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BEVUE DOGUIHEIItAlBE ILLUSTREE
PSYCHOLOGIE - PEDAGOGIE - MEDEClKfi LÉGALE
MALADIES WEWTALES ET «ERYEUSÉS
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REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
Année. — !.
Juillet 1905.
BULLETIN
L’éloge de Tarde à la Société d’hypnologie et de psychologie.
Un suicide en Annam.
La séance annuelle de la Société d’hypnologie et de psychologie, a eu lieu
sous la présidence de M. le D** Albert Robin, membre de l’Académie de Mé¬
decine, assisté de M. le professeur Beaunis, membre d’honneur de la Société,
de M. le D** Brousse, président du Conseil municipal de Paris, de M. le D'' Jules
Voisin, président, et de MM. le professeur Lionel Dauriac et D'PaulMagnin,
vice-présidents.
M. Lionel Dauriac a prononcé l’éloge du professeur Gabriel Tarde et du
D** Brémaud, médecin en chef de l’escadre du Nord. Dans une étude élo¬
quente il a retracé l’œuvre psychologique et sociologique de Tarde, montrant
que Tarde s’est assuré, par son livre sur les lois de Limitation une réelle
immortalité. Ensuite, il a fait revivre pour un instant la physionomie si ex¬
pressive de Brémaud, chez lequel s’était manifestée, à un moment de son
existence une vocation inattendue pour la pratique de l’hypnotisme. Ce
travail sera publié dans un de nos prochains nu^iiéros.
Le prix Liébeault a été décerné cette année à M. le D** Marnay, de Loches,
pour sa thèse sur le traitement des buveurs d'habitude par la suggestion hypno¬
tique.
Après avoir entendu de nombreuses communications, les membres de la
Société se sont réunis dans un banquet amical, dont nous donnons plus loin
le compte-rendu.
*
Un suicide en Annam.
M. le D*" Sollaud fut appelé, lorsqu’il assurait le service médical de la pri¬
son d’Hanoi, à constater un décès dû à un mode de suicide inédit.
« Il s’agissait d’un mandarin de province, accusé de trahison et, de ce fait,
détenu depuis deux mois. A plusieurs reprises déjà le captif avait tenté de
se laisser mourir de faim. Ace régime, il était devenu d’une maigreur véri¬
tablement squelettique. Conformément à l’esthétique annamite, il conservait
ses ongles très aristocratiquement longs, et n’en était pas peu fier, ceux-ci
atteignant de 3 à 4 centimètres de longueur, ceux des deux auriculaires
arrivant presque au double de longueur. Ce prisonnier eut l’atroce et ingé¬
nieuse pensée de chercher, dans cette parure naturelle, les instruments de
son suicide. Il avait eu l’incroyable courage, déjouant toute surveillance,
363181
1
2
RBYUB DE L^HTPNOTISMB
de se labourer le ventre avec ces armes d*un nouveau genre. De ses propres
mains, il s'était déchiqueté, tailladant de chaque côté de Tombilic, sur une
longueur de 12 à 15 centimètres, en suivant le bord externe des grands
droits de l’abdomen ; il avait opéré avec autant de rage farouche que d’éner¬
gie muette, entamant la peau, le tissu cellulaire sous-cutané, — ou du moins
le peu qui en restait, — l’aponévrose d’enveloppe, atteignant jusqu’au pé¬
ritoine et à l’intestin.
« Tout était fouillé, lacéré, contus, éraillé, et cela formait une bouillie in¬
forme, r horrible mélange » du poète, où se confondaient les tissus enta¬
més, le sang et les matières fécales. Ç’avait été, mais avec un raffinement
d’horreur et de torture silencieusement endurée, un pastiche effroyable du
kara-kiri des Japonais.
« Ce suicide, rare et sensationnel, eut une conséquence pratique : ce fut
désormais pour tout détenu l’obligation formelle de se laisser couper les
ongles au moment de sa mise en prison. » Dans tous les cas, ce mandarin
a donné la preuve d’une force de volonté dont on trouverait peu d’exemples
chez des Européens.
Les Femmes & barbe : Étude psychologique et sociologique (suùei(<),
Par M. le D** Bérillon
Professeur à l’Ecole de Psychologie
Les femmes a barbe dans l'histoire.
Le premier des auteurs qui mentionne l’existence de femmes à barbe
est Hérodote (2). Cet historien raconte qu’il en a existé à Pédase, ville
célèbre dans l’antiquité, située dans la Carie occidentale, non loin
d’Halicarnasse. Lorsqu’un malheur menaçait les Pédasiens ou leurs
voisins, une lougue barbe poussait au menton de l’une des prêtresses
qui desservaient le temple. Ce phénomène étrange s’était produit plu¬
sieurs fois.
Aristote (^) a fait également allusion à ces événements dans son His¬
toire des animaux. A ce sujet, il s’exprime ainsi : a La femme n’a pas
de poils au menton; ce n’est qu’exceplionnellement que quelques-unes
en ont un peu, quand leurs règles viennent à cesser. Les prêtresses de
Carie en ont aussi, et elles ont regardé cela comme un présage de
l’avenir. »
Dans un autre endroit, Hippocrate cite l’exemple d’une femme d’Ab-
dere, Phœtusa, dont le mari était depuis longtemps retenu en exil et
qui, un matin, se réveilla barbue. Bien qu’il ne le dise pas expres¬
sément, Hippocrate semble considérer la continence forcée, à laquelle
elle était condamnée par l’exil de son mari, comme la cause essen¬
tielle de l’apparition de la barbe chez Phœtusa. Il rapporte également le
cas de Namysia, épouse de Gorgiphus, de Thasos, chez laquelle l’appa-
(1) Voyez Revue de VHypnotisme^ n® de juillet 1904 et suivants.
(2) IlÉnoDOTK : L. 1, Ch. clxxv et L. Vlll. Ch. civ, p. 58 et 412 (édition Finnin-
Didot).
(3) Aristote : Histoire des animaux , L. 111, Cli. x.
LES FEMMES A BARBE
3
rition de la barbe coïncida avec une suppression des règles. Namysia
fut examinée non seulement par lui^ mais aussi par de nombreux méde¬
cins. Ils furent d’accord pour admettre que le retour des règles pourrait
seul exercer une action efficace sur la disparition de cette barbe.
Pline a aussi mentionné le fait de barbe survenant sous l’influence de
la ménopause prématurée (^).
Chez les Romains^ une loi tirée des Douze tables défendait expressé¬
ment aux femmes de se raser les joues. « Mulieres gênas ne radundo »,
tels sont les termes de cette loi. Cicéron (^) qui commente cette loi
pense qu’elle avait été instituée afin de s'opposer à ce que les femmes
parvinssent, à force de se raser, à se faire pousser de la barbe. D'autres
commentateurs ont supposé que la loi devait plutôt avoir pour but de
contrarier des dispositions trop grandes à la coquetterie. L^existence de
la loi n’en prouve pas moins une certaine exagération du système pileux
sur le visage de quelques matrones romaines.
★
» ♦
Ce n’est pas toujours en se montrant dans les foires que les femmes à
barbe sont arrivées à la célébrité. Il en est qui ont joué un rôle impor¬
tant dans l’histoire. Les documents figurés les plus anciens qui repré¬
sentent des femmes avec le menton orné de barbe, proviennent de
l’Egypte ancienne. Ces images concernent tout d’abord la déesse Isis (^),
puis la fameuse Hatshopsitou, reine de la 18® dynastie thébaine.
Hatshopsitou, dont le prénon est Râ-mâ-Kà, était la femme de Thout-
mosis II qui succéda à Thoutmosis I®** sur le « tiège d’Horus ».
Les portraits de la reine Hatshopsitou, lorsqu’on les découvrit,
jetèrent le plus grand trouble parmi les premiers Egyptologues. Pour
expliquer ces images, Champollion (*) fut entraîné à supposer l’exis¬
tence d’un régent amenenthès, doublet mâle et mari d’Hatshopsitou.
Cette hypothèse adoptée par Rosellini (^), avec quelques modifications
légères, fut repoussée par Birch (®). Celui-ci démontra l’identité des
deux personnages séparés par Champollion et prouva qu’ils ne faisaient
qu’une seule reine; il la nomma Âmoun-noum-he. Il fit d’elle une soeur
d’Amenothès I®^ Associée au trône par ses frères Thoutmosis I®** et
Thoutmosis II, régente au début du règne de Thoutmosis III. Hincks P)
montra que Hatshopsitou était la fille de Thoutmosis I®'; la femme de
(1) Pline ; Histor., Lib. II.
(2) Cicéron : De legibus, Lib. II.
(3) Nous en donnerons la représentation dans le chapitre ayant pour titre ; les
femmes à barbe dans la religion.
(4) Champollion : Lettres écrites dLgypte, 2* édition, p. 293-298.
(5) Rosellini : Mouvementi storici. T. I, p. 220-230 et t. III, p. 129.
(G) Aründale — Bonomi — Birch ; Gallery of antiquities selected front the British
Muséum^ p. 77-79.
(7) Hincks : on the Years and Cycles used by the ancient Egyptians^ membre de
l’Académie de Dublin, 2, xviii, 2* partie, p. 192.
'A-- . KBirur/rajS
TIVout^^iî(>S.}8 la «cour (I(> jiîV'fe'jaBt fii&üleWft^ cé^S
iJerniccà t<^jnji!î f^ye Masjïei’a (*) a ït,con'uw,l/^ «jiialioii et.lui a assigntî sâ
place T'éôlifi d.àttg-là. .:^Ujç n‘'étal^>pa,tp la,sœ.ur^ :
'î'iioalroosia SÙ- ; '%*■'•.'''^^ ■ ■
Lorsqw'e'fhîiUüniH}# -îi wonla 'aur-îc lYônà» Thoùtnipsîa l'’' v^ertait,
tipî'i^^liiès .t;^<eTres •liC'UTgysîifS Citi K^ilVie, d’aiihevet son ïixi,s-
loru'Ê>iV.seitt,4'.nàe ;}»alt.,profjpçiîi?«';tl Waïi
Xl0psrâ«t4J>i.e^/feJ crtalï'îlxiré; îiq, <i ei^fpppeiHsat devillcâ înlp.ortan ipa telles
^ i? >>:ô |î^l >i Vfiôs( re \ ht i>îLiïve,
que Koummall Oompie l’êÏHjUetta
e!(;i$,Ç!Hil la pftfSericc raalp; ja létfl <lxi, -^OUveXrién'ienl, ifàtshopslfou
abaù»î.ûhnà lés apparence» <hi p*>ti\‘âpi‘ pf. la pbrnjie eswrieurn à ,Sûii inarf,
mais'çlle voulut nv’ïlf setiluilH dîpèc‘ti<iifi tU'è alîaires’ iâon utàri était
.tl'Jiilïeurs a*ioleacent, licaucoup plus Jjéiîiï^*iî'-PPr ^assurée aUn autorité v%
: côùténir les ambllkiDè qui a’^\^ît.'ù,oïitVïriiiiqüÿ,;Ü^lle^ .IfUtshopsUpu eut à
fftife pteuve dWjc. gi-andc fermrtq dà 4é?*p)è,<'Û- ÉHe se pVcûçeypa do
fulrO ottbïtor qu-èflé éiaU une ïenfinuf, i<,'ell'<l'!.pi‘éo£foUpaiiôù su! irpftruu’t^V
, 4,uijÿ,f|[«s'purtrÀitf ùéssloés .pour piérpétaeti &a mètnoirevêt 11 n'ÿ’i.tcï^n^
4lus,4i»tg,piï.er les mpjsumcntà' Utébains c»û elle, est reprpHoïUèy>
!ÿ.Ç!ïtqpréU;.i^é’t,' allHlùits <lti poUyc>‘if; eï’l«'.piéritàn orné' 4e brarbU).. Léà
''^’portïàUs qui. nous sont cGrisurvês fré.ïfo lui prétênl une figuîe •line,
liaulainr; éuè.l'g^qoù;^^ovutb,üp la .race est illiong»V jd.uuvytfl peu;
■ tij M^s^wk* yÀ'<a(,>jk<4 ’fiit- u/> br<)eé«r4j^sa?ià.fiov.iâ.ié. Ù!àrsi).stt
legic WWjrpjjK.-’lfiK»-î 'tiA .-p, n’U-iyj.'r}: , ■ ,'yV"vî.'i--v
1 >ES FEMMES A. EABBE
inàig-pej l'tjèU'Vufoncé^ asaesî creux soMa ratçatîa âoui\Ç!lHé^j'l,èîr^|?
faast U lîffiicbu miaeà at Safrèe aùîc cains, E(!« gouvatna d’ultie îaçôô lli'
VEgjpie r»î ïe& Vvvssaüs ^trftnjjeys na tontèrcnt aéet&ïîs.eîïicat
d’eebsppç;*: pi-isfrttrii^^râj
punît queiqué moüverrtént- àvV'Bîiànuf® la Byty' mèntli^mïe^^ci.
quant a«t peuple» de l'Etbîapiei, les razzias ardioaîws enicsîit bon
i)i*àre, a leurs velléités de révolte, tiorsq'n'oïr dlre^ éi» Tan ,J-f^ .â
TftoutrnosisTlvque jeo bafluipes du U4ül-lSîl_ n obs^rvaïunt
ditidnç que ao.ii pèirb- leûv ayaU;^ M èn furent', poùiirie
une panihlife ® ra#.«frbi!>îa ^e^i8dldatSAvi;'|4ariltan guerre sans plus tnrdfjr,
Sa préa^nc^ b rarntèe ïUjaîtli le^. eftùrages dS-s rebelles c« fjtt a8àta»'>
de ituftiqttes sapininèg pour toisHt les fe^îWneeâ,.. - , '
Télé sont lèa déttulÿ jfîp^ iSïagpéfo nwVs d
lOM et sitr' sofifippiix 1*1. .11 faut )i3oyteir qii|.. le régne d’HatshopsUou.^
.né fui pas «e«i,ainj»pV;feWfi«é par .b ÿüîr'fe dps arfoMît les. arts iy ■Tür.Bni
'paptJtiuliérfeipeht .Uâiiôêêa, des biotiitmç.nlp^ gr’sndwses îûwpt, eoùstruUié
■par.ae^ ^.çdFéSj.tà «lté fit élevjfà lÇ«r»jub dèuxftbénstja6S-f|ui août le ebéf-
dîjDUVéé .do,b,grftŸUfeiéi|3\ftUéSfkHjÊtîi*^ . .'■■ .•■■-'’:':■■ - •• -
Mâts c'à qüi''aü point de S‘ue iiartfcujter auquel npasrtops plaçons., doit
ill' (ihcftnnv itn 'l'OriéHl, rHétiff di.'Si peuphs;
r.'Ti.ra',i'23r. m',',,Od-■■'•■ ■-- ' '■ - • ’ '..
^ dans -pijrtfajli d'Hàlsfe^^îiiéu- iivus évaU été
.ŸigoaTé.e.'i|Ji;^l-'!klf,iii^êgédttc,le,sayiuit éÿyF;tolegat'. ' .■ >■•
REVUE DK L HYPNOTISME
retenir quelques instants notre attention, c>st la représentation de la
reine Hatshopsiiou (Fig 59) telle que nous la donnent deux (dessins de
M. Faucher-Gudin, Tune d'^apres une photographie de Naville (♦), l’autre
d'après une autre photographie de M. de Mertens (Fig, 60)(^). Cesfigures
ornées d’une barbe, comme le sont d’ailleurs les autres portraits de la
reine, permettent-elles de la considérer comme une femme à barbe?
Pour nous cela n’est pas douteux. Les artistes à cette époque, avaient
comme ceux d’aujourd’hui la préoccupation de faire des portraits res-
Fig Gl — La mae Abrrmsi. mc:rcI a reine Uatshopsiiou
semblants. S’ils ont orné le visage d’une barbe aussi nettement dessi¬
née, dans sa forme convenlionnelle qu^on retrouve dans tous les por¬
traits masculins de l’époque, c’est qu’elle en était réellement pourvue.
Oe qui le prouve, c’est que ni le portrait de la reine Ahmasi (Fig. 61;,
mère d’Hatshopsitou, ni celui de la reine Moutnofrit, mère de son mari,
le roi Thoutmois II ne portent de barbe. La reine Ilatshopsitou avait
une barbe complètement développée, et c’est ce qui l’a déterminée à la
laisser croître comme Vont fait toutes les femmes à barbe dont nous
avons donné le portrait. Les femmes à barbe ne rougissent pas du déve¬
loppement de leur système pileux, et n’en sont pas humiliées lorsqu’elles
(1) Dessin de Faucher-Gudin, d’après Ja photographie de Naville, the Temple of
Deir-eLBahar, pl. xui,
(1) Dessin de Faucher-Gudin, d'api^èvS une photographie de M. de Mertens. Rap¬
portée par bepsius cette statue est coiisorvée au Musée de Berlin. Erman, ausfulir^
/ic/ïw V>rre/c/inh's, p. 70, n® 2301 et p. 83, 2279,
J
LES FEMMES A BARBE
7
sont douées d’une barbe bien dessinée et complètement formée. C’est
seulement lorsqu’elle est incomplète, irrégulière ou mal répartie, qu’elles
se préoccupent de la dissimuler en l’épilant ou la rasant. Or les portraits
d’Hatshopsitou nous démontrent que la barbe descendait en éventail sur
sa poitrine. Dans ces conditions, elle n’a pas dérogé à la règle générale,
elle s'est montrée fîère de cet attribut, qui en faisait l’égale apparente de
l'homme, et ne pouvait que concourir à assurer son autorité. C’est ainsi
que les artistes se sont conformés à son désir, et nous ont transmis des
portraits qui sont assurément conformes à là réalité.
*
* *
Quelques siècles plus tard, Sémiramis, qui régna sur l’Assyrie, a été
aussi représentée par plusieurs auteurs anciens comme une femme à
barbe. Le fait est certifié avec diverses indications bibliographiques à
l’appui, dans un chapitre de l’ouvrage si curieux publié en 1715 par
Pagenstechéri, sous le titre : Cur Venus barbata? (*) Pourquoi Vénus
a-t-elle été représentée avec de la barbe LMais comme on n’a sur cette
femme célèbre que des traditions légendaires, nous nous bornerons à men¬
tionner ces affirmations, sans y consacrer de plus longs développements.
♦
♦ *
A une époque beaucoup plus rapprochée de nous, Marguerite d’Autri¬
che, duchesse de Parme, qui gouverna les Pays-Bas, avait une très
longue barbe. Ses panégyriques assurent qu’elle s'en montrait très fîère,
et ne chercha jamais à en contrarier le développement.
Marguerite d’Autriche était née à Bruxelles, en 1522; elle mourut à
Ortonna (Italie), en 1586. Elle était fille naturelle de l’empereur Charles-
Quint et de Jeanne Van der Gheenst, qui était elle-même fille d’un
ouvrier tapissier d’Audenarde. Charles-Quint fit élever sa fille dans la
famille de Douvrin, puis elle séjourna à la Cour de sa tante Marie d’Au¬
triche, reine de Hongrie. En 1532, à l’àge de dix ans, son père la maria
à Alexandre, duc de Florence, qui fut tué en 1.537. On lui fit épouser
alors Octave Farnèse, âgé seulement de douze ans, qui fut plus tard duc
de Parme et de Plaisance. La disproportion d’âge et leur caractère impé¬
rieux empêchèrent les deux époux d’être jamais très attachés l’un à
l’autre. Il naquit cependant de ce mariage un fils, Alexandre Farnèse
qui commanda l’armée du roi d’Espagne dans les Flandres.
En juin 1559, elle fut chargée du gouvernement des Pays-Bas par son
frère Philippe II, qui les quittait pour se rendre en Espagne.
Prenant le pouvoir dans des circonstances extrêmement difficiles, elle
se conduisit avec une grande prudence et, par diverses mesures, arriva
(t) V. Fr. WiLH. Pagentfxiiéri. De barba, liber singularis, 1715. Lehigoviœ.
« L’auteur s’exprime ainsi ; Barbata est étiam Sémiramis et sexum mentita, ciim
postmortem mariti se pro uxore simulaverit fîlium et pro femina masculum (Vide
Justinian. Lib. I cap. 2. et V. Rupert, and Behold. cap. 3. p. m. 39.) ut hinc ob hasce
congruentias fit dubium quia Venus et quidam barbata Venus sitipsa Sémiramis.
8
REVUE DE L’hYPNOTÎSME
à dalmer la surexcitation des esprits. Elle fit demander à Philippe îl
d'adoucir les édits de religion, mais le roi d’Espagne répondit qu’il vou¬
lait qu’on poursuivit avec rigueur les hérétiques. Cette décision rendit
une révolution imminente. Marguerite dut prendre des mesures énergi¬
ques pour combattre rinsurreclion. Elle y réussit, sans cependant cesser
de faire preuve d’une grande niodcratit3n dans ses décisions.
La gravure du temps que nous publions la représente uu moment où,
revêtue de somptueux atours, et entourée de la pompe royale, elle fait
.Margùciilu «i‘Aulrr''he- uouvvrnaMio dCï- njiyj>-n<4s, feaime à barbe,
ron/laiU la jusltre son p/Uaié
comparaître devant elle un des conjurés. Le graveur n’a pas omis
d'orner son visage d’une moustache cl d’une barbe assez longue. Lofait
indique nettement que Marguerite n’était nullement luimîlîéc par le fait
d’avoir de la barbe. Au contraire, rautêur de la Vonoffologin^ nous ap¬
prend qu’elle S'en glorifuiit, et, persuadée r|u‘elle contribuait a lui don-
dc majesté, eüe se gardait bien d'en reiranrber le moindre
ner un ajr
jyoil.
Voici d’ailleurs le portrait que nous en laisse Prescotl (**), dans son
histoire du régne de Philippe IL
« Marguerité ressemblait beaucoup à sa tante Marie de Hongrie;
(1) pRr.'^cOTT : Histoire dit règne de Philirpe II» T. U
LES FEMMES A BARBE
9
comme elle, Marguerite aimait passionnément la chasse à courre, et
elle se livrait à cet exercice avec une intrépidité qui eût effrayé le plus
hardi chasseur. Elle n’avait guère cette douceur naturelle qui est le
propre de son sexe, mais elle se montrait singulièrement virile dans
toute sa conduite, de sorte que, pour rendre les expressions de l’histo¬
rien Strada, elle semblait, dans ses habits de femme un homme en
jupons. Pour ajouter à l’illusion, la nature lai avait donné quelques
poils au visage. Sous cet air viril, Marguerite n’était pas dépourvue
des qualités qui font l’ornement de la femme. Son caractère était bon ;
mais elle prenait trop les conseils des autres, et plus qu’à ses propres
inclinations on peut rapporter à cette influence, les actes qui lui sont
le plus reprochés. »
U Elle avait un jugement excellent, une compréhension prompte. Elle
s’accommodait avec une grande souplesse aux exigences de sa position
et montrait dans la conduite des affaires une rare adresse, acquise
peut-être à l’école des politiques italiens ».
Quand Marguerite eut rétabli Tordre dans les Pays-Bas, Philippe II
y envoya, en 1567, le farouche duc d’Albe, avec la mission de réduire
l’hérésie même par les moyens les plus sévères et les plus barbares.
Marguerite, qui s’était concilié les sympathies d’une grande partie des
habitants, ne voulut pas s’associer à ces mesures de rigueur. Elle se
démit de ses hautes fonctions, et rejoignit son mari en Italie où elle
passa le reste de sa vie.
Telle fut, en résumé, l’existence de cette souveraine dotée par la
nature de quelques-uns des apanages de la virilité, mais qui n’en resta
pas moins femme par la grâce de son esprit, par son élégance et par sa
bonté. Si elle manifesta quelque disposition à se livrer à des exercices
violents, et en particulier à la chasse à courre, il ne faut voir là que la
manifestation du pouvoir de l’éducation. En effet, elle avait été élevée
à l’école de sa tante Marie de Hongrie qui elle, sans avoir de barbe,
faisait preuve des sentiments les plus virils. « Pénétrante, résolue,
altière, infatigable, dit M. Mignet, elle était propre à l’administration
et même à la guerre : pleine de ressources dans les difficultés, elle
portait dans les périls une pensée ferme et un mâle courage et ne se
laissait surprendre, ni abattre par les événements. » Ce qui prouve
une fois de plus que ce n est pas dans les attributs do la virilité qu’il
faut chercher les éléments du courage et de l’action, mais bien dans
la formation du caractère et dans l’éducation de l’esprit.
Pour être aussi complet que possible, nous devons signaler encore
quelques cas de femmes à barbe dont l’existence a été mentionnée par
les historiens et par les encyclopédies (*). Pendant ses campagnes,
Charles XII avait dans son armée, un grenadier femme. Ce n’étaient,
(1) Le P. Oudin : Recherches sur la barbe. Mercure fran(;ais, mars 1765.
1 .
lu B»V«(r DB;^■ «YPNO’riSM&
dit un auteur, uont&m Uî la bàrlie^. ùi .1 p cou qui lui man-
^uaîéTit pour être uiT 3>ataille de tbiltawa et
auii.eb%vyneuite àBà1nt^^^ la presefita îiü Çiîùr,,én 1709,,
Sa barbe mesurait «ne aune él demie de lnfiguetij% , .
: Le jyicUofinâi^fi des fer^nink' *dêièbres nous, apprend qu'Anne dO'
Yaox, Mpoifte du XVII* sifrclo. natiyé d'u.n village pf^'dc Lîïfé^'eii
ddguiss .en hof^ pditsséc^^ eslÀ, s^ns doute par ïù.burb.e,
qu'elle avait au nmiïori, et: prit npm. de
B^nné B^pàpnnce. Klla ise illstlnjua par ^ \mleur-, çi.uâe liêüté-^
mtoé© dans le régnneritdu baron de Mercf< '?>
Il convient encore de mentionner une femme à barbe qui servit dans
Kig. ffli. ~ Portvftit.1V 11 ne (t•IlHll^ùJ}arb•^r sîlyç^J^.f Vîî4;)i)i iiü jkVti»
les armées de d'Aptriebç, l^ïlé s'étaît en^.gée.ùans tm
régîfnént dej pàr sit^ b J ijonquit p.lpsiéàr§
gradés; qy'éi% ku géafln- de Qhef rlPeg-
cadro n aprSs Àvbjif' mutité ^ mpU les fonctipùs d» pro^sseprkl'é^uitp»
(ion et;d'in»lmoteur. Lorsque des t’m:an«la«nea InAiténduesauréiit fait
d^üiqŸi'i*; sou; bile dut démiôsïojvpérv ,L7mpé0triée
r^^be ful fit Servir ufté forte ponsion, ipais bMf dut prendre l’pngagémént
déporter toujours de#-habits de femrne.’ '■■ '' ,. '
Lés fémmus à barbe n’ont pas se.ulçriien,t frappé' rimagihatiort popu-
biifé, Ijeâ roÎB ’er Jèé gr(*rrdà èeîgneiU'^. à^iîi^f,essaient également à ces
pb^uomêpcs^ Lés «np, comme'ETôe&L.-,duu de- b .ltt ppur
A-nfhôdiû iléfeoaj dont -nnus uvona publié Ta'biographie, les reeueniaient
et les doigtent, les âûtire» se honuuent ^ et» l'onservor le porü-ait..
.‘'lînsj oii'VHpjlortc qu’un due de Saxê^ fil, au div-sepùéiüè siècle,
confectionner le portrait d'utiepaji saujift Suisse, remarquable pur la lon¬
gueur et l’épàissèUr de sa barbe. C’u?,t probablement éc portrait dont
plie revue àlièrrmod*^, Lé .Daiïeim^. ,aAtonriê. la fepirnduction en 1883
(fig. 63t. Celtu rembie à barbe virait au milieu du dix-soptiénn* -siècle
l'hystérie de rernadette, de lourdes
11
dans le canton d’Appenzell en Suisse. Le portrait original, dit cette
Revue, se trouve au château de Lœvenburg, près Cassel. Elle était la
lille d*un paysan, et était arrivée à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.
Pendant longtemps, on a pu voir, dans le cabinet de curiosités de
Stuttgard, le portrait d’une femme nommée Bartel Graetge dont le
menton était ombragé d’une très volumineuse barbe. C’était en 1587
qu’elle fut peinte ; elle n’avait alors que vingt-cinq ans. Dans le môme
cabinet, se trouvait un autre portrait qui la représentait dans un âge plus
avancé, mais toujours barbue. Mme Tinayre, qui a bien voulu se charger
de constater si ces tableaux existaient toujours au musée de Stuttgard, n’a
pu obtenir aucun renseignement à ce sujet; ces portraits ont disparu.
On craint qu’ils n’aient été détruits dans l’incendie qui, au commence¬
ment du XIX® siècle, a anéanti une grande partie du musée. Il se pour¬
rait que ces portraits aient été cédés ou échangés. La figure que
nous publions est probablement celle de Bartel Graetge.
(a suivre).
L’hystérie de Bernadette, de Lourdes,
par M. le D** Rouby,
Médecin-directeur de la Maison de Santé d’Alger.
Réflexions préliminaires
Nous avons entrepris ce travail dans le but de prouver qu’il n’y eut
rien de miraculeux dans les apparitions de Bernadette, la petite héroïne
de Lourdes, et que par conséquent ce lieu de pèlerinage n’a pas sa raison
d’être.
Pourquoi, nous dira-t-on, vous imposer co labeur? Pourquoi, si cer¬
taines gens sont heureux de croire aux miracles, ne pas les laisser dans
leur croyance, même si elle est fausse? Puisque l’apparition del’Imma-
culée-Conception à la petite bergère satisfait leur amour du merveilleux,
pourquoi vous ingénier à leur donner, à ce sujet, des explications qu’ils
ne vous demandent pas ? Pourquoi ?
Par la raison que celui qui détient une part de vérité quelle qu’elle
soit a le devoir d’en faire bénéficier ceux qui en sont privés, comme
l’homme riche a le devoir de donner la moitié de son pain à son voisin
pauvre.
Nous n’écrivons pas ce livre avec l’intention de blesser des croyances,
toujours respectables lorsqu’elles sont sincères, mais dans le but cha¬
ritable de faire connaître la vérité, en nous servant des découvertes
récentes de la science.
Nous avons cherché nos documents principalement dans les livres des
auteurs chrétiens et parmi ceux-ci, dans la Petite Histoire de Lourdes,
du père Fourcade ; les Merveilles de Lourdes, de Mgr de Ségur, et enfin
Notre-Dame de Lourdes, de M. Henri Lasserre. Sans le vouloir et sans
12
REVÜB DE l’hypnotisme
qu’ils s en doutent, ces auteurs nous ont fourni les armes dont nous
avions besoin pour combattre le culte qu’ils ont contribué à fonder.
En étudiant les événements qui ont fait de Lourdes un lieu célèbre
dans le monde entier, nous n’avons pas trouvé, dans les commence¬
ments surtout, autant de fourberie que certains prétendaient et que nous-
mêmes, avouons-le, pensions y rencontrer ; mais, par contre, nous avons
pu constater combien était épaisse la couche d’ignorance dans laquelle
se mouvaient les personnes mêlées de près ou de loin à la création de
ce lieu de pèlerinage.
C’est parce qu'on s’est trouvé en présence d’une maladie, l’hystérie,
ou plutôt en présence d’un symptôme un peu extraordinaire de cette
maladie, I’Extase, symptôme bien connu aujourd'hui des aliénistes,
moins bien des médecins ordinaires, et nullement des prêtres et des
gens du monde, que la maladie de Bernadette a pu passer pour un mi¬
racle et que les guérisons de la grotte ont été attribuées à la Vierge-
Marie.
Il
L'hvstkhie de Bernadette
Ceci dit, commençons nos études sur Lourdes, en expliquant le cas
de Bernadette.
Bernadette était une malade... Bernadette était atteinte d’hystérie, di¬
sons hystérose, pour moins choquer les personnes pieuses qui peuvent
nous lire.
Mais il ne suffît pas d’affîrmer que Bernadette était une malade hys¬
térique, il nous faut le prouver. Essayons de le faire.
Les Causes de l’hystérie. — Les causes de sa maladie doivent, ce
nous semble, être rattachées à l’hérédité : son père, François Soubi-
rous, meunier de son état, après avoir mal fait ses affaires, avait dû
quitter le moulin qu’il exploitait. Pourquoi n’avait-il pas prospéré ? Les
mauvais payeurs ne l’avaient pas ruiné, comme le prétend Henri Las¬
serre : les petits meuniers ne font pas de crédit, ayant l’habitude de se
payer d'avance, en prélevant un certain poids de blé sur la mouture
qu’on leur apporte. Si le père Soubirous est devenu un simple journa¬
lier manquant le plus souvent d’ouvrage, c’est qu'il se livrait à la bois¬
son.
Or l’alcoolisme des pères, — c’est là pour nous le point intéressant,
— engendre chez les enfants les maladies nerveuses, l’épilepsie parfois,
l’hystérie souvent. Lisez à ce sujet les statistiques des ouvrages de mé¬
decine, vous y verrez combien d’une part cette cause est puissante et de
l’autre combien fréquente.
C’est à cet empoisonnement du père par l’alcool que nous rattachons
la névrose de la fille.
Et comme si, pour ce résultat, l’influence paternelle n’était pas suffi¬
sante, il arriva que la mère, durant les derniers mois de sa grossesse et
l’hystérie de BERNADETTE, DE LOURDES
13
au moment de raccouchement, fut malade à ce point qu'elle ne put
allaiter ni même donner à l’enfant les premiers soins. La petite fille
toute souffreteuse fut portée à Bartrès, village voisin de Lourdes^ chez
des cultivateurs qui la prirent en affection et la gardèrent jusqu’à l’âge
de 14 ans.
L’Enfance. — Devenue grande, Bernadette mena la vie de pastoure,
conduisant paître dans la montagne son troupeau de moutons ; naïve,
crédule, un peu niaisotte, on ne put lui apprendre ni à lire, ni à écrire,
ni même à réciter un peu de catéchisme appris par cœur, en sorte qu’à
l’âge de 14 ans, elle n’avait pas fait sa première communion. Elle ne
parlait pas le français, mais le patois béarnais dont l’Immaculée-Concep-
tion dut se servir pour se faire comprendre d’elle, comme elle s’était
servie à la Salette du patois du Gévaudan pour s’entretenir avec Maxi¬
min et Mélanie. Nil admirari !
Pourquoi Bernadette revint-elle à Lourdes ? Etait-ce donc pour se
préparer à la première communion, comme le prétend M. Henri Las¬
serre ? Non, elle pouvait le faire à Bartrès. Il est probable que ses parents
nourriciers furent effrayés de quelques symptômes hystériques qui se
montrèrent à cette époque.
Rentrée à Lourdes depuis quinze jours, elle était gardée à la maison à
cause de son état maladif et il fallut force supplications pour que, le
matin du 11 février 1858 sa mère lui donnât l’autorisation d’aller avec
ses compagnes ramasser dubois mort le long du Gave.
L’asthme hystérique. — Or cet état maladif, dont nous connaissons la
nature, il est pour nous d’une importance si grande qu’il nous faut en
parler.
Bernadette était atteinte d’un asthme; cet asthme signalé par tous ses
biographes était, à n'en pas douter, la pseudo-angine de poitrine,
l’asthme hystérique (^). La chose est facile à prouver.
Tandis que l’angine de poitrine vraie est une affection redoutable qui
tue après un certain nombre d’accès, la fausse angine, elle, ne fait jamais
mourir. De plus elle présente ce caractère particulier de disparaître
momentanément sous l’influence d’une distraction, d’une émotion ou bien
de l’apparition d’un autre mal.
Or, d’après ses biographes, les choses se passèrent ainsi pour l’asthme
de Bernadette.
« Sans être pour cela maladive, écrit M. Henri Lasserre, elle était
« sujette aux oppressions d’un asthme qui la faisait souffrir. »
Ailleurs : « L’oppression habituelle de son souffle éteignait en elle la
« vivacité du premier âge: débile, fatiguée par cet asthme, la pauvre
« Bernadette hésitait à se mouiller les pieds. » ("'
,1) P. Marie : Revue de médecine^ I8(S2, page
Leclerc : U angine de poitrine hystérique. Thèse, Paris iss7.
Hi CHAUD : Progrès juin et juillet 18 SR.
De Ségi u ; page70. Les merveilles de Lourdes, Talya éditeur. Paris.
(‘2) Henri Lasserre : Notre-Dame de Lourdes^ page 17 et 18 .
14
REVUE DE l’hypnotisme
Voici l’asthme dûment constaté ; or cet asthme, s’il est hystérique,
doit, nous l’avons dit, disparaître subitement, pour reparaître plus tard.
Recherchons chez Bernadette s’il en est ainsi ? Oui, il en est ainsi.
Cet asthme, chez elle, va et vient, parait et disparaît, suivant les cir¬
constances : ses biographes sont unanimes sur ce point ; citons : (^)
a Une force surnaturelle semblait animer Bernadette ; ses compagnes
ne pouvaient la suivre, de sorte qu’elle arriva quelques minutes avant
elles à la grotte. »
Ailleurs : « Elle ne pouvait pas plus s’empêcher d’avancer que si elle
avaitété placée soudainemenfsur la plus rapide des pentes ; tout son être
physique se trouva brusquement enrtaîné vers la grotte où ce sentier
conduisait : il lui fallut courir. »
Ailleurs encore : « Il fallut monter sur le flanc des Eypelugues,en pre-
« nant le chemin fort malaisé qui conduisait à la forêt de Lourdes,
« redescendre ensuite par des casse-cous jusqu’à la grotte, au milieu
« des roches et des tertres rapides et sablonneux de Massabielle. Devant
a ces difficultés inattendues, les deux compagnes de Bernadette furent
« un peu effrayées. Celle-ci, au contraire, parvenue à cet endroit,
« éprouva comme un frémissement, comme une hâte d’arriver. Il lui
« semblait que quelqu’un d’invisible la soulevait et lui prêtait une éner-
« gie inaccoutumée. Elle, d’ordinaire si frêle, se sentait forte en cet
tt instant. Son pas devint si rapide à la montée de la côte qu’Antoinette
« et Mlle Millet, toutes deux dans la force de l’âge, avaient peine à la
« suivre; son asthme qui lui interdisait toute course précipitée, parais-
« sait avoir momentanément disparu. Arrivée au sommet elle n’était
« ni haletante, ni fatiguée, tandis que ses deux compagnes ruisselaient
« de sueur. »
Enfin, lors de l’apparition du 24 février, on la voit monter à genoux la
côte raide de 15 mètres qui s’élevait du bord du gave au fond de la
grotte, avec une légèreté sans pareille : <c J’ai cru plusieurs fois, écrit
« un témoin oculaire, que des êtres invisibles la soulevaient pour mon-
a ter et descendre si précipitamment, w
Donc, c’était bien une pseudo-angine de poitrine ou asthme hystéri¬
que qu’avait Bernadette et cela nous fournit la preuve, preuve certaine,
preuve irréfutable, que l’hystérose existait chez elle au moment des
Apparitions supposées.
Si le symptôme Asthme disparut plus ou moins, pendant quelques
semaines, pour faire place au symptôme Extase, c’est que, souvent dans
cette maladie, un clou chasse l’autre.
Développement de l’hystérie. — Lorsqu’au mois de janvier 1858,
Bernadette quitta Bartrès pour rentrer dans sa famille, au lieu d'un
bien-être plus grand, c’est une pauvreté voisine de la misère qu’elle y
trouva; au lieu de l’air pur des hautes montagnes, c est l’air confiné
d’un petit appartement qu’elle respira, en sorte que son affaiblissement
(1) De Skocr : Les merveilles de Lourdes, page 10, 31, 70.
l'hystérie de BERNADETTE, DE LOURDES
15
physique s’aggrava et que le mal hystérique prit son entier développe¬
ment. C’est alors sous d’autres formes, sous forme d’hallucinations et
d’extase, que la maladie se manifesta. Nous allons étudier ces deux
symptômes.
III
Mais, en commençant la narration des faits, miraculeux, disent les
uns, maladifs, disent les autres, qui furent le point de départ des pèleri¬
nages à Lourdes, il ne nous coûte nullement de déclarer que, pour nous,
Bernadette a dit naïvement ce qu’elle a ressenti : elle a cru voir, elle a
cru entendre, ce qui n’était que fausses sensations de l’ouïe et de la vue,
mais elle est certainement de bonne foi, en les racontant, sauf sur un
point que nous réservons.
Cependant, comme ses récits ont passé par la plume d’écrivains inté¬
ressés à les embellir, ils doivent être débarrassés des fleurs pieuses et
des élucubrations dévotes dont on s’est plu à les orner. Les panégyris¬
tes trouvant que trop do simplicité ne stimule pas assez la foi des fidèles
ont renchéri les uns sur les autres, sans même craindre de se contredire.
Il nous faut ramener les choses au point et serrer de près autant que
possible la vérité en rétablissant les faits tels qui ont dû se passer; puis, *
appuyé sur eux, démontrer le mécanisme psychologique qui Ot croire à
Bernadette qlie ses hallucinations étaient réelles et à la foule qu’il y avait
miracle.
D’autre part ils sont nombreux les écrivains et les journalistes qui ont
cru et publié que Bernadette jouait une comédie apprise. A ceux-là
nous disons qu’ils ont fait erreur et qu’il n’en fut pas de Lourdes comme
de la Salette; mais ils ne pouvaient, à cette époque, savoir, comme
aujourd’hui, ce qu’était le mal hystérique et se rendre compte qu’il pou¬
vait expliquer tous les événements extraordinaires qui se déroulaient
devant eux.
IV
La première apparition
Le jeudi 11 février 1858, vers onze heures et demie du matin, Berna¬
dette Soubirous, sa sœur Mario et une petite voisine allèrent ramasser
du bois mort autour des Roches Massabielles; le canal dumoulin, qui
passait au pied du rocher, était presqu’à sec ce jour-là, et le mince filet
d'eau qui coulait encore pouvait être facilement franchi.
Bernadette à cause de son asthme était restée en arrière des autres;
elle arrive au bord du canal, en face delà grotte et assise sur une grosse
pierre, elle se met en devoir de se déchausser pour traverser la rivière.
Déjà ses deux compagnes, quittant leurs sabots, avaient traversé le
canal et couraient çà et là sur la colline.
A ce moment, Bernadette entend un bruit qui la fait regarder autour
d’elle : c’est le bruit de la brise dans le feuillage, disent les uns ; c’est le
Ifi
REVUE DE l’hypnotisme
froufrou d’une robe, disent les autres ; le bruit mystérieux recommence,
la bergère lève la tète, regarde en face d’elle, et aperçoit dans la cavité
une Dame admirablement belle, de taille moyenne, avec des vêtements
blancs et une ceinture bleue dénouée.
« Cette apparition n’avait point les contours fuyants d’une vision fan-
« tastique, c’était une réalité vivante que l’œil jugeait palpable comme
tt la chair de nous tous. » {^).
Nous sommes de l’avis de M. Henri Lasserre, c’était bien, en effet,
une jeune et belle femme, en chair et en os que Bernadette aperçut dans
la grotte. Quelle était cette femme ?
Peu nous importe. Nous ne sommes pas chroniqueur de journaux
chargé de relater les faits divers et d’amuser la foule par les racontars
d’une joyeuseté. Ce que nous affirmons, c’est que, là, en face de Berna¬
dette, se dressait debout une créature humaine.
A nous, médecin aliéniste, incrédule au miracle, il nous faut l’explica¬
tion naturelle d’un fait qu’on nous donne comme surnaturel. Or, cette
créature réelle, cette créature non divine nous estnécessairepour ce qui
va suivre.
Bernadette à Bartrès, dans ce pays au bout du monde, ne s’était peut-
être jamais trouvé en présence d’une belle dame ; jamais à Lourdes non
plus, puisque sa mère, depuis son arrivée, la retenait au logis. La vue
subite de cette femme habillée avec luxe, éclairée des rayons du soleil
de midi, placée dans un cadre de rocher et de verdure,en un lieu qu’elle
devait croire inhabité, fit sur la petite bergère une impression subite et
profonde.
Les historiographes ont fort embelli la forme de l’Apparition pour en
faire une sainte Vierge présentable, niais Bernadette ne vit pas tant de
choses : ce qu’elle vit, elle le résume en deux mots à sa sœur qui l'in¬
terroge : <t J’ai vu quelque chose de blanc. » (‘^)
En apercevant cette belle dame, l’enfant veut pousser un cri ; il s’é¬
touffe dans sa gorge serrée; elle s’affaisse et tombe à deux genoux, puis
elle est prise d’une crise d’extase.
Sa sœur de loin s’en aperçoit : « Tiens, dit-elle à sa compagne,
regarde ma sœur qui prie. » — « Quelle idée de venir prier ici, reprend
Taulre c’est bien assez de le faire à l’église. »
« Bah, laissons-la ; celle-là ne sait que prier Dieu ; » elles ne firent
« plus attention à Bernadette et pour chasser le froid se mirent à sauter
« et courir à travers bois, en ramassant des branches sèches. Elles pas-
sèrent là tout le temps que Bernadette mit à réciter son chapelet-
« Celle-ci était toujours immobile, les yeux tournés vers cette Dame si
« douce et si belle. » (**)
Il n’est pas difficile de lire entre les lignes et de comprendre que, si
(1) Henri LAïiSKiiRE : N.-D. de Lourdes, page ÎG.
(‘2) Mgr. DE Skiu.h, page ‘24. — Henri Lassehhe, page.M.
(S) Mgr. DE SÉGuu, page 24. — Henri Lasserre, page 32.
SOCIÉTÂ D^HYPNOLOaiB BT DB P8YCHOLOGIB
17
Bernadette, à moitié déchaussée, reste malgré le froid, si longtemps
immobile, c’est qu’elle a perdu conscience de ses actes ; c’est qu’elle est
prise parla Crise nerveuse, TÆ’x^ase, dont nous parlerons tout à l’heure.
Pendant ce temps, sans que Bernadette inconsciente s’en aperçoive,
la belle Dame disparaissait rapidement à travers bois, reprenant pour
s’en aller le sentier par où elle était venue.
Lorsque les enfants rentrés à la maison, — la petite bergère avait fini
par traverser le canal et rejoindre ses compagnes, — racontèrent à la
mère Soubirous ce qui s’était passé, celle-ci entrevit la vérité, et dit à
l’enfant : « Quoi qu’il en soit, n’y retourne plus, je te le défends. »
(à suivre)
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 21 mars 1905. — Présidence de M. Jules Voisin.
Un cas de sommeil hystérique avec personnalité subconsciente.
Réveil avec dédoublement de la personnalité.
Considérations pathogéniques.
Par M. le D«f Etienne Jourdan (de Marseille)
{suite) (<)
I. — Personnalité de sommeil — Etat second.
Cette personnalité est caractérisée, dans son ensemble, par des
troubles de nutrition marqués par la perte complète de Pappétit, la
diminution et l’abolition des sécrétions, l’amaigrissement, l’asthénie
générale (ptoses viscérales et hypotonicité musculaire), un psoriasis
s’étendant à toute la surface cutanée, enfin des troubles du sommeil,
on peut dire de l’insomnie.
L’état psychologique qui constitue cette personnalité parait être, au
premier abord, un état de conscience complet. Marie-Louise se rappelle
tous les événements qui ont précédé sa maladie, elle se rend compte
de tout ce qui se passe autour d’elle, elle parle, répond correctement à
toutes les questions qu’on lui adresse et si ce n’étaient les troubles phy¬
siques qu’elle présente on ne penserait pas à examiner son état mental.
Dans cet état mental la défectuosité la plus apparente est une lacune de
la mémoire, une amnésie partielle : elle ne se rappelle absolument pas
l’émotion qu’elle a eue le *20 décembre 1901. Cependant cet état de
conscience est de pure apparence. En effet il suffit de fermer les yeux de
Marie-Louise pour qu’immédiatement, instantanément, elle n’ait plus
aucune perception tant interne qu’externe : elle ne se rappelle plus
rien, elle ne sait même plus son âge, elle est incapable d’un acte
volontaire ; bien plus, si elle exécute un mouvement elle n’en a aucune
fl) Voir n* de Juin 1905.
18
REVÜB DE l’hypnotisme
perception consciente ; c’est pourquoi elle ne sait ni où elle est ni dans
quelle position elle se trouve, elle ne sait même plus si elle vit. Par cet
acte simple, l’occlusion des yeux, elle perd toute faculté de localisation
dans l’espace et dans le temps. Ce fait nous montre que la conscience
dont dispose Marie*Louise se réduit à des perceptions visuelles; dès
que celles-ci disparaissent Marie-Louise est absolument inconsciente.
Ce rétrécissement du champ de la conscience rend compte du phéno¬
mène le plus bizarre, je veux dire le bruit gastrique. Marie-Louise res¬
pirant normalement ne sent pas qu’elle respire et ne voyant pas son
thorax se contracter elle ne croit pas respirer et par conséquent elle
pense s’étouffer. Aussi immobilisant la partie supérieure du thorax elle
contracte au maximum le diaphragme ; celui-ci «refoulant en dehors,
l’abdomen, déjà distendu du fait de l’hypotonicité musculaire, elle
voit son ventre se mouvoir d’une façon rythmique et synchrone aux
mouvements respiratoires, et elle a ainsi l’impression visuelle de
respirer. Et ce qui nous démontre que les spasmes diaphragmatiques
sont le résultat d’une opération mentale qui consiste à remplacer les
perceptions absentes par des perceptions visueUes c’est que, les yeux
fermés, bien que les spasmes persistent, Marie-Louise accuse cette même
sensation d’étouffement qu’elle accusera plus tard lorsque par la réédu¬
cation motrice elle aura réappris à respirer normalement et qu’elle
exprimera ainsi « en respirant comme vous le voulez je ne respire pas,
j’étouffe, tandis que lorsque je respire avec le ventre je respire bien ».
L’anesthésie éthyl-méthylique vient encore à l’appui de ce fait : dès que
l’anesthésie est réalisée les spasmes diaphragmatiques cessent, la
respiration normale se rétablit et la malade n’accuse aucune sensation
de mal être, d’étouffement. Mais dès que l’anesthésie est dissipée le type
respiratoire défectueux revient, ou, s’il est permis pour quelques
instants de maintenir la respiration normale, la malade accuse de
nouveau la même sensation d’étouffemènt. C’est que sous l’influence de
l’anesthésique toutes les perceptions centrales étant abolies la malade
en est réduite aux réflexes élémentaires ; tandis que dans Tétât de
sommeil, comme il existe des perceptions visuelles, leur absence déter¬
mine les sensations contraires à celles qui devraient normalement
exister. L’anesthésie éthyl-méthylique mieux que toute analyse psycho¬
logique, montre que Marie-Louise dans son sommeil possède un certain
degré de conscience. Cette conscience est limitée à des perceptions
visuelles ce qui explique que, d’une part, Marie-Louise multiplie ces
perceptions de façon à suppléer aux perceptions absentes, et d’autre
part que Tabolition de ces perceptions visuellesdétermine les sensations
contraires à celles qui devraient normalement exister. C’est pourquoi
les yeux fermés Marie-Louise accuse des sensations d etouffement,
d’incapacité psychique et motrice.
Après tout cela nous pouvons dire que la personnalité de Marie-Louise
dans son état de sommeil est constituée par un rétrécissement du champ
de la conscience limitée à des perceptions visuelles. Mais dire que le
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE * 19
champ de la conscience est rétréci, c'est supposer que la conscience qui
reste est normale. Or, il n'en est pas ainsi chez Marie-Louise. En effet,
lorsque celle-ci sera réveillée et qu’elle nous donnera ses impressions
sur son état de sommeil elle nous dira entre autres : « Dans cet état j’y
voyais, mais je n'y voyais pas clair, j’y voyais comme à travers un voile
de gaze ». Cela montre que les perceptions visuelles n’avaient pas l’in¬
tensité qu’elles auraient dû avoir, que les fonctions des centres visuels
participaient, dans une certaine mesure, au processus pathologique. Il
en résulte que les fonctions de la conscience n’étaient pas normales,
qu’il ne pouvait y avoir seulement rétrécissement du champ de la cons¬
cience, mais bien altération de cette conscience. De plus, au fur et à
mesure que se fera la progression de la personnalité, on verra apparaître
des souvenirs de perceptions sensorielles et cœnesthésiques autres que
des perceptions visuelles; c’est donc que Marie-Louise, dans son état de
sommeil, avait des perceptions multiples mais si peu intenses qu’elles
échappaient à la conscience. De sorte que la personnalité de sommeil
nous apparaît caractérisée bien plus par de la désagrégation mentale
que par un rétrécissement du champ de la conscience. La conscience
dont paraît disposer Marie-Louise provient simplement de ce fait que
les centres visuels étant les moins touchés, leur fonction était assez
intense pour lui donner l’apparence d’un être conscient.
II. — Personnalité de réveil
Elle est marquée par de la suractivité fonctionnelle. L’appétit est
revenu, il y a presque de la boulimie; les sécrétions reviennent, les
yeux, la bouche sont humides, l'émission d’urine est de deux litres en
24 heures, les règles sont plus abondantes et plus sanguines; la peau
blanchit, rougit; le psoriasis a complètement disparu; il n’y a plus de
ptoses viscérales, l’estomac est revenu à son volume normal, le ventre
s’est complètement effacé, les fonctions intestinales se font régulièrement;
l’asthénie musculaire a fait place à un certain degré d’hyperexcitabilité :
la malade ne peut rester en place, elle marche, court sans éprouver de
fatigue, elle ne peut rester longtemps assise, est capable de faire long¬
temps le même travail et de temps à autre elle éprouve un besoin
impérieux de se détendre, de crier, de courir. La tachycardie doulou¬
reuse a disparu, les battements du cœur sont moins fréquents mais plus
amples, le pouls est descendu à 90 pulsations.
Cette personnalité est marquée au point de vue psychologique par
deux caractères bien tranchés : !<> un état de conscience complet; 2® une
amnésie rétro-antérograde portant sur toute la durée du sommeil patho¬
logique.
Nous avons dit quel changement se produit dans la physionomie géné¬
rale de Marie-Louise dès son réveil; l’état psychologique qui la carac¬
térise à ce moment est, dans son ensemble, constitué par la sensation
de vivre : elle est tout à fait comparable au dormeur qui vient de se
20
REVUE DE l’hypnotisme
réveiller et qui reprend contact avec le monde extérieur. Elle regarde
avec curiosité autour d’elle, reconnaît les objets qui lui sont familiers,
se rappelle très exactement tous les incidents qui ont marqué sa vie
passée, le souvenir de l’émotion du 20 décembre revient dans sa mémoire :
« J’ai eu très peur et je me suis endormie ». Mais à partir de ce moment
elle ne se rappelle plus rien, sa vie semble arrêtée à ce point : c’est
le 21 décembre 1901, elle a 19 ans, elle est en pleine convalescence d’une
fièvre typhoïde, il y a à peine quelques jours qu’elle se lève et elle n’est
pas encore sortie ; aussi est-elle très étonnée de se trouver dans un
appartement qu’elle ne connaît pas, en présence d’un monsieur qu’elle
n’a jamais vu et elle se donne à elle-même cette explication : « Sans
doute, je ne pouvais pas me réveiller et on m’a amenée chez vous en
voiture pour que vous me réveilliez ». Et plus tard, revenue chez elle,
comme elle ne peut comprendre tous les changements qui se sont
opérés autour d’elle, elle demande des explications et celles-ci ne corres¬
pondant pas à sa mentalité du moment, elle ne sait que penser : devient-
elle folle ou se moque-t-on d’elle? Cette impossibilité de comprendre
l’énerve et l’agite.
Ce retour en arrière, cette régression de la personnalité au moment
où Marie-Louise s'est endormie n’a rien de surprenant et peut très bien
s’expliquer. L’émotion du 20 décembre 1901 a provoqué une anesthésie
générale telle que les perceptions sensitivo-sensorielles et anesthésiques
sont abolies; et si dans son état second Marie-Louise a toutes les appa¬
rences d’une personnalité consciente, c’est que, ayant encore à sa dispo¬
sition des perceptions visuelles, elle peut établir des points de repère
dans l’espace et dans le temps. Une fois réveillée, au contraire, l’anes¬
thésie générale ayant disparu, elle a de nouveau des sensations mul¬
tiples; or, comme ces sensations ne peuvent réveiller que des souvenirs
antérieurs à son état second, elle est ramenée à la période de sa vie où
ces sensations ont disparu. Marie-Louise se trouve dans le même état
que le dormeur qui, ayant dormi trente-six heures, croit, en se réveillant,
être seulement au lendemain du jour où il s’est endormi. Mais chez
Marie-Louise le cas parait plus complexe, car elle ne dormait pas com¬
plètement, puisqu’elle avait des perceptions visuelles. Il semblerait donc
qu’une fois réveillée, les sensations visuelles devraient réveiller non
seulement les souvenirs visuels antérieurs à l’état second, mais encore
ceux qui ont marqué cet état. Mais, nous l’avons dit en analysant la
personnalité seconde, les fonctions visuelles n'étaient pas normales, elles
étaient diminuées dans leur intensité, de sorte que les sensations
visuelles du réveil ayant leur intensité normale ne pouvaient réveiller
que des souvenirs visuels proportionnels à cette intensité, c’est-à-dire
des souvenirs antérieurs à l’état second. Il en est de même des autres
centres sensoriels dont les fonctions n’étaient pas complètement abolies
mais si diminuées que leur activité ne devint apparente que pendant
que s’effectua la progression de la personnalité. La façon dont s’est faite,
celle-ci vient à l’appui de ce que nous venons d’annoncer. Les souvenirs
SOCIÉTÉ d'hYPNOLOGIB ET DE PSYCHOLOGIE
21
de la période de sommeil qui apparaissent dans le champ de la cons¬
cience sont tout d’abord les souvenirs visuels ; de plus, ces souvenirs
apparaissent non pas dans Tordre chronologique de leur production,
mais suivant Tintensité de leur fixation. Marie-Louise s’est endormie le
20 décembre 1901,elle n’a été conduite à Mezzieuxqu’en octobre 1902,ce sont
cependant les souvenirs relatifs à cet établissement qui font les premiers
leur apparition : Marie-Louise voit rétablissement^ la sœur qui la soigne,
les docteurs qui la visitent, la chambre dans laquelle elle est couchée,
mais elle ne peut se souvenir ni du nom de l’établissement ni de celui
de la sœur ou des docteurs, c’est ce qui lui fait croire qu’elle a rêvé :
« Si cela était réellement, je me rappellerais les noms et l’endroit ».
Ces souvenirs viennent ensuite et Marie-Louise ne doute plus de la réalité.
Il en est de même de sa visite au docteur Bouveret : elle voit le docteur
qu’elle dépeint très bien ainsi que son cabinet, mais elle ne se rappelle
ni le nom du docteur ni celui de la ville qu’il habite ; ces deux noms
viennent ensuite. Et il en est ainsi pour tous les événements qui ont
marqué son état second : les souvenirs visuels viennent les premiers, les
autres suivent. Les souvenirs anesthésiques sont les derniers à faire
leur apparition. Marie-Louise se rappelle le bruit produit par son esto¬
mac mais elle a peine à croire à sa réalité : « Si ce bruit était si fort
que je l’imagine, je ne sais comment j’ai fait pour le supporter, car
maintenant je ne le supporterais pas ». Elle se rend compte de l’état de
malaise dans lequel elle se trouvait : a J’avais la tête lourde comme si
j’avais eu un grand poids dessus ; il me semblait que mon cerveau était
entouré de coton ; j’étais incapable de faire un mouvement, je ne man¬
geais pas, je ne marchais pas, je ne faisais rien parce que lorsqu’on dort
on ne peut rien faire ». Pendant toute la progresion de la personnalité,
comme il était facile de la faire passer d’un état dans Tautre, elle disait :
« Je mène deux vies différentes, une de sommeil, une de réveil ; dans
Tune, je suis comme endormie, lourde, j’y vois clair mais sans y voir
clair, il me semble que c'est la tête qui est endormie; quand je suis
réveillée, je ne sais pas bien comment je suis, mais je comprends qu’il
y a une différence, je ne suis pas lourde, mais légère et j’y vois bien.
Avant que vous me réveilliez, je ne pouvais pas me réveiller toute seule,
il me semblait que j’avais un obstacle insurmontable dans la tête, mais
pourquoi m’avez-vous laissé dormir si longtemps? » Au fur et à mesure
que se poursuit la progressoin de la personnalité, que s’engrènent et
s’amalgament les souvenirs de l’état second avec l’état de réveil, la
conscience de Marie-Louise tend vers la normale et la progression finit,
c’est-à-dire lorsque Marie-Louise se retrouve identifiée au milieu exté¬
rieur, elle est redevenue elle-même.
La façon dont s’est faite la progression de la personnalité montre que
Marie-Louise, dans son état second, avait non seulement des perceptions
visuelles mais encore d’autres perceptions sensorielles et anesthésiques.
Ces perceptions n’ayant aucun lien associatif entre elles, Tétat psycho¬
logique qui en résultait était constitué par un défaut de synthèse men-
RfiVUË DE L^HTPNOtlSMB
23
taie, de la désagrégation mentale bien plus que par un rétrécissement
du champ de la conscience. On peut dire même que tous les centres
cérébraux étant atteints dans leur fonction, il ne peut s’agir de conscience,
si rétréci qu’en soit le champ, mais bien d’une conscience diminuée
dans son ensemble, d’une conscience subliminale, suivant l’expression
de Myers, d’une subconscience.
(à suivre)
La Psychologie des Jeux de hasard.
Par M. Hermann Laurent,
Examinateur à l’Ecole Polytechnique.
Un des plus grands maux qui afflige l’humanité est la passion des
jeux de hasard. Cette passion dégrade celui qui en est la victime, le
conduit au déshonneur, à la ruine, au suicide.
Je me propose d’étudier l’état mental des joueurs en laissant aux mé¬
decins le soin de les guérir, si c’est possible, et en essayant de leur
fournir quelques indications.
Mais avant d’aborder mon sujet, je demanderai la permission de don¬
ner quelques définitions et d’emprunter quelques faits à cette branche
des mathématiques que l’on appelle le calcul des probabilités.
La probabilité d’un événement dû au hasard est un nombre qui par
sa grandeur indique le plus ou moins de chance d’arrivée de cet événe¬
ment, c’est un nombre qui est d’autant plus grand que cette chance est
plus grande.
Prenons un jeu de 32 cartes, tirons-en une au hasard, il y a évidem¬
ment autant de chance pour que la carte tirée soit rouge que pour
qu’elle soit noire. Il y a trois fois moins de chance pour tirer un cœur
que pour tirer toute autre carte ; pourquoi ? parce qu’il y a trois fois
plus d’autres cartes que de cœurs. De même, il y a 31 fois moins de
chance de tirer l’as de cœur que toute autre carte, car il n’y a qu’un as
de cœur et 31 autres cartes. Les chances des événements sont donc pro¬
portionnelles en quelque sorte au nombre des cas qui favorisent leur
arrivée.
Nous arrivons ainsi à définir de la manière suivante la probabilité
d’un événement ou le nombre qui mesure sa chance.
La probabilité d’un événement dû au hasard est le nombre obtenu en
divisant le nombre des cas favorables à l’arrivée de cet événement par
le nombre de tous les cas qui peuvent se présenter, tous les cas favo¬
rables ou non ayant la même facilité de se présenter.
Ainsi nous dirons que la probabilité de tirer une rouge dans un jeu
de 32 cartes est 16/32 ou 1/2, parce que le nombre des cas possibles est
représenté par le tirage de 32 cartes et que le nombre des cas favora¬
bles à l'arrivée d’une rouge est 16. La probabilité de tirer un as est
4/32 ou 1/8, etc.
La probabilité d’amener le point 6 avec un coup de dé est 1/6, parce
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIB ET DE PSYCHOLOGIE
23
que Ton peut amener avec la même facilité 1,2, 3, 4, 5, 6 et que sur ces
six cas possibles un seul amène le point 6.
Voici maintenant^ au sujet des épreuves répétées, une loi énoncée par
Jacques Bernoulli, démontrée à la fois par Texpérience et l'analyse ma¬
thématique.
Si on fait un très grand nombre d’observations d’un événement dont
la probabilité reste toujours la même, cet événement se présente un
nombre de fois égal au produit de sa probabilité par le nombre des
épreuves, plus ou moins un nombre qui est moindre environ que le
double de la racine carrée du nombre des observations.
Par exemple, si l’on joue à pile ou face, la probabilité d’amener face
est 1/2 ; si on projette 10.000 fois une pièce sur le sol, on amènera face
un nombre de fois compris entre 5.000 plus ou moins 200.
II résulte de là, et cela est conforme aux indications du bon sens, que
dans un jeu de hasard les mises des joueurs, en toute équité, doivent
être proportionnelles aux gains qu’ils peuvent espérer et aux probabi¬
lités qu’ils ont de les obtenir.
A pile ou face, le parieur pour pile et le parieur pour face doivent
mettre le même enjeu, A la loterie, s’il y a 10 numéros, celui qui mise
sur le numéro 1 doit mettre un enjeu 9 fois moins fort que celui qui
parie pour les 9 autres numéros.
Si l’on appelle espérance mathématique d’un joueur le produit de la
somme qu’il espère gagner par la probabilité qu’il a de le gagner, sa
mise devra équitablement être égale à son espérance mathématique.
Or voici cè que procure à la fois l analyse mathématique et une longue
et impartiale observation des faits :
Quand des joueurs jouent avec des mises équitables, le plus riche
ruinera probablement les autres, et cela d’autant plus probablement
qu’il sera plus riche.
Si un joueur au lieu de miser une somme égale à son espérance
mathématique, mise une somme un peu plus faible, il s’enrichira indé¬
finiment. S’il mise une somme un peu plus forte, il se ruinera certai¬
nement.
Et maintenant tirons de là une conclusion : le joueur de profession
jouant contre le public infiniment plus riche que lui se ruinera infailli¬
blement.
Les pontes qui à la roulette jouent contre un banquier qui se réserve
un léger avantage, contribuent à enrichir rapidement ce banquier et
courent encore plus rapidement à leur propre ruine que s’ils jouaient à
des jeux équitables.
Et ces conclusions, il n’était pas besoin d’être grand mathématicien
pour les deviner, il suffisait d’avoir un peu de bon sens ou un peu d’es¬
prit d’observation ; il n’était pas mauvais cependant de montrer que le
raisonnement rigoureux était d’accord avec le bon sens, afin de montrer
que le bon sens était comme le plus souvent du bon côté.
Le joueur est donc un homme privé de bon sens, c’est un homme qui
24
REVUE DE L HYPNOTISME
se grise au jeu comme l’alcoolique qui se grise avec l’eau-de-vie : le
premier se ruine et ruine les siens, comme le second ruine sa santé et
celle de ses enfants; l’un perd le sens du bien et du mal sous l’influence
de l’alcool, l’autre pressé par le besoin du jeu finit par commettre des
indélicatesses pour réparer ses pertes. Tous deux finissent souvent par
le suicide, le parallélisme est presque complet. Et souvent le joueur est
un ivrogne ! un débauché !
Il y a trois espèces de jeux, la première catégorie comprend les jeux
équitables, la seconde souvent plus alléchante comprend les jeux où un
banquier se réserve des avantages, mais les joueurs connaissent ou
devraient connaître les probabilités qu’ils ont de gagner ; enfin, la der¬
nière catégorie, comme les jeux de courses de chevaux, comme les jeux
de bourse, sont des jeux dans lesquels il est presque impossible ou tout
à fait impossible de connaître les probabilités que l’on a de gagner; ces
jeux, qui sont encore plus passionnants que les autres, sont aussi de
beaucoup les plus dangereux.
Essayez de convertir ou si vous voulez de guérir un joueur, car c’est
un malade, il vous opposera une foule de bonnes raisons pour continuer.
L’un vous dira qu’il a trouvé un moyen infaillible de gagner. Le malheu¬
reux ne réfléchit pas que, si ce moyen existait, d’autres que lui, tous les
autres l’emploieraient, et que s’il était seul à le connaître, l’emploi de
ce moyen serait un vol. Un autre osera vous dire qu’il a brûlé un cierge
à la Sainte Vierge ou qu’il a fait quelqu’autre dévotion ; il y en a qui
ont recours aux talismans ! Enfin, il y en a qui trichent.
Il y a des joueurs qui ont recours à ce que l’on appelle des martin-
gales, procédé ingénieux qui consiste à doubler sa mise toutes les fois
que l’on perd; il est clair qu’au coup où l’on gagne, on a compensé les
pertes antérieures, mais avant de gagner, longtemps avant de pouvoir
théoriquement gagner, on peut s’ètre ruiné, et puis il faut pouvoir trou¬
ver un adversaire consentant à jouer de fortes sommes, le banquier à
Monaco s’y refuse et il n’accepte le jeu que contre espèces sonnantes.
Les joueurs, comme les autres aliénés, font parfois des raisonnements
subtils, mais qui pêchent par quelque côté. J’ai connu un joueur qui me
proposait un moyen infaillible de gagner à la roulette. Ce moyen con¬
sistait à faire jouer toute une journée des amis et à envoyer le perdant
à la roulette. « En vertu, disait-il, de la loi d’équilibre, ne pouvant pas
toujours avoir la déveine, il gagnera à la roulette. »
S’il est difficile d’empêcher le joueur de se livrer à des jeux équita¬
bles, il est plus difficile de Tempécher de jouer à la roulette, probable¬
ment à cause des plaisirs qui lui sont offerts à côté s’il gagne. Il est
encore plus difficile de l’empccher de parier aux courses et de jouer à
la Bourse. Comme à tous les jeux, on y gagne quelquefois à la Bourse ;
je suis un habile homme, je suis un fin politique, s’écrie alors le joueur.
« Point, lui répond Oourable Seneuil, vous avez joué dans le même sens
que MM. X..., Y..., Z... et vous n’en saviez rien, n MM. X..., Y..., Z.*.,
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
25
en elTet, sont de gros financiers qui font à volonté la hausse et la baisse^
au moins en temps normal.
Ainsi, comme je Tai dit, les joueurs sont de véritables aliénés, on
peut prévenir chez eux le mal en leur montrant la vérité avant que la
passion du jeu ne se soit développée ; on peut aussi défendre les jeux ;
mais nos législateurs finiront-ils par comprendre les dangers des paris
de courses^ nos gouvernants se sentiront-ils un jour assez forts pour faire
la loi dans la minuscule principauté qui s’enrichit en volant de pauvres
fous?
Et maintenant la parole est aux médecins qui pratiquent la psycho¬
thérapie et guérissent les maladies morales.
Discussion
M. Bèrillon. — Les joueurs passionnés sont d’ordinaire des indi¬
vidus doués d’une volonté faible, des psychasténiques ; ils sont très
fréquemment des alcooliques, des désœuvrés. Dans la vie courante ils
se montrent essentiellement abouliques, et par peur ou incapacité de
prendre une résolution il est fréquent qu’ils s’en remettent au hasard.
L’éducation devrait apprendre aux enfants à ne jamais s’en remettre
au hasard, à faire des choix réfléchis, à agir toujours en vertu d’une
décision raisonnée.
M. Lionel Dauriac. — Pour moi, j’irais plus loin, et j’interdirais qu’on
prononçât devant les enfants des mots vides de sens, tels que le Ha¬
sard, la Guigne, la Veine. J’ajoute que la passion du jeu est le dernier
refuge de la superstition; certains, pour gagner, mettent toujours tel
vêtement, s’asseoient toujours sur le même siège spécial, etc. Trans¬
former une chaise en divinité protectrice, cela vaut la mentalité des
sauvages! Il est même très curieux d’observer l’alliance de la supersti¬
tion et de la dévotion : certains chapelets sont des porte-bonheur et
l’on met la chance de son côté en se livrant à des prières déterminées,
en promettant des ex-voto^ en se livrant à divers exercices de piété.
M. Blech. — Dans divers milieux, j’ai souvent constaté que des gens,
même très sérieux, mais profondément abouliques et incapables d’ini¬
tiative, avant de prendrb une décision, ouvrent la Bible au hasard,
posent, également au hasard, le doigt sur un verset. Suivant que ce
verset est afiirmatif ou négatif, ils exécutent ou n’exécutent pas l’acte
au sujet duquel ils restaient dans l’irrésolution.
M. Bèrillon. — J’ai connu des joueurs qui ont successivement perdu
au jeu plusieurs héritages considérables. Quand ils jouent, ils n’ont pas
lé moindre empire sur eux-mêmes; ils sont à la merci de l’ambiance.
Par là même ils font preuve d’un état d’hypersuggestibilité excessif;
étant hypersuggestibles, on doit les considérer comme justiciables de
la psychothérapie. Les joueurs qui demandent au traitement suggestif
la guérison de leur passion ont été rares jusqu’à ce jour. Il est probable
que dans un temps déterminé leur nombre augmentera. Je souhaiterais
RBVUE DE l’hypnotisme
2H
d’avoir Toccasion de tenter l’expérience et d'essayer sur des joueurs
invétérés l’influence curative de la suggestion hypnotique.
M. Paul Magnin.— A côté des joueurs par passion qui sont incapables
de se maîtriser, il faut placer ceux qui vivent du jeu, sans être joueurs.
Ceux-ci n’aiment pas le jeu ; ils le détestent même ; mais c’est pour eux
un gagne-pain. Etant profondément maîtres d’eux-mêmes, ils vivent de
l’emballement ou des fautes des joueurs effrénés. Plus avisés, ces
joueurs par profession ne joueront jamais aux jeux de pur hasard ; ils
calculent très minutieusement les chances et recherchent des gains
modestes, mais sûrs. Il ne faut pas les ranger dans les catégories indi¬
quées plus haut. Je reconnais néanmoins que leur disposition d’esprit
ne témoigne pas d’une très grande moralité, puisque leurs combinai¬
sons reposent essentiellement sur l’exploitation des vices d’autrui.
PSYCHOLOGIE SOCIOLOGIQUE
Le code moral Japonais. — Le bushido.
Une conférence faite à la salle de la Société de géographie sous la
présidence de notre savant collaborateur, M. Félix Régamey, professeur
à l'Ecole de Psychologie, vient de nous initier à la connaissance du
code qui a présidé à la formation morale du peuple japonais actuel. Ce
code, désigné sous le nom de Bushido, était l'ensemble des devoirs et
des règles auxquels devaient s’assujettir les membres de la caste mili¬
taire des samouraï.
Cette conférence fut faite, sous les auspices de la Société franco-japo¬
naise, par M. le Marquis de la Mazelière. Il a démontré que la morale
chevaleresque imposait comme principaux devoirs au Samouraï le
setsugi^ la fidélité au daîmîo, et le meiyOy l’honneur. Un bushi était
tenu de se signaler par sa bravoure. Le peuple lui-même, qui compre¬
nait la peur chez les gens du commun, ne souffrait pas qu'un samouraï
fut lâche. Parole de bushi était parole sacrée : un proverbe dit : bushi
ni nigou nashi, un chevalier n'a pas deux paroles. Le samouraï mépri¬
sait le mercantilisme qui entraîne forcément les compromissions et les
manquements à l'honneur. Le samouraï devait cultiver son caractère et
acquérir la maîtrise de soi-même. Il ne disait pas, comme le philosophe
grec : « Douleur tu n’es qu’un mot. » Il dit : « Douleur tu existes, mais
tu ne pourras me vaincre. » 11 devait aussi s’habituer à regarder la
mort en face ; à ce sujet, un écrivain japonais Kinso, formule le précepte
suivant : « Sortez-^vous ? sortez comme un homme qui ne doit pas ren¬
trer ; ainsi vous serez prêt à tout- » Cette citation suffirait à elle seule
pour indiquer le stoïcisme auquel étaient arrivés les samouraï.
Le D*" Weisgerber vient également de publier sur les samouraï une
étude à laquelle nous empruntons les renseignements suivants :
L’origine des samouraï remonte au huitième siècle. L’empereur
PSYCHOLOGIE SOCIOLOGIQUE
27
Chomon qui régnait alors voulut créer une armée solide et recruta à cet
effet les jeunes gens les plus vigoureux, les meilleurs cavaliers et les
archers les plus adroits de tout le pays. On leur donna une éducation
militaire, puis on les attacha au service des daîmio et autres vassaux du
mikado auprès desquels ils occupaient une situation analogue à celle
des chevaliers auprès des seigneurs feudataires de notre moyen-âge. Ils
formaient ainsi des clans guerriers qui, tous ensemble, constituaient
une caste spéciale : Taristocratie militaire des bushi ou samouraï.
Les samouraï collaboraient à l'administration des fiefs soumis à la
juridiction de leur seigneur, faisaient la guerre à ses ennemis et se
rendaient avec lui à Tappel du mikado quand celui-ci avait besoin de
leurs services. Leurs loisirs étaient consacrés au tir à Tare, à Tescrime
au sabre et à la lance, à Téquitation, à la littérature.
Ils étaient très Gers et tous leurs actes devaient être conformes aux
principes du bushido (de bushi, guerrier, et do, chemin), sorte de
code de l’honneur chevaleresque, Gdèlement observé et transmis de
génération en génération, qui pour beaucoup d’entre eux était une véri¬
table religion — souvent même la seule religion.
Le samouraï portait toujours deux sabres dont le plus long, le katana
était son arme préférée de combat, tandis que le plus court, le wakisachi,
servait uniquement au suicide légal. Le sabre, « Tâme du bushi », était
l’objet d’un véritable culte et se conservait pieusement dans les familles.
On pouvait voir des samouraï appauvris et misérablement vêtus portant
avec Gerté des lames signées Masamouné, Mouramasa ou Yochimitsou
et valant des milliers de franc. Les armuriers appartenaient à la noblesse
de par leur profession et revêtaient leur costume de cour pour mettre
la dernière main à une arme de prix.
Les enfants de samouraï recevaient une éducation à la fois Spartiate
et athénienne, composée d’exercices physiques qui les assouplissaient et
les fortiGaient, les rendaient indifférents à la douleur et les préparaient
au métier des armes, et d’études littéraires qui leur ornaient le goût
et l’esprit. Dès leur plus tendre jeunesse, on leur inculquait les prin
cipes moraux du bushido qui leur enseignait toutes les vertus martiales
et chevaleresques : le courage, le mépris du danger, le calme en face de
la mort, la loyauté, la Gdélité et le dévouement au seigneur et au mikado,
le devoir de venir en aide aux faibles et de secourir les opprimés ; puis
la simplicité, la sobriété, l’hospitalité et la politesse.
Un autre enseignement du bushido était celui de l’impossibilité pour
un samouraï de survivre au déshonneur : ce fut l’origine du seppoukou
ou harakiri, cette forme étrange du suicide qui consiste à s’ouvrir le
ventre.
Les samouraï condamnés à mort avaient le droit de faire harakiri et
échappaient ainsi à l’exécution infamante par la main du bourreau.
Souvent ils se suicidaient pour ne pas rester sous le coup d’une insulte
ou pour expier un acte qui aurait terni leur nom ou ruiné leur famille ou
28 REVUE DE l'hypnotisme
bien encore pour ne pas survivre à la ruine ou à la disgrâce de leur
seigneur.
Le harakiri s’accomplissait généralement en grande cérémonie et
l’étiquette qui en réglait les moindres détails ne devait pas avoir de
secrets pour ceux qui pouvaient être appelés à y tenir le rôle principal.
Tout samouraï devait être capable de jouer ce rôle terrible sans se
troubler, il devait se poignarder sans sourciller et s'ouvrir le ventre
suivant la règle, de gauche à droite ; il devait rester calme et serein
jusqu’au bout : jusqu’au moment où le kaichakou, l'ami chargé de lui
rendre le service suprême d’abréger ses souffrances, lui abattait la tête
d’un coup de katana.
Malgré ses conceptions exagérées, le bushido constituait un système
éthique de tout premier ordre, et l’observation rigoureuse de ses prin¬
cipes jointe a la culture physique et intellectuelle, faisant des samouraï
l’élite du peuple nippon. Ils en restèrent la classe dominante jusqu’à la
révolution de 1867.
Celte révolution, la plus radicale qui se soit jamais faite, aboutit à la
suppression du chogounat par le mikado, à la disparition du régime
féodal et à l’émancipation de la nation japonaise par son empereur
Moutsou-Hito, le plus grand — sans conteste — des souverains régnants.
C’est alors que les daïmio et les samouraï eurent l’occasion de donner
toute la mesure de leur noblesse réelle. D'un commun accord, ils renon¬
cèrent à leurs privilèges, aux revenus attachés à leur position et —
sacrifice peut-être plus pénible encore — au port du katana et du
wakisachi.
Quelques grands seigneurs — il est vrai — regrettèrent le régime
féodal et leur puissance perdue. La révolte de Satsouma éclata. Mais
presque tous les samouraï, bien qu’appauvris, presque réduits à la
misère par le nouvel état de choses, restèrent fidèles au mikado et répri¬
mèrent l’insurrection.
La transformation fondamentale du Japon amena la création de tous
les rouages d’un Etat moderne, et les samouraï se transformèrent en
une armée de fonctionnaires souvent mal rétribués mais toujours
respectés et dévoués corps et âme au service du Daî nippon.
Le gouvernement en lit surtout des instituteurs et des officiers, des
éducateurs du peuple. Et tout naturellement, à la caserne comme à
l’école, ils se mirent à enseigner à leurs élèves les principes moraux
de leur caste. Et le bushido, débarrassé de ce qu’il avait d’excessif,
adapté aux besoins des deux sexes et de toutes les classes de la popu¬
lation, constitue aujourd’hui le fond moral de l’enseignement japonais.
Il explique comment le culte du courage uni à celui de la patrie
forme un grand peuple et lui assure la victoire.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
29
CHRONIQUE & CORRESPONDANCE
Banquet de la Société d'hypnologie et de psychologie
Après la quatorzième séance annuelle, qui a eu lieu le mardi 20 juin,
les membres de la Société se sont réunis en un banquet amical. M. le
D** Albert Robin, médecin de Beaujon, membre de l’Académie de méde¬
cine, présidait. A ses côtés avaient pris place, M. le D' Jules Voisin,
médecin de la Salpêtrière, président, M. Melcot, avocat général à la
Cour de cassation, M. Lionel Dauriac, professeur honoraire à la Faculté
de Montpellier, vice-président, M. le D' Paul Magnin, professeur à
l’Ecole de psychologie, vice-président, M. le D*’ Triboulet, médecin des
hôpitaux, M. le 0*“ Bérillon, médecin-inspecteur des asiles d’aliénés,
secrétaire général de la Société, M. le D'’ Boix, rédacteur en chef des
<t Archives générales de médecine ».
Parmi les convives, nous devons citer M. le D** Feuillade (de Lyon),
M. le D** Paul Joire (de Lille), MM. les Farez, Bianchi, professeurs
à l’Ecole de psychologie, M. le D' Raffegeau, directeur de l’établisse¬
ment hydrothérapique du Vésinet, M. le D'^Pottier, médecin de la mai¬
son de santé Picpus. MM. les D" de Groer (de Varsovie), Bernard (de
Cannes), Demonchy, Le Menant des Chesnais, Poulalion, Saqui, Pamard,
Courlault, Barbier (de Paris), Kent-Monnet (de Nice), Lipinska (de
Luxeuil), MM. Lépinay, Louis Favre, Félix Régamey, Blieck, pro¬
fesseurs à TEcole de psychologie, Grollet, secrétaire général de la So¬
ciété de pathologie comparée, Curot, médecin-vétérinaire, M. le capi¬
taine Crespin de Beauregard, MM. Gallia, professeur, Laurent-Cely,
avocat à la Cour d’appel, M. Blech, docteur en droit, Gosset, pro¬
fesseur, M. Maillols, statuaire.
M. le D' Farez, secrétaire général, donne lecture de télégrammes qu’il
vient de recevoir de M. le D' Orlitsky (de Moscou), et de M. le D*" Hœ-
berlin, de l’Ile de Fuhr (Allemagne). Il fait part de nombreuses lettres
d’excuses venues de toutes parts et dont les auteurs font des vœux pour
le succès de notre Société. Parmi elles nous citerons celles de M. le D'
Huchard, membre de l’Académie de médecine, Beaunis professeur
honoraire à TUniversité de Nancy, Raymond, professeur à la Fa¬
culté de médecine, D»* Brousse, président du Conseil municipal de
Paris, Landrieux, médecin de Lariboisière, Muteau, député, ancien
président de la Société internationale d’assistance, D** Van Velsen (de
Bruxelles), Lloyd-Tuckey (de Londres), Domenech y Lonch (de Barce¬
lone), M. Fringnet, inspecteur de l'Académie de Paris, D'’ Ricard, séna¬
teur, D*" Witry (de Trêves), 0*“ Jaguarribe (de Sao Paulo), D** Bou-
hazeb (de Tunis), D** Lemesle (de Loches), D** Marnay (de I^oches), D**
Larrivé (de Meyzieu, Isère), M. Ducloux, vétérinaire-sanitaire (de Tunis),
0*“ Godon, directeur de l’Ecole dentaire, M. Guénon, vétérinaire prin¬
cipal à Chalon, M. de Milloué, conservateur du musée Guimet, M.Cou-
taud, président de hi Société protectrice des animaux, M. Valentino,
30
RBVUB DE l'hypnotisme
chef de bureau au minitère des Beaux-Arts, D*" Jacques Bertillon,
directeur de la statistique municipale^ D' Kéraval, médecin de Tasile
de Ville-Evrard, Leblond, médecin de Saint-Lazare, D” Félix Ré¬
gnault, Ohervin, Fournier, Bilhaut, Saint-Hilaire, Lux, médecin- major
de classe, Binet-Sanglé, Mélinand, professeur de philosophie au
lycée Lakanal, Baguer, directeur de l'Institut départemental des Sourds-
Muets, etc.
M. le D' Bérillon, au nom de la Société, remercie M. le D' Robin de
l'honneur qu'il a fait à la Société en acceptant la présidence de la séance
annuelle et du banquet. Il rappelle les services rendus par le D*’ Albert
Robin à la clinique et à renseignement de la thérapeutique. Il annonce
que pour donner à ses élèves plus de facilités pour s’instruire, M. Ro¬
bin vient de créer à Thèpital Beaujon, un dispensaire où un grand
nombre de femmes du monde apportent aux médecins le concours de
la bienfaisance. Le dispensaire de l’hôpital Beaujon constitue une véri¬
table révolution dans l'assistance hospitalière et les résultats de cette
œuvre scientifique seront considérables. Le D' Bérillon rappelle les
services rendus à la Société par le président M. Jules Voisin, auquel on
doit à la Salpêtrière l'organisation d’un service modèle pour le traite¬
ment des enfants arriérés et vicieux. Il remercie également M. Melcot,
avocat général à la Gourde cassation, qui a apporté les encouragements
de la haute magistrature aux études que poursuit notre Société sur la
responsabilité morale et pénale. Enfin, le Secrétaire général a exprimé
les remerciements de la Société à M. Maillols, statuaire, auteur d’un
remarquable buste du D' Liébeault, dont le modèle ornait la salle des
séances et celle du banquet.
M. le D*" Voisin a ensuite porté un toast aux membres du bureau de
la Société et à tous leurs collaborateurs. Il est vivement applaudi.
M. le D** Albert Robin, aux applaudissements de tous, lève son verre en
l’honneur des membres de la Société venus de la province et de l’étran¬
ger et il fait l'éloge de la Société qui a contribué à développer les rap¬
ports de la médecine et de la psychologie.
Après le banquet, on présente aux invités « une liseuse de pensées ».
Après diverses expériences, des explications fort instructives démon¬
trent par quels moyens mnénotechniques cette liseuse de pensées
donne l'illusion de son pouvoir. Nous reviendrons sur cette présentation
et exposerons à nos lecteurs les détails de ces expériences.
NÉCROLOGIE
Gabriel Tarde
Sur le maître philosophe mort récemment nous empruntons cette
page publiée par VEuropéen du 21 mai, sous la signature de Mony Sabin.
Atteint d’anévrisme, le philosophe Tarde a été trouvé mort dans sa
chambre, le 13 mai au matin. La crise fatale le surprit en pleine éner¬
gie de travail incessant, durable et passionné et au début d'une sérénité
CHRONIQUE BT CORRESPONDANCE
31
intellectuelle qui s'annonçait pure de tout calme faux, acquis par la
routine et le succès.
Sa mort, non seulement laisse un grand vide parmi les représentants
de la Pensée française, dont il était, aux yeux de l’étranger, Tun des
deux ou trois les plus autorisés, mais aussi elle cause un véritable
désastre intime à tous ceux qui aimaient en Tarde l’homme complet et
véridique.
Quiconque l’a vu et Ta écouté, au Collège de France, à l’Académie
des sciences morales ou aux Congrès de l’Institut international de So¬
ciologie, n’oubliera jamais sa figure, sa voix et sa franchise, toute trois
prenantes au plus haut degré. Figure étrange et particulièrement pâle,
on aurait dit celle d’un montagnard roumain ou bien celle d’un ouvrier
mineur italien. Stature haute et anguleuse qui se contractait ou s'allon¬
geait dans l'assaut des argumentations. Mais c’est l'accent rauque et
discordant, aigu et souterrain, avec lequel il causait et convainquait,
qui était le plus obsédant. Les prunelles élargies derrière le lorgnon :
le verbe entrecoupé et chercheur, mais impétueux et entraînant; le
buste soudain raidi : c’est bien de cette façon impressionnante que
Tarde s’offrait à la discussion. Il y donnait très simplement et tout de
suite, toute sa pensée et toute sa passion. Aussi ne tarda-t-il pas à
s’imposer aux plus sceptiques et aux plus systématiques de ses collè¬
gues.
Sociologue, criminaliste, et statisticien. Tarde ne cessait d'étonner
et de passionner tous les esprits par la richesse et le surprenant déve¬
loppement continu de ses idées. Dans tout l’ensemble, assez considéra¬
ble, de ses travaux d’anthropologie criminelle et de sociologie, on ne
trouve rien d’usé ni de replâtré, pas une do ces pensées rouillées qui
déparent les œuvres de la plupart des sociologistes actuels.
Tour à tour, rectificateur de Lombroso, premier doctrinaire de la
sociologie criminelle, chef du mouvement de réaction contre le méca¬
nisme social d’Herbert Spencer créateur de l’inter-psychologie, l’auteur
des Lois de VimitSition^ de la Logique sociale et de dix autres ouvrages
définitifs doit être considéré comme l’un des précurseurs, de la Science
sociale, de cette sociologie subjective, disons même spiritualiste, telle
qu’elle apparaîtra demain. — Contentons-nous de dire dans cette note
que Tarde sentit autant que Comte la nécessité de condenser et syn¬
thétiser les lois émises par toutes les sciences sociales. Mais il sut,
plus humainement pour ainsi dire que Comte, que Cournot (qu’entre
parenthèses il consulta de très près et à toute occasion) et que n’im¬
porte quel sociologue contemporain, qu’il fallait d’abord analyser ces
lois et les voir envelopper toutes des faits généraux ou des faits sem¬
blables, répétitifs, susceptibles de se répéter indéfiniment. L’étude ap¬
profondie du Droit et de ses transformations lui donna, à lui le premier,
une certitude sur cette similitude préalable qu’il y a entre les hommes
que doit unir un acte juridique : similitude ou répétition qui est bien
l’ordre élémentaire et fondamental des faits sociaux. Sa certitude ne
32
REVUE DE L’hYPNOTISWE
manqua de se communiquer insensiblement, imitativement, pour parler
comme lui, à toutes les recherches sociologiques de nos jours.
Tarde a démontré comment notre vie sociale est due à une répétition
sociale, à rimitation. Il a découvert dans Timitation le fait social^ élé¬
mentaire, le premier et le plus dominant des liens sociaux universels.
Organiquement, d’ailleurs, nous n’existons que grâce à une autre sorte
de répétition vitale qui est la nutrition, et l’univers à son tour se réduit
à une répétition physique, â la périodicité ondulatoire et gravitatoire.
Admettons, d’un autre côté, la part d’accidentel qu’il y a dans toute
invention, dans toute systématisation : nous verrons l’imitation en dé¬
couler, ainsi que le nécessaire découle de l’accidentel. L’imitation est la
commune substance — la croyance et le désir transmis d’esprit à esprit
— progressant géométriquement, réfractée par le milieu et impliquée
dans tous les rapports linguistiques, religieux, scientiflques, politiques,
juridiques et moraux, économiques, esthétiques. Elle est â la sociologie
juste ce que les mouvements périodiques sont à la physique, juste aussi
ce que les phénomènes physico-chimiques reproduits par génération
interne et externe sont à la biologie. L’autonomie de la science sociale
est désormais assurée, puisque la conscience morale est libérée de ces
bornes uniformes et fatalistes Centre lesquelles les Spenceriens et
M. Durkheim la condamnent à évoluer.
Conscience sociale, esprit social, unité sociale d’une collectivité, voilà
ce que Tarde a bien expliqué parce qu’il a nommé la logique sociale et
qui relie les éléments et les produits communicables de la logique indi¬
viduelle (psychologie intra-cérébrale) dans des ensembles complets et
solidaires (psychologie inter-cérébrale). Une interprétation toujours
plus parfaite de la conscience sociale caractérise les aspects et états
sociaux à mesure qu’ils se succèdent. Des initiatives, des inventions, si
infinitésimales qu’elles soient, chaque jour réunissent, sont imitées,
sont, intégrées. A tout moment, des valeurs sociales élaborent le choix
social rationnel, l’opinion publique, la tradition, et cette élaboration est
en perpétuel changement.
Des ondes de sentiment animent et affranchissent les individus et les
foules. Si bien que les ondes de l’âme se prolongent en ondulations
sociales infinies, indéfiniment évoluantes. Ce sont ces lois auxquelles
obéissent ces séries d’action d'esprit à esprit^ inter-mentales, que Tarde
a fixées.
On a dit, — c’est, si je ne me trompe, M. Combes de Lestrades, — que
pour avoir ainsi découvert une des trois lois qui expliquent l’évolution
humaine, Gabriel Tarde demeurera aussi grand que Lamarck etque Dar¬
win. Cela pourra bien être. Ce qui est sûr, c’est que chacun de ses livres
apparaît, dès maintenant, comme un monde fertile et frais, où les âmes
indécises et inquiètes peuvent puiser, regagner confiance et se renou¬
veler.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.
Paris, lmp. A. Quelquejeu, rue Gerbert. 10.
REVUE DE L’HYPNOUÎSME
EXl^-ERïMEN*PA E ET l’11EUA UBIÎTIQUB
BÜLiETlH
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M - le DvPau) Riclier.
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RictteV küudès stlf U U fypr^oftsftte
coé^tlil4/â te yt'r^âél e ?îio t qui a niarq(de l'hyptiotlsEne
34
REVUE DE l’hypnotisme
dans renseignement officiel. Dès celte époque, M. Richer s’était révélé un
artiste de grand talent ; il avait associé, dans la composition de son livre, le
psychologue, le clinicien et le dessinateur. Un peu plus tard, par son livre si
remarquable sur les Démoniaques dans Vart^ publié en collaboration avec
Charcot, il révéla les services que fart peut rendre par son association
avec la médecine. Le livre sur les démoniaques a démontré avec la plus
grande évidence que les possédés du moyen-âge, les convulsionnaires mys¬
tiques, les extatiques, n’étaient que des malades atteints de névroses con¬
vulsives. M. Paul liicher a été le véritable initiateur du mouvement qui
depuis, a entraîné beaucoup do chercheurs vers les études d’iconographie
médicale. Ainsi préparé par sa collaboration à l’Ecole de la Salpétrière,
M. Paul Richer fut désigné pour succéder à M. Mathieu Duval, dans sa
chaire de professeur d’anatomie à l’Ecole des Beaux-Arts. Devenu membre
de l’Academie de médecine et aujourd’hui membre de l’académie des Beaux-
Arts, le nouveau membre de l’Institut continuera, dans son atelier de la
rue Garanclère, à alterner les modelages du statuaire et les recherches
scientifiques. Vous sommes heureux de le féliciter de son nouveau succès.
Au récent congrès de Climatothérapie et d’hygiène urbaine, M. le D** Hu-
chard, membre de l’Académie do médecine, avait proposé le vœu qu’une
Commission permanente des stations minérales et climatiques de France fût
organisée au Ministère de l’Intérieur. Cette excellente idée vient d’ôtre
adoptée et le Ministre, fort intelligemment, en a confié la réalisation à celui
qui était le mieux qualifié pour le faire à M. le D' Huchard kii-méme. En sa
qualité de secrétaire général de l’œuvre, notre éminent maître a adressé un
éloquent appel à tous ceux qui sc préoccupent de l’utilisalion des richesses
naturelles de notre pays. En quelques jours la commission a été constituée.
Elle va commencer incessamment scs travaux, et on peut dire que sous l’im¬
pulsion de M. Huchard, elle exercera sur l’opinion l’influence la plus salu¬
taire.
Souhaitons que les médecins français renoncent bientôt à ce snobisme
singulier qui les porte â dédaigner les richesses hydro-minérales si abon¬
dantes en France, pour recourir aux eaux étrangères dont l’efficacité est
beaucoup moins démontrée. Par la môme occasion, formulons le vœu que
dans le pays de Charcot, de Durand (de Gros), de Dumontpallier, de Llé-
beault, c’est-à-dire des véritables créateurs de la psychothérapie contempo¬
raine, on cesse de s’imaginer qu’il faut aller en Suisse pour y trouver le traite¬
ment psychologique ou moral qui convient au traitement des névroses. La
science de la psychothérapie, créée de toutes pièces en France, est deve¬
nue une spécialité étrangère. Pour beaucoup de nos compatriotes, selon la
formule consacrée, elle n’aura de valeur que lorsqu’elle nous sera revenue
de l’étranger. Le mode nouvelle n’aura qu’un temps. Déjà beaucoup de ner¬
veux, par la comparaison des procédés thérapeutiques, ont pu se convaincre
que, sur le terrain de la psychothérapie, les spécialistes français ont con¬
servé toute leur supériorité. Cette question de l’exploitation des procédés
thérapeutiques, nés en France se rattache à celle qui a été soulevée avec
tant d’à propos par le D** Huchard. Nous lui adressons nos vives félicita¬
tions pour son intelligent patriotisme et pour son initiative.
LES FEMMES A BARBE
35
Dès l’automne prochain, l’enseignement de la psychiatrie et de la médecine
légale sera organisé à la Faculté de droit de Paris. C’est à l’initiative de
M. Drloux, avocat général à la Cour d’Orléans, que sera dù ce progrès.
Dans tous les temps les magistrats se sont tenus, pour ainsi dire, systémati>
quement, h l’écart des études de psychologie ou de médecine mentale. Il
leur paraissait qu’il y aurait quelques inconvénients à mesurer l’étendue de la
responsabilité humaine, et que la sévérité de la justice pourrait être diminuée
par la constatation de la misère psychologique, cause de tant d’infractions
aux lois morales et pénales. Dans quelques années, les nouvelles généra¬
tions de magistrats seront plus disposées à s’intéresser aux études psycholo¬
giques. Déjà quelques-uns, et non des moins éminents, ont honoré de leur
adhésion la Société d’Hypnologie et de Psychologie. La nouvelle création
aura pour effet d’augmenter le nombre de ces magistrats clairvoyants, dont
l’esprit est ouvert à toutes les questions qui permettent de mieux connaître
l’homme, et qui puisent dans ces études les fondements d’une justice scien¬
tifique.
Les Femmes à. barbe : Étude psychologique et sociologique {suite) (<).
Par M. le D** Bérillon
Professeur à l’Ecole de Psychologie
Les femmes à barbe dans la religion. — Une Isis répréseniéc avec de la barbe. —
Cybèle androgyne. — L’Aphrodite barbue d'Amathonte. —Les Gorgones. — La
Venus barbata des Bomains.
Dès l’antiquité la plus reculée, si l’on s'en rapporte à Hérodote, à Aris¬
tote, à Hippocrate et à d’autres auteurs, il y a eu des femmes à barbe.
L’apparition de la barbe chez certaines femmes fut môme attribuée à
des interventions divines. Les Pédasiens, comme nous l’avons dit déjà,
attachaient une grande importance à l’existence de la barbe chez leurs
prêtresses, puisqu’ils la considéraient comme un présage de malheur.
Les femmes à barbe n’étaient probablement pas très rares, car Athé¬
née et Lucien, parlant de plusieurs hétaïres d’ordre inférieur qui
n'étaient connues que par leurs surnoms, en désignent une sous le nom
de Comallis ou la barbue, sans paraître y attacher d’autre importance.
Ce qui indiquerait que le fait n'avait en lui-même rien de surprenant.
Nous trouvons dans un livre de Berger de Xivray, intitulé : Traditions
tératologiques ou récits de Vantiquité et du moyen-âge en Occident (*),
un passage où il indique que les femmes barbues se rencontraient fré¬
quemment en Arménie.
C’est probablement à l’existence de ces femmes à bnr’)e qu’il faut rat-
(0 Voyez Revue de VHypnotisme^ n® de Juillet 1904 et n** suivants.
(2) Berger de Xivray : Traditions tératologiques ou récits de Vantiquité et du
moyen-âge en Occident. 183G. — Ch. Mulieres barbatæ, p. 100. « Mulieres ut ferunt,
juxta montem Armeniæ nascuntur pellibus iudutæ, barbam usque ad mammes pro-
lixam habentes; quæ sibi, dum venatrices simt, tigres etleopardes et rapide ferarum
généré pro canibus nutriunt. »
36
REVUE DE l’hypnotisme
tacher la formation des cultes ayant pour but d'honorer des divinités
féminines barbues. En effet, les monuments figurés du culte des grandes
divinités féminines, Isis, Oybèle, Vénus les représentent toujours avec
les caractères les plus saillants de la beauté féminine, telle qu'on la con¬
cevait selon le milieu et selon les besoins de l’époque. En réalité, dans
tous les temps, les hommes ont façonné les images de leurs divinités
d’après des modèles empruntés aux physionomies et aux altitudes dont
la contemplation leur était familière.
Sur le plateau de la grande Arménie, le type de la Vénus Anahib
était tellement viril et sauvage qu’on le comparait à celui de Diane chas¬
seresse, dont elle avait tous les attributs. Dans la Oappadoce elle Pont,
on y exagérait encore son allure martiale. Armée de pied en cap, elle y
représentait l’esprit de conquête et y était transformée en déesse de la
guerre (*). Ce sont assurément ces femmes d’allure guerrière qui ont été
1-origine des diverses légendes relatives aux Amazones.
Quand les nécessités de la lutte pour l’existence n’imposèrent plus aux
femmes de prendre part aux batailles, les statuaires continuèrent pen¬
dant longtemps à populariser ces exploits surprenants. Leur génie
trouvait un thème séduisant dans la figuration de ces combats où des
femmes jeunes, belles et courageuses luttaient à demi-nues contre de
robustes guerriers. En Grèce, les Lacédémoniens poussaient au plus
haut degré, le culte de la femme vaillante, et prête à la guerre. La Vé¬
nus Spartiate était armée comme Arès, et coiffée du casque. Elle portait
le nom de Venus armata. De pareils attributs convenaient à la divinité
d’un peuple dont les principales préoccupations étaient portées vers la
gloire des armes.
A Athènes, où les mœurs étaient policées et où les arts étaient en
honneur, la môme déesse avait reçu d’autres noms qui correspondaient
aux goûts plus affinés des citoyens, Vénus y était devenue la déesse de
la beauté et on l’y adorait sous les noms caractéristiques de Oallipyge,
de Pudique, de Génératrice.
La Vénus Anadyomène, d’Apelle, et la Vénus de Cnide, de Praxitèle,
non seulement furent les plus belles manifestations de l’hommage rendu
à la beauté féminine, mais elles nous apprennent aussi que les Athé¬
niennes étaient sans rivales au point de vue de la grâce et de la
beauté des formes.
Ces transformations de l’image de Vénus selon le milieu sont fort
instructives. Le fait qu’en Assyrie et dans l’île de Chypre, Aphrodite
était figurée avec de la barbe, constitue une présomption de l’existence
dans ces pays de nombreuses femmes à barbe. Si, dans le temple
d’Amathonte, la divinité qui symbolise par excellence l’hommage rendu
à l’amour et au sexe féminin, a reçu cet attribut, cela tendrait à prouver
que la barbe était considérée comme un attrait par les Assyriens et
plus tard par les Cypriotes. Ce qui eût choqué les yeux à Athènes, était
(1) Biographie universelle ancienne et moderne: Partie mythologique, 1833. T.55.
p. 5‘J7.
LES FEtfMBS À BARBE
:n
admiré à Chypre. Affaire de goût, de mode, d’habitude et de milieu.
Le rôle que joue Aphrodite comme inspiratrice des passions de l’homme
est un lieu commun de la littérature grecque. A Chypre, les femmes à
barbe ne devaient pas être dédaignées, puisqu’elles incarnaient en leur
personne les attributs les plus frappants de la divinité qui préside au
bonheur de l’amour partagé (^).
Dans l’antiquité, les divinités créatrices ont souvent été figurées avec
des caractères androgynes. Chez les Egyptiens, le Nil, source de toute
vie et de toute richesse, était toujours représenté avec de la barbe, des
organes virils, et un sein de fenww. Chez certains dieux, ces sexes sont
Fig. iVk ~ La dées.se Isis, n*prc.sentée avec de la barbe, d’après Creuzer.
associés avec une prédominance tantôt des attributs masculins, tantôt
des caractères de la féminité. De toutes les divinités égyptiennes, une
des plus populaires est l’image de la bonne déesse Isis, tenant sur
ses genoux le petit Horus. Celle que nous empruntons à Creuzer ( 2 ),
d’après le livre du D*" Hirschfeld est surtout intéressante à nos yeux,
parce qu’elle porte au menton une barbe très accentuée (fig. 64).
Cette barbe, d’après la façon dont les artistes égyptiens figuraient ce
caractère, est constituée par un quadrilatère fixé sous le menton. Isis
figure ainsi, par ces divers attributs, la nature mâle et femelle, c’est-à-
dire la terre nourricière, considérée comme créatrice et aussi comme une
force puissante. Cette force est également figurée par le geste domina¬
teur de ses mains dont l’une s’appuie sur la tête d’un lion et l’autre
sur celle d’un dogue. On peut se demander s’il ne faut pas rattacher
l’Aphrodite barbue de la religion assyrienne à ces figurations de
risis barbue, à la fois femme par sa maternité et homme par la virilité
de son visage.
(1) Actuellement encore, il est fréquent de rencontrer dans l’Ile de Chypre et en
Asie Mineure des femmes dont la lèvre supérieure est fortement ombragée et dont
le système pileux est assez développé sur ies joues.
{’lj CuEUZEii : Abbildungen zur Symbolik und Mythologie. Leipzig, 1810.
38
REVUE DE L HYPNOTISME
4 4
Ce fut sur le mont Sipyle, dans TAsie-Mineure, contrée limitrophe de
l'Egypte, que s’organisa le culte de Cybèle, déesse de la terre et mère
commune des hommes et des dieux. En effet, d’après Strabon, l’idée de
Cybèle n’est jamais séparée de celle de montagne, de forêt sauvage.
Elle symbolise la nature dans l’épanouissement de sa force et de sa
beauté inculte. Elle est la divinité à la fois mâle et femelle, réunissant
en une seule personne toutes les puissances créatrices et tous les attraits.
Dans les monuments antiques, elle apparaît sous les traits d’une femme
à l’attitude imposante, à la physionomie sévère, aux allures de virago,
La légende nous la montre capable de faiblesses sentimentales, mais ses
caprices s’adressent au mâle efféminé, Endymionou Athys, dont elle ne
saurait redouter ni domination, ni asservissement.
Un grand nombre de villes de l’Asie Mineure faisaient figurer sur
leurs monnaies ou sur leurs médailles des figures de Cybèle, ainsi que
des représentations de femmes viriles ou d’amazones. Dans certains cas,
les sujets eçiprunlent leurs attributs aux deux sexes, comme dans cette
monnaie de Magnésie de Sipyle où l’on trouve associés, sur le même
sujet, de la barbe et des allures viriles, avec le costume habituel des
amazones et des seins très développés (fig. 65). Le caducée que le per¬
sonnage tient à la main a d'ailleurs été considéré par divers auteurs et
en particulier par Félix Lajard comme un symbole de l’hermaphro¬
ditisme.
♦
Félix Lajard, dans ses savantes recherches sur le culte de Vénus,
publiées en 1837, a indiqué les sources auxquelles il fallait rapporter la
croyance à une Aphrodite douée de quelques-uns des apanages de la
virilité et en particulier de la barbe (<j.
« A Chypre, dit Macrobe, il y a une image de Vénus qui la représente
(l) Lajarp (Félix). Hecherches sur le culte, les symboles, les attributs et les mo-
iiumeuts figurés de Vénus, en Orient et en Occident. Un vol. in-â®, avec un atlas
de 31 planches.
I.ES FEMMpg A BAnDE 39 -,
barbue, avec la ^tatur.e îl.’uri h^mme habillé en femmei et tenant nn
æeplreÂI» main. « Ëlle ofiUê fcfliijiè'ïea
. aWribiits d.éE àèïi’jE. 3Jê'3vt*?t-sn tàftf ■i}üé;e4ns3dèr»e cftHftàiiiVï là; fàï^ Tniîle
et fea.elle
en effet réputée, mèlç-f'etîcrneile. î’hilocllorus iüdiqufe mèïne que, pour
reconnaître en Vétius ,çc dqublp Æe.xitél,,le^ hommes s'bahil-
Fif; lÿf c--p. future à At^î»5.>:tàtir:
yirgiî«\4vaîii^ eu Tîtison dans el W pârlfint.
lîï Tiommç^ \ ‘.
du rÜMt de Macrobe eh'.
AAcdAiant yue leà avèc
■' irne ;;"
stdturè,
est, ,nîi
;Vi:y, rMlocheru^ alUrmUrt luriaoT.; et Vf
AdOTfjrJath irn?] ïebri, muUe^c^ eutfi ■ VirîliV tiut^d çamdem. et
maS‘^‘ïiUïn|U\ir«V
-■■.•iiv^5VavlKA‘';âd • ■ -■ ’
REVUE DE L HYPNOTISME
Catulle, de son côté, semble avoir fait allusion aux deux sexes de
Vénus, en l'appelant (/u])/é.v AniuKhasio, expression rjui doit être rap¬
prochée du témoignage de Pceon,auteur d’une histoire crAmathonte, Ce
dernier^ cité par Hésychius, anirmait que Venus était représentée
comme un homme, c est-îVdire avec de la barbe.
Sur la foi de tous ces témoignages, les archéologues ne négligèrent
rien pour arriver à découvrir des représentations figurées de TAphrodite
barbue. Ils explorèrent Pile de Cliypre de fond en comble et, au prix
Fig, 67. — Figure volive triHivèe.danÿ rür de CRyjuv/ à Auirlt De^.sin d.e M. Ary Uonan.
des plus grands sacrifices, mirent au jour un grand nombre de sanc¬
tuaires et de tombeaux. Quelques-uns de ces chercheurs ont voulu re¬
connaître la divimté androgyne dans la belle statue dont nous donnons
le dessin (Pig. hfiji
Plusieurs détails de la coiiîure et du cosiume pourraient justifier
l’opinion qu on se trouve en présence d’un sujet féminin. Mais faute de
preuves plus convuincanlcs, nous nous rallions aux prudentes réserves
qui ont été lormuléevS à ce sujet par M. Perrot.
Un certain nombre des images votives, comme on en rencontre tant
«a Chypre, présentent une association d’allribuis masculins et de carac¬
tères féminins.
Dans la ligure votive (Fig.b7j, trouvée à Anirit, dans un caveau funé¬
raire, la tète est nue. La chevelure tombe sur la tète en longues mèches
LES femmes ii BARDE
i|hy^ijïr(0pâ'é.;ÿr!^nÜ/Un=»fayact:i‘V«:com fiile
n'i^ptïrt^t iièîsoloii!^ii kt»'*{Vé!ÿii0ft:dci;«x}st«üeBde i'i^byo-
djte huvbWfTAnxaÜtotisle.. f C- K / ' , '
. Ti d'jmtrfi,s. fîÿurça qui otit été ÆétoïJiv'erles ^ .
iîe.pdf^|iar-»ii>>-Àrfclié0rogüê-^^^ l<ïgdjiérâtiiie OtsscipUit --
djf telVjq'ïï-R tï (JiéiS- fûùillçs persQnn.tjft^:8. pdyrs.àï- .
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jP%, AîiJirîAdUC*ijftJ:iuuV
vie§ U ;pîüsv^gjjrinfk i^ûi a nij.$ àjaor plusieurs c^eotaîiites
de tôail'eaux, çt été iissei lieureiii ÿowt ti'oy vér^ dân^/îa péçropùW. d’Ama-
fliontc^/une ftgaie (jiiî étrç ctjasidcréé rypréâ^ntà-
tiou^Ali* î Aphcodd« torbuo demi
AL de vCîesnoïa a trauve îi(Hîî^rjL'?î^mpIai^ -:jé5j|^^>l^
eticore'pUis &é ÿàiûà' h ^ . / •
Cce^ ÿtatucdtesieijr <ê» 1' JuUçaC^e^ des tiputevjrs : - * / .
rjpnt e!lQs,étaieut'îeèdti%çtt;^^'yA*ôVri^^i^^^ y tiièùngt|b;4u ‘' ** 'ïi
^îtr 1f*<î ilii l4A‘ïi» à t^A îïVïy Ivpii'fei ir*t VnTlVY^i]?f . Tj.â .
de; tacbq àê la, uVètnt''é qm U^^dreiair l'e>is\çace de^j^poîl^ ;de
la région pubienae (Pig.^GSj. ; j;, f - 7
. ; *rî,v>ïtibTèuac'ÿrt'Tj'gii ^^!atî,ve^S''Vl;\îes diVIriiiéïi dédauveri^et!^ .par
’M, de OéêüOla, dah$ i*Uo dé Cîhypré bi\\ éïê âcniiis^ par îe de, ’ ,vy • "V !-fi/
•• tt < ) *J
i’! ;’ ^ .^i:>.'.
nRvuK DÉ i,Yiyï*fî,o'ti«MK
î<6i\>y'orki .pUèS ^ ijlç nombreiisest dis^M^ejoas «i&HÉJ.éf '
, rnoudÉ (iesf arçWplegues». ügttroa daà»iC9(}üeItei| M d.»tC!es.n'Olà (Y
volt lA^t'^pfodïifWqiï^de la divînité. lémintne bj^rjisc ■‘{«î éliiisrt^iY>bj«it <*
ÇPyiiiré^ d'üBçî^îtejssÿidUt^o ütte vj^và coriàsH:è|5v^a ce
açsapS#f4^rBijtfp}9g«ïs sont rang^J’é; «■ ôb'ri opinion d én .|Tàrt.jC(»!ler
Si. I)œir(|ü.t^ e^agft bien là de j'4(phcGdile Isarliiie d’A-ma-,
tbonle. rpuj' SI, Dœll^^.ii'àntt'es ïlg'.iijres liariitiês-'doivént êgareincnt ftlrc
rangèBs d.aws. la càlègnpie des djvlî}îl.ês ■ïéfnïîÎJWfi ^(^),
, , pa ville 4 ari Caries qui fut dans l anliqoitü une des
vUlfe? les plus Jîortssanlcs de CfeiK niiticur'e, avaU^s’g.tlçmf'tli an temple
cùn.sassr^ au cafte davCApîirbdile Ï3arime, Aussi un cuçuftrt nôntbrc d’at-
tefiéofogdcS-Bc ig^oni préOf.'Cüpi^s- rcttuuveT^ ilcÿ docûnïent» figurés se
jKappLOriant. h J’oxistçBe^ do dWi.nîxè, La l^gîir'e î^urbué ,qü'*6jn voi^
sûr bn(î. dès faces âè !a .mopî>4ii^d'nô.{tc^ (fijÿ, 69) W
ironie ui) iâdivUii bartîu T^vèiü d"un dos.ianie Wrnîmri d'aiprès
iptalgcber élte rapportée iî l^^{du<>dîte"iïarb çül.iê; (iit long-
^ tejfïips en bonnetir en Akie iviuieürè. ' , .
