversmann a don- 
nées. Ils constituent des masses irrégulières, cérébriformes, dures, 
de 2 à 12 millimètres de diamètre, a surface brun clair, parfois un 


(*) EVERSMANN, Nova Acta Ac. Nat. Curios., XV, IL, 1831, p. 356. 

(?) LEDEBOUR, in FR. GOEBEL, loc. cit. infra. 

(3) Hur, Lichen, exotic. (Nouv. ArcH. DU MusEuM, 3° série, t. III, 1891, 
Pp. 74.) ; 


Tome_ III, 1893. 


PROVENANT DU DIARBEKIR. 189 


peu grisdtre, et marquée d’un assez grand nombre de petites 
dépressions punctiformes. Sur une cassure fraiche, tout le tissu 
interne apparait blanc de craie. 

La plupart des exemplaires présentent, sur l’une de leurs faces, 
une cassure tantôt récente, tantôt cicatrisée. Il faut en conclure, 
sans doute, que le Lichen est fixé au début de son développement, 
mais qu’il peut continuer à vivre et à croître après avoir été arraché 
par la tempête. 

On reconnaît au microscope une structure caractérisée de Lichen 
hétéromère : tissu fongique avec nids de cellules d’Algues (°). 

Comme d’habitude, on peut distinguer, de dehors en dedans à 
partir de la surface, une couche corticale et une couche médullaire. 
Dans la couche médullaire, les hyphes sont ramifiées, lâchement 
enchevétrées, souvent sinueuses, a paroi fort épaissie, à lumière 
très réduite. Elles emprisonnent entre elles une certaine quantité 
d’air; mais leur aspect blanc crayeux est dt surtout à de petits 
cristaux irréguliers, dont elles sont absolument recouvertes. Les 
réactiors microchimiques ne laissent pas de doute sur la nature de 
ces cristaux : c’est de l’oxalate de calcium. D’après le dosage que 
vient de faire M. Clautriau, assistant à l’Institut botanique, et que 
l’on trouvera plus loin, l’oxalate représente près de 58 °/, de la sub- 
stance sèche de notre Lichen. Gübel, de Dorpat, en indiquait 
même près de 66 °/) dans les exemplaires de Perse qu'il a ana- 
lysés. 

Vers la périphérie, immédiatement en dessous de la surface 
brune, les extrémités jeunes des hyphes constituent un liséré étroit 
(couche corticale), plus transparent, plus dense, privé d'air, hyalin 
dans les préparations microscopiques, ne présentant presque pas 
d’oxalate. Ce liséré est plus marqué lorsque le Lichen se dispose à 
fructifier : quelques-uns de nos échantillons portent, en effet, de 
jeunes apothécies. 

Quant aux spermogonies, elles existent en grand nombre sur 


(*) Cf. la figure de Linx, Bot. Zeit., 1849, n° 41 (sous le nom de CA/orangium 
Jussufii). 


TOME III, 1893. 


190 L. ERRERA. — SUR LE (PAIN DU CIEL » 


presque tous les exemplaires : leur orifice correspond toujours 
à l’une des dépressions punctiformes dont il a été question tout à 
l'heure. Chaque spermogonie contient une énorme quantité de 
spermaties aciculaires, comme Nylander (*) l’a déjà reconnu, et 
contrairement à des observations plus anciennes. Les spermaties 
mesurent de 14 à 18 u de long sur 1 p, à peine, de large. 

L’Algue qui concourt à la formation de ce Lichen est une espèce 
très commune: le Protococcus viridis Ag. (?). Ala base de la couche 
corticale et immédiatement au-dessous d'elle, elle constitue de 
nombreux amas verts, bien délimités, eaveloppés par les filaments 


fongiques. 


En appuyant avec force sur la lamelle de la préparation, une grande partie de 
l’oxalate de calcium se détache des hyphes : il leur est certainement extérieur. 
Les cristaux d’oxalate sont biréfringents, insolubles dans l’eau, la potasse, l’acide 
acétique, solubles dans l’acide chlorhydrique. L’acide sulfurique les transforme 
en ure masse considérable d’aiguilles de gypse. 

Après dissolution de la gangue d’oxalate, les hyphes persistent, mais en per- 
dant de leur réfringence. 

Le tissu fongique du Lichen ne se colore qu’en jaune pâle, par l’iodure de 
potassium iodé, sauf les apothécies qui deviennent bleu intense (reaction de 
Visolichénine), et les spermogonies qui prennent une nuance brun orangé, due 
probablement à des traces de glycogène. Je n’ai pu constater de réaction nette de 
glycogène dans le contenu des jeunes asques. 

L’iodure de potassium iodé fait apparaître au centre des cellules de l’Algue un 
noyau bien délimité, et donne à tout leur contenu une nuance jaune brun, un 
peu dorée. Dans leur masse chlorophyllienne périphérique, de tout petits gra- 
nules paraissent se colorer en noir : c’est sans doute une minime quantité 
d’amidon. : 

Par le chlorure de zinc iodé, les membranes des hyphes prennent a peine une 
teinte jaunâtre, même après avoir été débarrassées de leur oxalate au moyen de 
l'acide chlorhydrique concentré, tandis que celles des cellules de l’Algue 
deviennent d’un bleu violet foncé. Grâce à cette réaction, on remarque dans la 
couche médullaire, en dessous des nids d’Algues, les restes plus ou moins ratati- 


(!) NYLANDER, //ova, 1858, p. 500. 
(2) Borner, Recherches sur les gonidies des Lichens. (ANN. SC. NAT., BOT., 


5e série, t. XVII, 1873, p. 69.) 


Tome III, 1893. 


PROVENANT DU DIARBEKIR. 191 


nés de membranes qui leur sont en tout semblables : ces restes proviennent 
évidemment d'individus morts et en voie de désorganisation, abandonnés en 
chemin par les colonies de Protococcus, à mesure que le bord du Lichen s’accrois- 
sait et offrait seul aux Algues qui s’y multiplient des conditions convenables 
d'éclairage. 

A en juger d’après leur aspect désorganisé et corrodé, les cellules d’Algues qui 
meurent dans les régions profondes, faute de lumière, sont digérées ensuite par les 
hyphes environnantes : au mutualisme ordinaire du Lichen s’ajouterait ici une 
sorte de saprophytisme des hyphes tirant parti des Algues mortes. I] semble 
qu’un phénomène analogue doive exister assez généralement chez les Lichens 
hétéromères à thalle épais et opaque. Suivant mon attente, je l’ai retrouvé, en 
effet — quoique moins accusé, — chez le Psoroma lentigerum, dont le thalle, 
comme celui du Zecanora esculenta, est rendu opaque par des quantités formi- 
dables d’oxalate de chaux. 

La mortalité des Algues de la profondeur, telle qu’elle s’observe chez notre 
Lecanora, est, on le voit, toute différente de la destruction des portions externes 
de l’écorce et des Algues qu’elles renferment, décrite jadis par Schwendener 
pour beaucoup de Lichens foliacés et crustacés (1). 

Si une certaine dose de saprophytisme se manifeste chez le Lecanora esculenta 
et le Psoroma lentigerui, rappelons que chez quelques autres Lichens (Arno/dia 
minutula, Physma chalazanum) le mutualisme se complique, au contraire, d’après 
Bornet (2\, de parasitisme proprement dit, les hyphes pénétrant dans certaines 
cellules vivantes de l’Algue, et amenant leur hypertrophie, puis leur mort. 


L’abondance extréme d’oxalate de chaux dans le Lecanora escu- 
lenta permet d’affirmer que ce Lichen se développe en des endroits 
où existent des roches calcareuses. On a pu voir, en effet, que 
Pallas aussi bien qu’Eversmann parlent des terrains gypseux 
auprès desquels on le trouve. Dans les parties du désert de Syrie et 
de Mésopotamie qu'il a visitées, M. Diener, de Vienne, a également 
vu la surface du sol consister en gros débris de calcaire com- 
pact (5). 


s 


(!) SCHWENDENER, Ueber Bau und Wachsthum des Flechtenthallus. (NATUR- 
FORSCH. GES. ZURICH, 27 Febr. 1860, p. 14.) 

(2) BORNET, /oc. cit., p. 90. 

(5) Communication privée, que je dois à l’obligeance de M. Dollo, du Musée 
d’histoire naturelle de Bruxelles, 


Tome III, 1893. 


102 L. ERRERA. — SUR LE « PAIN DU CIEL » 


Le Lecanora esculenta peut être broyé sous la dent, mais il n’a 
aucun goût. A part les traces d’amidon qui existent dans les cel- 
lules de l’Algue, et les traces douteuses de glycogène des spermo- 
gonies, il est formé surtout de membranes cellulaires épaisses, 
ainsi que d’oxalate de calcium. 


L’analyse de 2 grammes environ de notre Lichen du Diarbékir a conduit 
M. Clautriau aux nombres suivants : 


Le Lichen pulvérisé et séché à l’étuve pendant quatre jours à 110° a perdu : 


abe kes BSA Ake Baten PS os et ey NY SE Ci: 
La matiére See renferme : 

Substances facilement solubles dans l’eau tiède (sucres réduisant 
Fehling, mucilages, etc.) 15.997 °/o 


Lichénine (insoluble dans l'eau tiède), 00... . . .-. "5.000 
Cellulose de Champignons 
Substances précipitées par l’ Paire Goble de He et t de K Pre 


albuminoides, etc., pesées à l’état de combinaison NES 3.70 o 
Oxalate de calcium 


2.50 Yo 


En 

Autres sels de calcium Cho, ATA etc., pesés à l’état 
d’oxalate) PNR RE TE vo ee Be ee 
Cendres insolubles Hans HCI 5 ye NS Med PLAQUE Sy, Ce 


Fr. Gôbel, de Dorpat, avait obtenu, pour des spécimens de Perse, les 
résultats que voici (1) : 


100 parties de Zecanora esculenta (matière sèche) contiennent : 


1.75 Résine molle, jaune verdâtre, de saveur âcre, soluble dans l’éther, 
renfermant de la chlorophylle. 
1.75 Résine molle sans odeur ni saveur, soluble dans l'alcool. 
1.00 Substance amère soluble dans l’alcool et dans l’eau. 
2.50 Inuline (2). 
23.00 Mucilage. 
3.25 Membranes de Lichen. 
65.91 Oxalate de chaux. 


99.16 


(!) G6BEL, Chem. Untersuchungen einer in Persien herabgeregneten Substanz, 
der Parmelia esculenta. (SCHWEIGGER’S JOURNAL F. CHEM. UND PHYSIK, 1830, 
III, 4, p. 390.) 

Cr E.) 


Tome III, 1893. 


PROVENANT DU DIARBEKIR. 193 


On voit que la valeur nutritive de ce Lichen, pour l’homme, 
doit être minime. Malgré cela, il est employé à l’alimentation en 
temps de disette — surtout après avoir été mélangé, il est vrai, 
avec une certaine quantité de farine. De Candolle (*) rapporte, du 
reste, que lors de la disette de 1816 à 1817, on faisait dans les envi- 
rons de Genève du « pain de Lichen », mais il ne précise pas 
Vespece dont on se servait. 


Le Lecanora esculenta, ce « pain du ciel », ne peut manquer de 
faire songer à la légende sacrée. Il a été regardé, en effet, comme la 
manne des Hébreux. 

On sait que d’autres substances sont également désignées sous 
le nom de manne, notamment des exsudats sucrés qui proviennent 
de différents arbres. Celle du frène est d’un usage courant en phar- 
macie ; celle qui porte le nom de manne du Sinaï découle du 
Tamarix mannifera, sous lV influence de la piqûre d’un insecte, le 
Coccus manniparus. 

Pour autant qu’il soit possible de fonder une détermination bota- 
nique sur les textes peu précis de la Bible, il semble que deux 
sortes de manne, le Lichen et l’exsudat, soient confondues dans 
l'Écriture. Avec O’Rorke et Planchon (°), je pense que la descrip- 
tion de l’Exode (ch. XVI) convient bien a l’exsudat du Tamarix, 
tandis que le passage des Nombres (ch. XI) se rapporte plutôt 
a notre Lichen. 


Institut botanique, Universite de Bruxelles, 
1 juillet 1893. 


(?) A. DE CANDOLLE, Zntrod. étude Bot., Bruxelles, 1837, p. 354. 
(2) Voyez GUIBOURT et PLANCHON, Histoire naturelle des drogues simples, 1869, 
f. IF ps 590: 


Tome III. 13 


CE 
ue 


eo ODE 


tn ME 


STRUCTURE: OF THE YEAST-CELL 


BY 


L. ERRERA (1) 


A study of the cells of Saccharomyces Cerevisiæ has led me to the 
following conclusions, part of which merely confirm former 
researches : 1. À relatively large nuclear body exists in each adult 
cell. 2. Young cells contain no such body; a little later the old 
nuclear body divides, and one of its two daughters wanders 
through the narrow connecting-channel into the young cell. 
3. After the division is complete, the two cells are still kept 
together by a mucilaginous neck-shaped pedicel, which appears 
not to have been noticed hitherto. It may persist or not, thus 
explaining the occurrence of cell-chains or of isolated cells in 
different races of Yeast. 4. Carbohydrates are stored up in Yeast 
in the form of glycogen, which accumulates or disappears from 
the vacuoles very rapidly, according to conditions of nutrition 
and growth. The colour given by a known quantity of iodine- 
solution to a known amount of Yeast-culture shows these 
variations most sharply. The change of tint by heat after iodine- 
action, and the destruction of the intracellular glycogen by saliva, 
also give very clear results. 


(:) Cette note a paru dans Annals of Botany, décembre 1898, et dans British 
Association Report, 1898. 


SUR 


LES BACTÉRIES LUMINEUSES 


PAR 


G. CLAUTRIAU (: 


Le phénomène de la phosphorescence se rencontre chez les 
espèces les plus diverses, aussi bien du règne animal que du règne 
végétal. Il n’est l'apanage d'aucun embranchement de ces règnes; 
et cette faculté d'émettre de la lumière est présentée par des verté- 
brés et des invertébrés, de même qu'un certain nombre de Phané- 
rogames et de Cryptogames la possèdent. 

Chez les végétaux inférieurs, les organismes lumineux sont sur- 
tout des Champignons et des Bactéries, et parmi ces dernières on 
en connaît actuellement un certain nombre d'espèces phosphores- 
centes. La première a été découverte par Pflüger, il n’y a guère plus 
de vingt ans; c'était un micrococcus. Depuis, grâce aux recherches 
de Nuesch, Ludwig, Fischer, Forster, Beyerinck, Giard, etc., on 
connaît des formes Bacillus et Bacterium. 

La lumière émise par ces diverses espèces ne présente pas la 
même teinte chez toutes. Elle peut être blanche ou plus ou moins 
jaunatre, verdatre ou bleuâtre. Voici, par exemple, des cultures du 
Photobacterium phosphorescens. Je dois ce microbe a l'obligeance 
de M. le professeur Beyerinck, de Delft, qui a fait une étude très 


(‘) Cette note a paru dans le Bulletin de la Société royale des Sciences médicales 
et naturelles de Bruxelles, 54° année, p. 11, février 1896. 


TOME III, 1806. 


198 G. CLAUTRIAU. — SUR LES BACTERIES LUMINEUSES. 


remarquable sur la nutrition des bactéries photogénes. La lumiére 
émise par ce Photobacterium est sensiblement bleu verdatre. 

La lumiere des divers microbes phosphorescents, examinée au 
spectroscope, montre un spectre continu, plus ou moins étendu 
suivant l’espéce et, surtout, suivant l’intensité de la lumière émise 
par la culture. Cette intensité est très variable et elle est sous 
l'influence immédiate de la nutrition de l'organisme; tel aliment, 
comme la peptone ou la glycérine, provoque une luminosité 
intense, tandis que d'autres, tout en permettant le développement 
normal de la culture, n’occasionnent aucun dégagement de 
lumière. 

Les plaques photographiques sont impressionnées par cette 
lumière des microbes. Voici deux clichés qui ont été obtenus, dans 
l'obscurité, en plaçant devant l'appareil photographique une cul- 
ture bien brillante de ce Photobacterium phosphorescens. Le pre- 
mier cliché a été obtenu après dix-neuf heures d'exposition, tandis 
que pour le second, la pose n’a duré que quatre heures. Sur ce 
second cliché, tous les détails de la culture se retrouvent avec la 
plus grande netteté. Les bords, beaucoup plus lumineux, ont plus 
impressionné les sels d'argent, et si l’on examine à la loupe les 
toutes petites colonies isolées, on constate également une impres- 
sion plus forte à la périphérie. 

De même que la lumière ordinaire, celle de ce microbe a une 
action très nette sur le Phycomyces nilens, mucorinée très sensible 
aux radiations lumineuses et qui se courbe d’une façon excessive- 
ment marquée dans la direction des rayons émis par une culture 
phosphorescente. ' 

Les bactéries lumineuses retirent-elles un avantage quelconque 
de leur phosphorescence? Il est difficile, actuellement, de répondre 
à cette question. De ce que nous ne voyons pas, en ce moment, 
l'utilité de cette fonction photogène des microbes, il n’est pas per- 
mis de conclure qu’elle n’a aucune signification biologique, d'autant 
plus qu'il est établi que beaucoup d'animaux phosphorescents 
tirent un grand profit de leur luminosité, et dans des buts très 
différents. Peut-être la lumière de ces microbes leur offre-t-elle un 
avantage dans la lutte pour l'existence contre les autres microbes. 


Tome III, 1806. 


G. CLAUTRIAU. — SUR LES BACTERIES LUMINEUSES. 199 


M. Errera, qui m'a communiqué cette idée, m'a engagé à faire 
quelques recherches dans le genre de celles faites par Marshall 
Ward, pour mettre en évidence l’action destructive de la lumière 
solaire sur les Bactéries. Mes expériences ne m'ont donné aucun 
résultat ; mais on ne peut les considérer comme concluantes, car 
les appareils que j'ai employés étaient en verre assez épais, et, 
d'après Marshall Ward, pour ce genre de recherches, l'emploi de 
quartz mince poli est indispensable, car le verre retient trop de 
rayons lumineux. 

Il a été dit plus haut que la nutrition a une grande influence sur 
la luminosité, et que suivant le milieu de culture le microbe peut 
être phosphorescent ou bien ne dégager aucune lumière. Par suite, 
la phosphorescence n'est donc pas une fonction physiologique 
étroitement liée à la vie de l'organisme. Chez les Bactéries chromo- 
gènes, un cas analogue se présente. Là aussi on peut, à volonté, 
provoquer ou empêcher la production de la « substance chromo- 
gène », Cette analogie nous permet d'admettre pour le Photobacte- 
rium une sécrétion de « substance photogène ». D'autant plus 
que celles-ci sont nombreuses, et Radzizewski a montré que beau- 
coup de composés chimiques, mis en présence d'un alcali, émet- 
taient de la lumière au contact de l'oxygène de l'air. 

Il existe une Bactérie lumineuse chez laquelle la fonction photo- 
gène marche de pair avec le pouvoir pathogène. C'est la Bactérie 
lumineuse du Talitre, étudiée par Giard. Cette Bactérie, lorsqu'elle 
est phosphorescente, est très toxique pour les talitres et quelques 
autres crustacés. L'animal inoculé devient phosphorescent au bout 
de quelques jours et reste lumineux jusqu'au douzième ou quin- 
zième jour, après lequel survient la mort. Toute inoculation occa- 
sionne infailliblement l'infection et la mort. Mais si l'on cultive la 
Bactérie sur gélatine au bouillon de poisson, elle perd très rapide- 
ment sa luminosité, et à partir de ce moment elle cesse complète- 
ment d'être toxique. L’inoculation au Talitre de doses massives ne 
produit plus aucun trouble, et il faut rendre à la Bactérie son 
pouvoir photogène pour lui restituer, en mème temps, son action 
pathogène. 


TOME III, 1896. 


200 G. CLAUTRIAU. — SUR LES BACTERIES LUMINEUSES. 


EXPLICATION DEA PLANCHE’! 


Clautriau avait obtenu de ses cultures de Bactéries lumineuses, des photo- 
graphies faites a l’aide de la lumiére propre des Bactéries. La pose avait été 
de vingt heures. 

Nous donnons ici deux épreuves du cliché de Clautriau, l’une imprimée 


fortement, l’autre imprimée d’une façon plus légère, chacune montrant certains 
détails particuliers. J. M: 


Recueil de l'Institut botanique de Bruxelles. T. III. G. CLAUTRIAU, Pl. 1. 


CLAUTRIAVIA 


UN NOUVEAU GENRE DE FLAGELLATES 


PAR 


JEAN MASSART (|: 


Pendant le séjour que le laboratoire ambulant de biologie de 
l'Université fit à Coxyde, en juillet et août derniers, M. Errera 
rapporta un jour de Nieuport des Algues prises dans un petit ruis- 


seau. Parmi elles vivait un curieux Flagellate 


nouveau, dont voici la description : 

Le corps est long de 18 à 20 y, large de 12 à 
13 2, épais de 6 à 7 yp. Il est entouré d'une 
membrane rigide, à double contour apparent. 
La bouche (b) est antérieure et ventrale; elle 
se continue en arrière par un pli longitudinal 
médian. Le fouet unique part du fond de la 
bouche et se dirige en arrière. Le noyau (n) 
est à gauche, près du bord postérieur. 

L'organisme se nourrit principalement de 
Flagellates verts et de zoospores d’Algues, 
dont il suce le contenu; l’ ingestion d’une seule 
cellule d’Algue donne plusieurs vacuoles ali- 
mentaires (v. a.). En outre, il y a dans les 
cellules de nombreux grains réfringents, inco- 
lores, qui sont probablement du paramylon. 


Clautriavia mobilis, 
vu par la face ven- 
trale. — 4, bouche; — 
nm, noyau; — v. 4, Va- 
cuoles alimentaires ; 
— 1470/1. 


(*) Cette note a paru dans le Bulletin de la Société royale des Sciences médicales 
et naturelles de Bruxelles, 58° année, p. 133, novembre 1900. 


Tome III, 1900. 


202 J. MASSART. — CLAUTRIAVIA, NOUVEAU GENRE DE FLAGELLATES. 


Ce Flagellate ne nage pas librement dans le liquide : il s'appuie 
avec son fouet contre un objet résistant et se pousse en avant par 
des mouvements saccadés qui le jettent alternativement a droite et 
a gauche. Le fouet unique semble donc représenter, fonctionnelle- . 
ment et morphologiquement, le fouet trainant (pulsellum) des 
Anisonémés. 

Quand un individu est suffisamment repu, il s'arrête pour se 
diviser pendant la digestion; ces individus fixés ne sont jamais 
encystés. La division est longitudinale; la bouche primitive s’efface 
et les nouvelles bouches se forment sur les faces opposées (conti- 
gués) des deux jeunes individus. 

Je crois pouvoir considérer cet organisme comme un Flagellate 
Anisonémé qui a perdu le fouet antérieur. Je lui donne le nom de 
Clautriavia pour rappeler le souvenir de notre regretté confrère 
Georges Clautriau, qui faisait partie du laboratoire ambulant lors- 
qu'en 1897 il fut une première fois installé à Coxyde. 


LA GERMINATION 


DE 


QUELQUES ÉCIDIOSPORES 


PAR 


P. NYPELS (’) 


Les écidiospores des Urédinées, placées en atmosphère humide, 
germent d'ordinaire de suite; elles ne paraissent pas conserver très 
longtemps leur vitalité. En général, les écidiospores conservées à 
sec ne germent plus dans l'eau pure après une huitaine de jours. 

J. Eriksson (?) a montré l’action favorable des basses tempéra- 
tures sur la germination des. spores d’Urédinées (*); on sait que 
certaines substances favorisent ou activent également leur germi- 
nation. Ce n'est nullement là un phénomène spécial a ces Cham- 
pignons et l'on observe des phénomènes analogues pour les plantes 
et les graines. 

Dans la plupart des cas, les écidiospores germent en émettant un 
tube mycélien plus ou moins long, généralement simple, se rami- 
fiant quelquefois. . 

Toutefois les Urédinées du genre Endophyllum produisent des 
écidies dont les spores germent d’une façon tout à fait différente, a 
la façon des téleutospores. 


() Cette note a paru dans les Mémoires de la Société belge de Microscopie, 
t. XXII, 1898. 

(?) Centralblatt fiir Bakteriologie und Parasitenkunde, 2 Abt., B. I, p. 557. 

(3) Observé également par Fischer; voir : Bulletin Herbier Boissier, vol. IV, 


p. 897. 


Tome IIT, 1808. 


204 P, NYPELS, == LA GERMINATION 


—————— 


Enfin, comme nous le verrons plus loin, un Aecidium typique, 
pour lequel on ne connaît pas de formes Uredo et Teleuto, peut 
présenter dans la germination de ses spores des particularités 
intéressantes, 


EnpoPpuyLLum Sempervivt DE Bary, — Cette espèce a existé pen- 
dant quelques années au Jardin botanique de Bruxelles. Elle 
reparaissait régulièrement tous les ans, au printemps, sur divers 
Sempervivum. 

Des cultures très nombreuses de spores ont été faites et m'ont 
fourni des aspects assez variés. 

Dans beaucoup de cas, on observe la germination typique et bien 
connue : promycélium dans lequel se séparent quatre cellules qui 
produisent chacune latéralement une sporidie, Mais on aurait tort 
d'affirmer qu'il en est toujours ainsi. Le nombre des cloisons est 
variable ; les sporidies ne se forment pas toujours et peuvent être 
remplacées par des filaments plus ou moins ramifiés, etc. Des sou- 
dures peuvent se produire entre promycéliums voisins. 

On observe aussi quelquefois des spores germant à la façon d'une 
écidiospore typique et produisant un long filament simple et non 
cloisonné, comme le font parfois aussi les téleutospores de divers 
Puccinia, Si ce cas se présentait plus fréquemment, on devrait 
peut-être admettre l'existence dans les écidies de deux espèces de 
spores, les unes germant et fonctionnant comme des écidiospores, 
les autres germant à la façon des téleutospores. Mais le fait se pro- 
duit assez rarement et doit être considéré plutôt comme un cas 
anormal, relevant de la tératologie ou de l'atavisme (les cas d'ata- 
visme ne sont le plus souvent que des cas tératologiques arbitraire- 
ment choisis), 

Dans mes cultures, les spores qui ont germé de cette façon se 
trouvaient à la surface comme les autres, et ce n'est pas parce 
qu'elles se trouvaient dans la profondeur d'un liquide qu'elles ont 
germe ditiéremment. 

EnpopuyLLum Sept Liv, — Le genre Endophylium a été créé en 
1825 par Lèveillé, qui y a placé deux espèces : l'Endophyllum Per- 


Tome III, 1898. 


DE QUELQUES ECIDIOSPORES. 205 


soonti (Uredo Sempervivi Alb. et Schwein.), qui est devenu plus tard 
Endophyllum Sempervivi De Bary, et l'Endophyllum Sedi (Uredo 
Sedi DC. p. p.). Ce dernier est indiqué par De Toni (*) comme un 
Endophyllum douteux. 

La troisième espéce actuellement connue est l'Endophyllum 
Euphorbiae-Silvaticae Winter. 
Au printemps dernier, nous avons trouvé en abondance sur les 


rochers de Samson des Sedum reflexum envahis par une Urédinée. 


Les pieds attaqués portaient des écidies et des spermogonies; ces 
dernières ont une odeur assez forte, rappelant celle des spermogo- 
nies de Puccinia suaveolens. L'écidie et les écidiospores répondent 
assez bien a la description de l'Endophyllum Sedi, mais l'espéce 


_ n'est certainement pas un Endophyllum. Les spores mises en 


culture germent comme de véritables écidiospores et ne produisent 
jamais ni promycélium ni sporidies, 

Si donc il existe réellement un Endophyllum Sedi, l'espèce 
trouvée À Samson serait une espèce nouvelle; mais il paraît plus 
vraisemblable que l'attribution au genre Endophyllum est erronée 
et que le parasite de Léveillé doit s'appeler en réalité Aecidium Sedi. 

L'Aecidium erectum du Puccinia australis Korn. diffère par la 
grandeur des spores et la forme des péridies, d’aprés la description 
donnée par Dietel. 

Quelques-unes des plantes recucillies 4 Samson portaient, en 
méme temps que l'Aecidium, le Cordalia persicina Gobi (Tuber- 
culina persicina Sacc.), un parasite habituel de beaucoup d'Uré- 
dinées. 


AECIDIUM LEUCOSPERMUM DC. — Cette espèce, parasite sur l’Ane- 
mone nemorosa, est bien distincte (*) du Puccinia fusca qui se déve- 
loppe sur la même plante et avec lequel on l'a souvent confondue. 

Elle est assez abondante tous les ans au Bois de la Cambre, près 
de Bruxelles, et j'ai cultivé plusieurs années ses spores. 


(*) Saccardo Sylloge Fung., vol. VII, p. 767. 
(2) Barclay, Magnus, Plowright, Rostrup, Soppitt. 


TOME III, 1808. 


206 P. NYPELS. — LA GERMINATION 


Les spores germent le plus souvent en produisant un filament 
plus ou moins long, d’ordinaire simple, parfois un peu ramifié. 
Mais chez quelques-unes d’entre elles il se forme a l'extrémité de 
ce filament une production spéciale, qui constitue une espece de 
spore secondaire (*). La formation de ces corps a été observée par 
Soppitt (*), qui les mentionne brièvement, mais n’a pas observé leur 
maturation complète. 

Dans mes cultures, les spores secondaires qui se sont formées 
atteignaient à peu près les mêmes dimensions que les écidiospores 
elles-mêmes. Elles avaient donc des dimensions plus considérables 
que les ampoules terminales observées par Soppitt. 

Tantôt le filament germinatif sorti de l’écidiospore reste très 
court et se termine presque immédiatement en une spore secon- 
daire, tantôt au contraire le filament s’allonge plus ou moins avant 
de produire l’ampoule terminale (fig. 1). Tout le contenu du fila- 
ment vient bientôt saccumuler dans cette ampoule qui se sépare 
du reste du filament par une cloison (fig. 2). 

La spore ainsi formée s’arrondit et diminue un peu de volume; 
ensuite sa membrane s’epaissit et atteint en deux ou trois jours a 
peu près l'épaisseur de la membrane des écidiospores (fig. 3). Aucun 
changement ultérieur ne se produit, et la spore parait passer a 
l'état de repos; le filament qui la rattachait a la spore primitive se 
flétrit. Je n'ai jamais pu obtenir la germination de ces corps, et ne 
puis dire quel est leur sort ultérieur. 

Quand on met a germer un grand nombre d’écidiospores, quel- 
ques-unes seulement, en proportion trés variable, produisent de 
ces spores secondaires, et J'ai essayé vainement de déterminer 
quelles étaient les conditions qui amenaient cette production. 

D'après le résultat de mes expériences, la lumière n'a aucune 
influence : les cultures mises à l’obscurité complète ou partielle, 
comme celles placées à la lumière diffuse, ont donné de ces spores 


(r) On sait que les sporidies de nombreuses Urédinées peuvent produire des 
sporidies secondaires; par analogie, j'appelle ici spores secondaires, les organes 
comparables formés dans la germination de spores. 

(2) Fournal of Botany, vol. XXXI, 1893, p. 273. 


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Tome III, 1898. 


DE QUELQUES ECIDIOSPORES. 207 


en nombre variable, mais sans aucune prédominance marquée 
dans l’un des cas. 

L’age des écidiospores ou leur position dans l’écidie ne parais- 
sent pas non plus avoir d'influence ; cependant, en ce qui concerne 
ces derniers facteurs, il était plus difficile d’opérer avec certitude; 
le résultat ne peut étre considéré comme rigoureusement certain. 


Les spores secondaires se forment habituellement sur les bords 
des gouttelettes d'eau, et l’on aurait pu se demander si elles ne se 
produisaient pas au contact de la lamelle en verre. Il ne semble pas 
en être ainsi, car beaucoup de filaments rampant le long du verre 
ne produisaient aucune spore, et d’autre part certaines spores se 
sont produites à distance de la lame. 

La figure 4 représente un cas anormal, observé une seule fois : 
le contenu entier d’une écidiospore est sorti de la membrane et a 
formé une masse arrondie à côté de celle-ci; je n'ai pas observé 
dans ce cas l'épaississement de la membrane et ne puis dire si la 
sphère ainsi formée était une vraie spore secondaire. 

Il n’est pas très rare, dans les cultures d'urédospores et d'écidio- 
spores, d'observer sur le parcours des filaments germinatifs des par- 
ties épaissies, des ampoules plus ou moins prononcées. Mais ces 
renflements accidentels ne se séparent jamais par des cloisons et le 
contenu du filament ne s’y accumule pas à demeure; ils ne sont 
donc en aucune façon comparables aux spores si nettement diffé- 


TOME III, 1898. 


208 P. NYPELS. — LA GERMINATION 


renciées que peut former l'Aecidium leucospermum. Cette espèce 
paraît être jusqu'ici la seule que l'on ait vu produire des spores de 
ce genre. 

Mentionnons cependant une observation de Büsgen (‘), qui a vu 
se former, dans la germination d’urédospores d'Uromyces Poae, 
« Anschwellungen die eine sehr dicke Membran besitzen und den 
Eindruck machen von Dauerzellen ». Je n'ai pas cultivé cette espèce. 

Dans un tout autre domaine, le phénomène qui se produit dans 
la germination des grains de pollen de charme rappelle beaucoup, 
par l’apparence extérieure, celui qui s’observe pour les écidiospores 
d’Aecidium leucospermum. On sait, par les observations de M! Ben- 
son (’), que chez le Carpinus betulus tout le contenu du tube polli- 
nique vient s’accumuler à l'extrémité de celui-ci dans une ampoule 
terminale et que, dans la plante, le tube reste ainsi longtemps à 
l'état de repos avant de continuer sa marche vers l'oosphère. 

Dans un certain nombre de cultures d’écidiospores d’Aecidium 
leucospermum, j'ai encore observé sur les filaments une autre appa- 
rence assez singulière. Les filaments se trouvant dans l'air humide 
semblaient à première vue se terminer en un chapelet continu de 
cellules. 

La désarticulation du promycélium en cellules qui s’isolent et 
peuvent germer a été fréquemment observée chez les Gymnospo- 
rangium (°). Le mème phénomène peut se produire aussi chez 
divers Leptopuccinia, notamment le Puccinia heterogenea Lager- 
heim (*). Carleton (°) a observé également une formation analogue 
de cellules en chapelet dans trois espèces de Puccinia. 

Il eût donc été très intéressant de retrouver une formation ana- 
logue chez notre Aecidium. Seulement un examen un peu attentif 
suffisait pour montrer qu'il n'y avait la qu'une apparence trom- 


(*) Botan. Zeitung, 1893, 1. Abt., p. 66. 

(2) Zrans. Linnean Soc. London, Botany, vol. III, 24 ser., part 10, 1894. 
Voir figures 57 et 58 de la planche 72. 

(3) Cramer, Kienitz-Gerloff, Richards, Thaxter. 

(+) Fournal of Mycology, vol. VII, p. 46 avec planche. 

(5) Botanical Gazette, December 1893, p. 455, planche 39. 


Tome III, 1898. 


DE QUELQUES ECIDIOSPORES. 209 


peuse due a des anneaux de liquide entourant le filament. La 
figure 5 est une coupe optique d’un de ces filaments. Ce phénoméne 
ne sest produit que dans quelques séries de cultures faites en 
avril 1894. Les anneaux réguliers de liquide qui entouraient le 
filament paraissaient exsudés par lui et disparaissaient immédia- 
tement dans l'eau et dans l'alcool. Il y a la une cause possible 
d'erreur, sur laquelle il est peut-être bon d'appeler l'attention. 

Toutes mes cultures ont été faites par la méthode ordinaire, dans 
des gouttelettes d'eau pure en cellule humide. Un carton perforé 
imbibé d’eau est posé sur une lame de verre et sur l'ouverture on 
dépose la lamelle retournée portant la goutte d'eau ensemencée. 
La culture se trouve ainsi dans une atmosphère humide et les 
échanges gazeux peuvent se faire jusqu’à un certain point à travers 
le carton humecté. 

Malgré cela, j'ai observé avec étonnement que certaines écidio- 
spores d’Aecidium leucospermum refusaient obstinément de germer 
dans une atmosphère aussi confinée, et qu’il suffisait d’écarter un 
peu la lamelle afin de permettre l’accès de l'air extérieur pour que 
la germination se produisit. Ce fait, rernarqué par hasard dans 
une série de cultures, a été vérifié par moi à plusieurs reprises. 

Non pas qu'aucune spore de cette espèce ne puisse jamais germer 
en cellule humide fermée : j'ai fréquemment obtenu d'excellentes 
germinations dans ces conditions. Mais certaines spores, à vitalité 
probablement atténuée, ne germent pas en cellule fermée et ger- 
ment au contraire en cellule ouverte. Ce fait semble montrer chez 
ces spores un besoin tout particulier d'oxygène (?), et il m'a paru 
intéressant à signaler. Il explique peut-être l’action nettement 
favorable, observée par Carleton (*), du peroxyde d'hydrogène. Une 
atmosphère plus riche en oxygène que l'atmosphère normale serait 
peut-être également avantageuse. 


Janvier 1898. 
(1) Botanical Gazette, 1893, p. 447. 


Tome III. | 14 


NOTES 


SUR LES 


NVMÉeOMYCETES 


PAR 


NORBERT ENSCH (‘) 


Invité par M. le professeur Errera a étudier la répartition du 
glycogène chez les Myxomycètes, nous avons éprouvé dès le début 
une grande difficulté : celle du maniement de ces organismes. Il 
nous arrivait souvent dans nos herborisations de récolter des plas- 
modes que nous nous réjouissions d’avance d'étudier au labora- 
toire; quelques heures après, nous les trouvions évolués, trans- 
formés en sporanges. Nous venions de lire le grand ouvrage de 
Klebs sur le déterminisme de la sexualité chez les Algues et les 
Champignons inférieurs, et nous avions été vivement frappé par 
la grande influence que le milieu extérieur exerce sur le cycle 
évolutif des organismes. Peut-être y avait-il moyen d’influencer 
celui des Myxomycètes. Des notes qui vont suivre, quelques-unes 
se rapportent à l'étude du développement de ces êtres, les autres à 
la désorganisation du sporange et à la recherche microchimique 
du glycogène. Enfin, nous ajoutons aux observations que nous 
avons eu l'occasion de faire la liste des Myxomycètes que nous 
avons récoltés, et dont M. Lister, le savant spécialiste anglais, a 
bien voulu vérifier la détermination. 


(1) Cette note a paru dans les Miscellanées biologiques dédiées au Prof” Alfred 
‘Gtard à l’occasion du XXV° anniversaire de la fondation de la Station zoologique de 
Wimereux. Paris, 1899, p. 212. 


Tome III, 1899. 


212 NORBERT ENSCH. — NOTES 


I. — SUR L’APPARITION DU PLASMODE DE CHONDRIODERMA 
DIFFORME. 


Une chose bien remarquable et admirablement mise en lumière 
par Stahl [13] (*) dans ses recherches sur la biologie des Myxo- 
mycètes, ce sont les modifications de l'irritabilité qui se produisent 
au cours de l’existence de ces organismes et qui jouent certaine- 
ment un grand rôle dans les changements d'état. Pendant des 
semaines entières, des amibes peuvent grouiller dans les liquides 
nutritifs, y être soumises a des contacts incessants avec d’autres 
amibes, et pourtant elles ne se fusionnent pas. Puis, à un moment 
donné, sans que l’on sache pourquoi, elles s’attirent, confondent 
leurs cytoplasmes et leurs noyaux en une seule masse, et le plas- 
mode se trouve constitué. De même dans des cultures en gélatine 
que nous avons entreprises, les amibes demeuraient parfois pen- 
dant toute une journée en contact continu. Loin de se fusionner, 
elles s’enkystaient. Nous n'avons pas réussi à préciser les conditions 
dans lesquelles les plasmodes se forment; nous voulons simplement 
attirer l'attention sur une expérience tres simple avec Chondrio- 
derma difforme. Cette espèce est l’une des rares que l’on puisse 
cultiver jusqu'ici. Strasburger [15] en a précisé les conditions de 
culture dans son traité de technique microscopique. 


EXPERIENCE. — Dans un récipient contenant une décoction de 
tiges de Faba,nous suspendons des fragments de tige ou des gousses 
du même végétal, de telle façon qu’en aucun point elles ne vien- 
nent en contact avec la paroi. Nous ensemençons ce milieu avec 
des spores de Chondrioderma. Le développement se fait, mais — et 
c'est là le fait intéressant — les plasmodes se forment uniquement 
sur les tiges de Faba et non sur les parois du récipient. 


(*) Les chiffres entre crochets renvoient à l’index bibliographique, p. 220. 


TomE III, 1899. 


SUR LES MYXOMYCETES. 213 


Il semble légitime de conclure de cette expérience que la tige de 
Faba laisse diffuser dans le liquide de culture une substance chi- 
mique exerçant sur les amibes une influence chimiotaxique. Toutes 
les amibes sont attirées vers la tige de la Fève, et l'on comprend 
que les plasmodes ne puissent se former que la. Stange [14], d’ail- 
leurs, dans un travail fait au laboratoire de Pfeffer, avait déja 
montré qu’on pouvait attirer les myxamibes de Chondrioderma 
dans des tubes capillaires contenant de l'extrait de Faba. 


Il. — LA CULTURE DES AMIBES DE CHONDRIODERMA 
DIFFORME. 


Nous avions observé que si l’on ensemence des spores de Chon- 
drioderma difforme dans des tubes qui ne contenaient qu'une 
décoction de Faba, le développement des plasmodes ne se faisait 
point, mais que les amibes y abondaient. 

Nous sommes parti de là pour maintenir les amibes en culture. 
Voici comment nous procédons. Nous répartissons dans une série 
de tubes une décoction de Faba. Nous stérilisons ces tubes à l’auto- 
clave; ensuite, en nous entourant de toutes les précautions de 
l’asepsie, nous ensemençons le liquide avec des spores de Chondrio- 
derma. De huit en huit jours, nous prélevons une goutte du liquide 
ou le développement avait déja eu lieu, pour en ensemencer un 
nouveau tube. Les amibes se propageaient de tube en tube, et nous 
avons pu ainsi a deux reprises continuer la culture pendant cing a 
six mois. 

Nous avons réussi ainsi la culture d’amibes végétales. 

D'autres auteurs ont réalisé la culture d’amibes n’appartenant 
pas à un cycle. Ainsi Celli [2, 3] rapporte qu'en employant divers 
milieux solides (agar-agar, gélatine, Fucus crispus), il est arrivé à 
cultiver toute une série d’amibes(A. gut/ula, undulans, coli, spinosa, 
diaphana, etc.). 

Schardinger [12] est parvenu, a force de soins, à obtenir des cul- 
tures pures de certaines Monadines. 

Beyerinck [1] a réussi à isoler et à cultiver deux espèces d’amibes 


TOME III, 1800. 


214 NORBERT ENSCH. — NOTES 


très curieuses. L’une, Amœæba nitrophila, pousse sur de l’agar-agar 
à laquelle il ajoute des composés ammoniacaux. Elle présente un 
mode de sporulation analogue à celui des Mycétozoaires supérieurs, 
dont elle diffère pourtant par l'absence du stade zoospore et du 
stade plasmode. 

L'autre, Amæba zymophila, est intéressante par sa coexistence 
avec une Levure, Saccharomyces apiculatus, et les bactéries de la 
fermentation acétique dont il a été impossible de la séparer. 

Gorini [7] est venu confirmer les faits avancés par le bactériolo- 
giste hollandais, et a montré que les amibes pouvaient aussi être 
cultivées sur Pomme de terre. : 

Ni Celli, ni Gorini, ni Beyerinck n'ont obtenu de cultures pures. 
Les nôtres ne l'étaient pas davantage. Elles étaient infectées de 
bactéries, de flagellates. Bien que nos amibes eussent tous les 
attributs extérieurs des amibes de Myxomycete (elles en avaient la 
grandeur, l'aspect, la structure, le mode de progression), nous 
n'avons pas pensé que nous étions d'emblée autorisé a en affirmer 
l'identité à travers une longue série de cultures. Il aurait parfaite- 
ment pu arriver que pendant ce temps d'autres amibes soient 
venues contaminer le liquide. Dans l'état actuel de la science, il est 
tout aussi difficile de rapporter, par la simple inspection, une 
amibe au cycle biologique auquel elle appartient, que de déterminer 
l'espèce d'un mycélium de Champignon. Pour établir notre con- 
viction, il était nécessaire d'assister à l’évolution de ces amibes, 
de voir si elles étaient capables de se fusionner en plasmodes, puis 
d'évoluer en sporanges. Nous avons recueilli cette preuve en intro- 
duisant de temps en temps dans nos tubes des tiges de Faba 
soigneusement stérilisées. Dans ces conditions, il s'est formé des 
sporanges comme dans les conditions ordinaires de la culture de 
Chondrioderma. 

Nous concluons de cette expérience que les amibes de Chondrio- 
derma peuvent mener une vie indépendante pendant très long- 
temps, peut-être indéfiniment. Elles se rapprochent en cela du 
mycélium des Champignons, du prothalle des Fougères et du 
protonéma des Mousses (Klebs). 


2 sis 


_ Tome III, 1800. 


SUR LES MYXOMYCÈTES. 215 


Ill. — GERMINATION DE CHONDRIODERMA DIFFORME 
EN GELATINE. 


EXPERIENCE. — Sur une lamelle stérilisée par la chaleur, nous 
déposons une goutte d’une solution à 10 °/, de gélatine dans de 
l'extrait de Faba. Nous ensemengons le plus aseptiquement possible 
avec des spores de Chondrioderma difforme. Nous renversons la 
lamelle sur une chambre humide en carton et nous observons. 

Voici ce qui se passe : Au bout d'un jour, les spores éclatent, mais 
les zoospores naissent sans flagel. Elles progressent avec une len- 
teur extrême et par mouvements amiboïdes, Elles se divisent 
même parfois très activement. Mais au bout de vingt-quatre à 
trente-six heures, elles s’arrondissent, prennent l'aspect de micro- 
cystes dans lesquels on peut voir, pendant plusieurs jours encore, 
les pulsations des vacuoles et les migrations du noyau. 

La germination des spores de Myxomycète est d'ailleurs suscep- 
tible de certaines variations. Ainsi, tandis que chez le Chondrio- 
derma la zoospore bat le liquide avec son fouet dès que la spore a 
éclaté, plusieurs espèces de Physarum, de Trichia n'acquièrent le 
fouet qu'après un stade de repos intermédiaire. 

Il est vraisemblable que pour progresser dans l'intérieur de la 
gélatine, les amibes doivent la liquéfier graduellement en sécrétant 
une zymase. Beyerinck [1], d'ailleurs, a observé que son Amceba 
zymophila avait le pouvoir de liquéfier la gélatine. 


IV. — LA DUREE DU STADE PLASMODE. 


Le stade plasmode est très fugitif. Peut-on prolonger à volonté 
ce stade? En théorie, on peut concevoir l'éternité du plasmode 
puisque, dans les conditions mauvaises de vie, il peut résister par 
sa forme sclérote. Mais pour maintenir le stade actif, il faudrait 
empêcher d'une part que la mort n'intervienne, et d’autre part 
entraver son évolution vers la forme sclérote ou la forme sporange. 


Tome III, 1899. 


216 NORBERT ENSCH. — NOTES 


EXPERIENCE. — Nous récoltons un grand plasmode d'Aefhalium 
septicum. Nous le divisons en deux parties. Nous permettons à l’un 
des plasmodes d’évoluer dans les conditions naturelles sur le sup- 
port sur lequel nous l'avons trouvé. L'autre est placé sur une lame 
de verre que nous renversons sur une infusion de tan. Le plasmode, 
grace a son exquise sensibilité au contact, s'applique intimement 
sur le verre. Il rampe entre celui-ci et la surface du liquide; de cette 
façon, il reste en vie pendant cinq semaines. L’autre avait évolué 
le troisième jour vers le stade sporange. 

Le même procédé nous a servi pour maintenir en vie un plas- 
mode de Badhamia utricularis. Il est donc possible de prolonger 
pendant un certain temps la vie active du stade plasmode. 
Lister [10], d’ailleurs, a pu observer un plasmode de Badhamia 
utricularis pendant un an, mais sans préciser les conditions dans 
lesquelles on peut le faire a volonte. 

Quelques mots encore à propos de l'expérience précédente. 
Comment se fait-il que le plasmode reste entre le verre et la surface 
de l’eau? On sait depuis Stahl que le plasmode, pour fructifier, 
change de sensibilité et devient négativement hydrotaxique. 

Que n'est-il sorti du liquide pour fructifier sur la face supérieure 
de la lame de verre qui était bien sèche? Il ne l'a pas fait, et il est 
vraisemblable que c’est à cause de la transition brusque entre un 
support sec et un support humide. 

Notons encore que le plasmode n’a jamais rampé a la surface du 
liquide, ainsi que le font les autres amibes qui y sont très sensibles. 
ll y aurait donc là encore un changement d'irritabilité pendant le 
passage du stade amibe au stade plasmode. 


V. — SPORANGES ET SCLEROTES. 


Klebs [8] a montré pour certains Champignons inférieurs (Mucor 
racemosus, Eurotium repens) qu'une condition indispensable à la 
formation des amibes était que le mycélium soit entouré d’une 
couche d’air. Dans l’eau, leur formation est impossible. 11 en est de 
même, quoique d’une façon moins absolue, pour les fructifications 
des Myxomycètes. Devenus négativement hydrotaxiques, les plas- 


Tome III, 1899. 


SUR LES MYXOMYCETES. 217 
Se TT RE pL dette) 


modes s’éloignent des endroits où règne une trop grande humidité, 
se débarrassent peu à peu du liquide qu'ils ont entraîné, et, arrivés 
sur un support relativement sec, ils commencent à fructifier. Dans 
les souches, on les voit quitter l’espace très humide qui se trouve 
entre le bois et l'écorce, pour venir étaler leurs sporanges à l’exté- 
rieur, Cependant on rencontre parfois des sclérotes (de Bary [5], 
Cienkowski [4]) et même des sporanges (Stahl [13]) à l'intérieur du 
liquide de culture. Nous avons fait des observations identiques 
pour Chondrioderma difforme. Mais ce sont des productions atro- 
phiées. La vie dans un milieu liquide empéche généralement la 
formation des stades de repos. 

Quand un plasmode a vécu pendant un certain temps dans un 
liquide, il cesse de s'appliquer intimement sur le support, ne 
s'étale plus en herborisations élégantes, il pousse des hernies proto- 
plasmiques assez épaisses; en un mot, il prend l'aspect que 
Stahl [13] désigne sous le nom d'aspect coralloïde. 11 semble que 
tout soit prêt pour une fragmentation. En effet, quand on retire 
alors le plasmode du liquide, les sclérotes se forment rapidement. 

C’est vraisemblablement à une déshydratation rapide qu'il faut 
attribuer le curieux phénomène signalé par Pfefler [11] et étudié 
par Demoor [6] dans sa thèse de doctorat spécial. Quand on dépose 
sur un plasmode de la gélatine à 1 °/,, les mouvements du proto- 
plasma s'arrêtent, le polioplasme s'’accumule en différents niveaux 
en masses puissantes qui se cloisonnent au moyen de véritables 
lames d’hyaloplasme. Si, au lieu d’une solution de gélatine à 1 °/., 
on emploie une solution a 10 °;, il s'opère une véritable fragmen- 
tation du plasmode au moment de la prise de la gélatine. En 
liquéfiant celle-ci, les « cellules » isolées se fusionnent à nouveau 
dans le plasmode primitif. 


DÉSORGANISATION DU PLASMODE DEVENU NÉGATIVEMENT 
HYDROTAXIQUE. 


Un plasmode est devenu négativement hydrotaxique. Qu’arrive- 
t-il si on le place dans l'eau? 


EXPÉRIENCE, — a) Dans une de nos cultures, nous avons observé 


TOME III. 1899. 


218 NORBERT ENSCH. — NOTES 


que Chondrioderma s'apprètait à fructifier. Nous élevons le niveau 
du liquide pour l’einpécher d’en sortir. Le lendemain, en observant 
la culture, nous trouvons les plasmodes ramassés sur eux-mêmes, 
présentant un aspect coralloïde et flottant pour la piupart dans le 
liquide. L'examen microscopique nous révèle que les masses plas- 
modiales s'étaient décomposées en petites sphères de volume et de 
contenu variables. Les unes étaient composées d'un cytoplasme 
tres dense, très granuleux; les autres étaient hyalines, d’autres 
semi-hyalines, semi-granuleuses. 

b) Nous avons suivi à diverses reprises cette fragmentation sous 
le microscope chez plusieurs espèces de Myxomycètes (Comatricha 
oblusata, Arcyria cinerea, Stemonitis fusca, Trichia varia). Au 
moment ou le plasmode cessait de se mouvoir et se ramassait sur 
lui-même pour s’élever ensuite en colonne, nous le plongions dans 
une goutte d’eau. Voici ce que montrait l'observation. 

A peine Vorganisme se trouvait-il dans l’eau, que son contour 
devenait irrégulier. Au fur et a mesure que ce séjour se prolonge, 
la déformation s’accuse de plus en plus. Peu a peu, de grosses 
masses protoplasmiques se séparent, se meuvent dans le liquide 
par mouvements amiboides tres actifs; puis, de ces masses encore 
considérables partent d’autres masses de plus en plus petites, qui 
finissent par s’arrondir. Les unes sont hyalines, les autres granu- 
leuses. Le tout finit par se désorganiser. 

Si le plasmode se trouve tres pres de la maturité, on observe 
parfois encore une fragmentation du sporange en trois ou quatre 
masses plus petites dans lesquelles se poursuit la formation des 
spores (Arcyria). 

Klemm [9], dans son travail sur la mort des cellules, s'exprime 
comme suit : « Si nous envisageons les phénomènes de désorgani- 
sation au point de vue des propriétés dynamiques de la cellule, 
nous devons relever les points suivants : 

» De grandes modifications ne sont possibles qu’aussi longtemps 
que la motilité persiste. Quand de grands changements de forme 
se produisent, c'est que la motilité est conservée. Celle-ci ne s'éteint 
souvent que dans les derniers stades de la désorganisation. Il arrive 
aussi qu’il se produit une augmentation d'intensité du mouvement » 


Tome III, 1890. 


SUR LES MYXOMYCETES. 219 


(Klemm, p. 694). Il nous a semblé que ces observations sur la 
désorganisation cellulaire s’appliquaient fort bien au phénomène 
spécial que nous avons étudié, car les mouvements amiboïdes des 
masses protoplasmiques qui se détachaient du plasmode étaient 
extraordinairement actifs. Quant à la cause du phénomène, elle se 
trouve vraisemblablement dans les troubles apportés dans les 
échanges osmotiques (’). 


HERBORISATIONS. 


Nos récoltes ont été faites surtout dans la forét de Soignes et 
dans les bois des environs d’Arlon. M. Lister, qui a revu et corrigé 
nos déterminations, ne considére comme rares, parmi les especes 
recueillies, que le Physarum citrinum et le Physarum viride. Nous 
avons été frappé par la grande abondance du genre Trichia pen- 
dant les mois d'automne. Nous nous demandons si la formation 
des sporanges, quand la lumière est très forte, ne se fait pas entre 
le bois et l’écorce. Ainsi, nous avons un jour trouvé une multitude 
de sporanges de Trichia varia et de Badhamia entre le bois et 
l'écorce de grosses souches situées en plein soleil sur la grand’ 
route. 

Nous avons cru utile d’emporter au laboratoire les fragments de 
souche qui avaient déjà porté des Myxomycétes. En les plaçant 
dans des cristallisoirs humides, nous avons pu observer fréquem- 
ment de nouvelles poussées de sporanges. 


(:) La partie de cette note qui est relative au glycogène chez les Myxomycètes 
a déjà paru dans le Recueil de l’Institut botanique (voir t. I, p. 297). 


TOME III, 1899. 


220 NORBERT ENSCH. — NOTES 
Liste des Myxomycètes recueillis. 
1. Badhamia punicea Bonnert près d’Arlon. 
2. Badhamia utricularis Birenhof près d’Arlon et forêt de Soignes. 
3. Physarum nutans . . . Environs d’Arlon et forêt de Soignes. 
4. Physarum viride var. aurantium . Groenendael. 
5. Physarum citrinum . Clairefontaine (Arlon). 
6. Physarum cinereum. Boitsfort. 
7. Chondrioderma difforme Forêt de Soignes. 
8. Chondrioderma (Michelii?) Jardin botanique. 
9. Æthalium septicum . Forêt de Soignes. Environs d’Arlon. 
10. Comatrichia obtusata Id. 
11. Stemonitis fusca . Oe Id. 


. Stemonitis ferruginea 

. Enerthenema elegans 

. Perichena populina . 

. Lepidoderma tigrinum . 

. Reticularia Lycoperdon . 

. Arcyria punicea . 

. Arcyria albida AN! he 
. Arcyria albida var. pomiformis 
. Arcyria incarnata bes 
. Arcyria flava . 

. Trichia varia NE 

. Trichia fallax . : 

. Trichia affinis 

. Trichia persimilis 

. Oligonema nitens. 

. Lycogala miniatum . 


Groenendael. 

Samson (Namur). 
Clairefontaine (Arlon). 
Bonnert (Arlon). 


Samson. 
Environs d’Arlon et forêt de Soignes. 
Id. 
Boitsfort. 
Id. 
Environs d’Arlon et forêt de Soignes. 
Id. 
Boitsfort. 
Id. 
Id. 


Tan d’une serre d’Arlon. 
Bonnert et forét de Soignes. 


Nous tenons a adresser nos plus vifs remerciements a MM. les 


professeurs Errera et Massart, dont nous avons pu, pendant plu- 
sieurs années, suivre le remarquable enseignement. Qu’à l'occasion 
de ce premier travail de biologie, MM. les professeurs Giard, de la 
Sorbonne, Lameere et Dallemagne, de l'Université de Bruxelles, 
dont les laboratoires nous ont toujours été généreusement ouverts, 
veuillent bien accepter l’expression de notre gratitude. 


Tome III, 1899. 


SUR LES MYXOMYCETES. 221 


[4] 


[6] 


[8] 
[9] 
[10] 
[11] 


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BIBLIOGRAPHIE 


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(Bakt. Centralbl.) 


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Catania.) 


1895. CreLit, Die Kultur der Amoeben auf festem Substrate. (Baht. 
Centralbl.) 


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für wissensch. Bot., Bd III.) 


1884. DE Bary, Vergleichende Morphologie und Biologie der Pilze. 
Leipzig. 

1895. Demoor, Contribution à l’étude de la physiologie de la cellule. 
(Archives de biologie.) 


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1896. KLEeBs, Die Bedingungen der Fortpflanzung bei einigen Algen und 
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Bemerkungen über den Aggregatzustand des Protoplasmas und osmo- 
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Sächs. Gesellsch. der Wissensch., Bd XVI.) 


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(Centralbl. für Bakteriol.) 


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1890. STANGE, Ueber chemotaktische Reizbewegungen. (Bot. Zeit., p. 107.) 
1897. STRASBURGER, Das botanische Praktikum. 


ToME III, 1890-1900. 


222 E. DE WILDEMAN. 


RECHERCHES DIVERSES SUR DES CHAMPIGNONS, DES ALGUES 
ET D'AUTRES ORGANISMES INFÉRIEURS, 


par É. DE WILDEMAN. 


Une nouvelle Chytridinée (Micromyces Mesocarpi De Wild.). (Mém. de 
l'Herbier Boissier, n° 3, 1900.) 

Observations sur quelques Chytridinées nouvelles ou peu connues. 
(Mém. de l Herbier Boïssier, n° 15, 1900.) 

Quelques Chytridiacées nouvelles parasites d’Algues. (Za MNofarisia, 
n° 3, 1895.) | 

Chytridiacées de Belgique. (Ann. Soc. belge de Microscopie, t. XIV, 1890.) 

Note sur quelques Saprolégniées parasites d’Algues. (Bu//. Soc. belge 
de Microscopie, t. XVI.) 

Note sur le Chlorocystis Colmii Reinsch. (Bu//. Soc. belge de Microscopie, 
t. XIX.) 

Notes mycologiques, 10 fasc., 1893-1898. (Ann. Soc. belge de Microscopie.) 


Fascicule I, 32 pages, 3 planches. 
= REA St = 
— Ill, 30 — 
~ IV, 24 — 
— V, 35 — 
— VI, 42 — 
— VII, 42 — 
— VIII, 32 — 
— IX, 24 — 
— X, 16 — 
[En partie aux laboratoires de Genève (Prof. Chodat), de Nancy 
(Prof. Le Monnier) et de Paris (chaire de cryptogamie, Prof. Van 
Tieghem).] 


M D I © À RD = OO 
| 


Census Chytridinaearum. (Zu//. Soc. roy. de Botan. de Belgique.) 
Notes sur quelques organismes inférieurs. (Bu//. Soc. roy. de Botan. 
de Belgique, t. XXX, 1891.) 


Tome III, 1892, 1893. 


EM. MARCHAL. 223 


UNE MUCORINEE NOUVELLE : « SYNCEPHALASTRUM ELEGANS », par 
Em. MarcHaL. (Bull. Soc. belge de Microscopie, 1892.) 


SUR UN NOUVEAU RHOPALOMYCES, par Em. Marcuac. (Revue mycolo- 
gique, janvier 1893.) 


Rate 
= EUR 
1 A PT 
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SCLÉROTES ET CORDONS MYCÉLIENS, 


par C. BOMMER. 


Ce travail a paru dans le tome LIV des Mémoires couronnés et Mémoires des 


savants étrangers, publiés par l’Académie royale des sciences, des lettres et des 
beaux-arts de Belgique. — 1894. 


Le présent résumé a été fait par l’auteur. 


Les modifications adaptatives de l'appareil végétatif sont particulièrement 
développées chez les Basidiomycètes et les Ascomycètes;.elles peuvent être 
rapportées aux catégories suivantes : adaptations pour l'attaque, pour la protec- 
tion, la propagation de l’espèce et l'accumulation des réserves nutritives. 


Agglomérations mycéliennes des Basidiomycètes. 
CORDONS MYCÉLIENS. 
Scleroderma Pers. 


Zone superficielle formée d'éléments minces indépendants dont certaines 
hyphes représentent des organes d'absorption; masse interne à structure 
pseudo-parenchymateuse avec hyphes à grand diamètre contenant de 
l’oxalate de chaux. 


Cyathus striatus Hoftm. 


Haut degré de différenciation : hyphes corticales protectrices, non vivantes; 
moelle formée d’un tissu fondamental d’hyphes minces, hyphes vascu- 
laires localisant les réserves, de nature grasse, hyphes larges à cristaux 
d’oxalate de chaux localisant les produits d’excrétion. 


Collybia platyphylla Fr. 


Epaississement des grosses hyphes de la moelle constituant une accumula- 
tion de matières de réserve cellulosiques; hyphes vasculaires très 
développées; enchevêtrement des hyphes corticales donnant aux cor- 
dons une très grande résistance; hyphes superficielles fonctionnant 
comme organes d'absorption. 

TOME III. 15 


Tome III, 1894. 


226 C. BOMMER. — SCLEROTES 


Phallus impudicus L. 

Analogie des cordons mycéliens avec ceux de Collybia platyphylla avec 
en plus une couche superficielle pseudo-parenchymateuse d’éléments 
larges à parois minces; épaississement des hyphes interprété erroné- 
ment comme une substance intercellulaire mucilagineuse ; zone corti- 
cale interne riche en glycogène. 

Gros cordons cheminant dans le sol à une certaine profondeur et 
envoyant dans la couche d’humus superficielle des ramifications dont les 
unes portent des carpophores tandis que les autres se transforment a 
leur extrémité en mycelium diffus essentiellement assimilateur; dispo- 
sition en colonie des carpophores produits par un mycélium commun. 


AGGLOMERATIONS MYCELIENNES COMPACTES. 


Polysaccum De Cand. 

Pseudo-stipe formé par un groupement d’hyphes de deux espèces et de 
structure tout à fait comparable à celle des cordons de Scleroderma. Ce 
groupement du mycélium est destiné à le protéger contre la sécheresse, 
Polysaccum habitant des stations très arides. 


Polyporus tumulosus Cke et Polyporus lucidus Fr. 

Mycélium se condensant en grandes masses englobant une forte proportion 
de particules terreuses. Chez P. /ucidus, ces agglomérations, formées de 
mycélium à peine différencié et recouvertes d’un tissu cortical, sont 
pérennantes et peuvent donner naissance à des carpophores plusieurs 
années de suite. 

SCLÉROTES. 
Collybia tuberosa Bull. 

Sclérote à point végétatif défini établissant la transition entre les cordons 
et les sclérotes proprement dits. Chez Co//ybia cirrhata Pers., le sclérote 
peut produire des cordons. 


Armillaria mellea Vahl. 
Le point de départ de la formation des rhizomorphes est un sclérote et les 
rhizomorphes peuvent produire des sclérotes massifs très développés. 


Lentinus Woermanni Cohn et Schrôter. 

Sclérote caractéristique de grandes dimensions ; accumulation de réserves 
cellulosiques dans la membrane des hyphes minces qui finissent par se 
transformer en masses compactes de cellulose; il en est de méme chez 
Lentinus scleroticola G. Murr. 


Tome III, 1894. 


ET CORDONS MYCELIENS. 227 


Polyporus umbellatus Fr. 


Sclérote formé de gros rameaux noirâtres à substance interne blanche et 
compacte, se développant dans le sol au pied des Hétres et des Chénes. 
Ecorce trés distincte formée par la sclérotisation des hyphes superfi- 
cielles qui finissent par se fusionner en une masse amorphe formant un 
revétement impermeable. 

Zone de tissu sous-cortical formé d’hyphes filamenteuses, puis zone 
d’hyphes plus larges contenant de l’oxalate de chaux; enfin moelle carac- 
térisée par des hyphes très épaisses, noueuses, d’aspect coralloïde ou 
même tuberculeuses, à réserves cellulosiques, mélangées à des hyphes 
minces ; réserves glycogéniques très peu abondantes. 

Mycélium se développant d’abord sous une forme filamenteuse dans 
les racines des Chênes et des Hétres, d’une manière analogue à celle 
qu’on observe chez Pachyma cocos Fr. 