•ïl est peu de pergonni^ge^î de, falUèJpu aipnt donn^^
Toprétîebtatîobs figuréesqüe. Jes GorgOtr^J Vu|:n:c^l;i.éslâi)cv:fe Ourgones,
RUc^ Phnrhjé «t de Kelo êluient trom samr^" î5lïèà>X?^^^^
i Sihiîinp,,. Lcsi deux/piredou de
riîiiüiortaUté. Meduso morlolle. CVst etîe la lêkl^niic ^T^rt-
fipi rendue part et (|Ui put
^ Ûî^îS* trûîis mobsttos ont e^^ercfi dWinjU^ograpU^
Y^int yiôduré, .eUéS etaicM des tjUi i<AbU;d‘eftt îa
: :ï “il» ; 1/i3l<^ivà.de tart danif TanUqüîidy T;.^ tlL Siiû'i / *•- -
-J tCr ne/rÂêad^aiîîi deSaint-l^eiersboiirir/
UKS T?BMMES/A; BAIiBE 43
^ TritonSde, at" Vfiiî. Boüy^eiît «n gU«^e liviÈfc les
Aroa-^hés, lêijïà voisinBet, Au tBmpBde ,Përsèe^ elîea av&i^f,st;ÿ(OÙi‘ aoBà^
«a I !•» V-» ^ SH*4-i ’-J f .41 1: .... i. _ — 4.1. W?' 'fl. >*■ " J -..’_--.^-'V.-.e ••'.’■
parle canimedè femmes ^âtavages
Séloo Uôü'aeHde, les üurgoruMi çtaîèn| lHlJè^; d’ufiêi.a’BmtiênfuàbJe
jîeayiéf[^4tf4?i^d®dïies ;ppr le ijü'ieïiei?
^ehî^TiTics.-
J^’ûua noua bqrn «. riïppelçe le mythe de la
tnQfl de jVIédüsé* fitUfe.Oütgqèe, dou^è d^ulVè bVaul^ l'avîasanteet d^une
meryéiUeuae cheA'é|ifpé^ osé: dîapuier âC Minerve làt palme de la
,0>>î^Re )
}i(sÀutê»^cç41i|-ç4 aurai t fait de la .tête .de la Oorgane! «n .ttjbrjei.d^ôrteqr^-
éî 'cdiriôtû/iifiü? a STBS yeux^jé ponŸoiT de' qriWffgêr ed pie^
ïfu'èite regîM-d^;, N0«St doniians ci-Joint le dô«s»n'd-dm 1î:^s-i^îi^
'Mükèe dû Lôüyw, qui représente un typé ;ircl8uiii;ue. L'’aîdl8t'e kVIst ap-
pWfiUé'^'tîôniigt .ét*4tr ftgiii'o une laiduttk^rcpoussanle. l>a tête rond^
est jsiirmçHïtééTdè} tsot-a^,, vikag,k, *3t BRwadré d'une jbArbe-ernîoUier
destinée à'. aéoentûèr Këxprrssidn grin^'qjttplo qai, ge dégitgô dc .çeUe
phygienomlè (%. 7ft). ''''^ ■ y
Les dfeiis, ^oiilaot dîUivéer Îçî pàÿs li'ttn fléau ^^ilsai rq.lqutablo, cliar-
gèrent'Férièë dk toèr Id ' tVargoïmj qu'il puL sans danger,
épTOttVËB . lé terrible ellet des jpegatidfi,, Minerve lui fit
préseiit dé 4od’Oîiroîr qui lui pei'méttûlf‘‘•tir 4?oir le monstre sans être
obligé dç fé regarder. Flnton lui'dorth;J|k: 0 p'^.à^ qui ayait la propriété
de rendreMdvisibîe celui qûMc porteiLPtçdî's^ put donc s'approcher sans
44 ; nEVfJE DÊ L HYPNOTISME
dsngéf; ét la téljî d’uiiMîowp du fer dirigé par lil.iaec ve. Du
|ftîilU dïi-so de Méduse nai^ult aussitôt Persée
airsi téoaiit dans ia iojèur
ïà t&te dtf Méfîaae. Ce r^eît füt .i’objfet de ttombreda^» YWittnlea^Kous
ne Yowtoijif'éO î^cteùir'iiîifô eé fuit, é’'çftt qfte^Je ftoip dfe îàédôVîe-
üoe: itttag;*; Iréa frappaote fiïd*^s soudarps pùT la OruiPté,
parla «erifeur souditrfte-j||i*;cvéàUè dtrntlîcifet «si de glacer
d'èirr^/'êl dp pdlfiliep paup {ès. «içOibroa'en les fixadt; au soi.,
' ;C'’cst Wjjui, ej^plîfiuè’<jue («?« guerriors, qui youlâièat'iàspker de la
tei^rfrUT à îeuï’a.cfineipi&i'rtilo'afcpiéui leurs boucliers hVtôlç.dPiMéduetv
rij?. 7).Gw-gtoe 1 ):mUpç liginranf Kuf ùü'fiiH‘.a,i, dàiriîwjv
lÎQinêre pàTlanl.d.cs.armes d-Agam(,4)-»nÔH.,',dU '>i|p sur hriïa'a'éijpr de c$
rot sp Iroifvéîi ua'e.Mô Juse, enviioapac. dé la lerrsîUJ' et jd.eJa fullp. Ce
masque {ioriïidP^tfé là Uo%oaé|jlgucé.;&9ÙVeDl. sur les diverses. iM.épeç des
aw.jîures des guerriers de iWtiqo.itte.Ou^i’a-.jsuuYÙpt wjtrq^^
dpt'diiiiioa des uionupieals qui dpv^itttoit rappeler i«,teouv&pirtiéterreurs
papîqWcS., ' ■■ - rr, ' '•■'
Dw une suHc de transformatiOttS succt îisjvcs', la télé de la OQrgône
•mi' dyvéBué 'M'ft siniple., spAsqUé'grii;$à‘»jant>.r.QTisidérd,,pijri îer «deiena
eontme une antulelte dquéê. déjà pcopi iêlé, ilc préserver d u; m au vais ucij.
Tous lès peuples pripâilîCs intagiôant iiiri ji. des .w.onsites dont là tëlè
grimaçante orët en fujfôîés mauvais gêdtès: blargoiiéion prophyluc»
téqué accompagîte'lés.T.tr'écs èiTe'à îîoai.aiMS dans toux iès actes de la
vie. i^) Us le poi tL‘Bt s.ùr .léùrs vdierdeuls @i leurs bijoux, $i»c leurs
artdôs.. sdr leurs I,ft8i^*üments. Ils cii Ordent leùrs meubles, leurs; làin-
pes,^ leurs VàSfà,.îùur5’moHriaies , . ■
\,i) D.tpttUUïiX' ci .itwjMü.— Dicttaiiiiùifu' dtf à}ftr'qu{ici‘S !S.>U<:]ù (îtwgone, pp'. (.tîjlS.
iKS PE MM ES A HiVnil^Ê'
15
,Oiî icfêis plus anci^sna âvi îîOfgon^lpp
pejpt sttp'Ufl'pla'i tiéo •OitntSrQS ïflg,’; Tj^' '.visiïièe.viiest'^
bieii le^tiôr^he» V{ü’on rendait aîp^^
« IÇn ÿdnnàtiî'fe liarbe » deéV lïj^ureà artistes grecs
ne ,sidft^#jî!tj|'iï^iproduît^un
Dans le type gtéço-»asiati<pië< les Oôrgûnes efrÿiéd; ^dfit rcpréîîentéeè
en coursé; Sêlpri 4a Fprutûlç:é^^^ iipe des jalnbès pSt pUSé et le
genod iT#îv^
I^arfoisyillle-^
les déu#
V^SVJl AS» <»-» V»•^^ M.»»V IJAe»-.*”
che, c'est ijn.ypD Aussi l^^ftorgon^is ont-eîlus des àilça^ Le vieux ^tylc
gréeo-sèiâtïi^ue çU dotoind ijaatre-.sus Oovgohes^ La Qurgoue gravée
. ■n'.'îwV. • .
lî-Vwi 7 ^V r-r
sur tipéKiTaleé Pao.ücïypée. lÇ'îje^.^.T^ OTtiéé. dé èeS- Allsa? Là
bH-rbe-çsLégalepîéiHdigutée.-'
I^s «jorgones des pays èdràpéeps Sfnpblent âUSsLôn cïîpr-ant^ Istiober
gonè, emprunté au fiovi^/Ài!y «L41cf5P-^^s;npti.6'doTioe uti^^^^
seulaUnn de ces <iP.i;gO£içs dû typecwùpéèrt earauiér'îsté
cçUe ligure., c’eatis netteté :pvéc Ift'îUeUé la j^arW. est de88lr\éç,,îî nVat
4fi
HJgytJB ftU t'Hïl'N'qTiSME
pas doütett 3 J/l&ff iîittntions d& ^artiste d e doter îàl pori^;
gone d'u^iiÉt feiay|i 0 dfe.#iîé ïa physionotnk- II
ri’est d'»de elprijsstoil;:Vlrïlq. :,'
Nous dO'^qt^iîjô dgaifcpjftSt îd diçÉ^in À »
sôrV'ê .àaBs lé rst dé«oré d un gKmd noDjbro
de iïg&fiâau nanibre des/ju«i|es sè tfpuve up réniarçjoa^-
kle 74i),E*e d^coratedé tlqcé'ÿ^^^^ donné à $«n «yjel OP eorps dont
l'aspeet trèslèminm la l}ar)>é et la taîçIfïOrduyîsnge,.,
U
■. Kîir.
' •■,■’> ■ .. . .', 7 -x,. .,.'r
<ux'.xaso>4vu»<^Kj4i* ;it; ï
Nouü aürioiia pp multipUcF l&s estfinpléà dû rn^'Oiêordre'{}üi lendéht; tç
prouver qüé lésanûieiïe la notion d^' sujèti cheâ lé^
quels la S«Ma|iié '0jn|iddè étaitéompàü qVec ie.Hii^,yé}oppeiueutd la
barba 8,ur le vlsïïgûi 'Mai? j'«i iiàte d'aborder rdtudé déié rfoeüi^ qm
démofttrertt <îbû M .é[d.Ité
ep GTêcqV jçaais ^ue
ItomaipSi^^
;:[d.Ité de ViVphrDdile barbue i>V.siHp,|ts .t,t?^i(£ ûao
le-d^'; À; aussi :''lv'OJïdî;feq'>cb,é*':4ûS'
■■•'■; ■ ',’'f'À,Sb.ftH':é.v. .'.' '/',
,-t''Jiys'té'rïe dé Berftadqtte.î'. 'd.o'Lourdes,' -
;' ' p'ar M:,vié ^'•' ■UoyfiY; ' ■ ■' • , ' '
4‘*V*. '*. * 'f*.* ■ ■ < . ' l'f .. i ti , J h . \ É^} ' /■%' ' •‘'^.1' • . f 1 ^ * * * < *1 * « V * - ^
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ii,K CpÛji'p'B’bOÎ/jit'U.'’ 7 ■ .,'ï .
. tlne autre pérédrtno A ,f>>byde^7'le jfail' est <1« Tu'itoylôté . publiijuû,
i'alibé jf^ejratnaje. curé dd lu ne voUlii], pas 7'*’0‘*'Ç ntjracla et
OfJ«» Jlijin escipnL
• Mainte V'iecgc
injaje-., cur»:av ra/suiwY. «e, rouuM.' pas ;eKMiiç wu' Jiwracja et
icipnL Lor^^io un jpdr d tUl n Bernuttéllî^ 7»' D'éoiundiQ. ;♦ lo
;c de îajre Ofotiir Je rosier de la <jlroUé„.ut Je croirai, ,ïf^
■ l'iî V'-'ye* Itipiüi; .oV } !IS'fpiidyf*tf.'h^~}lo/jütiipi lOO"',-,•
l'hystérie de BERNADETTE, DE LOURDES 47
savait bien que le miracle ne se ferait pas. Aussi, malgré la pression
exercée sur lui par ses supérieurs, et malgré son intérêt de voir Lourdes
devenir un centre de dévotion, fît-il une résistance longue et tenace. Il
connaissait le péché de Madame X..., la jeune femme surprise dans la
grotte, et puisqu’il ne pouvait dévoiler un secret entendu en confession,
il refusait du moins, en honnête homme qu’il était, d’appuyer de son
autorité ce miracle dont il connaissait mieux que personne le peu de
fondement.
Pendant de longues années, il se tint à l’écart, et cela n’était pas sans
étonner paroissiens et pèlerins. Plus tard, il est vrai, en voyant les
choses tourner autrement qu’il n’aurait voulu, et le culte nouveau
prendre des proportions inouïes, il crut de son devoir de cesser pour
le bien de la religion, une opposition devenue inutile.
M. Henri Lasserre lui-même, dans son livre, constate le fait, tout en
se gardant bien d*en donner la véritable raison. Ne pouvant faire dispa¬
raître ce témoin gênant, il le noie dans de l’eau bénite de cour ; il ter¬
mine ainsi son chapitre concernant l’abbé Peyramale : « Telles furent
« les raisons profondes, les considérations de haute sagesse qui déter-
c minèrent, en ces circonstances, M. le curé de Lourdes à interdire for¬
ce mellement à tous les prêtres placés sous sa juridiction de paraître à
« la Grotte Massabielle et à s’abstenir lui-même d’y aller. >»
Si l’abbé Peyramale avait cru à la divinité de l’apparition, ni les
raisons profondes ni les considérations de haute sagesse, dont parle
M. Henri Lasserre, ne l’eussent empêché de courir à la Grotte faire acte
de foi avec la foule.
IV
Mécanisme des Apparitions
Comme les autres visions de Bernadette, au lieu d’être réelles comme
la première, se passèrent entièrement dans son imagination maladive,
il est nécessaire d'entrer dans quelques explications scientifiques pour
mieux les faire comprendre.
Il nous faut un moment devenir professeur de médecine mentale, pour
traiter de deux symptômes hystériques, les hdillucinations et VExtase.
Cette leçon sera pour vous, lecteurs, le « Sésame-ouvre-toi » qui vous
permettra de pénétrer dans le cerveau de Bernadette et d’y découvrir
le mécanisme de ses visions.
Hallucinations hystériques. — Parlons d’abord des hallucinations
hystériques, et pour les expliquer citons quelques observations de per¬
sonnes atteintes comme la petite bergère de Lourdes, de ces troubles
nerveux.
P® Observation : Mlle de C... est atteinte d’hystérose : dans la journée
du 8 octobre 1902, elle a éprouvé des malaises qui ont inquiété sa mère :
celle-ci, durant la nuit suivante, a pénétré dans la chambre de sa fille,
s’est approchée sans bruit du lit, et n’entendant pas sa respiration, s’est
penchée sur elle pour mieux écouter ; puis tranquillisée, elle s’est retirée.
48
REVUE DE L*HYPNOTISME
Mlle de C... ne dormait pas; étendue sur son lit, les yeux grands ou¬
verts dans Tobscurité, elle vit, sans la reconnaître, sa mère s’approcher
et se pencher. Elle se figura qu'un gros fantôme noir était là et fut saisie
d’une indicible épouvante à la pensée que cette ombre allait la prendre
et Tétouffer dans ses bras : Tangoisse trop forte lui serrait le cou etl’em-
péchait de crier. Lorsqu’elle se réveilla le lendemain, elle se souvint
nettement des événements de la nuit.
Tel fut le fait initial, réel, cause des hallucinations subséquentes.
Au matin, Mlle de C... raconta son aventure à sa mère, mais en ap¬
prenant la vérité, elle ne fut qu’incomplètement rassurée.
Or, il arriva ceci :
La nuit suivante, à peu près à la meme heure, Mlle de C... se réveille
et VOIT contre son lit un fantôme qui se penche sur elle et TétoufTe.
Mlle de C... éprouve une hallucination qui reproduit la scène de la
veille.
Pendant quelques semaines, chaque nuit l’apparition revient se repro¬
duisant à la même heure et de la même façon : un beau jour elle cesse
ses visites : tout est fini.
Or, pendant que ses nuits sont troublées de la sorte, le reste du temps
Mlle de C... mène sa vie liabiluclle et ne donne aucun signe de déran¬
gement intellectuel.
Cette hallucination est caractéristique : elle est la reproduction d’un
fait initial réel; elle survient à intervalles plus ou moins réguliers, dans
des circonstances toujours les mêmes, chez des malades conservant
leur lucidité, mais atteints d hystérose.
2® Observation : Rappelons encore l’hallucination si curieuse, citée
par Esquirol, de ce magistrat qui, chaque matin, lorsqu’il allait à son
tribunal, trouvait dans la rue, sur le trottoir de sa maison, une petite
vieille toute cassée, qui, une canne à béquille à la main, lui emboîtait le
pas jusqu’à la porte du palais de justice, où elle le laissait entrer sans le
suivre.
L’auteur cite seulement le fait hallucinatoire, sans plus ample expli¬
cation, mais il est probable qu’un jour, étant dans un état maladif, ce
magistrat vît à sa porte une mendiante, réelley qui le suivit, quêtant
avec importunité une aumône. L’image de cette petite vieille s’im¬
prima trop fortement dans son cerveau déjà hystérique et devint le point
de départ de l’hallucination du lendemain et des jours suivants.
Notez que la névrose de ce magistrat ne l’empêchait nullement de
remplir chez lui ses devoirs de père de famille, au palais, ses fonctions
de magistrat, et que personne ne se doutait de son état maladif.
3® Observation : M. le 0*“ Pitres (*) de Bordeaux, à sa clinique, mon¬
trait à ses élèves une malade qui voyait des grenouilles sauter autour de
son lit, et à côté de celle-ci une autre personne obsédée par la vision de
cercueils défilant devant elle. La première avait été fortement effrayée
(1) A. Pitres : Leçons cliniques sur î'hystcric et l'hypnotisme. Doiri, Paris, tome II,
p. 36.
l'hystérie de BERNADETTE, DE LOURDES 49
dans sa jeunesse, parce qu’un jour, une de ses amies avait trouvé plai¬
sant de placer deux grenouilles dans son lit ; la seconde avait été dou¬
loureusement émotionnée en voyant passer sous ses yeux le cercueil de
son amant.
Comme on le voit, chez ces deux sujets, une vision réelle avait été le
point de départ des hallucinations futures.
Les Hallucinations chez Bernadette. — On trouvera dans les livres
d’aliénation mentale beaucoup d’autres faits analogues : ceux relatés
ci-dessus suflisent amplement pour qu’on sc rende compte, par analogie
de ce qui se passe chez Bernadette.
Che'{ die, un fait réel au début, VApparition de Mme X ... dans
la grotte, se reproduisit le lendemain et les jours suivants, sous forme
dune image non réelle, sous forme dune hallucination.
Cette image vraie d’une dame habillée do blanc s’est peinte sur une
des couches optiques du cerveau de Bernadette, comme sur le verre
d^une plaque de photographie ; cette image, s’est reproduite en hal¬
lucinations le lendemain et les jours suivants, lorsque Tenfant est revenu
prier devant la grotte, comme l’image gravée sur la plaque du photo¬
graphe peut se reproduire à plusieurs reprises sur le papier préparé.
Bernadette a tiré quinze épreuves de sa vision, de meme que l'artiste
tire quinze épreuves de la personne qui a posé devant son appareil.
Comme dans les hallucinations des hystériques la reproduction des
personnes ou des choses a lieu avec une telle netteté qu’elle donne l’illu¬
sion de la réalité, il arrivera que, Bernadette croira fermement avoir la
Sainte Vierge devant les yeux et imposera à la foule sa conviction.
VII
L’Aura
On peut nous faire l’objection suivante : Pourquoi les hallucinations
de Bernadette se sont-elles produites seulement dans la grotte de Massa-
bielle et non ailleurs ?
Nous répondrons k l’objection, en expliquant ce qu’est Y Aura.
L’Aura est un trouble tantôt moteur, tantôt sensitif, tantôt psychique
perçu parle malade immédiatement avant une attaque d’épilepsie ou
une crise d’hystérie : Si l’aura est moteur, le malade percevra, par
exemple, une ^contracture à un doigt; sensitif, il éprouvera soit une
douleur, soit une sensation de froid ou de chaud en un point quelconque
du corps; psychique, comme il nous intéresse davantage pur rapport à
Bernadette, il nous faut l’expliquer.
Pierre Janet dans son livre sur l’hystérie, donne de cet aura psychique
un curieux exemple : c’est le cas d’un individu dont la première crise
était provoquée par la terreur d’un incendie et qui tombait en attaque
convulsive dès qu’il voyait la flamme d’un foyer ou même une simple
allumette prendre feu. Subitement il revoyait la scène de l’incendie et
reproduisait ce qu’il avait fait en premier lieu : Plein de terreur, il criait
au secours, essayait de se sauver, puis tombait sans connaissance.
50
REVUS DE l’hypnotisme
Pour Bernadette, lorsque, le lendemain, elle retourna à la grottë^ en
se trouvant dans la même situation et en face du même décor naturel,
son émotion de la veille se reproduisit sous forme d’aura psychique et
Timage de la personne vue la première fois se reforma en une hallucina¬
tion qui n’était que le reflet de Mme X...
Les jours suivants, par le même mécanisme, les Apparitions se renou¬
velèrent lors de ses visites à la Grotte et seulement lors de ses visites,
car dans un autre milieu, l’aura psychique ne pouvant se produire, l’ap¬
parition hallucinatoire n’aurait pu se montrer.
VIII
L’Extase
Après les hallucinations et l’Aura ; il nous faut expliquer VExtase.
C’est le symptôme le plus important de la maladie de Bernadette; c’est
l’Extase qui va expliquer le Miracle.
Le mot Extase est employé en deux sens.
Dans lé premier, il signifie un sentiment d’admiration poussé au ma¬
ximum pour un objet quelconque ; on s’extasie devant un tableau d’un
grand maître, en écoutant un éloquent discours, en présence d’un mer¬
veilleux panorama.
Le mot Extase a un autre sens, un sens médical : il désigne alors un
symptôme hystérique, voisin du somnambulisme et de la catalepsie,
mais avec des caractères propres qui le différencient de ceux-ci.
Les auteurs chrétiens prétendent que l’Extase est un degré de sainteté
maximum, auquel seuls les saints ont le droit d’aspirer. Dans notre
livre sur Ste Thérèse, nous avons raconté que cette sainte place l’extase
dans les Oraisons supérieures, et la recommande à ses carmélites comme
un des plus hauts degrés de piété.
C’est une profonde erreur, l’Extase, chose profane, est un symptôme
d’une maladie véritable ; n’est pas extatique qui veut, et le plus grand
saint du monde ne peut entrer en état d’extase malgré tout son désir,
s’il n’est préalablement atteint de l’alïection que nous nommons hysté-
rose, s’il n’est en un mot hystérique.
Par contre tous les hystériques, les plus vicieux comme les plus saints,
peuvent jouir de l’extase à un moment donné.
Quelques écrivains surtout ceux du xviii® siècle n’ont voulu voir dans
les phénomènes constitutifs de l’extase qu’un amas de fourberie, de
fraudes et de mensonges, exploité par quelques fripons, les uns de bas
étage, les autres haut vol. Ils se sont trompés !
L’extase est un fait indéniable comme tous les faits. Il faut l'accepter
tel quel, sauf H l’étudier et à l’expliquer. Les auteurs ecclésiastiques,
ceux mêmes de nos jours, dans l’impuissance de nier certains cas d’ex¬
tase survenus dans des sectes hérétiques ou infidèles, se sont tirés d’af¬
faire en faisant deux catégories d’extatiques. Ils rapportent à l’interven¬
tion de Dieu les cas observés dans l’église catholique, ceux, par exemple,
51
l'hystérie de BERNADETTE, DE LOURDES
de St François d'Âssise, de Ste Thérèse, et de Bernadette, mais par
contre ils attribuent au Diable les extases des sybilles grecques et
romaines, celles des chrétiens schismatiques, celles des protestants,
celles des Fakirs de ITnde, des adeptes de Mesmer et de Cagliostro
etc., etc.
C’est en extase qu’était la Sybille de Delphes, lorsque, placée sur le
trépied sacré, elle voyait le Dieu et prononçait les mots incohérents que
le grand prêtre traduisait en prophéties. Les philosophes d’Athènes,
Platon entre autres, admettaient l’extase dans leur théorie, et l’Ecole
d’Alexandrie la considérait comme le fond de son dogme. (*)
Mais la science est venue, et miracles et théories extatiques se sont
effondrés, sapés par elle à leur base. Qu’est-ce donc que l’Extase?
L’Extase est une des formes de Thystérose ayant les caractères sui¬
vants : Après avoir éprouvé un aura, ou môme sans préliminaire bien
appréciable, le sujet cesse de parler et demeure immobile II se trouve
tout à coup séparé du reste du monde par l’interruption des sensations
qui n arrivent plus au cerveau ou bien n’y arrivent, comme dans le
sommeil, qu’avec lenteur et atténuées : les yeux tantôt grands ouverts,
tantôt mi-clos sont à peine sensibles au contact d’un corps étranger ; les
oreilles ne paraissent pas entendre, et le tact est dans un état tel qu’une
piqûre ne produit pas un mouvement réflexe.
Pendant ce temps, le malade aperçoit une image merveilleuse qui le
met dans un état de bonheur et de ravissement inexprimable : Son âme
s’élevant au-dessus de sa condition ordinaire, participe à des félicités
supérieures, à des jouissances inénarrables.
L’objet qui leur donne cet idéal bonheur varie beaucoup : le philoso¬
phe grec Plotin, un extatique, dirigeait toutes ses pensées vers un Dieu
inconnu auquel il s’unissait dans d’ineffables joies ; les saints voient la
Vierge, voient le Christ, voient le Sacré-Cœur; le fakir se délecte dans
Boudha. D’autres ont comme visions des personnes ou des choses ma¬
térielles sans que le ravissement Soit moindre : une de nos malades
voyait en extase un de ses anciens amants, chose profane s’il en fût.
Mais, répétons-le et insistons sur ce point : toujours la vision, quel
qu’en soit l'objet, s’accompagne d’un bonheur inexprimable ; c’est cette
jouissance qui fait que les extatiques sont si désireux d’entrer dans la
crise et la recherchent si vivement. Bernadette en avait un tel désir que
lorsque le moment approchait, malgré les défenses de ses parents et
malgré tous les obstacles, elle volait plutôt qu’elle ne courait vers la
grotte où elle savait devoir jouir de joies ineffables.
La physionomie exprime l’étonnement, l’admiration, la béatitude :
parfois le malade parle, esquisse un geste, une attitude en rapport avec
l’hallucination dont il subit l’empire, mais le plus souvent il reste dans
une immobilité complète.
L'attention portée sur l’objet de son ravissement est tellement fixe que
rien de ce qui se passe autour de lui ne peut l'en détourner.
(1) Dictionnaire de Larousse^ article extase.
52
RBVUB DB l’hYPNOTISMB
Dans la seconde partie de la période, les larmes coulent avec abon¬
dance, et il y a souvent émission involontaire d’urine.
Enfin, chose curieuse, il semble que ces crises nerveuses doivent s’ac¬
compagner d’un peu de fièvre, et que le pouls doive battre plus fort sous
l’influence d’une si vive émotion, il n’en est rien. Dans l’extase comme
dans les autres manifestations hystériques le pouls reste normal, si
même il ne diminue pas de fréquence.
Le sujet se réveille lentement^ pousse un soupir, et paraît faire un
effort sur lui-même pour reprendre ses esprits.
L'Extase chez Ste Thérèse. — Ste Thérèse, dans un de ses livres,
décrit sous le nom d’oraison d’extase ce symptôme hystérique : sa des¬
cription saisissante est absolument conforme à celle donnée dans nos
livres de médecine : la voici :
« On n’a plus alors de sensations distinctes : on jouit complètement
d’un bien où sont renfermés tous les autres biens. Les facultés et les
sens sont si occupés de cette joie qu’ils ne font attention à rien ni à l’in¬
térieur, ni à Textérieur. L’âme se sent en un instant tombée dans une
espèce de défaillance et de pâmoison avec un contentement et une dou¬
ceur inexprimables ; les forces s’en vont : on peut àgrand’peine remuer
les mains. Les yeux se ferment malgré soi, ou, s’ils restent ouverts, on
ne peut s’en servir. Si l’oreille entend, ce sont des bruits confus et non
des mots ou des phrases. La durée de la suspension des puissances de
l’âme ne dépasse jamais une demi-heure. L’âme est tout attendrie ; il
semble qu’on voudrait se distiller en larmes non de douleur mais de
joie. Il m’est arrivé quelquefois au sortir de cette oraison de ne savoir
si c’était un songe ou une réalité, mais en me voyant trempée de larmes
qui coulaient sans peine et d’une vitesse qu’il semblait que ce fut une
rosée céleste, je voyais que ce n’était pas un rêve {*). »
On ne saurait mieux dire ; Thérèse a admirablement? décrit, trois siè¬
cles avant Técole delà Salpêtrière, la crise d’Extase, mais cette sainte
a tort de donner cette extase comme un modèle de prières et surtout
d’inviter ses compagnes du Carmel à parvenir à cc degré dangereux de
perfection.
L’Extase hypnotique. — Dans ces dernières années, les travaux sur
l'hypnotisme ont éclairé d’une singulière manière le symptôme Extase,
symptôme assez rare autrefois pour qu’il ne fût pas donné à tous les
médecins de l'observer, mais qu’aujourd’hui on peut faire à volonté et
étudier facilement chez des sujets endormis.
En effet, on peut à certains hypnotisés donner l’extase comme on peut
leur donner la catalepsie, comme on peut leur donner des hallucina¬
tions.
Voici le tableau d’un extatique hypnotisé tiré d’un livre sur le magné¬
tisme (^) : « La personne prend subitement une physionomie toute par¬
ticulière : elle devient belle, belle d’une beauté qu’on ne peut exprimer :
(1) Note de l’auteur :
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
53
son air est inspiré, sa figure est resplendissante d’une joie intérieure.
Elle semble vouloir s’élancer dans l’immensité ; ses pieds touchent à
peine la terre ; il sort de ses lèvres des mots entrecoupés ; elle voit des
flots de lumière qui l’inondent ; elle entend des Hots d’harmonie qui la
ravissent ; la divinité lui apparait dans toute sa splendeur. »
Ce tableau peut s'appliquer mot pour mot à Bernadette, car ce n*cst
pas autrement que nous parlent d'elle ses biographes, on racontant les
crises d'extase de la grotte de Massabielle. Bien plus, comme par le fait
de son hystérose, la petite croyante était éminemment hypnotisable, on
aurait pu lui donner à volonté des crises d'extase avec la vision d’un
personnage profane au lieu de la Vierge Marie.
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 21 mars 1905. — Présidence Je M. Jules Voisin.
Un cas de sommeil hystérique avec personnalité subconsciente.
Réveil avec dédoublement dé la personnalité.
Considérations pathogéniques.
Par M. le D** Etienne Joukd.\n (de Marseille)
(suite et fin) (*)
Vus dans leur ensemble, les deux états que Marie-Louise a présentés
montrent quelle relation étroite existe entre les phénomènes psychiques
et les phénomènes physiques. En effet, dans l’état second, à une dimi¬
nution profonde de la capacité psychologique correspond un ralentisse¬
ment complet de la nutrition organique ou plus exactement, sans rien
préjuger, des fonctions organiques. Dans l’état de réveil, au contraire,
au fur et à mesure que les fonctions organiques tendent vers la nor¬
male, l'état psychologique tend lui-même vers un état de conscience
de plus en plus parfait. Ce parallélisme étroit entre les fonctions
organiques et les fonctions psychiques semble venir à l’appui de
cette opinion que j’ai soutenue dans ma thèse inaugurale, que la
conscience n'est pas un phénomène surajouté, un épiphénomène de la
sensation, mais qu'elle est fonction de la sensation, c’est-à-dire d’une
façon plus générale, la résultante de l’harmonie fonctionnell^organique.
Que le cerveau tienne sous sa dépendance les fonctions organiques cela
se conçoit par ce fait que tous les organes ont un centre de projection
encéphalique et c’est ce fait seul qui permet de comprendre qu'un trouble
fonctionnel cérébral ait une répercussion sur les fonctions organiques,
de même qu’un trouble fonctionnel organique doit avoir, à son tour, une
(l) Voyez Revue de VHypnotisme, numéros de juin et juillet 1905.
54
REVUE DE l’hypnotisme
répercussion centrale. Par conséquent, chercher à expliquer un trouble
fonctionnel par une altération mentale antérieure ce n’est, en définitive,
qu’expliquer un symptôme par un autre symptôme. Oe qu’il faut c’est
remonter à la cause première dont les troubles psychiques et physiques
ne sont que les manifestations. Or, comme, le plus souvent, cette cause
nous échappe nous disons prédisposition morbide héréditaire ou acquise
sans savoir au juste ce qu’il faut entendre par là. Chez Marie-Louise
nous croyons pouvoir arriver à la cause première des accidents qu’elle
a présentés, accidents qui, comme nous le verrons, ont laissé après eux
certaines altérations mentales constituant une véritable prédisposition
morbide.
L’élément étiologique qui domine chez notre malade est l’infection
typhique. Cette infection a déterminé pendant toute la durée de la fièvre
des phénomènes d’intoxication cérébrale : délire polymorphe avec exci¬
tation et, à leur suite, un état de faiblesse générale se manifestant dès
le début de la convalescence par une émotivité exagérée. Par faiblesse,
il faut entendre une diminution de l’énergie fonctionnelle organique.
Or les fonctions organiques sont sous la dépendance la plus étroite de
la nutrition des organes, c’est-à-dire, en dernière analyse, des éléments
cellulaires qui les constituent. On peut dire, d’une façon générale, que
les fonctions cellulaires ne sont autres que l’expression des modifications
biologiques de leur plasma. Le plasma cellulaire n’est pas inerte, il
possède un certain degré d’énergie en vertu duquel il peut faire des
opérations chimiques plus ou moins compliquées avec le milieu inté¬
rieur. Les variations de ce pouvoir dynamogénique se traduisent par
des modifications nutritives et partant fonctionnelle de la cellule. Les
infections et les intoxications, en changeant la nature du milieu inté¬
rieur, ont une action directe sur le pouvoir dynamogénique cellulaire
qui peut être exalté ou paralysé et dans tous les cas si la durée de
l’intoxication se prolonge il peut en résulter une diminution notable
de ce pouvoir et par suite un équilibre nutritif instable qu’un simple
trouble vaso-moteur pourra rompre. Nous savons, d’autre part, que les
émotions ne sont que des troubles vaso-moteurs; on peut donc com¬
prendre qu’une émotion survenant sur un cerveau présentant du désé¬
quilibre nutritif, ce qu’on a appelé de la faiblesse irritable, détermine
des troubles fonctionnels plus ou moins généraux et plus ou moins
accusés dont l’ensemble peut constituer une de ces affections nerveuses
sans lésion, névroses ou psychoses. Et ce qui semble nous prouver que la
raison d’ètr^,primordiale de ces altérations fonctionnelles corticales est
un vice de nutrition, c’est la facilité avec laquelle des infections secon¬
daires telles que la tuberculose naissent et évoluent sur de pareils
terrains.
Chez Marie-Louise les choses ont dû se passer ainsi et ce qui tend à
nous le démontrer, c’est le traitement. En effet, au fur et à mesure que
se poursuit la rééducation fonctionnelle de chaque organe, les troubles
nutritifs s’amendent progressivement ce qui se manifeste par l’augmen-
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIE BT DE PSYCHOLOGIE
55
tation lente et graduelle du poids du corps» le retour du tonus muscu¬
laire, la diminution de Tanesthésie» la réapparition des sécrétions* Et,
encore mieux que tous ces phénomènes, le psoriasis a été, pour ainsi
dire, Tétalon de cette progression : s'efTagant et disparaissant à mesure
que la nutrition se relevait, réapparaissant avec plus ou moins d'inten¬
sité lorsqu'il y avait rechute, son intensité étant pour ainsi parler,
parallèle aux troubles nutritifs (le psoriasis avait été, nous l’avons dit,
absolument rebelle à tous les traitements dirigés contre lui) les modi¬
fications physiques s’accompagnaient de modifications psychiques qui
échappaient à l'analyse et qui furent bien mises en lumière par le fait
suivant : au début du traitement le sommeil hypnotique ne diflférait
de l'état de veille ou plus exactement de pseudo veille que par l’occlu¬
sion des yeux ; vers la fin du traitement, au contraire, ce sommeil
s'obtint rapidement et se différencia nettement de l’état de veille; cette
différenciation fut encore accusée lorsque Marie-Louise fut complète¬
ment réveillée. Mieux que toute description, les paroles de Marie-
Louise rendent compte de ce fait: « Au début du traitement vous vou¬
liez m'endormir; c'était difficile, car dormant déjà je ne pouvais guère
dormir davantage ; maintenant que je suis réveillée je dors facile¬
ment. »
Ainsi on voit que la rééducation fonctionnelle est marquée par une
accélération de la nutrition ; nous pourrions dire que la rééducation
ramenant les mutations nutritives vers la normale, les fonctions organi¬
ques tendent, elles aussi, vers la normale. Ce parallélisme explique le
fait suivant qui parait assez étrange. Lorsque la malade était à Mezzieux,
on la soumit au repos, au lit, et à la suralimentation. Ce traitement
amena une augmentation de poids (14 kilog. environ) ; en quittant l’éta¬
blissement, Marie-Louise était si engraissée, elle avait tellement épaissi,
suivant l’expression de sa famille, qu'on fut obligé d'agrandir le tour de
taille de ses robes. Mais cette augmentation de poids ne s'était accom¬
pagnée d'aucune amélioration physique ou psychique ; bien plus le pso¬
riasis avait alors son maximum d'intensité. C'est que, à cette époque,
les mutations nutritives étaient troublées, déviées de leur normale, l’as¬
similation était défectueuse, imparfaite, et le résultat en fut une forma¬
tion exagérée de graisse, c’est-à-dire de substance incomplètement assi¬
milée.
♦
Vue dans son ensemble, l'observation de Marie-Louise présente des
analogies très grandes avec les états psychiques décrits sous le nom de
rêves prolongés, de délires oniriques. De cette analogie, il ne faudrait
cependant pas en conclure, à l’identité de nature des processus étiologi¬
ques. A notre avis les délires oniriques sont l'expression même de l’in¬
toxication cérébrale ; l’hystérie au contraire, dans le cas qui nous occupe,
est une conséquence éloignée de cette intoxication, je dirais volontiers
qu'elle est l’expression des modifications biologiques, des déviations
nutritives que l'infection a fait subir aux éléments nerveux. Et même,
56
RBVÜB DE L'hTPNOTISMB
envisageant celte question d’un point de vue général, nous nous croyons
autorisés à dire que Tinfection ou l’intoxication déterminant des dévia¬
tions nutritives persistantes des neurones corticaux produisent chez
l’individu un mode de vie propre, un état diathésique, neuropathique
spécial, c’est-à-dire un tempérament particulier à prédispositions mor¬
bides, constantes dans leur nature, variables dans leur intensité. Go qui
veut dire encolle que rintoxicalion ne crée pas la névrose, mais qu’elle
prépare le terrain. La cause déterminante de la névrose est toujours
d’ordre émotif ; mais l’émotion quelle qu’en soit la nature, se manifes¬
tant toujours au point de vue physiologique, par des troubles vaso-mo¬
teurs, c’est-à-dire par des variations de pression ou de tension du milieu
intérieur, le résultat ne peut en être qu’une exagération de la déviation
nutritive de l'élément nerveux. De sorte que, en dernière analyse, on
peut dire que l’état de maladie ne diffère de l’état créé par l’intoxication
que par le degré d’intensité de la déviation nutritive.
Et c’est ce fait qui nous explique aussi que, la névrose disparue, la
prédisposition névropathique reste. Marie-Louise nous en offre un bel
exemple. En effet, nous pouvons considérer cette jeune fille comme com¬
plètement guérie de sa névrose : tous les phénomènes morbides ont
disparu, il n’y a plus le moindre trouble de sensibilité, toutes les fonc¬
tions s’accomplissent normalement. Cependant, au pointde vue psycho¬
logique, Marie-Louise n’est plus ce qu’elle était autrefois. Calme, tran¬
quille, très assidue à tout ce qu’elle faisait, d’un caractère toujours égal,
elle est aujourd'hui très inégale, d’une émotivité exagérée au point
qu’elle cède aux moindres influences extérieures : la vue d’un enterre¬
ment ou simplement d’un drap mortuaire sufBt à la plonger dans une
profonde tristesse ; la moindre contrariété l’énerve ; elle passe, sans
raison, de la joie à la tristesse, de l’affaissement à la colère ; elle est
d’une grande suggestibilité : non seulement le sommeil hypnotique s'ob¬
tient rapidement, mais une simple affirmation suffit à changer sa déter¬
mination ; en somme, la caractéristique de son état psychologique est de
l’instabilité mentale. Ce sont bien là des caractères de déficience psy¬
chique, de dégénérescence mentale qui constituent la prédisposition
neuropathique. Cette prédisposition est bien, en ce qui concerne Marie-
Louise, sous la dépendance la plus directe de l’infection typhique.
Cette notion nous paraît être très importante au point de vue du pro¬
nostic et du traitement des névroses. Etendant la classification de Charcot
à propos de la neurasthénie à toutes les névroses, nous pouvons dire
qu’il y a des névroses constitutionnelles et des névroses accidentelles.
Par névroses constitutionnelles il faut entendre non seulement celles qui
évoluent sur un terrain héréditairement taré, mais encore sur un terrain
dont la prédisposition morbide a été créée de toutes pièces par une infec¬
tion ou une intoxication antérieure. De sorte que, si on peut dire que les
névroses constitutionnelles sont incurables, il faut entendre par incura¬
bilité non pas la persistance des symptômes de la névrose, mais les
caractères de déficience psychique et somatique qui constituent la pré-
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
57
disposition morbide. Ce qui est incurable ce n’est pas la névrose mais
le terrain sur lequel elle évolue. La prédisposition morbide est le résultat
soit de caractères biologiques transmis par hérédité, soit d’une déviation
nutritive permanente déterminée par une infection ou une intoxication
antérieure (et par intoxication il faut entendre aussi bien les intoxications
exogènes qu’endogènes), soit par une suractivité fonctionnelle qui provo¬
que, à un moment donné, un épuisement plus ou moins grand c’est-à-
dire un ralentissement de la nutrition organique : cet épuisement est le
plus généralement le fait du surmenage. Dans les deux premier scasla
déviation nutritive a toute la valeur d’une lésion : c’est un caractère
acquis qu’il est impossible de faire disparaître et qui peut se transmettre
à la descendance ; dans le troisième cas, au contraire, il n’y a pas à
proprement parler déviation nutritive, mais simplemen trupture d’équi¬
libre, un état d’affaiblissement fonctionnel qu’on pourra toujours réaliser
par les moyens appropriés que nous avons à notre disposition.
*
♦ »
Ces considérations pathogéniques nous fournissent des indications
assez précises sur le traitement à employer. Dans les cas de névrose
constitutionnelle non seulement il faut tenir compte des troubles nerveux
mais aussi et surtout du terrain sur lesquels ils évoluent. Car, il faut
bien le dire, si nous disposons de moyens multiples efficaces contre les
troubles nerveux, il n’en est pas de même de la prédisposition morbide
contre laquelle nous sommes impuissants. Mais si, médicalement, il est
impossible de lutter contre la prédisposition môrbide, il est cependant
des moyens qui peuvent mettre à l’abri d’une affection nerveuse, ces
moyens sont d’ordre social, c’est pourquoi nous ne sommes pas maîtres
de les appliquer, mais qu’il est de notre devoir d’indiquer. La vie sociale,
faite de luttes constantes pour arriver à la satisfaction de nos besoins,
est une source d’émotions profondes et continues. Ce sont ces émotions
que l’on trouve toujours à l’origine d’une névrose. Or les individus qui
ont des tares héréditaires ou acquises sont les victimes prédestinées de
la lutte pour la vie : on peut dire que les névroses qu’ils présentent ne
sont que les stigmates de leur défaite. Il faudrait donc les soustraire aux
conditions sociales dans lesquelles ils se trouvent pour les faire vivre
d’une vie adéquate à l’énergie mentale dont ils disposent. C’est à tous
ces prédisposés que peuvent s’appliquer les paroles de Péters à propos
de la prophylaxie de la tuberculose héréditaire : « faire de l’enfant un
petit paysan, changer la vie urbaine pour la vio agreste, la vie dans les
chambres pour la vie dans les champs, remplacer la privation de soleil
par l’exposition au soleil, la crainte du froid par sa recherche, les bains
chauds par les bains de rivières, les exercices intellectuels par les mus¬
culaires. » Il est un préjugé universellement répandu, c’est que le travail
mène à tout : aussi les procédés d’éducation et d’instruction sont-ils
identiques pour un même milieu et indépendants de l’énergie physique et
psychique des enfants. Nul des parents ou des éducateurs ne se préoc-
58
REVUE DE l’hypnotisme
cupe de savoir si un enfant ou un adulte est capable de faire face à une
somme donnée de travail. On fait naître ainsi des idées ambitieuses qui
très souvent ne se réaliseront pas, on épuise en pure perte des organis¬
mes qui auraient pu, dans une certaine mesure, être utiles à la société,
on en fait des déprimés, des désespérés, des malheureux. Lorsque Té-
ducation et l’instruction seront basées sur des principes pédagogiques
et psychologiques définis, lorsqu’on ne poussera plus indistinctement
vers le même but des individus à forces mentales inégales, lorsqu’on
fera à chacun une vie proportionnée à l’énergie dont il dispose, un grand
pas sera fait dans la prophylaxie des affections nerveuses qu’il est plus
facile de prévoir, d’éviter que de guérir.
Séance du mardi 18 avril. — Présidence de M. le D' Jules Voisin.
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Le procès-verbal est lu et adopté.
M. le Secrétaire général adjoint donne lecture de la correspondance.
La Société désigne, pour la représenter au Congrès de psychologie de
Rome qui se tiendra du 26 au 30 avril, MM. les D^* Bérillon, Raffegeau,
Demonchy. MM. Louis Favre et Blech.
La séance est ensuite consacrée à la communication suivante :
L’ectothérapie cérébrale,
par M. le Docteur A. Bianchi.
Aux congrès de psychologie et d’hypnologie de 1900, j’ai présenté des
communications préventives sur une nouvelle méthode de modification
des organes internes par leurs applications très rapides et localisées de
la chaleur et du froid et sur son application à l’étude des fonctions céré¬
brales. A ce traitement j'ai donné le nom d’ectothérapie, c'est-à-dire
médication à l’aide de la « dilatabilité » des corps et, à la méthode de
contrôle, le nom d’ectoscopie, c’est-à-dire examen de la modification
produite dans les organes par la chaleur et le froid rapides et localisés.
L’une et l’autre méthode sont basées sur le fait, vérifié au moyen de la
phonendoscopie et contrôlé au moyen des rayons Rœntgen, que les
org;<nes internes subissent une augmentation de volume par une appli¬
cation chaude rapide (40* à 60®) sur la surface de la peau au-dessus
de l’organe et qu’ils subissent une diminution de volume par une
application froide (0” à 10”) faite également sur la peau au-dessus de
l’organe.
Au moyen d’une longue série d’expériences, continuées pendant près
de six ans, je suis arrivé à connaître les lois de cette action du froid et
de la chaleur et à pouvoir ainsi établir parce moyen le degré de dilata¬
tion et de rétraction de chaque organe, ainsi que leur coefficient de« di¬
latabilité. »
SOCIÉTÉ d'hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
59
Les climats, les saisons, les heures de la journée, la nourriture, le
travail, Tâge et le sexe ont une grande influence sur les variations de
cette dilatabilité des organes et on peut dire que l’excitation de l’orga¬
nisme a son explication dans la série alternative de ces dilatations et de
ces rétractions des organes, presque inaperçues et sûrement trop négli¬
gées.
« «
Le cerveau est un des organes les plus impressionnés par ces change¬
ments et si on pense que la surface crânienne et le front sont presque
toujours découverts et sujets à toutes les variations atmosphériques,
on pourra juger de l importance que présente Tétude de l’ectoscopie
cérébrale. Le moyen le plus simple et le plus rapide d’examen est fourni
par la phonendoscopie, comme je l’ai démontré au Congrès d’hypno-
logie de 1900. Je ne rappellerai pas ici les détails de la méthode, mais
je dirai qu’on peut se servir d’un tout petit phonendoscope et que le
résultat peut être reproduit sur le papier au moyen de la glycérine colo¬
rée pour le conserver et Tétudier ultérieurement. On réussit ainsi à
projeter sur le front la ligne de limite des bords antérieur et interne
des lobes frontaux. Le rapprochement ou Téloignement de ces deux
lignes nous donnent le rapprochement ou Téloignement des lobes fron¬
taux dans leur partie interne. Quand les lobes sont très éloignés la
distance entre les deux lignes augmente, quand ils sont rapprochés,
elle diminue; l’on peut môme aniver jusqu’au rapprochement complet
des deux lignes.
Cette partie antérieure et libre des lobes frontaux est la partie du
cerveau la plus mobile «t qui nous sert comme d’index pour les autres
changements du cerveau entier.
L’explication anatomo-physiologique de ce fait est la suivante. Les
deux moitiés du cerveau, et les deux lobes frontaux par conséquent, sont
espacés par la grande faulx du cerveau, et sont séparés de la grande faulx
et des méninges enveloppantes et adhèrent aux os du crâne par le
liquide céphalo-rachidien. Quand le cerveau offre une sorte deréthisme,
de contraction, ses lobes frontaux tendent à s’éloigner et à s’écarter.
Mais lorsque le cerveau est fatigué, il se congestionne, il se dilate, et
alors les lobes frontaux tendent à se rapprocher de la ligne médiane.
Plus l’éloignement des lobes est grand dans les limites normales, plus
il y aura d’éréthisme cérébral, plus d’aptitude au travail physique ou
psychique ; plus le rapprochement est grand, plus il y aura de fatigue
cérébrale et moins d’aptitude au travail. Il y aura alors besoin de repos
et le sommeil viendra donner au cerveau le calme nécessaire pour répa¬
rer les forces épuisées par le travail Tous ces faits sont transitoires et
répondent à un cycle suivant l’heure, le jour, le mois. Tannée. Un état
d’éloignement exagéré et constant est un phénomène pathologique, ainsi
qu’un état de rapprochement exagéré et constant. Le premier de ces
états est prémonitoire ou symptomatique des formes d’excitation céré-
60
REVUE DE l’hypnotisme
braie, Tautre est prémonitoire ou symptomatique des formes de dépres¬
sion cérébrale.
Si l’on étudie cet éloignement en rapport avec la ligne médiane verti¬
cale de la base du nez, on peut même voir si les deux moitiés du cer-
•veau travaillent de la même façon dans le même temps, les cas de la dis¬
sociation du travail dans les deux lobes n'étant point rares. Au moment
du sommeil, il y a un rapprochement plus ou moins grand des lobes ; ce
rapprochement augmente au début, mais après une période de calme,
diminue graduellement jusqu’au moment où le cerveau ayant repris son
état d'éréthisme nécessaire, a lieu le réveil. En outre, l’éloignement
des lobes augmente graduellement, atteint un maximum, se modifie à
plusieurs reprises dans la journée sous l’effet des influences extérieures
et à la fin s’installe le rapprochement, prodrome du sommeil. Dans le
sommeil provoqué il y a passage plus rapide de l’éloignement au rappro¬
chement des lignes frontales : le rapprochement se maintient presque
identique pendant la durée du sommeil provoqué et le passage au réveil
est bien plus rapide que dans le sommeil naturel, mais moins complet.
Dans la simulation du sommeil, les lignes au lieu de marcher vers le
rapprochement se maintiennent stationnaires ou s'éloignent davantage,
car il y a une augmentation d’éréthisme cérébral.
*
» *
Tout cela se rapporte à l’ectoscopie cérébrale ; mais il était nécessaire
de le rappeler avant de parler de l’ectothérapie cérébrale.
Si, lorsque les lignes sont dans l’éloignement moyen, on fait des
application rapides de chaleur à 40® ou 5Ü®, pendant quelques secondes,
on voit les lignes frontales se rapprocher jusqu’à toucher la ligne
centrale delà faulx du cerveau. Au contraire, si on fait des applications
froides de 10® à 0®, pendant quelques secondes, on voit les lignes fron¬
tales s’éloigner davantage. Ainsi lorsqu’on veut produire un état d’effa¬
cement et de fatigue cérébrale il faut de la chaleur; lorsqu’au contraire,
on veut produire un état d’éréthisme et d’excitation cérébrale il faut du
froid. Graduer l’action de ces éléments, voilà le but du phonendosco-
piste qui peut suivre ces variations cérébrales à un millimètre près,
toutes les cinq secondes. Voilà ce qu’est l’ectothérapie cérébrale.
Comment expliquer le phénomène ?
On a fait intervenir le réflexe produit par l’intermédiaire des filets
nerveux dans les organes profonds par la sensation de chaleur ou de
froid produite au-dessus du point de la surface où ces agents physiques,
sont rapidement appliqués. C’était même l’avis du regretté Professeur
Marey, que ces expériences intéressaient vivement. Ou plutôt sont-elles
des actions électriques qui se produisent par l’effet de la rapide appli¬
cation de la chaleur et du froid ?
C’est ainsi que pouvait s’expliquer l’action presque instantanée de
la chaleur et du froid sur le cerveau ainsi que les modifications conti¬
nuelles de cet organe ; car il y a une série non interrompue d’excitations
SOCIÉTÉ o'hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
61
et d’inhibitions qui, à chaque moment, agissent sur notre front et sur
notre tête et deviennent des agents puissants du travail cérébral pen¬
dant la vie.
C’est presque une communication préventive que je présente aujour¬
d’hui sur ce sujet. Je me propose de la détailler lorsqu’une série d’expé¬
riences très complexes et très délicates, auront été accomplies ; je vous
en promets, dès maintenant, la primeur.
Séance du mardi IG mai 1905. ~ Présidence de M. Jules Voisin.
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Le procès-verbal de la préqédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture delà correspondance qui com¬
prend des lettres de MM. les D” Van Renterghem (d’Amsterdam), Raffe-
geau, Paul Parez, Paul Joire (de Lille), de M. Guénon, vétérinaire-major
à Chalon, de M. le D*" Marnay, posant sa candidature pour le prix Lié-
beault.
La correspondance imprimée comprend une brochure de M. le
D' Délius (de Hanovre) et un livre de M. le professeur J. Ingéniéros (de
Buenos-Ayres) intitulé : La simulation dans la lutte pour la vie.
M. le D** Bérillon donne un compte-rendu du Congrès de psychologie
de Rome où la Société d’hypnologie et de psychologie était largement
représentée. Les membres de la Société ont été heureux de se grouper
autour d’un de nos membres d’honneur, M. le professeur Beaunis, qui
représentait dignement à Rome la psychologie expérimentale et l’hyp-
nologie. Un certain nombre de communications relatives à l’hypnotisme
et à la psychothérapie ont été faites. Elles ont donné lieu à d’importantes
discussions auxquelles ont pris part MM. les professeurs Enrico Morselli
et Ingéniéros.
Le Secrétaire général propose de nommer M. Enrico-Morselli, membre
d’honneur de la Société, en raison des grands services rendus par lui à
la psychothérapie et à l’étude de Thypnotisme. Cette proposition est
adoptée à l’unanimité.
M. le Président met aux voix les candidatures de M. le D** Jacques
Bertillon, chef de la statistique municipale de la Ville de Paris, M. le
Bouhageb, médecin de l’hôpital Sadiki, de Tunis, de M. Ducloux,
vétérinaire militaire à Tunis et de M. le D** Lingbeck (de Laag-Sooren
(Hollande). Ces candidatures sont adoptées à l’unanimité. La séance
est ensuite consacrée aux communications suivantes et la séance est
levée à 6 h. 1/2.
62
HBVUB DE l'hypnotisme
L’Hypnotisme et le prétendu « Magnétisme animal ».
par M. Louis Favre.
L’hypnotiseur se sert souvent de sa main pour agir sur Thypnotisé ou
le sujet. Il appuie sa main tantôt sur les épaules du sujet, tantôt sur son
front ou ses yeux, tantôt sur un point hypnogène quelconque, tantôt sur
le vertex, etc.
La main de l’hypnotiseur qui agit ainsi a-t-elle seulement une action
psychique, suggestive? Ou bien, la main de l’hypnotiseur a-t-elle en
même temps une action physico-chimique ou biologique — action qu’on
puisse distinguer logiquement et séparer réellement de l’action psycho¬
logique? Telle est la question que je me suis posée.
J’ai voulu la résoudre non à la façon des métaphysiciens, mais à la
façon des gens de science, par l’expérience. Mais l’expérience sur
l’homme est trop complexe; et, dans les'effets observés là, on peut
toujours invoquer la suggestion. J’ai donc fait porter les expériences
(dont le compte-rendu se trouve au bulletin de l’Institut général psycho¬
logique) d’abord sur des cas simples et des espèces non suggestibles,
sur des microbes (espèce bacillus subtilis — 23 expériences) et sur des
végétaux (espèce vulgairement nommée « cresson alénois » — 11 expé¬
riences). — Il faudra discuter méthodiquement dans quelle mesure
l’application peut être faite à l’homme.
Dans mes expériences, les choses se sont passées comme si la main
humaine avait une action sur le développement des cultures — micro¬
biennes et végétales ;
Comme si les deux mains avaient des actions différentes (quant au
sens ou quant à l’intensité des effets) ;
Comme si^ dans chaque expérience, une seule main était vraiment ac¬
tive ;
Comme si la main droite était la plus active dans le cas des graines,
et la main gauche la plus active dans le cas des microbes ;
Comme si la main droite, active dans le cas des graines, agissait en
faveur de la croissance ;
Comme si la main gauche, active dans le cas des microbes, agissait
contre la croissance ou le développement ;
Comme si l’action favorable de la main droite touchait seulement —
ou surtout — les graines débiles, à vitalité faible ;
Comme si l’état de santé de l’opérateur avait une influence sur l’ac¬
tion produite ;
Comme si l’action était d’autant plus forte que la santé de l’opérateur
est meilleure ;
Comme si l’état de maladie de l’opérateur produisait un changement
dans le sens ou, tout au moins, dans l’intensité des effets produits — des
effets indiqués plus haut.
Ces faits d'observation, qui sont rendus apparents par les courbes éta¬
blies, il ne me paraît pas qu’on doive immédiatement les ériger en lois
soGiÉTâ d’htpnologib et de psychologie
63
— car il n’y a que 22 mois que j’ai commencé les expériences et je n’ai
que 34 expériences. Je demanderai, pour énoncer des lois, qu’il y ait
des expériences plus nombreuses et qu’elles soient répétées par un cer¬
tain nombre d’expérimentateurs. O’est pour appeler le concours de ceux-
ci que je publie aujourd’hui mes résultats.
L’hypnose spirite
Par M. le D»* Demonchy.
Laissant de côté les questions de croyance qui tendent à faire du Spi¬
ritisme une sorte de religion ayant ses fidèles et ses détracteurs, je
crois utile de signaler des faits qui tombent sous l’observation scienti¬
fique et inlpartiale du psychologue. Ce sont les différentes attitudes
d’esprit qui affectent les personnes se livrant aux pratiques spirites et
en particulier à celles des tables tournantes.
Loin de penser à l’hypnose, les personnes se rendent aux séances
spirites dans un but précis : produire des phénomènes, ou bien les voir
et les contrôler. Nous pouvons donc noter ici un sentiment qui a déjà
ému leur personnalité et ébranlé leur esprit; c’est la première phase,
celle de la curiosité.
Un assemblage d’assistants n’est pas un milieu homogène ; les idées,
les professions, les origines, les situations diffèrent; il faut ramener
l’unité, courber les esprits et les maintenir dans une même direction.
Le moyen est très simple. Pour les uns, c’est une invocation, une prière;
pour les autres, c’est un chant. Le milieu s’échauffe, l’enthousiasme
s’éveille, les vacillants sont entraînés, les individualités résistantes
sont touchées. Tous nous connaissons cet effet du chant et de la mu¬
sique, qui est de retirer à chacun une partie de défense personnelle pour
en faire un tout uni dans une même pensée ; c’est la phase d’émo¬
tion.
On place les mains sur la table, et c’est le grand silence succédant
aux chants ou à l’invocation. Et le silence, le grand silence est très
impressionnant; Pascal lui-même s’effrayait du grand silence. C’est la
phase du recueillement.
Les mains sont placées dans une certaine position, les doigts sont
écartés, le poignet soutient la main, le bras est sans appui; Tattitude
est fatigante. Qu'il me soit permis d’attirer l’attention de la Société sur
ce point qui, selon moi, n’a pas été suffisamment encore mis en relief : une
attitude fatigante prédispose à l’hypnose et à la suggestion. C’est la
phase des attitudes fatigantes.
Qui oserait prétendre qtre ces assistants sont encore à Tétât de veille ?
Non certes, o’est de l’hypnose, dans le sens le plus large du mot, il est
vrai ; mais, c'est bien de l’hypnose. L’état de défense de l’individu est
réduit, la maîtrise du moi est abandonnée. Comme procédé de pro¬
duction de Thypnose c'est un peu spécial, un peu différent des méthodes
en usage, mais c’est de Thypnose que je qualifie de spirite pour éviter
toute confusion avec les autres sortes d'hypnose.
64 REVUE DE l'hypnotisme
Du reste les preuves de Tétât d’hypnose vont abonder ; voici les
principales :
Les suggestions commencent et s’accomplissent. Il y a toujours parmi
les assistants un chef de file qui promet des manifestations et prédit des
phénomènes.
Voici la période des contractures douloureuses. Un assistant retire sa
main pour lutter contre une crampe des doigts. Un autre se plaint de
douleurs insupportables dans le br-as, le poignet, Tépaule, et se frotte
vigoureusement pour remédier à cet état douloureux. Nous n’agissons
pas autrement pour décontracturer nos malades.
Les hallucinations de Touïe et de la vue apparaissent ; tel prétend en¬
tendre des voix, tel autre voir des lueurs, des lumières.
Des phénomènes d’automatisme se manifestent. Les uns vont tracer
sur le papier des jambages informes, des lettres, des mots. Puis sur
Tinjonction qu’il faut avoir la même pensée, vouloir que la table ait la
môme direction, les assistants iront jusqu’à se lever et entraîner la table
avec eux : phénomène qui cesse si les assistants tiennent les mains non
plus au contact, mais à peu de distance de la table.
Ce n’est pas tout : le Somnambulisme provoqué entre en scène, et nous
sellons assister à une répétition des convulsionnaires de « Saint-Médard »,
Un des assistants va se tordre dans une crise et reproduire dans ses
gestes, dans ses paroles et sur sa physionomie, les derniers instants
d’un enfant qui se meurt. Quand il est épuisé, on le réveille par des
passes : c’est heureux pour lui, car pour les autres qui ont des phénomènes
moindres, on ne s’en inquiète pas ; on les croit toujours à Tétat de vdlle ;
on ne se doute même pas qu’ils sont en état d’hypnose.
Aussi les phénomènes d’hypnose spirite se reproduisent après les
séances, pendant des mois, des années. On les encourage, on s’entraîne
à les reproduire. Telle malade est venue affirmer qu’elle a passé dix-
sept mois à essayer d’entrer en communication avec les esprits ; telle
autre s’exerçant dans l’obscurité, les mains recouvertes de gants de
coton, en arrivait à user ses gants.
N’y a-t-il pas là un danger ? Rappelons ces malheureux sans défiance,
donnant à lire le livre de leur vie, ou faisant leurs confidences à des
voisins de rencontre, qui peuvent être indignes de leur confiance.
Je pense qu'il y a là un ensemble de faits facilement observables,
pouvant être classés, et qu’il peut être dangereux de les ignorer ou de
les méconnaître. Si nous voulons faire de Thypnotisme et de Thypnose,
faisons-le hardiment en appelant les choses par leur nom. Le danger
est par cela même écarté ; on ne livre de soi consciemment que ce que
Ton veut bien livrer.
Dans Thypnotisme médicaMe malade conserve son indépendance et
sa liberté.
L'Administràieur-Gérant : Ed. BÉRILLON.
Paris, lmp. A. Quelquejeu, rue Gerbert, 10.
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
20« Année. — N® 3.
Septembre 1905.
BULLETIN
La psychologie au congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences.
— Discours de M. le professeur Giard. — La pédagogie des anormaux. — La
phobie de l’eau.
Le congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences,
s’est tenu du 3 au 12 août, à Cherbourg, sous la présidence de M. le pro¬
fesseur Alfred Giard, de l’Institut. A la séance d’ouverture, il a prononcé un
discours d’une haute portée philosophique sur Vévolution des sciences biolo¬
giques, Après avoir clairement exposé l’influence si considérable que les
doctrines évolutionistes ont exercé sur toutes les sciences biologiques,
M. Giard a démontré que l’idée de la sélection naturelle s’est imposée peu
à peu dans toutes les sciences de la nature et môme dans le domaine de la
psychologie. A notre grand regret nous ne pouvons citer que quelques
extraits de ce discours si remarquable (ij. Les passages suivants pourront
donner une idée de la méthode rigoureusement scientifique à laquelle
doivent s'astreindre'tous les biologistes, y compris les psychologues.
« F. Bacon, comparait les causes finales au poisson Rémora, qui, d’après
les marins de son temps arrêtait la marche des navires. Par la sélection
naturelle. Darwin a supprimé tous les Rémora^ qui arrêtaient le navire de la
science. Car peu importe que l’idée de finalité persiste, comme certains le
réclament, à l’état virtuel, sous forme d’énergie potentielle initiale, cons¬
tituant le principe de l’évolution universelle. L’essentiel est que la cause
finale soit placée en dehors du déterminisme expérimental qui ne connaît
que des rapports nécessaires de séquence, et que l’hypothèse finaliste soit
reléguée dans les régions de la métaphysique où l’homme de science digne
de ce nom doit éviter de s’égarer.
« Et Darwin se rencontre ici avec son émule Lamarck pour donner à l'hu¬
manité une orientation nouvelle et réaliser dans le domaine de la Biologie
une révolution analogue à celle que Newton et Laplace ont accomplie dans
les sciences astronomiques.
a II ne peut entrer dans le plan de cette causerie d’insister ici sur les con¬
séquences politiques et sociales que Lamarck déduisait de ses patientes re¬
cherches et qu’il a résumées dans son Système analytique des Connaissances
de Vhomme^ publié en 1828. Je voudrais cependant rappeler la conclusion
générale que l’illustre penseur tirait de ses longs travaux et le conseil qu’il
(1) Paru dans la Revue scientifique du 12 avril 1905 et qui paraîtra dans les
comptes-rendus de VAssociation française pour l'avancement des sciences.
66
REVUS DE l’hypnotisme
considérait comme le plus indispensable à Tétre humain dont il venait
d’esquisser la filiation:
« Mais il y a, dit-il, encore une vérité qu’il ne lui en importe pas moins
« ne reconnaître, s’il ne doit même la placer au-dessus de celles qu’il a pu
« découvrir, par 1 extrême utilité dont elle pourra être pour lui. C’est celle
(c qui, une fois reconnue, lui montrera la nécessité de se renfermer, par sa pen^
« sée, dans le cercle des objets que lui présente la nature^ et de ne jamais en
« sortir s'il ne veut s*exposer à tomber dans Verreur et à en subir toutes les
« conséquences. »
« N’est-ce pas la même idée qu’exprimait récemment avec plus de force
Félix Le Dantec, dans son beau livre Les Lois naturelles :
« L’origine ancestrale de la logique impose des bornes à la logique. Pour
« avoir compris qu'il n'est lui-même qu'un phénomène naturel^ l'homme doit
« renoncer à philosopher sur les phénomènes naturels autres que ceux qui sont
« directement connus de lui. Pour tout savant convaincu de l’origine évolutive
« de l’homme, la métaphysique n’est qu’un ramassis de mots vides de sens. »
« Il me sera permis, je pense, sans enfreindre une règle de conduite aussi
sage, de dire quelques mots des modifications que les théories transfor¬
mistes ont amenées dans notre conception des facultés intellectuelles de
l’homme considéré comme le terme le plus élevé d’une série animale gra¬
duellement perfectionnée.
« Les lois de l’imitation de G. Tarde et son interpsychologie ne sont que
l’application à l’espèce humaine de principes familiers aux zoologistes et
toute la théorie des instincts s’éclaire d’un nouveau jour si l’on fait inter¬
venir, dans l’explication de ces curieux phénomènes de physiologie compa¬
rée, les principes d’hérédité et d’adaptation a la lutte pour la vie... »
Après avoir insisté sur les lumières que la théorie de l’évolution est
appelée à apporter à la psychologie, M. Alfred Giard a terminé son discours
par les paroles suivantes :
« Notre grand Lamarck, dont vous me permettrez d’invoquer une fois de
plus l’autorité, l’a dit très justement :
il Ce n’est que relativement que certaines vérités peuvent paraître dange-
« reuses ; car elles ne le sont point par elles-mêmes, elles nuisent seulement
« à ceux en situation de se faire un profit de leur ignorance. »
« Dans une époque troublée comme celle que nous traversons, à un
moment où les vieilles croyances s’écroulent tour à tour et où les points de
la science qui semblaient les mieux établis sont remis en discussion, il faut
déclarer hautement sa pensée et le résultat de ses méditations.
U C’est le devoir que nous impose la devise de notre Association : par la
science pour la patrie.
tt C’est aussi le moyen d’orienter vers des destins meilleurs les généra¬
tions qui vont nous suivre et d’indiquer à nos successeurs quels sont, dans
le riche héritage que nous ont légué nos ancêtres et que nous leur trans¬
mettons augmenté du fruit de nos elTorts, les matériaux utilisables pour les
constructions plus complètes et plus harmonieuses de l’humanité future. »
Après le discours de M. Giard, les travaux des sections ont commencé;
quelques-unes ont été particulièrement actives. A la section de médecine,
M. le Bérillon a fait une communication d’ordre médico-psychologique
relative au traitement des alcooliques par la suggestion hypnotique.
Comme toujours le Congrès s’est terminé par des excursions parfaite-
BULLETIN
67
ment organisées dues au zèle infatigable du dévoué secrétaire du conseil,
M. le Professeur Garlel. L’une d’elles qui comportait la visite de l’île de
Guernesey et celle de l’île Sercq laissera à ceux qui y ont pris part un sou¬
venir inoubliable.
★
♦ 4
A la section de pédagogie de l’Association française pour l’avancement
des sciences, M. le D** Bérlllon, médecin-inspecteur des asiles d’aliénés, a
abordé l’importante question des enfants turbulents et indisciplinés.
Il n’y a pas de classe où la présence d’un ou de plusieurs enfants turbu¬
lents, réfractaires à tous les moyens pédagogiques usuels, ne soit une cause
permanente de trouble et d’indiscipline. Il arrive fréquemment que la direc¬
tion d’un seul de ces enfants impose au professeur ou à l’instituteur une
dépense d’énergie si considérable qu’il en résulte pour lui une véritable
fatigue. L’intervention constante du maître, pour obtenir d’un enfant turbu¬
lent la somme d’application nécessaire, ne peut se faire qu’aux dépens de
tous les autres enfants. Chez les enfants, la turbulence est essentiellement
contagieuse et un seul enfant inattentif suffît à troubler l’ordre dans une
classe. Il convient donc d’étudier les divers procédés par lesquels on peut
améliorer ou guérir ces enfants indisciplinés : ces procédés sont d’ordre
administratif ou d’ordre médical. Dans le premier cas, on a proposé la
création d’écoles de réforme ou de classes spéciales dans lesquelles les
enfants seraient en nombre très limité, confiés à la direction de maîtres
expérimentés. Dans le second, il s’agit de traitements divers et d’une inter¬
vention d’un ordre particulier, appropriée à l’état nerveux de l’enfant indis¬
cipliné, et basée sur l’examen psychologique du sujet. Chaque cas doit être
abordé comme un problème de psychologie individuelle. Chez un grand
nombre d’enfants turbulents et indisciplinés dont les dispositions anormales
ont pour cause des erreurs ou des fautes de l’éducation familiale, l'emploi
de la suggestion hypnotique amènera la guérison. Bien entendu, elle
devra être appliquée avec le tact et la compétence nécessaires. En présence
des observations de guérisons d’enfants turbulents présentées par le D''Bé-
rillon, la section a décidé de maintenir cette question à l’ordre du jour de
la prochaine session qui se tiendra à Lyon, au commencement d’août 1905.
Elle sera l’objet d’un rapport général et la discussion y sera abordée avec
toute l’ampleur qu’elle comporte.
Diverses questions concernant la pédagogie des anormaux y seront égale¬
ment à l’ordre du jour et ramèneront les travaux de la section aux études de
pédagogie expérimentale qui, seules, se présentent avec le caractère de ri¬
gueur scientifique conforme à l’esprit de l’Association française pour l'a¬
vancement des Sciences. M. le D** Bérillon a été désigné comme président
de la section au Congrès de Lyon et il se propose de faire appel à la colla¬
boration de tous ceux qui s’intéressent à la pédagogie envisagée non plus
empiriquement, mais comme science de l’éducation.
♦ ♦
M. le D"^ Brunon, directeur de l’Ecole de médecine de Rouen signalait la
fréquence dans toute la Normandie de préjugés relatifs à l’action de l’air sur
l’organisme. Un grand nombre de personnes sont atteintes d’une véritable
aérophobie et par crainte des courants d’air vivent dans l’air confiné où
s’imposent une surcharge de vêtements.
68
KSVUB DE L*HYPNOTlSlfB
A côté de cette peur de Tair, on rencontre fréquemment une peur ana¬
logue : celle de l’eau. Beaucoup d’individus redoutent les bains de rivière
ou de mer et considèrent leur usage comme un véritable supplice. C’était
probablement le cas du soldat Boisset, du 150« d’infanterie, en garnison à
Saint-Mihiel, dont les journaux viennent de nous raconter l’infortune. Il
vient d'ètre condamné à vingt mois de prison pour refus d'obéissance. Le
22 juin dernier, la compagnie à laquelle appartenait Boisset devait se rendre
aux bains ; Boisset refusa d’accompagner ses camarades, prétextant qu’il
avait peur de l’eau. Son sergent-major tenta vainement de le convaincre de
la puérilité d’un pareil motif et lui lut par trois fois l’article du code mili¬
taire relatif au refus d’obéissance. Rien n’y fit, Boisset ne voulut pas se
baigner.
En réalité, le soldat Boisset doit être considéré comme la victime d’une
véritable erreur judiciaire. Son cas était justiciable de la thérapeutique psy¬
chologique et ne comportait en aucune façon l’intervention d’un conseil de
guerre.
Sa phobie de l’eau n’avait rien de simulé. Elle était le résultat d’un état
pathologique, lié 1res probablement à de la dégénérescence mentale. Il eût
été intéressant de savoir dans quelles conditions s’est développée cette
phobie et quelle en a été la cause originelle. Dans certains cas, des indi¬
vidus ont contracté la peur de l’eau à la suite d’un accident ou d’une mau¬
vaise plaisanterie qui avait occasionné une immersion inopinée.
Il est vivement regrettable que les notions médicales relatives à l’existence
de ces phobies ne soient pas plus vulgarisées. Malgré les importants travaux
qui ont été publiés sur cette question par MM. les D*** Bouveret, Pierre Janet,
Bérlllon, Lux et par tant d’autres, elles semblent encore ignorées par la
grande majorité des médecins militaires.
Souhaitons que des voix autorisées se fassent entendre, et que bientôt, une
mesure de clémence vienne réparer l’erreur très regrettable commise à
l’égard du soldat Boisset.
Les Femmes à barbe : Étude psychologique et sociologique (jui/e) (^).
Par M. le D" Bérillon
Professeur à l’Ecole de Psychologie
Les femmes à barbe dans la religion. — La Vénus barbata, — Les dieux lares. —
Les démons femelles. — Proverbes populaires sur les femmes à barbe. — Figures
gnostiques. — Les éons androgyncs.
Pendant plusieurs siècles, les Romains honorèrent seulement de
petites divinités rustiques, modelées sans goût et sans aucune préoc¬
cupation artistique, dont ils avaient emprunté le culte aux Etrusques et
aux populations primitives de l ltalie. Mais quand Rome, étendant son
empire, prit contact avec d’autres civilisations, elle emprunta aux
peuples voisins non seulement leurs usages, mais également leurs reli¬
gions et leurs vices.
Si vénérés que fussent les dieux des Romains, ils ne pouvaient sou¬
tenir la comparaison avec ceux des Grecs. Les divinités de l’Olympe se
(1) Voyez Revue de VHypnotisme^ n» de juillet 1904 et n** suivants.
LES FEMMES A BARBE
69
présentaient avec la puissance de séduction qui se dégage de toute
oeuvre inspirée par l’art ou par la poésie. Bientôt les idoles antiques
cédèrent la place à des images nouvelles, douées d’un prestige dont le
génie des artistes grecs faisait tous les frais.
Ce ne fut pas seulement la Grèce qui introduisit ses dieux à Rome. Il
en vint également d’Egypte et de toutes les parties de l’Orient. Rome ne
connaissait pas alors le fanatisme religieux et accueillait avec tolé«
rance toutes les religions, à la condition que le prosélytisme en fut
tolérant. D’ailleurs les mystères des religions orientales ne pouvaient
qu’exercer de puissants attraits sur un peuple qui, depuis les temps les
plus reculés, n’avait cessé de se montrer enclin aux superstitions les
plus ridicules et les plus variées.
Le culte de Vénus et celui de Bacchus, sous les apparences de la piété
et de la dévotion, favorisaient la débauche et sanctifiaient les pires dépra¬
vations. Ils ne pouvaient donc manquer d’attirer une foule compacte
d’adorateurs. Ainsi on vit se multiplier les autels à la Vénus génitrix, à
la Vénus cloacinsLf à la Vénus caiua, à la Vénus marina^ à la Vénus cai-
lipyge^ et à toutes les représentations figurées de la déesse de l’amour.
La Vénus barbata y eut également les siens. Voici quelle en fut l’ori¬
gine (^j. Les femmes romaines ayant été attaquées d’une maladie qui leur
faisait perdre leurs cheveux, firent des vœux à la Déesse qui les leur
rendit. Pour la remercier, ils la représentèrent avec un peigne à la main
et une barbe au menton, comme marque distinctive des deux sexes. La
partie supérieure de la statue représentait un homme et l’inférieure une
femme.
Selon Codin et Suidas (^), les Romains avaient consacré à Vénus,
dans Rome même, des statues qui reproduisaient son image avec une
barbe et des attributs des deux sexes. Codin nous apprend que les
Romains considéraient Vénus comme chargée de présider à la généra¬
tion universelle et qu’ils lui donnaient de la tète à la ceinture les formes
d’un homme, et de la ceinture aux pieds celles d’une femme. C’est pro¬
bablement la raison pour laquelle Julius Formicus Maternus applique à
Vénus répithète biformis (^).
Jean Lydus (*) est encore plus explicite : il regarde comme certain
que les anciens théologiens attribuaient les deux sexes à Vénus et lui
donnaient l’épithète de Arsenothelus-
Vénus barbata ne fut pas seulement à Rome Tobjet d’un culte public ;
elle prit également place parmi les dieux domestiques. Chez les Ro-
(1) Noël : Dictionnaire de la fable^ 1810, 2. I, p. 213.
(1) Nam cum, Romanas fémiiias invahisset aliquando pruritus pestilens, pilique
omnibus décidèrent : V^eneri vota fecerunt ac flatim succrevere capilli : deæque
simulacrum posuerunt cum pectine, et addiderc barbam, ut una eamdemque virorurn
ac fœminarum insignia gereret, ut sit utrumque generationi prceesse crederetur.
(POMEY : Panthéon mythologique, p. 91.)
(2) Cl. Saint Augustin : De civitate Dei, iv. ii.
(3) Formicus Maternus : De errore profanorum religionum, Strasbourg, 15G2.
(4) J. Lydus : De mensibus, p. 84 et 89.
70 itETUÿ OE
3!n»ips, les dieax /àiY'S étaiéjQt' O'ô petites âiv^^ «ît i{«i exipr-*. ,
çaient sqrla jpaisoni.SM ])ôpé,|dfe;fe^ liv fôniüi'a et mfme ssiit:' \ ;
Î03 iïieiis, ync inilMnce pÿt5Wdti«^W C^-S^diyinil^Sh d'^orijfifieéttung^i^^^^ ..
avaient pria filace dana la •l'•cHgf^làet duiîÿ la'rçlîgJBp TiitT^aîde^
' ■ ' ;LcS.dieu^\làr^ft:iAtïâi«nî;'idi"-i‘Ôfô':t^si^èwîïieil:ads'iiâ"vie,dijfiiièÿïï^
Ttomaibsi îts.obcuj)Ston| une plM ^evôftt ié'.•. •. '' ''
(oÿtf ebélàit'ttt de ^ de vénération. A,
repas, ils benéyaSédt U;d)ÊiOiti'a.ù<le Us pi‘c,sî’t|ii)iehl :/ ;- ViV
â îo.ûs les év'<fn«-m,cbtÿ;;ïlç-la lieyfi’.c'Ui^ oW,-, '
îndiîîçuj'diiaé, déV'éftaîl'4ieursn|ei. rocÇàS'lbb d';t^ prière, d'up yœv ôù^,
d'une libation, Cbaeun reedèit iiii .fevilte. partrdUfiéf à. lef ou tel, lare de •
sa Qiajsbn. Le plus grand èèliÿciisiîOé^fé^maitrditos leç de cesdiéüx
l’amir^er&, ÔîVi^ri rie touiefe jiïèc^i son cÂra<>*r '
lèrcj- ses gpùia :att.SP9'.an0'JlliQb^v,Lèè'ini-cs' Marc-A'ur<Hiî
étaient les g|‘ïMd%i}pni.int'Si dpdt^i^ cditirifnu" à fortnef'
spQ paraidb^ M&is, en igèné^^ Ift répréacpiàtibit. â«s
dietty laris-'A d<3 iypes pomtnuns;, fJnv'dé' léiirs forfhé» Iji (dus l'rê-jüanle
/i^tâit'dbnè dp deux jitméaux,, jcvéipa, dée niè.rnps cpsitirncs et : pdridni';:é.T^^^
./tièa fittitljilts divers. Oès attributs avaient un ciir.^('.t''r^ symhqliîfVie'et ,. . ÿ
; ponsiébiji^^ coupe», en aiaùiures, en' uocues lï Aboadaircy^À bv eapi- ■ '
pftùvrpw, elles-él-aiiuit modelées, en cï/evép 1.erre .uniU*^ : .v .-
ï-^j^ JïoiÎ!. A IA villè'.pi dans los.-èlassès ■ ^
aibées, èilps ètdidnt. ççmpdséps ptt. ipétaiix pbis oit jrtoin^t pré fieux. p>o,ut?
) énlpifp fpovàiî^ dîetlx iàrefi. dtvj'diceAl^ progressH’èintm't-
. de» preipierp y%es. iieâiiè^p fitrqnt composés îtvovî; un àrï. véritable :
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A n’èi(r|jaà 4ôiyt«r-ï I& groupe eo or q»î gp Itrow’vé àil môaëe diî Louvre,
doot rexisifitice bous » été jndtixôéè'ipar l^i^yaxitcôôsprvaiftujr, M. Léoo
lleuzfeÿ, éi dont nou^ dtSHBons fB ; irjîtddy’^ttort 7.3). êiatcht des
dieux ïares d« la bôttfîB SpOïnle" grécqufe; Lioits pâlîtes dîoieùsîons
leur, caractère f émellaire et.les attributs symbûlKjB^îa placés 4àBg Jéurà;
maina,. rîndi<|ijeut:d’une façon Mâjst:ér|»J doit'surtout i‘eteUJ,ï-’
nôtre uttèUitè‘n,e*6ftt.que eeâ deux ligures, ab^lutBeiù tdéHti^uéS p»jt* les
détails dyjeor costuniô féminin» dilfèrent sur un poiUt^asertttçl^ ïaftdi-»
ijlie l'ooa d.dtè.s répréSQBte ,une.^jeune îilleaoic traitè .féittfidns^
nous dpiMie égaieiïjaiit l’inlpréiïajôri d'une personne dù sexK fètnlnrd.
mais son yi^gé est orné d'uno barbe. . / ;y.
Nous ne ôhercbei'qng pas lès motifs qui oflt pu.tïîspiréç ràrijstè dans
la cpnêeptiob «fô cèsdivinjîtèè^'^dpn nous bornerang à constater qu’ayaaii
pour but de répféàeùtèt' deux tommes je H èlégAinies. If les 3 * rôVô'lûèé
toutés iîebjc do épstumèK dual le» dtùp'çrtèâ «ont aiTangées ayeç,;uti gtlut
eXquls- )! .a dpintè égàièïrièu.t à leurs •çliçVeîures eputèniL*s |e niéiiïé
ai^angé.nfetrt vmmpfiq i-t graçléuy, il; a placé dspe^ tçuès' miûnè je®
îlïèm^s eymb-OleS tuiêlaires,.’Vus dfe dos,,lès deux-'Sujets reptèsenteui
exactement deux sœurs jumelles,,Tig;.71))’, ' ' ^ ’ ^v :
La.seule .diffdwnèe qél'îj leur a ïmposée, et ert eeja Sûiî intention' nSti
ihdèoiahlé., réside d?*bs loues pbj’aîonomjftsV 'ï^indis qùe l’une iv lé
menton orné'd’uuê bariîè netWmèBt dessinée,'l'àoteç,èn c.sl dBp.oPtvuer
L’artiste a voulu j'cpt^fientéivün.eâivioïié .bàrbiië;, eiafftoqull ny ait p'Ss.
de doute «ur sôb iptèctldn, il J'd iiccoupléç a^ep upe :jj'|üro.rapabie itè;
■ibanèOjfi'sifKMeu.tirs mAîAeilè èt pri’'i.atÿ.n f à l’ê*raiig<Sf,;
'UV ■'è'â.fià/îÿdèniièu^? ù»e'àX;laroav d.-où .li* àêçBS,^tè' tip.léjifaî'.èjlè tojdles.àliïicKMoas
et de léàVrè¥étè'ïreâ''faoitè'iuèat'ïtor£àtifs: '■ , ; ■
REVUE DR L HYPNOTISME
servir de terme de comparaison, Gette personnalité féminine ornée d’une
barbe nous ramène à la conception de la Vénus barhnta, adorée che>5 les
Romains, Elle nous donne aussi la preuve que la notion de femmes à
barbe était acceptée dans l'antiquité et que le fait de leur existence
n’était pas considéré comme invraisemblable.
Nous avons eu sous les yeux un certain nombre de figures anciennes
dans lesquelles les artistes ont associé les caractères des deux sexes.
Kig. 77. Buste «le fit<r<onnage Ivirim avec un sein Ac femme
Dans lé buste dont nous donnons ci-joint le dessin, la figure barbue
s'accorde mal avec le sein de femme que le statuaire a eu soin de découvrir.
Tout dans cette figure indique que rartisle a voulu mettre en évidence
un sein qui, chez un homme, serait de dimensions anormales (fig, 11),
L’absence, sur la partie antérieure du cou, de la saillie du corps thy¬
roïde, qui est un des signes les plus frappants de la masculinité, peut
laisser place à la supposition que nous serions en présence d une femme
à barbe. L’intérét de ce document réside surtout dans l'association de
caractères empruntés aux deux sexes, sans qu’il soit permis de dire si
l’artiste a voulu représenter une femme à barbe ou fixer l'image d’un
gynécomaste.
iw
LES FEMMES A BARBE
73
♦ ♦
Le diable, chez les chrétiens, réalise, comme le faisaient les gorgones
et les harpies chez les anciens, la personnification du laid et du mal. Il
a également pour principal rôle de suggérer les formes les plus intenses
de la peur et de la terreur.
Pendant tout le moyen-âge, les idées superstitieuses se sont donné
libre cours au sujet du diable et de ses influences pernicieuses. Heureu¬
sement, quelques pratiques assez simples suffisaient le plus souvent
pour déjouer la malice des démons. Un signe de croix avait le pouvoir de
neutraliser ses mauvais desseins. Il était parfois nécessaire d’y joindre le
sel et Teau bénite. C’est un article de la foi catholique que les démons ne
peuvent souffrir le moindre grain de sel et qu’une seule goutte d’eau
bénite doit les mettre en déroute.
Quand on les asperge de ce précieux liquide, les démons s’enfuient au
plus vite et, pour en éviter le contact, ils n’hésitent pas à se réfugier dans
les corps les plus immondes. Ils ont parfois émigré dans un troupeau de
porcs.
Même encore à notre époque, beaucoup de prédicateurs racontent ces
histoires. 11 en est même qui affirment que le diable n’hésite pas, pour
mieux duper les hommes, à se dissimuler dans le corps de la femme.
C’est surtout quand les propagateurs de la foi veulent mettre les jeunes
gens à l’abri des surprises de l’amour, qu’ils se servent de ce langage
imagé. Les artistes, se faisant les interprètes de ces croyances supersti¬
tieuses, ont conçu des types de démons femelles dont les grâces fémi¬
nines ne servaient qu’à mieux enjôler, aujourd’hui on dirait ontôler, les
jeunes gens naïfs ou les barbons libidineux. Le personnage (fig. 78) que
74
REVUE DE L^HVPNOTISME
nous voyons ici est emprunté à un très intéressant manuscrit du Musée
Britannique de Londres (Ms. Cotton. Nero. c/iv). Ici^ ce diable ferneîle
porte la robe à la mode du jour avec de longues manches^ l’une d’elles
beaucoup plus longue que l’autre, selon Tusage a cette époque. Robe et
manclies sont raccourcies par des noeuds et la robe est moulée sur la
taille, grâce à un lacet qui constitue la première manifestation du corser.
Le dessinateur n’a pas manqué d’orner ce démon féminin d’attri¬
buts qui ne doivent laisser aucun doute sur sa véritable identité. Il
s’agit bien du dialde, ainsi que l’indiquent ces grilTes, celle queue majes-
Fig. 79. — DéniMii femelle. Frontispico tVû livre tlo Tînai.^tuau, 15i»1
lueuse, ces cornes, ces dents pointues et surtout ret/e /yar/>e hirsute.
Jeunes gens, vous voilà avertis! Apprenez que derrière ces costumes
élégants, ces toilettes capiteuses, ce qu'il y c’est le diable en per¬
sonne. Ne vous laissez pas prendre à ces atours; vous risqueriez de
tomber sous des griffes redoutables et surtout vous compromettrez
votre salut éternel. (Test ce langage de prédicateurs que les artistes ont
voulu symboliser.
D’autres dessinateurs sc sont montrés encore plus expressifs. Témoin
ce diable femelle dont le portrait orne la première page des lîisUfires
prodigieiises de Boaistuau, éditées à Paris en 1561 {fig. 71)}. Celte femme,
assise sur un trône et à laquelle deux adulateurs prodiguent à Tenvi
leur encens, en témoignage de leurs désirs et de leur adoration, n’est
LES FEMMES A BARBE
75
en réalité qu'un diable. Ses appas ne sont que des pièges; et là où vous
vous attendez à rencontrer de voluptueuses caresses, vous n’allez trou¬
ver que des déchirures de griffes acérées. Bien plus, ces charmes dont
vous espérez les enchantements de l’amour physique vous réservent les
morsures les plus cruelles. Tel est renseignement moral qu’ont voulu
nous donner de pieux iconographes.
Pour mieux accentuer la répulsion à l’égard de la femme, envisagée
comme tentatrice diabolique, ils la dotent du caractère le plus capable,
à leurs yeux, de calmer le désir amoureux : ils lui mettent de la barbe
au menton.
Le sentiment de déflance que les femmes à barbe doivent inspirer aux
jouvenceaux se retrouve dans des proverbes populaires fort expressifs :
Homme roux et femme barbue
^ De trente pas loin les salue
Avecque trois pierres au poing
Pour t’en aider à ton besoing.
P. Bailly, dans son livre intitulé : Questions naturelles et curieuses,
paru en 1628, donne de ce quatrain le commentaire suivant : « C’est
pour désigner qu’une chose monstrueuse doit être ainsi traitée : laquelle
puisque nature abhorre et qu’elle ne produit jamais chose semblable
qu’elle n’y soit forcée par quelque occasion. C’est pourquoi les hommes,
qui la doivent imiter comme une savante maîtresse, doivent avoir hor¬
reur des choses tant prodigieuses, lesquelles portent ordinairement des
défauts et des règlements intérieurs correspondant à ceux du dehors.
C’est pourquoi l’on dit qu’il se faut donner garde des choses portant une
trop apparente marque. »
Notre savant ami, le Giuseppe Pitré, de Palerme (^), qui a publié
sur les croyances populaires de Sicile tant de livres documentés, a
recueilli sur les femmes à barbe, les proverbes suivants, qui ont encore
cours actuellement.
Ddiu ti scanzi d’ominl sbarbati et di fimminl varbuti.
Ddiu nni scanza di calamitati
D’omini spani e fimmini varbuti.
Ddiu ti scanzi di mala caduta
Ë di fimmina mustazzata.
La persistance de ces préjugés populaires, s’énonçant sous forme de
proverbes, s’explique fort bien en Sicile, où la croyance au diable compte
encore un assez grand nombre d’adeptes.
*
* *
Le dogme catholique, immuable, proscrit sévèrement toute discussion.
La masse des croyants accepte la discipline imposée considérant, comme
on le lui a enseigné, que la foi est incompatible avec la réflexion et avec
(i) D' Giuseppe Pitre: Medicina popolare sicUiana, Palerme, 189G, p. 53. (Biblio-
tece delle tradizione popolari siciliane.) T. xix.
76
REVÜE DE l’hypnotisme
le raisonnement. Mais il est des esprits qui ne s'inclinent qu’à regret. En
adoptant les croyances de leur temps, ils se réservent in peüo la liberté
d’y ajouter ou d’y retrancher quelque chose. Cela s’est vu dans tous
les temps. C’est ainsi que, dès les premiers siècles du Christianisme, obéis¬
sant au besoin de se soustraire à des règles qu’ils considéraient comme
trop étroites, les gnostiques donnèrent libre cours aux entraînements d’un
mysticisme sans limites. Trouvant trop simple la foi chrétienne telle
qu’elle avait été prêchée par les premiers apôtres, ils émirent la préten¬
tion de créer des religions plus savantes. Pour cela, ils imaginèrent de
recourir à des symboles d’autant plus capables de frapper l’imagination
de leurs adeptes qu'ils étaient moins compréhensibles. « Le prestige
des noms hébreux ou supposés tels, a dit Renan, étaient un des moyens
de séduction qu’employaient les gnostiques auprès des gens simples. »
Fig. 80. Bon gnostique. Homme Fig. 81. Eoii gnostique. Homme avec des
avec des seins et un visage de femme. .seins de femme. (M. de Hainmer).
(M. de Hammer).
Ils avaient aussi recours à des représentations figurées, destinées à per¬
sonnifier et à matérialiser certaines conceptions de prétendus êtres
divins. On désignait ces représentations sous le nom d’éons. D’après
l’étymologie du mot, éon signifiait que chacune de ces émanations
divines étant isolée et complète dans son existence, se suffisait à elle-
même. Chaque éon ayant la puissance créatrice en lui-même était
considéré et représenté comme androgyney ce qui est constaté par les
paroles de saint Irénée(^): Esseenim illoruniunumquemque masculo-
fœnninàm.
Pour les principales sectes gnostiques, en particulier pour les Valen¬
tiniens et les Ophites, dont l’origine se trouve en Egypte, le nombre des
éons était en général limité à huit. Le plus connu était Téon de la
Sagesse : Sophia,
Les documents les plus explicites qui aient été fournis sur les symboles
gnostiques sont dus à un savant archéologue autrichien, M. de Hammer,
qui les a publiés dans le sixième volume de son ouvrage des Mines de
(l) Sai.nt liiKNi'ii: : Dissert. prœv. Lib. 1., ch. 30. ^ 2, 4 et 5.
LES FEUMES A BARBE
77
l’Orient. Ils figurent dans un chapitre intitulé : Mysterium Baphometis
revelatum. Il est question dans cette partie du livre, des chevaliers de
l'ordre du Temple qui s'étaient adonnés au gnosticisme et que leurs
propres monuments avaient servi à convaincre d’idolâtrie et de pratiques
impures. La rareté de ces documents, en France, s’explique par le soin
avec lequel l’ordre des Templiers, dès qu’il se vit soupçonné, fit dispa-
raitre tout ce qui aurait pu justifier les accusations portées contre lui.
On peut l’attribuer aussi à une destruction systématique de ces documents
imposée, après l'abolition de l’ordre du Temple, par les représentants de
l’orthodoxie religieuse.
Les figures que nous publions sont extraites du livre de M. de Ham-
mer. Elles avaient été reproduites dans un travail fort curieux publié en
1851, à Dijon, par M. Mignard, sous le titre : Histoire de différents
cultes, superstitions et pratiques mystérieuses d’une contrée bourgui-
Kipr. 82. — Eon gnostique. Femme avec de la barbe. (M. de Hammer).
gnonne. Ce mémoire lui avait été inspiré par la découverte aux sources
de la Cave, à Essarois, d’un coffret en pierre sur le couvercle duquel se
trouvaient en relief une image et des signes cabalistiques, avec des
caractères arabes. Ce coffret provenait des Templiers qui avaient un de
leurs sièges dans l’emplacement môme où il avait été découvert. Il avait
été acquis par M. le duc de Blacas. M. Mignard n’eut pas de peine à
établir la parfaite similitude de la figure du coffret d’Essarois avec les
documents gnostiques publiés par M. de Hammer. Ces dessins justifient
la colère de saint Irénée, alors évêque de Smyrne et qui fut ensuite
évêque de Lyon,, qui s’indignait de voir des chrétiens s’affilier au gnos¬
ticisme et se mettre à adorer des représentations divines empreintes d’un
tel caractère d’impiété.
En examinant ces images si singulières (fig. 80 et 81), dans lesquelles
des individus mâles, barbus et non barbus, sont figurés avec des seins
de femmes on comprend l’indignation du saint auteur du traité contre
les hérésies (*). Le troisième dessin (fig. 82), représente une femme
dont le menton est orné de barbe. Le désir de justifier la féminité de son
sexe l’oblige à se présenter dans une attitude quelque peu indécente.
78
REVUE DE l’hypnotisme
Tout dans cette figure semble avoir pour but de froisser à la fois Tor-
thodoxie religieuse et l’orthodoxie physiologique.
L’arrangement de ces compositions dénote d’une façon évidente, les
intentions sacrilèges des gnostiques. Aussi; il fut facile d’accuser les
chevaliers du Temple, affiliés au gnoticisme, non seulement d’abjurer
leur foi, mais d’ajouter à leurs blasphèmes de dégoûtants outrages à
l’égard des symboles de la religion chrétienne. Le seul aspect de leurs
images gnostiques pouvait constituer contre eux le plus accablant des
témoignages.
Nous laisserons à d’autres le soin d'interpréter les symboles dont ces
figures sont entourées. Nous nous bornerons à faire remarquer que
Fig. — Kon gnostique. Femme avec de la barbe,
médaille des Iles Baléares. (M. Gerhard).
quelques-uns de ceux qui encadrent la troisième figure (fig. 82) ne sont
pas sans analogie avec les symboles de la Franc-Maçonnerie.
Les représentations d’éons gnostiques ne sont pas aussi rares que l’on
pourrait le supposer. On en a trouvé sur des coffrets ; des médailles
en portaient également, ainsi que le prouve la pièce trouvée dans les îles
Baléares, qui a été décrite par M. Gerhard. Elle représente un individu
barbu, avec des seins de femme très manifestement dessinés. Une
simple comparaison avec les éons gnostiques reproduits ci-dessu s
indique qu’il s’agit d’une représentation de femme barbue ayant pour
objet de figurer l’éon androgyne de la Sagesse.
(à suivre).
L’hystérie de Bernadette, de Lourdes,
par M. le D'' Rouby,
Médecin-directeur de la Maison de Santé d’Alger.
(5wire) (2)
IX
Les fausses Apparitions
Le lecteur connaît maintenant les hallucinations et l’extase hystéri¬
ques, il lui sera donc facile de démêler la maladie dans les actes de
Bernadettte, pendant les quatorze visites qu’elle fit à la Grotte après la
première Apparition.
(1) Gerhard : Academische Abhandlungeti, Atlas, pl. XLIIl, fig. 5.
(2) Voyez Revue de l'Hypnotisme^ n® de juillet 190ô.
l'hystérie de BERNADETTE, DE LOURDES
79
Il serait fastidieux de les raconter une à une, car elles se passèrent
d'une façon presquldentique et en décrivant Tune d'elles nous les décri¬
vons toutes : ab uno disce omnes ; certains faits particuliers à quelques
apparitions seront étudiés dans l'intervalle.
Bernadette arrivait à la Grotte sous l’influence d'une vive impulsion :
elle s'agenouillait à l’entrée, l’œil attentif vers l’ouverture du rocher.
Alors, nous l’avons dit déjà, sous l’influence de l’aura psychique, lapre-
mière apparition, celle de Mme X... se reproduisait sous forme d’une
hallucination. /
Comme on lui avait persuadé qu’elle était en présence de la Vierge
Marie, elle croyait fermement la voir en réalité : aussi lui faisait-elle des
inclinations gracieuses et lui adressait-elle de temps en temps quelques
mots : une fois elle la montrait d’un geste au public, une autre fois elle
l’apergeait d’eau bénite ; il lui est arrivé de monter et de descendre la
grotte à genoux, croyant lui obéir. Ces faits se passaient toujours pen¬
dant la première période de la crise, la période hallucinatoire. Après
quelques minutes, Bernadette se mettait à genoux, faisait des signes de
croix et prenait son chapelet.
C’est alors que la seconde période, la période d’extase commençait.
Après un petit nombre d’aue maria, l’enfant se transformait tout à coup :
il y avait passage de la vie habituelle à une autre vie, comme on passe
de l’état de veille à l’état de sommeil.
Bernadette devenait immobile, notez cette immobilité que nous allons
constater à chaque page des auteurs catholiques ; les lèvres cessaient,
de remuer et on entendait sortir du fond de son gosier des petits
sons argentins à peine sensibles, contracture de la glotte ou boule
hystérique.
Le monde extérieur n'existait plus pour elle ; les yeux ouverts ne
voyaient plus, au point qu’on pouvait s’interposer entre elle et son hal¬
lucination sans qu’elle s’en doutât ; ses oreilles entendaient des bruits
confus sans distinguer des sons ; sa peau devenue insensible ne perce¬
vait plus de la douleur lorsque la flamme d’un cierge venait lécher ses
doigts.
Sa figure prenait l’expression d’un bonheur indicible et une admira¬
tion pleine de délices se voyait dans ses yeux grands ouverts tandis que
la bouche béate exprimait le ravissement. Elle devenait belle à ce point
qu’il semblait qu’il y eut transfiguration de tout son être.
Pendant quelques minutes Bernadette concentrait son attention sur la
blanche vision au point qu’elle restait séparée entièrement du monde
extérieur.
A la fin de la période, sans que l’expression heureuse du visage ait
changée, on voyait de grosses larmes emplir ses yeux et couler sur ses
vêtements.
Bernadette alors poussait un long soupir et se réveillait : la crise qui
durait depuis plus d’un quart d’heure était terminée ; elle se levait et
sans s’inquiéter de la foule qui l’entourait et qui attendait autre chose,
80
REVUE DE l’hypnotisme
elle retournait au logis paternel. Mais sa mémoire non abolie pendant
la crise, gardait très exactement dans ses replis les moindres particu¬
larités de ses visions, si bien qu’elle a pu sa vie durant, les raconter
toujours de la même façon, sans jamais se contredire.
Telle est la manière dont l’extase se produisit chez Bernadette pen¬
dant quatorze apparitions successives.
X
Preuves de l’Extase
Or, cette crise d’extase est le nœud de la question, car c’est elle qui
fit croire à la foule émerveillée d’un pareil état que la petite voyante
était en présence de la Sainte Vierge. Or, prouver que Bernadette était
une extatique ordinaire, une extatique hystérique, une extatique selon
la formule scientifique, c’est prouver en même temps qu’il n’y avait rien
de réel dans ses visions, c’est prouver qu’une grossière erreur a servi
de fondement au nouveau culte.
Comme notre affirmation pourrait paraître insuffisante à quelques-
uns de nos lecteurs, c’est dans les récits des auteurs catholiques dont
nous avons parlé au début, l’abbé Fourcade, Mgr de Ségur et M. Henri
Lasserre, auteurs dont on ne peut suspecter le témoignage, que nous
chercherons et que nous ti^ouverons la confirmation des manifestations
de la maladie hystérique de Bernadette.
Qu’on nous excuse de nous répéter parfois et surtout de faire des cita¬
tions un peu longues, mais pour emporter la conviction de ceux qui nous
lisent, il le fallait, dussions-nous être ennuyeux.
Commençons nos citations : celles que nous allons faire ont pour effet
de prouver les hallucinations et l’extase chez Bernadette et, en même
temps, que l’Extase survenait toujours en second lieu, après les halluci¬
nations, suivant une marche classique.
M. Henri Lasserre d’abord (^) : « L’enfant vient, s’agenouille et se met
a à prier ; après quelques minutes, l’Extase commence, on voit son front
« s’illuminer et devenir rayonnant ; tous ses traits montaient, montaient
« comme dans une région supérieure, comme dans un pays de gloire
« exprimant des sentiments et des choses qui ne sont point d’ici-bas. La
« bouche entr’ouverte était béate d’admiration et paraissait aspirer le
a ciel. Les yeux fixes et bien heureux contemplaient une beauté invisi-
« ble qu’aucun autre regard n’apercevait... Cette pauvre petite paysanne
« si vulgaire en l’état habituel semblait ne plus appartenir à la
a terre (^). »
L’abbé Fourcade décrit mieux encore les deux périodes de la crise,
l’hallucinatoire et fextatique : « Ne la voyez-vous pas, répétait Berna-
« dette, d’un son de voix langoureux ; elle vous regarde ; elle vous sou-
« rit, maintenant elle tourne la tête ? Bernadette se tut, s’agenouilla, fit
(1) Lassehhe : Notre-Dame de Lourdes, p. (ii.
['2) L’abbé Fourcade : Petite histoire de Lourdes, chapitre 111.
l’hVSTÉRIE de BERNADETTE, DE LOURDES
81
« un signe de croix et entra dans VImmobilité. Ses compagnes remar-
quèrent la transformation de son visage pendant qu’elle priait. »
Plus loin le père Fourcade se demande, ignorant des phases de la ma¬
ladie, pourquoi l’extase ne commence qu’après certaines prières et après
la récitation du chapelet, sans se douter qu’il nous donne par cette cons¬
tatation la preuve que l’état de Bernadette était bien le résultat d’une
crise nerveuse naturelle et non un fait surnaturel. Il fallait, l’abbé Four¬
cade le constate, qu’il y eût aura psychique, pour que l’enfant tombât en
extase.
De même que Charcot en donnant à un sujet hypnotisé l’attitude de la
prière, les mains jointes, à genoux, les yeux au ciel, mettait son sujet
dans une crise d’extase ; de même il fallait que Bernadette fût à genoux,
en prières et donnât à ses yeux, âson visage, et à tout son corps l’atti¬
tude de Tadoration, pour que la crise extatique se produisit et c’est tou¬
jours ainsi que les choses se passèrent pendant les quatorze apparitions
successives.
Citons encore (*) : « Le dimanche 14 février l’on arriva à la grotte :
a rien ne se montrait : « Mettons-nous à genoux, dit Bernadette, et di-
« sons le chapelet ». La sainte prière venait à peine de commencer que
tt le visage de la petite amie de la Sainte Vierge s’éclaire tout à coup, et
« s’illumine de joie : ses yeux se fixent sur l’excavation de la grotte,
a avec une expression indicible de bonheur... Vous ne la voyez pas î
« elle est la ! elle vous regarde... elle sourit. Maintenant elle tourne la
« tête. Voyez ses pieds... sa ceinture vole... Voyez, elle a le chapelet
a roulé autour de son bras,.. Oh ! elle est si belle !... A présent elle prend
« son chapelet ; elle se signe... » Buis après la période de l’hallucination
vient la période d’extase : « Bernadette se remit donc à genoux, fit un
« grand signe de croix, entra dans VImmobilité... à genoux les mains
a jointes, le chapelet entre les doigts, le corps tendu comme si une
« force d’en haut la tirait : pâle, les lèvres décolorées, les yeux élevés
« et fixes, elle restait comme une statue de sainte en extase ; des larmes
« détachées et brillantes roulaient parmi ses soutires. »
Dans un autre chapitre nous lisons ceci : « Bernadette en arrivant
prend son rosaire et commence aie réciter. » Dès que l’Apparition a lieu
la jeune fille est absorbée : « elle n'a plus le sentiment de ce qui se passe
autour d'elle et son visage rayonnant d’une indicible joie semble attester
qu’elle est en communion avec un être surnaturel. »
Un rédacteur du Lauedaîi, journal de Lourdes contraire à l’apparition,
décrit ainsi ce qu’il a vu : « La jeune fille va chaque matin prier à l’en-
a trée delà Grotte, un cierge à la main, escortée de plus de 900 person-
u nés. Là, on la voit passer du plus grand recueillement à un doux sou-
« rire et tomber ensuite dans un état extatique des plus prononcés ; des
a larmes s’échappent de ses yeux immobiles qui restent constamment
U fixés sur l’endroit de la grotte où elle croit voir la Sainte Vierge (‘^). »
On ne saurait mieux constater l’extase.
(1) Mgr DE SÉGUR : Les merveilles de Lourdes, pp. 27 et 28.
(2) M. Henri Lasserre : Les miracles de Lourdes^ p. 40.
8*2
REVUE DE l’hypnotisme
Comme on le voit, amis et ennemis de la Grotte sont d’accord sur ce
point : Après une période mouvementée accompagnée d’hallucinations,
survient une période d’immobilité avec extase.
Donc chez Bernadette l’extase existe, elle existe avec ses six princi¬
paux caractères; nous allons en chercher les preuves dans les mêmes
auteurs chrétiens.
1° Bernadette a-t-elle la perte plus ou moins complète de la percep¬
tion du monde extérieur par l’abolition des sensations, de la vue, de
l’ouïe et du toucher ?
Oui^ il y a chez elle obnubilation des sensations :
Que lisons-nous à ce sujet dans les livres précités ? Un jour le com¬
missaire de police et un gendarme vinrent à la grotte se rendre compte,
de visu, de ce qui se passait pendant l’extase, ils eurent l’idée de se
placer immédiatement devant Bernadette, s’interposant entre elle et sa
vision. L’enfant ne les vit pas, ne s’aperçut pas de leur présence et
resta plongée dans son extase, continuant, à travers lés deux corps très
matériels des deux fonctionnaires, de jouir de la vue de la Vierge ; rien
d’étonnant à cela puisque l’image existait, non dans la grotte, mais dans
le cerveau de la visionnaire.
Pour l’obnubilation du toucher, rappelons le fait qu’un jour la flamme
du cierge qu’elle tenait à la main lui brûla les doigts sans qu’elle mani¬
festât le moindre signe de douleur. M. Henri Lasserre et Mgr de Ségur
crient au miracle à ce sujet : ils ont tort; l’insensibilité est de règle :
l'analgésie des hystériques est étudiée et décrite dans tous nos livres
d’aliénation mentale. Ce qui eût été miracle, c’est que la flamme du
cierge n’ait pas produit sur la main de l’enfant une brûlure au premier
ou au deuxième degré; de ceci on ne parle pas, c’eût été intéressant de
le savoir; dans leurs crises, le fait est fréquent, des épileptiques ou des
hystériques tombent dans le feu et se font d’horribles plaies sans se
réveiller, la douleur n’existent pas chez eux dans ces moments.
2® Bernadette présente-t-elle la concentration de l’attention sur un
seul objet? Cet excè^ d’attention nous l’avons noté pendant les crises
de Marie Alacoque et celles de Ste Thérèse. Nous l’avons vu chez les
hypnotisés; il existe aussi chez Bernadette. « L’enfant, dit M. Henri
« Lasserre, était complètement absorbée; toutes les puissances de son
« être appartenaient à la vision : rien de ce qui se passait autour d’elle
« n’en pouvait détacher son attention » (^).
3® Bernadette présente-t-elle la transfiguration, c’est-à-dire une trans¬
formation de Texpression habituelle de la face et de l’attitude du corps,
figure illuminée d’un rayon de bonheur indicible, membres immobilisés
dans une position une fois prise?
Les extatiques pendant leurs crises changent de physionomie à ce
point que les figures les plus insignifiantes, sous l’influence de l’exalta¬
tion et du bonheur prennent une beauté angélique.
Bernadette n’y manquera pas.
(1) Henri Lesserre, p. 67.
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIK ET DK PSYCHOLOGIE
83
Un témoin, M. Estrade, receveur des contributions directes à Lourdes,
a constaté le fait chez elle : « subitement et complètement transfigurée,
« nous dit-il, Bernadette n’était plus Bernadette ; c’était un ange du
<c ciel plongé dans des ravissements inénarrables : elle n’avait plus le
« même visage, une autre intelligence, un autre air, j’allais dire une
« autre âme se voyait : elle ouvrait de grands yeux, des yeux béants
« et presqu’immobiles ». Elle souriait à cet être invisible et cela don-
« nait bien l’idée de l’extase et de la béatitude. Elle écoutait avec l’ex-
« pression de l’adoration la plus absolue, mêlée à un amour sans
a limites et au plus doux des ravissements ; j’observais que par instant
c elle ne respirait plus » (^).
Dans un autre passage : « La mère comme tous les assistants vit le
petit visage, si chétif dans l’état naturel, s’illuminer tout à coup et se
transfigurer : son front rayonnait; tous ses traits semblaient s’élever et
prendre je ne sais quoi de céleste » (2).
M. Henri Lasserre écrit : « Le visage de la voyante devient tout à
« coup si clair, si transfiguré, si éclatant, si imprégné de rayons divins,
« que le reflet merveilleux que nous apercevons nous donne la pleine
« assurance du centre lumineux que nous n’apercevons pas... ce
« que contemple Bernadette ravie, ce qui rayonne sur ses traits en
« extase » {^).
(h suivre)
SOCIÉTÉ O’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
séance annuelle du mardi 20 juin 1905
Présidence de M. le D' Albert Robin, membre de l’Académie de médecine,
assisté de M. le Brousse, président du Conseil municipal de Paris,
de M. le professeur Beaunis, membre d’honneur, et de M. le D' Voisin, président
de la Société.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le D' Bérillon, secrétaire général, rend compte de la situation
morale et financière de la Société. Il expose que le nombre des adhérents
est en progrès constant ; les communications scientifiques abondent et
les séances sont de plus en plus suivies.
Il donne lecture des lettres d’excuses de M. le Huchard, membre
de l’Académie de médecine, de M. le professeur Raymond, de M. Boirac,
vice-président, recteur de l’Académie de médecine de Dijon, de MM. les
D’’* Orlitzky (de Moscou), Hœberlin (de l’Ile de Fuhr, Allemagne), Jagua-
ribe (de Sao Faulo), Van Velsen (de Bruxelles), Lemesle (de Loches),
Larrini (de Meyzieu) et d’un grand nombre de nos collègues.
M. le D** Voisin, président, souhaite la bienvenue aux membres de la
société venus de la province et de l’étranger, ainsi qu’à M. le D’’ Brousse,
(1) (2) De Ségur : Les merveilles de Lourdes^ pp. 36 et 107.
(3) Henri Lasserre : Notre-Dame de Lourdes^ p. 67.
84
REVUE DE l'hypnotisme
président du Conseil municipal, h M. le professeur Beaunis, h M. Mel-
cot, avocat général à la Cour de cassation, qui assistent à la séance, et à
M. le D*‘Godon, directeur de l’Ecole dentaire et délégué de cette école.
Il remercie M. le D" Albert Robin de l’honneur qu’il a fait à la Société
en acceptant la présidence de la séance annuelle, et du service qu’il lui
rend en lui apportant l’appui de sa haute autorité.
M. le D*’A. Robin répond qu’il est heureux de collaborer au succès d’une
Société qui a tant contribué à développer les rapports de la psychologie
avec la médecine. Le rôle joué par l’hypnotisme et par la psychothérapie
dans la thérapeutique contemporaine est considérable, M. Robin pense
que les travaux inspirés par l’hypnotisme et parla suggestion donneront
l’explication de beaucoup de phénomènes restés jusqu'alors inexpliqués.
Les discussions d’une société vraiment scientifique comme la Société
d’hypnologie exerceront sur l’évolution de la psychothérapie l’influence
la plus considérable.
M. le Secrétaire général rappelle les pertes éprouvées dans le courant
de l’année. Il évoque le souvenir de M. le D** Bourdon (de Méru) toujours
assidu à nos séances annuelles et de M. le D** Brémaud, médecin en chef
de Tescadre du Nord, auquel on dut d’importabtes contributions sur
l’hypnotisme.