Une croissance plus définie que celle des autres gros sclérotes donne 
a celui de P. umbellatus son allure en longs rameaux se divisant et 
s’anastomosant de manière à occuper dans le sol un espace pouvant 
atteindre un demi-mètre cube. 

Jeunes rameaux en voie de croissance à tissu médullaire peu diffé- 
repcié, à surface formée d’hyphes filamenteuses absorbantes, de l’acti- 
vité assimilatrice desquelles dépend l'accroissement d’ailleurs fort lent 
du sclérote rameux. 

Blessures amenant avec une très grande rapidité la formation de 
l'écorce sclérotisée au point lésé; ces zones sclérotisées protectrices 
peuvent aussi se former au milieu de la moelle, par exemple pour la 
défendre contre l’attaque des rhizomorphes d’Armi//aria mellea. 


Pachyma cocos Fr. 


Sclérote de type analogue à celui de P. wmbellatus, mais à hyphes coral- 
loïdes beaucoup plus nombreuses et plus développées. 
Fructification vaguement indiquée par un passage de Rumphius et 
paraissant se rapporter soit à une Clavarice, soit à un carpophore mal 
formé de Lentinus. 


Polyporus tuberaster Fr. 


Agglomération mycélienne devant être considérée comme un vrai sclérote; 
hyphes filamenteuses très rares, hyphes coralloïdes formant la masse de 
tissu interne. 

Couche filamenteuse périphérique comme chez Pachyma cocos, 
dépourvue d’éléments minéraux et constituant une véritable écorce. 
Zone sclérotisée superficielle à éléments fusionnés. 


Tome III, 1894. 


228 C. BOMMER. — SCLEROTES 


NH 


Polyporus sacer Fr. 


Accumulation des réserves se localisant dans les cellules terminales, à 
protoplasme abondant, des hyphes filamenteuses; elle se fait par l’appo- 
sition successive de couches de cellulose qui finissent par transformer la 
cellule primitive en une grosse masse ovoïde compacte, présentant par- 
fois un aspect stratifié. Cette structure concentrique est beaucoup plus 
manifeste dans les productions analogues du sclérote d’une espèce 
voisine, Polyporus rhinoceros Cke. 


Agglomérations mycéliennes des Ascomycétes. 
CORDONS MYCELIENS. 


Cordyceps ophioglossoides Link. 


Structure trés peu différenciée, sans localisation de réserves nutritives. 


Poronia Doumetti Pat. 


Cordons très différenciés adaptés contre la sécheresse. Couche superficielle 
d’hyphes larges et aplaties, à paroi épaisse, formant un véritable épi- 
derme, émettant de longues hyphes cloisonnées formant un véritable 
feutrage autour du cordon; très grande proportion d’oxalate de chaux 
dans le tissu de la moelle. 


SCLÉROTES. 
Xylaria Tulasnei Nits. 

Moelle analogue à celle du sclérote de Co//ybia racemosa Pers., écorce 
ressemblant à celle du cordon de Poronia Doumetii et formant aussi 
une sorte d’épiderme. 

Cordon reliant le carpophore au sclérote formé comme les rhizo- 
morphes d’ Armillaria mellea par l'expansion des tissus du sclérote doué 
de croissance localisée. 


Xylaria vaporaria Berk. 
Moelle formée d’hyphes filamenteuses larges à parois très épaisses et 
d’hyphes étroites à parois minces; zone périphérique de la moelle à 
hyphes larges à parois très minces, entièrement remplies de glycogène. 


Zsaria densa Fr. 
Tissu sclérotique compact remplissant le corps des larves de Hanneton, 
formé d’hyphes larges abondamment pourvues de matières de réserve, 
glycogéniques d’abord, grasses ensuite. 


7 


Tome III, 1894. 


ET CORDONS MYCELIENS. 229 


"|" "—"" " " " _—"— _" —" __ _ _ anna 


De semblables sclérotes peuvent produire chez d’autres espèces, telles 
que Cordyceps Taylori, des cordons propagateurs très développés, ana- 
logues à ceux des Basidiomycètes. 


TYPES CRITIQUES. 


Sclerotium stipitatum Berk. 


Corps arrondis d’aspect sclérotiforme portés à l'extrémité d’une sorte de 
rhizomorphe et dont le tissu possède d’abondantes réserves glycogé- 
niques. Ils semblent dus à l’hypertrophie du cordon mycélien qui existe 
à leur base. 

Ces productions se trouvent toujours dans les nids de Termites auxquels 
les Hindous attribuent leur formation. Cette station particulière, aussi 
bien que les caractères morphologiques de S. sépétatum, peuvent faire 
songer à un rapprochement avec les « Pilzgärten » décrits par Moller. 


Mylitta australis Berk. 


Corps volumineux durs, compacts, formés d’une substance cornée et 
translucide à l’état sec, parcourue par des veinules de tissu blanchâtre. 
Partie translucide du tissu interne offrant une grande analogie de 
structure avec celui des sclérotes d'Hyménomycètes à réserves cellulo- 
siques, formée d’hyphes ramuleuses massives très épaissies, mélangées 
à des hyphes filamenteuses plus minces. 

Il existe en outre des hyphes renflées, ovoïdes, pouvant prendre une 
forme sphéroïdale; elles renferment dans leur cavité un corps arrondi, 
à surface verruqueuse, offrant les dimensions et les caractères d’une 
spore de Tubéracée. 

Mylitta paraît donc devoir être rapporté au groupe des Tubéracées et 
se rapproche beaucoup par sa structure du genre Terfezia ; mais d’autre 
part Mylitta donne parfois naissance à un Polypore, Polyporus Mylittae 
Cke et Mass., dont l’hyménium peut même se développer à l'intérieur 
de son tissu, ce qui démontre que ce champignon n’est pas un parasite 
de Mylitta. 

Comme Mylitta possède des organes reproducteurs typiques d’Asco- 
mycète, on ne peut donner d’autre interprétation à P. Mylittae que de le 
regarder comme une fructification conidienne d’une Tuberacee. 

Si cette conclusion semble exacte dans le cas de M. australis, on doit 
admettre d’une manière générale la dépendance des Basidiomycètes par 
rapport aux Ascomycètes, suivant l'opinion émise par De Bary que les 
Basidiomycètes et les Urédinées peuvent être des formes conidiennes 
d’'Ascomycètes. : 


TOME III, 1894. 


230 C. BOMMER. — SCLÉROTES ET CORDONS MYCÉLIENS. 


CONCLUSIONS. 


Les caractères morphologiques permettent seuls de se faire une idée d'ensemble 
des modes de condensation du mycélium des Basidiomycètes et des Ascomycètes; 
en raison de leur caractère exclusivement adaptatif, ces agglomérations mycé- 
liennes ne sont en effet reliées les unes aux autres par aucun lien génétique. 

Elles peuvent exister à des degrés très variables chez des formes voisines et être 
remarquablement semblables dans des groupes très éloignés. C'est ainsi qu’il n’y 
a pas de différence tranchée entre les agglomérations mycéliennes des Basidio- 
mycètes et des Ascomycètes; chez ces derniers, on remarque seulement une 
richesse de formes et une différenciation moins grandes, et les divers types de 
modification sont représentés par un nombre d’exemples plus restreint. 

La classification la plus rationnelle devrait être basée sur les fonctions de ces 
formations particulières, mais elle aurait l’inconvénient d'amener de grandes 
confusions, certains types devant faire partie de plusieurs catégories différentes. 


NOTE PRÉLIMINAIRE 


SUR 


L'ANATOMIE DES BROMELIACEES 


PAR 


A. DE WEVBRE (°) 


Depuis quelques années, les botanistes sont a la recherche de 
caracteres tirés de la structure anatomique pour distinguer les 
familles, les genres et les espéces. 

C'est ce que Vesque a fait pour différents groupes; Duval-Jouve, 
pour les Graminées et les Cypéracées ; Bertrand, pour les Conifères; 
Pirotta, pour les Oléinées; M.-K. Müller, pour les Clusiacées, 
Hypéricacées, Dipterocarpées et Ternstrcemiacées; Pax, pour les 
Euphorbiacées; Kamienski, pour les Primulacées; Born, pour les 
Labiées et les Scrophularinées; Maury, pour les Plombaginacées ; 
Lignier, pour les Mélastomacées, les Calycanthacées et les Myrta- 
cées,/ etc. 

Cette méthode présente le grand avantage de rendre possible la 
détermination du groupe auquel appartient une plante dont on ne 
possède qu’un morceau de feuille; car c'est surtout sur les carac- 
tères anatomiques tirés de cet organe que l’on s'appuie. 


(‘) Cette note a paru dans le Bulletin de la Société royale de Botanique de 
Belgique, t. XXVI, 2° partie, 12 novembre 1887. 


TOME III, 1887. 


232 A. DE WEVRE. — NOTE PRÉLIMINAIRE 


J'ai cru qu’il serait utile de faire la même chose pour les Bromé- 
liacées, végétaux qui offrent un intérêt spécial à cause de leur mode 
de végétation. On sait, en effet, que la plupart croissent en épi- 
phytes sur les arbres des forêts tropicales. 

La note que je présente aujourd’hui n'est que l’ensemble des 
conclusions d'un travail beaucoup plus étendu qui sera publié ulté- 
rieurement. 

Les caractères extérieurs permettent déjà de dire avec beaucoup 
de probabilité si l'on a affaire à une plante de la famille des Bro- 
méliacées. Leurs feuilles allongées à bords souvent épineux, 
épaisses, coriaces, alternes, dont les bases se réunissent pour 
former habituellement une espèce d'urne, les font déjà recon- 
naître. 

Il n'y a guère que quelques groupes voisins, tels que ceux des 
Liliacées, Iridées, Amaryllidées et Pandanées, dont les feuilles pos- 
sedent un facies rappelant celui des Broméliacées. 

On pourra alors avoir recours aux indications que l’anatomie 
nous fournit et qui permettent de les en distinguer avec cer- 
titude. | 

Les caractères anatomiques que je vais indiquer sont déduits 
non seulement de mes observations perscanelles sur environ 
soixante-dix espèces de Broméliacées, mais encore des travaux de 
Pfitzer, Westermaier, de Bary, Schwendener et principalement de 
l'étude anatomique qu'un botaniste suédois, Cedervalt, a récem- 
ment faite. Ce dernier auteur a examiné la structure d’une soixan- 
taine d'espèces appartenant a des genres différents. | 

1° Le caractère le plus important, celui que toute feuille de 
Broméliacée m'a présenté, consiste dans la présence des poils 
écailleux. 

Ce sont des plaques d’une seule épaisseur de cellule, portées par 
un pied central pluricellulaire. Ces poils sont de formes diverses. 
C'est à ce revêtement pileux que les feuilles doivent leur aspect 
argenté. 

Chez certaines espèces, ces poils n'existent que vers la base et 
sont très clairsemés; on ne peut les voir qu'en pratiquant des 
coupes parallèles à la surface. 


Tome III, 1887. 


SUR L’ANATOMIE DES BROMELIACEES. 233 


On a indiqué (*) des poils écailleux chez différentes feuilles, 
notamment parmi les Oléinées, Jasminées, Éléagnées, ainsi que 
chez le Solanum argenteum, le Croton nitens, le Myrica cerifera, 
l' Hippuris, et sur les jeunes feuilles des Palmiers, mais il suffira de 
faire une coupe de tige pour reconnaître des plantes dicotylées, et 
par conséquent pour les distinguer des Broméliacées. Quant aux 
Palmiers, leurs poils étant caducs, on ne les retrouve plus à l’état 
adulte; de plus l'hypoderme aqueux de leurs feuilles est très peu 
développé, contrairement à ce qui a lieu dans les Broméliacées, et 
se réduit à une ou deux rangées de petites cellules. 

Jai remarqué une Liliacée, l'Astelia Banksiz, qui ressemble beau- 
coup à certaines Broméliacées du groupe des Pitcairnia ; les feuilles 
sont allongées et présentent a la face inférieure l’aspect argenté 
caractéristique des plantes qui nous occupent. Examinée au 
microscope, cette plante diffère entièrement, par ses caractères 
anatomiques, des Broméliacées. En effet, les poils ne sont pas 
écailleux comme ils le paraissent à l’œil nu; l'hypoderme aqueux 
ne comprend qu'une seule assise de cellules ; l’'épiderme présente 
des cellules beaucoup plus grandes que celles que l’on voit chez les 
Broméliacées. 

2° On ne voit jamais d’assise en palissade bien développée. Les 
_ cellules les plus externes du mésophylle de certaines espèces 
sont, il est vrai, très légèrement plus allongées que les autres, 
mais on ne peut pas considérer cela comme un tissu palissa- 
diforme. 

L'absence des cellules en palissade différencie les végétaux dont 
nous nous occupons d’avec les feuilles des dicotylées, où cette assise 
est presque toujours présente. 

3° Les stomates sont disposés en séries, séparées par des bandes 
qui en sont dépourvues. 

Les cellules qui entourent les stomates sont toujours au nombre 
de quatre, dont deux parallèles à l'ostiole et les deux autres per- 
pendiculaires à cette ouverture. 


(*) VAN TIEGHEM, 7 railé de botanique, p. 639. 


Tome III, 1887. 


234 A. DE WEVRE. — ANATOMIE DES BROMÉLIACÉES. 


4° Il est bon de signaler un tissu que l’on trouve chez toutes les 
Broméliacées, l’'hypoderme aqueux, et qui peut aussi leur servir de 
signe caractéristique, quoiqu'il ne leur soit pas exclusivement 
propre. En effet, on Je rencontre aussi chez les Palmiers, les Pan- 
danées, certaines Amaryllidées, etc. 

Ce tissu constitue chez l’Ananassa macrodosus et chez quelques 
autres Broméliacées près des trois quarts de l’épaisseur de la 
feuille. 

Il est composé d’éléments cellulaires tantôt polygonaux, tantôt 
allongés, parfois aussi de ces deux formes. 

On peut encore signaler quelques caractères d’importance 
moindre; tels sont: 

5° En coupe tangentielle, les cellules épidermiques ont toujours 
les parois ondulées. 

Ce caractère est commun à beaucoup de plantes. 

6 Les cellules épidermiques ont généralement les parois très 
épaisses; il est rare d'en trouver à membrane mince. 

Les épaississements sont tantôt sur la paroi externe, tantôt sur 
la paroi interne. 

7° Les faisceaux fibro-vasculaires, habituellement très nombreux, 
qui parcourent la feuille dans toute sa longueur, sont à structure 
collatérale et entourés d’une gaine scléreuse généralement tres 
forte, surtout chez les espèces à feuilles longues. 

8° Comme la plupart des monocotylées, les plantes de cette 
famille possèdent de l'oxalate de chaux en raphides, très rarement 
sous forme de prismes (Caraguata Zahnii). 


Bruxelles, Laboratoire de physiologie 
et d'anatomie végétales. 


SUR 


LES SPHERES-ATTRAGFIVES 


DANS 


QUELQUES CELLULES VEGETALES 


PAR 


É. DE WILDEMAN (1 


¢ 


Grâce aux belles recherches de Ed. Van Beneden (’*), nous con- 
naissons dans les œufs de |’Ascaris megalocephala l'existence, pen- 
dant la division nucléaire, de masses particulières auxquelles il 
donne le nom de « sphères attractives ». Ces masses joueraient un 
rôle considérable dans la caryocinèse. Leur étude a été reprise, 
dans ces derniers temps, par plusieurs auteurs. Dès 1888, Boveri (°) 
a exposé les résultats de ses observations, qui sont venues confir- 
mer celles de Van Beneden. 

Ces différentes recherches avaient été faites sur les cellules 
embryonnaires des organismes animaux pendant la division 
nucléaire. Mais depuis la publication de ces travaux, les mêmes 
corps ont été retrouvés dans les cellules d’un assez grand nombre 


(1) Cette note a paru dans les Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 3° série, 
t. XXI, n° 5, pp. 594-603, 1891. 

(2) Ep. VAN BENEDEN et Neyt, Nouvelles recherches sur la fécondation et la 
division mitosique chez l’ Ascaride mégalocéphale, (BULL. DE L’ACAD. ROY. DES 
SCIENCES, ETC., 1887, t. XIV, p. 215.) 

(3) Dr TH. Bovert, Ze//en Studien, Heft 2. lena, 1888. 


Tome III, 1891. 


236 É. DE WILDEMAN, — SUR LES SPHÈRES ATTRACTIVES 


d'animaux, même en dehors des phases de la caryocinese (7). 

Dans le règne végétal, on ne possédait pas, jusqu'à ces derniers 
temps, de données certaines sur la présence de sphères attractives, 
lorsqu’au mois de mars dernier, Guignard, professeur à l’École de 
pharmacie de Paris, présenta à l’Académie des sciences une note 
intitulée : Sur l'existence des sphères attractives dans les cellules 
végétales (*). 

Des observations que j'ai commencées récemment m'ont fourni 
des résultats analogues pour un certain nombre de cellules végé- 
tales. ll est fort probable que nous avons affaire là à des organes 
constants de la cellule et qu’on les retrouvera associés a presque 
tous les noyaux. 

Ces sphères attractives sont constituées, dans leur état typique, 
par une petite masse centrale ou centrosome, qui se colore un peu 
plus vivement que le reste du protoplasme environnant par les 
réactifs colorants. Cette masse est entourée d'une zone hyaline 
mince qui se trouve, à son tour, environnée d’une zone plus épaisse, 
granuleuse. Les granulations de cette enveloppe peuvent, dans 
certains cas, se disposer radialement; c’est ce que l'on voit surtout 
se produire dans les phases de division. Ces stries radiales donnent 
ainsi lieu aux étoiles si souvent figurées. 

Dans la cellule au repos, la sphère attractive se trouve située 
dans le voisinage du noyau et paraît avoir une position indétermi- 
née par rapport à celui-ci. Dans les cellules dont le noyau est en 
division, la sphère se dédouble et l’on voit chacune des deux nou- 
velles sphères disposée à l’un des pôles du fuseau. 

Il y a longtemps déjà, Hugo von Mohl a décrit et figuré, dans les 
cellules meres des spores d’une Hépatique (Anthoceros lævis), une 
masse granuleuse contenant du protoplasme et de la chlorophylle, 
qui paraît se conduire de la même manière que les sphères attrac- 
tives. Le travail de Mohl, qui a été publié en 1839 dans le Linnea 


(1) W. FLEMMING, Attraktionssphären und Centralkirper in Gewebessellen und 
Wanderzellen, (ANATOMISCHER ANZEIGER, 1891, n° 3.) 
(7) Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, t. CXII, 9 mars 1891. 


Tome III, 1891. 


DANS QUELQUES CELLULES VEGETALES. 237 


et réimprimé dans ses Vermischte Schriften en 1846, est accompa- 
gné de figures très intéressantes (°). 

Strasburger, reprenant l'étude de ces cellules mères, nous a 
montré, dans son beau livre Zellbildung und Zelltheilung (*), les 
phases par lesquelles passent ces masses durant les phénomènes de 
division. Les figures du travail de Strasburger sont comparables à 
celles du mémoire de Mohl. Longtemps avant la division 
nucléaire, on observe une masse granuleuse qui entoure presque 
complètement le noyau. Cette masse augmente de volume, se 
divise; il se forme alors deux espèces de calottes qui sont contiguës 
au noyau. Chacune de celles-ci se divise à son tour, et il en résulte 
ainsi quatre agglomérats de matière protoplasmique granuleuse 
qui vont se placer aux quatre sommets de la tétrade. Alors seule- 
ment commence la division nucléaire. 

Strasburger n'indique pas de centrosome à l’intérieur de ces 
masses. Il n’est d’ailleurs pas facile d'étudier leur constitution, ces 
amas étant en grande partie formés par une accumulation de pro- 
toplasme granuleux. En 1880, au moment où Strasburger publiait 
son mémoire, on n'avait pas encore attiré l'attention sur les sphères 
attractives. 

Une masse granuleuse analogue se rencontre chez l'/soetes 
Durieui. Strasburger a figuré les stades de division des cellules 
mères de spores (*) dans la première édition de son travail (+). 

Dans les Mousses, nous retrouvons les mêmes masses. Les 
espèces dans lesquelles je les ai recherchées sont : Funaria hygro- 


(!) H. von Mont, Vermischte Schriften botanischen Inhalts. Tübingen, 1846, 
p. 84, tab. IV. 

(?) STRASBURGER, Zel/bildung und Zelltheilung. Yéna, 1880, pl. X, fig. 145-166. 

(3) STRASBURGER, Ucber Zellbildung und Zelltheilung. Iéna, 1875, pl. VI, 
fig. 93-100. 

(4) Dès 1887, M. le professeur Errera avait, dans son cours, attiré l’attention 
sur l’analogie qui existe entre ces masses et les sphéres attractives que Van 
Beneden venait de décrire. GUIGNARD, Fécondation (BULL. SOC. BOT. DE FRANCE, 
t. XXXVI, 1890, p. cxxxvim), cite également |’ Axthoceros et l’Zsoetes à propos des 
spheres attractives. 


TOME III, 1891. 


238 É. DE WILDEMAN. — SUR LES SPHERES ATTRACTIVES 


metrica, Ceratodon purpureus, Bryum cæspilicium. Pour retrouver 
ces masses, on prend de jeunes urnes, on enlève la coiffe et l’oper- 
cule; en pressant alors légèrement sur la base de la capsule, on fait 
sortir la columelle entourée des cellules mères que l’on recueille 
dans une gouttelette d'eau. Les observations que j'ai pu faire sur 
les cellules mères des spores chez ces Mousses, ne sont pas encore 
assez nombreuses ni assez approfondies pour que je puisse homo- 
loguer ces masses bien visibles avec les sphères attractives 
typiques, telles que nous les connaissons dans le règne animal et 
dans certaines cellules végétales. On peut les suivre pendant un 
certain temps dans les cellules vivantes (cf. fig. 1-4); j'aurai 
d'ailleurs à revenir sur les stades de division des cellules mères 
des spores de Mousses et sur ces masses attractives, dans un travail 
ultérieur. 

D'autres végétaux m'ont fourni des matériaux d'étude meilleurs 
et plus faciles à interpréter. Mais il a fallu recourir ici à des maté- 
riaux fixés et colorés, l'examen à l'état frais ne donnant pas de 
résultats assez nets. Le fixateur employé est l'acide chromo- 
acétique (*). Après un lavage énergique à l’eau pure, on colore les 
matériaux par le vert malachite. La matière colorante a été au 
préalable dissoute dans de la glycérine, puis étendue de beaucoup 
d'eau. La coloration par les carmins aluné et boracique, que j'ai 
essayés à diverses reprises, m'a donné de bien moins bons résul- 
tats. Il en est de même pour les deux fixateurs acide osmique et 
acide picrique. 

Le Spirogyra (fig. 5-10), traité de cette façon, m’a montré des 
sphères attractives absolument typiques, soit que nous considé- 
rions le noyau a l'état de repos, soit que nous le considérions dans 
une de ses phases de division. Dans ce dernier état cependant, la 
grande quantité de protoplasme rassemblé aux deux pôles du 
fuseau, empèche fréquemment de voir avec netteté la zone granu- 
leuse qui entoure le centrosome. Ce dernier s'aperçoit souvent 
assez facilement entouré d’une auréole claire. Un autre écueil dans 


1) Acide chromique, 0.70; acide acétique glacial, 0.30; eau, 100. 
/ , 15 


ToME III, 1891. 


DANS QUELQUES CELLULES VÉGÉTALES. 239 


l'étude de la sphère attractive des Spirogyra, c'est la présence des 
bandes de chlorophylle avec leurs pyrénoides et leurs grains 
d’amidon; c'est ce qui fait que l’on ne peut, dans bien des cas, 
observer qu’un seul des corps attracteurs. Dans la cellule au 
repos, il est plus facile de se rendre compte de la structure de la 
sphere. 

A ce stade, les masses attractives se présentent sous le méme 
aspect que celui que Boveri a figuré (*). Elles répondent donc com- 
plètement a la description que j'ai reproduite plus haut; on peut 
ainsi les distinguer aisément des pyrénoides et des grains d'ami- 
don, qui ne se trouvent d’ailleurs pas au même niveau dans la cel- 
lule. Les figures 9 et 10 permettent de se rendre compte des diffé- 
rences qui existent entre les sphères attractives et les masses 
amylacées logées dans les sphères chlorophylliennes. 

Au repos, je n'ai réussi a trouver généralement qu'un seul cen- 
trosome, sauf dans quelques cas qui présentaient probablement 
une prophase de division; le noyau était en effet déjà assez forte- 
ment gonflé. Cet état est représenté dans la figure 9. 

Quant à l'origine du fuseau, l'étude de la division des cellules 
chez ces Algues prouve, de la façon la plus complète, que les stries 
achromatiques des figures caryocinétiques ont leur origine dans le 
protoplasme, comme le soutiennent avec raison Strasburger, Gui- 
gnard et Went (’). 

Les espèces de Spirogyra que j’ai pu étudier au point de vue des 
corps attracteurs sont les Spirogyra jugalis et nitida. Cette der- 
nière espèce est de beaucoup préférable; les sphères y sont mieux 
visibles et les bandes de chlorophylle sont souvent plus espacées 
que dans le Spirogyra jugalis. | 

Chez certains Equisetum (°) nous avions cru reconnaître un cen- 
trosome. Dans les spores encore très jeunes et bien arrondies de ce 


() Boveri, Zellen Studien, Heft 2, pl. II, fig. 29 6. 

(?) WENT, Beobachtungen über Kern und Zelltheilung. (BER. DEUTSCH. Bor. 
GESELLSCH., 1887, Bd V, Heft 7.) 

(3) [Les paragraphes relatifs aux Zgwisetum ont été remaniés en 1907.] 


Tome III, 1891. 


240 É. DE WILDEMAN. — SUR LES SPHERES ATTRACTIVES 


Cryptogame, on observe, accolée au noyau qui remplit à lui seul 
la presque totalité de la cavité cellulaire, une espèce de vacuole 
hyaline qui tranche fortement sur le reste du contenu cellulaire 
granuleux. 

Dans les cellules meres, au moment ou le fuseau nucléaire est 
formé, on voit, a chacune des extrémités, une sorte de masse 
spécialisée. Ces masses sont souvent difficiles a différencier du 
protoplasme environnant tres granuleux. On peut remarquer 
fréquemment, aux extrémités du fuseau, des stries rayonnantes. 
À un stade plus avancé encore, les masses qui se trouvent aux 
pôles se dédoublent et semblent préparer ainsi la division future. 
À cet état, leur constatation dans la cellule devient encore plus 
difficile, car il se forme vers le même moment un amas plus ou 
moins réfringent, qui se trouve disposé souvent tout autour de la 
figure de division, et empêche de bien saisir les différenciations 
qui se passent aux extrémités du fuseau. 

Cet amas servira plus tard à la constitution des membranes 
séparatrices des spores. 


La première caryocinese a donné naissance a deux noyaux 


filles, qui, a leur tour, vont se diviser; mais avant cette nouvelle 
division, ils se placent en croix de manière que les quatre noyaux 
qui vont résulter de cette bipartition, se trouveront au sommet 
d'un tétraëdre. 

Strasburger, qui a étudié également la division chez l'Equise- 
tum, n'a pas pu voir ces différents détails, par le fait que ses obser- 
vations ont porté sur des matériaux fixés par l'alcool. Ce réactif 
ratatine le contenu des cellules mères et change ainsi fortement 
leur aspect, 


Laboratoire d'anatomie et de physiologie végétales 
de l’Université libre de Bruxelles, 4 mai 1891. 


For —- 


ToME III, 1891. 


DANS QUELQUES CELLULES VEGETALES. 241 


EXPLICATION DE LA PLANCHE 


(Toutes les observations ont été faites avec l’objectif apochromatique 4 sec 


0.95 N. A. et l’oculaire compensateur 12 de Zeiss, éclairage Abbe, lumière 
artificielle.) 


Funaria hygrometrica. 


Fic, 1-4. — Différents états de la masse: fig. 1, masse unique entourant le noyau; 
fig. 2, 3 et 4, masses divisées. 


Spirogyra nitida. 


F1G. 5-8. — Différentes formes présentées par les sphères attractives. 
Fic. 9. — Sphère attractive à deux centrosomes. A gauche du dessin, on voit 
une bande de chlorophylle avec pyrénoïdes et grains d’amidon. 


Spirogyra jugalis. 


Fic. 10. — Prophase de division; à droite s'aperçoit une des sphères; à gauche 
elle est cachée par une spire chlorophyllienne. Ce dessin montre 
très bien la naissance extranucléaire des stries du fuseau. 

Fig. 11. — Fin de la division; les deux noyaux possèdent chacun une sphère s 
et un nucléole z. 


Equisetum limosum. 


Fic. 12. — Masses spécialisées aux pôles du fuseau; à gauche s’apercoit déjà 


lamas réfringent qui servira à former la cloison séparatrice des 
spores. 


Fic. 13. — Seconde bipartition de la masse, vers le bas de la figure; les 
masses du haut ne sont pas visibles, cachées sans doute par l’amas 
réfringent. 

Fic. 14-15. — Deux stades de division, accompagnés à l’équateur de deux amas 
réfringents semi-lunaires. 


F1G. 16. — Amas réfringents analogues entourant presque complètement le 
noyau. 


Tome III. 16 


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© funique de Bruxelles LM ED Wildeman 


A Hacha, Lith. 


£ De Weldeman 


L DeWildeanan ad nat del A Hacha, Lith. 


NOTE 


SUR 


UN TRONC DE HETRE A CŒUR ROUGE 


PAR 


LEO ERRERA (') 


Le bois de Hêtre est constitué, comme on sait, par des vais- 
seaux (v, dans notre croquis), des trachéides, du parenchyme 
ligneux (p) et des fibres ligneuses (f) [« Fasertracheiden » de Stras- 
burger (*)], outre les rayons médullaires (r). 

Dans le secteur de bois qui m'a été soumis par M. Wesmael, une 
partie rouge centrale est nettement marquée : elle mesure 2 centi- 
mètres a 2°*5 a partir du centre, soit 5 centimètres environ de dia- 

-metre. Sa couleur est due au contenu des cellules des rayons 
médullaires et du parenchyme ligneux, qui s’est transformé en 
amas rougeatres, d'aspect grumeleux et résineux. Ces amas sont 
mélangés, dans certaines cellules, de gouttelettes réfringentes, éga- 
lement rougeûtres, visibles dans le croquis en p’ et r’ par exemple. 
Les vaisseaux sont remplis de thylles (¢, ¢’) et présentent, ça et la, 


(t) Cette note a paru dans le Bulletin de la Société centrale forestière de Belgique, 
3° année, p. 311, mai 1896. 

[Voir R. Harric, Das Rothholz der Fichte, Sep.-Abdr., 1896. 

C. DE LINCÉ, Le cœur rouge chez le Hêtre, dans l’Zngénieur agricole de Gembloux, 
1901, confirme mes observations : il est d’avis que « la formation de ce duramen 
anormal paraît ètre sous la dépendance d’une absorption surabondante du fer ». 
Il ne fait pas intervenir de blessures ou de gélivures.] 

(?) STRASBURGER, Leztungsbahnen, 1891, p. 271. 


ToME III, 1896. 


244 L. ERRERA. — NOTE SUR UN TRONC 


des bouchons translucides d’une substance gommeuse rougeatre, 
planconcaves ou, plus ordinairement, biconcaves comme ceux que 
Temme a observés dans le bois au voisinage des blessures (*). Ces 


Fagus silvatica. 


Portion de bois du « cœur rouge ». — Coupe longitudinale radiale. 
Croquis 280/,. 


sortes de bouchons se voient aussi parfois dans les cellules de 
parenchyme ligneux (ainsi en p’’), où ils ont nécessairement un 


(*) Voyez A.-B, FRANK, Die Krankheiten der Pflanzen, 2e éd., 1895, p. 33, fig. 4 
(Prunus avium). 


» Tome III, 1896. 


DE HETRE A COEUR ROUGE. 245 


diamètre moindre; la substance qui tapisse le thylle /’ est égale- 
ment de cette nature. 

Les portions de bois non rouges qui sont plus externes et, par 
conséquent, moins vieilles, offrent tout a fait la même structure 
anatomique que la région centrale dont il vient d'être question. 
Elles en différent seulement par deux caractères : d’abord, il n'y a 
pas ou presque pas de thylles; ensuite, les grumeaux, amas et 
gouttelettes, tout en existant dans les cellules des rayons medul- 
laires et du parenchyme ligneux, y sont beaucoup moins abon- 
dants et d’une teinte plus pale, plus jaune. 

Ces amas du contenu cellulaire, dans la région rouge et en 
dehors de celle-ci, se conduisent de la même manière vis-à-vis des 
réactifs : ils ne sont pas solubles dans l'eau: ils ne se dissolvent 
que très partiellement dans l'alcool absolu, mème apres plusieurs 
heures d’action; et ils renferment, en proportion assez notable, des 
substances du groupe des tanins (coloration bleu-noir par la solu- 
tion aqueuse d’acétate de fer à 10 °/s). 

L'iode révèle une quantité modérée de grains d'amidon dans les 
cellules des rayons médullaires et du parenchyme ligneux des 
couches annuelles les plus externes du bois. Cette quantité va en 
diminuant vers le centre de l'arbre, mais, même dans la partie cen- 
trale rouge, il y a encore, par-ci, par-là, une cellule de rayon 
médullaire remplie de grains d’amidon bien caractérisés. 

Changement de teinte, diminution de l’amidon, amas gommo- 
résineux et tanin dans les cellules, obstruction des vaisseaux par 
des thylles et par des bouchons de matière gommeuse, ce sont là 
des phénomènes très ordinaires lors de la transformation de l’au- 
bier en cœur. 

C'est donc une modification de cet ordre qui s'est produite au 
centre de notre Hêtre. Il est vrai que le Hêtre passe pour ne pas 
former de cœur proprement dit et, récemment encore, Stras- 
burger décrivait un tronc de 124 ans qui n'en avait pas. Mais le 
même auteur parle d'un spécimen encore plus âgé, présentant un 
cœur brun foncé (°). 


(*) STRASBURGER, Lettungsbahnen, p. 275. 


TOME III, 1896. 


246 L. ERRERA. — NOTE SUR UN TRONC DE HETRE A COEUR ROUGE. 


R. Hartig, qui s'est occupé de cette question et se borne à distin- 
guer chez le Fagus silvalica entre un aubier externe et un aubier 
interne, a observé chez certains Hétres, jeunes ou vieux, une 
région centrale brun-noir qu'il considère comme un «faux cœur», 
c'est-à-dire comme une modification pathologique du bois au voi- 
sinage d'une blessure (’). Il se peut qu'il en soit ainsi dans l’exem- 
plaire qui m'a été soumis : j'y remarque, en effet, sur le pourtour 
de la région rouge, une zone peu étendue où le bois est devenu 
brun. C’est peut-être la la trace d’une gélivure survenue il y a une 
centaine d'années et qui aurait été le point de départ de la forma- 
tion du « cœur rouge ». Si la question en valait la peine, on pour- 
rait sans doute la résoudre par l’examen d’un nombre suffisant 
de ces Hétres a cœur rouge de la forêt de Soignes : on s’assu- 
rerait de l'existence d’une trace de blessure à la périphérie de 
chacun de ces « cœurs rouges » et on en déterminerait aisément la 
date. 

Au point de vue scientifique, le problème n’a pas grande portée, 
puisque les modifications du bois qui constituent le cœur normal 
et celles qui résultent d’une blessure sont tout à fait similaires : 
c'est là une remarque sur laquelle Frank et Temme ont insisté 
avec raison (°). 

On peut dire, en général, que l’arbre exposé au centre à la 
putréfaction possible de sa moelle et de son vieux bois et, à la péri- 
phérie, à toutes les atteintes du milieu ambiant, se cuirasse 
d'avance, d'un côté par la production du cœur, de l’autre par celle 
du périderme. 


() R. Hartic und R. WEBER, Das Holz der Rothbuche, Berlin, 1888, pp. 31 et 
32; R. HARTIG, Die Veränderungen des Holzhkôrpers mit zunehmendem Baumes- 
alter, etc., Untersuch. aus dem forstbot. Institut zu Miinchen, Bd II et III, et Ale. 
Forst- und Fagdzeitung, avril 1884 (résumé par l’auteur dans Botan, Centralblatt, 
1888, Il, pp. 377-378). 

(7) Voir la bibliographie dans FRANK, Op. cit., pp. 33-43. 


LA RÉCAPITULATION ET L'INNOVATION 


EN 


PMBRYOLOGIE VÉGEÉTALE 


PAR 


JEAN MASSART (:) 


SOMMAIRE 


LA RÉCAPITULATION ET L'INNOVATION EN EMBRYOLO- 
GIE VEGETALE. 


IN TRODUC LION =| Mme) cosas Gt Mn. 0. Ms EN Ur =i = $249 
PRONTOGENIM DE LA PLANTULE L 10 3) fae See SBE 
De PRU EGB IPs de ba lee dre set Es EM CARRE ES ENT frees 
Teen Lee Se easy Soe OLE ep ks a Nu RO ET PANIER NOR 
L'ANPE CO Rah Whee Se eI A CPE PR iy aed CES 
ha WOMIMES PYIMIGITES ue TEE Orr ere oy tee? 
A. Feuilles primaires semblables aux feuilles suivantes . . . . 271 

B. Feuilles primaires succédant aux cotyledons hypogés. . sn 277 
Beuilles prumaires FEMMES. 200001. Ver NT NN ae 
FETES primaires OPposees. A. se ee a 0270 

C. Feuilles primaires des plantes grimpantes et volubles. . . . 280 

D. Feuilles primaires des plantes aquatiques . . . . . . . 286 
FFediles primaires tecapitulatives . 2 = ON CR (20 
RÉSUMER CONCEVGIONS A DRE PF 3 3 : At er Spee a 
BIBPIOGRA PEN ER A CU 20/2000 


(1) Cette note a paru dans le Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, 
t. XXXIII, 1894, 1re partie. 


TOME III, 1894. 


248 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION 


II. ORGANOGÉNIE DE LA FEUILLE 


SAR PRE Ba LAN LPS 
1. Disposition des feuilles 303 
2. Forme des feuilles. . 8 ogee 

A. Organes transitoires . 305 
Poils #7 2 | 1309 
Glandes terminales. a, ie tee et SS Gres 
Stipules . 306 
Stipules assimilatrices . 310 

B. Limbe 311 

Ramitication terminale . 311 
Ramification latérale et ses divers types . 311 
Cladodes ya.) te 4 313 
Etiologie de la ramification Sy ede ae NMR 
Exceptions à la règle 318 
Feuilles plus spécialisées 320 

3. Structure des feuilles . SRE MR a at "5 ot A On oe 

A. Parenchyme oot, REPT TL SR SM A UT 

B. Faisceaux . 324 

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS . : 4 325 

BIBLIOGRAPHIE . Feit P17) | 

TABLE ALPHABÉTIQUE DES GENRES CITES. 4 . ~ =< 0 NN ONNE 


ToME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 249 


INTRODUCTION 


Le développement de l'individu présente en abrégé les diverses 
phases qu'a parcourues l'espèce dans le cours de son évolution : 
l'ontogénie résume la phylogénie, Voila comment les auteurs 
énoncent d'ordinaire le principe de la récapitulation. Formulée en 
premier lieu par Fritz Müller dans son fameux Für Darwin, cette 
règle fut développée surtout par Haeckel dans plusieurs de ses 
ouvrages. 

C’est chez les animaux qu'on rencontre en grand nombre les faits 
sur lesquels est basé le principe. Les Métazoaires passent par une 
phase gastrula, et l’on admet généralement que tous dérivent d'un 
ancêtre lointain, qui ne dépassait pas cette forme. Le cœur de 
l'homme présente successivement les caractères d'un cœur de 
Poisson et d'un cœur de Reptile; ici encore, on admet que les 
Mammifères proviennent de types analogues aux Poissons qui 
donnèrent des descendants reptiliens. 

Disons tout de suite qu'aucun animal ne passe par toutes les 
formes qu'ont successivement revétues ses ancêtres. D'une part, la 
sélection naturelle tend sans cesse à éliminer les phases inutiles; 
d'autre part, pendant le cours du développement individuel, l'or- 
ganisme a besoin de se créer des organes dont ses ancêtres étaient 
totalement dépourvus; enfin, il n'est pas rare de constater des 
transpositions chronologiques : quoique les ancêtres éloignés de 
l’homme aient eu des dents, celles-ci apparaissent seulement lorsque 
les phases ancestrales sont depuis longtemps dépassées. 

En embryologie végétale, les faits de récapitulation sont beau- 
coup plus rares, et les botanistes se sont à peine occupés de vérifier 
si le principe est applicable au développement des végétaux; ce 
qui tient en grande partie à ce que l’embryologie végétale ne forme 


Tome III, 1804. 


250 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


pas un ensemble nettement défini comme l'embryologie animale. 
Ici, l'on n'a qu’à suivre l'œuf depuis ses premières segmentations 
jusqu’au moment où il a produit un individu sexué : en effet, 
l'animal cesse de croître dès qu'il a atteint l’âge adulte. La plante, 
au contraire, croît d’une manière indéfinie : chaque année, un 
chène forme de nouvelles racines, de nouveaux bourgeons, de 
nouvelles fleurs; aussi le botaniste doit-il s'occuper d’abord de 
l’évolution de l'œuf en une jeune plante, puis sur celle-ci, pendant 
toute la durée de son existence, du développement de ses divers 
organes. Chez l'animal, un appareil reste en activité jusqu'à la 
mort; chez la plante, les organes vieillissent vite (*) et sont rem- 
placés par d'autres : elle porte successivement un grand nombre 
d'organes « homodynames » (entrenœuds, feuilles, racines, 
fleurs, etc.), ayant même valeur morphologique. Mais, sur un 
même individu, ces parties sont souvent fort dissemblables. (Voir, 
par exemple, Sagittaria, fig. 1 (*), Lathyrus Aphaca, fig. 37, Sicyos 
angulatus, IV, 64 à 67, et Phyllocactus crenatus, IV, 68 à 73.) Nous 
aurons donc, pour chaque espèce végétale, à étudier la formation 
de la plantule et la succession des rameaux, des feuilles, etc., que 
présente un même individu (ontogénie), et, en second lieu, a 
examiner comment se forme chaque organe en particulier (organo- 
génie). 


= 


= * 


Les matériaux pour ce travail nous ont été fournis principale- 
ment par le Jardin botanique de l'Etat, à Bruxelles. Nous sommes 
heureux de pouvoir remercier ici MM. Crépin, Marchal et Lubbers. 


(*) L’animal élimine au dehors les résidus de sa nutrition; la plante ne peut 
excréter ses déchets que sous forme de vapeurs ou de gaz (eau, anhydride carbo- 
nique); les matiéres solides restent dans les tissus et les encrassent. Aussi les 
végétaux perdent-ils périodiquement les portions vieillies (feuilles, écorce, etc.); 
quant aux tissus dont la plante ne peut se débarrasser, ils ne fonctionnent acti- 
vement que dans leurs parties jeunes. 

(2) Les figures dans le texte sont indiquées par « fig. » suivi du numéro; les 
figures des planches sont indiquées par le numéro de la planche (en chiffres 
romains), suivi du numéro de la figure. 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 251 


Dans la premiere partie, nous nous occuperons des organes 
successifs que présente un individu végétal et nous chercherons a 
établir, pour chaque organe, ce qu’il posséde en fait de legs ances- 
traux. Ceux-ci, on s’en assurera bientôt, sont rares : les plantes 
varient avec une telle facilité que les caractères ancestraux sont 
bientôt effacés pour faire place à des caractères adaptatifs récem- 
ment acquis. 

Nous limitons notre étude aux stades jeunes du végétal. Après 
avoir brièvement indiqué comment se fait le développement de 
l'œuf en embryon, nous nous occuperons de la plantule issue de 
l'embryon lors de la germination. La radicule et la tigelle offrent 
peu d'intérêt, mais nous étudierons d'une manière plus approfondie 
les premières feuilles : cotylédons et feuilles primaires. Nous 
aurons à comparer celles-ci aux feuilles définitives de la plante, et, 
chemin faisant, nous rencontrerons quelques exemples typiques de 
récapitulation. Enfin, nous essaierons de dégager quelques conclu- 
sions, quant aux causes de la rareté de la récapitulation dans 
l'ontogénie des végétaux. 


ToME III, 1894. 


252 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


I. — ONTOGENIE DE LA PLANTULE. 


Pendant le développement de l’œuf en embryon, le jeune orga- 
nisme se nourrit aux dépens de la plante mère et son évolution est 
presque directe (*); le plus souvent, il porte pourtant un organe 
transitoire, le suspenseur, qui par son allongement plonge l'em- 
bryon dans une masse nutritive, l’albumen. Parfois l'embryon 
présente d’autres organes transitoires. Chez le Brugutera ertope- 
tala, Haberlandt (10) (*) a constaté sur les cotylédons la présence de 
cellules destinées à puiser dans les tissus environnants la nourriture 
nécessaire à l'accroissement du volumineux embryon. Il est hors 
de doute que ce dispositif est une acquisition faite par ces plantes 
depuis qu'elles habitent les plages tour a tour inondées et délaissées 
par la marée; l'embryon doit être très gros au moment de sa mise 
en liberté, et la spécialisation de certaines de ses cellules a pour 
objet de favoriser sa croissance. — Dans certaines graines d’Orchi- 
dées, d’après Treub (21), l'albumen fait défaut et l'embryon se 
nourrit par son suspenseur : celui-ci s'étend hors de l'ovule et va 
se mettre en rapport avec les tissus environnants. 

Ces faits n’ont, à notre sens, aucune valeur phylogénique; il n’en 
est plus de même des cas où l'embryon possède les rudiments 
d'une radicule qui ne s'accroît jamais. C’est ce qui a lieu, d'après 
Trécul (20), chez le Nelumbium codophyllum. Cette radicule rudi- 
mentaire est sans doute un organe ancestral qui na plus aucune 
fonction chez l'espèce en question et qui ne se maintient que par 


(*) On observe aussi chez les animaux que les espèces dont le développement 
se fait au sein de l’organisme maternel évoluent plus directement que celles qui 
mènent une vie libre. 

() Les indications bibliographiques (en chiffres gras) relatives à la plantule 
sont réunies à la fin de cette partie du travail. 


| 
| 
| 
| 


TOME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 253 


hérédité. Chez d’autres plantes aquatiques, les Utricularia, d'après 
Goebel (8), toute trace de radicule a disparu. S'il se produisait des 
graines de Nelumbium totalement dépourvues de radicule, elles 
auraient un avantage dans la lutte pour l'existence, puisqu'elles 
n'auraient plus à former d’organe inutile, et la disparition de la 
radicule serait bientôt accomplie. 

Ainsi qu'on le voit, le développement de l'œuf en embryon 
est direct, à part quelques rares exceptions. La condensation de 
l’évolution est en rapport avec le mode de formation de l'embryon. 
Comme l'a dit Sachs, les Phanérogames sont des organismes vivi- 
pares. 


* 
* * 


Dès le moment de la germination, la plantule vit par elle-même, 
et elle est obligée de subvenir en grande partie a ses besoins; mais 
la graine emporte toujours avec elle une masse plus ou moins 
considérable de réserves aux dépens desquelles la germination 
débute. On comprend fort bien que les besoins de la plantule vivant 
partiellement aux frais de sa mère, ne soient pas les mémes que 
ceux de l’adulte; aussi constaterons-nous, dans des cas nombreux, 
qu'elle diffère notablement de l'individu sexué. Divers auteurs, 
particulièrement Haberlandt (9) et Klebs(15),ont montré comment 
lembryon absorbe le contenu de la graine, comment il quitte 
l'enveloppe, comment il perce la couche de terre pour arriver à la 
lumière, comment il déploie ses cotylédons, etc. Nous croyons 
inutile d’insister ici sur ces adaptations, puisque, dans le cours de 
cette étude, nous aurons à diverses reprises l’occasion de nous en 
occuper. 

Il est remarquable que tres souvent chaque bourgeon parcourt 
les diverses phases par lesquelles passe la plantule. Le bourgeon 
hivernant de Sagittaria sagittifolza (fig. 1) donne au printemps des 
feuilles rubanées, immergées, puis des feuilles flottantes, enfin des 
feuilles sagittées. La plantule avait présenté exactement la même 
succession des feuilles. De même encore, on trouve à la base de 
chaque rameau de Vicia Faba quelques feuilles très réduites en 
tout semblables à celles qui se forment lors de la germination. 


Tome III, 1804. 


254 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


Dans la plupart des cas, nous pourrons montrer l'avantage que 
la plantule retire de la présence des feuilles primaires. Les condi- 
tions dans lesquelles se trouve le bourgeon pendant les premiers 
temps de sa croissance, ne sont pas sans analogie avec celles de la 


Fic. 1. — Sagittaria sagittifolia. — A. Bourgeon hivernant avec des 
feuilles membraneuses qui entourent la portion renflée et des feuilles 
enroulées qui protègent le bourgeon (?/.). — B. Feuille immergée 
(t/<). — C. Feuille immergée portant supérieurement un élargisse- 
ment (limbe) (7/;). — D Feuille flottante avec des stomates à la face 
supérieure seulement (!/;). — E. Feuille flottante avec des stomates 
sur les deux faces (1/:). F. Feuille aérienne ('/;). — G. Feuille pro- 
tectrice des bourgeons floraux (1/,). — H. Plantule provenant d’une 
graine semée dans l’eau au-dessus de la vase (1/,). — I. Plantule prove- 
nant d’une graine semée dans l’eau sous une couche de vase (*/2). — 
Dans les figures H et I, C = cotylédon, 1 — 1° feuille. 


plantule : le jeune bourgeon utilise les réserves accumulées dans 
lui et autour de lui, absolument comme l'embryon absorbe les 
réserves de la graine; les semences de Sagittaria, de Nymphaea et 


ToME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 255 


d'autres plantes aquatiques à feuilles émergées ou flottantes 
germent au fond de l'eau, tout comme les bourgeons hivernants 
ou comme les rhizomes au printemps. 


7 
BP: 


RabIcuLe. — Il y aurait à étudier, sur les plantules, la succession 
des racines, des entrenceuds de la tige et des feuilles. Pour ce qui 
est des racines, elles paraissent offrir peu d'intérêt. On sait que 
souvent la radicule est transitoire et est bientôt remplacée par des 
racines nées aux nœuds de la tige; et que diverses Nymphéacées 
(Euryale, Victoria, Nelumbium) manquent totalement de radi- 
cule. 


sd 
> * 


TiGELLE. — Dans la grande majorité des cas, la tige a une struc- 
ture normale et le premier entrenceud possède déjà la structure 
définitive. Il ne manque pourtant pas d’especes dont la tige est 
anormale, soit parce qu’elle contient des faisceaux surnuméraires, 
comme certains Begonia, Gunnera, Piper, Artanthe, diverses Nym- 
phéacées, etc., soit parce que les faisceaux, au lieu d’être disposés 
en un seul cercle, forment deux cercles concentriques (Cucurbita- 
cées), soit, enfin, par réduction du nombre des faisceaux, comme 
chez beaucoup de plantes aquatiques à tige flottante. 

Trécul a étudié les plantules de quelques Nymphéacées. Chez le 
Nuphar luteum (19) et le Victoria regia (20), le premier entrenœud 
(entre les cotylédons et la feuille aciculaire) ne contient qu’un seul 
faisceau à structure rayonnante. Divers Nymphaea (N. alba, den- 
tata, scutifolza et stellata) présentent la mème disposition. Chez le 
Nelumbium codophylium (20), les choses sont tout autres : le pre- 
mier entrenceud contient un cercle central de faisceaux, auquel 
sajoutent, dans le cours du développement, des cercles périphé- 
riques. La tige adulte a une structure analogue. 

L'étude du développement montre que la tige des Cucurbitacées 
renferme en réalité non pas deux cercles, mais un seul cercle de 
faisceaux qui sont alternativement déplacés vers le centre et vers 


Tome III, 1894. 


256 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


la périphérie. Le premier entrenœud de Sicyos angulatus est sou- 
vent très court, mais dans les cas ou il est possible d’y faire des 
coupes transversales, on constate que les dix faisceaux sont rangés 
en un seul cercle. Dans le deuxième entrenœud (IV, 64), le cercle 
n'est plus tout à fait régulier. A mesure que la plante avance en 
âge, ses entrenœuds présentent une disposition des faisceaux qui 
se rapproche de plus en plus de celle de la tige adulte (1V,65 à 67); 
en même temps, les appareils mécaniques accessoires, collenchyme, 
tissu fibreux, se développent davantage. 

Dans la tige d'Ecballium agreste, l'une des rares Cucurbitacées 
non grimpantes, les faisceaux sont rangés en un cercle unique; la 
même disposition existe dès les premiers entrenœuds. 

Chez l'Hippuris et le Ranunculus aquatilis, qui ont un système 
vasculaire très réduit, les premiers entrenœuds offrent déjà la 
mème disposition que ceux de la plante adulte. 


* 
> * 


CoryLEpons. — Les cotylédons doivent être considérés phylogé- 
niquement comme des feuilles qui ont été chargées de fonctions 
spéciales, souvent différentes de celles des feuilles assimilatrices 
ordinaires, et qui, se formant dans la graine, ont dd par cela 
méme subir certaines modifications. La place restreinte que ces 
organes occupent dans la graine, fait qu'ils ne présentent pas 
d'ordinaire de lobes ou de dents et que leur surface est lisse et peu 
étendue. Le plus souvent, les cotylédons sont au même titre que 
les feuilles des organes d’assimilation ; maisils remplissent en outre 
le rôle de réservoirs. Lorsque la dernière fonction devient prépon- 
dérante, il n’est pas rare que les cotylédons cessent complètement 
d’assimiler. On conçoit facilement comment des cotylédons folia- 
cés, les végétaux passent aux cotylédons réservoirs. Les cotylédons 
les plus voisins du type primitif sont probablement ceux qui 
s'accroissent beaucoup lors de la germination, verdissent et 
deviennent semblables aux feuilles primaires. Dans d'autres 
espèces, l'accroissement des cotylédons est plus limité; ils gardent 
sensiblement la forme qu'ils avaient dans la graine, et quoiqu’ils 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 7 12g 


verdissent, leur fonction principale consiste a accumuler des 
réserves. Au stade plus avancé de spécialisation, ils ne s’accroissent 
plus guère et verdissent à peine; mais l'allongement de l’hypoco- 
tyle les amène encore au-dessus du sol. Un pas de plus et l’hypo- 
cotyle reste court, maintenant ainsi les cotylédons sous terre; très 
rarement, les cotylédons quittent néanmoins la graine: dans la 
majorité des cas, les cotyledons hypogés restent enfermés dans 
l'enveloppe de la graine. Enfin, le terme extrème de la spécialisa- 
tion est représenté par l'absence complete de cotylédons. Voyons 
quelques exemples de ces divers cas. 

1. Les cotylédons s’accroissent beaucoup lors de la germination et 
verdissent. 


Fic. 2.— A. Plantago Psyllium.— B. P.maritima. — C. P. Coro- 
nopus. — D. P. lanceolata. — E. P. media. — C = cotyle- 
dons; I, 2, 3... = feuilles successives de la plantule (!/:). 


Tome III. 17 


Tome Ill, 1894. 


258 ; J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


C'est le cas de beaucoup d'espèces a petites graines dont les plan- 
tules ont les cotylédons relativement grands. Trés souvent, les 
cotylédons prennent alors la forme et la structure des feuilles pri- 
maires. Sir John Lubbock (16), dans son étude si complete sur les 
plantules, figure beaucoup d’espéces qui présentent cette disposi- 
tion : Rivina, Embelia, Clerodendron, etc. Il est a remarquer que 
les cotylédons ressemblent, non aux feuilles de la plante adulte, 
mais aux feuilles primaires. Chez les Plantago (fig. 2), cette dis- 
tinction est trés manifeste. Les P. Coronopus et lanceolata, qui ont 
des feuilles primaires linéaires, ont des cotyledons de méme forme. 
Les P. media et major, qui ont des feuilles primaires élargies, ont 
aussi les cotylédons relativement larges. Il en est de même chez 
l'Hippuris (fig. 3), chez le Sagittaria (fig. 1) et jusqu’à un certain 
point chez l’Erodium (fig. 4). 


Fic. 3. — Hippuris vulgaris. — A. Plan- Fie. 4. — Ærodium cicutarium. 
tule trés jeune, dont les cotyledons ne c—cotylédons; 1, 2,3—feuilles 
sont pas encoredégagés del'enveloppe successives (*/1). 
de la graine. — B. et C. Stades plus 
avancés. — c = cotylédons (*/r). 


L'inégalité des cotylédons et leur disposition à des niveaux diffé- 
rents chez les espèces à feuilles alternes, est moins rare qu'on ne le 
suppose généralement. Sir John Lubbock en cite plusieurs 
exemples. Chez l'Hibiscus vesicarius (fig. 5), l'alternance des coty- 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 259 


lédons est la règle; le supérieur est plus grand et sa forme se rap- 
proche davantage de celle des premières feuilles. 

Les plantes à feuilles charnues ont pour la plupart des cotylé- 
dons épais et gorgés d'eau. Ceci est vrai, non seulement pour les 
plantes charnues des lieux secs, telles que Mesembrianthemum 
(fig. 6), Sempervivum, etc., mais encore pour celles qui habitent le 


à Ye 


FiG. 5.— Hibiscus vesicarius. — c—cotylédons (inégaux); Fic. 6. — Mesembrian- 
I, 2, 3... = feuilles successives (#/1). themum tricolor (|). 


littoral : Salicornia (fig. 7), Suaeda, Salsola, Cakile, Lotus cornicu- 
latus crassifolius, Honckeneya peploides, Convolvulus Soldanella 
(fig. 8), etc. Il en est de même pour celles des Monocotylédones qui 
ont un bulbe formé par le renflement de la base des feuilles. La 
graine d’Amaryllis longifolia (fig. 9), par exemple, est trés grosse 
et gorgee d'eau; elle germe au bout d’un ou deux jours et le cotylé- 
don pénètre en terre; tout le liquide contenu dans l’albumen 
s’accumule dans la base du cotylédon où il est mieux abrité contre 
l'évaporation. 

Les Coniferes et les Gnétacées ont, pour la plupart, des cotylé- 


Tome III, 1894. 


260 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


dons qui s’allongent beaucoup lors de la germination. Les cotylé- 
dons sont en nombre considérable, mais peu constant, chez les 
Pinus et les Cedrus; leur nombre se réduit et devient constant pour 
chaque espèce dans d’autres tribus. Le Cryptomeria japonica 
(tig. 10) a trois cotylédons ; les Taxus, les Callitris, les Thuya, les 
Cupressus ont deux cotylédons. Il y a aussi deux cotylédons chez 
les Ephedra (fig. 11). 


Fic. 7. — Salicornia Fic. 8. — Convolvulus Soldanella (*|;). 
herbacea (#1). 


Beaucoup d'Onagracées (Oenothera, Clarkia) présentent un 
phénomene tout particulier, sur lequel Sir John Lubbock (16) a 
attiré l'attention. 

Pendant la germination, la partie proximale (voisine de la base) 
du limbe cotylédonaire s'accroît presque seule, de sorte que le 
cotylédon complètement développé se compose d'une portion dis- 
tale (voisine du sommet) qui a gardé l'aspect qu'elle avait dans la 
graine, et d'une portion proximale, nouvelle, qui a la même struc- 
ture et la même forme que les feuilles primaires. 


Tome Ill, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE, 261 


2. Les cotylédons conservent sensiblement la forme qu'ils avaient 
dans la graine; leur croissance est moins notable que dans le cas 
précédent ; ils sont plus épais et ont plus d’importance comme réser- 
vorrs que comme organes d’assimilation. 


Fic. 9.— Amaryllis longi- Fig. 10. — Cryptomeria  FiG.11.—Æphedra altissr- 
Solia (|r). japonica (°|1). ma. L’enveloppe de la 
graine est restée atta- 
chée sur l’un des coty- 
lédons ({/r). 


Beaucoup de plantes à graines volumineuses sont dans ce cas : 
Papilionacées (Astragalus, fig. 27), Fagus (fig. 12), Casuarina 
(fig. 13), etc. Irmisch (12) a observé que les cotylédons épais et 
ordinairement épigés de Clematis recta et de C. corymbosa restent 
parfois sous terre. 

3. Les cotylédons ne s’accroissent guère; ils sont épigés mats 
deviennent à peine verts; ils se flétrissent bientôt et tombent. 


TOME III, 1894. 


262 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


C'est ce qui se présente pour Dolichos Myodes (fig. 14), Phaseolus 
vulgaris et diverses autres Papilionacées. Sir John Lubbock (16) 
cite encore Trichosanthes palmata, Polygala rarifolia, etc. 


Fic. 12. — Fagus silvatica. — A. Le FiG.13.— Casuarina stricta.— A. Début 
sommet de l'embryon ne s’est pas de la germination. — B. Partie 
encore dégagé de l’enveloppe de la supérieure d’une plantule plus avan- 
graine. — B. Plantule plus avancée, cée (4/r). 


au moment du déplissement des 
cotylédons (1/2). 


Chez les Ardisia crenulata et A. japonica (16) et chez lAnona 
muricata (fig. 14bis) les cotylédons, tout en étant épigés, ne quittent 
pas la graine. D’autres Anona (16) ont des graines qui restent en 
terre, mais l’hypocotyle s'allonge considérablement; l’Anona 
muricata n'en diffère donc que très peu. 

4. Les cotylédons sont hypogés, mais ils sortent de la graine. 

Ce cas est réalisé, d'après Sir John Lubbock (16), chez le Tricho- 
santhes cucumeria, chez l'Edwarsia chilensis, accidentellement 
aussi chez le Thropaeolum majus (fig. 49). 

5. Les cotylédons hypogés restent sous terre el souvent ils ont 
perdu complètement la faculté de verdir. 

C’est ce qu’on trouve chez les Citrus (fig. 34), chez beaucoup de 
Nymphéacées (Nymphaea, fig. 44 et 46, Nelumbium, fig. 45), chez 
les Viciées (Lathyrus, fig. 37 et 39, Vicia, fig. 36) et beaucoup 


hé... 


Tome III, 1804. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 263 


d’autres Papilionacées, chez le Smilax asparagoides (fig. 33), chez 
les Cycas, les Araucaria, le Gingko, etc. 

La transformation de cotylédons épigés en cotylédons hypogés 
n'est possible que pour des graines riches en matières de réserve. 
On comprend que dans ces conditions il importe assez peu à la 
plante d'amener au jour des organes à peu près incapables d’assi- 
miler. Lorsque les graines sont exposées à être ensevelies avant la 


Fic. 14. — Dolichos Myodes. — A. Plantule jeune avec les cotylédons 
déjà ratatinés. — B. Plantule plus avancée; les deux premières 
feuilles sont opposées : leur foliole unique est dépourvue de 
stipelles. — c = le point d'attache des cotylédons (1/;). 


germination sous une couche épaisse de vase, de terre ou de feuilles 
mortes, il sera avantageux pour l'espèce de laisser les cotylédons 
dans la graine et de n’amener a la lumière que la jeune tige. 


TOME III, 1894. 


204 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


I] est a remarquer que plusieurs plantes a cotylédons hypogés 
sont voisines d'espèces a cotylédons très spécialisés : les Plerocarya 
ont des cotyledons profondément découpés; ceux du Juglans regia 
ont conservé les découpures, mais ils ne quittent pas la graine lors 


de la germination, ce qui pourrait bien tenir a ce que la plantule : 


avait trop de peine a extraire de la graine ses gros cotylédons seg- 
mentés. 


FiG. 146. — Anona muricata 
(d’après des plantules issues de 
graines que M. Laurent a rap- 
portées du Congo). — A. Plantule 
jeune encore coiffée de l'enveloppe 
de la graine (1/4). — B. Extrémité 
de cette plantule en coupe pour 
montrer les cotylédons et le bour- { 
geon terminal de la plantule (1/,). Fic. 15. — ris setosa. — Le cotylé- 
— C. Extrémité de la plantule don est engagé dans la graine par 
après la chute des cotylédons (:/,). son extrémité distale (1/;). 


Beaucoup de Monocotylédones ont un cotylédon à fonctions tres 
complexes. La pointe reste engagée dans l’endosperme, où elle 
fonctionne comme sucoir. Le cotylédon s’allonge notablement, mais 
sans verdir. C’est ce qui est réalisé chez l’/ris setosa (fig. 15), chez 
VAmaryllis longifolia (*) (fig. 9), etc. Le cotylédon des Graminées 
verdit en partie. 

6. Les cotylédons manquent complètement; hypocotyle est charnu, 
et c'est en lui que s'accumulent les matières destinées à nourrir l'em- 
bryon pendant la germination. Nous ne connaissons dans cette 


(*) Si nous avons décrit et figuré plus haut l’Asmaryllis longifolia, c'est unique- 


ment pour mettre ensemble toutes les plantes charnues. 


ToME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 265 


catégorie que le Bertholletia excelsa et un Lecythis figurés par Sir 
John Lubbock (16). 

Chez ces plantes, l'absence de cotylédons tient probablement a 
ce qu’elles dérivent d’especes a germination hypogée. Les cotylé- 
dons n’ayant plus aucune fonction foliaire, c’est ’hypocotyle qui 
s’est chargé du rôle de réservoir. 

Les Cuscuta sont également privés de cotylédons; la plantule est 
réduite à une tigelle avec une radicule très peu développée. Mais 
de même que chez les Orobanche, étudiés par Caspary (3), l'absence 
de cotylédons doit être mise sur le compte du parasitisme. 


En résumé, on voit que les cotylédons sont assez variables sui- 
vant les espéces : un méme genre renferme des cotylédons étroits 
et des cotylédons élargis (Plantago, fig. 2). Sans parler des Phaseo- 
lus où la différence est peu marquée (’), il n'est pas très rare que 
dans un mème genre il y ait des espèces a cotylédons nettement 
épigés et d’autres à cotylédons hypogés. 

Le Rhamnus Frangula a des cotylédons épigés; le R. cathartica 
les a hypogés. D'après Winkler (23), le Mercurialis perennis a des 
cotyledons hypogés, tandis que ceux de NW. annua sont épigés. 
Mais l’exemple le plus curieux est fourni par le genre Anemone, 
réétudié en ces derniers temps par de Janczewski (14) et par 
Hildebrand (11). À côté de certaines espèces qui ont des cotylé- 
dons épigés, longuement ou brièvement pétiolés, il en est d'autres 
dont les graines mûres n’ont pas encore la moindre trace de coty- 
lédons : ceux-ci se forment lors de la germination et tantôt ils 
restent petits et hypogés, tantôt ils acquièrent un long pétiole et 
deviennent épigés. 

Dans un autre genre de Renonculacées, Delphinium, les cotylé- 


(*) Tous les Phaseo/us ont les cotylédons non assimilateurs; mais tandis que 
chez le P. vulgaris, Vhypocotyle s’allonge de façon à élever les cotylédons 
au-dessus du sol, chez le ?. mu/tifiorus Vhypocotyle reste court, les cotylédons 
demeurent en terre et ne se dégagent pas de la graine. 


TOME III, 1894. 


266 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


dons sont aussi tres variables. La plupart des espèces, D. Staphy- 
sagria, par exemple (fig. 17), ont des cotylédons développés à la 
façon ordinaire. Le D. nudicaule (fig. 18) a des cotylédons connés 
par tout le pétiole et par la base du limbe. De plus, il n'est pas rare 
que l'un des cotylédons soit plus petit que l’autre. L'un des deux 
peut même manquer complètement, et l'on observe alors que les 
bords du seul cotylédon restant se soudent pour donner à l’ensem- 
ble la forme d'un cornet (’). 


«EN 


FIG. 16. — Cuscuta Epilinum. — 
A. Début de la germination ; l’em- 
bryon n’a pas encore entiérement 
quitté la graine. — B. Plantule 
exécutant déjà des circumnuta- 
tions ; elle possède inférieurement 
une radicule rudimentaire. — 
C. Plantule plus âgée, attachée à 
une tige de Zimum. La radicule 
et la partie inférieure du Cuscuta 
sont flétries (1/;). Fig. 17. — Delphinium Staphysagria (*]1). 


Quelle est la valeur phylogénique des cotylédons? La forme de 
ces organes est trop variable pour qu’il soit possible de lui accorder 
la moindre valeur pour établir les parentés. Il serait également 
erroné de supposer que les cotylédons reproduisent un type ances- 


() H. de Vries (22) a figuré dernièrement des plantules de Helanthus à 
cotylédons connés; grâce à sa sélection, l’anomalie était devenue héréditaire. 
Nous nous occupons de fixer la polycotylédonie chez le Cobaca scandens, ainsi 
que les anomalies que présente le De/phinium nudicaule. 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 267 


tral de feuilles. Tout au plus doit-on admettre que si beaucoup de 
plantes ont encore des cotyledons hypogés sans aucune fonction 
foliaire, c'est un legs d’ancétres qui avaient ces organes mieux 


Fic, 18. — Delphinium nudicaule. — A. Plantule normale avec 
les cotylédons connés; la premiére feuille a déchiré la base du 
tube formé par les pétioles des cotyledons. — Bet C. L’un 
des cotyledons est beaucoup plus petit que l’autre. — D. Plan- 
tule avec un seul cotyledon dont les bords sont connés (1/;). 


développés et capables d’assimiler. De méme encore, les incisions 
des cotylédons de Juglans paraissent être un reste d’un stade 
Pterocarya. 


x 
ae Tag 


FEUILLES PRIMAIRES. — I] est très rare que la plante présente 
pendant tout le cours de son développement des feuilles semblables, 
même en ne tenant pas compte des feuilles qui composent la fleur. 
Beaucoup de plantes dont les feuilles radicales sont longuement 
pétiolées, ont des feuilles caulinaires sessiles, pourvues d'oreillettes 
embrassantes : Lepidium perfoliatum, Doronicum Pardalianches, 
Alchemilla vulgaris, etc.; le plus souvent même, les fleurs naissent 
à l’aisselle de bractées, qui sont des feuilles très réduites. 

On peut ordinairement distinguer sur un rameau de plante 
vivace ou de plante ligneuse les formes suivantes de feuilles : 1° de 
petites feuilles qui garantissent le bourgeon pendant l'hiver (feuilles 
basilaires = Niederblatter); 2° des feuilles assimilatrices bien déve- 


TOME III, 1804. 


268 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


loppées (feuilles moyennes = Laubblatter); 3° vers le haut du 
rameau, il y a de nouveau des feuilles réduites, qui protègent ici 
les fleurs (feuilles apicales — Hochblätter). Les feuilles moyennes 
sont celles qui se rapprochent le plus de la forme ancestrale; chez 
le Sagitlaria (fig. 1), par exemple, ce sont les feuilles sagittées émer- 
gées ; chez les Rosa, on appellera feuilles moyennes, celles qui por- 
tent des folioles bien développées, à l'exclusion des petites écailles 
qui garnissent la base du rameau et des feuilles uniquement stipu- 
laires à l'aisselle desquelles naissent les fleurs : l'ancêtre des Rosa 
avait probablement des feuilles analogues à celles que nous appe- 
lons feuilles moyennes, et non à celles qui sont réduites. La plantule 
de Lathyrus À phaca (fig. 37) porte d’abord des feuilles très réduites, 
puis une ou deux feuilles composées de deux stipules et d’une paire 
de folioles latérales, qui sont les feuilles moyennes, puis une ou 
deux feuilles composées uniquement d’une paire de stipules, enfin 
des feuilles semblables aux précédentes, mais pourvues en outre 
d'une vrille; les fleurs naissent à l’aisselle de ces dernières : chaque 
plante porte donc un nombre très restreint de feuilles moyennes. 
Chez le Ranunculus aquatilis à feuilles submergées lacinées et à 
feuilles flottantes lobées, ce sont les dernières qui sont les feuilles 
moyennes, quoique contrairement aux Kosa et au Lathyrus 
Aphaca, ce soient elles qui sont voisines des fleurs (*). Il en est de 


(*) Tous les individus de X. aquatilis n’ont pas les feuilles moyennes flottantes 
au moment de la floraison; certaines formes, particulièrement celles qui vivent 
en eau profonde, ne produisent que des feuilles immergées à l’aisselle desquelles 
se trouvent les fleurs. Il y a pédogenèse, au sens que les zoologistes attachent à ce 
mot : la reproduction se fait pendant une phase infantile. La pédogenèse est 
fixée définitivement chez d’autres espèces de Ranunculus : R. fluitans, À. diva- 
ricatus, etc., qui ne donnent plus de feuilles flottantes. Il est probable que les 
Ranunculus de la section Batrachium dérivent, par des types tels que R. hedera- 
ceus, d'espèces aquatiques ou marécageuses comme À. sce/eratus dont les pre- 
mières feuilles sont flottantes et qui donnent plus tard des feuilles émergées. 
Par pédogenèse, les feuilles émergées du Æ. sceleratus disparaissent et la plante 
fleurit lorsqu'elle a des feuilles uniquement flottantes (X. hederaceus). Plus tard, 
un stade nouveau est intercalé dans l’ontogénie : l’espèce acquiert des feuilles 
submergées laciniées (2. aquatilis). Enfin, seconde pédogenèse superposée à la 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 269 


même pour le Hedera Helix : les feuilles les moins différentes des 
feuilles ancestrales se trouvent sur les rameaux florifères, dépour- 
vus de crampons. 

I] serait oiseux de discuter s'il y a récapitulation dans les nom- 
breuses espèces où les fleurs naissent à l’aisselle de bractées très 
réduites ou dont l’inflorescence porte des bractées souvent excessi- 


première, les feuilles flottantes disparaissent à leur tour et l’on obtient une 
forme telle que le À. fuitans. 

On pourrait citer d’autres exemples encore : celui des Cabomba est tout à fait 
parallèle à celui des Ranunculus. Le C. aquatica a des feuilles submergées 
laciniées et des feuilles flottantes peltées, portant les fleurs à leur aisselle; il 
arrive parfois que certaines feuilles laciniées aient aussi une fleur. Le C. War- 
mingi n’a plus que des feuilles submergées. 

Les plantes telles que les Va//isneria sont probablement dérivées par pédo- 
genèse de formes présentant la même succession de feuilles que les Sagittaria, 
les Alisma, etc. On sait du reste (voir Goebel, 8) que quand ces dernières 
plantes sont placées en eau profonde ou dans un ruisseau à courant rapide, elles 
fleurissent sans donner de feuilles émergées. 

Des phénomènes analogues s’observent ailleurs que chez les plantes aqua- 
tiques : l’Z/ex Aquifolium, qui d'ordinaire fleurit sur des rameaux à feuilles non 
piquantes sur les bords, donne souvent des fleurs sur les rameaux à feuilles 
piquantes. D’après Marchal, qui s'occupe spécialement d'Hédéracées, il n’y 
aurait pas pédogenèse, même accidentelle, chez les Æedera ; ceux-ci ne fleurissent 
jamais sur les rameaux dorsiventraux pourvus de crampons. Schenck (17) ne 
cite du reste aucune plante grimpante à crampons typique qui présente de la 
pédogenèse. 

Ces divers cas, et bien d’autres que nous pourrions citer, sont dus à la fixation 
héréditaire de la faculté reproductrice pendant une phase infantile; mais celle-ci 
n’a pas de valeur phylogénique : elle représente non un stade ancestral, mais un 
stade intercalé par adaptation. Il en est autrement pour les Xefinispora. Divers 
auteurs, et en particulier Beissner (1), ont montré que ces Conifères sont le 
produit de la fixation de la phase infantile de divers Zhuya, Chamaecyparis, etc.; 
on peut par le bouturage de la forme jeune, obtenir des individus qui ne 
dépassent pas ce stade. Goebel (6) cite, d’après divers auteurs, des exemples de 
Retinispora qui ont fructifié. Nous avons affaire ici à un cas de pédogenèse diffe- 
rent peut-être des précédents en ce que la phase infantile représente un état 
ancestral. 

En présence des nombreux cas de pédogenèse, il est souvent très difficile de 


Tome III, 1894. 
270 .. J, MASSART. — LA RECAPITULATION 
vement petites. Il est bien évident que, dans ces cas, la plante 


donne d’abord des feuilles assimilatrices et que celles-ci rappellent 
un stade ancestral (fig. 19). 


FiG. 19. — Serratula centauroides. — A. Feuille moyenne longuement 
pétiolée. — B, C, D, E. Feuilles apicales de plus en plus réduites. 
— F. Bractée de l’involucre (1/5). 


Nous nous occuperons exclusivement dans ce travail des feuilles 
que porte la plante dans sa jeunesse. Lorsqu'on compare ces feuilles 
primaires à celles de la plante adulte, on constate que tantôt elles 
sont semblables à celles-ci ou n’en différent que par la taille et le 
nombre des parties qui les composent, tantôt elles ont à remplir des 
fonctions différentes de celles qu’assument les feuilles de la plante 
adulte, tantôt enfin elles rappellent un état ancestral. 


fixer la valeur de certaines phases. Ainsi nous verrons que la plantule des 
Lathyrus porte des feuilles dont le segment terminal très réduit est remplacé par 
une petite pointe. Or, en dehors des feuilles basilaires très réduites, les Orobus 
ne donnent que des feuilles analogues à ces feuilles primaires des Zathyrus. Les 
Orobus dérivent-ils par pédogenèse des Lathyrus? ou bien les Lathyrus pro- 
viennent-ils d’ Orvodus qu’ils rappellent encore de façon transitoire? Le problème 
est aussi peu soluble pour certains Conifères ressemblant à des Retinispora et 
qui fleurissent normalement. 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE, 271 


A. — FEUILLES PRIMAIRES SEMBLABLES AUX FEUILLES SUIVANTES. 


C'est le cas de beaucoup le plus fréquent. Nous nous bornerons 
a citer quelques exemples caractéristiques. Les feuilles primaires 
d’Iris (fig. 15) sont bilatérales et distiques. Les feuilles primaires 
des Scorpiurus, de l'Honckeneya peploides, etc., ont les deux faces 
égales, absolument comme les feuilles suivantes. Les feuilles pri- 
maires des Cirstum, des Carduus (fig. 20) sont piquantes sur les 


Fic. 20. — Carduus 
nutans (*/r). 


Fig. 22. — A. Veronica longi- 
folia. — B. V. longifolia 
incisa (?/;). 


Fic. 21. — Potamogeton densus. — La première feuille se trouve à peu près au 
niveau du cotylédon; les feuilles suivantes paraissent opposées (1/1). 


bords; celles de Stlybum Marianum sont déjà veinées. Les plantules 
de Casuarina (fig. 13), d’Ephedra (fig. 11) et de beaucoup d’autres 
plantes à feuilles peu développées, ont les mêmes feuilles qu'à 
l’état adulte. Le Potamogeton densus est l’une des rares Monocot y- 
lédones dont les feuilles soient (en apparence) opposées. Cette 
disposition est réalisée dès les premières feuilles. 

Parmi les plantes qui offrent le plus d'intérêt au point de vue de 
la récapitulation, il faut citer les variétés nées dans les cultures : 
toutes celles que nous avons pu étudier sont dépourvues de tout 
stade récapitulatif. Le Veronica longifolia incisa a des feuilles pri- 


‘Tome III, 1894. 


272 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


maires déja découpées (fig. 22). Les légumes a feuilles frisées 
(Petroselinum, Cichorium, etc.) ont des feuilles frisées dès l’origine; 
il en est de même de beaucoup de Fougères (Pteris, Adiantum, etc.) 
dont les feuilles sont « crispées ». Les plantes panachées qui se 
reproduisent par semis (Zea Mays, Apium, etc.) ont les premières 
feuilles panachées. Les divers légumes à feuilles rouges ou pour- 
pres (Beta, Brassica, Lactuca, etc.) ont leurs feuilles primaires et 
souvent les cotylédons colorés. Chez les Cobaea scandens, on peut, 
a la teinte des plantules, distinguer les individus à fleurs pourpres 
de ceux qui auront les fleurs blanches. 


Fic. 23. — Centaurea melitensis. — Plantule (1/1). — B. Feuille d’une 
plantule adulte (:/;). 


La similitude des feuilles primaires et des feuilles suivantes est 
aussi très nette chez les plantes grasses (8, 16) : aussi bien celles 
qui accumulent l’eau dans les feuilles et la tige que celles qui ont 
un bulbe, possèdent déjà ces organes charnus dès la première 
feuille et souvent dès les cotylédons (fig. 6, 7, 8, 9). Ces plantes 
habitent des pays très secs, où les espèces qui sont pourvues d’un 
réservoir d'eau peuvent presque seules se maintenir. Si les plan- 
tules passaient par un stade ancestral et étaient privées de réser- 


Tome III, 1894. 
ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 273 
voir, elles succomberaient inévitablement; la sélection naturelle 


doit donc intervenir ici très efficacement pour empécher la récapi- 
tulation. — 


Fic. 24. — Lepidium 
perfoliatum (1/1). 


Fic. 25. — Laserpitium glabrum (*/,). Fic. 26.— Eryngium maritimum (#2). 


La similitude des feuilles primaires et des feuilles suivantes est 
souvent moins nette. 
Tome III. 18 


Tome III, 1894. 


274 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


Beaucoup de plantes dont les feuilles sont profondément lobées, 
ont des feuilles primaires à peine lobées ou bien formées d’un 
nombre de segments moindre que les feuilles ultérieures : Hibiscus 
vesicarius (fig. 5), Centaurea melitensis (fig. 23), Lepidium perfolia- 
tum (fig. 24), etc. Lorsque les feuilles moyennes sont composées 
d'un nombre considérable de segments, il n’est pas rare que les 
feuilles primaires ne portent qu'un seul de ces segments. C'est ce 
qui a lieu chez la plupart des Ombellacées : Laserpitium (fig. 25), 


Fic. 27. — Astragalus baeticus (1/1). Fic. 28. — Ornithopus 
(L’un des cotylédons est enlevé.) sativus (2/1). 


Eryngium (fig. 26), etc. Cet unique segment a la méme structure 
que ceux qui forment les feuilles suivantes. La premiere feuille des 
Adiantum ne comprend également qu’un segment. Ce qui montre 
bien qu'il ne s’agit pas ici d'un stade récapitulatif, c'est qu'un 
Adiantum adulte mis dans des conditions peu favorables refait des 
feuilles d’un aspect analogue. Il suffit de couper toutes les feuilles 


“Pee 


Tome III, 1804. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 275 


d’un individu pour qu'il donne de nouvelles feuilles réduites a un 
segment. La même expérience est souvent réalisée accidentelle- 
ment pour les Asplenium Trichomanes et A. Ruta-muraria qui 
croissent entre les joints des murailles. 


Fic. 29. — Æippocrepis  F1G. 30.— Trigonella FIG. 31. — Begonia 
multisiliquosa (*/2). caerulea (*/1). Evansiana (4];). 


Chez les Papilionacées, on rencontre tous les intermédiaires 
entre les formes dont les feuilles primaires sont unifoliolées jusqu'à 
celles chez qui elles comprennent un grand nombre de folioles. Ce 
dernier cas est réalisé, par exemple, chez l’Aséragalus baeticus 
(fig. 27) et l'Ornithopus sativus (fig. 28). La première feuille d’Hzp- 
pocrepis (fig. 29) n'a que trois folioles. La première feuille des 
Trifoliées est à une seule foliole : Medicago, Melilotus, Trifolium, 
Trigonella (fig. 30), etc. Chez certains Ononis (O. repens maritima, 


TOME III, 1894. 


276 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


O. Natrix, etc.), ce stade unifoliolé est conservé longtemps. Les 
Phaséolées (Dolichos, fig. 14) ont également les feuilles primaires 
composées d’une seule foliole : de même que chez les Trifoliées, 
elle est pourvue d’un bourrelet moteur; mais elle manque de sti- 
pelles et diffère par sa forme de celles qui constituent les feuilles 
suivantes. Les Citrus (fig. 34) et les Thalictrum ont des plantules 
qui ne sont pas sans analogie avec celles des Phaséolées : les feuilles 
primaires des Citrus sont privées des ailes latérales du pétiole et 
celui-ci ne s'articule pas avec le foliole ; de même que les feuilles pri- 
maires des Phaséolées, celles des Citrus sont opposées. Les feuilles 
primaires des Thalictrum manquent de stipelles. 

Jusqu'à quel point les feuilles primaires simplifiées dont nous 
venons de citer quelques exemples, peuvent-elles être considérées 
comme représentant un stade ancestral? Nous ne saurions le dire, 
mais nous doutons beaucoup que l'on en puisse déduire un rensei- 
gnement phylogénique. Les feuilles des plantules étant générale- 
ment plus petites que celles de la plante adulte, on doit s'attendre 
à ce quelles se composent d'un nombre moindre de lobes, de 
segments ou de folioles : en théorie, deux feuilles d’une même 
plante peuvent être inégalement grandes soit par diminution du 
nombre des parties semblables, soit par réduction de la taille des 
diverses parties. leur nombre restant le mème; c’est toujours le pre- 
mier cas qui se réalise. Les observations de Sachs (Flora, LXXVII, 
p. 49, 1893) et de Amelung (/bid., p. 176) montrent que les mêmes 
règles s'appliquent aux cellules, éléments constitutifs des organes : 
la dimension de ceux-ci dépend, non de la dimension des cellules, 
mais de leur nombre. 

On pourrait aussi se demander si les Begonia présentent un stade 
récapitulatif; la première feuille de la plupart des espèces (fig. 31) 
est symétrique; l’asymétrie apparaît de plus en plus prononcée 
dans les feuilles successives. 


dd n. 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 277 


B. — FEUILLES PRIMAIRES SUCCÉDANT AUX COTYLÉDONS HYPOGÉS. 


Nous avons vu plus haut que chez beaucoup d'espèces, les cotylé- 
dons servent uniquement de magasins dans lesquels la plante 
mère accumule des aliments destinés à la plantule. Dans ces condi- 
tions, certaines plantes ont des feuilles primaires très réduites, 
d’autres ont les deux premières feuilles opposées, comme pour 
remplacer au point de vue de l'assimilation les cotylédons restés 
dans la graine. 


a. Feuilles primaires réduites. — Les graines, et particulièrement 
celles des espèces à germination hypogée, sont souvent enfouies 
sous une couche épaisse de terre, de vase, de feuilles mortes, de 
détritus de toute espèce. Il s’agit donc pour la plantule d'amener 
au jour son bourgeon terminal. La réduction considérable que 
subissent les feuilles de beaucoup de plantes à graines très grosses 
et très denses, doit faciliter beaucoup le passage de l'épicotyle au 
travers des matériaux qui recouvrent la graine; si les feuilles 
étaient développées comme elles le sont dans les plantules à cotylé- 
dons épigés, elles s’accrocheraient inévitablement en chemin et la 
plantule risquerait fort de ne point parvenir au-dessus du sol. 

Chez les plantes dont il est question ici, la réduction des feuilles 
primaires est tellement bien fixée par l’hérédité, que ces feuilles ne 
se développent pas même lorsqu'elles sont placées à la lumière. 
Nous avons cultivé comparativement à la lumière et à l'obscurité 
des plantules de divers Vicia, Pisum, Lathyrus, Cicer, Faba, etc. 
Dans tous les cas, les feuilles primaires produites à l'obscurité 
avaient les mêmes dimensions que celles qui avaient poussé à la 
lumière. Les graines des deux séries d'expériences étaient semées 
sur la terre de façon à mettre les plantules à la lumière depuis 
les premiers temps de la germination. 

Ces feuilles très réduites n'ont évidemment aucune valeur phylo- 
génique. Si la plante les conserve, c'est uniquement comme por- 
teurs et protecteurs de bourgeons axillaires. La réduction des 


TOME III, 1894. 


278 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


feuilles primaires doit élre considérée comme un caractère adaptatif. 
En effet, a part quelques exceptions, a part aussi les espéces a 
feuilles primaires opposées dont nous parlons plus loin, toutes les 
plantes à germination hypogée ont les premières feuilles tres 
petites, quel que soit le groupe auquel elles appartiennent. Parmi 
les Dicotylédones, citons les Viciées (sauf Abrus) (fig. 32, 36, 37, 39), 
Nymphaea (fig. 44, 46), Quercus, Bertholletia, Lecythis et bien 
d'autres figurés par Sir John Lubbock (16). Chez la plupart des 
Monocotylédones, la réduction des feuilles primaires n'aurait pas 
de raison d'être, les feuilles et le cotylédon linéaire traversant faci- 
lement le sol; la réduction est pourtant très nette chez le Smilax 


Fic. 32. — Lathyrus Fic. 33. — Smilax Fi. 34. — Citrus aurantium. 
Nissolia (*|1). asparagoides (*]1). c — point d’attache des 
cotyledons (*/,). 


asparagoides (fig. 33). Les Conifères ne renferment, a notre connais- 
sance, que deux genres a cotylédons hypogés: Gingko et Araucaria; 
tous deux ont les premiéres feuilles réduites. Ajoutons que les 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 279 


Chara se conduisent de même : la spore est très volumineuse et 
renferme une masse considérable de réserves; lors de la germina- 
tion, le premier nœud ne donne pas de feuilles. 


B. Feuilles primaires opposées. — Chez d'autres plantes à cotylé- 
dons hypogés (Citrus, fig. 34, Tropaeolum, fig. 40, etc.), ainsi que 
chez quelques espèces à cotylédons peu assimilateurs (Dolichos, 
fig. 14, Caesalpinia, fig. 51, Fagus, Cobaea, fig. 35), les deux pre- 
mières feuilles sont opposées. La disposition de ces feuilles au 
même niveau est beaucoup plus nette chez les premières plantes 


Fic. 35. — Cobaea scandens. — A et B. Plantules; les 
feuilles de la seconde se terminent en vrilles. — 
C. Jeune feuille d’une plante adulte (1/,). 


que chez celles que nous citons en second lieu. Chez ces diverses 
espèces, les deux premières feuilles paraissent remplacer, au point 
de vue fonctionnel, les cotylédons peu aptes à l’assimilation ; il est 
certain que dans des plantes telles que Cobaea (fig. 35) et Fagus 
(fig. 12), les cotylédons, quoique devenant verts, doivent être gènés 
dans leur fonctionnement par les réserves qui y sont accumulées. 
Les feuilles primaires opposées sont déjà ébauchées dans la graine 
mûre, et de même que pour les cotylédons, leur disposition au 
même niveau sembie avoir quelque rapport avec leur formation 
hative. 


* 
* * 


Tome III, 1894. 


280 J. MASSART, — LA RECAPITULATION 


C. — FEUILLES PRIMAIRES DES PLANTES GRIMPANTES OU VOLUBLES. 


a. Les plantes grimpantes pourvues de crampons et à rameaux 
dorsiventraux présentent cette disposition depuis leur jeunesse. 
Les tout premiers entrenœuds de Hedera (2) sont semblables a 
ceux que produit la plante jusqu’au moment où elle fleurit. 

8. Quant aux plantes volubles, on sait que les premiers entre- 
nœuds n'exécutent que des nutations insuffisantes pour amener 
l’enroulement. Il serait du reste absolument inutile que les plan- 
tules, parfaitement aptes à se soutenir elles-mêmes, cherchassent 
déjà un support. Chez les Cuscuta, obligés sous peine de mort de 
trouver immédiatement une plante nourricière, l'enroulement 
commence beaucoup plus tôt, presque au sortir de la graine (fig. 16). 

y. Les choses sont plus complexes chez les plantes à vrilles 
foliaires. On peut dire d'une façon générale que les feuilles pri- 
maires ne fonctionnent pas comme vrilles; cette règle s'applique 
aux diverses catégories : 1° plantes dont les segments peu différen- 
ciés sont sensibles au contact et s'’accrochent aux corps voisins, 
Corydalis, Adlumia, Fumaria, etc.; 2° celles qui grimpent à l’aide 
de leur pétiole : Tropaeolum, Nepenthes, etc. ; 3° celles dont les 
feuilles se terminent par un filament préhensible : Flagellaria, 
Gloriosa, etc.; 4° celles qui ont des vrilles bien différenciées : 
Cobaea (fig. 35), Sicyos et autres Cucurbitacées, Vicia (fig. 36 et 41), 
Lathyrus (fig. 37, 39 et 40) et la plupart des Viciées (*). Toutes ces 
espèces donnent des feuilles primaires dépourvues de vrilles. Chez 
le Cobaea (fig. 35), les feuilles primaires sont le plus souvent nette- 
ment récapitulatives et pourvues d'un segment terminal. Il n'est 
pourtant pas très rare que les premières feuilles soient terminées 
en vrilles qui alors portent le plus souvent de petits bouts de 


(*) Pour tous les détails relatifs aux plantes grimpantes et aux plantes volu- 
bles, consultez Darwin (4) et Schenck (17). 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 281 


limbe; ces vrilles sont moins ramifiées que celles des feuilles adultes. 
Les espèces vivaces parmi les Viciées et les Cucurbitacées pro- 


Fig. 36. — Vicia monanthos (1\;). Fic. 37. — Lathyrus Aphaca. — 
Les feuilles 4 et 5 portent cha- 
cune une paire de folioles (1/;). 
— (La racine est garnie de no- 
dosités.) 


duisent chaque année au printemps des pousses dont les premières 
feuilles sont dépourvues de vrilles, tout comme les premières 
feuilles des plantules. 


TOME III, 1894. 


282 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION 


Les Viciées ont des feuilles extrêmement polymorphes. Les 
espèces grimpantes doivent être considérées comme dérivant de 
formes dressées, à feuilles imparipennées, telles que Cicer arieti- 
num. Chez les formes les plus typiques, Vicia monanthos, par 
exemple (fig. 36), les plantules produisent d’abord de une à trois 
feuilles très petites, succédant aux cotylédons hypogés, puis des 
feuilles pourvues de folioles latérales et terminées par une petite 
pointe, enfin des feuilles qui se terminent en une vrille simple ou 
ramifiée. 


Fic. 38. — Lathyrus Aphaca unifoliatus (|). — (D'après un échantillon 
d’herbier.) 


Chez plusieurs Vicia (V. picta, monanthos, varia, etc.), il yaune 
hétérophyllie assez inexplicable : les folioles que portent les feuilles 
de l'axe principal (fig. 36) sont linéaires et se terminent en pointe, 
tandis que les feuilles des rameaux latéraux ont des folioles plus 
courtes, souvent échancrées au sommet. Ces différences s’éteignent 
a mesure qu'on s élève sur l’axe principal et sur les rameaux : les 
feuilles de la plante adulte sont toutes lancéolées et mucronées. 

Nous avons déjà décrit antérieurement la succession des feuilles 
chez le Lathyrus Aphaca (fig. 37). Faisons remarquer seulement 
que les feuilles de la plante adulte ont une vrille unique sans 
aucune trace de folioles latérales ou des vrilles qui les remplace- 
raient. La disparition des folioles sur les feuilles définitives est 
tellement complète, que lorsque accidentellement la vrille est de 
nouveau remplacée par un limbe (dans la forme unifoliatus, fig. 38), 


—" 


| sie 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 283 


il se produit une foliole terminale et non des folioles latérales (*). 
I] serait intéressant de connaître le développement de cette forme 
anormale, afin de savoir si elle présente aussi quelques feuilles 
transitoires a folioles latérales. 


45] 


Fic. 39. — Lathyrus tenuifolius. — A et B. Plantules à deux états de 
développement. — C a J. Quelques formes de feuilles successives (*/,). 
— (La racine est garnie de nodosités.) 


(*) Cet exemple montre combien les indications fournies par la tératologie 
sont vagues et sujettes à caution. La forme wxifo/iatus ne reproduit pas un stade 
ancestral, qui était certainement pourvu de folioles latérales; elle nous présente 
quelque chose de neuf, n’ayant jamais existé dans l'évolution du Zafhyrus Aphaca. 
Mais si nous ne connaissions pas l’ontogénie de l'espèce, ce cas tératologique 
nous induirait nécessairement en erreur. 


TOME III, 1894. 


284 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


Très curieuses sont aussi les formes telles que Lathyrus tenuifolius 
(fig. 39) et L. Ochrus (fig. 40), chez lesquelles un nouveau stade est 
intercalé. Les deux espèces ne diffèrent qu'en des points de détail. 
Après les toutes premières feuilles très réduites et dépourvues de 
toute trace de stipules, il se forme des feuilles semblables à celles-ci, 
mais plus grandes. Un peu plus haut apparaissent des feuilles 
privées encore de stipules, et dont le pétiole élargi porte supérieu- 
rement une ou plusieurs vrilles accompagnées ou non d’une foliole. 


Fic. 40. — Lathyrus Ochrus. — Quelques formes de feuilles 
successives (1/,). — (D’après un échantillon d’herbier.) 


On passe ainsi graduellement aux feuilles définitives qui, chez le 
Lathyrus Ochrus, ont un pétiole élargi: tandis que celles du 
L. tenuifolius dépassent ce stade et ont un pétiole non ailé. Le 
premier serait donc probablement dérivé par pédogenèse d'une 
forme analogue au L. fenuifolius. 

D'après Darwin (4) et Schenck (17), le Lathyrus Nissolia (fig. 32) 
proviendrait d’une espéce grimpante voisine du L. Ochrus. Cette 
plante ne donne jamais de vrilles : apres deux feuilles très réduites, 


TOoME"’III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 285 


il se forme des feuilles semblables à celles qui suivront, linéaires 
et pourvues de deux petites stipules sétacées; la présence de ces 
stipules montre, à notre avis, que le Lathyrus Nissolia ne dérive 
pas d’une forme analogue à celles dont nous venons de parler. 

Quelques autres Viciées (Orobus, Faba, etc.) sont dépourvues de 
vrilles : leurs feuilles se terminent en une petite pointe ou en une 
minuscule foliole; elles n'ont jamais, même transitoirement, des 
feuilles avec une vrille ou avec une foliole terminale bien déve- 
loppée. Il ne nous paraît pas possible de décider si elles dérivent 
par pédogenèse de plantes grimpantes, ou si elles ont, au contraire, 
donné naissance à ces dernières. 


Fic. 41. — Vicia pyrenaica (*/,). — (D'après un échantillon d’herbier.) 


Parmi les diverses Viciées grimpantes que nous avons examinées, 
il n'en est qu'une qui présente des feuilles pourvues d’une foliole 
terminale : c’est le Vicia pyrenaica (fig. 41). D'après Schenck (17), 
cette espèce ne serait pas toujours nettement grimpante et man- 
querait fréquemment de vrilles. Cet auteur la considère comme 
dérivant de types grimpants; nous croyons, au contraire, qu'elle 
représente une forme assez primitive du groupe, voisine des Vicia 


argentea, qui, d’après Schenck, porte des folioles terminales bien 
développées. 


* 
+ « 


TOME III, 1894. 


286 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


D. — FEUILLES PRIMAIRES DES PLANTES AQUATIQUES. 


Certaines plantes aquatiques ont des graines ou des spores flot- 
tantes qui germent à la surface de l’eau : Azolla, Salvinia, Lemna, 
Pistia, Trionaea, etc. La plantule développe d'abord un organe 
spécial destiné à assurer le flottement de l'organisme. Goebel (8) a 
étudié en détail et figuré un grand nombre de ces plantules : nous 
n'avons pas à y revenir ici. 

La plupart des espèces aquatiques ont des graines qui flottent 
pendant quelque temps et qui souvent sont munies à cet effet d'une 
couche assez épaisse de tissu aérifère (Nymphaea, Aponogeton), 
mais qui finissent par aller au fond. Là elles sont souvent recou- 
vertes d'une couche de sédiments vaseux. Lors de la germination, 
il s'agira d'amener le bourgeon à la lumière. Chez les Monocotylé- 
dones, c’est le cotylédon qui entre en jeu. Après avoir exécuté quel- 
ques nutations, le cotylédon prend une position verticale et s'accroît 
directement vers le haut. En même temps que lui, l’hypocotyle 
s’allonge aussi considérablement. L’accroissement ne s'arrête que 
lorsque la base du cotylédon est parvenue au-dessus de la vase; à 
ce moment, le cotylédon se rejette sur le côté de façon à permettre 
au bourgeon qu'il porte à sa base de se développer librement. Il 
résulte de ce mode de croissance que la longueur de lhypocotyle 
se règle exactement sur l'épaisseur de la couche de vase qui sur- 
monte la graine en germination (*) (voir fig. 1). Nous avons observé 
ces faits chez divers Sagittaria (fig. 1), Alisma, Damasonium, Pota- 
mogeton (fig. 21), Zannichellia, Triglochin (fig. 42). Les Chara 
germent exactement suivant le même type (voir les figures de de 
Bary dans Botanische Zeitung, 1875, pl. V et VII). Lorsque les 
spores germent au-dessus de la vase, la plante définitive se forme 
contre la spore; lorsque la germination se fait sous la vase, il se 


(1) C’est du reste par une série de phénomènes sensiblement analogues que les 
Monocotylédones terrestres aménent au jour leur bourgeon. 


ri , 
oe ee SS eee 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 287 


produit un allongement considérable — et égal à l'épaisseur de la 
couche de vase — de la portion du proembryon comprise entre la 
spore et l'insertion de la plantule définitive. 

Parmi les Monocotylédones aquatiques, le Calla palustris est 
l’une des rares plantes qui germent suivant un autre type. Le 
cotylédon reste court ainsi que l’hypocotyle. Aussi les graines qui 
sont semées sous la vase refusent-elles de germer. 

Il en est encore de mème de l’A ponogeton distachyum : le cotylé- 
don reste ici enfoui dans la graine. 


Fig. 42. — ZTriglochin maritimus Fic. 43. — Calla palustris, — Sta- 
semé dans l’eau sous une couche des successifs de la germination 
trés peu épaisse de vase (3/,). ia 


Les Dicotylédones aquatiques renferment un certain nombre de 
formes dont les deux cotylédons restent unis pendant la germina- 
tion, et coiffés de l'enveloppe de la graine (Hippuris, fig. 3). La 
plantule croît ainsi verticalement par l'allongement de l'hypoco- 
tyle jusqu’à ce qu'elle soit arrivée à la lumière; puis les deux coty- 
lédons s’écartent l’un de l’autre pour livrer passage au bourgeon. 

La germination des Nymphéacées à cotylédons hypogés est tout 
autre. Chez les Nymphaea (fig. 44), les Nuphar, le Victoria, elle 
se fait suivant le méme type fonctionnel que chez les Sagittaria, 
Potamogeton, etc. Seulement ce n’est pas ici un cotylédon et 
l'hypocotyle qui s’allongent, c'est la premiere feuille et le premier 
entrenceud. Lors de la germination, les pétioles des cotylédons 


Tome III, 1894. 


288 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


s’accroissent un peu et poussent au dehors la tigelle et la radicule; 
celle ci reste d'abord stationnaire et ne forme que quelques poils. 
En même temps, la tigelle et la première feuille se développent; 


Wa 
en 


=: 


/ 
2 | 3 | 
| 

Limon c | 


Fic. 44. — Nymphaea alba semé sur la vase et à diverses profondeurs sous 
la vase. — 1, 2, 3, stades successifs d’une même plantule (*/,). 


leur allongement ne cesse que lorsque le sommet de la première 
feuille arrive à la lumière. Dès ce moment, l'allongement du pre- 
mier entrenœud devient beaucoup plus lent et le bourgeon termi- 
nal commence à son tour à s'accroître. Maintenant seulement se 


D 16, Gq 
| i 


4 
‘ 
1 
| 


TOME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 289 


forme la radicule. Le premier entrenoeud est peu complexe et ne 
contient qu'un seul faisceau central a structure rayonnante; son 
rôle est terminé et cet article disparait dès que les cotylédons sont 
vides et que la jeune plante a émis des racines au premier nœud. 
Goebel (8) figure une plantule d'une autre Nymphéacée, le 
Cabomba : apres les cotylédons hypogés, il se forme deux feuilles 
linéaires, puis des feuilles segmentées. 


FiG. 45. — Nelumbium codophyllum Fic. 46. — Nymphaea dentata. — 
C4) A. Plantule avec deux feuiiles. — 
B et C. Feuilles prises à des plan- 

tules plus âgées. 


La germination des Nelumbium (fig. 45) est encore différente. 
Les graines ne germent pas lorsqu'elles sont enfouies sous la vase. 
Tous les entrenœuds sont raccourcis et les premières feuilles ont 
un long pétiole. 

La grande majorité des plantes aquatiques produisent donc 
d’abord un appareil (cotylédons ou feuille) qui a spécialement pour 
but de traverser la vase. Ensuite il se forme généralement des 

Tome III. 19 


TOME III, 1804. 


290 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION 


feuilles submergées qui appartiennent à deux types très différents : 
profondément laciniées ou entières. 

Les Ranunculus de la section Batrachium, le Bidens Beckii(8), etc., 
ont des feuilles primaires du premier type; plus tard seulement 
apparaissent les feuilles flottantes beaucoup moins découpées à ~ 
l’aisselle desquelles se forment les fleurs. Il est probable que les 
Myriophyllum, les Ceratophyllum, etc., sont au même titre que les 
Ranunculus divaricatus, R. fluitans, etc., des dérivés pédogené- 
tiques de formes à feuilles d'abord submergées puis flottantes. 

Les espèces dont les premières feuilles sont entières, sont beau- 
coup plus nombreuses. On en trouve des exemples parmi les 
Phanérogames les plus diverses. Les Calla palustris (fig. 43), 
Triglochin (fig. 42), Sagiltaria (fig. 1), Alisma, Damasonium, 
Eichhornia, Nymphaea (fig. 44 et 46), Nuphar, Victoria, etc., 
appartiennent à cette catégorie. Le nombre de formes qu'affectent 
les feuilles successives d'une même espèce est souvent considérable. 
Le Nymphaea dentata, par exemple (fig. 46), donne une première 
feuille aciculaire, puis des feuilles submergées minces et étroites, 
puis des feuilles submergées de plus en plus larges et devenant 
mème cordées à la base, puis des feuilles flottantes à bord entier; 
en dernier lieu, les feuilles dentées caractéristiques. 

Le fait que des feuilles primaires submergées existent dans les 
familles les plus éloignées, montre déjà que ce n'est pas un stade 
récapitulatif, mais simplement un stade intercalé par adaptation. 
Les Nuphar luteum et N. pumilum donnent chaque printemps des 
feuilles minces submergées avant les feuilles flottantes. 

Le Nelumbium codophyllum étudié par Trécul (20) ne donne 
jamais de feuilles submergées ; il produit d'emblée des feuilles flot- 
tantes (fig. 45). Chez cette plante, les feuilles émergées dérivent 
manifestement de feuilles flottantes : d'après Goebel (8), elles n'ont 
de stomates que sur la face supérieure. Les feuilles flottantes 
seraient donc récapitulatives et rappelleraient le stade où les 
ancêtres de l’espèce n'avaient que des feuilles de ce type. 

Nous pensons qu’il en est de même pour les Ranunculus Flam- 
mula (fig. 47) et R. Lingua (fig. 48). Lors de la germination, la 
plantule produit des feuilles élargies a bords dentés, qui ressem- 
blent beaucoup plus aux feuilles des autres Ranunculus que les 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 291 


feuilles définitives. Il est à remarquer que ces feuilles ont presque 
exclusivement des stomates à la face supérieure, ce qui indiquerait 
qu'elles représentent un stade ancestral. Chaque printemps, la 


Fic. 47. — Ranunculus Flammula. Fic. 48. — Ranunculus Lingua. — 
A. Plantule. — B. Feuille prise A. Plantule. — B. Feuille prise 
au printemps sur une plante au printemps sur une plante 
adulte (*/,). adulte (*/;). 


plante forme quelques feuilles qui rappellent par leur forme ét par 
la distribution des stomates les feuilles primaires de la plantule. 
Nous aurions donc ici un exemple de récapitulation gemmaire, 
c’est-à-dire dans l’ontogenie de chaque bourgeon, superposée à la 
récapitulation plantulaire. 


* 
cere: 


Nous avons vu que chez les plantes grimpantes a crampons, nous 
avons affaire a une phase intercalée dans le développement; cette 
phase fait place au stade définitif (phylogéniquement le plus ancien) 


TOME III, 1894. 


292 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


a ee EE 


lorsque la plante a atteint le sommet de l’arbre ou la crête du mur 
contre lequel elle grimpe. Les plantes aquatiques présentent 
quelque chose d’analogue : elles donnent d’abord des feuilles sub- 
mergées et ne produisent de feuilles définitives que lorsqu'elles 
peuvent les étaler à la surface de l’eau. A ces exemples, on peut 
encore ajouter celui de certaines plantes épineuses, telles que l'Ilex : 
aussi longtemps que l’arbuste a besoin de se protéger contre les 
Mammifères, il donne des feuilles épineuses, représentant un stade 
intercalé; dès qu'il dépasse une certaine taille et se trouve hors de 
l'atteinte des animaux, les feuilles ancestrales, à bord entier, repa- 
raissent. 

Dans ces divers cas, le stade intercalé peut durer pendant un 
temps très long; le plus souvent le moment de la floraison coincide 
avec celui de l'apparition du stade ancestral. Mais nous connaissons 
bon nombre de cas où par pédogenèse accidentelle ou normale, la 
floraison est plus hâtive. 


* 
* + 


\ 
E. — FEUILLES PRIMAIRES RECAPITULATIVES. 


À diverses reprises, nous avons eu l’occasion de citer des 
exemples de végétaux dont les feuilles primaires rappellent plus 
ou moins les feuilles ancestrales. Mais c’étaient le plus souvent des 
exemples assez douteux. Examinons maintenant quelques cas 
typiques. 

Le Phyllocactus crenatus présente très nettement la récapitula- 
tion gemmaire. Nous avons vu précédemment que les Cactacées, 
comme la plupart des plantes grasses, sont charnues dès le début 
de leur existence; ces espèces croissent dans des conditions telles 
que si les plantules n'étaient pas bien garanties contre la sécheresse, 
elles périraient inévitablement. Elles ne sont pas simplement 
charnues; elles ont à défendre leur réserve d’eau contre les ani- 
maux et elles sont très efficacement protégées par leur armure 
d'épines et souvent aussi par leur goût désagréable, Or, un certain 
nombre d'espèces de RAipsalis et de Phyllocactus vivent en épi- 


TOME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 203 


phytes et ne sont donc pas exposées aux attaques des Mammifères : 
a l’âge adulte, elles n'ont pas d’épines; mais d’après les observa- 
tions concordantes d’Irmisch (13) et de Goebel (8), leurs plantules 
sont souvent anguleuses, ou tout au moins garnies d’épines, ce qui 
indique que ces genres dérivent probablement de formes voisines 
des Cereus. D'après ce que nous a dit Lubbers, le P. crenatus a 
également des plantules épineuses. Cette espèce est remarquable 
par l’extréme polymorphie de ses rameaux; les uns sont aplatis et 
présentent sur les bords de petites feuilles écailleuses, nullement 
piquantes (IV, 73); d'autres sont anguleux et ont de trois a six 
côtes portant des feuilles épineuses (IV, 69); d'autres encore sont 
anguleux et épineux dans le bas, tandis que vers le haut les côtes 
s'aplanissent progressivement (IV, 68 et 70); d'autres, plus rares, 
ont la base arrondie, nullement anguleuse, et garnie d’épines (IV, 
72 et 73); enfin, il en est d’exceptionnels, dont la base arrondie 
porte uniquement des feuilles écailleuses (IV, 71). Ajoutons que 
tous les rameaux, quelle que soit leur forme, ont une base d’inser- 
tion arrondie. Sur un exemplaire de Phyllocactus, on peut rencon- 
trer toutes ces diverses formes, et en outre un nombre considérable 
de formes intermédiaires, comme par exemple celles où la région 
arrondie de la base est très longue (IV, 72). Les rameaux des 
diverses sortes naissent les uns sur les autres; la figure 73 montre 
trois rameaux aplatis et complètement dénués de côtes, naissant 
au sommet d’un rameau anguleux. Nous n’avons pourtant jamais 
observé de rameaux anguleux et épineux naissant sur une portion 
aplatie à feuilles écailleuses : il semble que les bourgeons axillaires 
des feuilles épineuses aient une plus grande amplitude de variabi- 
lité que ceux des feuilles écailleuses. Les différences de rameau à 
rameau sont, comme on le voit, très grandes : certains d’entre eux 
présentent un stade récapitulatif très net; d’autres ne dépassent 
même jamais ce stade; d'autres enfin ne récapitulent pas. 

La collection si riche du Jardin botanique de Bruxelles ne ren- 
ferme aucun autre Phyllocactus qui ait une telle variété de formes; 
certaines espèces, le P. anguliger, par exemple, ne présentent plus 
à l'état adulte aucune trace de récapitulation. 

On pourrait citer quelques autres exemples de plantes dont les 


TOME III, 1804. 


294 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


rameaux commencent par offrir plus ou moins l'état ancestral : 
Rhipsalis rhombea, Muehlenbeckia platyclados, Ranunculus Flam- 
mula et R. Lingua, parfois Acacia Melanoxylon. Ajoutons-y quel- 
ques cas où la recapitulation est plutôt négative, en ce sens que 
les premières feuilles du rameau sont moins profondément décou- 
pées que les feuilles définitives et ressemblent ainsi davantage aux 
feuilles ancestrales : Ficus Carica, Morus nigra, Acer tataricum, 
Symphoricarpus, etc. (7). 

Voyons maintenant quelques cas dans lesquels la récapitulation 
est nette sur les plantules, mais manque pour les rameaux. 

La plantule de Tropaeolum majus, sur laquelle Goebel (7) a attiré 
l'attention, a les deux premières feuilles peltées et opposées; elles 


(:) Il n’est du reste pas bien rare de voir sur une plante adulte se former 
tout à coup, sans raison apparente, des branches qui rappellent l’état jeune de 
cette espèce. On donne à ce phénomène le nom impropre de retour atavique 
(Rückschlag). Sur le Hedera Helix var. arborescens (qui n’est que le produit du 
bouturage d'un rameau florifère orthotrope de Lierre ordinaire), on observe 
souvent la formation de rameaux dorsiventraux. Goebel (8) cite aussi plusieurs 
cas de retours chez des plantes aquatiques. Il faut remarquer que dans ces divers 
exemples, il s’agit simplement d’un retour à la forme infantile; mais celle-ci 
n’est pas du tout un stade ancestral : elle représente au contraire un stade 
dérivé, acquis par l’espèce plus tard que la forme qui apparaît en dernier lieu, 
lors de la floraison. Il serait donc logique de désigner ces cas sous le terme de 
retour infantile, en réservant le nom de retour atavique à ceux où il s’agit bien 
réellement de la réapparition d’une phase ancestrale. C’est ce qui s’observe 
chez les Cereus monstrueux décrits par Goebel (8) : ils présentent souvent des 
rameaux typiques de l'espèce dont ils proviennent; la même chose se passe 
pour l’Æuphorbia havanensis cristata. 

Le plus bel exemple que nous connaissions de plantes grasses monstrueuses 
avec retour atavique se trouve au Jardin botanique de Bruxelles. Un pied 
d’Echinopsis multiplex cristata a donné sur toute l’étendue de sa « crête » des 
rameaux normaux d'Æchinopsis multiplex ty pique. 

Hildebrand (11) cite un retour atavique chez |’Zucalyptus Globulus : un pied 
adulte produisit subitement des branches à feuilles opposées, analogues à celles 
de sa jeunesse. 

Dans les Alpes du Tyrol, on observe très souvent des retours ataviques sur le 
Juniperus Sabina. 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 205 


sont pourvues de minuscules stipules; celles-ci manquent aux 
feuilles ultérieures. Plusieurs autres 7ropaeolum (voir Chatin, 5), 
le T. tuberosum par exemple, ont toutes les feuilles stipulées. Le 
T. canariense, au contraire, n’a pas mème de stipules aux feuilles 
de la première paire. Les petites stipules récapitulatives du 
T. majus semblent en voie de disparition : comme elles n'ont plus 
aucune utilité pour la plante, elles occupent à la base du pétiole 
les positions les plus variées (fig. 49) et manquent quelquefois. 


Fic. 49. — Tropaeolum majus. — A. Plantule normale avec les deux 
premières feuilles non encore développées. — B. Portion supe- 
rieure d’une plantule dont les limbes foliaires sont enlevés; 
les stipules sont insérées à diverses hauteurs sur les pétioles. — 
C. Plantule anormale dont l’un des cotylédons a allongé consi- 
dérablement son pétiole (*/3). 


Citons aussi quelques exemples dans lesquels les feuilles pri- 
maires sont beaucoup plus profondément dentées ou incisées que 
les feuilles définitives, sans qu'il soit possible d’assigner à cette 
différence une valeur adaptative. Sir John Lubbock (16) figure 
Lasiopetalum ferrugineum, Dodonaea viscosa, Carpinus Betu- 
lus etc. 

Nous avons eu l’occasion d’examiner un assez grand nombre de 
plantules de Rubiacées. Chez la plupart des Galium, on observe 
que les premiers verticilles sont en tout semblables a ceux de la 
plante adulte; mais le premier verticille de Sherardia arvensis et 
surtout celui de Galium peregrinum montrent une différence très 
marquée entre les feuilles et les stipules, différence qui disparaît 
complètement plus tard. 

La plantule de Plantago Coronopus (fig. 2) ressemble beaucoup 


Tome III, 1894. 


296 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION 


à un Plantago à feuilles linéaires, tel que P. Psyllium ou P. alpina: 
peut-être le P. Coronopus dérive-t-il d'une forme analogue à 
ceux-ci. La récapitulation est beaucoup moins nette pour le P. lan- 
ceolata. Quant aux P. media et P. major, ils ne présentent pas de 
trace de récapitulation. 

Les Conifères offrent plusieurs beaux exemples de récapitulation. 
Le Larix europaea étudié par Schenck (18) a des feuilles primaires 
persistantes au moins en partie. Les plantules de Pinus ont des 
feuilles isolées et non groupées par plusieurs. Les Thuya, Biota, 
Juniperus et Cupressus, qui ont à l'état adulte des feuilles écail- 
leuses, apprimées, ont sur la plantule des feuilles squarreuses, 
piquantes. 


Fig. 50. — Galium peregrinum. —  Fia. 51. — Caesalpinia pulcherrima. 
Dans le premier verticille, les sti- Issu de graines rapportées du 
pules sont très distinctes des Congo par M. Laurent.—c, point 
feuilles. Chaque cotylédon porte d'attache des cotyledons (1/;). 


plusieurs bourgeons axillaires(1/:). 


Dans les Thuya, Biota, etc., l'état adulte doit être probablement 
considéré comme résultant de l’adaptation à la vie dans un milieu 
pauvre en eau. Il y a beaucoup d'autres plantes xérophiles, appar- 
tenant aux familles les plus diverses, qui ont, à l’état adulte, des 
feuilles réduites, transformées en phyllodes ou en épines, ou même 


TOME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 297 


entièrement atrophiées, mais dont la plantule porte des feuilles 
normalement développées, analogues à celles des plantes voisines. 
Tels sont le Zylla myagroides (8) parmi les Cruciféracées; l’Euca- 
lyptus Globulus parmi les Myrtacées; les Colletia parmi les Rham- 
nacées ; enfin parmi les Papilionacées (16) les Ulex, Carmichaëlia, 
Viminaria, Acacia, etc. L’abondance relative des exemples de réca- 
pitulation parmi les plantes xérophiles tient probablement à ce 
que, pendant le jeune âge, ces plantes ont moins à craindre l'évapo- 
ration excessive, grâce à la protection qu'elles reçoivent des végé- 
taux voisins. 

Même en dehors des espèces xérophiles, les Papilionacées 
paraissent avoir de la tendance à reproduire l’état ancestral au 
début du développement. 

Nous avons déjà cité les Trifolium, Trigonella (fig. 30) et les 
autres Trifoliées ainsi que les Phaséolées (Dolichos, fig. 14), dont la 
premiére feuille est unifoliolée, ainsi que le Lathyrus Aphaca 
(fig. 37) et le Vicia pyrenaica (fig. 41). Peut-être convient-il d'y 
ajouter le Caesalpinia pulcherrima : les deux premières feuilles sont 
opposées et pennées; la troisième feuille est quatre fois pennée, 
tandis que toutes les feuilles suivantes le sont deux fois. Les folioles 
de toutes les feuilles sont accompagnées de stipelles. Les deux 
premieres feuilles opposées sont, a notre avis, adaptatives, la troi- 
sieme est récapitulative. 


RESUME ET CONCLUSIONS. 


Les exemples de récapitulation sont rares chez les végétaux. Dans 
immense majorité des cas où la plantule a un aspect différent de 
celui de la plante adulte, on peut montrer que la différence est due 
à ce que ses besoins sont autres que ceux de l'individu sexué. Ce 
stade primaire se conserve parfois très longtemps (Hedera, Ranun- 
culus aquatilis type, etc.) — jusqu'au moment de la floraison, — et 
il n'est même pas rare que la phase définitive soit supprimée 
(Ranunculus fluitans et nombreux autres cas de pédogenése). 


Tome III, 1894. 


298 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


Dans les cas si peu fréquents ou la plantule présente transitoire- 
ment une phase récapitulative, celle-ci rappelle toujours un ascen- 
dant peu éloigné. Le Vicia pyrenaica rappelle le V. argentea. Le 
Lathyrus Aphaca, plus spécialisé que les Vicia, ne remonte dans 
sa phase récapitulative que jusqu'à un parent Lathyrus. Le Tro- 
paeolum majus a transitoirement les stipules d’autres Tropaeolum. 
Les Acacia a phyllodes ont, dans le jeune age, les feuilles d'espèces 
du méme genre. 

Chez les animaux, au contraire, les cas de récapitulation sont 
beaucoup moins rares, et le plus souvent la phase récapitulative 
nous renseigne sur les ancêtres lointains de l’espèce plutôt que sur 
ses parents immédiats. 

La rareté des cas de récapitulation et leur faible récurrence 
tiennent, d’une part, à ce que le végétal est fixé au sol, d'autre 
part, à ce que ses cellules ont une paroi rigide. 

L'immobilité du végétal l'oblige à habiter, dès sa jeunesse, le 
même milieu que pendant l'âge adulte. Parmi les animaux, il 
arrive au contraire très souvent que les jeunes ont un genre de 
vie tout différent de celui des adultes, mais semblable à celui des 
ancêtres. Les jeunes Cirrhipèdes sont libres et ont les mêmes 
besoins — et partant les mêmes organes — que les autres Crusta- 
cés; les Grenouilles mènent d'abord une vie aquatique comme 
leurs ancêtres Poissons. Chez les végétaux, rien de pareil : toutes 
les Phanérogames aquatiques dérivent de plantes terrestres; mais 
si, au début de leur existence, elles avaient des feuilles adaptées à 
la vie aérienne, elles seraient inévitablement vouées à la destruc- 
tion. Les quelques rares traces ancestrales qui s’observent transi- 
toirement chez certaines espèces sont de telle nature qu'elles ne 
gènent pas leur possesseur. Mais il serait inconcevable que ces 
caractères provinssent d’ancétres éloignés : ils ne seront épargnes 
par la sélection naturelle que s'ils sont légués par des ascendants 
assez proches et qui ne vivaient pas dans des conditions trop diffé- 
rentes. 

L'absence de la faculté de déplacement a aussi amené, chez les 
végétaux, une adaptabilité plus grande que celle des animaux : 
ceux-ci peuvent, lorsque les conditions d'existence changent autour 


? 


Se re Et ÉEE 


TOME III, 1804. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 299 


d’eux, se mettre à la recherche d'un milieu plus favorable; la plante 
étant fixée au sol, ne se tirera d'affaire que si elle peut se modifier 
de façon à s'adapter aux nouvelles conditions de vie. Aussi y a-t-il 
chez les végétaux de nombreux exemples d'adaptation individuelle. 
(Plantules de Nymphaea, fig. 44.) Nous ignorons si des modifica- 
tions de ce genre peuvent étre transmises aux descendants, mais 
il ne parait pas douteux que la sélection naturelle ait déterminé la 
fixation héréditaire d'une adaptabilité très étendue. Aussi les espèces 
végétales se débarrassent-elles rapidement de toutes les inutilités 
que leur leguent leurs ancêtres. 

Les organes transitoires des animaux sont réemployés en tota- 
lité au profit de l'organisme : les arcs branchiaux des Mammifères 
servent a former une quantité d’organes de la face et du cou; la 
queue de la Grenouille est dévorée par les phagocytes et sa sub- 
stance est réutilisée par le jeune Batracien. Au sein du végétal, de 
pareils phénomènes sont exceptionnels et d'ailleurs incomplets : 
les cellules sont entourées d’une membrane rigide qui les empêche 
de se déplacer ; le contenu cellulaire est plus ou moins complète- 
ment résorbé, mais la cellulose reste inaltérée. L’organe inutile ne 
peut être éliminé qu'avec « perte de substance ». 

Pour établir la phylogénie des espèces végétales, l’ontogénie 
n’est donc que d'un faible secours; il faut s'adresser essentiellement 
a la morphologie et à la paléontologie, qui n’en est du reste qu’une 
branche. . 

Nous pouvons conclure en disant que /e végétal forme, dans le 
cours de son évolution individuelle, les organes dont il a successive- 
ment besoin; les organes transitoires sont le plus souvent interca- 
latres et acquis nouvellement par l'espèce ; très rarement, ce sont des 
legs faits par un parent. 


Tome III, 1894. 


300 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


BIBLIOGRAPHIE 


Nous ne citons que les travaux les plus importants. On trouvera une bibliogra- 
phie trés complète dans les ouvrages de Klebs (15) et de sir John Lubbock (16). 


1. L. BerssmErR, Ueber Jugendformen von Pflanzen, speciell von Coniferen. 
. (Ber, d. deutschen Bot. Ges., Bd VI, S. Lxxxul, 1888.) 
2. Fr. BucHenau, Zur Morphologie von Hedera Helix. (Bot. Zeit., 5. Au- 
gust 1864.) 
3. R. Caspary, Ueber Samen, Keimung, Specien und Nährpflanzen der Oro- 
banchen. (Flora, 1854, p. 577.) 
4. C. Darwin, Les mouvements et les habitudes des plantes grimpantes. Tra- 
duction francaise. Paris, Reinwaldt, 1877. 
5. J. CHaTIN, Mémoire sur la famille des Tropéolées. (Ann. des Sciences 
natur. [4],t. V, p. 383, 1856.) 
6. K. GorBEL, Ueber die Jugendzustande der Pflanzen. (Æ/ora, 1889, S. 1.) 
7. K. GoEBEL, Vergleichende Entwickelungsgeschichte der Pflanzenorgane. 
(Schenck's Handbuch der Botanik, Bd III, Erste Halfte, S. 99.) 
8. K.GoEBEL, Pflanzenbiologische Schilderungen, 2 vol. Marburg, Elwert’sche 
Verlagsbuchhandlung, 1889, 1891, 1893. 
9. G. HABERLANDT, Die Schutzeinrichtungen in der Entwickelung der Keim- 
pflanze. Wien. Carl Gerold’s Sohn, 1877. 
10. G. HABERLANDT, Ueber die Ernahrung der Keimlinge und die Bedeutung 
des Endosperms bei Viviparen Mangrovepflanzen. (Ann. du ard. bot. 
de Buitenzorg XII, p. 91, 1894.) 
11. Fr. HizpeBraAND, Einige Beobachtungen an Keimlingen und Stecklingen. 
(Bot. Zeit., 8. Januar 1892.) 
12. Tu. IrmiscH, Zur Naturgeschichte von Me/ittis Melissophylum. (Bot. Zeit., 
6 August 1858.) 
13. Tu. Irmiscx, Ueber die Keimpflanzen von Rfzpsalis Cassytha und deren 
Weiterbildung. (Bot. Zeit., 31 Marz 1876.) 
14. Ep. DE JANCZEwskI, Etudes morphologiques sur le genre Anemone. (Rev. 
gén. de Bot., IV, p. 241, 1892.) 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 301 


15. G. Kiess, Beitrage zur Morphologie und Biologie der Keimung. (Unters. 
a. d. Bot. Inst. zu Tübingen, Bd I, S. 586, 1885.) 

16. Sir Jon Lussock, A Contribution to our Knowledge of Seedlings. 2 vol. 
London, Kegan Paul, Trench, Trübner and Co, 1892. 

17. H. ScHENCK, Beitrage zur Biologie und Anatomie der Lianen. I. Th Bio- 
logie. (Schimper’s Botanische Mittheilungen aus den Tropen. Jena, 
G. Fischer, 1892.) 

18. H. ScHENCK, Ueber Jugendformen von Gymnospermen, speciell von Larix 
europaca. (Sitzungsber. d. Niederrhein. Ges. f. Natur- u. Heilkunde zu 
Bonn. 5 Juni 1893.) 

19. A. TRECUL, Recherches sur la structure et le développement du Vuphar 
luteum. (Ann. Sciences natur. [3], t. IV, p. 331, 1845.) 

20. A. TRÉCUL, Etudes anatomiques sur la Victoria regia. (bid. [4], t. I. p. 145, 
1854.) 

21. M. Trevs, Notes sur l’embryogénie de quelques Orchidées. (Natuurhk. Verh. 
d. kon. Akad. Amsterdam. Bd XIX, 1870.) 

22. H. DE Vries, Eine Methode, Zwangsdrehungen aufzusuchen. (Ber. d. 
deutschen bot. Ges., Bd XII, S. 25, 1894.) 

23. A. WINKLER, Ueber die Keimpflanze der MWerurialis perennis. (Flora, 1880, 
S. 339). 


Tome III, 1894. 


302 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


Il. — ORGANOGENIE DE LA FEUILLE. 


Nous avons dit en commençant que l’embryologie végétale peut 
être envisagée à deux points de vue : l’ontogénie de l'individu dans 
son ensemble, et l’organogénie de chacune de ses parties. 

Pour vérifier si le principe de la récapitulation s'applique au 
développement des végétaux, l'organogénie des racines et des tiges 
offre peu de faits intéressants. Les racines se développent presque 
toujours directement et leur structure est du reste assez analogue 
dans tout le groupe des Phanérogames. Pourtant les racines de 
Stratiotes aloides présentent nettement de la récapitulation : les 
racines adultes sont complètement privées de vaisseaux, mais les 
parties voisines du point végétatif renferment des vaisseaux bien 
formés qui se désorganisent ultérieurement. 

Schenck (8, vol. 2) a montré que dans la fige de la plupart des 
lianes à structure anormale, la région jeune a la structure ordinaire 
des Dicotylédones. La récapitulation y est donc évidente. Il y a 
néanmoins certains types qui sont déjà anormaux dés l'origine. 
L'organogénie de beaucoup de tiges charnues a été étudiée par 
Goebel (5, vol. 1). Quelques espèces d'Euphorbia et d'Opuntia ont 
des feuilles vertes près du point végétatif; ces feuilles tombent 
bientôt et sont souvent remplacées par des épines (’). A côté de ces 
espèces qui récapitulent, il en est beaucoup d'autres qui ne présen- 


(7) Cette récapitulation organogénique est toute différente de la récapitulation 
ontogénique dont nous avons parlé à propos des PAy/locactus. Chez ceux-ci le 
rameau n'offre les caractères ancestraux qu’au moment de sa naissance; dès qu’il 
a atteint un certain âge, il cesse de former des épines et des côtes (IV, 68, 70, 73) : 
le rameau récapitule dans son ensemble. Chez les Æuwphorbia et les Opuntia 
décrits par Goebel, toutes les portions d’un rameau ont été, pendant leur jeu- 
nesse, garnies de feuilles ancestrales : le rameau récapitule au fur et à mesure de 


sa croissance. 


chat: rss 


TOME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTAL.E. 303 


tent aucune trace des feuilles vertes que possédaient les ancêtres. 


Dans le présent travail, nous nous occuperons de l'organogénie de 
la feuille, et nous étudierons successivement la disposition des 
feuilles sur le rameau, leur forme et leur structure. Nous aurons 
aussi, à propos de la forme, à étudier quelques organes transitoires 
(glandes, stipules, etc.) : exemples d'intercalation dans l’organo- 
génie, analogues aux exemples d’intercalation dans l’ontogénie, 
que nous ont offerts beaucoup de plantules. 

Si l’ontogénie nous a donné peu d'exemples de récapitulation, 
l'organogénie en montrera moins encore; c'est à peine si nous 
trouvons quelques cas où des particularités du développement 
peuvent être considérées comme des legs ancestraux. Dans la 
grande majorité des espèces, le développement foliaire est direct ; 
nous essaierons de montrer suivant quelles règles il s’accomplit. 