Il annonce que le buste du D' Liébeault, dû à une souscription dont
l’initiative a été prise par la Société d’hypnologie et par l'Ecole de psy¬
chologie, est terminé. Il est l’œuvre d’un jeune sculpteur de grand
talent, M. Maillols, et l’inauguration en sera faite à une date qui sera
ultérieurement fixée.
M. Lionel Dauriac, vice-président, professeur honoraire à la Faculté
des lettres de Montpellier, prononce dans un éloquent discours l’éloge du
professeur Tarde, qui fut un des membres fondateurs de la Société
d’hypnologie. Il fait l’analyse de l’œuvre si variée et si personnelle de
notre regretté collègue. M. Lionel Dauriac retrace également l'existence
de M. le D*" Brémaud, dont il fut le condisciple. Ces éloges seront
publiés.
La Société délègue le D** Bérillon, secrétaire général, pour la repré¬
senter au Congrès de l’Association française qui se tiendra à Cherbourg,
le 3 août, sous la présidence de M. le professeur Giard.
Avant d’aborder l’audition des nombreuses communications publiées
à l’ordre du jour, M. le président donne la parole à M. le D‘‘ PaulFarez,
rapporteur du Prix Liébeault.
Rapport sur le Prix Liébeault
Par M. le D*' Paul Farez,
Secrétaire général adjoint de la Société d’hypnologic et de psychologie.
Messieurs,
En nous présentant la maquette du buste que l’initiative de notre
Société élève à la mémoire du Liébeault, notre secrétaire général a
évoqué, à l’égard de ce grand médecin, des sentiments sur lesquels je
SOCIÉTÉ D*HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
85
ne veux pas revenir. Grâce à la libéralité de ce vénéré maître, nous
avons, chaque année, la possibilité de rappeler les liens qui nous rat¬
tachent à la doctrine dont il fut l’initiateur. En effet, nous nous appliquons
à récompenser des travaux qui s’inspirent directement de son ensei¬
gnement. L’année dernière, c’est à une thèse du Etienne Jourdan
(de Marseille), sur /a psychologie du 7'êve, que nous donnions le prix.
Cette année, nous avons tenu à décerner le prix à un travail se ratta¬
chant plus directement à la psychothérapie.
Parmi les nombreuses thèses qui ont pris part au concours, votre
bureau a retenu celle de M. le D' Marnay, présentée à la Faculté de
de Paris, sous le titre : La suggestion hypnotique dans la cure des
buveurs d'habitude. Cette thèse a été inspirée par les travaux de l’Ins¬
titut psycho-physiologique et du dispensaire antialcoolique, fondé par
le D** Bérillon.
Je ne m’étendrai pas sur les mérites du travail de M. le D' Marnay, et
je me bornerai à dire qu’il met en évidence la valeur de l’hypnotisme
dans le traitement des buveurs d’habitude. D’ailleurs, ün compte-rendu
publié récemment dans la Revue de VHypnotisme, constituerait un double
emploi avec un exposé plus détaillé.
Le bureau vous propose les conclusions suivantes : le titre de Lau¬
réat de la Société (Prix Liébeault) sera attribué pour le concours 1905 à
M. le D' Marnay, pour sa thèse sur la suggestion hypnotique dans la
cure des buveurs d'habitude.
(Les conclusions, mises aux voix, sont adoptées à l’unanimité.)
La suggestion musicale
Par M. le D» Pamart,
assistant à l’Institut psycho-physiologique.
Si nous considérons l’hypnose à ses différents degrés, depuis le simple
état d’attention jusqu’au sommeil et à la catalepsie, nous voyons qu’elle
peut être provoquée par des agents purement physiques impressionnant
l’un quelconque de nos sens.
Ainsi, l’état d’expectante-attention est finalement provoqué chez un
gourmet par une impression gustative. De mémo, la perception de cer¬
taines odeurs entraîne, chez certains sujets, des phénomènes nerveux
des plus intenses. La pression des points hypnogènes ou des globes
oculaires, l’effleurement qui constitue la passe magnétique, provoquent
le sommeil par l’intermédiaire du toucher. L’hypnose s’obtient égale¬
ment par les procédés braidiques, qui impressionnent le sens de la vue:
miroir à alouettes, fixation du point brillant, éblouissement, fascination,
etc. Un mouvement doux et uniformément répété, mettant enjeu le sens
musculaire, provoque aussi l’hypnose; comme exemples, nous citerons
le cas de l’enfant que l’on berce, et celui des Âissaouas, qui préludent
à leurs exercices par une sorte de danse sacrée, et paraissent ensuite
insensibles à la douleur. Enfin, le sommeil peut encore être obtenu par
86
REVUE DE l'hypnotisme
le bruit du gong, le tic-tac d'un métronome, le murmure d'un ruisseau.
Nous laissons volontairement à part le procédé qui consiste à ordonner
de dormir, car il s’adresse à Tintelligence du sujet, et non plus seule¬
ment à ses sens matériels.
Le psychothérapeute peut donc, par dos moyens purement physiques,
amener son malade au degré d'hypnose qu’il désire, attention, hypo-
taxie ou sommeil, et se trouver alors en mesure de lui donner une
suggestion, beaucoup plus impérative et efficace qu’un simple conseil.
Mais les impressions sensorielles, à elles seules, peuvent, dans cer¬
tains cas^ exercer une véritable action idéoplastique et nous transmettre
des suggestions. Ainsi, il est des spectacles qui^ suivant l'expression
courante, hypnotisent le sujet, et le font passer, sans qu’il s’en puisse
défendre, de la joie au chagrin, du plaisir à l'horreur, de la colère à
l’épouvante ou au calme; par exemple, la vue d'une catastrophe, de la
mer en furie, d'un combat, d’un beau coucher de soleil. Il en est de
même, et de façon plus générale encore, de la musique. L’intensité et
les formes de son action varient suivant le talent et l'interprétation de
l’exécutant, suivant le développement artistique, la compréhension
musicale^ la plus ou moins grande susceptibilité spéciale de chaque
auditeur; mais^ à divers degrés, tout le monde la subit. Le passage
d’une musique militaire jouant une marche entraînante fait scander le
pas à la foule, et les gamins la suivent; dans un édifice religieux, les
chants ou l’harmonie des orgues disposent l’assistance à la méditation,
à la tristesse ou la joie; tel morceau bien exécuté amène les larmes aux
yeux d'un auditeur parfois très ignorant en musique, très fruste au point de
vue artistique, et tel autre le soulève d’enthousiasme joyeux ou guerrier.
Aussi, de tout temps, s’est-on servi de la musique pour entraîner les
masses^ que ce soit à la prière ou au combat.
Personnellement, nous avons assisté à une suggestion de cette nature
tout à fait remarquable. Dans une réunion intime, un pianiste de grand
talent jouait un morceau de Beethoven. Nous voyons le regard d’une
de nos voisines prendre peu à peu une fixité extraordinaire. A un mo¬
ment donné, elle se leva, au milieu de la stupéfaction générale, marcha
à pas comptés vers l’instrument et s'agenouilla près de lui en pleurant.
Le pianiste l'aperçut, s’interrompit tout à coup, effrayé, et la jeune
femme se renversa en complète catalepsie. Il est évident que des effets
aussi intenses ne se produisent que chez de rares prédisposés.
Donc, tandis que le bruit du gong ou la fixation fascinatrice d’un
objet lumineux amènent simplement un état de passivité relative, un
engourdissement plus ou moins marqué du centre O, du schéma poly¬
gonal de Grasset, la musique va plus loin; elle peut presque provoquer
des phénomènes actifs, tout comme ferait l'ordre d'un magnétiseur.
Observons en effet par quelles phases successives passe un public au
cours d'une belle audition musicale.
Tout d’abord, Vattention se fixe. Dès les premiers accords, le silence
s’établit. Chaque auditeur s’isole de ses voisins ; il écoute au lieu d'en-
SOCIÉTÉ d'hYPNOLOGIB BT DB PSYCHOLOGIE
87
tendre. C’est le premier stade. Au fur et à mesure que se déroule la
phrase mélodique, que se succèdent les enchaînements harmoniques,
l’attention se précise et devient exclusive. L’auditeur ne pense plus qu’à
l’œuvre qu’il écoute; il oublie ses soucis, ses affaires, son état de santé ;
il arrive à l’état de monoïdéisme. Second stade.
Alors, les sens autres que l’ouïe semblent s’engourdir et transmettre
avec moins d’intensité leurs impressions à la conscience. Le sujet n’a
plus conscience d’une légère douleur physique, d’un frôlement, d’un
mouvement de son voisin. Souvent même les yeux se ferment; il y a là
une véritable hypotaxie, et c’est à ce moment qu’un voleur adroit explo¬
rera avec succès les poches de l’auditoire. L'année dernière encore,
les journaux quotidiens le rapportaient, une association de filous
utilisait le réel savoir musical de quelques-uns d’entre eux pour per¬
mettre aux autres l’exercice paisible du vol à la tire. Ils ne furent pris
qu’aprôs plusieurs mois de fructueux concerts sur la voie publique ; ils
avaient charmé môme les gendarmes, que l’on prétend sans pitié.
Le sujet se trouvant en hypotaxie, la pensée do l’auteur s’impose
alors facilement à lui; il est en bon état de réceptivité pour une sugges¬
tion. Mais tandis qu'un écrivain, par exemple, traduit sa pensée par des
termes précis et nets, que cette pensée peut être discutée, réfutée, re¬
poussée; tandis qu’un spectacle nous offre des faits brutaux et non
modifiables, la musique, par son imprécision même, se plie à l’agré¬
ment de toutes les mentalités. La pensée de l’auteur est transformée,
pétrie de mille façons diverses; sauf dans les grandes lignes qui im¬
priment à l’oeuvre son sens le plus général, chacun l’adapte à son tem¬
pérament, à son caractère, à son état actuel ou habituel, normal ou
morbide, physique ou moral; si bien que chacun ressent à sa façon per¬
sonnelle l’action de la musique. Par elle, l’auteur exerce sa suggestion
sur toute l’assistance, qui, tout entière, la subit sans révolte; non seu¬
lement sans révolte, mais avec plaisir.
Voici le morceau terminé. Le public n'applaudit pas immédiatement.
Tout d’abord il s’ébroue, se ressaisit, s’éveille en quelque sorte ; puis
les applaudissements éclatent, une fois le charme rompu. Mais l’in¬
fluence de la suggestion musicale persiste encore, parfois très long¬
temps; de môme que Ton se remémorerait le conseil suggéré par un
magnétiseur, de môme la mémoire vous rappelle les passages musicaux
qui vous ont le plus impressionné ; elle prolonge ainsi et répète la
suggestion en la renforçant. Il y a de véritables obsessions musicales,
dont la répercussion morale est indiscutable.
Ce qui se passe chez le mélomane se passe avec une intensité moindre
chez les sujets moins entraînés ; mais il n’y a là qu’une question de
degrés; il est difficile de nier la suggestion musicale. Elle s’exerce non
seulement sur tous les hommes, ou à peu près, mais aussi sur beaucoup
d’animaux, et c’est une de celles qui rencontrent le moins de sujets
réfractaires.
88
REVUE DE l’hypnotisme
De rinfluence des impressions des parents sur le fœtus,
par M. PODIAPOLSKY (de Saratow).
Depuis les temps anciens et chez tous les peuples règne la croyance
que les émotions éprouvées par la mère ont la propriété d'influencer le
fœtus in utero.
Les enfants porteraient les traces des impressions violentes subies
par la mère au cours de sa grossesse, et cela non seulement sous forme
de défectuosités psychiques telles que des sentiments anormaux mais
de défectuosités physiques ou corporelles.
De semblables faits ont été, depuis longtemps, cités par des obser¬
vateurs consciencieux tandis que d’autres savants, non moins estimés,
sont tout à fait sceptiques à l’égard des faits de ce genre (<) : leur
défiance repose sur l’impossibilité d’expliquer le mécanisme de ces phé¬
nomènes.
Toutefois, sans prétendre expliquer ce processus, l’on peut recueillir
les faits eux-mêmes dans le milieu où ils se sont produits.
Dans ce but nous faisons circuler des feuilles d’enquête dont on lira
plus loin la teneur.
Depuis que les phénomènes de la suggestion sont devenus le sujet
d’études approfondies, l’influence psychologique acquiert une grande
importance en tant qu’agent biologique. Les influences psychologiques
laissent leurs traces d’abord chez l’individu qui les a subies puis, sou¬
vent, ces traces sont conservées dans l’appareil nerveux et deviennent,
peut-être, à leur tour, la cause de telles ou telles modifications chez le
descendant ? L’impression reçue par les parents (c’est-à-dire non pas
seulement la mère, mais aussi le père), pourrait-elle être assez pro¬
fonde pour se répercuter non seulement dans le domaine psychique
mais encore dans le domaine corporel de Tenfant à naître?
Montrons pas des exemples quels cas nous avons en vue.
Liébeault rapporte le cas suivant tiré de sa pratique :
Une femme, au début de sa grossesse, fait larencontre imprévue d’une
mendiante dont la figure est colorée d’une tâche vineuse. Effrayée de ce
spectacle cette femme croit voir une tache semblable sur l’une des joues
de la plupart des personnes qu’elle rencontre. Cette hallucination la
poursuit durant toute sa grossesse. La fille qu’elle mit au monde naquit
avec cette difformité, mais depuis son accouchement la mère est débar¬
rassée de son hallucination visuelle. Avant d’accoucher elle ne soupçon¬
nait pas l’influence que pouvait avoir cette impression sur son enfant.
Le musée anatomique de Milan possède le corps d’une petite fille
morte à l’âge de trois mois. La peau de celte enfant, d’un brun noirâtre,
est couverte de poils, de la têteau nombril; des taches de même cou¬
leur existent en outre en différents endroits. Fait plus curieux : dans le
cerveau, il existe également de ces taches noires. La mère de cette
(1) Par e^emplQ^ Geoffroy-Saint-Iiilaire, Montf^omery% Rallantyne.LiébeauîtyRoki-
tattskXy Carpenter étaient pour l’affirmative, Buffon, Blondel^ Burdachy pour la
négative.
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
89
enfant raconta au professeur Billy, qu*avant la naissance de sa fille, il
lui arriva un jour de regarder très attentivement, pendant un certain
temps, un singe que Ton exhibait dans la rue. Oe singe était revêtu d’un
pantalon court qui laissait à découvert ses parties supérieures (iVeupe-
bauer),
Drzewiecki relate ce cas : La femme d’un de ses amis, enceinte de
deux mois, éprouva une vive frayeur à la vue de la blessure que se fit au
front son petit garçon, âgé de quatre ans, en tombant sur le bord d’une
garde-robe ; la blessure n’était nullement dangereuse, mais elle alarma
la mère. A l’époque normale, elle accoucha d’une petite fille qui avait
une cicatrice rouge absolument semblable à celle de son frère et située
au même endroit.
Le troisième enfant d’une femme était une Glle présentant les anoma¬
lies suivantes : Toute la peau avait l’air d’être brûlée, était lisse, bril¬
lante, dure et résistante comme le tissu cicatriciel. Son épaisseur se
remarquait surtout sur le visage, les mains et les pieds. La lèvre supé¬
rieure était fendue en biais et retroussée du côté des narines. Les
mêmes modifications que celles de la peau s’observaient dans la région
de laboucheetsur lalangue. Les conduits auditifs externes et les narines
étaient bouchés par un tissu cicatriciel. Les paupières étaient privées
de cils, tandis que la tête était recouverte d une chevelure épaisse. Il se
trouva, qu'aux premiers mois de la grossesse de la mère, eut lieu l’ex¬
plosion d’üne chaudière à vapeur, ce qui causa la mort de son mari. Les
voisina firent à la mère une description détaillée de la catastrophe et de
l’aspect des hommes qui y avaient péri, ce qui émut profondément la
pauvre veuve (Lincoln).
De Frarière rencontra en Suisse un enfant très joli qui n’avait pas de
poignets. La mère, pendant sa grossesse, avait reçu une secousse doulou¬
reuse à la vue d’un vieux soldat dont les mains avaient été gelées
pendant la campagne de Russie.
On cite des cas où des femmes enceintes avaient assisté à des exécu¬
tions capitales et à certains supplices, comme celui de la roue; les
enfants auxquels elles donnaient le jour, naissaient avec des membres
brisés à l’endroit où le corps du criminel avait passé sous la roue (Ma^
lebranche, Lavater).
Une femme, au moment où elle commet l’acte d’adultère avec un
étranger, était toujours prise d’un grand tremblement dans la crainte
du retour de son mari. La fille dont elle accoucha souffrit d’un trem¬
blement généralisé dès sa naissance jusqu’à l’âge de jeune fille.
L’enfant né plus tard souffrait du même mal mais à un degré moins
prononcé (Lucas).
Une femme enceinte est effrayée par un colporteur qui se met à sa
poursuite; rendue muette d’épouvante, elle s’esquive en fuyant. Ilia
rattrape et lui assène un coup de poing sur le dos. La femme ne soup¬
çonnait pas que cela pût avoir des suites fâcheuses pour l’enfant :
90
REVUE DE l’hypnotisme
celui-ci naquit sourd-muet et sa surdi-mutité fut reconnue incurable
par des spécialistes [BallsLutune of Dalkath).
Nous nous bornons à ces exemples qui sont loin d’épuiser toute la
variété des cas semblables (^). Le plus souvent, il s’agit de l’impression
qui a frappé la vue ou simplement l’imagination de la mère. Des faits
semblables, comme la transmission des habitudes machinales du père
(où il ne pouvait être question de l’imitation à cause d’une longue
absence ou de la mort du parent) ont été cités dans la littérature (Dar¬
win, Girou de Buzareingues, et d’autres) (*).
La possibilité de la transmission des impressions visuelles du père
est également digne d’intérêt.
L’étude de ces cas permettrait de rechercher les points de ressem¬
blance entre l’objet qui a causé l’impression et la difformité consécutive
entre l’état du parent à l’époque de l’impression et l’anomalie psychique
ou le penchant anormal de l’enfant.
En somme, ces cas se rencontrent assez rarement : pour recueillir
un grand nombre de faits, il convient d’étudier tout particulièrement
les époques riches en émotions violentes.
Par exemple, la guerre actuelle, avec son pourcentage élevé d’aliénés,
fourmille de catastrophes. Les terreurs et les désastres de la guerre
dans a le camp de la mort » exposent l’imagination des hommes à une
grande épreuve. Or ne semble-t-il pas qu’on doive s’attendre à retrou¬
ver dans la génération future les traces de ces émotions violentes?
A ce titre, les guerres devraient acquérir à nos yeux une importance
psychologique plus grande, puis<jue le mal qu’elles engendrent retombe
non seulement sur nos contemporains mais aussi sur leurs descen¬
dants !
Port-Arthur a succombé!... « Des ombres et non des hommes » sor¬
tirent de leur prison. Les soldats exténués tombaient dans un sommeil
profond. Onze mois s’étaient écoulés dans la perspective constante d’une
mort possible ou prochaine !
Si l’on a pu dire autrefois qu’il y avait « des enfants du siège de Pa¬
ris », n’aurons-nous pas aussi les enfants de la tragédie de Port-Arthur?
Ainsi la guerre pourrait fournir de nombreux exemples de trans¬
mission aux enfants des impressions de leurs parents : dans ce but la
Société des Naturalistes de Saratow, sur ma proposition, a approuvé
l’envoi de questionnaires spéciaux.
Seul un grand nombre de réponses exactes nous donnera la possi¬
bilité de porter quelque lumière sur ces questions psychologiques d’un
intérêt à la fois théorique et pratique.
Si certains cas s’écartent du schéma de notre questionnaire, nous
(1) On a observé plus d’une fois des faits analogues chez les animaux. Il serait
à désirer qu’on les enregistrât, toutes les fois que l’occasion s’en présente.
(2) P. PoDiApOLSKY. Les impressions ou suggestions paternelles ou maternelles
se transmettent-elles aux enfants? Revue de VHypn.^ numéro 7, 1904. L’article
russe sur le même sujet est publié dans les Travaux de la Société des Naturalistes
de Saratow. Vol. IV, livre 2.
SOGlÉTé D’HYPNOLOGIE BT DE PSYCHOLOGIE
91
prions nos correspondants de nous en faire une description détaillée
dans une lettre particulière.
Nous désirons connaître le prénom, le nom et Tadresse des personnes
qui voudront bien nous signaler des cas intéressants, non pas dans un
but de vaine curiosité mais seulement pour le cas où il y aurait lieu de
leur demander des informations supplémentaires.
Je me chargerai d'élaborer les matériaux reçus et de les réunir dans
un ouvrage particulier.
QUESTIONNAIRE
1. Nom, prénom, âge, lieu de naissance et adresse de la personne qui a
éprouvé l’émotion.
2. Quand a eu lieu cette émotion? En donner une description détaillée.
3. Quelle malformation en est résultée? Combien de temps après?
4. L’émotion s’est-elle produite une seule fois, subitement, ou s’est-
elle répétée?
5. L'émotion résulte-t-elle d’une sensation visuelle, auditive, tactile ou
d’un récit ou d’une appréhension ?
G. A quel moment de la grossesse cette émotion a-t-elle été éprouvée?
7. Y a-t-il eu crainte que cette émotion n’exerçât une certaine action
sur l’enfant? Cette préoccupation fut-elle fréquente ou constante?
8. La mère a-t-elle présenté, pendant sa grossesse, des phénomènes
pathologiques? des songes? des hallucinations?
9. Quelle difformité physique ou psychique, quel défaut, quelle habi¬
tude ont été constatés chez l'enfant?
10. Y avait-il dans la famille, des anomalies semblables? Les décrire.
11. Combien y avait-il d'autres enfants? Indiquer le nombre, le sexe,
l'âge des enfants qui ont précédé et de ceux qui ont suivi celui
dont il s’agit.
12. Quel était l’état de santé des divers membres de la famille?
Adresser, autant que possible, des photographies, ou, au pis aller, des
dessins des difformités corporelles observées. Ajouter tous les rensei¬
gnements complémentaires qu’on jugera intéressants.
Nom, prénom, adresse du correspondant.
Date de l’observation.
Adresser les réponses à M. P. Podiapolsky, à la Société des natura¬
listes de Saratovv (Russie), ou, pour la France, à M. le D** Paul Farez,
154, boulevard Haussmann, Paris, qui voudra bien centraliser les ré¬
ponses reçues et les faire parvenir directement à Saratow.
Perversion sexuelle guérie par Fhypnotisme
ParM. le D** Lloyd-Tuckey, de Londres.
Depuis les quinze ou seize ans que je pratique l’hynotisme, j’ai eu à
observer bon nombre de malades atteints de perversion sexuelle. Dans
deux ou trois cas peu accentués dans lesquels il y avait plutôt perver¬
sion de la pensée que de l’acte, la suggestion a amené des relations
92
REVUE DE l'hypnotisme
sexuelles normales, bien que le degré d’hypnose fût minime. Mais mal¬
heureusement, dans aucun des cas sérieux et anciens, le malade n’était
susceptible de la suggestion poussée jusqu’au somnambulisme. Elle
n’avait donc qu’un effet léger et passager.
Dans les succès que rapportent Kraft-Ebing, Van Schrenck-Notzing,
Wetterstrand et autres observateurs, je crois que le somnambulisme a
toujours été atteint, et je ne puis guère concevoir une réussite sans une
hypnose intense dans une affection aussi profonde et aussi constitu¬
tionnelle. C'est donc avec d’autant plus de plaisir que je puis citer le cas
suivant où j’ai réussi.
J. T... âgé de 43 ans, est un homme de bonne éducation et qui a beau¬
coup voyagé. Il a été rédacteur de journaux en Amérique, organiste et
professeur de musique en Autriche, maître d’école et précepteur parti¬
culier dans la Nouvelle-Zélande. Il est aussi auteur de contes populaires,
et enfln c’est un homme de talent et de ressource. Sa vie avait été em¬
poisonnée par sa passion de commettre des attentats sur des petites
filles. Il avait été souvent poursuivi en justice pour ces délits et se sen¬
tait toujours en grand danger. Il ressentait avec acuité la dépravation
morale de sa conduite, mais ne pouvait résister à l’impulsion criminelle.
Son expression était anxieuse et ressemblait à celle d’un homme pour¬
suivi. Ayant vu, dans une revue médicale américaine, un article qui
traitait de l’hypnotisme et où mon nom était cité, il donna sa démission
et fit le voyage d’Amérique à Londres pour me consulter. Je dis cela
pour montrer qu’il était sérieusement désireux de se guérir; il était
donc dans un état d’esprit favorable à la suggestion.
Je le vis pour la première fois le 28 mai 1904 et le trouvai un fort bon
sujet pour l'hypnotisme. Il devint somnambule, dès le commencement
du traitement, avec amnésie au réveil. L’opération fut répétée le jour
suivant et avec des intervalles pendant trois mois. Mais dès le premier
jour il sentait qu’une révolution s’était opérée dans ses idées et qu’il
avait acquis une nouvelle force pour se contrôler.
Après avoir quitté ma maison il se trouva dans une rue tranquille où
il vit une petite fillette qui jouait toute seule, La tentation de lui parler
et de la mener dans une écurie voisine l’assaillit et il s’approcha d’elle
pour accomplir son plan habituel, mais au même moment il sentit une
force d’inhibition qui prévalut et il dépassa l’enfant sans lui parler.
Depuis ce jour, il n’a plus éprouvé de tentation, et d’après ce qu’il m’a
dit, il peut parler à des petites filles et même les embrasser sans la
moindre pensée sensuelle. II est maintenant occupé à enseigner les
langues étrangères; il est tout à fait heureux et prospère.
Il attribue sa perversion sexuelle à ce qu’étant enfant de 6 ans il fut
corrompu par une petite fille du même âge. Déjà à cet âge, il était
capable de coït normal.
Le seul autre cas de nature analogue que j aie rencontré fut celui
d’un homme mùr. II y a dix ans, qu’il dut fuir sa maison et sa famille
à cause d’une impulsion presque irrésistible à commettre des attentats
SOCIÉTÉ D'hYPNOX^OGIB BT DE PSYCHOLOGIE
93
criminels sur ses propres petites filles. Ce malade se montra malheu¬
reusement peu accessible à la suggestion. Il dut retourner en Australie
et je l’adressai à notre collègue le D' Arthur, de Sydney, pour un trai¬
tement plus prolongé.
L’intérét médico-légal de ces cas est intéressant. Quoique les vic¬
times malheureuses d’une aussi terrible obsession ne soient guère
responsables, la Société doit se défendre contre une influence aussi
corruptrice pour ses membres juvéniles et mal protégés. L’alternative
est l’asile ou la prison, à moins que, comme dans le cas que j’ai cité,
l’hypnotisme ne vienne en aide et ne produise une révolution morale.
La grimace
Par M. le D** Maurice Bloch.
Il est hanal de voir les gens grimacer à l’occasion de leurs douleurs ;
en observant ce réflexe, j’ai pu constater qu’il avait lieu assez souvent
du côté opposé au loco dolenti. Tel malade atteint de douleurs inter¬
costales à droite grimaçait à gauche et chez tel autre souffrant d’une
névrite crurale la grimace était devenue un véritable spasme de l’or-
blculaire des paupières du côté opposé pendant une vingtaipe de mi¬
nutes. Ce fait montre une fois de plus l’entrecroisement des libres sen¬
sitives et leur connexion étroite avec les fibres motrices dans le même
hémisphère. Il serait curieux de chercher la valeur de ce signe dans
les différentes sensibilités et dans différentes affections nerveuses. On
ne confondra pas la grimace avec les tics.
La graphologie et la médecine
par M. le D** Pierre Boucard {^)
Pourquoi la Médecine, qui met chaque jour à contribution tous les
moyens d’investigations que lui offrent la Chimie, l’Electricité^ les
Sciences naturelles, la Psychologie, l’Hypnotisme, etc., se montrerait-
elle si réservée et quelquefois si dédaigneuse à l’égard de la Graphologie
qui, comme l’a dit Ribot du Collège de France, est « un chapitre de la
psychologie du mouvement ? » Voilà un état de chose que l’auteur a
l’ambition d’expliquer et le rêve de modifier, en réfutant les objections
qui semblent le plus atteindre la graphologie.
Il donne aux troubles de l’écriture la valeur d’un symptôme, d’un élé¬
ment de diagnostic, au môme titre que les troubles de la parole, de la
marche, de l’attitude, de la motilité. C’est la représentation/îxée d’un
ensemble de fonctions atteintes (fonction du système musculaire, fonc¬
tion du système nerveux, fonction cérébrale). Mais, ajoute-t-il, « l’exa¬
men de l’écriture ne donne rien à celui qui s’y attache pour la première
fois ; pas plus que l’auscultation ne renseigne le profane qui applique
pour la première fois son oreille sur une poitrine. »
(1) Présentation de thèse. Rouf.set, édit. Paris, 1905.
94
REVUE DE L*HYPNOTISME
Dans un court historique sont passées en revue les opinions des sa¬
vants et surtout des médecins sur la question, l’auteur trouve dans
quelques unes qui émanent des plus autorisés, un « précieux encoura¬
gement » qui a légitime bien son travail ».
Nous entrons dans le vif du sujet avec l’étude de l'écriture dans la
paralysie générale surtout envisagée comme signe de diagnostic pré¬
coce.
(( Alors qu’on est à l’afTùt de toutes les données pouvant nous guider,
c’est à ce moment qu’on trouvera un auxiliaire précieux dans le gra¬
phisme ».
Comment en effet concevoir cette « dissolution delà personnalité » du
premier stade de la maladie sans retentissement sur l’écriture, qui est
le reflet de nous-mêmes ?
Et l’anxiété d’être fixé est alors bien légitime puisqu’il s'agit de se
prononcer entre une psychose simple curable et une démence incurable
sous la dépendance des lésions organiques.
Or, € les éléments les plus importants de différenciation sont justement
ceux qui vont altérer le graphisme; en effet ce seront : les symptômes
moteurs et les modifications psychiques.
Des fac-similés nous montrent dans la première phase expansive et
et agressive la plume « lancée comme une invective avec brutalité »,
avec a la véhémence du tracé, et l’audace du trait » de cette période
d’immense orgueil et d’extravagante prétention.
Le D*^ Boucard s’applique ensuite à déceler le neurasthénique dans
son écriture toute empreinte de sa « dépression psycho-motrice », de son
a asthénie neuro-musculaire », des « défaillances de sa volonté » de
« l’amoindrissement conscient de sa personnalité »,
Enfin il conclut que « l’écriture mérite d’être prise en considération
pour établir le diagnostic de certaines affections » et que o les troubles
de l’écriture évoluant parallèlement à ceux de certains états patholo¬
giques donneraient pour ainsi dire la courbe fidèle de la maladie ».
FOLKLORE ET COUTUMES SUPERSTITIEUSES
Les roues à carillon dans les églises
M. le chanoine Abgrall a publié, dans le Bulletin de la Société Ar--
chéologique du Finistère, une étude très documentée sur les roues à
carillons, appelées vulgairement roues de fortune, qu’on trouve encore
dans quelques églises bretonnes. L’auteur cite notamment celle de la
chapelle de Confort, qui fonctionne toujours.
C’est un cercle de bois suspendu à la voûte et garni de clochettes de
différentes dimensions et de timbres variés. On fait tourner la roue au
moyen d’une corde et, par suite du mouvement de rotation, les clo¬
chettes forment un carillon dont les notes argentines ne sont pas dé¬
pourvues d’une certaine harmonie.
FOLKLORE ET COUTUMES SUPERSTITIEUSES
95
Les autres roues sont maintenant muettes. Elles se trouvent dans la
chapelle de Notre-Dame de Quilinen, en Landrévarzec, dans Téglise
de Pouldavid, à Notre-Dame de Confort, à Berhet (Côtes-du-Nord), et
dans la chapelle de Saint-Nicolas de Priziou et Ste-Avoye, en Pluvigner
(Morbihan).
On en trouve encore de pareilles dans le Roussillon, les Baléares, en
Suisse, sur les bords du Rhin.
Quel était primitivement l’usage de ces roues !
On les faisait tourner au moment de l’élévation. Pour voir fonctionner
une de ces roues, il suffit d’aller à Golleville, près de Saint-Sauveur-le-
Vicomte (Manche). Cette paroisse est dédiée à Saiht-Martin et la roue
à carillon s’appelle le rouet de Ssiint-Martin. C’est un cercle de bois
garni de clochettes et fixé à la muraille du côté de Tépitre à l’entrée du
sanctuaire.
Ce carillon fonctionne dans les grandes fêtes et spécialement le jour
de la Saint-Martin : il sonne pendant tout le temps du Magnificat. C’est
un des jeunes gens les plus vertueux de la paroisse qui le fait fonc¬
tionner : c’est pour lui un honneur, une récompense. Tout le monde
écoute respectueusement ce carillon ; il ne cause de distractions à per¬
sonne, sauf aux étrangers. Cette coutume revêt un caractère supersti¬
tieux. Les dévots de Golleville sont convaincus que les clochettes de la
roue à carillon ont pour effet de les mettre à Tabri des maléfices du
diable et d’être une cause de prospérité pour le pays. Bien entendu, un
grand nombre d’habitants ne partagent pas cette opinion et ne consi¬
dèrent l’usage de la roue à carillon que comme un vestige des multiples
superstitions qui sévissaient au moyen-âge et dont quelques-unes se
sont perpétuées, défiant les progrès de l’instruction.
La superstition du « lapin » chez les pêcheurs normands
Chez tous les pêcheurs de la côte normande on retrouve à l’égard du
a lapin », une véritable crainte superstitieuse. Il n’en est pas un qui
consentira à s’embarquer pour la pêche, si, dans la journée qui précède
son embarquement, il a entendu prononcer le nom de ce timide rongeur.
Alors même que la barque est gréée, que tous les préparatifs sont ter¬
minés, que les adieux sont déjà faits, si quelqu’un a l’imprudence de
parler, à un point de vue quelconque, de l’animal désigné sous le nom
de lapin, personne ne veut plus partir et la barque reste dans le port.
Quelques jours avant notre séjour à Cherbourg, de mauvais plaisants
avaient hissé une peau de lapin au sommet du mât d’une barque de
pécheurs. L’un d’eux s’en aperçut au moment où le bateau allait prendre
le large. Ils décidèrent tous de rentrer immédiatement au port et res¬
tèrent quelques jours sans se décider à sortir.
Nous avons demandé à quelques vieux marins des renseignements
sur l’origine de cette singulière superstition. Ils nous ont tous répondu
qu elle remontait aux temps les plus anciens et nous avouèrent qu’ils
96
REVUE DE l’hypnotisme
partageaient l’idée que le lapin était un animal dont le seul nom suffirait
pour porter malheur aux pêcheurs.
Cette superstition est très répandue chez les pêcheurs de Cherbourg;
on la retrouve dans les autres ports de la côte. A Trouville, les vieux
pêcheurs y croient encore, mais fesprit des jeunes commence à s’éman¬
ciper de ces vaines appréhensions.
Nous serions très reconnaissant à ceux de nos lecteurs qui pourraient
avoir des renseignements sur l’origine de cette idée superstitieuse, de
nous les communiquer. Nous voudrions également savoir si la crainte du
lapin existe chez d’autres pêcheurs que ceux de la côte normande.
Un fétiche pour prendre du poisson
Les idées superstitieuses des pêcheurs sont innombrables. Nous en
citerons une qui a actuellement cours à Cherbourg. Une ancienne demi-
mondaine qui eut son heure de succès, y est, paraît-il, douée du privi¬
lège de donner la chance aux pêcheurs et de remplir leurs filets. Marie
Baton^ tel est son nom, est aujourd’hui âgée d’environ 60 ans. Elle est
boiteuse et a les cheveux rouges : c’est peut-être à ces particularités
qu’elle doit d’être considérée comme un fétiche, Avant le départ, on lui
demande de se laisser rouler dans les filets. Au retour, si la pèche a été
favorable, on la remercie de son intervention en lui donnant une part
du poisson.
Beaucoup de ces coutumes mériteraient d’être enregistrées. Leur
propagation repose sur une véritable suggestion. Nous faisons appel â
nos lecteurs pour nous indiquer celles qu’ils pourraient recueillir.
D" Bérillon.
NO UVELL ES
Les Congrès de Liège en 1905
A l’occasion de l’Exposition universelle de Liège, un certain nombre
de congrès se tiendront dans cette ville. Parmi ceux qui intéressent plus
particulièrement nos lecteurs, nous indiquerons :
1. Le congrès de la protection de l’enfance (du 17 au 20 septembre).
M. le D*" Jules Voisin y représentera la Société d’hypnologie et fera une
communication sur les enfants anormaux.
2. Le congrès de médecine interne, qui sera présidé par M. le profes¬
seur Lépine (du 25 au 27 septembre). Adresser les adhésions au profes¬
seur Henrijean, à Liège.
3. Le congrès de neurologie et de psychiatrie (du 28 au 30 septembre),
présidé par M. le loteyko et M. le D' Glorieux. Secrétaire général :
M. le D** Massaut, à Charleroy.
La Société d'hypnologie sera représentée à ces congrès par MM. les
docteurs Voisin, Bérillon, Paul Farez. Des communications relatives à
l’hypnotisme et à la psychothérapie y seront mises en discussion.
UAdministrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.
Paris, lmp. A. Quelquejeu, rue Gerbert. 10.
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
20' Année, — N“ 4.
Octobre 1905,
BULLETIN
Les névroses provoquées par les tremblements de terre. —Les enfants susceptibles.
— Introduction de l’hypnotisme dans l’éducation correctionnelle.
A la suite du grand tremblement de terre qui vient de dévaster tout le sud
de ritalie, les journaux ont été remplis de détails extrêmement impression¬
nants. Un grand nombre d'individus de tout âge, ont donné, après les oscilla¬
tions, pendant une assez longue durée, des signes d*un véritable dérangement
mental. Chez les uns, la frayeur était si intense, qu’ils sont restés pendant
plusieurs heures comme hébétés, incapables de bouger, ne songeant même
pas à se soustraire aux dangers que faisait courir Téboulement des maisons.
Il en est chez lesquels un tremblement nerveux persistait encore quelques
jours après le cataclysme. D’autres ont traduit le désordre de leur esprit
par des manifestations d’exaltation religieuse, des clameurs inconsidérées
et des actes de violence nullement justifiés. A Monteleone, parmi les dé¬
combres de l’église, on trouva une statue de saint Nicolas avec les bras
brisés. Un certain nombre d’individus, s’en prenant au saint du malheur
qui leur était arrivé, lui adressèrent les injures les plus grossières. La su¬
perstition des habitants de la Calabre leur a Inspiré immédiatement un
retour à de véritables pratiques idolâtriques. Elevant dans les bois des
autels de terre ou de pierre, fisse réunissaient en groupes nombreux, se pros¬
ternant la face contre la terre, implorant des divinités protectrices, refusant
de rentrer dans leurs villages à moitié détruits.
Il n’est pas d’accidents qui s’accompagnent d’émotions plus fortes
que les tremblements de terre. Bien que les gens n’aient reçu aucune
blessure, ni aucun coup, ils n’en paraissent pas moins absolument déséqui¬
librés. On dirait que les secousses ont produit dans leurs cerveaux des
désordres analogues à celui qu’elles ont provoqué dans leurs demeures.
Cela existe même quand les secousses sont assez faibles. A la suite du der¬
nier tremblement de terre de Nice, en 1887, beaucoup de personnes se sont
plaintes de troubles névropathiques imputables à la frayeur inspirée par les
secousses. Ces troubles ont été longs à guérir. Charcot en a recueilli
une observation très frappante. J’ai eu également l’occasion de traiter
de ces névroses consécutives au tremblement de terre de Nice. Des auteurs
américains, MM. les D*** Peyre Porcher et Guiteras, ont noté les mêmes
accidenta nerveux, après les tremblements de terre de Charleston (Etats-
Unis), en 1886,
En somme, ce qui caractérise ces malades, c/est qu’ils restent sous l’in-
98
REVUE DE l’hypnotisme
fluence d’une peur angoissante dont ils croient que rien ne pourra les déli¬
vrer. La malade de Charcot était occupée par le souvenir du tremblement de
terre et, dans Vappartement, elle était poursuivie par cette idée obsédante que
rien n'est solide et que peut-être le plafond va lui tomber sur la tête.
Il s’agit là d’idées fixes et d’affaiblissement de la volonté comme il en sur¬
vient chez les hystériques à l’occasion d’une émotion d’une grande intensité.
Ces névroses ont été justement désignées sous le vocable général d'hystérie
traumatique. Le traitement formellement indiqué réside dans une psycho¬
thérapie bien dirigée, ayant pour base la suggestion hypnotique et tendant
à la rééducation de la volonté.
♦ 4
Récemment un fait divers, ayant pour titre : Suicide d’un enfant de dix
ans, nous a remis en mémoire, le passage dans lequel Briquet décrit l’état
mental des petites filles hystériques : « A de très rares exceptions près,
dit-il, les hystériques offrent, dés leur plus tendre enfance, une prédomi¬
nance extrême de l’élément affectif. Toutes les hystériques que j'ai obser¬
vées étaient extrêmement impressionnables. Toutes, dès leur enfance étaient
très craintives : elles avaient une peur extrême d’être grondées et quand il
leur arrivait de l’être, elles étouffaient, sanglottaient, fuyaient au loin ou se
trouvaient mal ». Cet état pourrait se définir par un mot : La susceptibilité.
Les jeunes hystériques sont tellement susceptibles qu’elles conservent les
impressions reçues pendant une longue durée. Elles en souffrent à l’excès,
quand ces impressions sont pénibles ou qu’elles les ont blessées dans leur
amour-propre. Tel était le cas de l’enfant à laquelle nous faisions allusion
plus haut, et que les journaux ont raconté d’une façon très laconique, mais
très expressive :
<( Une fillette de dix ans, Jeanne Le Guilcher, s’est suicidée en se jetant
dans la rivière le Trieux, près du village de Sainte-Croix (Ille-et-Vilaine).
tt Jeanne Le Guilcher était douée d’une intelligence exceptionnelle, d’un
tempérament extrêmement nerveux, elle était très sensible aux moindres
reproches de ses parents.
« C’est à la suite d’une admonestation de sa mère, qui l’avait grondée
d’avoir fouillé dans une armoire qu’on lui avait défendu d’ouvrir, que la mal¬
heureuse enfant s’est jetée dans le Trieux. »
Lorsque l’on constate chez les enfants une susceptibilité portée à l’excès,
il convient de ne pas rester indifférent en présence de cette disposition d’es¬
prit. Il est nécessaire de faire appel aux conseils d’un médecin, d’un neuro¬
logiste qui soit, autant que possible, doublé d’un psychologue. A maiptes
reprises, nous avons fait ressortir les grands 8er\*ices que rend la suggestion
hypnotique dans le traitement de l’hystérie infantile. 11 convient toutefois
d’ajouter que cette psychothérapie doit être appliquée avec discernement et
surtout avec compétence. C’est la condition essentielle du succès.
*
4 4
La ville de Denver (Colorado) a pris une louable initiative. A l’avenir, les
enfants internés dans les maisons de correction de Denver seront soumis
fréquemment à la suggestion hypnotique, de manière à leur inculquer de
bons sentiments et l’oubli ou la haine des anciennes pensées mauvaises qui
les hantaient.
LES FEMMES A BARBE
99
L’expérience, paraît-il, sera continuée pendant un certain temps, jusqu’à
épreuve de sa valeur. Nous avons tout lieu de penser que cette tentative, si
elle a été confiée à des médecins expérimentés, sera couronnée de succès.
Contrairement à une opinion trop souvent exprimée, les petits malfaiteurs ne
sont pas nécessairement des malades, ni des dégénérés. Un grand nombre
d’entre eux sont simplement des enfants mal élevés. Quand ils n’ont pas
été pervertis par les exemples pernicieux qu’ils avaient sous les yeux dans
leurs familles, ils ont été détournés de la voie normale par des influences
suggestives, provenant du milieu social. Quand il s’agit de dégénérés, la
suggestion hypnotique peut, également, apporter le remède aux impulsions
par la création du pouvoir modérateur insuflisamment développé. Mais le
traitement de ces cas est long et difficile. Quand il s’agit d’enfants mal élevés,
on observe des transformations d’autant plus rapides que les facultés intellec¬
tuelles de l’enfant sont plus développées.
E. B.
Les Femmes & barbe : Étude psychologique et sociologique (suite) (*),
Par M, le D** Bérillon
Professeur à l’Ecole de Psychologie
Les femmes à barbe dans les initiations mystiques. — Le Baphomet, l’idole des
Templiers, était une femme à barbe. — Les sorcières barbues. — Les saintes
barbues de la religion catholique. — Géla, grande dame romaine. — Sainte Paule,
Sainte 'Wilgeforte, Sainte Kumernus.
A toutes les époques, l’admission des néophytes dans les religions,
dans les associations mystiques, aussi bien que dans les sociétés
secrètes, a été accompagnée de cérémonies plus ou moins compliquées
auxquelles on a donné le nom d'initiation. Toute réception d’un profane
est nécessairement précédée de formalités préliminaires dont les plus
importantes sont : V un examen imposé au récipiendaire dans le but de
s’assurer qu’il remplit les qualités requises pour être un adepte de
choix; 2® un engagement solennel pris par lui de se conformer stricte¬
ment aux diverses obligations de la religion ou de l’association dans
laquelle il demande à être admis.
Ces formalités remplies, il peut être procédé à la cérémonie de l’ini¬
tiation qui consiste dans la communication au nouvel affilié du but que
se proposent les initiateurs et des moyens par lesquels ils sont décidés
à y arriver. Cet exposé de principes, s’il était fait simplement, ne lais¬
serait dans l’esprit de l’initié qu’une impression assez fugitive. C’est
pourquoi on entoure sa communication d’une certaine mise en scène
destinée à frapper vivement son imagination. De plus, pour graver pro¬
fondément dans sa mémoire le souvenir de sa réception, on lui présente
certaines images ou certains symboles, dont la vue sera d’autant plus
impressionnante, qu’il s’attendra moins à leur apparition.
Les formalités de l’initiation constituent donc à la fois une mesure de
sûreté pour les anciens affiliés et un enseignement pour le nouvel initié.
(1) Voyez Revue de VHypnotisme, numéro de juin 1904 et suivants.
100
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■astreints Içî& diK Uîuf' jaU'hiliOft -l^eis jtôiftü’igriàgws; ■ les iîvèu^,,<ipa
accusés aü'nt/trop.àon'cdi::^^ Pùmk’ ^ 'a»i t» mûiùdfc' dfiiiilp h pe,
sujet.- ] :■. h:''- "■, • , V V';
ln>Jêpi6(U.ltt!pdt®iit4t4;aeifcS jd^àb/ù^atiOii, des bat*
0 taieri| ini{!'ds'è 5 f|.'àlri 3 i'-i|aè"des-pkîtn'uçsea de-jf'at-is'tf'jcfr àcjoViîv» reLi’~
iixèiS ^eXUvdüA ùtÿfi' lei- fer/üia%. on leur monirùù portSlftps figures ij-'un-
C^v&çtHe alisoluntent iin’ornl»!. Aîtisi le frère üaucteritùd de Moptepe-'
lata recoriHül peodanrià cé^emoniB de , 1 a rttcepticiii, o.n, lotlil'VoIr
une Idole bari.iuc<,'Bn,. Ûn-niê' de iijphoûiel'(i/> f}])i.(nifii lJa.ffi)fnei>) éHc/
fsêi'è ïfajl'oofld r.ultey dt-clara (ju'oft l'avàll’ton,doit, ijoui^riidotulion du
dans une salle, ôft <H*M t pstnlt mic*. ligures de JslaidiomeX {u 6 f,etaf
'De* '{.'éiiipliers dt la h^ültê'^ui, IVOyeS^ dit rmvfentàire du Irèsossde»
il) îIif 4 i£i.bT..- J'hvi-it din Ttfniyfiira.; 2 >£ij- in-i".. ' ' ' . ,
' ' ' 'V.'.... ■■.' J..,- ?->: d" ir-li'•* . ••
LES FEMMES A BARBE
101
Chartes, confessèrent sans càntrainte que, lorsqu’ils furent reçus, ils
avaient renoncé trois fois Jésus-Christ sur une image qui leur avait été
présentée. (*)
Le flrère Jean de Cassaubras (’], précepteur de la Maison du Temple de
Noggarda, près Pamiers, parle d’un coffre sur lequel il vil placer une
idole. (®)
Les Templiers, dit Paradin, étaient tombez par trait de tems et par
communication avec les infidèles, en exécrable hérésie et impiété... ils
avaient un lieu creux ou cave en terre fort obscure, en laquelle ils
avaient une horrible statue, (^)
L’absence de tout document figuré relatif à cette idole des Templiers
a pu longtemps inspirer des doutes sur son existence. Mais la décou¬
verte successives de ûgures réalisant la description qui avait été donnée
Fig. 86. — Figure de Baphomet.
(de 1 laminer).
Fig. 87. — Figure de Baphomet.
(de llammer).
de cette divinité mystérieuse est venue apporter la démonstration de la
réalité des idoles baphométiques. Les principales études sur cette
question ont été dues, en Autriche, à M. de Hammer-Purgstall (*) et en
France, à M. Mignard. M. de Hammer a appuyé ses dissertations sur
(1) Düpuy : Histoire de la condamnation des Templiers^ t. I, p. 80.
(2) Ibid., t. I, p. 93.
(3) La réception de ce chevalier est des plus curieuses, parce qu’elle présente le
résumé d’une réception. En voici le sommaire : Deux chevaliers s’étaient présen¬
tés à lui pour connaître son intention; deux autres étaient venus ensuite lui insi¬
nuer combien c’était chose difficile que d’endurer leur règle; qu’il n’en voyait lui
que l’extérieur. Ces préliminaires accomplis, il avait juré, la main sur un livre,
qu’il n’avait pas d’empêchement de mariage ni autres; puis, il avait promis de
croire en un Dieu créateu.^ qui n’est pas mort et ne mourra point. Enfin, le supé¬
rieur l’avait baisé in ore ; puis, ce dernier s’étant couché sur un banc, le récipien¬
daire l’avait baisé in ano ; puis une douzaine de frères, témoins de sa réception,
l’avaient baisé in umbilico. h]nfin, toute l’assistance avait adoré toie idole- que le
supérieur avait tirée d’une boîte et qu’il avait posée sur un coffret, et toutes les fois
fju’ils s’étaient prosternés sur cette idole, ils avaient montré le crucifix, in signum
ut ipsum penitus abnegarent, et avaient craché dessus.
(4) Histoire de Savoie, 1. Il, chap. 100.
(5) De IIam-Mer-Puiigstall : Les Mines de l'Orient : Mysterium Baphometis reve-
latiim. Vienne, 1818.
102
REVUE DE L’HYPNOTISME
des docuinenis figurés qui représentent le sous la forme
d’idoles réunissant les attributs des deux sexes, nombre de ces
idoles se trouvent de véritables femmes â barbe (fig. 84, 85, 86, 87).
Oes images, le plus souvent, se trouvaient sculptées sur des cof¬
frets, qui ont fait partie d'une remarquable collection réunie par M. le
duc de Blacas. L’un de ces colTrets avait été trouvé à Vol terra,
en Toscane, l’autre à EsSaroivS, dans la Cote-d’Or. M. Mignard, qui
B*est livré sur les lieux mêmes h de patientes investigations, a dé-
Fit;. 88. — Figiife lie ÜapliOToet M. Mivn.irtl)
montré que l’endroit ou avait été découvert le second de ces coiïrctj,
rirqiie de lu raue, était enclavé dans un prieuré important des Tem¬
pliers de Voulaine f/). ^!me de Chastenay a trouvé dans ses papiers de
famille plusieurs traces do vente et d’échanges de ces lieux avec les
Templiers de Voulaine. M. Mignard a reproduit les lîgiircs du cofîret
d’Essarois dans un important mémoire Elles figurent également à la
fin d’un livre publié en l^ST? parM. Loiséléur . Le j>rincipal Baphomet
(B.MaiN'ATjn ; in&loité Jey dijfertuus cultes^ svpersfitioHs et pratiquvs mysieniaiscs
d'uuc cimtrêv bxmryuip^nonue. Injoiir p. 5v> et suiv.
(p) i de M. U' dne de Biucds. l»aris,
LoiSÊCrçiî : La dnctrinc se^oHe des Temptiers. Pans. 187‘L
LES FEMMES A BARBE
103
représente la femme barbue dont nous donnons ici la reproduction
(fig. 88)
Les chevaliers du Temple de Voulaine comparurent le 28 mars 1310,
avec 544 autres témoins, devant les commissaires chargés de Tenquête
par le pape. Les noms de ces Templiers bourguignons ont été conser¬
vés^ ainsi que les aveux qu'ils furent amenés à faire pendant l'instruc¬
tion.
Une des formalités de l'initiation des Templiers consistait à entourer
le corps du néophyte d’une cordelette. Or, ces cordelettes étaient tirées
d’un de ces coffrets symboliques, remarquables par les figures idolâ-
triques dont ils étaient ornés. A ce sujet, M. Babelon, le savant conser¬
vateur du Musée de médailles, a émis l'avis que l'on doit regarder les
Baphomets comme des objets exécutés par des sociétés secrètes, assez
nombreuses au Moyen-Age, composées d'hommes qui avaient fait pacte
avec le diable. D'après M. Babelon, ces sectes se rattachaient plus ou
moins directement au gnosticisme (^).
L’androgynisme était la base du système des gnostiques et le plus
célèbre de leurs chefs d'école, Valentin, qui bâtissait son système au
II® siècle de TEglise, avait pu s'inspirer dans sa conception de ces sin¬
gulières divinités grœco-orientales qui, comme la Vénus barbue de
Chypre, était figurée avec des attributs des deux sexes. P)
Les Templiers, dans leur séjour prolongé en Asie-Mineure, avaient
subi les mêmes influences. Leur foi primitive s'était altérée au contact
des superstitions orientales et ils avaient rapporté des croisades, en
même temps que les vices et les maladies sarrazines (la sodomie et la
lèpre), la conception d’idoles androgynes. Ce sont ces idoles dont ils se
servaient pour frapper l'imagination de naïfs récipiendaires, attirés par
le désir d’obtenir une part de leur puissance et de participer à leurs
richesses.
Nous avons tenu à reproduire ces images, connues seulement de
quelques rares érudits. Leur examen attentif suffira pour convaincre
que le fameux Baphomet, Tidole dont l’adoration fut imputée aux Tem¬
pliers comme le plus gros de leurs crimes, était le plus souvent une
simple représentation de femme à barbe.
¥ *
« Femme barbue loing la salue, un baston à la main. y> Ce vieux
proverbe qui eut longtemps cours en France et en Allemagne (^) fait
allusion à la croyance admise pendant le moyen-âge qu’une femme
vieille et barbue ne pouvait être qu’une sorcière.
Shakespeare interprète cette croyance de la façon suivante, dans
(l) Bahelon : article Baphomet, Grande Encyclopédie.
{'!) Beausouhe : Histoire critique du Manichéisme, t. 1, p. 582.
:3) Bartôge Frau ^^riisse von weitem, mit eiiieii stock in cier hand. (Bavière et
provinces rhénanes.)
104 REVUE DÉ l'hypnotisme
la scène de Macbeth où Banquo, apercevant les trois sorcières,
s’écrie :
.... « You should be women and yet your beards forbid me to interpret that
are so. » (0
Dans une autre de ses pièces The honest man's fortune (La chance
de l’honnête homme), il reprend la même idée et l’exprime ainsi :
.... tt And lhe voman that corne to us, for desguises must wear beards : and
thet’s the say, a token ot a witch. » (^)
Les paroles de Sir Hugh Evans lorsqu’il rencontre Falstaff déguisé en
mère Prat, témoignent également de l’opinion régnante sut les sorcières
barbues :
a By yea and no, I think the 'oman is a witch indeed : i like not when a ’oman
bas à great peard ; I spy a great peard under ber muffler. » (3)
La croyance aux sorcières barbues n’avait rien d’étonnant aux épo¬
ques de superstition où tout phénomène anormal servait d’aliment aux
entraînements d’un mysticisme sans limite.
Les fameuses maximes qu’on a prêtées tour à tour à saint Augustin
et à Tertullien : Credo quia absurdum^ certum sum quia impossibile,
définissaient assez bien cet état d’esprit. Le mysticisme est en effet
caractérisé par une propension à croire à ce qui est obscur, incompré¬
hensible, à tout ce qui ne peut s’expliquer facilement. L’apparition de
la barbe sur un visage féminin, bien faite, pour frapper d’étonnement
des esprits simples, trouvait une explication satisfaisante dans le fait
de l’attribuer à une intervention diabolique.
Le développement du système pileux sur certaines parties du visage
est fréquent chez les femmes après l’âge de la ménopause. Malheur aux
femmes âgées et quelque peu barbues dont le caractère était irritable
ou acariâtre ou dont l’état mental présentait quelques dispositions
pathologiques. Bodin, l’auteur de la démonomanie des sorciers^ disait
que de son temps on trouvait cinquante sorcières pour un sorcier. Com¬
bien de ces femmes n’ont dû qu’à leur menton barbu d’être considérées
comme sorcières et livrées au bûcher.
Chez celles qui, pour éviter un pareil sort^ se plongeaient dans la
dévotion, il était difficile d’expliquer l’apparition de la barbe comme un
cadeau du démon. Nos mystiques n’en étaient pas embarrassés pour si
peu. Ils envisageaient cette anomalie comme un événement miraculeux,
manifestation éclatante des effets de la bienveillance divine. C’est ainsi
que des femmes à barbe ont mérité par leur piété et par leurs vertus,
d’être rangées au nombre des saints que l’Eglise vénère.
(1) .... « Vous devez être des femmes, cependant votre barbe m’empêche de vous
reconnaître pour telles » (Macbeth).
(2) .... « Et la femme qui vient à nous doit porter de la barbe, ce qui est, dit-on, le
signe des sorcières. »
(3) .... « A n’en pas douter cette femme est une sorcière. Une femme avec une
grande barbe n’est pas de mon goût, et je distingue une grande barbe à travers ce
voile. ï)
LES FEMMES A BARBE
105
La notion de femmes pieuses, chez lesquelles Tapparition de la barbe
fut considérée comme se rattachant à des manifestations d’ordre reli¬
gieux, remonte aux premiers temps de l’Eglise chrétienne. Saint Grégoire
le Grand (*) raconte dans ses Dialogues qu’une grande dame romaine,
Gœla, fille de Symmaque nommé consul de Rome en 585, étant encore
fort jeune, fut mariée et devint veuve dans la même année. Comme elle
était d’un tempérament fort chaud, les médecins l’assurèrent que, si
elle ne se remariait pas, il lui viendrait de la barbe comme à un homme.
C’est ce qui arriva en effet. Cette pieuse dame préféra, pour l’amour de
Jésus-Christ, cette difformité extérieure de son corps aux plaisirs du
mariage.
*
* *
On trouve dans les Bollandistes (^), l’histoire d’une sainte Paule
d’Avila (Espagne) qui, voulant éviter les poursuites d’un jeune homme
débauché qui voulait lui faire violence, se réfugia dans une chapelle
dédiée à saint Laurent et située hors de la ville. Embrassant les pieds
du crucifix, elle demanda avec ferveur à Dieu, de lui changer le visage.
Sa prière fut immédiatement exaucée et il lui vint de la barbe en si
grande quantité que le jeune homme ne put la reconnaître.
La légende de sainte Wilgeforte est certainement une des plus curieu¬
ses de celles que nous a léguées le moyen-âge.
Fille d’un roi de Portugal, sainte Wilgeforte avait fait vœu de chas¬
teté. Elle était douée d’une grande beauté.
A la suite d’une guerre avec Amasis, roi de Sicile, le père de Wil¬
geforte fut vaincu. Le vainqueur demanda poîlr prix de sa victoire, la
main de la belle Wilgeforte. Le père, qui était resté païen la lui accorda.
Pour échapper au sort qui l’atténdait, Wilgeforte demanda à Dieu de
l’enlaidir et de lui donner un visage repoussant. Dieu fut touché de sa
prière et il lui fit pousser une longue barbe ; en même temps son ventre
s'accrût lui apportant ainsi un surcroit de laideur.
Le roi de Sicile, pour se venger, dénonça la jeune vierge comme
chrétienne. Conduite devant le tribunal, elle opposa les refus les plus
énergiques à la proposition de renier la foi chrétienne. Après avoir enduré
de grandes tortures, elle fut condamnée à être attachée à la croix.
Telle est en résumé la légende de sainte Wilgeforte, appelée aussi
sainte Liberata parce qu’elle fut délivrée par le Seigneur de tout mariage
déplaisant. La fête de la sainte se célèbre le 20 juillet et elle est invoquée
dans les circonstances les plus diverses.
Le culte de sainte Wilgeforte remonte en France à une époque très
(1) Saint Grégoirk le Grand : Dialogues y L. 4, G. l;i.
(2) Bollandistes ; T. iii. februarii, p. 174.
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mîïè &ÈfVi&ç à, t->,tuîU9 et son visage est. tièn^ do bïtrlttî {!îw, Un
joueur 4e. vfcdé ost isi^onaùïUé lt a» di>o'iie>]?kiU8 trouvons oés riétitils et
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Uiic Autre ÿriivwre^r.'técHiéejiaf Viildofa enJSiiy pOuvie ilfariymiti-
été exoctenaerit reprotldite''lci même anhée.pïir UasiJar
■•- ï«ac. V.'’’''■ ■ ' ,'
■ femme .couronnée,, barltuè, en longue rohe:
KB« est füiSî fiar'des çlpüs à udé croix qia ae ïireSsé sur un autel bue
lequel riè’t posé Un. calice; .feiir ■i'Aut'èiyav U'.otiWÉ' vlgalenwînl pne des
.;;'rfiAÙssbfi^H de la saîntc,- eiir run ije sob iiiV.iis'vgÙrm. Un inénétrier est
:....àg^r(OÛUïb Bur la niaroho de i.'ituie). ét' jôtie dy'.violon';
' ' ; ' , . ' . ■ ^
' . '•- ; '- ■
l4^\pîü^j ani4îfes,svVoté’ ^Ce ^:tuU>S Jes/i4>)ireàénU'iu^^^ tiè, gafnte \Vn5ç-‘
farte e^?t usis.ur^'^ne*iit (^i tdihli^.iu fju^ s(? irou.ve üaii^ i^églisc (rEl.lwsrtorrt, ,
y/i'l'ÿ'!'
k O §airtte Ku’mer»>ûs.; pHcîç'Oku judùîî’moL. ^ ^;! V;'''Vy ,
I^BS A {07
Lgs rip{SQ reprotiuits avec
plSçé4aPs {A|tli*Ùe urt (les toJrtipni1aî.f||V^^^^
tyrÆ 4è pipç^Si làptlîs '{Ufi l'a^|t5^;r(iîJhp{SÎJï|ftÿ|iif îe^s^
up»f tû^;él^e:en{terrih)<^p,::i^av4essus^, dana son
Irt, La ctyi^roSinu vl^éi%è aùr-sa.têle ï,nüh|»e son rang rayai. Lu VleVge
:f^B- 'j(Vras fortifie âans sü foi
chtelic^npi; leL^ lÿit t^ponse 44! ;iî{§ï!tJefc4^^v4(llc ûnin^
'paï^lt tifiyHo 1544 4 ’^ icn te' 44 iiv ïl^fiïurner d 44470' !.; Àtvd essù44î;
tirî'^T
.i^mpfjsrann%, dpfrik’e une gnllieî;, elle reçoil: )à vi^îiç do;
là Fci.>tme deux
sont pionçe? dans le ftommeil/il.à nà-.^ç^nn^ï*
qu'àpï'.èiSyla rtSveiL î^a liçgendtif/seiii-
die., sainte pousse*? en
■<ltirm'àirt;>,;,;j;'^ ■ i ^'V \•■ •'
sainte Kitiiprnii^^ .vd^go .ci inartyr^
(it^iic di^s y est
altàçîte^ liii ÿïçrrônt leà, Upigt^; Ce; est garni
d upe en ooMley qui i%j‘ji:c;^ulr:'è 'ePliti‘É^<n^^ .1*:^ ljq)e
lîônsacH? de suinte Oïeu a epvqye de là )>nrbe, 4P;ds
non des, moustacvbesv en cdn;. qà'elle diiïerè ess.étîti^Hemed^ de
Jésus; doni là barbe était iiomplèl^ * * 1 .
108
REVÜB DE l’hypnotisme
La tête porte une couronne, comme il convient à la fille d'un roi. Sa
robe est parée d’un ourlet qui garnit les manches et s’étend de la ceinture
à l’extrémité de la jupe qu’il contourne. Sur la poitrine, il y a un ornement
gothique qui suffirait à lui seul à indiquer l’époque approximative où se
sont passés les événements qui ont donné naissance à la légende.
Aux pieds de la sainte, il y a deux personnages. L’un représente la
dame pieuse qui a fait don du tableau à l’église : l’autre est le ménétrier
dont tous les apologistes de la Sainte nous ont raconté la touchante
histoire. Dans toutes les bonnes reproductions de sainte Kumernus
ou Kimmernis, la rôbe, quoique longue, laisse voir les pieds dont l’un
est chaussé, tandis que l’autre est nu. La chaussure qui s’en est détachée
est restée sous le pied. A ses pieds, à genoux, est un jeune homme qui
joue du violon, sans doute pour implorer sa pitié. La légende raconte
qu’un pauvre ménétrier ayant joué de son instrument aux pieds de la
sainte, celle-ci lui lança une de ses pantoufles en guise de remerciement.
Condamné à mort pour le prétendu vol de cette pantoufle, le pauvre
homme demanda à être conduit devant la sainte. On accéda à sa
demande. Il recommença à jouer l’air religieux qui avait précédemment
charmé sainte Kumernus et elle démontra son innocence en lui jetant sa
seconde pantoufle. C’est pour commémorer le souvenir de cet événement
miraculeux que les images de la vierge barbue ont, depuis lors, été
représentées accompagnées d'un ménétrier agenouillé à ses pieds.
La date du tableau d’Esteldorf, qui remonte à 1513, ainsi que les
détails qui entourent le sujet principal, indiquent assez nettement que le
culte de sainte Kumernus s’adresse à une véritable sainte et ne provient
nullement du fait que des christs revêtus de la robe byzantine auraient
été rapportés de Constantinople par les croisés. Les peu savants ecclésias¬
tiques qui ont imaginé ces histoires ont sans doute pensé qu’il n’est pas
décent pour des chrétiens d'adorer une femme barbue. Ils appartien¬
nent à la même école que ce curé de Beauvais qui eut un jour l’idée de
faire raboter par un menuisier la barbe de sainte Wilgeforte n’admet¬
tant pas qu’une femme à barbe puisse occuper une place honorable
dans la liste des saintes filles, vierges et martyres.
En réalité, il serait encore plus humiliant pour des chrétiens de véné¬
rer Jésus, revêtu d’un corset et affublé de toilettes somptueuses, comme
seules, de fort honnêtes dames, ou des saintes de sang royal, ont le droit
d’en porter. (à suivreh
L’hystérie de Bernadette, de Lourdes,
par M. le Rouby,
Médecin-directeur de la Maison de Santé d’Alger.
(suite) (^)
Bernadette a-t-elle le pouls hystérique, c’est-à-dire le pouls normal
sans augmentation de force ni’de fréquence?
(1) V'oyez Revue de l'Hypnotisme, n" de juillet 1ÎK)Ô.
(l) D' PiTRLS : Leçons cliniques sur lhystérie et l'hyfnotisme, p. U, tome 1.
L*HySTÉRlB DE BERNADETTE, DE LOURDES
109
Un médecin de Lourdes, le D** Dauzon, va nous documenter à cet
égard ; le docteur avait voulu se rendre compte, de üisu, de ce qui se
passait à la Grotte, mais comme il ne connaissait de l’hystérie que la
crise convulsive et la catalepsie, en ne rencontrant pas ces deux mani¬
festations, il en conclut, bien à tort, que Bernadette n’était pas hysté¬
rique : il ignorait les autres symptômes de la grande névrose, les hallu¬
cinations et l’extase.
Par contre il fit une découverte qui nous est précieuse ; il trouva un
fait nouveau qui appuie notre thèse bien loin de la combattre ; ce fait
nouveau, c’est le pouls hystérique. Citons :• « Le D** Dauzon prit le bras
de Bernadette, il était flexible et parfaitement souple ; il lui tâta le pouls,
les pulsations étaient tranquilles, régulières, tout a fait normales et ne
marquaient aucun symptôme d’une maladie quelconque. » Or ce pouls
normal, sans une pulsation de plus qu’à l’ordinaire, dans des crises
d’extase ou autres, c’est le pouls caractéristique de Thystérie.
Si le D*’ Dauzon s’était servi du thermomètre pour mesurer l’augmen¬
tation de température à ce moment^ il eût été étonné de lui voir marquer
37® environ. (^)
Or chez Bernadette si le pouls reste normal, si la température ne
s’élève pas, malgré la vive émotion qu’elle éprouve au moment des
Apparitions, c’est une preuve nouvelle qu’elle est atteinte d’hystérose.
Mgr de Ségur ajoute que ce pouls normal, c’est la science renversée; nous
craignons bien que ce soit le miracle plutôt que la science qui soit ren¬
versé.
5® L’accès se termine-t-il par une émission de larmes ?
Les larmes abondantes, dans le second quart d’heure de l’extase, sont
un des symptômes de la névrose qui ne manque jamais. Or les rencon¬
trer chez Bernadette, c’est une preuve que son extase, bien qu’à forme
religieuse, n’était qu’un cas ordinaire d’extase hystérique. C’est aussi
une preuve, malgré les dires contraires des auteurs chrétiens, qu’il
n’y a pas une extase religieuse différente des extases purement médi¬
cales.
Pour expliquer ces larmes qui le gênent, M. Henri Lasserre, qui plaide
avec beaucoup d’habileté pour le miracle, raconte dans un endroit de
son livre que Bernadette pleurait parce qu’elle voyait la figure de la
Vierge attristée au sujet des pauvres pécheurs. Mais, lui-même, dans
d’autres endroits, et tous les autres témoins du fait ont soin de nous
dire, au contraire, que ces grosses larmes coulaient des yeux de Berna-
(1) Au sujet de la température chez les hystériques, je dois vous dire que j’ai
observé une malade de ce genre atteinte de manie aigiïe qui fait exception à la
règle : Elle produisait une chaleur telle, que plongée dans un bain à 29", elle en
élevait la température à 32" au bout de deux heures d’immersion, en sorte qu’au
lieu de réchauffer le bain comme d’ordinaire, il fallait au contraire le refroidir pour
le ramener à la température voulue. Il ne faut pas s’étonner du fait, car tout arrive
chez ces névrosés. (Note de l’auteur).
110
REVUE DE l’hypnotisme
dette, en môme temps qu’un sourire de béatitude errait sur ses
lèvres.
Nous pouvons citer de nombreux textes à ce sujet :
« Et les assistants virent deux grosses larmes couler sur les joues de
Bernadette dont les yeux fixes restaient grands ouverts. » (‘)
<£ De temps en temps deux larmes tombaient de ces paupières toujours
immobiles et roulaient comme deux gouttes de rosée. »
« Enfin, après cette longue extase toute en sourires et en larmes heu-
reuses. »
« Elle restait là, comme une statue de sainte en extase, des larmes
détachées et brillantes roulaient parmi ses sourires. » (^)
« Des larmes s’échappent de ses yeux, immobiles, fixés sur l’endroit
« de la grotte où elle croit voir la Sainte Vierge, » écrit le rédacteur du
Lavedan.
Enfin rapprochons ces larmes de celles de Ste Thérèse en extase qui
coulaient « avec une force et une vitesse telles qu’il semblait que ce fût
a un nuage de pluie qui crevait. »
C'est ce contraste extraordinaire, delà bouche qui rit pendant que les
yeux pleurent, qui forme un des caractères les plus curieux de l'extase
et qui, à lui seul, pourrait prouver la nature non divine de cet état.
Rappelons pour mémoire l’émissioa involontaire d’urine dont on ne
parle pas et pour cause, mais qui devait exister chez Bernadette comme
chez les autres extatiques, puisque c’est un fait scientifique, on aurait
tort de s’en offusquer.
6® La durée de l’Extase chez Bernadette est-elle d’un quart d’heure à
une demi-heure ?
Nos livres de médecine donnent en effet cette période de temps comme
limite extrême à la durée de la crise; Ste Thérèse déclare formellement,
d’après sa propre expérience, que le temps de ces pertes de l’àme ne
dépasse jamais une demi-heure.
Les biographes de la petite voyante confirment le»fait dans plusieurs
endroits. M. Henri Lasserre prétend qu’un jour cet état surhumain
dura au moins une heure ; peut-être n’a-t-il pas mesuré la période,
montre en main, peut-être aussi a-t-il relaté le fait d’après un témoin
enclin à grossir les choses? Pour une autre crise du reste, il déclare
qu’elle fut d’un quart d’heure.
En somme, puisque les crises d’extase ne dépassent jamais une demi-
heure, il est probable que celles de Bernadette suivirent la loi com¬
mune. Résumons r
Nous avons trouvé chez Bernadette les six principaux caractères de
l’extase signalés dans nos livres de médecine : 1® l'obnubilation des
sensations; 2® La concentration de l’attention; 11' la transfiguration de
la physionomie ; 4° le pouls hystérique ; fr rémission des larmes; 6® la
(1) Mgr DE SÉüUR, page 38 et page j'I,
(2) Mgr DE Séüuh, page 29.
l’hystérie de BERNADETTE, DE LOURDES
111
durée normale* de la crise; nous sommes donc en droit de tirer une
conclusion de ces faits et de dire que Bernadette était une extatique
hystérique ordinaire et non une voyante douée par miracle du don de
vivre une demi-heure par jour avec la Vierge-Marie.
XI
Extase chez des Profanes.
Nous pensons intéresser nos lecteurs en donnant ici quelques obser¬
vations d’extase non religieuse, la première, de même nature que celle
de Bernadette, c’est-à-dire avec halluciation de la vue, les autres de
nature érotique, c’est-à-dire avec hallucination du sens génital ; ces
dernières sont si fréquentes chez les extatiques que bien qu’elles n’aient
pas été signalées chez Bernadette elles ne sortent pas du cadre de cette
étude.
Extase du 5« acte de Faust. — Dans la première observation, il s’agit
d’un prêtre, professeur de mathématiques dans un collège ; ce savant,
très versé également dans les sciences mécaniques qu’il cultivait par
goût, était atteint d’hystérose grave depuis quelques mois.
Rentré dans sa famille il se laissa conduire un jour au théâtre par un
parent désireux de le distraire : on jouait l’opéra de Faust] au dernier
acte, à la scène des « Anges purs et radieux » si étincelante de lumière
et si bien adaptée à ses idées religieuses, il sortit de la réserve habi¬
tuelle à son caractère, et montra une certaine excitation qui, s’augmen¬
tant les heures suivantes, obligea sa famille à le conduire dans une
maison de santé. Or il arriva, le lendemain matin, qu’étant couché
dans son lit. la face*tournée vers la fenêtre qui regardait l’Orient, lors¬
que le soleil émergea de l’horizon et l’inonda de lumière, M. l’abbé X,..
eut une hallucination; les rayons éclatants de l’astre provoquèrent un
aura qui lui remémora la représentation de la dernière scène de l’opéra,
et dans le cadre de la fenêtre, il vit se reproduire le tableau des Anges
purs et radieux, tableau qui l’avait si fort impressionné la veille; les
séraphins s’élevaient lentement au ciel, emportant Marguerite toute
blanche et l’Archange Michel montait aussi, menaçant le démon de son
épée flamboyante.
Puis, au bout d’un moment, pendant lequel M. l’abbé X.,. manifestait
extérieurement sa joie d’une telle vision, tout à coup il tomba en extase
avec tous les symptômes habituelles de cette crise.
Les jours suivants, chaque matin au lever du solcjl, la même hallu¬
cination suivie d’extase se reproduisit : Nous fûmes plusieurs fois
témoin de la chose et nous entendions souvent M. l’abbé X... raconter
la merveilleuse apparition, plus belle qu’à l’Opéra, dont la vue lui pro¬
curait une jouissance ultra-terrestre. Un jour, comme il était très savant
mécanicien, il voulut se rendre compte des machinations nécessaires
pour obtenir un tableau si compliqué dans l’encadrement d’une fenêtre;
lorsqu’il eut faitson calcul et établi ses comptes, il fut effrayé de la somme
112
BEVUE DE l’hypnotisme
d’argent employée par nous, disait-il; pour arriver à un‘pareil résultat;
il nous demanda de bien vouloir suspendre les représentations, malgré
le plaisir inouï qu’il en ressentait, son état de fortune ne lui permettant
pas de m’en rembourser les frais. On le voit, comme Bernadette,
M. l’abbé X... n’avait aucun doute sur la réalité de sa vision.
Extase érotique d’une dévote. — Voici une autre observation d’ex¬
tase, mais de nature érotique, c’est-à-dire avec hallucination des orga¬
nes génitaux :
Une jeune fille très bigote, atteinte d’hystérose ignorée, en suivant
avec assiduité les exercices religieux de sa paroisse, se prit un jour d’un
bel amour pour son curé. Celui-ci, homme d’une grande dignité de ma¬
nière, d’une réputation de haute moralité, d’un âge assez avancé pour ne
plus faire parler de lui, n’avait jamais dit une parole, jamais fait un
geste, jamais lancé un regard pouvant faire croire àMlle V... qu’il avait
pour elle quelques sentiments particuliers. Or il arriva qu’une nuit,
raconte celle-ci, elle vit en rêve son cher pasteur entrer dans sa cham¬
bre, s’étendre à ses côtés et lui procurer des délices inénarrables. Ce
rêve fit une impression extraordinaire sur son cerveau déjà touché par
la maladie et fut, les jours suivants, le point de départ d’hallucinations
reproduisant la scène de son rêve, suivies d’une période d’extase très
bien caractérisée que souvent il nous fut donné de constater. Il estar-
rivé parfois que la crise s’est produite à la chapelle lorsqu’un prêtre
vêtu des ornements sacrés lui rappelait son curé. Après une période
d’hallucinations, elle devenait immobile si elle était assise, s’effondrait
à terre si elle était à genoux ou debout, restait sans connaissance étendue
sur le sol, n’ayant ni contracture, ni convulsions, mais insensible aux
piqûres d’épingle et montrant une physionomie transfigurée par la jouis¬
sance d’un bonheur immense. Elle se réveillait dans les larmes et le bas
du corps mouillé par l’émission d’urine; au bout de vingt minutes envi¬
ron elle reprenait son livre de messe et continuait ses prières comme si
rien d’anormal ne s’était passé.
Un jour Mlle V... se demanda pourquoi vivant la nuit avec son curé,
il n’en serait pas de même le jour. Elle se rendit chez lui et lui proposa
de la prendre complètement au Presbytère. Le pauvre prêtre ahuri
d’une pareille révélation eut peine à se débarrasser d’elle et, les jours
suivants, eut à soutenir un siège en règle contre son ouaille qui, ne com¬
prenant pas cette résistance, persévérait dans ses revendications. Elle
jouissait de trop de bonheur pour lâcher sa proie amoureuse et aussi
pour garder le secret des visites nocturnes. Dans la ville le scandale fut
énorme : comme Mlle V... paraissait avoir toute sa raison, on était dis¬
posé à croire qu’elle disait vrai. 11 se forma, parmi les dévotes mêmes,
tout un clan qui prit fait et cause pour la malade contre le curé; on
regardait celui-ci avec des yeux méchants, on abandonnait ses sermons
et son confessionnal, on le traitait de suppôt de Satan.
Excédé des assiduités de l’hystérique qui voulait faire de lui un
l’hystérie de BERNADETTE, DE LOURDES
113
St François de Salles dont elle serait la Ste Chantal, autrement qu’au
spirituel, écœuré des méchants propos tenus sur son compte par ses
meilleures amies d’autrefois, le pauvre Pasteur, victime comme tant
d'autres des persécutions hystériques donna un jour sa démission et alla
chercher la tranquillité dans un couvent de Chartreux.
La maladie de Mlle V... s’exaspéra de ce départ et il fallut un jour
renfermer dans une maison de santé ; mais là encore pendant dix années,
elle continua, chaque nuit, à recevoir la visite de son curé, bien qu’alors
domicilié.à Rome. ^
Comme on le voit môme chez des prêtres, môme chez des personnes
très dévotes, l’extase peut prendre une tournure essentiellement anti¬
religieuse.
XII
De la Suggestion
Si on avait laissé Bernadette tranquille venir chaque jour à la grotte
soit seule, soit accompagnée d’enfants comme elle, l’évolution de l’extase
eût continué sans changement : Arrivée; prière à genoux, — hallucina¬
tions, — extase, — retour à la maison.
Mais à partir de la 3® Apparition, il y eut quelque variante dans le
développement des symptômes par le fait de la suggestion, les halluci¬
nations ne furent plus seulement oculaires, elles furent aussi auditives:
Bernadette eut des conversations avec sa vision : elle entendit des mots
comme : pénitence, pénitence, pénitence; on lui confia des secrets; on
lui ordonna de faire un creux dans la terre pour trouver une source,
enfin on proclama le mot : Immaculée-Conception.
Pour comprendre ces faits, il faut se rappeler qu’ils se passaient en
1856, dix ans après la Salette qui alors battait son plein et arrivait à
l’apogée de ses destinées. La Salette, sainte station dans les Alpes,
presque oubliée aujourd’hui, faisait à cette époque autant de bruit que
Lourdes en ce moment ; on en parlait partout : les curés dans les Egli¬
ses, les bonnes femmes dans les maisons, les images pieuses, les jour¬
naux religieux, les livres de dévotion racontaient au loin l’apparition de
dévotion de notre Dame de la Salette à un petit berger et à une petite
bergère des Alpes.
La Vierge leur avait demandé qu’on fît pénitence ; elle leur avait con¬
fié des secrets ; elle avait fait jaillir une source du rocher où elle était
assise.
Or, il arriva que des personnes de l’entourage de Bernadette racontè¬
rent à celle-ci l’histoire de la Salette dans tous ses détails : on insista
sur certains faits ; on compara les deux apparitions ; on fit sur elle de
la suggestion.
Ces leçons entrèrent profondément dans le cerveau de Bernadette, et
dans les apparitions nous voyons peu à peu cette suggestion se faire
sentir : grâce à elle, les principaux événements de la Salette passent
dans ceux de Lourdes ; à la Salette la Vierge avait beaucoup insisté sur
114
RBVÜE DE l’hTPNOTISMB
la pénitence qu’elle réclamait des pécheurs. A son tour, Bernadette,
dans son hallucination du mercredi 24 février, entend la Vierge l’exhor¬
ter par trois fois à la pénitence : « pénitence, pénitence, pénitence. »
La Vierge de la Salette avait dit un secret à la petite bergère et un
autre au petit berger : on persuada à Bernadette qu’elle aussi ne tarde¬
rait pas d’avoir la confidence d’un secret : Or, le mardi 23 février la
petite voyante entend la voix bien aimée de la Souveraine du Ciel :
« Bernadette ? — Me voici. — J’ai à vous dire un secret qui vous con¬
cerne seule : me promettez-vous de ne jaitiais le révélera personne ? Je
vous le promets. » Le lendemain 2® secret ; à la septième apparition,
3® et dernier secret.
Il faut croire que ces secrets n’avaient pas grande importance, car
depuis lors on n’en parle plus et ces secrets venus du ciel ne jouent
aucun rôle dans la vie de Bernadette. Nil admirari !
C’est par l’effet de la suggestion que Bernadette creuse au fond de la
grotte, dans la terre humide, le trou d’où sortira la source analogue à
celle de la Salette. Des gens avaient reconnu l’existence de l’eau ca¬
chée à un demi-mètre du sol et avaient parlé à Bernadette de la possibi¬
lité de faire jaillir au dehors une source rivale de celle des Alpes.
C’est par le même phénomène de suggestion que la Vierge de la Sa¬
lette ayapt des roses blanches sur les pieds, celle de Lourdes orne les
siens de roses jaunes d’or.
C’est parce qu’en ce moment on élevait un temple magnifique sur la
montagne delà Salette que la Vierge de Lourdes demande à Bernadette
une église sur les roches de Massabielle.
Enfin, si vraiment, chose douteuse pour nous, le 25 mars, jour de
l’Annonciation, lorsque déjà depuis quatre semaines le cycle des extases
est terminé, il s’en produit une nouvelle, pendant laquelle le mot « Im-
maculée-Conception » est prononcé, ce fut par l’effet d une suggestion
intensive de quelque prêtre fanatique, qui croyait ainsi affirmer victo¬
rieusement le dogme de l’Immaculée-Conception, dogme si discuté à
cette époque par l’élite intellectuelle de l’Episcopat et du Clergé de
France.
Si nous avons émis un doute sur celte apparition, en voici la raison :
Cette vision, en effet, est isolée ; elle se produit longtemps après les
autres, au moment où la maladie terminée, le système nerveux de l’en¬
fant est revenu à son état normal. Elle arrive trop à propos pour les
besoins de la cause ; on se rend compte que derrière Bernadette se tient
un ultramontain qui lui souffle les mots qui vont vaincre la résistance
des théologiens français. Ces paroles de la Vierge, « je suis l'Immaculée-
Conceplion », dites en patois à un enfant ignorant du Dogme, dépassent
les bornes de la crédulité la plus aveugle et les attribuer à la Vierge,
c’est donner à celle-ci des préoccupations de vanité terrestre par trop
naïves.
Mais, même sans fourberie ni mensonge, les choses peuvent s’expli-
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
115
quer scientifiquement : une hallucination auditive produite chez un hys¬
térique par TefTet d’une suggestion, c’est un fait connu qui n’a rien de
merveilleux. On peut tout faire voir, tout faire entendre, tout faire sen¬
tir aux personnes atteintes d’hystérose, comme on le fait aux hypno¬
tisés ordinaires. Il suffit de leur répéter à l'état de veille, d’une façon
précise et autoritaire, ce qu’on veut qu elles disent ou fassent pendant
l’extase ; pour qu’elles obéissent à la suggestion. Si je dis à Bernadette
sur qui j’ai de l’influence : « L’Immaculée-Oonception est un divin mys¬
tère, je le veux; lorsqu’elle sera dans la grotte elle entendra une voix
lui dire : l’Immaculée-Conception est un divin mystère ». Mais si le
lendemain je lui dis : « la voix te dira : l’Immaculée-Conception est
une sottise, Bernadette entendra ces môme mots : « l’Immaculée-
Conception est une sottise ».
(à siiiure).
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
Les religieuses de Port-Royal.
Neuvième série de 5 observations).
Par le D** Binet-Sanglé,
Profes.seur à TEcole de psychologie.
Observation I. — Marie-Geneviève LE TARDIF.
Santé. — Vers 1633, Marie-Geneviève Le Tardif eut une maladie de
longue durée sur laquelle nous n*avons point d'autres renseignements.
En 1639, balayant la sacristie, elle se heurta, en se relevant, contre le
coin d’une armoire, et se creva un œil. « Elle souffrit des douleurs
extrêmes » (^). Elle perdit cet œil, puis l’autre par ophtalmie sympa-
thir[ue. Cette cécité se compliqua de troubles mentaux. « L’ébranlement
du cerveau ayant été fort grand, il lui demeura un certain étonnement
qui faisoit qu’à chaque pas elle croyoit tomber dans un précipice; de
sorte qu’elle ne s’accoutumoit point comme les autres aveugles à mar¬
cher seule dans quelque chemin que ce fut » (*), et qu’il fallait la con¬
duire. Sa gaité naturelle s’était changée en tristesse : elle avait des
« peines intérieures qui lui étaient encore plus sensibles » que ses souf¬
frances physiques. « L’aveuglement de son corps, dit de son côté le
Nécrologe^ fut suivi de celui de son esprit; elle tomba dans des peines
intérieures si violentes qu’elle perdit toute la lumière et le discernement
qu’elle avait eus jusqu’alors sur l’état de son âmç; ce qui la jettait dans
d’extrêmes perplexités et dans un besoin continuel de conseils en toutes
choses » (3).
A l'aide de ces données, il est possible de faire le diagnostic de l’affec¬
tion dont fut atteinte Marie-Geneviève Le Tardif.
(1) Vies intéressantes et édifiantes des religieuses de Port-Royal et de plusieurs
personnes qui leur étoient attachées, etc. Aux dépens de la Compagnie, MDCGXLI,
t. II, 1 à 3.
{'2) Ibid., II. 12.
(3) Nécrologe.
116 RBTUB DB l’hypnotisme
Il s’agit d’un cas de cremnophobie secondaire chez une psychasté¬
nique.
Les phobies secondaires sont fréquentes chez la femme (’), et il est
d’autant moins surprenant d’en rencontrer un cas chez une religieuse
que l’éducation du couvent exalte la craintivité d'une façon considérable.
Elles surviennent souvent à la suite d’un accident qui a vivement
frappé le sujet et déterminé chez lui un sentiment de crainte.
Trois obserjrations de Raymond et Janet ont trait à des gens qui
devinrent agoraphobes : le premier, un cocher, à la suite d’un étour¬
dissement et d’une chute sur le trottoir; le second, la femme Bœw... à
la suite d’un accident survenu à son mari qui, renversé par une voiture,
avait eu le crâne ouvert; le troisième, la femme Lf., à la suite d’un
accident survenu à sa sœur qui, tombée du haut d’une échelle sur le
trottoir, s’était fracturé un bras (*).
Selon moi, la terreur déterminerait chez les dégénérés une disso¬
ciation de la colonie neuronienne, dont les éléments, arrêtés dans leur
développement et hypercontractiles, tétaniseraient leurs prolongements
sous cette infliîence. Les neurones où se sont clichées les images terri¬
fiantes formeraient ainsi un groupe isolé et stable, où elles resteraient,
par suite d’un phénomène de court-circuit, en état de vibration, de lu¬
minosité constante, donnant lieu ainsi aux obsessions, aux hallucina¬
tions vagues, imprécises et immuables (pseudo-hallucinations) (^), ou
nettement objectives des phychasténiques.
Les idées qui hantent ces sujets sont abstraites et générales. « Elles
sont toujours relatives à la volonté ou à la personne du malade, dit le
D** Henri Meuriot; elles portent uniquement sur ses actes et en parti¬
culier sur des actions mauvaises, et parmi celles-ci sur les pires, les
plus sacrilèges, les plus criminelles, les plus odieuses qu’il soit permis
de concevoir » (*).
Les phobiques appartiennent à la grande classe des neurasthéniques.
Ils souffrent souvent de céphalée. Leur mémoire est lente et pares¬
seuse. Ils éprouvent le besoin et la crainte de la solitude. Les agora
phobes tiennent à être accompagnés lorsqu’ils sortent, et leur an¬
goisse cesse lorsqu’ils peuvent s’appuyer sur le bras d’un ami.
Ces divers symptômes, nous les retrouvons chez Marie-Geneviève Le
Tardif. Elle se crève un œil, en se heurtant contre le coin d’une armoire,
et éprouve alors un étourdissement, un vertige et une peur qui, chez
cette dégénérée, dont l’hyperamiboîsme neuronien dut encore s’exagérer
sous l’influence de l’infection et de l’ophtalmie consécutives, restent
en quelque sorte latents, et ont tendance à se reproduire à la moindre
cause. Puis le vertige évoque chez elle, à la faveur de la cécité, l’idée
fixe ou l’hallucination d’un précipice ouvert. D’ailleurs, comme tous les
(1) Marrel : Psychologie de la peur, Th. de Paris 1894-95.
(‘2) Pierre Ray.mond et J. Janet: Lesobsessions et la psychasténie. Paris, Alcan, II, 203.
(3) Henri Meuriot : Des hallucinations des obsédés^ Th. de Paris, 1902-1^103.
(4) Ibid., p. 14.
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
117
psychasténiques, elle est en proie à la mélancolie, à la crainte, aux
scrupules religieux ou moraux.
a Ses forces tombèrent tout d’un coup » (’); et elle mourut le
28 mars 1646, après six ans de cécité.
Caractère. — Elle était douce, grave, d’une « grande humilité. »
Suggestibilité. — Elle était de plus extrêmement docile, « agissant
avec grande dépendance, et toujours exacte à faire les choses comme
on le lui avoit dit, sans jamais rien faire par elle-même » ^*), a accou¬
tumée d’ailleurs à se laisser conduire » (^).
Dès son enfance, elle eut envie d’être religieuse. Elle entra au monas¬
tère de Maubuisson, et, en 1623, passa au monastère de Port-Royal, dont
elle devint abbesse le 3 juillet 1630. Elle fut réélue le 10 septembre 1633,
à l’expiration de son triennat.
Elle montrait un « recueillement extraordinaire » {^), et « inspiroit
de la dévotion à ceux qui la voîoient » (®).
Suggestionnée, elle devint suggestionneuse à son tour. Sous sa
direction, « l’obéissance, le silence, la prière, la mortification étoient
l’exercice des novices » (®).
Observation IL — Marie LORSONNE
Santé.— Marie Lorsonne ne jouissait pas d’une bonne santé. « J’étois
fort infirme, dit-elle, ayant souvent la fièvre, et ne pouvant presque
marcher à cause d’une cuisse que j’avois fort enflée » (’). Il lui arriva
de rester six mois au lit. Née en 1627, elle mourut le 21 avril 1689, à
62 ans.
Suggestibilité. — Elle entra au noviciat de Port-Royal, le 26 août
1652 (25 ans), et fut reçue à la profession le 8 décembre 1653 (26 ans).
Elle passa ainsi 36 ans au monastère.
Les anecdotes suivantes donnent la mesure sa suggestibilité.
Elle dit de Jacqueline Arnauld (la mère Angélique) : « Dans toutes nos
rencontres, elle me reprenoit de tous mes défauts qui étoient très fré-
qucns, et elle me les faisoit si bien comprendre, que j’en étois per¬
suadée. Un jour je m’oubliois jusqu’au point de refuser de coucher dans
le lit d’une sœur que je ne pouvois souffrir à cause de sa malpropreté,
et elle me dit avec une grande force (car il n’y avoit rien qui la fâchât
plus que ces choses-là) : a Que cette maudite propreté fait faire
de fautes ! C’est là une des plus grandes que vous ayez commises
(l) Vies II, 1 à 3.
(?) Vies II, 1 à 3.
(3) Vies II, l à 3.
(4) Vies U, 1 à 3.
(5) Nécrologe de Port-Royal.
(6) Vies II, l à 3.
(7) Mémoires pour servir à Vhistoire de Port-Royal et à la vie de la Révérende
Mère Marie-Angélique de Sainte Magdeleine Arnauld, réformatrice de ce monastère.
A Ulrecht, aux dépens de la compagnie MDGGXLI. III, 27.
118 REVUS DS l’hypnotisme
après la grâce que Dieu vous a faite. C’en est assez pour que Dieu vous
la retire » (<).
<c Un jour comme je la ramenois de la messe, elle vit que je tenois
sa tasse où étoit de Teau qu’elle avoit bue après la sainte communion.
Elle me la fit boire dans la même tasse, quelque répugnance que j’y
eusse. Et quand elle eût vu que j’avais écuré cette tasse (c’est-à-dire
essuyé le bord) elle me dit : N’avez-vous point de honte ? Ne sommes-
nous pas tous de la môme chair corrompue ? » (*j
On s’explique ainsi les ravages que firent les maladies infectieuses
au monastère de Port-Royal. En occident aussi bien qu’en orient,
religion et propreté ne vontguères ensemble.
Observation III. — Elisabeth MAITTELAND
Hérédité. — Le grand-oncle d’Elisabeth Maitteland, grand chancelier
d’Angleterre, était probablement un névropathe. Son neveu s’étant fait
catholique, il le déshérita. La première fois qu’il le rencontra (^)
après celle conversion, il <c perdit la vue » subitement et ne put le voir.
Il semble que nous nous trouvons en présence d’une amaurose hystérique
survenue sous l’influence d’une violente émotion.
La mentalité du neveu tenait de celle de l’oncle. Il « avoit un si grand
respect des prêtres, qu’il ne leur parloit jamais qu’à genoux et tête
nue ».
Il avait un fils et deux filles. Le fils habitait Bruxelles « ne conver¬
sant qu’avec les Chartreux de cette ville-là,... s’occupant à l’étude de la
prière. » {^)
Des deux filles, la plus jeune après avoir été quelque temps aux
Chanoinesses de Bruxelles, dut abandonner la profession religieuse
pour raison de santé. L’ainée fait l’objet de cette observation.
Santé. — Elisabeth Maitteland mourut en sept jours d’une pleurésie,
le 9 février 1656, à plus de soixante ans.
Suggestibilité. — Après avoir été pensionnaire à l'abbaye de Mau-
buisson, où elle subit les suggestions de la Sœur Anne-Eugénie Arnauld,
elle se fit religieuse aux Chanoinesses de Bruxelles, et passa de là à
Port-Royal des Champs. L’abbé Jean du Vergier de Hauranne fut son
directeur de conscience, et lui donna des règles de conduite a dont elle
ne s’est jamais éloignée le moins du monde, les gardant toujours très
exactement et avec une fidélité tout entière » (^). Cela donne la mesure
de sa suggestibilité.
(à suivre)
(î) /Mémoires pour servir, etc., III, 32.
(2) (3) (4) (5) Vies II, 30G-325.
SOCIÉTÉ D’UYPNOLOOIB ET DE PSYCHOLOGIE
119
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance annuelle du mardi 20 juin
(suite)
Des modifications que subit la force nerveuse extériorisée
relativement à Tétât de santé des sujets.
Par M. le D** Joire,
Président de la Société Universelle d’Etudes Psychiques
J'ai montré l’année dernière que l’extériorisation de la force nerveuse,
que nous constatons à l’aide du sthénomètre, se rencontre, chez les
personnes en bon état de santé normale, plu!s considérable de la main
droite que de la main gauche. Les chiffres indiqués par l’écart de
l’aiguille oscillent entre certaines limites, variations qui indiquent la
capacité personnelle d’extériorisation du sujet et qui peuvent aussi être
influencées accidentellement par un état de fatigue passagère et par
différentes influences qui s’exercent momentanément sur l’état psychique
du sujet.
Quoique ces chiffres n’aient donc pas une valeur absolue, ils donnent,
comme nous le verrons tout à l’heure, des indications importantes quand
ils sont sensiblement diminués ou exagérés.
Ce qui a une importance encore plus considérable que la valeur
absolue des chiffres, c’est la proportion qui existe entre le chiffre indiqué
par la main droite et celui indiqué par la main gauche. Cette proportion
varie avec une régularité véritablement étonnante dans les différentes
maladies du système nerveux ; de sorte que la fraction présentée suffirait
dans bien des cas, à elle seule, pour fixer un diagnostic. Et ce qui prouve
que cette variation est bien sous la dépendance de la maladie, c’est que,
si l’on étudie régulièrement l’action produite sur le sthénomètre par un
malade en traitement, on voit la fraction donnée par les chiffres des
deux mains se rapprocher progressivement de la proportion normale,
au fur et à mesure que le malade avance vers la guérison. Si, dans le
cours du traitement, il se produit quelque rechute ou quelque a:cident
nouveau, ce fait est immédiatement enregistré par lecart qui se produit
simultanément entre les deux chiffres.
Nous allons examiner les indications données par le sthénomètre dans
un certain nombre de maladies, les faits seront la meilleure preuve de
ce que nous avançons.
Tout d’abord, nous allons voir les variations de la force extériorisée
chez les neurasthéniques. On sait combien cette maladie est protéiforme ;
nous allons donc diviser ces malades en catégories dans lesquelles nous
verrons le sthénomètre donner des indications différentes.
Toutefois, le caractère fondamental que nous retrouvons chez tous
les malades atteints de neurasthénie, c’est le renversement complet de
la force extériorisée, qui est démontré par l’écart plus considérable
120
REVUE DE L^HYPNOTISME
obtenu avec la main gauche comparativement à celui de la main droite,
ce qui est un caractère diamétralement opposé à Tétât normal.
Nous n’insisterons pas, bien entendu, sur le tableau général delà mala-
die que tout le monde connaît; je me bornerai en quelques mots à indi¬
quer le caractère dominant chez chaque malade.
Le premier sujet de cette catégorie est un homme de 45 ans, atteint
depuis quelques mois de neurasthénie. Nous notons chez lui particuliè¬
rement des troubles digestifs, des vertiges, une tendance à la tristesse,
des insomnies.
Son examen sthénométrique nous donne :
Main droite -f- 58^".
Main gauche -}- 52°.
Le second malade est une dame de 34 ans, neurasthénique, chez
laquelle dominent des troubles digestifs, lourdeur et congestion cépha¬
lique après les repas, tristesse et mélancolie, insomnie presque com¬
plète.
Au sthénomètre elle nous donne :
Main droite -j- 14o.
Main gauche + 20®.
Un autre malade se plaint d’une grande fatigue générale, troubles
digestifs, affaiblissement et lourdeur de tète surtout pendant le travail
de la digestion; il nous fait remarquer ce point très important que son
ardeur pour le travail n’est pas diminuée, il voudrait toujours entrepren¬
dre quelque chose, mais la fatigue physique le domine et l’arrête aussi¬
tôt.
L’écart qu’il nous donne est :
Main droite + 23®.
Main gauche + 56®.
Je m’arrête dans cette énumération, mais rapprochons les symptômes
dominants qui caractérisent la maladie chez tous ces malades.
Nous voyons chez tous la prédominance des troubles digestifs.
Il n’est pas difficile de se rendre compte que dans les cas qui précè¬
dent, les insomnies, la faiblesse, la tristesse sont sous la dépendance du
mauvais fonctionnement des organes digestifs. Il faut noter surtout que
la dépression signalée dans la plupart des cas est surtout une dépression
des forces physiques; aucun ne se plaint ici de troubles ou d’affaiblisse¬
ment des facultés intellectuelles.
Aussi leur formule générale est bien identique ; nous constatons dans
la mesure de leur force extériorisée, non pas des chiffres trop faibles,
mais toujours le renversement de la formule normale, c’est-à-dire la
prédominance de l’écart de l’aiguille obtenu avec la main gauche, sur
celui qui est donné avec la main droite. La proportion entre les deux
chiffres demeure du reste dans les limites d’une moyenne à peu près
identique.
SOCIÉTÉ D*HYPNOLOOIE BT DE PSYCHOLOGIE 121
Pour bien montrer que le tracé ainsi obtenu est bien Tindice de la
maladie, je montrerai la marche suivie chez un dernier malade de ce
genre avant et après la guérison.
Celui-ci se présente avec les mêmes symptômes généraux sur lesquels
je ne reviendrai pas, c’est-à-dire neurasthénie avec prédominance des
troubles digestifs.
Sa formule qui est prise avec le sthénomètre avant de commencer le
traitement nous donne :
Main droite + 23'*.
Main gauche -f- 38®.
Le traitement terminé et le malade guéri, nous avons repris sa formule
qui se trouve :
Main droite’+ 30%
Main gauche 25®.
La dernière formule est bien normale ; le sujet ne présentant aucune
affection nerveuse que la neurasthénie et la dernière formule ayant pu
être prise à la guérison complète, le cas est très frappant.
Les malades du second groupe vont nous apparaître sous un aspect
absolument différent. Ce sont toujours des neurasthéniques, mais, au
lieu de troubles organiques et d'affaiblissement physique nous allons
voir prédominer chez eux la dépression psychique.
Chez ceux-ci nous avons noté, en effet, comme symptômes plus impor¬
tants : la diminution de la mémoire, la perte de la volonté, l’affaiblisse¬
ment de toutes les facultés intellectuelles, enfin l'apparition de phobies
plus ou moins spécialisées.
La formule des chiffres qui représentent Tangle d’écart de l'aiguille
du sthénomètre, obtenu avec la main droite et avec la main gauche,
tout en suivant la règle générale, se présente d’une façon bien diffé¬
rente.
Voici d’abord un homme d’une quarantaine d’années, malade depuis
huit mois. Il m'est envoyé par son médecin comme neurasthénique et il
présente, en effet, tous les symptômes de cette maladie. Je constate que
ce qui domine chez lui c’est une dépression considérable, la perte com¬
plète delà volonté, l’affaiblissement général des facultés intellectuelles,
enfin la crainte de la mort.
L’examen au sthénomètre me donne :
Main droite + 4®.
Main gauche + 22o.
Le second malade est aussi un homme très intelligent, âgés de 48 ans,
très surmené par les affaires. Après avoir suivi plusieurs traitements, il
m'est envoyé. Il n’est plus lui-même. La dépression intellectuelle est
telle qu’il ne peut plus suivre une affaire. Cependant, son activité phy-
122
REVUE DE l'hypnotisme
Bique est toujours grande; on constate un afTaiblissement considérable
de la volonté.
Son examen sthénométrique me donne :
Main droite + 3®.
Main gauche-f- 25®.
Une dame de 35 ans m’est amenée par un confrère : neurasthénie
caractérisée surtout par des insomnies, dépression intellectuelle, aiïai-
biissement de la volonté; elle se reconnaît incapable de diriger son
ménage. Phobie d'une maladie spéciale : elle a une bronchite et elle
est persuadée qu’elle a de la tuberculose pulmonaire et qu’elle en
mourra. Il faut noter qu’il n'en est rien et que malgré les affirmations
de plusieurs médecins qui l’ont examinée, elle persiste dans sa phobie
de la maladie mortelle.
Au sthénomètre nous trouvons :
Main droite + 7®»
Main gauche + 21®.
Les différences que nous avons signalées tout à l’heure entre ces deux
groupes de malades et qui ne paraissent pas avoir frappé beaucoup, du
reste, ceux qui se sont occupés de la neurasthénie, se trouvent mises en
relief d’une façon saisissante par la comparaison des chiffres. Les for¬
mules des malades de la seconde catégorie montrent un écart, de même
nature, il est vrai (c’est-à-dire le renversement), mais il est beaucoup
plus considérable que chez les premiers sujets, et, chez tous, cela est dû
à l’abaissement énorme du chiffre indiqué par la main droite.
Voici maintenant les indications obtenues pendant le traitement chez
un neurasthénique qui présentait tous les symptômes généraux de la
maladie, avec tout à la fois affaiblissement physique et dépression
morale :
po épreuve. Main droite + 10°.
Main gauche + 20®.
2* épreuve. Main droite + 20®.
Main gauche + 26®.
3® épreuve. Main droite + 30®.
Main gauche + 35®.
4® épreuve. Main droite + 45®.
Main gauche + 37®.
5® épreuve. Main droite -f 35®.
Main gauche -j- 30®.
Ces formules ont été prises de quinze jours en quinze jours. On remar¬
quera que les chiffres de la première formule sont faibles tous les deux
et la différence considérable, puisqu’elle est du simple au double.
La fraction diminue dans les trois premières formules, grâce à l’élé¬
vation progressive des chiffres. Dans la 4® épreuve, nous arrivons à la
prédominance normale du chiffre de la main droite sur celui de la main
SOCIÉTÉ d'hTPNOLOGIB ET DE PSYCHOLOGIE 123
gauche; mais les chiffres sont dépassés, comme s'il se faisait une oscil¬
lation qui ramène enfin le sujet à une formule normale à la 5® épreuve.
Nous avons assez insisté sur les modifications qui sont indiquées par
Texamen sthénométrique des malades dans la neurasthénie. Nous allons
maintenant examiner ce qui se passe dans une autre maladie du système
nerveux, non moins fréquente : l’hystérie.
Nous n'observerons plus du tout ici les mêmes formules que dans la
neurasthénie ; ce n’est plus ce renversement des forces, qui nous faisait
constater la prédominance anormale de la force extériorisée par la main
gauche sur celle de la main droite.
Ce qui caractérise l’hystérie, dans l’examen auquel nous soumettons
les malades de cette catégorie au moyen du sthénomètre, c’est l'écart
beaucoup trop considérable qui existe entre le chiffre indiqué par la
main droite et celui qui est indiqué par la main gauche. Et, de plus, cet
écart est dû constamment à l’abaissement énorme du chiffre donné par
la main gauche qui, parfois, descend jusqu’à 0.
Voici, du reste, les chiffres obtenus chez un certain nombre d’hys¬
tériques :
Mlle D..., 28 ans. Douleurs de tête de nature hystérique; troubles
profonds de la sensibilité ; à l’exploration des réflexes, je constate une
zone d’anesthésie, qui comprend la partie interne de la cornée de l’œil
gauche, dont l’excitation ne provoque pas de réflexe. Anesthésie de la
région médiane et droite du pharynx, suppression du réflexe.
Examen sthénométrique :
Main droite 25®.
Main gauche + 5®-
M. P..., 21 ans. Point hystérique, nombreuses zones d’hyperesthésie.
Aboulie, troubles psychiques.
Son examen au sthénomètre donne :
Main droite 23®.
Main gauche + 3®.
M. A .., 36 ans, hystérique. Contracture pharyngienne; névralgie hys¬
térique; zones d’hyperesthésie et zones d’anesthésie cutanée. Anesthésie
pharyngienne et abolition du réflexe. Insomnie et troubles psychiques
nombreux.
Au sthénomètre, nous avons :
Main droite + 25®.
Main gauche + 0®.
Lorsqu’après un traitement approprié, nous voyons les manifestations
de rhystérie s’amender et la maladie tendre à la guérison, nous cons¬
tatons, en même temps que l’amélioration générale, la modification
des chiffres obtenus avec le sthénomètre, qui tendent à se rapprocher
des chiffres normaux.
Mme D..., 35 ans, hystérique. Vomissements hystériques, vertiges,
agoraphobie. Abolition des réflexes cornéens et pharyngiens.
124
REVUE DE L*HYPN0T1SME
Son examen au sthénomètre nous donne, avant de commencer le
traitement, le 21 octobre ;
Main droite + 27®.
Main gauche -j- 0®.
Les vomissements cessent sous Tinfluence du traitement, Tagoraphobie
a presque complètement disparu. A un nouvel examen sthénométrique,
nous trouvons, le 26 novembre :
Main droite + 40°.
Main gauche + 8°.
Mlle P..., 48 ans, hystérique. Impressionnabilité très grande. Névral¬
gie hystérique. Zones d’hyperesthésie cutanée; zones d’anesthésie cor-
néenne avec abolition du réflexe.
Examen au sthénomètre, avant le traitement :
Main droite + 34®.
Main gauche -}- 3°.
Le mois suivant, amélioration considérable de l’état général et dispa¬
rition de la névralgie.
Examen au sthénomètre :
Main droite -f- 17°.
Main gauche + 23°.
Il existait encore des troubles psychiques qui expliquent cet écart
anormal. Malheureusement, l’examen au sthénomètre n’a pu être fait
après la guérison complète. La malade ayant cessé de venir, je suis
porté à croire, d’après cette formule, qu’elle devient neurasthénique.
Nous allons voir maintenant la combinaison de l’hystérie et de la
neurasthénie^ c’est-à-dire le développement de la neurasthénie chez
les hystériques.
Les courbes données par la superposition de ces deux maladies sont
des plus intéressantes, car nous allons voir les caractères propres que
nous avons trouvés pour chacune de ces maladies s’inscrire successive¬
ment par les chiffres indiqués par le sthénomètre.
La première malade que nous allons examiner est une femme de
3i ans, hystérique. Elle a eu une première crise légère à la suite d’une
frayeur; puis les crises se sont répétées plus fortes à divers intervalles
irréguliers.
Elle a une véritable phobie de la crise; peur de tous les bruits; se
rappelant l’origine de sa première crise, on peut dire d’elle qu'elle a
« peur d’avoir peur ». Nous notons de l’agitation, de l’énervement cons¬
tant, des cauchemars la nuit. Enfin, depuis un certain temps, sont venus
s’y ajouter des troubles digestifs et des vomissements. Cette malade
présente la contracture pharyngienne et des zones d’hyperesthésie.
Son examen sthénométrique nous donne :
l®" octobre, main droite -f
— main gauche 9\
REVUS DE l'hypnotisme
125
12 octobre, main droite + 38®.
— main gauche + 32®,
La première formule se rapproche bien de celle que nous avons vue
plus haut comme caractéristique de l'hystérie.
Toutefois on remarquera que l'écart entre les deux chiffres n’est pas
aussi accusé que dans la plupart de celles fournies par les hystériques.
On pouvait se demander la raison de cette faible caractéristique, étant
donnée une hystérie aussi caractérisée que dans le cas présent.
Nous allons la comprendre par la suite en constatant la combinaison
de la neurasthénie et de l’hystérie. Quoi qu'il en soit, le 12 octobre,
après avoir observé une amélioration notable des troubles hystériques,
dont la plupart ont cédé sous l’influence de la suggestion hypnotique,
nous constatons dans la seconde formule des chiffrçs normaux.
Peu après, la malade, malgré les avis qui lui sont donnés, trouve
bon de suspendre son traitement.
Elle nous revient le 2 janvier, les manifestations hystériques sont
toujours calmées, elle n’a plus eu de crise, elle n'a plus la phobie de la
crise, plus de vomissements, mais ejle éprouve encore des troubles
digestifs, qui sont sous la dépendance de la neurasthénie, car elle
accuse en même temps l’insomnie, la faiblesse générale, le découra**
gement, enfin les autres symptômes classiques de cette dernière mala-
die.
Son examen sthénométrique nous donne en effet à cette date :
2 janvier, main droite + 35®.
— main gauche + 50®*
La malade est remise immédiatement en traitement; le 15 janvier
nous pratiquons de nouveau l'examen au sthénomètre, et nous trouvons
une formule normale :
15 janvier, main droite 4- 43®’
— main gauche 4- 32®.
Rapprochons maintenant ces différentes formules, pour bien faire
ressortir l'intérêt véritable de la courbe qu'elles présentent; montrant
l'hystérie, l’amélioration de cette maladie; la neurasthénie qui se dégage
alors et la guérison de cette maladie :
1®' octobre, main droite 4- 25®.
— main gauche + 9®.
12 octobre, main droite h- 38®.
— main gauche 4- 32®.
2 janvier, main droite + 35®.
— main gauche + 50®.
15 janvier, main droite + 43®.
— main gaucho 4- 32®.
Je citerai un second.cas du même genre ; il s'agit d’une femme de
35 ans, hystérique; troubles nombreux de la sensibilité, hyperesthésie,
diminution générale du réflexe pharyngien. Son état s’est aggravé à la
126
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIE BT DE PSYCHOLOGIE
suite d'ennuis de famille^ de fatigues. Nous notons un afTaiblissement
considérable de la volonté, de l'indécision pour les moindres choses.
Nervosisme exagéré.
C’est l’hystérie qui domine la scène actuellement. Son examen au
moyen du sthénomètre nous donne dès le début une formule franche¬
ment hystérique :
8 juin, main droite + 38®.
— main gauche 0®.
Le 17 juin, nous trouvons encore les chiffres bas de l’hystérie, mais la
neurasthénie se dessine par la supériorité de la main gauche.
17 juin, main droite -h 2®.
— main gauche -h 3®.
Le 24 juin, toutes les manifestations hystériques s’étant améliorées,
il nous reste une formule franchement neurasthénique :
Main droite 15®.
Main gauche -h 24®.
Le 2 août, la neurasthénie est guérie, le terrain hystérique se mani¬
feste encore, mais le sthénomètre nous donne une formule déjà bien
meilleure que celle du début :
2 août, main droite H- 30®.
— main gauche -h 7®.
Enfin le 17 août, il y a eu une interruption de traitement et la malade
s’étant trouvée exposée à des fatigues récentes, les deux chiffres sont
donc assez bas, mais l’écart entre la main droite et la main gauche est
presque normal.
17 août, main droite 10®.
— main gauche 4- 4®.
Réunissons la courbe de cette malade :
8 juin, main droite 4- 38®.
— main gauche -j- 0®.
17 juin, main droite 4- 2®.
— main gauche 4- 3"’.
24 juin, main droite 4- 15®.
— main gauche 4- 24®.
2 août, main droite 4- 30®.
— main gauche -f- 7®.
17 août, main droite 4- 10®.
— main gauche 4».
Ces deux observations sont intéressantes par les rapprochements
qu’elles présentent.
Je signalerai un cas de chorée, mais malheureusement, je n’en ai
observé qu’un avec le sthénomètre.
Chorée chez un jeune homme de 17 ans.
La première formule, avant le traitement, nous montre le renverse-
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOaiE ET DE PSYCHOLOGIE 127
ment des chiffres normaux de la force extériorisée de la main droite et de
la main gauche.
Main droite -f- 17<>.
Main gauche 30®.
La guérison obtenue par la méthode de l’application des aimants,
nous retrouvons une formule normale :
Main droite -J- 55®.
Main gauche -|- 5'2®.
Lorsqu’on observe une dépression considérable du système nerveux,
à la suite d’accidents nerveux aigus, les chiffres d’extériorisation tombent
souvent à 0.
Un hystérique après plusieurs crises légères, mais répétées pendant
plusieurs jours successifs, est examiné au moyen du sthénomètre :
On constate :
Main droite = 0®.
Main gauche = 0®.
Après quinze jours de traitement, les chiffres se relèvent et donnent :
Main droite -f- 33°.
Main gauche 8®.
Une autre observation n’est pas moins intéressante.
Un jeune homme épileptique m’est amené, après avoir subi une
longue^ intoxication par les bromures. Il a un aspect perpétuellement
somnolent, mémoire totalement obnubilée, il a l’air tout à fait hébété
Cet état, dû à l'intoxication bromurée, donne à l’examen au sthénomètre
une formule tout a fait analogue à celle des neurasthéniques.
Main droite 22®.
Main gauche -j- 43°.
Après six semaines de traitement, le lendemain d’une forte crise, je
pratique de nouveau son examen sthénométrique et je trouve ;
Main droite = 0®.
Main gauche = 0®.
Six semaines plus tard, il y a amélioration considérable, les crises sont
beaucoup plus rares, plus légères; la mémoire et l’intelligence revien¬
nent d’une façon très sensible.
A cette époque, examiné au sthénomètre, il donne :
Main droite + 55®.
Main gauche + 43®.
Je m’arrête dans cette longue énumération, laissant parler des chiffres
dont certains rapprochements s’imposent forcément à l’esprit.
Je ne veux à dessein en tirer, pour le moment, aucune conclusion, car
je n’ai pas la prétention d’avoir encore trouvé de loi générale pouvant
être formulée sur des bases suffisantes.
J’espère seulement avoir éveillé l’attention et la curiosité des cher¬
cheurs sur un fait jusqu’ici inobservé, et être suivi dans la voie que je
viens d’indiquer {^).
(1) Les personnes qui voudront expérimenter le sthénomètre le trouveront chez
MM. Ponthus et Therrode, constructeurs, 6, rue Victor-Considérant, Paris.
128
RETUE DE l’hTPNOTISIIB
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d’hypnologie et de psychologie.
La prochaine séance de la Société d’hypnologie et de psychologie
aura lieu le mardi 17 octobre, à 4 heures et demie, au palais des
Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D** Jules
Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque
mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les
étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le D' Bérillon, secrétaire
général, 4, rue de Gastellane, et les cotisations à M. le D' Parez, tréso¬
rier, 154, boulevard Haussmann.
Communications inscrites :
Compte-rendu des délégués aux Congrès de Liège :
Magnin : Le terrain dans les expériences d’hypnotisme.
D' Bérillon : La simulation envisagée comme fait de parasitisme social.
D*" CouRTAULT : La simulation dans les accidents du travail.
M. Caustier, professeur au lycée Condorcet : La méthode socratique
dans l’éducation scientifique.
Contre le surmenage intellectuel
Une tentative curieuse va être faite dans un collège parisien pour
préserver les écoliers de toute chance de surmenage. Supprimer de la
dixième à la sixième toute classe, l’après-midi ; consacrer les loisirs
ainsi gagnés à des promenades, à des jeux en plein air, à des exercices
physiques, à des travaux manuels gradués, au modelage, au dessin, à
la musique : exercer la main et les yeux de l’enfant autant que sa
mémoire ; avoir souci de la santé de son corps, de son adresse, de sa
souplesse, presque autant que de son intelligence et de son esprit ; lui
apprendre les rudiments de l’histoire naturelle, non plus au tableau noir
ou dans les livres, mais aux champs, dans des herborisations : lui don¬
ner un enseignement concret et vivant qui lui fasse voir les choses au
lieu d’éveiller en lui des abstractions vides...
C’est là, semble-t-il, un programme assez hardi, dans l’état des mœurs
françaises. Or, s’il faut en croire la « Revue internationale de l’ensei¬
gnement », ce programme n’aurait rien de paradoxal, et le collège de
Sainte-Barbe va tenter de l’inaugurer. Il enseignera toutes les matières
étudiées au lycée mais il essayera de les enseigner autrement. Il y aura
encore trois heures de classe par jour en neuvième et dixième, quatre
heures en huitième et en septième, un peu davantage en sixième. Une
telle initiative fait le plus grand honneur au distingué directeur de
Sainte-Barbe, M. Pierrotet. Il peut être assuré qu'il rencontrera les
encouragements de tous les médecins neurologistes et psychologues.
Ils ont, en effet, plus souvent que les autres, à constater chez leurs
malades les déplorables effets du surmenage intellectuel producteur de
névroses et de troubles mentaux.
L'Administrateur-Gérant : En. BERILLON.
Paris» lmp. A. Quelquejeu, rue Gerbert, 10.
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPERIMENTAL ET THBRAPEîJTiQlJB
"rt»;ANNKK. —-N® O
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BUtlETIH
l4e<5i:)r\|gfrèi^ iî© ^.édedne i[ftter«é tant! à svilis la présîçteace fie ^ ^
r- La psypbütcgie ^ii .c.oM:g?Êf;^ hï?j^rü Ue rleuîHjjïigte et de psycAiatrieu
— lLÏpf& OiiVdrte ,dti HU.chWrd: ôüx Padéirieplx-^'Li'. yîeUe
‘ fJa. pnnpcî l*fesi,5tût"pay^crU^- »,,
;^t, fe ÇoüiiiVi?-'•; ■■; ^' .\ ■ ■'
La aôaace inauî^ujr.sklè dw Jranoàis de A ou Ü0:ii-;4Lt%e,
lé. 2ft jp^fibeldèa par M/fîieuyeîAû^Jfpytin/mfî^^li^^
ripsîtùotiùîî iiîubllqW';’ 'fÿ^^Wk . Profo5»e^ap«
pi^!itdÀ^ur% t'i'âncott'é Yanr>ibr,>vj^pfé^î'dééi».^/J^^ préirt-
depL4'fey'n)l|SMij^ geQériAÏ^VM'Ms
teur ëp: du în|Ui4ti*é, ét Gîirjÿ^al,
Mùtk ahlv^ffeellé de Liv^^S \ ‘ , . ^ \
1
BULLETIN
131
lectuelle qui se superpose à Tautre sans affaiblir les liens qui nous unissent
à celle-ci, ni diminuer Tamour que nous avons pour elle. Si cela est vrai de
toutes les langues, combien Test-ce davantage quand il s’agit de la langue
française, langue sociale par excellence et merveilleux instrument de
rapprochement entre les esprits. »
Après tous ces discours, vigoureusement applaudis, le congrès s’est mis
au travail. Mais il est juste de reconnaître que les fêtes et les réceptions
nombreuses, organisées avec un soin parfait, ont constitué de charmants
intermèdes. Parmi ces fêtes nous mentionnerons surtout les banquets offerts
par les organisateurs et par la ville de Liège. Ils ont eu lieu sous la prési¬
dence de M. Bienvenu-Martin.
Dans le premier, M. Bouchard, le plus ancien des présidents du congrès
de médecine, a en termes des plus heureux, démontré Tutilité de ces assises
scientifiques et leur influence sur le rapprochement amical des hommes de
science.
Dans le second, nous avons applaudi de spirituels discours de M. Lépine,
préfet de police de Paris, et de M. Kleyer, bourgmestre de Liège.
Enfin le congrès s’est terminé par un grand banquet offert par la ville de
Spa.
Toutes ces fêtes n’ont pas fait négliger les questions scientifiques. En effet,
indépendamment de rapports très étudiés, des communications ont été,
faites sur les branches les plus variées de la médecine. La psychologie
médicale y a môme été abordée. En effet, la Société d’hypnologie et de psy¬
chologie avait tenu à être représentée au congrès de Liège. Elle avait
chargé son délégué d’exprimer à M. Lépine, président du Congrès, tous les
sentiments de respect que les membres de la Société professent à l’égard
d'un maître dont les travaux font tant d’honneur à la science française.
En résumé, le Congrès de Liège a eu un grand succès et il faut en reporter
le mérite à ses dévoués organisateurs, MM. les professeurs Henrijean et
Honoré.
La réunion du premier Congrès belge de neurologie et de psychiatrie
suivait immédiatement celle du congrès de médecine. Ce qui caractérise ce
congrès, et ce qui constitue à cet égard une intéressante innovation, c’est
qu’une très large part avait été réservée aux questions de psychologie. Le
rapport de Mlle loteyko, sur le Sens de la douleur, a provoqué une très inté¬
ressante discussion. Celui du D** Cuyiitz, sur le Travail considéré comme agent
thérapeutique, contenait également de nombreux aperçus d’un grand intérêt
psychologique.
Les applications thérapeutiques de l’hypnotisme ont été l’objet de commu¬
nications de la part de M. le D** Demonchy, de Mme la D'®**® Lipinska, de M.le
D® Bérillon. Le travail du D** Bérillon, sur les Nouvelles applications de Vhypno-
tisme à Vorthopédie mentale, complété par des projections, a donné lieu à une
discussion assez longue à laquelle ont pris part les D**® Demonchy, Deny (de
Paris), Decroly (de Bruxelles), Lee (d’Anvers) et* enfin de M. le professeur
Spehl (de Bruxelles). Avec une grande précision, M. Spehl a clôturé la
discussion en se ralliant aux propositions énoncées par M. le D® Bérillon,
dont il avait eu, à maintes reprises, l’occasion de vérifier la rigoureuse exac¬
titude.
Les réceptions du congrès belge de neurologie ont été marquées par un
132
REVUE DE l’hypnotisme
grand caractère de cordialité. A mentionner le banquet offert aux médecins
français par M. le professeur Francotte, la réception de la maison de santé
de Ghlaln organisée par M. le D** Buttgenbach. Au banquet de clôture offert
par le président, M. le D' Glorieux, divers toasts ont été portés par la Doc¬
toresse loteyko; par le D** Sollier, au nom des médecins français, par
M. le Bérillon, au nom de la Société d’hypnologie et de psychologie et
par M. Glorieux, président du congrès.
M. le D>* Huchard, dans une lettre ouverte aux membres du parlement et
publiée par le Journal des praticiens, vient de formuler la conclusion, aussi
judicieuse que précise, qu’il convenait de donner aux travaux du congrès
delà Tuberculose.
Après avoir, d’une façon très spirituelle, analysé la communication reten¬
tissante autant qu’incompréhensible, du Behring, où une substance TC se
métamorphose en TX, et où ces mystérieuses métamorphoses vont jusqu’à
TGL, en passant par TV et par TR, ce qui nous a appris, paraît-il, beaucoup
de choses, M. Huchard indique auxsénateurs etauxdéputés ce qui reste à faire
pour permettre à la science française de maintenir son rang dans la lutte
engagée.
« Lorsque bientôt vous allez procéder à la discussion du budget, qui se
chiffre par centaines de millions, et lorsque vous aurez accordé plusieurs
subventions aux plaisirs et à l’art, aux théâtres nationaux et à l’Opéra, vous
aurez un beau geste : vous penserez certainement à la tuberculose et vous
voterez à l’unanimité quelques centaines de mille francs pour l’adoucis¬
sement de la souffrance. humaine, c’est-à-dire pour les recherches scien¬
tifiques qui doivent aboutir à la plus belle, à la plus pacifique des victoires,
à celle qu’un médecin remportera sur le fléau tuberculeux. Cela, vous le
devez à la patrie de Laënnec, de Villemin et de Pasteur, qui ont préparé
cette victoire. »
La proposition de M. Huchard sera assurément adoptée par le parlement.
Déjà un député, M. Gérault-Richard, se propose de demander le vote d’un cré¬
dit de cent mille francs et le ministre. M. Bienvenu-Martin, s’est déclaré favo¬
rable à la proposition. Mais, à ce sujet, nous nous rappelons qu’une caisse de
recherches scientifiques avait été constituée sur la proposition de M. Audlffred,
sénateur, et nous nous demandons si l’on trouvera jamais une meilleure
occasion de faire appel aux ressources de cette fameuse caisse pour laquelle
de nombreuses commissions ont été constituées et dont, déjà depuis assez
longtemps, on n’a plus entendu parler.
★
♦ ♦
S. A. le prince Mlrko de Monténégro poursuit en ce moment un voyage
d’études scientifiques. Récemment il visitait l’Institut Pasteur et s’initiait,
sous la direction de M. le D'’ Roux, aux recherches bactériologiques pour¬
suivies dans les divers laboratoires de ce grand établissement scientifique.
Le jeudi 19 octobre, le prince Mirko, accompagné de M. Brunet, consul de
Monténégro, a rendu visite à l’Institut psycho-physiologique.
M. le D** Bérillon, directeur de l’Institut, assisté des D‘* Henry Lemesle,
Pamart et Demonchy, lui a exposé le fonctionnement des divers services de
ITnstitut psycho-physiologique qui comprennent: l’Ecole de psychologie, le
laboratoire de psychologie expérimentale, le laboratoire de psychologie com-
BüiitBTlN
paràej M'ûrolôf
"de JdïüWïsiryfcfenB aBîf^&aïsi
ntUlséenâ ïlâsütUt p^çfap-physiolctjgjiîüf, I’.ÂJ**5ff§«lëth{îdB« ûp peut àï-dvera
dca nature» vUdaw^ et :fi réparer üe gtaïes .erreafà de féductatlon. En par-
',tieiuHejt;.ra t««rfroÿ^ hjfptio-^éii^^cffitpie peno.ftt'de, guérir des enfanta «ttelnta
, dés ddMéifdÊS tsfJes gue la lileptçtûïisi^i
îitujire. Otdro d'idiîtea^ « ési é^deryent possible, dç-.n.)e.utr4Ü8Ôt Jea tfrnetiwie
jpathoînifUmeg ftt d’.arrîver â h reédobution de ia vüiontj) et it fa forwatton du
,caraotéïïï;\^^K^ lïe pèüVûné'ff^^^réaltsé? qüd pâf4'«mpléiî
do oiètbdttcs rfuOim'ù^es dont reuSûfj;notnÿot lOùusMtue Ip but de n,naùtüt
■ "S' ,V. 'e îh'we»'- Hbtî>,'<ie JiUittAâe^V'.
p8yebo»;phÿsfaià.K;Ulbè'.,lÆ6^' Bt'frUlort b snttoàfiftsiàié sùé.iGft poînt^yesttfué
les divergea Biôîîiùde* dêrivéAS db rbinpidl dô rhypnotisian ôt Üp taad^estUsn
ne soi»t j.'imB6i;âp3Wpjj rtfl ert'pr {’iotetUj^oydét fera fAbgUé'adp perooption,
appUdnti'dhs dé Phyppoü^aiè'et .tléJa-adé&t’Mlof»., aupp^gnl ijbtsxséPdJ^ éfuj^
ÿ sont aoiimifi roxlstcnce^ de, fàodittè6:n«8gz.déve}oppôb4; MsdjLfèé delà.;, teur
domaineest encore !Msfe»,dténda st ?<ia' àdnÿre qu'i^iei'péi^pîéttant d&flut.nber'
lea eentiiuents .affeçitjfgi(;?^p 4 J'ïindér«r îeg états-éiriîtti^, du forflÿcr cdgtrc in»
diverses foroies de4»' pdyiéi’d‘^'’d't;r ta V\jliBnté, do’dfdèr-'de-id’ùicà-pifjêeâ
des pouv.Ott?. d'àr^'.ii'btfe.qtaér is réaiçtan'îo >«*, impylsipiis, d’éveîlléf'la
notiap et l.é dd xei/ un laet d,’ab«atir;d!.' y'éâoeatlon dd'
caractère*. En eifiït, c;‘e«ït «drtput an putnt de vue îttf éette -èdupation dû
caraotéfe ^ûp“iso.yïça»i(fistteB,t Ijifs .etfpt* ids plu» (rappaoia de îp'-:sug,c«»tidd
hypnotbjuo. _ ^
Le pr!nçe,'M<cfcü.rt tëniûtgflé d'ün Vff idtiîrCd püp! jl'B.£é¥Péfîéb^cs vât^ér's tjui
ont étiè fèaîléÿtta sans sesyèuï*'- À inavotoè repnsetl il aidétîi«niré,.,pAr ses
observntioaB avait sur ces jVil{â .léé'nb,tï^**^' ^®»;'.p^.ds. i'3;àbteb.^^^
conlairjsçé il,îaréalité scdentiîlquD. '‘5'‘r'' -, ■vA'; ■yA-''','.'' •■
134
REVUS DK L HYPNOTISME
Les Femmes à. barbe : Étude psychologique et soclologique*i(^ui<^) (*),
Par M. le D' Bérillon
Professeur à TBcole de Psychologie
Les femmes îi barbe dans la religion. ^ Les sriirilea barbues : Sainte Wilgeforte
Sainte Lil^erata, Saînle Kumernus, Suinte Affligée. — La superstition de Sainte
Débarras de Compïègne, —■ Contre les maris jaloux el méchants.
On a pu admirer^ il y a quelques années, dans une remarquable col¬
lection de curiosités de M. Nadar, une statue en bois qui fut longtemps
cataloguée sous le nom de christ androgyne^ et qui n’esl en réalité
Kig. 01. Sainte WileiPforte. — Sl.atue en hoiâdu Moyeti-Age.
(CoUection Nadaru
qu*une sainte Wilgeforte. Celte œuvre fort curieuse remonte à une
époque très ancienne* ainsi qu’en témoigne le costume dont le sujet est
revêtu (fig, 91). On a pu la voir à l'Exposition des arts industriels en
ISfilL Les cheveux de la sainte se déroulent en longues boucles de
chaque côté de la poitrine. Elle est habillée d’une robe ornée de draperies
comme on en portait au moyen-âge. Les seins très nettement dessinés
sont soutenus i»ar un corselet. I^e ventre est quelque peu proéminent.
L’artiste^ comme dans les images précédentes, s’est ingénié â repré¬
senter le corps d’une femme et on peut s'étonner qu'on ait pu voir
(I) Voyez /Ctwe de VifypnoUsme. iniméro de Juin tlK)4 et suivants.
LB6 PKMMBS \ OAaUE iSf»
<làHs>oètte ï»üvt« Ha? rèpiréâCHtation fl est h. npièr jqüe, coraoie
dans la Jî|far« ^, la saifltè est âtièéhèè .«f IJdTi pas cloués sûr la^croiXii
De pïu», èlie èst déjiooî'^èulè rooüMt,a(ii3ss^''at^^ m que daos V’içaa^
précéâenlêt «lle.pocto une, horbo'sa C'es deux figures sont des'
ïrguratiohà çiasejïjues de satota Wllg^^Oftèt^ U est inipoesiblfe de les
opuroftdî'e. aven des.î|n«geBHàe j4s?Js 4roétfi^^
asaasùîYopa l'ordre chronologique, noua jirésenterons ensuite une
gracieuae'figure de Ja Sainte, pçime par t'ütolffj en Dn grand
TtiomBre de copier dfe;]etîtB; ItnagO ûh'fe;4l’*V^4]3^dueH en Suîîise, oànà la®
vlîiegea <lo là région de: LuéMKeijl’Iÿ^rtiài^K pootralrcmcot à ce qui se
fnlsajC hapitneHemeniit a revêtu la' Sâifiiié i'un costume d’upe grénde
gimplîeiùv lt e^t vrài Jîâît. destinée a la vén^ratîor» de-.finage&'s
yiêrge irnrhuê^ dé Latolff porte Çür îo milieu de là poitfinè|:àïi4
dessus dp. la obîniûrev-un .ornement rond dont ta éîgnifîcàtioh àoHà
iê«Wàppë!,' BH‘prénanl la précaution .dNtcuentuer les icbntoura des seins,,
le peinlr.e>t4po,nt|ità Vohjetdîop de ceux qui aiiraient voulu voir dans
Son .j4uŸré,..là'rcprê9C^^ d’up f’hrïal habilité O'àiileura, ufie ban-
àlçrplle. fixép,.âù aonildet de la üroix indique qu^f d’une image de
•ciainto ïiiberat*'.’' • •.•?■•'!' '■ '•.’tiüv.:--’' ' . ' , - ■
LES FSMUES A. BA118E
AvaÆlt rtnij^iiative de oe ü^vôt côroniarçïkflt, l» satttte éiait totaJément
“îS î^oHême. Le piupîe^.pâ.raiWJ^ié{>ï<ïüvft vl'aJjord (juêlijuè
surprise â'ta vue de ^pétt'ë^ÉaîÂtè dùpt îjd.HWrttôu toâtbe,
mats QÜfii’ijUfts gtj^tkoùd tpîràcüle^Wffê.tard pâaà dissipér toutes
les présentions. ^r‘i ciîsaî>3 àprés< td:jti)»7tk liarort Vott Brun écrivait àu
même itoltandj^te de 1« sainlfe sc trouvait en beaucoup 4’ett-
droî^, et il lui envoyait d'après ie tàbiesu de Çuper^
tableau fiu'on avait pris la prccautioiif de protéger par un verre.
Une dèsi images vràirôcnt corieitaes de sainte Witgèforle est celle qui
ee trouve dans régltse StUal»Bt.leane<jA. Be3.uvaia,-, ITn auteur catholique,
M. TlÙyaaîanay nousiappre^è quer pendant lé XVII''siècle,
de Sdidîç: à Beaüvaiî- - ^ fête j. était célébrée en
de saidîé: à Beauvais
grande pompa le '2P juniet,. et il y avait, après la cérâinonîè, proceaston
SoIennéUe du Baint iSaOremUnt et Sàlut. . - •
. fin viçUx rittféii qui date de cette époque, a transmis ï’uraisQo de la^
môsse dîtéçn sân honneur : ; 'j*
St 8ei|*tîèuï-, nous vous en priions, jetez au regard sur vos enfents qui
vous îmfddfeut, par lesi mérites çt jesi prlèrés dt^lît hieflhèùreûae Wiige*-
forte, ^•rie-rgéf et^martyre, ilUé'- dé t’ôfi et de oS|,irty q^'*uus'.àvéa esauné
SOS prièfès eîi la dotant d'une fearbe!i|'de même d&î^ejr accueillit ïêà
REVUE DE l’hypnotisme
souhaits de nos coeurs, en nous accordant un supplément de votre divine
grâce. >>
Sa fête avait une octave et, pendant l’année, la confrérie assistait
encore à un certain nombre de messes chantées à l'autel placé sous son
vocable.
Oette dévotion dura jusqu’au moment de la îiévotulion. Alors les
sans-culottes ravagèrent I cglise, détruisirent son autel, mais sa statue
fut préservée. En lorsque Saint-Etienne fut réconcilié, on la
Samtç AlTl-iiTée. — Eglise i4oreltO (l^a^HU--t,
plaqua sur le mur qu’elle occupe actuellement, à l’entrée de la nef; puis,
en 1827, on Tôta.
M. Huysmans nous a raconté d’une façon très humoristique les
péripéties qu’a subies la statue de sainte Wilgeforte. Un membre du
conseil de fabrique ayant déclaré que beaucoup de paroissiennes étaient
scandalisées par la vue de cette femme â barbe, Monseigneur Feutrier se
rangea à cet avis. U décida qu’une barbacole était une honte pour une
église, et la pauvre princesse fut arrachée de son mur et reléguée dans
son grenier.
Elle en sortit en juillet 1832 ; seulement, pour ne pas elTaroucher les
dévotes, on 1
Mais bientôt, pour se conformer à la tradition, onluî
rajouta rorneineat de son menton (iig. Ùi).
LUS PEMMBS A BAHBE 139
Les^ femmes "à'^hàfbfr très mal çBnsidéJrèeg ^r '\%
,inf^s'rjWbb/SlVeé,BOft|;Jri4rge3' èt|nart^^ , Biàis |è plo^
de-csttfr bj^toîrc- «"'esi |>és daVli fés Ticîssiludès pileuses dè Jp&tie déïoetef-
itt«st ftiütrtçtit diâ}»l'’lbV^tirâjîiê de rinterbession que réplàtneltt d'étie ies-
1' ■. '■" V '/?•'•,' ■''■'■^' ■"'*'■:
151Jçs,î>«v,54i éotiBatsseii^ pas sous de/sa^id^WiJgefOrta ou àe]
saiûte Libes^àti. wais sous';te ùa!n4tè’'^??ïie-fi4Mt;#à«i£îçaame «ile.a.d
débaTfa^ès iiar Je tiiel d'uli préi!&niîi\nt'. e|ies ,4'i!q»^itoï'4bt».eneSj pour
être débatïSssèeB dè leurs iparisv Êtîes V^ dduiattàeni,'en un mot, la
mort lie leur conjoint, * . i^v. ::<.y-'-
Hèoemmenti M. îe jjr.orBHseun Ledouble, dé TnurSr'^a publï^ d.aog î.i,
Çkrottiqwî médSieafe (»rj^une iniôgé de la sainte 1%^ 95)W
açcotnpa^ée d-iinè éJtpîihatîon et (i'üne prière, uur pôraooocs ^qiin vt&i*.
téflt.t'ilgJlsé iipt'eltct., § j11p%üv, h esta nôu-p,;iué ju aaiqte barBuè de
PrSgucVést âtdU«lleruénidéîBg.née WU8 lé bcùri dé saîoté Àiniâ^èf ■ •;
;-3 tiç^OOfslUîîje ,*,lé la sainte :y est heàuèoup plus grneiiui: ’f|;iié ‘dans
aotmiïe bntré âa.âes repréiwotâtloos. tiU robe* sertiÈetaille, «et ornée
dépej'les, tit brmierîos et de r'abaüs,. Ces atuui-s.' ftje sunt peüt»ètre ,pas
,-nj; ChK>ni^ii& M^akale , '’^'''' '
140
REVUE DE l'hypnotisme
absolument conformes à la tradition, car présentée avec autant d'élégance
et autant d’attraits la sainte barbue n'aurait pas éteint les désirs du roi
de Sicile. Elle les eût plutôt enflammés.
Les détails de la toilette de sainte Affligée indiquent très clairement
que le compositeur a eu la préoccupation de représenter une femme et
non un Christ habillé. Pour s'en convaincre, il suffît de jeter un coup
d'œil sur le Christ de Lucques dont le corps a été entouré de riches
étoffes. L’arrangement de ces étoffes prouve qu’elles ont été disposées
après coup autour du corps d’un Christ mis en croix. Il est difficile
de savoir à quels sentiments ont obéi les fidèles de Lucques en dissi¬
mulant la nudité de leur Dieu. Doit-on supposer que leur pudeur s'est
effarouchée à la contemplation d’une anatomie jugée, par eux, trop
réaliste. On peut également se demander si des âmes pieuses n’ont
pas voulu dissimuler les marques de douleurs dont la vue affectait leur
sensibilité. Pour nous, il ne faut voir dans le costume ridicule dont le
Christ de Lucques fut affublé, que l'acte d’ostentation d’un chrétien
vaniteux.
Dans toutes les représentations de sainte Wilgeforte, les peintres et
les statuaires se sont toujours inspirés des modes féminines de leur
époque pour donner à la sainte un costume en rapport avec le rang
qu’elle occupait à la cour de son père, roi de Portugal. Il n'est donc pas
possible d’établir la moindre confusion entre les Christs habillés et les
saintes barbues.
★
4 4
Les désignations de la sainte varient naturellement selon les pays. En
Portugal et en Espagne, on la nomme Suinte Liberale] en Belgique,
elle devient Sainte Ontcommera, Sainte Regenflegis; en Hollande,
Heilige Ontkommer\ en Angleterre, Sainte Uncumber ;*en Suisse,
Sainte Kummerniss] en Allemagne Heilige Ohnkummerniss, Sanct.
Geliulf. Les oraisons diffèrent avec les églises. A Maestricht, elle a une
messe où il est question de la barbe — et sicut ad preces ipsius^ quant
concupivit^ barbant acerescere fecorti. Dans d’autres pays, on évite de
mentionner cet ornement dans les prières.
Sainte Wilgeforte est honorée dans un grand nombre de pays. En
France, on lui a également dressé des autels dans diverses localités. A
Arques-la-Bataille (Seine-Inférieure), on la prie devant un tableau qui la
représente en croix et portant de la barbe. Elle s’y montre favorable aux
enfants qui lui sont présentés.
A Béthune (Pas-de-Calais), un tableau de 40 centimètres de large sur
70 de haut la montre crucifiée et barbue, on y vient des environs pour
les enfants. Le peuple l'appelle Sainte Milleforte.
A Riuxent, à Wissant, à Camiers, à Etaples, à Wattetot, elle figure
avec de la barbe et est l’objet d’une vénération toute particulière.
Dans certains endroits, on lui prête le pouvoir de rendre les femmes
£écondes. Dans d’autres elle préside à la paix des ménages. Quand une
iES A HASBE 141
éSt mauyiiiH jWârijiî ï^ ^ crerge
et d'«nfr |>iHèï^'ÿo^ï;)e tJXeiipfî. jl îâ
r àu,Ê/6i»piêgrié::it;ên àê^bar»
rasserpronîp»,«feèât,eclfe ^{aU%ïï(loï'«i . " " '
îl a safhtè !^|üâ 4'atlttîi Etié a d^lJwté, ^ans îa
jcartièrê de aon pied le eiyuM ^innocént,
Aù|ottrd*liüfj;àa^|J^^^3i^^ iea.fetiW'iio^ îtiaVra
fais.aHt veuvfts,,OB''êîl®;etîiitl ffts ueîrHîs fv5écii»*|*à; .t]î*«st asaürément à la
praéW|nence,df';i:mkÿfe&p|i|«j[ti^|'pfftatttj[iStîte^ çauvP^r.
i'ig, y 7 i.S,üot'*_.Vvd^^iùiy«ji;(,Ke}^^^^ injjdCi'flçT»..- y;, ■ ..' .
Pai* contre, soti antipath'c î>ién connue poiir le tn»rià|ê Inî à la
çJtentiÿlft dits léunes fl (1*3 aftiourçuses. Jtiaisj'lia'ôe ratteape- àu pdint de
vue'tbérapeiîügüen En Norntandie, elle tça enfant^ dè la' gotirdie
oa des accjâenls de la dentîtion;i>, Par spn mtereegEÎonv.pn PÏ'tiénl'fbP-
preàâi-on dpy iUles ddorot^nçs onlpu, snayant
grâce âMleV'eVîlét'& y^^ ierrnglnoüsç*fe^
elle a pour vérin pyladi'paîe- de^ e{ son
notn de Kuniniorni'^r est tEàduit vuîgairçmftnt par.^^^ chassc-
SOÜOj 'A, ' . ■'
Propicô3 au plus grand novnbré, iiidulgentes à long, yoilà le r6lé rdi-
gîôuï'qUê jouent les srijntes barbues. !î n*j< ers a pàs de, plus enviablé.
_ Sûh culte, lojîibe qüétquç peu en désûiltudôi semble en train .de
renaitreV Tout ti-cBinment, on lui a édifié une belle «tatue & Marie, à
l'oratoire SaiDl-Nxedlàsi- Vlne îuilrc vient d^étt't- înaugôréc'à Elaincnville
142
REVUS DE l'hypnotisme
dans la Seine-Inférieure. Ces images sortent d’une fabrique bien connue
de la rue Bonaparte, la maison Rafd^ qui leur a donné tous ses soins.
Nous sommes heureux d’en donner une reproduction (fig. 97). Elle
montre que la statuaire religieuse, elle aussi, subit une évolution et tend
à moderniser ses créations.
Comme nous le disions plus haut, le mysticisme, qui porte un grand
nombre d’esprits à croire ce qui est pour eux inexplicable, s’est facile¬
ment accommodé de l’existence de saintes barbues. La coexistence chez
une femme de sentiments de piété exemplaire avec l’apparition d’une
forte barbe, n’a pas été acceptée par le vulgaire comme une simple
coïncidence. Des créateurs de légendes, et il n’en manque point,n’ont pas
eu un grand effort d’imagination à faire, pour satisfaire sa crédulité.
Chez les sorcières, l’existence de la barbe était considérée comme un
signe de demonisme, chez les pieuses femmes on T. ttribue à une inter¬
vention divine. C’est à cette conception simpliste qu’il faut attribuer le
culte des saintes barbues. A ce point de vue la religion n’a rien innové
puisque dans les religions païennes des autels avaient été élevés à des
divinités féminines dont le menton était orné de barbe.
(à suture).
L’hystérie de Bernadette, de Lourdes,
par M. le D*’ IIouby,
Médecin-directeur de la Maison de Santé d’Alger.
(suite et fin) (^)
Intervention des Autorités. — Précisément à propos de suggestion,
nous sommes amené à parler de l’intervention des autorités adminis¬
tratives et judiciaires de Lourdes et de Tarbes. A un certain moment,
on voulut, pour arrêter le mouvement religieux extraordinaire qui se
produisait, interrompre les visites de Bernadette à la grotte. Pendant la
quinzaine des visions la ville de Lourdes était littéralement bouleversée :
les uns criaient à la superstition, d’autres parlaient de supercherie,
d’autres de manœuvres frauduleuses; rares étaient ceux qui soupçon¬
naient la maladie nerveuse ; mais toutes ces voix contraires étaient
étouffées par les clameurs enthousiastes d’une multitude avide de mer¬
veilleux, venue de tous les coins du diocèse avec l’espoir que la Vierge
leur donnerait un avant-goût du paradis en se montrant un jour à tout
le monde.
Or un jour Bernadette fut amenée devant le commissaire de police
pour rendre compte de sa conduite. Celui-ci après l’avoir morigénée,
tança vertement son père qui permettait un tel scandale. Puis le Pro¬
cureur impérial s’en mêla et menaça de faire enfermer la petite voyante
si l’effervescence de la foule ne se calmait pas. Plus tard enfin on fît
clôturer la grotte au moyen d’une muraille en planches.
(1) Voyez Rtifue de l'Hypnotisme^ n" de juillet 1Ü05 et suivants.
l’hystérie de BERNADETTE, DE LOURDES
143
La Cour Impériale était alors à Biarritz : quelqu’un alla plaider la
cause de Lourdes auprès de Tlmpératrice Eugénie dont on connaissait
les sentiments de bigoterie espagnole. Tout aussitôt, préfet, procureur,
commissaire de police furent déplacés et laissèrent le champ libre aux
organisateurs du nouveau culte.
Mais Tintervention du commissaire ne police n’avait pas été sans
résultat sur la marche de la maladie de Bernadette. L’elîroi qu'elle avait
éprouvé avait produit une suggestion contraire à l’hallucinalion, aussi,
lorsque le lendemain de sa comparution devant les autorités judiciaires,
elle retourna en hésitant à la Grotte, rien ne se montra. La peur du
commissaire fut plus forte que le désir de voir la Vierge. Il est proba¬
ble que si les Visions eussent été réelles, comme tant de gens le croyaient
et le croient encore, l’Immaculée-Conception qui ne doit craindre ni
préfet, ni juge n’aurait pas hésité à paraître : C'était le cas ou jamais
de se montrer. N’est-ce pas là une nouvelle preuve et très forte que
toutes ces Apparitions n’étaient qu’hallucinations maladives.
XIII
Nous devrions terminer ici notre travail sur Bernadette, mais ne
voulant rien laisser debout de Lourdes, nous avons pensé qu’il était
nécessaire de donner quelques explications sur la Grotte et la Source
qui jouèrent un si grand rôle autrefois et qui de nos jours encore sont le
principal but de pèlerinage.
La Grotte. — La Grotte où se passèrent les événements que nous
venons de raconter était située à la base d’un rocher nommé Massa-
bielle, qui surplombait alors un petit canal dérivé du Gave. Cette grotte
ou plutôt cette excavation largement ouverte sur la rivière, présente
actuellement quatre mètres de hauteur sur quatre mètres de profondeur
et quinze mètres de largeur. La voûte forme une courbe qui en arrière
et à gauche va rejoindre le sol, tandis que le côté droit est à peu près
perpendiculaire. Sur ce côté se rencontre à deux mètres du sol actuel
une niche où est placée la statue de l’Immaculée-Conception ; mais, au
début, cette niche était de plein pied avec le sol de la grotle; celle-ci
remplie aux trois quarts de débris de rochers, de sable et de terre
glaise, en sorte que, le premier jour, Bernadette put voir Mme X... soit
dans la cavité, soit dans la niche, sans que cette personne se soit hissée
à deux mètres de hauteur pour se montrer.
La Source. — Au fond de la grotte, sous les deux mètres d’amoncel¬
lement existait une source qui, si elle n’avait pu se f^ire jour jusqu’à la
surface, du moins dénotait sa présence en un point où l’eau sourdait
goutte à goutte et où la terre était boueuse. Il y avait assez d’eau pour
qu’une petite cressonnière dont les racines plongeaient dans la source
ait pu pousser en cet endroit.
Mgr de Ségur et M. Henri Lasserre (2 et 3) peuvent être pris là en
flagrant délit de mensonge, car pour faire croire à un miracle, ils pré¬
tendent que le fond de la grotte était parfaitement sec, sec comme le
144
RBTXJB DE L’hTPNOTIBIIE
plancher d’un salon, sec d’une sécheresse torride : « C’était, dit l’un,
une cavité vulgaire dans une roche dure et un sol partout desséché,
sauf à l’extérieur et à l’ouest, quand par un temps de pluie, le vent y
faisait pénétrer une humidité fugitive. >
Or, au contraire, l’abbé Fourcade dans sa petite histoire et Mgr l’é-
vèque de Tarbes dans son mandement constatent l’existence de cette
source d’une façon péremptoire : « Le jeudi 18 février 1856 eut lieu la
c troisième apparition : quand Bernadette eut terminé sa prière, la
« Vierge lui ordonna d’aller boire à la fontaine, de s’y laver et de man-
« ger une herbe qu’elle y trouverait. Elle obéit mais elle ne put arriver
« à cet endroit qu’en se tenant à genoux et courbée. Puis comment
« boire et comment se laver? Â peine, si elle trouva quelques gouttes
K d’eau; c’est de la terre détrempée; elle gratte avec sa main, forme un
« petit creux où se ramasse un peu d’eau, mais tellement bourbeuse
« que l’enfant a de la peine à l’avaler. Après avoir bu, elle mange une
« petite herbe, espèce de cresson qu’elle y trouve. »
Dans son mandement de 1862 relatif à la Grotte, Mgr de Tarbes parle
de la source en ces termes : « L’enfant obéit, mais elle ne trouva qu’uNS
a TERRE DÉTREMPÉE. Âussitôt elle pratique de ses mains un petit trou
« qui se remplit d’eau bourbeuse : elle boit, se lave et mange une
« espèce de cresson qui était dans ce lieu. Telle est en substance la
« narration que nous avons recueillie de la bouche de Bernadette,
« en présence de la commission réunie pour l'entendre une seconde
« fois. »
L’existence d’une source avant l’Apparition est donc un fait avéré :
bien avant Bernadette l’eau suintait goutte à goutte au fond de la grotte;
le terrain était boueux ; une petite cressonnière existait. Tels sont les
trois faits qui prouvait qu’il sutlisait de creuser quelque peu pour faire
jaillir une source. On creusa.
Parmi les gens qui dès la seconde Apparition vinrent visiter la Grotte,
il s’en trouve qui l’explorèrent en tous sens et se rendirent compte
que ce suintement d’eau dénotait une source cachée dans les décombres,
qu'un coup de pioche pouvait faire jaillir à l’extérieur.
Une source dans un lieu de pèlerinage est chose. indispensable ;
c’est chose de la dernière importance : cela permet de donner des bains
miraculeux ; cela permet surtout l’exportation au loin, avec gros béné¬
fices, de l’eau qui guérit.
La Salette qui, nous l’avons dit, battait son plein en ce moment, fai¬
sait un commerce immense de son eau et des petits morceaux de rocher
où la Vierge s’était assise ; mais tandis que le premier article donnait
d’énormes bénéfices, le second était peu demandé.
Pour devenir un lieu de pèlerinage profitable, il fallait que Lourdes
aussi eût de l’eau à mettre en bouteilles pour être expédiée dans tous les
pays catholiques, pendant que dans ses piscines des malades interna¬
tionaux obtiendraient leur guérison.
Autrefois, du temps des Juifs, il y avait aux portes de Jérusalem la
l’hystérie de BERNADETTE, DE LOURDES
145
piscine probatique qui jouait le même rôle qu’aujourd’hui Lourdes :
Autour de la source se pressait la foule grouillante des pèlerins : un
ange, disait-on, descendait du ciel plusieurs fois par jour pour agiter
Teau de la piscine; alors Fange parti, le premier malade qui se plongeait
dans l’eau était guéri de son mal quel qu’il fût.
L’eau de Betsaîda aujourd’hui est sans vertu ; l’eau de la Salette
également. La foi est partie de ces lieux emportant, avec elle, miracles
et pèlerins, mais la foule crédule et ignorante ne meurt pas; elle se per¬
pétue, toujours prête à venir boire à des sources nouvelles. Usez donc
de l’eau de Lourdes, malades et infirmes, pendant qu’elle guérit encore.
Bien que le geste de Bernadette creusant avec sa main un trou dans
la terre humide eût été moins beau que celui de Moïse frappant le rocher
de sa verge, néanmoins la source avait coulé à la surface du sol. Des mains
pieuses continuèrent ce jourdà à aggrandir et approfondir le creux
commencé et un mince filet d’eau commença de couler.
Le lendemain des maçons et des puisatiers, sous prétexte qu’un des
leurs avait été guéri d’une ophtalmie en lavant son œil dans cette
eau, vinrent en foule et firent le reste : sous leurs coups de pioche jaillit
une fontaine.
Plus tard les deux mètres de terre et de pierre qui obstruaient la
grotte furent déblayés et la source apparut tout entière. Un ingénieur la
capta pour l’amener aux piscines actuelles : on dit même que, ne trouvant
pas le débit d’eau suffisant, il aurait conduit quelques tuyaux jusqu’à la
rivière toute proche (^).
Nous ne demandons ni enquête ni expertise à ce sujet : nous ne regret¬
tons qu’une chose, c’est que, pour sa canalisation, il n’ait pas employé
des tubes plus nombreux et plus forts ; cela eût permis de donner à
chaque malade un bain non souillé par les plaies lavées avant les
siennes dans la piscine. Sous prétexte de guérir un mal quelconque, il
ne faut pas donner une grave maladie à des pauvres gens ignorants des
lois de l’hygiène. Il suffit d’un ulcère syphilitique pour avarier de nom¬
breux baigneurs. Si M. Henri Lasserre, en regard des guérisons obte¬
nues à Lourdes, nous eût donné la liste des contaminés par les eaux de
la piscine, dont les accidents primaires, secondaires et tertiaires évo¬
luèrent après leur retour au village, on serait stupéfait du chiffre obtenu,
dépassant de beaucoup celui des miracles.
XIV
Bernadette a Nevers.
Que devint Bernadette après les Apparitions ? Il est probable que la
maladie hystérique continua d’évoluer sous forme de manifestations
variées, avec des intervalles plus ou moins longs de rémission, comme
(1) Il suffit de réfléchir un moment pour comprendre combien il est dangereux
de vouloir créer un miracle sans sc préoccuper des données de la science : des thau¬
maturges qui ne doutent de rien racontent à la foule qu'une source, par la grâce de
la Ste Vierge, est sortie d'un rocher comme si ledit rocher distillait cette eau. Or la
science nous donne une toute autre explication ; elle fait venir toutes les sources, y
146
REVUB DE l"hYPN0TI8MB
il arrive chez tous les névrosés. Si Bernadette, à un moment donné, fut
enlevée à sa famille pour être placée dans un couvent de Lourdes
d'abord, puis, peu de temps après, dans le monastère des sœurs de
Nevers, c'est probablement qu’il était survenu chez elle d’autres syndro¬
mes, peu convenables chez une personne sanctifiée par le contact de
rimmaculée-Conception. Or comme rien ne devait nuire au développe¬
ment de la dévotion à Lourdes, la jeune fille disparut dans l’ombre d’un
cloître.
Bien que le secret de ses faits et gestes dans ce couvent ait été bien
gardé, il nous est arrivé d’en causer un jour avec une bonne vieille sœur
de Nevers qui, pendant quelques mois avait été commise à la surveil¬
lance de la jeune fille devenue novice. «Bernadette, nous disait-elle,
était un vrai diable, qui nous faisait perdre la tète : nous ne savions
comment faire pour Tempècher de satisfaire ses caprices extravagants;
elle bouleversait tout dans la maison et malgré cela il nous fallait la
garder; j’ai passé avec elle les plus mauvais mois de mon existence. »
Nous aurions voulu avoir des explications plus détaillées ; mais déjà
la Sœur se mordait la langue d’en avoir trop dit et malgré nos instances,
elle ne voulut plus ouvrir la bouche à ce sujet.
L’Avenir de Lourdes. — Depuis longtemps la petite Bernadette est
morte, sans peut-être s’être doutée du rôle considérable que son hysté¬
rie a jouée dans l’évolution religieuse du xix® siècle : Ses hallucinations,
ses auras, ses extases après avoir été pris par la foule ignorante et
obtuse pour des faits miraculeux ont été exploités par des gens qui ont
su faire admettre ces symptômes maladifs comme des manifestations
divines. Mais bâti sur de telles bases, le nouveau culte ne peut tenir
longtemps debout et l’échafaudage de Lourdes est destiné à s’effondrer
bientôt comme un château de cartes sur lequel a passé le souffle d’un
enfant.
PHYSIO-PSYCIlOL OCilE D ES RELIGIEUSES
Les religieuses de Port-Royal.
(Neuvième série de 5 observations).
Par le D** Binet-Sanglé,
Professeur à l’Ecole de psychologie.
{suite) (»)
Observations IV et V
Marie-Madeleine et Marie-Aimée CHOART de BUZENVAL
I. — Etude Généalogique
Hérédité, — Marie^Madeleine et Marie^Aimée Choart de Buzenval
descendaient de Robert Choart de Buzenval^ vivant en 1536, mort le
compris celle de Lourdes, de réservoirs souterrains distants de plusieurs kilomètres
de leur point d’émergence. Ceci établi, pourrait-on nous dire à quel endroit précis
l’eau devient miraculeusement curative? en deçà du robinet ou au delà? (Note de
l’auteur.)
(1) Voir Revue de VHypnotisme^ numéro d’octobre 1905.
PHYSIO-PSYGHOLOGIE DBS RELIGIEUSES 147
24 mars 1564, enterré, suivant sa volonté, dans l’église St-Eustache de
Paris, et qui eut un garçon, Eustache.
Celui-ci fit hommage, le 9 août 1577, au chapitre de St-Etienne de
Meaux de son fief de Magny-Saint-Loup, et mourut en 1608. Il eut trois
garçons.
L’un d’eux, Théodore^ un dévot, mort à 39 ans, le 22 avril 1616,
et enterré dans l’église de Ruel près Paris, épousa, le 21 avril 1608,
Madeleine Potier,
Potier. Madeleine Potier, descendait de Nicolas Potier II, vivant en 1499 et
1501, lequel eut une fille et trois garçons : Nicolas, mort le 11 no¬
vembre 1501, Denys, mort le 16 novembre 1502, enterrés l’un et l'autre
dans la chapelle de leur famille en l’église des Saints-Innocents de
Paris, et Jacques,
Celui-ci, marié en 1523, mort le 9 mars 1555, et enterré, ainsi que sa
femme Françoise Cüeillette, morte le 20 avril 1567, auprès de ses frères,
eut cinq garçons et dix filles parmi lesquels : Nicolas, Denys, Guillaume,
Anne et Guillemette morts jeunes, Madeleine, morte eh 1603, mariée et
sans enfants, enterrée devant le sanctuaire de l’église des Célestins de
Paris, Françoise, abbesse de Long-champ-lès Paris, morte en mai 1615,
après avoir abdiqué, Françoise, abbesse de Fontaines-les-Nonains,
Jeanne et Renée, religieuses, et Nicolas III,
Nicolas Potier III mourut le P'juin 1635, à 94 ans, encore plein de
force d’esprit. Il fit annuler le legs qu’avait fait son fils René, évêque
de Beauvais, d’un fonds destiné à l'établissement d’une compagnie de
prêtres de l’Oratoire, et fut inhumé dans la chapelle familiale.
Nicolas Potier III épousa Isabeau BailleL
Biillct. Isabeau Baillet descendaitde Pierre Baillet, \equel, de Marie de Vitry,
nièce de la dévote Michelle de Vitry (^), eut Jean Baillet II,
Jean Baillet II, vivant en 1436, mort après 1477, eut trois garçons et
neuf filles, parmi lesquels : René, mort sans alliance, enterré dans
l’église d’Auxerre, Jean Baillet III, évêque d’Auxerre en 1477, mort en
1513 et enterré dans son église, Anne, abbesse de Saint-Antoine-des-
champs-lès-Paris, Marie, prieure de Poissy, Catherine, religieuse à
Varainville et Thibault.
Thibault Baillet, dit le Bon, mort à 80 ans, le 19 novembre 1526
épousa Jeanne d'Aunoy.
i’Auwy. Jeanne d'Aunoy descendait de Jean d'Aunoy.
Celui-ci eut deux garçons : Philippe, auquel sa mauvaise conduite
attira une fin tragique en 1314, et Gauthier.
Gauthier d'Aunoy reconnut en 1301 quesafemmeavaitléguéunerente
en grains à l'abbaye de 8t-Antoine-lès-Paris sur la dime d’Âunoy et de
Savigny. En 1313, le seigneur de Montmorency amortit, pour lui per¬
mettre de fonder une chapelle, une rente de seize livres parisis sur les
(1) Voir D' Binet-Sanolé : Les hiérosyncrotèmcs familiaux in Revue de VHypno¬
tisme, mars 1903.
148
RBVÜB DK l’hypnotisme
fiefs qu’il tenaitdelui.il eut deux garçons : Gauthier, qui ratifia en 1301
le legs que sa mère avait fait à l’abbaye de St-Antoine, et en 1311 une
autre donation faite au même monastère; et Philippe,
Philippe d'Aunoy ratifia également le legs de sa mère. Il épousa
Agnès de Montmorency.
MoDüioieiiey. Agnès de Montmorency descendait de Mathieu de Montmorency II
qui épousa en 1196 Gertrude de Nesle.
deNaile. Gertrude de Nesle descendait de Drogon de Nesle, qui alla en Terre-
Sainte en 1097, et engendra Raoul de Nesle.
Celui-ci donna en 1119 son moulin de Falvy-sur-Somme à l’église de
St-Quentin. Il épousa Raintrude, fille de Guillaume d’Eu P), et en eut
quatre garçons : Yves III, homme prudent et fidèle qui, en 1146, étant
sur le point de faire le voyage de Terre-Sainte, donna, du consentement
de ses frères, à l’abbaye de Sl-Crespin-le-Grand de Soissons, la cha¬
pelle de Beaulieu avec les dîmes d’Estrées et tout ce qu’il avait au dio¬
cèse de Noyon, abandonna aussi en 1160 aux religieux de St-Yved le
droit de vinage qu'il prenait sur leurs terres, confirma en 1161 la fon¬
dation de l’abbaye de St-Léger, et en 1161 les dotations faites à l’abbaye
dç Longpont, accorda à cette même abbaye plusieurs privilèges et
exemptions, et mourut en 1177, fort âgé, et sans enfants, bien qu’ayant
été deux fois marié. Drogon, mort aussi sans postérité ; Thierri, archi¬
diacre de l’église de Gambray, chanoine et trésorier de l’église de
Noyon, et Raoul II.
Raoul de Nesle II, qui vivait en 1135 et 1153, et fut présent à la dotation
faite par son frère Yves III à l’abbaye de St-Crespin de Soissons, eut de
Gertrude, nièce de Thierri d'Alsace, trois garçons, dont: Conon, vivant
en 1157, qui confirma la fondation de l’abbaye de St-Léger, fit des dona¬
tions la même année et la suivante à celle d’Orcamp, en présence de ses
frères, confirma en 1168, 1178 et 1180 à celle de Longpont les donations
qui y avaient été faites, rendit en 1178 à l’église de Soissons et à l’abbaye
de Vaucelles en Oambraisis quelques héritages qu’il détenait injuste¬
ment, paraît-il, accorda è cette dernière abbaye des privilèges et des
franchises, et mourut en 1181 ou 1182, sans enfants, bien que marié ;
Jean, vivant en 1177, mort en 1214, enterré dans Tabbaye d’Orcamp, et
Raoul III.
Raoul de Nesle III, dit le Bon, vivant en 1181, alla en Terre-Sainte en
1190, fit des libéralités aux abbayes de sa province, particulièrement à
celles de St-Crespin-le-Grand, de St-Léger, de St-Yved en 1182, 1184
et 1225, de St-Crespin-en-Chaye en 1190 et 1214, de Prémontré en 1190
et 1217, et surtout à celle de Longpont, à la dédicace de laquelle il assista
en 1227, mourut fort âgé, le 4 janvier 1236, et fut enterré à l’entrée du
chapitre de l’abbaye de Longpont. Il épousa Alix, fille de Robert de
(1) Voir Dr Binet-Sanglé : L'ascendance de cinq religieuses de Port-Royal. —
Revue de Vhypnotisme, nov. 1903, p. 137.
(2) Ibid., oct. 1903, p. 108.
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
i49
France-Dreux laquelle fit aussi du bien à Tabbaye de Orespin-en-
Chaye en 1190, et mourut en avril 1210. Il en eut trois filles, dont Com¬
tesse, qui, en 1190, consentit avec sa mère à une donation que son père
fit à Tabbaye de Longpont, et Gertrude, mariée en 1196, morte le 26 sep¬
tembre 1230.
iolaoreiey Mathieu de Montmorency II et Gertrude de Nesle eurent trois gar¬
çons, dont Mathieu qui confirma en avril 1238 les donations que Mathieu
de Montmorency I avait faites aux Prémontrés, en fit lui-même plusieurs
aux religieux d’Erloy près Choisy en 1246 et 1248, et mourut en 1250,
marié et sans enfants, et Bouchard VL
Celui-ci confirma en janvier 1226 aux religieux d'Erloy les dîmes
qu’ils tenaient de son fief d’Attichy, approuva par lettres de 1231 et 1233
les legs que son père avait faits aux églises du Mesnel, du Bois-St-Père
et de Notre-Dame-du-Val, donna à cette dernière douze livres parisis de
rente sur la prévôté de Montmorency, concéda à celle de St-Denis tout
ce que son père avait acheté de Pierre d’Espineul, autorisa une donation
faite au prieur de Notre-Dame de Doomont, fut en 1235 l’un des grands
qui écrivirent au pape Ugolino de Conti (Grégoire IX), contre la juri¬
diction des prélats de France, donna à l’hôpital de Montmorency deux
muids de blé par an sur le moulin Espaillart et cinq muids de vin pris
en ses pressoirs de Montmorency pour entretenir un chapelain à perpé¬
tuité, aux chapelains de Merville deux muids de blé sur le même moulin
et cinq muids de vin des pressoirs de Sencourt, aux religieuses de St-
Antoine-des-Champs de Paris dix muids de vin des pressoirs de Mont¬
morency, aux religieuses de Hautes-Bruyères dix muids de vin, à l’é¬
glise du Bois St-Père un muid de blé de rente sur le moulin Espaillart,
et aux Bons-Hommes de la Coudraye un muid. Il fit aussi des libéralités
aux couvents des Jacobins, des Cordeliers, et aux religieuses de Jouy-
près-Recombes. En avril 1239, il confirma à l’église de St-Victor-de-Maf-
flers cent sols de rente que Mathieu de Montmorency I y avait donnés, et
en 1241 autorisa un don à la chapelle de Bezons. Il mourut le !«*■ jan¬
vier 1243, et fut enterré au prieuré de Mesnel. Il épousa Isabeau de
Laval, fille de Guy de Laval V et d'Havoise de Craon.
de Crioi Havoise de Craon descendait de Renaud de Nevers /, qui épousa, par
traité de 1015, AdèZe, fille de Robert de France II dit le Pieux ( 2 ), laquelle
vivant en 1063, fonda, étant veuve, les monastères de Crisenon et de la
Ferté-sur-Isseire, et fut enterrée dans l’église de Saint-Germain d’Au¬
xerre. Il en eut quatre garçons dont : Guillaume I, qui fut présent en 1045
à une donation faite à l’abbaye de Saint-Germain, commença à rebâtir
en 1083 le monastère de Saint-Etienne de Nevers, donna, le 25 juin 1085,
aux religieuses de la Charité-sur-Loire l’abbaye de Saint-Victor de
Nevers, soumit en 1097 le monastère de Saint-Etienne à Hugues, abbé
de Cluny, et mourut en 1100 ; Guy, religieux de la Chaise-Dieu en
Auvergne, et Robert de Nevers-Craon.
(1) V. D' Binet-Saxglb, in Archives d'anthropologie criminelle, 15 septembre 1002,
p. 537.
(2) D' Binet-Sanglé, ïa Archives d'anthropologie criminelle, 15 sept. 1902, p. 531.
150
REVUE DE l'hypnotisme
Oelui-ci donna, du consentement de sa femme Avoise de Sablé, à Tab-
baye de Marmoutier les églises de Saint-Malo, Sablé, Notre-Dame et
Saint-Martin, et lit en 1097 le voyage de Terre-Sainte, où il mourut vers
1098. Il eut quatre garçons et une fille, dont Geo/froy, mort jeune et sans
alliance, Robert, qui fit le voyage de Terre-Sainte, où il mourut vers
1110, et Renaud.
Renaud de Craon fonda Tabbaye de la Roë près Craon en 1096, et eût
d'Ennoyuen, fille de Robert de Vitré, fondateur du prieuré de Sainte-
Croix de cette ville, trois garçons et une fille, dont Robert, qui partit
pour la Terre-Sainte à la suite d’un chagrin d’amour, prit l ’habit de
templier et fut second maître de l’ordre de 1136 à 1149, Henry, qui con¬
sentit à la fondation de l’abbaye de la Roë, et Maurice I.
Celui ci, marié en llOü, vivant en 1105, eut un différend avec Geof¬
froy, abbé de Vendôme, son parent, touchant le prieuré de Saint-Clé¬
ment de Craon. Il eut un garçon, Hugues.
Hugues eut de sa deuxième femme quatre garçons et une fille, dont
Foulques, mort sans parenté et enterré dans l’abbaye de Segré, Guy,
qui fit le voyage de Terre-Sainte en 1192, Robert, chanoine d’Angers
en 1190, et Maurice IL
Maurice II fonda en 1196 le prieuré de la Ilaye-aux-bons-hommes, et
mourut le 10 août 1215. Il épousa Isabeau de Beaumont. •
BeauEoiit Isabeau de Beaumont descendait de Roger de Beaumont.
Celui-ci, vivant en lo82, se fit moine sur la fin de ses jours à l’abbaye
de Saint-Pierre-de-Préaux, où il fut enterré. Il épousa Adeline de MeuL
lent.
Heallent Adeline de Meullent descendait de Robert de Montfort-Meullent qui
épousa Adèle de Vexin.
de Vexin Adèle de Vexin descendait de Gautier de Vexin I, vivant en 965 et
995, qui, en présence de ses fils Gautier et Raoul, restitua à l’abbaye
de Saint-Crespin de Soissons certaines terres sises en Valois. Il eut
quatre garçons, dont Guy, évêque de Soissons, vivant en 972, mort en
995, et Gautier IL
Gautier II fonda à Crespy le monastère de Saint-Arnoul en 1008. Il
eut quatre garçons et une fille, dont Dreux, mort au cours d’un voyage
en Terre-Sainte en 1035 ; Fougues, évêque d'Amiens en 997, qui sous¬
crivit à des donations en 996, 1023 et 1024, obtint du roi en 1057 divers
avantages en faveur de son église, fit quelques entreprises sur Injustice
des religieux de Corbie, mais, en ayant été repris par l’archevè^jue de
Reims, répara ses torts ; Guy, vivant en 1059, chanoine puis évêque
d’Amiens, qui souscrivit à la fondation du prieuré de Saint-Martin-des-
Champs, donna la même année de grands privilèges à l’église Saint-
Martin de Péquigny, attaqua Pouques, abbé de Corbie, sur les immu¬
nités de ce monastère et l’excommunia, puis se désista de son entre¬
prise, fit du bien à l'abbaye de Saint-Marlin-aux-Gémeaux, où il établit
des chanoines réguliers, en établit également dans sa cathédrale pour
la fondation de son obit annuel, et mourut en 1076 ; et Adèle de Vexin*
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
151
NêBlIeul Robert de Montfort-Meullent et Adèle de Vexin engendrèrent Valeran
de Meullent.
Celui-ci fonda à Meullent le prieuré de Saint-Nicaise, et fit une dona¬
tion au monastère de 8aint-Léger-de-Préaux. Il fut père de Hugues,
religieux à Tabbaye du Bec, et d'Adeline de Meullent.
iî Beiaaoit Roger de Beaumont et Adeline de Meullent eurent trois garçons et
une fille, dont Albrede^ religieuse au monastère de Saint-Léger-de-
Préaux, puis abbesse d’Etonne en Angleterre, Guillaume^ abbé du Bec,
et Robert de Beaumont IL
Robert de Beaumont IL vivant en llOÜ, s’intitulait « par la grâce de
Dieu ». Saint Anselme, archevêque de Cantorbéry, et le pape Ranieri
(Pascal IIJ lui écrivirent, le premier en 1094, le second en 1117, pour le
prier d'inspirer à Henry, roi d’Angleterre, dont il était le favori, cer¬
taines choses qu’ils désiraient de lui. Il mourut le 5 juin 1118, et fut
enterré au chapitre de l’abbaye de Saint-^Pierre-de-Préaux près de son
père. Il épousa Elisabeth de France.
de FriBce Elisabeth de France descendait de Henri de France I (^ ), qui d’.4nne
de Russie eut entre autres enfants : Hugues de France.
Celui-ci assista à la dédicace de l’église Saint-Martin-des-Champs à
Paris en 1067, fit le voyage de Terre-Sainte en 1096, fut chef de l’ambas¬
sade des princes chrétiens près de l’empereur de Constantinople, retourna
en Terre-Sainte en 1101, y mourut de blessures le 18 octobre 1101, et
fut enterré dans l’église St-Paul de Tarse. Il épousa Adèle de Verman-
dois.
Adèle de Vermandois descendait de Karl le Grand (Charlemagne) (-),
qui de Hildegarde eut, entre autres enfants, Pippin (Pépin).
Pippin, né en 777, sacré à Rome roi d’Italie le 15 avril 781, mort le
8 juillet 810, à 33 ans, enterré dans l’église de St-Zenon de Vérone, eut
un garçon et cinq filles, dont Adelheïd^ enterrée dans Tabbaye de Saint-
Arnoul de Metz, et Bernard.
Bernard fut couronné roi dltalie par l’archevêque Milan en 810 à
douze ou treize ans, mourut le 17 avril 818 à la suite du supplice de
l’aveuglement, et fut enterré dans l’église de St-Ambroise de Milan.
Son fils Pippin II de Vermandois^ qui était jeune lors de sa mort,
eut trois garçons, dont Bernard^ mort sans lignée, et Herbert I.
Herbert de Vermandois I, tué en 902, eut deux garçons, dont Her¬
bert IL
Celui-ci, vivant en 923, mort en 943, eut cinq garçons et deux filles,
parmi lesquels : Herbert IIL mort fort âgé le 28 décembre 993 et enterré
dans l’abbaye de Lagny qu’il avait fait rebâtir; Robert, mort en 958, qui
chassa de Troyes l’évéque Ansegèsil ; Hugues, fait archevêque de Reims
à moins de cinq ans en 025, sacré en 941, et chassé par un synode comme
intrus en 948; Alix, mariée en 934, morte le 10 octobre 960 et enterrée
(1) Voir D'Binet-Sanglé, in Archives d*anthropologie criminelle, 15 sept. 1902, p. 533.
(2) Voir Archives danthropologie criminelle, 15 septembre 1002,
p. 539.
152
REVUE DE l’hTPMOTISHE
dans l’abbaye de St-Pierre de Gand ; Leutgarde, vivante en 978, enterrée
dans l’abbaye de Maremoutier ; et Albert de Verma.ndois I.
Albert de Vermandois I, mort fort âgé en 988, eut quatre garçons et
une fille parmi lesquels : Eudo, mort sans postérité, Luidiilfe, évêque
de Noyon, mort avant 986, Guy, qui fit un voyage à Rome avec Adal-
beron, archevêque de Reims, et laissa à l’église de Soissons un bien
considérable qui lui appartenait, à St-Georges près Roye, et Herbert de
VermandoisIV.
Celui-ci fit plusieurs donations aux églises de Vermandois et de St-
Quentin, et eut deux garçons : Albert II, qui fonda l’abbaye de Bucilly,
et mourut sans postérité quoique marié, et Otto.
Otto de Vermandois, vivant en 1043, eut trois garçons, dont Eudo, qui
souscrivit deux chartes pour l’abbaye d’Homl^Iières en 1075, et Herbert V.
Herbert de Vermandois V, vivant en 1059 et 1076, eut un garçon et
une fille : Eudo dit l’Insensé, qui fut déshérité vers 1077 par le conseil
des barons de France pour sa faiblesse d’esprit, et vivait encore en 1085,
et Adèle de Vermandois, qui en 1077 épousa Hugues de France, et
vivait encore en 1118.
Hugues de France et Adèle de Vermandois eurent trois garçons et
quatre filles, parmi lesquels : Simon, élu évêque de Noyon et de Tour¬
nai en 1121, qui fonda l’abbaye d’Orcamp près Noyon en 1129, fut excom¬
munié en 1142 pour avoir autorisé la dissolution du mariage de son frère
Raoul, mourut en revenant de Terre-Sainte le 10 février 1148, et fut en¬
terré dans l’abbaye d’Orcamp, et Elisabeth de France, femme de Robert
de Beaumont II.
4e Beiinoit Robert de Beaumont II et Elisabeth de France eurent quatre garçons
et sept filles, dont Valeran de Beaumont.
Celui-ci, vivant en 1122, se croisa en 1145 pour le voyage de Terre-
Sainte. Il accorda des chartes à diverses églises, en particulier à l'ab¬
baye de N.-D.-du-Vœu au diocèse de Rouen, qu’il avait fondée en 1157
pour l’accomplissement d’un vœu fait dans un naufrage en revenant de
Terre-Sainte. Il fit aussi de grands biens au prieuré de St-Nicaise à
Meullent, se fit moine sur la fin de ses jours à Préaux, et y mourut le
6 avril 1163. Il épousa Aynès de Monfort, qui est comprise dans l’ascen¬
dance d’une autre religieuse de Port-Royal, et en eut six garçons et trois
filles, parmi lesquels : Robert III, vivant en 1163 et 1199, qui fit beau¬
coup de bien à divers monastères ; Amaury, qui fonda en 1235 l’abbaye
de Fontaine-Guérard au diocèse de Rouen pour des religieuses, Roger,
qui approuva en 1197 des donations faites à l’abbaye de St-Maur-les-
Fossés, Valeran, vivant en 1163, qui se trouva en 1178 à la dédicace de
l’église de Notre-Dame-du-Bec, Hugues, qui fit les donations à l’abbaye
de Ressens, et Isabeau.
de Crioi Maurice de Craon II et Isabeau de Beaumont eurent trois garçons et
deux filles, dont Maurice III, mort sans postérité avant 1224, enterré
dans la chapelle de St-Jacques de l’abbaye de la Roë, Amauri I, vivant
en 1211, mort le 12 mai 1226 au moment de partir en guerre contre les
SOCIÉTÉ d’hTPNOLOGIE BT DE PSTCHOLOOIB
153
Albigeois, Constance, qui donna à l’abbaye de la Roë, pour le repos de
l’âme de sa mère et son frère Maurice, une rente sur le péage de Loire
à Chantocé, et Hanoise, qui fonda en 1224 le prieuré de 8te-Catherine, et
fut mère d’Isabeau de Laval.
■oNicy Bouchard de Montmorency VI et Isabeau de Laval eurent trois gar¬
çons et deux filles, dont Alix, vivante en 1260, morte fort âgée et sans
alliance en 1301, enterrée dans l’église de l’abbaye du Mesnel, Havoise,
qui fonda une chapelle dans l’abbaye d’Hermières, où elle élut sa sépul¬
ture, Thibaud, ecclésiastique, vivant en 1260 et 1267, et Mathieu III.
Mathieu III de Montmorency eut en 1260 un différend avec l’abbé
de St-Denis, donna en juin 1263 à l’abbaye du Val le moulin d’Albert
avec l’étang, les prés et trente-deux arpents de terre, échangea avec ce
monastère en 1264 le bois de Beauchamp contre des revenus que ses
prédécesseurs y avaient donnés, se croisa en 1269, et mourut devant
Tunis en 1270. De Jeanne, fille d'Erard de Brienne et de Philippe de
Champagne ('), il eut six garçons et deux filles, dont Robert de Montmo-
rency, religieux puis sous-prieur de l’abbaye de St-Denis, Guillaume,
chevalier de Temple, Catherine, vivante en 1282, morte le 15 avril 1327,
enterrée dans l’abbaye de Lannoy en Picardie, Mathieu IV, vivant
en 1282. mort fin 130'i ou 1305, et enterre dans 1 église du prieuré de Ste-
Ilonorinedc Conflans; et Erard de Monhnorencii-Beauseault.
{h suivre).
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance annuelle du mardi 20 Juin
{suite)
Suggestion pendant le sommeil naturel
par M. le D** Alexandre S. Hambotis (de Gorfou).
Bien que je ne sois pas hypnotiseur de profession, mais simplement
un médecin s'adonnant, dans ses moments de loisir, à Thypnotisme,
comme moyen pédagogique et thérapeutique, je vous rapporte deux cas
de suggestion appliquée avec succès pendant le sommeil naturel.
Dans la séance du 18 octobre 1904, tenue par la Société d'Hypnologie
et de Psychologie, il a été question du facteur eflicace en hypnothérapie.
Diverses théories furent exposées à ce propos, et M. le D** Bérillon
soutint que a Tétât hypnotique prolongé suffisait, souvent à lui seul, à
guérir sans le besoin de la suggestion ». J*ai eu moi-même Toccasion
de constater, dans ma pratique, que la suggestion ne réussit que
rarement sans un état profond d’hypnose, et que Tétat hypnotique
prolongé parvient, quelque léger qu’il soit, à produire, le plus souvent,
des résultats thérapeutiques satisfaisants ; j’en donne pour preuve, les
(1) Voir D** Binet-Sanglé, in Archives d*anthropologie criminelle^ 15 septembre 1902,
p. 544.
154
REVUE DE l'hypnotique
guérisons des magnétiseurs au temps où Ton ne connaissait pas la
suggestion. Toutefois, l'action de l'hypnose légère exige un traitement
très long et très difficile à suivre.
Revenant à la question de la suggestion appliquée pendant le sommeil
naturel, je passe à la description de deux cas, dont l'un intéresse la
pédagogie et l'autre la thérapeutique.
1^ Le fils de M. C..., professeur de belles-lettres, âgé de 5 ans, bien
portant, a contracté la mauvaise habitude de tenir, presque toujours^ la
main dans sa bouche ce qui lui donne un aspect hébété. Tous les efforts
que font les parents pour lui faire perdre cette habitude sont vains. Un
médecin conseille de lui enduire les doigts avec des drogues amères
pour lui faire éprouver du dégoût ; mais tout est inutile. A la fin le père,
désespéré, vient me demander mon avis. Je lui conseille l'hypnotisme ;
mais le père s'y refuse, prétendant que l'hypnotisme est dangereux chez
un si jeune enfant. Je lui conseille alors d’essayer lui-même la suggestion
pendant le sommeil naturel. La première et la deuxième suggestion ne
réussissent pas ; mais à la troisième, l’enfant, sans s’éveiller, retire
brusquement les doigts de la bouche. Puis le matin, dès qu'il est éveillé,
l’enfant court vers son père et lui dit : « Papa je ne mettrai plus la main
dans ma bouche ». A partir de ce jour, il est complètement délivré de
sa mauvaise habitude.
2® Le fils d’un de mes amis, âgé de vingt-deux ans, né de parents très
bien portants, est affecté, sans cause plausible, de mélancolie, avec
l’idée fixe d’étre atteint d'une maladie incurable et de pressentir sa mort
prochaine. On imagine le désespoir de la famille. Le médecin traitant
n’est pas d’avis d’appliquer l’hypnotisme ; je conseille également au père
la suggestion pendant le sommeil naturel. Après quelques suggestions,
le jeune homme revient à la santé. Je ne saurais toutefois vous dire si
la guérison s’est maintenue, car la famille a quitté Corfou depuis près
d’un an et, je n’en ai plus eu de nouvelles.
Comme deux cas isolés ne peuvent pas établir une règle stable, il
serait bon que la Société d'Hypnologie et de Psychologie procédât
méthodiquement à des expériences ultérieures dont les résultats, s’ils
étaient favorables résoudraient une des plus grandes difficultés qui se
présentent dans l’application de l’hypnotisme aux sujets qui se montrent
plus ou moins réfractaires.
Discussion
Paul Parez. — Je me bornerai à rappeler à M. Rambotis les
travaux, nombreux et convaincants, présentés ici même sur ce sujet. Je
rappelle que j’ai proposé de dénommer la suggestion pendant le sommeil
naturel, suggestion somnique^ pour la différencier de la suggession
pendant le sommeil provoqué, ou suggestion hypnotique. Je ne reviens
pas sur la justification psychologique et clinique de ce procédé, non plus
que sur la technique ; je prends la liberté de renvoyer sur ce point
aux volumes de la Revue de VHypnotisme de ces quelques dernières
années. En outre de mes cas personnels, je rappelle ceux qu’ont
sociÉTé d’hypnolooib et de psychologie
155
rapportés par la suite, nos collègues Bourdon (de Méru), Pau de Saint-
Martin (de Paris), Manfroni (de Ooni, Italie), Podiapolsky et Wiazemsky
(de Saratow, Russie). Il est définitivement établi que le sommeil naturel
constitue une hypotaxie très favorable à la suggestion, tout comme le
sommeil hypnotique ou les diverses narcoses chimiquement obtenues.
En outre de sa simplicité et de sa commodité, la suggestion somnique
effarouche moins les parents pusillanimes. Chez des malades au
sommeil généralement léger, tels que les neurasthéniques ou les alié¬
nés, cette suggestion doit se faire discrète, douce, insinuante et se
préoccuper de ne point réveiller le dormeur. Chez d'autres au con¬
traire, tels que les incontinents d'urine, le sommeil est très profond; la
suggestion n’impressionnera le dormeur que si elle est intense, impéra¬
tive, violente même, au point de provoquer un demi-réveil. Ainsi, dans
le premier cas rapporté par le D*" Rarabotis, deux séances successives
sont vaines ; à la troisième séance l’enfant retire la main de sa bouche,
au moment même où on lui fait la suggestion ; n’est-ce pas que, selon
toute vraissemblance, la suggestion a, cette fois, impressionné un dor¬
meur à demi conscient; rappelez-vous, en effet, que le souvenir en
est resté nettement gravé au réveil. J’ajouterai que la suggestion,
sous quelque forme que ce soit, est toujours une arme à deux tranchants.
Si quelques rares parents sont, par exception, capables de l’appliquer
sans inconvénient ou même avec efficacité, le plus grand nombre le feront
d'une manière inconsidérée, maladroite ou môme dangereuse. Aussi, la
suggession somnique doit-elle, comme les autres, rester le monopole du
médecin psychologue, rompu à toutes les finesses de cet art ; à cette
condition seulement elle sera toujours bienfaisante et inoffensive.
D** Bérillon. — La possibilité de réaliser des suggestions faites pen¬
dant le sommeil naturel a été indiquée par le magnétiseur Hansen.
Etant au collège, il s’amusait, pendant la nuit, à faire à ses camarades
des suggestions que quelques-uns exécutaient le lendemain d’une façon
automatique. C’est de là que lui est venue sa vocation d’hypnotiseur.
PSYCHOLOGIE DES ANORMAUX
Dominique Castagna, l’homme-momie
Il y a quelques années, nous avons eu l’occasion d’observer, au point
de vue psychologique, un personnage assez singulier quis’exhibaitdans
les foires sous le nom d’homme-momie. Ce sujet, dont nous donnons ici
deux photographies, fut étudié au point de vue organique par plusieurs
de nos confrères. Le D** Platon, de Marseille, lui avait consacré un article
dans le Marseille médical. 11 le considérait comme une victime de la
syphilis héréditaire. Un peu plus tard l’homme-momie servit de prétexte
à une intéressante leçon du professeur Grasset à l’hôpital Saint-Eloi, de
Montpellier. Pour M. Grasset, il s’agissait d’une sclérodermie congénU
taie généralisée^ portant sur la peau, le tissu cellulaire, les muscles,
156 BEVUE DE Xi'HVTNOTlSME
le» tefrjionSv Ib» -ge^ ÜéS: «pinions a^alogu^^
aVâferit: été lerEivul PHir ji tiàrdnet, ép vVrtgfejtéïî;:^
VjrVljoV fît Raîsike^, en AUemajgrnjê'.. . , . ,
! t>otW«îîqüe tîaétà^ 1869j ftüsenA^îrons de Mjïéon
j[Sèénév8tÆoii'8)v II
grands et ÎOTlSv podï-la pidpârt fîiÿriés et ayant dé» infants ;
^''Bnu au inonde â t^r rnuy nourri par sa nière^l'eiifant mar'çhaït a 1 i)mùiâ,
pariait ispiT feourei, mai» né posfiédâîl »jue quatre dents à H mûis- A
lü ans, la dj'Btfophîe parut plus nianireKtç fWÇ^^^ gae ie déré/bppôînéù/
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Byaiiùniifi».et?:à!fei;aî35au
gé/itVa^«e/pisa:^tm/^/; ionteràùntv mals progpeseivement, elle alla s'aceen-
iuatit jusqu’à 12; ans; dapdia pette épûguê rsiâi àst resté ootnplètemént.
stalionnalré -il est le! 4 ~8’®ps qu’iléinlt A12:, Onst donc.; A.l’ûge habituel
du sevrage que riipnimer'iiàoiaïe aupàlt èprQÙvéiéfi.pi'ciniets iroublps dé
nutr,i,tidrt ;,t|ül; ;pa'C Uetarntîné l'atroph/i*
mn.sivUfdtV'àprogréssiil^ il«; ddUKé; anà à sott . extremn .
lünUe.i : 0‘cel Va lenlRi^ cette alrdp^},it,q^;,i;aî;à penai’S dép : 1
dunodyellçô condiüoDs d'exislénee çt'^âÿ'àui^»yrë ;it;,snttd a Les .. ; ,
trdublea 'tropbUfUes s’étaiept d■sVlîla»p^s/iett,nt,6ndp aux’ liivefs 8j\Stétnes de
la vipslé rejalidii;^^ des orexaiie^il tS9eMiié|y de la nulritidn n'ïtvdifc
été altcint- _ / •' ;LKv’;ÿ‘j '
,.» ;ôurla fuce, dit te P est appliquée coiitt'e leç ps ; ,
rabscncc de mdscJée est à jred’p pom'plelè ^ l’ensemble pst conintt'
fige; xatâtiné^ d'àspéci jptcatnci^^^ boucli», ESt iiumobiic; rélréniç,,
DOMINIQUE CASTAGNA, l’HOMME-MOMIB
157
entr’ouverte, comme taillée dans un morceau de cuir suivant Texpression
de Charcot; les lèvres^ très amincies, sont trop petites pour recouvrir les
dents, ne peuvent être appointées pour siffler. Les oreilles, enraidies,
indurées, ne sont pour ainsi dire pas lobulées. Le nez, déprimé à la
base, très effilé à la pointe, présente à sa partie moyenne une saillie
surtout marquée du côté droit ; les ailes sont réduites au minimum, ne
jouissent d'aucun mouvement. Les paupières, très grêles, repliées en
dedans^ trop courtes, n’arrivent pas à recouvrir naturellement les globes
oculaires, qui présentent de ce fait un aspect exorbitant ; cet exorbi-
tisme apparent, joint à l’ectropion et de plus à une kérato-conjonctivite
très forte, donne à cette physionomie si laide par tous les côtés un air
horrible. Sur les joues décharnées, sur le menton froncé, il y a quelques
poils follets, mais pas de barbe, tandis que les cheveux sont abondants
et normaux, convenablement implantés sur un front plutôt court et
perpendiculaire. Enfin les os de la face sont très notablement atrophiés
et déterminent un certain degré de prognathisme. »
Les dents sont très mal plantées, surtout en avant ; on en compte 29,
14 en haut, 15 en bas, de forme à peu près normale, à l’exception de la
première incisive supérieure droite qui est érodée en coup d’ongle à son
bord libre et pourrait faire penser au type d’Hutchinson,
La langue est peu mobile, retenue en arrière, sans que sa consistance
soit sensiblement modifiée. La voûte palatine est profonde, le voile
surabaissé, la luette rudimentaire, représentée par un simple bourgeon.
Au fond de la gorge, on voit une saillie osseuse qui correspond à un
corps vertébral.
Le crâne est relativement volumineux, dolicocéphalique ; il présente
quelques bosselures, une saillie notable au niveau de l’apophyse mas-
toîde droite, une véritable exostose au niveau de l’apophyse gauche.
De plus, les fontanelles paraissent mal ossifiés.
Les membres supérieurs sont dans leur totalité extrêmement réduits
En même temps que l’atrophie générale, existent des rétractions fibro-
neuses, comme dans les myopathies, bridant les mouvements articulaires
entravant surtout l’extension. »
Mais ce qu’il y avait de plus intéressant à constater chez l’homme-
momie, c’est Tintégrité complète du système nerveux ;
<( Dans cette abominable maison, comme le disait récemment dans
l’Eciair, M. Georges Montorgueil, par une ironie étrange de la destinée,
un être humain, comme tous les êtres ; un cœur qui bat en place régu¬
lièrement, des poumons qui respirent la santé. Le cerveau est net,
l’intelligence alerte. Ce dégénéré cause avec à propos et gaieté, il rai¬
sonne des problèmes, fait étalage de connaissances assez étendues. »
C’est en effet le fait surprenant qu’il nous avait été donné de constater
nous-mêmes. Non seulement Dominique Castagna était doué d’une réelle
intelligence, mais il faisait preuve d’une puissance de volonté réellement
supérieure à la moyenne. Il avait obtenu le certificat d’études primaires,
puis le certificat de grammaire. Il parlait l’anglais, l’italien et le français.
158
RETUB DE l’hypnotisme
mais il Texprimait d’une voix si rauque qu’il fallait quelque attention
pour bien l’entendre. Il était de plus bon calculateur.
Il se montrait dans ses propos, homme d'un jugement sain et savait
supporter son sort avec une philosophie pleine de sérénité. Son exis¬
tence était cependant des plus misérables. En échange d’un salaire de
famine, il était tenu d’exhiber à tout venant les défectuosités de son
anatomie. Certains jours, quand il y avait affluence de curieux, il
passait la plus grande partie de son temps complètement nu. A cet
exercice il s’était progressivement aguerri contre les intempéries et au
fort de l’hiver, il ne paraissait pas trop souffrir du froid.
Il supportait cette misère affreuse, aggravée par les quolibets des sots
qui venaient le contempler, avec une extrême vaillance. D’ailleurs il ne
négligeait aucune occasion de fortifier son esprit par de bonnes lectures
et s’appliquait à compléter son instruction.
Son plus grand désir eût été d’être utile à quelque chose et il souhaitait
que la médecine pût tirer quelque profit de son observation.
Récemment, il était exhibé à la foire de Liège. Mais un soir^ las d’ôtre
exploité par un impressario trop exigeant, il s’est donné volontairement
la mort. Avant de se tuer^ dans une sorte de testament, il a exposé les
mobiles de son suicide, exprimant son dégoût des lâchetés et des infamies
du monde dont il se plaignait d’avoir été une des plus douloureuses vic¬
times. Conséquent avec des idées souvent exprimées, il léguait son corps
au professeur Raymond ou à son défaut au professeur Grasset. Il est à
présumer que ce dernier vœu n’aura pas même été exaucé et que ses
pitoyables restes n’auront pas l’honneur de figurer au musée de la
Salpétrière.
Le cas de l’homme-momie peut inspirer au psychologue quelques
utiles réflexions. Il prouve en effet que la volonté et la force de caractère
peuvent élire domicile dans un corps extrêmement imparfait. Il démon¬
trerait également que les rapports du physique et du moral sont beau¬
coup plus étroits dans le domaine de la vie végétative que dans celui de
la vie de relation.
De plus, l’observation de Dominique Castagna témoigne de la résis¬
tance du cerveau envisagé comme organe de la pensée et de la volonté,
Tant qu’il reçoit une nourriture suffisante et qu’il n’est pas troublé dans
son fonctionnement par des intoxications, le cerveau continue à vivre de
son existence propre, témoin des misères auxquelles il ne participe point
directement. Il n’y a pas non plus d’exemple qui démontre mieux l’auto¬
nomie des divers territoires de l’écorce cérébrale, car tandis que les
centres psychomoteurs perdaient d’une façon presque complète leur acti¬
vité fonctionnelle, les centres dans lesquels sont localisées les fonctions
supérieures conservaient toute leur puissance. Cela était d’ailleurs en
rapport avec la conformation du crâne présentée par Dominique Castagna.
C’était dans son front droit que se conservaient des fonctions mentales
supérieures dont la richesse formait la plus frappante antithèse avec
la pauvreté physiologique des autres fonctions de l’organisme.
D' Bérillon.
CHRONIQUE ET CORRB6PONDANCB
159
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d’hypnologie et de psychologie.
La prochaine séance de la Société d’hypnologie et de psychologie
aura lieu le mardi 21 novembre, à 4 heures et demie^ au palais des
Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D'Jules
Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque
mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les
étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le D' Bérillon, secrétaire
général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le D' Parez, tréso¬
rier, 154, boulevard Haussmann.
Communications inscrites :
D" Magnin : Le terrain dans les expériences d’hypnotisme.
D' Bérillon : Les timidités.— Indications de la suggestion hypnotique.
M. Caustier, professeur au lycée Condorcet : La méthode socratique
dans l’éducation scientifîque.
M. Lépinay : Les tics chez les animaux.
MM. Grollet et Lépinay : L’hypnotisme chez les animaux.
D** Parez : Quelques cas récents de sommeil pathologique.
D** Binet-Sanglé : Les hallucinations des prophètes juifs.
Ecole de psychologie
La séance de réouverture de l’Ecole de psychologie aura lieu le mardi
9 janvier, à cinq heures, au siège social, 49, rue Saint-André-des-
Arts, sous la présidence de M. le D'’ Huchard, membre de l’Académie
de médecine. Le programme détaille des cours sera publié dans le pro¬
chain numéro.
Les conférences cliniques sur les applications de Vhypnotisme à la
psijchothérapie et à la pédagogie, reprendront le jeudi 2o novembre, à
10 h. du matin. Elles seront dirigées par les D'* Bérillon, Magnin et
Paul Parez. On s’inscrit les jeudis à l’Institut psycho-physiologique,
49, rue Saint-André-des-Arts.
Le D'' Paul Joire reprendra, le 15 novembre, son cours annexe d’hyp-
nologie et de psychothérapie qu’il professe chaque année à Lille.
Les maladies du langage chez les enfants
Le D** Ohervin, dans la clinique infantile^ donne les indications
suivantes sur les divers troubles du langage qui peuvent s’observer
chez l’enfant.
Si Venfant ne parle pas du tout, il peut s’agir de surdité, d’un simple
retard ou de troubles intellectuels allant jusqu’à l’idiotie.
Si Venfant parle, mais parle mal, il faut faire le diagnostic de trouble
de la parole.
Le bégaiement vrai est caractérisé par les signes suivants:
1® Début dans l’enfance ;
160
REVUE DE l’hypnotisme
2o Troubles respiratoires plus ou moins marqués ;
3® Intermittence ;
4^ Disparition totale dans le chant.
Voilà, d’après M. Ohervin, quels sont les quatre signes pathognomo¬
niques qui, observés chez un malade, permettent d’affirmer qu’il s'agit
d'un bégaiement vrai. Si ces syinptômes manquent, on n’a pas affaire
au bégaiement proprement dit, mais à un autre trouble de la parole.
La blésité est quelque chose de tout différent. On désigne, en effet
sous ce nom générique, une foule de défauts de prononciation caracté¬
risés par la substitution, la déformation ou la suppression d’une ou de
plusieurs consonnes.
L’auteur insiste sur la méthode aujourdhui universellement connue
qui lui a permis d’obtenir des résultats si remarquables dans le traite¬
ment de ces variétés de troubles du langage. Toutes les variétés de
blésité peuvent toujours être corrigées sans crainte de récidive en 12
ou 15 jours.
Les troubles du langage, et notamment le bégaiement, seraient de
tare nerveuse pour la première enfance, à peu près ce que les convul¬
sions sont pour l’âge de 1 ou 2 ans, la chorée pour l’âge de 7 ans,
l’hystérie pour l’adolescence, c’est-à-dire l’expression d’une perturba¬
tion centrale, le signal d’une sorte de détresse nerveuse.
Ouvrages déposés à la Revue
Vannée psycholçgique, publiée par M. Alfred Binet, il® année, 686 pages.
in-8, 1905. Masson. 15 francs.
D** Raoul Brunon : Notes sur le musée de l’Ecole de médecine de Rouen.
Rouen, 20 fr., in-S, 1905.
D' Gustave Geley : L’ôtre subconscient. 2® édition, 176 p., in-12. Alcan, Paris,
1905. 2 fr. 50.
D** Raymond Bonneau : La dyspnée dans les maladies du cœur. 155 p.,
in-8. Jarlot, Paris, 1904.
F. DE Ménil : Histoire de la danse à travers les âges. 362 pages, in-8, relié.
Kaan et Picard, 1905, Paris, 4 fr. 50.
D'' Berthod : La réforme de l’enseignement médical. In-8, 32 p., Vigot,
Paris, 0 fr. 50.
D' Lee : L’arriération mentale. Contribution à l’étude de la pathologie in¬
fantile. 256 p., in-8. Lebèguo, Bruxelles, 1904.
Silvain Levi : Le Nepaul. 392 p., avec illustration, in-8. Leroux, Paris, 1905.
(Annales du musée Guimet).
Charles Vallay : Le culte et les fêtes d’Adonis-Thammou dans l’Orient
antique. 300 p., ln-8, Leroux, Paris, 1905. (Annales du musée Guimet).
D»* MaraGE : Mesure et développement de l’audition. 119 p.,in-8. Paris, 1905.
Chez l’auteur, 14, rue Duphot.
D** Magnus Hirschfeld ; Jahrbuch fur sexuell Zwischenstufen. VII Jahranz.
Band I et II. 2 vol. in-8, relié. Leipzig, Max Spohr, 1905.
D** Roger Voisin : Les méninges au cours des infections aigues de l’appareil
respiratoire, in-8, 147 p., Stenheil, Paris, 1904.
D** Bernard Leroy : Le langage. 289 p., in-8. Alcan, Paris, 1905. 5 fr.
L'Administrateur^Gérant : Ed. BÉRILLON.
Paris, lmp. A. Quelquejeu, rue Gerbert, 10.
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
20* Année. — N® G.
Décembre 1905.
BULLETIN
Une nouvelle publication psychologique : la Bibliothèque de TEcole de Psychologie.
— Séance annuelle de la Société de Pathologie comparée. — Inauguration d’un
buste du D' Liébeault à l’Ecole de psychologie.
Les débuts de TEcole de Psychologie remontent à 1889, où, sous le titre
d’institut psycho-physiologique, le D** Bérillon créait une école pratique de
psychothérapie associée à un laboratoire de psychologie. Le patronage de
MM. les Dumontpallier, Albert Robin, Mesnet, Huchard et celui de
M. Tarde, indiquait le caractère nettement scientifique de la nouvelle insti¬
tution.
Le programme du début s’est rapidement élargi. Aux premiers collabo¬
rateurs, MM, les D*** Paul Magnin, Paul Farez, Félix Régnault etM. Caustier,
professeur agrégé de PUniversité, est venue se joindre toute une phalange de
professeurs dévoués. Actuellement l’enseignement donné à l’Ecole de Psycho¬
logie s’est étendu à toutes les branches de la psychologie.
L’organisation de cette école, qui, outre les cours théoriques, comprend
un enseignement technique donné dans les diverses annexes (c/ini^i/e des ma»
ladies nerveuses, dispensaire pédagogique, dispensaire anti-alcoolique, laboratoire
de psychologie expérimentale, laboratoire de pathologie comparée, musée psy^
chologique), lui donne un caractère propre qui ne trouve son équivalent dans
aucune autre école du môme ordre. En effet, une part considérable est
réservée à l’enseignement et à la pratique de l’hypnotisme, aussi bien au
point de vue expérimental qu’au point de vue thérapeutique. Aussi l’on peut
dire que l’Institut psycho-physiologique, auquel se rattache directement
l’Ecole de psychologie, donne aux médecins et aux étudiants de tous ordres
un enseignement pratique sur toutes les questions qui relèvent de la psycho¬
logie normale et de la psychologie pathologique.
Les études auxquelles se consacrent les professeurs de l’Ecole se répar¬
tissent en dix branches principales ;
1® L’anatomie et la physiologie du système nerveux ;
2° La psychologie expérimentale (hypnotisme expérimental, etc.) ;
3® La psychologie appliquée (hypnotisme thérapeutique, orthopédie
mentale, pédagogie suggestive, etc.);
4° La psychologie de l’enfant ;
5® La psychiâtrie et psychologie de l’homme anormal ;
6« La psychologie sociologique ;
7® La psychologie du criminel:
6
162
REVUE DE l’hypnotisme
8® La psychologie comparée ;
9° La psycho-physiologie de Tart ;
10*» La philosophie des religions.
Sans dédaigner les recherches dites psychiques et qui comprennent les
faits particulièrement dÜTicilesà interpréter tels que : la lecture des pensées,
la suggestion mentale^ les hallucinations télépathiques, la lucidité somnambulique,
les pressentiments, etc., les professeurs de l’Ecole n’abordent ces études
qu’avecun esprit dégagé de toute préoccupation mystique. Ils ne s’intéressent
à ces questions que dans le but d'exercer utilement leur esprit critique, bien
convaincus qu’il faut chercher l’explication des phénomènes psychologiques
dans des rapports matériels, nettement déterminés, sans invoquer l’inter¬
vention d’aucun élément étranger extra-naturel.
D’ailleurs, le Comité de patronage de l’Ecole, qui comprend les noms de
MM. Berthelot, Blanchard, Bolrac, Lionel Dauriac. Marcel Dubois, Giard,
Guimet, Huchard, Ribot, Albert llobin. Voisin, est le plus sûr garant de la
prudence et de la rigueur scientifique avec laquelle les professeurs se sou¬
mettront aux règles de la méthode expérimentale.
Comme par le passé, la Revue de VHypnotisme, qui atteint la vingtième
année de son existence, continuera à publier un certain nombre dè leçons et
de conférences. La Bibliothèque de V Ecole de psychologie, étendant au grand
public la vulgarisation de renseignement psychologique, permettra déjuger
la valeur et l’utilité d'une institution due à l’initiative d'hommes absolument
indépendants.
La Bibliothèque de l’Ecole de psychologie, Conçue et poursuivie dans un
esprit novateur, n’éditera que des ouvrages inspirés par des vues person¬
nelles et présentant un caractère de réelle originalité. La condition de l’évo¬
lution des sciences réside dans l’obligation, pour chaque chercheur, de faire
œuvre individuelle et d’apporter, à l’édifice toujours inachevé des connais¬
sances humaines, une pierre qui ne soit pas empruntée à la maison du voisin.
Chacun des professeurs ou des collaborateurs de l'Ecole de psychologie saura
faire sien le conseil si éloquemment formulé par Claude Bernard : a 11 faut
briser les entraves des systèmes philosophiques, comme on briserait les
chaînes d’un esclavage intellectuel. » Définitivement entrée dans la voie expé¬
rimentale, la psychologie est devenue une science positive. Chaque Jour
voit s’élargir le domaine de ses applications pratiques. La Bibliothèque de
l’Ecole de psychologie contribuera certainement à démontrer qu’à côté de
la physiologie, qui est la science de la vie, la psychologie doit être, en der¬
nière analyse, la science de la raison et de la volonté.
Les volumes non illustrés sont publiés dans le format in-18 jésus.
Les volumes illustrés comprenant do nombreuses figures documentaires
sont publiés dans le format ln-8°.
L’éditeur Dujarric a bien voulu consacrer tous ses soins à l’édition de cette
bibliothèque. Le premier volume, qui reproduit l’enseignement donné
l’année dernière à l’Ecole de psychologie par notre collaborateur M. le
D** Binet-Sanglé, vient de paraître sous le titre : Les Prophètes Juifs (des
origines à Elle) élude de psychologie morbide (^), D’autres volumes sont sous
presse ; nous ne tarderons pas à les indiquer à nos lecteurs.
*
11 y a quelques années, quelques praticiens de Paris eurent l’excellente
(1) Un vol. in-12, 3*25 pages, 3 fr. 50. Dujarric, éditeur, 50, rue des Saints-Pères.
BULLETIN
163
idée de grouper, sous le nom de Société de Pathologie comparée, un nombre
égal de médecins et de médecins-vétérinaires. En effet, depuis qu’il a été
démontré par d’illustres savants, au premier rang desquels il faut placer
Pasteur et Henry Bouley, que les maladies contagieuses sont communes à
l’homme et aux animaux, la médecine humaine et la médecine vétérinaire
n’ont plus de raison de rester séparées.
La Société de pathologie comparée, placée sous la présidence d’honneur
du professeur Chauveau, de l’Institut, compte au nombre de ses membres
un grand nombre d’hommes éminents, parmi lesquels nous citerons MM. les
D*** Iluchard, Lannelongue, Raymond, Albert Robin, Blanchard, Saint-Yves-
Ménard, de l’Académie de médecine, MM. les professeurs Arloing, Cadiot,
Baron, des Ecoles vétérinaires, les professeurs agrégés Launois, Letulle,
les D*** Jules Voisin, Paul Maguln, Savoire, Siffre, Saint-Cène, Doyen, etc.,
les médecins-vétérinairesGrollet, Lépinay, Dassonville (de l’Institut Pasteur),
Sehrader, Fayet, Brocq-Rousseu, Petit, Chénier, etc... etc.
La séance annuelle de la Société aura lieu le mardi 12 décembre, 49, rue
St-André des Arts, à 4 h. 1/2, sous la présidence du Bérillon, président
de la Société. D’intéressantes communications y seront faites par MM. les
professeurs Charrin et Gréhant. M. Charrin y traitera l’importante ques¬
tion des véritables et des fausses hérédités. Une place est également réser¬
vée, dans la Société, aux questions de Psychologie comparée. Un banquet
suivra la réunion annuelle ; il aura lieu sous la présidence de M. Ruau, mi¬
nistre de l’Agriculture. Les séances de la Société de pathologie sont publiques.
Les médecins, les vétérinaires et les étudiants sont invités à y assister.
★
¥ ♦
La séance d’ouverture des cours de l’Ecole de psychologie pour l’année
1906, aura lieu sous la présidence de M. le D** Huchard, membre de l’Aca¬
démie de médecine, et de M. le D** Brousse, président du Conseil municipal
de Paris, assistés de M. le D** Bérillon, professeur à l’Ecole de psychologie,
le mercredi 10 janvier, à 5 heures.
La leçon d’ouverture sera faite par M. le D** Paul Magnin. Elle aura pour
sujet : La Psychothérapie.
A cette occasion, voulant honorer la mémoire du regretté docteur Liébeault,
qui peut être considéré comme le créateur de la psychothérapie, l’Ecole de
psychologie inaugurera un magnifique buste en bronze de Liébeault, œuvre
du statuaire Maillols. Cette cérémonie aura lieu avec solennité. Les amis et les
élèves du D' Liébeault sont invités à y assister et à collaborer à l’hommage
qui sera rendu à la mémoire de ce grand psychologue et de cet homme de
bien.
Les grands exorcismes du XIX<^ siècle
par M. le D' Witrv, de Trêves.
I. Vexorcisme de Luxembourg (^). —Il fut pratiqué en mai 184*2 par
Mgr Laurent, évêque de Luxembourg# L’obsédée était une jeune Lorraine,
Catherine PfefTerkorn, née à Villers. Ce fut à l’âge de seize ans, qu'elle
(1) Le récit détaillé de rexorcisme se trouve dans la a Biographie de Mgr Laurent v
par la comtesse L., en religion sœur Gertrude. L’auteur, qui connaissait la plupart
des acteurs, m’a fourni sur le cas de Catherine Pfefîerkorn nombre de remarques
personnelles.
164
RBVUB DE l’hypnotisme
fut possédée. Voici dans quelles circonstances : elle était servante dans
une maison bourgeoise. Des mendiants étaient venus demander
l’aumône. Elle les repoussa. En s’éloignant, ceux-ci, mécontents de la
réception, l’apostrophèrent, lui disant : « Que le diable t’emporte ! » Il
lui sembla qu’un essaim d’insectes lui pénétrait par la bouche et par le
nez et s’introduisait dans sa gorge. Immédiatement la maladie se
manifesta par des contractures dans les muscles du visage. Elle les
conserva pendant quelques années. Puis un jour, elle tomba dans des
attaques convulsives qui l’obligèrent à quitter le service. Bientôt sa
surexcitation et son agitation augmentèrent, à un tel point qu’on
l'entendait pousser des cris horribles. Dans ses attaques elle se frappait
continuellement les seins et la figure avec ses poings et développait
dans ses mouvements une telle force, que six hommes ne pouvaient
la maintenir. Entre temps elle parlait le latin et reprochait quelquefois
leurs péchés à ceux qu’une curiosité intempestive attirait autour d’elle.
On la fit admettre à Thôpital du Bon-Secours à Metz : elle y resta
quatre mois sans qu’on vit survenir aucune amélioration. Puis elle
fut internée à l’asile de Maréville-lez-Nancy. Elle y fut gardée pendant
quelques mois. Etant devenue plus calme, on la renvoya chez ses
parents. Elle ne tarda pas à y avoir de nouvelles obsessions. On la
reconduisit à l’hôpital de Metz, et là, les Jésuites Simon et Ohable
s’efforcèrent pendant sept mois de la guérir avec des exorcismes et des
prières. Une commission de médecins messins, chargée de l’examiner,
la déclarèrent atteinte de démonomanie. Pendant que les Pères priaient
à son intention, son visage grimaçait horriblement. La langue pendait
démesurément de la bouche, les yeux avaient un aspect effrayant, elle
imitait les cris de différents animaux. La présence des prêtres, d’une
croix, d’une image de la Vierge, d’un rosaire ou d’un reliquaire la
plongeait dans une rage inouïe. A la fin la malade criait toujours ; « Ça
ne sert à rien. Il faut qu'il vienne un homme avec une haute coiffure
pour me délivrer. » Alors on lui conseilla d’aller voir l'évêque Laurent.
Notons aussi qu’elle sut traduire des questions posées en latin et y
répondre même plusieurs fois en latin. Elle se disait torturée par treize
diables et les nommait tous par leurs noms.
Catherine Pfefferkorn avait déjà fait en 1838 un pèlerinage à Luxem¬
bourg, mais sans succès. Pour la seconde fois elle se présenta, lors de
l’octave de N.-D. de Luxembourg, devant l’évêque.
Mgr Laurent qui l’exorcisa lui-même, raconte ainsi cette scène :
« Elle se leva comme une flèche, s’élança vers moi et me montra une
figure diabolique que je n oublierai jamais. Elle poussa des hurlements
comme un lion. Je fis le signe de la croix. Elle tomba à terre et s’y
roula dans des convulsions atroces, me regardant toujours avec la même
expression. Je fis venir mes trois vicaires et nous commençâmes les
exorcismes. Elle fut projetée d’un coin de la chambre dans un autre en
entraînant avec elles les trois hommes, qui étaient cependant de solides
gaillards. Les convulsions et les mugissements continuèrent encore
LES GRANDS EXORCISMES DU XIX* SIÈCLE
165
deux heures après jusqu’à ce que les litanies de fJ.-D. ayant commencé
on la vit se calmer peu à peu. »
C’était un mardi. Le grand exorcisme devait avoir lieu à cinq heures
de l’après-midi. La malade toute la semaine se plaignit de « douleurs
brûlantes dans tous les organes. » Le jour du grand exorcisme l’évêque
n’y put aller qu’à huit heures du soir. Voici le récit qu’il en a fait ;
a En me rendant à la cathédrale, j’entendis de loin les cris sataniques
de la possédée et la prière des prêtres. Satan avait projeté la pauvre
fille, les jambes tendues, par dessus le banc de communion du chœur
de l’église dans la nef, sans lui faire aucun mal. On lui lia les mains
avec l’étole et on l’entraîna de cette façon de nouveau devant l’autel.
Elle avait crié et hurlé pendant trois heures, tantôt comme un loup,
tantôt comme un oiseau. J’ordonnai à Satan de se taire et de ne
répondre qu’à mes questions. Je mis alors l’étole sur la tête de la
possédée et il obéit. En continuant Texorcisme, je frappai le démon avec
d’autant plus de force, qu’il se tordait et se roulait plus violemment. Il
répondait sur mes questions que la malade devait expier les péchés
d’autrui et sur mes exorcismes pressants il consentit enfin à sortir de
la possédée, le lendemain,à neuf heures du soir. Entre temps il se tordait
et proférait des blasphèmes, en désignant Notre-Seigneur Jésus-Christ
par ces mots : « ce juif qui a dû avaler du vinaigre et du fiel. » II
menaçait la malade, mais je la fis passer la nuit enveloppée dans l’étole.
Je travaillai ainsi encore pendant deux heures. Satan me menaça aussi,
mais je dis à la possédée : « Allez en paix ! » Et, de ce moment, Satan se
retira d’elle. Elle tomba toute épuisée sur une chaise et sur son visage
nous vîmes apparaître une figure d’ange pleine de pitié et de rési¬
gnation. »
L'évêque raconte alors comment le démon lui fit passer une nuit
épouvantable. Le lendemain à six heures du soir la possession reprenait
de plus belle.
« Les hurlements, les grincements de dents^les accès de rage recom¬
mencèrent. La malade, qui la veille n’avait pas encore pu prononcer
toutes les paroles sacrées, le put aujourd’hui. Satan fut forcé aussi de
dire son nom. Il ressemblait à « Erroro ». Quant à son nombre des
diables, il déclara qu'ils étaient dix au commencement, mais qu’ils
étaient entrés plus tard comme des moucherons. t)e fait, hier lès
différents exorcismes avaient été suivis de beaucoup d’éructations. Je
crois qu’alors déjà beaucoup de démons s’échappèrent de son corps.
Je lui commandai de se lever, de s’asseoir. Il obéit en montrant la langue,
en grinçant des dents, en donnant des coups de pied et en se moquant
des prêtres. Je lui avais passé l’étole autour du cou, Satan faisait des
grimaces horribles et nous traîna tous d’un côté du chœur dans l’autre.
Entre temps la sœur de la possédée, une fille pieuse et simple d’esprit,
vit sur les dalles du chœur une grande araignée qui s’était échappée
de la malade. Nous redoublions nos prières. L’Angélus sonna. Je sommai
Satan de sortir de la possédée « in abyssum, sine ullo strepitu, nocu-
166
RBVUB DE l'hTPNOTISMB
mento aut vestigio 6ui. » Après TÂngélus la malade dit : « Il faut encore
prier trois : Gloire au Père, etc. » Alors je lui demandai : « Croyez-vous
être délivrée du diable ! »
Elle répondit : « Oui Monseigneur ! »
Nous chantâmes le Te Deum. Elle était rentrée dans la paix et dans le
calme, monta à Tautel et, les bras étendus^ les cheveux dénoués, elle
pria à haute voix. »
La guérison ne fut pas complète. « Elle eut encore de petites crises.
Plus tard, elle alla voir la Sainte Robe de Notre Seigneur à Trêves.
Elle y fut présentée aux évêques de Trêves, Spire et Osnabrück, mais
elle eut une crise telle, que les trois évêques se sauvèrent. » a Trois
jours avant sa mort elle eut une forle attaque avec des convulsions ter¬
ribles, cependant la crise ne dura pas longtemps. »
★
* *
Comment ne pas reconnaître la grande attaque d’hystérie dans les
descriptions de Mgr Laurent.
Il noiis montre d’abord l’aura hyslcrique se manifestant par « des
douleurs brûlantes (ovariennes, etc.), dans les divers organes... »
Il nous présente ensuite la malade dans la période épileptoïde avec
scs convulsions : la face est menaçante, les yeux convulsés.
Enfin, dans la période de clownisme, nous voyons apparaître les
grands mouvements qui s’exécutent avec une violence épouvantable ;
elle se frappe violemment, pousse des cris sauvages et des hurlements
de bête fauve ; elle se conduit comme une forcenée et développe dans
sa rage des forces musculaires décuplées.
Après la période clownique, nous voyons apparaître celle des attitudes
passionnelles avec sa mimique expressive et ses extases.
L’attaque terminée, elle revient à elle-même absolument courbaturée
et brisée de fatigue.
Les didérentes périodes de l’attaque d’hystérie s’entremêlent dans le
rapport de Mgr Laurent. Il n’y a rien d’étonnant à cela, puisqu’il a fallu
tout le génie de Charcot pour substituer dans l’étude de Thystérie con¬
vulsive, la lumière et la méthode, là où n’existaient que la confusion et
le chaos. Les connaissances de la malade en langue latine, seraient
d’une explication plus difficile. Mais le curé B. Heyne (^) nous donne sur
ce point des renseignements utiles. En réalité, il les trouve très minimes
et les explique par les questions posées par nombre de prêtres dans
les exorcismes précédents. Ces ecclésiastiques prononçaient toujours les
mêmes mots de latin. En particulier, ils répétaient constamment des
phrases stéréotypées telles que : In nornine patris... Vade rétro satanasf
etc. Il n’y a rien d’étonnant à ce que la malade en ait retenu quelques-
unes. A l’asile de Maréville, la malade était calme. C'est que les médecins
ne s’intéressaient pas outre mesure à ses crises. De plus, elle avait
(1) 13. Hevne : La demonomanie. Sclioeiiinj;h, Paderborii. Avec approbuLion du
vicariat général épiscopal.
LES FEMMES A BARBE
167
envie de quitter Tasile, où règne toujours une certaine discipline. Mais
dans la cathédrale épiscopale de Luxembourg, la crise était en quelque
sorte encouragée par la curiosité publique et par Tintérèt qu’y accor¬
daient les prêtres. La malade était, en quelque sorte, placée sur une
scène théâtrale et Toccasion de jouer un rôle était trop tentante pour
qu’une dévote exaltée pût résister au besoin de faire parler d’elle et de
se couvrir de gloire. L’hystérie, comme on le sait, aime les mises en
scène et la cathédrale, avec ses pompes religieuses, lui en fournissait de
très somptueuses.
La contagion psychique s’y exerçait même avec une grande intensité.
A certains instants elle gagna tous les spectateurs, môme l’évêqucetses
grands vicaires. La sœur de la malade y présenta une hallucination de
la vue, lui faisant croire qu’elle voyait distinctement l’araignée qui
venait de sortir de la bouche de la possédée.
La contagion psychique peut seule expliquer, qu’un homme intel¬
ligent, comme Mgr Laurent, ait pu se prêter 6ona fide à jouer un rôle
actif dans cette comédie. Il perdit en effet son sang-froid au point de
frapper une malade à grands coups "de verges bénites, même à un
moment donné, dans une sorte de rage impuissante, on le vit s’efforcer
de faire taire le diable en étranglant la possédée avec son étole.
Il est bien dommage que Félicien Rops, le peintre de Satan, et Huys-
mans, l’auteur de Là-Bas, n’aient pas assisté à ces scènes extravagantes.
Leur verve sarcastique y eut trouvé un aliment précieux. Pour nous
médecins, c'est avec un esprit moins ironiste qu’il convient d’étudier
ces scènes attribuées par des esprits mystiques à l’intervention des
démons. Nous les envisageons comme les manifestations de maladies
morales qu’il convient de guérir au même titre que les maladies du corps.
En exhumant ces souvenirs d’un temps peu éloigné de nous, nous vou¬
lons apporter notre contribution à l’œuvre entreprise par les professeurs
de l’Ecole de psychologie. Nous serons heureux si, dans notre documen¬
tation, se trouvaient des faits utiles pour l’enseignement si nécessaire
auquel ils se consacrent. (à suivre).
Les Femmes à barbe : Étude psychologique et sociologique (<j.
Par M. le Bérillon
P rofesseur à l'Ëcole de Psychologie
Les femmes à barbe dans la religion. — Les idoles juives. — Astarté. — M‘^ Val-
hen, de Trêves. — La maternité chez les femmes à barbe. — Mme Hudjon. —
Une Hongroise barbue. — Une femme à barbe féconde. — Mme Lestienne.
Dans toutes les religions, les dogmes ne gardent pas longtemps leur
pureté primitive. Ils sont rapidement altérés par des pratiques ido-
làtriques. Déjà, chez les Juifs, le prophète Jérémie se lamentait à l’idée
de voir ses coréligionnaires se prosterner devant des fétiches em-
(1) Voyez Revue Je l'Hypnotisme, numéro de juin lüOi et suivants.
168
REVUE DE l’hypnotisme
pruntés aux Phéniciens. S’exprimant au nom du Seigneur, il s'écriait :
« Ils ont mis des idoles dans la maison où mon nom était invoqué, afin
de la souiller. Ils ont élevé des autels à Baal pour initier et con¬
sacrer leurs fils aux idoles et aux démons. » (Jérémie, XXXXII, 31, 35).
Baal et Astarté furent les dieux que trouvèrent les Juifs à leur arrivée
dans le pays de Chanaan. Ils se laissèrent convertir assez facilement
à cette nouvelle religion. « Ils suivirent les dieux étrangers, dit le Livre
des Juges, les dieux des peuples qui habitent autour d’eux; et ils exci¬
tèrent la colère de Dieu, le délaissant et adorant Baal et Astarté. »
L’adoration de ces deux divinités était simultanée. Tandis que Baal
figurait la plus puissante divinité masculine des Tyriens, des Cartha-
Fijr. 98. — Idole juive. Astar é. (K\p«*sêe en au mus6e Guinicl» i>ar M. Durighelln),
ginois et des Syriens, Astarté était leur plus haute divinité féminine.
Le culte de cette déesse, célébré dans certaines circonstances avec des
rites voluptueux, avait porté un certain nombre d’auteurs grecs et
romains à l’assimiler à Vénus. « La quatrième Vénus, dit Cicéron, con¬
çue à Tyr et en Syrie, qui est nommée Astarté et qu’on dit s’être unie
à Adonis. » Eusèbe exprime la même opinion. « Les Phéniciens disent
qu’Astarté est Aphrodite ».