Voici le procédé qui nous a servi dans nos recherches. Les objets 
fixés et débarrassés de l'air par l'alcool, sont plongés un jour dans 
l'eau, puis un jour dans une solution aqueuse d’hydrate de chloral 
à 50 °/., puis un jour dans une solution à 100 °/.. Les points végé- 
tatifs sont alors préparés sous le microscope simple et montés 
dans : eau, 100 centimètres cubes; glycérine, 16 centimètres cubes; 
hydrate de chloral, 100 grammes; gomme arabique, 50 grammes. 
Le lendemain, ils sont devenus tout à fait transparents. La même 
méthode convient parfaitement pour l'étude de l’organogénie de la 
fleur. Le milieu conservateur durcit rapidement, et il est inutile de 
luter les préparations. 


1. Disposition des feuilles. 


Les feuilles gardent le plus souvent la disposition qu’elles avaient 
au point végétatif. Les feuilles de Ceratophyllum (IV, 61) naissent 
déjà en verticilles. Les feuilles de Cunonia (’) (II, 43, 44, 45), de 


Sambucus (III, 49), de Cerastium, etc., sont opposées des leur jeu- 


(!) Les rameaux de Cunonia capensis proviennent du Jardin botanique de Gand 
et ont été mis obligeamment à notre disposition par le professeur F. Mac Leod. 


TOME III, 1894. 


304 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


nesse. De méme, les feuilles distiques des Graminées (Ammophila, 
Ill, 55), d'Iris, d’Hydrocotyle (I, 14, 15), de Cicer (I, 2), de Vacza 
(I, 3), de Lathyrus (I, 4 à 7), naissent sur deux rangs. Le fait est inté- 
ressant pour l’Hydrocolyle et les Viciées; en effet, ces plantes appar- 
tiennent a des familles dont la plupart des types ont les feuilles 
alternes et disposées suivant une spire. Les feuilles alternes sont 
généralement alternes dès leur formation : Spiraea (II, 24), Acacia 
(I, 8), Péarmica (III, 42), Araucaria (III, 56), etc. 

Dans quelques rares cas, la disposition primitive des feuilles est 
altérée dans la suite. Sur le point végétatif de Potamogeton densus 
(III, 54), les feuilles naissent alternes et distiques comme chez les 
autres Polamogeton. Mais ultérieurement, les divers entrenœuds 
s'allongent d'une façon très inégale : il y a alternativement un 
entrenœud qui s'accroît et un autre qui reste très court, de sorte 
que les feuilles ont l'air d'être opposées (fig. 21). L’Eucalyptus Glo- 
bulus (*) porte dans le jeune âge des feuilles opposées qui naissent 
opposées (III, 53); sur la plante adulte, les feuilles sont alternes, 
mais elles naissent également opposées (III, 52), et n’acquièrent 
leur position alterne que lors de l'allongement de la tige (III, 51). 
Chez d’autres Eucalyptus, la disposition des feuilles au même 
niveau sur le point végétatif est moins bien marquée : les feuilles 
alternes d’E. Raveretiana et d’E. Gunnii naissent tantôt à peu près 
opposées, tantôt distinctement alternes; ces différences existent 
d'un rameau à l’autre d'un mème exemplaire. 


2. Forme des feuilles. 


Le développement de la forme des feuilles a été surtout étudié 
par Trécul (10), par Eichler (2) et par Bower (1). 

Les feuilles naissent sur le point végétatif sous la forme d’un 
petit mamelon (feuille primordiale) qui se différencie ensuite. 


() Les rameaux à feuilles alternes d’Eucalyptus Globulus proviennent du Jar- 
din botanique de Liége et ont été mis obligeamment à notre disposition par le 
professeur A. Gravis. 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 305 


Eichler distingue a ce second stade : 1° la portion basilaire (Blatt- 
grund) qui donne la gaine de la feuille ou bien la base du pétiole 
avec les stipules; 2° la portion supérieure (Oberblatt) dont provien- 
nent le limbe et le petiole. Bower a modifié cette terminologie : il 
appelle phyllopode tout l'axe de la feuille depuis la base jusqu'au 
sommet; la partie inférieure (Blattgrund d’Eichler) est appelée 
hypopode; la partie qui donne le pétiole est nommée mésopode ; 
enfin, la portion qui supporte directement les ramifications du 
limbe, est l’épzpode. Il est à remarquer que le terme « phyllopode » 
désigne uniquement, chez Bower, l'axe de la feuille, à l'exclusion 
de ses ramifications. 

Ce serait une erreur de croire que toutes les feuilles présentent 
cette distinction en un hypopode, un mésopode, un épipode et des 
ramifications; les feuilles les plus simples ne montrent rien de 
pareil. Il est possible que chez | Araucaria (III, 56) cette disposition 
soit primitive; mais dans d’autres feuilles dont la simplification est 
probablement secondaire (Sempervivum, IV, 63; Ceratophyllum, 
IV, 61, 62), la distinction entre ces diverses portions fait néanmoins 
défaut dès l'origine. Ce n'est que dans les cas les plus typiques que 
les diverses portions du phyllopode sont nettement différenciées. Où 
sont, par exemple, le mésopode et l'hypopode dans une feuille de 
Cobaea (fig. 35)? Nous verrons à propos de la position des stipules 
que l’hypopode et le mésopode ne sont pas non plus nettement 
distincts. A notre avis, la valeur morphologique de la terminologie 
de Bower consiste dans la distinction entre le phyllopode et les 
ramifications de celui-ci. 

Examinons d'abord la formation de quelques organes qui servent 
a protéger les jeunes feuilles. Leur évolution présente deux traits 
communs : 1° ils naissent tres tôt ct sont complètement formés 
alors que le limbe foliaire est encore à l'état de méristème; 2° ils 
disparaissent (pour suppression d'emploi) des que les tissus de la 
feuille n'ont plus besoin de protection. 


A. ORGANES TRANSITOIRES, — Pendant leur période de développe- 
ment, les jeunes feuilles ont a se garantir contre un grand nombre 
d'influences nuisibles: chaleur, lumière, pluie, animaux, etc. ; aussi 

Tome III. 20 


TOME III, 1894. 


306 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


n'est-il pas étonnant gue dans la grande majorité des espèces, elles 
soient mises d'une façon ou d’une autre à l’abri des risques exté- 
rieurs. Beaucoup de moyens de protection ont été décrits dans ces 
dernières années, particulièrement par Potter (6), Groom (7) et 
Stahl (9). 

Nous ne nous occuperons ici que des cas où la protection est 
effectuée par les jeunes feuilles elles-mêmes. 


a. Poils. — Les jeunes feuilles des plantes terrestres sont souvent 
couvertes d’un feutrage de très longs poils : Aruncus sylvester, 
Acacia myriobotrya, Æsculus Hippocastanum, etc. (Dans nos des- 
sins, les poils ont toujours été négligés.) Ces poils sont complète- 
ment formés et ont leur paroi fortement épaissie lorsque la feuille 
elle-même est à peine différenciée; ils tombent sans laisser de ves- 
tiges dès que la feuille a pris un développement suffisant. 


6. Glandes terminales. — Chez diverses plantes aquatiques, les 
segments des jeunes feuilles se terminent par une pointe effilée 
portant une glande dont les cellules renferment du tanin et une 
manière huileuse : Myriophyllum, Ceratophyllum (IV, 62). Les 
segments de la feuille de Hottonia palustris (III, 46 et 47) se termi- 
nent également par un groupe de cellules à contenu huileux et 
tannifère, laissant au milieu d’elles un creux en forme d’entonnoir, 
au fond duquel aboutit la nervure étalée en pinceau; cet organe 
fonctionne probablement comme un stomate aquifere (*). Il ne 
nous paraît pas douteux que ces glandes aient pour fonction de 
défendre les tissus tendres des jeunes feuilles contre les mollusques 
et les autres animaux aquatiques. 


y. Stipules. — Ce sont les organes les plus efficaces dans la 
défense des feuilles. Quoiqu'il ne manque pas de cas où la protec- 


(*) Il n’est pas rare que les jeunes feuilles portent des stomates aquifères aux- 
quels aboutissent les ramifications de la nervure : Æydrocotyle (1, 17); ils ne fonc- 
tionnent que pendant le jeune âge et se flétrissent bientôt. 


ToME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 307 


tion soit effectuée par les feuilles plus âgées qui s’enroulent autour 
des jeunes feuilles ou les recouvrent comme des capuchons {Lathy- 
rus tenuifolius, 1, 4; L. Nissolia, 1, 7: Spiraea Douglasi, Il, 24; 
Eucalyptus Globulus, Ill, 52 et 53; Ammophila arenaria, III, 55), on 
peut dire que dans la généralité des Dicotyledones, ce sont les sti- 
pules qui abritent les feuilles les plus tendres. Aussi ces organes 
sont-ils le plus souvent transitoires : leur fonction est terminée et 
ils tombent des que la feuille est adulte. 

Que représentent phylogéniquement les stipules? Il n’est pas 
possible de fournir a cette question une réponse décisive. L’orga- 
nogénie montre qu'elles naissent d’ordinaire sous forme d’émi- 
nences placées à la base du phyllopode, de même que les segments 
du limbe naissent sous forme d’éminences placées plus haut sur le 
phyllopode. Il se pourrait donc que les stipules fussent simplement 
des segments spécialisés en vue de la protection. Toujours est-il 
que la différence d'origine entre les stipules et les folioles est loin 
d'être aussi tranchée qu'on l’admet en général : il est inexact que 
les segments du limbe naissent toujours de l'épipode, tandis que 
les stipules naitraient seules de l’hypopode. Chez le Lathyrus 
tingitanus (I, 10) et le L. hirsutus (1, 9), les folioles latérales naissent 
en partie sur l'hypopode. Les stipules « soudées au pétiole » des 
Rosa, du Potentilla fruticosa (III, 36 et 37, et fig. 53, F) et du Fili- 
pendula hexapetala (II, 32, et fig. 53, E) se forment en partie sur le 
mésopode. Il en est de même des stipules « libres » du Swainsonia 
coronillaefolia (I, 12). Nous avons dit plus haut que les stipules de la 
première paire de feuilles de Tropaeolum majus (fig. 49) sont sou- 
vent tout entières sur le pétiole. 

Dans les cas où la protection est le plus efficace, les stipules, 
souvent très spécialisées, abritent la feuille mème dont elles dépen- 
dent (Hydrocolyle, I, 14 et 15; Cunonia, III, 43) : toutes les feuilles 
et le point végétatif lui-même sont recouvertes par les stipules; 
ailleurs, elles protègent seulement les feuilles plus jeunes que celles 
dont elles font partie (Lathyrus pratensis, |, 13; Sorbaria sorbifolia, 
II, 29); enfin, il ne manque pas d’especes dont les stipules réduites 
ne jouent plus qu'un role effacé (Lathyrus Nissolia, 1, 7; Sambucus). 
Eichler donne une longue liste (2, p. 26) dans laquelle i] indique, 


TOME III, 1894. 


308 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


d'après ses observations et d'après celles de Trécul (10), a quel 
moment naissent les stipules relativement au limbe : tantôt elles 
se forment avant ou pendant que l’épipode se ramitie; tantôt elles 
prennent naissance apres que la ramification principale de l'épi- 
pode est déja terminée. Essayons de déduire quelques régles des 
nombreux faits connus. 

+ Lorsque les stipules protègent leur propre feuille, elles naissent 
et se développent avant la différenciation du phyllopode en hypopode 
et épipode. Chez l'Hydrocotyle (1, 14 et 15), la première ébauche 
des stipules est constituée par un bourrelet qui fait tout le tour du 
point végétatif (I, 14, B); le bourrelet s'accroît beaucoup, de façon a 
former un capuchon qui recouvre aussi bien le point végétatif que 
la petite éminence représentant la feuille (I, 15, B et b. s.); celle-ci 
n’a pas encore le moindre vestige de ramification. Plus tard, 
l'entrenœud s’allonge, écarte les stipules et la feuille peut enfin 
s'étaler. 

Les stipules de Cunonia capensis sont encore plus spécialisées. 
Elles constituent a l’extrémité de chacun des rameaux de l’arbre 
deux lames foliacées, appliquées l'une contre l'autre. Lorsqu'on 
écarte ces lames ou qu’on enléve l’une d'elles (III, 43), on constate 
que la portion inférieure et médiane de leur face interne est recou- 
verte d’un enduit (‘) blanc (cireux ou résineux?) soluble dans 
l’éther; la masse pâteuse cache les deux limbes foliaires encore 
rudimentaires entre lesquels se trouvent deux nouvelles lames 
beaucoup plus petites, souvent à peine visibles. La position des 
lames foliacées et la comparaison avec les types voisins de la famille 
des Saxifragacées montrent que ce sont des stipules : chaque lame 
est formée phylogéniquement par la soudure de deux stipules 
appartenant chacune à l’une des feuilles. Lors de l'épanouissement 
des feuilles, celles-ci écartent les stipules qui se recourbent vers le 


(:) L’enduit est sécrété par des glandes stipitées très nombreuses, répandues 
sur la portion inférieure et médiane de la surface interne des stipules, ainsi que 
sur les jeunes limbes. Ces glandes meurent bientôt : c’est un exemple typique 
d’organe transitoire intercalé dans le développement de la feuille. 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 309 


dehors et tombent bientôt en laissant une cicatrice circulaire à la 
base de la paire de feuilles. 

Voyons maintenant comment se forment ces stipules. Sur un 
point végétatif très jeune (III, 45, C), on les voit apparaître sous 
forme de deux petits mamelons (les futures feuilles) décussés avec 
les premiers (III, 44, D). Contrairement à l'opinion généralement 
reçue (*), les stipules se forment ici avant la première ébauche du 
phyllopode. Ajoutons que les mamelons stipulaires ne montrent 
dans leur évolution aucune trace de la « soudure » des deux sti- 
pules dont dérive chacune des stipules de Cunonta : ces organes 
sont simples dès l’origine. 

tt Lorsque les stipules ne protègent que les feuilles plus jeunes 
qu’elles, elles naissent avant ou pendant la ramification de l'épipode. 
Le plus souvent, elles naissent avant que l'épipode montre de 
mamelons latéraux : Cicer (I, 2), Vicia (I, 3), Lathyrus pratensis 
(I, 13), Phaseolus (I, 11), Swatnsonia (I, 12), Sorbaria sorbifolia 
(II, 29), etc. Parfois elles se forment pendant que l'épipode se 
ramifie : Filipendula hexapetala (II, 32), F. Ulmaria (Il, 34, 35), 
Ranunculus aquatilis (IV, 59, 60); enfin, Eichler cite des Ombelli- 
fères chez lesquelles les stipules naitraient apres que la ramifica- 
tion du premier degré est terminée (Heracleum, Ægopodium, etc.). 
Nous n'avons pas eu l'occasion de vérifier ce point qui nous paraît 
douteux. 

ttt Lorsque la fonction protectrice des stipules est peu importante, 
elles naissent après que l'épipode s'est ramifié. C'est ce qui se produit 
pour les feuilles assimilatrices de Rosa (II, 22). Nous ignorons 
comment se développent les feuilles basilaires et les feuilles apicales 
des rameaux de Rosa. 

tttt Lorsque les stipules n'ont plus aucun rôle de protection, le 


(*) Goebel (4, p. 230) dit : « Die zeitliche Entstehung der Stipulæ ist keine fest 
bestimmte, sie erfolgt aber immer erst nach der Diflerenzirung des Primordial- 
blattes in Blattgrund und Oberblatt, entweder vor oder nach Anlegung der 
Glieder erster Ordnung an der Spreitenanlage. » Or les mamelons stipulaires de 
Cunonia se montrent certainement avant les mamelons foliaires. 


Tome III, 1894. 


310 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


début de leur formation est encore plus tardif ; souvent méme elles 
n'apparaissent plus du tout. Des stipules très réduites et tardives se 
rencontrent chez le Lathyrus Nissolia (I, 7), chez les Sambucus 
(III, 48, 49 et 50). Les espèces de ce dernier genre sont très intéres- 
santes : le S. Ebulus a normalement de petites stipules sans impor- 
tance; celles du S. nigra sont, quand elles existent, transformées 
en nectaires, mais dans ce cas elles ne fonctionnent naturellement 
qu'après l'épanouissement de la feuille. Chez les diverses espèces, 
leur formation débute seulement lorsque la feuille forme ses rami- 
fications du second degré. Enfin, on connaît des plantes dont cer- 
taines feuilles sont privées de stipules, quoique les autres feuilles 
possèdent ces organes : Tropaeolum majus (feuilles postérieures a 
celles de la première paire, II, 18), Lathyrus tenuifolius (feuilles de 
la plantule, I, 4 et 5) : dans l’organogénie de ces feuilles, les stipules 
ne sont pas même ébauchées. 

En résumé, nous pouvons dire que les stipules protectrices naissent 
d'autant plus tot, qu'elles doivent fonctionner plus tôt. 


x à * 

A côté des stipules transitoires à fonction uniquement protec- 
trice, il en est d’autres qui ont un rôle d'assimilation : ce sont, par 
exemple, les stipules de Lathyrus Aphaca et celles des Rubiacées 
de nos régions. Les stipules de L. Aphaca sont les organes d’assi- 
milation essentiels de la plante adulte : elles naissent très tôt (I, 6). 
Quant aux stipules des Rubiacées, elles débutent sur le bourrelet 
circulaire aux dépens duquel se forment toutes les feuilles et stipules 
d'un verticille: chez les Galium étudiés par Trécul (10), par 
Eichler (2) et par Goebel (5), les deux feuilles opposées sont ébau- 
chées avant les stipules. Au contraire, chez le Sherardia arvensis 
(I, 1), stipules et feuilles se forment en même temps. Le Lathyrus 
Aphaca et les Rubiacées nous fournissent de nouveaux exemples 
de la formation d'autant plus hâtive d'un organe que son impor- 
tance fonctionnelle est plus grande. 


x 
ar 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. SIT 


B. LimBE FOLIAIRE. — On sait qu’à l'exception des Palmiers (8) et 
de quelques Aroïdées, dans lesquels la feuille se déchire (*), la 
segmentation du limbe est le résultat d’une véritable ramification. 
Celle-ci est le plus souvent latérale, mais il est pourtant des cas non 
douteux où elle est terminale et dichotomique. Il n'est du reste pas 
possible d’indiquer nettement la différence entre la ramification 
terminale et la ramification latérale. 


a. Ramification terminale. — L'exemple le plus frappant est 
fourni par le Ceratophyllum demersum. Les feuilles naissent en 
verticilles et les éminences foliaires subissent bientôt une première 
dichotomie (IV, 61, D), puis chacune des branches se divise encore, 
de façon à constituer un ensemble à quatre lobes (IV, 61,B et A, 
et 62). Les feuilles d’Utricularia vulgaris subissent, d’après nous, 
une première ramification par dichotomie (’) (IV, 57); les ramifica- 
tions ultérieures sont latérales (IV, 58). Chez le Ranunculus aqua- 
tilis (IV, 59 et 60) naît d’abord latéralement une paire d’éminences 
qui se divisent ensuite par dichotomie. 


8. Ramification latérale (*). — L'ordre dans lequel naissent les 
lobes du phyllopode est assez variable; il est acropèle, lorsque les 
lobes les plus anciens sont a la base et que les nouveaux lobes 
naissent progressivement au-dessus de ceux-ci vers l'extrémité 


(") Un déchirement analogue se fait chez plusieurs Laminaria et genres voi- 
sins. Certains Basidiomycétes présentent aussi quelque chose de comparable : le 
chapeau jeune de C/itocybe laccata a des bords entiers; plus tard il s’y produit des 
déchirures radiales. 

(2) Goebel (4, p. 227) dit : « Eine Dichotomie im strengen Sinne des Wortes 
findet auch bei Utricudaria nicht statt : der obere Blattleppen entsteht etwas vor 
dem untern. » Nous pensons qu’en réalité les deux rameaux naissent en même 
temps (par division du point végétatif propre de la feuille), mais ils ne croissent 
pas également vite. 

(3) Pour la facilité de l’exposition, nous appellerons « lobes » tous les rameaux 
de la feuille, quelle que soit la profondeur des découpures du limbe : les dents, 
les segments et les folioles. Il y a des lobes de divers degrés : ceux du premier 
degré sont portés par le phyllopode et portent, à leur tour, les lobes du second 
degré. 


TOME III, 1894. 


312 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


distale du phyllopode : Cicer (I, 2), Vicia (I, 3), Savainsonia (I, 12), 
Sorbaria (II, 21), Holodiscus discolor (Il, 31), Sambucus Ebulus (IU, 
48), etc.; — l'ordre est basipèle, lorsque les lobes les premiers formés 
sont au sommet et que la naissance de nouveaux lobes se poursuit 
vers la base : Holtonia (III, 46 et 47), Rosa (II, 22), Sambucus nigra 
(III, 40), etc.; — il est divergent, lorsque les lobes les plus anciens 
se trouvent vers la portion moyenne du phyllopode, et que la for- 
mation de nouveaux lobes procède de la vers le sommet (lobes 
acropètes) et vers la base (lobes basipètes); mais la production de 
lobes acropètes et la production de lobes basipètes ne sont pas 
toujours simultanées : le plus souvent, les lobes du sommet sont 
formés avant ceux de la base et le phyllopode continue à donner 
des lobes basipètes longtemps après que sa portion distale a cessé 
de se ramifier : Achillaea (III, 40 et 41), Ptarmica (III, 42), etc.: — 
nous croyons qu’il est utile d'admettre avec Eichler, contrairement 
a l'avis de Goebel (4, p. 227), un quatrième type; la ramification 
parallèle, dans laquelle, après les deux rangées de lobes latéraux, 
il se forme deux nouvelles rangées plus rapprochées du milieu; la 
chose se voit très nettement chez le Filipendula (II, 34). Ce dernier 
mode de ramification existe même chez des feuilles qui ne portent 
qu'un petit nombre de rameaux : chez le Potentzlla fruticosa 
(fig. 53, F), les feuilles n'ont souvent que deux paires de lobes : il 
naît d’abord une paire de lobes latéraux (III, 36), puis, entre ceux-ci, 
une nouvelle paire de lobes (III, 37). La ramification cyclique 
d’Eichler — mode suivant lequel se forment les feuilles peltées : 
Hydrocotyle (1, 14 à 17), Tropaeolum (II, 18) — et la ramification 
ternée — dans laquelle il ne se produit qu'une paire de lobes late- 
raux : Phaseolus (I, 11), Ranunculus (IV, 59 et 60) — ne sont, 
comme le fait remarquer Goebel (4, p. 227), que des cas particuliers 
des types que nous venons de passer en revue. 

On peut appliquer à la formation des lobes du deuxième degré 
et à la formation des lobes du troisième degré, ce que nous venons 
de dire pour les lobes du premier degré ('). Leur ordre de naissance 


(*) Il n’est pas toujours facile, ni même possible, de distinguer les lobes des 
divers degrés, surtout lorsque les échancrures du limbe sont peu profondes : 


‘ 
‘ 
4 
| 
| 


ToME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 313 


peut être acropete (Filipendula, II, 33), basipète (Sambucus nigra) 
ou divergent (Achillaea, III, 41; Sorbaria, II, 30). 

Les stipules se ramifient parfois aussi; nous n’avons observé que 
des cas de ramification basipète : Sorbaria (II, 29), Frilipendula 
(IT, 33). 

Dans une méme feuille, la formation des lobes des divers degrés 
ne suit pas nécessairement le même type: chez le Filipendula 
hexapetala (II, 32 et 33), la formation des lobes du premier degré 
est divergente-paralléle; celle des lobes du deuxième degré est 
acropète; enfin, la ramification des stipules est basipète. Chez le 
Sorbaria, la ramification du premier degré est acropete; celle du 
second degré, divergente; celle des stipules, basipete (II, 29 et 30). 

* 
CE 

Tous ces divers modes de développement doivent être considérés 
comme dérivant du type acropète. Nous voyons, en effet, que les 
organes végétaux à croissance indéfinie (tiges, racines) se ramifient 
toujours suivant ce type; les autres modes ne se rencontrent que 
dans des organes à croissance limitée (placenta, étamines, feuilles). 
La relation qui lie le mode — défini ou indéfini — de croissance 
et le type de développement se voit dans certains cladodes, 
rameaux assimilateurs à croissance limitée comme celle des feuilles. 
Ce sont, à notre connaissance, les seules tiges à ramification 
basipète : chez l'Asparagus plumosus, on voit le bourgeon axillaire 
des feuilles réduites donner des ramifications latérales basipètes 
(II, 19); les rameaux sont donc de plus en plus jeunes à mesure qu'on 
se rapproche du point d'insertion du bourgeon (II, 20). A l'étatadulte, 
les rameaux les derniers formés sont plus petits que les premiers. 


Spiraea chamaedryfolia et sa variété w/mifolia (fig. 53, A, B, et Il, 25 à 28). La 
même difficulté existe pour les ramifications de la feuille de Sambucus nigra 
laciniata (fig. 52, C, et III, 50) : les deux paires inférieures de segments (à forma- 
tion basipète) sont incontestablement du premier degré; mais les segments 
placés au-dessus de ceux ci (et à formation acropéte) peuvent être considérés 
comme des lobes du premier degré ou comme des lobes du segment terminal 
(et partant, du deuxième degré). 


Tome III, 1894 


314 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


Les cladodes de Phyllocactus, Phyllanthus, Xylophylla ont con- 
serve le type acropete de développement. 


Demandons-nous maintenant a quoi tiennent les différences 
qu'on observe d’une plante a l’autre dans le type de développement 
de la feuille : ébauchons une éfiologie du développement foliaire. 


Fic. 52. — A Sambucus racemosa. — B. S. nigra. — C. S. nigra laciniata. 
— D. S. Lbulus (*/4). — (Photographies directes de feuilles.) 


D'une façon générale, on peut affirmer que les lobes qui se forment 
les premiers deviennent les plus grands, ou, ce qui revient presque 


Tome III, 1804. 


ET L'INNOVATION EN\EMBRYOLOGIE VEGETALE. 315 


au même, que les lobes destinés a devenir les plus grands naissent les 
premiers (*), 

Le Sambucus Ebulus est la seule espèce du genre dont les 
segments du premier degré soient de taille graduellement décrois- 
sante de la base vers le sommet de la feuille (fig. 52, D). Les S. nigra, 
nigra laciniata, canadensis et racemosa (fig. 52, A, B, C) ont au 
contraire les segments supérieurs plus grands que les inférieurs. 
La différence de taille n'est pas très marquée, mais elle n’en influe 
pas moins sur le type de ramification des feuilles : acropète chez 
le S. Ebulus (III, 48), il est basipète chez tous les autres (III, 40 et 50). 
Toutes les espèces, a l'exception du S. nigra laciniata, ont les 
segments finement dentés; les dents les plus grandes sont au som- 
met,les plus petites a la base des segments: leur ordre de développe- 
ment est basipete. Le S. nigra laciniala a les segments profondé- 
ment découpés et segmentés a leur tour: les divisions deviennent de 
plus en plus petites à mesure qu'on se rapproche du sommet des 
segments : leur formation est acropète. Le S. nigra laciniata dérive 
probablement du S. nigra type; il est curieux de voir qu’en modi- 
fiant leur forme, les feuilles ont aussi changé complètement leur 
type de croissance : il y a donc ici absence complète de récapitu- 
lation. 

Le Filipendula hexaretala a, comme nous l'avons vu, des feuilles 
dont le développement est assez compliqué. La feuille adulte 
(fig. 53, E) présente entre les deux rangées de segments latéraux, 
d’autres segments plus petits : l'organogénie montre que ces petits 
segments se forment après ceux des grandes rangées et en dedans 
d'eux (II, 33). Les segments des deux rangées principales n'ont pas 
tous les mêmes dimensions; les segments les plus proches du 
sommet de la feuille sont moins grands que ceux du milieu : ils se 
forment plus tard (II, 32). Les segments de la base sont plus petits 
encore : ils continuent à se former longtemps après que le sommet 
du phyllopode a cessé de produire de nouveaux mamelons (II, 32). 
Les segments latéraux se ramifient à leur tour; leurs divisions 


(1) Nous discuterons les deux énoncés à la fin du travail. 


TOME III, 1894. 


316 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION 


Fic. 53. — A. Spiraca chamaedryfolia. — B. Sp. chamaedryfolia ulmifolia. 
C. Sp. bullata. — D. Sp. Douglasi. — KE. Filipendula hexapetala. (Sp. 
Filipendula). — F. Potentilla fruticosa.'— G. Holodiscus discolor (Sp. 
ariaefolia). — H. Agrimonia Eupatoria (segment du premier degré). 
— I. Sorbaria sorbifolia (Sp. sorbifolia) (segment du premier degré) (1/1). 
(Photographies directes de feuilles). 


TOME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 317 


décroissent de taille de la base au sommet de chaque segment : 
leur formation est acropète. Les plus étendues de ces divisions ont 
une plus grande surface que les plus petits segments de la base de 
la feuille : elles naissent avant ceux-ci. 

Chez les Spiraea chamaedryfolia, S. chamaedryfolia ulmifolia, 
S. bullata et S. Douglasi (fig. 52, A, B, C, D), les dents foliaires sont 
peu accusées; en règle générale, les dents les plus proches du 
sommet et de la base sont plus petites que celles du milieu de la 
feuille : généralement aussi leur formation est du type divergent. 
Mais la variabilité individuelle est assez étendue : l'importance 
fonctionnelle de ces dents est si faible que la sélection naturelle 
n'intervient plus guère pour fixer telle ou telle variation. Le déve- 
loppement (II, 24 a 28, et III, 38) reflète le défaut de fixité de la 
forme : les dents naissent presque en même temps à une époque 
tardive du développement de la feuille. Il n’est pas rare que les 
premières dents formées soient celles du sommet ou de la base 
(II, 24, C, et IT, 28) : le type de ramification devient ainsi basipète ou 
acropète (*). 

L’organogénie de la feuille d’Holodtscus (II, 31) montre aussi le 
parallélisme entre le développement et la forme définitive (fig.53,G). 
De même, pour la feuille de Sorbaria. Les segments primaires sont 
graduellement décroissants vers le sommet de la feuille : ils sont 
acropètes (Il, 29); les dents de ces segments sont le plus longues 
vers le milieu (fig. 53, I) : elles se développent suivant le type diver- 
gent (II, 30). 

Sur les segments d’A grimonia (fig. 53, H), les dents voisines du 
sommet sont les plus grandes : elles naissent d’après le mode basi- 


(1) Le genre Spiraea est, depuis les observations de Trécul (10), un exemple 
classique des différences que montre l’organogénie de la feuille chez des espèces 
d’un même genre. Mais. depuis lors, ce genre a été complètement démembre : 
certaines espèces sont devenues des Potentillees; d’autres, des Sanguisorbées; 
d’autres encore ont été transportées dans des genres voisins de la tribu des 
Spiréées. Mais le genre Sambucus offre d'excellents exemples de variations 
organogéniques étendues d’une espèce à l’autre. 


Tome III, 1894. 


318 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


péte. Mais il n'est pas rare de rencontrer tout à côté du sommet 
une dent plus petite que les autres : celle-ci se forme tardivement 
CITI S0): 

Chez le Potentilla fruticosa, la paire de segments née en dernier 
lieu (III, 36 et 37) reste plus petite que la premiere paire (fig. 53, F). 

Quelle que soit la famille a laquelle elles appartiennent, les 
feuilles « palmatinerves » ont les lobes inférieurs plus petits que les 
supérieurs (Alchemilla, Lupinus, Æsculus, Hydrocotyle, Tropaeo- 
lum, etc.) : leur développement est toujours basipète (I, 16 et 17, 
II, 18), même chez les Lupinus et VHydrocolyle qui appartiennent a 
des familles dont tous les autres représentants ont des feuilles a 
ramification acropète. 

Les stipelles de Phaseolus et de Dolichos, qui sont probablement 
des folioles réduites, naissent longtemps apres les folioles assimila- 
trices (I, 11). 

Comparons maintenant deux plantes voisines (fig. 54), dont l'une 
a des feuilles profondément découpées, tandis que l'autre a les lobes 
moins accusés. Si réellement l'ordre de formation des lobes dépend 
de la taille qu'ils sont destinés à atteindre, il faudra que la ramifi- 
cation débute plus tôt sur la feuille d'Achillaea que sur celles de 
Plarmica; c'est en effet ce qui a lieu. Les figures 40 et 42 de la 
planche III sont dessinées au même grossissement : on voit qu’a 
taille égale des jeunes feuilles, la ramification du phyllopode est 
plus avancée chez l'Achillaca Tournefortii (II, 40) que chez le 
Ptarmica alpina (Ill, 42). La différence est plus manifeste encore 
lorsqu'on compare Achillaea Millefolium et Plarmica vulgaris. La 
comparaison du Sambucus nigra et de sa variété laciniata fournit 
des conclusions analogues. 


* 
* = 


Le mode de développement de la feuille est donc déterminé par 
la forme de la feuille adulte bien plutôt que par la forme ancestrale, 
ce qui exclut naturellement toute idée de récapitulation. Il y a 


pourtant quelques exceptions à cette règle. 
Dans la généralité des Composées et particulièrement chez les 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 319 


Achillaea, les feuilles ont les plus grands lobes dans leur portion 
moyenne, et le développement est divergent. Mais les feuilles de 


Fic. 54. — A. Achillaca Tourneforlti. — B. Ptarmica alpina (#);). 
(Photographies directes des feuilles). 


Ptarmica alpina (fig. 54, B) ont tous les lobes sensiblement égaux : 
néanmoins le développement est resté divergent (III, 42). Les 
feuilles d’Achtllaea Tournefortii (fig. 54, A) portent pres de la base 


Tome III, 1894. 


320 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


des segments plus longs que ceux qui se trouvent immédiatement 
au-dessus d’eux : néanmoins le développement de la feuille est 
régulièrement divergent (III, 40 et 41) et les segments basilaires, 
quoique plus grands, se forment aprés ceux qui sont au-dessus 
d'eux. Dans ces deux cas, le type de ramification doit être consi- 
déré comme une survivance d'espèces chez lesquelles le développe- 
ment divergent correspondait a la forme des feuilles. 

D'après Trécul (10), les segments de la feuille de Podophyllum 
pellatum se développent tous en mème temps; les segments infé- 
rieurs sont pourtant pius petits que les segments supérieurs. Cette 
plante devrait être réétudiée. 

Goebel (4, p. 234) signale comme exemple de récapitulation dans 
lorganogénie, les feuilles peltées d’Hydrocotyle, Umbilicus, Tro- 
paeolum, etc. De ce que, à l’état embryonnaire, les découpures du 
limbe soient plus prononcées qu'à l’état adulte ({, 14 à 17, II, 18), il 
déduit que ces plantes répetent une forme ancestraie dont les 
feuilles étaient plus profondément divisées. Remarquons toutefois 
que les feuilles peltées commencent par avoir l'épipode nettement 
lobé, même chez l'Umbilicus (10) dont les voisins (Sempervivum, 
Crassula, Echeveria) ont des feuilles entières à tous les moments 
de leur développement (IV, 63). En outre, les feuilles peltées 
(excepté Podophyllum ?) ont, comme toutes les feuilles palmati- 
nerves, la ramification basipète, même chez l'Hydrocotyle, alors 
que toutes les autres Ombellifères l'ont acropète. La segmentation 
des feuilles peltées a l’état embryonnaire ne peut donc point être 
citée comme un exemple probant de récapitulation. 


Étudions maintenant l'organogénie de quelques feuilles plus 
spécialisées. 

Il existe, parmi les Légumineuses, de nombreuses espèces qui 
ont des feuilles incomplètes : chez toutes, le développement est 
direct et privé de toute trace de récapitulation : les phyllodes 
d’Acacia (I, 8), les feuilles de Lathyrus Nissolia (I, 7), de Lathyrus 
Aphaca (I, 6), les feuilles primaires de Lathyrus lenuifolius (I, 4), 
n’ont à aucun moment de leur évolution le moindre vestige de 


TOME III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 321 


folioles latérales. Le fait est d'autant plus remarquable qu'il existe 
des folioles sur les feuilles primaires de Lathyrus Aphaca (fig. 37) 
et d’Acacia, et sur les feuilles définitives de L. tenuifolius (fig. 30). 
Cette dernière espèce donne, après les feuilles primaires trés 
simples, des feuilles pourvues de quelques vrilles ou folioles; mais 
les unes et les autres sont privées de stipules, aussi bien a l'état 
embryonnaire qu'à l'âge adulte (I, 5). 

Les vrilles sont considérées par Goebel comme des exemples 
typiques de récapitulation dans l'organogénie. Parlant des vrilles 
de Cobaea scandens (4, p. 431), il dit : « Es haben die Ranken nicht 
nur den « morphologischen Werth » von Blattheilen, sie sind mor- 
phologisch thatsächlich während eines jugendlichen Entwicke- 
lungsstadiums nichts anderes als Blattorgane ». En effet, lorsqu'on 
compare le développement d’une feuille de Vicia avec vrille ter- 
minale (I, 3) a celui d'une feuille imparipennée de Cicer (I, 2), on 
constate une très grande analogie de forme pendant la jeunesse; 
mais, a ce stade, les lobes ne sont pas encore différenciés, les uns 
en folioles, les autres en vrilles, de sorte qu’en réalité on n’assiste 
pas a la transformation de folioles en vrilles. 

Avant les feuilles pourvues d’une vrille, beaucoup de Papiliona- 
cées donnent des feuilles terminées par une petite pointe qui est 
phylogéniquement une foliole réduite (fig. 36 et 41). Le développe- 
ment de ces feuilles (I, 10 et 13) montre que, dans le jeune age, le 
lobe terminal est aussi développé que les lobes latéraux; mais, 
encore une fois, c'est a une phase où la différenciation n’est pas 
accomplie. Chez le Lathyrus hirsutus (I, 9), on observe parfois que 
le lobe terminal se développe en une petite foliole, analogue a celle 
qui existe chez plusieurs Orobus. 

En résumé, on peut dire que chez ces Papilionacées a feuilles 
paripennées ou terminées en vrille, les premières phases organo- 
géniques sont les mêmes que celles d’une feuille imparipennée, 
ce qui est inévitable; mais les différences sont nettes dès le moment 
où les divers segments se spécialisent. 

Les feuilles primaires rubanées de Sagittaria et d'Alisma qui, 
phylogéniquement, dérivent des feuilles moyennes, ne ressemblent 
a celles-ci à aucun moment du développement. 

Il existe, dans plusieurs familles, des feuilles dont les bords sont 

Tome III. 21 


TOME III, 1894. 


322 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


enroulés en dessous : Calluna, Erica, Andromeda, Empetrum, 
Oxycoccos, etc. Cette disposition existe toujours depuis la jeunesse 
de la feuille (II, 21). 

Les feuilles charnues de Sempervivum (IV, 63), de Sedum, de 
Mesembryanthemum (voir Goebel, 5) se développent directement 
sans aucun rappel ancestral. 

Beaucoup de Graminées des dunes : Agropyrum, Ammophila, 
(III, 55), ont des côtes longitudinales sur la face supérieure de la 
feuille : elles existent des le jeune age. 

Les feuilles de | Eucalyptus Globulus adulte ne different pas seu- 
lement des feuilles primaires par leur disposition alterne, mais 
encore par leur structure (voir plus loin) et par leur forme : elles 
ont un long pétiole et sont falciformes. Dans le jeune age, elles sont 
symétriques (ILI, 52) et ressemblent aux feuilles primaires (III, 53); 
bientôt leur pétiole s'allonge, et il se produit une aile membraneuse 
sur sa face externe. L’organogénie des feuilles d'Eucalyptus montre 
donc nettement de la récapitulation dans leur disposition et leur 


forme. 
3. Structure des feuilles. 


A. PARENCHYME. — La grande majorité des feuilles ont le paren- 
chyme disposé d'une façon identique : du tissu palissadique à la 
face supérieure, du tissu lacuneux à la face inférieure. Mais il existe 
d'assez nombreuses feuilles à structure aberrante, parmi lesquelles 
les feuilles équifaciales (*) qui ont le parenchyme disposé de la 
même façon sur les deux faces. Il n’est pas douteux que phylogé- 
niquement ces feuilles proviennent de types à structure normale. 
Nous avons étudié le développement des feuilles de Fabricia 
laevigata, Eucalyptus Globulus (feuilles falciformes), Honckeneya 
peploides, Scorpiurus muricatus, Eryngium marilimum et Halimus 
portulacoides : du méristème primitif dérive directement le paren- 


(1) La dénomination « équifaciale » nous paraît convenir à cette structure 
mieux que les termes « centrique » ou « isolatérale », qui ont été employés 


jusqu'ici. 


Pe ty aye 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 323 


chyme a structure équifaciale sans jamais passer par un stade 
ancestral. 

Les feuilles de Lotus corniculatus crassifolius ont une structure 
presque équifaciale : le tissu lacuneux est dense et differe peu du 
tissu palissadique; l’organogénie de ces feuilles montre qu’à un 
stade peu avancé, la différence entre le tissu lacuneux et le tissu 
palissadique est plus marquée qu'à l'état adulte. Les individus qui 
croissent dans les fonds humides des dunes, ont à la face inférieure 
de leurs feuilles, à peine épaissies, un parenchyme lacuneux très 
nettement distinct du tissu palissadique. Il nous paraît très pro- 
bable que la structure presque équifaciale des individus qui vivent 
sur les flancs arides des dunes, est due à l'adaptation individuelle : 
les jeunes feuilles protégées par leurs aînées ont la structure ordi- 
naire des organes foliaires; mais dès qu’elles sont soumises a la 
transpiration, leur évolution s’accomplit différemment et elles 
acquièrent une structure mieux adaptée à leurs nouvelles condi- 
tions d'existence. 

La feuille d’/ris setosa, I. florentina, etc., et de Narthecium ossi- 
fragum doit être considérée phylogéniquement comme le produit 
de la soudure des deux moitiés de la feuille par leur face supérieure. 
L'évolution de ces feuilles est tout à fait directe et l’organogénie ne 
présente pas le moindre vestige de la phylogénie. 

Certains Alstroemerza, le Brachypodium sylvaticum et l'Allium 
ursinum ont une particularité curieuse : les feuilles sont tordues 
de telle façon que la face inférieure regarde en haut, et la face 
supérieure, en bas; la disposition du parenchyme vert est telle que 
le tissu lacuneux se trouve contre la face morphologiquement 
supérieure (fonctionnellement inférieure) et le tissu palissadique 
contre la face inférieure (fonctionnellement supérieure); celle-ci 
porte moins de stomates que la première. Nous avons étudié le 
développement des feuilles d’A/stroemeria aurantiaca : dans le 
bourgeon, les feuilles sont disposées à la façon ordinaire : la face 
supérieure concave tournée en dedans, la face inférieure convexe 
dirigée en dehors. Dès le début de la différenciation du méristème 
primitif, on voit nettement se former la structure définitive, sans 
aucun rappel de la structure ancestrale. 


TOME III, 1894. 


324 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


B. Faisceaux. — La différenciation des faisceaux au sein du 
méristème progresse généralement dans le mème ordre que la 

ramification de la feuille. Ainsi, les feuilles a ramification diver- 
gente d’Achillaez ont déjà des vaisseaux dans la région moyenne 
de la feuille avant d'en avoir a la base ou au sommet : la formation 
des vaisseaux est donc également divergente. Dans d'autres plantes, 
elle est convergente (ce qui n’existe jamais pour la ramification) : 
dans le phyllopode de la feuille de Sambucus canadensis, les pre- 
miers vaisseaux apparaissent a la base et ils progressent vers le 
haut; lorsqu'ils sont arrivés aux deux tiers supérieurs, ils sont 
rejoints par d’autres vaisseaux dont la formation a débuté au som- 
met. Nous avons aussi rencontré quelques exemples de formation 
manifestement baszpéefe, surtout dans les feuilles pourvues de sto- 
mates aquiferes terminaux et dont le faisceau s'étale en éventail au 
sommet (Hottonia, III, 47). Chez le plus grand nombre de plantes, 
la différenciation des faisceaux est acropèle, ce qui est sans doute 
le type primitif. Ce mode de formation existe non seulement dans 
les feuilles à ramification acropète (Vicia, I, 3; Holodiscus, II, 31), 
mais encore dans des feuilles dont la croissance et la ramification 
sont nettement basipètes (Potamogelon densus, segments de la 
feuille de Sambucus canadensis). 

Nous avons vu plus haut que le type de développement des lobes 
secondaires est loin d'être toujours le mème que celui des lobes 
primaires. Des différences analogues existent pour la formation 
des faisceaux. Ainsi, chez le Sambucus canadensis, la formation du 
faisceau, convergente dans le pétiole, est acropète dans les segments 
de la feuille. 

Dans les feuilles alternes d'Eucalyptus Globulus et @E. Ravere- 
tiana, la nervure principale et les deux nervures marginales sont 
acropètes. Mais entre celles-ci naissent de petites nervures qui les 
font communiquer ; leur formation débute au sommet de la feuille 
et non à la base. En même temps que se produisent les petites 
nervures de communication, il se forme encore au sommet de la 
feuille des glandes internes a contenu huileux, qui progressent 
comme les nervures du sommet vers la base. Chez ces Eucalyplus, 
la feuille est donc d'abord acropète, mais sa spécialisation défini- 


ne. 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 325 


tive est basipéte (*). Ce sont les parties distales qui émergent 
d'abord du bourgeon en voie de développement; elles sont exposées 
les premières à la transpiration, et c’est la que se forment les pre- 
mières glandes à huile volatile. Ceci n’est qu'un cas particulier 
d'une règle plus générale dont nous avons déjà vu les applications 
à propos des organes transitoires : les organes se forment dans 
l'ordre de leur fonctionnement. 


RESUME ET CONCLUSIONS. 


Nous n’avons trouvé d’exemple bien net de récapitulation que 
dans le développement des feuilles alternes et falciformes d’Euca- 
lyptus Globulus adulte : les feuilles naissent opposées et symé- 
triques comme celles de la plante jeune. Méme ici, la récapitulation 
est incomplète : l'évolution de la structure interne de ces feuilles 
est tout à fait directe. 

Chez certains Achillaea et Plarmica, le type de la ramification de 
la feuille est le même que celui des espèces voisines, et non pas 
celui que faisait prévoir la forme de la feuille adulte : ici encore, 
nous avons probablement affaire à un legs ancestral. 

Enfin dans lorganogénie des feuilles de Lotus corniculatus cras- 
sifolius, il s'agit probablement d'un cas d'adaptation individuelle, 
plutôt que de récapitulation. 

En somme, lorsque l'organogénie de la feuille récapitule la phy- 
logénie (Eucalyptus, Achillaea, Plarmica), la récapitulation porte 
sur des caractères provenant d’ascendants très peu éloignés; nous 
avons vu qu'il en est de mème pour l'ontogénie. 


* 
as - 


Dans tous les autres cas que nous avons étudiés, l'organogénie 
de la feuille est directe : on n’observe pas la formation (même 


(*) On sait que la feuille des Sphagnum est aussi d’abord acropète, tandis que 
sa differenciation ultérieure est basipète. 


TOME III, 1894. 


326 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


se 


incomplète ou transitoire) d’organes ancestraux, devenus inutiles 
dans l'espèce considérée. De même que pour l’ontogénie, la sélec- 
tion naturelle a bientôt éliminé ce qui serait superflu et, partant, 
nuisible. 

Aussi, quand les espèces d’un même genre ont des feuilles diffé- 
remment formées (Sambucus), constate-t-on que l’organogénie 
reflète nettement ces différences. De même, lorsque dans une même 
espèce les dents foliaires ont une forme peu constante (Spiraea 
ulmifolia, S. Douglasi, etc.), l'organogénie de la feuille est tout 
aussi variable. Dans les exemples de feuilles réduites que nous 
avons étudiés (phyllodes d’Acacia, feuilles primaires de Sagittaria, 
de Lathyrus tenuifolius, etc.), les feuilles ne possèdent à aucun 
moment du développement les organes qu’elles ont perdus. 

Nous croyons avoir établi que l’organogénie de la feuille se fait 
d'après les règles suivantes : 

1° Les portions qui naissent les premières, fonctionnent les pre- 
mières : les organes de protection des jeunes feuilles (poils, sti- 
pules, etc.) naissent tôt et se développent rapidement; ils tombent 
dès que leur fonction est accomplie. 

2° Des portions qui fonctionnent en même temps, celles qui 
naissent les premières deviennent les plus grandes : le type de 
développement est acropète, basipète, divergent, suivant que les 
lobes les plus grands de la feuille seront à la base, au sommet ou 
au milieu. 

L'ordre de fonctionnement des diverses parties de la feuille serait 
donc déterminé par leur ordre de formation; la taille relative des 
portions qui fonctionnent en même temps serait également déter- 
minée par leur ordre de formation. 

I] est probable que primitivement toutes les feuilles se ramifiaient 
suivant le type acropète; des variations individuelles dans le 
mode de développement ont amené des feuilles à forme aberrante; 
lorsque cette particularité de forme était avantageuse, le nouveau 
mode de développement avait grande chance d'être fixé. On peut 
donc dire que, sous l'influence de la sélection naturelle et de 
l'hérédité : 1° les organes qui doivent fonctionner les premiers, nais- 
sent les premiers; 2° les organes qui doivent fonctionner en même 
temps, naissent par ordre de taille. 


Tome III, 1894. 


i 
| ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 327 


BIBLIOGRAPHIE 


1. F. O. BowER, On the comparative Morphology of the Leaf in the Vascular 
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Elwert’sche Universitats Buchhandlung, 1861. 

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K. Preuss. Akad. d. Wissensch. zu Berlin, 1885.) 

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(Schenk’s Handbuch der Botanik, Bd III, I. Hälfte. Breslau, E. Trewendt, 
1884.) 

5. K. GoEsBEL, Pflanzenbiologische Schilderungen, I. Th. Marburg, Elwert’sche 
Verlagsbuchhandlung, 1889. 

6. M. Porrer, The Protection of Buds in the Tropics. (Fourn. Linn. Soc. 
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7. P. Groom, On Bud-protection in Dicotyledons. (7rans. Linn. Soc. London 
[Botany], Vol. III, Part 8, p. 255.) 

8. H. ScHENCK, Beiträge zur Biologie und Anatomie des Lianen. II. Th. : Ana- 
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Fischer, 1893.) 

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vol. XI, 1893.) 

10. TRECUL, Mémoire sur la formation des feuilles. (Azz. sciences natur. [3], 
SX, D: 935.) 


TOME III, 1894. 


328 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


TABLE ALPHABETIQUE DES GENRES CITES 


Les figures dans le texte sont indiquées par un astérisque (*). 


Les figures des planches sont indiquées par le numéro de la planche. 


Abrus, *278, *281, *283. 

Acacia, 294, 297, 298, 304, 306, 320, 
321,320: El 

Acer, 294. 

Achillaea, 312, 313, 318, *319, 324, 325. 
Pls Til, 40, 47. 

Adiantum, 272, 274. 

Adlumia, 280. 

/Egopodium, 309. 

/Esculus, 306, 318. 

Agrimonia, *317, Pl. III, 39. 

Agropyrum, 322. 

Alchemilla, 267, 318. 

Alisma, 269, 286, 290, 321. 

Allium, 323. 

Alstroemeria, 323. 

Amaryllis, 259, *261, 264. 

Ammophila, 304, 307, 322. PI. III, 55. 

Andromeda, 322. 

Anemone, 265. 

Anona, 262, *264. 

Apium, 272. 

Aponogeton, 286, 287. 

Araucaria, 263, 268, 304, 305. PL. III, 56. 

Ardisia, 262. 

Artanthe, 255. 

Aruncus, 306. Pl. II, 23. 

Asparagus, 313. Pl. II, 19, 20. 

Asplenium, 275. 


Astragalus, 261, *274, 275. 
Azolla, 286. 


Begonia, 255, *275, 276. 
Bertholletia, 265, 278. 
Beta 272. 

Bidens, 290. 

Biota, 296. 
Brachypodium, 323. 
Brassica, 272. 
Bruguiera, 252. 


Cabomba, 289. 
Caesalpinia, 279, *296, 297. 
Cakile, 259. 


‘ Calla, 287, *290. 


Callitris, 260. 

Calluna, 322. Pl. Tl, 2x. 

Carduus, *271. 

Carmichaélia, 297. 

Carpinus, 295. 

Casuarina, 261, *262, 271. 

Cedrus, 260. 

Centaurea, *272, 274. 

Cerastium, 303. 

Ceratophyllum, 290, 303, 305, 306, 311. 
PI LV; 61,62 

Cereus, 293, 294. 

Chamaecyparis, 269. 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 329 


Chara, 279, 286. 

Gicer, 277,282, 304, 300, 312, 321. Pl. I, 2. 

Cichorium, 272. 

Cirsium, 271. 

Gitous, 262, 2765 *278) 270. 

Clarkia, 260. 

Clematis, 261. 

Clerodendron, 258. 

Clitocybe, 311. 

Cobaea, 272, *279, 280, 305, 321. 

Colletia, 297. 

Convolvulus, 259, *260. 

Corydalis, 280. 

Crassula, 320. 

Cryptomeria, 260, *261. 

Cunonia, 303, 307, 308, 309. PI. III, 43, 
44, 45. 

Cupressus, 296. 

Cuscuta, 265, *266, 280. 

Cycas, 263. 


Damasonium, 286, 290. 

Delphinium, 265, *266, *267. 
Dodonaea, 295. 

Dolichos, 262, *263, 276, 279, 297, 318. 
Doronicum, 267. 


Ecballium, 256. 

Echever a, 320. 

Echinopsis, 294. 

Edwarsia, 262. 

Eichhornia, 290. 

Embelia, 258. 

Empetrum, 322. 

Ephedra, 260, *261, 266, 271. 

Erica, 322. 

Erodium, *258. 

Eryngium, *273, 274, 322. 

Eucalyptus, 294, 297, 304, 307, 322, 324, 
225 JID Gigs 528402 

Euphorbia, 294, 302. 

Euryale, 255. 


Faba, 277, 285. 

Fabricia, 322. 

Fagus, 261, *262, 278, 279. 

Ficus, 294. 

Filipendula, 307, *309, 312, 313, 315. 
Pl. IL, 32, 33, 34, 35. 

Flagellaria, 280. 

Fumaria, 280. 


Galium, 295, 310. 
Gingko, 263, 278. 
Gloriosa, 280. 
Gunnera, 255. 


Halimus, 322. 

Hedera, 269, 280, 294. 297. 

Helianthus, 266. 

Heracleum, 309. 

Hibiscus, 258, *259, 274. 

Hippocrepis, *275. 

Hippuris, 256, *258, 287. 

Holodiscus, 212, 217,224 ble leat. 

Honckeneya, 259, 271, 322. 

Hottonia, 306, *312, 324. Pl. III, 46, 47. 

Hydrocotyle, 304, 306, 307, 308, 312, 
218, 3200 Pls PET ENS TOME 


Ilex, 269, 292. 
Iris, *264, 271, 304, 323. 


Juglans, 264, 267. 
Juniperus, 294, 296. 


Lactuca, 272. 

Laminaria, 311. 

Larix, 296. 

Laserpitium, *273, 274. 

Lasiopetalum, 295. 

Lathyrus, 262, 268, 270, 277, *278, 
280, *281, *282, *283, *284, 285, 297, 
298, 304, 307, 309, 310, 320, 321, 326. 
Pl. Me 4, 5, 6, 7; 9; 10, 13. 


Tome III, 1894. 


330 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


Lecythis, 265, 278. 
Lemna, 286. 

Lepidium, 267, *273, 274. 
Lotus, 259, 323, 325. 
Lupinus, 318. 


Medicago, 275. 

Melilotus, 275. 

Mercuryalis, 265. 
Mesembrianthemum, *259, 322. 
Morus, 294. 

Muehlenbeckia. 294. 
Myriophyllum, 290, 306. 


Narthecium, 323. 

Nelumbium, 252, 253, 255, 262, *289, 
290. 

Nepenthes, 280. 

Nuphar, 287, 290. 

Nymphaea, 254, 255, 262, 278, 286, 
287, *288, *289, 290, 299. 


Oenothera, 260. 
Ononis, 275, 276. 
Opuntia, 302. 
Ornithopus, *274, 275. 
Orobanche, 265. 
Orobus, 270, 285, 321. 
Oxycoccos, 322. 


Petroselinum, 272. 

Phaseolus, 262, 265, 309, 312, 318. 
TRAIL, ly sei 

Phyllanthus, 314. 

Phyllocactus, 292, 293, 302, 314. PL.IV, 
68 a 73. 

Pinus, 260, 296. 

Piper, 255. 

Pistia, 286. 

Pisum, 277. 

Plantago, *257, 265, 295, 296. 

Podophyllum, 320. 


Polygala, 262. 

Potamogeton, 271, *286, 287, 304, 324. 
Pleo 54" 

Potentilla, 307, *312, 318, Pl. III, 36, 37. 

Ptarmica, 304, 312 318003102325; 
elle LOM 42: 

Pteris 272. 

Pterocarya, 264, 267. 


Quercus, 278. 


Ranunculus, 256, 268, 269, *291, 294, 
207, 300, 311, 312. Pl. IV, 597008 

Retinispora, 269. 

Rhamnus, 265. 

Rhipsalis, 292, 294. 

Rivina, 258. 

Rosa, 268,207, 300,212. Fl, 11022 


Sagittaria, 253, *254, 258, 268, 286, 
287, 290, 321, 326. 

Salicornia, 259, *260. 

Salsola, 259. 

Salvinia, 286. 

Sambucus, 303, 307, 310, 312, 313, 315, 
317, 318, 324, 326. Pl. III, 48) 49,850: 

Scorpiurus, 271, 322. 

Sedum, 322. 

Sempervivum, 259, 305, 320, 322. Pl. IV, 
63. 

Serratula, 270. 

Sherardia, 295, 310. Pl. I, 1. 

Sicyos, 256, 280. Pl. IV, 64 à 67. 

Silybum, 271. 

Smilax, 263, *278. 

Sorbaria, 307, 309, 312, 313, 317. Pl. II, 
20, 30. 

Sphagnum, 325. 

Spiraea, 304, 307, 313, 317, 326. Pl. II, 
2425, 20, 27, 2ounbl. Uliasz es 

Stratiotes, 302. 

Suaeda, 259. 


ToME III, 1804. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VÉGÉTALE. 331 


Swainsonia, 307, 300, 312. PI. I, 12. 

Symphoricarpus, 294. 

Taxus, 260. - 

Thalictrum, 276. 

Thuya, 260, 269, 296. 

Trianaea, 286. 

Trichosanthes, 262. 

Trifolium, 275, 297. 

Triglochin, 286, *287, 290. 

Trigonella, *275, 297. 

Tropaeolum, 262, 279, 280, 294, *295, 
208, 307, 310, 312, 318, 320. Pl. II, 18. 


Ulex, 297. 
Umbilicus, 320. 


Utricularia, 253, 311. Pl. IV, 57, 58. 

Vallisneria, 269. 

Veronica, *271. 

Vicia, 253, 203, 297, P280, "201, 252, 
*285, 297, 298, 304, 3cQ, 312, 321, 
BVP ell, 

Victoria, 255, 287, 290. 

Viminaria, 297. 


Xylophylla, 314. 
Zannichellia, 286, 


Zea, 272. 
Zylla, 297. 


TOME Ill, 1894. 


332 J. MASSART. — LA RÉCAPITULATION 


EXPLICATION DES PLANCHES 


Les signes ont la même valeur dans toutes les figures, sauf dans 43 à 45. 
A, B, C... — feuilles successives, lorsqu’elles sont alternes; ou paires 
successives de feuilles, lorsqu’elles sont opposées; ou ver- 
ticilles successifs. 
a, 6, c... = lobes du premier degré. 
a, 8, y... — lobes du deuxième degré. 
a.s., b.s., c.s, — stipules de feuilles successives. 
A moins d'indications contraires, toutes les figures de points végétatifs et de 
feuilles sont vues de profil. 
Dans tous les dessins, les poils qui recouvrent les jeunes feuilles ont été 
supprimés, pour ne pas compliquer les figures. 


PLANCHE I 


1. Point végétatif de Skerardia arvensis vu par dessus. C, bourrelet voisin du 
point végétatif, sans aucune différenciation. B, bourrelet plus âgé avec des 
éminences correspondant aux feuilles et aux stipules. À, un verticille de feuilles 
et de stipules (250/.). 

2. Point végétatif de Cicer arietinum. La feuille C, qui ne présente pas encore 
de rudiments de folioles, possède déjà une stipule {c. s.) (37/,). 

3. Point végétatif de Vicia varia. La feuille C, qui ne présente pas encore de 
rudiments de folioles, possède déjà une stipule (c. s.) (137/:). 

4. Point végétatif de plantule de Zafhyrus tenuifolius. I] ne se forme ni folioles 
ni stipules. Les feuilles C et D ont un bourgeon axillaire (5*/;). 

5. Point végétatif d’une plantule un peu plus âgée de Zathyrus tenuifolius. Les 
feuilles A et B montrent une paire d’éminences (folioles ou vrilles) (S$/,). 

6. Point végétatif de Lathyrus Aphaca. Pas de rudiments de folioles. 11 y a un 
bourgeon à l’aisselle des feuilles A et B (137/,). 

7. Point végétatif de Zathyrus Nissolia. Les stipules, qui restent petites, se 
forment tardivement (1%/;). 

8. Point végétatif d’Acacia celastrifolia. (Le contour seul des stipules anté- 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 333 


rieures est indiqué pour les feuilles A, B et C.) Pas de rudiments de folioles 
(137/1). 

9. Point végétatif de Lathyrus hirsutus. La foliole terminale (A) et la stipule 
(a. s.), accidentellement déjetée vers le dehors, sont planes et minces; la foliole 
latérale (a) a les bords recourbés vers la face postérieure. La foliole latérale (b) 
de la feuille plus jeune, se forme partiellement sur l’hypopode (137/,). 

10. Point végétatif de Lathyrus tingitanus. Les stipules se forment très tôt; 
puis elles restent stationnaires (b. s.); enfin, elles prennent un grand développe- 
ment (a. s.). Les folioles latérales se forment partiellement sur l’hypopode (b) 
(74/,). 

11. Point végétatif de Phaseolus multiflorus. (Les stipules postérieures ne sont 
pas figurées; le contour seul des stipules antérieures est indiqué.) A la base de 
la foliole latérale (a) se forment les stipelles. Les feuilles A à D portent un bour- 
geon axillaire (74/;). 

12. Point végétatif de Swairnisonia coronillaefolia. (Les stipules postérieures 
ne sont pas figurées ; le contour seul des stipules antérieures est indiqué.) Les 
folioles latérales se différencient très tardivement (112/;). 

13. Point végétatif de Lathyrus pratensis. Les feuilles A et B portent un bour- 
geon axillaire (55/,). 

14. Point végétatif d’Æ/ydrocotyle vulgaris. Les stipules (a. s.) de la feuille À. qui 
recouvrent tout le point végétatif, sont vues en coupe optique; la ligne pointillée 
indique leur attache sur la tige. Les stipules de la feuille B commencent à se 
différencier sous forme d’un bourrelet annulaire (53,,). 

15. Point végétatif plus avancé d’Hydrocoty/e. Les stipules des feuilles A et B 
sont vues en coupe optique. Leur attache sur la tige est indiquée par des lignes 
pointillées. La feuille B n’a encore aucune ramification de l’épipode. La ligne 
pointillée dans l’épipode de la feuille A indique la face supérieure concave du 
limbe (58/,). 

16. La feuille A de la figure précédente, privée de ses stipules, étalée et vue 
par sa face supérieure (58/,). 

17. Feuille plus avancée d’ Hydrocotyle, privée de ses stipules, étalée et vue 
par la face supérieure. La forme peltee est devenue manifeste. Les nervures 
s’étalent au sommet des segments. On voit aussi les faisceaux dans le méso- 


pode (5*/,). 


PLANCHE II 


18. Point végétatif de plantule de Zvopacolum majus. La feuille A est celle qui 
suit immédiatement la première paire de feuilles opposées; elle n’a pas de traces 
de stipules (58/;). 

19. Point végétatif d’ Asparagus plumosus. Les bourgeons axillaires des 


Tome III, 1804. 


334 J. MASSART. — LA RECAPITUL ATION 


feuilles A et B présentent déjà des ramifications; celui de la feuille C est encore 
simple (31/1). 

20. Feuille (f) d’ Asparagus plumosus avec un bourgeon axillaire plus développé, 
vus par dessus : 1 = axe du bourgeon; 2... 6, 2’... 6’ — rameaux latéraux; les 
plus petits (6 et 6’) sont à la base (58/;). 

21. Jeune feuille de Ca//una vulgaris avec une paire de feuilles plus jeunes et 
le point végétatif. La feuille est vue par sa face inférieure (74/,). 

22. Point végétatif de Rosa rugosa. La feuille A porte quatre paires de folioles 
a formation basipète. Les rudiments de stipules se voient à peine (137/;). 

23. Point végétatif d’Avuncus sylvester. La feuille A porte deux paires de 
ramifications acropétes et n’a pas encore de rudiments de stipules (*37/;). 

24. Point végétatif de Spiv@a Douglassi. La ramification des feuilles A et D 
est divergente; celle de la feuille C est basipéte (*37/;). 

25 et 26. Jeunes feuilles de Spiraea chamaedryfolia à deux états de développe- 
ment. La ramification est divergente (*37/r). 

27 et 28. Jeunes feuilles de Spiraea chamaedryfolia ulmifolia. La ramification 
du premier et celle du deuxième degré sont acropétes (5%/;). 

29. Point végétatif de Sorbaria sorbifolia. (La stipule antérieure de la feuille A 
est enlevée.) La ramification du premier degré est acropète. Les stipules se 
ramifient aussi; leur ramification est basipète. La feuille C a déjà des rudiments 
de stipules, mais pas encore de traces de folioles (74/1). 

30. Segment du premier degré d’une feuille de Sorbaria sorbifolia. La ramifi- 
cation du deuxième degré est divergente (58/;). 

31. Point végétatif de Holodiscus discolor. La ramification est acropète. La 
feuille est fortement plissée (112/;). 

32. Point végétatif de Æ%/ipendula hexapetala. La ramification du premier 
degré est divergente. La feuille A a ses stipules; la feuille B possède déjà la 
ramification de l’épipède, mais pas de traces de stipules (°**/1). 

33. Portion inférieure d’une feuille de Pilipendula hexapetala, vue par sa face 
supérieure. En dedans des rangées de segments du premier degré, il se forme 
deux nouvelles rangées. La ramification du deuxième degré est acropète. La 
ramification des stipules est basipète (112/;). 