Or, Baal et Astarté étaient tellement considérés comme inséparables
qu’ils en arrivaient à se confondre et à s’identifier. La tendance de Baal
à se rapprocher d’Astarté était telle que dans certaines représentations,
il revêtait un caractère presque féminin, tanilis que de son côté, Astarté,
commè on l’a constaté chez VAphrodite de Chypre et la Venus barbala,
était parée de quelques attributs masculins.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que les idoles phéniciennes, dont le culte
s’accompagnait de rites d’une moralité quelque peu relâchée, aient con¬
quis les suffrages d’un certain nombre de Juifs. C’est ce qui arriva à un
homme de la montagne d’Ephraim, Michas, dont le Livre des Juges nous
fcBIS FEMI^ÉS A BARBE ^ 169
racontç^ l'iîîatôirc, (Obap. XVtl^-^Sr cbap.
ayant reçu de. ea mère d«ux idoles, l'une soùlpléfsrjaîd'suttér côuléfi en
fonte, léuif ^ieva db pétît î^iiipla, ^il n''e',Ut%as è
jBùnx: téyitô; ôieyéndàiu;' ittfie Tétrifantidn de, dfx
devenir le pr^^re. iVse cfeyàft à Tabri »îc.tout reptodlid, %
un pfÉtre d@ la race tlè Lèv/f^ inaia ai.s ce.nts liurnwes dè îa Irî.bü dfr tHin,
ayant en vain le paya, enlevèréot le- pjrêijfe et l’MiHtf de Miobaa. ' '
' ïl’i^^e!;^pm.pîéntàtenw ;dn%iti^yfi?3pi>ijtÉ.vp:é8|^«i^pn^
cîeuâfeç. .'■'deS’'ÎMeTBip|-tâtîdnS;4lffl'fën:fôfe’'’îîé!®i’é{ei0fe^
gîeuôeç,, des InJ-erpritatidnss dïiTèifëniesii. 'lia pj!étftndl3l^^.!Ria ^àttîépîî
flue aî îe^. Jüif» â'ft^ènt nris ivaddrfeî; îéà sè troü*
Vîiient, ce n’était bot de, se eoneîlî&r à la fois les bonnes
grâces de ces dle^i; eï ççites sans cependant aban-
doober la rcligioti de’leofà prîtes.’ i ■ : •' .■
-r^ .Çmrttp ï'Diiîaiit
D^us tops Ics^cas, personne ne pouvait se faire uoe opinion de laphy-
sibn^ondé des idoîës .adorées par les Juifs, lorscjoe M, tïurigbèllo dé¬
couvrit ai^apî |’‘anewônf ;l-‘Ws de 1» Bible, deSstatùeUéA en bronze d’ua
travaii îort. cuïiê«R^ Pçürllmi.cé aïbîtiùcoàtealabîéiHebtdeffeseropliwreB
désitîûlce juives doWt parld Jà :Bîble nt ^tie les archéologues,,mal gré
des srechepoheS persistantes, b'étejeftt'iainaâs parvçftBS à trouver, ,
Parmi èKps,^^ à cdtè dlnri-âgës d.& Bastia sé trou y© «rte statuette d’Astar lé>
dont nous; tioiinobs ei-jdint .îa rèprééentaliop de face, de profif’eî . de
4o8i Omette slatucitfe, est/;.çiiriéi?sé à plus ôhia tîtré. .Sois typç aënaite pùr
ïndit|üe bien mu ofigine,,îpi>nçiiv ew tW style jafc-^aVfioé; felié sé distifï-,
gue par des détails tout â fait intéresSania dont dudieuï tirer dés déduc¬
tions précises. LfiS cheveux sont nattés, coniptâ îl dbiii'drusage à ces
époiiUen fecuîé«d,‘ La lett supporta' uoe »oriç:deboufdnnè;. Enc a les
bras ewisèé uuv îp..poifrjne, attitude d'huniiltlCô çthde fés3g»mtiuî<. Son
meldtüiti Hfè'tytmJrte par une- pointe àcqentuêejjuf .dèlèaüïfe neitéBî«?ot Uftè
barbé.■ .,,v.-i.-; .
f.’ellé bàvbe n*a rien t^ui doive nous Surprondré. Ëft «.Ofet, à Oartliag^,
(1) itàfciiéÙèA ûût ôté ôJtpüSéô^ ôB 1902^ au. .
RSVUR DE t’HVEKOWSMB
Diàon-A8^î:tè;-^ltà|ç atçt Ja
GapUiagi^,^ï?i;: sai ^fi'adrD^ÿûk^
oü àve^ le }WS dadéhttftér ea compagnie
Âêtarté avûo Junon ou avôc la ïjUne. Au&sU en, Gi^,éèy:l^JL«àa fut sou¬
vent adpréêsoüe le nopv 4'A6tafté. .C’ept ce que nous, àp^tewîift gr^nd
lOe- — Mlle VaUivtt) fenmie 8barbai âgée j}ôt»5 ab«^ )»'»!.
phlipsophe tiuçion/ îi nn fut dé môino dîei. iéfi îtomains, ftiuai que «emr
Jîlefait èrt t'dfliôîgncr tin éaœée anciéh ‘suP lequel Iti Lune est ligùrôe '«bus
le nom d’AslarldjSÿaat la partie InférféUTo/da’.^s^ feGonvert d'une
Dans Uhdêtddè rébéntê aür ta X’éniiàjisfbâïà^ nous indîqùibns quù
cette diyînirtVâlfeipé;,n^^^^ d'un cuilé pubi|c,
maïs qu’élte nvait pxis idacé^^^p^ dietîxi duàiestiques, A ryppqi de'
uetléalJlrioàlipnvooua ppayiansti-indicaüoii de
', Cil Héw.'iSA' iléiig'iaa éér ■^arïha^.;- -^ Ùéi28,;;(caén4r'
le Dktifi/inaivs^ tfo-' !!^?^g1iû'.) é
' I.BS.PEMM83 A frARBE 171
ncuxeyv pïibiîjpf ta figure. <3e deu,K «iiv^ïïît^ iut^
iàireB, dûHt füjiè tçpféserjt^it une jc^hiife rç:jnaie barbùô et i’autee une
jeune novinpif,. Qè sôùt des dieuB Lam- A cé^snîet,
UapR s» ^f»C0pt.îoD4 sinsr
piref 3e i’èxlstence dèUx .«fpurB jàïùellé^^Qot li;unc sertüt liarpuei..
Bien eotondUi notre suppasittôij^nc' pôuvaHV;^jjV^lft|:"^ rîro, î^ùs
sommes nième çoavaineii fjtte. çéf-tfcînB: ^prits spepiirjùeB n§: guji.t
pas |n‘rvéSi.N*e8i--tje pas ‘lei eapitilé de l^irfiBjjinaüon : qu'un
'artiste ait pu cetvcbnirer^déux aœurs dotttl'une aôitfeaThuëtttî'idiiïs
tViifî 'tÔfe ,M|Be H^ïtjfcin, à bilrM'Ai^&ev.ilo-^ àê>v lO^ riiwch^iljdf;
Une pîîQiôgràjpiiie que oôu® devonà a r^Wlbilltê ,4è la 0^ A^Ùtÿ» de
TrèyeBj «St vèpae qùe të faÛ^ àl-irivVaiseovfjîSble iju’lf gotit
peut Aë l*ennontréTr d®jix acèursi Mlle Yâlîienë ■celle quiSest
barbuè’'ÿ est repréBsnië*^ ans^ Ëiie est née dang
la Prusse Ilhénane èt rësîde 0 t'?-tue 1® «
de Trève8*sur-Mosëlîe. Elle jU^H% Ig, mëaopausè, toujours. :^t|;très
bien réglée?Là vlngUtrois àna. iyin^st gxtrâ^
memént frisée. TandCa que aéa çKsveUîs sonl devenusd'uno blaholiéuF dè
neige,, la barbe éàt;■iagtégf'ifùn noir de jaisjlîg, tfifi). Mlle Valhen est
doués d’une eiiceilcnti^gàB^^^ aèui tléiatit est fjlft bégayer fortement.
Tirés jipcortet tfàs àima'bjè et très gaie, (çlî^àiïmû bç-sucoup à parler àv<;e
les tncdecins et les persbofteg dû aèxè^ ttittsculin.;' Ses goûts sont «asen-
tiellemënt ténloîgnènt le boû<|Uet (JIb; iïëërs fid’ëile
PEyXJE DE 1, HŸPNOTISME
tipnt à lp.j«amctÎB tiûibre délsâ^^oîx. èjéîiï^ d’üfie féïninè. EUe
apporte eonlribuiîoo de pîbs ié la" dtbn'Sbsïif^tibw'^ qwe,/îe«
femmes &lîarbe'^nWf riep qüiiioiŸ'é.tcs faîre«ssj<V«}eF' Virag^dS,
yn .çertaîft; ïipnibre ri’âuteurS(.inalgr^\Jp8rH^ttiQnstiratit|’rjs les plbà
3 êvl(l©ntôé,;?&e,-lntdatfépt encore, sceptiqüçd aÈ’ï'^l^àrüi nie Î't'xisîcaûe’dfts
femmes à bà^béj its nt; seraient pas éloi^ü'é’^ âo dïi'e qpé la plupart,4es
le'mmts à '^'arbe qe! sont que des jodwdüa maies, douèg d'une eonfor-
ivitHO fiÿiùû^ bafiiy, âc i{kàn3.
matiôn sexuelle dêfecfueuse et dont le véritable ^ëag,;ft-'èïjéwêeünnu.,
fâ'esl'pOWr rçpbibü’e à objection que nous (l’a|Sn8 àçcepîé daner
notre éted«? que despbserya^^t^ des feïîfmes a barbé dont te
Sexe à été; 4èlèrniin'ë Dans ce nombre fïÿuVént.
égaïèmeni ëeliés qui ont doBné ié joâr â dos eufanlg/l^a premièreJtlëèîOîî^S?^
tratlôb de la rèalîlé dtt séxe fèmîom, consiste
rnnfernité. ??ohs cOnsaçfçeriëb^Wb'jafin de e^tte étude à la présêntaitori
db femmes à barbë qbr De# pbysionotni.es docümen-
taires qiiî nous resteftt 4tjübfî6r j>rc,ser.ient le plus grand)niëràt> les unes
par roriginàlîtê de leur type, les autres par le^camoîère artistique du
document. , "
,Bn raïsoin de leur împorlance,-il no tuuis a pas jîurUspbssible de les
LBS FBMItBS A BARBE
17a
omettre. Ils nous aideront d’ailleurs à tirer de notre étude les conclusions
psychologiques et sociales qui paraîtront dans notre prochain numéro.
*
* ♦
Mme Hudjon est née dans la province de Posen. Elle réside à Berlin
depuis longtemps. Son portrait la représente à l’âge de trente-cinq
ans (fîg. 101). Elle est la femme d’un patron d'hôtel meublé. Elle a
donné naissance à une fille, aujourd’hui âgée de treize ans, dont la
santé et la conformation sont parfaites. Son système pileux est extrême¬
ment développé. Non seulement une barbe complète, d’un brun foncé,
orne ses joues et son menton, encadrant complètement son visage mais
ses moustaches sont bien dessinées. Ses sourcils sont épais et sa cheve¬
lure est extrêmement fournie.
Elle ne s’est jamais fait raser. Ses seins développés font mentir le pré¬
jugé populaire qui n'octroie aux femmes à barbe qu’une poitrine plate.
Ses goûts sont ceux d’une femme. Elle se livre constamment aux soins
du ménage. L’apparition de la barbe ne lui causa aucun ennui et elle
l'accepta avec beaucoup de philosophie. C’est avec une réelle bonne
humeur qu’elle raconta au D' Hirschfeld, de Gharlottembourg, de qui
nous tenons ces renseignements, l’effarement de la sage-femme appelée
pour la délivrer de son enfant. Cette pauvre matrone n’en revenait pas :
a Ce n’est pas une femme que vous me demandez d’accoucher, disait-
elle, c’est un homme. » Il lui fallut bien se rendre à l’évidence.
Mme Hudjon a beaucoup d’affection pour son conjoint. Elle n’a jamais
eu de sympathie pour les personnes de son propre sexe. Elle avait une
voix très douce ; mais des habitudes d’intempérance en ont modifié
le timbre et maintenant la voix est devenue quelque peu rauque.
♦
¥ ¥
Mme K... est née à Budapest (Hongrie). Elle est âgée de 40 ans. Elle
s'cst mariée il y a une dizaine d’années et est devenue mère d’un petit
garçon actuellement âgé de huit ans. Get enfant est très bien portant.
Elle n’a laissé croître sa barbe qu’après la naissance de son enfant, et
elle assure que ce n’est qu’après Taccouchement que cette barbe a pris
le développement que nous constatons sur son portrait (fig. 102). Cette
barbe forme un collier complet qui enveloppe tout le visage. La lèvre
supérieure est dégarnie, mais il n’est pas bien sûr que Mme K... n’ait
pas recours au rasoir. M. le Hirschfeld suppose que, grâce â la finesse
de sa barbe, elle a pu^ en la rasant, en dissimuler l’existence à son époux
et qu’elle a pris prétexte de la naissance de l’enfant pour la laisser
croître définitivement.
Les cheveux sont abondants et très fins et Mme K... se coiffe avec
beaucoup de goût. Les seins sont bien développés. Son allure générale
est celle d’une femme. Sa physionomie est empreinte d’une grande dou¬
ceur. Elle a de fort jolis yeux. D’ailleurs l’élégance de sa toilette, les
bijoux qu’elle porte, témoignent assez de ses goûts féminins et d’une
coquetterie fort légitime chez une personne de son sexe.
REVUE DE L HTPNOTiaUE
J’ai conîio pcTSonûeîiemént Mîïte O,..;; Êtife ’ agt mof te, récemment à
régi? ^ ans. JEÜb îift'svàit ptjïWiis 4e ptetiâï'fi: aà photographie. Rêstéê
veuveiJ'asaéz ÎHfnpe^lseure, eiW » dirigé, avec îièaucôup d'intetligtenee
uTiê ïïiaiEàn de èoBsiwerôe impsrlrcnî:&: Sa. hsrfee à fait l’âdmirâtiph d'iin
grand noml>rÊ de Parisiena (jui ont fréqaenté sa niaisioin.
’ Elfe n'eprouvait aucune gène à porter .sa feirlje., i|u'ei,la avadt:.^'* apj)»'^
raitre vers ï’ige de dix-hüit ans.: tfe tcWps én fempa ejtlè jîl'èîàgtt^t avee
dea ciseaux. Mme D... s’cst montrée partifeylvèremetitlét^iidàt É^fe n’â
F!i^. ifîS-vM>u» . . .. • ^
pas eu moins dç oîàÿ gtos^esées,. démontrant p,ar l.â i^üo fahaïèenc dail
pas être,, cheziune jiâÉime cnosidépéo'L’pinmfc^ un dé’ttfefeiîitc,- ■
Trois de ^E>Eft|antà survivent : deux H la et upe (tHc.EUé fe^ a'èfeves
avec béaucttUp^f ^nïïfiÇ dtpntrant tout îi,JaU:4^^^.fe
ràaternélle.
DdUèe d'un caractère excelfent
Sa phÿsjonpDîie ouverte et franche
|nspit4lt â la,
ïpüiçMrsmise avec dlégahce, eUe aVaït la démarche féminine et tous
les gofita d'ûnc femme. . ' O.;;.'
;Mrhe hesifennè,; eét hien connue dés.habîtants de lu région dtihfercf j;
'népà .Ppstiihett, af'rondissBniièJit de )5élhünB!i(Pas-^de-Galaia)j elle esl-
àgée'dft sôixànfe-èing’sCnsiv,.:-... ■■
LES FEMMES A BARBE
175
Elle parcourt les foires de la région, se livrant à un fructueux conitnerce
de pain d'épice. Sa barbe est assurément pour beaucoup dans son
succès. Attirés par le spectacle peu commun d’une femme à barbe, les
curieux s’approchent de sa boutique. Là, engagés par les manières ave¬
nantes de la marchande, ils se livrent à de sérieuses emplettes. Quand
cela leur fait plaisir, elle leur donne son portrait.
C’est vers l’âge de dix-huit ans qu'elle vit apparaitre d’indiscrets poils
follets auxquels elle faisait une guerre acharnée. Bientôt, iis envahirent
la lèvre supérieure et le menton. Pendant quarante ans, elle combattit
104. Mme Le>slien«e, feitiuie à barbe, ïtgèc de tfO ansv
ces signes visibles d’une fausse virilité, rasant, émondant, épilant. Tous
ses efforts demeurèrent inutiles. Enfin, il y a quelques années, elle
s’avoua vaincue. Depuis, son visage est orné d’une belle barbe et elle
regrette vivement n’avoir pas pris plus tôt cette décision. Elle est obli¬
gée de reconnaître que la liberté laissée à la barbe a été le point de
départ d’une excellente santé, dont elle n'a cessé d'être douée depuis
ce moment. Cette correspondance de la santé avec le port de la barbe a
été fréquemment signalée chez les femmes à barbe. Quand elles tour¬
mentent leur système pileux, elles éprouvent des malaises divers et des
troubles nerveux qui ne cessent que lorsqu’elles se décident à le laisser
croître librement. (Fig. 104).
Sa mère et sa sœur étaient également agrémentées d'un système
pileux assez développé. Mme Lestienne a donné le jour à deux fils aux¬
quels elle a fait donner une excellente éducation.
176
RETUB DE L'hTPNOTISHE
Ses goûts l’ont toujours portée aux travaux de son sexe. Elle a toujours
fait preuve d’une coquetterie de bon aloi, réunissant en elle toutes les
qualités de la femme et de la mère de famille.
(à suivre).
PHYSIO-PSYOHOLOGIE DES RELIGIEUSES
Les religieuses de Port-Royal.
(Neuvième série de 5 observations).
Par le D' Binet-Sanglé,
Professeur à l’Ecole de psychologie.
(suite) (>)
Erard de Montmorency-Beauseault, vivant en 1305, épousa Jeanne
de Longueval.
de Letfoeul. Jeanne de Longueval descendait d’Antoine de Longueval.
Celui-ci se croisa en 1190 et suivit Philippe-Auguste et Richard Cœur-
de-Lion en Terre-Sainte, où il mourut. Il avait un frère, Siger de Lon¬
gueval, qui signa une charte expédiée en 1197 en faveur de l’abbaye de
Clairvaux. Antoine engendra Jean de Longueval.
Jean do Longueval, avoué de Térouane, fut de ceux qui attestèrent à
Gauthier, archevêque de Rouen, le prétendu miracle arrivé en 1192 par
l’intercession de Sainte Madeleine de Vernon-sur-Seine. Il fit du bien à
l’abbaye d’Ouchain en 1202.
Son fils Aubert, vivant en 1223 et 1250, suivit Louis IX en Terre-Sainte
en 1250, et eut trois garçons, Guillaume, Aubert et Baudouin qui se
croisèrent en même temps que lui. Baudouin accompagna de plus
Louis IX en Afrique, et mourut sans hoirs.
Guillaume, mort en 1253, eut une fille et deux garçons, dont Aubert.
Aubert de Longueval, vivant en 1283, mort en 1286, épousa Anne de
Meullent.
de MetlltnI. Anne de Meullent descendait de Valeran de Beaumont-Meullent qui
d’Agnès de Montfort eut entre autres enfants Amaury de Meullent-
Gotimay.
Celui-ci fonda en 1235 l’abbaye de Fontaine-Ouérard au diocèse de
Rouen pour des religieux de l’ordre de Citeaux.
Il eut six garçons et deux filles, parmi lesquels : Amaury, vivant en
1236 et 1295, qui accompagna Louis IX à son premier voyage de Terre-
Sainte; Henry, qui rendit aveu de sa terre de Bagnolet à l’abbé de Saint-
Maur-des-Fossés en 1273, Guy, qui en 1230 donna de grands biens à
l’abbaye de la Croix-Saint-LeulTroy pour le repos de l’âme de Guillaume
son frère, et Anne de Meullent-Goumay.
d* li»»(«ml. Aubert de Longueval et Anne de Meullent-Goumay eurent un garçon
et deux filles, dont Jeanne de Longueval.
de Moitatreiey. Erard de Montmorency-Beauseault et Jeanne de Longueval eurent
trois filles, dont Agnès de Montmorency-Beauseault.
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
177
üaioy. Philippe d'Aunoy et Agnès de Montmorency-Beauseault eurent trois
garçons, dont Philippe d'Aunoy IL
Philippe d'AunoylL vivant en 1356, mort avant 1392, fut enterré avec
sa femme dans l’église du prieuré de Moucy-le-Neuf, où ils avaient
fondé une chapelle en 1372. Ils eurent une fille et deux garçons, dont
Robert
Celui-ci, vivant en 1367, mort le 21 novembre 1414, fut enterré dans
l’église de Tabbaye du Val, et engendra Charles d'Aunoy.
Charles, mort avant 1427, épousa en 1403 Jacqueiine, fille de Philibert
de Paillart et de Jeanne de Dormans.
Jeanne de Dormans descendait du champenois Jean de Dormans.
Celui-ci obtint en août 1353 le pouvoir d’acquérir soixante livres pari-
sis en fonds de terre pour être tenues par personnes ecclésiastiques. 11
eut trois filles et quatre garçons, dont Jean et Guillaume.
Jean de Dormans, vivant en 1357, fut archidiacre de Brie en l’église
de Soissons, puis nommé évêque de Beauvais en 1360. Le 23 septem¬
bre 1368, le pape Guillaume de Grimoard (Urbain V) le nomma
cardinal du titre des Saints Couronnés. Le 3 décembre de la même
année, il baptisa le fils aîné du roi Charles de Valois (Charles VI). Enfin
le pape Pierre Roger (Grégoire XI) le nomma légat d’Angleterre. Il
porta en cérémonie, dans l’église des Jacobins de Paris, le bras de
Saint Thomas d’Aquin. Il choisit par testament sa sépulture dans le
prieuré de N.-D. de Vaulvert, desservi par des religieux de l’ordre de
Saint Bruno, auquel il portait une affection particulière, et « pour lequel
il avait une singulière dévotion (^) ». Il voulut être inhumé devant le
grand autel en un tombeau élevé d’un demi-pied au-dessus de terre,
afin qu’on pût s’y agenouiller. Il donna aux Chartreux de Paris cinq
cents écus pour être convertis en revenus affectés à leurs vêtements, et
trente livres amorties de rente pour la nourriture d'un religieux qui
devait prier Dieu pour le salut de son âme. Il donna à l'église St-Pierre
de Beauvais les dîmes qu’il avait acquises de Raoul de Saints, et fit du
bien à l’église de Soissons.
Guillaume de Dormans, vivant en 1349, mort le 11 juillet 1373, enterré
dans le chœur de l’église des Chartreux, eut cinq garçons et deux filles,
dont :
Jean, chanoine de Paris, de Chartres et de Beauvais, mort le 2 novem¬
bre 1386, à vingt ans, enterré dans la chapelle du collège de Dormans,
à Paris, Bernard, vivant en 1370 et 1381, marié et sans enfants, Re-
gnault, archidiacre de Châlons, chanoine de Paris, de Chartres et de
Soissons, mort en mai. 1386, enterré dans la chapelle du collège de Dor¬
mans, Miles, archidiacre de Meaux, chanoine et prévôt de l’église de
Reims, chanoine de Saint-Quentin en 1369, évêque d’Angers en 1371, de
Bayonne en 1373, de Beauvais en 1375, mort le 17 avril 1387, et enterré
dans la chapelle du collège de Dormans, qu’il avait fait bâtir, et où il
(U Dcchesne : Histoire des chanceliers et des cardinaux français. 1, p. G04.
178
REVÜE DE l'hypnotisme
avait fondée pour la desservir, quatre postes de chapelains boursiers,
Guillaume, évêque de Meaux, archevêque de Sens en 1390, mort le
2 octobre 1405, enterré dans la chapelle du collège de Dormans, et
Jeanne de Dormans, qui testa en 1407, et élut sa sépulture en la chapelle
de ce même collège.
d’ÂHoi Charles d'Aunoi et Jeanne de Dormans avaient deux filles et un gar¬
çon, Jean.
Jean d’Aunoi, vivant en 1426, mort le8 novembre 1489, et enterré dans
l’église du collège de Beauvais à Paris, épousa Isabeau de Rouvroi.
de Roirroi Isabeau de Rouvroi descendait de Mathieu de Rouvroi I.
Mathieu de Rouvroi I, dit le Borgne, mort en 1370, épousa en 1332
Marguerite de Saint-Simon.
Saiit-Siseï Marguerite de Saint-Simon descendait de Eudo de Vermandois dit
rinsensé (voir plus haut), qui, marié à une Saint-Simon, engendra Eudo
de Vermandois-Saint-Simo7i IL
Celui-ci, vivant en 1144, eut trois garçons, dont Eudo, chanoine de
Saint-Quentin en 1213, et Jean I.
Jean de Saint-Simon I alla en Terre-Sainte en 1188, et vivait encore
en 1195. Il eut trois garçons, dont Eudes dit Oudart, chanoine de Saint-
Quentin en 1213, et Jean de Saint-Simon II.
Celui-ci, vivant en 1214, eut cinq garçons, dont Pierre, mort sans
postérité, Jean dit Beduin, chanoine de Saint-Quentin, et Simon.
Simon de Saint-Simon, vivant en 1260, eut deux garçons: René,
vivant en 1309, mort sans postérité, et Jacques I.
Jacques de Saint-Simon I mourut en 1328, et fut inhumé dans une
chapelle qu’il avait fondée en la cathédrale de Noyon. Il eut un garçon
et deux filles, dont Jacques II, mort sans alliance en 1333, et Margue¬
rite, femme de Mathieu de Rouvroi I.
de Roitroi Mathieu de Rouvroi I et Marguerite de Saint-Simon eurent un
garçon et deux filles, dont Marie, religieuse de Poissy, puis abbesse de
Notre-Dame-de-Fervaques, et Jean.
Jean de Rouvroi dit le Borgne, vivant en 1351, mort avant 1392, ren¬
dit aveu de la terre de Saint-Simon à l’abbé Saint-Bertin en 1370. Il eut
cinq garçons, dont Mathieu de Rouvroi IL
Celui-ci, dit le Borgne, rendit aveu de la terre de Saint-Simon à l’abbé
de Saint-Bertin le 26 avril 1383, servit sous l’évêque de Laon en 1414, et
fut tué en 1415. Il eut deux garçons et trois filles, parmi lesquels : Gilles,
vivant en 1419 et 1477, et enterré dans la chapelle qu’il avait fondée en
1471 dans la cathédrale de Senlis, Jeanne, chanoinesse de Sainte-Alde-
gonde de Maubeuge, et Gaucher.
Gaucher de Rouvroi, vivant en 1416, rendit aveu de la terre de Saint-
Simon à l’abbé de Saint-Bertin en 1448, mourut peu après 1458, et fut
enterré dans la chapelle qu’il avait fait bâtir dans l’église des Corde¬
liers de Saint-Quentin. Il épousa, le 8 juin 1422, Marie de Sarrebruche.
Gaucher de Rouvroi et Marie de Sarrebruche eurent trois garçons et
une fille, parmi lesquels Arthur, chanoine de la Sainte-Chapelle de
PUYSI0-P8YCH0L0GIE DES RELIGIEUSES
179
Paris, protonotaire du Saint-Siège, abbé de Nogent-sous-Coucy en 1490
vivant encore en 1527, et Philippe III.
Philippe 7/7, vivant en 1491, mort après 1499, enterré dans l’église de
Goussainville, épousa, le 10 mai 1468, Catherine de Montmorency.
iistriicj Catherine de Montmorency descendait de Mathieu de Montmo¬
rency IV (voir plus haut). Celui-ci épousa en mars 1277 Jeanne de Levis,
qui appartient à l'ascendance d'une autre religieuse de l’abbaye de Port-
Royal, où elle se retira elle-même après la mort de son mari et où elle fut
enterrée. Il en eut une ûlle et deux garçons, Mathieu V, mort en 1305,
marié et sans enfants, et Jeanl.
Jean I vivant, en 1303, mort en juin 1325 et enterré dans l’église du
prieuré de Sainte-Honorine de Conflans, eut trois garçons et deux filles,
dont Jean, élu évêque d'Orléans en 1350, mort le 6 juillet 1364, Charles
vivant en 1343, mort le 11 septembre 1381, enterré dans l’église de l’ab¬
baye du Val, et Mathieu de Montmorency-d'Auvresmenil.
Celui-ci, vivant en 1343, mort le 29 juin 1360, enterré dans l’église de
Saint-Barthélemy de Taverny, épousa Aiglantine de Vendôme-Char¬
tres.
idéif- Aiglantine de Vendôme-Chartres descendait de Bouchard de Ven-
Clirlrei dôme I.
Celui-ci prit l’habit religieux à l’abbaye de St-Maur-des-Fossés,
du consentement de sa femme, < y passa le reste de ses jours avec une
piété exemplaire, et y fit de grands biens » (*). Il fit rebâtir cette abbaye.
Il y mourut le 26 février 1007, et y fut enterré.
De sa femme Elizabeth, qui fut enterré près de lui, il eut un garçon
et une fille, Renaud, évêque de Paris, qui donna à son chapitre i’église
de St-Merry et la moitié de l’Hôtel-Dieu, et mourut le 18 janvier 1020, et
Elizabeth.
Elizabeth de Vendôme fit quelques biens du consentement de son
mari à l’abbaye de Marmoustier « afin d’obtenir de Dieu des enfans » (^),
l Aijoi et fut brûlée pour adultère en l’an 1000. Elle épousa Foulques d'An¬
jou III (®), et en eut Adèle d'Anjou-Vendôme.
le Nemi Adèle d'Anjou-Vendôme épousa Bodo de Nevers qui descendait de
Landry de Nevers I.
Le frère de celui-ci, Hildegaire de Nevers, chapelain de Charles le
Chauve, abbé de St-Pierre-de-Plavigny, puis évêque d’Autun en 876,
mort en 893, avait les revenus de l’église St-Âuban en Bourgogne.
« Touché de la piété de St Bernard, évêque de Mâcon, il luy donna et à son
église celle de St-Âuban en 868 du consentement de Hildesende, sa
femme » (*).
Landry de Nevers IV, qui descendait de Landry I à la quatrième
génération, restitua à l'abbaye de Flavigny, en présence de Bodo et de
Landry, ses enfants, un alleu qu’il avait usurpé, donna à l’abbaye de
(1) (2) Anselme : Histoire delà maison de France, t. VllI, p. 722.
(3) Voir D' Bi.net-Sanolé in Archives d'anthropologie criminelle, 15 sept. 1902, p. 612.
(4) Anselme: Histoire de la maison de France. III, p. 195.
180
RETUB DE l’hypnotisme
Saint-Germain d’Auxerre le monastère de Dezise, et mourut en i015
daBDHfope ou 1028. Il épousa Mathilde fille de Otfe-Gui7iaume de Bourgogne.
Otte-Guillaume de Bourgogne fit plusieurs donations à l’abbaye de
Saint-Bénigne de Dijon, mourut le 21 septembre 1027, et fut enterré dans
cette abbaye. Il épousa Ermentrude fille de Renaud de Reims et de
Roucy (^), et en eut trois garçons et trois filles, dont Guyl, qui autorisa
de son seing la donation que fit Hugues, évêque d’Auxerre, à l’abbaye
de Pared en 999, mourut longtemps avant son père vers 1004, et fut
enterré dans l’abbaye de Saint-Benigne de Dijon, Renaud I, vivant en
1026, mort le 4 septembre 1057, qui eut de grands différends avec
Hugues, évêque d’Auxerre, et fit plusieurs dons à l’abbaye de Oluny,
et à celle de St-Benigne de Dijon, Brunon, archidiacre de l'église de
Langres, et Mathilde^ femme de Landry de Nevers IV.
de Neieri Landry de Nevers IV et Mathilde de Bourgogne eurent cinq garçons,
parmi lesquels : Renaud 7, qui consentit en 1032 à l’élection d'Eudes
comme abbé de St-Germain d’Auxerre, lui confirma en 1035 le don
que son père Landry IV avait fait à cette abbaye du monastère de
Dezise, donna le village de Beaumont à l’abbaye de Cluny « pour le
soulagement de l’âme du comte Landry, son père, de la comtesse
Mathilde, sa mère, et de Guy, son frère, du consentement et en présence
de la comtesse Adelaîs, sa femme... et de Guillaume, son fils ; quelques
tems après, il restitua à Eudes, abbé de St-Germain-l’Auxerrois, le
monastère de St-Sauveur de Nevers, qu’il lui avoyt oté » (*) ; Robert,
qui donna à l’abbaye de St-Germain d’Auxerre l’église de Ste-Oécile
de Ohatillon, et Bodo, mari d’Adèle d’Anjou-Vendôme.
Bodo de Nevers et Adèle d'Anjou-Vendôme eurent quatre garçons
dont Bouchard 777, dit le Chauve, mort sans alliance, Hugues, qui fit
deNeiffi-Yendôieun voyage à Rome, et Fougues de Nevers dit Fougues de Vendôme.
Celui-ci, dit TOison, « peut-être à cause des folies de sa jeunesse » (3),
fit plusieurs indignités à sa mère, qui le déshérita, et confirma les dona¬
tions faites par Geoffroy d’Anjou à l’abbaye de Vendôme.
(à suivre)
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance annuelle du mardi 20 juin 1905 {suite)
I Présidence du D' Albert Rodin.
La psychologie du simulateur dans les accidents du travail.
Le bon et le mauvais simulateur.
par M. le D»* A. Courtaült
Directeur de l’Institut de raécanothérapie.
Les lois, promulguées actuellement à peu près partout en Europe,
sur les accidents du travail constituent une des manifestations humani-
(l) Voir D** Binet-Sanglé in Archives d*anthropologie criminelle^ 15 sept. 1902, p. 544.
^2) Anselme : Histoire de la maison de France. III, 19G.
(3) Ibid., 722.
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOOIE BT DE PSYCHOLOGIE
181
taires les plus admirables des temps modernes et se sont déjà révélées
comme un des éléments le plus considérable et le plus efficace du
progrès social.
Le malheureux, victime d'un accident qui peut entraîner pour lui et
les siens les plus terribles conséquences, est désormais certain d'être
secouru, soigné et dédommagé dans la mesure du possible de ses
soulTrances, de ses infirmités passagères et même de l'invalidité perma¬
nente dont il peut être menacé.
Cette certitude devient pour lui la meilleure des suggestions pour le
soutenir dans ses efforts, le consoler dans ses épreuves et l’encourager
dans son travail. Il finit même par se sentir tellement garanti pour
l'avenir, quoi qu'il arrive, que sa vigilance, sa constance et surtout son
initiative en subissent, à la longue, un certain contre-coup et il arrive
parfois que sa mentalité en accepte une orientation vicieuse qui l'amène
presque fatalement aux pires conceptions.
C'est sur cette psychologie spéciale à l'ouvrier blessé que je voudrais
retenir quelques instants votre attention.
Avant la législation spéciale aux accidents du travail, l'ouvrier blessé,
abandonné à lui-méme dès sa sortie de l'hôpital^ livré à sa seule
initiative, à ses seules ressources, s'ingéniait à retrouver, par tous les
moyens, l'aptitude professionnelle perdue. A force d'énergie et de persé¬
vérance, il arrivait ainsi, par un entraînement résolument et courageu¬
sement progressif, à des miracles de rééducation professionnelle et de
rendement dans son métier, qu’il finissait, le plus souvent, par reprendre
régulièrement, sans diminution de salaire, alors qu’on avait pu croire
cet homme à tout jamais incorporé parmi les invalides du travail.
Dans nos deux Rapports au Congrès de Liège, il y a trois semaines,
sur la Mécanoihérapie appliquée aux suites d'accidents du travail et
sur les Ateliers de convalescence pour les blessés du travail^ nous
citons de nombreux exemples démontrant l’influence réelle de la volonté
sur les suites du traumatisme.
Ces exemples, encore chose courante hier, se font bien rares aujour¬
d’hui et ne se rencontrent plus guère que chez les blessés libres, non
assurés, qui échappent ainsi à l'inévitable suggestion que font naître,
dans l'esprit de chaque blessé du travail, les indemnités stipulées par
la loi, loi humanitaire et bienfaisante entre toutes, ne cesserai-je de
répéter.
Aussi les prétendus invalides ou estropiés du travail sont-ils devenus
légion depuis la loi de 1898 et de par les jugements des tribunaux,
jugements qui ont encouragé dans de grandes proportions la simulation
ou tout au moins VexagératioUy en permettant aux blessés de compter
sur des indemnités larges et faciles.
Et, à la vérité, on s’explique fort bien que, mis en présence de souf¬
frances excessives ou d'impotences apparentes, alléguées parles victimes
1S2
REVUE DE l’hypnotisme
d’accidents et jusqu'ici, si difficilement contrôlables, les tribunaux^ en
vertu de l’adage, qui veut que « la mauvaise foi ne se présume pas >
accréditent des lésions douteuses et allouent des indemnités qui se trans¬
forment alors en primes d’encouragement pour les plus habiles et moins
consciencieuses victimes.
De même cette psychologie spéciale à l’ouvrier blessé, cette mentalité
qui lui fait réaliser des miracles de courage et de persévérance quand il
sait n’avoir à comptet que sur soi-même et qui, au contraire, le conduit
à la nonchalance, à l’inertie, sinon à l’exagération et à la simulation
quand, non seulement il se sent protégé contre tout risque, mais entre¬
voit encore le moyen d’en tirer profit, est humaine, rationnelle et même,
dirons-nous, normale.
Mais de cette conception, si naturelle, si logique en soi, à l’abus et à
l’illégalité, il n’y a qu’un pas et, ce pas franchi, nous arrivons à l’exagé¬
ration qui n'est qu’une partie de la simulation.
Autant l’exagération est fréquente, ordinaire môme, puisque d’après
Kaufmann les victimes d’un accident sont toutes à un certain degré
portées à exagérer, autant la simulation complète est rare. Car il est
infiniment plus facile d’exagérer une douleur, une impotence réelle que
de créer celles-ci de toutes pièces. La simulation est plutôt limitée à un
symptôme se rattachant plus ou moins directement à un traumatisme
antérieur. C’est ainsi qu’on simule la surdité, l’amblyopie, l’aliénation,
la paralysie, le tremblement, etc., ou bien, cas très fréquent, qu’on
essaie d’attribuer un mal déjà existant à l’accident survenu.
Par simulation, l’on entend d’ordinaire l’acte de se prétendre malade
alors qu’un examen attentif ne révèle aucun phénomène morbide. Dans
l’exagération, on peut souvent constater un état pathologique; mais les
plaintes de la victime en donnent une représentation exagérée. Les deux
formes peuvent se combiner et rendre d’autant plus difficile une juste
appréciation de la valeur de ces plaintes.
Ce sont les maladies nerveuses, les névroses, qui se prêtent le mieux
et le plus à la simulation.
C’est un fait connu généralement et depuis longtemps, que le trauma
peut agir sur le système nerveux au point de causer un désordre déter¬
miné, sans qu’il y ait môme des lésions anatomiques. Ces troubles se
manifesteront sous les diverses formes de névroses, psychoses, etc. Des
traumas de moindre importance peuvent, parfois, agir en ce sens, et Ton
constate la rupture de l’équilibre psychique dans lequel vit l’individu
normal. Le trauma seul ne doit pas être considéré comme une cause
efficiente ; la constitution de la victime crée une prédisposition et les
circonstances dans lesquelles elle vit, spécialement sa situation sociale
et économique, ont également à entrer en ligne de compte. L’idée qu’elle
est assurée fera en outre germer, chez la victime, la pensée de tirer profit
de l’accident et l’amènera naturellement à simuler ou à exagérer.
Ces deux actes sont l’expression d’un travail anormal, pathologique
de Torgane psychique. L’on ne peut d’ailleurs point perdre de vue que.
SOGlâTÉ d’hTPNOLOOIB BT DB PSTCHOLOGIE 183
Bans Tassurance, un ouvrier continuera son travail malgré une foule de
misères petites ou grandes, bien que cela ne soit ni souhaitable, ni utile
pour lui-même. Certain, au contraire, d’être soigné lui et sa famille au
compte d’autrui, assuré d’un bon traitement, qui peut lui avoir manqué
autrefois, il attendra sans hâte, son complet rétablissement. Ce fait peut
amener la surveillance à admettre à tort qu’il y a exagération, la vic¬
time, de son côté, étant facilement disposée à exagérer plus ou moins
dans la crainte de voir son état considéré comme meilleur qu’il n’est.
Ce dernier cas se présentera plus fréquemment encore, s’il existe
quelqu’espoir de rente. Aussi Kaufmann a-t-il grandement raison de
dire : la nature humaine se renierait elle-même, si ces factéurs ne fai¬
saient sentir leur influence.
En résumé, je dirai que, si la simulation est une des formes do la ruse,
comme la définit le D** Zand, l’exagération est un phénomène psy¬
chique pathologique, qui se manifeste à la suite d'un trauma, sous l'in¬
fluence de la constitution et de diverses circonstances sociales. Au point
de vue psychique, qui nous intéresse seul ici, les secours et le traite¬
ment initial peuvent être considérés comme un trouble psychique. Le
traitement psychique joue dès le commencement un rôle considérable,
dont les conséquences apparaîtront plus nettement encore à la fin, au
moment de la liquidation judiciaire définitive.
C’est à ce moment que la mentalité du sujet, longuement sugges¬
tionnée se manifestera avec toute sa personnalité plus ou moins contenue
jusqu’alors, et que l’expert devra rechercher à quelle catégorie de simu¬
lateur il peut avoir alTaire.
Les bons et les mauvais simulateurs dans les accidents du travail.
C’est qu’en effet, comme il y avait autrefois — d après l’Evangile —
les bons et les mauvais larrons, de même nous avons aujourd’hui — de
par la loi du 9 avril 1898, modifiée par celle du 31 mars dernier, les bons
et les mauvais simulateurs : je veux parler des simulateurs de bonne foi
et des simulateurs de mauvaise foi.
Le simulateur de bonne foi croit lui-même — et lui seul le croit
souvent — aux douleurs qu’il accuse, aux lésions qu’il décrit, aux infir¬
mités qu’il expose. C’est, en général, un détraqué du traumatisme, un
déséquilibré psychique, qui n’a pas encore retrouvé son aplomb culbuté
par la suggestion traumatique, par la terreur, l’éblouissement, le ver¬
tige. Ce dérangement, d’ordre psychopathique, est localisé, cérébra-
lement autant que physiquement ; il ne porte que sur le fait étiologique,
sur la lésion qui préoccupe. La mentalité générale est excellente par
ailleurs, de même que la santé est parfaite sur tous les autres points.
Il s’agit ordinairement d’une victime de quelque catastrophe plus ou
moins dramatique ou retentissante ; d’un traumatisme subi dans des
circonstances fortement impressionnantes et suggestives, telles qu’une
184
REVUE DE l'hypnotisme
explosion, un déraillement, un incendie, un naufrage, une panique plus
ou moins justifiée au milieu d'une foule en délire, etc.
L’effroi, ia commotion, Tictus mental ont souvent, dans ces* cata¬
clysmes cérébraux une part plus lourde que la lésion primitive elle-
même. La démonstration de ce que nous affirmons se trouve dans la
lecture du Rapport suivant, formulé avec cet esprit d’observation qui
caractérise le Professeur Brissaud.
Sur un cas particulier de paracoüsie hystéro-traumatique.
Rapport de M. le Professeur Brissaud, lu en audience publique du
Tribunal de la Seine. — M. Duchauffour, président.
Nous, soussigné, professeur à la Faculté de Médecine, avons été désigné
par Monsieur le Président du Tribunal civil de la Seine, à l’effet, dispensé
du serment du consentement des parties, de voir et visiter M. Cavier ; dire
si, par suite de l’accident du 10 Août mil neuf cent trois, il est ou non atteint
d'incapacité permanente et, dans l’affirmative, estimer la réduction de capa¬
cité qu’il subit; fixer la date de consolidation de la blessure.
Le dix Août 1903, dans la soirée, le chemin de fer métropolitain était le
théâtre d’un sinistre qui fît de nombreuses victimes. M. Cavier, âgé de
33 ans, chef de train, y fut atteint d’un commencement d’asphyxie. C’est à
grand’peine qu’il put se frayer un passage dans les décombres de l’incendie,
parmi les blessés et les morts. La terreur qu’il éprouva, centuplée par le
sentiment de la responsabilité que ses fonctions comportent, produisit sur
son esprit une action soudainement paralysante. Quelques moments après
l’accident, il était rapporté chez lui, muet et stupide. Pendant deux heures
on n’en put obtenir une parole. Puis, peu à peu, il reprit ses sens; mais il
était incapable d’aucune initiative, d’aucune détermination ; en quelque
sorte abruti, il assistait aux menus événements de la vie quotidienne, sans
même se douter que le temps s’écoulait. Il comprenait confusément ce qu’on
lui disait et son entourage supposait qu’il était devenu sourd.
C’est, en grande partie, cette apparente surdité qui, encore aujourd’hui^
plus d’un an après l’accident, entretient chez M. Cavier une réelle incapacité
de travail. Le 3i juillet 1904, M. Cavier fut examiné par M. le D** Lombard,
oto-laryngologiste des hôpitaux, qui signala des troubles auditifs d'origine
nerveuse^ ayant amené une notable diminution de Vaudition.
Notre collègue, M. Lombard, n’est pas très explicite ; et c’est qu’il n’a pas
voulu l’être. La formule vague qu’il emploie, exclusive de toute constatation
de lésions matérielles, implique, d’ailleurs suffisamment, que le trouble
nerveux est purement fonctionnel.
Et il en est bien ainsi en réalité. Il s’agit d’une simple surdité psychique.
M. Cavier entend, mais croit qu’il n’entend pas. Il le croit en toute sincé¬
rité ; et cela revient pour lui, à ne pas entendre. Il joue en conscience, et à
son insu, le rôle d’un sourd — le pire sourd, celui qui ne veut pas entendre.
— Et il joue ce rôle dans la perfection. Il se croit tenu de crier, comme un
sourd qu’il croit être, pour se faire comprendre ; il crie bien plus fort qu’un
vrai sourd : il est assourdissant !
Mais certaines expériences, d’une simplicité élémentaire, démontrent, heu¬
reusement, que la surdité n’est pas réelle. Et, du reste, comme la bonne
foi de M. Cavier est absolue, il est le premier à confirmer cette conclusion»
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOOIE ET DE PSYCHOLOGIE 185
Il le dit lui-mcmo : « Sa surdité n’est pas constant#». — Il y a des jours où il
« entend mieux, ou moins mal... Tout dépend... C’est selon la tête ».
« Selon la tête » signifie selon un état psychique d’obsession, où dominent
les réminiscences du sinistre. Lorsque l’obsession est à son plus haut degré,
M. Cavier présente des troubles de la sensibilité générale d’une acuité singu¬
lière. Le jour, il craint la lumière, la nuit, il craint l’obscurité. Il craint l’une
et l’autre, parce qu’elles lui sont également douloureuses. Les contacts, les,
odeurs ne lui sont pas moins pénibles. Mais, fait topique, qui caractérise du
môme coup sa névrose et sa franchise, lui, qui est sourd, ne peut pas entendre
parler!
En outre, il a des terreurs nocturnes; il se réveille en sursaut, qu’il
marche sur des morts. L’odeur de coaltar du métropolitain l’enveloppe et
l’étouffe.
Tout n’est pas purement subjectif : M. Cavier est atteint d’un tic facial
(moitié droite du visage, du front, de l’orbiculaire palpébral.)
La secousse musculaire n’a rien de spasmodique. D’ailleurs, contrairement
aux contractions du spasme facial de cause organique, le mouvement se
propage presque toujours, chez.M. Cavier, à la moitié gauche du visage. Il
fait donc une grimace, toujours à son insu ; il sait qu’il la fait, parce qu’on
lui a dit qu’il la fait ; mais il l’oublie, et il entretient son tic sans s’en rendre
compte, tout en restant capable de ne plus le faire quand on le prie de
garder le visage immobile
Nous n’avons constaté aucun autre trouble de la fonction musculaire ; et,
fait de première importance, les réflexes rotuliens et achilléens sont con¬
servés. Toutefois, en raison del’ « attention expectante » ils peuvent sembler
faire défaut, si l’on ne prend pas la précaution de détourner l’attention par
l’épreuve de Jendrassick (*).
Déjà se dégage, de ce qui précède, la présomption que l’état maladif se
résume à une forme relativement simple à'hystérie traumatique à prédomi¬
nance psychique. La présomption devient certitude lorsqu’on recherche et
trouve l’hémianesthésie caractéristique de la névrose ; et la perte de la sen¬
sibilité douloureuse est ici mathématiquement diminuée. Un tremblement
menu (nous voudrions pouvoir exclure sans réserve l’influence de certaine
intempérance), complète le tableau.
M. Cavier se plaint, enfin, de dyspnée, de douleurs mal déterminées, mal
localisées, de vertiges ; mais tout cela compte peu à côté du reste.
Etant donné que l’hystérie traumatique dont il s’agit, affecte surtout» un
caractère psychique ; qu’elle a pour symptôme dominant un trouble sensoriel,
tenace, malgré ses variations d’intensité (surdité psychique) ; que les formes
d’hystérie dites monosymptomatiques, sont (principalement quand elles
affectent un organe sensoriel) plus rebelles que les autres formes, alors
même que le point de départ du trouble sensoriel est psychique, nous
concluons :
1® M. Cavier est atteint d’incapacité permanente partielle.
2® La réduction de capacité peut être évaluée à vingt pour cent (20 0/0).
Paris, le 24 octobre 1904. Signé : Brissaud
(1) Manœuvre qui consiste à tirer fortement sur les deux mains unies par Vex-
trémité des doigts recourbés en crochet. Elle a pour but d’imposer au sujet dont on
examine les réflexes rotuliens, un effort pendant lequel les groupes musculaires
considérés restent à l’état de relâchement complet. A. G.
186
REVUE DE l’hypnotisme
* *
II s*agit bien là, évidemment, d'un simulateur, mais d'un simulateur
convaincu : c’est le type du bon simulateur dont nous avons parlé.
Molière avait déjà décrit un exemple des plus remarquables de
CCS gens qui, de bonne foi, s'imaginent ressentir des maux qu'ils n'ont
pas !
Au premier acte du Malade imaginaire, en effet, Argan, se prétendant
très malade, se fait mettre un oreiller sous lui, un sous chaque bras, un
derrière le dos, un autre enfin derrière la tète. Toinette, pour se
moquer de lui, lui en applique un dernier sur la figure :
— Et celui-ci, dit-elle, pour vous garder du serein.
Argan se met en colère, se lève, jette les oreillers à Toinette qui
s'enfuit, court après elle :
— A coquine tu veux m'étouffer !
Il oubliait qu'il est malade, il se le rappelle et se jette sur sa chaise :
— Ah! ah I ah ! je n'en puis plus... Ah ! elle m'a mis hors de moi, et
il faudra plus de huit médecines et douze lavements pour reposer tout
ceci !
Le Malade imaginaire était un malade, puisqu'il croyait très sincè¬
rement être malade ; ce n'en était pas moins un simulateur lui aussi et
le type du bon simulateur.
A une des dernières audiences du Tribunal de la Seine, M. Duchaufour,
président a donné lecture d'un rapport de M. le Prof. Brissaud, dans
une expertise concernant un ouvrier, qui a renouvelé, devant le médecin,
la scène d'Argan et de Toinette.
Nous sommes heureux de pouvoir reproduire ici le texte de ce
rapport.
Vers la fin du dernier acte Argan s’écrie :
— Ah! que d'affaires, je n'ai pas seulement le loisir de songera
ma maladie !
Cet état d’esprit ne se trouve pas seulement dans des rôles de la
Comédie française. On le retrouve aussi chez l’ouvrier, lorsque pourvu
d’une faible rente, il se trouve obligé de se remettre au travail. Du
coup il en oublie sa maladie imaginaire.
Rapport du D*- Brissaud, dans l’affaire Müllot contre Dejouhet.
Nous, soussigné, E. Brissaud, professeur à la Faculté de Médecine, avons
été commis par M. le Président du Tribunal civil de la Seine à l’effet,
dispensé du serment du consentement des parties, de voir et visiter
M. Mullot. prendre connaissance des documents et certificats produits, dire
quelles ont été les blessures occasionnées par l’accident, quelles en ont été ou
seront les conséquences, au point de vue de l’exercice tant de la profession
du demandeur que de toute autre profession, incapacité temporaire, perma¬
nente, partielle ou absolue de travail ; à quelle époque doit être fixée la
consolidation des blessures, c’est-à-dire la date à laquelle le traitement a
été terminé, ou bien la date à laquelle se place le moment où l’accidenté a
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOOIE BT DK PSYCHOLOGIE
187
su ou dû savoir quelles seraient la nature ou Timportance de son incapacité
professionnelle définitive.
Depuis l’expertise à laquelle nous avions été commis une première fois par
M. le Juge des conciliations, le 4 mai 1904, il ne s’est produit dans l’état de
M. Mullot, aucune modification vraiment importante, M. Mullot, cependant,
marche mieux qu’au mois de mai dernier ; mais il n’en veut pas convenir. Il
allègue toujours une luxation de la hanche droite, produite par la chute
qu’il fit le tS août 1903 ; or, il est à peu près impossible d’admettre qu’il se
soit luxé la hanche, aucun témoignage médical ne mentionne cette luxation,
la plus grave de toutes les luxations, et il est inadmissible que ladite luxation
ait été réduite sans que le blessé se doute du moment où elle aurait été
réduite et sans que le chirurgien se soit fait aider pour cette opération ;
enfin, sans qu’on ait employé le chloroforme.
En tout cas, pas plus aujourd'hui qu’au mois de mai dernier, il n’existe
aucun indice de cette prétendue luxation. L’incapacité de travail résulte
simplement d’une topoalgie névropathique du membre inférieur droit, qui,
selon M. Mullot, rend indispensable l’usage d’une paire de béquilles.
Aujourd’hui, mercredi 16 novembre, nous retrouvons donc la situation
presque identique à ce qu’elle était au mois de mai dernier. Mais un inci¬
dent survenu au cours de l’expertise ne fait que corroborer les conclusions
du précédent rapport.
Rendez-vous avait été pris avec M. Mullot et M. X... représentant
Chartier, avoué de Mullot d’une part, et M. le D** Fournaise, médecin
de la Compagnie d'assurances d’autre part. M. Mullot no s’étant pas trouvé
exactement au rendez-vous (il s’en fallait d’une demi-heure), nous lui fîmes
observer que nous étions, au moment oû il arrivait, sur le point de nous
séparer pour aller chacun à nos affaires. M. Mullot, visiblement « monté ».
nous répondit que, dans l’état oû l’avait mis l’accident, il lui avait été im¬
possible d’arriver plus tôt.
Quelques instants après, nous rappelions à M. Mullot que, lors de l'ex¬
pertise du mois de mai, nous lui avions donné le conseil de laisser scs
béquilles et de marcher avec des cannes; que nous avions la certitude qu'il
pouvait se passer de béquilles, attendu que nous l’avions vu, au mois de
mai, descendre un petit perron de l’Hôtel-Dieu sans se servir de ses bé¬
quilles et en les maintenant simplement fixées sous les bras, les extrémités
ne portant pas à terre. Cette remarque provoqua chez M. Mullot une
violente colère ; il s’anima jusqu’à employer des formules qui ne nous
permettaient pas de prolonger notre entretien. Mais ce que M. Mullot ne
se décide pas à faire, la colère le lui fait faire à son insu : il se dresse tout
droit, sans béquilles, et pivote sur sa jambe malade aussi aisément que sur
sa jambe saine. Cette liberté de mouvements, subitement reconquise, est
constatée, non sans étonnement, par M. X... représentant M« Chartier, qui,
d’ailleurs, essaie de ramener le calme dans l’esprit, les paroles et la tenue
de son client. Mais au moment où nous félicitons M. Mullot de ce qu’un
mouvement un peu vif d’humeur lui ait ainsi rendu ses moyens, il se préci¬
pite sur ses béquilles, les replace sous ses bras, en disant : « Non, je no
peux pas m’en passer ».
Cette petite scène nous confirme une fois de plus dans l’opinion que
M. Mullot cst« buté. » Il est persuadé que tout effort est inutile, et il est
résolu à n’en faire aucun. Il a une idée fixe, l’idée fixe d’une infirmité —
188
REVUE DE L HYPNOTISME
qui n’existe pas dans le membre blessé, mais qui existe dans son cerveau
assez opiniâtre, assez absorbante pour caractériser un état morbide. Il
faut même attribuer à cette sorte très spéciale d’obsession, la révolte de
M. Mullot en présence de quiconque ne le croit pas atteint d’une incapacité
de travail permanente absolue. La colère à laquelle il s’est laissé aller n’est
donc, à tout prendre, qu’un symptôme épisodique de sa névropathie. Et
comme il ne subsiste plus aucun vestige matériel de Taccident du 13 août
1003, comme tout se borne à une attitude d’infirmité que M. Mullot a prise
et conserve, en raison du fait qu’il est incapable de vouloir en prendre une
autre ; comme, enfin, cette infirmité illusoire disparaîtra lorsque M. Mullot
sera amené par les circonstances à faire les efforts indispensables à une
guérison qui ne peut lui venir que de lui-même, nous maintiendrons les
conclusions de notre précédente expertise en estimant à 25 pour cent la
réduction de capacité.
Paris, 16 novembre 1904; Signé: E. Brissaud.
Ainsi que les précédents, ce rapport, véritable modèle du genre,
révèle l’expert consciencieux, chez lequel la science le dispute à l’esprit
psychologique.
En opposition avec le simulateur de bonne foi, dont nous venons de
présenter deux types aussi dissemblables dans la forme qu’identiques
en l’espèce, on observe également le mauvais simulateur, celui contre
lequel il est d’autant plus difficile d’arguer et dangereux de conclure,
qu’il se présente savamment préparé à la lutte, au point de dérouter
le juriste le plus expert comme de compromettre le médecin le plus
expérimenté.
C’est ce qui s’est présenté dans un cas récent où le D' Sébileau,
agrégé à la Faculté de médecine, chargé d’examiner un malade qui
avait été traité à notre Institut de mécanothérapie, a dans son rapport
démontré que le malade avait échafaudé de toutes pièces un système
tendant à démontrer qu’un traitement consistant en figures faites sur le
dos du pied avait aggravé son état. Or, ce traitement n’avait jamais été
pratiqué, et le rapport du D** Sébileau en a révélé l’invraisemblance.
Dans ce cas, le blessé, en voulant trop prouver, s’était révélé mauvais
simulateur et il n’a fallu rien moins que la grande sagacité du médecin
expert pour en faire la démonstration.
La fréquence de la simulation dans les accidents du travail en fait
une question toute d’actualité. Les faits sont de nature à intéresser les
psychologues, tant par l’intérêt que présente l’étude des procédés mis
en œuvre pour réaliser l’œuvre de simulation que par l’ingéniosité dont
les médecins doivent faire preuve pour arriver à la déjouer. Il s’agit là
d’une sorte d’escrime dans laquelle le dernier mot doit rester non seu¬
lement au plus avisé, mais aussi au plus compétent et au plus savant.
La simulation dans les accidents du travail démontre la nécessité qui
incombe au médecin contemporain, non seulement de ne pas se désinté¬
resser des études sur la psychologie, mais d’y exceller, s’il veut rester à
la hauteur de sa mission.
SOCIÉTÉ d'hYPNOLOGIB £T DE PSYCHOLOGIE
189
Discussion
M. Bbrillon. — La simulation est d’autant plus difficile à dépister
que les simulateurs trouvent des leçons non seulement dans les livres
de médecine, mais même les examens, auxquels ils sont soumis de la
part des médecins, les intruisent de ce qu’ils doivent répondre dans les
expertises ultérieures. Il y a des agences organisées dans le but de les
initier à l’art de simuler des maladies qu’ils n’ont pas. L’étude de la
simulation est destinée à jeter une vive lumière sur la question toujours
actuelle du parasitisme social. Le parasitisme revêt les formes les plus
variées et les plus inattendues. Le parasite obéit à des dispositions
tellement instinctives, que pour arriver à ses fins, il se donne souvent
beaucoup plus de mal que s’il travaillait d’une façon normale. Une des
principales préoccupations d’un corps social bien organisé est de prévoir
le parasitisme et d’en limiter les effets nuisibles. A notre époque le
parasitisme a revêtu un caractère particulier, il repose entièrement sur
la simulation. La question de la simulation envisagée dans les rapports
avec le parasitisme social, mérite d’être inscrite à l’ordre du jour de
notre société. Un psychologue, véritablement digne de ce titre, se doit à
lui-même de n’étre dupe d’aucune simulation. Il doit apprendre à la
connaître, pour apprendre à la déjouer. Nous demanderons à notre
confrère, le 0*“ Oourtault, de continuer son intéressante étude dans des
communications ultérieures, et nous inviterons nos collègues à aborder
l’étude de la simulation envisagée dans ses manifestations les plus
diverses.
COURS ET CONFÈRENCES
Folie hystérique (^).
Par M. le Professeur Raymond.
Voici encore un cas qui prêterait à une erreur de diagnostic, si l’on
n’y regardait pas d’un peu près.
Il s’agit d’une femme de 26 ans. Elle nous demande aide et protec¬
tion, car on la persécute. Un épicier de son quartier la poursuit et lui
cause toute espèce d’ennuis ; il veut la faire mourir de faim, lui met des
vers dans ses aliments, lui fait moucher sa cervelle, la fait aller à droite
et à gauche, lui envoie des rayons X dans les yeux ; la nuit, il la tire
par les pieds, se penche sur son chevet pour voir si elle est morte et la
fait assister à des scènes terribles ; elle assiste ainsi à son assassinat, à
la constatation de son décès, à son enterrement. Pour comble de
malheur, les commis de l’épicier se sont mis à essayer leurs pouvoirs
sur elle.
(1) Présentation de malade faite à la Clinique des maladies du système nerveux
de la Salpétrière.
190
RBVUB DB L’HTPNOTISMB
Vous le voyez, c’est un délire assez bien coordonné, systématisé jus¬
qu’à un certain point, comportant des hallucinations et des idées de
persécution.
La première pensée est qu’on se trouve en face du délire chronique
avec ses quatre grandes périodes que vous connaissez bien. Or, faire un
pareil diagnostic, dans le cas actuel, serait se tromper grossièrement.
Analysons les symptômes et leur mode d’évolution.
Les voix de ses persécuteurs, elle ne les entend pas, elle les sent,
dans la poitrine, dans l’estomac, dans la gorge ; ce ne sont donc pas de
véritables hallucinations de Touïe, mais des hallucinations psychiques,
ou psycho-motrices, pour être plus exact, ou, si vous préférez, kines¬
thésiques verbales. Sa respiration se précipite, sa langue et ses cordes
vocales remuent et elle en arrive à articuler des paroles qui sont de
véritables mouvements automatiques.
Ce qui domine l’état mental, c’est une extraordinaire suggestibilité;
les moindres choses accaparent son esprit, elle les amplifie et se laisse
diriger par elles ; on peut lui faire accepter tout ce qu’on veut ; on l’en¬
dort avec une extrême facilité et c’est très heureux, car le sommeil, si
facile à provoquer, deviendra pour elle un moyen de guérison. Or, dans
le délire chronique de persécution, les malades sont logiques avec leur
délire systématisé ; ils y conforment leurs manières d’être ; ils ne se lais¬
sent pas persuader.
Cette femme a une hérédité très nette ; son père était alcoolique et sa
mère nerveuse ; elle a eu de grandes crises d’hystérie avec les phases
classiques ; sur ce terrain hystérique, s’est installée une manière d’être
mentale, caractérisée par l’extrême suggestibilité. Dans ces conditions,
la voie est largement ouverte aux délires de possession par les esprits,
par les démons,... ou par l’épicier. D’ailleurs, quand elle avait vingt
ans, un fort de la Halle s'est déjà emparé de son esprit.
Il s’agit donc de folie hystérique, comportant surtout des hallucina¬
tions psycho-motrices. Le pronostic et le traitement découlent du
diagnostic ; on la suggestionnera dans l’état d’hypnose et on la débar¬
rassera de ses hallucinations, ainsi que de ses idées de possession.
Tic d’habitude chez un éthylique (^).
Par M. le Professeur Raymond.
Voici un homme de 59 ans, dont le cas prêterait facilement à une
erreur de diagnostic, si l’on se contentait d’un examen rapide et super¬
ficiel.
Voyez : de temps en temps, sa tète s’infléchit; il la relève, elle s’in¬
fléchit de nouveau ; les épaules aussi sont projetées en avant ; le corps
(]) Présentation de malade faite à la Clinique des maladies du système nerveux de
la Salpêtrière.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
191
lui-même se fléchit, puis sc redresse ; c'est une sorte de salutation, avec
haussement d'épaules.
Ces phénomènes durent depuis six mois ; actuellement, ils sont très
accentués. Toutefois, quand je l'interroge ou que j'accapare son atten¬
tion, les mouvements cessent ; ils sont accrus, d'autre part, par les émo¬
tions. On lui a fait, en province, des pointes de feu^ parce qu'on a cru à
une affection de la moelle ; or, la force musculaire est conservée et il
n'y a de trouble ni de la sensibilité ni de la réflectivité. Au point de vue
somatique, il n'y a rien à relever, en dehors du soulèvement des épaules
et de l'inclinaison de la tête. Il s'agit d'un tic, d'un tic de balancement,
si vous voulez. Mais, pourquoi ce tic, sur quel terrain évolue-t-il, quelle
affection faut-il voir derrière lui?
Cet homme a beaucoup bu. Il y a 17 ans, il a été paralysé des quatre
membres. Cette paralysie s’est établie lentement, a été précédée de dou¬
leurs et a guéri complètement ; il s'agissait, vraisemblablement, de poly¬
névrite due à l'éthylisme. En tous cas, l'intoxication alcoolique a profon¬
dément atteint son système nerveux.
Il y a six mois, un beau jour, à 6 heures du matin, il est pris de lum¬
bago. Il continue néanmoins son métier qui consiste à pétrir, avec les
pieds, de la terre glaise dans une fabrique de poterie. Toutefois, en
raison des douleurs qu'il éprouve, il est obligé de rectifler sa position
et de se tenir de certaine façon inaccoutumée. A force de faire ces mou¬
vements de correction et de défense contre la douleur, il en a contracté
l'habitude ; aujourd'hui que la douleur a disparu, l'habitude persiste.
On le rassurera, on lui expliquera le pourquoi et le comment de son
tic ; on tonifiera et on calmera son système nerveux ; dans des cas de ce
genre, c'efet encore la psychothérapie qui donne le plus facilement de
rapides succès.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d’hypnologie et de psychologie.
La prochaine séance de la Société d’hypnologie et de psychologie
aura lieu le mardi 19 décembre, à 4 heures et demie, au palais des
Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D' Jules
Voisin, médecin de la Salpétrière.
Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque
mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les
étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le D' Bérillon, secrétaire
général, 4, rue de Gastellane, et les cotisations à M. le D' Parez, tréso¬
rier, 154, boulevard Haussmann.
Communications inscrites :
D' Bérillon : Les timidités.— Les localisations organiques de l’émoti¬
vité morbide.
D' Ch. Valentino : La psychologie de la médecine hindoue.
192
RBTXJB DB L HYPNOTISUB
M. Oaustier, professeur au lycée Condorcet : La méthode socratique
dans l'éducation scientifique.
M. Lépinay : Les tics chez les animaux.
MM. Grollet et Lépinay : L’hypnotisme chez les animaux.
D'' Farez : Mensonge et intimidation chez un lycéen.
D'' Binet-Sanglé : Les hallucinations des prophètes juifs.
NOUVELLES
Enseignement de Thypnotisme et de la psychologie
Ecole de psychologie. — Cours. — Les cours de l’Ecole de psycho¬
logie reprendront le Mercredi, 10 janvier 1906, à cinq heures, au siège
social, 49, rue Saint-André-des-Arts. Le programme détaillé des cours
sera publié dans le prochain numéro. Les cours et les conférences sont
publics.
L’enseignement, portant sur toutes les branches de la psychologie,
comprendra les cours suivants pour l’année 1906 :
Hypnotisme thérapeutique.
Hypnotisme expérimental.
Hypnotisme sociologique.
Psychologie pathologique.
Psychologie des dégénérés.
Psycho-physiologie de Part.
Anatomie et Psychologie comparées.
Psychologie des animaux.
Psychologie du criminel.
Philosophie scientifique.
Psychothérapie (cours annexe à Lille}.
M. le D' Bérillon, professeur.
M. le D' Paul Magnin, professeur.
M. le D' Félix Régnault, professeur.
M. le D' Paul Farez, professeur.
M. le D' Binet-Sanglé.
M. Félix Regamky, inspect. hon. du dessin
dans les Ecoles de la Ville de Paris, prof.
M. Gaustier, agrégé de TUniv., professeur.
M. Lépinay, professeur.
M. Blieck, avocat à la Cour d’appel.
M. Louis Favre, professeur.
M. le D' Paul Joire, à Lille.
Conférences psychologiques. — Les conférences psychologiques
hebdomadâires reprendront le vendredi 12janvier 1906, à 8 h. 1 /2 du soir,
et continueront les vendredis suivants, à la même heure. Le programme
détaillé paraîtra dans le prochain numéro.
Conférences cliniques. — Les conférences cliniques sur les applica¬
tions de l'hypnotisme à la psychothérapie et à la pédagogie^ ont repris le
jeudi 23 novembre, à 10 h. 1/2 du matin. Elles seront dirigées par les
D'’® Bérillon, Magnin et Paul Farez. , On s’inscrit les jeudis à l’Institut
psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts.
Salpétrière. — M. le D’’ Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière,
commencera le 14 décembre, un cours sur les maladies mentales et
nerveuses. Plusieurs leçons y seront consacrées aux applications clini¬
ques de l’hypnotisme et à l’éducation des anormaux.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.
Paris, lmp. A. Quelquejeu, rue Gerbert, 10.
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
20® Année. — N® 7. Janvier 1906.
BULLETIN
Inauguration du buste du D** LiébeauU à l’Ecole de psychologie, sous la prési¬
dence de M. Bienvenu-Martin, ministre de l’Instruction publique. — Le cercle
LiébeauU à Saratow. — La séance annuelle et le banquet de la Société de patho¬
logie comparée. — Nomination du professeur M. Albert Robin à la chaire de cli¬
nique thérapeutique.
L^inauguration du buste du D** LiébeauU aura lieu à l’Ecole de Psycho¬
logie, le jeudi 1®*' février, à 5 heures, sous la présidence d’honneur de
MM. Bienvenu-Martin, ministre de l’Instruction publique, et de M. Berthelot,
ancien ministre, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences.
Cette solennité coïncidera avec la sixième réouverture annuelle des cours
de l’Ecole de psychologie. Elle sera présidée par M. le D** Jules Voisin, mé¬
decin de la Salpétrière, président du Comité de la souscription, assisté de
M. le D** F. Raymond, professeur de la Clinique des maladies nerveuses à
la Faculté de Médecine de Paris ; de M. le D** Brousse, président du Conseil
municipal, et de M. Mesureur, directeur de l’assistance publique. L’ordre du
j our est ainsi fixé :
1° Allocutions de M. le D** Jules Voisin, président du Comité de la souscrip¬
tion; du D** Paul Magnin et des délégués étrangers;
2® D** Bérillon, secrétaire du Comité : L’Œuvre scientifique de LiébeauU ;
3® Allocution du professeur Raymond, président d’honneur du Comité.
4® Inauguration du buste du D** LiébeauU (œuvre du statuaire Maillols) ;
5® Une poésie de M. Jules Bois, en l’honneur de LiébeauU, sera dite par
M. Paul Mounet, de la Comédie-Française.
L’année dernière l’ouverture des cours de l’Ecole de psychologie avait eu
lieu sous la présidence de M. le professeur Berthelot. Aucun de nous n’a
oublié les paroles éloquentes par lesquelles ce vénéré maître indiquait le but
de haute moralité auquel doit tendre toute œuvre véritablement animée de
l’esprit scientifique. La leçon d’ouverture avait été faite par le D** Bérillon,
médecin-inspecteur des asiles d’aliénés. Le sujet traité : La psychologie du
courage et Véducation du caractère, lui avait permis d’exposer le programme de
de l’Ecole de psychologie dont le but est non seulement d’étudier l’homme
envisagé comme être moral et comme être pensant, mais aussi de propager,
sur les questions de psychologie, des idées saines confirmées par l’expérience,
C’est dire qu’un des principaux devoirs des professeurs est de mettre le
grand public en garde contre les doctrines inspirées par l’esprit de mysti¬
cisme et incapables de résister à un contrôle scientifique rigoureux.
En 1900, les anciens professeurs de l’Ecole, MM. Bérillon, Paul Magnin,
Félix Régnault, Paul Farez, Caustier, Lépinay, Binet-Sanglé, Félix Régamey
et Louis Favre, continueront leurs enseignements. Un cours complémen-
194
REVUE DE l’hypnotisme
taire sur la psychologie musicale sera fait par un de nos jeunes collègues,
M. le D»* Pamart, professeur suppléant.
Les cours seront, comme les années précédentes, complétés par des con¬
férences hebdomadaires, qui auront lieu les vendredis à huit heures et demie
du soir, à partir du 13 janvier. Le programme de ces conférences comprend
des sujets variés, se rapportant à toutes les questions de psychologie. Les
conférences seront présidées par MM. le D** Charrin, professeur au Collège
de France, Jules Bois, D** Jules Voisin, médecin de la Salpétrière, baron de
Baye, explorateur, Malapert, professeur au lycée Louis-le-Grand, Fiessinger,
membre de TAcadémie de médecine, de Milloué, conservateur au Musée
Guimet. Elles seront faites par MM. les D” Bérillon, Paul Joire, Valentlno,
Raoul Baron, professeur à l’Ecole vétérinaire d’Alfort, Lionel Dauriac, pro¬
fesseur honoraire des facultés de lettres, Pierre Dubois, docteur en droit.
L’enseignement de l’Ecole de Psychologie est public. Il s’adresse aux
médecins, aux étudiants, aux esprits désireux de connaître les acquisitions
scientifiques réalisées dans le domaine de la psychologie positive et de la
sociologie. Les personnes qui ont pris part à la souscription en l'honneur du
D** Liébeault sont personnellement invitées à assister à l’inauguration de
son buste. Nous les remercions vivement, au nom du comité, d’avoir répondu
à son appel, et d’avoir permis, par leur collaboration si opportune, de per¬
pétuer la mémoire de l’illustre créateur de la psychothérapie. Deux bustes
ont été coulés, l’un a été confié à l’Ecole de Psychologie et l’autre offert à la
municipalité de Nancy, qui se propose d’en décorer une place de la ville, à
proximité de la rue du D*^ Liébeault.
*
¥ »
Au moment où l’Ecole de psychologie et la ville de Nancy se disposent
à honorer la mémoire du D** Liébeault, nous apprenons la création à
Saratow (Russie) d’un cercle psychologique auquel ses fondateurs ont
donné le nom de cercle du D** Liébeault. Cette institution constitue une
véritable école dans laquelle un enseignement sera donné sur les diverses
questions qui se rattachent à la psychologie.
Les événements politiques qui désolent la Russie n’ont pas empêché nos
collègues de Saratow de donner suite à leur projet.
La première conférence a été faite le 13 octobre par le D** Wiasemsky,
sur le Z)** Liébeault; sa vie et l'analyse de ses ouvrages.
Dans la deuxième conférence, M. Podiapolsky, président de la Société
des naturalistes, avait pris pour sujet : La suggestion et les troubles vaso¬
moteurs cutanés.
L’auditoire, composé en grande partie de médecins, fut vivement intéressé
par ces savantes leçons. Plusieurs des auditeurs confirmèrent, par des
observations personnelles, les conclusions relatives à la thérapeutique sug¬
gestive.
Fait tout à l’honneur de nos confrères russes, pendant qu’ils délibéraient
ainsi sur des questions purement scientifiques, des événements tragiques
se déroulaient à proximité du lieu de leur réunion et no tardaient pas à
nécessiter l’intervention de leur dévouement professionnel. C’est ainsique
le médecin vraiment digne de ce nom doit, sans que rien puisse troubler
sa sérénité, partager son existence entre les travaux scientifiques et les
devoirs sociaux qui constituent sa double mission.
BULLETIN
195
★
* ♦
La séance annuelle de la Société de pathologie comparée a eu lieu le
mardi 12 décembre, sous la présidence du D** Bérillon. Des communications
furent faites par M. le D*’ Charrin, professeur au Collège de France, sur
les vraies et les fausses hérédités, par M. le P** Gréhant sur le mécanisme
des asphyxies, par M. le D** Savoire sur le rôle respectif de la contagion et de
l'hérédité dans iétiologie de la tuberculose^ par M. le D** Siffre sur la patho¬
logie dentaire comparée. Enfin, M. le D** Bérillon a communiqué un travail
de psychologie comparée relatif aux manifestations de la mémoire che{ les
chevaux. Ces communications ont donné lieu à d’intéressantes discussions.
A la suite de la séance annuelle, les membres de la Société se sont réunis
en banquet, sous la présidence d’honneur de M. Ruau, ministre de l’Agri¬
culture. Empêché au dernier moment, le ministre s’était fait remplacer par
M. Vassilière, directeur au ministère.
M. le D** Bérillon, président de la Société, avait à ses côtés, M. Vassilière,
directeur au ministère de l’Agriculture, M. le D*’ Charrin, professeur au
Collège de France, MM. Cadiot, Baron et Coquot, professeurs à l’Ecole vété¬
rinaire d’Alfort, D** Saint-Yves Ménard et M. Benjamin, membres de l’Aca¬
démie de médecine, D** Jules Voisin, médecin de la Salpétrière, D*' Paul
Magnin, Dassonville, directeur de laboratoire à l’Institut Pasteur, D** Siffre,
professeur à l’Ecole dentaire, D** Savoire, directeur du dispensaire anti¬
tuberculeux du P** Albert Robin, D** Lagrange, de Vichy, D*" Paul Farez,
professeur à l’Ecole de psychologie, D** Demonchy, D** Barthe de Sandfort,
M. Grollet, secrétaire général de la Société, MM. Dassonville, Fayet, Piot,
Petit, Brocq-Roussen, Lermat, Lépinay, médecins-vétérinaires, etc., etc.
Au dessert, plusieurs toasts ont été prononcés. M. le D»* Bérillon a sou¬
haité la bienvenue aux représentants de l’enseignement médical et de l’en¬
seignement vétérinaire dont l’union réalise un événement si considérable
dans l’étude de la pathologie comparée. L’association des médecins et des
vétérinaires, pour l’étude des maladies communes à l’homme et aux animaux,
peut seule permettre de résoudre des problèmes fort complexes. Il a ter¬
miné en évoquant la mémoire de Bourgelat, de Henri Bouley qui furent si
bien inspirés dans l’organisation des écoles vétérinaires, car les élèves qui
en sortent témoignent de la haute valeur de l’enseignement, par la rigueur
de leur esprit scientifique.
M. L. Grollet, secrétaire général, a exposé les justes réclamations des
médecins-vétérinaires, et souhaité la création si légitime du diplôme de doc¬
teur en médecine vétérinaire; M. le professeur Charrin et M. Saint-Yves
Ménard ont porté des toasts à la prospérité de la Société de pathologie
comparée et de ses fondateurs.
Enfin, M. Vassilière, directeur du ministère, a exprimé, en termes fort
heureux, l’intérêt que M. Ruau, le ministre de l’agriculture, porte à la
Société de pathologie comparée et en a donné le témoignage en remettant
le diplôme de chevalier du Mérite agricole au président-fondateur, le D** Paul
Magnin.
*
♦ *
Le Conseil de l’Université de Paris, réuni en séance extraordinaire sous
la présidence de M. Liard, vice-recteur, a accepté la donation d’une somme
de 400.000 francs, faite par le duc de Loubat, pour la création d’une chaire
de clinique thérapeutique à la Faculté de médecine.
196
REVUB DK l’hypnotisme
M. le D' Albert Robin a été désigné par le Ministre pour être le titulaire
de cette chaire et la Faculté de médecine a ratifié, presque à Tunanimité,
le choix du généreux donateur. Le Conseil d’Etat, consulté à son tour, le
confirmera certainement; il répondra ainsi au vœu de tous ceux qui recon¬
naissent en M. Albert Robin un des esprits les plus brillants, un des prati¬
ciens les plus justement réputés tant à l’étranger que dans notre pays, un
clinicien aux vues toujours originales et marquées à l’empreinte du bon
sens et de la clarté ; le véritable continuateur, en un mot, des Trousseau et
des Dujardin-Beauraetz, la gloire de l'école française.
Les professeurs de l'Ecole de psychologie auxquels le P** Albert Robin
a donné tant de marques de sa sympathie ne seront pas les derniers à
applaudir à la nomination du nouveau professeur qui réalise un fait assez
peu commun eu France : The right man in the right place.
Les grands exorcismes du X1X<^ siècle
par M. le D' Witry, de Trêves.
(5Mi7e) (<).
IL L'exorcisme de Wemding (Bavière). — Un autre exorcisme qui fit
grand bruit en Allemagne, fut celui de Wemding, pratiqué en 1891 par
le P. Capucin Aurélien sur le jeune Michel Zilk. Le Père Aurélien Fa
décrit lui-même (^).
Le petit Michel avait dix ans lorsque ses parents remarquèrent, au
commencement de 1891, que l’enfant présentait des changements extra¬
ordinaires. « Il ne pouvait plus prier, ni entendre des prières sans avoir
des accès terribles de fureur. Il manifestait de l’aversion à l’égard des
objets bénits, injuriait ses parents et grimaçait horriblement ». Les
parents consultèrent un médecin. Mais comme l’enfant ne se calmait
pas, ils l’amenèrent dans le couvent des Capucins, à Wemding. A divers
signes, les Pères reconnurent qu’il était possédé par le diable. L’enfant
rageait et écumait; il était doué d’une telle force, que trois hommes ne
pouvaient le dompter. Les Pères disaient la benedictio a dæmone vexa^
torum et l’exorcisme in Satanum et angelos apostatas sur l’enfant sans
aucun résultat. Le 12 mai 1891, l’évêque Pancrace, d’Augsbourg, était
en visite chez le curé de Wemding. Le père de l’enfant malade le lui
amena et l’évêque s’avança vers le petit en lui disant : « Tu ne me
trompes pas, esprit impur ». L’enfant resta dans le même état. « Lors¬
qu’il devait passer devant une église ou devant la statue d’un saint
érigée dans une église, il devenait inquiet et tombait à terre. A l’église,
il était dans une agitation constante ». Cela durait depuis des mois ; en
juin, l’évêque d’Augsbourg permit que le grand exorcisme fut pra¬
tiqué sur le jeune possédé.
Les Pères Remigius et Aurélien commencèrent le 13 juillet, à sept
heures du matin. L’église fut fermée. Seuls les parents et trois autres
(1) Voyez Revue de l'Hypnotisme^ n* de décembre 1905.
(2) Récit authentique de Texorcisme pratiqué les 13 et 14 juillet 1801, dans le
couvent des Capucins, à Wemding. Par le Père Aurélien. Wemding, 1891.
LES GRANDS EXORCISMES DU XIX* SIECLE
197
habitants de Wemding furent admis comme témoins. Le Père Âurélien
a fait de cette scène le récit suivant : « Lorsque le Père voulait amener
Tenfant dans le chœur, celui-ci résistait, le frappait au visage, et pous¬
sait des hurlements fous. Il se débattait avec une telle rage que le Père
et Tenfant tombaient à terre et que quatre hommes parvenaient à grand’-
peine à le maîtriser. Nous lui fimes ligotter les bras et les jambes.
L’enfant nous crachait à la figure et continuait à vociférer. Nous
priâmes, le bénîmes et commençâmes l’exorcisme. Mais Satan ne
répondait à aucune de nos questions. Lorsque nous lui mimes l'étole
autour du cou, il montra par ses soupirs qu’il en ressentait une grande
douleur. Nous n’eûmes tout de même pas de résultat dans la matinée. Â
deux heures de l’après-midi, l’exorcisme recommença. Satan nous
répondit alors que fenfant était possédé et qu’ils y étaient au nombre
de dix. A cinq heures du soir, nouvel exorcisme. La.rage de fenfanl,
les hurlements, les crachats : tout restait le même.
Le lendemain, à sept heures, cinquième exorcisme. L’église étant
grande ouverte, une foule énorme de curieux s*y pressa. L’enfant criait»
crachait et rageait comme un maniaque. Je lui mis un petit reliquaire
sur la poitrine et une particule de la Ste-Croix sur la tête. Ses traits
se contractèrent alors de douleur. J’engageai la foule à prier avec moi.
Mais Satan ne céda pas ; il répondait toujours : « Je ne veux pas, je ne
peux pas ».
— « Pourquoi donc pas? »
— « Parce que cette femme continue avec ses malédictions. »
— « Quelle femme. »
Il désigna une voisine des parents de l’enfant.
Le Père Aurélien continue ses questions.
— « Combien de temps es-tu dans cet enfant ? »
— « Depuis une demi-année. »
— « Comment t'appelles-tu ? »
— (c Je ne sais pas. »
Malgré les objurgations du Père, Satan resta dans l’enfant. L’exor¬
cisme dura deux heures. Après une suspension, il recommença à une
heure de l’après-midi.
L’enfant était encore inquiet, mais ne crachait plus. Le capucin
redoubla ses admonestations et Satan fit mine de vouloir sortir du
possédé.
— « As-tu abandonné l’enfant? »
— « Oui, avec mes compagnons. »
— « Où êtes-vous maintenant? »
— « Dans l’enfer. »
Alors, l’enfant commença à pleurer, s’aspergea d’eau bénite et pria
avec le capucin. Il était guéri.
L’auteur parle ensuite de la cause de la possession. Les parents sont
de religion mixte. Dans certaines familles de Wemding, les enfants sont
élevés dans la religion protestante jusqu’à un certain âge. Alors, on les
198
REVUS DE l'hypnotisme
envoie à Técole catholique. Une voisine de l’enfant possédé, qui est
protestante, s’indigna de ces palinodies. Elle exprima son méconten¬
tement en maudissant les enfants. De là la possession.
Il est évident que l’enfant était atteint d’hystérie infantile. L’entou¬
rage, qui ne pouvait s'expliquer ses crises^ en attribua la cause à
l’intervention de Satan, L’évêque, entrant dans leurs vues, les confirma
en intimant à Satan Tinjonction de céder la place. Enfin, les capucins,
avec leurs bénédictions et leurs exorcismes, contribuèrent encore plus
à créer l’atmosphère de suggestion dans laquelle se développa la
comédie de l’exorcisme de Wemding.
Ce qui fait le principal l’intérêt de ces scènes d’exorcisme, c’est la date
récente à laquelle elles ont eu lieu. Au moyen-âge, elles étaient fre¬
quentes et personne n’aurait songé à s’en étonner. Au dix-neuvième
siècle, elles apparaissent comme un anachronisme et témoignent à la
fois de la persistance de l’esprit superstitieux et surtout d’une ignorance
vraiment inattendue chez un grand nombre de membres du clergé
catholique.
(à suime).
Les Femmes à barbe : Étude psychologique et sociologique (suite) (i).
Par M. le D' Bérillon
Professeur à TEcoIe de Psychologie
La maternité des femmes à barbe. — Mathilde Van de Gauler, la Dame barbue. —
Le portrait de Margret Halseher, par Antonio Moor. — La barbe vénérable de
Mme Pilou. — Un chef-d'œuvre deRibera. — La plus barbue des femmes à barbe :
Madeleine Ventura. — Conclusions psychologiques et sociologiques.
Mathilde Van de Cauter, qui a parcouru l’Europe, sous le nom de la
Dame barbue, est née le l®' mars 1854 à Temsche, dans les Flandres
belges. A sa naissance, elle ne présentait rien d’extraordinaire, n’ayant
qu’une légère chevelure sur la tête. Vers l’àge de six ans, ses parents
constatèrent avec ennui l’apparition d’un duvet assez marqué sur les
joues. Doués d’une belle fortune, ils ne reculèrent devant aucun sacri¬
fice pour arrêter la croissance de la barbe. Mais l’insuccès de tous les
moyens employés fut complet. Bientôt la barbe était assez développée
pour provoquer la curiosité, et de tous les environs on vint rendre
visite à la famille de la jeune fille barbue. De ses sept frères et sœurs
elle était la seule qui présentât cette précocité du système pileux. Son
père avait une barbe très fournie, mais sa mère ne présentait aucun
signe de barbe.
A l’âge de dix-huit ans, Mathilde se fiança avec un commis-voyageur.
Après leur mariage, ils installèrent un café dans la petite ville de Saint-
Nicolas. De leur union naquirent trois enfants : une fille encore vivante,
(1) Voyez Revue de VHypnotisme, numéro de juin 1904 et suivants.
tss PKMMBS 4 BARBB 199 .
et deux ^ à l'igeidç dix so», âyunt déjà une bafbW
de quatre ceriti^tôlres üé kitigv . .î^. 4^ : : ■ •■
Le méms& d^^y^ot ffâè.r.éttssi dans ses uffah’ejj, 5Ïatl^^ do Osuter
obtint de sob ^arjt l'itttbtîàêitîon d^ dans jeà hÿVèa de îtel--
gïque et de lioUa.flàe, p^r. ùti M;. fipïtVener. Klte y provoqua lé «ddWilë
d^aa ^aiM nombre de gêna. Dans «no Séüle journée» ê IMiterdara,. eile
rOijUtplljs d,é-mdle visiteiirs, v "'1
>^îme de tfouter jo'cütd'ûrie ètcelloftie santé, Etle' ® toujours (Hé bien
3ljitè M tiâ;‘<î;Vlité'r^.^là 0>ttU€ Jjnrhne,. îig'^ Uô 40 tuis*
réglée;. i>ou^ 0 ^^ d aplUüdes s’eat toujours
niontréc bonue mero de fuuîîlle, uiv fait de
à^la dèiïïonstf^Uon ^què ia bàrbé no diadutie eu aucune fuçoti iéà
aptUudes 4 îa myterrnto^ ^ ^ ’ <?
ptûs ^rîan quiind ils èn* ont , eu ToOcasiobr n'otit jVaâ
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onitîs <^>yèûrd?^^:|os bouffon^ les infirmés hoôbréÿ de la
dés giaùds î^ei^^ne d'autrès oni' A*èji^ôdüit:U^
truUs ^re*nim6B|bbaffe^: An Moro, Je üéiifire
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■jyo BBTtJB DE L HŸJ^NOTiSMP
1 >mpcreviT. Eharies QMï^îè' Trfâôt' fei-' ^ »i,UE fi’AJf^s. nour a
liàlselïer iïlpîPfipi :ê4
nue cdmplt'toip^ïit i;ôn$eK é an P
tîiontj â qùniitéi;
Ir façon lîUfsH.nfttE dn Moof^i, Jtia, toncfe et fernï.c, souple
Et, moelleuse, 1$; â,o#^jn fist coTrçèt; el îs eojùH#' fi‘^ grande vérité-
C.K jftortçaii' dé Maïgr^ donne Flmpresslon ÙX'^tre fori'
sémhlaïn, ÎÜ awtrê5ifftî*-i;ÿ{, étant le dOcUttient ai)thi!;iîl<(làt<'î«}
pjn» naojeû qU* ’t;ône«rftfc'lic?? ft'mm't» 4 \y'-‘-^'i
' Hî i%n eii juge par la’ wtnphmt.# 4è. sà àiisé; 'MÉrgVëï llnUÆbf’dévàu
étred’ttîlfe cûnclUiOn ttiadesié. ‘ ■
■“ ,t?à,ôé là aegondé éWiiion ifîes ll-i'îloriî^s
]püV1iéé,i'àr l\ïo le d’OiU' .(«rtîniO^a t^arbe iiiii
nul Hés entrdbs 4‘Vsl VidOj ni» Anité I};m-
düsson, dafng.'%lnn nhe des f'smnn'Ejfledâ soùK^ïê^ïd
Heudêfi. ^ïôe, ëii iîfllÜ,;, ftiotle en Î<ifi8, yilE^d'oo ptocut^jr au Ctià
Elle éponsa bn pttojtsuri'ur, ïean tnlpu-, Ge fùt^ nvée srine
LES FEMMES A BAUBE
201
Corouel, une des rares bourgeoises admises à fréquenter les salons
aristocratiques du svir'siècle. Elle était fort répandue dans Je monde,
et le bon sens de ses réparties, souvent mordantes^ la faisait à la fois
estimer et craindre de tout le monde. « Il n’y a peut-être jamais eu
une moins belle femme qu’elle, dit Tallemant des Réaux ; mais il n'y en
a peut-être jamais eu une de meilleur sens, et qui dise mieux les choses. »
Mme Pilou était amie intime de Mme de Castille, mère de M. de
Chalais, TI lui arriva une fois une plaisante aventure avec cette Mme de
Veuye de Jc&û Piloç.
Fig- 107. PtO'trait giav<par Spirinx^
Castille, Madame de Vaucelas, sœur de M- de Chateauneuf, voulant
louer une maison à cette dame, lui envoya un matin un gentilhomme
pour lui parler,
Mme de Oastille^ encore veuve, était au lit, et Mme Pilou, qui
était couchée avec elle, lasse des barguigneries de cet hommeVniit
la tète à demi hors du Ht, et dit : «< Allez, Monsieur, allez, on ne
Paura pas à meilleur marché j?* Mme Pilou avait la voix assez grosse,
de plus elle était noire et barbue. Il y avait même un vaudeville qui
disait:
Dame Pilou, pour paraître moins d'âge
A fait raser le poil, le poil de son... visage.
Le gentilhomme s’en retourna, et dit à Mme de Vaucelas qu’il se¬
rait inutile d’essayer d’avoir meilleur marché de cette maison^ qu’il avait
7.
202
REVUE DE l'hypnotisme
parlé à Mme de Castille, et que Monsieur son mari enfin avait dit qu'on
n'en rabattrait rien. Cela fit d'autant plus rire que cette Mme de Cas¬
tille était un peu galante.
La barbe véni^rable de Mme Pilou n'a pas été omise dans son por¬
trait, gravé par Spirinx {*) et dont nous donnons ci-joint la copie
réduite. Au premier aspect on a l'impression qu'on se trouve en présence
d'un de ces mentons bleus, comme en présentent les comédiens et les
prêtres, dont le menton est rasé tous les matins (fig. 107).
La figure barbue et la laideur de Mme Pilou n'était pas moins
célèbres que ses bons mois. Elle lui valut quelques épigrammes. Dans
une pièce contre le cardinal de la Valette, attribuée au chevalier de
Rivière, on lit les vers suivants :
Cardinal de la Valette
Vous avez la tête faible
Et le visage et le cou
Comme Madame Pilou.
et dans VEnfer burlesque, le poète, voulant peindre les monstres de
l'enfer, écrit :
Toutes ces guenons sont si laides
Que ce sont d’amour des remèdes ;
Qui voudrait le plus desbauclié
Avoir avec elles couché?
Ces gaupes, ces sales furies,
Ces vieilles chiennes, ces voiries.
Ces laides masques, ces lidrous
Sont autant de daines Piloux.
Comme on le voit, la profession de femme desprit ne va pas sans
quelques mécomptes. Les bons mots de Mme Pilou lui avaient valu de
solides inimitiés. Aussi ne faut-il pas s'étonner que les satiristes se
soient appliqués à tourner en ridicule la barbe vénérable d’une dame
un peu médisante. On lit sur les manuscrits de Favart, chanoine de
Reims, conservés à la bibliothèque de cette ville, une épitre en vers du
poète Perrin, l’auteur de la première comédie française en musique
publiée en France. En voici le fragment dans lequel il semble accuser
Mme Pilou d’avoir colporté des billets doux :
O vous, barbe à triple étage
Qui savez le tripotage
Du poulet et du message
Mieux que Monsieur de Ménage
Ne sait le hn du langage
N’est-il pas vrai, la Pilou ?
Parmi le sexe volage
Le plus sage est le plus fou !
(1) Au dessous du portrait de Mme Pilou, édité pour la grande édition d<*s mé¬
moires de Conrard, on trouve cet envol, de style fort médiocre :
Sous ce front que tu vois de Sybille Cumee
Un langage naïf, un entretien charmant
Meslé d’un fort raisonnement,
Une prudence couronnée,
Firent à cette veuve, autrefois animée.
Mériter de la cour l’estime et l’agrément.
,t,B 8 FfeMMSS V 2 (K 1
{j'esprit de Mine, pîîpfù'lMi àvpÙ yjiïîi gitelqu^s Ài>h>5èé'dé cêtjîbrité, SI
èlïe sort wwjüiird'huî puui! ixuflJqncs^ tristànts tté son<jbsçHcitéj c'est S sti
lïarbc; v^iH*rofd^ et ;< tripU ■ètqiga t|u'eUe. la doit., ;. ;;
tie.pôrtrait paV, lequel |'ai vdülü Éer>nfhibr£.ettifc'îon^gue,documen¬
taire l’eftip^rite. dç beaucoup sur tous les aul^eS; tant par 300 puissant
întèré'l arUsUqùc que ffor myalcu^''Ys|.'thol^^^^ ' ■■ -
' ^ 'J.,,■ ■■ ■. .
Il s’agit d’un tabÎRait &rt peu connu de fUbÿra.’'Voï$l daas quels
termes M. Louis Vlardot s’exprime îih su{af àe cette ïdlavrti ' âï éntixiî^
téristiqiJe du grand rûailsli» 4*/(4T'>-- - .■ , ‘
« L’Acadéniie Ués îitettiX''Arts ;dft’ 4 tedrH. poss&dc éneore plusieurs
autresouyn^ges dteîîlbfrit;*. pn'injl;lv’pqdd|^^ portraits en
pieds Ttf'ùnte dûn«-;lteinêM<«-ÇAdyçvft; qui .mêritenl unn atiitetipu plus
détai}tee;|?|-’«'Ç,Ç\Tilro i^fl 'VdiLUne'tdté .de vieil homme, â
jbàrjbo noire, s.ur,riioritat(t le dorps (1*000. teffirae qui donne .le.seirt â un
eofîint aU rawillMl^ puîsj quelque peu CO ôrriûre, un autre vié'llftrdqui
Çl) .Louis ViAtitinT': Les i/terveillfs <fe iirs^Arth/^,Paris fyi»), p. 17.
, jSi Nhus Uevoiis^ia Kraviirfi .ilu; ï^trtireM ‘h. lld'^rà.^- fort (jipicile à ofjtertil'.'ij.ri.Kri»-
ÎjuU4 d* iÉ‘.lteçWiiïe ue-Mt.^re 3 ia; (pUcOmpiaît Itî ÿvapil peintre f/arroi aifsattèendaiita..
204
REVUE DE l’hypnotisme
est là comme le saint Joseph de cette étrange madone. Cela parait
d’abord un conte fantastique, une légende populaire, répétée par le
peintre dans une heure de caprice ; c’est tout simplement une curiosité
naturelle, reproduite avec fidélité. On lit l’explication suivante, écrite en
espagnol dans un angle du tableau : « Portrait de Madeleine Ventura,
née dans les Abruzzes, âgée de cinquante-deux ans. Elle en avait trente-
sept lorsqu’il commença à lui pousser une longue barbe. Elle eu trois
enfants de son époux Félix de Amici. Copie d’après nature, pour l’admi¬
ration des vivants, par Joseph de Ribéra ». Curieux et singulier par le
sujet, ce tableau du grand Valencien n’ofTre pas, au point de vue de
l’art, un moindre intérêt ».
Ce que M. Louis Viardot ne dit pas, c’est que le personnage repré¬
senté au côté droit de Madeleine Ventura, n’est pas son mari comme on
pourrait naturellement le supposer. C’est le peintre lui-même qui s’est
placé là. En agissant ainsi, il obéissait assurément à des intentions
réfléchies. Il lui a peut-être paru plaisant de nous apprendre qu’une
femme pouvait être beaucoup plus barbue que lui. La taille de
Mme Ventura était, d’après le tableau, un peu moins élevée que la
sienne.
Mais nous pensons que sa présence auprès de Madeleine Ventura
comporte d’autres explications. Pour tous ceux qui admirent chez
Ribéra la science de l’anatomie et la préoccupation de l’exacte vérité,
le portrait de cette femme à barbe constitue un document de la plus
haute valeur. A n’en pas douter, le portrait, au point de vue physique
est d’une ressemblance frappante. Mais ce qui est plus intéressant, c'est
qu’il comporte les éléments d’une véritable étude psychologique. Made¬
leine Ventura, malgré l’aspect masculin de son visage est la meilleure
des mères. Elle ne se contente pas de tendre à son enfant son sein gorgé
de lait, c’est avec un mouvement de tendre pression qu’elle le maintient
sur son sein.
Ribéra prend un évident plaisir à souligner tous les contrastes que
présente le cas si pittoresque de Madeleine Ventura. Par la barbe d’un
noir de jais qui lui couvre la plus grande partie du visage et monte
jusqu’aux joues, par ses mains épaisses et fortes, elle est un homme;
par l’étalage de sa maternité, par les symboles dont elle est entourée,
elle est une femme. Il ne s’agit pas là du portrait d’une virago, mais de
celui d’une mère remplie de tendresse pour son enfant, d’une épouse
désireuse de plaire et d’une bonne ménagère. L’enfant qu’elle allaite,
les dentelles qui embellissent le col de son manteau, les bagues dont les
doigts sont ornés, la quenouille placée sur la table à portée de sa main,
en sont les témoins irréfutables.
Ribéra s’est complu à nous donner dans cette œuvre une excellente
leçon de psychologie. Un autre se fût borné à nous transmettre, à titre
de curiosité, le portrait de la plus barbue des femmes à barbe : lui, a
tenu à faire ressortir les dispositions mentales et morales de cette per¬
sonne.
LES FEMMES A BARBE
205
On a pu dire de Ribera qu’aucun peintre n'avait porté plus loin dans
l’exécution matérielle de ses œuvres, la force, l’audace, la grandeur,
l’éclat et la solidité. Dans ses tableaux, tous les détails sont rendus avec
une fidélité merveilleuse, avec une incomparable énergie de pinceau. Si
toutes ces qualités de génie se retrouvent dans le portrait de Madeleine
Ventura, il faut y ajouter encore un sens d'observation psychologique
d’une rare puissance.
Ribera, en peignant son sujet, a vu ce que nos nombreuses obser¬
vations ont confirmé, c'est que l’apparition de la barbe ne confère à
une femme aucune des dispositions à la masculinité ni à la virilité du
caractère.
*
♦ ♦
Les différences anatomiques entre les deux sexes sont plus grandes
dans l’espèce humaine que dans la plupart des autres espèces animales.
Cependant, à la naissance, les différences des organes sexuels sont les
seules qui permettent de distinguer le mâle de la femelle. Les organes
de la reproduction constituent donc ce que Darwin appelle les carac¬
tères sexuels primaires.
Pendant les premières années de la vie, les enfants des deux sexes se
ressemblent tellement que la différence des vêtements permet seule de
les distinguer. Ce n’est qu’au moment du passage à l’âge adulte que les
caractères secondaires des deux sexes, apparaissent avec leur complet
développement.
De tous les caractères sexuels secondaires, l’apparition de la barbe
sur les visages masculins, constitue le fait à la fois le plus évident et
le plus remarquable. Il a chez l’homme la valeur qui s’attache à la cri¬
nière chez le lion, aux bois chez le.cerf, à la crête chez le coq, aux plu¬
mages colorés chez la plupart des oiseaux.
La barbe est donc l'apanage de l’homme et on la considère comme
Tornement naturel d’un visage visage viril. Tout le monde connaît
le suprême argument d’Arnolphe, dans l'Ecole des Femmes. Le vers
de Molière :
Du côté de la barbe est la toute-puissance,
résume, d’une façon toute plaisante, l’idée que la grande majorité des
individus du sexe masculin se font encore de la vassalité de la femme.
Voltaire, qui sur tant de points a porté la griffe de sa logique et de
sa puissante ironie, ne pouvait manquer de relever comme il le méritait,
le sophisme d’Arnolphe :
« Du côté de la barbe est la toute-puissance! —Voilà une plaisante
raison pour que j’aie un maître! quoi! parce qu’un homme a le menton
couvert d’un vilain poil rude, qu’il est obligé de tondre de fort près, et
que mon menton est né rasé, il faudra que je lui obéisse très-hum¬
blement? Je sais bien, qu’en général, les hommes ont les muscles plus
forts que les nôtres, et qu’ils peuvent donner un coup de poing mieux
appliqué : j’ai bien peur que ce soit là l'origine de leur supériorité! »
La personne du sexe faible à laquelle Voltaire prête ces paroles judi-
206
lŒVUE DE l’hVPNOTISME
cieuses a tout à fait raison. Chez tous les peuples barbares ou arriérés,
et en particulier chez les arabes et lesnègres,rasservissement de la femme
n’a pas d’aulrecause que sa faiblesse musculaire. Elle esttraitée en esclave,
uniquement parce qu’elle n’est pas assez vigoureuse pour se défendre
contre la brutalité et pour faire valoir ses droits.
On sait qu’à l’époque de la ménopause, les caractères sexuels secon¬
daires de la femme subissent des modifications plus ou moins marquées.
La voix se renforce, le visage se couvre parfois de poils rudes, l’habitus
général devient plus masculin.
Un certain nombre d’auteurs ont constaté des phénomènes analogues à
la suite de l’ovariotomie, qui n’est pas autre chose qu’une ménopause
prématurée. Il y a des femmes chez lesquelles l’enlèvement des ovaires
est suivi de modifications qui leur donnent des allures viriles. Ces modi¬
fications se traduisent surtout par l’apparition d’une barbe plus ou moins
fournie et par certaines dispositions à devenir des viragos.
Ces changements dans le caractère, survenant à la ménopause, trans¬
formant des femmes naguère fort sociables en personnes acariâtres, ont
l)uis8amment contribué dans notre pays, à donner aux belles-mères leur
réputation d’irascibilité. Gela tient à ce que le mariage des femmes, en
France, étant quelque peu tardif, la période de l’âge critique survient,
en général, chez les mères de familles, peu de temps après le moment
où leurs filles ont été mariées.
L’apparition de quelques poils de barbe coïncidant avec ces modifi¬
cations du caractère ont contribué à répandre l'opinion que les femmes
à barbe devaient être des viragos. Cette idée a d’ailleurs été confirmée
par certains savants. Wirchow, en particulier, prévoyant avec raison les
abus de l’ovariotomie, écrivait, en 1856, les lignes suivantes, auxquelles
on ne peut dénier une certaine valeur prophétique.
« La femme n’est femme que par les ovaires ; toutes les propriétés
spécifiques de son corps et de son esprit, de sa nutrition et de sa sensi¬
bilité nerveuse, la délicatesse et la rondeur des membres, comme la
conformation particulière du bassin, le développement des seins et la
douceur de la voix, la belle parure de ses cheveux avec le duvet blanc à
peine sensible de ses joues ; et cette profondeur de sentiment, ce regard
qui la peint, cet abandon, cette fidélité, tout cela e1 les autres qualités
caractéristiques de la femme sont sous la dépendance des ovaires.
Enlève-t-on ces organes, on a l’homme-femme dans sa plus laide moitié,
aux formes grossières et rudes, aux membres robustes, à moustache, à
la voix rauque, aux mamelles flasques, aux sentiments envieux et
égoïstes, et au jugement tranchant. »
Hâtons-nous de déclarer que les femmes à barbe n’ont rien de commun
avec ces viragos prévues par Wirchow. Elles ont leurs ov^aires, et elles
donnent naissance à des enfants bien conformés, elles les allaitent et les
entourent de tous les soins que peuvent prodiguer des mères dévouées.
LES FEMMES A BARBE
207
Loin de vouloir se faire passer pour des hommes, elles revendiquent
hautement le titre de femmes. Bien plus, elles s'ingénient à démontrer
r[u’elles sont plus femmes que les autres. Elles mettent tout leur amour-
propre à en fournir la preuve.
Si rhomme peut prétendre à quelque supériorité, Voltaire a raison de
Taffirmer, il doit s’appuyer sur d^autres arguments que celui d’avoir du
poil au menton.
Pourquoi les femmes à barbe sont-elles femmes et surtout pourquoi
s'appliquent*elies à se montrer encore plus femmes que les autres. Cela
tient à deux causes déterminantes, d’ordre essentiellement psycholo¬
gique :
La première, c’est que lorsque la barbe leur est apparue, à l’âge où
elle se dessine d’ordinaire chez les hommes, leur éducation féminine
était complètement terminée. Jusqu’à l’âge où la barbe est survenue,
elles avaient été élevées avec les autres jeunes filles et elles avaient reçu
la même éducation. L’évolution s’était faite dans une direction essen¬
tiellement féminine, et telle est la puissance de Téducation, ou si l'on
veut des habitudes acquises, qu’aucune modification physique n’a plus
été capable d'en transformer les effets.
La seconde procède de motifs que peuvent seuls apprécier complè¬
tement des philosophes habitués à scruter les mobiles qui font agir
l’esprit humain.
Lorsque la barbe apparaît chez une jeune fille, l’événement prend,
dans le milieu où elle vit, des proportions considérables. Ses compagnes
ne sont pas les dernières à s'y intéresser, et la plupart se livrent à des
plaisanteries faciles, dont le thème se ramène à ceci : » Toi, tu n’es pas
une femme, tu as de la barbe, tu es un homme. »
Comment répondre à cette affirmation ? Il n’y a qu'un moyen : prouver
qu’on est une femme. Pour cela, la jeune fille barbue s’appliquera avec
ardeur à tous les travaux de son sexe. Elle ne négligera aucun artifice
de coquetterie destiné à faire valoir les charmes qu’elle peut posséder.
Elle se montrera d'autant plus heureuse de la recherche de l’homme
qu’elle aura redouté d’en être dédaignée.
Quand, malgré sa barbe, elle a conquis un époux, sa fierté ne connaît
plus de bornes. Elle triomphe. Heureuse de l’occasion qui lui permet de
prouver qu’elle est une femme comme les autres, elle s’attache à son
époux, lui témoigne à la fois de l’amour et de la reconnaissance, et
subordonne toutes ses pensées à la démonstration de ses qualités de
femme d’intérieur et de mère de famille.
Bien plus, les quolibets et les sarcasmes de ses compagnes lui ont
inspiré une profonde antipathie à l’égard des personnes de son propre
sexe. Toutes les femmes à barbe que j’ai eu l’occasion d’interroger ont
été unanimes sur ce point : elles témoignent d'une aversion marquée à
régard des femmes.
Il y a donc chez toutes une réaction contre l’accusation de virilité ; on
208
RBTUB DE l’hypnotisme
pourrait peut-être l’attribuer aussi à l’esprit de contradiction qu’on dit
inhérent à la nature féminine ; mais n’insistons pas.
L’espace dont nous disposons dans cette Revue ne nous permet pas
de donner à nos conclusions toute l’ampleur que nous voulions leur
accorder. Nous sommes également obligé de réserver Tétude du rôle que
l'hérédité joue dans l’apparition de la barbe chez certaines femmes.
Comme ces personnes étaient généralement issues de mères dont les
joues étaient glabres et de pères fortement barbus, nous inclinons à
admettre que dans le conflit des deux cellules embryonnaires, au point
de vue du système pileux, c’est l’influence paternelle qui a prédominé.
Dans une récente étude sur l’hérédité, publiée par le professeur Bordier,
directeur de l’Ecole de médecine de Grenoble, nous trouvons mis en
relief le fait qu’en Biologie, comme en Droit, Tenfant hérite de son père
et de sa mère en proportion de la richesse de l’un et de l’autre. L’étude
approfondie des femmes à barbe semble conflrmer l’opinion de M. Bor¬
dier.
L’étude des femmes à barbe soulève encore d’autres problèmes fort
troublants. Quelle place faut-il leur accorder dans l’évolution des races
humaines. Doit-on les considérer, d’après la théorie de Brandt, comme
des pionniers de générations futures analogues. Nous serions assez
disposé d’ailleurs à l’admettre. Un fait assez remarquable vient à l’appui
de cette supposition. La France, par l’état de ses institutions politiques,
par Téclat de sa civilisation, par le développement des lettres, des
sciences et des arts peut être considérée comme un des peuples dont
l’évolution semble la plus avancée. Or, si l’on examine attentivement
des dames françaises réunies dans les sociétés ou des assemblées
diverses, on se convaincra aisément qu’un très grand nombre, possèdent
sur la lèvre supérieure un duvet assez marqué pour constituer les
éléments d’une petite moustache. Le fait est tellement hors de doute,
qu'en Allemagne, lorsqu’une actrice doit, dans une pièce de théâtre, jouer
un rôle de femme française, il est de tradition courante, afin de marquer
la nationalité qu’elle représente, d’estomper fortement sa lèvre supé¬
rieure.
L’hypothèse du D^ Brandt n’a rien qui puisse inquiéter nos contem¬
poraines. Comme il le dit lui-même : « aux représentants du beau sexe
qui, tout en admirant la barbe chez l’homme, la repoussent pour elles,
il reste cette consolation que le nombre des femmes barbues ne paraît
augmenter que peu à peu et d’une façon à peine perceptible dans le
cours des siècles : il n'y a donc pas plus lieu de se préoccuper
du temps où toutes les femmes auront de la barèe, que de la fin du
monde. »
Nous nous bornerons, pour conclure, à dire que les apparences de la
virilité n’apportent aucun élément dans la formation du caractère des
femmes à barbe. Orientées par l’éducation familiale et parles habitudes
acquises vers les goûts féminins, elles poursuivent leur évolution dans
la direction qui leur a été primitivement imprimée. En résumé, l’étude
PHYSI0-PSYGH0L06IE DES RELIGIEUSES
209
des femmes à barbe fournit une contribution importante à l’opinion de
ceux qui, comme nous, pensent que dans la constitution de l’être
moral, l’hérédité est peu de chose, tandis que la psychologie et l’éduca¬
tion sont tout.
PHYSIO-PSYOHOLOGIE DES RELIGIEUSES
Les religieuses de Port-Royal.
(Neuvième série de 5 observations).
Par le D' Binet-Sanglé,
Professeur à l’Ecole de psychologie.
{suite) (')
Fouques de Vendôme mourut le 22 novembre 1066. Il épousa Perre-
nelle, sœur de Renaud de Chateaurenaud, chantre de St-Martin de
Tours, laquelle consentit à la donation faite par son mari à l'abbaye de
Marmoustier en 1066, légua trois arpents de vigne à l’abbaye de la Tri¬
nité de Vendôme, du consentement de Bouchard son fils, et mourut le
1“' novembre 1077. Il en eut deux garçons et deux filles dont Bou¬
chard III, qui confirma la fondation de l’abbaye de la Trinité de Ven¬
dôme en 1075, et mourut sans allianèe le 19 février 1085, et Eufrosine.
Eufrosine de Vendôme fut excommuniée par Brunon, légat du Pape,
pour s’être emparée du prieuré de Savigné en l’abbaye de Vendôme, et
de Presillj épousa Geoffroy de Prcuilly III.
Geoffroy de Preuilly III descendait d’Effroi de Preuilly, qui fit cons¬
truire en 1001 l’abbaye de St-Pierre de Preuilly, où il fut enterré, et eut
trois garçons, dont Robert, mort sans enfants, Godebert, qui fonda en
1024 l’église paroissiale de St-Martin de Bossay, et Geoffroy I.
Geoffroy-de Preuilly I, marié en i03i, eut deux garçons : Gui, qui
signa comme témoin à la charte de Geoffroy d’Anjou pour l’église de
Clément de Craon en 1053, et Geoffroy II,
Geoffroy de Preuilly II, tué en 1026, eut deux garçons, dont Geof¬
froy III.
Celui-ci confirma en 1086, les ordonnances faites par Geoffroy d’Anjou,
en faveur de l’abbaye de la Trinité de Vendôme, y donna les lieu et
paroisse de Baigneux et Savigné-sur-Braye en 1090, fit le voyage de
Terre-Sainte, et y fut tué en 1101 ou 1102.
Prenillj- Geoffroy de Preuilly III et Eufrosine de Vendôme eurent deux
Vesiôae garçons, dont Geoffroy de Preuilly dit Geoffroy de Vendôme III.
Celui-ci assista à la bataille de Sais en 1113 ou 1115, fit le voyage de
llfBçoD- St-Jacques de Galice en 1124, alla depuis en Terre-Sainte et mourut
Chatuidii après 1134. En 1105, il épousa Mahaud d'Alençon-Chateaudun.
UeB(oD- Mahaud d'Alençon-Chaleaudun descendait de Yves d'Alençon-
Bellesae Bellesmel.
(1) Voyez Revue de l'Hypnotisme, n" d’octobre IWô et suivants.
210
REVUE DE l’hypnotisme
Le frère de ce dernier, Sigefroy d'Alençon^Bellesme évêque du Mans,
se maria et enrichit ses enfants des biens de son église. « Se voyant dan¬
gereusement malade, il se fit transférer à Tabbaye de la Couture dans
son diocèse, où il prit Thabit de 8t-Benoit, y mourut vers Tan 993 » (^),
et y fut enterré.
Yves d'Alençon-Bellesme eut une fille et trois garçons, dont : Aves-
gaudj évêque du Mans, qui eut guerre avec le comte du Mans, Texcom-
munia mit à deux reprises son royaume en interdit, fit bâtir un palais
épiscopal, fit le voyage de Jérusalem, mourut le 17 octobre 1035, après
avoir été évêque du Mans quarante-trois ans, un mois et sept jours, et
fut enterré dans la cathédrale de Verdun, à laquelle il fit plusieurs dons ;
et Guillaume L
Guillaume d*Alençon-Bellesme I, fonda entre 1020 et 1026 l’abbaye
de Lonlay^ qu’il dota richement, du consentement de sa femme, de tous
ses fils et de son frère Avesgaud. « Il fit le voyage de Rome, où il se
confessa au Pape, qui lui ordonna pour pénitence de faire bâtir et de
doter richement une église qui ne serait soumise qu’au Saint-Siège ;
ce qu’il exécuta en faisant construire dans son château de Bellesme une
superbe église en Thonneur de St Léonard, abbé ; et y fit transporter le
corps. Il y établit des chanoines... l’affranchit et l’exempta de toute
juridiction autre que celle du Saint-Siège i (*). Il eut cinq garçons, dont :
FouqueSy Guillaume II dit Talvas, qui fit crever les yeux, couper le
nez, les oreilles et les parties génitales à Guillaume Giroie d’Echaus-
son ; Yues, évêque de Séez, homme « d’une belle prestance, sçavant, fin
et éloquent, d’une humeur agréable qui aimait les ecclésiastiques et les
religieux comme un père aime ses enfants » (^j. Le 30 octobre 1048, il
signa un acte de Guillaume de Normandie en faveur de Tabbaye de
St-Riquier, Ayant fait brûler son église par imprudence, il alla a Pouille
et à Constantinople faire une quête chez les princes de cas pays, ses
parents, et fit commencer en 1053, une cathédrale superbe. Il conseilla
à Roger de Montgommery de faire bâtir le monastère de St-Martin de
Séez, fit plusieurs biens à l’église de Marmoutiers, assista en 1067 à la
dédicace de l’église de St-Martin de Paris, mourut en 1074, et fut enterré
d’Aleoçon-Perefce devant le maître autel de son église ; enfin Warin d'Alençon-Perche.
Celui-ci, mort avant son père, épousa Mélisende^ vivante en 1031,
sœur d'Hugues de Chateaudun /J, archevêque de Tours, mort le 12 mai
1023, et en eut Geoffroy L
Geoffroy d*Alençon^Perche I fut excommunié par Fulbert, arche¬
vêque de Chartres, pour avoir fait bâtir un château sur les terres du
diocèse, souscrivit en 1028 à la confirmation des biens de l’abbaye de
Colombes au diocèse de Chartres, faite par le roi Robert, fonda l’église
du prieuré du St-Sépulcre de Chateaudun, et la donna au prieuré de
St-Denys de Nogent, qu’il fonda le 15 décembre 1031, et fit encore
(l) Anselme : Histoire de la Maison de France, t. III. 283.
v2) Ibid., t. III. 28i.
(3) Orderic Vital : Histoire ecclésiastique, t. 111.
PHYSIO-PSYCH0L06IE DES RELIGIEUSES
211
quelques donations à Fabbaye de St-Pierre-en-Vallée. Il eut deux
garçons : Hugues d'Alençon-Mortagne, qui souscrivit à la fondation et
aux donations précédentes, et mourut jeune, et Rotrou L
l»ç«D-HorUp6 Rotrou (TAlençon-Mortagne I, qui devint sourd^ guerroya contre
l’évêque de Chartres, qui l’excommunia fit achever à ses dépens, à la
fin de ses jours, le monastère de St-Denys, à Nogent-le-Rotrou, y fit de
nouvelles donations, et en fit faire la dédicace par Geoffroy, évêque de
Chartres, et Arnaud, évêque du Mans. Il eut deux tilles et trois garçons
dont Geoffroy JJ, vivant en 1066, « bel homme, vaillant, sage, pieux, de
bonnes mœurs, craignant Dieu, qui protégea toujours l’église et les
pauvres de J. C. » (^), mourut en octobre 1100, et fut enterré en habit
IfBcoi- religieux de Cluny au monastère de St-Denys à Nogent-le-Rotrou, et
CbatMBéii Hugues d'Alençon-Chateaudun.
Celui-ci, vivant en 1101, eut un garçon et une fille, Geoffroy 7, vivant
en 1136, qui se fit religieux à la fin de ses jours en l’abbaye de Tiron, et
Mahaud d*Alençon-Chàteaudun, femme de Geoffroy de Vendôme III
laquelle fit une donation à l’abbaye de Vendôme.
Pipuilljf-VeidoBe Geoffroy de Vendôme III et Mahaud d'Alençon-Chêiteaudun eurent
deux garçons, Geoffroy, vivant en 1136, qui signa la donation faite
par sa mère à l'abbaye de Vendôme et Jean L
Jean de Vendôme 1 fit de grands biens à Téglise collégiale de Saint-
Georges de Vendôme, donna, en 1147, à l’abbaye de la Trinité de Ven¬
dôme une partie de la forêt de Gastine, « établit le droit des logemens,
la taille, les corvées et la justice du meurtre et du vol sur les terres que
l’abbaye de 8t-Laumer de Blois possédait en Vendômois, fit aussi plu¬
sieurs dommages et concussions à l’abbaye de la Trinité de Vendôme,
fut excommunié par Jean de Salisbery, évêque de Chartres, et obligé
de renoncer à ses exactions et de satisfaire l’église de Vendôme pour
être relevé de l’excommunication, dont le môme prélat lui donna l’abso¬
lution en 1180, fit le voyage de Terre-Sainte, et mourut au retour dans
le monastère de la Charité-sur-Loire, où il avoit pris l’habit de Saint-
Benoit (*) ».
Il épousa Richilde de Lavardin, qui donna à Richard, abbé de la
Trinité de Vendôme, plusieurs terres et vignes en 1165. Il en eut une
fille et trois garçons : LameUUy vivant en 1161, mort avant 1195, enterré
devant la chapelle Sle-Marie-Madeleine en l’église de la Trinité de Ven¬
dôme, Geoffroy, qui consentit au don que fît sa mère de la métairie de
Villers à l’abbaye de Vendôme, et fit lui-même, en 1203, pour son anni¬
versaire, une donation en cette même abbaye, en l’église de laquelle il
fut enterré, et Bouchard IV.
Bouchard de Vendôme IV termina les différends qu’il avait avec les
religieux de la Trinité de Vendôme, leur fit une donation, qui fut con¬
firmée par le pape Hubert Privelli (Urbain III), le 30 janvier 1186,
(1) Orderic Vital : Histoire ecclésiastique^ l. VIII.
(2) Anselme : Histoire de la maison de France^ VIII, 724.
212
HEVUB DE l'hypnotisme
accorda quelques privilèges et exemptions aux religieux du prieuré de
Lavardin pour son anniversaire et celui de sa femme, et mourut en
1202. Il eut deux garçons et une fille ; Jean, mort avant son père en 1193,
Jean 177, trésorier de l’église cathédrale de St-Maurice d’Angers, pré¬
vôt de l’église collégiale de St-Georges de Vendôme, qui donna le droit
do foire à l’abbaye de la Trinité de Vendôme en 1213, fît, du consente¬
ment de sa femme, un accord avec le chapitre de l’église St-Georges,
touchant certains droits qu’il prétendait sur la paroisse de Mesangey,
et Agnès de Vendôme.
deVeDdôie Celle-ci, enterrée dans l’abbaye de Notre-Dame de Fontaines, épousa
Pierre de Montoiroy et engendra Jean de Montoire, dit Jean de Ven¬
dôme IV.
Jean de Vendôme 7V, vivant en 1218, jura en 1223 de faire garder
l’ordonnance faite contre les Juifs en cette même année, assista à
rassemblée que tint Louis VIII en 1225 pour prêter secours contre les
Albigeois, et fut l’un des grands de France qui écrivirent au pape en
1235 contre les prélats du royaume et leur juridiction. Il épousa Aiglan-
tine^ qui fonda avec son mari l’abbaye de la Virginité au diocèse du
Mans en 1220, et en eut deux filles et trois garçons, dont Pierre de
Vendôme.
Celui-ci fit quelques biens à l’abbaye de la Virginité, où il mit deux
de ses filles, accompagna Louis IX au premier voyage d’outre-mer et
y mourut le 29 mars 1249. Il épousa Gervaise de Mayenne^ qui confirma
avec son mari en 1238 le don fait à Tabbaye de Vendôme par Geoffroy
de Vendôme, et fît un accord, du consentement de son mari et de Bou¬
chard, son fils, avec l’abbé de Vendôme en 1246. Il en eut deux filles et
trois garçons : N et JV, religieuses à la Virginité de Vendôme, Jean
qui suivit Louis IX en Afrique en 1270, et qui était mort en 1283, Bou¬
chard V, vivant en 1266, mort avant 1271, enterré en la chapelle de
St-Blaise de l’église collégiale de St-George de Vendôme, et Geoffroy^
de Yendiime- père de Jean de Vendôme-Chartres I.
Chartres Jean de Vendôme-Chartres donna en 1310 quelques prés aux reli¬
gieux du prieuré de Villepreux, et eut un garçon et deux filles dont :
Isabeau^ religieuse à Poissy, morte le 14 février 1352, et Aiglantine de
Vendôme-Chartres.
de Moolœorency Matthieu de Montmorency d'Auvraismeyiil et Aiglantine de Ven¬
dôme-Chartres eurent trois garçons et deux filles, dont : Jean, vivant
en 1384, mort peu après, 1414, marié et sans postérité, Hugues nommé
vers 1360 à l’évêché d’Orléans, par résignation que lui en fit son oncle
Jean, ce qui fut confirmé par les bulles du pape Innocent IV, mort avant
1364, Luce, religieuse, trésorière puis abbesse de l’abbaye de Mau-
buisson en 1388 et 1405, ei Matthieu de Montmorency d'Auvraismenil IL
Matthieu IL qui était mineur en 1365, fit, le 19 mai 1378, un accord
avec Pabbé et les religieux du Val, qui lui restituèrent, ainsi qu’à Jean
son frère, les cens et rentes de MafTliers, que Charles leur oncle avait
donnés à cette abbaye, et mourut vers 1414\ Il eut trois filles et un gar¬
çon Charles.
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIB BT DB PSYCHOLOOIB
213
Charles, mort en 1461, épousa, par contrat du 11 mai 1447, Jeanne
Ratant, morte en 1491, fille de Bertrand Rataud et de Marguerite
Ronault.
Roiiilt M'arguerite Ronault, descendait de Louis Rouault, vivant en 1381,
mort en 1400, qui épousa Marguerite de Brisay.
d< BriMj Marguerite de Brisay descendait de Pierre de Brisay II, bienfaiteur
de l’abbaye de Fontevrault.
Le petit-fils de Pierre II Raoul, fonda les Cordeliers de Mirebeau, et
engendra Alau de Brisay II, dont la veuve donna des rentes à l’église
de Fontevrault, et qui fut le bisaïeul d'Alau III.
Celui-ci, vivant en 1323, eut un garçon et quatre filles, dont : Alau IV,
qui fit des rentes à l’abbaye de Fontevrault, et Marguerite, femme de
Louis Rouaidt. (à suivre)
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance annuelle du 20 juin 1905. — Présidence du D'Albert Roiim.
Le trac par asynergie des images mentales
par M. le D** Paul Farbz
P rofesseur à TEcole de Psychologie.
Il y a lieu de distinguer trois formes de trac :
La forme ordinaire, commune, banale, (presque normale quand elle
est peu intense^ maladive seulement quand elle devient excessive) ; c*est le
trac essentiel, primitif ; il survient d'emblée, dans des circonstances
données, à titre de phénomène émotionnel, dont les paroxysmes s’ac¬
compagnent de désharmonie fonctionnelle, de déséquilibre mental, avec
angoisse, troubles vasomoteurs ou sécrétoires, agitation ou impotence
motrice, perte de mémoire, etc.
2® Le trac résultant de la diathèse de scrupule : par exemple un vir¬
tuose, inquiet, douteur, se demande s’il sait son morceau, s’il n’aura pas
d’absenct5 de mémoire, s’il ne fera pas de fausse note, etc. En présence du
public, il est distrait, dispersé, incapable de concentrer sa pensée ; es¬
clave de ses idées parasites et de ses préoccupations mentales, il en
arrive à jouer, devant un auditoire, mal ou beaucoup moins bien que
dans la solitude ; toujours inférieur à lui-même devant le public, il se.
met à redouter précisément de paraître en public, et le trac est ainsi
constitué, consécutivement à cette rumination maladive ; au moment de
l’audition, le trac se manifeste avec tout le cortège de troubles énoncés
ci-dessus ; dans l’intervalle des auditions, il devient une phobie tyran¬
nique et revêt la forme de l’obsession chez les dégénérés.
3® Une troisième forme (que les auteurs différencient mal des pré¬
cédentes et qui en est pourtant bien distincte) survient secondairement,
elle aussi, non plus à un état mental spécial, mais à une asynergie (congé¬
nitale ou acquise) des diverses images mentales.
Que faut-il entendre par là?
2!4
REVUE DE l’hypnotisme
A titre d’exemple, considérons ce qui se passe chez les jeunes élèves,
quand ils apprennent une leçon de mémoire.
L*un est silencieux et immobile ; sans faire un geste, sans même
remuer les lèvres, il apprend par les yeux ; ce sont des images visuelles
qu’il grave dans son esprit.
L’autre lit sa leçon tout haut ou se la fait lire à haute voix ; attentif
aux sons qui frappent son oreille, il s’assimile des images auditives.
Un autre lit aussi sa leçon à haute voix ; mais, accoudé sur la table,
il se bouche les oreilles avec les pouces ; il s’applique ainsi à ne pas être
distrait par le son de sa voix ; il prononce pour prononcer, c’est-à-dire
qu’il fixe dans sa mémoire des images motrices d’articulation.
Un autre, enfin, écrit de sa propre main sa leçon tout entière ; il confie
à sa mémoire des images motrices graphiques.
La méconnaissance de ces divers types entraîne journellement des
erreurs pédagogiques très regrettables.
Ainsi, dans les internats, les leçons doivent être apprises dans le plus
profond silence, ce qui met l’auditif dans l’impossibilité de rien retenir.
D’autre part, pendant les études dites de leçon, il est défendu, d’ordi¬
naire, de tenir une plume à la main et de rien écrire; le graphique se
voit ainsi refuser le libre usage des images dont il a besoin pour impres¬
sionner sa mémoire.
Pour ce qui est de la récitation des leçons en classe, elle a lieu à
haute voix; or les visuels et les graphiques sont incapables de traduire
immédiatement en images articulatoires leurs souvenirs visuels ou
graphiques.
En somme, on exige que les élèves apprennent leurs leçons comme s’ils
étaient tous des visuels et qu’ils les récitent publiquement comme s’ils
étaient tous des articulateurs.
Sans doute, chez un individu normal, moyen, bien équilibré, ou dont
le développement intellectuel a reçu sa pleine expansion, les diverses
images visuelles, auditives, articulatoires, graphiques sont synergiques;
elles se remplacent indistinctement, à volonté, suivant les besoins, et
peuvent se manifester à tout moment, avec une intensité psychologique
sensiblement égale. Mais l’humanité est très diverse; elle offre, chez de
nombreux individus, l’exacerbation ou l’obnubilation de certaines images
au détriment ou au profit des autres.
Cette asynergie des images mentales est parfois une raison de supé¬
riorité, par exemple dans les arts : un peintre est surtout un visuel, un
musicien surtout un auditif. Dans la vie courante, cette asynergie est, le
plus souvent, une cause de faiblesse ou d’infériorité. Témoins les quel¬
ques cas suivants, au sujet desquels j’ai été consulté.
I. — Lejeune X, âgé de 16 ans, est interne dans un lycée de Paris.
Bien intentionné, courageux, il apprend ses leçons très consciencieuse¬
ment; il les écrit même en entier de sa main. Lui demande-t-on de les
réciter à haute voix, il ànonne, se tait, reprend quelques mots, balbutie
et, finalement, reste coi. Comme de juste, le professeur lui marque une
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIB ET DE PSYCHOLOGIE
215
mauvaise note et finit par le considérer comme un paresseux. Voyant ses
efforts si peu couronnés de succès, le jeune X, se croit, se sent inférieur ;
il se découragé, se désespère, prend en dégoût ses études et verse dans
la neurasthénie. On le retire du lycée et on l’envoie passer quelques
mois à la campagne. Dès qu’il reprend ses études, les mauvaises notes
s’accumulent comme par le passé. Un nouveau professeur survient qui
dit : « Cet élève a le trac ; il manque d’assurance, il a peur;faites-le hyp¬
notiser. » Et, de fait, un de nos confrères l’hypnotise,... mais sans amélio¬
rer son état. C’est que la pychologie de notre jeune homme n’a pas été
assez finement analysée. En somme, c’est un graphique auquel on
demande de devenir, subitement, un parfait articulateur; il ne le
peut, il ne le sait; nous sommes en présence d’une impotence réelle.
Malgré sa très grande efficacité habituelle, l’hypnotisme ne peut, subite¬
ment, faire d’un graphique un articulateur, pas plus qu’il ne peut,
d’emblée, faire d’un brillant pianiste un remarquable joueur de flûte.
L’hypnotisme est incapable de conférer la pratique d'un instrument
pour lequel il n’y a pas eu d’apprentissage; de même qu’un pianiste ne
saura jouer de la flûte qu’après s’y être exercé et entraîné, de même
notre jeune élève ne sera capable d’articuler en public qu’après s’étre
habitué à manier avec virtuosité les images articulatoires. N’y avait-il
donc point de trac? Si. Décontenancé par ses échecs, obsédé par la
succession des mauvaises notes, notre jeune homme en arriva à redou¬
ter d’être interrogé. Et, interrogé, il a réellement peur; son trac accroît
son impotence fonctionnelle ; il ne la crée pas; le trac est secondaire et
surajouté; il complique la situation, il n’en est pas l’auteur.
II. — Un jeune vicaire de province prépare avec soin son sermon du
dimanche suivant. Il le rédige de sa propre main et, dès que sa rédac¬
tion lui parait être au point, il l’apprend par cœur, en silence, à tète
reposée. Quand il l’a lue des yeux, un certain nombre de fois, il la pos¬
sède bien; il est même capable de l’écrire à nouveau de mémoire... Puis,
le dimanche, en chaire, il bredouille lamentablement, se trouble et pro¬
duit un très mauvais effet. Vexé, découragé, il devient triste, obsédé; il
a vraiment la phobie de la chaire ; c’est avec angoisse qu’il en gravit les
degrés ; il présente tous les phénomènes du trac, au moment où il va
commencer son sermon. Ici encore le trac est consécutif à une inaptitude
fonctionnelle primitive, qu’il complique sans l’avoir créée.
En somme, notre pauvre abbé n’a pas été entraîné à traduire en
images articulatoires les images visuelles ou graphiques qu’il a confiées
à sa mémoire. L’asynergie des images mentales est seule responsable
de son trac.
III. Un étudiant de la Sorbonne doit, à son tour, expliquer, à haute
voix, tel texte latin ou grec du programme de l’Âgrégation des Lettres.
Il le prépare à l’avance ; il en possède le sens; il est prêt à exposer judi¬
cieusement les remarques littéraires, historiques, philologiques que
comporte le morceau ; il compte satisfaire le professeur et produire une
très bonne impression sur ses auditeurs. Or, son explication esthésitante,
216 '
RBVUE DE l'hypnotisme
parfois enfantine et incorrecte ; il se trouble et paraît improviser péni¬
blement ce qu'il a préparé avec tant de soin et possédait si bien. Lui
aussi s'est contenté d'emmagasiner dans sa mémoire des images visuelles
ou graphiques, sans s'exercer à les exprimer aisément en images articu-
latoires. Son échec le décontenance; et le trac, survenu ainsi par contre¬
coup, paralyse encore davantage ses moyens.
★
4 *
L'hypnotisme donne d'éclatants succès (^) dans les deux premières
formes du trac, surtout dans la première; il est incapable de supprimer
à lui seul la troisième variété dont il vient d'être question. Dans ces cas,
en effet, le trac dépend de l'asynergie, il lui est consécutif ; c’est seulement
en faisant disparaître l'asynergie que nous obtiendrons la disparition du
trac. Or, l'asynergie ne disparaîtra qu'à la suite d'un entraînement
psychologique long et persévérant.
Celui qui ignore la flûte n'en jouera qu’après avoir appris à le faire.
De même ceux qui ne savent pas user des images articulatoires, gra¬
phiques, etc., ne pourront le faire aisément qu’après qu'on aura développé
en eux l'aptitude qui leur manque. C'est donc par une éducation ou une
rééducation méthodique qu’on parviendra à réveiller ou à exalter les
groupes d'images demeurés à l'état rudimentaire et, pour ainsi dire,
inculte. Le meilleur procédé est d'imposer, en toute circonstance, à titre
d'exercice, le fonctionnement simultané, synergique, des divers groupes
d’images, de manière que celles-ci s’associent fortement et puissent,
par la suite, se susciter l'une l'autre et se remplacer aisément.
Par exemple, les visuels et les graphiques devront, en même temps
qu'ils lisent des yeux et écrivent de leur propre main, articuler nette¬
ment et être pleinement attentifs au son de leur propre voix ; ainsi se
grave dans la mémoire un faisceau de quatre sortes d'images syner¬
giques, équivalentes, capables, avec le temps et la répétition, de se
substituer les unes aux autres spontanément, sans aucune hésitation.
Ces exercices devront avoir lieu sous la direction générale du médecin
psychologue, lequel conseillera l’hypnotisme, à titre d'adjuvant, pour
obtenir du sujet l’assouplissement, la persévérance et la docilité qu'exige
une semblable cure.
Lorsque cette rééducation psychologique aura établi la synergie men¬
tale, le trac pourra disparaître de lui-même : Suhlafa causa tollitur
effectus. Toutefois, chez la plupart, il subsistera à l'état de simple habi¬
tude morbide; la suggestion hypnotique, à elle seule cette fois, aura tôt
fait de le déloger. C'est ce qui est arrivé pour les trois cas que j'ai cités
plus haut et que j’ai été assez heureux de guérir.
(1) Cf. Rev, de VHypn,^ avril 1905, le cas de cet élève du Conservatoire qui, grêce
à l’hypnotisme, a pu remporter, à Tunanimité, le premier des seconds prix en 1904.
La suggestion hypnotique l’avait si bien guéri de son trac qué, au concours de
1905, il a obtenu le premier prix, sans que j’aie eu besoin de le suggestionner à
nouveau. Ce cas prouve, une fois de plus, la persistance et la solidité des guérisons
obtenues par l’hypnotisme.
SOCIÉTÉ d’hTPNOLOOIE ET DB PSYCHOLOGIE
217
De rhypnotisme chez les animaux
par MM. Lépinav et Grollet, médecins - vétérinaires,
chefs du Laboratoire de Psychologie comparée (Ecole de Psychologie).
Ce n’est pas sans une certaine appréhension que nous venons exposer
devant vous la question de l’hypnotisme chez les animaux. C’est en effet
une question neuve, très controversée, et malgré nos recherches biblio¬
graphiques, nous n’avons trouvé que peu ou point de documents pouvant
nous éclairer. Il nous faudra donc dans le courant de ce travail qui sera
en somme le résultat des études que nous avons entreprises au Labora¬
toire de Psychologie comparée, nous servir des admirables travaux
faits sur l’hypnotisme chezThomme.
Pour pouvoir faciliter notre étude nous avons eu à nous poser les
questions suivantes :
1® Peut-on hypnotiser les animaux ?
2® Dans quel but provoquer l’hypnose ?
3® Les animaux sont-ils suggestibles ?
4® L’hypnose peut-elle faciliter ces suggestions ?
Il y a là un certain nombre d’observations qui s'enchevêtrent et se
complètent comme chez les humains.
Peut-on hypnotiser les animaux ?
A priori quand on se pose cette question ou qu’on la pose à des per¬
sonnes qui s'occupent des animaux : dresseurs, vétérinaires, éleveurs^
etc.., la réponse est que l’hypnose ne paraît pas pouvoir être provoquée
chez les bêtes, parce que les expériences auxquelles on se livre pour
endormir un animal, avec les moyens appliqués habituellement chez
l’homme, ne réussissent pas ; en somme si l’on veut fixer les yeux d’un
animal, comme on les fixe chez l’homme pour produire l’état d’hyp¬
nose, on n'obtient rien ou peu de chose, ce surtout à cause de la disposi¬
tion anatomique des yeux qui ne permettent pas la fixation simultanée
des deux globes oculaires, de plus l’animal, ou ne se laisse pas du tout
fixer les yeux, ou au bout d’un moment de fixation, paraît être gêné par
le regard de l’expérimentateur et se soustrait immédiatement à son
regard. Il y a là de la part des animaux une méfiance que l’on doit
certainement retrouver chez l’homme qui ne consent pas à se laisser
hypnotiser.
Veut-on recourir à l’hypnose produite par les instruments dont vous
vous servez pour hypnotiser les hommes, tels que les miroirs, les pris¬
mes, les sonneries, les vibrations ; alors la méfiance s’accroît encore
et elle se complète d’une peur, qui fait que les animaux se dérobent à
votre contact.
Nous verrons plus loin que la musique a cependant paru produire
quelques effets chez les animaux et notamment chez le cheval. Mais
jusqu’alors nous entendons par hypnotisme, la mise d’un sujet dans un
sommeil relativement profond, or, vous nous avez appris que l’hypno¬
tisme débutait beaucoup plus tôt et qu'il fallait entendre^par cette énon-
218
RBVUB DE L HYPNOTISME
dation non seulement le sommeil profond, mais encore beaucoup d'états
intermédiaires, qui bien souvent ressemblent à s'y méprendre à l'état
de veille parfait; lentement il y a déjà hypnose quand l'être sur lequel
on agit est sorti de l'état de veille complet, et qu'un certain nombre de
ses fonctions sont dans un état passif. Mais ces états passifs sont nom¬
breux chez les animaux^ quand on veut s'en rendre compte et qu'on les
observe dans leurs rapports journaliers avec nous. De même que les
médecins hypnotiseurs ont parfaitement vu que l'être humain qu'ils
cherchaient à endormir et chez lequel ils ne paraissaient pas avoir
réussi, est cependant hypnotisé dans une certaine mesure, de même des
animaux, qui bien entendu ne dorment pas, sont dans un état passif
quand nous avons pu prendre sur eux ce que nous appelons de l'ascen¬
dant. Si donc on s’entend sur la véritable définition du mot hypno¬
tisme, nous sommes obligés d'admettre que nous possédons une certaine
action dans des circonstances déterminées sur des animaux et par con¬
séquent nous les hypnotisons dans une certaine mesure, sans qu'ils
s'en aperçoivent^ et peut-être même sans que nous nous en doutions.
Passons donc en revue les différents animaux que nous avons pu
observer et voyons la question pour chacun d'entr'eux et particulière¬
ment pour le cheval.
Chez les grands animaux les fonctions psychiques ont été peu étudiées,
les utilités que l'homme recherche chez eux sont, en effet, d'ordre
exclusivement matériel.
Chez les uns, les animaux de boucherie et de laiterie, on recherche le
maximum de rendement, en viande, lait ou graisse. Chez les autres qui
sont utilisés comme moteurs on recherche le maximum de contraction
musculaire.
Les animaux sont, en effet, des machines à transformation d'énergie
puisée dans les aliments en une certaine somme d'utilités de diverses
sortes, travail musculaire, production de lait, de chair, de graisse.
Or la machine qu’elle soit vivante ou qu’elle soit inanimée est d’une
exploitation d’autant plus rémunératrice qu’elle donne, pour une même
quantité de matière consommée, la plus forte somme de produits utili¬
sables.
La machine inanimée transforme en mouvement l’énergie latente
emmagasinée dans le combustible qu’elle brûle.
La machine vivante transforme l’énergie latente emmagasinée dans les
aliments qu’elle consomme en chaleur, mouvement, réparation des pertes
de ses tissus, accroissement de leur masse, ou en excrétions diverses.
Les fonctions cérébro-spinales doivent donc se borner à assurer la
vie végétative; tout travail cérébral s'accompagnant de mouvement,
d’agitation quelconque, de production de reflexes, de peur, d’ennui
d’excitations quelconques entraînerait une dépense d'énergie au détri¬
ment de la production recherchée, lait, viande, etc... Ces animaux sont
donc maintenus dans des conditions éminemment propres à diminuer
leur intelligence.
SOCIÉTÉ d'hYPNOLOGIE BT DE PSYCHOLOGIE
219
Le fait est que chez les animaux producteurs de viande et de lait,
boeuf, mouton, porc, le développement intellectuel est complètement
enrayé.
Le cheval, animal producteur de mouvement dans des conditions
variéeSi est encore fort peu intelligent, mais manifeste néanmoins une
intelligence que nous qualiûerons de professionnelle.
Le cheval de ville, utilisé en terrain varié, acquiert une adresse
remarquable pour se diriger parmi les accidents de terrain. Le cheval
d’armes, s’il n’est pas gêné par un cavalier maladroit, évite généralement
bien les aspérités du sol, les trous, les endroits dangereux. Pour sauter
il sait calculer la distance et y proportionner son eilort.
Le cheval de voiture, utilisé dans les grandes villes, acquiert, nous ne
dirons pas toujours, mais souvent, une adresse assez remarquable pour
se diriger sur le pavé glissant, adapter son allure au terrain sur lequel
il marche, se diriger parmi les voitures.
Le cheval de gros trait, le limonier, acquiert une adresse admirable
pour maintenir son véhicule, résister aux secousses latérales qui lui sont
imprimées, résister quand la voiture le gagne.
Il y a là, certainement, des manifestations intellectuelles, des asso¬
ciations d’idées, des variations de l’intelligence. Le cheval, cela est
certain, a une prodigieuse mémoire et un faible jugement, mais dans la
circonstance, c’est plutôt le jugement que la mémoire qui le fait agir.
Nos grands animaux sont donc intelligents dans une mesure plus ou
moins faible, mais l’hypnotisme a-t-il besoin pour s’exercer de trouver
des cerveaux supérieurs? — Non, assurément, et, dès lors pourquoi ne
s’exercerait-il pas sur les animaux dont nous parlons ?
Chez le mouton, le porc, il n’a été fait aucune observation sérieuse et
cependant on doit rappeler que les moutons sont fascinés, sinon par leurs
bergers, mais par les chiens et plus encore par les loups. Le fabuliste
n’a pas eu tout à fait tort de nous représenter le loup sermonnant la
brebis avant de la dévorer et lui prouvant qu’elle et les siens avaient
mérité le châtiment, on a observé en effet que le mouton était figé par le
loup et paraissait attendre passivement sa dent.
Chez la brebis, chez la vache, nous avons eu connaissance de bêtes
retenant leur lait avec certains vachers habitués à traire, s’y prenant
bien, sans doute, puisque les autres vaches se laissaient faire ; ces
mêmes vaches qui, avec un homme du métier, retenaient leur lait, le
donnaient volontiers avec une autre personne s’y prenant mal ! N’y
aurait-il pas là une question d’ascendant, d’hypnotisme ? Réaction dans
un cas, passivité dans l’autre.
Chez le cheval, l’hypnotisme s’exerce assurément. L’ascendant de
certains hommes est évident. Les chevaux méchants, dans la grande
majorité des cas, se laissent manier par un homme, cocher ou palefrenier,
qui a pris sur eux ce qu’ils appellent de l’empire. Cet empire n’est
jamais l’effet de la brutalité ou de la violence ; l’homme qui l’exerce est
généralement doux, mais énergique, il a su imposer sa volonté à son
220
RBVUE DE l’hypnotisme
cheval. Voudrait-il d’ailleurs agir autrement, qu’il se trouverait immé¬
diatement en présence d’une force invincible. Tel animal qui, par
exemple, mordait, a été corrigé quand il esquissait le geste et ensuite
tenu en respect par l'attitude, l’intonation de son palefrenier — dès
lors, il n’a plus cherché à le mordre alors qu’il conservait son agressivité
pour tous les autres individus l’approchant, n’agit-on pas de môme
pour les enfants et n’obtient-on pas par des résultats analogues? « La
crainte, la peur, le sentiment d’une supériorité sont incontestablement
des éléments hypnogènes > et ces éléments nous les observons tous les
jours dans nos rapports avec les animaux pour obtenir d’eux la passi¬
vité nécessaire. Par exemple, pour faire lever la première fois le pied
d’un cheval, l’homme caressera l’animal et lui fera comprendre au
moyen de ses attouchements, de paroles prononcées avec une intonation
calme, qu’il ne lui veut aucun mal, lentement il captera sa confiance,
il obtiendra que son sujet abandonne sa résistance naturelle, se résigne,
se tranquillise, il l’aura mis dans un état passif, dans un certain état
d’hypnose et alors il pourra facilement lever le pied, ferrer lanimal
et même quelquefois dans certaines circonstances, faire une petite opé¬
ration relativement douloureuse, sans protestation bien considérable du
patient ; et c’est chose curieuse de voir que cet ascendant, cette facilité
à le produire existe plus souvent chez de simples ouvriers que chez des
personnes qui font le métier de dresseur d’animaux, c’est que les pre¬
miers ont compris qu’en s’y prenant de la façon que nous venons de
décrire, on obtient tout ce que l’on veut des animaux, les seconds, au
contraire, ont la prétention, quels que soient leurs talents, d’imposer
immédiatement leurs volontés au sujet qu‘ils approchent et alors ils
n’obtiennent aucun bon résultat, on pourrait comparer leurs néfastes
procédés aux interventions des personnes qui veulent faire de l’hyp¬
notisme sans en connaître les règles, qui veulent plonger dans un étal
d’hypnose des humains qui n’y sont pas préparés.
En ce qui concerne le cheval, comme beaucoup d'autres animaux, tous
les hommes ne sont pas également capables d'obtenir les résultats qu’ils
convoitent, il faut avoir la connaissance profonde du cheval avant de
pouvoir réussir à prendre sur lui l’ascendant nécessaire et tel individu
qui sera parfaitement capable de mettre dans un état de passivité un
cheval, n’obtiendra rien quand il s’adressera à un chien ou à un chat.
Nous sommes convaincus que ces différences sont observées pour les
différentes races humaines, tel médecin hypnotiseur qui obtiendra les
succès les plus considérables chez une race humaine, aura vraisembla¬
blement beaucoup moins de succès et peut-être des insuccès découra¬
geants quand il s’adressera à une autre race qu’il connaitra peu ou
moins.
En résumé dans bien des circonstances nous hypnotisons les animaux
sans le savoir, nous avons vaincu les résistances naturelles ou provo¬
quées de ce cheval, parce que nous avons capté sa confiance, parce que
nous avons endormi sa méfiance, ses prédispositions, parce que nous
SOCIÉTÉ d'hYPNOLOOIE BT DE PSYCHOLOGIE 221
avons aboli dans une mesure son pouvoir de contrôle, pour facilement
lui imposer notre volonté, qui est de le rendre utilisable, et d y arriver
par un ensemble de moyens qui constituent le dressage. Et ce que nous
disons pour le cheval, nous pourrions le répéter pour tous les animaux
sans exception, même pour les animaux sauvages.
Il se passe pour tous un fait curieux, que vous nous avez déjà signalé
chez l’homme.
Vous avez à dresser ou redresser un humain, (car c’est en réalité du
redressage que vous tentez, lorsque vous endormez un malade dans le
but de lui faire des suggestions, en vue d’une heureuse modification
dans sa manière de se comporter) vous remarquez que si cet être s’éloi¬
gne de vous pendant un temps trop long il s’endormira moins facilement
et partant sera moins apte à recevoir vos suggestions. Mais Bostock ne
nous dit pas autre chose pour les animaux qu’il essaie dompter et il ne
cesse de recommander d’avoir constamment dans la main les animaux
en dressage, de ne pas les perdre de vue, de chaque jour les reprendre
en exercices et de ne jamais devant eux se laisser aller à un geste pou¬
vant diminuer le prestige du dompteur et le pouvoir de domination qu’il
exerce.
Nous voyons cela sur nos chevaux.
Cessez de conduire un cheval même bien dressé et vous verrez combien
vite il s’affranchira, vous ne tarderez pas à avoir perdu sur lui tout empire,
et il vous faudra alors faire du redresssLge^ le dominer à nouveau, le
remettre dans un état passif pour lui faire accepter votre domination et
le ployer à vos exigences.
En résumé nous hypnotisons les animaux et lorsque dans une séance
ultérieure nous aurons répondu aux trois autres questions de notre pro¬
gramme, nous verrons à quels moyens il y a lieu de recourir pour
provoquer volontairement cette hypnose et en faire un état propice au
dressage et à l’utilisation des animaux, qui de plus en plus deviennent
des collaborateurs et pourraient être beaucoup plus précieux qu’ils ne
le sont si nous connaissions mieux leur réceptivité au point de vue de
nos suggestions.
CHRONIQUE E T COR RESPONDANCE
Société d’hypnologie et de psychologie.
La prochaine séance de la Société d’hypnologie et de psychologie
aura lieu le mardi 16 janvier, à 4 heures et demie, au palais des
Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le Jules
Voisin, médecin de la Salpétrière.
Les séances- de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque
mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les
étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le D' Bérillon, secrétaire
général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le D' Parez, tréso¬
rier, 154, boulevard Haussmann.
222
RBVUB DB L’HTPNOTISMB
Communications inscrites :
D** BéRiLLON : Les timidités.— Le traitement psychologique de l’émoti¬
vité morbide.
M. Caustier, professeur au lycée Condorcet : La méthode socratique
dans l'éducation scientifique.
D' Parez : Mensonge et intimidation chez un lycéen.
D** Le Menant des Chesnais : Borborygmes hystériques traités avec succès
par la suggestion hypnotique.
M. Gallic : La qualité de la voix dans la pratique de la suggestion.
D' Demonchy : La suggestion de la voix.
D" Félix Régnault : Définition de la suggestion; Inscrits: MM. Louis
Favre, Bérillon, Paul Magnin.
D' Damoglou (du Caire) : Mutisme hystérique guéri en une séance par
la suggestion hypnotique.
NOUVELLES
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie
COURS DE 1906 (6« année)
La réouverture des cours aura lieu mercredi 10 janvier, àcinq heures,
sous la présidence d’honneur du D'Huchard, membre de l’Académie de
médecine, et la présidence du D’’ J. Voisin, médecin de la Salpêtrière.
M. le D' Paul Magnin fera la leçon d’ouverture sur : Lsl psychothé¬
rapie et Vhypnotisme.
L’enseignement de l’Ecole de psychologie est public.
Hypnotisme thérapeutique
M. le D*’ Bérillon, professeur.
Objet du cours : Les maladies du jugement et les maladies du
raisonnement : prophylaxie et traitement.
Les lundis à cinq heures^ à partir du lundi 15 janvier.
2» L’hypnotisme et l’orthopédie mentale : les timidités.
Les jeudis à cinq heures^ à partir du jeudi 11 janvier.
Hypnotisme expérimental
M. le D' Paul Magnin, professeur.
Objet du cours : L’hypnotisme chez les hystériques : Les paralysies
hystériques.
Les lundis et les jeudis à cinq heures et demies a partir du jeudi
11 janvier.
Hypnotisme sooiologique
M. le D' Régnault, professeur.
Objet du cours : La genèse des miracles de Jésus : leur explication
scientifique.
Les samedis à cinq heures et demie, à partir du samedi 13 janvier.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
223
Psychologie pathologique
M. le D' Paul Parez, protesseur.
Objet du cours : Les sommeils pathologiques.
Les mardis à cinq heures et demie^ à partir du mardi 16 janvier.
Psycho-physiologie de TArt
M. Félix Régamey, professeur.
Objet du cours : Art et pédagogie.
Les vendredis à cinq h. et demie^ à partir du vendredi 12 janvier.
Psychologie des dégénérés
M. le D** Binet-Sanglé, professeur.
Objet du cours : Les dégénérés mystiques.
Les samedis à cinq heures, a partir du samedi 2k février.
Anatomie et psychologie comparées
M. E. Caustier, agrégé de TUniversité, professeur.
Objet du cours : L'énergie animale : ses sources, ses modilîcaiions.
Education de l’énergie physique et de l’éducation intellectuelle.
Les mercredis a cinq heures à partir du mercredi 11 janvier.
Psychologie des animaux
M. Lépinay, professeur.
Objet du cours : Les méthodes de dressage : utilisation de l’intelli¬
gence et de l’instinct.
Les mercredis à cinq heures et 1/2, à partir du mercredi 11 janvier.
Psychologie du criminel
M. Blieck, avocat à la Cour, professeur.
Objet du cours : La lutte contre la criminalité juvénile.
Les mardis à cinq heures^ à partir du mardi 16 janvier.
Philosophie scientifique
M. Louis Favre, professeur.
Objet du cours ; La méthode expérimentale : application à la ques¬
tion du bonheur.
Les vendredis, a cinq heures, à partir du vendredi 12 janvier.
Psychologie muiaicale
M. le D' Pamart, professeur suppléant.
Objet du cours : Les émotions musicales.
Les samedis, à cinq heures, à partir du samedi 13 janvier (jusqu'au
samedi 16 février). _
Conférences pratiques d’hypnologie et de psychothérapie
Les conférences cliniques sur les applications de l'hypnotisme à la
psychothérapie et à la pédagogie, reprendront le jeudi 18 janvier, à
10 heures du matin. Elles seront dirigées par les D'” Bérillon, Magnin,
Paul Farez et Pamart. On s’inscrit les jeudis à l’Institut psycho-phy¬
siologique, 49, rue Saint-Ândré-des-Ârts.
224
RBTUB DE L’HTPNOTISHE
C6nféreno«B de 1906
Chaque année, les cours de l’Ecole de psychologie sont complétés
par des conférences faites au siège de l’Institut psycho-physiologique,
49, rue Saint-Ândré-des-Arts. Ces conférences portent sur toutes les
questions qui relèvent de la psychothérapie et de la psychologie. Les
conférences sont publiques.
LES VENDREDIS A HUIT HEURES ET DEMIE DD SOIR
Vendredi 12 janvier, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. le D' Charrin,
professeur au Collège de France. — Le cerveau organe de la pensée et
de la volonté, par M. le D' Bérillon, médecin inspecteur des asiles
d’aliénés (avec projections).
Vendredi 19 janvier, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. Jules Bois.
— Psychologie de l’occultisme : la grande Pyramide de Chéops, par
M. Raoul Baron, professeur à l’Ecole vétérinaire d’Alfort.
Vendredi 26 janvier, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. Jules Voisin,
médecin de la Salpêtrière. — Le plaisir musical, parM. Lionel Dauriac,
professeur honoraire des Facultés des lettres.
Vendredi 2 février, sous la présidence de M. le baron de Baye, explo¬
rateur. — Psychologie des foules : le Folklore Picard, par M. Pierre
Dubois, docteur en droit, membre de la Société les Antiquaires de
Picardie.
Vendredi 9 février, sous la présidence de M. Malapert, professeur au
lycée Louis-le-Grand.— La psychologie du rire : rôle de la gaieté dans
l'éducation du caractère, par M. le D' Bérillon, médecin inspecteur des
asiles d’aliénés (avec projections).
Vendredi 16 février, sous la présidence de M. le D' Fiessinger, membre
correspondant de l’Académie de médecine. — Les maladies de la volonté,
par M. le D' Paul Joire, de Lille.
Vendredi 24 février, sous la présidence de M. de Milloué, conser¬
vateur au Musée Guimet. — Psychologie comparée : L'évolution de
l'intelligence sous le régime des castes, par M. le D' Valentino, méde¬
cin-major à Pondichéry.
Récompenses acadéiplques
Parmi les récompenses qui viennent d’être décernées par l’Académie
des Sciences, nous sommes heureux de relever celle qui a été accordée
au D'Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière. Il a été nommé lauréat
du Prix Lallemand, en récompense de ses importants travaux sur l'épi¬
lepsie, sur l’idiotie et sur l’éducation des enfants arriérés.
L’Administrateur-Gérant : Bd. BERILLON.
Paris, lmp. A. Quelquejeu, me Gerberl, 10.
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
20* Année. — N® 8.
Février 1906.
BULLETIN
Inauguration du buste du D*’ Liébeault, sous la présidence d’honneur de M. Bien¬
venu-Martin, ministre de l’Instruction publique, et de M. Berthelot, ancien mi¬
nistre, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences. — Une conférence du
D'^ Bérillon à ^Association française pour l’avancement des sciences.
Le jeudi 1®'^ février, à cinq heures, aura lieu à l’Ecole de Psychologie, sous
la présidence d’honneur de M. Bienvenu-Martin, ministre de l’Instruction
publique, et de M. Berthelot, ancien ministre, secrétaire perpétuel de l’Aca¬
démie des sciences, l’inauguration du buste, élevé par souscription, à la mé¬
moire du D® Liébeault.
Aux médecins français, désireux de rendre à un éminent compatriote
l’hommage de leur reconnaissance, des savants étrangers viendront se
joindre pour exprimer l’admiration que leur a inspirée l’œuvre psycho¬
logique du grand psychothérapeute de Nancy. Cette démonstration scien-
tifîque constitue également un acte de réparation à l’égard du savant
modeste dont les conceptions ont été le point de départ d’un mouvement
scientifique si considérable et ont même contribué à favoriser tant de répu¬
tations.
Tous les psychothérapeutes animés du désir ardent de rendre justice
au vrai mérite répondront à l’invitation du Comité et se joindront à lui pour
honorer, comme il le convient, la mémoire du D'' Liébeault.
L’ordre du jour est ainsi fixé :
1* Allocution du D' Jules Voisin, président du comité de la souscription.
2* D' Bérillon, secrétaire du comité. L’œuvre psychologique de Liébeault.
3* Allocution du D' Paul Magnin, vice-président de l’Ecole de psychologie.
4** Allocution du D' Lloyd-Tuckey, de Londres.
5* Allocution du D' Raymond, professeur de la clinique des maladies nerveuses à la
Faculté de médecine, président d’honneur, du comité.
6“ Inauguration du buste du Liébeault (œuvre du statuaire Maillols).
7® Poésie de M. Jules Bois, en l’honneur de Liébeault, dite par M. Paul Mounet,
de la Comédie française.
Après la séance d’inauguration un banquet sera offert aux délégués
étrangers. Il aura lieu chez Marguery. Les admirateurs et les élèves du
D»* Liébeault sont invités à nous adresser dès aujourd'hui leur adhésion.
★
♦ ♦
Chaque année l’Association française pour l’avancement des sciences
convie les membres de TAssociation à des conférences dans lesquelles sont
traitées des questions scientifiques du plus haut intérêt.
8
226
REVUE DE l’hypnotisme
Parmi les conférences, ayant un caractère psychologique, et qui par cela
même peuvent intéresser nos lecteurs, nous signalons les suivantes :
Le 23 janvier : Les gravures et les peintures préhistoriques sur les parois des
caverneSy par le D** Capitan.
Le 30 janvier : U île de Sakhaliney par M. Paul Labbé.
Le 6 février : Les troubles de la parole^ par M. le I)** Chcrvin.
Le mardi 13 février, à 8 h. 1/2, au Palais des sociétés savantes, 8, rue Danton,
M. le D** Bérillon fera une conférence ayant pour titre : Excursion psycho¬
logique à travers les anomalies et les excentricités humaines. Cette conférence
sera accompagnée de nombreuses projections.
Nos lecteurs peuvent demander des cartes d’entrée soit au siège de l’As¬
sociation française, soit aux bureaux de \di Revue de lHypnotisme.
L’Ecole de Psychologie
La sixième réouverture des cours de l’Ecole de Psychologie a eu lieu
le mercredi 10 janvier, à cinq heures, sous la présidence d’honneur de
M. le D** Iluchard, membre de l’Académie de médecine, et la présidence
de M. le D'Jules Voisin, médecin de la Salpétrière. Aux côtés de M. le
D** Jules Voisin, avaient pris place, M. Fringnet, inspecteur d'Académie,
et les professeurs de l’Ecole MM. les D" Bérillon, Félix Régnault, Paul
Farez, M. Caustier, professeur agrégé au Lycée Condorcet, M. Louis
Favre, M. Lépinay, médecin vétérinaire, etc.
Parmi les personnalités qui assistaient à cette séance nous avons
remarqué M. le Saint-Yves-Ménard, membre de l’Académie de méde¬
cine, les D***Pau de Saint-Martin, Lux, Dubois (de Saujon), Demonchy,
Barbier, Salomon, Hahn, Reignier (de Surgeres), Legendre, Brochard,
Provotel, Bouet-Ilenry, M.Grollet, secrétaire général de la Société
de pathologie comparée, M. Coutaud, docteur en droit, M. Pierre Dubois,
docteur en droit, M. Blech, docteur en droit, M. Grandjean, juge au
Tribunal de la Seine, M. Dyvrande, procureur de la République, D"Na-
ville (de Genève), D' A. William (d’Edimbourg), D^ de Barros-Castro
(de Coimbre), etc., etc.
Parmi les personnes qui s’étaient excusées de ne pouvoir assister à la
séance, nous devons mentionner M. Berthelot, secrétaire perpétuel de
l’Académie des sciences, Raymond, professeur à la Faculté de médecine,
Albert Robin, professeur à la Faculté de médecine, Binet, directeur du
laboratoire de psychologie à la Sorbonne, Brousse, président du Conseil
municipal, Chairin, professeur au Collège de France, Laisant, exami-
cur à l’Ecole Polytechnique, D^ Lloyd-Tuckey (de Londres), Orlitzky,
ide Moscou), Jaguaribe (de Sao-Paulo), etc.
f Après avoir ouvert la séance, le président donne la parole au D*" Bé-
lillon :
BULLETIN
227
L’Ecole de Psychologie
par le Bérillon
professeur à l’Ecole de Psychologie
Messieurs,
Le médecin éminent qui avait accepté la présidence d’honneur de
cette réunion, M. le D*" Iluchard, se faisait une fête d’y assister et d’ajou¬
ter ainsi un nouveau témoignage de sympathie et d’amitié à ceux qu'il
nous a déjà tant de fois prodigués.
Un éloignement momentané de Paris, imposé par des obligations pro¬
fessionnelles et qu’il ne pouvait prévoir, nous prive du plaisir d’entendre
les paroles qu’il se proposait de nous adresser. Je n’en serai que plus à
l’aise pour exprimer à son égard les sentiments d’affection et de recon¬
naissance qu’il nous inspire.
Le D’Huchard n’est pas seulement un grand clinicien, il est également
un professeur, car on peut lui appliquer la définition qu’un de nos maî¬
tres les plus éminents, M. le professeur Lépine, donnait naguère de
celui qui se consacre à l’enseignement scientifique : « Professeur veut
dire chercheur. Faire des découvertes est la meilleure manière d’ensei¬
gner. » Le D** Huchard mérite donc doublementle titre de professeur car,
dans les hôpitaux de Paris, sa parole claire, précise et vibrante, n’a pas
seulement tenu sous le charme de nombreuses générations d’étudiants,
elle les a mises au courant de nombreuses découvertes personnelles.
Il nous faudrait un long espace pour examiner les questions qu’il a
résolues et auxquelles son nom restera indissolublement attaché. On les
trouvera dans ses œuvres qui garnissent les bibliothèques de tous les
praticiens. C’est d’adord le Traité des névroses, dans lequel il exposait
toutes les idées considérées il y a peu de temps comme des nouveautés.
Puis trois éditions du Traité clinique des maladies du cœur et de Vaorte,
dans lequel on retrouve les justes conceptions qui ont fait la célébrité
du maître et resteront classiques ; les Consultations médicales ; les
Nouvelles consultations médicales, parues Tannée dernière, et dont
une quatrième édition est déjà en préparation. C’est toujours au praticien
qu'il s’adresse. Clinicien avant tout, le D** Huchard donne à son ensei¬
gnement la forme clinique ; de là le succès de ses livres.
C’est dans le même but, d’ailleurs, qu’il fonda en 1888, le Journal des
Praticiens, qu’il dirige avec tant d’intelligence et qui occupe la première
place par le nombre de ses lecteurs dans la presse médicale française.
M. Huchard a conçu de la presse scientifique une haute idée, a Elle est
faite, dit-il, d’indépendance parce qu'elle aime naturellement la liberté ;
elle a pour mission de moraliser, de contenir, de diriger l’opinion ; pour
devoir de défendre les intérêts matériels et moraux de notre profession ;
pour but de diffuser toutes les recherches ou découvertes aboutissant
surtout au progrès thérapeutique. »
A tous ces mérites, notre maître en joint un autre auquel, pour notre
part, nous accordons une valeur supérieure. Pouvant se contenter d’être
un des plus grands médecins de son temps, il s’honore aussi d'être un
228
REVUE DE l’hypnotisme
philosophe. Nous en retrouvons la manifestation dans la conception
générale de la médecine, qu’il exprimait en février 1902, à l’ouverture
de son cours : a A la méditation sur la mort, disait-il, qui forme le fond
de renseignement officiel, il faut substituer la méditation sur la vie ; ne
pas faire de la lésion le substraitum de la maladie, mais bien la consi¬
dérer comme une étape, un incident de celle-ci, et par conséquent ne pas
l’attaquer directement, mais traiter le trouble fonctionnel dont elle n’est
fréquemment que la conséquence. »
Chez lui le philosophe reparaît encore lorsque, traitant une question
qui lui est des plus chères, celle du cœur, le « grand ouvrier de la vie y »,
il dit : « A côté du cœur physique, il y a le cœur moral, qu’il faut étu¬
dier, connaître, soigner et guérir... quand on le peut ! »
Nous remplirions bien des pages si nous voulions exposer les conseils
empreints des sentiments du meilleur et du plus pur patriotisme qu’il
ne cesse de prodiguer aux étudiants qui se pressent à ses cours*: «Jeunes
gens, soyez forts, énergiques, travailleurs ; élevez vos aspirations et,
par l’enthousiasme, restez toujours jeunes, sans oublier jamais que le
cœur est la grande source d’espoir, de puissance et de vie. In corde spes^
vis et vite. »
Récemment encore, le Huchard, en nous accordant son patronage
à l’Ecole de psychologie, nous rappelait quelques passages de la préface
qu’il venait d’écrire pour la réédition du fameux livre de Feuchtersleben
sur Vhygicnede Vâme.
« La paix de l’âme, une belle santé morale ne sont acquises qu’à cer¬
taines conditions : il faut savoir être heureux de ce qu’on est en non de
ce qu’on a ; élever toujours le devoir au-dessus du droit et garder une
fière indépendance, c’est-à-dire ne dépendre que de sa conscience. Et
cette conscience que chacun porte en soi et qu’il faut développer tou¬
jours, est un des meilleurs freins, des plus puissants centres d'arrêt à
nos passions, à nos entraînements comme à nos ambitions. C’est ainsi
qu’on distingue l’homme de caractère, trop souvent différent de l’homme
d’esprit, de science et même de génie, d Par ces paroles le D*' Huchard
indique la place qu'il accorde dans la personnalité humaine à l’éducation
du caractère et au souci de la dignité humaine. Par elles, nous com¬
prenons pourquoi, un des premiers, il a accepté d’étre membre de notre
comité de patronage. Dans la lettre qu’il m’adresse pour expliquer son
absence, M. le D*" Huchard prend l’engagement de présider une de
nos plus prochaines réunions. Nous savons, en effet, que nous pouvons
compter sur ses encouragements et sur sa bonté, et c'est une joie pour
moi que de lui en exprimer des remerciements empreints de la plus
respectueuse reconnaissance.
L’année dernière l’ouverture des cours de l'Ecole de psychologie avait
eu lieu sous la présidence de M. le professeur Berthelot. Aucun de nous
n’a oublié les paroles éloquentes par lesquelles ce vénéré maître indi-
l’école de psychologie
229
quait le but de haute moralité auquel doit tendre toute œuvre véritable¬
ment animée de lesprit scientifique.
En faisant à l’Ecole de psychologie, l’honneur de lui accorder son
patronage et en présidant une des séances d’ouverture, M. Berthelot
nous a donné la plus haute consécration scientiOque que nous puissions
désirer. Nous ne cesserons de nous conformer à ses enseignements si
élevés et en suivant, selon ses conseils, le chemin de la vérité, nous
nous appliquerons à seconder l’eiïort éternel de l'humanité vers le bien,
vers l’idéal.
Parmi les événements heureux survenus dans le cours de l’année, il
nous est particulièrement agréable d’enregistrer la nomination de M. le
D** Albert Robin, membre de notre Comité de patronage, à la chaire de
clinique thérapeutique, récemment créée à la Faculté de médecine.
Lorsque notre Ecole, à ses débuts, n’avait pour la recommander que la
rigueur scientifique de son programme et le dévouement de ses
professeurs à la cause du progrès, M. le P** Albert Robin nous a sponta¬
nément accordé l’appui de sa haute autorité.
Il a fait plus, en 1902,* il a présidé la seconde séance de réouverture
de nos cours. Les encouragements qu’il nous a prodigués, à cette
occasion, ont certainement exercé la plus grande influence sur la
destinée de notre Ecole de psychologie. Que notre éminent maître nous
permette de lui exprimer notre vive reconnaissance pour la part légitime
qui lui revient dans le succès de notre œuvre.
*
♦ *
L’Ecole de psychologie, sans cesse préoccupée d’étendre le champ de
son enseignement, complète chaque année son programme par d’inté¬
ressantes innovations. C’est ainsi que nous avons créé, sous la direction
de MM, Lépinay et Grollet, médecins-vétérinaires, un laboratoire de
psychologie comparée, d’où sont sorties plusieurs communications qui
ont été soumises à la Société d’hypnologie et de psychologie.
De plus, aux cours déjà existants, s'ajoutera cette année un cours de
Psychologie musicale, confié à un de nos jeunes collègues, M. le
D*" Pamart, professeur suppléant.
Enfin, désireux d’étendre au grand public la vulgarisation de notre
enseignement, nous avons décidé la création d’une Bibliothèque de
l'Ecole de psychologie» A ce sujet, pour bien préciser l’idée qui nous a
inspirés, je ne puis mieux faire que de citer les lignes suivantes dans
lesquelles se trouve résumé le programme de la nouvelle publication :
« La Bibliothèque de l’Ecole de psychologie conçue et poursuivie dans
un esprit novateur, n’éditera que des ouvrages inspirés par des vues
personnelles et présentant un caractère de réelle originalité. La condition
de l’évolution des sciences réside dans l’obligation, pour chaque
chercheur, de faire œuvre individuelle et d’apporter à l’édifice toujours
230
REVUE DE l’hypnotisme
inachevée des connaissances humaines, une pierre qui ne soit pas
empruntée à la maison du voisin. Chacun des professeurs ou des colla¬
borateurs de l’Ecole de psychologie saura faire sien le conseil si
éloquemment formulé par Claude Bernard : « Il faut briser les entraves
des systèmes philosophiques, comme on briserait les chaînes d’un escla¬
vage intellectuel. » Définitivement entrée dans la voie expérimentale, la
psychologie est devenue une science positive. Chaque jour voit s’élargir
le domaine de ses applications pratiques. La Bibliothèque de l’Ecole de
psychologie contribuera certainement à démontrer qu’à côté de la physio¬
logie, qui est la science de la vie, la psychologie doit être, en dernière
analyse, la science de la raison et de la volonté. »
L’éditeur Dujarric a bien voulu consacrer tous ses soins à l’édition de
cette bibliothèque. Le premier volume, qui reproduit l’enseignement
donné l’année dernière à l’Ecole de psychologie par notre collaborateur
M. le D** Binet-Sanglé, vient de paraître sous le titre : Les Prophètes
Juifs (des origines à Elie) étude de psychologie morbide (^). Chaque
année, plusieurs volumes, dus à nos collaborateurs, seront édités, ils
contribueront certainement à conquérir à notre Ecole, la sympathie et
l’estime de tous les esprits qui s’intéressent aux œuvres de libre initiative
et d’indépendance philosophique.
Il me reste enfin un devoir des plus agréables à remplir, celui de
remercier M. le D** Jules Voisin, médecin de la Salpétrière et président
de la Société d’hypnologic, d’avoir accepté la présidence de cette réunion.
Il ne me permettrait pas, en sa présence, de vous rappeler les nombreux
travaux qui lui ont assuré sa réputation scientifique. Je me bornerai à vous
dire que l’Académie des sciences vient de donner à ses études magistrales
sur VEpilepsie^ sur VIdiotie et sur VEducation des enfants anormaux^
la plus haute des consécrations. Elle leur a attribué le prix Lallemand,
destiné à récompenser, chaque année, les meilleurs travaux parus sur
le système nerveux.
Notre maître sait combien nous attachons de prix à ses conseils et à
sa haute direction morale. Il connaît les sentiments d’affection filiale
que professent pour lui tous les professeurs de l’Ecole de psychologie.
Qu’il nous permette de placer notre œuvre de libre initiative sous l’égide
de son grand savoir, de son expérience et de sa bonté.
Discours du Jules Voisin
médecin de la Salpêtrière, président de la Société d’hypnologie.
Messieurs,
L'époque où nous vivons, si l’on s’en rapporte aux opinions courantes,
serait caractérisée par une tendance générale des esprits à négliger
(1) Un vol. in-12, 325 pages, 3 fr. 50. Dujarric, éditeur, 50, rue des Saints-Pères.
l’école de psychologie 231
TelTort individuel lorsqu’il n’est pas mis directement au service d’inté¬
rêts personnels.
L’Etat, en substituant partout son action à celle des particuliers,
serait une des causes principales de cette disposition à tout attendre de
l’intervention des pouvoirs publics. Les manifestations de l’initiative in¬
dividuelle, en matière d’enseignement supérieur, tendraient donc à dimi¬
nuer progressivementj, pour aboutir à une disparition complète.
L’exemple de l’Ecole de Psychologie vient heureusement donner un
démenti formel à ces fâcheux pronostics. Œuvre d’initiative absolument
privée, elle n’a dû sa création qu’à l’esprit d’invention et à la volonté de
ses fondateurs, et en particulier du D' Bérillon, qui, dès 1889, en créant
l’Institut psycho-physiologique, en a élaboré le programme. Depuis,
elle a prospéré par leurs efforts, par leur application^ par leur esprit de
suite. Elle se perpétuera par leur union, et aussi par l’ingéniosité de
leurs recherches, par leur esprit scientifique et surtout par l’utilité de
plus en plus démontrée de leur œuvre.
En effet, à côté de l’enseignement théorique, à côté des cours et con¬
férences, dont iis savent si utilement varier l’intérêt, le D*" Bérillon et
les collaborateurs, au premier rang desquels se trouvent les D'® Paul
Magnin, Paul Farez, ont organisé d’importants services, tels que le
dispensaire pédagogique, le dispensaire anti-alcoolique et plusieurs
autres. Chaque jour, de nombreux déshérités, de nombreux défaillants
de la volonté y trouvent des secours qui, sans ces créations, leur feraient
absolument défaut. Les professeurs de l’Ecole de Psychologie n’ont
compté que sur eux-mêmes. Attendre, pour se mettre en mouvement,
l’appui des pouvoirs publics, c’est se condamner à l’immobilité perpé¬
tuelle; c’est également s’exposer à des désillusions inévitables. Assu¬
rément, il ne faut pas dédaigner les encouragements officiels. Dans
notre pays, ils contribuent à concilier les suffrages d’un grand nombre
d’esprits hésitants, qui attachent encore de l’importance aux consécra¬
tions officielles.
Une œuvre d’initiative comme l’Ecole de Psychologie pouvait compter
sur le concours des véritables hommes de science, ennemis de la
routine et portés, parla nature de leur esprit, à apprécier la valeur des
recherches neuves, vraiment originales. Connaissant l’esprit scientifi¬
que des hommes qui la dirigent ils se sont empressés de répondre à son
appel. C’est ce qu’ont fait avant moi de grands savants, de grands phi¬
losophes, tels que MM. Tarde, Albert Robin, Giard, Blanchard, Hu-
chard et enfin, le plus illustre de tous, M. Berthelot.
Ce n’est pas sans un sentiment d’hésitation que je leur succède à cette
table. Je simplifierai ma tâche en exprimant à MM. les D” Bérillon et
Paul Magnin et à leurs collaborateurs, toute la sympathie que m’inspire
leur œuvre et en formulant les vœux les plus sincères pour la prospérité
de l’Ecole de Psychologie.
232
RBVUE DE l’hypnotisme
Psychothérapie et hypnotisme,
par le D** Paul Magnin,
professeur à TEcole de Psychologie.
Messieurs,
Il est d’usage que, le jour de la réouverture de cette Ecole, le sujet
traité devant vous soit d’ordre un peu général.
Aussi vous demanderai-je la permission, avant d’aborder l'objet de
mon cours, de vous montrer toute l’importance de l’hypnotisme en
psychothérapie et de vous parler très sommairement de quelques pro¬
cédés thérapeutiques dont la connaissance nous sera des plus utiles pour
la compréhension du traitement des paralysies hystériques.
Je viens de prononcer le mot de psychothérapie ; voyons tout d’abord
quel sens il faut lui attribuer.
Dans un récent et très intéressant travail, M. le Professeur Grasset
définit la psychothérapie : « le traitement des maladies par les moyens
psychiques, c’est-à-dire par la persuasion, l’émotion, la suggestion, la
distraction, l’éducation, la foi et les prédications. d'un mot, par la
pensée.
« Si l’on accepte cette définition, ajoute M. Grasset, il ne faut pas dire,
avec certains auteurs, que la psychothérapie est à la fois « le traitement
par l’esprit » et le « traitement de l’esprit ».
a Si l’on veut dire a esprit » pour « psychisme » la psychothérapie est
le traitement par l’esprit, mais nullement le traitement de l’esprit.
a L’électrothérapie, l’hydrothérapie, la sérothérapie sont le traitement,
non de l’électricité, de l’eau ou des sérums, mais le traitement par
l’électricité, l’eau ou les sérums. De même la psychothérapie est le frai-
temerU par le psychisme et non le traitement du psychisme,
a Car ces deux termes ne sont pas synonymes ou identiques : il ne
faut pas confondre le traitement de l’esprit et le traitement par l'esprit.
« On peut en effet traiter l’esprit et les maladies de l’esprit par tout
autre chose que par des moyens psychiques (hydrothérapie, médi¬
caments); et, par l’esprit, c’est-à-dire par les moyens psychiques, on
peut traiter des maladies non psychiques (l’ataxie locomotrice par
exemple) ».
Cette trop longue citation vous montre quel esprit hautement philo¬
sophique préside toujours aux travaux de M. Grasset et, à cet égard, les
remarques que je viens de vous lire me semblent essentiellement
justes.
Mais, ici, vous le savez, nous avons pour habitude de nous placer
surtout sur un terrain peut-être un peu plus terrc-à-terre mais en tout
cas plus pratique, celui de la clinique. Or, envisagée a ce dernier point
de vue, la psychothérapie me parait, réduite, dans la conception de
M. Grasset, à un sens sans doute très précis mais par trop limité.
Je vous proposerai donc une définition plus large et je dirai :
La Psychothérapie est Vensemblc des moyens psychiques et accès-
l’école de psychologie
233
soirement physiques^ qui permettent d'agir^ soit directement^ soit
indirectementf sur Vesprit du malade, dans un but thérapeutique.
Point n'est besoin de vous rappeler les diverses étapes qu’a parcou¬
rues la psychothérapie.
Tout d'abord religieuse, puis philosophique, elle est entrée dans la
médecine par le domaine du merveilleux et vous savez comment l’hyp¬
notisme s’est transformé, de par les travaux de Liébeault, pour devenir
la thérapeutique suggestive.
Mais les divers auteurs qui ont étudié les phénomènes de suggestion
sont, comme je l’ai dit ailleurs, loin de s’entendre sur la signification
qu’il convient de donner à ce mot.
Dans son acception la plus large, la suggestion est l’acte par lequel
une idée est introduite dans le cerveau et acceptée par lui.
Dans son sens le plus restreint, le mot de suggestion comporte que
l'idée qu’on cherche à insinuer est contraire à la raison.
Cette dernière façon d’envisager les choses a amené M. Babinsky à
considérer que l’hystérie doit être définie par le fait que les manifesta¬
tions qui lui sont propres sont susceptibles d’être reproduites rigoureu-
ment par suggestion et de disparaître exclusivement par persuasion.
Ici, vous le voyez, la différence entre les deux termes, suggestion et
persuasion, tient uniquement à ce que le premier implique une idée
déraisonnable ; le second, au contraire, une idée raisonnable.
Notre collègue M. Félix Régnault a montré, récemment encore, ce
que cette façon de voir a d’insoutenable. « Il faut, dit-il, qu’une définition
soit analytique. Or, la langue française, qui est avant tout analytique, a
différencié les divers modes suivant lesquels s’exerce l’influence de la
parole. On dit d’une personne qu’elle est suggestionnée quand elle a
accepté la pensée du suggestionneur sur une simple affii ination verbale
de celui-ci. Il a suffi de dire que telle chose était pour le faire croire.
a On dit d’une personne qu’elle est persuadée quand le persuadeur
s’est adressé avec succès à ses sentiments, à ses passions.
a Le raisonnement (on démontre et on convainc son auditeur) invoque
des arguments qui s’adressent à l’intelligence.
a En restreignant le sens des mots suggestion, persuasion, raisonne¬
ment, on les précise d’avantage ; chacun n'exprime qu’une série de faits
nettement limités et on obtient du même coup un premier classement
des faits. »
Oes remarques sont évidemment très justes et les définitions trop
larges ont Tinconvénient d’englober sous une même dénomination les
choses les plus différentes. C’est précisément ce qui est arrivé pour la
suggestion.
Mais, d’autre part, les vraies définitions ne sont en réalité comme l’a
dit Pascal, que des définitions de noms, partant des créations de notre
esprit et la nature est souvent, en clinique comme ailleurs, plus élas¬
tique que nos conceptions.
J’envisagerai donc la suggestion dans un sens très large.
8 .
234
REVUS DE l'hTPNOTISME
En se plaçant au point de vue de Texpérimentateur, du médecin :
La suggestion est Vacte par lequel on tend à introduire une idée
dans le cerveau et à la lui faire accepter.
Mais, et je suis ici en parfait accord avec M. Félix Régnault, il faut, si
Ton conserve au mot suggestion une acception très générale, raccom¬
pagner d’épithètes qui montrent le mécanisme d’action de la suggestion
dans chaque cas particulier.
Or, ces cas particuliers, ce n est pas nous qui les créons ; c’est la cli¬
nique qui les offre à notre observation. Et la question de terrain apparaît
ici dans toute son importance.
La simple énonciation d’une idée suffira pour que tel sujet l’adopte.
Tel autre résistera davantage et il vous sera nécessaire d’étrc avec lui
plus ou moins affirmatif; un troisième aura besoin qu’on lui parle sur
le ton du commandement. Avec celui-ci, il faudra déjà employer un
raisonnement plus ou moins serré ; celui-là enfin ne se laissera con¬
vaincre, persuader qu’après une plus ou moins longue discussion.
Et retenez bien qu’entre l’individu qui accepte l’idée sans résistance
aucune et celui qui lui est le plus réfractaire, vous observerez la gamme
des intermédiaires pour ainsi dire en série linéaire.
C’est qu’en effet chaque malade représente un terrain spécial ; la sug¬
gestibilité varie d’un sujet à l’autre. Nul ne ressemble complètement à
son semblable et cette influence des variations individuelles, nous la
retrouverons aussi manifeste lorsque nous étudierons dans un instant,
le rôle de la suggestibilité dans la production des phénomènes d’hypno¬
tisme.
Vous aurez donc aussi toute une gamme dans l’application des diffé¬
rentes modalités de la suggestion. Elle devra être, suivant les cas,
simple, affirmative, impérative, raisonnée ou persuasive.
Quoi qu’il en soit et c’est là le point particulier sur lequel je veux
insister pour l’instant, on a, pour différencier la suggestion et la per¬
suasion invoqué un facteur nouveau ; la faculté de contrôle.
La suggestion devient alors « l’acte par lequel une idée, bonne ou mau¬
vaise, est introduite dans le cerveau d’un individu sans son contrôle ».
La persuasion devient « l’ensemble des opérations qui font accepter
(après contrôle) une idée par le cerveau et provoquent vis-à-vis d’elle
un sentiment naissant ».
Dès lors, en bonne logique, et c’est là où on en voulait venir, les ma¬
lades doivent être traités par persuasion et non par suggestion et
l’hypnotisme, pour ainsi dire synonyme de suggestion renforcée, doit
être définitivement abandonné comme inutile, voire même dangereux.
La psychothérapie à l’état de veille constitue la seule méthode vrai¬
ment digne d'être employée précisément parce qu’elle seule fait appel
à la raison.
Le plus souvent, il est vrai, on y ajoute l’isolement auquel on joint
très fréquemment, au début du traitement tout au moins, le repos au
lit et le régime lacté.
l’école de psychologie
235
Ces procédés incontestablement très utiles et très indiqués dans
certains cas nettement déterminés, je vous le montrerai plus tard,
doivent être en général fort bien appliqués, car, à l’étranger tout au
moins, huit sur dix des médecins qui les préconisent se trouvent être
précisément directeurs de maisons de santé.
Loin de moi d’ailleurs la pensée de les croire capables de faire un
plaidoyer prodomo. Je veux rester convaincu que tous ont assez le souci
de leur dignité professionnelle pour ne recevoir chez eux que des
malades envoyés par des confrères.
Mais dans tout ceci que devient la suggestibilité au moins à l’état de
veille. Elle n’a plus sa raison d’étre. Car tout être humain éveillé et
sain d’esprit possède une faculté de contrôle. Elle est, suivant les
sujets, plus ou moins développée soit, mais elle est. On devra donc dire
qu’à l’état de veille, chacun de nous possède une plus ou moins grande
aptitude à se laisser persuader mais qu’il ne peut, en aucun cas, être
suggéré. Prétention inadmissible à noire avis, tous les actes de l'exis¬
tence étant pour la plupart, suivant nous, le résultat de la suggestion et
de l’imitation, conscientes ou inconscientes qu’elles soient.
La suggestibilité, lorsqu’elle n’est pas poussée à l’extrême, lorsqu’elle
n’est pas, en un mot, pathologique, nous semble être une des plus
remarquables qualités de l’esprit humain. Les insuggestibles sont des
insociables a dit, avec raison, M. Lionel Dauriac.
La suggestibilité est d’ailleurs fonction non seulement de l’espèce
humaine, mais de tout être vivant capable de penser. Il suffit d’avoir
observé des animaux d’une façon suivie pour voir combien ils se sug¬
gèrent les uns les autres. Grande est la suggestion qui s’exerce de
l’homme aux animaux et réciproquement des animaux à l’homme. Il y
a là un chapitre de pathologie comparée des plus intéressants.
Au reste si, au point de vue philologique et grammatical, suggestion
et persuasion ne sont pas synonymes, au point de vue psychothérapique,
elles forment, je vous l’ai dit, les termes extrêmes d’un même proces¬
sus. Il n’y a entre ces extrêmes que des transitions insensibles et, dans
bien des cas, on serait très embarrassé de dire si l'on a fait de la sugges¬
tion ou de la persuasion, quand ce ne serait qu’avec ces sujets qui, à
l’état de veille, ont une faculté de contrôle à peu près égale à zéro et
chez lesquels la suggestibilité est énorme.
Considérer le sommeil provoqué uniquement comme un moyen d’aug¬
menter la suggestibilité du malade, c’est commettre une erreur aussi
grave que de l’accuser de dangers plus ou moins imaginaires.
Manié avec prudence, l’hypnose ne présente pas plus d’inconvénients
que n’importe quelle autre méthode thérapeutique. Les accidents ne
peuvent actuellement se produire qu'entre les mains des ignorants qui
ne connaissent pas la question.
Une chose d’ailleurs ne laisse pas que de m’étonner, c’est que l’im¬
portance du sommeil en lui-même semble avoir échappé à la plupart
des adversaires irréductibles de l’hypnotisme. C’est là cependant un
236
REVUB DE l’hypnotisme
facteur thérapeutique très important et nombreux sont les malades qui
peuvent tirer le plus grand bénéfice des séances prolongées de somnia-
tion provoquée.
Pour n’en citer qu’un exemple, ne semble-t-il pas aussi logique et
moins dangereux d’hypnotiser pour le faire dormir un mélancolique
anxieux susceptible de l’être que d’amener chez lui le sommeil avec
des doses plus ou moins considérables d’opium.
Au surplus, il n’y a, quant à la nature des moyens qu’emploie la psy¬
chothérapie nouvelle expurgée de l’hypnotisme et de la suggestion, rien
qui ne soit depuis longtemps connu.
Dans le cours de ses études sur les névroses et en particulier sur
l’hystérie, Charcot avait de suite compris le rôle immense qu’était
appelée à jouer la médecine de l’esprit.
« Il nous apparait, ainsi que l’a si bien dit M. le Professeur Raymond,
comme un thérapeute dans la plus belle acception du mot là où d’autres
avec des procédés à peu de choses près pareils n’ont été que de vulgaires
charlatans.
« Il nous a montré, dans l’hystérie, une maladie éminemment p.sy-
chique et comme telle essentiellement justiciable de la psychothérapie.
Il nous a révélé tout le parti qu’on peut tirer de l’isolement dans le
traitement de l’hystérie, chez les jeunes sujets principalement. Il nous
a indiqué comment, à l’aide de la suggestion verbale, il nous est loi¬
sible de substituer une manifestation hystérique nouvelle à des mani¬
festations de vieille date, après nous avoir pénétré de ce principe que,
plus celles-ci ont duré, moins elles ont de tendance à se dissiper spon¬
tanément.
a II nous a montré comment la suggestion hypnotique, employée à
titre de pratique curative, nous permet d’opérer des semblants de mi¬
racles, dans les cas de paralysies et de contractures hystériques. Sa
brochure fameuse, La foi qui guérit, qui a fait tant de bruit, découle
de ces constatations.
« Dans le même ordre idées, il nous a appris à utiliser la suggestion
pratiquée à l’état de veille, en tant que gymnastique rationnelle, pour
raviver dans les centres moteurs corticaux la représentation des mou¬
vements que les malades affectés d’une paralysie hystérique se croient
incapables d’exécuter. Ce faisant, il a pour ainsi dire préludé à la décou¬
verte d’un procédé thérapeutique qui a donné de si excellents résultats
dans le traitement des désordres ataxiques du tabès... je veux parler de
la réduction des muscles. »
Charcot, vous le voyez, jetait ainsi les fondements de la psychothé¬
rapie. Il était l)on de le rappeler, certains esprits ayant aujourd’hui
trop de tendance à l’oublier.
♦
Le traitement psychothérapique commence dès le premier contact du
malade avec le médecin. C’est là une vérité banale à force d’avoir été
répétée.
l’école de psychologie
237
C’est tout en faisant votre premier examen et cela d’une façon aussi
complète que possible, tant au point de vue physique que psychologique,
que, sans en avoir Tair, vous devrez chercher à gagner la confiance de
celui qui vient réclamer vos soins.
Soyez avec lui très simple; recevez-le comme ai vous le connaissiez
depuis longtemps déjà. Qu’il puisse se sentir de suite tout à fait Taise.
Lorsque vous aborderez le point spécial qui vous Tamène, sachez lui
faire raconter toutes ses souffrances. Ecoutez-le avec la plus grande
bienveillance. Ne Tinterrompez que peu pour lui poser quelques questions
toujours très précises et très claires.
S’il vous sembla qu'il ait quelqu’aveu pénible à vous faire, trouvez un
prétexte pour remettre la suite de votre interrogatoire à la prochaine
entrevue. Demandez au malade de vous rédiger son observation et de
vous l’envoyer. Il est bien des choses qu’on écrit plus facilement qu’on
ne les dit. Soyez certain que, dans Timmense majorité des cas, il
saisira parfaitement le sentiment qui vous a guidé et qu’il vous en
saura le plus grand gré.
Dès la seconde entrevue au plus tard, exposez-lui le traitement que
vous comptez employer. Faites-lui comprendre toute sa valeur. Soyez
toujours, en ce faisant, très vrai et très sincère, de façon à ne jamais
risquer de vous trouver en opposition avec vous-même. De son côté, le
malade, lui aussi, vous observe ; la moindre contradiction dans vos
paroles pourrait lui faire perdre instantanément cette confiance qu’il
doit avoir en vous et sans laquelle le succès du traitement est, autant
dire, impossible.
Malgré tous les avantages qu’on peut, paraît-il, retirer de ces conver¬
sations amicales, de ces dissertations plus ou moins philosophiques, de
ces sortes de prédications laïques qu’on a désignées sous le nom
d’entretiens psychothérapiques, je ne puis me résigner à voir dans ces
procédés une vraie méthode thérapeutique.
Il n’y a méthode que là où il y a des règles précises. Or il est
impossible d’en formuler lorsqu’il s’agit de l’action purement intellec¬
tuelle, d’un individu sur un autre.
Le médecin, dans ce cas, tire ses moyens uniquement de son propre
fonds. Il les applique à sa façon et, si bon psychologue qu’il puisse être,
il apporte nécessairement dans la pratique, son coefficient toujours plus
ou moins considérable d’erreur personnelle.
Ces conversations amicales ! Mais elles sont celles que tient, à
Thôpital, tout chef de service véritablement soucieux de la santé de ses
malades. Tous les jours, à leur lit, le médecin fait et doit faire de la
suggestion. Celui-là est un thérapeute incomplet qui croit sa tâche
terminée lorsqu’il a posé un diagnostic avec certitude et qu’il a institué
un traitement. Qu'est-ce donc autre chose sinon faire de la suggestion
que de savoir habilement relever le moral du malade et amener en lui
la conviction de la guérison possible. Et je m'étonne réellement que
certains esprits forts semblent se croire spirituels en tournant en ridicule
238
REVUE DE l’hypnotisme
la médecine d’imagination. Combien de fois ai-je entendu mon maître
Peter appeler gravement le pharmacien du service et le prier de mettre
avec le plus grand soin six gouttes de protoxyde d’hydrogène, substance
très énergique, dans trente grammes d’eau. Trois ou quatre cuillerées à
café de cette soi-disant potion suffisaient à arrêter les quintes les plus
rebelles de tuberculeux avancés, alors que tous les raisonnements, que
toutes les gymnastiques respiratoires n’avaient pu les empêcher de
tousser.
On pourrait presque dire qu’en agissant ainsi Peter ne faisait pas que
de la médecine d’imagination et qu’il pressentait en quelque sorte le
rôle à venir de la suggestion armée sur la valeur de laquelle je tiens à
attirer votre attention. De l’une à l’autre, en effet, il n’y a qu’un pas.
C’est là une question qu’autrefois nous avons longuement étudié
Dumontpallier, Bérillon et moi, du temps où notre vieil amiBurq arpen¬
tait le service de la Pitié, un æsthésiomètre et un dynamomètre en
main, courant de lit en lit, avec une ardeur juvénile, pour constater les
résultats de ses applications métalliques, sur lanesthésie et l’amyos¬
thénie des hystériques.
a II n’y a peut-être pas, dans toute la pathologie, écrivait Burq, il y
a plus de cinquante ans, un autre symptôme qui ait autant de valeur
que l’anesthésie et l’amyosthénie... Elles n’existent jamais impunément,
suivent la névrose dans toutes scs phases, augmentent ou diminuent
avec elle dans la même proportion, disparaissent seulement avec son
dernier signe et ne restent absentes que tout le temps que dure la
guérison. Il y a, sous ce rapport, aussi bien que sous celui des rensei¬
gnements et des indications de toute sorte dont il est la source, tant de
ressemblance entre ce symptôme et le pouls dans l’inflammation, que
nous n’hésitons pas à le regarder métaphoriquement comme le véritable
pouls dans l’hystérie, qu’un médecin doit aussi bien tâter que Tautre.
Les renseignements qu’il fournit sur la névrose sont d’une grande
exactitude et autrement précieux que ceux qui résultent des réponses
des malades.
« Ainsi l’anesthésie et l’amyosthénie ont-elles augmenté, qu’on s’attende
à une explosion plus grande des accidents.Tout moyen, qu’il soit
tiré de la thérapeutique proprement dite, de l’hygiène ou d’ailleurs, doit,
pour guérir la névrose, avoir une action certaine sur la sensibilité et la
motilité*... Tout le traitement consiste donc à trouver un agent ou un
moyen, quel qu’il soit, qui soit capable de ramener ces deux fonctions
à l’état normal »
Le langage de Burq nous apparait aujourd’hui encore comme l’expres¬
sion exacte de la vérité. Cela se comprend d’ailleurs, l’état de la sensi¬
bilité ne faisant en somme que traduire au dehors celui du fonctionne¬
ment des hémisphères cérébraux.
Aussi Dumontpallier ne manquait-il jamais une occasion de proclamer
que le critérium de a guérison de l’hystérie résidait dans le retour com¬
plet et durable de la sensibilité (générale et spéciale) dans tous ses modes •
l’école de psychologie
239
Et c’est ainsi que nous avons été amené à étudier l’action des agents
physiques et ultérieurement des excitations purement mécaniques dans
l’hypnotisme et l’hystérie.
J’ai montré, à cette époque, en étudiant la production expérimentale
des contractures chez les hystériques que les effets moteurs les plus
complets étaient déterminés par des excitations faibles et répétées un
certain nombre de fois.
Les premières excitations, disais-je, peuvent n’ôtre suivies d’aucun
résultat alors que les suivantes provoqueront une contracture énergique.
11 se passe là un phénomène analogue à celui décrit par les physiolo¬
gistes sous le nom de sommation (Pflüger, Wundt, Grünhagen) ou mieux
d’addition latente (Ch. Richet).
J’ai fait voir également que ces excitations avaient une action marquée
sur l’anesthésie des hystériques et qu’il était possible d’obtenir des e/J%^s
æsthésiogènes au moyen d’excitations mécaniques faibles et répétées
aussi bien sur des sujets hypnotiques qu’en dehors de toute somniation
provoquée.
J’avais observé le fait en piquant avec une épingle et à petits coups
(d’une façon intermittente mais prolongée) l’avant-bras d’une malade
hémianesthésique à l’état de veille. Au bout d’un temps relativement
court, j’avais vu se produire le phénomène du transfert.
Même expérience sur d’autres malades, même résultat. Au bout d’un
temps variable (de quelques secondes, à dix, vingt minutes et plus sui¬
vant les sujets), j’observais le retour de la sensibilité à la douleur, avec
ou sans transfert.
Dans le cas où la sensibilité était touchée dans tous ses modes, cette
restauration de la sensibilité à la douleur entraînait quelquefois le retour
de la sensibilité au contact et à la température, mais il n’y avait là rien
de constant.
Je me suis alors servi, dans mes expériences, d’un levier léger mu par
un électro-aimant et agissant comme le battant d’une sonnerie électrique.
Ce levier pouvait porter à son extrémité une épingle, un corps mousse,
un corps chaud ou froid.
Je n’ai pour ainsi dire jamais trouvé d’hystérique dont la sensibilité
ne pût être éveillée au moyen de ces excitations faibles et répétées. Le
temps nécessaire variait seul suivant le sujet observé.
Même résultat si, au lieu d’agir sur la sensibilité générale, l’excitation
s’adressait au moyen d’un dispositif convenable, à la sensibilité spéciale.
En dehors de l’auto-suggestion de la part du sujet et de la fixation de
son attention, il faut, dans ces expériences, attribuer une certaine part
d’action à l’excitation mécanique elle-même.
Mais aujourd’hui, nous sommes dotés d’instruments qui permettent
d’utiliser facilement les excitations mécaniques en psychothérapie.
En octobre 1902, dans une communication sur l’action des agents phy¬
siques et en particulier do la vibration dans la production de l’hypno¬
tisme, M. Bérillon rappelait à la Société d’hypnologie les recherches de
240
REVUE DE l’hypnotisme
Boudet, de Paris, celles de Charcot au moyen du casque vibratoire,
mes propres expériences et il présentait un appareil vibrateur réalisant
les conditions requises pour la production des excitations périphériques,
un dispositif spécial permettant de graduer Tintensité de Texcitation.
Il montrait les services que cet appareil était appelé à rendre, soit
pour favoriser la production du sommeil hypnotique, soit pour localiser
ces excitations périphériques, faibles ou fortes, rapides ou lentes, desti¬
nées à stimuler par l’intermédiaire des nerfs centripètes les diverses
régions correspondantes du système nerveux central.
Il insistait sur ce fait que les effets de la suggestion sont toujours
d’autant plus efficaces et d'autant plus durables qu’on renforce mieux
son action par les procédés qu’il a désignés sous le nom de suggestion
armée.
Notre confrère le Dubois (de Saujon), s’est surtout attaché à étudier
l’action des vibrations crâniennes en psychothérapie. Presque tous vous
avez vu fonctionner ici l’appareil vibrateur qui sert à actionner son ban¬
deau frontal.
Au mois de mars 1901, il faisait à la Société de thérapeutique une
communication sur le traitement des tics par l’immobilisation absolue.
Il montrait que pour faciliter cette immobilité et rendre les malades
plus attentifs, il était bon de commencer par faire agir, pendant un mo¬
ment, ces vibrations frontales.
En mars 1905, à la même société, il revenait sur ce sujet et faisait voir
comment ce procédé permettait d’augmenter le pouvoir de rintcrvention
médicale dans le traitement des psychonévroses. Le mouvement vibra¬
toire rapide provoque un effet sédatif sur le cerveau et aussi une sorte
de dissociation de l’idée fixe du sujet qui le subit. On profite, dit M. Du¬
bois (de Saujon), de cette détente momentanée pour faire accepter uu rai¬
sonnement approprié à la cure ehtreprise.
Il y a là production d’un état psychologique spécial qui a, ce me semble,
la plus grande analogie avec un état très léger d’hypnose ou tout au
moins d’inhibition favorisant la suggestibilité. Le fait important, c’est
que les malades tout d’abord réfractaires aux influences suggestives
ne tardent pas, sous l’action des vibrations frontales, à s’y montrer dociles
et partant à éprouver une amélioration manifeste.
M. Dubois (de Saujon) a, comme l’a fait remarquer M. Bérillon, très
logiquement insisté sur ce fait que les neurologistes français ont à leur
disposition plus de moyens d’action que certains psychothérapeutes
étrangers qui se continent systématiquement dans la pratique exclusive
de la persuasion à l’état de veille. A cette influence persuasive pour
laquelle ils ont au moins autant d’aptitudes naturelles que tel de leurs
confrères suisses, les médecins français savent ajouter, quand il
convient, l’hypnotisme et l’application des agents physiques et, en cela,
Us augmentent grandement l’étendue du champ d’action de leur théra¬
peutique.
Employant journellement les vibrations depuis près de deux ans, j'ai
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
^41
acquis la conviction que leur mécanisme d’action est triple ; on se trouve
en présence de trois éléments distincts : la vibration, le massage, la
suggestion.
L’étude du traitement des paralysies hystériques me fournira
l’occasion de vous montrer l’importance relative de chacun de ces trois
facteurs.
Elle me permettra de vous faire voir quel bénéfice on peut tirer de
remploi rationnel de la suggestion armée pour combattre l’auto-sugges-
tion que se fait chaque malade au sujet de son état morbide.
Mais cette faculté d’auto-suggestion, canalisée dans un certain sens,
peut elle-même devenir un instrument de guérison, et c’est là un point
sur lequel je vous demande la permission d’insister.
(à stiwre.)
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
Les religieuses de Port-Royal.
(Neuvième série de 5 observations).
Par le D** Binet-S.\nglé,
professeur à l’Ecole de psycholo^^ie.
(suite) (1)
RoQâDll Louis Rouault et Marguerite de Bt’isay eurent deux garçons, dont
Miles,
Celui-ci, vivant en 1398 et 1418 eut trois garçons et deux filles, parmi
lesquels : Louis, qui plaidait en 1430 et 1432 pour l’abbaye de l’Absie,
fut abbé de Bourgueil, et, en 1472, évéque de Maillezais, etMai^guerite,
femme de Bertrand Ratant et mère de Jeanne Ratant, femme de Charles
de Montmorencij-d'AuvraismesniL
Ceux-ci eurent quatre filles, dont : Jeanne, religieuse à Longehamp,
morte avant 1490, et Catherine, femme de Philippe de Rouvfoi III.
4e Roivroi Philippe de Rouvroi III et Catherine de Montmoreney-d'Auorais-
raesnil eurent quatre garçons et sept filles, parmi lesquels : Marie,
mariée deux fois et morte sans enfants, Charles, né en 14G7, mort sans
alliance peu après le 9 janvier 1493, Louis et Jean mineurs en 1490,
morts sans alliance, Antoine, chanoine de Beauvais et de Laon, né en
147G, vivant en 1527, Louise, religieuse de Poissy, et Jeanne dAunay,
femme de Thibaut Baillet, vivante en 1527, enterrée avec son mari dans
la chapelle de Baillet en l’église de St-Merry.
Bâillet Isabeau Baillet, lemme de Nicolas Potier III, était la petite-fille de
ceux-ci.
Potier Nicolas Potier III et Isabeau Baillet eurent cinq garçons et deux filles
parmi lesquels : René, Augustin, Bernard et Magdeleine.
René Potier, né en 1574, mourut le 4 octobre lülG, à 42 ans. 11 avait
la vue extrêmement faible. Il passait pour « un des plus beaux esprits
(1) Voyez Revue de VHypnotisme, ir d’octobre 1905 et suivants.
242
REVUE DE l’hypnotisme
et des plus savants du clergé français » (^). Nommé évêque de Beauvais
en 1594, à dix-neuf ans, il trouva le temporel de son évêché en si triste
état qu’il renonça pour toujours à la résidence, se contentant de prendre
possession du bénéfice par procureur, le 21 mars 1595, et d’en toucher
les revenus. Au séjour de Beauvais il préférait celui de la capitale où il
se livrait à Tétude et fréquentait les intellectuels. De temps en temps, il
faisait le voyage de Rome pour l’avancement de sa fortune. Il porta la
parole au roi aux états de 1615, et demanda, au nom du clergé, le réta¬
blissement de la religion catholique dans le Béarn. Déjà il versait dans
la dévotion, et, en 1616, il se retira dans son diocèse. Il y mourut, la
même année, avec de grands regrets de sa conduite passée, et résolu, si
Dieu lui rendait la santé, d’aller finir ses jours dans la pénitence du cloître
pour expier les fautes qui l’avaient rendu indigne de l’épiscopat. Il laissa
un fonds destiné à l’établissement d’une compagnie de prêtres de l’Ora¬
toire,
Augustin Potier passa les quatre dernières années de sa vie dans une
langueur continuelle, et mourut le 19j4iin 1650. C’était un homme sin¬
cère, probe, désintéressé, fidèle. A la mort de son frère René, son père
le fit pourvoir de l’évêché de Beauvais. Il fut sacré à Rome, en l’église
St-Louis, le 17 septembre 1617, et devint premier aumônier d'Anne
d’Autriche. En 1625, il assista à l’Assemblée du clergé tenue à Paris. En
juillet 1643, remplacé par le cardinal Mazarini (Mazarin) dans la faveur
d’Anne d’Autriche qui, après avoir demandé pour lui le chapeau de
cardinal, révoqua cette nomination, il reçut l’ordre de se retirer dans
son diocèse. Il s y livra tout entier aux soins de l’épiscopat, se déclara le
protecteur de la piété, commença l’établissement d'un séminaire, institua
des retraites de plusieurs jours pour préparer les ecclésiastiques à rece¬
voir les ordres, gagna un procès contre son chapitre, quiprétendaitTem-
pêcher de faire les ordinations dans le chœur de la cathédrale sans son
agrément, appela dans ce chapitre des ecclésiastiques, érudits et dévots,
publia des ordonnances pour la discipline de son diocèse, et, en 1614,
des statuts synodaux. Peu de temps avant sa mort, il se démit de son
évêché en faveur de son neveu Nicolas Choart de Buzanval, et fut
enterré dans son église. Bernard Potier mourut le 11 janvier 1610,
à 32 ans.
La sœur de René, d’Augustin et de Bernard, Madeleine Potier mouru t
le 30 juillet 1671, à quatre-vingt-dix ans. Elle avait été pensionnaire au
monastère de Port-Royal. « Après avoir rempli dans le mariage tous les
devoirs d’une femme chrétienne, elle se résolut, aussitôt après la mort
de M. son mari, n’aîant encore que vingt-huit ans, de passer le reste de
sa vie dans la viduité ■ (^). Extrêmement dévote, elle n’entreprenait rien
« qu’elle n’eût fait auparavant beaucoup de prières, et pris l’avis de
personnes éclairées et de piété...Elle se rendait ensuite avec une docilité
(1) Idée de la vie cl de l'esprit de Messire Nicolas Choart de Bu:j[anval, 1717.
{'1) Nécrologe de Port-Royal, p. 281.
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
243
merveilleuse aux conseils qu'on lui donnoit » (*). A quatre-vingt et un
ans, elle se retirai Port-Royal-des-Ohamps, où elle vécut quatorze mois
a pendant lesquels elle fît ses principales occupations de la prière et des
lectures de piété » Elle fut enterrée dans l'église de Ruel et son cœur
déposé à Port-Royal. Elle avait épousé Théodore Choart de Buzenval,
mort le 22 avril 1616, à 39 ans, avait eu de lui trois garçons, et avait mis
tout son soin à les instruire et à les faire instruire dans la religion.
Aussi Tun d’eux, Nicolas, embrassa-t-il l'état ecclésiastique.
Nicolas Choart de Buzanval naquit le 25 juillet 1611. Il avait le tempé¬
rament fort et la voix faible. Il fit une première maladie, sur laquelle
nous n’avons aucun renseignement, et contracta, au cours d’une visite
pastorale, celle dont il mourut. On constata d’abord qu’il avait la
« poitrine embarrassée (*) ». Il tint neanmoins un synode le 12 juillet
1679. Au cours de cette occupation, la soif le prit, puis une toux violente
qui le fit beaucoup souffrir. Il continuait néanmoins à parler. Le 17 juil¬
let, à 4 heures du soir, comme il s’entretenait avec deux curés, « il fut
saisi d’un frisson si violent, qu’il ne put achever leur affaire. La fièvre
suivit avec une oppression de poitrine qui l’obligea à se mettre au lit (^) ».
La nuit suivante, il sentit qu’il touchait à sa fin. La fièvre et l’oppres¬
sion, qui étaient extrêmement violentes, le faisaient beaucoup souffrir,
mais il conservait une entière liberté d’esprit. Le 20 juillet, un peu après
minuit, il dit qu’il sentait que la chaleur naturelle lui manquait. Le 21,
il avait grande peine à parler, et, après avoir été un quart d’heure sans
connaissance, il expira, à 68 ans moins quatre jours. On fit son autopsie,
et on reconnut un « érésipelle de poumons. On remarqua encore que son
fiel étoit entièrement pétrifié, comme celui de Saint-François de Sales,
ce qui venoit, dans l’un et l’autre, au jugement des médecins, des grands
efforts qu’ils avaient faits sur eux-mêmes pour réprimer les mouvemens
de la colère (^). »
Cette curieuse interprétation de la lithiase biliaire se rattache à la
vieille théorie hépatique de l’irascibilité.
Nicolas Choart de Buzanval passait pour intelligent. Il était d’une
humeur égale, mais sérieux, froid, austère, taciturne, ennemi du luxe et
des plaisirs. Il était aussi droit, sincère, modeste jusqu’à l’humilité,
témoignait « peu d’estime pour lui-même (®) », et « ne vouloit point
qu’on se servit du mot de grandeur en lui parlant ou en lui écrivant (7) ».
Il était enfin doux, bienveillant, extrêmement charitable, d’une charité
qui s’appuyait sur la religion et lui rendait cet appui. Il dépensa
120.000 livres pour Thôpital de Beauvais, et, en 1652, pendant une
disette, nourrit les pauvres de la ville, mais les obligea d’assister aux
instructions religieuses et aux catéchismes publics. C’était aussi à ce
(1) (2) Nécrologe de Port-Royal, p. 282.
(3) Idée de la vie et de Vesprit, etc., p. 301.
(Sj Ibid., p. 305.
(.5) Ibid,, p. 318.
(6) 76ii., p. 231.
(7) Nécrologe des principaux défenseurs, etc., p. 182.
244
REVUE DE l’hypnotisme
qu’il semble pour obéir aux règles de la morale religieuse que cet homme
qui, au dire des médecins du temps, avait réfréné ses colères au point
de s'en pétrifier la bile, professait si bien l’oubli des injures qu’ « on
disoit communément que pour recevoir plus bien de lui, il fallait Tou-
trager (^) ».
Nicolas Choart de Buzanval fut élevé par sa dévote mère et par son
oncle Augustin Potier, évêque de Beauvais. On conçoit aisément où
pouvait le conduire une pareille éducation. Augustin Potier lui donna
pour précepteur Maurice Macquère, théologal, archidiacre et grand
vicaire de son diocèse, homme extrêmement pieux qui, plus tard, fut
élu prieur de la Sorbonne. Il apprit à Nicolas la philosophie, de concert
avec le cardinal Le Moyne, et « s’appliqua sur toutes choses à lui former
le cœur, en y gravant de bonne heure tous les principes d’honneur et de
Religion, qui lui ont depuis servi de règle dans tous les états de sa
vie (2) ». Son éducation terminée, il alla à Rome avec le maréchal de Cré-
quy, ambassadeur de France près le pape Maffeo Barberini (Urbain VIII)
puis devint maitre des requêtes. Enveloppé dans la disgrâce d’Augustin
Potier, il se démit de sa charge « pour avoir, dans la vie privée, une
entière liberté de se donner à Dieu ». Il allait de temps en temps rendre
visite à son oncle, et passa une année auprès de lui. Les nouvelles
suggestions religieuses qu’il subit alors décidèrent de sa vocation.
Augustin Potier lui fit connaître son désir de l’avoir pour successeur. Il
s’enferma alors à Saint-Magloire pour se préparer par une retraite do
dix mois à l’ordination, lisant l’Ecriture et les Pères. C’est là qu’il apprit
que son oncle s’était démis en sa faveur. Alors, sur le conseil du
souchantre de sa cathédrale, il se mit à lire le traité du Sacerdoce de
loannès, dit Bouche d or (saint Jean Chrysostome) et le Pastoral de
Gregorius (saint Grégoire). Cette lecture l’effraya. Un jour, on le trouva
dans sa chambre tout en larmes : « Comment veut-on que je consente à
mon ordination, disait-il, puisque saint Grégoire me marque des devoirs
que je ne puis remplir ». Il voulut renoncer à l’épiscopat, bien qu’il eût
déjà dépensé dix mille écus pour ses bulles, et songea à passer sa vie
comme simple prêtre à la Congrégation de l’Oratoire. Les docteurs de
la Sorbonne et les Pères de l’Oratoire, ses directeurs, parvinrent à le
faire revenir sur sa décision, mais ils ne purent calmer le trouble de
son âme. « Il porta cette playe jusqu’à la mort, et il lui en resta toujours
une si profonde douleur dans le cœur, que, dans les contradictions
extraordinaires qu'il éprouva dans la suite, il disoit souvent et il l’écrivit
un jour à M. l'évêque d’Alet, que Dieu le punissoit de sa mauvaise entrée
dans l’Episcopat. C’est ce qui le faisoit penser à quitter son Evêché; et
quel<|ues années avant sa mort, il étoit résolu de se retirer chez les
(Miartreux, s’il n’en eut été détourné par les conseils de M. l’évêque
d'Alet (-‘j )). 11 fut sacré en I()5'2 (41 ans), (*t par piété choisit pour ceU<*
fl) Icicc de la vie et de Vesprit^ etc., p. \Î70.
(-2) Ibid.
(3) Ibid,, p. 35.
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
245
cérémonie le 8 janvier, jour de saint Lucien, apôtre et premier évéque
de Beauvais. Il représenta Tévôque de Laon au sacre de Louis XIV.
Il aimait la communauté de Port-Royal, embrassa sa cause lors de
la persécution antijanséniste, et refusa de signer le formulaire. « Il
partagea notre affliction, lit-on dans le Nécrologe de Port-Royal ; il
épousa généreusement nos intérêts où, pour mieux dire, il les préféra
aux siens propres. Sa générosité apostolique, qui était à Tépreuve des
menaces les plus terribles et des maux les plus irrésistibles, le porta à
ne vouloir jamais consentir à aucune proposition de paix qu’à condition
que ce monastère seroit compris dans le traité que l’on feroit. » (^) Dix-
huit mois avant sa mort il en eut le pressentiment, et alla faire une
retraite et une confession générale à l’institution de l’Oratoire. Il mou¬
rut de la mort des saints.
Il se levait tous les jours à quatre heures du matin. « Dans les pre¬
mières années, pour gagner plus de tems le matin, il disoit Matines le
soir avec son Aumônier, mais ayant connu depuis qu’il seroit plus cano¬
nique de les aller dire en commun avec ses Chanoines, il s’en fit une
loi qu’il observa pendant les vingt dernières années de sa vie, sans en
manquer un seul jour » ( 2 ). Au retour de Matines, il lisait ou méditait
l’Ecriture. A 7 heures et quart, il disait la messe. A neuf heures et demie,
il allait à la grand’messe de la cathédrale. Le reste de la journée était
employé à lire les Pères, les Canons des conciles et les meilleurs au¬
teurs ecclésiastiques, à conférer des affaires de son diocèse, etc. Après
la prière du soir, qui se faisait vers les neuf heures, il passait encore
près d’une heure à la lecture et à la méditation de l’Ecriture. Du reste,
il s’autosuggestionnait lui-mème constamment. « C’était la méthode
d’oraison qu'il suivoit, et qu’il faisoit pratiquer à scs Ecclésiastiques,
comme la plus conforme à l’antiquité, et celle qui laisse le moins de
liberté aux pensées humaines^ en rappelant plus souvent l’esprit de
l’homme à la parole de Dieu » (^). Il récitait à genoux toutes les heures
de l’office, se levait la nuit pour prier; et il priait en poussant de pro¬
fonds soupirs, a on l’a surpris plusieurs fois prosterné dans sa chambre,
tout baigné de larmes, dans Tardeur de son oraison » (^). Il avait une
dévotion particulière à la Ste-Vierge.
« Il accompagnoit ses prières extraordinaires de mortifications et de
disciplines rigoureuses » ^ *). C’est ainsi qu’il ne soupoit jamais, se con¬
tentant d’une légère collation qu’il réduisoit les vendredis à un verre
d’eau; et en carême il ne mangeait ordinairement qu'une fois le jour.
Très appliqué au travail, il employoit toute son activité à suggestionner
ses contemporains. « Son cœur, indifférent pour tout le reste, n’ètoit
sensible qu’au salut de son peuple, et son esprit n’étoit occupé qu’à
(1) Nëcrologc de Port-Royal, p. ‘279.
(‘2) Idée de la vie et de Vesprit, etc., p. 47.
(3) Ibid., p. 49
(4) Ibid., p. ‘289.
[b] Ibid., p. 290.
246
REVUE DE l'hTPNOTISME
chercher les moyens de le faire avancer dans la voye de Dieu j» (%
autrement dit, « il étoit uniquement touché des intérêts de J.-O., qui
doivent être les seuls qu'un évêque ait à cœur » (^], et se disait prêt à
leur sacrifier sa vie.
a II se renferma dans son diocèse pour n'en plus sortir, et s'interdit
pour toujours l'entrée de la Cour et de la ville de Paris, quoique son
diocèse s’étendit jusqu'à six lieues près de cette capitale du royaume.
On ne l’y vit jamais que pour les besoins les plus indispensables de son
église, lorsqu'on ne pouvoit commettre à d’autres les affaires qui l’y
appelloient. Non content do veiller jour et nuit sur son troupeau et de
donner tous ses soins à la conduite de ses peuples, il employa encore
tous ses biens à leurs nécessités corporelles » (^). Il établit à Beauvais
au collège où il mit « des maîtres capables d'enseigner la crainte de
Dieu comme les belles Lettres » (^), un petit séminaire dont il recrutait
lui-même la clientèle, et un grand, dont il fit lui-même le règlement, et
qui lui coûta plus de 170.000 livres. Dans ce grand séminaire, on accou¬
tumait les élèves a à se défier des raisonnemens humains » (^). C'était
là a où il allait le plus souvent » (®). Il s’efforçait de former des prêtres
convaincus, et choisissait avec soin ses séminaristes, ses curés, ses
prédicateurs et ses missionnaires.
Il entretenait leur dévotion par des conférences, qui avaient lieu
chaque semaine, dans le palais épiscopal, sur des sujets imprimés et
distribués à l’avance à tous les prêtres du diocèse. Chaque semaine, il
tenait un conseil ecclésiastique. Chaque année, il tenait un synode et
publiait des ordonnances.
Les prêtres ainsi dressés, il lui était facile d’agir sur la foule. Il fît
faire tous les dimanches de grands catéchismes dans les deux princi¬
pales paroisses de la ville <c pour enseigner à son peuple les dogmes
de la Foi, les vérités évangéliques et les maximes de la morale chré¬
tienne. » Il faisait de fréquentes tournées pastorales et, au cours de
l'une d’elles ses chevaux étant morts, il voyagea à pied, et se fatigua •
à tel point qu’il tomba dangereusement malade. Il organisait aussi des
missions.
Ce prélat zélé était d’une intolérance farouche. Il exigeait de ses
serviteurs qu’ils s'acquitassent des devoirs de la religion, a Ceux qui ne
vouloient pas vivre chrétiennement étaient congédiés.Il faisoit la prière
du soir avec eux : personne n’étoit dispensé de s’y trouver, et cfeux qui
y manquoient étoient obligé de lui rendre compte à lui-même de leur
absence » (7) « En 1656, il ordonna l’exhumation d’un homme de la paroisse
(1) Idée de la vie et de Vesprit, etc., p. 240.
(2) Nécrologe de Port-Royal, p. 279.
(3) Dictionnaire de Moseri,
(4) Idée delà vie et de Vesprit, etc., p. 62.
(5) làia., p. 62.
(6) Ibid., p. 76.
C7) Ibid., p. 51.
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
247
d'Asnières qui, étant mort sans sacrements, et sans s'être mis en désir
de faire sa communion paschale, avait été enterré de nuit par quelques-
uns de ses parents dans le cimetière de la paroisse. Il ordonna que le
cimetière fût reconcilié, et qu'on procédât contre ceux qui avaient fait
cette inhumation » (<) « L’année suivante, un homme de la paroisse de
Saint-Sauveur de Beauvais, qui n’avoit point été en confesse depuis
trois ans, mourut sans avoir demandé les sacrements dans sa dernière
maladie. M. de Beauvais ayant fait défense aux Chanoines de Saint-
Vaast de lever le corps, et au curé de Saint-Sauveur de l’inhumer dans
l’église, il fut enterré sur le rempart de la ville. Sa femme obtint une
sentence du Présidial, qui lui permettoit d’exhumer le corps, et de le
faire porter avec la cérémonie d'un convoy dans le cimetière de Saint-
Etienne. Mais M. de Beauvais, obligé de maintenir en même tems la
discipline ecclésiastique et l’autorité épiscopale, défendit aux Chanoines
de Saint-Vaast de faire ce convoy, sous peine de suspense et à tous autres
ecclésiastiques de l’inhumer en terre sainte, sous peine d'excommu¬
nication ». (^)
Enfin on enterra sans faire sonner de cloches un procureur de Beau¬
vais qui n’avait pas satisfait au devoir pascal, et l’on fit une réparation
publique pour deux filles qui étaient devenues grosses.
L’évêque de Beauvais était d’ailleurs extrêmement chaste et sut résister
à plusieurs femmes qui en voulaient à sa vertu.
Un autre enfant de Théodore Choart de Buzanval et de Madeleine
Potier, Louis Choart de Buzanval, était le père de deux religieuses qui
font l'objet de cette observation.
L’ainée, Marie-Madeleine Choartde Buzanval, naquit en 1635, et mourut
le 2 1 avril 1692 à 57 ans. Elle fut élevée à Port-Royal dès l’âge de neuf
ans, revêtit l’habit de novice le 6 août 1654 (19 ans), et fit profession en
1655 (20 ans).
La cadette, Marie-Aimée Choard de Buzanval, naquit en septembre
1636, et mourut le 3 avril 1697, à 68 ans et environ sept mois. Elle prit
l’habit de novice le 17 septembre 1656 (20 ans), et fit profession le 19 mars
1658 (21 ans). En 1664, elle signa le formulaire antijanséniste, mais ré¬
tracta sa signature en 1669.
Enfin le troisième fils de Théodore Choart de Buzanval, Henri, eut un
garçon et une fille Gabrielle Choart de Buzanval, qui était pensionnaire
à Port-Royal en 1661.
Deux autres filles du môme, portant le même nom, y étaient égale¬
ment pensionnaires en 1679, et durent en sortir à cette date lors de la
fermeture de l’établissement.
(A suivre.)
(1) Idée de la vie et de Vesprity etc., p. 228.
(2) Ibid, p. 129.
248
REVUE DE l’hypnotisme
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 17 octobre 1!)05. — Présidence de M. le D' Le Menant des Chesnais
La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui com¬
prend des lettres d'excuses de M. le D*" Jules Voisin, président; de
M. le D** Paul Magnin, vice-président; de M. le D' Lux, ainsi que des
lettres de MM. les D*** Herm. Thorsen (de Trôndhjem, Norwège), Wia-
zemsky et Podiapolsky (de Saratow, Russie). M. Podiapolsky fait
hommage à la Société de deux brochures intitulées : Brûlure suggérée
et Influence des impressions des parents sur lo fœtus.
M. le Demonchy rend compte du récent congrès de Neurologie
tenu à Liège et auquel il a représenté la Société.
M. le D** Bérillon rend compte également du congrès de médecine in¬
terne auquel il a assisté comme délégué de la Société; il résume la
communication qu'il y a faite sur les injections de scopolamine, comme
précieux adjuvant dans la production de Thypnose; il rappelle le très
vif intérêt avec lequel elle a été accueillie.
L’ordre du jour appelle l’exposé et la discussion des communications
suivantes :
M. Paul Parez. — Un ancien « traqueur » premier prix du Conser¬
vatoire. Discussion : MM. Bérillon et Le Menant des Chesnais.
MM. Bérillon et Pamart. — Le traitement psycho-mécanique de la
kleptomanie : observation et présentation de malade.
M. Paul Parez. — Lumière colorée et hypnocyanotrope. Discussion :
MM. Lemesle et Raffegeau.
M. Bérillon. — La simulation envisagée comme fait de parasitisme
social.
M. le Président met aux voix la candidature de MM. les D'*® Witry (de
Trêves) et Chollet (de Paris) qui sont élus, à Tunanimité, membres de
la Société.
La séance est levée à 6 h. 40.
Rapport
sur le premier Congrès Belge de neurologie et de psychiatrie,
tenu à Liège du 28 au 30 Septembre 1905.
par M. le D*- Demonchy
Le premier Congrès Belge de Neurologie et de Psychiatrie qui s’est
réuni à Liège, le 28 septembre dernier, sous le Patronage du Gouver¬
nement belge, ne pouvait manquer d’attirer l’attention de la Société
SOCIÉTÉ d'hYPNOLOGIB ET DE PSYCHOLOGIE
249
d'Hypnologie et de Psychologie de Paris. Sur les trois rapports présentés
au congrès, un seul, celui de Mlle la D®“®® Joteyko, présidente du
Congrès, avait trait à une question de psychologie. Plusieurs membres
de notre Société, M. le D' Bérillon, Mlle la D®**® Lipinska et M. le
D** Demonchy s’étaient rendus à Liège pour la représenter. M. le
D*^ Voisin, s’était fait excuser, à notre grand regret.
La réception fut cordiale, affable, et aucun de nous ne regretta son
dérangement.
Les travaux du Congrès se divisaient en trois parties : 1® Lecture des
rapports et des communications ; 2® Visite aux Hôpitaux et aux Hospices
d’aliénés ; 3® Visite à la partie scientifique de l’Exposition, visite pleine
d’intérêt à bien des égards.
A la séance d'ouverture présidée par M. le 0*“ Glorieux, président, et
Mlle la D®“® Joteyko, présidente, le gouvernement Belge s’était fait
représenter.
Parmi les questions qui intéressaient le plus notre Société, le rapport
de Mlle la D®”® Joteyko, sur « Le sens de la douleur », fut écouté avec une
attention soutenue. Selon Mlle Joteyko, « La douleur est un état de
conscience qui révèle un conflit entre la force extérieure et la force or¬
ganique. Elle serait produite par des processus chimiques et aurait une
finalité très haute ; c’est elle qui nous fait faire un effort vers une intel¬
ligence plus complète des choses. »
Le rapport de M. le D** Ouylits: a Le travail dans la thérapeutique des
maladies mentales », souleva de nombreuses objections. M.leD^ Cuylits
n'est pas partisan du travail dans les asiles d’aliénés, et, ironie des
choses, il lisait son rapport dans un asile d’aliénés où nous eûmes à
admirer leurs différents travaux exposés dans la Salle de Réception.
J’aurai l’honneur d’ici peu de faire passer sous les yeux de la Société
une photographie que j’ai prise de ces travaux.
Les autres communications faites par les membres de la Société
d’hypnologie et de psychologie de Paris furent très commentées.
Citons entre autres celle de M. le Bérillon sur « L’hypnotisme envi¬
sagé comme adjuvant à l’orthopédie mentale », qui donna lieu à une
discussion assez approfondie.