34. Point végétatif de /z/ipendula Ulmaria vu par dessus. La feuille A n’a pas 
encore de stipules (137/,). 

35. Feuille de Pilipendula Ulmaria, avec les stipules (st.) formées (137/,). 


PLANCHE III 


36. Point végétatif de Pofentilla fruticosa. La feuille A porte une paire de 
segments latéraux et deux stipules (137/1). 
37. Feuille de Potentilla fruticosa, plus avancée que la feuille A, de la figure 


Tome III, 1894. 


ET L'INNOVATION EN EMBRYOLOGIE VEGETALE. 335 


précédente, vue par sa face supérieure. Elle a formé deux nouveaux segments 
en dedans des premiers (137/;). 

38. Feuille de Spzvaca bullata, a ramification acropéte (74/1). 

39. Segment de premier ordre d’Agrvimonia Eupatoria. La ramification du 
deuxième degré est basipéte. Une dent tardive naît entre la dent latérale supé- 
rieure et la dent terminale (74/;). 

40. Point vegetatif d’ Achil/aea Tourneforti. La ramification du premier degré 
est divergente (74/,). 

41. Portion de la base d’une feuille d’Achillaea Tourneforti. La ramification 
du deuxième degre est divergente ('!?/,). 

42. Point végétatif de Ptarmica alpina. La ramification est divergente. La 
feuille B, plus longue que la feuille A de la figure 40, est moins avancée en 
ramification (74/,). 

43. Point végétatif de Cunonia capensis traité par l’éther après l’ablation de la 
stipule antérieure. Les jeunes feuilles (B) ainsi que la partie avoisinante de 
leurs stipules : A) sont couvertes de glandes. Au centre se trouvent deux jeunes 
stipules :C) (?/,). 

44. Point végétatif de Cunonia capensis avec des feuilles plus jeunes que les 
feuilles B de la figure 43; elles n’ont encore qu’une paire de segments latéraux; 
leurs stipules ont été enlevées. Les stipules C ne recouvrent pas encore leurs 
feuilles D (74/;). 

45. Point végétatif de Cunonia capensis avec des feuilles encore plus jeunes 
que celles (B) de la figure 44. Les stipules C sont rudimentaires. Il n’y a pas 
encore de trace des phyllopodes dont dépendent les stipules C. Les stipules de 
la feuille B ont été enlevées; la ligne pointillée indique leur attache (7+/,). 

46 et 47. Feuilles de Hottonia palustris à deux stades de développement. La 
ramification est basipète. Les segments les plus ages portent des cellules termi- 
nales à contenu brun. Les faisceaux sont basipètes (74/1). 

48. Feuille de Sambucus Ebulus, vue de dessus. La ramification est acro- 
pète (87/1). 

49. Point végétatif de Sambueus nigra. La ramification est basipète (74/:). 

50. Feuilles de Sambucus nigra laciniata. La ramification du premier degré 
est basipète. La ramification du deuxième degré (sur le segment terminal) est 
acropète (5/;). 

51. Extrémité d’un rameau à feuilles alternes et falciformes d’ Eucalyptus 
Globulus. Les feuilles les plus jeunes sont opposées. Les feuilles d’une même 
paire sont indiquées par la même lettre. L'une des feuilles B porte un bourgeon 
axillaire à feuilles encore opposées. Les bourgeons axillaires des feuilles À sont 
coupés (4/1). 

52. Point végétatif d’un rameau à feuilles alternes et falciformes d'Euca/yptus 
Globulus. Les feuilles sont placées sensiblement au même niveau; leur pétiole 


Tome III, 1894. 


336 J. MASSART. — LA RECAPITULATION 


s’allonge hativement et est ailé sur le dos. Cette aile se voit de face sur l’une des 
feuilles B (74';). 

53. Point végétatif d’un rameau à feuilles opposées d'Eucalyptus Globulus \74',). 

54. Point végétatif de Potamogeton densus. Les feuilles sont alternes (250/,). 

55. Point végétatif d’Ammophila arenaria. La feuille A est étalée; le point 
végétatif et les feuilles C, D, E sont vus par transparence au travers de la 
feuille B. Celle-ci présente déjà les rudiments des plis longitudinaux de la face 
supérieure (5°/;). 

56. Point végétatif d'Araucaria excelsa (°*?/;). 


PLANCHE IV. 


57. Point végétatif d’ Utricularia vulgaris. Les feuilles A à D se ramifient par 
dichotomie (*5°/,). 

58. Portion de feuille d’Ufricularia vulgaris (vue de face) avec une jeune 
utricule. La ramification des segments est basipéte (74/;). 

5) et 60. Jeunes feuilles de Ranunculus aquatilis. Les segments latéraux (nés 
par ramification latérale) se ramifient par dichotomie. 

La feuille la plus âgée (60) a les rudiments de stipules (st.) (250/1). 

61. Point végétatif de Ceratophyllum demersum. Les feuilles les plus jeunes 
(verticilles G, F, E) ne sont pas divisées. Les feuilles des verticilles D et C pré- 
sentent la première dichotomie. Les feuilles plus âgées (B et A) sont deux fois 
dichotomisées. A droite et en bas, un bourgeon (170/;). 

62. Jeune feuille de Ceratophyllum demersum vue par dessus. Chacun des 
quatre segments est terminé par un groupe de cellules à contenu huileux et 
tannifère. Les cellules distales sont déjà vidées (74/;). 

63. Coupe longitudinale d’un point végétatif de Sempervivum arachnoideum. 
Les feuilles A, B et C ont les cellules mucilagineuses différenciées (58/;). 

64 à 67. Coupes transversales de la tige d’une plantule de Sicyos angulatus. — 
64, 2 entrenœud. — 65, 3° entrenœud. — 66, 4° entrenceud. — 67, 5° entrenceud; 
ce dernier est très jeune (1). 

68 à 73. Rameaux de PAyl/ocactus crenatus. Les figures 68 et 70 donnent des 
coupes transversales des rameaux à diverses hauteurs {"/2). 


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Recueil. de L'Institut Botanique de Bruxelles a 


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Recueil de Ulnstitut Botanique de Brurelles TH : TMassat PEI 


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SUR LA MORPHOLOGIE DU BOURGEON 


LL — LA DIFFÉRENCIATION RAMEALE CHEZ LES LIANES 


par JEAN MassarT. 


Cette note a paru dans les Annales du Fardin botanique de Buitenzorg, 
vol. XIII, 1895. 
Le présent resumé a été fait par l’auteur. 


Beaucoup de lianes ont, à l’état adulte, des rameaux de deux sortes. Les 
sarments sont très longs et souvent dépourvus de feuilles vertes; ils ont 
pour fonction d’aller chercher au loin de nouveaux supports. Les ramilles, 
généralement raccourcies, naissent sur les sarments; elles portent les feuilles et 
les fleurs. 

Les organes d’attache sont, chez les plantes volubles, les sarments eux- 
mêmes, Ailleurs, ils sont presque toujours sur les ramilles; chez les Wz/- 
lughbeia et les Ancistrocladus, dont les sarments ont une structure sympodiale, 
les organes de préhension terminent chacun des articles du sympode, 

Dans les cas où la différenciation raméale est le plus accusée, chaque bourgeon 
a une prédestination immuable. Le plus souvent, chaque feuille du sarment 
porte à son aisselle plusieurs bourgeons sériés; celui qui se développe le 
premier forme une ramille. Chez d’autres plantes, les bourgeons qui donnent les 
sarments et ceux qui donnent les ramilles occupent l’aisselle de feuilles distinctes. 


Tome III. 22 


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DES FLEURS BICALCAREES 


DE 


CORYDALIS SOLIDA 


PAR 


JEAN MASSART (°) 


Il existe peu de familles végétales aussi intéressantes que celle des 
Fumariacées. Nulle part, peut-être, on n’observe dans un groupe 
aussi restreint, des variations aussi étendues. Les anomalies les 
plus singulières se présentent au sein d'un même genre : ainsi, 
Hegelmaier (1) a montré que l'embryon de Corydalis cava, contrai- 
rement à ce qui a lieu chez l'immense majorité des Angiospermes, 
est dépourvu de suspenseur : cette même espèce ne possède, d'après 
Irmisch (2), qu’un seul cotylédon qui reste hypogé, tandis que le 
C. lutea présente, d’après Sir John Lubbock (3), les deux cotylédons 
épigés habituels. Irmisch a montré aussi que le tubercule des 
Corydalis n'a pas partout la même valeur morphologique : celui 
du C. cava est formé par la tige, celui du C. solzda est une racine. 
Ajoutons encore que chez plusieurs Fumariacées (par exemple 
Dicentra formosa et Adlumia fungosa), la corolle est nettement 
gamopétale. 

Il n'est pas douteux que ies Fumariacées sont très voisines des 


(1) Cette note a paru dans les Bulletins de la Société belge de Microscopie, 1898. 


ToME III, 1808. 


340 J. MASSART. — SUR LES FLEURS 


Papavéracées. Le genre Hypecoum établit la transition entre les 
deux groupes. Chez lAdlumia et les Dicentra les deux pétales du 
verticille externe, placés a droite et a gauche du plan antéro-pos- 
térieur, portent chacun un éperon généralement court. Les fleurs 
de Corydalis et de Fumaria n'ont qu'un éperon : un seul des deux 
pétales externes se prolonge en dessous de son point d'insertion. 
La corolle devient donc zygomorphe, mais comme l'éperon est 
latéral, le plan de symétrie de la fleur est, non pasantéro-postérieur, 
mais transversal. Or, pour que les insectes puissent se poser faci- 
lement sur la fleur, quand ils viennent chercher le nectar accumulé 
au fond de l'éperon, il faut que le plan de symétrie soit vertical; 
aussi les fleurs de Corydalis et de Fumarza effectuent-elles sur leur 
pédicelle une torsion de 90°. 

Pendant que le laboratoire ambulant était installé à Samson, 
en avril 1897, nous avons eu l'occasion de récolter sur les rochers, 
près de la grotte, trois individus de Corydalis solida chez lesquels 
les pétales externes avaient tous deux éperons (fig. A); les deux 
éperons avaient exactement la mème forme et la même dimension, 
et ils contenaient du nectar sécrété par des nectaires filiformes (qui 
sont figurés en pointillé). Les nectaires dépendent de l'étamine 
médiane de chaque groupe, tout comme chez les Dicentra. Non 
seulement ces fleurs avaient le mème diagramme que celles de 
Dicentra, mais de plus étant actinomorphes, elles avaient négligé 
de tordre leur pédicelle. 

Une étude attentive des nombreux Corydalis solida de Samson 
et des environs ne fit plus retrouver un seul échantillon compa- 
rable aux premiers; mais bon nombre d'entre eux avaient un 
second éperon réduit (fig. B). Ceux-ci étaient mème plus abondants 
que les individus dont les fleurs étaient totalement privées de cet 
appendice (fig. C). 

Pendant notre séjour a Samson, M. le professeur L. Errera nous 
apporta des fleurs de Corydalis solida recueillies dans la vallee de 
la Semois, qui présentaient la méme disposition que celle de la 
figure B. 

[l est, du reste, probable que cette anomalie n'est pas rare du 
tout. Dans la description de la famille des Papavéracées, Prantl et 


TOME III, 1898. 


BICALCAREES DE CORYDALIS SOLIDA. 341 


Kündig (4) disent : « Hier darf nicht unerwähnt bleiben, dass 
abnormer Weise bei Arten mit zygomorphen Blüthen auch ent- 
weder beide Kronenblätter gespornt sein kénnen (beobachtet bei 
Corydalis solida) oder die Spornbildung vüllig fehlen kann, so bei 
Corydalis sempervirens und bei Sarcocapnos enneaphylla, wo die 
Missbildung zur Aufstellung des Gattungs Aplectrocapnos Anlass 
gab. Ob auch die von Franchet for Arten von Corydalis neuerdings 
angegebenen Fälle von 1- und 2 spornigen Blüthen an der gleichen 


Pflanzen in ahnlicher Weise zu deuten sind, muss einstweilen 
dahingestellt bleiben. » Voici ce que dit Franchet (5) : « Le genre 
Dicentra ne saurait être maintenu, puisqu'on rencontre des Cory- 
dalis présentant à la fois des fleurs régulières à deux éperons 
comme celles des Dicentra, et des fleurs irrégulières à un seul pétale 
éperonné. Le C. chinensis Franch. Plant. David., page 38, et une 
autre espèce encore inédite, envoyée du Tonkin par l'abbé Bon, 
sont tout particulièrement dans ce cas. » 

Ce qui fait l'intérêt des Corydalis solida de Samson, c'est que 
chaque individu porte des fleurs d'une seule et même forme, même 


TOME III, 1808. 


342 J. MASSART. — SUR DES FLEURS BICALCARÉES, ETC. 


dans les cas où le second éperon est fortement réduit et où sa taille 
est encore inférieure à celle de la fleur de la figure B. 

Nous nous trouvons donc dans le genre Corydalis en présence 
d'espèces qui sont parvenues a des degrés très divers d'évolution. 
Tout l'ensemble des Papavéracées et des Fumariacées dérive sans 
doute d’une plante voisine d'Hypecoum. Le phylum qui a donné 
les Fumariacées a d’abord acquis des fleurs à deux éperons, comme 
chez Dicentra. Plus tard, l’un des deux éperons s'est atrophié et la 
fleur, devenue zygomorphe à plan de symétrie transversal, a dû se 
tordre sur son pédicelle. Mais cette disposition, réalisée en son 
entier chez les Fumaria et chez la plupart des Corydalis, est encore 
incomplète chez le C. ochroleuca dont les fleurs possèdent d’une 
façon normale un grand éperon fonctionnel et un petit éperon 
réduit ; enfin, le C. solida présente, dans ses divers individus, tous 
les stades successifs de la réduction, depuis ceux qui ont des fleurs 
a deux éperons égaux, jusqu'à ceux où il ne reste plus la moindre 
trace du second éperon. 


BIBLIOGRAPHIE 


(1) HEGELMAIER, Vergleichende Untersuchungen über Entwickelung dikotyle- 
doner Keime. Stuttgart, 1878. 

(2) Irmiscx, Ueber einige Fumariaceen. (464. d. Naturf. Ges. Halle, V1, 1862.) 

(3) Sir Jon Luppock, A contribution to our Knowledge of Seedlings. London, 
1892. 

(4) PRANTL und Kiinpic, Papaveraceæ, dans Engler und Prantl’s natürlichen 
Phlanzenfamilien, I]. Teil, 2. Abteilung, p. 134. 


(5) FRANCHET, Plantae Yunnanenses. (Bud/. Soc. bot. France, XXXIII, p. 391, 
1886.) 


L'AIMANT AGIT-IL 


SUR LE*NOYAUD EN DIVISION? 


PAR 


L. ERRERA (’) 


Les phénomenes morphologiques de la division du noyau 
commencent a étre bien connus. Au contraire, les problemes phy- 
siologiques que la caryocinèse soulève ont été jusqu'ici a peine 
abordés. Quelques indications éparses et très incomplètes sur la 
durée de la caryocinèse à différentes températures; la fréquence de 
la fragmentation des noyaux dans des cellules de jeunes Haricots 
hypertrophiés par une chaleur excessive (Prillieux) (*) ou par décor- 
tication (Olivier); l'influence de la gravitation sur la division 
constatée notamment pour la macrospore de Marsilia (Leitgeb, 
Sadebeck) et l'œuf de la grenouille (Pflüger), mais diversement 
interprétée (Roux, Born, O. Hertwig); l'absence d’une telle 
influence pour les œufs de Fougères (Heinricher) et les spores 
d’Equisetum (Stahl); la coincidence de l’axe de Ja figure caryociné- 
tique, dans les spores d’Equisetum en germination, avec la direc- 
tion des rayons Jumineux incidents (Stahl) : voila, a ma connais- 
sance, les seuls faits positifs que l’on puisse citer. 

On le voit, nous ne savons encore presque rien de l'action de la 
chaleur, de la lumière, de la gravitation, de l'électricité, du magné- 


(*) Cette note a paru dans le Compte rendu de la séance du 11 janvier 1890 de 
la Société royale de botanique de Belgique. (BULLETIN, t. XXIX, 2e partie, pp. 17-24.) 

(?) [PRiruiEux, Comptes rendus, Paris, 17 janvier 1881, et Annales de la Société 
des sciences naturelles, 1881, p. 347.] 


TOME III, 18co. 


344 L. ERRERA. — L'AIMANT 


tisme, de la composition chimique du milieu, sur la marche de la 
caryocinèse. Une série d'études intéressantes restent à faire. En un 
mot, si l'observation nous a révélé beaucoup, nous ignorons encore 
à peu près tout ce que l’expérimentation doit nous apprendre. 

Ces considérations m’avaient conduit à entamer, il y a plus de 
huit ans, l'étude expérimentale de la caryocinese. 

Certaines figures caryocinétiques ont une ressemblance telle- 
ment frappante avec les courbes magnétiques, qu'il ne faut pas 
s'étonner si la plupart des observateurs ont cherché des points de 
comparaison pour la division du noyau soit dans des phénomènes 
électriques, soit dans les phénomènes magnétiques proprement 
dits. Dès 1873, Fol, en décrivant la division des œufs de certaines 
Hydroméduses (Geryonia) (*), signalait l’analogie de la figure radiée 
avec le groupement de la limaille de fer autour des deux pôles 
d'un aimant; et la même idée se retrouve bientôt chez Stras- 
burger (‘). Peu après, dans son grand ouvrage (*), Fol essaie 
d'expliquer la division cellulaire par ce qu’il nomme la théorie 
électrolytique des mouvements protoplasmiques. Flemming (*) a 
formulé avec réserves une conception magnétique, sur laquelle 
il est revenu depuis (°), tout en soulignant qu'il ne s’agit la que 
d'un schéma et non d’une hypothèse sur les forces en jeu. Dans une 
petite notice parue en 1880 (°), j'avais dit à mon tour : « A certains 
égards, il y a la même différence entre le noyau au repos avant la 
division et le noyau en activité pendant la division, qu'entre un 


barreau de fer doux ordinaire et ce même barreau aimanté ». 


J'ajouterai que j'étais parvenu, en groupant convenablement des 


(r) For, Fenaische Zeitschrift, VII, 1873, p. 475. 

(2) STRASBURGER, Zel/bildung und Zelltheilung, 17° ed., 1875, p. 185. 

(3) For, Recherches sur la fécondation ct le commencement de l’hénogénie chez 
divers animaux. (MEM, SOC. PHYS. ET HIST. NAT. GENEVE, 1879, pp. 264 sqq.) 

(4) FLEMMING, Beitr. s. Kenntn. d. Zelle, XL. (ARCH. F. MIKROSK. ANAT., XVIII, 
1880, p. 230.) 

(5) FLEMMING, Zel/substans, Kern- und Zelltheilung, 1882, p. 364. 

(6) Bull. Soc. belge de microscopie, séance du 29 avril 1880, p. LxxI. 


pr 


Tome III, 1800. 


AGIT-IL SUR LE NOYAU EN DIVISION? 345 


pôles magnétiques, a reproduire avec une grande fidélité, au 
moyen de limaille de fer, bon nombre de figures de la caryocinése, 
(bipartition ordinaire, pluripartition des endospermes, œufs des 
animaux), au moins en ce qui concerne les fils achromatiques et 
les rayons protoplasmiques. La comparaison avec un aimant 
plongé dans de la limaille se trouve aussi développée d'une façon 
très heureuse par Oscar Hertwig. Afin de montrer comment, tout 
en attribuant au noyau les forces qui déterminent la caryocinèse 
et la division cellulaire, il admet néanmoins une coopération du 
protoplasme, il emploie l'image suivante (‘) : « De même que 
l'aimant est formé de particules régulièrement disposées, sous 
l'influence desquelles la limaille de fer ordinaire est polarisée à son 
tour, ainsi, d'après notre hypothèse, le noyau présente un agence- 
ment micellaire fixe qui modifie, lors de la division, le groupement 
assez lâche des micelles du protoplasme. De même que l'aimant est 
influencé par des masses de fer voisines qui peuvent, comme on 
sait, le faire dévier de sa direction, ainsi la position du noyau en 
division est déterminée, comme je crois l'avoir démontré dans un 
travail antérieur (*), par la distribution des masses protoplas- 
miques, ses deux centres d'attraction venant toujours à se placer 
dans ia direction de la plus grande accumulation du proto- 
plasme (5) ». 

Rappelons, d'un autre côté, que Matteucci (*) a vu des gouttes 
d'huile d'olive, suspendues dans une solution alcoolique de proto- 
chlorure de fer de même densité, exécuter des mouvements pro- 


(1) O. HERTWIG, Das Problem der Befruchtung und die Isotropie des Eïes. 
(JENAISCHE ZEITSCHRIFT, XVIII, 1884, p. 42.) 

(7) O. HERTwWIG, Welchen- Einfluss übt die Schwerkraft auf die Theilung der 
Zellen? Jena, 1884. 

(3) OBERBECK (Naturwiss. Rundschau, 1°* mai 1886) a donné des figures qui 
montrent de quelle facon des masses de fer modifient les courbes d'un champ 
magnétique. 

(4) MATTEUCCI, Sur les figures d'équilibre et sur les mouvements de certaines 
masses liquides et gazeuses. (COMPTES RENDUS, 1853, XXXVI, p. 917, cité dans 
J. PLATEAU, Statigue, etc., t. I, 1873, p. 156.) 


Tome III, 1890. 


346 L. ERRERA. — L’AIMANT 


noncés et se ranger suivant des formes constantes, lorsque le vase 
qui renferme l’émulsion est placé entre les pôles d'un puissant 
électro-aimant (°). 

Il me parut donc intéressant de commencer par des expériences 
sur l’action du magnétisme. Mes essais devaient s'étendre ensuite a 
l'influence des autres agents extérieurs; malheureusement d'autres 
recherches et des occupations pressantes m’ont fait abandonner 
cette question. Comme je ne vois pas encore la possibilité de la 
reprendre dans un avenir prochain, je me décide a publier le 
résultat de mes expériences sur le magnétisme. Ce résultat, comme 
on va le voir, a été purement négatif. 


Les expériences ont été faites au mois de septembre 1881 au 
laboratoire du Musée de l'Industrie de Bruxelles, au moyen de 
l'électro-aimant que le directeur, M. Gauthy, et le chimiste du 
Musée, feu Léonce Rommelaere, avaient obligeamment mis à ma 
disposition. Cet électro-aimant, en forme de fer à cheval horizontal, 
a une longueur totale de 35 centimetres; l’'écartement des axes 
des deux branches du fer à cheval est de 17 centimètres. Les pôles 
sont formés par deux masses de fer à peu près cubiques, de 
5.5 centimètres de haut sur 6 centimètres de large, prolongées 
chacune sur sa face interne par une pyramide tronquée de 2.5 cen- 
timètres de haut qui se termine par une facette carrée de 2 centi- 
mètres de côté (voir la figure). Les deux facettes en regard sont 
distantes l’une de l’autre de 5 centimètres. 


ea 
esata 
RUE 


Pôles de l’électro-aimant (*/; grand. nat.). 


(1) [D’après R. DuBois, Compte rendu de la Société de biologie, 20 mars 1886, le 
Micrococcus prodigiosus cultivé sur hostie, entre les pôles d’un aimant, se déve- 
lopperait plus ou moins suivant les lignes de force du champ magnétique.] 


Tome III, 1800. 


AGIT-IL SUR LE NOYAU EN DIVISION ? 347 


Le courant était fourni par des piles Bunsen: dans mes expé- 
riences, j'ai fait varier le nombre des éléments de 4 a 20. 

Pour donner une idée approximative de la force de l’électro- 
aimant, je dirai qu'avec 4 éléments Bunsen la force portative, 
mesurée en adaptant un contact aux deux pôles et en y accrochant 
des poids, atteignait 72 kilogrammes; avec 8 éléments, 100 kilo- 
grammes. Quatre éléments suffisaient pour qu'un fragment de 
cuivre suspendu entre les deux pôles fût arrêté dans sa rotation. 
Avec 20 éléments, les phénomènes de diamagnétisme étaient très 
nets : une forte barre de bismuth se place équatorialement ; une 
baguette de liège, au contraire, se place axialement comme le 
ferait une aiguille de fer, peut-être à cause des traces de fer que le 
liège peut renfermer. 


J'ai fait des cultures de poils staminaux de Tradescantia virginica 
dans l’eau sucrée, en chambre humide de carton (modèle de Stras- 
burger), d'après la méthode connue (‘). J'ai réussi a conserver 
ainsi les poils en pleine vie pendant plus de cinq jours et j'ai vu 
des divisions cellulaires s’y faire plus d’un jour après le début de 
la culture, ce qui prouve assez qu'ils se trouvaient dans de bonnes 
conditions. En plaçant de telles cultures dans le champ magné- 
tique, entre les deux pôles de l’électro-aimant, et en les y laissant 
pendant plusieurs heures consécutives, j'ai pu constater au micro- 
scope : 

1° Que les courants du protoplasme persistent (tout au plus 
diminuent-ils un peu de vitesse) (*); | 

2° Que la division caryocinétique s'effectue d’une manière nor- 
male et que la cloison se forme comme d'habitude; 

3° Dans l’idée que l'électro-aimant énergique pourrait amener 
une orientation des particules invisibles du protoplasme ou du 


() AXEL N. LUNDSTRÔM, Zakttagelser af celldelning pa lefoande material (BOTA- 
NISKA NOTISER, 15 sept. 1879); STRASBURGER, Ueber ein zu Demonstrationen 
geeignetes Zelltheilungsobjekt (SITZGSB. D. JENAISCHEN GEs , 18 juillet 1379.). 

(2) [Ewarr, On the Physics and Physiology of protoplasmic Streaming in Plants.] 


TOME III, 1890. 


348 L. ERRERA. — L'AIMANT 


noyau, comme pour les gouttelettes d'huile dans l’expérience de 
Matteucci, et que peut-être cette orientation se traduirait par une 
action sur la lumière polarisée, j'ai observé aussi entre nicols croi- 
sés les poils de Tradescantia cultivés dans le champ magnétique : 
aucun effet ne s’est manifesté quand on ouvrait ou fermait le cou- 
rant de l’électro-aimant. 

En résumé, dans les conditions où je me suis placé, un électro- 
aimant puissant n’a pas d'action appréciable sur la caryocinèse dans 
les poils staminaux du Tradescantia virginica (*). 

Ce n'est donc point du côté des actions magnétiques qu'il faut, 
semble-t-il, chercher l'explication des phénomènes compliqués de 
la caryocinèse. Ceci n'est pas une critique à l'adresse des auteurs 
cités tantôt. Car, tout en signalant certaines ressemblances, ils se 
sont bien gardés d’assimiler les phénomènes nucléaires aux actions 
magnétiques et de les attribuer aux mêmes forces. Mes expériences 
montrent combien cette réserve était justifiée. 

Le magnétisme paraissant ainsi écarté, vers où faut-il désormais 
tourner les yeux? Doit-on voir dans la striation radiée du proto- 
plasme l'expression d'un changement physico-chimique qui se 
propagerait à partir du noyau, comme le voulait Bütschli, et 
admettre ensuite, avec cet auteur, des variations de la tension 
superficielle pour rendre compte de l’étranglement et de la division 
en deux de la masse protoplasmique (*)? La tension superficielle 
nous permettra-t-elle aussi un jour d'interpréter mécaniquement 


(*) Le magnétisme s’est aussi montré sans influence sur la croissance dans les 
quelques expériences de Ciesielski (Cohn’s Beiträge, I, 1872, 2, p. 7) et de 
Reinke (ot. Zeit., 1876, p. 131). Dans les premières, des graines furent mises 
en germination au-dessus des pôles d’un petit aimant et les racines se dirigérent 
toujours verticalement en bas, indépendamment de la position de l’aimant. 
Dans les secondes, il s'agissait de déterminer si les variations brusques de la 
vitesse d’accroissement diminuent lorsqu'on soustrait la plante aux variations 
d'intensité du magnétisme terrestre. Le résultat fut également négatif. 

(2) O. Bürscazr, Studien über die ersten Entwichlungsvorgänge der Eïizclle, die 
Zelltheilung und die Conjugation der Infusorien. (ABH. SENCKENB. GES., t. X, 
1876, pp. 414, 415.) 


Tome III, 1890. 


AGIT-IL SUR LE NOYAU EN DIVISION ? 349 


les changements et les mouvements que présentent les diverses 
parties du noyau lui-même pendant la caryocinèse (*)? Ou bien 
y a-t-il lieu de faire intervenir les phénomènes hydrodynamiques si 
remarquables que Bjerknes nous a fait connaître et qui sont inver- 
sement analogues à ceux de l'électricité et du magnétisme (7)? Ce 
sont là de simples possibilités que j'énumère et non point des hypo- 
thèses que j'entends proposer. 

Aujourd'hui, comme il y a huit ans (*), la seule conclusion légi- 
time, c'est que nous ne savons encore rien des forces qui inter- 
viennent dans la caryocinèse. La simple observation ne saurait 
suffire à résoudre le problème ; c’est à l’expérimentation à nous 
éclairer. 


(*) Mon savant collègue, M. le professeur F. Plateau, à Gand, est arrivé de 
son côté à des idées analogues à celles de Bütschli et à celles que j’indique ici à 
titre de possibilité; je ne puis mieux faire que de rapporter, avec son autorisa- 
tion, un passage d’une lettre qu’il a bien voulu m'adresser (21 décembre 1886) à 
la suite de l’envoi de ma note : Sur une condition fondamentale d'équilibre des 
cellules vivantes. (BULL. SOC. BELGE MICR., 30 octobre 1886.) Voici comment il 
s'exprime : « J’ai dit aux élèves du cours de zoologie, comme hypothèse person- 
nelle, que tous les phénomènes de la caryocinèse et des mouvements nucléaires 
lors de la fécondation de l’œuf sont des phénomènes capillaires et des phéno- 
mènes dus à des différences de tension, Ces idées ont été émises par moi pour la 
première fois dans le cours de 1884. » 

(2?) Un résumé des travaux de Bjerknes a été publié par BERTIN (Ann. de chim. 
et de phys., 1882, t. XXV, p. 257). 

(3) FLEMMING, Zel//substanz, etc., pp. 357, 364. 


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RECHERCHES 


AU SUJET 


DE L'INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE ET LA FRÉQUENCE 


DE LA 


CARYOCINESE DANS LE RÈGNE VEGETAL 


PAR 


É. DE WILDEMAN (') 


» Die hohe Abhangigkeit der Entwicklung der 
Pflanzen von der Temperatur ergibt sich schon 
aus den in Freien zu gewinvenden Beobachtun- 
gen Ziemlich zahlreiche experimentelle Prüfun- 
gen haben dann in Näheren festgectellt, dass 
hinsichtlich der Zuwachsbewegung ein specifisch 
und auch individuell verschiedenes Minimum, 
Optimum und Maximum besteht. / 


PFEFFER, Pflanzenphysiologie, 
» P. 122. 


L'étude de la division nucléaire a été faite avec soin dans ces 
dernières années, soit sur des matériaux fixés, soit sur des maté- 
riaux frais; mais on n’a fait jusqu'ici que fort peu de recherches 
sur les modifications occasionnées par les agents extérieurs sur la 
durée, la fréquence ou la marche de la division caryocinétique dans 
un même type. 

Quelques auteurs ont constaté, dans certains cas, l’action de la 


(*) Ce travail a paru dans les Annales de la Société belge de microscopie 
(Mémoires), t. XV, 1891. 

Les premiers paragraphes avaient fait l’objet d’un mémoire de concours 
présenté à la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles en 1890. 


TOME III, 1891. 


352 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


—————————— 


gravitation sur la caryocinése; d'autres auteurs ont prouvé que la 
division nucléaire n'est pas influencée par la même cause chez 
quelques organismes végétaux (°). 

Si pour l'action de la pesanteur les expérimentateurs arrivent à 
des résultats positifs ou négatifs, suivant les cellules considérées, 
pour le magnétisme et l’électricité, le peu d'expériences que nous 
possédons jusqu'à ce jour sont négatives. 

Errera, dans les études qu’il a faites sur ce sujet, a vu les noyaux 
se comporter normalement, lorsque les cellules étaient cultivées 
entre les pôles d’un électro-aimant puissant (?). 

La lumière, étudiée par quelques auteurs, paraît avoir une 
influence assez différente, suivant les organismes sur lesquels on la 
fait agir. Dans un travail publié en 1885, Stahl (°) a fait connaître 
l'action directrice de la lumière sur le fuseau dans la division du 
noyau de la spore chez l’'Equisetum. L’axe de la figure caryociné- 
tique correspond avec la direction du rayon lumineux, et la 
membrane se forme perpendiculairement à cette direction, revêtant 
une forme bombée, qu'il a désignée sous le nom de « verre de 
montre », si la spore est éclairée. L’on obtient ainsi deux cellules, 
l'une, plus grande, qui donnera naissance au thalle, l’autre qui 
fournira les rhizoides. Si l'éclairage n'est pas suffisant ou bien nul, 
la cloison formée est plane et partage la spore en deux moitiés 
égales et semblables (+). Chez ie Pelvetia canaliculata, Kolderup- 
Rosenvinge (°) a observé que la première cloison qui apparaît dans 


(*) Voyezle résumé Schwerkraftund Zelltheilung (BIOLOGISCHES CENTRALBLATT, 
1% janvier 1886, p. 663); et HEINRICHER, Beeinflusst das Licht die Organanlage 
am Farnembryo? (Mirrx. Bor. INsr1TUT zu Graz, 1882, Heft IL.) 

(*) L. ERRERA, L’aimant agit-il sur le noyau en division? (BULL. SOC. ROY. DE 
BOT. DE BELG., t. XXIX, 2° partie, pp. 17-24 et page 343 du présent volume.) 

(3) STAUL, Zinfiuss der Beleuchtungsrichtung auf die Theilung der Equisetum- 
sporen. (BER. DEUTSCH. BOT. GESELLSCHAFT, 1885, Bd III.) 

(4) BUCHTIEN, Lntwicklungsgeschichte des Prothallium von Equisetum. (BiBL\0- 
THECA Boranica, Heft 8, p. 18, pl. 1, fig. 8.) 

(5) KorDERUP-ROSENVINGE, Znfluence des agents extérieurs sur l'organisation 
polaire et dorsi-ventrale des plantes. (REY. GÉN. DE BOTAN., 1889, n°% 2-6, et 1890, 
n° 18, p. 284.) 


.ToME III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE, 353 


l'œuf est également perpendiculaire à la direction des rayons lumi- 
neux. Le Fucus serratus, que le mème auteur a étudié, ne présente 
plus la même sensibilité : la première cloison qui est formée dans 
l'œuf s'oriente indifféremment par rapport aux rayons qui le 
frappent. 

Maupas, dans son travail sur l'accroissement et la multiplication 
des infusoires ciliés (’), trouve que la lumière n'intervient en aucune 
façon dans le phénomène de la division. Des expériences faites 
parallèlement a la lumière et à l'obscurité ont donné des résultats 
absolument comparables. 

Les travaux de Famintzin sur l'action de la lumière dans la 
multiplication cellulaire, ont plutôt une autre portée, que l'on ne 
peut faire intervenir ici, car l'auteur soumet les algues à un éclai- 
rage intense qui ne se réalise presque jamais dans la nature. Les 
spirogyres, d’ailleurs, ne supportent pas bien un éclairage trop 
considératle ni une chaleur trop forte. 

La composition chimique du milieu n’a pas encore fourni de 
résultats au sujet de la durée de la division caryocinétique. Cepen- 
dant W. Migula (°) a observé que dans des cultures de Spirogyra, 
faites dans de l’eau acidulée, soit par l'acide phosphorique à0.002°/, 
soit par l'acide citrique à 0.004 °/o, la division cellulaire est retardée, 
quoique la croissance en longueur de la cellule se fasse d'une façon 
très notable. Un total de quatre-vingt-quatre cellules de spirogyre, 
placées dans une solution à 0.004 °/, d'acide citrique, ont donné au 
bout de huit jours, par division cellulaire, un total de quatre-vingt- 
quinze cellules; quarante-deux cellules de la mème espèce d’algue 
placées dans de l’eau ordinaire ont fourni au bout du même temps 
un total de deux cent vingt-sept cellules. Dans la première série 
d'expériences, à partir du sixième jour, le nombre des cellules ne 
s'est plus accru, tandis que la longueur cellulaire a augmenté con- 


(1) Maupas, Rajeunissement haryogamique des ciliés. (ARCH. DE ZOOLOGIE 
EXPERIMENTALE, 1888-1889, p. 255.) 


(?) Micuta, Ueber den Einfluss starch verdiinnter Saurelisungen auf Algen- 
sellen. Breslau, 1888. > 


Tome III. 23 


Tome III, 1891. 


354 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE 


sidérablement, les cellules ayant acquis une longueur de 252 u. 
Dans le second cas, la longueur a diminué, et de 79 » que les cel- 
lules possédaient au commencement de l'expérience, la longueur 
est tombée à 73 4. La longueur totale du filament a la fin de l’expé- 
rience a été pour le filament ayant subi l'action des acides de 
23.940 p, pour l’autre de 16.751 seulement. 

Ce qui résulte de ce fait est donc assez important : c'est que la 
division nucléaire n'est pas nécessairement en rapport avec la 
croissance en longueur de la cellule. 

Pendant la division des cellules de Spirogyra, j'ai pu faire des 
mensurations exactes qui m'ont prouvé que tout le temps que dure 
la caryocinèse, la cellule n’augmente pas de longueur. Je ne pour- 
rais assurer le même fait pour le Tradescantia ; ici, au contraire, il 
m'a paru que pendant les premières phases de la division il pou- 
vait encore se faire un certain allongement de la cellule. 

Maupas a également fait sur les infusoires ciliés des expériences 
intéressantes au point de vue de la nutrition. Il a pu obtenir par 
certains artifices de culture (milieux faibles) des espèces, ou plutôt 
des races, se divisant un bien moins grand nombre de fois que dans 
les cas où on leur fournissait un aliment plus complet. 

Les observations de Maupas, relatives à la température, sont des 
plus intéressantes et montrent que, par un accroissement de cha- 
leur, la bipartition se fait plus vite. C'est ainsi que pour un 
infusoire, à ne citer que celui-là, Leucophrys palula, l'auteur 
obtient (°) : 


Températures . . . 6-8 8-II II-I4 14-17 17-20 20-23 23-26 


Bipartitions en vingt- 
quatre heures fe Ce 2 3 4 5 6 7 


ll est regrettable que nous ne possédions pas d'expériences à des 
températures plus élevées, qui nous permettraient peut-être de 
comparer la marche du phénomène dans les deux règnes. La cha- 


(7) MaAUPAS, loc. cit., p. 250. 


Pre 
ee À, Po 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINÈSE. 355 


leur est, comme on le voit, tres favorable au développement de 
ces organismes. 

Cette action est peut-être celle sur laquelle on possède le moins 
de renseignements : les caryocinèses que l’on trouve décrites dans 
une masse de travaux ne sont que rarement accompagnées d'indi- 
cations de températures exactes, et n'ont point été observées dans 
le véritable but de rechercher les modifications que cet agent pou- 
vait faire subir aux différentes phases de la division. 

Nous trouvons dans le travail de Strasburger (*) : Zellbildung 
und Zelltheilung, quelques données sur le temps qui s'écoule pen- 
dant une division complète du noyau, dans les cellules des poils 
staminaux de Tradescantia virginica et de Spirogyra, mais la 
température exacte à laquelle les expériences ont été faites n’est pas 
signalée. Pour le Tradescantia, il a obtenu des divisions complètes 
en trois heures trente minutes environ. 

Ce chiffre est supérieur a celui que j'ai trouvé; cette différence 
provient sans doute du moment où l’on prend le noyau et de la 
variété qui sert à l'expérience. 

Les mêmes observations de Strasburger sont reprises dans le 
Botanische Practicum (*). Dans son travail sur le rôle du noyau dans 
la division des cellules végétales, Treub donne également quelques 
séries d'expériences sur la division, pour lesquelles il a noté la 
durée des phénomènes caryocinétiques. Ces expériences ont été 
faites sur les filaments proembryonnaires de l'Orchis latifolia et de 
l'Epipactis palustris. Mais ici également des indications relatives à 
la température à laquelle ces durées ont été observées nous 
manquent complètement. 

Les études d'Olivier (*) ont montré que la formation des noyaux 
avait certains rapports avec la pression, ou du moins que l’accrois- 
sement des cellules était en rapport -avec la pression. Car en 


(*) Zellbildung und Zelltheilung. Dritte Auflage, 1880, p. 380, pl. VIII, fig. 38-55. 

(©) STRASBURGER, Bot. Practicum. léna, 1887, p. 568. 

(3) OLIVIER, Expériences sur l'accroissement des cellules et la multiplication des 
noyaux. (BULL. DE LA SOC. DE BOT. DE FRANCE, t. XXIX, mars 1882.) 


Tome III, 1891. 


356 E. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


diminuant cette derniére, il a obtenu des cellules géantes dans 
lesquelles le nombre des noyaux était assez considérable. Pril- 
lieux (°) a obtenu le mème résultat en faisant agir la chaleur; il a 
vu les cellules parenchymateuses de la courge et du haricot aug- 
menter de volume en mème temps que le nombre de noyaux allait 
croissant, sans qu'il y ait pour cela division cellulaire. Mais dans 
ces cas il n’y a plus division caryocinétique du noyau, il y a multi- 
plication par simple étranglement. 

Dans une note publiée par Chabry dans les Comptes rendus de la 
Soctélé de biologie de Paris, l'auteur a démontré que, par une 
compression pas trop énergique des œufs, il y avait encore caryo- 
cinese, mais que la division cellulaire s'effaçait (°). 

L'action de la température sur Jes autres phénomènes vitaux a 
été pour quelques cas déjà bien étudiée; 1l reste à voir si sur le 
phénomène physiologique de la division nucléaire le mème facteur 
a une action marquée. 

On a pu déterminer pour la faculté germinative et pour la crois- 
sance d’un certain nombre de plantes, un minimum au-dessous 
duquel, et un maximum au-dessus duquel le phénomène ne se 
produit pas; enfin un point intermédiaire optimum, qui convient 
le mieux au développement. Dans un travail sur la fécondation (°), 
Errera a énoncé cette loi de l’optimum de la façon suivante : 
« Tout phénomène vital qui est fonction d’une variabie commence à 
se produire à partir d’un certain état de la variable (minimum), se 
réalise de mieux en mieux à mesure que la variable croît jusqu'à 
un état déterminé (optimum), après quoi un accroissement de la 
variable fait se réaliser de moins en moins bien le phénomène; 
celui-ci s'arrête enfin quand la variable a atteint une certaine 
valeur maximum. » 

En 1860, dans son travail publié dans les Jahrbücher de Prings- 


() PRILLIEUX, Comptes rendus, 1881, t. XCII, p. 147. 

(2) Comptes rendus de la Société de biologie de Paris, 7 juillet 1888. 

() ERRERA et GEVAERT, Sur la structure et sur les modes de fécondation des 
fleurs. (BULL. SOC. ROY. BOT. DE BELGIQUE, 1878, p. 246.) 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINESE. 397 


heim (*), Sachs nous a fait connaître les températures maximum, 
optimum et minimum de germination d’un assez grand nombre 
de graines; en 1864, dans le Flora (’), il indique, d’après une série 
d'expériences, les températures pour le mouvement protoplas- 
mique. 

Avant cette époque, plusieurs auteurs avaient déjà appelé l'at- 
tention sur les températures minima et maxima de végétation. 

Errera est le premier qui ait signalé la portée générale de cette 
loi. En 1864, Sachs, dans son Traité de botanique (*), en avait encore 
exposé un cas particulier se rapportant aux points extrèmes entre 
lesquels les phénomènes vitaux se produisent. Ils seraient confinés 
entre o° et 50°. Comme l’auteur en convient, on ne peut assigner de 
limites générales aux phénomènes de la vie, car elles varient énor- 
mément d’un genre et d’une espèce à l’autre et même entre deux 
plantes d'une même espèce suivant les conditions auxquelles elles 
ont été soumises. Plus tard, dans ses Vorlesungen (*) de 1882, il 
arrive également à une généralisation analogue. 

D’après tous ces faits, nous voyons que la chaleur a une grande 
influence sur la végétation. Cette action s’exerce-t-elle également 
sur le noyau cellulaire? Nous verrons que oui. 

Pour démontrer l’action de la température sur le noyau et sur 
la division cellulaire, j'ai fait plusieurs séries d'expériences, sur 
trois espèces végétales différentes, appartenant l’une aux plantes 
phanérogames, les deux autres aux cryptogames. 

Les premières séries ont été faites sur la division nucléaire du 
Spirogyra, les secondes sur les noyaux bien connus des poils 
staminaux de Tradescantia, et les troisièmes sur les Cosmarium. 

_ J'exposerai d’abord les résultats des expériences faites sur les 


(1) Sacs, Physiologische Untersuchungen über die Abhängighkeit der Keimung 
von der Temperatur. (JAHRB. WISSENSCHAFT, 1860, pp. 338-377.) 

(2) Sacs, Ueber die obere Temperatur-gränse der Vegetation. (FLORA [Regens- 
burg], 1864, p. 69.) 

(3) Sacus, Lehrbuch der Botanik. Leipzig, 1868, p. 558. 

(4) SACHS, Vorlesungen über Pflansen-Physiologie. Leipzig, 1882, p. 233. 


Tome III, 1891. 


358 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE 


Spirogyra, puis ceux que j'ai obtenus par la culture des cellules 
des poils staminaux de Tradescantia, enfin ceux obtenus dans 
l'étude des Cosmarium. 


SPIROGYRA. 


La spirogyre qui a servi à mes expériences a été récoltée pendant 
tout l'hiver, à partir du mois d'octobre 1880; il m'a été possible de 
l'étudier jusqu’au mois de février dernier, mais brusquement, à la 
fin de ce mois, par suite de travaux exécutés dans les environs du 
ruisseau où elle végétait en abondance, l'espèce a disparu et je n’ai 
pu l’observer à nouveau jusqu'à ce jour. Cette forme est une des 
grosses espèces voisines du Sp. crassa; elle est caractérisée par des 
cellules assez courtes, présentant de grandes analogies avec celles 
de l’espèce sur laquelle Strasburger a fait sa première étude (’). 

Malgré le grand nombre de bandes chlorophylliennes qui 
tapissent la paroi interne de la cellule, le noyau relativement très 
gros se voit bien et l'on peut suivre facilement, sur le vivant, les 
différentes phases de la division nucléaire. 

Cette division a fait l’objet de beaucoup de travaux, les auteurs 
ont émis plusieurs opinions opposées. Certains admettent chez ce 
noyau une structure exceptionnelle et le rangent dans une caté- 
gorie spéciale, celle des « nucléoles-noyaux » (°). 

D’autres y voient un noyau assez ordinaire, qui ne différerait du 
type que par une moins grande condensation de matière chroma- 
tique dans la portion externe, et par la présence d'un gros 
nucléole ). Je ne puis entrer ici dans la discussion nécessaire pour 
vider cette question, je ne puis que renvoyer aux auteurs qui ont 


(*) STRASBURGER, Ueber Kern- und Zelltheilung, pp. 3 et SUIv., p. 213. 
(2) J.-B. Carnoy, Biologie cellulaire, fasc. 1, p. 236. 
(3) STRASBURGER, Ueber Kern- und Zelltheilung, pp. 3 et suiv., p. 213. 


Tome III, 1801. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINÈSE. 359 


publié sur cette question (*), me réservant de reprendre plus tard 
cette étude. 

Presque tous les auteurs qui ont étudié la division cellulaire chez 
les spirogyres, Pont observée la nuit. Sachs, dans son traité de 
botanique, nous dit : « Um die Theilungen zu beobachten, ist es 
nôthig, kräftig vegetirende Fäden nach Mitternacht in sehr ver- 
dünnten Alkohol zu legen um sie später zu beobachten, da die 
Theilungen nur Nachts stattfinden (*). » Il en est de même pour 
Al. Braun, qui trouve les spirogyres en division pendant les toutes 
premières heures du jour. Al. Braun est certainement le premier 
qui ait observé la division cellulaire chez cette algue; ses observa- 
tions sont naturellement incomplètes, mais déjà à cette époque il 
a attiré l'attention sur le nucléole (°). 

Plus tard, en 1880, Strasburger nous dit : « Die Spirogyren 
theilen sich des Nachts, der Vorgang pflegt zwischen 10 und 12 Uhr 
zu beginnen. Man kann ihn auf den Tag verlegen, wenn man die 
Pflanzen des Nachts über niederen Temperaturen, oberhalb o°, 
doch unterhalb + 5° C., aussetzt (*). » Dans un de ses derniers 
travaux, nous trouvons a nouveau le méme fait signalé, pour 
l'espèce qu’il a appelée Spirogyra polytaeniata (°). 

Pringsheim est le seul qui paraisse avoir vu la division en plein 
jour dans les conditions naturelles de végétation (°). 

La presque totalité des divisions que j'ai suivies se sont présen- 


() Voyez aussi STRASBURGER, Ze//bi/dung und Zelltheilung, loc. cit. 

MEUNIER, Le nucléole des Spirogyra. 

MACFARLANE, The structure and division of the vegetable cell. 

TANG1, Ueber die Theilung der Kerne in Spirogyra Zellen. (S1TZB. K. AKAD. DER 
WISSENSCH., 1, Abth., 1882.) 

Sacus, Lehrbuch der Botantk. 

(2) SACHS, Lehrbuch der Botanik. 

(3) BRAUN, Xeyuvenescence in Nature. Traduction anglaise de Henfrey, p. 237. 

(4) STRASBURGER, Zellbildung und Zelltheilung, p.171. 

(5) STRASBURGER, Ueber Keyn- und Zelltheilung, p. 325. 

(6) PRINGSHEIM, Untersuchungen über Bau und Bildung der Pflansenselle. Erste 
Abtheilung. Berlin, 1854. 


TOME III, 1801. 


360 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE 


tées pendant le courant de la journée, le point de départ se trouvant 
entre 8 heures et 10 heures du matin ; j'ai cependant fréquemment 
observé des cellules entrant en division l’après-midi, vers 3 et 
4 heures. Au contraire, en fixant, vers 12 heures de la nuit, des 
matériaux qui avaient été récoltés pendant la journée, je mai 
trouvé que fort peu de phases et parmi celles-ci presque toutes se 
rapportaient aux derniers stades de la caryocinèse. 

Si nous ne possédions que les données des auteurs que je viens 
d'exposer plus haut, on serait tenté de croire à l'intervention de 
la lumière, qui exercerait une influence contraire à la multiplica- 
tion cellulaire. 

J'ai pu cependant établir que la lumière n’a pas d'action bien 
sensible sur les phénomènes caryocinétiques. 

Des séries d'expériences parallèles ont été faites a la lumière et a 
l'obscurité : la différence qui a été observée entre les cellules expo- 
sées à la lumière et à l'obscurité, n'a pas été plus forte que celle 
que l'on remarque quelquefois entre deux cellules mises toutes 
deux à la lumière; cette différence provient donc d’autres causes. 

Il faut noter que les expériences qui ont donné lieu aux observa- 
tions de Sachs et de Strasburger ont eu lieu pour la plupart en été, 
tandis que je les ai faites en hiver, alors que l'eau dans laquelle je 
récoltais les Spirogyra n'avait pas une température qui dépas- 
sait 2°. Le procédé indiqué par Strasburger et qui consiste à 
refroidir l'eau dans laquelle sont conservées les algues, prouve 
tout au moins que les températures basses ne sont pas propices à 
la division cellulaire, et dans mes récoltes en plein air, je me 
rapprochais donc de cette expérience. 

Pringsheim (*), pour la division chez les Conferva, n'a pu déter- 
miner non plus un moment exact du jour pendant lequel le phé- 
nomène s’accomplirait; il a observé la multiplication cellulaire le 
matin, l'après-midi et le soir. Pour le Cladophora, le matin 
conviendrait le mieux; pour l'Oedogonium, ce serait ’aprés-midi. 
Il y aurait a rechercher quelles sont les causes qui déterminent ce 
choix pour ces deux dernières algues. 


(1) PRINGSHEIM, loc. cit., pp. 78-79. 


| 
{ 
L 
| 
{ 
4 
; 
{ 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINÈSE. 361 


On suit facilement la division du noyau chez la Spirogyra 
crassa. Il suffit de placer sous le microscope quelques filaments et 
de porter son attention sur une cellule dont le noyau se trouve 
dans la première phase de division. Les filaments à examiner 
sont placés dans l'eau du ruisseau où ils ont été récoltés, afin 
d'éviter les erreurs qui pourraient provenir d’un changement de 
milieu. Ce qui rend l'observation facile, est la façon dont les stades 
principaux de la division sont marqués : ils sont bien distincts les 
uns des autres, le noyau passant souvent presque instantanément 
d'une forme à une autre. 

Le premier stade est, comme on sait, caractérisé par une 
augmentation de volume du noyau, et en même temps il se forme 
à la face interne de la membrane cellulaire un cercle de micro- 
somes qui indique l'endroit où va se former la nouvelle cloison. 
Cette membrane ne se constitue pas ici, comme dans la division 
ordinaire, d'une façon centrifuge, a l’aide d'un phragmoplaste (°) 
ou corps lenticulaire, mais d’une façon centripète. 

Un noyau se trouvant dans cette premiére phase de division 
n'est pas toujours forcé de passer par les stades suivants. On peut 
remarquer en effet fréquemment qu’un noyau dans cet état, et 
même lorsqu'il a atteint des stades plus avancés dans la division 
caryocinétique, aussi longtemps que le nucléole n’a pas été entamé, 
peut revenir a l'état de repos, laissant sur la membrane la trace 
d’une formation interrompue de membrane, le reste de la cellule 
paraissant absolument normal. 

Nous verrons d’ailleurs le mème fait se reproduire dans l'étude 
suivante, mais là il n’y aura plus la première ébauche d’une mem- 
brane qui viendra nous indiquer qu'il y a eu rétrogradation. 

Quelles sont les causes qui agissent dans ce cas? Il est probable 
quelles sont internes, liées peut-être a la nutrition. 

On peut en tous cas affirmer que, aussi longtemps que le 
nucléole n'a pas subi de modifications visibles, le noyau peut reve- 
nir à l'état de repos et la cellule reprendre son état normal. 


(1) L. ERRERA, Phragmoplaste. (TAGEBLATT NATURFORSCH. VERSAMEN. WIES- 
BADEN, 1887, n° 8, reprod. in B10L, CENTRALBL., 1** février 1888.) 


TOME III, 1891. 


362 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


Placé à une température variant entre 20° et 23° C., un noyau 
qui se trouvait dans une des prophases, considérablement gonflé, 
dans l’état que j'ai représenté planche I, figure 1, a subi les modi- 
fications suivantes. Après a voir passé par les stades intermédiaires, 
figures 2 et 3, il a rétrogradé et a repris au bout de sept heures 
environ une forme arrondie à gros nucléole central, analogue à sa 
forme primitive. Il y a, il est vrai, ici un cas spécial, peut-être un 
cas pathologique, car toutes les cellules contenues dans la culture 
avaient un noyau plus ou moins modifié, toutes paraissaient 
malades. Les bandes de chlorophylle étaient contractées et le mou- 
vement protoplasmique très lent, pour ne pas dire nul. 

Après la phase rectangulaire, la figure que revêt le noyau est 
celle de deux cônes tronqués, accolés par leurs sommets. Peu de 
temps après il se forme une masse rectangulaire dont le grand axe 
est perpendiculaire à celui de la figure que représentait le noyau 
dans la phase antérieure. 

C’est le moment de la fragmentation interne du nucléole (boyau 
nucléinien?), car bientôt se forme un fuseau dont les deux extré- 
mités attirent chacune d'un côté les anses nécessaires à la forma- 
tion des noyaux filles, 

La forme que présentent les deux extrémités, constituées par des 
amas de protoplasme granuleux, est caractéristique et constante; 
je les ai toujours vues telles que je les ai figurées dans la planche I, 
figure 5. Dans les phases suivantes, cet amas de protoplasme dispa- 
raît complètement. 

Les deux nouveaux noyaux formés qui sont encore attachés à la 
jeune membrane, laissent entre eux une cavité sphérique. Petit à 
petit cette cavité diminue, la membrane s'achève et les deux 
noyaux ne se trouvent plus réunis que par un pont de protoplasme, 
dans lequel les microsomes sont animés d’un mouvement très 
rapide. Le pont protoplasmique finit par disparaître et les deux 
noyaux filles entièrement formés sont rejetés chacun vers le milieu 
de leur cellule respective. 

Mes expériences n’ont malheureusement pu aboutir pour des 
températures inférieures à 3° au-dessus de zéro ; je n’ai pu observer 
à ce degré la division complète. Un fait que j'ai remarqué souvent 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINÈSE. 363 


est que, enchâssées dans la glace, les spirogyres continuent a vivre 
et que l'on peut les extraire facilement du bloc qui les contient, 
grace probablement a la couche de mucilage qui les enveloppe et 
qui les protège peut-être contre l'action de trop basses tempéra- 
tures, Si l'on examine les filaments ainsi extraits, l'on ne trouve 
rien d’anormal dans leur structure. Cette propriété existe d’ailleurs 
chez beaucoup d’autres algues. 

Entre 3° et 4°, de même qu’entre 4° et 5°, une division complète 
n'a pu être observée. Mais on peut la déterminer approximative- 
ment, en comparant la durée de deux phases connues avec celle 
des mémes phases a une température ou la division a pu étre 
suivie enti¢rement. On trouve ainsi que la durée doit être d’envi- 
ron quatorze heures, chiffre qu'il serait nécessaire de vérifier par 
lexpérience. 

Entre 6° et 7’, j'ai pu obtenir des divisions complètes en douze 
heures environ. Plus la température augmente, plus nous allons 
voir la durée diminuer ; entre 8° et 9°, la division complète s'effectue 
en neuf heures environ. Pour la température supérieure suivante, 
entre 10° et 11°, vient se produire un écart : plusieurs expériences 
ont donné des résultats variant entre dix heures vingt minutes et 
onze heures vingt minutes. C’est surtout sur les dernières phases 
qu'a portè le ralentissement. Ces résultats, obtenus le même jour, 
nous fourniraient un optimum entre 8 et 9° ; ce qui n'est cependant 
pas exact, car si nous voyons les chiffres suivants, nous allons 
trouver une nouvelle diminution par rapport à ce que nous avons 
obtenu pour les expériences faites entre 8° et 9°. A quoi est du cet 
écart? Il ne peut, ce me semble, se rapporter qu'à des variations 
individuelles ou à des conditions défavorables subies par les 
filaments le jour précédent ou pendant la durée de l'expérience. 

A 12°, la division totale s'obtient en un temps variant de six 
heures quinze minutes a sept heures. A 13°, la courbe commence a 
changer de direction, Ja durée de la division augmente : la 
moyenne de plusicurs expériences nous donne huit heures. Entre 
14°-15°, les résultats obtenus sont trés différents et tendraient, si 
l'on ne tenait compte que de certains d’entre eux, a former un 
nouvel optimum; mais si l’on en fait une moyenne, nous conti- 


TOME III, 1891. 


364 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


nuons la courbe ascendante avec une durée de huit heures trente 
minutes. Ces différences montrent bien que toutes les cellules ne 
sont pas équivalentes, la plupart de ces expériences ayant été faites 
le même jour, sur des matériaux pris au même endroit. 

Entre 15° et 16°, la durée de la division est d'environ dix 
heures; à la température plus élevée 16°-18°, elle est de onze 
heures. Si nous continuons à élever la température, les expériences 
ne réussissent plus et, comme je l’ai dit plus haut, entre 20° et 23° 
le noyau acquiert une forme pathologique et la cellule ne peut 
plus reprendre son état normal. 

Le point optimum pour la division caryocinétique chez cette 
espèce de Spirogyra, dans les conditions où elle a été récoltée, se 
trouverait vers 12° au-dessus de zéro, le maximum vers 20°. 

Dans le tableau I, nous trouvons la durée totale de la division 
cellulaire placée en regard de la température à laquelle l'expérience 
a été faite. Les temps écoulés sont les moyennes obtenues dans 


TABLEAU I. 


Résumé des observations. 


TEMPERATURE DUREE TOTALE DE LA DIVISION 


39-40 Au delà de 14 heures. 
49-50 14 heures. 
69-70 12 heures. 
80-99 9 heures. 
100-710 10 h. 20 m.-11 h. 20 m. 
12° 6 heise 7 ee 
13° § heures. 
149-150 8 h. 30 m. 
159-160 10 heures. 
160-180 11 heures. 


209-230 Rétrogradation. 


TETE 


TOME III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC. DE LA CARYOCINESE. 365 


eo SSeSFSSseses 


quelques expériences; si les résultats étaient assez différents, j'ai 
noté les durées extrèmes entre lesquelles la caryozinése s'était 
effectuée. 

Ces résultats sont, comme je l'ai dit, fournis par des expériences 
faites sur des matériaux pris à 2° au-dessus de zéro. Certaines 
expériences faites au mois d'octobre dernier, mais dont la série n'a 
pu être terminée, ont donné des résultats qui me paraissent 
prouver de la façon la plus évidente l'action de la température 
antérieurement subie par la cellule mise en expérience. A 13°, la 
division totale qui, pour les échantillons pris à 2° au-dessus de zéro, 
demandait huit heures, n'a pris qu'environ six heures. Cette diffé- 
rence doit provenir de la température subie, car si nous prenons 
la moyenne des températures d'octobre, nous trouvons 14°, tempé- 
rature qui se rapproche beaucoup de l’optimum trouvé dans mes 
expériences. Je n’ai malheureusement pas de données sur la tempé- 
rature de l'eau dans laquelle les filaments qui avaient servi à ces 
expériences avaient été récoltés. 


TABLEAU II, 


, = NOMBRE 
TEMPERATURE FIGURE I FIGURE 4 FIGURE 5 d'expériences. 


12h. 55 m. | 4 expériences. 


60-70 gh. Orne. SIT. Tihs 20m.) |e — 
89-90 9 ho Sam: gh. 55 m. 11 h. 10 m. » 
» » OR US M; 10 h. 30 m. » 
» 8 h. 40 m. 9 h. 20 m. 10 h. 35 m. » 
D 3 h. 20 m. 4h. 5m. » 5 expériences. 
109-I 10 9 h. 40 m. 10 h. 20 m. II h. 40 m. » 
» 2b 2h. 35 m. 3 h. 50 m. » 
» 8 h. 40 m. gh. 30 m. 10 h. 55 m. » 
» 8h. 35 m. 9 h. 35 m. 10h. 55 m. | 4expériences, 
120 9 h. 9 h. 50 m. 10h. 30 m. | 2 — 
13° 8h. 30m. gh. 10 m. » » 


» gh. 10 m. 9 h. 50 m. 10 h. 50 m. » 


Tome III, 1891. 


366 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


TABLEAU II (suite). 


NOMBRE 


FIGURE I FIGURE 4 FIGURE 5 | jexpéri 
expériences. 


TEMPÉRATURE 


| 


13° gh. gh. 30m. 10h. 50 m. | 2 experiences. 

» 8h. 45 m. 9 h. 30 m. 10h. 5m. » 

» 9 h. 55 m. 10 h. 45 m. Tr hom: » 

» 8 h. 50 m. gh. 15 m. 10 h. 30m. | 9 experiences. 

» Gyliks Lysate gh. 35 m. 10 h. 40 m. » 
140-150 8 h. 35 m. 9 h. 25 m. » » 

» 11 h. 45 m. » eh » 

» gh. 15m. gh. 45 m. 10 h. 30 m. » 

» 8 h. 35 m. gh. 20m. 10 h. 15 m. » 

» Che anne TO be ETS Em. 11h. 10 m. » 

» 9 h. 20 m. 10 h. 11 b. Ioexpériences. 

15° 9 h. 30 m. gh. 55 m. 10h. 40 m. | 2 — 
150-160 zh: 10m. 2 h. 50 m. » » 

» 8 h. 30 m. gh. 10m. » » 

» gh. gh. 40 m. 10 h. 15 m. » 

» 8 h. 30 m. on: 25 m: » 8 experiences. 
160-189 iy he) rom" it 55) m0: » » 

» Ioh.50 m. eek 251). 11h, 50m. | 4 experiences, 
209-230 gh. Rétrogradation. » 2 — 


(Les chiffres de la première colonne correspondent aux températures d’expé- 
rience: les trois colonnes suivantes donnent les heures auxquelles les phases 
représentées par les figures 1, 4 et 5 de la planche ont été atteintes. Les lignes 
horizontales montrent les durées observées successivement sur une même cellule.) 


Dans le tableau qui précède, je donne quelques chiffres corres- 
pondant à la durée des phases indiquées en tête des colonnes; le 
résultat de toutes les expériences n’a pas été indiqué. Le nombre des 
expériences a été bien plus considérable, mais un certain nombre 
d’entre elles n'ont pas donné des résultats suffisamment complets 
pour être relevés. 

Du tableau I, nous pouvons déduire le temps qui s'écoule entre 


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Sy 


7 2 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC. DE LA CARYOCINESE. 367 


les phases pour lesquelles les durées ont été notées; en prenant 
une moyenne, nous obtenons le tableau suivant : 


TABLEAU III. 


DUREE DE LA PHASE DUREE DE LA PHASE 
TEMPERATURE 


figures 1 à 4. figures I à 5. 


49-50 45 minutes. 3 hs SEM 
60-70 55 — 2 h. 30 m. 
80-90 45 — 2h. 
10°] 10 7 40 — 1h. 40 m. 
122 50 — 1 h. 30 m. 
13° 38 — Ih. 34 m. 
149-150 43 — Ih. 30 m. 
150-160 44 — rh. 16m 
16°-180 40 — rh; 


Un autre point qu'il est nécessaire d'étudier, c'est celui de savoir 
s'il y a proportionnalité entre les différentes durées exigées par 
deux phases à une température donnée, par rapport au temps 
global de caryocinèse, et les mémes phases à une autre tempéra- 
ture. 

Pour autant qu'il m'a été possible d'étudier cette question, je 
dois répondre négativement. |.a comparaison n’a pu être faite que 
pour trois phases. Pour la première des trois, on voit un résultat 
inverse à celui que l'on devrait trouver, c'est-à-dire que, en aug- 
mentant la température jusqu'a 18°, la durée entre la phase où le 
noyau se trouve gonflé et celle où il prend la forme d'un fuseau 
allongé, au lieu de présenter un optimum à 12°, le présente entre 
16°-18°. [ci donc l'optimum qui s'applique a la division totale ne 
coïncide pas avec celui des phases. 