Mlle la D®®*® Lipinska traita « De la suggestion dans un cas de gas¬
trite hystérique. »
M. le D'’ Demonchy fit une communication sur : « Le traitement de
l’insomnie par l’action hypnogénique de la main. »
Un banquet offert par le Président, M. le D' Glorieux, réunit une der¬
nière fois les membres du Congrès qui se séparèrent après de nombreux
toasts, dont l’un, celui de Mlle Joteyko, fut particulièrement gracieux
pour les membres qui représentaient la Société d’hypnologie et de
psychologie de Paris.
250
REVUE DE L HYPNOTISME
Contribution au traitement psycho-mécanique de la kleptomanie,
par M. le D' R.’ Pamart.
J’ai l’honneur de présenter à la Société un enfant kleptomane, soigné
à l’Institut psycho-physiologique, par l’orthopédie mentale, sous forme
de suggestion à l’état d’hypnose ; cet enfant présente déjà une améliora¬
tion si frappante qu’elle peut suffire à édifier les plus incrédules.
Le jeune Bernard F., âgé de 13 ans 1/2, est fils d’un honnête serrurier
de Narbonne. C’est un enfant intelligent, bien portant en somme, mais
qui, dans sa première enfance, fut souvent battu. A ce propos, je signale
une fois de plus combien l’éducation à coups de pied ou de martinet
donne de mauvais résultats. Sur 10 enfants vicieux, 8 en moyenne ont
eu, à l’origine, les coups comme enseignement moral.
Un jour, cet enfant déroba une bicyclette, s'en amusa tout le jour ;
puis, le soir venu, ne sachant que faire de son butin, il jeta la bicyclette
à l’eau. Ce larcin ne comporta pas de suites judiciaires ; mais le père,
après une vigoureuse correction, chassa l’enfant de chez lui.
Voici donc notre jeune garçon sur le pavé. Il échoua dans le patro¬
nage que dirige avec tant de dévouement M. Rollet. Après quelques
mois de bonne conduite relative, notre héros déroba une pipe au bazar
de i’Hôtel-de-Ville. Cette fois, quarante-huit heures de « violon » récom¬
pensèrent cet exploit. C’est alors que l'enfant fut confié au traitement
psychothérapique.
On remarquera que les vols commis par Bernard étaient peu raisonnés :
une bicyclette qu’il jette, une pipe dont il aurait été fort embarrassé ; il
a un peu agi à la façon de la pie voleuse qui emporte sans réflexion
l’objet brillant qui l'attire. Il n’est pas voleur par profession; mais il a,
à son origine, sous sa forme rudimentaire, la manie du vol ; il pourrait
voler plus tard d’une façon plus réfléchie, une fois l'habiiude acquise.
J*ai endormi cet enfant avec facilité. Son intelligence le rend aisément
hypnotisable.
Après un moment d’inaction, destiné à mieux obtenir le monodéisme
cherché, je lui ai fait la traditionnelle exhortation morale. Mais ceci ne
suffit pas. J’y ai ajouté, conformément aux principes du traitement de
la kleptomanie, l’établissement des ersLUS d'arrêt. Plaçant une pièce de
cinq centimes à sa portée, j’ai arrêté sa main prête à la saisir, en lui
disant: « Ceci ne t’appartient pas; tu n’y peux donc pas plus toucher
qu a un fer rouge. » Au bout de quelques instants, j’ai réveillé mon
malade et l’ai laissé, sans surveillance, en tête-à-tète avec la pièce de
monnaie ; il la considéra, mais ne la prit point.
A la séance suivante ce fut up porte-mine que je laissai à sa portée ;
j)uisune pièce de vingt francs. Je procédais ainsi graduellement, allant
de la tentation faible à la tentation forte, et toujours avec le même
succès.
Il faut, en effet, se rappeler qu’à vouloir aller trop vite on n’obtient
rien. Chez un sujet tel que Bernard, il faut procéder graduellement; de
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
251
même, lorsqu’on fait des exercices d’haltères, on commence par des
poids faibles que l’on alourdit peu à peu.
Je vais, dans cette séance même, continuer le tj:aitement. Comme
vous le voyez, j’endors mon malade. Le voici en état d’hypnose légère,
ce qui nous suffît. Je pose sur le coin de cette table un chronomètre en
or, qu’il apercevra à son réveil. Il pourra se l’approprier, puisqu’il ne
sera l’objet d’aucune surveillance ; mais il ne saurait plus toucher au
bien d’autrui. Reconnaissant cette montre pour la mienne, il viendra
simplement m’avertir de la place où elle se trouve, de peur que je ne l’y
oublie.
(L’enfant est réveillé, et, quelques minutes après, pendant que la
séance suit son cours, accomplit l'acte suggéré).
La Fatigue suggérée
par M. Martial Vergnolle.
Dans la fatigue musculaire deux cléments sont à considérer:
\o h'élément subjectif. La contraction musculaire souvent répétée
devient douloureuse mécaniquement parles secousses et les tiraillements
qu'elle occasionne dans le muscle lui-même et dans les tissus voisins.
D’autre part, les filets nerveux sensitifs qui traversent le muscle sont
froissés et tordus par le mouvement des fibres musculaires qui sc gon¬
flent et durcissent pendant les contractions énergiques du travail. C’est
ce qui constitue la fatigue subjective caractérisée par une sensation.
2® L'élément objectif. Indépendamment de ces causes de malaise le
muscle subit dans sa fibre des modifications de nutrition dues aux
combustions qui accompagnent la contraction. Tout muscle qui se con¬
tracte s’échauffe et cette augmentation de température est due à des
combustions qui altèrent profondément la structure des tissus aux
dépens desquels elles ont lieu. De cette altération résultent des produits
nouveaux qui, séjournant pendant un certain temps dans le muscle, le
paralysent et le mettent dans l’impossibilité de se contracter. C’est la
fatigue objective (^).
La synthèse de ces deux éléments constitue la fatigue musculaire
proprement dite ; c’est celle qui accompagne les exercices faciles, auto¬
matiques, tels que la danse, l’équitation, le canotage, le cyclisme, la
course et la marche surtout, dans lesquels l’acti vitécérébrale n’intervient
pas ou est réduite à son minimum d'action. Mais à ces deux éléments,
il s en ajoute un troisième si l'exercice, au lieu d’être instinctif, machinal,
est calculé ; c’est ainsi que l’escrime, la boxe et certaines manoeuvres
d’adresse qui exigent un calcul, une attention soutenue, provoquent une
suractivité des centres nerveux et à la fatigue musculaire proprement
dite se joint alors la fatigue cérébrale.
Ce sont là les divers modes de la fatigue réelle, physiologique.
(l) F. Laoranqe: Psychologie des exercices du corps.
252
REVUS DE l'hypnotisme
♦ ♦
Il existe en outre une forme particulière de fatigue, entrevue déjà par
quelques auteurs, et sur laquelle nous voulons attirer Tattention ; c'est
la fatigue suggérée. Celle-ci est purement psychique, elle accompagne
fréquemment la fatigue physiologique et peut même, dans certains cas,
la précéder, se produisant alors indépendamment de tout exercice
musculaire ou cérébral ; c’est la manifestation qui offre le plus d’in¬
térêt.
La fatigue suggérée est produite par la représentation mentale plus
ou moins intense de Veffort accompli ou à accomplir et cette repré^
sentation mentale fait naître aussitôt Vidée d'impuissance.
Elle existe fréquemment à l’état d’ébauche chez les sujets normaux
qui présentent, ainsi que le fait observer Dubois (de Berne), « une
« gangue plus ou moins épaisse de fatigue suggérée autour d’un noyau
« de fatigue vraie » ; mais elle acquiert le maximum d’intensité chez
ceux qui présentent habituellement de la dépression psychique (neuras¬
théniques, psychasthéniques, hystériques) chez lesquels « l’idée de
diminution de puissance », comme l’exprime si justement Contet, im¬
prègne tous les actes.
Beaucoup de sujets ayant à faire un effort de quelque durée s’en
déclarent incapables et présentent tous les signes de l’épuisement avant
de l'avoir entrepris.
Il nous revient à la mémoire un cas de fatigue suggérée avant l’effort
qui se produisit lors de notre séjour au régiment. Il s’agissait d’ac¬
complir une marche forcée au mois de juin par une chaleur excessive.
La veille de l’épreuve un train devait nous prendre à 10 heures du soir
et nous conduire à une localité distante de plus de 40 kilomètres d’où
nous devions revenir à pied le lendemain.
Avant de quitter la caserne, le Colonel nous représenta leffort à
faire, la fatigue à supporter, promettant une permission de 36 heures à
ceux qui feraient la route et déclara finalement qu’il comptait sur tous.
Un clairon qui passait habituellement pour « un froussard » ne retint
de l’allocution du colonel que l’allusion faite à l’effort, se persuada sans
doute qu’il en était radicalement incapable et, en franchissant la grille
du quartier,se laissa choir déjà exténué.
Les athlètes qui manient des masses pesantes ne travaillent bien
qu'avec la connaissance parfaite du poids des engins qu’ils emploient. Pla-
cez-les devant un haltère qu’ils soient capables a d’arracher » habituel¬
lement, de 50 kilos par exemple, et déclarez-leur qu’il en pèse 60, vous
les verrez le plus souvent hésiter et s’ils exécutent l’exercice ce sera
avecpeine,s’il8y parviennenttoutefois. Dansce casilsauront tenté l’effort
pensant qu’il sera infructueux, dominés qu’ils sont par l’idée d’im¬
puissance.
On peut rattacher à la fatigue suggérée avant l’effort, l’état du neu¬
rasthénique au réveil qui, après une nuit de repos, se déclare beaucoup
SOCIÉTÉ d'hYPNOLOGIE BT DE PSYCHOLOGIE
253
plus fatigué qu’en se mettant au lit. Ici Tidée de fatigue prédomine chez
le sujet au moment de l’entrée en sommeil et cette autosuggestion
s’exagère encore par la concentration d’esprit résultant du sommeil
même. Cette hypothèse est tout à fait vraisemblable.
La fatigue suggérée se produit habituellement pendant l’effort.
Lorsqu’un sujet suggestible prend part à un exercice collectif, l’atti¬
tude de ses compagnons pourra déterminer en lui tous les degrés de la
fatigue suggérée. A-t-il un long trajet à parcourir? S’il se trouve en
compagnie de gens tristes qui exposent les difficultés de la roule^ qui
les exagèrent, parlent du peu de chance d’atteindre le but, maugréent
constamment, il est à peu près certain qu’il restera en route : l’hétéro-
suggestion lui « coupera les jambes ». Si, au contraire, il est en com¬
pagnie de sujets gais qui chantent ou tiennent des propos qui l’intéressent
non seulement la fatigue suggérée n’apparaîtra pas, mais la fatigue
physiologique sera bien mieux supportée.
Voyez le cycliste en pays inconnu, ignorant la longueur exacte de la
route qu’il va entreprendre et les accidents du terrain. Trouve-t-il un
indicateur qui lui déclare 30 kilomètres pour 50 et une roule excellente
alors qu’elle est fortement accidentée? Il partira confîant aux décla¬
rations de celui qui lui « dore la pilule » et arrivera au but sans trop de
peine, car la fatigue suggérée sera absente de l’effort. Mais imaginez la
déclaration inverse, la fatigue suggérée viendra s’ajouter à la fatigue
physiologique et notre homme peinera autant pour faire 30 kilomètres
sur route plate qu’il l’eût fait pour 50 kilomètres sur route accidentée
avec la fatigue physiologique seule. Ces phénomènes déjà appréciables
sur un sujet normal s’exagéreront considérablement chez un psychas¬
thénique.
Un de nos amis, qui fut un sportman passionné, nous faisait à ce
propos cette curieuse déclaration :
a Dans une course de 100 kilomètres à bicyclette, je ressentais la fa-
« tigue vers le 98® kilomètre. Dans une course de 150 kilomètres tout
<i allait bien jusqu’au 146® environ, et j’ai couru des épreuves de 200
tt kilomètres sans élre fatigué avant d’atteindre les derniers kilomètres ».
L’influence de la fatigue suggérée est ici manifeste ; elle se graduait
d’avance d’après la longueur du trajet.
*
* ♦
La fatigue suggérée cède facilement à diverses influences.
Il est à peine nécessaire de rappeler ici les effets de la musique sur
une troupe exténuée. Dès les premières mesures d’un pas redoublé la
lassitude disparait, les jambes se dégourdissent et les musiciens eux-
mêmes éprouvent l’action salutaire de ce stimulant. Les chansons de
route, préconisées dans certains régiments, et auxquelles on pourrait
peut-être reprocher l’essoufflement, ont l’avantage incontestable « d’en-
trainer » les hommes.
254
RETUE DE l’hypnotisme
Il en est de même de l’allocution énergique d’un chef rappelant qu’il
faut rentrer l’air martial et ne pas sembler suivre un enterrement!
Des sentiments provoqués tels que l’orgueil ou la colère peuvent dans
ce cas produire des effets semblables. Voyez l’allure du fantassin reve¬
nant d’une longue marche et qui sait trouver, dans la foule qui se presse
au passage, l’amie, la fiancée ou simplement quelques connaissances.
Voyez aussi l’attitude d’une troupe fatiguée, qui sous le coup d’une
vexation se redresse tout à coup prête à la révolte.
Il s’agit, en somme, d’éviter que l’attention se porte sur l’idée de
fatigue ou de substituer à cette idée, lorsqu’elle existe, une idée d’éner¬
gie; c’est aussi pour cela qu’il est recommandé aux marcheurs de ne
pas compter les kilomètres.
L’histoire fourmille de faits relatant les prouesses de troupes stimulées
par les harangues de leurs généraux (^).
*■
# *
Est-ce à dire que ces diversions ont donné, à proprement parler, des
forces aux sujets en exercice, qu’elles ont produit instantanément l’élimi¬
nation des produits de combustion organique, qu’elles sont l’équivalent
d’un repos réparateur, en un mot qu’elles ont supprimé les effets de la
fatigue physiologique?
Assurément non. Ces interventions ont seulement annihilé la sugges¬
tion de fatigue; ce qu’elles ont éliminé, c’est précisément cette « gangue
de fatigue suggérée », ne laissant subsister que le « noyau de fatigue
vraie », de fatigue physiologique, laquelle, malgré la conviction du
sujet, est bien loin généralement d’avoir épuisé son capital dynamique.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Les prophètes juifs, étude de psychologie morbide
des origines à Elie (')
Par M. le D** Binet-Sanglé.
Dans ce volume, qui est le premier paru de la Bibliothèque de l’Ecole
de psychologie, le D** Binet-Sanglé, professeur à cette école, nous offre
le résultat de son étude critique de la Bible.
Pour la première fois, les Prophètes Juifs sont envisagés à un
point de vue purement scientifique, sans aucun souci des dogmes, des
traditions, des idées reçues et des polémiques religieuses.
(1) Il existe une différence entre ces diverses influences, dont faction est toujours
identique, et les effets que produit une émotion vive sur la motilité.
Le « sauve qui peut! » rendant l’agilité aux soldats exténués, le cri « au feu! »
permettant à un malade alite de prendre la fuite, l’apparition d’un animal ou d’un
individu redouté donnant à un être faible (enfant, femme, vieillard) la force de se
soustraire à son attaque ne doivent plus être considérés comme des suggestions,
mais comme des chocs psychiques déterminant par action réflexe des réactions
qui peuvent être, selon le sujet, de fénergie ou de la stupeur.
(‘2) 1 vol. in-18 (Jranco par poste, et clie^ tous les Libraires). 3 fr. 50,
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
255
L'auteur apporte dans Texégèse la méthode générale des sciences
naturelles, communes aux naturalistes, aux médecins et aux aliénistes :
observation, comparaison, généralisation, induction.
Tout d’abord il définit la psychologie religieuse, indique ses relations
avec la psychologie des dégénérés mystiques, expose le mécanisme
(Je l’hérédité et les causes de la dégénérescence, et résume l’histoire de
Texégèse rationaliste depuis ses origines jusqu’à nos jours.
Puis il fait successivement défiler sous nos yeux, avec leur physio¬
nomie réelle et leur couleur orientale, les vagabonds anonymes du
livre des Juges, l’irascible et sanglant Samuel, qui lui fournit l’occa¬
sion de nous donner une théorie personnelle de l’hallucination verbale,
les prophètes de cour Gad et Nathan, les convulsionnaires Assaph,
Eman et ledouthoun, les conspirateurs Schemaya et Ahiya le Schilo-
nite^ les thaumaturges de Bethel, Iddo le voyant, les jeteurs d’ana¬
thèmes lehou ben-Hanani et Azariahou ben-Obed, Myriam, la musi¬
cienne, sœur de Moïse, Debora, la vierge guerrière, dont l'auteur établit
le parallèle avec Vclléda et Jeanne d’Arc, Houlda, Noadya et Hanna
qui vit Jésus.
Enfin, comparant entre eux ces divers sujets et rassemblant leurs
traits communs, le D' Binet-Sanglé esquisse le type du prophète juif,
et étudie successivement son lieu de naissance, son domicile, son héré¬
dité, sa constitution, sa suggestibilité, ses images et ses idées, ses
hallucinations, sa théomanie, son intelligence, son orgueil, ses tris¬
tesses, ses haines, son activité et son pouvoir suggestif.
Cet ouvrage original et précis est écrit dans un style clair, et sera lu
non seulement par les hommes de science, mais par les gens du monde
qui s’intéressent aux origines du jadaïsme et du christianisme.
CHRONIQUE E T COR RESPONDANCE
Société d’hypnologle et de psychologie.
La prochaine séance de la Société d’hypnologie et de psychologie
aura lieu le mardi 20 février, à 4 heures et demie, au palais des
Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le Jules
Voisin, médecin de la Salpétrière.
Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque
mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les
étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le D' Bérillon, secrétaire
général, 4, rue de Oastellane, et les cotisations à M. le D*" Parez, tréso¬
rier, 154, boulevard Haussmann.
Communications inscrites :
Bérillon : Les timidités.— Le traitement psychologique de l’émoti¬
vité morbide.
!>’■ Parez : Mensonge et intimidation chez un lycéen.
256
REVUE DE l'hypnotisme
0*“ Le Menant des Chesnais : Borborygmes hystériques traités avec succès
par la suggestion hypnotique.
Demonchy : La psychologie de la voix.
Félix Régnault : Définition de la suggestion ; continuation de la
discussion.
M. DE OoYNARD : Exaiuens de convulsionnaires au xviii® siècle.
D" WiTRY (de Trêves) : L’influence suggestive de Guillaume IL
D** Roüby (d’Alger) : Considérations sur le fantôme Bien-Hoat.
Suicide des animaux
Le suicide chez les animaux n’est pas d’observation fréquente. Aussi
est-il de quelque intérêt de signaler le cas d’un petit épagneul
new-yorkais dont une automobile avait cassé une patte et défoncé
plusieurs côtes. Il n’était pas mort sur le coup, mais endurait de
terribles souffrances. On le vit alors se traîner jusqu’à une fontaine,
plonger sa tête dans l’eau et l’y maintenir jusqu’à complète asphyxie.
Déjà il y a quelques années, à Paris, on avait cité le cas d’un des
chevaux de l’omnibus Clichy-Odéon qui, en passant sur le pont des
Saints-Pères, avait plusieurs fois tenté de se précipiter dans la Seine.
L’infortuné cheval avait sans doute assez de traîner une vie si
misérable... et une si lourde voiture.
Afin d’élucider la question du suicide chez les animaux, nous serions
reconnaissants à nos lecteurs et à nos collaborateurs de nous signaler
les faits bien observés pouvant apporter une contribution utile à cet
intéressant problème.
NOUVELLES
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie
Ecole de psychologie. — Cours. — Les cours de l’Ecole de psycho¬
logie ont commencé le Mercredi, 10 janvier 1906, à cinq heures, au siège
social, 49, rue St-André-des-Arts. Le programme détaillé des cours a
été publié dans le dernier numéro. Les cours et les conférences sont
publics.
Salpétrière. — M. le D' Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière, fait
tous les jeudis, à 10 heures, un cours sur les maladies mentales et
nerveuses. Plusieurs leçons y seront consacrées aux applications clini¬
ques de l’hypnotisme et à l’éducation des anormaux.
UAdministraiteur-Gérânt : Ed. BÉRILLON.
Paris, lmp. A. Quelquejeu, rue Gerbert, 10.
REVUE DE L’HYPNOTISME
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258
RBVÜE DE L HYPNOTISME
Le 18 février 1904, le D** Liébe«ault, créateur et chef de TEcole psychothé¬
rapique de Nancy, mourait dans sa 81® année.
A la nouvelle de cette mort, M. le D** Van Renterghem, d’Amsterdam,
proposa d’ouvrir une souscription dans le but d’élever un monument à la
mémoire du D** Liébeault. La Société d’hypnologie et de psychologie et
l’Ecole de Psychologie de Paris s’unirent dans l’idée commune d’organiser
cette souscription et elles constituèrent un Comité qui fut ainsi composé :
Présidents d’honneur : M. le D** Raymond, professeur de la Clinique des
maladies nerveuses à la Faculté de médecine de Paris, et M. le D** Beaunis,
professeur honoraire à la Faculté de médecine de Nancy.
Président : M. le D® J. Voisin, médecin de la Salpêtrière, président de la
Société d’hypnologie.
Secrétaire : M. le D** Bérillon, professeur à l’Ecole de psychologie, secré¬
taire général de la Société d’hypnologie.
Membres du Comité : MM. le Albert Robin, professeur à la Faculté de
médecine de Paris ; le D** Huchard, membre de l’Académie de médecine ;
le D>* Paul Magnin, professeur à l’Ecole de psychologie, vice-président de la
Société d’hypnologie ; le D** Fiessinger, membre correspondant de l’Académie
de médecine ; le D® Paul Farez, professeur à l’Ecole de psychologie ; le
D** Henry Lemesle, professeur à l’Ecole de psychologie ; L. Achille, vice-
président du Conseil municipal de Paris ; le D** Lloyd-Tuckey, de Londres ;
le D** Van Renterghem, d’Amsterdam ; Podiapolski, vice-président de la
Société des naturalistes de Saratow ; le D'* Hamilton-Osgood, de Boston ;
le D** Jaguaribe, de Sao-Paulo; le D** Orlitsky, de Moscou.
Les élèves, les amis et les admirateurs du D® Liébeault répondirent avec
empressement à l’appel du Comité. La souscription permit de confier à
M. F. Maillols, statuaire d’un grand talent, la commande de deux bustes en
bronze dont l’un fut remis à l’Ecole de psychologie, et l’autre offert à la
ville de Nancy.
*
♦ J»
L’inauguration du buste du D*“ Liébeault a eu lieu le jeudi 1®** février, à
cinq heures, à l’Ecole de psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts, sous la
présidence d’honneur de MM. Bienvenu-Martin, ministre de l’Instruction*
publique et Berthelot, ancien ministre, secrétaire perpétuel de l’Académie
des Sciences.
Aux côtés de M. le D** Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière, président
du Comité, avaient pris place, M. Lillaz, sous-chef du Cabinet, représentant
M. le Ministre de l’Instruction publique, M. Giard, professeur à la Sorbonne,
membre de l’Académie des sciences, M. Mesureur, directeur de l’Assistance
publique, M. le D** Saint-Yves Ménard, membre de l’Académie de médecine,
M. le D** Lloyd-Tuckey (de Londres), M. le Paul Magnin, vice-président
de la Société d’hypnologie, M. Maillols, statuaire, auteur du buste du
D** Liébeault et M. le D** Bérillon, professeur à l’Ecole de psychologie, secré¬
taire du Comité.
Mme Liébeault et Mlle Liébeault avaient tenu h venir de Nancy pour
assister à cette solennité. Elles étaiemt accompagnées de plusieurs délégués
venus également de Nancy.
Parmi les personnalités qui avaient répondu à l’appel du Comité, nous
sommes heureux de citer : Mme Paul Bert, MM. Fringnet, inspecteur de
l’Académie de Paris, Lionel Dauriac, professeur honoraire à la Faculté de
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBBAULT
259
Montpellier, Laisant, examinateur à TEcole Polytechnique. M. le D»* Fies-
singer, membre correspondant de l’Académie de médecine, M. Cornejo,
ministre plénipotentiaire du Pérou, MM. les D*** Paul Farez, Félix Régnault
Binet-Sanglé, Pamart, Henry Lemesle, MM. Félix Régamey, Blieck, Louis
Favre, Caustier, professeur agrégé au lycée Condorcet et Lépinay, profes¬
seurs à l’Ecole de psychologie, M. le D** Godon, directeur de l’Ecole den¬
taire, M. le D** Bilhaut, président du Syndicat de la Presse scientifique ;
M. le D** Prieur, secrétaire général de la Société d’histoire de la médecine,
M. le D** Ducor, président de la Société de médecine et de chirurgie prati¬
ques, M. Léon de Rosny, président de l’Alliance scientifique universelle,
M. Coutaud, président de la Société protectrice des animaux, M. Paul
Mounet, de la Comédie française, M. Jules Bois, homme de lettres,
M. le D*" Le Menant des Chesnais, secrétaire général de la Société des
Sciences psychiques, M. le général Mercier, sénateur, M. l’amiral Antoine,
M. le contrôleur général de l’armée Leblanc, M. le colonel Collet, M. le com¬
mandant Bellon, M. le médecin-major Pourcines, M. Carpin, président de
la Société d’Education populaire, M, le D** Cabanès, directeur de la Chronique
médicale,
M. de Scwartz, vice-consul de Serbie, M. Scié-Tou-Fa, attaché à l’am¬
bassade de Chine, M. le commandant Bénito-Sylvain (de Port-au-Prince,
Haïti), M. le D*’ Germiquet (de Romont, Suisse), M. le D»* Babaian-
Babaieff, médecin des hôpitaux de Tiflis, M. Robinow (de Manchester),
M. le D*" Paul Joire (de Lille), M. le D»* Marnay (de Loches), M. Dyvrande,
procureur de la République à Dieppe, M. Baguer, directeur de l’Institut
départemental des sourds-muets, M. le D*" Raffegeau (du Vésinet), M*»* la
Dresse Bottdareff (de Saint-Pétersbourg), M. le L)** Lagrange (de Vichy),
M. le Archambaud, directeur de la Revue médicale, M. le D** Cazaux (des
Eaux-Bonnes), M. le D»" de Torrés (de Luchon), M. le D** Saint-Hilaire, direc¬
teur des Annales de laryngologie, M. le D** Fouineau, médecin-adjoint du
dépôt de la Préfecture de police, M. Grollet, secrétaire général de la société
de pathologie comparée, M. le D*’ Cornet, médecin à la Préfecture de la
Seine, M. le D'Courtault, directeur des Tablettes médicales, MM. les
Bcllemanière, Pottier, Barbier, Millet, Demonchy, Mercier, Hahn, Lorain,
Touvenin, Laumonier, Evan, Poulalion, M. le D** Pascalls, médecin de la Pré¬
fecture de la Seine, MM. les D**® Barthe de Sanfort, Reignier (de Surgères),
la D**®®®« Bouet-Henry, M. le D*" Coste de Lagrave,M.Malapert, professeur
au lycée Louis-le-Grand, M. Lemaire, professeur agrégé de philosophie,
MM. Laroche, Blech, docteurs en droit, MM. Curot, Petit, Fayet, médecins-
vétérinaires, M. Féron, député de la Seine, M. le D** Kalman Molnar (de
Nagyvarad, Hongrie), Frédéric Salmen (de Brasso, Hongrie), M. Naville (de
Genève), M. le D** A. William (d’Edimbourg), M. le D** de Barros-Castro (de
Coimbre), M. le Baldet, médecin de la Préfecture de la Seine, M. le D** Félix
Bernard (de Plombières), M. le D** Vincentelli (de Barcelone), M. le D** Bon¬
net, M. le D** Valcutino, médecin-major, M. le D>* Degoix, vice-président de
la Société d’hygiène de l’enfance, M. le D** Andrade Silva (de Sao-Paulo),
MM. les D'^® Brochard, Provotel, Depoully, Dignat, Graiiel, et un grand
nombre de médecins, de professeurs de l’Université dont nous n’avons pu
noter les noms.
Dès l’ouverture de la séance, M. le Secrétaire donne lecture de la lettre
260
REVUE DE L*HYPN0T1SMB
suivante qu’il vient de recevoir de M. le professeur Berthelot, président
d’honneur de la réunion.
Cher monsieur et ami,
J’ai connu autrefois le D' Liébeault et j’étais au nombre des personnes
frappées de l’étendue et de la justesse de ses vues sur la suggestion et sur le
sommeil provoqué. L’Ecole de Nancy, qu’il a fondée, a fait depuis son che¬
min. Sans prétendre adopter toutes les doctrines auxquelles les travaux du
Dr Liébeault ont donné naissance, je crois qu’il a exercé sur le développe¬
ment de la psychologie et de la philosophie une influence capitale. Je
regrette que d'autres engagements ne me permettent pas d’assister à l’inau¬
guration de son buste, mais je vous prie de témoigner de toute ma sympa¬
thie pour l’Ecole de psychologie et pour votre personne.
Agréez, etc.
M arcelin Berthelot .
La lecture de cette lettre fut accueillie par de très vifs applaudissements.
M. le Secrétaire du comité communique ensuite à l’assemblée les télé¬
grammes et les lettres d’excuses arrivés au comité, de tous les points du
monde, à l’occasion de la solennité en l’honneur du D** Liébeault.
Il suffira de citer quelques-uns des hommages qu’ils expriment pour
indiquer dans quelle estime le D** Liébeault était tenu par les plus hautes
notabilités du monde savant :
Chigny^ près Marges (Suisse).
Je vous envoie tous mes vœux à l’occasion de l’inauguration du buste du
D** Liébeault, et vous prie de croire que je suis de cœur avec vous dans
l’honneur que vous faites à la mémoire du penseur original, de l’homme de
cœur auquel nous devons la conception et la pratique de la suggestion
appliquée à la thérapeutique.
Professeur A. Forel.
Stockholm.
Je regrette de ne pouvoir assister à l’inauguration du buste de l’immortel
Liébeault dont la gloire est aussi celle de la France.
D** 'W^etterstrand.
Moscou.
La fête en l’honneur de Liébeault est celle de tout le monde médical.
D** Orlitzky.
Amsterdam.
J’aurais vivement désiré être présent à la solennité du !«** février et porter
mon hommage à la mémoire du vénéré maître Liébeault; dans ma pensée,
je serai avec vous. D' Van Renterghem.
Genève.
Je regrette vivement que la distance m’empêche de prendre part à la
solennité en l’honneur du D' Liébeault. Je m’associerai du moins en pensée
aux hommages rendus à la mémoire de cet homme admirable.
Professeur Flournoy.
Bruxelles.
Suis avec vous de cœur pour honorer Liébeault, l’inspirateur de TEcole de
Nancy. Professeur Spehl.
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBEAULT
261
Sao-PaulOy Brésil.
Je m’associe par la pensée aux hommages si mérités que vous rendez au
créateur de la psychothérapie et à notre maître à tous.
D*^ Jaguaribe.
Le Cannet.
Je regrette vivement de ne pouvoir assister à l’inauguration du buste du
D' Liébeault. Je serai avec vous de cœur, en souhaitant que la ville de
Nancy lui accorde bientôt les honneurs qu’il mérite.
Professeur Beaunis.
Berlin.
Nous sommes avec vous pour honorer la grande mémoire de Liébeault.
D** O. VOGT.
Liège.
M’associe de cœur à ceux qui sont réunis pour honorer Liébeault et
regrette d’ôtre empêché de me joindre à eux.
Professeur Henrijean.
Nancy.
J’aurais été heureux de me trouver au milieu de ceux qui glorifient le
D' Liébeault, mon illustre compatriote, et je m’associe aux honneurs que vous
lui rendez. Maurice Barrés,
de l’Académie française.
Nice,
J’aurais été heureux d’assister à la belle cérémonie où justice sera rendue
à la mémoire de l’homme de bien et du savant modeste dont notre famille
s’honore et qui laisse à tous le souvenir d’un bienfaiteur dont l’humanité ne
pourra jamais trop apprécier la valeur.
Général Travailleur.
L’espace dont nous disposons ne nous permet que de mentionner les lettres
d’excuses adressées par M. le professeur Raymond, membre de l’Académie
de médecine, M. le professeur Albert Robin, membre de l’Académie de
médecine, M. le D' Brousse, président du Conseil municipal, M. le Di* Motet,
membre de l’Académie de médecine, M. le D»* Huchard, membre de l’Aca¬
démie de médecine, M. Laurent, secrétaire général de la préfecture de
police, M. Edmond Perrier, de l’Institut, directeur du Muséum.
M. le professeur Stumpf (de Berlin), M. le professeur Francotte (de Liège),
M. le professeur Masoin (de Louvain), M. le D' Ladame (de Genève), M. le
professeur Grasset (de Montpellier), M. le professeur Gombemale (de Lille),
M. le professeur Pitres (de Bordeaux), M. le professeur Bordier (de Grenoble),
M. le professeur Brunon (de Rouen), M. le D' Charrin, professeur au Collège
de France, sir Francis Cruise (de Dublin), M. le professeur Claparède (de
Genève).
MM. les professeurs Lépine (de Lyon), Carrieu (de Montpellier) et Henrot
(de Reims), M. le D** Van Velsen (de Bruxelles),'M. le D*‘Dejace, directeur
du Scalpel (de Liège), M. le D** Bonjour (de Lausanne), M. le D** Hamilton-
Osgood (de Boston), M. le D*' Wiasemski (de Saratow), M. le D' Famenne
(de Florenville, Luxembourg), M. le professeur Podiapolski (de Saratow),
M. le D' Damoglou (du Caire), M. le D'Vlavianos (d’Athènes), M. le D*- Witry
(de Trêves), M. le D' Hœberlin (de l’Iie de Führ), M. le D' Milne Bramwell (de
Londres), M. le D' de Groer (de Saint-Pétersbourg), M. le D** Wijnaendts
262
REVUE DE l'hypnotisme
Francken (de La Haye), M. le D** Knory (d’Odessa), M. le D** Zeligzon (de
Cleveland, Ohio), Mme Hemmerlé (d’Odessa), M. Achille, conseiller muni-
cipal de Paris, M. Muteau, député de la Côte-dOr, M. Milliaux, député de
l’Yonne, M. Roussel, conseiller municipal de Paris, M. le D"" Jacques Ber¬
tillon, directeur de la statistique du département de la Seine, M. le D** Marie,
médecin en chef de l’Asile de Villejuif, etc., etc.
Sociétés, Ecoles et Institutions représentées.
La Société d’hypnologie et de psychologie (par les membres de son bureau).
L’Ecole de psychologie (par ses professeurs).
L’Ecole dentaire de Paris (par M. le D' Godon, directeur).
Le Syndicat de la presse scientifique (par le D' Bilhaut, président, et le Cornet,
secrétaire général).
La Société d’histoire de la médecine (par le D' Prieur, secrétaire général).
La Société de pathologie comparée (par le D' Saint-Yves Ménard, vice-président,
et M. Grollet, secrétaire général).
La Société universelle des sciences psychiques (parle D'Paul Joire, président).
La Société de médecine et de chirurgie pratique (par le D' Ducon, président, et
le D’' Digxat, secrétaire général).
La Société médicale des praticiens (par le D** Mercier, secrétaire).
La Société psychologique internationale (par M. Jules Bois, secrétaire général).
La Société d’hygiène de l’enlance (par M. le D' DeüOix, vice-président).
La Société d’enseignement populaire (par M. Garpin, président).
La Société protectrice des animaux (par M. Goutaud, président).
La Société franco-japonaise (par M. Félix Régamey', président).
L’Alliance scientifique universelle (par M. Léon de Rosny, président).
L’Assistance aux animaux (par M. Lépinay, secrétaire général).
La Mutualité Maintenon (par M** Paris, directrice).
La Guild internationale (par M^^* Michaud, secrétaire).
Society for psychical Research (par le D' Lloyd-Tugkey, membre du Gomiié).
L’Institut psycho-physiologique (par le D' Bérillon).
Le Dispensaire pédagogique de Paris (par le D' Pamart).
Le Laboratoire de psychologie comparée (par MM. Grollet et Lépinay).
Le Dispensaire anti-alcoolique de Paris (par M“* la D'*'** Bouet-Henry).
L’Institut psycho-physiologique de Sao-Paulo (par le D' Andrade Silva).
L’Institut Llébeault d’Amsterdam (par MM. les D” Van Renterghem et Bérillon).
L’Institut Liébeault de Loches (par MM. les D'* Lemesle et Marnay).
Le Cercle Liébeault de Saratow (par M. Podiapolski et M. le P. Farez).
L’Institut départemental des Sourds-Muets (par M. Baguer, directeur),
etc.
M, le D** Jules Voisin, président, prononce alors l’allocution suivante :
Allocution du Jules Voisin
médecin de la Salpétrière,
président de la Société d’hypnologie et de psychologie.
Au lendemain de la mort du D' Liébeault, lorsque notre dévoué
collègue, M. le van Renterghem, d'Amsterdam, demanda à la Société
d’hypnologie et de psychologie d’ouvrir une souscription destinée à
honorer la mémoire de ce grand savant, sa proposition fut accueillie
par une approbation unanime. Notre Société ne pouvait oublier que le
premier article de notre programme, élaboré en 1889 par le regretté
Dumontpallier et par son élève, M. Bérillon, comporte l'étude de toutes
les questions qui se rattachent à l’étude expérimentale de l’hypnotisme,
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBEAULT
263
de la suggestion et de la psychothérapie. Or, le principal titre de gloire
de Liébeault n’est-il pas d’avoir, le premier, après avoir consacré de
longues années à étudier le mécanisme du sommeil provoqué, d’avoir
dégagé et fait ressortir l’importance des phénomènes psychologiques
de la suggestion.
Aussi, nous avons été heureux de nous associer, dans Tœuvre de
justice que nous accomplissons, à l’Ecole de psychologie, dont le pro¬
gramme a tant de points de contact avec celui de la Société d’hypnologie.
Il ne m’appartient pas de retracer ici l’œuvre médicale et psycho¬
logique du D' Liébeault. Ce soin a été confié à M. le D' Paul Magnin,
vice-président de la Société d’hypnologie, et à M. le D' Bérillon, secré¬
taire général de la Société, qui a accepté également d’ôtre le secrétaire
du comité de la souscription. Je n’ai pas à vous rappeler le zèle et le
dévouement que M. le Bérillon déploie dans l’accomplissement de
toutes les fonctions qui lui sont confiées. Vous les connaissez. Nous lui
devons le succès de la belle manifestation scientifique d’aujourd’hui.
{Applaudissements).
Nous aurons également le plaisir d’applaudir les beaux vers par les¬
quels M. Jules Bois a su exprimer si heureusement dans son hymne à
Liébeault^ les vertus de l’homme et la gloire du savant. M. Paul Mou-
net, l’éminent sociétaire de la Comédie française, qui n’a pas oublié
l’époque où il s’initiait aux choses de la médecine, a mis sa voix puis¬
sante au service du poète. Nous les confondrons dans nos applaudisse¬
ments.
Avant d’entendre l’éloge de Liébeault, je dois, au nom du Comité de
la souscription, adresser nos vifs remerciements à M. le Ministre de
l’Instruction publique, M. Bienvenu-Martin, et à M. Berthelot, ancien
ministre, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, qui ont bien ,
voulu accepter la présidence d’honneur de cette réunion.
M. le Ministre, retenu par la discussion du budget de son ministère,
s’est fait représenter par un de ses collaborateurs les plus distingués,
M. Lillaz, sous-chef de son cabinet. Vous venez d'entendre la lecture
de la lettre de M. Berthelot. Les termes élevés par lesquels ce maître
que nous vénérons comme une des gloires les plus pures de la science
française, s’associe à notre manifestation en l’honneur du D** Liébeault,
nous ont touchés profondément. Je suis heureux d’être votre interprète,
en lui exprimant nos sentiments de reconnaissance et de respectueuse
affection. (Applaudissements prolongés).
C’est avec un grand plaisir que je salue la présence à mes côtés des
hommes éminents, qui comme M. le professeur Giard, membre de l’Ins¬
titut ; M. Mesureur, directeur de l’Assistance publique ; M. le D' Saint-
Yves-Ménard, membre de l’Académie de médecine, et M. le D' Lloyd-
Tuckey (de Londres), n’ont pas hésité à dérober à d’absorbantes occu¬
pations les instants nécessaires pour répondre à notre invitation. Ils ont
pensé que rendre hommage à la mémoire d’un homme dont la vie
tout entière a été consacrée au culte désintéressé de la science, c’était
264
RBVDE DE L’hTPNOTIBME
encore servir la science. Nous les remercions d’avoir pensé, comme
nous, qu’un des premiers devoirs qui incombent au sentiment éclairé du
patriotisme, c’est d’honorer ceux dont les travaux contribuent à la pros¬
périté et à la grandeur de la patrie.
En acceptant la présidence d’honneur de notre comité, M. le D' Ray¬
mond, professeur de clinique des maladies nerveuses à la Faculté de
Paris, et M. Beaunis, professeur honoraire à la Faculté de Nancy, ont
démontré qu’il ne restait rien des antiques discussions entre les deux
écoles de Nancy et celle de Paris. Les querelles scientifiques ont le
grand avantage d'aboutir à des conclusions légitimes, logiques et pro¬
fitables à l’humanité. Elles se terminent toujours par de sincères récon¬
ciliations. (Applaudissements).
La présence de M*"* Liébeault et de M*'* Claire Liébeault, venues de
Nancy avec une délégation d’amis, donne à notre réunion d’aujourd’hui
son caractère de véritable fête de famille. Autour du buste remarquable
dû à l’habile cibcau du statuaire Félix Maillols, se sont groupés les élè¬
ves, les admirateurs et les amis personnels du D' Liébeault. Plusieurs
sont venus de très loin. Notre cher et estimé collègue, le D' Lloyd-
Tuckey de Londres, nous a donné en cette circonstance, une nouvelle
preuve de la fermeté de ses sentiments. Il a traversé la Manche pour nous
apporter le salut des psychothérapeutes anglais. (Applaudissements.)
Le modeste médecin de Nancy dont la perspicacité a si gran¬
dement élargi le champ des connaissances psychologiques, était digne
de ces pieux hommages. Créateur de la psychothérapie, c’est-à-dire de
la science qui contribue le plus puissamment au soulagement de la
souffrance humaine, il fut également un admirable professeur, car il a
laissé après lui une pléiade d’élèves qui continuent à s’inspirer de ses
doctrines et de son enseignement. La fidélité de leur admiration perpé¬
tuera la mémoire de Liébeault et rappellera qu'il eut le mérite de doter
l’art de guérird’une branche nouvelle. (Applaudissements prolongés).
Allocution du D' Paul Magnln
professeur à l’Ecole de psychologie,
vice-président de la Société d’hypnologie et de psychologie.
Il y aura bientôt seize ans, le 25 mai 1891, avait lieu à Nancy une
cérémonie particulièrement belle et touchante. Le D' Liébeault prenait
sa retraite et, répondant à l’appel de médecins anglais et hollandais,
ses élèves, un grand nombre de ses confrères, avaient tenu à lui offrir,
à cette occasion, un témoignage de leur commune admiration.
Après lui avoir remis, au nom du Comité international, le bronze bien
connu de Mercié, David vainqueur de Goliath, ainsi qu’un album con¬
tenant les photographies des souscripteurs, Dumontpallier se fit l’inter¬
prète de la respectueuse sympathie de tous les assistants pour « le
médecin modeste qui, mu par le seul désir d’être utile, a réussi à
soulager, à guérir un grand nombre de malades et à doter l’art de la
médecine d’une méthode nouvelle.
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBEAULT 265
« C’est à Liébeault, disait notre regretté maître, qu’il appartenait de
créer la psychothérapie et de la généraliser. C’est au modeste praticien
de campagne que devait revenir le mérite d’avoir fondé la grande mé¬
thode thérapeutique à laquelle on donne aujourd’hui le nom de a sug¬
gestion thérapeutique ». Pendant près d’un quart de siècle, Liébeault
répandit sa science en prodiguant gratuitement ses soins aux pauvres
et ses bienfaits devaient seuls le consoler des railleries du public et de
ses confrères. C’est donc pour nous, Messieurs, une grande satisfaction
et c’est pour moi un grand honneur d’ètre invité dans cette réunion à
lui dire notre admiration et notre reconnaissance ».
La souscription internationale laissait un reliquat. Consulté sur l’em¬
ploi de cette somme, Liébeault pria ses confrères de la consacrer à la
fondation du « prix Liébeault » que décerne chaque année la Société
d’hypnologie.
Le 16 septembre 1902, Liébeault entrait dans sa quatre-vingtième
année. Affaibli par l’âge et surtout par la maladie, vivant retiré dans
une demi-solitude il se disposait à quitter Léon pour rentrer définiti¬
vement à Nancy. Mais, auparavant, il voulut, à l’occasion de son soi¬
xante-dix-neuvième anniversaire, revoir encore une fois le toit paternel
et le petit village où il avait passé ses premières années. Grâce à une
touchante pensée de Mme Hæmmerlé et du D' Van Renterghem, pensée
approuvée par quelques-uns des amis et dévoués disciples du maître,
une douce surprise lui était réservée. Sur la façade de la maison qui
l’avait vu naître il vit une plaque de marbre blanc sur laquelle il put
lire l’inscription suivante :
Dans cette maison naquit, le 16 septembre 1823,
Liébeault, Ambroise, Auguste,
docteur en médecine, médecin modeste et homme de bien,
qui ouvrit une ère nouvelle aux sciences médicales
en les dotant de sa découverte :
L’application méthodique de la suggestion et du sommeil provoqué
au traitement des maladies.
Cette plaque commémorative fut apposée au nom de ses nombreux amis
et disciples, tant Français qu’étrangers, par :
Agathe Hæmmerlé, d’Odessa;
VAN Renterghem, dir. deV Institut psychothérapeutique Liébeault, d'Amsterdam.
Jules Voisin, Edgar Bérillon, Paul Magnin, Paul Farez, représentants de la
Société d’hypnologie et de psychologie de Paris.
Oscar VOGT, A. von Schrengk-Notzing, représentants du Zeitschrift fur
hypnotismus.
Charles Lloyd-Tuckey, de Londres. Otto Wetterstrand, de Stockholm.
Et c’eat ainsi que les habitants de Pavières peuvent s’enorgueillir
grandement d’un éminent compatriote déjà universellement honoré à
la fin de sa vie et dont nous couronnons aujourd’hui la gloire.
9 .
266
BETUE DE l’hypnotisme
Liébeault nous a montré la révolution qu’un homme peut à lui
seul accomplir dans l’évolution des idées philosophiques et scientifiques
de son époque quand ses travaux ne visent que la recherche de la vérité.
Il nous a permis de comprendre ce qu’a de profondément grand une
existence faite toute de droiture, de bienveillance, et de bonté quand
elle a pour but le soulagement désintéressé de ses semblables.
Aussi Liébeault apparaîtra-t-il toujours aux yeux de ses collègues de
la Société d’hypnologie et de psychologie comme une des plus nobles,
une des plus belles figures médicales de notre temps. (Applaudissements
prolongés).
Allocution du Ch. Lloyd-Tuckey (^)
membre du comité de la Society for psychical research, de Londres.
C’est avec un vif plaisir que j’apporte, de Londres, l’hommage des
psychothérapeutes anglais à la mémoire du D** Liébeault.
Je remercie particulièrement mon ami le D' Bérillon qui, en faisant
revivre la physionomie si noble du créateur de la psychothérapie, m’a
fourni l’occasion de rappeler ce que je dois à ses enseignements.
Il y a vingt ans, je me rendais à Nancy, attiré par la renommée de ce
grand savant. Je n’oublierai jamais l’accueil que je reçus dans sa
clinique. Avec beaucoup d’empressement, il s’efforça de m’initier à la
pratique de son art. Tous ceux qui ont eu, comme moi, le bonheur de
recevoir ses conseils, ont été conquis par sa personnalité géniale, par
son grand savoir psychologique, mais aussi par sa bonté et par sa
modestie. Ce sont ces qualités qui l’ont rendu si cher à tous les médecins,
venus de tous les pays pour s’instruire auprès de lui.
Cette réunion de savants illustres, de médecins, et de psychologues,
auxquels il faut ajouter les noms de ceux dont le D'Bérillon vient de
nous communiquer les télégrammes, montre que notre maître est honoré
non seulement dans son propre pays, mais aussi dans toutes les parties
du monde civilisé.
Il n’y a pas de ville importante où il n’y ait des disciples de Liébeault
et leur admiration a ceci de particulier qu’elle ne s’adresse pas à un
homme célèbre par les fonctions qu’il a occupées. Elle n’est inspirée que
par des sentiments d’affection et de reconnaissance.
En Angleterre, il y a actuellement, dans presque toutes les villes, des
médecins qui se sont spécialisés dans la pratique de l’hypnotisme. Ceci
est d’autant plus surprenant que le peuple anglais est essentiellement
attaché à ses traditions séculaires et qu’il n’accueille les nouveautés
qu’avec une extrême défiance. C’est surtout au point de vue médical
qu il se montre réfractaire aux doctrines nouvelles. Les idées dont
Liébeault a été l’initiateur faisant leur chemin en Angleterre, on peut
dire que c’est la démonstration éclatante de leur succès. Elle ont déjà
(1) Cette allocution a été prononcée en anglais.
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBEAÜLT
267
amené, par une évolution pacifique, la disparition d’une foule de mé¬
thodes anciennes et surannées qu’on appliquait, par esprit de tradition,
au traitement des maladies nerveuses et des maladies générales. La
substitution progressive de la thérapeutique suggestive à l’abus des
drogues peut être considérée comme un immense service rendu à
l’humanité.
11 y a quelques jours, un médecin éminent de Dublin, sir Francis
Cruise, dont la visite au D' Liébeault eut lieu quelques années après
la mienne, m’écrivait qu’il utilisait l’hypnotisme dans sa pratique cou¬
rante et qu’il en obtenait des succès remarquables. De Stockholm,
d’Amsterdam, de Berlin, de Moscou, de Lausanne, de Genève, de
Bruxelles, et d’un grand nombre d’autres villes, le même écho nous
arrive et partout le nom de Liébeault est salué avec admiration.
Si les adeptes delà psychothérapie ne sont pas encore plus nombreux,
c’est que les applications de Thypnotisme exigent une compétence spé¬
ciale et que les professeurs capables de l’enseigner sont rares. Heureu¬
sement l’enseignement donné à l’Ecole de psychologie, par des profes¬
seurs dévoués comme le sont les D*"* Bérillon, Paul Magnin et Paul
Parez, contribue à former chaque année de nouveaux élèves. Beaucoup
de nos compatriotes sont venus à Paris pour y suivre d’utiles leçons
qu’ils n’auraient pu trouver ailleurs.
Je suis heureux de constater que nous sommes unanimes à recon¬
naître la part prépondérante qui revient à Liébeault dans la connais¬
sance de l’hypnotisme. Le meilleur hommage que nous puissions rendre
à sa mémoire, c’est de nous inspirer de son exemple et de nous consa¬
crer, avec autant de dévouement et de bonté qu’il l’a fait, à l’application
de la psychothérapie. (Applaudissements prolongés).
L’œuvre psychologique de Liébeault.
par le D** Bérillon,
professeur à l’Ecole de psychologie,
secrétaire général de la Société d’hypnologie et do psychologie.
Avant d’exposer l’œuvre psychologique de Liébeault, J’ai le devoir de
retracer les diverses phases de son existence, si bien remplie. Je les
emprunterai en grande partie à l’Eloge qui fut prononcé le 21 juin 1904,
à la séanoe annuelle de la Société d’hypnologie et de psychologie, par le
D'Van Renterghem, d’Amsterdam.
Né le 16 septembre 1823, à Favières (Meurthe-et-Moselle), Auguste-
Antoine Liébeault ne commença que tardivement ses études universi¬
taires. Ses parents le destinaient à l’état ecclésiastique ; mais ce fut
contre son gré, qu’à l’âge de quinze ans, il fut placé au séminaire. Il s’y
montra peu docile aux enseignements de ses maîtres, et à la mort de son
père, il obtint de sa mère la liberté de suivre sa vocation qui l’entraînait
vers les sciences naturelles. A vingt-et-un ans, il prit sa première
268
RBTUB DB L’HYPNOTISMB
inscription à l’Université de Strasbourg.il se montra étudiant studieux,
et fut reçu docteur en médecine, le 7 février 1850.
Pendant les deux dernières années de son séjour à Strasbourg, son
attention avait été appelée sur les questions d’hypnotisme. Dans le
service du professeur Gros, dont il était l’interne, il avait pu observer
un sujet chez lequel on pouvait provoquer des saignements de nez.
Il suffisait,'pour réaliser cette expérience, de lui en donner l’ordre lors¬
qu’il était endormi.
Après avoir lu le Manuel du Magnétiseur du D' Teste, il essaya de
plonger quelques sujets en état de catalepsie et de somnambulisme. A son
grand étonnement, il y réussit. Il eut dès lors l’intention de se consacrer
à cette branche spéciale de la médecine, mais son professeur de clinique,
le D' Schützenberger, l’en dissuada. Il vint s’installer à Pont-St-Yincent,
près de Nancy ; et bientôt, absorbé par les exigences d’une nombreuse
clientèle, il oublia l’hypnotisme. Une seule fois, au début de sa carrière
de médecin de campagne, il faillit y revenir. Un vieux paysan le consulta
pour sa fille qui présentait des attaques convulsives ; Liébeault, ayant
constaté, chez cette malade, l’inefficacité des médicaments, proposa de
l’endormir. Le père s’y opposa, lui remontrant qu’il risquait de s’aliéner
sa clientèle ; les innovations étant en général fort mal accueillies, surtout
dans les campagnes.
Ce ne fut que dix ans après qu’il revint à ses études de prédilection.
La présentation à l’Académie des Sciences, par le célèbre Velpeau, d’un
exemplaire du livre de James Braid sur laNeurypnologie ouV hypnotisme
nerveux, le porta à recommencer ses expériences. Pour cela, il s’adressa
résolument à des malades de sa clientèle, leur offrant de les traiter
gratuitement s’ils se prêtaient à ses expériences d’hypnotisme. Il faisait
en outre valoir que ce traitement supprimait les frais de médicaments.
Cet appel à l’esprit d’économie fut entendu et il eut bientôt à sa dispo¬
sition un nombre considérable de sujets.
Pendant quatre années, il soigna gratuitement tous ceux qui voulaient
bien guérir par le moyen du sommeil provoqué ; il acquit par là une
expérience consommée, et sa réputation devint considérable auprès des
paysans de la région.
C’est alors que, convaincu de l'influence exercée par le moral, non
seulement dans la production, mais aussi dans la guérison des maladies,
il prit la résolution de soumettre au corps médical le résultat de ses
observations.
Venu à Nancy pour y trouver un champ d’expériences plus étendu,
Liébeault ne rencontra aucun encouragement de la part de ses con¬
frères ; au contraire, un certain nombre d’entre eux n’hésitèrent pas à
accabler de leurs dédains un médecin dont les théories médicales et la
thérapeutique étaient si peu conformes aux traditions officielles.
Il a raconté dans divers articles les difficultés qu’il eut à surmonter
pour triompher de l’esprit de routine. A ce point de vue, il ne fut pas
mieux partagé que Braid, auquel la Section de médecine de l’Associa-
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBBAULT
269
tion britannique pour ravancement des sciences avait refusé la lecture
d’une communication ayant pour titre : Essai pratique sur Vaction cu¬
rative de Vhypnotisme.
Doué d’un caractère élevé, inaccessible au découragement, Liébeault
vécut à l’écart, en dehors du monde médical, consacrant tout son temps
aux malades qui venaient à la clinique qu’il avait fondée rue de Belle-
vue. En 1866, il publia le fruit de ses observations dans un volume
remarquable ayant pour titre : Du sommeil etdesé^ats analogues, con¬
sidérés surtout au point de vue de Vaction du moral sur le physique.
Il y exposait les principes dont s’inspirent aujourd’hui tous ceux qui,
dans la pratique de la psychothérapie, sont restés fidèles à la méthode
scientifique.
On sait que cette œuvre passa inaperçue. Il n’en fut vendu qu’un seul
volume ! M. Liégeois racontait avec humour au professeur Delbœuf, en
visite à Nancy en 1887, comment, ayant pris en main et feuilleté ce vo¬
lume au moment de son apparition, il l’avait trouvé trop cher !
Depuis lors, Liébeault a pris sa revanche. Non seulement les deux
éditions de son livre ont été complètement épuisées ; mais il est actuel¬
lement impossible de s’en procurer un exemplaire.
Dans la préface de la seconde édition, il exprimait, en termes positifs,
le dédain que doit professer tout homme de caractère à l’égard des
jugements superficiels ou malveillants. « Du moment qu’on s’écarte du
courant ordinaire de la science, en s’occupant de choses qu’elle rejette,
ainsi que je l’ai fait dans mon traité spécial sur le Sommeil provoqué,—
et que par conséquent, on ne se range pas derrière ses grands prêtres
comme des moutons de Panurge, — on se séquestre nécessairement, et
les savants et le vulgum pecus s’éloignent de vous. .Heureux ! si l’on
rencontre par-ci par-là quelques timides adeptes qui vous consolent
tout bas. >
(( Mais, en ce cas particulier, qu’importe l’adhésion des savants et du
public, quand on est sûr des vérités que Ton met au grand jour ! Qu’im¬
portent surtout les anathèmes et les dogmes de la médecine classique,
lorsque, établi sur le terrain solide de l’observation et de l’expérimenta¬
tion psychique, on a acquis la conviction d’avoir entrevu non seule¬
ment des vastes horizons à une branche naissante de la psychologie,
mais encore d’avoir constaté les applications de cette science à l’art de
guérir, lesquelles se résument dans la thérapeutique suggestive, théra¬
peutique révolutionnaire au premier chef ».
Une période d'une vingtaine d’années s’écoula entre la publication du
livre de Liébeault et la révélation de ses idées. Il passa tout ce temps à
s'occuper de ses malades, leur consacrant toutes ses journées.
Ses consultations ne furent interrompues que par l’occupation alle¬
mande, durant laquelle il mit son dévouement professionnel au service
des blessés allemands recueillis dans les locaux du Grand séminaire de
Nancy.
Il employait les quelques heures de loisir que lui laissaient ses devoirs
270
REVUE DE l'hypnotisme
de chirurgien à écrire son livre intitulé : Ebauche de Psychologie, paru
en 1873, et qui n’eut pas, tout d’abord^ plus de succès que le précédent.
Ce livre est actuellement devenu introuvable.
Aussitôt après le rétablissement de la paix, il reprit ses séances
d’hypnotisme, et recommença à soigner les pauvres.
L’ostracisme dont Liébeault avait été jusque-là la victime résignée,
ne prit fin qu’au commencement de 1881.
Un de ses camarades de la Faculté de Strasbourg, le D** Lorain, étant
venu lui rendre visite à la modeste clinique de la rue de Bellevue, l’y
trouva au milieu d’une vingtaine de malades plongés dans l’état
d’hypnotisme.
La singularité de ce spectacle, auquel il n’était pas accoutumé, im¬
pressionna tellement le D" Lorain qu’il en fit part à tous les confrères
qu’il rencontra, les invitant à se rendre compte par eux-mêmes des
expériences dont il avait été le témoin.
Devant son insistance, le Dumont, chef des travaux physiques à la
Faculté de Nancy, assista à une consultation du D** Liébeault. Il y prit
un tel intérêt que pendant quelque temps, il devint le collaborateur du
maître.
Mais, malgré ses affirmations, le corps médical, et les professeurs de
la Faculté, restaient encore indifférents. C’est alors que le D*^ Dumont
demanda à M. Liébeault d’appliquer sa méthode à quelques malades de
l’asile de Maréville, près de Nancy, qui lui seraient soumis par le
D** Sizaret, médecin en chef de cet établissement. Les expériences furent
faites devant un certain nombre de hauts fonctionnaires, de magistrats
et de conseillers généraux. Plusieurs malades atteints d’hystérie furent
endormis par le IXLiébeault avec la plus grande facilité. Quelques jours
plus tard le 10 mai 1882, il présenta à la Société de Médecine de Nancy,
revenue de ses préventions d’antan, quatre sujets sur lesquels il réalisa
un certain nombre d’expériences de suggestion qui frappèrent très
vivement les trente-deux médecins présents à la séance (^).
Dès lors, l’incrédulité des confrères commença à se transformer en
admiration.
La Revue de Vhypnotisme, créée en 1886, eut, dès sa publication, le
D** Liébeault parmi ses plus actifs collaborateurs. Elle publia de lui de
remarquables études, et porta son nom dans toutes les parties du monde.
Bientôt, les visiteurs affluèrent à sa modeste clinique, et dans le cours
des années 1887, 1888, 1889 et 1890, jusqu’à l’heure où il prit sa retraite,
il ne se passa pas un jour où le maître ne reçut la visite de quelque
médecin français ou étranger, venu à Nancy, pour être initié à la con¬
naissance de la suggestion hypnotique et à la pratique de la psychothé¬
rapie.
Pendant cette période de sa vie, l’activité du Liébeault fut vraiment
prodigieuse. Indépendammentdesenseignements donnés à ses auditeurs,
(l) Revue médicale de l'Est, [)• aimée, t. XIV, p. 438.
fNAÜG.ïjHÀ’l'jjCtf»'DIT BOSTB nu biïCTEü» 271
il lu RcjMkfl^ t'h^fffUùSisfne.,. H
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Çait Ibj ig pfo&i^Sç.iaf ^elb^nf, dans uné broeljyre puî^bde éu IMÜ.
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pafoie aoûdfb «t prdcîpiiëdôpliyaipuoniiq ouverte rridlaiige de gravité et
dé de douceur ’i une gaie^ d’enfatit :; quelque
chose du pr^fé‘-^-w-sufidOPi é'est utt apétre, aa apôtre qu.i a teujt^asefiûé ^
à sa fét j . U
viltey ii: doit aopvéntrîêmaniîér sob chemb ; Ü .ighore.te.nooi dés rwes «t
s’fïgarefa/nôéîé ûïisèdlrigéiâvbt ver» la station.'Sa figar^ésl |>t*ij(. eoïjrpje
dés’:j^deli^;^ m^ éàt cêlêbreadprè* <hi'peiîj){&i â dix Héaes
à la ronde.' 1 »^' , ,
Au eOBî^eaeéihcot dp 1891,1e rjéhcautt ayant m^ifcstérinteniion
do preudré -bn rèpbé b^^ di^ feyttief la dlîniqiie de psycho**
thdtWjijIè du tiiinS de pratiçièn© étaient vcons^de ^uè lés points du mohd^
s’irïàtTttire i S*!® lésons donBoe^^ de Siê'nVéiUanüe. et de dëàjn-
téresaeaietit, on groupe de médecJpît Orangers éùt l'idéé de toi offrir, à
i'oçcaaioB de; Sa retraite, « îêmpignaged'^dmirftîioïi.ctd® reBonuaia-
sacco. ■■ ■ '■ . ■ , -, ‘':'v• îs■.' ■■
tiS eéréinonie eut lieu à ^»aoé>vlle'_2o mai I89ï,
Ajiréé avoir offert Ltélîeauît, au nom dû cornîiç^, îaterftatïonnal
un ^ifoMc eak^^W.^Upi ik. D&iiiâ} stalttâire
M©rdid^8ÿihi>dlé;dldq«ddV dédA Îtftfe^^^^^ force aveugle, ..,;i r-
du oeidiiat érigagtï pafcd^ dé i«, routiaé. '. '>:^ÿï^y' ■
.M; îmoioBtpdlîipri lit ^aciété, d’Kypftoiogfo t*É de psyçhotegJé,; ^
lui reroît urt, ojftgnjfiqjoc alhuin pâiotepâlnt tes photographies des aoUB- .' r:
erîpte.uYs. tmie, dans un ^liscours ôlOquoftt', U rappeUt lé mouvôrnent \ -
sciéntÙTque si considérablé dont l«S travaux de îddbouult avaient été le .,
point de dc(mrt-'Après luit le ,Béiitorgliem fesprima on ttermés
énjas les écnîitnoBts dés élwés. ri des »dinirafe«rs tfo itiébeauU,
« NdusaruotnpUBsafts àujonrd’hpi.i dltrilpn ierrirlnant, un pieu* pôle-
rinago, ndttsliaueh.O,n.S'ici ùotro Meoutte, et nous avons le üjonhéMr de ; * '
voir parmi fifHîs/ëôh foom son ntodeate pf.ophété.M, 5 dais ce qui est rémar-
quaWé'BUirtout, et c* .qui noua rrtuplil Je "cœur d'alldgresao. c’est que, - .
génèraWmeftt^'les pèlerinages n'ont ,üeu quApréfe la mort des prophefes .;-•/ ,- '
et qu.'on^'ne,Aniîtfi l'gïiiVe, que lMnra-té.ljqué 8 - et leurs tQmhe'^fâ.'.j:idmÜ 8 ■
que notre péoplïètP vit,, et qu il noua est réservé''ht faveur èxtrôfne de. ^ '
pouyniv rfcùdrer dé80:0 vivant,’> ;■:
Iteureys un çfl'et,-sont ceux qiiî on pu vivre-asser longtemps pour voir .'
léUré Idées Ceux qui''Ont îtjnnvè, ou agrnédi fo iiércJé .des
uonnuisBaéCédiiuniainès ne re^îvenl d'ordinaire que deshonBeura pas- -
272 l’hypnotisme
Ihûmes'^WébeaMH ü/eu dôns as vifl^H'gss.c
triompha décati» ^ioclrnies. -'’' ’ ' : 'V”r\V " !v''V-V-‘‘K ..-v
' ETn YeïjjitL'; ui»? <i«rni5i;,é yjgH^ % iâ.flîUjson fiiif riiVüH
vu naîtJ'Cj’^ .f}^îè^8i il «e^ïütpas pè^rsüVfifia. 'de &'OHV'B};^,‘3p|lbsfS<‘ aU*
rfiésaua dé: jfH5îi« «ne {iî»iï«e ëii niarbri? înscriptîon ^xposaif
scs titrés à !« réèonnaisrSiipeé publique. 'Mon collègue et aoû Paul.
Mfignin-V&US/Êb a
1} s’éteignit en laOîo|î>tfe ,te» bras de Mme. Liéfae^ûJt et de éafinè
I(*5 éérîiitr ÿtittraU *lo,.b' réélîeauJt
■■ ifci‘'%6t.<ia,7S au8; '■ • '■_
iWoptiye, Mlle Glaire tdêîîeâtitî, dp#tiéit'<ïR|;aBa; vie
tes daiicpuré d’un bouhfetir' &m^ sans mètabge/’
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ti*c&tiVre de Liéheaurtv qui apparatl à
béaufeprtp cotniné #spiF^
tout psyçlmïo^qifèv^tjes appli^
cations mullipieP qui d^rlveqt de-Ééâ doctfiflei se rftVtacbent autant à la
sociologie qu’à la tïiddeeinç proprémonÊ ce qwi.ett
l!Qn6titu.e: le. moindre iutCrèt, V
diversoB ptuvseS’l paiv îc'yqufellea du
1 \ '-VitP
INAUGURATION OU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBEAULT
273
D' Liébeault « au temps où il marchait daos les ténèbres et presque sans
guide > fut exposée dans une étude fort intéressante que nous lui avions
demandée, et qui parut dans la Revue de l’Hypnotisme le l*' octobre 1886
sous le titre : Confession d’un médecin hypnotiseur. Il m’avait fait le
grand honneur de me dédier ce travail, qui fut reproduit, en appendice^
dans la seconde édition de son livre : Thérapeutique suggestive ; son
mécanisme.
Liébeault nous y révèle comment, ayant tenté de provoquer le sommeil
artificiel par le procédé des magnétiseurs, il n’avait pas tardé à constater
qu’il fallait attribuer la production du sommeil à l’effort que faisaient les
sujets pour fixer leur attention sur ses yeux, et à leur contention d’esprit.
Dès ce moment, il fut convaincu que le sommeil provoqué n’est pas l’effet
de l’action d'un fluide étranger ou humain, mais qu’il naît de l'isolement
des sens et d’une concentration. »
Le procédé auquel il eut recours pendant quelque temps, empruntait
à Braid « la fixation d'un objet plus ou moins brillant » et à Faria
« l’affirmation de dormir. »
Rien d’absolument personnel n’apparait donc dans ses premières
tentatives. C'est un peu plus tard que le rôle prépondérant de la sugges¬
tion se précise dans son esprit. Il découvre que le moyen le plus sûr
pour provoquer l’hypnose, c’est d’insister sur l’apparition des principaux
symptômes du sommeil ; le besoin de dormir, la pesanteur des pau¬
pières, le sentiment du sommeil, la diminution de l'acuité des sens, etc.
Ces affirmations, répétées d’une voix douce, avec un accent convaincu,
-impriment progressivement dans l’esprit des sujets d’idée de dormir,
idée qui ne tarde pas à se transformer en sommeil plus ou moins ac¬
centué.
La suggestion autoritaire de Faria, résumée dans le mot « Dormez ! »,
peut trouver son application chez certaines personnes, habituées, dès
l’enfance, à s’incliner sans discussion devant toutes les injonctions
impératives ; la grande majorité des hommes se montre plutôt disposée
à se laisser alaiiguir et désarmer par l’influence persuasive de sug¬
gestions expliquées, commentées. C’est seulement lorsque le sommeil a,
été obtenu que les suggestions, faites dans le but de guérir, doivent
légitimement, comme nous l’avons souvent démontré, revêtir le carac¬
tère impératif.
Liébeault était dès lors en possession d^un procédé personnel, dont il
expose les points principaux dans les termes suivants :
1° Par l’affirmation des signes du sommeil ordinaire, on produit le
sommeil provoqué ;
2* Dans le cours de ce sommeil provoqué, on détermine par suggestion,
sur les sujets endormis, une foule de phénomènes psychiques et physio¬
logiques ;
3® Enfin, par l'injonction de se réveiller, les sujets sortent de l’état
passif où on les a mis. Pour Liébeault, et c’est là, dit-il, la partie essen¬
tielle de son credo, le sommeil provoqué et le sommeil naturel sont du
274
REVUE DE l'hypnotisme
même ordre, parce que du commencement à la fin, les phénomènes de
Tun et de Tautre sont parallèllement identiques, a Ils ne difîèrent qu en
ce que le dormeur ordinaire s'auto-suggestionne pour entrer dans son
sommeil, au contraire de Tautre qui, dans le même but, est sugges-
itionné par autrui. « Liébeault dans ses écrits a accumulé les preuves les
plus démonstratives en faveur de cette opinion dont il a fait la base de
sa doctrine. C'est d'ailleurs par cette démonstration qu'il entre en
matière dans son livre sur le Sommeil paru en 1866 :
« Si l'on considère, écrit-il, Tun après l’autre, les signes de la formation
du sommeil ordinaire et du sommeil artificiel, on remarquera qu’ils sont les
mêmes.
« Les physiologistes qui se sont occupés du sommeil ordinaire ont déjà
observé que cet état ne peut se manifester sans un consentement préalable
de l’esprit. Il est aussi acquis à la science que, lorsqu’on veut s’abandonner
au repos, on recherche l’obscurité et le silence, on se couvre la tête et le
corps pour éviter le contact d’un air trop vif ou la piqûre des insectes ; on
se place sur un lit moelleux et Ton chasse de son esprit toutes les idées qui
pourraient le préoccuper, bref, on s'isole de ce qui amène la distraction des
sens et de ce qui alimente activement les facultés intellectuelles ; l’on ne songe
qu’à une chose, reposer; l’on ne se berce que d’une idée, dormir. Et ce
n’est pas seulement l’homme qui entre ainsi dans le sommeil, les animaux
à sang chaud s’isolent de même, les oiseaux se mettent la tête sous l’aile,
les mammifères se réfugient dans une retraite ou se roulent en boule, la
tête entre les pattes ; tous cherchent une place commode et profitent du
silence et de l’obscurité de la nuit. »
«c Ainsi, consentement au sommeil, isolement ménagé des sens, afflux de
l’attention sur l’idée de s’endormir, ce qui, physiologiquement, se traduit
par le retrait de cette force des organes sensibles pour s’accumuler dans le
cerveau sur une idée mémorielle ; puis enfin, subsidiairement, besoin plus
ou moins pressant de reposer, et moyens mécaniques facilitant l’immobili¬
sation de l’attention, tels sont, au premier aperçu, les divers éléments du
mode de la formation du sommeil ordinaire. »
« Pour le développement du sommeil artificiel, ce mode n’est pas différent.
On s’est aperçu que les personnes que l’on veut endormir ne sont nullement
Influencées si leur attention va d’une sensation à une autre ou voltige, tour
à tour, sur une foule d’idées sans s’arrêter à la pensée de dormir ou sont
convaincues qu’elles ne dormiront pas. De plus, on peut faire la remarque
que, dans leurs procédés pour amener le sommeil artificiel, les endormeurs
mettent d’abord ces personnes dans l’isolement des sens, en privant, autant
que possible, ces organes de leurs excitants, et en empêchant, par là, l’at¬
tention de s’y diriger comme d’habitude. Aussi, leur recommandent-elles le
silence et les placent-elles dans l’obscurité, sur un siège commode et dans
une chambre dont la température est douce. Pour aider à l’immobilisation
de l’attention de ces personnes, ils veillent encore à ce qu’elles fixent les
yeux sur les leurs ou à ce qu’elles regardent un objet qui frappe la vue par
son éclat, et ils ont soin, ensuite, de leur recommander de ne songer à rien
autre chose qu’à dormir, comme lorsqu’elles veulent d’habitude se livrer au
repos. Au bout de quelque temps, si leurs paupières ne sont pas closes, ils
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBEAÜLT 275
les leur ferment, et d*une voix impérative, ils leur ordonnent le som¬
meil. »
L’idée directrice de l’œuvre de Liébeault apparaît clairement dans le
seul énoncé des chapitres de son livre, que je dois me borner à citer,
sans en extraire les aperçus si originaux et si personnels qu’ils renfer¬
ment. En voici les principaux :
De la production du sommeil ordinaire et surtout du sommeil pro^
voqué.
Effets de Vattention accumulée sur les diverses fonctions.
Du moral, cause de maladies.
Du morale cause de guérisons.
Du mécanisme intime des guérisons pendant le sommeil.
Considérations au point de vue curatifs sur Vart d'endormir et de
faire la suggestion.
En résumé, on doit à Liébeault d’avoir établi l’analogie du sommeil
artificiel avec le sommeil ordinaire et d’avoir exposé les signes carac¬
téristiques des divers états hypnotiques.
Sa classification des degrés de l’hypnotisme, basée sur les différences
que présentent les sujets dans le pouvoir de faire des efforts d’attention et
de manifester de l’initiative, défie encore aujourd’hui les tentatives des
imitateurs et des plagiaires.
Rappelons aussi l’ingénieuse théorie par laquelle il explique l’appa¬
rition des phénomènes de l’hypnotisme, qu’il place sous l’influence de
rallenlion, envisagée par lui comme une force nerveuse rayonnante,
circulante, alternativement centripète ou centrifuge, susceptible de
s’accumuler, sous l’influence de l’idée suggérée, dans les diverses régions
de l’organisme. Pour lui, les phénomènes divers qui apparaissent pen¬
dant le sommeil relèvent de la loi du balancement organique des forces,
loi par laquelle, selon Cabanis et Bichat, la force nerveuse répandue
presque également dans tout le système nerveux, afflue sous certaines
causes, vers un point ou quelques points du corps, et y détermine l’ex¬
citation de certaines fonctions organiques au dépens des autres fonctions.
C’est en germe la théorie de l’inhibition et de la dynamogénie dont
Brown-Séquard se servira pour l’interprétation des mêmes phénomènes.
Liébeault a également expliqué, parles états hypnotiques, les tables
tournantes, la baguette divinatoire, le spiritisme, les possessions, les
hallucinations collectives, etc.
Précurseur de Tarde dans l’étude de la psychologie de foules, nul n’a
mieux démontré que lui l’influence de l’imitation si avantageuse à l’hu¬
manité lorsqu’elle est limitée dans de justes bornes, mais si contraire à
l’esprit d’examen, quand elle n’est pas corrigée par l’esprit d’initiative.
Comme il le disait avec raison : « Le savant a continuellement à se
défendre contre les envahissements de cet ennemi prêt à s’emparer de
lui sans qu’il s’en aperçoive. Lorsï^ue l’on est en son pouvoir, ce n’est
pas chose facile de faire table rase dans son esprit d’une foule d'idées
préconçues que l’on croit vraies et que l'on caresse comme siennes; on
27t» HEVUa îiE i. HyPNOT^SMB
lier eacf^fîe ai$4m«Dt enfanté ayMtp
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écrit un ancten medé^ih? le meilleur des reihède» îtîen ne pnWuudrà
jômaÏP eDDtre eeUé yicfllG; véritèv ;Gk^^ iéùlant^
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îé^ :piVur;baî':dé;îéÿ4éhdî^^
^jhftuy. Et n'anraitdl'Que la pfûpirîé^fé'd'éiye uu eafmàp^ ^ H éu Hen
-’ d'àd ireî^ qu ül fkudrèftfyf artiflce de sùggéBïiûn^ litié'
ifduié déi cas^ ne TémpJàéetà:|î^ü^ sé replongé
tops |#:îdurs dyèe atiraii . ii:ôùr^ moral
mr le ? ^Puiirqudî né .servfràjit-ü pas do p(dnt d'appuf k la. suggea-
lion ddUt il Ipl^ d^rlyéï inè permette une
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ée de ne pas s’yoéuctier et déi^^étéhd^^^^^
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. ;.ti| A. ii'^iVor» les étais : le spmuiélJ de fhyf^
'4ftûéé^ IWi p. 66. ; . ', , ' ■ V ■ ; .
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBEAULT
277
Le dernier article que nous envoya le D' Liébeault parut sous le titre :
L'état de veille et Vétat d'hypnose. Il y résume très nettement son opi¬
nion sur la valeur thérapeutique de Thypnotisme (i) :
« On a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, de la suggestion à l’état
de veille, et les quelques disciples du professeur Delbœuf qui ont admis,
avec lui, cette opinion irréflective sur la possibilité de Tefiicacité d’une telle
suggestion, sont allés même jusqu’à dire qu’elle est, dans ce cas, plus puis¬
sante sur l’organisme qu’elle ne peut l’étre dans le sommeil. Ils se sont
grandement trompés. S’ils ont eu des succès, ces succès ont dû être peu im¬
portants, et ils ont été uniquement les fruits d'un sommeil partiel et spontané. »
Dans ces lignes, Liébeault appelle, avec raison^ l’attention sur la pos¬
sibilité d’obtenir, chez un assez grand nombre de sujets, l’état d’hypno¬
tisme fortuity ce qui se rencontre surtout chez ceux qui sont doués d’une
extrême suggestibilité. Ce qui a donné l’illusion de l’influence exercée
par une prétendue suggestion à l’état de veille, c’est qu’il est arrivé à
un certain nombre de thérapeutes d'avoir provoqué l’hypnotisme, comme
M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir.
Enfin, alors qu’il était déjà depuis quelques années plongé dans la
retraite, ayant lu l’exposé de certaines théories qui tendaient à réduire
le rôle que Thypnotisme doit jouer en psychothérapie, il reprit sa vail¬
lante plume et nous adressa la lettre suivante que l’on peut considérer
comme l’expression de son testament scientifique :
Mon cher confrère et ami.
NancjTy le g mai iSg8.
« Dire avec le paradoxal Delbœuf qu’il n’y a pas d’hypnotisme, c’est-à-dire
de science du sommeil^ c’est en nier les phénomènes, ce qui est absurde: dire
qu’il n’y a que de la suggestion, c’est en plus affirmer qu’on ne reconnaît
que le mécanisme psychique de la suggestion, ce qui est encore plus absurde.
Ces deux choses du sommeil sont parties inséparables : l’une est cause, et
l’autre effet. »
« A la base des manifestations de la veille, il y a un ejjort centrifuge plus
ou moins conscient de l'attention, agissant des centres cérébraux vers les ex¬
trémités nerveuses des sens pour créer nos impressions du monde ambiant;
à la base des manifestations du sommeil, Vattention, par un mouvement cen¬
tripète, se porte en sens contraire et se replie des extrémités sensibles vers les
centres pour laisser V organisme en un état passif plus ou moins profond. »
« Cette théorie physiologique du mécanisme du sommeil provoqué est inex¬
pugnable. Conservons-la. Ceux qui prétendent, sans preuves à l’appui, que
la suggestion est aussi efficace pendant la veille que pendant le sommeil
n’ont pas compris que toute la valeur curative de l’action morale réside pré¬
cisément dans la production préalable de l’hypnotisme ou des états passifs.
— Ils useront leurs dents contre nous.
A. Liébeault.
★
♦ ♦
La valeur de la psychothérapie méthodique, telle que la concevait le
(1) Liébbaült : L’état de veille et l’état d’hypnotisme. {Revue de VHypnotisme^
12* année, mai 1898.
278
RBYUB DE l’hypnotisme
D»* Liébeault, a été mise en relief par un nombre si considérable de
cliniciens autorisés, qu’il nous est impossible d’énumérer leurs travaux.
Actuellement les médecins qui nient a priori l’importance de l’hypno¬
tisme en thérapeutique, sont si rares, qu’il convient de les traiter comme
une quantité négligeable. Aussi^ c’est avec raison que le professeur
Spehl, de Bruxelles, dans VIntroduction h son cours de psychothérapie,
professé à l’Université de Bruxelles en 1902, faisait remarquer que
l’hostilité contre le traitement psychologique ne se traduit plus que par
des appréciations absolument enfantines, décelant une profonde igno¬
rance de la question. A ce sujet, le professeur Spehl disait :
( Ces adversaires de parti-pris ne réfléchissent pas que le traitement
moral est, en définitive, le seul vraiment a humain », le seul qui se dis¬
tingue de la thérapeutique vétérinaire, et que le rôle du médecin n’est
nullement diminué ni son prestige amoindri, parce qu’il obtient de
meilleurs résultats par l’action psychique que par les remèdes internes!
Nous estimons, au contraire, qu’une semblable intervention est sans
conteste d’un ordre plus élevé, car elle ne se limite pas au seul traite¬
ment physique ou mécanique de la bête, elle s’adresse à l’homme tout
entier, tel qu'il est, avec ses passions, ses préjugés et ses faiblesses. »
Mais l’œuvre de Liébeault a une portée plus étendue que celle de
multiples applications à la médecine. Deux hommes éminents, MM. les
professeurs Liégeois et Beaunis, de Nancy, ont dû aux enseignements
directs du maître, de pouvoir faire ressortir le puissant intérêt que
l’étude de l’hypnotisme présente pour les magistrats, pour les socio¬
logues et pour les psychologues.
M. Liégeois, que des liens d’étroite amitié n’ont cessé d’unir au D** Lié¬
beault, a développé et commenté les idées du maître dans le remar¬
quable mémoire sur la Suggestion hypnotique dans son rapport avec
le droit civil et criminel^ dont il donna lecture en 1884, à l’Académie
des sciences morales et politiques.
Quant à M. Beaunis, apportant aux travaux de Liébeault le contrôle
de la méthode expérimentale, telle qu’on l’applique dans les laboratoires
de psychologie, ses recherches ont mis en lumière, d’une façon irré¬
futable, l’influence que le cerveau exerce, dans l’état d’hypnotisme, sur
les fonctions organiques ordinairement soustraites à l’influence de la
volonté. Il a également démontré que l’hypnotisme constitue une mé¬
thode précieuse d’expérimentation qui, employée avec précaution, peut
servir à la solution des phénomènes de Tintelligence.
Je ne connais rien de plus attrayant et de plus instructif que la lec¬
ture de la deuxième édition du livre de M. Beaunis, sur le Somnambu¬
lisme provoqué, paru en 1887, dans lequel il prévoit « que le jour n’est
pas loin où la pédagogie aura a compter avec Vhypnotisrne et ou sera
appliquée ce qu’on a appelé justement Vorthopédie morale. »
C'est vers la réalisation de cette prédiction deM. Beaunis que j’ai per¬
sonnellement orienté tous mes efforts ; c’est vers ce but que j’ai été guidé
dans toutes mes préoccupations scientifiques. Les créations successives
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBEAULT t79
de riNSTlTUT PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE, de TEcOLE DE PSYCHOLOGIE, du DIS¬
PENSAIRE PÉDAGOGIQUE et plus récemment encore du Dispensaire anti¬
alcoolique, ont marqué chacune des étapes successives de notre évolution
dans l’application pédagogique et sociologique de l’hypnotisme. Grâce à
ces institutions, destinées à donner aux médecins et aux étudiants un
enseignement pratique permanent sur toutes les questions qui relèvent
de la psychologie appliquée, il m’a été permis de mettre en lumière la
haute valeur des procédés auxquels j’ai donné le nom de méthode hypno-
pédagogique.
Cette méthode, dont l’hypnotisme constitue l’élément fondamental,
permet de remédier chez l’enfant, et même chez l’adulte aux impulsions
vicieuses, antisociales, qui résultent de l’absence du pouvoir modéra¬
teur et de la volonté d’arrêt.
Si je suis arrivé à la conception d’une méthode rigoureuse, capable
de réaliser la transformation du caractère chez les pusillanimes et les
vicieux, à la rééducation de la volonté chez les impulsifs, c’est aux
patientes recherches de Liébeault que je dois cette inspiration. C’est à ce
maître vénéré que je veux en reporter tout l’honneur. (^ppJaudissements.)
★
4 *
Personne n’ignore que depuis quelques années, un certain nombre
d'esprits, mus par un snobisme d’un ordre particulier, affectent d’atta¬
cher une grande importance aux questions d’occultisme. Mon ami Jules
Bois, ayant eu, en 1902, l’idée d’ouvrir une enquête sur Timportance de
ce mouvement vers un néo-mysticisme aux allures vaguement scienti¬
fiques, écrivit au D^ Liébeault pour lui demander son opinion.
Il en reçut les réponses suivantes, que nous ne pouvons résister au désir
de reproduire, car elles témoignent une fois de plus du caractère haute¬
ment scientifique, mais en même temps empreint de sereine indulgence
dont le créateur de l’Ecole de Nancy fut toujours inspiré (^) :
Ma conviction est qu’il y a dans le mysticisme spirite des formations de
phénomènes psychiques réels, mais ces phénomènes sont mal interprétés et
n’ont presque jamais été rapportés à leur véritable cause. Cette cause n'est
pas hors de l'homme, elle est en lui, dans son cerveau, elle prend ses racines
vraies surtout dans les états passifs dont le sommeil et les rêves sont le terrain
de formation.
Les recherches expérimentales de MM. Crookes, Lombroso, etc. qui sont
encore pourmoi à être vérifiées, n*ont pas exercésurmon esprit une influence
convaincante. Je voudrais, dans des cas pareils, surveiller, voir, palper, etc.,
les phénomènes produits en présence de ces savants. Pourquoi les faits qu'ils
rapportent sont-ils environnés de conditions si difficiles à réaliser, et pourquoi
ne se manifestenhils que sur des sujets privilégiés, sinon introuvables ?
Quant à la télépathie et à la communication de pensée, (je me tais sur le
dédoublement des personnes et sur les matérialisations, que je ne saurais
envisager sérieusement) dont on n’a pas encore trouvé les conditions ni les
lois, et dont, par conséquent, on n’a pas encore pu renouveler les phéno-
(1) Enquête sur Toccultisme. Revue de Vhypnotisme. 16» année, n* 9, p. 257.
280
REVUS DE L HYPNOTISME
mènes à volonté, je suis loin de les rejeter comme absurdes et je ne doute
pas qu’on en trouvera le germe explicatif dans les propriétés actives du
cerveau pensant et tel qu’il fonctionne normalement.
Comme les hommes sont insatiables de bonheur — ils en ont si peu 1 —
ils se forgent un monde meilleur au delà de leur vie terrestre. Ce qui les
entretient surtout dans ces aspirations, ce sont les rêveries qu’ils font naître
dans leur esprit, rêveries dont ils ne peuvent plus se déprendre et qu’ils
transportent dans le monde de l’inconnu.
Les croyances religieuses, nées dans les états passifs de la vie, me parais¬
sent devoir se transformer, s’épurer fatalement, et même s’absorber les unes
dans les autres ; et la science, grâce à l’esprit d’examen, tout en les dissé¬
quant et les réduisant à leurs éléments simples, en diminuera sans doute
l’importance ; mais elle ne les pourra jamais détruire, parce qu’il y aura
toujours pour les hommes des inconnues à chercher et de rinconnaissable,
c’est-à-dire un terrain sans limite et largement ouvert aux croyances mys¬
tiques invérifiables de ceux qui ont plus de sentiment et de sensibilité que de
raison, et ils sont et seront toujours nombreux.
A. Liébeault.
Comme le faisait justement remarquer Jules Bois, Topinion du
D' Liébeault appportait dans son enquête la note de la vérité et du bon
sens. Elle démontrait en outre que les maîtres de Thypnotisme n'ont
aucun lien commun avec les esprits mal inspirés qu'un excès de crédu¬
lité, ou un défaut de réflexion, entraîne vers les pièges du mysticisme
ou de Toccultisme.
♦
♦ ♦
Malgré les oppositions systématiques que rencontrent toutes les
sciences nouvelles à leurs débuts, nul ne peut nier aujourd’hui l’impor¬
tance et la valeur des travaux inspirés dans tous les pays du monde par
l’étude de l’hypnotisme. Il en est résulté une véritable révolution scien¬
tifique, dont les eftets ne se manifestent pas seulement par l’emploi
d’une terminologie nouvelle, mais surtout par la démonstration scien¬
tifique de beaucoup de phénomènes restés jusqu’alors inexpliqués. Les
médecins ne se bornent pas à employer à chaque instant les mots de
suggestion et d’hypnotisme, ils ont appris à apprécier la puissance de
l’intervention psychique. Là où, selon la pittoresque expression de
Voltaire, « ils passaient leur temps à mettre des drogues qu’ils ne
connaissent pas dans des corps qu’ils connaissent moins encore », ils
ont acquis l’art de faire plus sagement de la psychothérapie. L’homme
qui a le plus contribué à cette révolution scientifique était un savant
modeste, doué au plus haut degré de cette puissance d’observation, de
cette ingéniosité, de cette sincérité profonde, de cette largeur de vues
qui constituent le véritable homme de science.
Il y a quelques années, M. le professeur Lépine présidait à Lyon un
Congrès d’enseignement supérieur.
Après avoir établi dans son discours la différence qui sépare le
médecin praticien et le médecin d’hôpital de celui qui est appelé à
jouer le rôle du professeur, M. Lépine résumait en ces termes éloquents
ràfcioo's 'métiicalss.: '■ •■ '.' ■ '"' '
«,Que fauMl pour k» <l( 0 i»pr ? Sc|hit"ij 4* içui» fidèlemeot
is iréaof de£ bqnoMBSfiücen qpe aoüs ont laissé nog'devaiïcieta f O'esi ce
qaé faiadiËnl lëé maitrès dorant lé iïtoyen-âge, SJ stèt-ite, M'ais, depuid la
imâm
«i4#ïsf44fe
'' ;'.’ÂM* l4î)’ ïîeÀtr*!W»'
iî.enaiàawcé^iÿ4di;fdittnP'^v^ritAlitW Béi«&ix%àÉf, oh .ne icdm^
prepd pl4s déifiée I'en8t;igpé4>éntsôpèip.içîir:î,^ç-;d»3jgfna^^
il’ Vst dévèftù e^entiellem^ni t^lflqué' .^Jaoifatéuî'uiLes niëtilb.ùr 5 ;
maîtres sont les trrfvaiÜeurSv ceux qui prouvent par. éx®J<ifd® qüev fedùf
les vérités TnathèWWibjUhâi îf de, veî:|tésj-, gejfptif{(|ueg abso¬
lues é'i déiiftitives 5 :;que iiOft o'âttéjnf jas»î4s iff-^Ÿ^èriMiî'Solre deatip^e
est de- nqü$ elforfe^r dé noMep ràppfoétier sans -éessiëî'qué la- aolepcfe,
est u4'4^s^ê|siéj(/i:?fpé4ifeSR profagsettïs.âe.fachifé^^^^
'r^- -
âÔ 2 PE fc’EYPNOïJSItE
î^jîbse dojxc iîBpJiçÙemeoi i'qhlîgaîipn de chertrHft?dèft voiès oon-
dulsant dévou-
. MôYÏes ■■'■ ■ , ■
. . tiivlîlàî eût st^ oiTerfe -W
Di dé Tiy tiré
cdipses SS,v îûàsBûi dans dn
j,iaya où les roüdtîoimaïres sont plus PpnsidtTé& i^H.ôs: pe.uvoi^^^^ publics,
que les invçni.eijï^ ei.ijùe les ho.Hime» dHôUfative; ■.’. • '
Si l*dn pwfiâ' à M lett}*e' la déûiütlpn dfc'H- .Déplpe; ?«i a
été là roodè|à,îîé& profàssùura. Il a cùetcbéiiéliCf^ùtlé niêib.odp nouyelle ï
, , jii a lait iTit,og-JPesae;t îa^spiépce- VérÙaWÀ -.^liéf‘ djina Sa clmique
- ' paFlïciîiïècé 4e, p-rdi fome plwa ÿiélàvB% ï^xù;beàiiéoup 4es prafë«»
ÿ'“ ;.,'■ fi?aK.,ïèa, plus ®,n yaei>'ïi.:^;|x3i'ùù ■4‘iionvinWa:ujcquefjSf ,p:uiapt f.te. .•
:ï-,lÈura’Pu‘vTàg«s- œ
un maîwe vénêté, fJhrAcé^É-sfjs ij'pVaûji^ ^.Aée aastsl^ à lît fécotînaîssattce
. .4ô eû8- ncimhreuik 4ii?oîplÉ^''-soû’ttüftr; îid.péfjm pas.. : > 'i - s '
ÀÎ’xîncorttre 4c. tant de rèputatious épbéinéiws (ïùi^&'étéignept avec
les f4nctiQns^'& que les s 4ëcaUvertes, sé
,, . -^béraliisemùt, S^glojr.é s ttfiérmifa^ et l(i iront ducréâteuc dolapsycho-
•' iKéràpiü inétftp^^^^ ira grapàlséànt ft traverû les stMles^ fvljjjifaud.ty'-
.■aehtiiiiüs pvntôngés.y'^. ' ~
Sur l’to présidcat, M. Paul Moun'pæ, de la Çomédte-ï'’ran'
.v,p: faîsêv.a’appr'oche au pied du buste du D''!Îjiél>eéu}t etd dPe vojx ppi^ .
l'îîj>mpe ii. Liébaauîî, composé pour !a • oîrOot*sl!'tpo« par
M. iules lioiio ÿ' ■■ ’; '■'■
,:;■ . ',:,'i;.;.|.||;i:;,;:; 'HyxQne à>.Mdl»eaùlt-‘'.
-. - Ùééïyiiu Df Bérilton.
Liebeaulti toii eimpleiaouj çÿl bédi
Toi qUï dwè .toiv Yiüqgç .
Toi plçs qùé.fe^ plue pUjcsApt,.,
• V • '©qiuriïdiiién.!^^^^ proftmâè-}i^bî4' ?-. ;
I)*àu ires, ont célébré ileanac de. Vauccuicars ; ,.
fit d’aub-es oui efattinc le ^ora^AU dt'- SofTpAtù, * -
NijUi» «yluûafl ton huwiljle ijlojjre déttcatPj ■ .
. Cf iaéilecin de l'Aina c£ des lotigiiuii «touléurS, ‘ y
.■ ■::,\^^ ■ •■ . . .. ' ■■
' '.lÿtojèé £è ;rap^*^4t,te V •
, • ■. Ltxi pr^îf tfeiloütog-., ’ ■ ''
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBEAULT
283
¥ ¥
Hypnotique sommeil où l’Ame se réveille,
Yeux clos où la santé par le Verbe descend,
Songe et non pas mensonge, ô mystère, ô merveille I
O Source obscure d’un bienfait éblouissant !
Le Miracle par toi renaît sur cette terre.
Non plus le vieux miracle et son charme trompeur,
Mais le prodige auguste, amical, populaire,
Qui ne vient pas du Ciel, mais qui jaillit du Cœur î
¥ ¥
O vous les Exilés des Humaines Délices,
Vous que taraude un mal incurable, inconnu,
Esclaves de la Peur, des Tares et des Vices,
Vous pouvez espérer, car Liébeault est venu !
C’était un paysan très doux, que la souffrance
Universelle fît s’étonner et gémir;
La Nature en son cœur palpitait d’espérance ;
Un cri reconnaissant montait de l’avenir.
Ses parents avaient cru qu’il deviendrait un prêtre ;
Mais Liébeault regardait la terre et non le ciel.
Dieu pour lui n’était pas l’inaccessible joûaître
Mais la Pitié qui sèche un pleur, tarit le fîel.
Le Bouddha fraternel, aux confîns de l’Asie,
Lui souriait du fond du Nirvana songeur ;
Vincent de Paul, qui ne craint pas cette hérésie.
En son tombeau murmure : « O Saint Libre Penseur ! »
Qu’importent les conflits de la pensée amère !
La douleur est réelle et les propos sont vains.
11 faut aimer, il faut aider. Tu es mon frère.
Qui que tu sois, si tu fléchis, si tu te plains 1
Ils accouraient vers la maison aux fleurs rustiques,
Les pauvres, les blessés du Destin, les maudits.
Le bon sommeil fermait leurs yeux mélancoliques,
Et quand ils les rouvraient, l’espoir d’un paradis
Humain, le renouveau de la force et des sèves,
L’équilibre mental sans lequel l’univers
N’est qu’un triste décor et le pire des rêves.
Les faisaient se lever, libres des anciens fers !
Et comme au temps de l’Homme Elxquis de Galilée,
Les aveugles voyaient ; — et l’infirme, tremblant.
De recouvrer enfin sa fermeté troublée.
Remerciait la voix qui lui rendait l’élan 1
284
ABTUB DE l’hTPNOTISICE
*
« *
O Savant, tu fus bon. Cet éloge est suprême.
La Douleur s’enfuyait au seul bruit de tes pas.
Gloire à Toi, le héros qpii console et qu’on aime,
Plus grand que les Guerriers, plus fort que le Trépas.
Tu mourus, dédaignant les rumeurs triomphales
Et d’avoir fait le Bien voulant le seul laurier.
Mais ton nom survivra dans toutes les rafales ;
L’œuvre Immortelle rend immortel l’ouvrier !
Jules Bois.
L'audition des beaux vers de M. Jules Bois soulève un tonnerre d’ap¬
plaudissements qui s’adressent à la fois au poète et à son admirable
interprète.
Avant de lever la séance, .M. le président annonce, aux applaudisse¬
ments de l’assemblée, que M. le ministre de l’Instruction publique vient,
à l’occasion de l’inauguration du buste du D' Liébeault, d’accorder au
statuaire, M. F. Maillols, la distinction d’officier d’académie, présage de
plus hautes récompenses pour l’avenir.
Banquet
Après l’inauguration du buste du D’’ Liébeault, un banquet a eu lieu
chez Marguery, en l’honneur des délégués étrangers. Cette réunion, qui
groupait les organisateurs, les délégués, les souscripteurs et les amis
personnels du D' Libeault, comprenait également un assez grand
nombre de dames. Le total des convives s’élevait à quatre-vingts.
La place d’honneur avait été réservée à Mme Liébeault. A ses côtés
prirent place le D' Lloyd-Tuckey (de Londres), le D' Jules Voisin,
président du comité de la souscription, le D' Bérillon, secrétaire,
M. Paul Mounet, de la Comédie Française, le D' Bilhaut, président du
Syndicat de la presse scientifique, le D'' Paul Magnin, professeur à
l’Ecole de psychologie, M. Lionel Dauriac, professeur honoraire à la
Faculté de Montpellier, M. Robinow (de Manchester), M. Trévelyan (de
Dublin), M. Cornéjo (de Lima), M. Germiguet (de Romont, Suisse),
M. Dyvrande, procureur de la République à Dieppe, le D' Raflegeau,
directeur de la maison de santé du Vésinet, le D' Pottier, directeur de la
maison de Santé de Picpus, le D' Paul Farez, professeur à l’Ecole de
psychologie, M. le D'Saint-Hilaire, médecin de l’Institut départemental
des Sourds-Muets, M“* la D"*" Bouet-Henry,M.6rollet, secrétaire géné¬
ral de la Société de pathologie comparée, M. Maillols, statuaire, etc., etc.
Le groupe des amis personnels du D' Liébeault et des délégués de
Nancy était représenté par le général Mercier, l’amiral Antoine, le
colonel Collet, le médecin-major Pourcines, M. Saby et plusieurs autres
personnes.
A la fin du banquet plusieurs toasts furent portés par M. J. Voisin,
à Mme Liébeault, par le D' Bérillon, aux délégués étrangers et aux
INAUGURATION DU BUSTE DU DOCTEUR LIÉBEAULT 285
délégués de la ville de Nancy, par le Lloyd-Tuckey, aux organisa¬
teurs de la réunion, par le D' Bilhaut, au président et au secrétaire
général de la Société d’hypnologie à MM. Voisin et Bérillon, par le
Paul Magnin, aux daines présentes. Tous ces toasts furent très
applaudis.
M. Dyvrande, procureur de la République, dans une allocution très
goûtée, rappela l'influence exercée par les travaux de Liébeault dans le
domaine de la médecine légale et de la jurisprudence. Il exprima le
souhait que les magistrats et les avocats fussent plus souvent appelés à
prendre part aux travaux de la Société d’hypnologie.
Ensuite M. le professeur Lionel Dauriac, retraçant Texistence de
Liébeault, dont la vie de travail s’est passée à l’écart, loin du bruit de la
foule, a émis l’opinion que c’était probablement à cette tranquillité
d^esprit qu’il fallait attribuer la profondeur de ses vues.
Allocution du professeur Lionel Dauriac
€ Le D' Bérillon, dit-il, en exposant Tœuvre de Liébeault, nous a appris
qu’une des conditions de la fixation de l’attention sur une idée, c’est que la
force nerveuse, répartie dans toute la périphérie de l’organisme, se replie
sur elle-même et s’accumule dans certains centres cérébraux. Cet état ne
peut évidemment se réaliser que dans le calme profond, lorsque nous sommes
délivrés de toute préoccupation extérieure. Or, par le fait de son existence
paisible, l’attention, chez Liébeault. avait toute latitude pour s’accumuler
dans les lobes frontaux. N’étant pas distrait par les sollicitations ambiantes,
il a pu concentrer toute la puissance de sa vision intérieure sur l’objet de
ses recherches. C’est ainsi que l’idée fondamentale de son œuvre a pu
évoluer normalement et aboutir à une maturité complète. L’isolement
auquel il fut longtemps condamné par l’indifférence du corps médical a
été compensé par un avantage inappréciable. Il n’a pas été amené, comme
tant d’autres, à faire à un milieu animé de l’esprit scolastique de mépri¬
sables concessions. C’est justement parce qu’il ne s’est jamais préoccupé de
plier ses idées à la mode du jour, et de les conformer aux exigences des
suffrages académiques, qu’il est devenu un chef d’école et que son œuvre
résistera aux injures du temps. » {Applaudissementsprolongés).
La série des toasts fut clôturée par le général Mercier, qui, au nom de
la famille du D'^ Liébeault, de ses amis personnels et des délégués de la
ville de Nancy, a remercié les organisateurs de la souscription et exprimé
le vœu que bientôt, le buste offert à la ville de Nancy soit érigé sur une
des places de la ville.
Un concert improvisé a terminé cette fête cordiale. M. Paul Mounet,
en disant plusieurs poésies appropriées à la circonstance, a soulevé
d’enthousiastes applaudissements. Puis, Mme Demonchy, femme de
notre dévoué collègue, le D' Demonchy, à fait ressortir en plusieurs
actes d’opéra, le charme de son admirable voix. Enfin, la note gaie fut
donnée par l’humoriste Jean Robert, toujours empressé à collaborer
aux œuvres de dévouement.
28Ç
RBVUE DE l'hypnotisme
Pont pouvait téunit en un àeul faécicule le compte tendu de VInaugutalion
du buàte du docicut Liébeault, nouâ nouô àommcà vu conttaint de tepottet au
ptochain numéto laôuite de la Leçon d*ouvettute de M. le I> Magnin: Psycho¬
thérapie et Hypnotisme; ainài que leà atiicleà : Les Religieuses de Port-Royal,
de M, le I> Binet-Sanglé; Les grands exorcismes du xix* siècle, de Af. le doc-
teut Witty, de Ttèveà.
COURS ET CONFÉRENCES
Chorée arythmique hystérique (').
Par M. le Professeur Raymond.
Cette jeune fille est âgée de 18 ans. Vous voyez qu'elle ne peut pas
tenir en place ; le tronc, la face, les mains, les membres inférieurs sont
animés de mouvements incessants. Ces mouvements sont lents, dissé¬
minés, arythmiques, sans aucun rapport les uns avec les autres ni avec
aucun acte déterminé ; ils sont très augmentés par les émotions ou par
la station debout. Ces caractères les différencient des tremblements et
des myoclonies : c’est d’une chorée, de moyenne intensité, qu*il s’agit.
Mais notre malade a 18 ans. Sydenham disait que, passé cet âge, il
fallait se méfier. Au point de vue nosologique, en effet, il convient de
faire des distinctions. La véritable chorée de Sydenham, la danse de
Saint-Guy, est une maladie d’évolution ; elle apparaît de bonne heure,
vers la puberté. Plus tard, dans des circonstances déterminées, peut
survenir la chorée des femmes enceintes, qui est une chprée d’adulte.
Dans la chorée des adultes, il faut faire une place à part à cette chorée
héréditaire qui, en outre des mouvements choréiques, comporte un état
mental spécial ; c’est la chorée de Huntington ou démence choréique.
Dans quelle catégorie faut-il ranger la chorée de notre malade? Les
mouvements actuels ne sont pas une récidive de la chorée de l’enfance,
puisque cette jeune fille ne Ta pas eue; et, d’autre part, elle a passé
l’âge de la chorée d’évolution. Etudions le terrain, les phénomènes con¬
comitants et les conditions dans lesquelles s’est développée cette né¬
vrose.
Cette jeune fille, dont nous connaissons peu l’hérédité, a été réglée à
11 ans, assez mal dans le début; petit à petit, l’appétit diminue; elle
présente de l'anorexie ; les règles deviennent de plus en plus rares ; elle
a, de temps en temps, de petites crises de larmes. Il y a un an, elle joue
au croquet avec ses amies ; elle gagne trop vite et en est furieuse, car
cela l’oblige à ne plus jouer pendant très longtemps. A la suite de cette
émotion insignifiante, survient la chorée que vous voyez et qui dure
depuis un an.
Notez que cette jeune personne présente, à droite, une anesthésie
totale pour les divers modes de la sensibilité ; il n’y a pas de rétrécisse-
(l) Présentation de malade faite à la Clinique dos maladies du système nerveux
de la Salpêtrière.
CHRONIQUE ET CORRÇSPONDANCE
287
ment du champ visuel, mais Tanesthésie cornéenne et conjonctivale est
complète ; en outre, on constate un peu de contracture douloureuse des
muscles de l’abdomen. Voilà d’indéniables signes somatiques de l'hys¬
térie.
On a dit, avec raison, que la chorée est toujours accompagnée (et
même |)récédée) d’un état mental. Or notre jeune fille est une grande
suggestive ; tout l’impressionne et elle attache une grande importance
à des faits insignifiants ; elle construit des romans dans son imagina¬
tion, vit dans un monde de rêves et, ainsi, échappe à la réalité ; elle a
eu des hallucinations, même du délire qui a duré deux mois, et c’est
seulement après tout cela que sont survenus les mouvements.
Voilà donc une chorée développée chez une hystérique. Est-elle de
nature hystérique ?
Il est écrit, dans les livres classiques, que la chorée hystérique répond
toujours à des actes déterminés ; elle est, par exemple, natatoire, oscil¬
latoire, rotatoire, etc.; elle est coordonnée, rythmée... Or, dans certains
cas, comme dans celui-ci, la chorée peut être arythmique et se rappro¬
cher de la chorée des enfants. On ne doit môme pas dire que, dans les
cas de chorée arythmique hystérique, il y a association des deux né¬
vroses, hystérie et chorée ; c’est la chorée qui est hystérique; et cette
chorée, survenant sur un terrain hystérique, a la valeur des tremble¬
ments, des myoclonies, etc.
Pour guérir cette malade, va-t-on recourir aux moyens ordinairement
employés contre la chorée de Sydenham, tels que antipyrine, arsenic,
bromures? Tout cela exaspérerait les troubles de la digestion et les
mouvements s’en trouveraient accrus. Comme cette malade est anes¬
thésique totale, il suffira de lui fermer les yeux et de lui boucher les
oreilles pour l’endormir ; pendant son sommeil hypnotique, il sera très
facile de la guérir par suggestion ; on superposera à ce traitement, bien
entendu, l’hydrothérapie et les calmants du système nerveux.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d’hypnologie et de psychologie.
La prochaine séance de la Société d’hypnologie et de psychologie
aura lieu le mardi 20 mars, à 4 heures et demie, au palais des
Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D'’ Jules
Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque
mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les
étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le D*’ Bérillon, secrétaire
général, 4, rue de Oastellane, et les cotisations à M. le D*’ Parez, tréso¬
rier, 154, boulevard Haussmann.
288
REVUE DE l’hTPNOTISHE
Distinctions honorifiques
— A la dernière promotion, notre dévoué collaborateur M. le D' Paul
Parez, a reçu les palmes académiques. Nous nous joignons à tous ses
nombreux amis pour le féliciter d’une distinction si justifiée j^ar les
nombreux services rendus à l’enseignement supérieur libre, en particu*
lier par les cours si suivis qu’il fait chaque année à l’Ecole de psycho¬
logie.
— M. Blieck, avocat à la Cour d’appel, qui professe à l’Ecole de psy¬
chologie le cours de Psychologie du criminel, vient également de
recevoir les palmes académiques. Nous adressons nos vives félicitations
à notre distingué collègue.
— Nous avons été très heureux d’apprendre la nomination au grade
de chevalier de la Légion d’honneur de nos deux grands amis, M. Paul
Mounet, de la Comédie française, professeur au Conservatoire, et de
M. Jules Bois, le poète exquis, l’écrivain érudit qui a consacré tant de
pages à des études psychologiques, enfin l’auteur acclamé d'Hippolyle
couronné joué au théâtre d’Orange et à l'Odéon.
La récente collaboration de M. Paul Mounet et de M. Jules Bois à
l’inauguration du buste de Liébeault, nous permet de rendre encore
plus vive et plus affectueuse l’expression de nos félicitations.
NOUVELLES
Cours du D' Bérillon pendant le semestre d'été 1906 :
Applications de l’Hypnotisme et de la Suggestion a la Thérapeutique
ET a la Pédagogie.
Le cours que le Bérillon faisait chaque année, pendant le semestre
d’été, à l’Ecole pratique de la faculté de médecine, aura lieu cette année
dans la salie de l’Ecole de psychologie, 49, rue St-André-des-Arts, les
mardis et les vendredis à cinq heures.
La première leçon aura lieu le mardi 8 mai à cinq heures, sous la
présidence de M. Huchard, membre de l'Académie de médecine. Le
programme du cours sera publié dans le prochain numéro.
N.-B. — La nécessité du transfert du cours a été imposée par le désir
de compléter le cours par des projections et des démonstrations clini¬
ques, ce qui était irréalisable dans l’amphithéâtre mis à la disposition
des cours libres par la faculté.
UAdministrateur^üérunt : Ed. BÉRILLON.
Paris, lmp. A. Qualquejeu, rue Gerbert, 10.
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
20« Année. — N® 10. Avril 1906.
BULLETIN
Ouverture du cours de Clinique thérapeutique de M. le P' Albert Hodin.
Le Jubilé du Magnan.
C’est devant un amphithéâtre littéralement bondé que le P** Albert Robin a
inauguré son enseignement. Le nouveau professeur fut d’abord présenté à
l’auditoire en termes extrêmement flatteurs par M. Debove, doyen de la
Faculté de médecine.
M. Albert Robin a exposé, en termes très élevés, le programme de son
enseignement. Nous voudrions pouvoir citer de nombreux passages de cette
leçon tout à fait remarquable dans lesquels le professeur a prouvé qu’il
tenait, dans sa thérapeutique, le plus grand compte du facteur moral. Nous
nous bornerons à reproduire l’éloquente péroraison qui fut chaleureusement
applaudie par un auditoire enthousiaste : « Quand le mal semble défier
toutes nos ressources et celles de l’organisme lui-méme, nous avons la sublime
mission de relever le lambeau d’espérance qui surnage au-dessus de toutes
ces choses pleines de misère où s’effondre la vie. Cette suprême consolation
de l’espérance, il nous appartient plus que de l’entretenir mais de la
pratiquer, afin qu’aux mornes extrémités de tout, l’être qui nous a confié
son existence n’ait pas le droit de crier ; < Vous ne m'avez pas guéri, vous
ne m’avez pas soulagé, vous ne m’avez pas consolé 1 » Dans le dernier
combat, si fatale qu’on en juge l’issue, conservez sans faiblir cette furtive
espérance ; ne cessez pas de lutter et mettez en œuvre tout ce que votre
conécience autorise, puisque la science est vaine. L’énergie et la ténacité
nous ménageront de victorieuses revanches. Le Sénat et le Peuple Romains
décernaient les honneurs du triomphe aux soldats vaincus qui n’avaient pas
désespéré de vaincre ! »
Rappelons que la chaire de clinique thérapeutique est due à la libéralité
du duc de Loubat. De tels exemples d’initiative éclairée scientifique sont
trop rares pour qu’on ne les signale pas à l'admiration de tous.
♦
* ¥
Le docteur Magnan, membre de l’Académie de médecine, a consacré
plus de quarante années à l’étude des maladies mentales et à l’amélioration
du sort des aliénés. Ses amis, ses collègues et scs élèves ont l’intention de
lui offrir une médaille à l’occasion de son jubilé. Ils ont constitué un
Comité de Patronage qui fait appel à tous ceux qui sont attachés au doc¬
teur Magnan par les liens de l’amitié, de l’estime ou de la reconnaissance.
L’exécution de la médaille est confiée à M. le docteur Paul Richer,
professeur à l’Ecole des beaux-arts. Le chiffre de la cotisation n’est pas
290
REVUE DE l’hypnotisme
limité. Toute souscription de 25 francs donne droit à une médaille en
bronze qui sera expédiée avant la fin de Tannée 1906. La souscription est
ouverte jusqu’au 15 juin 190G.
Les cotisations sont reçues par M. Masson, éditeur, 120, boulevard Saint-
Germain, à Paris.
Psychothérapie et hypnotisme,
par le Paul Magnin,
professeur à TEcole de Psychologie.
(suite et fin) (*)
Dans un travail paru en 1888 sur Vhyimoiisme et les états intenné^
diaires entre le sommeil et la veille^ M. Coste de Lagrave, examinant
les différentes conditions psychologiques par lesquelles passe une
personne qui n’a jamais été soumise à Thypnose, fait remarquer qu’on
en trouve pendant lesquelles l’activité cérébrale diminue.
En observant, dit-il, ce qui se passe chez la personne éveillée qui va
s’endormir, voici ce qu’on peut constater : les facultés cérébrales et la
sensibilité disparaissent petit à petit. Il arrive un moment où la personne
n’est pas encore endormie, mais est bien près de Tétre. Dans cet état,
elle ne veut pas, elle ne sent pas, elle ne voit pas, elle est cependant
capable de vouloir, mais elle fait abstraction de sa volonté.... Si
quelques idées persistent, elle ne s’y attache pas, ce sont des pensées
qui arrivent toutes seules. Si cette personne était éveillée, elle suivrait
ces idées, les développerait, mais comme elle veut s’endormir, elle no
les retient pas, elle les repousse et le moment arrive où toute pensée
étant supprimée, le sommeil se produit.
Et M. Coste de Lagrave montre que cet état qui précède le sommeil
est particulièrement intéressant à bien connaître parce que précisément
il est très favorable aux suggestions. Celles-ci bien que moins puissantes
qu’à Tétat d’hypnotisme auront encore assez de force pour se faire sentir
pour produire un effet. Cet état est le meilleur état de veille pour
imprimer à ses facultés cérébrales un mouvement vers le bien. M. Coste
de Lagrave l’appelle état passif de veille par opposition à Vétat actif de
veille dont la volonté, la domination, l’énergie sont les caractéristiques.
L’état passif peut donc être utilisé ; il amène le perfectionnement de
l’individu.