Il est possible que si les expériences pouvaient se continuer au 
delà de 18°, sans entrainer la mort de la cellule, nous verrions la 
courbe remonter (voyez le graphique, tableau V, b et c), mais à 20° 


TOME III, 1891. 


368 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


le noyau n’atteint plus la phase qui a servi de point de compa- 
raison. Il est possible aussi qu’une température aussi élevée soit 
favorable a la croissance de l’algue, aussi longtemps que celle-ci 
n'y est soumise que pendant quelques instants; si l'exposition 
devient trop longue, Ja chaleur influant sur d’autres portions de la 
cellule en entraîne probablement ia mort. 

Pour une autre phase, dont la durée est donnée dans le tableau III 
(phase figures 1 à 4), nous obtenons des valeurs qui. dans une por- 
tion de la courbe, suivent le tracé précédent, mais qui, dans les 
dernières portions, reviennent également vers le bas. 

Pour une troisième phase, qui comprend le passage de la forme 
figure 1 à l’état représenté par la figure 8, des expériences directes 
et quelques calculs m'ont conduit aux durées consignées dans le 
tableau suivant; ces résultats concordent avec les deux précédents. 

En comparant les tableaux I, III et IV, on remarque d'ailleurs 
que l'optimum de la division totale ne coincide pas toujours avec 
l'optimum de certaines phases. 


TABLEAU IV. 


DURÉE DE LA PHASE 


TEMPÉRATURE 
figures 1 à 8. 
69-70 4h. 20m. 
8-90 sb 30 m. 
109-119 4h. 
120 3h. 
13° 3h. 
14°-15° 4h. 
15°-16° 4h. 
169-180 Behe Ouse 


Le tableau V nous montre, résumées dans un graphique, les 
courbes formées par les durées totales et partielles, et permet de 
les comparer entre elles. 


TABLEAU V 


Graphique résumant la duree de la division caryocinétique (noyau de Spirogyra) 
Taratata 


Bee ea NT La ligne horizontale indique les degres 
PTT INE ae chaleur; la tige perperdicutaire tes 
à PE NÉ a 
CRUE La courbe a représente la duree totate. 
ee a 6 la duree de la phase Fg1a5, e de la 
Rene | | phase Fig. ie 4,d de laphase Fig 7a à, 


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Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 369 


FE 


,  TRADESCANTIA VIRGINICA Linn. 


Depuis 1844, les noyaux des poils staminaux de Tradescantia ont 
servi aux observations sur la division cellulaire. Nägeli en 1844, 
Hofmeister en 1849, Weiss en 1867, ont publié les résultats d’études 
sur ce sujet. Lundstrôm a fait le premier la culture des poils, dans 
le laboratoire de Strasburger à Iéna; le travail qu'il a publié sur 
ce sujet (*) a paru presque en même temps qu'une note de Stras- 
burger sur le même objet (*). Ce n'est qu’en 1880 que ce dernier, 
dans son remarquable travail sur la division cellulaire, a publié le 
résultat complet de ses études, tant sur Je vivant que sur des maté- 
riaux fixés et colorés, et qu'il a figuré les stades de la caryocinèse 
chez cette plante (’). 

En 1884, un de nos compatriotes, feu le D™ Bernimoulin, a égale- 
ment publié une note sur la division du noyau dans les cellules 
mères des stomates et des grains de pollen et dans les poils stami- 
naux du Tradescantia (*). 

La culture se fait dans une solution sucrée a 3 °/,; elle n'offre 
pas grande difficulté, pour autant que l’on expérimente sur des 
plantes normales et que l’on opère pendant la saison d'été. Des 
essais faits pendant l'hiver sur des fleurs de Tradescantia cultivés 
en serre, ne m'ont fourni aucun résultat. 

Le Tradescantia que j'ai employé croissait en plein air; les 
plantes avaient une hauteur d’environ 50 centimètres; la tige était 


() LUNDSTRÔM, Botaniska notiser, 1879, p. 113. 

(2) STRASBURGER, Ueber ein zur Demonstration geeignetes Zelltheilungs-Objekt. 
(SITZUNGSBER. JENAISCHEN GESELLSCHAFT, 1870, P. 93.) 

(3) STRASBURGER, Ze//bild. und Zelltheilung, pl. VIII. 

(4) Note sur la division des noyaux dans le 7radescantia virginica, (BULL. DE 
LA SOC. ROYALE DE BOT. DE BELGIQUE, 1834, 1r° partie, p. 7.) 


Tome III. 24 


Tome III, 1891. 


370 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


épaisse et les feuilles mesuraient environ 3 centimetres de large; 
les fleurs, assez grandes, étaient rose violacé. 

Pour l'observation, on prend les jeunes boutons, encore enfermés 
dans la base des feuilles, on enlève les sépales et les pétales à l'aide 
d’une pince; on sépare ensuite les étamines que l’on prive de leurs 
anthères. Les filets munis de leurs poils sont déposés, dans une 
gouttelette d'eau sucrée à 3 °/, sur une lamelle de verre que l'on 
renverse au-dessus d’une chambre humide. 

Les poils les plus propices à l’observation de la division nucléaire 
sont ceux qui sont formés de filaments à parois parallèles et dont 
le suc cellulaire n'est pas encore coloré. Les meilleures cellules 
sont généralement celles qui terminent les filaments. La chambre 
humide à l’aide de laquelle j'ai fait mes expériences est formée par 
un morceau de carton humecté, percé d’une ouverture circulaire 
ou rectangulaire, que l'on place sur un porte-objet ordinaire. 

Le tout a été préalablement stérilisé par un séjour de quelques 
minutes dans l’eau bouillante; on peut alors continuer les expé- 
riences pendant plusieurs jours sans voir apparaître trop de bacte- 
ries ou de mycéliums de Champignons. 

Pour obtenir une température basse ou élevée, j'ai fait usage de 
l'appareil décrit et figuré par Sachs (*)(Warmekasten). Il consiste en 
une caisse de zinc à double paroi; à l’intérieur, on place le micro- 
scope, et sur la platine de celui-ci on fixe la préparation que l'on 
veut étudier. La caisse est munie d’un couvercle en zinc au travers 
duquel passent le tube et la vis de rappel du microscope. La partie 
antérieure de la caisse est munie d'une ouverture rectangulaire 
fermée par une plaque de verre qui permet l'éclairage. Par le 
couvercle passe encore un thermomètre qui donne la température 
intérieure de la caisse. 

La forme que j'ai donnée à l'appareil qui m'a servi diffère peu de 
celle que lui donne Sachs; les changements introduits ne sont que 
des variations de détail. 

Pour les températures élevées, on peut chauffer l'appareil en 


(§) SACHS, Vorlesungen über Pflanzenphysiologie. 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 371 


entier par une veilleuse, comme le recommande Sachs, ou bien 
entretenir la chaleur en ajoutant de temps en temps a l'eau 
contenue entre la double paroi, de l’eau bouillante. A cet effet, on 
ménage dans le couvercle deux ouvertures communiquant avec le 
réservoir interne. Pour les températures basses, au lieu d’eau 
chaude, il suffit de placer de la glace ou un mélange réfrigérant. 

Dans son travail relatif à l’action de la chaleur sur le mouvement 
protop'asmique, Sachs nous donne le résultat d’expériences faites 
sur des poils de Tradescantia virginica; à 49° C., le protoplasme ne 
se meut plus. Entre 46° et 48°, le même phénomène se reproduit 
au bout d'un court séjour à cette température, mais si l'on enlève 
le bouton de ce milieu pour le placer dans un milieu plus propice, 
le mouvement reprend. 

Dans les expériences que j'ai faites, j'arrive à un résultat un peu 
différent; à la température de 45°-46°, que ces poils ont supportée 
tres bien, j’ai au contraire vu un mouvement très accusé du proto- 
plasme et, comme nous le verrons plus loin, une activité très 
grande du contenu cellulaire, puisque en trente minutes de temps 
j'ai pu observer la division complete du noyau et de la cellule. 

Pour le Tradescantia, nous ne trouvons pas, comme dans les 
autres cas ou la loi de l’optimum peut s'appliquer, un optimum 
suivi d’une série de températures différentes pour lesquelles le 
phénomène peut encore s'effectuer, mais d'une manière moins 
rapide; mais nous voyons presque immédiatement après l'opti- 
mum se présenter le maximum. 

La première phase de division est caractérisée par la disparition 
du nucléole et par la visibilité de la substance chromatique, qui se 
‘présente sous l'aspect de granules passant ensuite à la forme 
d’anses. On peut considérer une division comme terminée quand, 
une fois la membrane nouvelle rattachée aux deux parois, on voit 
apparaître, dans la masse protoplasmique qui la recouvre, des 
vacuoles ne laissant plus qu’une légère couche de protoplasme. 
C'est cette phase qui m’a servi de point de comparaison final 
(fig. 19). Si l’on prend des cellules de Tradescantia, qu'on les place 
dans une atmosphère dont la température oscille entre 8° et o°, on 
ne peut suivre jusqu'à la fin la division; si l'on a eu soin de bien 
fixer sous le microscope le noyau qui se trouvait dans une des 


TOME III, 1891. 


372 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE 


prophases, on remarque quelquefois un commencement de divi- 
sion, mais on voit immédiatement que la température basse occa- 
sionne un retard dans l'apparition des phases. Au bout de 
quelques heures, toute la structure cellulaire est désorganisée, il 
se forme dans l'intérieur un grand nombre de vacuoles et le noyau 
se désagrège. : 

Si l'on expose un noyau entre 10° et 11°, on peut observer la 
division complete en deux heures quinze minutes, chiffre moyen 
de quelques expériences faites généralement le même jour. Comme 
je l’ai dit pour le Spirogyra, l'on observe ici fréquemment des 
noyaux qui, dans les mêmes conditions, parfois dans une même 
culture côte à côte, offrent des différences de durée pouvant aller 
jusqu'à trente minutes. Ces différences notables pourraient égale- 
ment provenir du fait que dans ces noyaux, surtout à l'état 
vivant, les premiers stades de division sont très difficiles a diflé- 
rencier les uns des autres; il est malaisé de juger de la disparition 
du nucléole et de la formation des anses. 

Entre 13° et 14°, la durée totale de la division prend deux heures 
vingt minutes; si nous continuons, entre 16° et 17°, les résultats 
varient de deux heures à une heure trente minutes, ce qui nous 
donne une valeur approximative de une heure quarante-cinq 
minutes. À 19°-20°, la durée n’est plus que de une heure vingt à une 
heure vingt-cinq minutes. 

Ici viennent se placer quelques expériences dont le résultat n'est 
plus tout à fait en rapport avec la série descendante que nous 
avions obtenue jusqu’à présent. Plusieurs observations faites le 
même jour à une température variant de 20° à 21° m'ont demandé 
de une heure quarante minutes à deux heures cinquante minutes; 
il y aurait donc ici, comme pour le Spirogyra, un premier opti- 
mum. Il est probable que cette différence assez considérable 
provient de l'individu même sur lequel l'expérience a été faite, ou 
que la température subie par la plante la nuit précédente lui a été 
pernicieuse et a retardé la division. 

En examinant en effet la température qui a régné la nuit quia 
précédé ces observations, nous la trouvons descendue entre 8° et 9°, 
c'est-à-dire vers le point minimum; ce qui pourrait expliquer le 
retard de la caryocinèse. 


| ToME III, 1801. 
| 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINÈSE 373 


Si nous examinons les résultats obtenus à une température 
supérieure, nous trouvons entre 24° et 25° une durée de une heure 
quinze minutes environ pour la division totale. 

Entre 26° et 27°, le temps demandé pour l'ensemble des phéno- 
inènes caryocinétiques n'est plus que de cinquante-cinq minutes; 
entre 39° et 31°, nous trouvons encore une fois un accroissement 
de même qu’entre 20° et 21°. J'ai obtenu a cette température une 
durée de deux heures a deux heures quinze minutes; la différence 
doit provenir de l'individu même, car elle ne peut plus s'expliquer 
ici que par une différence calorifique des nuits précédentes, la 
moyenne ayant été la même que celles des nuits suivantes. 

Entre 39° et 40°, nous ne trouvons plus que trente à trente-cing 
minutes; mais une seule expérience faite à 43° nous fait à nouveau 
remonter à une durée d’une heure; mais à 45°, la diminution 
s’accentue encore: nous obtenons un optimum de trente minutes 
pour la durée totale de division. Les expériences faites à 43°ont été 
observées l'après-midi; cette dernière circonstance peut-elle 
influer sur la caryocinèse ou est-ce un cas accidentel? Je n’ai pu 
étudier ce point, mais ce que j'ai remarqué, c'est la fréquence des 
divisions nucléaires le matin, le nombre allant en diminuant 
jusqu'au soir. 

A une température favorable, telle que 45° à 46°, le nombre de 
noyaux entrant en division devient assez grand; c’est ainsi que des 
noyaux paraissant au repos et exposés peu de temps à cette tempé- 
rature, sont entrés rapidement dans les prophases. La fréquence 
de la division serait donc en rapport avec la température. 

Si nous continuons les expériences à 5o° et au dela, nous n'obte- 
nons absolument plus aucun résultat; la cellule exposée quelque 
temps à cette température se désorganise et ne reprend plus même 
à 20° sa structure normale. Pendant les premiers moments de son 
exposition, il peut cependant se faire un commencement de caryo- 
cinèse, mais généralement, lorsque le noyau arrive à la formation 
du fuseau, il s'arréte et le phragmoplaste n'apparaît pas ; il ne se 
forme par conséquent pas de cloison. Les deux noyaux filles dégé- 
nérent alors petit à petit. Dans la division normale, le phragmo- 
plaste s'attache généralement à l’une des parois et gagne alors la 
paroi opposée à laquelle il se soude. 


Tome III, 1801. 


374 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE 


La figure 16 nous montre un phragmoplaste attaché d'un côté 
seulement à la membrane cellulaire. 


TABLEAU VI. 


Résumé des observations. 


TEMPERATURE DUREE TOTALE DE LA DIVISION 


8°-9° Pas de continuation dans la division. 
[O0—1 10 24h45 am: 
130-140 2 h. 20 m. 
160-170 Ih. 45 m. 
199-200 Ih. 25 m. 
200-210 1h. 40 m.-2 h. 50 m. 
249-250 In TS En 
269-270 55 m. 
300-310 2 h.-2 h. 15 m. 
350-360 45 m. 
39°-40° 35 m. 

43° i!) Me 

45° 30 m. 

Pas de continuation dans la division. 


Dans des expériences toutes récentes, Hertwig a obtenu par le 
froid des modifications assez curieuses. Toutes les parties achro- 
matiques des figures de division disparaissent, les portions chro- 
matiques seules résistent. Par l’action de la chaleur, les premières 
réapparaissent (*). J'ai obtenu des résultats analogues, mais pas 


(1) O. HERTWIG, Æxperimentelle Studien am thierischen Ei vor, wihrend und 
nach der Befruchtung. (JENA. ZEITSCHRIFT, 1890, Bd XXIV, p. 268.) V. ref. in 
NATURWISS. RUNDSCH. IN BRAUSCHWEIG, juin 1890, n° 25, pp. 328-330. 


ToME III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINÈSE. 375 


par l'action du froid ; il est vrai que je n’ai pu faire des expériences 
à un froid aussi considérable. Par l’action de la chaleur, j'ai 
obtenu, comme nous l'avons vu, la division du noyau sans forma- 
tion de phragmoplaste et, comme conséquence, pas de mem- 
brane. L'observation est isolée : on ne peut donc pas en tirer de 
conclusions générales. Dans des expériences récentes, comme je 
l’exposerai plus loin, j'ai remarqué que des Desmidiées en division 
à des températures basses ne formaient pas de nouvelle membrane, 
le noyau se divisant normalement. 

Comme nous le voyons, le noyau soumis à des degrés de 
chaleur différents, ne suit, pour le Tradescantia virginica, la loi 
générale de l’optimum que pour autant que nous considérions cet 
optimum très proche du maximum. Ce serait en quelque sorte 
l'analogue de ce qui se passe pour l’action de la chaleur sur la 
respiration; la aussi la vitesse augmente constamment avec la 
température, jusqu’a ce que la mort survienne; la courbe indi- 
quant le phénomène ne nous montre également aucun retour. La 
fréquence de la division suit peut-étre aussi la méme marche, car, 
comme je l'ai dit plus haut, le nombre de divisions paraît 
augmenter avec la chaleur, mais il ne m’a pas été possible de 
déterminer la valeur de cette augmentation. 

La proportionnalité entre la durée des différentes phases 
peut exister, mais je ne puis établir de lignes complètes, ne possé- 
dant pas de points de repère suffisants. Ce sont d'ailleurs des 
points assez difficiles à déterminer pour le Tradescantia, car sur le 
vif une phase passe a l’autre sans donner lieu a des figures bien 
tranchées. 

C'est ce fait probablement qui a donné lieu, au moins en partie, 
aux quelques résultats discordants que nous trouvons dans cette 
étude. 

L'action des températures extrèmes paraît néanmoins prépondé- 
rante sur les premières et les dernières phases de la caryocinèse. 

Dans le tableau suivant, nous trouvons le détail des expériences 
ayant pu être suivies pendant un certain temps. 

Le grand nombre d'expériences qui n’ont fourni que des résul- 
tats incomplets est cause de ce que je ne puis dresser un tableau 


Tome III, 1891. 


376 E, DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


_ TaBceau VIT. 


NOMBRE 


TEMPÉRATURE FIGURE 13 FIGURE 14 FIGURE 19 


d'expériences. 


89-00 
TO°=TE0 
130-140 
160-170 


7 expériences 
190-209 ; : h. : » 
» 2 : : é ; 3 experiences. 
200-210 


5 expériences. 
260-270 é : , ‘ » 
» : à : : 3 expériences. 
309-310 , : : » 
» à ; By Ine 3 expériences. 
359-369 : ! : d : DOUÉ 
» ; ; A eye 3 experiences 
399-400 : : : 5 » 
» 
4 experiences. 
2 ae 
459-460 xs 3 : » 
» i : é 3 expériences. 


(Les chiffres de la première colonne correspondent aux températures d’expé- 
rience, les trois colonnes suivantes aux heures notées quand se sont présentées 
les phases figurées sous les numéros 13, 14 et 19 de la planche. Les lignes hori- 
zontales montrent les durées observées successivement sur une même cellule.) 


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TABLEAU IX. 
Graphique résumant la durée de la division caryocinétique (noyau de Tradescantia ). 


Courbes représentant la duree totale de 
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La lugne horvzontale inde les z 
PECL] eee et 
à er heures. 
CELE) eee cere te dust 
La courbe b porurllee et ivcomplete la duree 
Be SE NT) PORN ieee ee 
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dE AIS PL CPIPINNE 
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SUN EET REET PE 
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CNT ON TU ML [LITE LMANE 
HDI LIT || A 
CCIE NCC CICIEE IEEE ISSCC EPR 
CUTIE TT TTT TIT ES RENAE 
SUPE TTT 
AE RRQ he ere 


9° 10° 17° 12° 13° 14° 15° 16° 17° 18° 19° 20° 270 22° 230 240 25° 26° 27° LS 29° 30° 31° 32° 339 34° 449 G60 S7° 8° 39° 40° UI? 47° a3 due 65? 46° 47° 


à lié 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINÈSE. 27 


complet du temps qui s'écoule entre deux phases successives. 
Nous ne pouvons, en effet, déduire du tableau précédent que les 
quelques chiffres suivants, qui sont, comme on pourra le voir, 
souvent en désaccord avec la durée totale de la division cellu- 
laire. 


TaBLeau VIII. 


DUREE DE LA PHASE 
TEMPERATURE 
figures 13 et 14. 

80-90 1 heure. 
130-140 55 minutes. 
16-170 50 ues 
19°-20° 47 = 
249-250 15 Le 
359-369 beurre 
39°—400 20 > 
459-460 ne = 


Le tableau graphique IX résume les observations précédentes et 
nous permet de les comparer. 


mr 


COSMARIUM. 


Avant d'exposer le résultat des expériences relatives à l’action 
de Ja chaleur, il sera nécessaire de donner la description de la forme 
étudiée et de sa division. 

Le Cosmarium qui a servi à faire mes observations, est relative- 
ment petit. Son diamètre est d'environ 18 p, sa hauteur de 25 pu; il 
est constitué par deux hémisomates ovales, un peu tronqués. Il 
possède de la chlorophylle qui, vue de face, remplit toute la cavité 


TOME III, 1891. 


376 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE 


de l’hémisomate, et présente dans son intérieur un pyrénoide 
entouré de grains d’amidon. Vu par la partie supérieure de la cel- 
lule, le chromatophore est échancré de chaque côté. Entre les deux 
hémisomates, dans la portion qui les relie entre eux, est logé le 
noyau. Celui-ci, même à l'état vivant, montre en son centre un 
nucléole très apparent. Ce noyau présente d'ailleurs le même 
aspect que celui des autres Desmidiées et de beaucoup de Diato- 
mées. La carapace de cette forme de Cosmarium est lisse, mais si 
on l’observe avec un grossissement assez considérable, surtout 
lorsque l'Algue est privée de son contenu, on remarque un pointillé 
très fin qui la recouvre complètement. 

Si sur des matériaux fixés — c'est dans ce cas le liquide de Klei- 
neaberg qui m'a le mieux réussi, — on fait agir du carmin bora- 
cique, on obtient une belle coloration du noyau. On peut alors, après 
un lavage suffisant, passer les cellules petit à petit dans la glycérine 
concentrée qui constitue un bon milieu d'examen. Par ce réactif, 
on trouve le nucléole fortement coloré en rouge, le reste du noyau 
étant simplement rosé. 

Le mode de multiplication le plus ordinaire chez les Desmidiées 
est, comme on sait, la réduplication, c'est-à-dire une division cel- 
lulaire. La conjugaison paraît, du moins pour l'espèce qui nous 
occupe, et pour les Cosmarium en général, se faire moins fréquem- 
ment que dans d’autres groupes, par exemple chez les Closterium. 
lle ne se fait d'ailleurs que dans les conditions peu favorables au 
développement, et est un mode de conservation de l'espèce et non 
de multiplication. La réduplication a fait l'objet de plusieurs 
études. De Bary, dans son travail sur la famille des Conjuguées (°), 
a figuré et décrit la division du Cosmarium Botrytis. Dans un 
mémoire tout récent de Klebahn (°), il est fait mention de quelques 
phases de cette réduplication chez une forme voisine de ce Cosma- 
rium. Mais dans aucun des deux travaux, nous ne trouvons de 


(1) DE Bary, Untersuchungen über die Familie der Conjugaten, pl. VI, fig. 1-3. 
(2) KLEBAHN, Studien über Zygoten. 1. Die Keïmung von Closterium und Cosma- 
vtum. (JAHRB. F WISSENSCHAFT, Bd XXII, p. 415, pl. XIV, fig. 29-30.) 


Ë 


. 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 379 


données relatives a la température, et méme les durées ne sont 
souventindiquées que pour une ou deux phases successives. Aucune 
des descriptions si nombreuses de réduplication, relatives aux 
autres Desmidiées appartenant au mème groupe que les Cosma- 
rium, n’est accompagnée de déterminations de durées, corres- 


pondant a des températures données. Les seules Desmidiées pour 


lesquelles nous possédions encore quelques données relatives a la 
durée de la division sont les Closterium, sur lesquels je reviendrai 
plus loin. 

Dans l’Algue qui a servi à mes expériences, la division s'accom- 
plit de la manière suivante. Les deux hémisomates s’éloignent 
petit à petit l’un de l’autre; dans la communication qui les relie 
entre eux, se trouve le noyau qui reste pendant assez longtemps 
dans son état normal. Au moment où cette communication revêt 
la forme que j'ai représentée dans la figure 15, planche II, se 
passent les premiers phénomènes de la division nucléaire, par 
caryocinèse. Mais ces phénomènes ne peuvent être suivis sur le 
vif, même sur des échantillons fixés et colorés, ils sont encore 
souvent très difficiles à interpréter. Ce dont j'ai pu me convaincre, 
c'est qu’au moment où la portion cellulaire qui relie les deux 
hémisomates primitifs est renflée en tonneau, la masse colorable 
qui dérive sans aucun doute du noyau (nucléole?), se trouve 
disposée suivant le diamètre, présentant l'aspect d’une plaque 
nucléaire. On peut dans certains cas distinguer nettement des 
stries disposées dans le sens du grand axe de l'Algue; stries qui 
sont les fils achromatiques du fuseau. 

Puis il y a attraction d’une portion de la plaque colorable, vers 
chacun des hémisomates: il se forme ainsi deux masses allongées 
qui se colorent fortement par les réactifs colorants. En même 
temps que se fait ce transport, une membrane commence à appa- 
raître. La membrane paraît se former comme chez le Spirogyra, 
d'une façon centripète. Avant son apparition, on voit dans la partie 
cellulaire qui relie les deux cellules au point où elle naîtra, une 
grande quantité de microsomes en mouvement qui cachent le 
contenu. Le noyau alors se reconstitue et l’on peut en suivant la 
division sur le vivant, peu de temps après que la membrane a 


TOME II], 1891. 


380 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


apparu, voir les deux noyaux contenant chacun leur nucléole, 
logés dans chacune des moitiès de l'isthme divisé. Les deux noyaux 
filles restent dans le voisinage de la paroi qu'ils ont servi à former. 
Les deux nouvelles demi-cellules continuent leur accroissement; 
on voit d’abord s'écouler le protoplasme charriant des granules en 
mouvement, puis le chromatophore pénètre à son tour dans le 
nouvel hémisomate. 

Dans la forme à un seul pyrénoïde, et à une seule plaque de 
chlorophylle, telle celle que j'ai étudiée, la pénétration se fait par 
un glissement contre les parois de l’isthme, de sorte que l’on voit 
apparaître la chlorophylle sous forme de deux proéminences laté- 
rales. Vers ce moment, le nouvel hémisomate a déja presque 
acquis sa forme et sa grandeur définitives; sa membrane est 
cependant encore plus mince que celle de la cellule primitive. 

La chlorophylie, en pénétrant plus avant, pousse de plus en plus 
le noyau vers la jeune paroi, contre laquelle il est appliqué. 

Quand la plus grande portion du chromatophore est introduite 
dans le nouvel hémisomate, on voit pénétrer a son tour le pyré- 
noide qui provient de la division directe de celui qui existait dans 
la demi-cellule primitive. 

Cette division peut se faire quelquefois avant la pénétration de 
la chlorophylle, d’autres fois au moment méme ou le pyrénoide 
devra être transporté. On le voit alors s’allonger, prendre une 
forme en biscuit, s’étrangler progressivement, jusqu’à ce qu’il se 
divise, emportant avec lui dans la nouvelle moitié cellulaire une 
partie des grains d’amidon de la moitié la plus ancienne. 

Le pyrénoide en place, la plaque chlorophyllienne se scinde, 
laissant l’isthme libre, prêt à recevoir le noyau. Celui-ci, qui reste 
encore souvent pendant assez longtemps accolé à la paroi de for- 
mation récente, voyage en glissant le long de la membrane et 
vient occuper sa position normale, où il reprend la forme carrée 
avec au centre son gros nucléole. Puis les deux Cosmarium se 
séparent et continuent individuellement leur cycle d'évolution. 

Pour les Cosmarium à deux pyrénoïdes, les phases de la divi- 
sion sont les mêmes; je n’ai pu les suivre sur le vif, mais sur des 
échantillons fixés et colorés j'ai pu me rendre compte des phases 


Tome III, 1801. 


SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 381 


qui se succèdent. La forme dont j'ai pu ainsi étudier la réduplica- 
tion, a beaucoup d’analogie avec le Cosmarium Bolrytis et celle sur 
laquelle Klebahn (*) a pubiié son travail relatif aux zygospores. 
Chez cette espèce, j'ai toujours vu les pyrénoides divisés avant leur 
transport vers le nouvel hémisomate. 

Le pyrénoide est relativement assez considérable et entouré 
d'une forte couche d’amidon. Le chromatophore est dans chaque 
hémisomate divisé en deux parties, laissant entre elles un vide, 
dans lequel on remarque souvent les corpuscules mouvants que 
Fischer a fait observer. 

Une question assez difficile à trancher est celle de savoir a quel 
moment on doit considérer la réduplication comme terminée. 

Est-ce à l'instant ou les deux cellules se séparent d’elles-mémes, 
ou au moment où les noyaux ont repris leur position, au centre de 
la cellule? C’est à mon avis ce dernier point qui est l'indice de la 
fin de la division. J'ai vu en effet fréquemment deux cellules qui 
venaient à peine de se diviser et qui étaient encore réunies, subir 
chacune d'entre elles une nouvelle division. Ce fait de rester 
soudées, même longtemps après la division, dépend probablement 
de causes extérieures. Je dois faire observer ici que la forme 
étudiée était entourée d'une gaine gélatineuse, qui réunissait les 
cellules en masses souvent assez compactes. C’est probablement 
à la suite de modifications subies dans cette gaine que ces 
Desmidiées se séparent plus ou moins vite après leur division. 

On observe fréquemment des hémisomates de formes anomales ; 
tous les auteurs qui se sont occupés de l'étude de ces Conjuguées 
en ont figuré, sans toujours se rendre compte de leurs origines. 
Jacobsen (*) a fait une classification de ces modifications. Dans 
l'espèce qui nous occupe, j’en ai observé plusieurs. C'est ainsi que 
la division du noyau accomplie, il ne se forme pas de membrane 
pour séparer les deux nouveaux hémisomates; on se trouve alors 


(7) KLEBAHN, Loc. cit., pl. XIV, fig. 28. 
(2) JACOBSEN, Aperçu systématique et critique sur les Desmidiacées du Danemark. 
(JOURN. BOT. DE LA SOC. DE COPENHAGUE, 1874-1876, p. 143.) 


ToME*IIl, 1891. 


382 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE 


en présence d'une cellule dont les deux extrémités sont consti- 
tuées par les deux moitiés primitives, réunies par une portion 
arrondie ou rectangulaire, d'un diamètre plus ou moins considé- 
rable que celui des hémisomates qui lui ont donné naissance. Dans 
cette portion, nous trouvons les chromatophores et les pyrénoïdes 
disposés comme dans le Cosmarium normal. 

D'autres modifications peuvent encore se présenter ; les hémiso- 
mates peuvent être disposés en croix l’un par rapport à l’autre, ou 
l'isthme peut être considérablement agrandi. Ces aspects anor- 
maux se présentent souvent dans la réduplication. Dans mes 
cultures sur porte-objet, j'ai vu fréquemment ces dispositions en 
angle droit prendre naissance, sans pouvoir déterminer les causes 
intervenant dans cette modification. 

Les figures 8, 10, 11, 13 de la planche II montrent quelques-uns 
des nombreux cas de déformation cellulaire que l’on peut rencon- 
trer. Dans le travail de Klebahn (*), nous trouvons des figures 
analogues. 

Le premier cas cité est peut-être en rapport avec la tempéra- 
ture. En effet, il s'observe surtout lorsque la chaleur, reçue par 
l'organisme, a été peu considérable. J'ai surtout remarqué ces états 
sur des cellules qui s'étaient divisées la nuit a des températures 
voisines, si pas inférieures à zéro degré. Ce fait serait en rapport 
avec les expériences dont Hertwig (*) a publié les résultats dans le 
Jenaische Zeitschrift, et qui consistent dans la disparition par le 
froid de toutes les portions achromatiques de la figure caryociné- 
tique; par conséquent, il n’y a pas formation de membrane. Je 
n'ai pu faire des expériences directes a ce sujet. 

Ce qui est certain, c’est que le nombre de divisions que l’on peut 
observer est beaucoup moins considérable quand on examine ces 
Desmidiées à des températures basses, que lorsque les observations 
sont faites à un degré voisin de l’optimum. A l’époque où j'ai fait 
mes expériences, je n'ai pu voir qu'un petit nombre de divisions se 
produire la nuit, la température descendant vers o°: tandis que 


(1) KLEBAHN, Loc. cit., pl. XIV, fig. 41. 
(7) Hertwie, Loc. cit. 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE, | 383 


pendant la journée, a partir de 8 heures du matin, je pouvais 
observer des réduplications nombreuses. Ce nombre paraissait 
étre en rapport avec l’accroissement de la temperature; mais ici 
non plus, pas plus que pour le Spirogyra et le Tradescantza, je n'ai 
pu calculer la valeur de cette augmentation. J'ai pu d'ailleurs 
souvent me convaincre de l'action très énergique qu’exerce la cha- 
leur sur la division du Cosmarium. En plaçant sur la platine du 
microscope une culture de l'Algue, à une température de 24°, l'on 
ne voyait au commencement de l'expérience aucune prophase de 
division, mais au bout de peu de temps, plusieurs cellules étaient 
prêtes à servir à l'étude de la division. J'ai pu ainsi observer 
jusqu’à cinq cellules dans le même champ du microscope avec un 
grossissement de 300 diamètres environ. 

Si, comme nous l’avons vu, la chaleur exerce une action favorable 
sur le phénomène de la division cellulaire, et le froid une action 
opposée, il ne faut pas en déduire que ce dernier agent est con- 
traire aux phénomènes vitaux : il les retarde simplement. On peut, 
en effet, congeler l'eau qui contient ces Desmidiées sans que pour 
cela il se produise à l'intérieur de la cellule une modification 
importante. Les mémes cellules, placées ensuite à une tempéra- 
ture convenable, peuvent très bien se diviser et se développer 
comme à l'ordinaire. Le froid est beaucoup moins nuisible que la 
dessiccation, qui détruit complètement la structure interne ; aussi 
une immersion dans l’eau, même à des températures favorables, ne 
rend plus la vie à ces Algues. 

Je ne puis fournir des durées exactes pour la division totale de 
ce Cosmarium : il ne m'a pas été possible de suivre une réduplica- 
tion complète. Tout ce que je puis signaler relativement à ce sujet, 
c'est que, à une température variant de 10° à 11° C., la réduplication 
exige au delà de sept heures, et que entre 15° et 16°, elle demande 
encore plus de six heures pour les mèmes phases. 

Dans un travail publié par Douglas Campbell, dans le Bulletin 
du Torrey Botanical Club ('), sur la division cellulaire en général, 


(1) Doucias H. CaMPBELL, Studies in cell-division. (BULL. TORREY. Bor. CLUB, 
mai 1890, p. 117, pl. CII, fig. 9.) 


Tome III, 1891. 


384 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


l'auteur nous dit, à propos de la réduplication d'une forme de 
Staurastrum : « The whole process under proper conditions is 
completed in about two hours, but care must be taken that the tem- 
perature of the water in which thespecimen is mounted is about the 
same as that from which it is taken. A marked rise of temperature 
is apt to kill the cells.» Il est regrettable que l’auteur ne nous 
donne pas de plus amples détails sur la durée et sur les conditions 
propres a fournir ce résultat. 

Par le calcul, nous obtenons dans les experiences qui ont servia 
ce travail une valeur d’environ deux heures a 24° pour les mémes 
phases qui nous ont demandé six et sept heures aux températures 
indiquées plus haut. 

De Bary, dans son étude sur les Conjuguées, nous donne 
quelques durées relatives à certaines phases de la division chez le 
Cosmarium Bolrytis (*); mais ici non plus, nous ne trouvons 
d'indication quant au degré de chaleur auquel les expériences ont 
été faites. Ces renseignements ne peuvent donc servir à nous faire 
connaitre les rapports qui existent entre la température et la 
durée de la division cellulaire. 

J'ai pu déterminer, par un grand nombre d'expériences, la durée 
de certaines phases. Le choix de ces phases est assez difficile, car 
on ne peut se baser sur des caracteres tirés du noyau, celui-ci 
n’étant, dans la plupart de ses transformations, pas visible sur 
le vif. 

J'ai pris, après bien des tatonnements, comme points de compa- 
raison les stades suivants : pour une premiere série d’expériences, 
le temps qui s’écoule entre les phases représentées dans la plan- 
che II par les figures 3 et 5; pour une deuxieme série, la durée des 
phases figures 2 et 3, et pour une troisième série, très incomplete, 
la durée employée par l’Algue pour passer de la forme figures 1 
et 3. 

Ces trois séries ont fourni des résultats tres comparables entre 
eux, qui se trouvent consignés dans les tableaux suivants : 


(*) DE Bary, Loc. cit., pp. 86 et 87. 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 385 


TABLEAU X. 


Durée de la phase, planche Il, figures 3 à 5. 


NOMBRE 
d'expériences. 


TEMPÉRATURE |10°-11°|15°-16° 


! 
| 


2h. 40/2h.15|1h.35|/rh. 15 50 m.|40 m. 45 m.|45 m.| rh. 5| 1h. 30 


2h. 45|2h, 13 1h. 25/50 m.|40m.|4o m.|45 m.| 50m. | 3 h. 15 
1 h. 10/55 m.|4om.|45 m.|50 m.| 50 m. 
Th. 15/55 m.|40 m. 50 m. 
Ih. 20/55 m.j40 m. | 
155 Mm.|45 m. 
60 m.|45 m. 


TABLEAU XI. 


Durée de la phase, planche II, figures 2 à 3. 


NOMBRE 
d'expériences. 


TEMPERATURE. | 100-110 | 159-160 220 | 240 
ec | | - 
Y LU Ts Et Le 30 m. |30 m.|30 m.[35 m.|40 m.|45 m. 


Ih. 30 25 m. |20 m.|25 m. 


Phe 35 35 m. |25 m.|20 m. 


35 m. |30 m.|20 m. 


35 m.|25 m. 
25m. 


Tome III. 25 


Tome III, 1891. 


386 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


TABLEAU XII. 


Durée de la phase, planche II, figures 1 à 3. 


NOMBRE 
d’experienc: s. 


55 m. 4h. 20m. 


Dans ces tableaux, la premiére ligne horizontale nous indique le nombre 
d’experiences; la seconde, les températures auxquelles les observations ont éte 
faites; enfin les colonnes sous ces chiffres donnent les durées en heures et 
minutes de la phase inscrite en téte du tableau. 


Un nombre bien plus considérable d'expériences a été fait, mais 
plusieurs n’ont fourni que des résultats partiels qui ne peuvent 
être utilisés. 

Les tableaux X et XI, qui exposent le détail des expériences, 
peuvent être réduits, et nous obtenons, en prenant la moyenne des 
résultats, les durées suivantes : 


TaBLeEau XIII. 


Résumé du tableau X. 


DUREE DE LA PHASE 


TEMPERATURE. SR 
figures 3 à 5. 


10°-11° | 2 h. 43 m. 
152-160 ry Vales ius) ioe 
18° Th. 35 1m; 
209 1 h. 16 m. 
220 54 M. 
24° 41 m. 
26° 43 m. 
28° 47 m. 
309 50 M. 


34° 2 hes me 


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Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 387 


TABLEAU XIV. 


Résumé du tableau XI. 


DURÉE DE LA PHASE 


TEMPÉRATURE. 
figures 2 à 3. 


109-110 1 h. 40 m. 

159-160 1 h. 15 m. 
18° 38 m. 
20° 31 M. 
220 28 m. 
24° 24m. 
26? 35 M. 
280 40 m. 
30° 45 M. 
34° 2h 


Comme nous le voyons par l'inspection des deux tableaux préce- 
dents, il y a un optimum très marqué vers 24°. 

Dans ce cas, l’optimum paraît constant; il est le mème pour les 
trois séries d'expériences. Le tableau graphique ci-contre nous mon- 
tre de la façon la plus nette cet optimum; il nous montre en outre 
queles courbes bet c, qui sont le résumé graphique des tableaux XIII 
et XIV, suivent les mêmes variations. 

La courbe a, qui est donnée par les résultats exposés dans le 
tableau XII, nous montre, quoique très incomplète, une allure 
semblable à celle que présentent les deux autres, si nous en excep- 
tons une durée exceptionnelle qui s'est présentée dans une 
expérience à 20°. Ce résultat, qui s'éloigne fortement de la marche 
régulière du phénomène, est dd probablement à l’action de causes 
internes, qu'il ne m'a pas été possible de définir. 

Les résultats obtenus sur le Cosmarium correspondent donc 
complètement avec ceux que j'ai exposés dans le paragraphe 


TOME III 180. 


388 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


relatif au Spirogyra. Pour cette dernière espèce, la température 
optimum variait entre 12° et 14°; pour le Cosmarium, elle se trouve 
vers 24°. Dans les deux cas, nous obtenons une augmentation de 
durée dans les phénomènes de division, en augmentant ou en 
diminuant le degré de chaleur. Il paraît donc y avoir chez cette 
espèce, de même que chez le Spirogyra, un minimum dont le 
degré exact n’a pu être déterminé, et un maximum auquel je ne 
suis pas arrivé dans mes séries d'expériences. La température de 
34°, à laquelle je n’ai pu faire que quelques observations, ne doit 
cependant pas être très éloignée de ce maximum, car il n’est pas 
probable que ces Algues supportent un degré de chaleur beaucoup 
plus élevé. D'ailleurs, dans mes cultures à 34°, l’on observait une 
désorganisation accusée chez un assez grand nombre de cellules, 
après un séjour de quelques heures dans l'eau à cette tempé- 
rature. | 

L’optimum que nous trouvons à 24° est en rapport avec les 
conditions dans lesquelles ces Desmidiées vivent. Le spirogyre vit 
surtout dans les eaux dont la température ne dépasse pas de 
beaucoup l’optimum de 12°-14°, et si par suite de conditions acci- 
dentelles qui se réalisent parfois dans la nature, souvent dans les 
laboratoires, on vient à élever le degré de chaleur de l'eau dans 
laquelle sont cultivés les Spirogyra, on voit une désorganisation 
rapide s’ensuivre. 

La Desmidiée que j'ai étudiée, et la plupart d'ailleurs des formes 
de ce groupe, possède au contraire un mode de vie assez diffé- 
rent. Elle végete beaucoup mieux sous l’action directe des rayons 
solaires, dans des flaques d’eau peu profondes, la où l'eau peu 
renouvelée atteint une température beaucoup plus élevée que celle 
des ruisseaux et des fossés où vivent d'habitude les spirogyres. 

Les résultats obtenus dans cette étude sur le Cosmarium prou- 
vent donc que dans l’action de la chaleur sur la réduplication on 
peut trouver un maximum, un optimum et un minimum. 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 389 


IV 


CLOSTERIUM 


Les observations que je puis présenter ici quant à l'action de la 
chaleur sur la division cellulaire dans ce groupe, sont extrèmement 
réduites. Quant à la division et à la constitution même de l’Algue, 
il y a quelques points sur lesquels je voudrais attirer l’attention. 

L'espèce principalement étudiée est une forme analogue à celle que 
présente le Closterium Ehrenbergii. J'ai également eu l'occasion de 
voir d’autres espèces, telles que Closterium acerosum et quelques 
formes voisines du Closterium Letbleinit et Dianae. 

Les Closterium présentent, comme on sait, a chaque extrémité 
de la cellule, une vacuole qui contient un plus ou moins grand 
nombre de cristaux animés d'un fort mouvement. 

Dans le cas général, cette vacuole est unique à chaque extrémité. 
Dans certains cas, j'ai pu en observer deux, disposées l'une 
au-dessus de l'autre, sans qu’il m’ait été possible de déterminer 
l’origine de cette seconde vacuole. La chlorophylle se trouve 
disposée en deux portions symétriques, séparées par un espace 
clair qui contient le noyau. Cet espace prend des aspects différents, 
suivant les espèces que l'on considere. Il faut naturellement 
prendre pour la comparaison des échantillons qui ont atteint leur 
complet développement, car, comme nous le verrons plus loin, 
pendant la division cet espace se modifie considérablement. 4 

Le noyau des Closterium est du mème type que celui des Cosma- 
rium et des Spirogyra. Il est formé par une masse arrondie ou 
rectangulaire, contenant un gros nucléole central. 

Le noyau n’emmagasine presque pas de substance colorante; le 
nucléole, au contraire, en est très avide et se teinte fortement, quel 
que soit le réactif qu’on lui présente. 

Les meilleurs résultats de coloration ont été obtenus avec le 
carmin et la picro-nigrosine, Après avoir fixé l’Algue soit par 
l'alcool, ou mieux par l'acide chromo-acétique, on colore par le 


Tome III, 1891. 


390 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


carmin, d'où, après lavage, on passe graduellement par les alcools 
de plus en plus concentrés, pour arriver à l'essence de girofle ou à 
l’huile de cajeput, et de la on porte l’Algue dans le baume de Canada. 
Jai pu ainsi obtenir des préparations montrant fort bien la consti- 
tution nucléaire. 

Cette constitution est d’ailleurs, d’après les observations que j'ai 
pu faire, la même que celle des autres Desmidiées, de beaucoup de 
Conjuguées et probablement aussi des Diatomées. 

Dans les noyaux des Mesocarpus, Zygnema, Zygogonium, on 
retrouve toujours au milieu d'une masse claire un nucléole forte- 
ment coloré, très apparent (°). 

Il est fort probable que l’on se trouve en présence, chez ces orga- 
nismes, d'un noyau spécial, comme le veulent Carnoy et ses 
élèves. 

Dans toutes les préparations durables que j'ai faites de ces Clos- 
terium, j'ai trouvé le noyau sous la forme décrite. Mais si l'on consi- 
dère un Closterium vivant, il se présente souvent dans l’intérieur 
de la masse nucléaire des variations considérables. 

C’est, je crois, le seul cas de variations qui ait été signalé. Le 
noyau de Spirogyra paraît présenter quelquefois des modifications 
analogues; le professeur Errera a observé des changements dans 
l’état du nucléole chez ces Algues, mais n’a pas publié le résultat de 
ses observations. 

Dans son travail sur la division du Closterium, Fischer (*) a décrit 
et figuré les variations du nucléole. J'ai moi-même pu voir des 
modifications analogues. 

Dans le cas ordinaire, le nucléole est arrondi, mais dans d’autres, 
la masse centrale est granuleuse et de forme indéterminée. On 
l'observe même parfois sous l'état de petites sphérules, réunies ou 
séparées les unes des autres. 


(*) Voyez pour le noyau : GAY, Monographie locale des Conjuguées, p. 14, 
fe. pl'retz: 

Bulletin des séances de la Soc. belge de microscopie, t. VI, p. LxxI. 

(2; FISCHER, Ueber die Zelltheilung der Closterien. (BOT. ZEITUNG, 1883, n° 14.) 


Tome III, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE. 301 


Le nombre de ces dernières peut aller en diminuant par la fusion 
ce plusieurs d'entre elles. J'ai pu suivre plusieurs fois ces stades 
sur différents noyaux. 

Chez le Closlerium acerosum, le noyau se trouve disposé dans 
une portion centrale sphérique, et est entouré de toutes parts par 
la chlorophylle. Mais dans d'autres espèces, le noyau est libre, et 
dans ce cas il prend la forme que nous lui avons vue revêtir chez 
les Cosmarium, c'est-à-dire qu'il se présente sous l'aspect rectangu- 
laire rattaché aux chromatophores par des tractus protoplasmiques. 
Si par une cause quelconque ces tractus se brisent, le noyau 
s’arrondit au centre de l'espace vide. 

Dans les petites espèces du genre, et surtout chez celles fortement 
courbées, le noyau est beaucoup plus allongé, plus étiré. L'espace 
privé de chlorophylle est alors plus large, et la masse nucléaire 
souvent appliquée contre la membrane. 

De la conjugaison, il n’y a pas grand'chose à dire : ce mode de 
reproduction a été fréquemment étudié. On sait qu'il a lieu entre 
deux cellules issues d’une division récente. J'ai pu l’observer chez 
deux espèces, Cl. acerosum et Cl. Ehrenbergii. 

Chez ce dernier, le renflement qui se forme sur le côté interne 
de la fronde est avant la conjugaison encapuchonné dans une zone 
mucilagineuse. 

Sous l'action de l'iodure de potassium ioduré, cette masse 
prend une coloration jaune-brun pâle. Dans la zygospore, les 
grains d’amidon, au lieu d’être comme dans la cellule répartis 
autour d’un pyrénoïde, sont disséminés dans toute la masse, 
qui prend ainsi sous l'action de l'iode une coloration bleue 
intense. 

Je n'ai pu observer une division complète chez le Closterzum. Il 
ne m'a été possible de suivre la réduplication qu'à partir du 
moment où le noyau est déjà divisé et la nouvelle cloison comple- 
tement terminée. 

Fischer a décrit quelques phases qui précèdent cet état; il est fort 
probable que pour ce qui concerne le noyau et la membrane, les 
phénomènes se passent de la même façon que chez le Cosmarium. 


Tome III, 1891. 


392 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


Hauptfleisch a également étudié la division chez les Desmidiées (*). 
Son travail porte surtout sur la structure de la membrane et sur 
la constitution de la gaine, plutôt que sur les phénomènes intimes 
de la division nucléaire et cellulaire. 

Il y a cependant une phase que Fischer n’a pas signalée et qui 
paraît être préparatoire à la division : c'est le commencement de la 
fragmentation des chromatophores. J'ai observé souvent les masses 
de chlorophylle étranglées, le noyau se trouvant encore au milieu 
de la cellule. Le Closterium se trouvait ainsi sous l’aspect figuré 
planche II, figure 19. 

Dans mes nombreuses cultures, je ne suis pas parvenu à suivre 
pendant assez longtemps une cellule pour savoir quel est le temps 
qui s'écoule entre le stade signalé plus haut et une des phases de 
division bien connues, ni pour pouvoir déterminer si un Closte- 
rium, se présentant sous cet aspect, continuera à manifester les 
autres phénomènes de réduplication. On trouve généralement 
dans les Algues à cet état une grande quantité de microsomes dans 
la zone transparente. 

Focke (?) a, dans ses Etudes physiologiques, figuré un Closterium 
présentant le mème aspect. Une structure analogue se remarque 
aussi chez le Penium interruptum. 

Dans ses Untersuchungen, De Bary (*) nous dit à ce sujet : « Die 
Theilung des Inhalts geht der Querwandbildung lange vorher. 
Sobald die Trennung der beiden Tochterzellen beginnt, wachsen 
die abgestutzten Chlorophyllkorper ihrer einander zugekehrten 
Hälften mit der Wand zur Form der ausgebildeten Zelle heran. Mit 
Vollendung dieses Wachsthumsist die Vacuolein dem neugebildeten 
Ende sichtbar ». 

Fr. Gay, dans sa Monographie des Conjuguées, a fait allusion à 


(© HAUPTFLEISCH, Zel/lmembran und Hiillgallerte der Desmidiaceen. Greifswald, 
1888. 

(?) Focxe, Physiologische Studien, erstes Heft, pl. III, fig. 10. 

(3) DE Bary, Loe. cit., p. 46 pl. V, fig. 1-4 


Tome ILI, 1891. 


SUR LA MARCHE, LA DUREE, ETC., DE LA CARYOCINESE, 393 


ces cas particuliers,en exposant sommairement les différents modes 
d’accroissement des cellules après leur division (*). 

Une fois la membrane transverse achevée, le noyau voyage du 
centre de la figure vers les extrémités et vient se placer a l’endroit 
ou a commencé l’'étranglement du chromatophore. En même 
temps se font, au point de jonction des deux nouvelles cellules, un 
étranglement et une disjonction. Dans les deux bouts incolores, 
l’on aperçoit un fourmillement très actif des microsomes, et l'on 
voit apparaître bientôt la vacuole terminale. 

Je n'ai pu suivre cette apparition, mais il m'a paru qu’elle 
naissait autour de cristaux au sein du protoplasme, et non 
d'une fragmentation d'une vacuole préexistante. Les vacuoles 
primitives sont restées sans changement aux sommets des cel- 
lules. 

Pendant que se passent ces différenciations, la masse de chloro- 
phylle continue à s’étrangler, et le noyau reprend petit à petit 
une position centrale, telle que celle qu'il possédait dans la cellule 
mere. 

A une température variant entre 16° et 17° C., la division 
demande, à partir du moment où la cloison est formée et le noyau 
situé dans l'étranglement, jusqu’au stade où les deux cellules se 
séparent, deux heures et vingt minutes. 

Mais à cet état, le noyau n’a pas repris sa position centrale. I] m’a 
fallu deux heures cinquante minutes à trois heures cinquante 
minutes d'observation, pour voir reprendre par le noyau sa situa- 
tion médiane. Cette durée est très variable, elle diffère même entre 
les deux cellules issues d’un même Closterium. 

Fischer a déterminé des durées, mais elles se rapportent à la 
croissance de la cellule même. Quelques données cependant sont 
signalées dans son travail, pour Ja phase qui s'écoule entre la consti- 
tution de la membrane et l'état arrondi des jeunes extrémités 
cellulaires. Mais ces durées ne se rattachent pas entre elles, ni à 
celles que j'ai eu l'occasion de déterminer. Il n'est d'ailleurs pas fait 


(1) FR. Gay. Æssai d'une monographie locale des Conjuguées, pp. 23-24. 


TOME III, 1891. 


394 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 


mention des températures auxquelles les observations de l’auteur 
ont été faites. 


Quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer de l'exposé 
des expériences précédentes ? 

Comme pour les autres phénomènes physiologiques, l’action 
de la chaleur est manifeste dans la division nucléaire ou cellu- 
laire. 

Nous avons vu qu’au-dessous d’une certaine température, le 
phénomène ne s'accomplit pas, du moins dans sa totalité; nous 
avons trouvé un point pour lequel le phénomène s’accomplit le 
mieux et, enfin, un point au-dessus duquel la chaleur empêche 
la marche régulière de la caryocinèse ou de la division cellu- 
laire. 

Pour le Spirogyra, étudié dans les conditions signalées plus haut, 
loptimum se trouve vers 12°; pour le Tradescantia virginica (forme 
décrite plus haut), il se trouve entre 45°-46° C., très proche du 
maximum, et pour le Cosmarium vers 24). 

En outre, on voit que ces points varient d’une plante à l’autre, 
les exemples qui ont servi aux expériences nous le prouvent. Il est 
vrai que, de prime abord, ce fait était à prévoir, les conditions de 
milieu dans lesquelles ces plantes végètent étant totalement diffé- 
rentes. 

Ces premières recherches sont nécessairement encore incom- 
plètes, mais la difficulté de l’expérimentation est également fort 
grande. Chez le Spirogyra et le Cosmarium, le temps demandé 
par une division est très long, et aux températures basses il 
est presque impossible de suivre une division complète; chez le 
Tradescantia, la division n’a pu être suivie que pendant les mois 
d'été. 

La durée de la division nucléaire et cellulaire est donc en 
dépendance directe des facteurs suivants : 1° espèce, 2° tempéra- 
ture. 

La lumière n’a aucune action directe sur le phénomène dans les 
cas étudiés. 

Je ne puis terminer cet exposé sans remercier le professeur 


ToME III, 1807. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE, 395 


L. Errera. C’est dans son laboratoire que les expériences qui 
ont servi de base à la rédaction de ce travail ont été entreprises, 
et c'est grâce aux conseils qu'il n’a cessé de me donner, que j'ai 


pu commencer l'étude de l'action de la chaleur sur la division du 
noyau. 


Novembre 1890. 


Laboratoire d'anatomie et de physiologie végétales 
de l'Université libre de Bruxelles. 


TOME III, 1891. 


396 É. DE WILDEMAN. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE 


EXPLICATION DES PLANCHES 


PLANCHE I. 


Fic. 1-12. — Phases différentes d’un même noyau de Spirogyra, prises sur le vif. 


Fic. 13-19. — Phases différentes d’un même noyau de 7radescantia, prises sur 
le vif. 


Ogs. — La figure 13 représente la phase à partir de laquelle je compte le 
commencement de la division. 


Fic. 20. — Noyau de 7radescantia au repos, dans une cellule adulte. 


PLANCHE II. 
Fig. 1-18. — Cosmarium. 
Fic. 1-7. — Phases successives de la division du Cosmarium, observées sur le 
vivant. 
Fic, 8-10-13. — Formes anomales dues à la réduplication. 
Fig. 9. — Cosmarium encore réunis, entrant en division. 


Fic. 14. — Noyau de l’Algue encore au repos. dans l’isthme déjà agrandi. 


Fic. 15. — Masse nucléaire transformée, montrant des masses de substance 
colorable à l'équateur. 

Fic. 16. — Cosmarium coloré par le carmin après fixation par le liquide de 
Kleinenberg; au centre, le noyau avec son nucléole. 

Fic. 17. — Hémisomate contenant encore la chlorophylle, vu par la partie 
supérieure. 


Fig. 18. — Cosmarium, vu de profil. 


Fig. 19-39. — Closterium. 


Fic. 19. — Closterium, présentant les deux chromatophores échancrés. 
Fic. 20-21. — Stades de la conjugaison. 


Fig. 22. — Zygospore, avec zone mucilagineuse. 


Tome III, 1801. 


SUR LA MARCHE, LA DURÉE, ETC., DE LA CARYOCINESE, 397 


Fic. 23-26. — Phases successives de la réduplication. 
Fic. 23. — 8h. 30m. entre 16°-17°; », 2, sont les noyaux. 
Fic. 24. — 9h. 20m. — — 
Fic. 26. — 10 h. 10 m. — — 

Fic. 27. — Noyau voyageant vers le centre de la cellule. 


Fic. 28. — Le même arrivé au milieu du Closterium ; les deux masses de chloro- 
phylle sont complètement séparées. 


Fic. 29-31. — Formes présentées par le noyau dans différentes espèces de 
Closterium. 
Fic. 32. — Extrémité de la cellule du C/osterium acerosum présentant deux 


vacuoles superposees. 
Fic. 33-34. — Noyaux à nucléole granuleux et irrégulier. 


Fic. 35-38. — Transformations successives subies par le nucléole, fig. 35 a 1oh.; 
fig. 36 à 11 h.; fig. 37 à 11 h. 30 m.; fig. 38 à 11 h. 45 m. 


Fic. 39. — Noyau à nucléole formé de trois masses. 
ERRATA 
OBSERVATION. — Graphique tableau IX. Quelques erreurs sont passées 


inaperçues dans les lignes a et 6, mais ces erreurs ne modifient pas fortement 
l'allure de la courbe. 


Vey 


| ae oo 


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' 
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{ À J 
[a NA) 


Went 1 


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EES 0 0 


PI. I. 
Recueil de l'Institut Botanique de Bruxelles 1 LE. De Wildeman 


20 


E DeWildenan ad nat del Atfaehia Jith 


Adacha [ith 


PI. 11. 
E De Nildeman. 


£ De Wildeman ad nat del Alloeha tite 


L A 


CICATRISATION CHEZ LES VÉGÉTAUX 


PAR 


JEAN MASSART (') 


SOMMAIRE. 


CONMUErTATIONS PCNEM MICS alan sey loo) 0... ete. et Monies oes) boa AOE 
eA TOPE PES ener ce ss) a). a wpa Dep eet oe etch aude 
Arn COL OBUASTES MER hentia) or irs!’ 3) vce pene “114102 

PARA LGULSRE TAM EN MMOS GMs iar De ne | soil 2) IN 407 

@) AlSUeS aFamegduae onesie 1. 4. (eee aie HO CRM ONU 

6) Algues à rameaux juxtaposés en une lame continue, . . . 405 

Ce ALGUES ATH R RER INR SSI ie.) =, ere am Mo at MN) dO) 

a) Fiondées athallespem complexe. 2 2". Te Eos es 07 

8) Floridées et Phéophycées à thalle épais . . . . 3 «= 409 

TA GiCrtnisd On SIE DHE s: cs 5 0: 1 ion D AIG 

2: GICATISAHONIAVEC TEPeNeration® si. Yai Be ws) ON ANS 

Dy | CHAMPIGNONS) (Yj COMPRISILES LICHENS). . %) «0 \e fouls) ol RTS 

ie NBRYOPANEES Et PRERIDOPHYTES |...) 02" ay ae aan 
Ro (Gerhogkenao Ue <5 En. se. à de ON ac a Got PAT 

2a Cicathisation pa epalssissemient Ges PATOIS -) |.) fs) |) ssn 122 


(*) Ce travail a paru dans les Mémoires couronnés et autres Mémoires publiés 
par l’Académie royale de Belgique, t. LVII, 1598. 


TOME III, 1808. 


400 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


— 8 —……. 2 IS V1 a ee 


3. Cicatrisation par courbure des parois. . . . . . . . . . 423 

4. Cicatrisation avec réparation MO". (s,s 

5. Cicatrisation par cloisonnement cellulaire . . . . : . . . 425 

TL == PHANÉROGAMES one. ae. EL PEER RE 

1, Phénomènes qui accompagnent le début de la réaction . . . . 428 

a) Agrandissement des cellules . . . . . . . . . . = 430 

8) Amincissement des parois. . +. . - + + . + + - = 432 

y) Disparition de Vamidon etides'plastides "OR RE 

6) Segmentation des cellules. + - . … + +. +» = = = 433 

2. Propagation de l’excitation traumatique. . . - « . . . . 436 

3::Comblement des lacunes =<) 2.00. Ae) in yey =) ee 
4. Influence des facteurs externes et internes sur le début de la 

reaction: cicatricielles.) yee.) eee ce ie) asl l=) iyo) (ite) tele foun => me 

I) Facteursexternes ar) cy ose DEC eet ea on eae ee 

[hk Pacteursunternes) eee a) cheno) agen RE oars i 197 


a) Influence de la spécificité des cellules sur la faculté de réagir. 447 


8) Influence de l’âge des cellules sur la faculté de réagir . - . 449 
y) Influence de la spécificité des cellules sur la vitesse de la 
RÉACTIONS TE ME EN CC ee ONE Re RE RE DIE 
5. Sort final des cellules cicatricielles MEUM BADE eon tic RSR 
x) Influence des facteurs internes) ): "NON ONE 
6) Influence des fic ETS Externes) 2 SVM M eee RE 
y) Destinée des cellules profondes + .- : + + + - 1": 458 
6) Action lointaine de l'excitation traumatique . . . . - . 460 


IV. “RESUME ETICONCLUSIONS.N ES =o... co iat eee een 
BIBLIOGRAPHIE SCOR n, ac, VE VU CPE 


ToME III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 401 


CONSIDERATIONS GENERALES. 


Lorsque les couches superficielles d’un animal ont subi quelque 
injure, la formation d'une nouvelle surface externe est toujours 
accompagnée d’inflammation, c’est-à-dire d’un processus qui 
implique, d’après les idées de beaucoup de physiologistes et en 
particulier de Metchnikoff (92), une abondante immigration de 
cellules mobiles vers le foyer de la lésion. © 

L'absence complète de cellules mobiles chez les végétaux doit 
nécessairement donner à leurs phénomènes de cicatrisation un 
cachet tout différent. Ici se sont les cellules zm situ, les cellules pro- 
fondes mises à nu par la blessure, qui doivent se modifier pour se 
transformer elles-mêmes en cellules superficielles. Quelque spécia- 
lisées que fussent leurs fonctions habituelles, les éléments pro- 
fonds, devenus superficiels, ont maintenant à former une barrière 
capable de défendre les tissus contre les causes de destruction du 
dehors, capable aussi de séparer les portions saines de celles qui 
ont été tuées par le traumatisme. 

Souvent la lésion a enlevé une grande portion de l'organe, et 
dans certains cas le point végétatif lui-même a été amputé. Il 
s'agit alors non seulement de cicatriser la plaie, mais de réparer 
complètement le dommage qu'a subi l'organisme. Les deux pro- 
cessus sont en général distincts chez les plantes supérieures ; chez 
les Thallophytes, au contraire. ils se pénètrent l'un l’autre, et les 
mémes cellules profondes qui vont devenir cellules superficielles 
ont en outre la faculté de se développer davantage et de régénérer 
le membre perdu. 

C’est donc chez les Thallophytes seules que nous aurons à 
étudier, en même temps que la cicatrisation, le processus qui 

Tome III. 26 


Tome III, 1808. 


402 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


conduit a la réparation intégrale de l’organe lésé. Partout ailleurs, 
nous nous contenterons d’examiner les modifications cellulaires 
qui accompagnent la formation des nouvelles assises limitantes. 

Dans la rédaction définitive de ce travail, j'ai légèrement modi- 
fié le texte original, de façon à rencontrer les critiques formulées 
par Errera dans le rapport qu'il a publié sur ce mémoire (*). 

Mes expériences sur la cicatrisation ont été commencées en 1892, 
à l’Institut botanique de Leipzig. Depuis lors, elles ont été conti- 
nuées à Bruxelles et dans divers laboratoires étrangers, surtout à 
Wimereux (France), a Buitenzorg et Tjibodas (Java). Je suis 
heureux de pouvoir remercier cordialement Pfeffer, Giard et 
Treub, ainsi que les nombreux botanistes qui m'ont procuré des 
matériaux pour mes recherches. 


LE TRALLOPHYTES. 


Chez ces plantes, la réaction cicatricielle dépend presque 
uniquement de la structure du thalle. Tous les Cceloblastes se 
conduisent de la même façon, que ce soient des Myxomycetes, des 
Siphoninées ou des Mucorinées. Toutes les Algues filamenteuses 
(Chlorophycées, Phéophycées ou Floridées) réagissent également 
d’une manière analogue. Les Algues à thalle massif (Phéophycées 
et Floridées) forment un troisième groupe. Enfin nous étudierons 
les Champignons et ies Lichens. 


A. CŒLOBLASTES. — Lorsqu'un Cceloblaste est blessé, la couche 
hyaloplasmatique limitante se reforme immédiatement. D’après des 
recherches de Hanstein (72) et de Strasburger (76, p. 416) cités par 
H. de Vries (85), la surface mise a nu (d'un Vaucheria) ne se 
recouvre d'une nouvelle couche limitante et d'une nouvelle mem- 
brane que si elle possédait au moins une portion de l'hyaloplasme 


(1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 3° série, t. XXXII, n° 12, 
décembre 1896. 


TOME III, 1898. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 403 


primitif. Klemm (94, pl. V, fig. 3) a vu également que sur un fila- 
ment coupé de Derbesia (Siphoninée), les lèvres de la plaie cyto- 
plasmique se rapprochent jusqu'à la complète occlusion de la bles- 
sure. 

[| n’en est pas de même pour les Myxomycètes. Chez eux, 
Pfeffer (90, p. 123, pl. II, fig. 4) a vu la nouvelle couche d'hyalo- 
plasme naître sur place, aux dépens du cytoplasme granuleux. Je 
puis confirmer ces observations, que j’ai eu l’occasion de refaire sur 
le Fuligo septica et sur le Chondrioderma difforme. 


B. ALGUES FILAMENTEUSES. — Parmi les Algues dont les cellules 
sont simplement placées bout à bout pour former des filaments, je 
n’ai observé de phénomènes cicatriciels que chez celles qui 
peuvent se ramifier; encore avons-nous affaire plutôt à de la répa- 
ration qu'à de la cicatrisation proprement dite. 

Chez les Cyanophycées, et parmi les Algues vertes, chez les 
Conjuguées, il n’existe pas à proprement parler de réaction cicatri- 
cielle. Les cellules lésées meurent, tandis que leurs voisines conti- 
nuent a vivre et a se diviser normalement. On peut à peine 
considérer comme une réaction cicatricielle le bombement tardif 
de la membrane transversale mise à nu par le traumatisme. Peut- 
être est-il permis de parler de cicatrisation à propos des proto- 
plastes de Spzrogyra que Klebs (88) sépare de la membrane par la 
plasmolyse et qui s’entourent d'une nouvelle membrane. 

Dans les Algues a filaments ramifiés, la réaction s'opère diffé- 
remment suivant que les filaments sont isolés les uns des autres, 
ou qu'ils se touchent latéralement pour constituer un thalle mem- 
braneux. 

a) Algues à rameaux filamenteux libres : Cladophora, Trente- 
pohlia, rameaux fertiles de Cephaleuros (fig. 1), Ectocarpus, Anti- 
thamnion (fig. 2). La cellule lésée meurt; la cellule sous-jacente émet 
un rameau latéral. 

Chez l’Antithamnion sp., les rameaux formés après lésion (fig. 3A) 
se distinguent aisément des rameaux normaux (fig. 3B), en ce que 
la cloison la plus inférieure ne se trouve pas contre la cellule du 
filament principal. 


Tome III, 1808. 


404 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


Les filaments tertiles, portant les zoosporanges a crochet, du 
Cephaleuros parasiticus (*), présentent très souvent une ramification 
qui se rapproche un peu de celle que nous étudions ici. Aprés que 
le renflement terminal du filament a produit un certain nombre 
de zoosporanges, il se flétrit et meurt; mais auparavant il a donné 
une branche latérale qui s’accroit et se renfle à son tour (fig. 1Cz 
et Az). 


Fic, 1. — Rameaux fertiles de Cepha-  F1G. 2. — Rameau lésé (A) et rameau 
leuros parasiticus. (Récoltés au jardin normal (B) d’Antithamnion sp. (Ré- 
botanique de Buitenzorg, a Java.) coltés à Wimereux.) 190/1. 


315/1. —I = point lésé; : = renfle- 
ment d’un rameau, qui a proliféré 
aprés avoir produit des zoospo- 
ranges. 


Le Griffithsia setacea se conduit différemment : d'après ce que 
m'a montré le professeur Giard pendant un séjour que je faisais au 
laboratoire de Wimereux, la cellule sous-jacente à la cellule lésée 
pousse un prolongement dans la cavité de cette dernière. Lors- 
qu’une cellule meurt dans la continuité d’un filament, les deux 
voisines s'accroissent à la fois et se rencontrent environ à mi- 
chemin. Je n'ai pas pu étudier en détail ce phénomène (’). 


(1) C’est M. De Wildeman qui a attiré mon attention sur cette Algue. 

(2) Un fait analogue se présente pour les zoosporanges des Saprolégniinées 
et pour la cellule terminale des Sphacélariacées : voir le travail de TH. GEYLER 
(66, pl. XXXV, fig. 6). 


TOME III, 1898. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 405 


8) Algues a filaments juxtaposés en une lame continue : Phyco- 
peltis (tig. 3 a 6), Coleochzete scutata, Melobesia Lejolisi. 


Fic. 3. — Portion d’un thalle de Phy-  F13. 4. — Portion d’un thalle de Phy- 


copeltis Treubii qui a été blessé à la copeltis Treubii dont la lésion mar- 
périphérie. (Récolté dans la forêt de ginale est en voie de réparation. 


Tjibodas, à Java.) 190/1. (Récolté dans la forêt de Tjibodas, 
| à Java.) 190/1. 


Le filament dont la cellule terminale est morte cesse de s'allonger ; 
les filaments voisins s'accroissent et se ramifient davantage. Le 
rameau lésé ne réagit pas, mais l'excitation se transmel aux rameaux 
les plus proches. 

La figure 3 montre comment les choses se passent. Le bord du 
thalle a été lésé en deux points. Les rameaux restés intacts ont 
seuls continué à croître; quant aux cellules distales des filaments 
atteints, elles accusent tout au plus un léger bombement de la 
cloison terminale. 

Dans la figure 4, on voit une portion de thalle qui a subi une 
destruction plus profonde. Ici encore les filaments lésés ont arrêté 
leur croissance, tandis que les branches voisines, fortement rami- 
fiées et conniventes, ont en partie comblé la lacune. 

Il en est de même lorsque la cellule terminale se désorganise, 
non sous l'influence d’une cause externe, mais après qu'elle s'est 
transformée totalement en ce zoosporange. Les rameaux contigus 
au filament décapité se recourbent de part et d'autre. 


ToME III, 1898. 


406 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


La figure 4 montre un fait intéressant: c'est que la croissance 
d'un filament peut être enrayée, non seulement par la destruction 
accidentelle ou normale de sa cellule terminale, mais aussi par le 
simple fait que sa pointe touche une autre cellule vivante du Phy- 
copeltts. 

Pour que la croissance s'arrête, il ne faut même pas que les fila- 
ments qui se touchent appartiennent a un méme individu. La 
figure 5 représente un grand thalle de Phycopeltis qui a touché un 


Fic. 5. — Portion d’un thalle de ?4y-  FiG. 6. — Portion d’un thalle de Pzy- 


copeltis Treubii qui touche un indi- copeltis Treubii (A) qui a touché un 
vidu plus petit. (Récolté dans la individu plus petit (B). (Récolte 
forêt de Tjibodas, à Java.) 190/1. dans la forêt de Tjibodas, à Java) 

190/1. — (Pour l'explication des 


lettres, voir dans le texte.) 


thalle beaucoup plus jeune : les filaments qui viennent butter 
contre ce dernier ont cessé de s’allonger, tandis que les portions 
latérales, abondamment ramifiées, auront bientôt englobé le petit 
individu. 

Dans la figure 6, on voit que l’arrêt de croissance est définitif et, 
en outre, qu'il n’est déterminé que par des cellules vivantes de 
Pkycopeltts. Voici comment les choses se sont probablement 
passées : le thalle A a rencontré le thalle B alors que celui-ci était 
encore vivant; le premier contact s est opéré entre les points p —p. 
Les filaments voisins se sont ramifiés et, a leur tour, se sont buttés 
contre le thalle B. Lorsque l'individu A était arrivé aux points 
p’, p’, le thalle B est mort. Les rameaux arrêtés ne se sont pas 
remis à croître; mais, dès ce moment, les tilaments encore vierges 
de tout contact et ne rencontrant plus d’obstacle vivant ont empiété 
sur le thalle B et sont en train de le recouvrir. 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 407 


Tout au contraire d'une lutte pour l'existence, il semble que 
nous assistions ici a une entente fraternelle entre les divers fila- 
ments d’un méme individu, et méme entre individus différents, 
chacun évitant avec soin de recouvrir ses voisins, afin de ne pas 
leur enlever la lumière. Rien ne serait plus facile à ces rameaux 
que d’empiéter sur leurs voisins et de leur couper la lumière. S'ils 
ne le font pas, c’est sans doute parce que l'organisme trouve plus 
d'avantages à arrêter le développement des parties qui se trouve- 
raient en conflit avec d’autres, quitte a activer la croissance et la 
ramification des filaments mieux situés. 

J'ai fréquemment observé des phénomènes analogues chez le 
Coleochaete scutata et chez le Melobesia Lejolisit. 


C. ALGUES A THALLE MASSIF. — La plupart des Floridées et des 
Phéophycées. Les cellules profondes, mises à nu, se multiplient; les 
cellules filles prennent tous les caractères de cellules superficielles 
normales. 

+) Considérons d’abord quelques Floridées dont le thalle est peu 
complexe : les Delesseria, d’une part; les Polysiphonia et les Cera- 
mium, de l’autre. 

Chez les Delesseria, le thalle n'est massif qu'au niveau de la 
nervure médiane; la plus grande partie des lobes est formée d’une 
seule couche de cellules. Lorsque le thalle est lésé, les cellules dont 
les parois latérales sont mises à nu se divisent activement et 
donnent de petits éléments, en tout semblables à ceux qui 
occupent le bord normal du thalle (fig. 7). Si la blessure intéresse 
la nervure, ses longues cellules se conduisent de même. 

Toute meurtrissure un peu importante du thalle provoque 
encore une autre réaction : au niveau de la lésion, on voit une 
ou plusieurs cellules proliférer fortement et former un point végé- 
tatif. 

Chez le D. Hypoglossum, c'est toujours des cellules de la nervure 
que procèdent les nouveaux points végétatifs, mème dans les cas 
ou l'incision marginale du thalle ne s'étend pas jusqu'a la nervure 
(fig. 7). L’excitation traumatique doit dans ces cas se propager à 
travers des cellules intactes et qui ne réagissent en aucune façon. 


TOME III, 1808. 


408 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


—— 


Au contraire, chez le D. alata, toutes les cellules peuvent donner 
naissance a un point végétatif. La cicatrisation se fait exactement 
comme dans l'autre espèce (par multiplication cellulaire avec 
réduction de la taille des cellules filles); mais, en outre, quelques- 
unes des cellules marginales se divisent plus rapidement et 


Fic. 7. — Portion d’un thalle de De- Fic. 8. — Portion de thalle de Deles- 


lesseria Hypoglossum qui a été blessé seria alata. Il a subi deux blessures 

sur son bord. z = cellules superfi- latérales qui ont toutes deux déter- 

cielles de la nervure; p. v. = nou- miné la formation de points végé- 

veau point végétatif. 1 Recolté a tatifs. Dans la bifurcation, un point 

Wimereux. vegetatif normal. (Récolté à Wime- 
reux.) 41/1. 


donnent autant de points végétatifs. Si la nervure a été atteinte, 
c'est principalernent à son niveau que se forment les nouveaux 
sommets ; quand la lésion n'intéresse que les bords du thalle, les 
points végétatifs naissent le long de la plaie, de préférence vers le 
fond (fig. 8). 

Les branches des Ceramium et des Polysiphonia se composent 
d'une file unique de cellules axiles et d’un revêtement plus ou 
moins continu de cellules assimilatrices (fig. 9C). 

Lorsque le sommet d’une branche est amputé, les réactions cica- 


~ 


ToME III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 409 


tricielles proprement dites sont peu accusées: les cellules assimi- 
latrices se multiplient et recouvrent la surface dénudée (fig. 10). 


Fic. 9. — A et B, rameaux de Po/ysi- 
phonia sanguinea qui ont été privés 


Fic. 10. — Rameau de Ceramium dia- 
phanum dont le sommet a été en- 


de leur pointe. De nouveaux points 
végétatifs se forment au sommet (f) 
ou au-dessous du sommet (2'); C, 
coupe transversale schématique d’un 


levé. Un nouveau point végétatif (f) 
se forme aux dépens d’une cellule 
corticale. (Récolté à Wimereux.) 
315/1. 


rameau. Récolté à Wimereux.) 
190/1. 


Plus importante est la régénération du point végétatif. Chez les 
divers Polysiphonia que j'ai étudiés(P. sanguinea, P. atrorubescens, 
P. nigrescens), c’est la cellule axile qui seule est capable de se déve- 
lopper en un nouveau sommet aussi bien lorsque l'axe a été coupé 
(fig. gA, p et 9B, p) que dans les cas où rien que la couche assimila- 
trice avait été entamée (fig. 9B, p’). 

Il en est tout autrement chez les Ceramium diaphanum et 
C. rubrum. Ici la réparation du sommet amputé s'opère toujours 
aux dépens d’une cellule assimilatrice (fig. 10). 

8) Les Algues dont le thalle est composé en tous ses points de 
plusieurs assises cellulaires, peuvent être divisées a notre point 
de vue en deux groupes : celles qui cicatrisent simplement leurs 


Tome III, 1898. 


410 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


plaies sans y produire de points végetatifs, et celles dont la 
cicatrisation s'accompagne d’ordinaire de la formation de nouvelles 
initiales. 

1. Dans le premier groupe nous étudierons, en fait de Floridées, 
le Plocamium coccineum et le Rhodymenia palmata, et parmi les 
Algues brunes, les Laminarza et l'Himanthalia lorea. 

Les cellules profondes (médullaires) sont à peu près incolores. 
Dans le thalle des deux Floridées, elles sont très larges, surtout 
chez le Rhodymenia (fig. 11) et sensiblement isodiamétriques ; chez 
les Phéophycées, elles sont très allongées. 


Fic. 11. — Coupe transversale d’un thalle de Rhodymenia palmata, au niveau 
d’une blessure. (Récolté à Wimereux.) — x = la surface normale. 190/1. : 


La surface du thalle est occupée par une ou plusieurs assises de 
cellules très riches en chromoplastes. Ces éléments sont arrondis 
chez le Rhodymenia (fig. 11), polyédriques chez les Plocamium, 
Himanthalia et Laminaria (tig. 13 et 14). 

La cicatrisation suit toujours la même marche, quelle que soit 
l'importance de la lésion ou son siège : que ce soit une minime 
éraflure, une plaie pénétrante ou une coupure traversant l'organe 
d'outre en outre; quelle atteigne le thalle aplati du Rhodymenia 
(fig. 11) ou les fines branches du Plocamium, le stipe arrondi des 
Laminaria (fig. 14) ou leur large limbe (fig. 12), le petit disque 
végétatif de l’Himanthalia ou ses lanières fertiles, — la surface 
dénudée se revêt d’une couche de tissu assimilateur. Ces cellules 


Tome ITT, 1808. 


CHEZ LES VEGETAUX. 4Il 


naissent sur place par le cloisonnement répété des cellules médul- 
laires. | 


Fic. 12. — Portion de limbe de Zaminaria digitata, avec des lésions multiples. 
(Récolté à Wimereux.) — 2 = la surface normale. 31/1. 


La direction de la blessure n’a aucune influence sur la multipli- 
cation cellulaire ni sur les caractères des nouveaux éléments 
formés. La figure 15 représente une coupure qui a mis à nu les 
faces transversales des cellules: dans la figure 13, ce sont les faces 


Fic. 13. — Coupe transversale du limbe blessé et en voie de cicatrisation 
de Laminaria digitata. (Récolté à Wimereux.) 315/1. — # = la surface 
normale. 


superficielles; dans la figure 14, les faces profondes; dans la 
figure 12, les divers cas se trouvent réunis. 

La réparation suit de près le traumatisme. La figure 15 montre 
une portion de limbe de Laminaria saccharina qui a été coupée en 
travers à Wimereux (*), le 18 août 1892, et récoltée le 3 octobre de 
la même année. 

Il n'est pas rare chez le Rhodymenia et le Laminaria saccharina 
que les cellules périphériques se multiplient plus vite que les 


(1) Tous mes matériaux d’Algues marines ont été récoltés pendant des séjours 
que j'ai faits au laboratoire de Wimereux, en 1892 et 1893. 


TOME III, 1898. 


412 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


cellules médullaires. Ce phénomène ne s'observe pas uniquement 
quand le thalle est coupé en travers, mais encore et surtout lors- 
qu'il porte un grand nombre d’écorchures peu profondes. J'ai vu 
des thalles de Rhodymenia avec de nombreuses petites blessures, 
dont l'épaisseur était plus que doublée. 

Chez le Laminaria digitata, il se produit normalement des 
lésions qui se cicatrisent de la même façon que les blessures acci- 
dentelles. On sait en effet que la segmentation du limbe est due, 
non à une ramification primitive, mais à l'apparition après coup 
de déchirures qui s'étendent progressivement jusqu'aux bords du 
limbe. Les thalles se développent en avril-mai et déjà en juillet 
les parois de ces fissures ont pris les caractères de la surface 
normale. 

Chez les deux Laminaria, le traumatisme exerce encore une 
action plus lointaine et plus tardive. Dans le voisinage de toute 
lésion, quelque légère qu'elle soit, le limbe a perdu la faculté de 
donner naissance à des cellules reproductrices. Et cette stérilité 


Fic. 14. — Coupe transversale d’un Fic. 15. — Coupe transversale du 
lambeau partiellement détaché sur limbe de Laminaria saccharina, 
le stipe de Laminaria digitata. blessé le 18 août 1892, récolté le 
315/1. — 7 — la surface normale. 3 octobre 1892. (Expérience faite à 

Wimereux.) 61/1. — 2 = la surface 
normale. 


locale s'observe aussi bien Je long des déchirures qui découpent le 
limbe du L. digitata qu’aupres des blessures accidentelles. Rien de 
semblable n’existe chez l’Himanthalia lorea ni chez les diverses 
Fucacées que nous allons maintenant passer en revue : lorsqu'un 


ToME III, 1898. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 413 


jeune conceptacle est lésé, la portion restée indemne se développe 
de façon normale et forme des cellules sexuelles. 

2. Voyons maintenant les Algues chez lesquelles on observe, lors 
de la cicatrisation, un développement exagéré de certains groupes 


Fig. 16. — Coupe longitudinale d’un rameau de Pelvetia canaliculata, blessé 
le 18 août 1892, récolté le 10 janvier 1893. (Expérience faite à Wimereux.) 
128/1. — 2 = la surface normale. 


de cellules, amenant ainsi la production de points végétatifs à la 
surface de la plaie. Ce sont, parmi les Floridées, le Polyides lumbri- 
calis,le Gigarlinamamillosa et le Chondrus crispus ; parmiles Phéo- 


Fic. 17. — Rameaux de Pe/vetia canaliculata, blessé le 18 août 1892, récoltés 
le 10 janvier 1893. Bourgeonnement des plaies. (Expérience faite à Wimereux.) 


4/1. 


Tome III, 1898. 


414 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


phycées. les Fucus, le Pelvetia canaliculata, l'Halidrys siliquosus 
et l'Ascophyllum nodosum. 

Dans ses traits essentiels, la cicatrisation s'accomplit de la même 
façon que chez les espèces que nous avons étudiées dans le chapitre 
précédent : les grandes cellules médullaires se segmentent en des 
cellules courtes, arrondiesfou polyédriques, chargées de chromo- 
plastes (fig. 16). 

Quant jaux points ivégétatifs, ils naissent sur toute l'étendue de 


yl et) à 7 VRP 


Fig. 18. — Rameau blessé de Fucus ve- Fic. 19. — Rameau blessé de Fucus 
siculosus (forme du fond). (Récolté à. serratus. (Récolté à Wimereux.) 4/1. 
Wimereux.) 4/1. : 


la plaie chez les Floridées ainsi que chez le Pelvetza (fig. 17), l'Hali- 
drys (*), l'Ascophyllum, les Fucus vesiculosus (fig. 18) et F. platy- 
carpus, tandis que le F. serratus (fig. 19) n'en forme que sur la 


(*) Les bourgeons d’origine traumatique sont rares chez cette lante. 
£ 81 q Pp 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 415 


nervure. Ajoutons toutefois qu'il n'apparaît de nouveaux bour- 
geons chez les Fucus vesiculosus et F. platycarpus que si l’entaille 
intéresse la nervure. 

Mais méme chez les Fucacées ou des bourgeons naissent en tous 
les points de la plaie, il est certains organes qui n’en donnent 
jamais. Ce sont les flotteurs. A l’état normal, la cavité de ces 


Fic. 20. — Coupe transversale d’une plaie (en voie de réparation) faite à un 
flotteur de Fucus vesiculosus. — n = la surface extérieure normale. (Récolté 
à Wimereux.) 128/1. 


organes est tapissée par de grandes cellules pauvres en plastides. 
Les cloisons transversales des flotteurs de l'Halidrys (fig. 21 et 22) 
sont formées de cellules analogues. 

Mais qu'un accident ouvre l’un de ces flotteurs et permette à l'eau 
de mer d'y pénétrer, et aussitôt les cellules des couches internes 
se divisent pour donner des cellules assimilatrices semblables à 
celles qui revétent la périphérie de l'organe. Chez les Fucus (fig. 20) 
et l’Ascophyllum, toute la surface du flotteur se garnit ainsi de 
cellules colorées. Chez l’Halidrys, au contraire, il n’y a en général 
qu'une seule loge qui soit mise en communication avec l'eau de 
mer et la réaction cicatricielle ne s'opère que dans la loge ouverte, 
aussi bien sur les cloisons transverses qu'a l'intérieur des parois 
latérales (fig. 21 et 22). 


D. CHAMPIGNONS, Y COMPRIS LES LICHENS. — Chez ces plantes, de 
mème que chez les Algues à thalle massif, les surfaces mises à nu 


TOME III, 1898. 


416 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


se revétent d’une couche analogue a celle qui les recouvrait au 
début. 

La structure des Champignons est toujours nettement filamen- 
teuse. Toute blessure aura donc pour effet de couper un nombre 
plus ou moins considérable de filaments. Souvent les hyphes 
enchevétrées forment un ensemble massif, comme chez la plupart 
des Basidiomycetes et des Ascomycètes. Beaucoup de Basidiomy- 
cétes à carpophore temporaire régénerent facilement les couches 
superficielles enlevées. On le voit sans peine sur les chapeaux de 
Russula nigricans où la couche supérieure est formée d hyphes 


Fic. 21. — Coupe longitudinale d'un  F1G. 22. — Coupe longitudinale de la 
flotteur d'Æalidrys siliquosus. Le cloison supérieure de la figure pre- 
flotteur a été blessé et les loges cédente. 190/I. 


terminales enlevées. (Récolté a 
Wimereux.) 10/1. 


noires, et sur le stipe de Clitocybe nebularis où la surface est 
occupée par des filaments beaucoup plus fins et plus embrouillés 
que dans les régions profondes. L’hyménium peut, lui aussi, se 
régénérer. Ainsi, on observe fréquemment que les surfaces des 
érosions (dues a des limaces) dans l’hyménium de Boletus edulis se 
recouvrent complétement d’une couche basidifere. 


ToME III, 1808. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 417 


Lorsque ces Champignons sont lésés très jeunes, la régénération 
est souvent plus complète. Brefeld (77, pl. IT) donne des figures 
de Coprinus stercorarius à qui il a plusieurs fois de suite enlevé le 
chapeau et qui le reformaient toujours. Très souvent on rencontre 
dans les bois des Champignons qui portent les traces d’une 
blessure reçue pendant le jeune âge. 

Il serait facile de dresser une longue liste d'espèces, principale- 
ment parmi les Agaricées, qui régénerent plus ou moins parfaite- 
ment la surface manquante. On rencontre parfois des blessures 
spontanées qui se guérissent de même. Clautriau m'a donné un 
Psallio!a campestris, récolté près du cap Gris-Nez, dont la surface 
est parsemée de fissures complètement cicatrisées, produites pen- 
dant la croissance du chapeau. 

Mais à côté de ces espèces qui se cicatrisent aisément, il en est 
quelques-unes, surtout parmi celles dont le chapeau est déliques- 
cent, chez lesquelles la réaction cicatricielle fait constamment 
défaut. Tel est l’Hypholoma fasciculare. J'ai eu l’occasion de faire 
un grand nombre d'expériences avec cette Agaricée a tous les états 
de développement. Jamais il n’y a régénération ni de la surface 
supérieure du chapeau, ni de sa couche hyméniale, ni de la surface 
du stipe. 

Les Hyménomycètes à chapeau persistant réagissent tous à peu 
près de même. Des expériences que j'ai faites dans la forêt de Soi- 
gnes sur le Trametes gibbosus et sur le Polyporus versicolor ont 
toujours donné des résultats concordants : régénération de la 
surface normale aux dépens des filaments atteints. Disons en quel- 
ques mots ce que l’on observe chez le Trametes gibbosus (fig. 23). 
Le chapeau étalé dans le plan horizontal se compose de couches 
superposées (c’, c’...) dont chacune correspond a une période de 
développement. Dans ces couches, les filaments sont a peu près 
verticaux ; vers le haut, ils se recourbent de côté et s’enchevêtrent 
pour former la surface temporaire du chapeau. Lorsqu’on fait une 
entaille dans le chapeau, les filaments mis a nu se ramifient abon- 
damment et les nouvelles hyphes se dirigent normalement a la 
surface de section (quelle que soit sa direction). La réaction s’accom- 
plit beaucoup plus vite lorsque la blessure est faite a un chapeau 

Tome III. 27 


TOME III, 1898. 


418 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


en voie de croissance que lorsqu'on la fait a un moment où /indi- 
vidu est en repos. La figure 23 montre un chapeau de Trametes qui 
a été récolté cing jours apres la blessure. La ligne verticale s indi- 


Fic. 23. — Schéma d’une coupe verticale dans un chapeau de 7rametes gibbosus. 
chic, ci CU EM les (couches successives= 7 — la surfacessupeneunes—— 
Les lignes indiquent la direction des hyphes. Le chapeau a subi une incision 
verticale le 7 septembre 1893 et a été récolté le 12 septembre 1893. — s = la 
surface de section; / = la couche d’hyphes développées sur la plaie. (Expé- 
rience faite dans la forét de Soignes.) 6/1. 


que la surface de section ; la couche produite sur la surface blessée 
a sensiblement la même épaisseur que celle qui s’est ajoutée 
pendant le même temps à la face supérieure intacte. 

Parmi les Gastromycètes, je n’ai observé de lésions que sur le 
Scleroderma vulgare. Ces Champignons présentent fréquemment 
de larges fentes béantes, produites sans doute sous l'influence de la 
croissance. Ainsi qu'on le voit par la figure 24, les couches qui 
limitent la blessure sont restées stériles : mais comme la fente s’est 
approfondie de plus en plus à mesure que le Champignon croissait, 
les tissus avaient des âges différents au moment de leur mise à nu. 
Dans les régions voisines de la surface normale, la stérilisation a 
frappé des tissus encore jeunes où les spores n'étaient pas déve- 
loppées. Mais vers l'intérieur de la masse, les spores étaient formées 
et commengaient déjà à noircir. Aussi la couche cicatricielle y est- 


TOME III, 1898. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 419 


elle parsemée d’ilots noirâtres, représentant des spores arrêtées 
dans leur développement. Dans le même individu, des galeries 
creusées par des larves d’Insectes étaient également isolées du 
tissu sporifère par une couche stérile (’). 


Ac: 
FIG. 24. — Carpophore de Sc/eroderma vulgare avec une fissure spontanée. — 


m = la surface normale ; g — une galerie creusée par une larve, (Récolté 
à Westmalle par M. Clautriau.) 2/1. 


Cet exemple de stérilisation traumatique est à rapprocher de 
ceux que nous ont offerts les Laminaria. 

Il semble, à première vue, que nous ayons encore affaire à un 
fait du mème genre chez les Discomycètes (Peziza vesiculosa). Mais 
une observation attentive fait voir que la couche stérile qui occupe 
les lèvres d'une plaie hyméniale est constituée par des filaments de 
nouvelle formation, nés des hyphes sous-hyméniales, et que les 
asques fertiles existent jusque tout près des bords primitifs de la 
plaie. 

Quant aux sclérotes que produisent beaucoup de Champignons, 
leur cicatrisation a été étudiée en détail par Bommer (94, p. 37, 


(:) M. Errera m'a montré des pédicelles de Phallus impudicus qu’il avait 
entaillés avant l’allongement. Quelques jours plus tard, on constatait qu'aucune 
cicatrisation ne s'était opérée pendant la croissance. 


Tome III, 1808. 


420 J. MASSART, — LA CICATRISATION 


pl. I, fig. 31-41) chez le Polyporus umbellatus. Une écorce brune se 
forme sur les plaies; la même chose se passe le long des galeries 
que lesrhizomorphes d’Armillaria mellea creusent dans lasubstance 
du sclérote. C'est aussi par un procédé analogue que le sclérote 
isole les portions désorganisées. J’ai pu refaire ces observations sur 
des sclérotes de Polyporus umbellatus récoltés par Errera au bois 
de la Cambre, et sur des sclérotes de Ganoderma lucidum récoltés 
a Buitenzorg (Java). Des faits du méme genre avaient déja éte 
décrits par de Bary (84, p. 42) sur des sclérotes de Coprinus 
slercorarius. 

Parmi les Lichens homéomeres, j'ai étudié plusieurs espèces 
gélatineuses, non encore déterminées, récoltées à Java. Les fila- 
ments atteints par le traumatisme régénerent sur la plaie une 
couche pseudo-parenchymateuse analogue à celle qui limite le 
reste du thalle. 

Chez les Lichens héteromeres, la plante doit pourvoir non seule- 
ment à régénérer une couche corticale, mais, pour peu que la 
lésion entame la couche médullaire, à regarnir de cellules vertes 
la surface mise à nu (fig. 25). 


Fic. 25. — Schéma d’une coupe verticale d’une plaie de la surface supé- 
rieure du thalle de Sficta pulmonacea. — n = la surface normale. 
(Récolté à Brigsdal, en Norvège.) 77/1. 


Certains Lichens, par exemple l’'Umbilicaria pustulala, forment 
en abondance des sorédies le long de leurs blessures. Ces corps se 
développent près de la surface supérieure. Dans sa partie infé- 
rieure, la plaie se garnit d’une couche limitante analogue à celle 
qui recouvre la face inférieure du thalle. | 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 421 


Il. — BRYOPHYTES ET PTERIDOPHYTES. 


Aucun groupe de plantes ne présente de réactions cicatricielles 
aussi peu prononcées que celui des Archégoniates inférieures. Je 
n’ai observé la cicatrisation par cloisonnement cellulaire que chez 
les Marattiacées. Partout ailleurs les cellules mises à nu par le 
traumatisme ne subissent que de très légères modifications. 

1. Parfois même, les cellules ne réagissent en aucune façon. 
C’est, par exemple, ce qui se présente chez les Marchantiacées (°), 
sur les tiges et les feuilles de la plupart des Mousses (*), ainsi que 
chez les Filicinées (à l'exclusion des Marattiacées), chez les Équisé- 
tinées et chez les Lycopodinées (°*) : les cellules lésées meurent; 


(t) J’ai fait des expériences sur Marchantia polymorpha et sur Fegatella conica. 
Aucune cicatrisation ne s'était opérée. 

Vôchting (85) a vu pourtant que des morceaux de thalle de Zunu/aria sont 
capables de reformer un point végétatif et de se compléter à nouveau. 

(2) Des expériences ont été faites sur des feuilles et des tiges de Wnium 
hornum. Après deux mois, les cellules des organes coupés étaient mortes sur 
une large étendue, sans avoir aucunement réagi. 

Ici aussi, il faut se garder de trop généraliser. Nous verrons plus loin que 
les Mousses peuvent dans certaines conditions se régénérer et, d’autre part, 
K. Müller (56) a vu des feuilles lésées de Bryum Billardierii qui avaient reformé 
des portions manquantes. 

(3) J’ai observé, en fait de Lycopodinées, les Psi/otum flaccidum et P. trique- 
trum ainsi que divers Lycopodium et Selaginella. Parmi les Équisétacées, j'ai vu 
les tiges blessées d’Æquisetum palustre, E. limosum, E. maximum et Æ. debile 
(ce dernier, récolté à Java). 

Parmi les Fougères, j'ai fait des expériences sur les feuilles de Pferis serrulata 
et les bulbilles produits sur les feuilles de Cystopteris bulbifera. En outre, j'ai 
observé des lésions sur les feuilles, les pétioles et les rhizomes de Doryopteris 
nobilis, Asplenium compressum, Platycerium biforme et Osmunda regalis. Toujours 
on voit les cellules mourir avec brunissement des parois, et la mortification 
envahir les tissus profonds. 

Un phénomène en tout semblable se remarque chez les Fougères dont les 


TOME III, 1898. 


422 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


puis la mortification atteint les éléments sous-jacents et, de proche 
en proche, gagne tous les tissus voisins. 

2. Ailleurs, la destruction cellulaire est bientôt arrêtée par 
l'épaississement que subissent les cloisons des cellules voisines de 
la blessure. J'ai observé ce mode de cicatrisation sur les prothalles 
d'un Viffaria récolté a Java (fig. 26), ainsi que sur les feuilles de 


Fig. 26. — Portion d’un prothalle de Véffaria sp. blessé en deux points. — 
mz = le bord normal. (Récolté à Buitenzorg, Java.) 315/1. 


toutes les Hyménophyllacées étudiées et sur le thalle d’une Junger- 
manniacée anacrogyne (Pallavicinia Lyellit) de Java. Somme toute, 
il n’y a pas de limite tranchée entre ce mode-ci de cicatrisation et 
la mortification progressive des tissus. En effet, l'isolement de la 
partie lésée par une cloison épaissie et brunie ne s'opère avec certi- 


feuilles ou les segments se détachent en laissant une cicatrice nette. C’est le cas 
pour les feuilles de beaucoup de Polypodium, Goniophlebium, etc., et pour les 
segments foliaires de Didymochlaena lunulata. Au niveau de la cicatrice, il n’y a 
aucun cloisonnement cellulaire: pourtant la destruction lente des tissus n’est 
jamais aussi accentuée que lors des traumatismes accidentels. 

Disons aussi que les Fougères, quoique absolument incapables de produire de 
nouvelles cellules en présence d’un traumatisme montrent néanmoins cette 
réaction lorsqu’elles subissent certaines autres influences externes. Des balais de 
sorcières ont été décrits par Giesenhagen (92) chez diverses Fougères. J’en ai 
observé également à Java sur l'Angiopteris evecta et sur divers Nephrolepis. 


Tome III, 1808. 
CHEZ LES VEGETAUX. 423 
tude que sur des organes jeunes; dès qu'ils commencent à vieillir 


(les feuilles âgées des Hyménophyllacées, par exemple), les cellules 
se détruisent de plus en plus loin. 


Fig. 27. — Portion d’une feuille blessée  F1G. 28. — Portion d’un thalle ‘blessé 


- de Cololejeunea Goebelii. — n = le de Metzgeriopsis pusilla. — p = pro- 
bord normal; p = propagules. (Ré- pagules. (Récolté dans la forêt de 
colté dans la forêt du Goenoeng-Tji- Tjibodas, à Java.) La plaie est à 
bodas, à Java.) 315/1. droite. 315/1. 


3. Les feuilles et les tiges de la plupart des Jungermanniacées 
acrogynes, ainsi que le thalle des Anthocérothacées, présentent 
également des réactions cicatricielles peu marquées : on voit sim- 
plement les cellules voisines de la blessure arrondir la paroi mise 
à nu (*). C'est ce qui s'observe notamment sur les feuilles de Pla- 
giochila opposita, de Cololejeunea Goebelii (fig. 27), sur le « thalle » 
de Metzgeriopsis pusilla (fig. 28), sur la tige de Zoopsis argentea, de 
Telaranea javanica Schiffner n. sp. (fig. 29) et de Leptolejeunea 
diversifolia Schiffner n. sp. (fig. 30); enfin sur le thalle d’Antho- 
ceros grandis et de Dendroceros javanicus var. clathratus (fig. 31). 


(!) Le bombement de la paroi ne s’accomplit qu’au bout de quelques jours; 
il ne peut donc pas être attribué à l’action mécanique de la turgescence. 


TOME 111, 1808. 


424 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


Un mot sur trois de ces plantes. Les feuilles de Cololejeunea 
(fig. 27) et le thalle de Welzgeriopsis (fig. 28) forment des propa- 
gules qui naissent aux dépens de certaines cellules : l’existence 
d'une lésion n'a aucune influence sur la production de ces 
corps. 


Fic. 29. — Bout supérieur d'un rameau  F1G. 30. — Bout inférieur d’un rameau 


de 7claranea javanica dont le som- de Leptolejeunea diversifolia, qui a 
met a été enlevé. — f = cellules ba- été détaché de la plante. — a = la 
silaires des feuilles. (Récolté dans la cellule axile. (Récolté dans la forêt 
forêt de Tjibodas, à Java.) 550/1. de Tjibodas, à Java.) 550/1. 


Le thalle de Dendroceros, formé d’une seule assise de cellules, 
est percé d'un grand nombre de lacunes schizogènes (dues à l'écar- 
tement des cellules). Les membranes qui limitent ces lacunes 


FIG. 31. — Portion de thalle blessé de Dendroceros javanicus 
var. clathratus. — n = le bord normal du thalle; / = cellules 
lésées. (Récolté sur le Gedeh, à Java.) 190/1. 


ToME III, 1808. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 425 


restent planes, tandis que les membranes qu'un traumatisme 
isole de leurs voisines se courbent bientôt en avant. Les cellules 
saisissent donc la différence entre l'absence normale d’une cellule et 
son absence accidentelle. 

4. Les Mousses nous offrent pour la première fois une réparation 
qui est manifestement indépendante de la cicatrisation. La figure 32 


Fic. 32. — Portion d’une feuille de Funaria hygrometrica qui a été détachée 
le 16 juin 1893 et cultivée en atmosphère humide jusqu’au 22 juin 1893. 
n = le bord de la feuille: zerv. — sa nervure. 128/1. 


montre un fragment de feuille de Funaria hygrometrica cultivé 
sur silice gélatineuse depuis six jours : les cellules voisines de la 
surface de section ont arrondi leur paroi mise à nu. En outre, 
quelques cellules, tant parmi celles qui sont proches de la plaie 
que parmi celles qui en sont éloignées, s’allongent en filaments de 
protonéma; sur ceux-ci se développent des tiges feuillées. La pro- 
duction de protonéma sur des organes coupés s’observe non seule- 
ment sur des bouts de feuille, mais encore sur les tiges, les rhi- 
zoides, et, ainsi que l'ont montré Pringsheim (76) et Stahl (76), 
sur les sporogones. Enfin. d’après Goebel (95, p. 109), un bout de 
tige coupée a un Sphagnum peut également donner de jeunes indi- 
vidus. 

Chez toutes ces espèces, on assiste donc à une régénération de la 
plante après lésion. Mais on voit clairement dans la figure 32 que 
la formation du protonéma est indépendante du processus cicatri- 
ciel, puisque les filaments procèdent aussi bien des cellules éloi- 
gnées de la plaie que de celles qui l’avoisinent. 

5. Nous rencontrons enñn, chez les Marattiacées, des plantes 
dont la cicatrisation se fait par cloisonnement cellulaire. Les éle- 


Tome III, 1808. 


426 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


ments atteints par le traumatisme se désorganisent, mais sous eux, 
les cellules restées vivantes se cloisonnent activement. Les cellules 
nouvelles ont perdu la chlorophylle, ce qui rapproche ce mode 
de cicatrisation de ce que nous offrent les Phanérogames; il reste 
pourtant entre les Marattiacées et les Phanérogames une différence 
essentielle : c'est que chez les premières les cellules filles n’acquié- 
rent pas de parois subérisées; tout au moins n’ai-je jamais réussi à 
mettre en évidence la subérisation des membranes (*). Contraire- 
ment à ce qui a lieu chez les autres Fougères, celles-ci présentent 
aussi du cloisonnement dans la cicatrice que laisse la chute des 
feuilles et des segments foliaires. 


Ill. — PHANEROGAMES. 


Autant la réaction cicatricielle est rudimentaire chez les Lyco- 
podiacées, autant chez leurs descendants phanérogames elle est 
compliquée et exactement adaptée au but a atteindre. Méme en 
laissant de côté tout ce qui touche à la régénération des tissus 
enlevés et aux courbures qu’exécutent les organes blessés (*), pour 
ne nous attacher qu'au processus cicatriciel (*), nous rencontrerons 


(1) D’après de Bary (77, p. 114), le liège est très rare en dehors des Phanéro- 
games et n’aurait été indiqué que chez certains Ophioglossum par Russow (72, 
p. 121). Voici ce que dit Poirault (98, p. 134) : « Van Tieghem (A/émoire sur la 
racine, p. 70) a signalé depuis longtemps les productions péridermiques de la racine 
des Marattiacées. 

» Plus récemment (Bul/. Soc. bot. de France, 1888, p. 171), il a montré que dans 
les grosses racines d’Angiopteris il se fait, outre le liège, une couche assez 

épaisse de phelloderme. Nous ajouterons seulement que ce liège n'est pas 
lignifié (*)... Les racines d’ Ophioglossum ne forment pas de liège. » 

(*)? 

(2) Voir sur ce point le travail de Spalding (94). 

(3) La cicatrisation des tiges ligneuses, qui présente un grand intérêt pratique 
pour la sylviculture, a été beaucoup étudiée et est connue dans tous ses détails. 
Frank 95) la traite longuement et donne la bibliographie. Je me suis particulière- 
ment appliqué à l’étude de la cicatrisation dans les organes herbaces. 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 427 


encore des différences très notables qui dépendent en partie des 
espèces et des tissus que nous considérerons, et surtout des condi- 
tions dans lesquelles se font les’expériences. 

La même réaction cicatricielle peut être amenée par les trauma- 
tismes les plus divers : plaies de surface ou plaies pénétrantes, 
piqûres, contusions sans destruction de cellules (fig. 42, Ricinus), 
brûlures (fig. 35, pomme de terre; fig. 34, Phyllocactus; fig. 54, 
feuille de Hoya carnosa), etc. Les lésions les plus complexes sont 
celles qu'on obtient en écrasant les organes, les tiges herbacées par 
exemple : il se produit alors une foule de félures dans tous les sens 
et dans tous les tissus,les unes communiquant avec l’extérieur, les 
autres limitées de toutes parts par des cellules vivantes, d’autres 
encore qui s'ouvrent dans la cavité médullaire. 

Il n'est pas rare non plus que des blessures se produisent spon- 
tanément pendant la croissance. On les observe le plus souvent 
sur les organes charnus a développement rapide, tels que les 
navets, les radis, les carottes, les choux-raves, ainsi que sur les 
galles (fig. 38, galle de Trypeta cardui). Certainesvariétés de melon 
se recouvrent spontanément d’un reseau de fissures peu profondes. 
Toutes ces blessures se cicatrisent de la même façon que les lésions 
accidentelles. 

Il en est encore ainsi lors de la chute des feuilles. La surface 
mise a nu se recouvre de liége, et souvent méme le tissu cicatri- 
ciel est déjà formé longtemps avant que la feuille ne soit prête a se 
détacher. 

Les choses se passent tout autrement lorsque, d'une façon nor- 
male, des cellules se détruisent dans la profondeur sans qu'elles 
ecient mises a nu. Ainsi, lors de la formation des lacunes lysigènes 
et pendant que les jeunes racines percent Jes couches périphériques, 
des cellules meurent en grand nombre, écrasées ou déchirées, sans 
qu’on observe la moindre réaction de la part des tissus voisins. 
L’absence’de la réaction cicatricielle lors de la naissance des racines 
est d'autant plus,remarquable que la réaction se manifeste dans des 
cas à peu près analogues. J'ai vu, en 1892, à l'Institut botanique 
de Leipzig, que lorsqu'on fait germer des graines à l’intérieur 
des plantes charnues ou dans des tiges herbacées, la plante habitée 


TOME III, 1898. 


428 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


se défend contre la racine de la plantule par une couche de liège. 
D'autre part, Prunet (91) a constaté que dans une pomme de terre 
traversée par des rhizomes de chiendent (Cynodon Dactylon), 
la galerie est également limitée par du tissu cicatriciel, et la 
méme chose a lieu le long des racines que le rhizome émet dans 
les tissus du tubercule. J'ai observé les mémes phénomènes dans 
une racine de Pastinaca sativa perforée par un rhizome d’A gropy- 
rum repens. 

Enfin, la réaction cicatricielle fait encore défaut lorsqu'une plante 
est attaquée par un parasite, tant animal que végétal. Ni les para- 
sites phanérogames (Loranthacées, Cuscutacées, Rafflésiacées, etc.), 
ni les Champignons, ni les animaux (larves d'Insectes, Nema- 
todes, etc.) ne provoquent de la part de leur hôte la moindre cica- 
trisation défensive. La multiplication cellulaire, parfois très abon- 
dante, qui accompagne l'infection, est plutôt utile au parasite et ne 
peut en aucun cas être considérée comme un moyen de défense. Il 
faut peut-être excepter le cas cité par Molliard (95, pl. XI, fig. 5), 
où les étamines de Sinapis arvensis attaquées par un puceron, 
avaient formé du tissu cicatriciel autour des anthères atrophiées. 

Il est logique de faire une catégorie spéciale, parmi les lésions 
spontanées, pour celles qui accompagnent le développement des 
feuilles des Palmiers et de certaines Aracées. La découpure du 
limbe est déterminée, tout comme chez les Laminaria, par un 
véritable traumatisme. Les surfaces mises à découvert se revêtent 
parfois d'un épiderme semblable à celui de la surface normale, par 
exemple chez le Monstera deliciosa, d'après Haberlandt (82, p. 592), 
chez le Livistona australis (85, pl. IL, fig. 23) et chez le Chamaerops 
humilis var. macrocarpa (85, pl. II, fig. 35), d'après Eichler. 


1._— Phénomènes qui accompagnent le début 
de la réaction. 


Voyons maintenant quels sont les caractères de la réaction cica- 
tricielle chez les Phanérogames. Nous nous en tiendrons de prefe- 
rence aux blessures expérimentales, puisque dans ces cas nous 
connaissons exactement l'âge de la lésion. 

Presque toujours les cellules qui ont été lésées succombent 


Tome III, 1808. 


CHEZ LES VEGETAUX. 429 


bientôt. Il n’y a d’exception que pour les contusions légères qui, 
sans amener la mort des cellules, déterminent néanmoins de leur 


Fic. 33. — Coupe transversale d’une portion de tige de Cordyline rubra qui a 
été blessée (incision superficielle) le 21 avril 1896 et récoltée le 16 juin 1896. — 
p = la surface de la plaie; / = le périderme normal; /’ = le périderme cica- 
triciel. Les cellules mortes au niveau de la plaie sont teintées, comme dans 
toutes les figures qui suivent. Les cellules superficielles du périderme /’ sont 
subérisées. 112/1. 


part des réactions manifestes (fig. 42, Ricinus). Souvent plusieurs 
couches de cellules meurent encore sous la lésion (fig. 33, Cordy- 


Fic. 34. — Coupe transversale d’un rameau plat et assimilateur de PAy/locactus 
crenatus qui a été brûlé à sa surface le 3 août 1892 et récolté le 13 août 1892. 
a = les tissus tués directement par la brûlure; 4 = les tissus qui sont morts 
ultérieurement ; /’ = le périderme cicatriciel, dont les cellules superficielles 
sont subérisées. 61/1. 


Tome III, 1898. 


430 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


line; fig. 35, Phyllocactus), et les phénomenes de cicatrisation 
n’apparaissent qu'à une distance plus ou moins grande de la 
surface lésée. 


7 


A 
Fic. 35. — Coupe transversale d’une Pomme de terre qui a été brûlée (à la 
surface) le 1° août 1892 et laissée à l’air libre jusqu’au 22 août 1892. — /= le 


périderme normal; 6 = cellules détruites par la brûlure; 7’ = le périderme 
cicatriciel. Les cellules superficielles du périderme /’ sont subérisées. 61/1. 


a) La premiere modification réactionnelle que présentent les 
cellules consiste dans leur agrandissement. L'augmentation de 
volume ne se fait pas également dans tous les sens : chaque fois 
que la nature de la lésion permet de distinguer avec certitude d’où 
vient l'excitation traumatique (*), on constate que les cellules 
s'allongent vers la surface lésée (fig. 43, feuille de Nuphar). 

On comprend qu'un tel allongement à direction définie n’est 
possible que pour des cellules qui touchent les cellules mortes et 
qui n’ont qu’à les repousser devant elles. Mais souvent l'excitation 
gagne la profondeur des organes et, dans ce cas, les cellules, 
entourées de toutes parts d'éléments qui, eux aussi, augmentent de 
volume, ne peuvent plus en général s'accroître dans la direction 
voulue. Pourtant on observe parfois, méme alors (fig. 49, tige de 
Ricinus), que les cellules s’allongent de préférence du côté de la 
blessure. I] n'en est pas moins vrai que les cellules profondes en 


(1) Lorsque les tissus ont été écrasés, les lésions sont tellement multiples qu’il 
n’est plus possible de déterminer d’où part l'excitation contre Lee réagis- 
sent les cellules. 


— =. den 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 431 


ee real 


sont ordinairement réduites à s'agrandir dans tous les sens. Le 
premier résultat visible de cette croissance est l'effacement des 


ER 


=es 
a 


ass. * 
ITS 


Fic. 36. — Coupe transversale d'une tige de Datura Stramonium qui a été 
écrasée le 6 septembre 1893 et récoltée le 26 septembre 1893. — m = moelle; 
7 = rayons médullaires; / = fissure produite dans le bois. 11211. 


petits méats intercellulaires, de sorte que l'air disparaît entre les 
cellules (fig. 37, fruit de Cucurbila moschala). 

La figure 34 fait voir clairement l'influence de la position de la 
blessure sur le sens de l'allongement des cellules. Elle représente 
une coupe transversale d’un rameau aplati de Phyllocactus crena- 
tus, qui a été brûlé par une baguette de verre. En dessous de la 
couche cautérisée (a), un certain nombre de cellules sont encore 
mortes (b). Plus profondément, les longues cellules hyalines ont 
réagi : encastrées par leur bout interne au milieu des éléments 
voisins, elles ont courbé leur bout périphérique de façon à le diri- 
ger normalement à la surface léséc. 

Je m'empresse d'ajouter que dans un très petit nombre de cas je 
n’ai pas observé avec certitude d'augmentation de volume au début 
de la réaction cicatricielle. Pour ce qui est des longues cellules 
rayonnantes qui entourent les cellules sécrétrices médullaires de 
Sambucus (fig. 40), il est fort difficile de se prononcer. Dans l’épi- 
derme et le collenchyme de Tinanlia (fig. 44), l'accroissement est à 


TOME III, 1898. 


432 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


peine visible; enfin il est certainement nul dans l'épiderme de la 
feuille de Hoya (fig. 54); ces cellules se sont subérifiées sans avoir 
subi au préalable la moindre modification de volume. 


ANT 
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rc = Le 1s = = 
Ca a 
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~ TAUX TY) k 


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À | | NS 
Fic. 37. — Coupe transversale d’un fruit de Cucurbita moschata, incisé le 
4 août 1893 et récolté le 12 août 1893. — « = épiderme; p= parenchyme 


cortical; #’ = parenchyme cortical avec des méats remplis d'air; s = cellules 
à paroi épaissie; 2 = grandes cellules parenchymateuses internes. 315/1. 


6) En même temps que les cellules augmentent de volume, 
celles qui ont des parois épaissies les amincissent graduellement. 
La réduction de la paroi se voit le plus nettement dans les cellules 
à grosse membrane ponctuée qui se trouvent dans l'écorce du fruit 
de certaines variétés de Cucurbita moschata (fig. 37), ainsi que 
dans les cellules de la galle qui est déterminée sur la tige de 
Cirsium arvense par la larve de Trypeta cardui (fig. 38). 

y) Conjointement avec la croissance de la cellule et l'amincisse- 
ment de ses parois épaissies, on voit l'amidon et les plastides se 
réduire et disparaître. L’amidon est sans doute employé à la nutri- 
tion de la cellule; il semble même que les éléments qui réagissent 


Tome III, 1808. 


CHEZ LES VEGETAUX. 433 


peuvent en emprunter a leurs voisins (fig. 35, Pomme de terre), 
puisqu'on voit le nombre et le volume des grains diminuer beau- 
coup dans la couche sous-jacente ("). Quant aux chloroplastes, ils 


Sua 
(7 
LIL 


Fic. 38. — Coupe transversale d’une plaie spontanée sur la galle que la larve du 
Trypeta cardui provoque sur les tiges de Cérsium arvense. (Récolté à Amble- 
teuse.) 91/1. 


disparaissent dans tous les cas où il va se former du liège (fig. 34, 
Phyllocactus); ils persistent quand les cellules filles auront à rem- 
plir des fonctions assimilatrices (fig. 43, feuille de Nuphar). 

6) Lorsque les cellules ont atteint une certaine longueur, elles se 
segmentent. Les nouvelles cloisons sont perpendiculaires au grand 
axe de la cellule, parallèles par conséquent à la surface de lésion. 
Le parallélisme de ces cloisons est en général très manifeste 
(fig. 33, tige de Cordyline; fig. 35, Pomme de terre; fig. 34, rameau 
de Phyllocactus; fig. 37, fruit de Cucurbita; fig. 39, tige d'Impa- 
liens Sultant; fig. 42, tige de Ricinus; fig. 44, tige de Tinantza; 
fig. 54, feuille de Hoya). 

La relation entre la direction de la surface lésée et celle des nou- 


(1) Von Bretfeld (77, p. 135) a également observé la disparition cicatri- 
cielle de l’amidon; mais dans les Pommes de terre de ses expériences, l’amidon 
disparaissait plus tard que dans les miennes. 


Tome III. 28 


TOME III, 1898. 


434 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


velles cloisons est plus évidente encore ‘dans la figure 49, qui 
montre la cicatrisation sur les parois d’une blessure profonde de la 
tige de Ricinus. Tout le long de la fente, les cloisons sont paral- 


ct Ersoy 
P RE, ° 
Per ; ; Las 


Fic. 39. — Coupe transversale d’une tige d’/mpatiens Sultani qui avait été 
blessée le 1° août 1892 et récoltée le 22 août 1892. — ¢ = épiderme; € = cam- 
bium; # = moelle; p = surface de la plaie. Les cellules superficielles du 
périderme cicatriciel sont subérifiées. Les cellules teintées contiennent des 
raphides coupées. 91/1. 


lèles à la blessure. Au contraire, le fond de la fente est entouré de 
cloisons nouvelles dont l’ensemble fait un cercle autour de la 
lésion. 

On ne peut se défendre de l’idée que la surface blessée émet une 
excitation qui détermine de la part des cellules une série de réac- 
tions particulières. Celles-ci se manifestent surtout par l’allon- 
gement ‘des cellules et par leur segmentation. Les cellules 
s’accroissent directement vers l’excitant et peuvent même, dans 
des cas spéciaux (fig. 34), se courber vers lui; les nouvelles cloisons, 
au contraire, s'étendent dans le plan perpendiculaire a la direction 
de l’excitant. 

Il y a plus de trente ans déjà, Hofmeister avait signalé le parallé- 


Tome III, 1808. 


CHEZ LES VEGETAUX. 435 


lisme des cloisons nouvelles et de la surface de lésion. Pour lui, les 
jeunes cloisons sont toujours perpendiculaires a la direction de la 
croissance récente : « Die Stellung der neu entstehende Scheide- 
wand ist durch das vorausgegangene Wachsthum genau bestimmt; 
die theilende Wand steht ausnahmlos senkrecht zur Richtung des 


Fig. 40. — Coupe transversale de la portion périphérique de la moelle d’une 
jeune tige de Saméucus nigra, qui avait été écrasée le 18 avril 1896 et récoltée 
le 27 avril 1896. Les cellules sécrétrices se sont injectées du liquide accumulé 
à la surface des plaies. 61/1. 


starksten vorausgegangenen Wachsthums der Zelle. » (63, p. 272.) 
Mais nous venons de voir que si les cellules qui réagissent vis-a-vis 
d’un traumatisme commencent presque toujours par s’allonger, il 
y a pourtant des cas non douteux dans lesquels le cloisonnement 
des cellules n’est pas précédé de leur accroissement (fig. 54). 

E. Bertrand (84) a également attiré l'attention sur la direction 
des cloisons dans le phellogène. 

Dans un travail qui a paru depuis le dépôt de ce mémoire, 
Kny (96), voulant démontrer que l'orientation de la figure caryo- 
cinétique peut être déterminée par les agents extérieurs, a 
soumis des cellules à des tractions et à des pressions souvent 
considérables. Nous pouvons laisser de côté les expériences qu'il a 
faites sur les racines de Vicia Faba et sur les spores d’Equisetum, 
pour. n’envisager que celles dans lesquelles il courbait ou étirait 
violemment des lanières découpées dans des tubercules de Pomme 
de terre. Dans les lanières auxquelles il suspendait des poids, ainsi 
que sur la face convexe de celles qu'il maintenait pliées en deux, 
Kny a observé beaucoup de cloisons nou velles qui étaient, non pas 


TOME III, 1898. 


436 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


parallèles, mais perpendiculaires a la surface de lésion. L'auteur 
en conclut que ces cloisons se sont formées dans des cellules qui, 
par suite de la traction mécanique, s'étaient allongées parallèlement 
à la surface, non vers elle. Kny ne dit pas si des félures ne s'étaient 
pas produites dans les minces lanières (elles avaient de 4™™5 a 
6™"5 d'épaisseur) qu'il pliait en les chargeant de poids variant 
entre 945 et 1,424 grammes, ou dans les lanières, plus minces 
encore (2""5 à 3"%5), auxquelles il suspendait jusque 1,186 grammes. 
Si nous considérons que presque toujours les objets en expérience 
finissaient par se rompre, nous serons amenés à croire que de 
petites déchirures y étaient inévitables, et dès lors, il n’y a plus 
rien d'étonnant à ce que Kny ait constaté la formation de 
membranes perpendiculaires à la surface de section, mais paral- 
lèles aux félures. 

Dans les trois plantes que j’ai étudiées a ce point de vue (Ricinus 
communis, Cucurbita ficifolia et Tradescantia virginica), j'ai vu que 
la division du noyau dans les cellules réagissantes est presque 
toujours directe. Je n’ai observé en tout que deux cellules qui pré- 
sentaient de la caryocinèse; elles se trouvaient dans la tige de 
Tradescantia, en dehors de la stele. Partout ailleurs je n’ai ren- 
contre que de l’amitose. Von Bretfeld (28, p. 141) n’a pas non plus 
constaté de caryocinese dans les cellules cicatricielles des feuilles. 
Il est probable que la division du noyau est directe dans tous les 
phellogènes cicatriciels. Les expériences de Kny sur la pomme de 
terre ne pourraient donc pas donner de résultats quant a la direc- 
tion de la figure caryocinétique. 


2. — Comment se propage lexcitation traumatique. 


Souvent la réaction est limitée a une seule assise cellulaire 
(fig. 33, tige de Cordyline; fig. 35, pomme de terre; fig. 34, 
Phyllocactus). Chacune de ces cellules donne alors naissance a une 
file de cellules filles et le tissu qui prend naissance présente un 
aspect des plus réguliers. Ailleurs, plusieurs rangées réagissent a 
la fois (fig. 39, tige d’/mpatiens). Pour une même plante, des diffé- 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 437 


rences peuvent exister sous ce rapport entre les divers tissus. Chez 
le Ricin, par exemple (fig. 49), l'excitation traumatique due a une 
fissure longitudinale provoque le cloisonnement d’une seule 
rangée de cellules dans le parenchyme cortical, le parenchyme 
libérien, le cambium et le parenchyme ligneux, c’est-à-dire que 
l'excitation reçue par ces cellules est gardée en entier et que rien 
n'est transmis aux cellules sous-jacentes, tandis que dans la moelle, 
l'excitation se transmet de cellule à cellule jusqu'à une distance de 
cinq à six cellules. La même espèce présente souvent une propa- 
gation encore plus lointaine (fig. 41) (*). Dans la moelle de Cucur- 


Fic. 41. — Coupe transversale de la portion périphérique de la moelle d’une 
jeune tige de Ricinus"=smmunis qui a été écrasée le 6 août 1893 et récoltée 
le 2 octobre 1893. Il y avait une fêlure dans la moelle vers la gauche du dessin. 
Les trois ou quatre couches cellulaires qui limitaient la fêlure ne sont pas 
indiquées; l'excitation traumatique partait d’en bas, à gauche. — f= l’extré- 
mité interne de deux faisceaux. 190/1. 


(:) La figure 42 montre le cloisonnement des cellules de l’épiderme et de deux 
couches de cellules collenchymateuses à la suite d’une excitation venant de la 
surface. Mais le traumatisme consistait ici en une contusion et nous ne savons 
pas jusqu’à quelle profondeur il avait fait sentir son action directe. La contra- 
diction entre les figures 42 et 49 est donc purement apparente. 


Tome III, 1898. 


438 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


bita ficifolia, ’excitant arrive jusqu'à des cellules qui sont séparées 
de la surface blessée par une quinzaine de couches cellulaires. 
Dans les cas de pénétration profonde de l'excitant, on observe 
souvent, surtout si au début les cellules n’avaient pas une forme 
très régulière, que les cloisons formées dans la profondeur ont 
perdu leur parallélisme. On dirait que l’excitant vis-a-vis duquel 


Fic. 42. — Coupe transversale de l’épiderme et du parenchyme cortical dans 
une portion de tige de Ricinus communis qui avait été légèrement écrasée, 
sans destruction de cellules, le 6 août 1893, et récoltée le 2 octobre 1893. 


les cellules réagissent, se propage d’une façon diffuse au sein des 
tissus (fig. 38, galle de Cirsium). Au contraire, dans les tissus tels 
que la moelle de Cucurbita ou de Ricinus (fig. 49), où les cellules 
étaient régulièrement polyédriques, les cloisons profondes sont 
encore sensiblement parallèles aux cloisons périphériques. 

Le transfert de l'excitation de la surface lésée aux couches pro- 
fondes se fait avec une grande lenteur. Aussi les cellules superfi- 
cielles sont-elles toujours beaucoup plus grandes et ont-elles plus 
de cloisons nouvelles que les cellules profondes. Ainsi, la figure 41 
représente une coupe transversale faite au travers d’une tige de 
Ricinus qui avait été écrasée le 6 août 1893 et récoltée le 2 octobre. 
Les trois ou quatre couches les plus voisines de la surface lésée 
(dans la moelle) ne sont pas indiquées sur le dessin; elles se trou- 
vaient en bas, à gauche, et présentaient jusque dix cloisons nou- 
velles par cellule. 

Tous les éléments sont-ils également aptes à transmettre l'exci- 
tation? Nous avons déjà vu (p. 38) que chez le Ricin les cellules 
du faisceau et toutes celles qui lui sont extérieures paraissent abso- 


ai si 


TOME III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 439 


lument inaptes a se laisser traverser. Quand elles sont excitées, 
elles se cloisonnent, mais elles semblent garder pour elles-mémes 
toute l'excitation qui leur vient de la surface blessée. Il en est de 
même pour toutes les cellules, quelles qu'elles soient, de Cordyline 
(fig. 33), du tubercule de la Pomme de terre (fig. 35), des rameaux 
plats de Phyllocactus (fig. 34), etc. 

Lorsque l'excitation traverse une série de cellules, se propage- 
t-elle en ligne droite ? Aussi longtemps qu'elle ne rencontre que des 
cellules de même nature, oui. Mais qu’elle vienne butter contre 
des cellules mortes, et aussitôt elle est déviée de sa direction pre- 
mière. Dans la figure 41, on voit l'excitation (venant d’en bas, a 
gauche) d’une blessure assez éloignée, se transmettre en ligne 
droite de cellule à cellule, jusqu'à ce qu’elle rencontre un groupe 
de vaisseaux et de fibres; elle contourne ces éléments de telle sorte 
qu'en arrière de ceux-ci les cloisons nouvelles ne sont plus du tout 
parallèles aux premières. 

Une « réfraction » analogue s’observe chaque fois que l’excitant 
rencontre sur son passage des cellules mortes (fibres, vais- 
seaux, etc.). Ces élèments, incapables de réagir, sont également 
inaptes à laisser passer l'excitation. 

Quant à la nature de cet excitant qui part de la surface lésée, 
qui se transmet à travers les cellules et qui provoque de leur part 
la formation de nouvelles cloisons perpendiculaires à la direction 
qu'il suit, nous ne pouvons émettre a son sujet qu’une hypothèse. 
Les faits observés tendent à faire croire qu'il s’agit d’un excitant 
chimique. Citons particulièrement le fait que voici. La moelle du 
 Sambucus nigra contient vers sa périphérie de longues cellules 
sécrétrices entourées de cellules rayonnantes. Sur une jeune 
pousse herbacée qui avait été écrasée le 18 avril 1896 et récoltée le 
29 mai, j'ai trouvé plusieurs cellules qui s'étaient remplies sur une 
grande longueur du liquide brunâtre accumulé auprès des surfaces 
lésées. Autour de ces canaux injectés, les cellules rayonnantes, 
sous l'influence sans doute de l’excitant contenu dans le liquide, 
s'étaient régulièrement segmentées (fig. 40). 


TOME 11], 1808. 


440 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


3. — Comblement des lacunes. 


Les phénomènes que nous venons d’esquisser — agrandissement 
des cellules dans une direction strictement définie, apparition de 
nouvelles cloisons parallèles entre elles — ne se manifestent que 
dans les tissus homogènes. Mais si la lésion atteint à la fois un 


e 


fi 


Fig. 43. — Coupe transversale d’une feuille blessée de Nuphar luteum. — 
e = épiderme supérieur; # — parenchyme palissadique; / — parenchyme 
lacuneux; e’ = épiderme inférieur. 112/1. 


grand nombre de tissus divers, surtout quand elle n'est pas nette, 
mais qu'elle est obtenue, par exemple, en écrasant une tige herba- 
cée, les réactions deviennent très embrouillées. Des cellules 
réagissent en beaucoup de points à la fois et leurs rapports perdent 
toute régularité. Nous ne pouvons examiner ici que quelques-uns 
des innombrables cas que l’on observe lorsqu'on étudie des lésions 
multiples et nous ne nous occuperons que du processus qui conduit 
au remplissage des cavités, normales ou accidentelles, que contient 
le tissu. 

Souvent la déchirure des tissus détermine de petites cavités 
limitées de toutes parts par des cellules vivantes. Dans ces condi- 
tions, la mortification des cellules est réduite à un minimum, et 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 441 


les cellules arrachées sont les seules qui meurent. La réaction est, elle 
aussi, fort limitée; en général, elle ne se manifeste que de la part des 
éléments les plus voisins de la déchirure (fig. 45, collenchyme de 


Fic. 44. — Coupe transversale d’une tige de 7nantia fugax, écrasée le 6 sep- 
tembre 1893 et récoltée le 2 octobre 1893. — e — épiderme; c = collenchyme; 
f = faisceau jeune avec lacune encore petite; /’ = faisceau plus développé; 
J” = faisceau dont la lacune est comblée par des cellules cicatricielles. 91/1. 


Ricinus). Ces éléments s’accroissent et envoient dans la lacune des 
prolongements arrondis qui se séparent par une cloison de la 
celiule mère Dans le jeune âge, ces cellules ont très souvent une 
membrane garnie à l’extérieur de petites protubérances cellulo- 
siques (*). Plus tard, les cellules prennent par pression mutuelle 
une forme plus ou moins polyédrique et remplissent complètement 
la cavité accidentelle. 


(1) Nous aurons l’occasion de revoir plus tard des cellules analogues dans les 
cas où les lèvres d’une plaie sont serrées les unes contre les autres (fig. 47, feuille 
de Clivia miniata) et au niveau des déchirures spontanées qui se forment dans 
les parois parcheminées des loges de la pomme (fig. 53). 


ToME III, 1898. 


442 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


C'est par un procédé analogue que se comblent les cavités 
naturelles, que nous ayons affaire a de vraies lacunes inter- 
cellulaires ou a la cavité des vaisseaux. Comme on le sait, ces 


Fic. 45. — Coupe transversale du collenchyme d’une tige de Ricinus communis 
qui a été écrasée le 6 août 1893 et récoltée le 2 octobre 1893. Une fissure s’est 
produite dans les tissus. 315/1. 


derniers se remplissent de thylles, cellules nées du parenchyme 
ligneux qui pénètrent dans le vaisseau par les points faibles 
de sa paroi. Sous l'influence d’un traumatisme, des thylles 
peuvent se développer dans des vaisseaux fort jeunes. J'en ai 
trouvé notamment dans les vaisseaux d’une branche de Robinia 
Pseudo-Acacia, âgée d’un an, qui avait été incisée le 27 mars 1896 
et récoltée le g mai, et dans de tout jeunes entrenœuds de 
Cucurbita ficifolia, blessés le 17 juin 1896 et récoltés le 23 juillet. 

Quant aux lacunes intercellulaires, elles se remplissent par la 
prolifération des cellules limitantes. Nous avons déjà vu l’efface- 
ment des méats intercellulaires comme phénomène à peu près 
constant de la réaction (fig. 51, fruits de Cucurbita moschata). De 
tres grandes cavités peuvent se combler de la méme facon, par 
exemple celles du tissu spongieux de la feuille de Nuphar luteum 
(fig. 43) et les lacunes intrafasciculaires de la tige de Tinantia 
fugax (fig. 44). : 

Les exemples les plus frappants de ce genre se présentent chez 
les plantes aquatiques. Ici, en effet, nous rencontrons souvent 
d'immenses cavités — tantôt continues, tantôt interrompues 


sl nus 


ToME III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 443 


par des diaphragmes transversaux — qui parcourent les organes 
suivant leur longueur. Lorsqu’une pareille tige est blessée, on 
assiste presque toujours a un épaississement énorme des parois 
mises à nu, amenant en fin de compte l'oblitération totale de la 
lumière des cavités. 

Le processus est un peu différent pour le comblement des cavités 
qui se produisent dans le bois. Ici la félure est limitée en partie 
par des cellules mortes (vaisseaux et fibres ligneuses), en partie 
par des cellules vivantes (parenchyme ligneux et cellules des 
rayons médullaires). Ces dernières sont les seules qui proliferent. 
Encore ne le font-elles que si elles ont l’occasion de s’agrandir 
d'abord, ce qui n’est possible que pour celles qui, auprès d’une 
fêlure circulaire, se trouvent dans la portion périphérique (fig. 36, 
tige de Datura Stramonium). En effet, on comprend sans peine 
que les rayons médullaires de la portion interne ne peuvent pas 
se dilater, tandis que ceux qui sont voisins de l'écorce peuvent 
écarter les massifs de cellules mortes. C'est donc de ces derniers 
que dérivent les cellules nouvelles qui vont combler l'espace vide 
- créé par la fêlure. 


4. — Influence des facteurs externes et internes sur le début 
de la réaction cicatricielle. 


Après avoir rapidement passé en revue les premiers phéno- 
mènes qui accompagnent la réaction cicatricielle des Phanéro- 
games, demandons-nous quelle influence ont les facteurs externes 
et internes sur l'apparition de ces phénomènes. 

I. Nous verrons plus loin que les facteurs externes ont une 
importance prépondérante quand il s'agit de déterminer quel 
sera le sort final des cellules cicatricielles. Ils interviennent égale- 
ment pour accélérer ou ralentir les premières phases de la 
réaction. 

Il serait sans doute intéressant de rechercher si la lumière exerce 
quelque action sur la marche des phénomènes du début. Nous 
savons en effet par les observations de Douliot (89, p. 392) que le 
périderme est beaucoup plus épais sur la face éclairée d'un rameau 


Tome III, 1898. 


444 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


que sur la face ombragée. L’action « méragogue (7) » de la lumière 
est done manifeste. 


Fic. 46. — Sommet d’une vieille feuille de C/ivia miniata. Pour Vexplication 
des lettres et des chiffres, voir dans le texte (p. 450). 2/1. 


On peut affirmer avec certitude que l’exposition à l'air libre 
active la réaction. Nous avons déjà vu que dans les fissures qui ne 
communiquent pas avec l’atmosphere, la réaction reste limitée aux 
cellules les plus voisines (fig. 45, collenchyme de Ricinus). Les 
exemples les plus décisifs à cet égard sont fournis par les expé- 
riences dans lesquelles on produit en même temps des lésions 
semblables, les unes s’ouvrant à l'extérieur, les autres privées de 
toute communication avec lair libre. On les obtient sans peine 


(1) Nous employons ce terme (par analogie avec lymphagogue, emménagogue, 
etc.) pour désigner les agents qui provoquent la division cellulaire. 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 445 


quand on comprime latéralement une tige dont l'anneau vascu- 
laire est peu épais et dont la moelle est au contraire développée et 
aisément dépressible (Phytolacca decandra), ou mieux encore une 
tige pourvue d’une large cavité médullaire. La figure 48 représente 


Fic. 47. — Coupe transversale d'une jeune feuille de C/ivia miniata qui a été 
incisée le 22 juin 1896 et récoltée le 22 juillet 1896. — s = cellules superfi- 
cielles subérisées. 91/1. 


une tige de Ricinus écrasée par les côtés et qui s’est fendue sui- 
vant quatre lignes longitudinales. Deux des fissures s'ouvrent vers 
l'extérieur, mais s'arrêtent dans la moelle; les deux autres s'ouvrent 
dans la cavité médullaire, sans traverser l'écorce. 


aN . 


/ ae Ne 
Wine 
ot 4 
à 


| capes TN 


Fic. 48. — Schéma de coupe transversale d’une tige de Ricinus communis qui 
a été comprimée latéralement le 6 septembre 1893 et récoltée le 18 sep- 
tembre 1893. Il s’est formé deux fissures s’ouvrant en dehors (f) et deux 
fissures dans la cavité médullaire (/’). (Voir les deux figures suivantes.) 10/1. 


ToME III, 1808. 


446 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


Les figures 49 et 5o montrent respectivement une fissure externe 
et une fissure interne, dans une tige qui avait été écrasée le 6 sep- 
tembre 1803 et récoltée le 18 septembre. Les cellules voisines de la 


Fig. 49. — L'une des félures (f) de la figure 48. — ec — écorce; / = liber; 
c = cambium; 6 = bois; 74 = moelle; v = vaisseaux qui ont été poussés en 
avant par la croissance du parenchyme ligneux. 91/1. 


fissure externe (fig. 49) ont fortement réagi; nous avons déjà décrit 
leur aspect. Quant a la fissure interne (fig. 50), elle ne présente 
qu'une réaction peu marquée. Seules, quelques cellules limitantes 
se sont agrandies; elles ont le même aspect que celles que nous 
avons deja décrites dans le collenchyme (fig. 45). C’est à peine si 
les cellules médullaires, qui se cloisonnent si activement dans la 
fissure externe, réagissent ici. Les parois de la plaie externe sont 
garnies d’une épaisse couche de cellules mortes et brunies, tandis 
que le long de la plaie interne, des cellules mortes n’existent qu’en 
très petit nombre. 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 447 


II. Plus profondes encore sont les différences de réaction qui 
dépendent de la nature de la plante et de l'espèce de cellules qui a 
été atteinte par la lésion. 

a) Il n'existe probablement pas une seule espèce phanérogame 
qui ne puisse en l’un ou l’autre point de son corps présenter des 
phénomènes de cicatrisation. Il s’en faut de beaucoup pourtant 


Fic. 50. — L’une des fêlures (/’) de la figure 48. 91/1. Les lettres ont la même 
signification que dans la figure 49. 


que la lésion d'un endroit quelconque du corps détermine fatale- 
ment chez toutes les plantes une réaction de ce genre. Beaucoup 
de feuilles se montrent absolument incapables de cicatriser les 
plaies. La plupart des plantes aquatiques et marécageuses réagis- 
sent peu : tiges, pétioles et feuilles des Alisma, de Sagittaria sagit- 
tifolia, des Scirpus, des Juncus, des Potamogeton, des Utricularia, 
etc. Chez ces plantes, on voit simplement les tissus mourir et bru- 
nir (‘). On dirait que ces espèces n’attachent que peu d'importance 
a la défense d'organes qu'elles peuvent aisément remplacer et qui 
n’ont du reste qu’une existence éphémère. Cependant, même chez 
elles, les organes dont l’intégrité a plus d'importance (rhizomes) ou 
ceux qui sont destinés à passer l’hiver (bourgeons hivernants de 


(‘) Au nombre des feuilles dépourvues de réaction cicatricielle, von Bretfeld 
(80, p. 139) cite Æncephalartos. Dans les feuilles des diverses Cycadinées que 
j'ai examinées (Æncephalartos caffer, E. Altensteinit, Cycas circinalis et Ceratoza- 
mia longifolia), j'ai toujours vu un liège très manifeste. 


TOME III, 1808. 


448 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


Sagittaria, de Potamogeton, d'Utricularia, etc.}, cicatrisent rapide- 
ment leurs blessures. 

En somme, toutes les cellules vivantes, à quelque catégorie 
qu'elles appartiennent, sont capables de réagir vis-à-vis d’un trau- 
matisme. Dans le méristeme du point végétatif, toutes les cellules 
prennent part au processus cicatriciel, aussi bien celles qui donne- 
ront naissance aux éléments conducteurs et mécaniques des fais- 
ceaux que celles qui produiront le parenchyme et l’épiderme. J'ai 
observé aussi de la cicatrisation dans l’albumen de l'Amarryllis lon- 
gifolia, dans les pétales et dans tous les organes floraux de Yucca 


Fic. 51. — Coupe longitudinale du bourrelet formé à la base du pétiole sur une 
feuille bouturée de Cephaëlis peduncularis. — 7 = racines nées sur le bourre- 
let. 10/1. (Expérience faite au Jardin botanique de Bruxelles par M. V. Lam- 
bert.) 


pendula, y compris les ovules. De tous les tissus, l’épiderme est 
celui qui offre le moins souvent le cloisonnement cicatriciel. Dans 
la feuille d’Hoya carnosa, par exemple (fig. 54), les cellules épider- 
miques se subérisent sans se cloisonner. [1 n’en est pas moins vrai 
que chez d’autres plantes, l’épiderme présente souvent un cloison- 
nement tres actif (fig. 42, tige de Ricinus ; fig. 44, tige de Tinantia). 
L'épiderme foliaire lui-même peut se segmenter, comme par 
exemple chez le Clivia miniata, d’après von Bretfeld (80, p. 143), 
et surtout chez le Banisteria argentea. 


Tome III, 1808. 


CHEZ LES VEGETAUX. 449 


Quant aux cellules vivantes qui sont mêlées aux éléments morts 
du faisceau, elles interviennent activement dans l'acte de la cicatri- 
sation. On les voit grandir et se multiplier beaucoup. La figure 36 
montre le phénomène pour les cellules des rayons médullaires de 
Datura. Dans la blessure représentée par la figure 49 (Ricinus), le 
parenchyme ligneux du faisceau qui a été atteint par la lésion 
(celui de gauche) s’est développé au point de repousser devant lui 
les vaisseaux (»). Le même phénomène se remarque dans la figure 51 
(bourrelet d'une bouture de feuille de Cephaëlis peduncularis) et 
dans la figure 52 (bourrelet d’une bouture de rameau de Chorisia 


Fic. 52. — Coupe longitudinale du bourrelet formé sur une tige bouturée de 
Chorisia speciosa, Les élements des faisceaux sont disjoints par la croissance 
du parenchyme ligneux. Le bourrelet est recouvert de liége. 6/1. (Expérience 
faite au Jardin botanique de Bruxelles par M. V. Lambert.) 


t 
speciosa). Dans les deux cas, on voit que les éléments du bois ont 
été disjoints par la müitiplication des cellules du parenchyme 
ligneux. 

8) Il est inutile d’insister sur ce fait, que les éléments morts sont 
incapables de réagir : vaisseaux, fibres, tubes criblés, cellules du 
voile des racines d'Orchidacées, cellules médullaires des tiges 
adultes de Sambucus, etc. Mais pendant le jeune âge, ces diverses 
cellules se cloisonnent activement sous l'influence d'un trauma- 
tisme. A mesure qu'elles vieillissent, leur irritabilité décroit, et il 
vient un moment où, tout en étant encore vivantes, elles sont 
pourtant incapables de se remettre à se segmenter. Ajoutons que, 

Tome III. 29 


TOME III, 1898. 


450 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


dans certains cas, des cellules relativement jeunes ont déjà perdu 
la faculté de se segmenter, tandis qu’ailleurs des cellules destinées 
à mourir bientôt peuvent reprendre une nouvelle vigueur sous l’in- 
fluence d’un traumatisme. Ainsi les cellules corticales de la racine 
de Vicia Faba se montrent incapables de toute réaction lorsque la 
blessure est faite à plus d'un centimètre du point végétatif. D’autre 
part, lorsqu'on fait une incision profonde dans une jeune pousse de 
Sambucus nigra, les cellules de la moelle, quelque éphémère que 
soit leur existence dans les conditions habituelles, réagissent aussi- 
tôt ; elles peuvent même, comme nous le verrons plus loin, donner 
naissance à des tissus qui conserveront pour toujours leur vitalité 
(fig. 55). Quoi qu'il en soit, l’âge des organes blessés exerce une 
influence considérable sur l’activité de la cicatrisation, et il n'est 
pas rare que les vieilles cellules d’une plante ne se cicatrisent plus 
du tout alors que les jeunes réagissent nettement. 

Aucune espèce ne montre mieux l'influence de l’âge que le Clivia 
miniata. Lorsque les feuilles approchent du terme de leur exis- 
tence, la moindre blessure provoque la mortification d'une grande 
portion du limbe, et la couche cicatricielle destinée à séparer la 
région morte de celle qui est restée active, apparaît fort loin de la 
lésion. Ainsi, la feuille représentée par la figure 46 a été contu- 
sionnée près de sa pointe; les tissus se sont détruits dans la por- 
tion À, jusqu'au niveau de la ligne 1 — 1. Bientôt une seconde 
lésion a amené la destruction des tissus dans la région B, limitée 
par la ligne 2 — 2. Chose curieuse, — et pas du tout rare chez 
cette plante, — la petite portion latérale C’ était restée vivante au 
milieu de l’espace mort; mais, isolée du reste de la plante, elle n'a 
pas tardé à jaunir à son tour. En même temps, la mortification 
s'étend de proche en proche, avec de courtes pauses, à tout le som- 
met de la feuille. Pendant que mourait la portion C’, on observait 
le jaunissement de la portion C, limitée par la cicatrice tempo- 
raire 3 — 3. Puis mourait le petit espace D, limité en 4 — 4. Au 
moment où j'ai coupé la feuille, la grande zone E montrait le jau- 
nissement préparatoire à la mort, et une nouvelle ligne cicatri- 
cielle 5 —5 se formait au-dessous d’elle. Lentement, avec de petites 
intermittences, la feuille meurt par zones successives, limitées 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 451 


— i 


chacune par une couche de liège; mais cette barrière ne suffit pas 
a défendre efficacement les tissus sous-jacents, puisque, après un 
temps d'arrêt, nous voyons la gangrène s'étendre plus avant; 
encore une fois, la feuille essaie de se défendre et élève une nou- 
velle barrière de liège qui sera franchie à son tour. 

Tout autre est la marche du phénomène quand on blesse des 
feuilles jeunes ou des feuilles adultes de Clivia. Sur les premières, 
les cellules voisines de la lésion réagissent sans retard et forment 
un cal qui réparera complètement la blessure ; celle-ci n'apparaîtra 
plus que par la fine couche de liège qui la limite sur les faces supé- 
rieure et inférieure de la feuille (fig. 47). Si le traumatisme atteint 
une feuille adulte, il n’y a plus de réparation, mais nous assistons 
à la formation d’une couche de liège tout contre la blessure. Pour- 
tant, même chez les feuilles jeunes ou adultes, la blessure est un 
point faible et, plus tard, lorsque la feuille se préparera à mourir, 
c'est par là que débutera le jaunissement. 

y) Il s'en faut de beaucoup que toutes les cellules vivantes d’un 
organe réagissent également vite. Nous avons déjà vu que sur une 
racine de Vicia Faba, les cellules de l'écorce ne se cicatrisent pas : 
les éléments vivants de la stèle sont les seuls qui se cloisonnent. Au 
contraire, dans la tige de Cordyline rubra, on constate que les 
cellules voisines des faisceaux réagissent plus lentement que les 
autres, de sorte que la mortification avance plus loin le long des 
faisceaux qu'au niveau du parenchyme interfasciculaire. 

La même différence s’observe entre le parenchyme périphérique 
et le parenchyme profond du fruit de Cucurbita moschata. La 
figure 37 montre l'état le la blessure sur un fruit incisé le 4 août 
1892 et récolté le 12 août. Le cloisonnement, déjà très actif dans 
les tissus internes, fait complètement défaut près de la surface. 
C'est d’ailleurs un phénomène assez général que de voir les régions 
internes réagir plus vite que les régions périphériques. Aussi 
constate-t-on le plus souvent qu'une blessure longitudinale faite à 
une tige herbacée est, au bout de quelques jours, largement béante 
(fig. 55 A). 

Enfin, des différences dans la vitesse de réaction se manifestent 
non seulement entre des cellules d'espèce différente, mais entre des 


TOME III, 1898. 


452 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


cellules de même espèce, suivant qu’elles renferment tel ou tel 
corps. 

Les cellules à cristaux, qui sont répandues au milieu du paren- 
chyme, montrent presque toujours un retard manifeste dans le 
cloisonnement (*) (fig. 30, tige d’Impatiens Sultani). 

Plus manifeste encore est l'influence de la chlorophylle. Une 
lésion chez une plante panachée se guérit beaucoup plus vite dans 
les portions vertes que dans les portions blanches. Ainsi, sur une 
feuille panachée d’Agave Americana qui avait reçu des entailles 
transversales peu profondes, on constatait que dans la portion 
verte du milieu de la feuille, la cicatrisation était intervenue sans 
retard, tandis que dans la bande décolorée qui borde la feuille, les 
cellules s'étaient desséchées jusqu'à une assez grande distance de 
la blessure, et leur mortification s'étendait aussi bien en profon- 
deur qu’en largeur, mettant a nu les faisceaux. 


5. — Sort final des cellules cicatricielles. 


Après avoir étudié la réaction cicatricielle ainsi que les diverses 
influences modifiant la marche du phénomène, nous avons main- 
tenant a nous demander ce que deviennent les cellules filles. 

Disons tout d’abord que nous ne pouvons admettre la distinction 
entre le « liège » et le « cal » qui est proposée par Frank. Voici ce 
gue dit cet auteur (95, p. 59) : « Alle behufs Heilung eintretenden 
Neubildungen lassen sich in der That auf einen dieser beiden Pro- 
zesse (Wundkork und Callus) zurückführen, wobei freilich zu 
bemerken ist, dass Fälle vorkommen, wo die Grenze zwischen 
beiden Typen verwischt ist. Bei der Bildung des Wundkorkes ist 
jedes Wachstum ausgeschlossen, indem die betreffenden Zellen, 
allerdings unter Wiederauftritt von Zellteilungen, sich unmittelbar 
in Korkzellen umwandeln. Der Callus kommt dagegen stets durch 


(1) Lorsqu’une cellule de ce genre se cloisonne, on constate que le contenu 
cristallisé reste accumulé dans une seule des cellules filles (fig. 39), quelles que 
soient la forme et la disposition des cristaux : macles, raphides, etc. 


ToME III, 1898. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 453 


eine Spitzenwachstum des betreffenden Zellen zustande, welches 
gegen die Wunde hin gerichtet ist, so dass diese Zellen zu Schläu- 
chen oder zu Zelireihen auswachsen und dadurch eine über die 
Wundfläche hervortretende Wucherung oder Vernarbung erzeu- 
gen. Dieses Wachstum stellen sie aber bald ein, und dann erleiden 
die äusseren Zellen des Callus eine Verkorkung der Membranen, 
wodurch also wiederum ein neues Hautgewebe aus Kork ge- 
schaffen wird... » Pour cet auteur, la formation du liège n’est pas 
accompagnée d'une croissance des cellules. Or nous avons vu plus 
haut que, à part quelques cas douteux, à part aussi les cellules 
épidermiques de la feuille de Hoya (fig. 54), toute réaction cicatri- 
cielle débute par l’augmentation de volume des cellules. Si nous 
acceptions les idées de Frank, nous devrions donc classer dans la 
rubrique « liege » les seules cellules épidermiques subérifiées de la 
feuille de Hoya, et dans celle de « cal » toutes les autres néoforma- 
tions cicatricielles que nous avons étudiées. 

Nous admettrons qu'entre ces deux tissus, la limite est encore 
moins tranchée que ne le dit Frank, d'autant plus que les cellules 
superficielles d’un cal peuvent se subériser (voir plus haut la cita- 
tion). Ajoutons aussi que la figure que donne Frank (95, p. 61) 
pour montrer la formation du liege chez la Pomme de terre, 
laisse voir de la façon la plus manifeste que les cellules se sont 
accrues. 

Nous nous contenterons donc d’étudier quelle influence les 
facteurs internes et externes exercent sur l'état final du tissu 
cicatriciel et en particulier sur la subérisation des cellules qui le 
constituent. 

x) Parmi les facteurs internes, nous n’aurons à considérer que 
l'âge. En effet, les autres facteurs internes : nature de la plante, 
nature des cellules, etc., n'ont pour ainsi dire aucune influence. 
Tous les tissus des Phanérogames, pour peu qu'ils aient présenté 
la réaction cicatricielle, se conduisent de la même façon dès que les 
conditions externes sont les mêmes. Ainsi, dans la figure 34, on 
voit que toutes les diverses cellules de Phyllocactus donnent du 
liège. Une plaie profonde faite a la tige du Ricinus se revêt d'une 
couche subérisée continue qui a partout les mémes caractères, 


Tome III, 1898. 


454 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


qu'elle dérive de l'écorce, du péricycle, du parenchyme libérien, 
du cambium, du parenchyme ligneux, des rayons médullaires ou 
de la moelle (fig. 49). 

Au contraire, les différences d'âge ont une action manifeste. Nous 
savons déjà que la cicatrisation est tardive et insuffisante dans les 
cellules vieillies (fig. 46, feuille de Clivia). En outre, les cellules 
filles qui naissent dans des tissus très jeunes sont beaucoup plus 
plastiques, beaucoup plus aptes à acquérir des formes variées, que 
celles qui dérivent d'un tissu adulte. Alors que les feuilles adultes 
ne peuvent se cicatriser que par du liège, les feuilles des mêmes 
espèces, si elles sont blessées suffisamment jeunes, sont capables de 
se réparer complètement, de former, aux dépens des cellules pro- 
fondes, un épiderme ayant tous les caractères de l’épiderme normal. 
Certaines Aracées et Palmiers (voir p. 30) présentent normalement 
ce phénomène. C'est aussi ce qui s'observe chez d’autres plantes. 
La figure 57 représente le bord d’une blessure faite à une feuille de 
Lysimachia vulgaris lorsqu'elle était encore très jeune; la plaie s’est 
recouverte d’un épiderme typique, portant même des poils. 
Ailleurs, la réparation est moins complète : il se forme, non pas 
un épiderme, mais des cellules qui, sans être subérisées, ont néan- 
moins des membranes épaissies et ne laissent aucun vide entre 
elles; ce tissu ne diffère de l’épiderme qu'en ce qu'il est formé de 
plus d’une assise. Les feuilles d’Acer Pseudo-platanus et de Rubus 
frulicosus montrent nettement cette disposition. Inutile d'ajouter 
que si ces mêmes feuilles sont lésées à une époque plus avancée de 
leur développement, elles forment simplement du liège. 

B) Voyons maintenant comment agissent les influences externes. 
Nous remarquons en premier lieu que la nature de la lésion n’a 
aucune importance. L’état final de la cicatrice est le même pour 
toutes les lésions : il suffit que des cellules aient été tuées par un 
moyen quelconque; une brûlure amene la formation de liège aussi 
sûrement qu'une incision. Bien plus, on peut tuer des cellules par 
simple exposition à l'air, et voir les cellules sous-jacentes former du 
liège. C'est ce qui arrive quand on ouvre par une large coupure un 
jeune pétiole de Cucurbita ficifolia. Les cellules médullaires qui 
limitaient la cavité se dessèchent à l’air, tandis que leurs voisines se 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 455 
gs Si aS a Re Bae a NES PR ee AP RNEnT RSS 


segmentent aussitôt et se revétent de liège. Il n'est même pas 
nécessaire de tuer des cellules. Ne voyons-nous pas qu'il suffit de les 
écraser fortement, sans pourtant détruire leur vitalité, pour qu'elles 
forment de nouvelles cloisons dont les externes se subérisent 
(fig. 42 épiderme et collenchyme de la tige de Ricinus)? 

Parmi les facteurs externes, l'exposition à l'air est le seul qui 
exerce une action bien nette sur le sort de la cicatrice. Son influence 
est tout à fait prépondérante. C'est ce facteur qui décide si les nou- 
velles membranes seront ou non imprégnées de subérine. Ainsi, 
dans une file de cellules nées par division répétée d’une cellule 
mère, les plus superficielles sont toujours subérisées, tandis que 
les profondes conservent une membrane cellulosique (°) (fig. 33, 34, 
35, 38, 39, 42, 44, 54). | 

Un mot sur quelques autres exemples. 

Les figures 49 et 50 représentent des fissures de la tige de Ricin, 
dont la première communiquait avec l'air extérieur tandis que 
l’autre ne s’ouvrait que dans la cavité centrale. Celle-la s’est 
revétue de liège, alors que les nouvelles cellules nées sur les parois 
de celle-ci ont des membranes cellulosiques. 

Dans les pommes, il n'est pas rare que les parois parcheminées 
des loges se crevassent sous l'action des tensions qu’exerce la crois- 
sance. Les cellules parenchymateuses situées sous la crevasse pro- 
liférent et envoient dans la cavité de la loge de longues files de 
cellules (fig. 53) qui parfois finissent par combler entièrement la 
loge. Jamais je n’ai observé la moindre trace de subérisation sur 
ces cellules. 

Dans la feuille de Huya représentée par la figure 54, les cellules 
distales de chacune des rangées qui dérivent d’une cellule assimi- 
latrice sont subérifiées, comme dans les cas cités plus haut, En 


(1) Le réactif qui m’a donné les meilleurs résultats pour reconnaître la subéri- 
sation est l’hématoxyline d’Ehrlich. Ce liquide colore en violet toutes les 
membranes qui ne sont ni lignifiées ni subérifiées. J’ai contrôlé les résultats que 
me fournissait cette méthode à l’aide des divers moyens qui sont indiqués par 
Zimmermann (92, pp. 146-152). 


ToME III, 1808. 


456 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


outre, on observe une subérisation non douteuse dans les mem- 
branes des deux ou trois cellules épidermiques qui limitent la 
brûlure et qui, du reste, ne présentaient aucune autre réaction 
cicatricielle. 

Ces divers exemples ne laissent aucun doute quant à l’action de 
l'exposition à l'air sur la subérisation. Plus démonstrative encore 
est la figure 47, où l'on voit les deux lèvres d'une plaie perforante 
de la feuille de Clivia proliférer activement et donner des cellules 


Fig. 53. — Coupe transversale d’une plaie spontanée sur la paroi des loges d’une 
pomme, — c = couche parcheminée qui limite la loge; p == parenchyme du 
fruit; / = cellules qui ont traversé la fissure pour s'engager dans. la cavité de 
la loge. 77/1. 


qui prendront tous les caractères de cellules assimilatrices. Seules 
les cellules les plus proches des faces supérieure et inférieure du 
limbe, répondant à une nouvelle excitation venue du dehors, ont 
donné des cloisons parallèles aux faces de la feuille, cloisons qui se 
sont ultérieurement subérisées. 

Si nous essayons d'analyser l’action « phellagogue » de l’atmo- 
sphère, nous nous heurtons à autant de difficultés que pour expli- 
quer l’action « méragogue » du traumatisme. L'hypothèse la plus 
vraisemblable consiste à attribuer le rôle principal à la dessiccation 
que subissent les cellules superficielles, dessiccation contre laquelle 
elles réagiraient en subérisant leurs parois. Divers faits, étrangers 


ToME III, 1898. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 457 


au sujet qui nous occupe, semblent donner raison à cette manière 
de voir; citons notamment l'absence ou le tres faible développe- 
ment de la cuticule chez les plantes submergées et l'épaississement 
notable de cette couche chez les plantes qui transpirent d'une 
manière exagérée. D'autre part, on voit souvent que le méristème 
phellogéne, après avoir donné de nombreuses assises de liège, peut 
ensuite produire, par sa face superficielle, des cellules non subéri- 
fiées; il suffit pour cela de placer les organes dans une atmosphère 
très humide. Nijpels m'a remis des rameaux de Populus pyrami- 


Fic. 54. — Coupe transversale d’une feuille de Hoya carnosa qui avait été brûlée 
le 3 août 1892 et récoltée le 22 août 1892. — s — cellules épidermiques subé- 
rifiées. 91/1. 


dalis qui avaient longtemps séjourné sous une cloche et qui avaient 
formé, au niveau des cicatrices laissées par la chute des feuilles, 
cicatrices déjà revétues d'une épaisse couche de liège, une multi- 
tude de longs filaments cellulaires enchevètrés, analogues a ceux 
qui naissent dans les loges des pommes (fig. 53). J'ai reçu de 
Bommer des tubercules aériens de Cissus gongylodes, maintenus 
en atmosphère humide et dont toutes les lenticelles avaient proli- 
féré de la mème façon, et Errera me dit que ce phénomène s’ob- 
serve facilement sur les rameaux de Sambucus. . 

On en arrive donc forcément à considérer la transpiration comme 
le principal excitant « phellagogue ». Disons pourtant que certains 


ToME III, 1898. 


458 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


faits plaident contre cette hypothèse. Une Pomme de terre blessée 
forme toujours du liège, même quand on la met dans une atmo- 
sphère saturée de vapeur d’eau. Elle en produit aussi, d’après von 
Bretfeld (80, p. 158), autour des foyers de putréfaction déterminée 
sans doute par des bactéries. D'autre part, j'ai constaté la présence 
d'une légère couche de liège sur toute la surface du bourrelet de 
boutures de feuilles de Cephaëlis (fig. 51) et de rameaux de Chorisia 
(fig. 52), quoique ces boutures fussent enterrées par leur extrémité 
inférieure. 

y) Il nous reste a dire quelques mots sur le sort des cellules pro- 
fondes. Nous avons déjà vu que dans la feuille jeune de Clivia, elles 
deviennent assimilatrices (fig. 47). Leur sort eût été tout différent . 
si les deux lèvres de Ja plaie n'avaient pas été coaptées, et l’on peut 
affirmer que l'état final des cellules cicatricielles profondes dépend 
en grande partie du contact des surfaces blessées. 

La figure 55, A-D, indique plusieurs des cas qui se présentent 
quand on fend longitudinalement une tige encore herbacée de 


Fic. 55. — Coupes transversales de tiges jeunes de Sambucus nigra qui ont été 
fendues le 18 avril 1896. — A. Tige récoltée le 27 avril 1896; B, C, D. Tiges 
récoltées le 29 mai 1896. 6/1. 


Sureau. En À on voit une tige qui a été fendue le 18 avril 1896 et 
récoltée ie 27 avril, soit après neuf jours. Tous les tissus lésés ont 
proliféré ; mais comme l'accroissement a été le plus actif dans la 
moelle, la plais est devenue béante de part et d'autre, tandis qu’au 
centre de la tige les deux surfaces de la plaie sont venues en contact. 
Les figures B, C et D sont faites d'après des rameaux fendus le 
18 avril 1896 et récoltés seulement quarante et un jours plus tard, 


TOME III, 1898. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 459 


le 29 mai. La surface libre est partout recouverte d'une couche de 
liège, mais les cellules profondes ont donné naissance a des tissus 
fort différents suivant que la surface était ou non en contact avec la 


=) 
ef 
(HH 
Se 


ù 


i\J 


Fic. 56. — Portion médiane de la figure 55, B. — cm = cellules mortes et 
écrasées. 91/1. 


surface opposée. La figure D montre que dans le cas où les deux 
moitiés de la tige étaient tout à fait isolées l’une de l'autre, il se 
forme dans chacune d’elles, aux dépens des cellules médullaires, 
des faisceaux qui complètent le demi-anneau vasculaire primitif. 


Fic. 57. — Coupe transversale de feuille de Lysimachia vulgaris qui a été blessée 
dans sa jeunesse. x = épiderme primitif; 7’ = épiderme nouveau formé sur la 
plaie. (Récolté dans le bois d’Oisquercq par M. Errera.) 315/1. 


Tout autre est la marche du phénomène quand les surfaces de sec- 
tion se touchent en partie (fig. 55, B et C): la régénération de 
l'anneau ne s'opère que dans les portions où la surface de la moelle 


Tome 111, 1898. 


460 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


était libre: partout où elle touchait la surface opposée, il y a eu 
soudure et formation de nouvelles cellules médullaires. Quant à la 
façon dont s'opère cette soudure, elle est indiquée par la figure 56, 
qui représente à un plus fort grossissement la partie médiane de 
la figure 55, B. Les jeunes cellules se sont insinuées entre les lèvres 
de la plaie, écartant et écrasant les cadavres des cellules qui ont été 
meurtries par le traumatisme. 

Nous sortirions du cadre de notre étude si nous insistions plus 
longuement sur les régénérations et les soudures. Le premier point 
a été étudié par un grand nombre d'auteurs, et en dernier lieu par 
Lopriore (95 et 96). 

6) La régénération des organes ne nous intéresse que comme 
preuve de l'action à distance de l’excitation traumatique. Non seu- 
lement cette excitation provoque l'accroissement et la segmentation 
cellulaires, mais plus tard elle agit, plus ou moins modifiée par les 
facteurs externes, sur les cellules profondes et décide celles-ci à 
revêtir telle ou telle forme. Il n'est pas douteux, en effet, que des 
cellules médullaires de Sambucus ne donneront des éléments du 
faisceau que si la tige a été profondément blessée et si ensuite la 
plaie subit certaines influences extérieures (absence de contact 
notamment). 

Ce ne sont pas les seuls cas où nous voyons un traumatisme 
retentir sur les cellules profondes. Toute surface de radis rose ou 
de betterave rouge mise à nu, prend au bout de peu de jours une 
teinte rose ou rouge : il y a production de matière colorante dans 
le suc cellulaire des éléments sous-jacents (*); dans les cas que j'ai 
eus sous les yeux, ces cellules n'intervenaient pas dans la cicatri- 
sation proprement dite. De même, on constate qu’auprés des bles- 
sures subies par les poires, le tissu charnu, jusqu'à une distance de 
plusieurs millimètres, est beaucoup plus chargé de cellules pier- 
reuses qu il ne l'est a l’état normal. 

Le cas le plus curieux d'action a distance nous est fourni par 
Impatiens Sultani. Lorsqu'on ampute un entrenœud vers sa partie 


() C’est M. Errera qui attira mon attention sur ce fait. 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VÉGÉTAUX. 461 


supérieure, il ne s'opère aucune cicatrisation dans le voisinage de 
la plaie; mais au bout de peu de jours on voit l’entrenceud se déta- 
cher au niveau du nœud qui le limite vers le bas. L’excitation 
méragogue a été transmise sur un trajet de plusieurs centimètres 
a travers des cellules qui ne présentent aucune modification 
appréciable, jusqu’à celles qui se trouvent dans le voisinage du 
nœud. Ici la réaction cicatricielle s’est produite, de nouvelles cloi- 
sons se sont formées et l'entrenœud tombe en entier, laissant en 
dessous de lui une cicatrice en voie de développement. Exacte- 
ment le même phénomène se produit quand on brûle ou qu'on 
coupe la nervure médiane d’une feuille près de la base du limbe : 
les phénomènes de cicatrisation font défaut autour de la bles- 
sure, mais après deux ou trois jours, la feuille se détache de la 
tige. 


IV. — RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. 


Les plantes dont les organes sont formés d’un tissu massif sont 
les seules qui offrent de la vraie cicatrisation; celles dont les cel- 
lules sont simplement disposées en filaments ne présentent à pro- 
prement parler que de la réparation. Encore, parmi les premières, 
les Archégoniates inférieures ne cicatrisent-elles, pour la plupart, 
leurs blessures que d’une manière très imparfaite. 

Chez le plus grand nombre de Phéophycées et de Floridées, le 
processus cicatriciel suit, dans ses traits essentiels, la même 
marche que chez les Phanérogames : segmentation des cellules 
profondes et acquisition par les cellules filles des caractères des 
éléments superficiels. 

Nos expériences nous conduisent à admettre que chez les Phané- 
rogames, la segmentation cellulaire se fait en réponse a une exci- 
tation émise par la surface lésée. La réaction qui s’accomplit en 
réponse à cet excitant « méragogue » est caractérisée par la divi- 
sion amitosique de la cellule, et par l'orientation strictement 
définie des cellules filles. Cette réaction n'est pas sans analogie avec 
les réactions héliotropiques, chimiotaxiques, etc., qu’accomplissent 


Tome III, 1898. 


462 J. MASSART. — LA CICATRISATION 


les organes végétaux en présence d'autres excitants externes, réac- 
tions qui consistent essentiellement dans l’orientation des organes 
excités. 

Quant à l'excitation « phellagogue », elle est probablement déter- 
minée par la transpiration. Les cellules réagissent en subérisant 
leurs membranes. 

Les deux modes d’excitation sont entièrement distincts. Si tout 
phénomène cicatriciel doit être considéré comme une réaction de 
la plante vis-à-vis de l'excitation méragogue, l'excitation phella- 
gogue, au contraire, ne se manifeste que dans les cellules subé- 
risées. En général, celle-là précède celle-ci ; il existe pourtant des 
exemples où l’on voit les cellules ne réagir que vis-à-vis d'un seul 
de ces excitants. 

Des cellules qui dans les conditions habituelles n’ont qu'une exis- 
tence passagère peuvent recevoir, par le fait d’un traumatisme, un 
regain de vigueur et donner naissance à des tissus dont la vitalité 
se prolongera indéfiniment. 

Toutes les cellules des Phanérogames sont aptes à donner du 
tissu subéreux; celui-ci aura des caractères identiques, quelles que 
soient les cellules qui ont contribué à sa formation, qu’elles déri- 
vent du dermatogène, du périblème ou du plérome. 


Tome III, 1898. 


CHEZ LES VEGETAUX. 463 


BIBLIOGRAPHIE 


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LXVI, n° 3, p. 211, 1806.) 


SUR 


LA RÉPARATION CHEZ QUELQUES ALGUES 


PAR 


É. DE WILDEMAN (') 


Dans un travail récent, publié dans les Mémoires de l'Académie 
royale des sciences, J]. Massart s'est occupé de la cicatrisation chez 
les végétaux (’). 

L'auteur a envisagé la cicatrisation dans les Thallophytes, les 
Bryophytes, les Ptéridophytes et les Phanérogames. Nous n’avons 
pas à nous occuper ici de toutes les données accumulées dans le 
travail de Massart sur la cicatrisation et la réparation de blessures 
dans ces divers groupes; nous voulons seulement attirer l’attention 
sur quelques faits intéressant la cicatrisation ou la réparation chez 
les Thallophytes et en particulier chez les Algues filamenteuses. 

Certes il faut admettre que chez les Algues dont les cellules sont 
simplement placées bout à bout pour former des filaments non 
ramifiés ou à fausse ramification, il n’y a pas de vrai phénomène 
cicatriciel, il n'y a même pas de réparation. 

Toutes les cellules d'un Spzrogyra sont équivalentes, elles vivent 


(*) Ce travail a paru dans les Mémoires couronnés et autres Mémoires publiés 
par l’Académie royale de Belgique, t. LVIII, 1899. 

(2) La cicatrisation chez les végétaux. (MEM. COUR. DE L’ACAD. ROY. DE BEL- 
GIQUE, t. LVIII, in-8°, 1898.) — Réimprimé dans ce volume. (Voir le travail pre- 
cedent.) 

Tome III. 30 


ToME III, 1800. 


466 E, DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION 


séparément, et l’on n'observe pas la prolifération d'une cellule 
vivante dans une cellule morte. Pour certaines Algues de structure 
très semblable a la Spirogyre, l'Ulothrix zonata, par exemple, on 
peut observer la prolifération des cellules vivantes dans les cellules 
mortes, et la formation de cellules chlorophylliennes ou de rhi- 
zoïdes dans l’intérieur de ces cellules mortes. Mais cette produc- 
tion ne peut être intitulée réparation, car il n'y a pas remplace- 
ment complet des cellules mortes et reformation d'un filament 
continu. 

Dans certains cas spéciaux, que nous n’avons pas a rappeler, 
parce que Massart en tient compte, on pourrait peut-étre parler de 
cicatrisation; ce sont la des cas tout a fait exceptionnels, des phé- 
nomènes qui se passent en dehors du filament de VAlgue. 

Mais chez les Algues filamenteuses ramifiées, il y a des réactions 
particulières qui se présentent; c'est sur ces réactions que nous ne 
pouvons être d’accord avec les idées de Massart. 

Massart range les Algues filamenteuses en deux catégories : 

Algues à rameaux filamenteux libres. 
Algues à filaments juxtaposés en une lame continue. 

La première de ces catégories, dans laquelle cet auteur place les 
genres suivants : Cladophora, Trentepohlia, Cephaleuros (rameaux 
fertiles), Ectocarpus, Antithamnion, répond, au point de vue de la 
réparation, à la règle suivante : La cellule lésée meurt; la cellule 
sous-jacente émet un rameau latéral. 

Pour les Algues énumérées par Massart, le phénomène peut 
certes se passer tel que le formule la loi et tel qu’il est figuré dans 
les deux dessins qui accompagnent le texte, dans la notice de 
Massart. 

On peut voir très souvent chez le Cephaleuros et chez beaucoup 
d'espèces de Trentepohlia pléiocarpes, un rameau naître à la base 
des renflements qui supportent les zoosporanges flétris. Mais il se 
produit aussi très souvent, après le détachement des zoosporanges, 
une prolifération de la cellule qui les supporte; il se forme alors 
un nouveau filament qui peut porter à son extrémité un nouveau 
capitule de zoosporanges. Après la chute de ces derniers, une nou- 
velle prolifération peut se produire et le mème phénomène peut 


Tome III, 1899. 


CHEZ QUELQUES ALGUES. 467 


se répéter jusqu à dix fois. Nous avons figuré cette succession de 
capitules zoosporangiaux chez le Trentepohlia arborum dans nos 
Observations sur les Algues rapportées par M. J. Massart d'un 
voyage aux Indes néerlandaises (pl. XVIII) (”). Le même phénomène 
se produit chez le Cephaleuros, où nous avons signalé jusque cinq 
glomérules superposés (’). 

Le zoosporange terminal n'arrête pas la croissance d’un filament, 
et la cellule sous-sporangiale peut, dans la plupart des cas, se 
développer et donner naissance soit a un filament normal, soit à 
un nouveau zoosporange. 

Les zoosporanges emboités des Saprolégniées et des Chytridi- 
nées sont bien connus. Ce ne sont d'ailleurs pas seulement les 
zoosporanges terminaux qui peuvent présenter de la prolifération, 
mais aussi les zoosporanges latéraux ; de tels zoosporanges emboités 
ou remplacés par des rameaux sont signalés et figurés en grand 
nombre chez les Myrionémacées dans le travail de Sauvageau, 
auquel nous aurons à renvoyer plusieurs fois encore le lecteur (°). 
Nous ne pourrions citer tous les travaux où il est fait mention de 
telles proliférations : cela nous menerait fort loin et ne serait d'aucun 
secours ni appui pour ce que nous voulons démontrer. Nous 
aurons d’ailleurs bientôt à montrer la prolifération normale, pour- 
rions-nous dire, des zoosporanges dans une nouvelle espèce du 
genre Trentepohlia, récoltée au Congo par notre regretté camarade 
Alfr. Dewèvre. 

Mais il s’agit ici, pourrait-on objecter, d'une destruction physio- 
logique normale, et il est question, dans le travail de Massart, de 
blessures; aussi n'insisterons-nous pas sur les cas de prolifération 
de zoosporanges. 

Nous allons envisager particulièrement les Phycopeltis et Trente- 
pohlia; les observations que nous avons pu faire sur ces deux 
genres d’Algues seront suffisantes pour permettre de tirer des 


(1) Annales du Fardin botanique de Buitenzorg, Suppl. 1, 1897, p. 56, pl. XVIII. 
(2) Note sur le Cephaleuros virescens. (NOTARISIA, 1890, p. 953.) 
(3) Sur quelques Myrionémacées. (ANN. SC. NAT., sér. 8, t. V, n°5 3 et 4.) 


Tome III, 1899. 


468 E. DE WILDEMAN. — SUR LA REPARATION 


conclusions; elles montreront que les regles Fe par Massart 
ne peuvent avoir une portée générale. 

Dans les deux dessins figures 1 et 2, nous montrons que même 
dans le cas de blessure, la cellule sous-jacente à la dernière cel- 
lule morte peut proliférer directement dans la continuité du fila- 
ment, et qu’elle n’est pas forcée de donner une ramification latérale, 
comme semble le croire Massart. La figure 1 nous montre la nou- 
velle cellule encore entourée d’un manchon constitué par la paroi 


Fic. 1. — Rameau fructifère de Cephaleuros virescens dans lequel, la cellule 
terminale étant morte, la cellule sous-jacente a proliféré à travers la cellule 
morte. 


Fig. 2. — Rameau de Cephaleuros virescens dans lequel, la cellule terminale 
étant morte, la cellule sous-jacente a proliféré et donné naissance à un rameau 
pluricellulaire terminé par un glomérule fructifère. A la base du rameau, une 
gaine formée par l’enveloppe de la cellule morte. 


cellulaire morte. Dans la figure 2, la membrane de la cellule pri- 
mitive est déchiquetée, elle finira par disparaître; le rameau de 
réparation est pluricellulaire et terminé par un glomérule fructi- 
fere. Ces deux figures sont prises sur des filaments fertiles de 
Cephaleuros virescens (C. parasiticus), la même Algue qui a servi a 
Massart pour démontrer la ramification latérale des filaments après 
blessure. 

Chez les Trentepohlia, le même fait se reproduit. Outre les cas 
observés dans le cours de nos études sur ce genre, nous avons pu 
en réétudier de très nombreux dans les matériaux rapportés de 
Java par J. Massart lui-même, dans ceux communiqués antérieure- 
ment par Mr Weber-van Bosse et dans ceux que nous avons 
reçus tout récemment de H. Müller, par l'intermédiaire du profes- 


Tome III, 1899. 


CHEZ QUELQUES ALGUES. 469 


seur O. Nordstedt. C’est dans les matériaux de provenance tropi- 
cale que les blessures et les proliferations semblent le plus fré- 
quentes. 

On observe en général que la cellule sous-jacente à une cellule 
morte se développe comme si cette cellule n’existait pas, et cela que 
la cellule lésée soit terminale ou intercalaire, que la cellule lésée 
soit unique ou qu'il y en ait plusieurs disposées en série. Nous 
devons même ajouter que les cas de développements directs sont 
beaucoup plus fréquents que ceux où l’on observe la formation 
d’une ramification latérale, du moins en ce qui concerne le genre 
Trentepohlia. 

La figure 3 nous montre l’extrémité d’un filament de T. arborum 


Fic. 3. — Extrémité d’un rameau de Zventepohlia arborum,; la cellule terminale 
est morte, la cellule sous-jacente a proliféré à l’intérieur. 


dans lequel la cellule terminale est morte, mais a conservé sa 
forme; la cellule sous-jacente a donné naissance à une nouvelle 
cellule terminale encore enfermée dans la paroi de la cellule pri- 
mitive. La figure 4 représente un cas semblable pour le Trentepohlia 
aurea var. polycarpa. 

Dans le fragment de thalle dessiné figure 5, les deux cellules 
terminales sont mortes; c'est la troisième qui a proliféré et a donné 
naissance a une nouvelie cellule terminale. Dans la figure 6, trois 
cellules sont mortes; la quatrième a fourni une nouvelle cellule 
terminale. Dans les trois cas, la cellule terminale remplaçante n’a 
pas encore percé la paroi des cellules mortes, elle est toujours 
enfermée dans une des cellules. 

Dans les figures 7 et 8, la prolifération des cellules sous-jacentes 
aux cellules mortes est plus avancée. Dans la figure 7, il y a deux 
nouvelles cellules formées et la terminale a percé la paroi supé- 
rieure de l’ancienne cellule terminale. Dans la figure 8, deux cel- 
lules étaient mortes, le nouveau rameau formé comprend quatre 


Tome III, 1899. 


470 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION 


cellules, la supérieure a également percé la paroi de l’ancienne 
cellule terminale. 


Fic. 4, 5 et 6. — Rameaux de 7rentepohlia aurea var. polycarpa. 
Fic. 4. — La prolifération s’est faite au détriment de la cellule sous-terminale. 
Fic. 5. — La troisième cellule a proliféré dans le vide laissé par la mort 
de la deuxième cellule. 
Fic. 6. — La quatrième cellule prolifère, les trois supérieures étant mortes. 


La figure 10 fait voir une cellule terminale morte dans laquelle 
deux cellules se sont développées au détriment de la cellule sous- 
jacente. La figure 9 montre la prolifération d’une cellule interca- 
laire en contact avec plusieurs cellules mortes. 

Quant aux figures 11 et 12, elles sont destinées, comme certaines 
des précédentes, à faire voir que les cellules intercalaires peuvent 
proliférer en présence de la cellule terminale. 

Dans la figure 11, la cellule terminale est séparée du reste du 
filament par trois cellules mortes, et la cinquième cellule com- 
mence à proliférer ; quant au filament de notre figure 12, la solu- 
tion de continuité n’est que d'une cellule, mais elle sera bientôt 
comblée par la prolifération de la cellule sous-jacente. 

La figure 13 est intéressante, car elle montre la phase initiale, 
peut-on dire, de la prolifération; la paroi cellulaire des cellules 


Tome III, 1899. 


CHEZ QUELQUES ALGUES. 471 


27 Line eee Fe Se ee ee ae 


Fic. 7 et 8. — Trentepohlia aurea Var. polycarpa. Prolifération des cellules sous- 
jacentes à des cellules terminales mortes; les nouvelles extrémités de rameaux 


ont percé la paroi des anciennes cellules. 


carpa et Trentepohlia arborum. Proli- 


Fig. 9 et 10. — Trentepohlia aurea var. poly 
une cellule sous-terminale. 


fération d’une cellule intercalaire et prolifération d’ 


Tome III. 1890. 


472 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION 


mortes est refoulée par l'accroissement de la dernière cellule 
vivante du filament. Dans les divers cas examinés plus haut, il ne 
s'agit nullement de ramification ; certains de ces cas auraient peut- 
être s’il nous avait été donné de poursuivre leur développement, 


FiG. 11 et 12. — Trentepohlia aurea var. polycarpa. Prolifération de cellules 
intercalaires; fig. 11, trois cellules intercalaires sont mortes; fig. 12, le contenu 
d’une seule cellule a disparu. 


Fig. 13. — Tvrentepohlia aurea var. polycarpa. La dernière cellule vivante 
repousse devant elle les parois des cellules mortes qui se trouvent au-dessus 
d’elle. 


montré des ramifications, mais ces dernières n’auraient en tout 
cas pas été directement dues a l'excitation produite par la bles- 
sure. 

Notre figure 14 montre un fragment de filament dont la cellule 


Tome III, 1899. 


CHEZ QUELQUES ALGUES. 4a 


terminale et une cellule intercalaire sont mortes; dans les deux 
cas, la cellule sous-jacente a proliféré et a formé un filament dont 
les cellules, au lieu de remplir la cavité de la blessure, sortent du 


| La 


Fic. 14. — Zrentepohlia aurea var. polycarpa. Les cellules terminales et une 
cellule intercalaire sont mortes; dans les deux cas, les cellules inférieures 
adjacentes prolifèrent et donnent naissance à des rameaux latéraux qui sortent 
obliquement du filament initial et tranchent par leur aspect sur le rameau 
normal # que l’on voit dans le dessin. 


filament et constituent une sorte de ramification qui tranche sur 
la ramification normale dont on peut voir un exemple dans la 
même figure en b. 

Quant aux figures 15 et 16, elles représentent une ramification 


Fic. 15 et 16. — Zrentepohlia aurea var. polycarpa. Ramification du thalle à la 
suite de la prolifération d’une cellule sous-jacente à une cellule morte. 


TOME III, 1X99. 


474 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION 


analogue, mais ici la cellule, née du développement de la cellule 
sous-jacente à la blessure, a presque complètement rempli la cavité, 
avant de sortir du filament pour former une ramification. Mais ce 
qui fera toujours reconnaître qu’il s'agit d’une ramification ano- 
male, alors même que la cavité de la cellule morte serait comple- 
tement oblitérée, c'est la disposition de la cloison située vers la base 
du rameau; elle est toujours oblique par rapport à la direction du 
filament primitif. Quand la ramification se fait normalement, elie 
nait toujours latéralement a la cellule, et la premiere cloison qui 
apparaît dans le rameau est parallèle a la direction du filament 
primitif, généralement même elle est située au niveau de la cellule 
mere du rameau primitif. 

Reste un dernier cas à examiner : c'est celui où les deux cellules, 
avoisinant une blessure, prolifèrent toutes les deux et poussent des 
prolongements à la rencontre l’un de l'autre. Il se forme alors une 
double ramification, les deux rameaux formés étant forcés, par 
suite de leur accroissement, de sortir côte à côte de la cellule 
morte, comme le montrent les figures 17 et 18. Il peut se présenter 
naturellement ici toute une série de cas différents et des aspects 
bizarres, suivant le développement des deux rameaux; cette rami- 
fication géminée rappelle ce qui se présente chez certaines Cyano- 
phycées. 


Fig. 17. — Zrentepohlia arborum. Une cellule intercalaire est morte, les deux 
cellules adjacentes prolifèrent et donnent naissance à des rameaux qui sont 
poussés hors de la cellule morte et donnent une ramification géminée. 


Ce n’est d'ailleurs pas la première fois que l’on signale ce fait 
chez les Thallophytes : citons l’exemple décrit et figuré par Sauva- 


Tome III, 1890. 


CHEZ QUELQUES ALGUES. 475 


geau chez l’Hecatonema maculans (*), où l’un des rameaux issus de 
la prolifération d'une des cellules voisines de la cellule lésée, a 
même développé à son extrémité un zoosporange. 


Fic. 18. — Trentepohlia arborum. Même formation que dans la figure précédente; 
les deux rameaux sont plus fortement développés. 


Sauvageau cite d’ailleurs toute une série de faits qui viennent à 
l'encontre de la règle formulée par Massart. Ce dernier cite, il est 
vrai, le cas du Griffithsia et du Sphacelaria, qui sont a mettre en 
parallèle avec les faits que nous signalions plus haut; cela seul 
aurait déjà dû mettre l’auteur en garde et lui faire voir que sa loi 
ne pouvait avoir une portée générale. 

Lorsque l’on envisage une Algue filamenteuse et en général un 
Thallophyte filamenteux à filaments libres, il faudrait, si l'on veut 
essayer de formuler une règle, dire : La cellule lésée meurt, les 
cellules voisines peuvent proliférer en donnant naissance soil à des 


(*) SAUVAGEAU, loc. cit., fig. 22, A et B. 


ToME III, 1890. 


476 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION 


cellules qui remplacent complètement les portions mortes, soit à des 
ramifications latérales qui arrêtent la croissance directe du filament. 


La deuxième catégorie proposée par Massart, celle des Algues à 
« filaments juxtaposés en une lame continue », serait, pour la répa- 
ration, régie par la loi : Le filament dont la cellule terminale est 
morte cesse de s’allonger; les filaments voisins Ss'accroissent et se 
ramifient davantage. Le rameau lésé ne réagit pas, mais l'excitation 
se transmet aux rameaux les plus proches. 

L'auteur s'attache particulièrement aux observations qu'il a 
faites sur le Phycopeltis Treubii, dont il a récolté de très beaux 
matériaux pendant son séjour à Java. 

D'après la loi rappelée plus haut, il semblerait que le développe- 
ment si curieux des Phycopeltis, dont le bord du thalle est géné- 
ralement muni d’excroissances irrégulières, serait dû à l'excitation 
occasionnée par la blessure et la mort de cellules périphériques 
du thalle, ou accessoirement par suite de l'arrêt de croissance de 
certaines cellules, par l’attouchement des cellules d’un autre thalle. 
Or, si ces deux facteurs peuvent avoir une action, ilsne peuvent en 
tout cas être considérés comme les seuls capables de donner au pour- 
tour du thalle de ces Algues épiphytes leur crénelure si variable. 

Notre figure 19 représente un fragment de la bordure du thalle 
d'un Phycopeltis et nous montre la prolifération d'une des cellules 
périphériques; et cependant aucune des cellules voisines n’est 
lésée, et il n’y avait point dans les portions avoisinant la proliféra- 


Fig. 19. — Fragment du thalle de Phycopeltis Treubii. Une des cellules péri- 
phériques a donné naissance à une expansion pluricellulaire; les cellules 
voisines de l'expansion sont toutes saines. 


Tome III, 1899. 


CHEZ QUELQUES ALGUES. 477 


tion, de thalle de Phycopeltis ou d'une autre Algue qui aurait pu 
arréter le développement. Pour ce cas, il faudrait donc chercher 
ailleurs la cause de la prolifération. Ne pourrait-on pas admettre, 
avec assez de raison, que c’est la cellule sous-jacente a une cellule 
périphérique lésée qui a donne naissance a cette expansion du 
thalle? 

Sauvageau (‘) a aussi noté la formation de ramifications anor- 
males après blessures, et dans les cas observés par lui, c'est bien la 
cellule sous-jacente aux cellules mortes qui donne naissance, soit 
directement, soit latéralement, à une nouvelle file de cellules. 

Certes, les faits exposés par Massart se présentent dans la nature, 
et l'on comprend aisément que dans bien des cas, avant que les 
cellules sous-jacentes à des cellules mortes aient pu se développer, 
et refouler ou traverser les cellules mortes, les cellules voisines, 
bien vivantes et n'ayant pas à repousser devant elles des parois 
cellulaires inertes, ont pu acquérir un certain développement, qui 
peut à son tour arrêter le développement des cellules sous-jacentes 
à la blessure. 

La figure 20 prouve, nous semble-t-il, suffisamment que les 


Fic. 20. — Fragment de thalle de Phycopeltis dans lequel un grand nombre de 
cellules sont mortes, les cellules terminales des fragments de files encore 


vivants vont proliférer comme le montrent particulièrement trois cellules. 


(4) SAUVAGEAU, loc. cit., fig. 1 M, fig. 18 C, fig. 28 B. 


Tome III, 1899. 


478 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION 


files de cellules dont les extrémités sont détruites, peuvent se 
développer et donner naissance a de nouvelles cellules terminales. 
En effet, ce dessin a été pris dans un thalle dont toutes les cellules 
périphériques avaient été détruites; toutes les cellules terminant 
les fragments de rameaux encore vivants ont leur paroi supérieure 
fortement bombée et trois d’entre elles montrent un commence- 
ment de ramification, indice certain de la formation de ces épan- 
chements de thalle analogues à celui de notre figure 19. Il n’y a 
point de doute dans ce cas: la cellule sous-jacente aux cellules lésées 
peut directement proliférer. 

La régénération d’un thalle peut se faire aussi par le bourgeon- 
nement d’une cellule ou de quelques cellules seulement. Comme 
le montre notre figure 21, nous avons vu des thalles dont le 


Fic. 21. — Fragment de thalle de Phycope/tis dont presque toutes les cellules 
sont mortes; quelques cellules de deux files contigués sont encore vivantes et 
l’une de ces files a formé latéralement une expansion qui donnera un jeune 
thalle. 


contenu cellulaire avait presque complètement disparu : il ne 
restait que les parois, sauf pour des fragments de files dans 
lesquelles certaines cellules étaient encore vivantes et avaient pro- 
liféré latéralement, en donnant lieu a un jeune thalle de structure 
analogue a celle des proliférations que nous signalions plus haut. 

Citons encore pour le Phycopeltis les cas intéressants d’hétéro- 
morphose, en tout comparables à celui que signalait Sauvageau (*) 
chez un Myrionema. 


(1) SAUVAGEAU, /oc. cit., pp. 198 et 209. 


Tome III, 1899. 


CHEZ QUELQUES ALGUES. 479 


Le thalle de Phycopeltis perd souvent les cellules centrales, et 
l’on ne retrouve même plus, dans certains cas, les parois cellu- 
laires; il y a alors au centre de l'Algue un véritable vide. Dans le 
cas figuré ci-dessous, l'on voyait plusieurs cellules du bord de la 
plaie qui avaient proliféré en sens inverse de la croissance ordi- 
naire des files cellulaires du thalle. La figure nous montre un 
fragment de ce thalle dont deux filaments ont proliféré et ont 
donné naissance à deux portions de thalle se développant dans le 
vide central. Il s'agit donc bien ici d’une hétéromorphose, et c'est 
bien une cellule sous-jacente à une cellule lésée qui a donné nais- 
sance à ce bourgeonnement. Si ce thalle avait pu continuer sa 
croissance, il serait arrivé un moment où la blessure centrale du 
thalle primitif aurait été comblée par le bourgeonnement des 
cellules du bord de la plaie. C’est grâce à cette prolifération dans 
tous les sens que l’on trouve des thalles dont lirrégularité est très 
grande, et dont il n’est plus possible de trouver le vrai centre de 
développement. 


Fic. 22. — Hétéromorphose du Phycope/tis; le bas de la figure représente le 
vide central d’un thalle à l’intérieur duquel deux cellules de bordure de la 
plaie ont prolifére. 


On ne peut donc, en aucune façon, admettre comme générale la 
règle que propose Massart, car nous voyons clairement le filament 
dont la cellule terminale est morte réagir lui-même, la cellule 
voisine de la dernière cellule lésée pouvant proliférer et remplacer 
les éléments morts. Dès lors, le second membre de phrase : Le 


TOME III, 1899. 


480 É. DE WILDEMAN. — SUR LA RÉPARATION 


rameau lésé ne réagil pas, mats l'excitation se transmet aux rameaux 
les plus proches, ne peut avoir la valeur que lui accorde Massart. 
Certes, comme nous l'avons dit, il peut se faire que ces filaments 
voisins se ramifient plus rapidement que les cellules avoisinant les 
éléments morts, mais ce cas ne peut être considéré comme géné- 
ral; il n'est certes pas plus fréquent que celui de l'accroissement 
direct des cellules adjacentes aux cellules lésées. 

Pour les Algues à thalles formés de files cellulaires juxtaposées, 
nous pourrions donc répéter la même règle que celle que nous 
formulions plus haut (p. 13); les deux groupes d’Algues se con- 
duisent, pour la réparation, d'une manière identique. 


On peut déduire, semble-t-il, des quelques faits présentés, que 
chez les Algues filamenteuses toutes les cellules sont capables, 
dans certaines conditions, de bourgeonner, et qu'il n'y a pas, 
même chez les Algues déjà assez spécialisées telles que Phycopeltis, 
Myrionema, une différence si nette entre les cellules intercalaires 
et les cellules terminales, qui seules à l’état normal sont destinées 
à remplir les fonctions de méristème. Toutes les cellules interca- 
laires peuvent être amenées à remplir la fonction de cellules termi- 
nales, et il peut même se produire de l'hétéromorphose, car nous 
avons vu une cellule intercalaire voisine d’une blessure proliférer 
en sens opposé à la direction de la croissance normale du thalle. 
Une cellule adulte peut donc réacquérir la fonction de méristème, 
qui, dans l’état normal chez les Algues de la deuxième catégorie, 
était dévolue à la cellule terminale. 

Les deux règles proposées par Massart pour la réparation des 
Algues filamenteuses, ne peuvent donc être admises comme lois 
générales. 

La loi régissant, d'après Massart, la cicatrisation des blessures 
chez les Algues à thalle massif, pourrait également s'appliquer à la 
réparation chez les Algues filamenteuses. Massart dit en effet : Les 
cellules profondes, mises à nu, se multiplient; les cellules filles 
prennent tous les caractères de cellules superficielles. 

La première partie de la phrase rappelle bien ce qui se passe 
dans les divers cas que nous avons examinés et dans ceux rapportés 


TomE III, 1890. 


CHEZ QUELQUES ALGUES. 481 


par Sauvageau; on ne peut tenir compte naturellement du deu- 
xième membre de phrase, car il n'est pas question chez les Algues 
filamenteuses de cellules non superficielles. Si l'on veut donc 
formuler une loi spéciale pour les Algues filamenteuses, chez 
lesquelles la réparation et la cicatrisation sont moins accentuées 
que chez les Algues a thalle massif, il faudra englober les deux 
catégories d’Algues filamenteuses, pour lesquelles les phénomènes 
de réparation sont les mêmes. Cette loi pourrait se formuler ainsi 
que nous l'indiquons plus haut. 

Cette loi envisage tous les cas possibles, et l’on pourrait fort bien 
la remplacer par une loi plus générale, a savoir : Toutes les cellules 
des Algues filamenteuses sont capables, après blessure et mort d’une 
de leurs voisines, de donner naissance à des cellules et de régénérer, 
par suite, les portions détruttes du thalle. 

C'est-à-dire que chezles Thallophytes filamenteux (du moins chez 
les Algues et probablement aussi chez les Champignons), la fonc- 
tion de méristème dévolue en général aux cellules terminales, peut 
être reprise par toutes autres cellules, si ces premières cellules 
viennent à manquer. Toutes les cellules de ces Thallophytes sont 
donc équivalentes ou peuvent le devenir. 


TOME III. 31 


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