Nous nous trouvons dans les différentes heures de la journée à Tétat
de veille passive ou active. A Tétat passif, nous recevons toutes les
impressions ; les personnes qui causent à côté de nous impriment en
nous une manière d’étre ; un accident que nous voyons, une bonne action
dont nous sommes témoins, sont Torigine de suggestions qui ont un
résultat que nous ignorons, que nous ne pouvons constater, tellement
(1) \’’oir de l Hypuolisme, \r de Février T.H)i
l’école de psychologie 291
il est petite mais c’est cet ensemble de suggestions qui fait l’éducation
de l’enfant....
Il est important de réglementer les suggestions qui ont lieu à l’état de
veille passive puisque leur ensemble modifie notre individu. Pour les
enfants, ce sont les parents qui doivent les surveiller. Pour les adultes,
chacun est son propre guide. Il est en effet facile de se mettre à l’état
de veille passive ou active, il ne s’agit que de vouloir. Quand on aura un
avantage à retirer des impressions extérieures, on se mettra à l’état de
veille passive ; quand les exemples ou impressions reçues seront mauvais,
on se mettra à l’état de veille active.
L’adulte peut régler les suggestions qu’il reçoit. Il peut choisir entre
les nombreuses idées qui peuvent l împressionner ; il peut en provoquer
chez lui, ce qui est l’auto-suggestion.
Voici la manière de procéder qui peut être employée. Le sujet provoque
chez lui l’idée de veille passive. Quand il s’y trouve, il utilise cet état
pour se donner des ordres. Le meilleur moment est celui où le soir,
étant couché, il va s’endormir. Il faut faire acte de volonté pour s’or¬
donner quelque chose, mais l’effort est si petit que le sujet reste toujours
à l’état de veille passive. Quand il s’endort, il pense à la chose qu’il veut
faire. Il y pense jusqu’à ce que le sommeil arrive.
Il y a bien, au début, quelques difficultés à surmonter et M. Coste de
Lagrave les indique, mais avec l’habitude et l’éducation on parviendra,
dit-il, à s’endormir en pensant à l’acte à accomplir.
La nuit, lorsqu’on s’éveille, le matin en s’éveillant, l’après-midi quand
on fait la sieste, on est encore à l’état de veille passive très propre à
l’auto-suggestion.
 plusieurs reprises, M. Coste de Lagrave a fait de l’auto-suggestion
une étude complète. Les travaux parus depuis sur la question n’ont pour
ainsi dire fait que reprendre ses idées.
J’ai souvent employé le procédé de M. Coste de Lagrave, j’ai appris à
mes malades à s’auto-suggestionner ; j’ai obtenu les meilleurs résul¬
tats.
En général, j’ai toujours recherché quelle était chez mon sujet la
mémoire la plus développée (visuelle, auditive ou motrice). Le malade
tirera d’autant plus de bénéfice de son auto-suggestion qu’il se la fera
sous la forme la mieux adaptée à son mode de mémoire prédominant.
Très bon aussi sera l’effet obtenu si le malade possède deux ou même les
trois éléments de la mémoire, les divers mécanismes d’auto-suggestion
visuelle, auditive ou motrice pouvant, dans ce cas, être séparément ou
simultanément utilisés.
Si le malade a la patience de persévérer il sera certain d’être récom¬
pensé de ses efforts. L’effet produit sera d’abord très minime, presque
imperceptible mais, ces effets s’additionnant, le résultat cherché sera
bientôt obtenu. C’est à force de taper sur un clou qu’on l’enfonce, dit le
vieux proverbe; c’est à force de se répéter une idée qu’on se l’inculque.
Et ce n’est point un des moindres mérites de M. Coste de Lagrave que
292
REVUE DE l’hypnotisme
de nous avoir appris par quel mécanisme simple on peut*y arriver.
Personne avant lui n’y avait songé.
Je viens d’attirer votre attention sur les diverses formes de la mémoire.
Chacun de nous, en effet, a pour ainsi dire sa spécialité sensorielle ; les
uns conçoivent les idées sous forme visuelle, les autres sous forme audi¬
tive, les autres sous forme motrice. D’où il ressort que pour faire naitre
une idée dans l’esprit du malade, nous pouvons, tout comme dans le
cas d’auto-suggestion, nous servir des trois modes de suggestion cor¬
respondants.
Et ceci m’amène tout naturellement à vous parler de l’influence du
geste sur la production de l’idée. .
J’ai eu maintes fois l’occasion de vous exposer les expériences faites
autrefois à la Salpêtrière et à la Pitié.
Vous vous souvenez que Charcot et Richet ont montré que, dans
l'état cataleptique, les mouvements imprimés aux diverses parties du
corps, en tant qu’ils sont passifs, sont suivis en quelque sorte fatalement
de mouvements secondaires destinés à compléter Texpression primitive¬
ment ébauchée par la main de l’opérateur.
Ces expériences rendraient évidente l’influence du geste sur l’expres¬
sion de ta physionomie.
Réciproquement, vous le savez, Charcot et Richer ont démontré qu’on
peut procéder d’une façon inverse et qu’au lieu d’agir sur le geste pour
modifier la physionomie, on peut agir sur la physionomie pour modifier
le geste.
« Au sujet de l’influence que peuvent avoir sur l’activité psychique les
mouvements expressifs de la physionomie ou du corps tout entier voici,
écrit M. Richet, comment s’exprime Dugald-Stewart :
a De même que toute émotion de l’âme produit un effet sensible sur
le corps, de même lorsque nous donnons à notre physionomie une
expression forte, accompagnée de gestes analogues, nous ressentons à
quelque degré l’émotion correspondant à l’expression artificielle impri¬
mée à nos traits. M. Burke assure avoir souvent éprouvé que la passion
de la colère s’allumait en lui à mesure qu’il contrefaisait les signet exté¬
rieurs de cette passion et je ne doute pas que, chez la plupart des indi¬
vidus, la même expérience ne donne le même résultat. On dit, comme
l’observe ensuite M. Burke, que lorsque Campanella, célèbre philosophe
et grand physionomiste, désirait savoir ce qui sc passait dans l’esprit
d’une autre personne, il contrefaisait de son mieux son attitude et sa
physionomie actuelles, en concentrant en même temps son attention sur
ses propres émotions. En général, je crois qu’on trouvera que ces deux
talents, celui du mime et celui du physionomiste ont entre eux une
étroite relation. »
La suggestion par le sens musculaire ne se borne pas à imprimer
au corps un simple changement d’attitude. Les choses peuvent aller
plus loin et le sens musculaire devient la source de mouvements auto-
l’école de psychologie
293
matiques parfaitement coordonnés, qui exécutent l’action dont la posi*
tion des membres est l'image.
C’est pour avoir bien souvent répété avec Dumontpallier des expé¬
riences de cet ordre que nous avons toujours été convaincus, Bérillon
et moi, de l’importance des mouvements en psychothérapie; et dès
1888, dans son enseignement à l’Ecole pratique de la Faculté de
Médecine et à sa clinique, Bérillon montrait à ses auditeurs tout *
le bénéfice qu’on pouvait tirer de l’emploi, sur le malade, d'une
gymnastique rationnelle en rapport avec l’idée qu’on voulait lui sug¬
gérer.
Mais si le geste communiqué passivement peut servir à faire naître
une idée dans le cerveau, le même mouvement passif peut aussi, dans
certaines circonstances, rappeler l’idée qui a été momentanément
effacée par la maladie.
Je vous montrerai tous les avantages qu’il est possible de retirer de
ces mouvements passifs méthodiquement employés dans le traitement
des paralysies hystériques.
a On fera, dit Gilles de la Tourette, exécuter passivement aux
membres paralysés les divers mouvements physiologiques à diverses
reprises.
« Et, ce faisant, on mettra en œuvre les ressources du traitement psy¬
chique^ car on éveillera par les mouvements communiqués les images
motrices qui semblent faire défaut chez le sujet. On emploiera concur¬
remment avec les autres moyens de traitement le procédé thérapeu¬
tique que Charcot expose en ces termes : En premier lieu, dit-il dans
une de ses leçons, on agit autant que possible sur l’esprit des malades,
en leur affirmant d’une façon formelle que leur paralysie, malgré sa
longue durée n’est pas incurable et qu’au contraire elle guérira très
certainement à Taide d’un traitement approprié, au bout de quelques
semaines peut-être, s’ils veulent bien nous y aider. En second lieu les
membres affectés seront soumis à une gymnastique particulière. Nous
mettons à profit les mouvements volontaires qui subsistent encore
chez les deux malades (présentés aux auditeurs de cette leçon) à la
vérité à un degré très faible et nous cherchons à augmenter progressi¬
vement l’énergie par un exercice très simple. Un dynanomètre est
placé dans la main de chacun d'eux et on le leur fait serrer de toutes
leurs forces en les exhortant à augmenter progressivement, dans chaque
expérience, le chiffre que marque l’aiguille sur le cadran de l’instrument.
Cet exercice est répété régulièrement à chaque heure du jour, environ
trois ou quatre fois. Ces épreuves ne doivent jamais être ni trop pro¬
longées, ni trop multiples. Nous avons remarqué en effet que quand les
exercices sont poussés trop loin ou répétés trop souvent, le chiffre
maximum marqué par l’aiguille tend à s’abaisser.
« Si l’impuissance motrice est complète, ajoute Gilles de la Tourette,
on pourra procéder de la façon suivante : le bras droit étant paralysé,
par exemple, on place la main droite à plat près de la main gauche
294
REVUB DE l’hypnotisme
saine ; puis on commande au sujet de mouvoir lentement le pouce
gauche pendant qu’il fixe et son attention et son regard sur le pouce
droit paralysé. Ce moyen est excellent pour réveiller les images mo¬
trices. Avec un peu de persévérance on voit au bout d’un certain temps,
toujours variable d’ailleurs, réapparaître les mouvements dans le pouce
d’abord puis dans les autres doigts et enfin dans le membre tout entier.
En combinant ces moyens psychiques avec les excitations physiques,
on obtient presque toujours d’excellents résultats. »
Des idées que je viens de vous exposer, on peut rapprocher celles
que M. le Professeur Brissaud, M. Dubois (de Saujon) ont développées
au sujet du traitement des t|cs. Elles ont en effet un lien commun, Tin-
fluence du mouvement sur Tidée et Tattention.
M. Dubois (de Saujon) a montré le premier la place considérable
qu’occupent les troubles de Tattention parmi les déviations mentales
des tiqueurs.
Il a indiqué par sa méthode d’immobilisation absolue une des solu¬
tions du problème qui consiste à amener l’abandon par le malade des
idées et des mouvements inutiles. Il fixe en somme Tattention sur un
objet unique limage de repos complet possible.
M. Brissaud établit une discipline médicale de l’immobilisation et du
mouvement. Il emploie deux procédés combinés, limmobilisation des
mouvements et les mouvements d'immobilisation.
D’une part, inculquer au sujet Tidée de la réalisation possible du
lepos absolu par des séances d’immobilisation de durée progressive¬
ment croissante; d’autre part rééduquer méthodiquement les mouve¬
ments de façon à rétablir dans les centres psycho-moteurs les images
de ces mouvements mais normaux, coordonnés : tel est le double but
de la méthode.
Généralisant son emploi, MM. Brissaud et Meige lui ont donné le nom
de discipline psycho-motrice. « A l’inverse des méthodes d éducation
physique qui ont pour objectif de transformer des actes voulus en actes
automatiques, la discipline psycho-motrice tend à supprimer les actes
automatiques et à développer le pouvoir fixateur et correcteur des
centres supérieurs ».
M. Meige emploie plusieurs procédés combinés avec les précédents.
Il utilise, tout comme Gilles de la Touretle, « Taptitude naturelle de tout
• individu à exécuter des mouvements symétriques pour corriger par
Tacte correct du côté sain, l’acte incorrect du côté malade : gymnas¬
tique en miroir. »
Contre les tics toniques il utilise des exercices méthodiques de détente
musculaire.
Enfin il fait exécuter les exercices rééducateurs sous le contrôle du
miroir qui, réfléchissant toutes les fautes commises, oblige le malade
à multiplier ses efforts correcteurs.
La psychothérapie, écrit M. Meige, joue certainement un rôle de pre¬
mier ordre dans le traitement des tics, mais il faut qu’elle soit débar-
l’école de psychologie
295
passée de toute pratique mystérieuse. « Ce qu’on appelle psychothérapie,
dit M. Brissaud, n’est autre chose qu’un ensemble de moyens destinés
à montrer au patient par où pèche sa volonté et à exercer ce qui lui en
reste dans un sens favorable... Le médecin se fait éducateur sans rien
emprunter aux pratiques plus ou moins occultes de la suggestion hyp¬
notique. De cela surtout il faut se défendre car le malade doit être
immédiatement prévenu que sa collaboration est indispensable. C’est
donc sa propre volonté qui agira et non l’influence personnelle de l’édu¬
cateur. »
a On ne saurait mieux montrer, ajoute M. Grasset, auquel j’emprunte
cette citation, la grave différence qui existe entre la psychothérapie
inférieure et la psychothérapie supérieure. »
Il y a en effet pour M. Grasset, deux psychothérapies.
<c On sait, dit-il, qu’il faut distinguer chez l’homme la fonction psy¬
chique supérieure et la fonction psychique inférieure. A la première
appartiennent les actes conscients, volontaires, libres, dont le sujet est
responsable; à la seconde, les actes inconscients, automatiques, involon¬
taires et n’entraînant pas la responsabilité.
a II parait démontré également qu’il y a deux ordres de centres
psychiques, comme il y a deux ordres de phénomènes psychiques : des
centres psychiques supérieurs (centre O de M. Grasset) et des centres
psychiques inférieurs (polygone de M. Grasset) ».
Intimement associés à l’état normal, ces centres se désunissent à
l’état de sommeil et de distraction comme à l’état d’hypnose et leur
fonctionnement se fait séparément.
Delà deux psychothérapies: la psychothérapie supérieure qui s’adresse
aux centres supérieurs et la psychothérapie inférieure qui agit sur
les centres inférieurs.
La psychothérapie supérieure fortifie l’unité des psychismes, déve¬
loppe la volonté et accroît l’action et l’influence du moi supérieur.
La psychothérapie inférieure agissant sur les centres inférieurs désa¬
grégés aide plutôt à la disjonction des psychismes.
En endormant un individu on annihile ses centres supérieurs, on agit
sur ses centres inférieurs désagrégés, on fait de la psychothérapie
inférieure.
L'hypnotisme agit par le sommeil qui, dans son mode de production,
contient déjà à lui seul un élément suggestif ; par la suggestion à
laquelle il rend le sujet sensible précisément en désagrégeant les deux
psychismes.
La psychothérapie inférieure ou thérapeutique par Vhypnotisme se
confond en somme avec la thérapeutique suggestive.
L’action thérapeutique fondamentale de la suggestion est une action
substitutive. Tout revient à l’implantation par l’hypnotiseur, dans les
centres psychiques inférieurs désagrégés du sujet, d’une idée de guérison
qui remplace l’idée de maladie. L’idée neuve détruit l’idée morbide en
la remplaçant, en la troublant, en la corrigeant.
296
REVUE DE l'hypnotisme
Si la chose est faite très vivement, c’est la méthode perturbatrice, si
elle est faite lentement c’est la méthode corrective.
Au fond, c'est toujours la môme mécanique d’action : le remplace¬
ment de Vidée morbide par Vidée suggérée.
Et, conséquent avec lui-môme, M. Grasset n’admet pas la suggestion
vraie à l’état de veille complet. Le sujet suggestionné soi-disant éveillé
est en réalité en état d’hypnose partielle (sans présenter de signe de
sommeil). C’est en sommeàses centres inférieurs désagrégés que s’adresse
le suggestionneur. Là encore il y a psychothérapie inférieure.
Vous devinez de suite dans quelles limites étroites vase mouvoir cette
psychothérapie inférieure.
D’influence nulle sur les maladies mentales ou môme sur l’élément
mental des maladies, elle ne peut avoir aucune action sur le fond et
l’essence d’une névrose grave (hystérie, neurasthénie, etc.) qu'elle est
impuissante à modifier. Elle ne peut s’adresser qu’aux symptômes, qu’à
la localisation étroite et bien définie de la névrose sur un appareil ou sur
un autre (paralysies, contractures, aphonie, etc.)
« Pour mieux souligner la différence qu’il y a entre les deux psycho¬
thérapies, les indications et les contre-indications de ces deux théra¬
peutiques », M. Grasset analyse à la fin de son travail les bons résultats
qu’on obtient au moyen de l’hypnotisme dans le traitement de la dipso¬
manie et désintoxications.
« Il ne faut pas croire, écrit-il, que par la suggestion on fasse la
rééducation systématique de la volonté (Bérillon) de l’ivrogne ou qu’on
augmente sa faculté de vouloir (Lloyd Tuckey). On peut tout au plus»
par ce procédé, agir indirectement sur la volonté du malade, en la
libérant, en supprimant une mauvaise habitude polygonale qui fait échec
à la volonté. Mais il faut, pour le succès, que le sujet ait conservé une
volonté saine et forte qui agit dès qu’elle n’est plus combattue par l'im¬
pulsion automatique mauvaise.
c Mais si, comme cela arrive le plus souvent, l’alcoolique est un faible,
à psychisme supérieur sans résistance ni énergie, si on veut chercher à
accroître la force de sa volonté et de son moi raisonnable devant la
tentation du poison, il faut se garder de désagréger les deux ordres de
psychisme par l’hypnose, il faut s’adresser à l’autre psychisme du sujet
et amener par des raisonnements, par des conseils moraux, son centre
supérieur à reprendre la direction des centres, à résister aux insinuations
de ses centres psychiques inférieurs. »
Chez tous les alcooliques que nous avons eu l’occasion d’observer, à la
clinique de M. Bérillon ou ailleurs, l’examen psychologique nous a
toujours révélé un état d’aboulie nettement caractérisé. « Ce syndrôme
aboulie, comme l’a dit M. Bérillon, est ordinairement la note dominante
de l’état psychologique individuel du sujet. Il est un des fondements de
sa personnalité. Dès l’enfance, on pouvait constater chez le sujet une
tendance à l’apathie, à l’irrésolution, à la paresse, à la timidité, au
défaut d’attention et surtout à Thypersuggestibilité.
l’école de psychologie
297
O’est précisément l’ensemble de ces conditions morales asthéniques
qui crée cette hypersuggestibilité de Talcoolique, grâce à laquelle
s’obtiennent les succès que remporte tous les jours la psychothérapie
inférieure dans la cure des buveurs d’habitude.
Le temps me manque malheureusement pour vous montrer tout ce
que les affirmations de M. Grasset ont de trop absolu. Sa conception sur
les centres psychiques est certes très séduisante. Elle nous fournit un
schéma commode pour expliquer, en apparence, très facilement bien
des faits. Mais n’oublions pas qu’il n’y a là qu’un schéma dont rien
n’est encore venu démontrer la rigoureuse exactitude et que les théories
sont d'autant plus dangereuses qu’elles sont présentées avec plus de
talent, ce qui est le cas.
Ici encore, la nature est plus élastique que nos conceptions et plus
tard, lorsque nous étudierons les divers traitements de l’hystérie, il me
sera facile de vous montrer que l’hypnotisme peut faire mieux que de
modifier simplement les accidents locaux de la névrose.
M. Grasset parle d’hypnotisme en savant qui théoriquement connaît
à fond la question. Je ne puis m’empêcher de me demander avec
inquiétude si, au point de vue pratique, il la possède aussi complè¬
tement.
Comme l’a dit très justement M. Félix Régnault « de par le fait de son
engourdissement cérébral, l’hypnotisé ne change pas son état mental. Il
obéit aux mêmes incitations qu’un sujet normal à l’état de veille^ il a
simplement moins de résistance, mais il n’exécute pas totalement pour
cela les suggestions qui lui sont faites ».
M. Crocq a fort bien démontré qu’à l’état de veille, le degré de
suggestibilité dépend, pour chaque individu, du rapport existant entre
son impressionnabilité et sa résistance. Ces deux facteurs sont-ils très peu
différents, la suggestibilité reste normale. Mais l’impressionnabilité
devient-elle considérable, la résistance faible, cette suggestibilité peut
devenir pathologique. Tel est le cas de ces sujets hyper-suggestibles,
chez lesquels l’impressionnabilité tend vers n -f- 1, tandis que la résis¬
tance se rapproche de n — 1. Ces idées très justes sont tous les jours
confirmées par les faits.
Il est de plus une autre catégorie de malades très intéressants à
connaître. Ce sont ceux, et ils sont nombreux, chez lesquels récipro¬
quement l’impressionnabilité se rapproche de n — 1 et la résistance est
voisine de n -j- 1.
Qu’ils s’appellent hystériques, neurathéniques, psychasthéniques, ces
malades ne guériront que très difficilement, sinon même jamais, par
psychothérapie à l’état de veille. Ils ne guériront que par psychothérapie
hypnotique.
L’hypnotisme est, depuis l’état de veille, jusqu’à la léthargie la plus
complète, un processus essentiellement progressif. Il suffit de lire les
descriptions qu’ont donné des états de l’hypnose les divers auteurs pour
juger combien chacun d’eux a, suivant sa façon de voir, multiplié plus
lü.
298
REVUE DE l’hypnotisme
OU moins, les divers degrés du sommeil provoqué. D’autre part, chaque
malade apporte lui aussi son contingent dans la variété des phénomènes
observés. La question du terrain apparaît ici encore, vous le voyez,
dans toute son importance. C’est ce que M. le Professeur Tamburini a
bien mis en lumière autrefois lorsqu’il a émis le premier cette idée que
les modalités qu’affectent chez les hystéro-épileptiques les phénomènes
décrits sous le nom de grand hypnotisme ne doivent être considérés que
comme la signature de l’hystérie.
Chaque malade, en effet, descend plus ou moins les degrés de l'échelle
suivant sa plus ou moins grande suggestibilité. Certains d’entre eux,
ceux auxquels je viens de faire allusion, peuvent être difficiles à hypno¬
tiser mais il faut bien savoir qu’il n’y a pas là d’impossibilité.
Et d’ailleurs c’est une grave erreur de vouloir plonger les malades
dans un état de sommeil profond. Il suffit souvent de les hypnotiser au
minimum. Dans cet état, les raisonnements porteront qui, tout à l’heute,
à l’état de veille, étaient impuissants. Car, j’insiste sur ce point, on
s'adresse^ dans ce cas, à la raison du malade. Le sujet discute encore
les idées qu'on cherche à lui inculquer mais finit toujours par se laisser
convaincre. En l’endormant, on a simplement éteint en lui sa résistance
pathologique. En ce faisant, on lui a précisément restitué la possibilité
de raisonner logiquement. On lui a permis, passez-moi l’expression, de
ratteler son centre supérieur à ses centres inférieurs désagrégés par la
maladie. Dans ce cas, vous le voyez, on a fait de la persuasion à l’état
d’hypnotisme, ce que, fidèle à ma définition, j’appellerai de la suggestion
persuasive.
La considération qui trouve choquant d’agir en dehors du contrôle de
l’individu n’a elle aussi qu’une valeur plus apparente que réelle. Parmi
les malades qui s’adressent à nous, beaucoup ont été soignés par psy¬
chothérapie à l’état de veille et cela sans résultat. Ils viennent nous
trouver précisément pour être hypnotisés.
Au reste, dans le cas où le sommeil très profond pourra paraître
indispensable, rien ne sera fait sans le fameux contrôle du malade
puisque toujours et par avance, auront été arrêtées avec lui et de son
plein consentement, les suggestions à lui faire.
Peu importe d’ailleurs qu’il soit nécessaire dans certains cas, d’anni¬
hiler pour un moment plus ou moins complètement la personnalité de
l’individu et de le mettre en état passager d’automatisme, dès l’instant
que la guérison est au bout.
Ceux qui viennent nous trouver sont d’ailleurs pour la plupart plus
ou moins abouliques. Il leur manque surtout cette faculté d’arrêt sur
l’importance de laquelle, l’année dernière, M. Bérillon a si longuement
insisté dans sa leçon sur Téducation du caractère. Or notre rôle est
précisément de restaurer cette faculté de contrôle, cette volonté d’arrêt
qu’on nous accuse de détruire.
Les malades qui trouvent dans l’hypnotisme la guérison que la psy¬
chothérapie supérieure n’a pu réussir à leur procurer se soucient fort
l’école de psychologie
299
peu de savoir si la thérapeutique employée sur eux constitue une psy¬
chothérapie inférieure. Les plus beaux schémas leur sont indifTérents.
Ils sont guéris et cela leur suffit.
Et ceci me conduit à vous parler en terminant, de la suggestion
impérative.
C’est là un sujet familier à la plupart d’entre vous. M. Bérillon vous a,
dans ses leçons, exposé tout au long, sa méthode. En vous présentant
des malades, il vous a fait toucher du doigt les résultats thérapeutiques
si remarquables qu’elle permet d’obtenir.
Ici, en effet, il ne s’agit pas d’un simple moyen mais bien d’une mé¬
thode. Et c’est à cette application méthodique d'une véritable opéra--
tion psychologique que doit s’attacher indissolublement le nom de
Bérillon.
Inutile de vous indiquer les cas dans lesquels elle doit être employée.
Ces exemples, M. Bérillon, je le répète, les a fait défiler devant vous.
Je me bornerai à vous rappeler et je ne puis mieux faire que de citer
textuellement comment l’emploi de l’hypnotisme ainsi manié permet de
remédier chez l’enfant et même chez l’adulte aux impulsions vicieuses,
anti-sociales qui correspondent à l’absence du pouvoir modérateur et de
la volonté d’arrêt.
Les principaux temps qui, dans la pratique, correspondent aux prin¬
cipes fondamentaux de cette méthode sont au nombre de six. Il faut :
1® Faire l’examen psychologique du sujet.
2® Faire le diagnostic de la suggestibilité.
La suggestibilité étant en rapport direct avec le développement de
l’attention^ on comprendra l’intérêt que peut avoir le psychothérapeute
à connaître la puissance d’attention dont pourra disposer le sujet sur
lequel il expérimente. Ce premier temps de l'opération a surtout pour
but d’éclairer la voie et de renseigner sur l'efficacité possible du trai¬
tement.
3® Provoquer l’état d’hypnose ou tout au moins un état passif, c’est-
à-dire un état physiologique caractérisé par la suppression et la dimi¬
nution des diverses activités de son esprit et par l’augmentation de
l’automatisme.
Pour obtenir une transformation morale, la première condition est
que le sujet soit hypnotisé. Quand il n’est pas hypnotisé, il résiste incons¬
ciemment à l’influence des suggestions. La production de l’hypnose
avant toute tentative de suggestion est capitale. Elle constitue la base
de la méthode ; sans elle, on retombe dans les procédés habituels d’édu¬
cation et il n’y a aucune raison pour que cette nouvelle intervention soit
plus efficace que celles qui ont été tentées par les divers éducateurs.
4® Le sujet étant hypnotisé, lui imposer la direction morale par des
suggestions impératives.
Les suggestions doivent être formulées avec précision et exprimées
avec autorité. On ne discute pas avec une mauvaise disposition d'esprit.
On la neutralise par une direction énergique. Cette opération est
300
REVUE DE l’hypnotisme
d’ailleurs conforme à la doctrine de Kant. Son impératif catégorique
nous enseigne que la raison doit commander en maitre et qu’on ne doit
pas transiger avec le devoir. Nous avons eu longtemps l’illusion que la
persuasion pouvait suffire à modifier les tendances mauvaises. L’ex¬
périence nous a appris que seules des suggestions impératives sont
capables de provoquer cette explosion de principes dont Kant nous
indique la nécessité. Dans la pédagogie du caractère les premières
suggestions doivent toujours avoir pour but de combattre les tendances
au mensonge et à la ruse dans lesquelles se trouve la racine de toutes
les couardises et de toutes les trahisons.
5® Associer a la suggestion verbale impérative une discipline psycho¬
mécanique.
Dans les cas où il s’agit de corriger une émotivité dépressive, la disci¬
pline psycho-mécanique aura pour but la création d’un centre d'arrêt
psychique. Cet effet sera réalisé en mettant mécaniquement le sujet dans
l’impossibilité d’exécuter Tacte indiqué, en provoquant chez lui, par
suggestion une paralysie psychique. On répétera ces manœuvres
jusqu'à ce que le cran d'arrêt soit gravé mécaniquement dans le cerveau
du sujet. On déterminera la limite où doit se contenir son émotion.
6® Terminer l’opération psychologique par le réveil complet du
SUJET SOUMIS A l’iNFLUENCE DE l’hYPNOTISME.
« Depuis longtemps, ajoute M. Bérillon, nous insistons sur l’intérêt
que présente dans la pratique de la psychothérapie l'emploi des artifices
destinés à renforcer l’action de l’hypnotisme et de la suggestion. A la
suggestion impérative seule capable de graver dans un esprit indécis
les principes fixes sur lesquels il appuiera sa résistance aux impulsions,
il faudra ajouter une gymnastique spéciale destinée à réaliser la création
de centres psychiques d'arrêt. Un fait remarquable, c’est que les
exercices, impuissants lorsqu’ils sont exécutés à l’état de veille,
deviennent d'une efficacité remarquable lorsqu'ils le sont chez le sujet
dans l'état d'hypnotisme. C’est sur cette constatation que repose la valeur
de la méthode hypno-pédagogique.
Grâce à l’emploi rigoureux de cette méthode, on pourrait obtenir la
création de freins psychologiques^ de ces crans d'arrêt qui confèrent à
l’homme le pouvoir de dominer ses réflexes, de neutraliser les impulsions
instinctives, d’être en toutes circonstances maître de lui-même »,
La méthode de M. Bérillon nécessite de la part de celui qui l’emploie
une endurance considérable. Il faut pour la bien appliquer être capable
d’un effort soutenu, très fatigant; il faut se dépenser sans compter.
Là est peut-être, au fond, une des raisons principales des échecs d’un
grand nombre de médecins et de psychothérapeutes en matière d’hyp¬
notisme et partant de leur parti pris contre la somniation provoquée.
Je viens de vous dire qu’il fallait avoir soin de s’assurer du réveil
très complet du malade. A ce sujet, laissez-moi vous faire en terminant
une remarque pratique.
Nous avons montré autrefois, Dumontpallier et moi, que chez les grandes
l’école de psychologie
301
hystéro-épileptiques hypnotiques, les excitations périphériques qui
avaient servi à provoquer un phénomène quelconque pouvaient, em¬
ployées à nouveau, amener sa disparition.
Le fait a été formulé par M. Dumontpallier a Tagent qui fait défait,
la cause qui fait défait ».
Nous avons montré les premiers que le mode d’excitation susceptible
de plonger un sujet dans une des phases de l’hypnose peut aussi l’en
faire sortir et qu’il devait être de préférence à tout autre utilisé à cet
effet.
Endort-on, par exemple, un malade avec une excitation d’intensité
égale à dix, il faut autant que possible le réveiller au moyen d’une
excitation de même intensité et le meilleur procédé est évidemment
d’avoir recours à l’agent même qui a servi à îe mettre en état d’hyp¬
nose.
Nous avons développé les raisons pour lesquelles il vaut mieux, d’une
façon générale, employer pour défaire un état produit l’agent qui l’a
déterminé.
Le souvenir de ces remarques pourra dans certains cas fournir des
indications utiles pour le traitement de certains accidents hystériques
tout au moins.
Un exemple à cet égard bien typique: une jeune fille hystéro-épilepti¬
que est subitement atteinte de mutisme hystérique et de contracture du
bras droit à la suite de la frayeur causée par la détonation d’une arme à
feu à laquelle elle ne s’attendait pas. Pendant deux mois environ tous
les moyens thérapeutiques très logiquement appliqués restent sans
résultat. Un coup de feu tiré, sur mon conseil, dans la chambre de la
malade sans qu’elle pût le prévoir amena instantanément la guérison.
Ce second coup de feu, excitation identique à la première, avait déter¬
miné dans le cerveau de la malade un ébranlement émotif lui aussi de
même nature, de même intensité que le premier.
Or, ainsi que je l’ai montré et c’est là une loi physiologique générale :
Deux excitaitions périphériques de wême nature, de meme intensité,
peuvent produire sur le système nerveux deux effets diamétralement
opposés (dynamogénie ou inhibition) le sens de Veffet dépendant de
Vétat du système nerveux (état dynamique s’entend) au moment où
Vexcitation se produit.
Quoi qu’il en soit, l’emploi isolé ou combiné des quelques procédés
psychothérapiques dont je vous ai sommairement parlé, m’a toujours
donné les meilleurs résultats dans le traitement des paralysies hysté¬
riques.
En psychothérapie et à un point de vue très général, le médecin devra
décider, dans chaque cas particulier si le traitement doit être fait a l’état
de veille ou d’hypnotisme; quel procédé, quelle méthode il conviendra
d’appliquer de préférence.
S’il trouve nécessaire d’endormir la malade, il lui faudra juger quelle
part reviendra dans le traitement au sommeil seul, quel degré de ce
302
REVUE DE l’hypnotisme
sommeil il faudra chercher à obtenir, quelle sera pendant Thypnose la
nature des raisonnements, des suggestions à faire.
Ainsi compris, remploi rationnel et pour ainsi dire dosé de la som-
niation provoquée constitue une méthode scientifique des plus rigou¬
reuses.
Mais, sachez-le bien, à quelque procédé que vous ayez recours, deux
qualités essentielles vous seront nécessaires.
Il vous faudra être doués d’une patience à toute épreuve. Vous devrez
posséder au suprême degré la qualité maîtresse, celle qui pour moi fait
le vrai charme du cœur humain : la bonté.
En présence du malade, ne pensez qu’au malheureux à secourir.
Sachez, je vous le répète, lui inspirer confiance. Que le médecin s’efface
devant l’ami et la guéri^n sera déjà à moitié faite.
Alors votre profession sera pour vous une source immense de satis¬
faction. Elle vous apparaîtra comme la plus élevée, la plus noble entre
toutes, comme celle qui guérit souvent, qui soulage toujours la pire
des misères, la misère morale.
Et lorsqu’au jour de l’échéance fatale, la mort entr’ouvrira votre
porte, vous regretterez peut-être que la fin trop tôt venue du jour vous
empêche de continuer à faire le bien, mais vous pourrez aussi regarder
tranquillement en arrière en songeant que si courte qu’ait été la journée
votre tâche a été remplie.
PHYSIO-PSYOHOLOGIE DES RELIGIEUSES
Les religieuses de Port-Royal.
(Neuvième série de 5 observations).
Par le D** Binet-Sanglé,
professeur à TEcole de Psychologie.
{suite et fin) (i)
II. Nouvelles remarques sociologiques.
L’étude généalogique qui précède donne lieu aux remarques suivantes :
1" Développement d'institutions congréganistes grâce aux largesses
d/une même famille. — Perronelle de Châteaurenaud lègue trois arpents
de vigne à l’abbaye de la Trinité de Vendôme. Son fils Bouchard de
Vendôme III confirme la fondation, etsongendre, Geoffroy de Preuilly III,
les ordonnances faites par Geoffroy d’Anjou en faveur de cette abbaye.
La nièce de Geoffroy de Preuilly III, Mahaud d’Alençon-Châteaudun
y fait une donation que signe son fils Jean de Vendôme I. Celui-ci donne
une partie de la forêt de Gastine et sa femme plusieurs autres terres. Leur
fils Lancelin consent à la donation de la métairie de Villiers faite par
sa mère, et en fait une lui-même, ainsi que son frère Bouchard IV. Le
(!) Voyez Revue de VHypnotisme^ n* d’octobre 1905 et suivants.
PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES
303
QIs de celui-ci, Jean III, donne à cette même abbaye le droit de foire.
Son petit-fils, Jean de Vendôme IV, confirme, avec sa femme Gervaise
de Mayenne, le don fait par Geoffroy de Vendôme et fait un accord avec
Tabbé, du consentement de sa femme et de son fils Bouchard de Ven¬
dôme.
Landry de Nevers IV donne à l’abbaye de St-Germain d’Auxerre le
monastère de Dezise. Son fils Renaud I confirme cette donation. Son
autre fils, Robert de Nevers, donne à cette même abbaye l’église de Ste-
Cécile de Châtillon.
Pierre de Brisay II est le bienfaiteur de l’abbaye de Pontevrault. La
veuve de son arrière-petit-fils, Âlau de Brisay II, accorde des rentes à
l'église de cette abbaye.
Yves de Nesle III donne, de consentement de ses frères, à l’abbaye de
St-Crespin-le-Grand, la chapelle de Beaulieu, les dîmes d'Estrées, tout
ce qu’il possède au diocèse de Noyon, abandonne à l’abbaye de St-Yves
un droit de vinage qu’il avait sur ses terres, et confirme les donations
faites à l’abbaye de Longpont. Son petit-fils, Raoul de Nesle III, se
montre également généreux à l’égard de ces abbayes, et assiste à la
dédicace de la Fernière.
Il est d’ailleurs naturel que ce soit au monastère le plus proche du
château familial qu’aillent toujours les libéralités d’une même famille.
Les moines ont d’ailleurs soin d’établir dans la maison seigneuriale une
tradition en leur faveur. Très souvent, il est stipulé que la dotation est
faite de consentement des héritiers. D’autres fois les héritiers confirment
la dotation. De cette manière aucun litige n’est à craindre dans l’avenir.
La femme de Gauthier d’Aunoy lègue une rente en grains à l’abbaye
de St-Antoine-lès-Paris. Son fils Gauthier ratifie ce legs, ainsi qu’une
autre donation faite au même monastère.
Matthieu de Montmorency I fait des donations aux Prémontrés, et
donne cent sols de rente à l'église de St-Victor de Mufliers. Son arrière-
petit-fils, Matthieu de Montmorency, confirme la dotation, et le frère de
celui-ci. Bouchard de Montmorency VI, confirme la rente.
Matthieu de Montmorency, arrière-petit-fils de Matthieu I, fait plu¬
sieurs donations aux religieux d’Erloy, près Choisy. Son frère Bou¬
chard VI leur donne les dîmes d'Attichy.
2'" Le contrat synallagmatique, — Ces libéralités sont toujours faites
dans un but intéressé. Il n’y a pas aumône, mais opération commer¬
ciale. Le moine vend. Le seigneur achète. Il achète, moyennant finances,
terres ou denrées, pour lui ou ses proches, les béatitudes du paradis.
Jean de Dormans 4onne aux chartreux de Paris, « afin qu’ils prient
pour le salut de son âme », un capital de cinq cents écus et trente livres
de rente. Son frère Guillaume de Dormans est enterré dans l’église de
ce monastère.
Renaud de Craon fonde, avec le consentement de son fils Henry, l’ab¬
baye de la Roë. Maurice de Craon III, qui descendait de lui à la cin¬
quième génération y est enterré. La sœur de celui-ci, Constance de
304
REVUE DE l’hypnotisme
Craon, donne à cette même abbaye, « pour le repos de l’âme de sa mère
et de son frère », une rente sur le péage de Loiré, à Ohantocé.
Renaud de Bourgogne I fait plusieurs dons à Tabbaye de Oluny. Le
fils de son beau-frère, Renaud de Nevers I, donne à cette même abbaye
le village de Beaumont « pour le soulagement de Tâme du comte Landry
son père, de la comtesse Mathilde sa mère, et de Guy, son frère, du con¬
sentement et en présence de la comtesse Âdelaïs, sa femme ., et de
Guillaume, son fils. »
Parfois même, c’est d'un bien purement terrestre que le dévôt entend
faire acquisition. Le moine d’occident, au moyen âge, ne diffère pas
notablement du sorcier nègre ou patagon.
Elisabeth de Vendôme fait quelques donations du consentement de
son mari, à l’abbaye de Marmoustier, « afin d’obtenir de Dieu un enfant ».
Son petit-fils, Jacques de Vendôme, se montre également libéral envers
cette abbaye du consentement de sa femme Perronelle de Châteaure-
naud.
3o Les sépultures religieuses, — C’est le même motif qui conduit le
riche dévôt à élire sa sépulture dans un monastère. Il pense qu’en subis¬
sant de plus près l’influence des paroles et des gestes cabalistiques
du prêtre ou du moine, il échappera plus sûrement au probable pur¬
gatoire.
Furent enterrés, Simon de France dans l’abbaye d’Orcamp, Jacques
de Saint-Simon I dans une chapelle de Noyon, Gilles de Rouvroi dans
une chapelle de la cathédrale de Senlis, Havoise de Montmorency dans
une chapelle de l’abbaye d'Hermières et Philippe d’Aunoy II dans
une chapelle de l’église du prieuré de Mouy-le-Neuf qu’ils avaient
fondées.
Geoffroy de Preuilly III fait construire l’abbaye de St-Pierre de
Preuilly, Gaucher de Rouvroy une chapelle dans l’église des Cordeliers
de Saint-Quentin, Herbert de Vermandois III fait rebâtir l’abbaye de
Lagny. Ils sont enterrés respectivement dans ces monastères.
Otte-Guillaume de Bourgogne et son fils Renaud I font plusieurs do¬
nations à l’abbaye de St-Bénigne de Dijon. Le frère de Renaud I, Guy
de Bourgogne I, y est enterré.
Matthieu de Montmorency II fait des legs aux églises du Mesnel, de
Bois-St-Père et de Notre-Dame-du-Val. Son fils Bouchard VI les ap¬
prouve et donne de plus à la seconde un muid de blé, et à la troisième,
douze livres parisis de rente. Le fils de Bouchard VI, Matthieu III, donne
encore à cette dernière un moulin, un étang, des prés et trente arpents
de terre. Son arrière-petit-fils, Charles de Montmorency y est enterré.
Conon de Nesle fait des donations à l’abbaye d’Orcamp. Son frère
Jean y est enterré.
Raoul de Nesle III assiste à la dédicace et se montre généreux à l’é¬
gard de l’abbaye de Longpont. Il est enterré à l’entrée du chapitre.
LES GRANDS EXORCISMES DU XIX* SIÈCLE
305
Les grands exorcismes du XIX* siècle
par M. le D** Witrv, de Trêves.
(suite et fin) (<).
Ce n’est pas seulement le catholicisme qui a mis en scène au xix® siècle
les drames hystériques ; le protestantisme et Torthodoxie russe ont aussi
engagé Satan comme acteur dans des scènes d’exorcisme.
Le grand réformateur Luther, qui avait tant d’hallucinations diabo¬
liques, indiquait de son temps comme remède radical à appliquer contre
Tidiotie, « de plonger l’enfant dans l’eau et de le noyer, car de telles créa¬
tures ne sont qu’une masse de chair, massa camis^ dans laquelle il n’y
a comme âme que le diable ».
Les pasteurs protestants modernes sont restés fidèles aux croyances
du fondateur du protestantisme. Témoin le rapport suivant du D** Som¬
mer au congrès des aliénistes allemands, à Munich, en 1893.
En automne 1892, on vit arriver dans le village prussien d’Heidreege
(Pinneberg) une mission protestante. Elle se composait de deux mission¬
naires-pasteurs. Après le sermon, la femme d’un instituteur des envi¬
rons, qui était aliénée depuis des années et avait été internée à diffé¬
rentes reprises, s’approcha du prédicateur et demanda à parler au
pasteur Roeschmann. Elle se plaignit à lui d’êlre possédée par le diable.
Le pasteur essaya de Ten délivrer par l’exorcisme. Quelques instants
après les gens réunis dans une pièce voisine, parmi eux le pasteurs Ick,
entendent des cris épouvantables. Ils entrent et entendent le diable
parler correctement l’anglais ainsi qu’une langue orientale inconnue. Il
est à noter que la femme ne connaissait que Pallemand.
 la fin, la possédée déclare que le diable la quittera seulement dans
l’église de son village. Les deux pasteurs délibèrent longuement et se
demandent sérieusement s’il ne faut pas y conduire la malade. Enfin,
la nuit arrivant, ils abandonnent ce projet. Ils continuèrent pendant deux
heures à se livrer à des pratiques d’exorcisme, jusqu’à ce que la femme se
débattît des mains et des pieds, et que l’écume sortît de sa bouche.
Alors elle devint plus calme. Pendant toute celte procédure, les pas¬
teurs étaient assistés par les fidèles qui chantaient des chœurs. Un peu
plus tard, la femme rentra tranquillement chez elle, aussi malade natu¬
rellement qu’auparavant.
Un exorcisme en Abyssinie est raconté par le missionnaire Th. Wald-
meyer dans son livre : The auto-biography of Th, Waldmeyer. London
S. W. Partiidge 1890, p. 64.
Plus récent encore est celui de Kronstadt en 1903. Le « Journal de
St-Pétersbourg » le décrit d’aprèà les communications du chef de
police !
« Batuschka Joannès Kronstadtski (Jean de Kronstadt) est un pope
russe célèbre, que la population orthodoxe regarde comme un saint. La
(1) Voyez Revue de VHypnotisme, ir* de décembre 1905 et janvier 190G.
306
RBVÜB DE l’hypnotisme
foi en la puissance miraculeuse de ses prières est tellement répandue
qu’il y a constamment une foule de pèlerins en marche vers Kronstadt
pour trouver auprès du père Jean la guérison et le soulagement de tous
les maux. Une grande abnégation et une individualité très accentuée,
qui inspirent de la confiance, font de ce prêtre une figure qui ne se
confond pas avec le vulgaire. Dernièrement arriva à St-Pétersbourg une
pauvre femme malade. Son mal se manifestait en ce que, chaque fois
qu’elle entendait sonner les cloches de l’église, elle tombait par terre et
se mettait à crier d'une voix rauque et sauvage. Elle était en même
temps baignée de sueurs et secouée par des contorsions épouvantables.
Le môme phénomène se produisait à chaque procession. A cause de ces
symptômes la malade fut déclarée possédée. Elle souffrait depuis trois
ans de ces crises. Enfin sa famille résolut d’avoir recours au remède
considéré comme souverain et de la conduire auprès du père Jean qui
célébra à St-Pétersbourg la cérémonie liturgique. Cela se passait le
14 mars. La malade prit part à la communion. Tout de suite l’attaque se
déclara. Elle criait et grimaçait horriblement. Trois hommes robustes
étaient obligés de la tenir. Le père Jean lui imposa les mains, la fixa
d’un regard ferme et lui dit d’une voix autoritaire : « Au nom de Notre
Seigneur Jésus-Christ je te somme de sortir, Satan ! » Le père Jean
répéta ces mots plusieurs fois. Un silence de mort régnait dans l’église
remplie de fervents. On n’entendait que la voix énergique du pope :
« Va t’en vite ! » et les cris inarticulés de la malade qui hurlait de temps
en temps : « Je m'en vais tout de suite ! » Cette lutte dura pendant
quelques minutes. Alors les cris cessèrent. La malade tomba à terre,
les yeux fermés, respirant lourdement dans les bras de ses parents. Le
père Jean l'apostropha à trois reprises : « Ouvre les yeux ! )> La malade
obéit avec un grand effort. Il lui ordonna ensuite de faire plusieurs fois
le signe de la croix. La première fois elle le fit péniblement, pour le
suivant cela s’effectua facilement. Alors le père Jean enjoignit à ses
parents de la laisser disant: « Elle est complètement guérie ». Il lui pré¬
senta la communion et elle communia pieusement. Cette guérison fit une
grande impression sur tous les assistants. »
Il y aurait encore à citer, à titre de curiosité, la soi-disant possédée
de Grèzes-Laissac, la sœur Fleuret, qui occupait un emploi à l’orpheli¬
nat de la localité. C’était en juin et juillet 1902. Pendant qu’on se débat¬
tait sur la question de la possession, l’évêque Franqueville, de Rodez,
résolut la question en remettant la malade entre les mains des méde¬
cins. Elle fut promptement rétablie.
Dans ce cas, comme dans tous les autres, l'hystérie et la suggestion
créent des terrains très favorables pour l’éclosion de ces scènes funam¬
bulesques. Elles permettent également d’obtenir des guérisons, soit
temporaires, soit durables. Mais ces luttes théâtrales entre Satan et l«s
prêtres de toutes les religions ne disparaîtront jamais, parce que les
religions ont besoin de cet éternel adversaire et parce qu’il y aura
toujours des personnes qui auront intérêt, dans des cas semblables, à
LES GRANDS EXORCISMES DU XIX* SIÈCLE
307
éviter le contrôle des médecins. Il leur semble préférable que les
croyants aient l’impression que Satan rode autour d’eux jour et nuit :
« Sicut leo quœrens quem devoret ». La crainte du diable n’est-ii pas
le plus sûr agent de leur domination.
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 17 octobre 1905. — Présidence du D** Le Menant des Chesnais {suite
Des anesthésiques, et en particulier de la scopolamine, 0)
envisagés comme adjuvants à la suggestion hypnotique,
par M. le D*" Bérillon
médecin-inspecteur des asiles d’aliénés
Quand on se trouve amené, par une indication formelle, à l'emploi de
l’hypnotisme, dès les premières tentatives pour provoquer l’hypnose, on
peut classer le malade dans une des trois catégories suivantes : hyper-
hypnotisable, normalement hypnotisable, non hypnotisable.
Or, il arrive fréquemment que les peu ou pas hypnotisables se trouvent
être précisément ceux chez lesquels l’emploi de la suggestion hypno¬
tique serait le plus justifié, c’est-à-dire chez des hypochondriaques, des
anxieux, des obsédés, des phobiques et des agités.
Le plus souvent cette résistance à l’hypnotisme n’est pas fondamen¬
tale. On en trouve la cause la plus habituelle dans des contre-suggestions,
dans des idées préconçues, dans des dispositions qui reposent sur des
sentiments ou sur des erreurs de jugement, il est rare qu’on ne par¬
vienne pas .à les neutraliser par la persuasion ou par les arguments
décisifs. G est d’ailleurs dans l’application de cette dialectique, dans
laquelle on retrouve tous les éléments d’une méthode philosophique
positive, que réside l’art de l’hypnotisme. Mais il arrive que la résis¬
tance à l’hypnotisme a son point de départ dans une irritabilité nerveuse
créée et entretenue par diverses intoxications ou par des auto-intoxi¬
cations. Dans ces cas, il convient d’attendre le moment le plus favorable
pour la réalisation de l’expérience. En effet, la suggestibilité normale
d’un sujet peut varier d’un moment à l’autre, sous l’influence d’exci¬
tants. C’est ce qu’on observe chez les alcooliques qui, très hypnotisables
à jeun, ne le sont plus après l’ingestion d’une petite quantité d’alcool.
En réalité, la résistance à l’hypnotisme réside surtout dans la diffi¬
culté qu’éprouvent certains malades à se placer dans les conditions
indispensables à la réalisation^du sommeil qu’il soit spontané ou pro¬
voqué. Ces conditions sont l’immobilité, le calme, le ralentissement de
l’activité intellectuelle, la résolution musculaire, en un mot, une passi¬
vité assez accentuée.
(I) Communication faite au congrès iiiternational de méJecine. Liège, sept. 1905.
308
RBVUB DE l’hypnotisme
Cet état de passivité, de sédation, étant la condition préalable de la
production de l’hypnose, un certain nombre d'observateurs ont été amenés
à la réaliser, chez les sujets énervés et par cela même réfractaires à
l’hypnose, par l’administration de faibles doses d'anesthésiques ou de
narcotiques.
Trente minutes environ après une première injection de trois ou
quatre dixièmes de milligramme de scopolamine, le sujet est pris d'un
besoin de dormir analogue à celui du sommeil spontané. Il résiste
quelque temps, se frotte les yeux, baille, désire s’étendre sur une chaise-
longue, ses paupières s’alourdissent et il s’endort. La respiration est
remarquablement calme. Si on lui lève le bras, il a une tendance, comme
dans l'hypnose, à les maintenir dans la position qu’on leur a donnée.
Les mouvements imprimés continuent à s’exécuter automatiquement, si
l’on insiste un peu.
Malgré l’apparence de sommeil profond, si on fait du bruit à côté du
malade, si on lui parle fort, si on le remue, il se réveille exactement
comme un homme endormi du sommeil naturel. Si on le pique et si on
le pince, il ne traduit pas la moindre sensibilité.
Des suggestions faites dans cet état se réalisent après le réveil, exac¬
tement comme cela se passe dans l’état d’hypnotisme. De plus quelques
injections suffisent habituellement pour réaliser l’entraînement hypno¬
tique et il n’est plus nécessaire d’y recourir pour obtenir que le sujet se
laisse hypnotiser avec la plus grande facilité.
Les expériences que nous avons faites nous permettent d’envisager la
scopolamine comme un véritable médicament psychologique.
En l'employant avec toute la prudence que comporte son extrême
toxicité, on peut se placer dans les conditions les plus favorables pour
vaincre les résistances conscientes ou inconscientes qui, chez certains
malades s’opposent à la production de l’hypnotisme.
Lumière colorée et hypnocyanotrope
par M. le D** Paul Farez,
professeur à l’Ecole de psychologie
En psychothérapie, la principale difficulté consiste à rendre hypnoti¬
sables et, par conséquent, suggestionnables, le plus grand nombre de
malades possible. Pour obtenir ce résultat nous devons posséder tout un
arsenal très varié d’appareils, de « trucs », d’artifices. Les agents
chimiques sont déjà d’un très grand secours, telle la narcose éthyl-
méthylique dont je vous ai, à maintes reprises, exposé les brillants
succès ; telle aussi l’injection de scopdTamine dont nous entretenait
récemment le D*^ Bérillon. Les agents physiques nous ont donné la
vibrothérapie ; la photothérapie, elle aussi, peut nous être un adjuvant
précieux.
Des études très documentées, venues de différents pays, nous ont
SOCIÉTÉ d'hTPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE 309
appris Tinfluence des diverses couleurs du prisme sur Tétât mental elle
tonus nerveux.
Sans m'étendre sur les efTets spéciaux de chacune des Couleurs du
prisme, je rappelle les deux points suivants : lo la lumière rouge est
stimulante ; 2^ la lumière bleu*violet est calmante.
Cette double notion peut être utilisée heureusement dans la pratique
courante des consultations à notre domicile.
Quand les locaux le permettent, on se trouvera bien d'installer deux
cabinets distincts qui, par les rideaux, les tentures, les fauteuils, etc.
donneront une tonalité générale rouge pour le premier, bleu-violet pour
le second. Dans le cabinet rouge seront reçus les malades déprimés,
abouliques (qui ont besoin d’être stimulés); dans le cabinet bleu, les
malades agités ou hyperexcitables (qui ont besoin d'être apaisés). L'am¬
biance visuelle agira heureusement dans le sens d'un meilleur être
momentané, pendant tout le temps que le malade restera en tête à tête
avec son médecin; la consultation sera plus aisée, Tentretien plus cor¬
dial, le malade plus confiant et plus docile.
Si les locaux ne ser prêtent pas à un cabinet double, rien ne sera plus
facile que de faire, à volonté, d'une même pièce, tantôt un cabinet rouge
et tantôt un cabinet bleu, par un jeu très simple de verres, de tulipes
ou d'abat-jour colorés.
La propriété sédative du bleu-violet mérite en outre d'être utilisée
dans la provocation du sommeil artificiel. Parmi les nombreux procédés
susceptibles de réaliser l'hypnose, le plus courant consiste dans le
maintien d’une seule et même sensation visuelle. Cette sensation visuelle
sera d'autant plus « endormante » qu'elle sera produite par une couleur
calmante, apaisante.
C'est à cet eiïet que M. Bercut a réalisé, sur mes indications, le petit
appareil que voici :
Il consiste en un disque bleu-violet (bleu d’outremer mitigé de violet-
évêque). A ce disque sont adaptés des ailerons qui en facilitent et en
régularisent la rotation ; étant noirs, ces ailerons passent, pour ainsi
dire, inaperçus pendant la rotation du disque bleu. Le tout s'adapte au
moteur Bercut, déjà bien connu par ses applications à la vibrothérapie.
Le principe de l'appareil est que les yeux du malade se repaissent
uniquement de lumière bleue; la rotation du disque n’est donc pas
indispensable; toutefois, en pratique, elle est très utile, parce qu’elle
réalise un centre d attraction qui sollicite Tattention oculaire.
Cet appareil n'agit point uniquement par fascination, ainsi que les
divers miroirs à alouettes ou autres. Par la qualité même de la couleur
mise en jeu, il permet une hypnotisation beaucoup plus rapide et plus
aisée que par les surfaces simplement brillantes.
Comme il a pour but de faciliter le sommeil (hypnos) et qu'il comporte
une surface bleue (cyanos) que Ton fait tourner [trepô, trope), je lui ai
donné le nom d'hypnocyanotrope.
310
REVUE DE l'hypnotisme
Un ancien « traqueur », premier prix du Conservatoire
par M. le Paul Farez
professeur à TEcole de psychologie
A titre d’épilogue, je désire vous dire quelques mots, au sujet d’un
jeune virtuose dont je vous ai déjà entretenus il y a un an.
Elève du Conservatoire, M. X. est considéré par son professeur et
par ses camarades comme un sujet très remarquable. A la classe ou
dans l’intimité, il est extrêmement brillant ; un étranger survient-il à
la classe, ou s’agit-il de jouer devant un public même très restreint,
il est désemparé, se trouble et finalement s’arrête au bout de quelques
mesures, impuissant à aller plus loin. Dès lors, il voit arriver avec
terreur le concours de 1904 ; il se sent matériellement incapable
d’affronter l’épreuve ; il ne mange plus, ne boit plus ; il voit sa vie
manquée, son avenir perdu ; il a des crises de désespoir et, bientôt, des
envies d’en finir par le suicide.
Quelques jours avant le concours, je l’hypnotise ; et, le jour même,
il participe, sans aucun trac, à une répétition en public. Dès lors il est
rassuré, réconforté, calmé.
Je l’hypnotise une seconde et dernière fois, la veille du concours ; et
il remporte, à l’unanimité, le premier des seconds prix.
Or, cette année (1905), il a enlevé son premier prix, sans trac et sans
avoir eu besoin de se faire à nouveau hypnotiser. Ce cas montre, une
fois de plus, la stabilité des guérisons obtenues par la suggestion hyp¬
notique.
Le public, de plus en plus au courant des choses médicales, a très
souvent recours à l’hypnotisme pour la guérison des diverses formes du
trac ; c*est tantôt un jeune collégien qui redoute l’examen oral ; c’est un
représentant de commerce qui manque d’assurance et n’ose « faire
l’article » avec tout le brio qu’il faudrait ; c’est un jeune officier qui
se sent presque annihilé et peut à peine articuler quelques paroles
quand un supérieur l’interpelle ou l’interroge ; c’est un professeur qui
n’ose regarder en face les élèves bruyants, ni les réprimander ou les
punir ; c’est une femme du monde, dame patronesse d’une œuvre chari¬
table, qui est toute bouleversée à la pensée qu’elle devra, dans quelques
jours, souhaiter la bienvenue à une ministresse qui a promis sa visite ;
c’est encore ce brillant conférencier que nous sommes plusieurs ici à
avoir hypnotisé sur la scène pendant les quelques minutes qui précèdent
le lever du rideau.
Dans tous ces cas, il convient de se conformer à la recommandation
qu’a souvent faite le D** Bérillon, à savoir, pendant le sommeil hypno¬
tique, représenter au traqueur la scène qu’il redoute, l’y transporter par
la pensée et la lui faire vivre crânement dans tous ses détails.
Pour ce qui me concerne, je ne saurais assez répéter que, concur¬
remment au traitement psychothérapique, on devra soumettre le tra-
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOOIE ET DE PSYCHOLOGIE
311
queur au traitement physiologique que réclament les troubles fonction¬
nels de sa digestion, de sa dépuration urinaire, de sa respiration^ de sa
circulation ou de sa vaso-motricité, etc.
Séance du 21 novembre 1905. — Présidence de M. le D' Jules Voisin.
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui com¬
prend une brochure du professeur Grasset, intitulée : Psychothérapie.
Il annonce que nos collègues M. Podiapolsky et M. le D' Wiazemsky
viennent de fonder à Saratow un Cercle A. A. Liébeault consacré aux
études d’Hypnologie et de Psychothérapie.
Les communications inscrites à Tordre du jour sont faites ainsi qu'il
suit :
M. Paul JoiRE (de Lille). —Vomissements incoercibles datant de trois
ans, guéris par Thypnotisme. — Discussion : MM. Jules Voisin, Lionel
Dauriac, Paul Magnin, Paul Parez et Bérillon.
M. Bérillon. — Les timidités. — Indications de la suggestion hypno¬
tique.
MM. Bérillon et Pamart. — L’hypersuggestibilité. — Présentation
de malades. — Discussion : MM. Paul Magnin, Favre, Bérillon, Lionel
Dauriac, Félix Régnault, Bertillon.
M. Paul Farez. — Un nouveau cas de sommeil pathologique : La Dor¬
meuse de San Remo.
M. Minette (de Compïègne). — Intelligence des animaux.
M. le Président met aux voix la candidature de MM. les D*** Fouineau
(de Paris), Granel (deParis), Thorsen(de Trondhjem, Norvège), etM“®la
Doctoresse Bouet-Henry (de Paris). Ces quatre candidats sont nommés
à Tunanimité, membres titulaires de la Société.
La séance est levée à 6 h. 45.
Vomissements incoercibles datant de trois ans
guéris par l’hypnotisme
par M. le D** Paul Joire (de Lille)
M. T., âgé de 61 ans, m’est adressé par un confrère des environs pour
des vomissements qui durent depuis 3 ans. Comme renseignements, on
ajoute que Testomac ne présente pas de trace d’induration, que jamais
le malade n’a vomi de sang ni de matières noires.
En interrogeant M. T., j’apprends qu’il a commencé à éprouver des
troubles digestifs, à la suite de chagrins violents. Il a perdu plusieurs
312
REVUE DE l'hypnotisme
membres de sa famille dans l’espace de quelques mois, il en a été très
affecté. Il s’y est joint du surmenage, M. T. ayant dû, à la suite de ces
deuils, se remettre aux affaires qu’il avait abandonnées. Il ne peut plus,
depuis trois ans, me dit-il, digérer aucun aliment solide ni même demi-
solide.
Quand il essaye de prendre quelque aliment de ce genre, ou même des
potages, il éprouve immédiatement de violentes douleurs à l’estomac
et il vomit tout ce qu’il a absorbé.
Il peut boire du lait et avaler des œufs crus dans de l’eau ; c’est ainsi
qu’il se nourrit depuis trois ans. A plusieurs reprises, il a tenté de
prendre d’autres aliments; mais toujours sont survenues les violentes
douleurs et les vomissements, de sorte qu’il n’est pas disposé à renou¬
veler l’expérience.
Je constate que j’ai affaire à un tempérament très nerveux. Il ne pré¬
sente cependant aucun symptôme d’hystérie ni de maladie nerveuse
caractérisée. Je ne constate pas de troubles de la sensibilité ni des
réflexes.
Son examen au moyen du sthénomëtre me montre cependant un
manque d’équilibre dans le fonctionnement du système nerveux, avec
un affaiblissement considérable des forces nerveuses. Je constate qu'il
est assez accessible à la suggestion.
J’endors le malade et je lui fais la suggestion de ne plus souffrir de
l’estomac, de digérer les aliments que je lui présenterai, de manger et
de ne plus avoir de vomissements.
Pour renforcer la suggestion, en lui appliquant les doigts sur la
région de l’estomac, je lui fais ressentir de la chaleur et des contrac¬
tions.
Je lui prescris alors de manger, dès le lendemain, des potages épais
et quelques biscuits trempés dans du vin.
M. T. revint quelques jours après cette première séance et me dit
qu’à son grand étonnement il a en effet mangé chaque jour des soupes
et des biscuits, qu’il n’en a nullement été incommodé et n’a plus eu de
vomissements.
Dans une seconde séance, je lui suggère de manger, outre les potages,
des pommes de terre, des légumes. Le résultat est le même, tous les
aliments suggérés sont parfaitement digérés.
Je ramène ainsi progressivement le malade à une alimentation nor¬
male. Il constate qu’il reprend ses forces et se trouve très satisfait d’une
guérison qu’il avait en vain cherchée pendant trois ans par tous les
traitements internes.
Entre temps, je constate, au moyen du sthénomètre, le retour des
forces nerveuses à l’équilibre normal, ce qui me permet d’affirmer que
la guérison sera complète et définitive.
Cette observation attire notre attention sur deux points utiles à rete¬
nir pour la pratique de l’hypnotisme thérapeutique :
L’utilité de renforcer une suggestion thérapeutique par une sug-
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
313
gestion expérimentale immédiatement sensible pour le malade. Si
j’avais simplement suggéré à mon malade de ne plus avoir de douleurs
d’estomac et de ne plus vomir, je me serais exposé à un échec. Le
malade^ ne connaissant pas la puissance de la suggestion hypnotique,
pouvait ne pas en comprendre la portée et ne pas la réaliser.
Au contraire, par un attouchement sensible, je lui suggère, une sen¬
sation de chaleur, phénomène de sensibilité, et une sensation de con¬
tractions, phénomène moteur. Il ressent en effet ces deux impressions,
sous l’influence de la suggestion faite avec insistance.
Dès lors, il est convaincu du pouvoir de la suggestion ; il comprend
que la suggestion peut faire cesser ces douleurs et modifier les contrac¬
tions qui l’empêchaient de digérer et le faisaient vomir ; il réalise la
suggestion.
2® Le second point nous montre chez ce malade l’absence de symp¬
tômes d’hystérie et de troubles nerveux constatables.
Comment, dès lors, poser notre diagnostic de vomissements dus à des
troubles des centres nerveux et non à une maladie de l’estomac, lésion
organique ou affection de la muqueuse, défaut dans les sécrétions nor¬
males. L’examen du système nerveux du malade au moyen du sthéno-
mètre se montre, dans ces cas, de la plus grande utilité. Il permet de
constater l’existence des troubles nerveux qui ne se manifestent pas
par d’autres symptômes. Ainsi, grâce aux indications données par le
sthénométre, au début et dans le cours du traitement, nous pouvons faire
le diagnostic et le pronostic de la maladie.
Discussion
M. Jules Voisin. — La suggestion peut ainsi guérir un très grand
nombre de troubles relatifs à l’alimentation ou à la digestion. J’ai
hypnotisé et complètement guéri une femme qui, atteinte de dysphagie
ne pouvait manger en présence d’une autre personne, et cela depuis
5 ans.
M. Lionel Dauriac. — Pendant mon séjour à l’Ecole normale supé¬
rieure, on nous servit un jour du veau accommodé à une sauce d’un goût
répugnant. Il en est résulté pour moi un souvenir désagréable. J’ai
gardé une aversion invincible pour cette viande, même quand elle est
très bien accommodée. Evidemment je suis viclime d’une auto-sugges¬
tion.
M. Paul Magnin. — La plupart de nos dégoûts viennent en effet d'une
circonstance fortuite et s’installent définitivement par auto-suggestion.
Un grand fumeur est appelé dans son bureau au moment où il fume sa
pipe ; il dépose cette dernière sur une cheminée ; quand il revient et
veut la rallumer, il lui trouve une odeur nauséabonde. Depuis cette
époque, malgré son très vif désir de reprendre une habitude qui lui fut
chère, il ne peut surmonter l’aversion qu’il éprouve pour le tabac et même
pour la fumée.
M. Paul Parez. — Une de mes malades a soigné jadis une parente at-
REVUE DE l’hypnotisme
31 î
teinte d’un cancer du sein. Cetie tumeur bourgeonnante ressemblait
objectivement à un chou-fleur. Depuis lors, elle avait des nausées, sou¬
vent même elle vomissait dès qu’elle voyait un chou-fleur ou que seule¬
ment elle en entendait parler. Grâce à la suggestion hypnotique, je Tai
rendue capable de manger du chou-fleur avec plaisir.
M. Bérillon. — L’anorexie hystérique a été souvent guérie par des
moyens empiriques. Des guérisons de ce trouble nerveux ont été égale¬
ment obtenues à la grotte de Lourdes. J’ai été témoin du fait suivant.
Une religieuse qui déclarait ne pouvoir supporter aucun aliment solide
fut à plusieurs reprises immergée dans la piscine. Un jour, après en être
sortie, elle se rendit à son hôtel et séance tenante absorba un énorme
bifsteak aux pommes. On l’amena triomphalement au cabinet des con¬
sultations médicales. Mais le médecin de ce-^abinet ne parut pas parta¬
ger l’enthousiasme des pèlerins. Il fit sagement observer que le choix
de ce premier aliment était plutôt contestable. Il lui parut en particu¬
lier que des pommes frites en cette occasion ne correspondaient pas aux
dispositions d’un estomac ayant perdu l’habitude de tels repas. Il en¬
gagea la religieuse à faire choix d’aliments d’une digestibilité plus
certaine, ajoutant que cela n’enlèverait rien à la valeur du « miracle » ;
il lui affirma qu’elle resterait guérie, surtout si elle avait soin de conso¬
lider la guérison miraculeuse par l’emploi de quelques pilules laxatives
et de cachets de bicarbonate de soude.
Trois malades hypersuggestibles
par M. le D** René Pamaiit
J’ai l’honneur de présenter aujourd’hui à la Société trois malades
qui sont actuellement soignés à la clinique hypno-pédagogique de la
rue St-André-des-Arts.
Le premier est un jeune garçon de 13 ans, qui a été recueilli par le
Patronage de l’Enfance et de l’Adolescence. Il a eu autrefois de l’incur¬
vation rachitique des tibias, et, depuis son plus jeune âge, se plaint de
points douloureux intercostaux. C’est un hypersuggeslible, et vous
voyez que je l’endors complètement en quelques secondes. L’action très
intense qu’ont sur lui les influences étrangères fait qu’au moindre
prétexte il quitte, pour vagabonder, ceux qui le gardent ou l’emploient.
Tout le premier, il déplore cette tendance, dont il sera d’ailleurs guéri
d’ici peu. Son hypersuggestibilité elle-même, bien utilisée, va servir à
enraciner profondément chez lui le goût de la stabilité, à lui créer des
points de résistance solide contre les impulsions venues du dehors, à
lui rééduquer une volonté ferme. Mais il faut évidemment procéder
avec de très grandes précautions chez cet enfant plutôt souffreteux.
C’est un mécanisme délicat et fragile qu’il serait bien facile de fausser
ou de forcer. Il aurait été un sujet parfait pour un magnétiseur de
cirques, qui aurait vite fait de le détraquer.
SOCIÉTÉ D’hYPNOLüGIE ET DE PSYCHOLOGIE
315
Le second sujet appartient au môme Patronage. C’est un garçon de
17 ans 1/2, paraissant plus jeune, et, lui aussi, très hypersuggestible.
Voua voyez que je l’endors également avec beaucoup de facilité et de
rapidité. Chez lui, l’action des influences extérieures a entraîné des
conséquences plus malheureuses; par deux fois, il a suffi de faibles
tentations pour lui faire commettre de gros larcins, de sorte qu’il a eu
maille à partir avec la justice, et qu’il a fait, tout dernièrement, six
mois de prison. Il est certain que sa grande suggestibilité diminuait
singulièrement sa part de responsabilité. Mais il existe chez lui une
excellente chose; à bien réfléchir, il s’est tracé un plan de conduite, et
s’est assigné un but : s’engager, se réhabiliter, devenir sous-officier et
tâcher même d'arriver à l’épaulette. Pour cela, il faut que sa conduite
soit désormais impeccable, sa probité rigoureuse. De môme que ce sujet
était facile à influencer en mauvais sens, de même j’utilise son hyper-
suggestibilité pour que la bonne graine germe bien dans cette intelli¬
gence, pour que les bons principes s'y gravent profondément ; avant de
le perdre de vue, je lui suggérerai de n’ôtre plus suggestible, et de con¬
server intangible son pouvoir de contrôle. Lancé dans la bonne direc¬
tion, il continuera à la suivre.
Le troisième malade, le plus remarquable, est âgé do 20 ans. Tl est
élève de l’Ecole dentaire de Paris. Comme vous le voyez, il est grand
et mince, d’apparence peu robuste et de teint très pâle. Il est venu nous
trouver pour guérir sa timidité extrême. Il se rend parfaitement compte
que, toute sa vie, il a obéi à toutes les influences qui l’ont entouré. Il y
a un mois, il n’aurait jamais osé sortir de chez lui après la chute du
jour, et, me disait-il, s'il avait été attaqué, il aurait été incapable de se
défendre, mais paralysé au point de ne pouvoir même s’enfuir. Il n’au¬
rait pas osé parler devant quelques personnes, ni traverser une rue
quelque peu animée. On comprend quelle aurait été la triste situation
de ce jeune homme au moment de passer ses examens, ou plus tard
dans ses rapports avec la clientèle ; les clients aiment que ceux qui les
soignent paraissent confiants en eux-mêmes.
Ce jeune homme s’endort d’une façon absolument instantanée; à
peine ai-je touché son front du bout du doigt qu'il pousse un profond
soupir et qu’il renverse la tête, en état d’hypnose complète. Mais il n’y a
pas là une accoutumance particulière de malade à médecin; n’importe
qui peut en faire autant. Je réveille le sujet, et je prie l’un des assis¬
tants de s’approcher, de dire ce seul mot : « Dormez! » Vous voyez que
le résultat est aussi instantané, aussi complet. Heureusement les cama¬
rades d’études de mon malade ne se sont pas aperçus de cette hypper-
suggestibilité extrême; ils auraient peut-être été tentés d’en jouer.
Pour guérir ce timide, il a fallu tout d’abord rééduquer sa volonté ; j’ai
procédé graduellement, comme lorsqu’il s’agit de faire des muscles au
moyen des haltères; on commence par des poids faibles que l'on alourdit
peu à peu. Je lui ai donc suggéré des actes d’une exécution peu inti¬
midante tout d’abord, puis de plus en plus difficile. Maintenant ce jeune
316
REVUE DE l’hypnotisme
homme sort à toute heure, sans crainte, et je vais, séance tenante, après
l’avoir éveillé, lui faire prendre la parole devant vous. L’improvisation
est chose intimidante entre toutes.
Ce jeune homme ne vient certes pas de parler comme un orateur ;
mais il a pu cependant coordonner ses idées et vous les exprimer suc¬
cinctement, nettement, avec les mots qu’il fallait et sans trembler. Je lui
demandais en somme un effort considérable, et il a pu l’accomplir.
Vous voyez que la timidité de ce malade, grandement atténuée déjà,
aura complètement disparu avec encore quelques séances. Mais il faut
empêcher aussi qu’il soit hypnotisable par le premier venu. C’est ici
même, dans cette séance, que je vais le délivrer de cette infirmité.
Voici le sujet endormi. Je lui ordonne de la façon la plus nette et la
plus impérative de ne plus pouvoir être endormi du sommeil hypno¬
tique, sauf dans un but thérapeutique et avec consentement préalable
de sa part. Je l’éveille, et prie la môme personne qui, tout-à-l’heure,
l’endormait comme moi, de répéter l’expérience. Cette personne sait
hypnotiser, et vous voyez pourtant que mon malade est complètement
rebelle à ses ordres.
, On croit et l’on répète communément que le traitement hypnotique
prive le sujet de sa volonté et le met à la merci de tout endormeur. Les
membres de la Société ont depuis longtemps fait justice de ces alléga«
tions que rien ne vient appuyer dans l’ordre des faits réels ; mais j’ai
tenu à bien montrer ici, par une expérience frappante, Tinanité de ces
propos aux savants et aux psychologues étrangers à notre Société qui
sont venus assister à notre réunion. Ils sauront maintenant quelle
créance accorder aux adversaires de notre méthode, souvent plus
prompts à dénigrer qu’à observer scientifiquement et consciencieuse¬
ment. Ce malade était destiné à vivre à la façon d’une épave humaine,
ballotée à tous flots ; grâce à la psychothérapie, il deviendra quelqu’un.
COURS ET CONFÉRENCES
Alcoolisme et tremblement hystérique (^)
par M. le Professeur Raymond
Cet homme est âgé de 35 ans ; il a un tremblement, très net aux deux
mains, étendu aussi à tout le membre supérieur, ainsi qu’aux membres
inférieurs ; les oscillations, surtout horizontales, sont de 7 à 8 par
seconde.
Quand il appuie fortement les mains sur les cuisses, il ne tremble pas;
mais le tremblement augmente, quand il veut prendre un verre et le
porter à sa bouche. Il ne s’agit cependant pas de sclérose en plaques ;
(l) Présentation de malades faite à la Clinique des maladies du système nerveux
de la Salpêtrière.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
317
car si on examine le malade avec soin, on ne trouve aucun signe soma¬
tique ; en particulier, les réflexes sont normaux et il n’existe aucune
parésie.
Mais on constate un point hystérogène. Lorsqu’on presse ce point,
notre homme devient alternativement pâle et rouge ; ses yeux sont
hagards et il a une crise de nerfs.
C’est un ancien cocher. Le matin, avant de sortir, il boit sept demi-
setiers de vin. La consommation alcoolique du reste de la journée est à
l’avenant. Il a une hyperesthésie généralisée, un mauvais sommeil, et
est devenu méchant. L’intoxication éthylique a fait appel à l’hystérie ;
il s’est installé un tremblement hystérique, lequel simule ici celui de la
sclérose en plaques, comme d’autres fois il simule celui de la maladie
de Parkinson.
Ce serait le cas de faire de la psychothérapie, car, dans la cure de
Talcoolisme, la psychothérapie donne de véritables succès ; mais nous
n’avons pas notre homme sous la main ; il ne vient nous voir que de
loin en loin. Toutefois, nous lui faisons prendre du bleu de méthylène
en pilules, et, pendant tout le temps qu’il urine bleu, il se sent beaucoup
mieux.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d’hypnolog^ie et de psychologie.
La prochaine séance de la Société d’hypnologie et de psychologie
aura lieu le mardi 15 mai, à 4 heures et demie, au palais des
Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D'Jules
Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque
mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les
étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le D' Bérillon, secrétaire
général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le D' Parez, tréso¬
rier, 154, boulevard Haussmann.
Avis important : La séance du mots d'avril tombant le mardi de
Pâques, la prochaine réunion est remise au 15 mat.
L’examen mental des inculpés
M. Chaumié, étant ministre de la Justice, a adressé aux procureurs
généraux la circulaire suivante au sujet de l’examen mental des in¬
culpés :
« Certains médecins légistes croient avoir rempli suffîsamment la
mission qui leur a été confiée en concluant sommairement à une res¬
ponsabilité « limitée » ou < atténuée ».
318
REVUE DE l'hypnotisme
Une semblable conclusion est beaucoup trop vague pour permettre
au juge d’apprécier la culpabilité réelle du prévenu d’après son état
mental au moment de l’action; mais son insuffisance tient généralement
au défaut de précision du mandat qui a été donné à l’expert.
A côté des aliénés proprement dits, on rencontre des dégénérés, des
individus sujets à des impulsions morbides momentanées^ ou atteints
d’anomalies mentales assez marquées pour justifier, à leur égard, une
certaine modération dans l'application des peines édictées par la loi.
Il importe que l’expert soit mis en demeure d’indiquer, avec la plus
grande netteté possible, dans quelle mesure l’inculpé était au moment
de l’infraction, responsable de l’acte qui lui est imputé.
Pour atteindre ce résultat, j’estime que la commission rogatoire
devra toujours contenir et poser d’office en toute matière les deux ques¬
tions suivantes :
1° Dire si l’inculpé était en état de démence au moment de l’acte,
dans le sens de l’article 64 du Code pénal.
2° Si l’examen psychiatrique et biologique ne révèle point chez lui
des anomalies mentales ou psychiques de nature à atténuer, dans une
certaine mesure, sa responsabilité.
L’expert dira, en outre... (ici le juge d’instruction spécifiera les points
qu’il croira devoir signaler plus particulièrement d’après les résultats
de l’information, ou les indications fournies par l’inculpé lui-même, par
sa famille ou par son défenseur.) »
La position pendant le sommeil.
Sur quel côté doit-on dormir?
Les avis sont là-dessus partagés. Voici quelques opinions entre cent.
Un auteur du XVI* siècle, de Calviac, édicte ce précepte :
a II ne faut pas, dit-il, se coucher à l’envers, ne au contraire la face
contre le lict, mais de costé parce que cela est plus sain. »
Loys Guyon, en sa qualité de médecin, consacre un chapitre à la situa¬
tion qu'on doit tenir pendant qu'on dort, tant pour la civilité que
pour la santé. On doit, écrit-il, a dormir sur le costé droit au premier
sommeil, afin que la viande descende au fond de l’estomach... Puis au
second sommeil, ayant demeuré quelque quatre heures ou environ sur
ledit costé droit, on se doit retourner sur le gauche, afin que le fyoe se
pause et estende mieux sur l’estomach... Le dormir sur le ventre ne
vaut rien ; le dormir sur le dos engendre bien souvent pierre et sable ».
Il est malsain de a dormir les yeux ouverts, ou la bouche ouverte... Par¬
ler et ronfler de nuit est une très grande incivilité. » Sur quoi le docteur
donne une recette pour s’empêcher de ronfler, et termine en invitant
« les parents et les pédagogues à contraindre les enfants encore tendre-
ets à se coucher en honneste et due situation. Outre que c’est chose
salubre, c’est aussi grande civilité, et d’estre mauvais coucheur, j’en ay
319
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
veu advenir beaucoup de débats et querelles, et souvent entre le mari
‘et la femme ».
Ce dernier argument est, ce nous semble, péremptoire.
' (Clinique médicale.)
Le traitement psychologique de Talcoolisme
Sous ce titre, M. le D' Bérillon vient de publier (broch. 31 p., Vigot
frères), une brochure intéressante où les résultats obtenus par la
psychothérapie dans le traitement de Talcoolisme apparaissent hors de
doute. L’alcoolisme est une obsession au même titre que telle autre
maladie morale. Le joueur n’a de cesse qu’il ne joue, le kleptomane
qu’il ne vole, l’amoureux qu’il ne parle de l’objet aimé, Tivrogne qu’il
ne boive. Seulement l’alcoolisme dont l’action toxique affecte profon¬
dément les centres nerveux, détermine de ce fait une atteinte plus grave
des facultés mentales. Les centres d’arrêt psychiques, l’attention, la
réflexion, la volonté sont touchés bien plus fortement que dans les autres
formes d’obsession. Prenons la volonté; elle est obnubilée chez le
joueur et l’amoureux ; chez les kleptomanes, elle n’est pas complètement
éteinte ; ils ont parfois la force de résister à leur impulsion. L’ivrogne ne
peut pas et ne pourra jamais. C'est pourquoi dans le traitement psycho¬
thérapique, tel que l’a institué M. Bérillon, une indication domine : celle
de refaire de la volonté à tous ces malheureux.
Ceci me rappelle l’histoire de deux grands obsédés qui ont traversé
la médecine au xvi® siècle : Paracelse et Van Helmont. Le premier était
ivrogne et le second amoureux; aussi Van Helmont, l’amoureux, vécut-
il bien plus longtemps. L’amour est une obsession en quelque sorte
physiologique ; le moyen curatif qui est la possession de l’être aimé, ne
tire pas à conséquence. Van Helmont ne recueillit jamais qu’un désa¬
grément du goût trop prononcé qu’il marquait pour les jolies personnes.
Pour avoir introduit ses doigts dans le gant que lui avait abandonné
une âme sœur, il contracta la gale. L’amoureux obsédé se transforma
en amoureux galeux. Ce n’était point grave. Paracelse, lui, commit
toutes les sottises. Il finit par mourir dans la misère, une bouteille à la
main. Van Helmont vivait dans l’aisance, excité au travail par les yeux
bleus et languides de l’être aimé.
Ni l’un ni l’autre n’appelèrent à leur secours M. Bérillon. Il les aurait
fort bien guéris tous deux. Je ne parle pas de la gale, M. Bérillon ne
prétendant nullement faire de sa méthode un succédané de la fleur de
soufre. Seulement un résultat thérapeutique satisfaisant eût-il suivi sa
double tentative? L’ivrognerie sans doute, Paracelse, en eût été débar¬
rassé sans le moindre dommage. Mais l’amour? Ceci demande réflexion.
L’amour est un sentiment qui dilate, épanouit, accroît toutes les éner¬
gies de notre être. Van Helmont amoureux, entre diverses interpré¬
tations mystiques, opérait des découvertes géniales. Non amoureux,
eût-il apporté un tel élan à son œuvre? D’ailleurs il aima surtout sa
320
REVUE DE l’hypnotisme
femme légitime. Ceci n’est point un crime. Et je doute que M. Bérillon,
en dépit de la foi active qui anime sa méthode, songe pour faire valoir
l’efficacité de la psychothérapie, à guérir un mari de l’afTection particu¬
lièrement tendre qu’il a vouée à sa femme.
' • D' FlBSSlNGER.
NOUVELLES
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie
M. le D** Bérillon, professeur à TEcole de psychologie, commencera le
Mardis Mai, à cinq heures (Salle des Conférences de l’Ecole, 49 , rue Saint-
André-des-Arts) à cinq heures, un cours sur les Applications de l’hypnotisme à
la psychologie, à la thérapeutique et à la pédagogie des enfants vicieux ou
anormaux.
La leçon d’ouverture aura lieu sous la présidence de M. le D*' Huchard,
membre de l’Académie de Médecine.
Programme des Cours
Mardi 8 Mai. — Introduction à l’étude de l’hypnotisme : Braid, Liébeault,
Charcot.
Jeudi 10 Mai. — L’hypnotisme expérimental. Valeur de l’hypnotisme comme
moyen d’investigation psychologique.
Mardi 15 Afai. — SÉANCE de la Société d’Hypnologie (8, rue Danton), à
4 heures et demie.
Jeudi JJ Mai. — La technique de l’hypnotisation. Les procédés pour provo¬
quer l’hypnose.
Mardi 22 Mai. — L’hypnotisme thérapeutique. Les principes de la psycho¬
thérapie.
Jeudi 24 Mai. — Congé de I’Ascension.
Mardi 2g Mai — Applications générales du traitement psychothérapique:
L’hystérie, la neurasthénie, les psychonévroses.
Jeudi '3i Mai. — Les maladies de la volonté. Les aboulies partielles. La
morphinomanie. L’alcoolisme. Le dispensaire anti-al¬
coolique .
Mardi 5 Juin. — Congé de la Pentecôte
Jeudi 7 Juin. —Le problème des enfants anormaux. Les anormaux arrié¬
rés et les anormaux mal élevés. L'hypnotisme et l’ortho¬
pédie morale. La méthode hypno-pédagogique.
Mardi 12 Juin. — Applications générales de l’hypnotisme à la pédagogie
des enfants vicieux ou anormaux. Les enfants turbu¬
lents. Le dispensaire pédagogique.
Jeudi 14 Juin. —L’éducation du caractère. La lutte entre l’hérédité et la
suggestion.
L'Administrateur ^Gérant ; Ed. BÉRILLON.
Paris, lmp. A. Quelquetieu, rue Gerbert, 10.
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
20« Année. — N® U.
Mai 1906.
BULLETIN
La nomination du D' Bérillon au grade de chevalier de la Légion d’honneur. —
Le banquet organisé par ses collaborateurs et ses amis.
Par décret en date du 4 avril 1906, rendu sur la proposition du
ministre de VInstruction publique, notre rédacteur en chef, M. le
Bérillon, qui, depuis plus de vingt ans, dirige avec le succès que
connaissent nos lecteurs, la Revue de VHypnotisme et de la Psycho¬
logie, vient d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur.
Jj’Officiel porte la mention suivante :
« Le D*" Bérillon, chargé de cours à l’école pratique de la faculté
de médecine de l’université de Paris, professeur à l’école de psycholo¬
gie; 20 ans de pratique médicale. Nombreuses et importantes publi¬
cations scientifiques. »
C’est l’enseignement donné à l’école pratique de la faculté de médv?-
cine depuis 1888 par le D** Bérillon, sur la psychologie normale et
pathologique, ainsi que sur les applications de Vhypnotisme à la
sociologie, à la pédagogie et à la psychothérapie que le ministre a
voulu récompenser.
On sait avec quel courage et quelle ténacité le D** Bérillon s’est
consacré à l’enseignement de la psychologie médicale, dont il ne &e
borna pas à démontrer la nécessité, mais dont il a le premier formulé
le programme.
Le Bérillon est un professeur dans le véritable sens du terme.
C’est à son initiative que de nombreuses générations ont dû d’êtie
exercées à la pratique de la psychothérapie, dont le domaine s’étend
chaque jour davantage.
Pendant longtemps il fut le seul à insister sur l’intérêt que pré¬
sente le traitement psychologique dans la thérapeutique des névroses
et des i)sychonévroses. Beaucoup d’idées, présentées aujourd’hui
comme nouvelles, ont été exposées par lui, dès 1888, à l’école pra*
tique de la faculté de médecine.
Il y démontrait le rôle des aboulies, des timidités, des états émotifs
dans la pathogénie des troubles fonctionnels du système nerveux. Il
est le premier qui se soit exclusivement consacré à la pratique de
l’hypnotisme et de la psychothérapie. Il a fait de cette branche de la
322
REVUE DE l’hypnotisme
tkérapeuttque une spécialité nettement définie. Le fond de sa doctrine,
c’est que la psychothérapie repose-tout entière sur Véducation du carac¬
tère. Il la formulait ainsi, en 1888, dans sa première leçon à l’école
pratique de la faculté de médecine ; « Vous me demandez quelle est
ma spécialité ? Ma réponse sera simple : Je veux adapter l’hypnotisme
et les procédés qui en dérivent au traitement des maladies de la volonté ;
je veux être le médecin de la peur ».
Depuis longtemps le D** Bérillon avait complété son enseignement
théorique de la faculté par des démonstrations pratiques. C’est dans
ce but qu’il fonda en 1889 Tlnstitut psycho-physiologique de Paris,
destiné à fournir aux étudiants de toutes les facultés un enseignement
permanent sur toutes les questions qui relèvent de l'hypnotisme et de
la psychologie. Successivement sous son inspiration l’Ecole de Psycho¬
logie, le dispensaire pédagogique, le dispensaire antialcoolique, le
laboratoire de psychologie comparée sont venus constituer autant de
services distincts de l’Institut psycho-physiologique.
Ajoutez à cela que le D** Bérillon est le créateur de la méthode
hypno-pédagogique qui permet de remédier aux impulsions et aux
mauvaises habitudes que présentent les enfants nerveux, vicieux ou
dégénérés.
Tels sont les services rendus à l’enseignement public et i la pédago¬
gie qui pouvaient déterminer le ministre de l’instruction publique à
lui donner une récompense méritée depuis longtemps. Mais le IP Bé¬
rillon avait encore beaucoup d’autres titres et il me faudrait un long
espace pour les exposer. Je me propose d’y revenir. Pour le moment,
je veux être l’interprète de tous les collaborateurs de la RevurC de
VHypnotisme, pour adresser à notre ami en même temi>s que nos
vives félicitations, l’expression des sentiments de profonde afEectit>a
que nous professons tous pour lui.
D’^ Paul Magxix.
Parmi les appréciations que la décoration du Bérillon a inspirées
à la presse, celle qui exprime avec le plus de précision le^ qualités
morales et intellectuelles qui le caractérisent a été publiée dans le
Journal des Fraticiens que dirigent les D” Huchard et Fiessinger:
« M. le D*" E. Bérillon, directeur et fondateur de YEcole de
chologie, vient d'être nommé chevalier de la Légion d’honneur. L’au¬
teur qui écrit ces lignes tient à adresser non pas seulement ses vive®
félicitations ii M. Bérillon, mais aussi à dire combien (^te distinc¬
tion était méritée depuis longtemps. M, Bérillon, dans son Ecole de
Psychologie, s’est montré l’organisateur plein d'initiative, un philo¬
sophe ingénieux, souriant et fin, un directeur toujours tolérant et qui
I)ermettait, dans la chaire de l’Ecole, l’expression d’idées contraire»
aux siennes. Toutes (^es qualités ne courent pas les rue». Le nouveau
chevalier de la Légion d’honneur offre cette particularité, de recevoir
BULLETIN
323
une distinction officielle comme consécration d’une carrière non
banale. »
*
* ♦
Le Radical a également très bien indiqué l'intérêt scientifique qui
^'attache à la décoration du Bérillon :
€ La distinction de la Légion d’honneur, qui vient d’être décernée
au docteur Bérillon par le ministre de l’instruction publique, est, en
quelque sorte, une victoire de l’initiative privée contre le routine qui
pè-se sur tant de domaines de notre enseignement supérieur.
C’est en effet au libre psychologue que la distinction s’adresse au
fondateur de la Revue de VHypnoti$7ne, de la Société d’hypnologie et
de psychologie, de l’Institut psycho-physiologique, du laboratoire
de psychologie comparée, du dispensaire antialcoolique, ainsi qu’au
vulgarisateur des méthodes de la rééducation de la volonté.
Dès 1884, du reste, le D** Bérillon avait reçu la grande médaille
d’or pour son dévouement au cours d’une mission médicale dans les
départements envahis par le choléra. »
Il en est de même dans la Revue de médecine, du D** Paul Areham-
baud :
€ Nous avons, dit-il, appris avec le plus vif plaisir la nomination
au grade de chevalier de la Légion d’honneur de notre collaborateur et
ami le D** Bérillon.
Nous sommes heureux de constater que le gouvernement tend de
plus en plus à tenir compte des travaux et des titres de ceux que nous
appelons les « non officiels ». C’est relever le prestige d’un ordre qu’on
a considéré pendant longtemps comme réservé uniquement à l’ancien¬
neté et aux galons, dans le civil comme dans le militaire. »
Enfin tous les collaborateurs de la Revue de VHypnotisvie s’asso¬
cient aux éloges que le professeur Lionel Dauriac vient d’accorder à
notre ami dans la Revue de médecine et de chirurgie féminine, de
Mme la doctoresse Bouet-Henry.
c Le ministère vient de permettre un miracle. Il a permis qu’un
de ces bouts de ruban donnés tant de fois mal à propos, vînt se fixer
à la boutonnière d’un chercheur actif, intelligent et heuivux. Tel e>st
le docteur Bérillon, tout récemment décoré de la Légion d’honneur.
On sait son œuvre. Elle est d’une incontestable unité. Elève de Paul
Çert qui lui enseigna ce qu’est un fait scientifique et le mit en garde
contre une des confusions les plus difficilement évitables encore à
l’heure actuelle, la confusion do l’anecdote et de robsorvation ; élève
de Dumontpallier qui lui montra par son exemple comment on pra¬
tique la Psychothérapie, M. Edgar Bérillon a courageusement marché
dans les pas de son maître. Il s’est avancé irès loin sur sa route. On
324
REVUE DE L HYPNOTISME
sait av€c quel zèle il dirige la Revue de VHypnotisme. On sait avec
quelle impétueuse ardeur il intervient dans les discussions qui ont lieu
chaque mois à la Société d^Hypnologie, remettant les choses au point
quand la discussion s’égare, élargissant le débat, quand il tend à se
rétrécir, le ranimant quand, faute d’intérêt, il menace de s’éteindre,
improvisant toujours, et toujours curieusement prêt, même quand il
ne s’est point préparé.
On s’est parfois demandé, non sans quelque bonne raison, si les
esprits de cette trempe ne risquaient point de retarder la science en
essayant de précipiter son mouvement. Je me le suis demandé plus
d’une fois pour mon propre compte, sachant par expérience ce qu’il
en coûte d’avoir pensé trop vite. En y réfléchissant, je me suis aperçu
que les sciences naissantes, et l’hypnologie en est une, ont besoin,
avant toute chose, d’une avant-garde de tirailleurs, c’est-à-dire d’es¬
prits prompts, entreprenants, amis du risque, avides d’appliquer à la
pratique de la science la belle formule de Frédéric Nietzsche : € Il
f faut savoir vivre dangereusement ». iiutrement dit, « il faut,
c quand on s’en croit les aptitudes et la force, s’exposer à l’erreur
« éventuelle pour la conquête lente et progressive de la vérité. »
Telle fut la devise d’Edgar Bérillon. Elle lui a valu déjà plusieurs
conquêtes, sans compter celle de ce ruban rouge qui en est la juste
consécration. »
L’Ecole de psychologie, d’accord avec la Société d’Hypnologie et
de psychologie, la Société de pathologie comparée et le Syndicat de
la presse scientifique a décidé d’offrir un banquet au D** Bérillon, à
l’occasion de sa nomination au grade de chevalier de la Légion d’hon¬
neur.
Lo banquet aura lieu sous la présidence de M. Bienvenu-Martin,
sénateur, ancien ministre et sous le patronage de M. le professeur Ber-
thelot secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, de M. le
Albert Robin, professeur à la faculté de médecine, de M. le
D** Huchard, membre de l’académie de médecine, de M. le professeur
Edmond Perrier, directeur du muséum et de M. le professeur Giard,
membre de l’académie des sciences.
Le banquet aura lieu au Palais d’Orsay, le 19 juin. Le prix en a
été fixé à 15 francs. Les amis, les élèves et les collègues du D*" Bérillon
qui ne pourraient assister an banquet sont invités à contribuer par leur
souscription au souvenir qui sera remis au Bérillon. Adresser les
adhésions et souscriptions au D** Paul Farez, 154, boni. Haussmann.
LA PSYCHOLOGIE DE l’iNTIMIDATION : LES TIMIDITÉS
325
La psychologie de l’intimidatioii : Les timidités. (')
par M. le D' Bérillon
professeur à l’Ecole de psychologie,
médecin inspecteur des asiles d’aliénés.
I. — Généralités.
Le premier exposé de mes éludes sur lu limidité remonte au
mois de janvier 1896. Il fut présenté à l’Institut psycho-physiolo¬
gique dans une conférence ayant pour litre ; La Psychologie de
Vinlimidalion.
Dès celte époque, de nombreuses obsenations m'avaient amené
à considérer les divers étals d’intimidation comme des états ana¬
logues aux périodes superficielles de l’hypnotisme. Dès celle
époque, j'émettais l’opinion que les phénomènes émotifs dont
l’apparition constitue les états de conscience, désigné vulgairement
sous le nom de limidité n’étaient pas autre chose que la réalisation
d’un véritable élal d’hypnotisme, pro\oqué d’une manière involon¬
taire et toute fortuite sur un sujet extrêmement hypnotisable.
Cette conférence eut certainement le mérite d’appeler l’attention
sur l’intérêt que présente l’étude de la timidité. En effet, depuis
lors, plusieurs monographies ont paru sur celle question et il est
certain que notre enseignement n’a pas été étranger à leur ins|)i-
ration.
Il faut cependant reconnaître que, faute d’une connaissance
approfondie des phénomènes de l’hypnotisme, aucun des auteurs
n'est arrivé à se rendre un compte exact de l’assimilation qu’il est
légitime d’établir entre ces phénomènes et ceux qui constituent
l étal d’intimidation.
Dix années d’observations poursuivies sans interruption sur
la même question me permettent de maintenir dans son intégralité,
l'opinion formulée en 1896 et qui est la suivante :
Se laisser intimider par autrui^ dans une circonstance quel¬
conque, c'est éprouver les ejfeis d'une révitable hypnotisation. En
un mot, être intimidé, c'est être hypnotisé.
La seule différence entre l étal d'hypnotisation réalisé sur un
sujet par un hypnotiseur et celui qui apparaît chez l’homme inti¬
midé, c'est que dans le premier cas, il s’agit d’un fait d’hypnotisme
expérimental, tandis que dans le second l’hypnose a été réalisée
involontairement et lortuilemenl.
(1) Leçons faites à TEcole de Psychologie.
REVUE DE l’hypnotisme
3-2 ü
L’élude aüeulive des phénomènes qui sc muiiifoslent cians les
étals d'inlimidalion permet do démonlrer l'oxactilude de eelte
affirmalioii.
L’intimidalion amène la cessaliun momentanée d'une partie des
activités de l esprit. Elle agit comme si le timide était tout à coup
frappé de paralysie dans le^ organes producteurs de l’énergie
excilo-motrice. Le sujet se trouve, jtour [)eu uuc l’intimidation soit
quelque peu accentuée, dans l’incapacité de se mouvoir, de parler
et même de penser.
On |)eul donc comparei’ cei état aux phénomènes d’inhibition
partielle, aux paralysies psychiques si faciles à provotjuer chez les
sujets plongés dans l'état d’hypnotisme.
Ce qui ju^lifle cette appréciation, c'est qu'une suggestibilité
excessive est la condition essentielle de la production de l'intimi¬
dation. Les sujets qui accusent de la timidité à un degré manifeste,
sont hijper-sii(j(jestibles et par comséquent hyper-hypnolisables.
D’ailleuj." la démonstration de l’analogie entre l’étaf d’intimi¬
dation et l étal d’hypnotisme i(’*sulte de ce fait que l’intenaîntion
d’une peisonnalité étrangère est indispensable à leur production;
quand il e>l seul, isolé, à l’abri de toute influence humaine, le
timide reste en pleine possession de lui-même. Par contre, s'il se
trouve soudainement en présema^ d’une personne à laquelle il
attribue quelque supériorité réelle ou imaginaire, il se sentira pro¬
fondément troublé et perdra contenance.
Pour le timide, sujet toujours en instance d’hypnotisation, le
monde est peuplé d’hypnotiseurs. .Mais rinl'luence ([u’ils exercent
sur lui est fort variable. Tandis <[u'il est à peine impressionné {lar
la pr'^sence de telle ou telle personne, par contre un regard, ou une
simple parole d’une autre suffisent pour le déconcerter et annihiler
complètement son initiative et son activité mentale. Dans ce fait
nous retrouvons encore une analogie frappante avec ce qui se
passe dans la production de 1 hypnotisme (pii, comme chacun sait
peut résulte!’ soit d une fascination visuelle, soit d une suggestion
verbale.
Ces violations involontaires de la liberté morale sont dans la
vie courante, des faits beaucoup plus fréquents qu’on ne le suppose
ordinairement. El je n hésite pas à dire que la prédisposition que
présentent tant d individus à se laisser intimider par autrui, est
une des causes principales de l’inégalité entre les hommes. L’étude
de la timidité, envisagée comme fait sociologique, jieut seule
expliquer pourquoi beaucoup d’espi-ifs doués des plus belles
LA PSYCHOLOGIE DE l'iNTIMIDATION : LES TIMIDITÉS
327
facuUés morales et inlellectueUes, restent confinés dans des
situations inférieures, alors que des individus médiocres, mais
inaccessibles à l’intimidation, s’élèvent aux plus hauts degrés de
la hiérarchie sociale.
De même que dans nos cliniques d’hypnologie et de psychothé¬
rapie les procédés d’hypnotisation ne provoquent pas des effets
identiques chez tous les sujets, de même les timides réagissent d’une
façon différente sous l’influence de causes identiques. C'est que les
aptitudes individuelles à se défendre contre les influences psycho¬
logiques extérieures sont très inégales. Chez les uns, les états
d’intimidation sont superficiels, revêtent un caractère passager
et celui qui les a ressentis s’én émancipe avec une extrême facilité.
D’autres, au contraire, en subissent la tyrannie tant qu’ils restent
en présence de celui qui les intimide. Ils ne parviennent pas à se
déshypnotiser eux-mêmes et demeurent dans l'état d’intimidation
tant que la personne étrangère n’a pas pris soin de les rassurer,
de les familiariser avec elle, nous sommes tentés de dire, de les
déshypnotiser. Enfin, chez certains sujets, la timidité semble affec
ter le passage à l’état chronique. Ces timides vivent dans la crainte
permanente de subir l’influence d’autrui, et pour l’éviter se placent
dans les conditions les plus défavorables à leur évolution normale.
Il convient donc de ne pas confondre tous les états d’intimidation
sous le nom trop général de timidité; c’est pourquoi nous avons
établi des catégories entre les diverses timidités. Nous envisage¬
rons donc successivement tes timidités normales et les timidités
pathologiques.
*
II. — Les timidités nobmales.
Le caractère fondamental des timidités normales, qu’on pour¬
rait aussi appeler accidentelles, c’est qu’elles ne se manifestent
que dans des circonstances capables de les justifier et même de les
légitimer.
Telles sont les situations, assez fréquentes dans l’existence, où
l’on doit subir un examen, se soumettre aux épreuves d’un con¬
cours, débuter dans une carrier!', prendre la parole devant un
auditoire dont la bienveillance n'est pas assurée, être présenté à
des personnes dont dépend votre avenir, se rendre à une audience
accordée par une personnalité à laquelle, à tort ou à raison, on
attribue un certain prestige.
Dans les cas que je viens d'énumérer, l’exagération momen¬
tanée des phénomènes d’émotivité peut être explicjuée par les effets
3-28
ABVUB DE l’hypnotisme
(l une éducation incomplète ou défectueuse. Chez beaucoup
d’hommes, la disposition à la vénération a été trop cultivée. Dès
l’enfance, on leur a inculqué l’idée qu’il y a des hommes extraor¬
dinaires par leur puissance, par leur richesse, par leur supériorité
intellectuelle. Tout concourt à entretenir cette notion et en parti¬
culier les marques de respect extérieur dont certains pereonnages
sont entourés, la mise en scène qui accompagne leur apparition,
le costume plus ou moins solennel dont ils sont revêtus. C’est sur¬
tout à l’égard de la richesse que se manifeste cette admiration. La
plupart des hommes sont pénétrés d’un profond sentiment de res¬
pect à l’idée d’être mis en présence d’un millionnaire, d’un homme
dont on vante l’étendue de la fortune.
Certaines fonctions sont entourées du même prestige. Il n’est
pas douteux que pour les catholiques, un archevêque, un cardinal
et surtout le pape sont des personnages fort intimidants. Il en était
de même autrefois à l’t'gard des gens pourvus de titres nobiliaires.
Il n'y a pas longtemps encore, un médecin praticien se trouvait
fort impressionné à l’idée de se rencontrer en consultation avec un
des princes de la science; actuellement l’influence qui intimide se
dégage surtout des tribunes, des orateurs célèbres et des hommes
investis de hautes fonctions publiques. Dans la majeure partie des
cas, elle dépend évidemment plus de la .situation occupée que de
l'homme lui-même, puisqu’elle disparait avec la fonction.
D’un magistrat ignorant,
C’est la robe qu’on salue. (')
Il n’y a rien de bien étonnant à ce que, lorsqu’ils se trouvent
en présence de hautes personnalités, un grand nombre d’hommes
ressentent les effets de l’intimidation. L’admiration place l’esprit
dans un état d’attente essentiellement favorable à la production de
l'hypnose. Un homme plongé dans l’état admiratif est par cela
même, déjà quelque peu fasciné. Tous les sujets hypnotisables, et
ils sont légion, auxquels on offrira un puissant motif à admiration,
à vénération, à adoration seront exposés à une intimidation fort
explicable.
La timidité accidentelle témoigne d’un caractère mal exercé,
d’un défaut d’expérience, d’une volonté peu cultivée, elle ne cons¬
titue pas en soi un état névropathique. On n’est pas un malade parce
qu’on manque de présence d’esprit. Bien loin de là, la timidité,
envisagée dans son sens le plus général, peut être considérée comme
(1) L’àne portant des reliques (La Fontaine).
I.A PSYCHOLOGIE DE L INTIMIDATION : LES TIMIDITÉS
329
1111 pliénomène normal. Elle est la manifestalion d’un esprit de
subordination s’inclinant devant l’autorité légitime de parents, de
maîtres, de supérieurs et de personnes douées d’autorité ou de
prestige.
Tout être jeune et iiie.xpériinenté doit, jusqu’à un certain degré,
pi’ésenter de la timidité. C’est une qualité de la jeunesse. Elle tem¬
père utilement les dispositions à la présomption, à la trop grande
confiance en soi et même à l’impulsion. Elle se concilie avec le
désir de se perfectionner et de s’instruire et constitue une sorte de
discrétion, de retenue naturelle dont une éducation raisonnable est
appelée à tirer les meilleurs résultats.
Tous les hommes bien élevés reconnaissent que dans leur
enfance, dans leur adolescence et également au début de l’àgc mûr,
ils avaient des ( isposilions à la timidité. Ils hésitaient à faire une
démarche, à rendre une visite, à adresseï- une requête, à demander
un service, à imposer leur présence à (|uelqu’un et ils se laissaient
facilement intimider par la présence d'inconnus. Cette timidité
naturelle à l'égard des personnes avec lesquelles ils n’étaient pas
familiarisés disparaissait quand on les mettait à leur aise et qu'on
les accueillait awc bienveillance.
L’homme qui évolue normalement, à partir d'un certain âge
doit cesser d'être timide. Il prend de l'assurance, acquiert du
sang-froid et pi’cnd possession de lui-même. Il arrive à .se rendre
un compte assez e.xact de sa valeur personnelle, de .^es aptitudes,
de ses compétences et de son autorité.
La disparition de la timidité s’opère graduellement. Dans un
certain nombre de cas elle s’opère d’une façon .soudaine, sous
l’influence en quelque sorte, d’une influence éducatrice, à l’occasion
d’un événement d’une circonstance fortuite, imposant à rhomme
la manifestation de sa Aaleur personnelle.
Mais il est parfois nécessaire d’en favoriser la disparition par
l’intervention d’un traitement psychologicpie ayant pour but l’édu¬
cation du caractère.
Beaucoup de timides viennent d’eu.x-mêmes recourir à la psychm
thérapie méthodique. Ils ne se considèrent pas comme des malades.
Ils demandent simplement au traitement psychologique de les
mettre à l’abri de ces états d’intimidation dont ils éprouvent les
plus sérieux incon\'énienls, surtout au point de vue professionnel.
Après avoir constaté que ces sujets sont très hypnotisables, nous
arrivons assez facilement, par quelques exendees appropriés,
exécutés dans l’état d’hypnotisme à limiter les effets ennuyeux
330
REVUE DE L HYPNOTISME
d’une suggestibilité exagérée. Il convient de cultiver et de déve¬
lopper en eux les éléments d’une volonté ferme et d’un caractère
assuré. En un mot, nous devons nous appliquer à réaliser chez le
timide, l’éducation de la présence d’esprit.
Après avoir dispaim pendant assez longtemps, il peut arriver
«pie la timidité réapi>araisse de nouveau. Ces récidives s’observent
à la suite de maladies toxiques, au cours de la neurasthénie, ou
consécutivement à des chocs physiques ou moraux. Dans oes cas,
dont le caractère accidentel apparaît nettenaenl, le traitement psy¬
chothérapique retrouve son efficacité antérieure, comme nous
l’avons maintes fois constaté.
(à suivre).
PSYCHOTHÉRAPIE ET HYPNOTISME
Critique du livre de M. le professeur Dubois, (de Berne),
sur «les Psychonévroses ».
parM. le D** Bonjour, do Lausanne (Suisse). ,
L’hypnotisme, en Suisse, n’a pas encore obtenu les faveurs officielles
du monde médical ; nous croyons avoir contribué pour une assez grande
part, à lui faire prendre racine dans un milieu où le libre-arbilre joue un
grand rôle dans la vie morale, et nous avons acquis la confiance de bon
nombre de nos confrères. Il est incontestable que la majorité des méde¬
cins n’ont jamais lu un des livres de Liébeault, Durand de Gros, Bern¬
heim, Azam, Beaunis ou Draid, sur l’influence de l’esprit sur le corps;
iw>us en donnerons quelques preuves caractéristiques pour démontrer
que l’hypnotisme est mal connu ou interprété. Le livre de M. Dubois sur
jes psychonévroses nous en fournit la plus belle occasion.
Depuis quelques années, il semblait que les préjugés s’atténuaient,
que les résultats obtenus par les hypnotiseurs commençaient à être re¬
connus ; et, si l’on peut juger d’une méthode par le nombre de ceux qui
la pratiquent, on aurait pu croire que l’acceptation tacite de Thypno-
tisme était chose à peu près faite.
Cependant, parfois, M. le professeur Duboisfde Berne], critiquait à sa
façon l'hypnotisme et les hypnotiseurs dans le « Correspondant pour les
Médecins Suisses » ; et les autres confrères, ceux qui guérissent par des
remèdes suggestifs, n'étaient pas mieux traités. Le médecin bernois a
fait paraître son livre sur les « psychonévroses » et dans la seconde édi¬
tion, il prétend n’avoir reçu que des paroles favorables à sa thèse et à
ses opinions. Cela rappelle le procédé qu’il emploie dans son livre où il
ne cite que des succès, succès dont s’est étonné ouvertement le Châ¬
telain, l’aliéniste si connu de la Suisse Romande.
PSYCHOTHÉRAPIE ET HY'PNOTISME
331
La lecture de ce livre, qui, dans la pensée de son auteur, doit être une
pierre fondamentale de la psychothérapie, a évo([ué en nous quelques
idées, qui, nous en sommes persuadés, seront partagées par beaucoup
de médecins. Quand on a lu ce livre, on a l’impression d’un kaléidoscope
dans lequel domine une image, celle de la « psychothérapie rationnelle »
et c’est tout. Le livre fourmille de pensées superficielles et d’exposés à
peine achevés sur une foule de questions. Le lecteur qui désire s’orienter
dans la question des « psychonévroses », se retrouve constamment de¬
vant les mots de nervosité, neurasthénie, hystérie,♦ hypocondrie, dé¬
pression périodique, accès maniaques.
On ne sait pas si le neurasthénique, l’hypocondre et ces malades avec
crises maniaques sont des psychonévrosés ou des vésaniques ; tout cela
manque do clarté et l’on sent que la psychiatrie n’est pas familière à son
auteur.
Nous n'en voulons fournir que quelques preuves.
Page 389, M. Dubois dit : u liOin de moi de nier que des excès sexuels
ou l’onanisme restent sans influence sur la santé. Rien ne débilite l’or¬
ganisme comme la répétition de cette crise nerveuse. Un état neurasthé¬
nique succède à cet orage : omne animal post coitum trisie ». M. Du¬
bois confond ici les excès sexuels avec la fonction sexuelle même, et
chacun comprendra, comme nous, que l’auteur traite le coit de crise ner¬
veuse produisant un état neurasthénique. C’est bien là sa pensée comme
nous la retrouverons bientôt, dans d’autres phrases, clairement expri¬
mée. Ainsi toute fatigue est anormale, pathologique. On le voit, l’auteur
confond déjà le normal avec le pathologique, comme il confond souvent
les névroses avec les vésanies. A la page 393, nous remarquons la môme
faute : « Mais ce qui frappe, — écrit-il, en parlant de la femme pendant la
menstruation, — c’est l'état psychique et l’on voit apparaitre, même chez
les femmes robustes, les stigmates mentaux des psychonévroses.
La femme novraale est déjà pendant la durée de celte fonction une psij--
chonév rosée, »
Tout est matière à psychonévrose. Toute fonction normale produit
des états anormaux ! Alors le sommeil de l’animal qui digère est aussi
un état neurasthénique? Nous notons à la page 203 encore une confusion
du normal avec le pathologique à propos de la contagion hystérique.
M. Dubois appelle hystériques des enfants qui présentent des phéno¬
mènes normaux de suggestion et d’imitation. On sent une fois de plus
{ce que nous verrons plus tard) son erreur de vouloir absolument que
la suggestibilité et l’imitation soient des propriétés mauvaises du cerveau,
alors que sans elles la vie sociale sei'ait impossible. Dans tout le livre
nous pourrions relever de ces inexactitudes et le lecteur qui aura un plus
grand besoin de lucidité dans la classification et un plus grand souci de
la réalité, ne sait plus ce qui est psychonévrose et ce qui ne l’est pas.
On appelait tous les névropathes des hystériques, on les appelle main¬
tenant des neurasthéniques et si le mot de M. Dubois fait fortune, tous
les névropathes non seulement, mais tous les gens normaux seront des
332 REVUE DE l’hypnotisme
psychonévrosés. Il n’y aura qu’un mot de changé ! Nous n’en serons pas
plus avancés !
Page 507 : « Mme W..souffre d’un état neurasthénique à forme mé¬
lancolique auquel s’ajoutent par périodes, quelques symptômes hystéri-
ques ». Est-ce un cas d’hystérie, de neurasthénie ou de mélancolie sim¬
ple ? Quand on a fini de lire l’histoire de ce cas on ne peut diagnostiquer
que l’hystérie.
Page 522, parlant d’un jeune homme de 17 ans qui paraissait bien
doué sous tous les^rapports, il écrit : « Il fut pris de maux de télé, d’in¬
somnies ; le moindre travail amenait la confusion d’idées et les études
durent être interrompues ».
« L’état me parut d’abord très inquiétant, car le malade semblait
avoir une mentalité un peu puérile et une fatuité dépassant les bornes.
Dans un style amphigourique il écrivait ses pensées sur l’amour. Ces
élucubrations me faisaient craindre le développement d’une démence
précoce. »
On se demande comment il peut venir a l’idée de croire ce jeune
homme, bien développé sous tous les rapports, atteint de démence pré¬
coce au début parce que l’insomnie a produit quelques phénomènes
d’irritation qui ne ressemblent en rien aux symptômes du début de
la démence précoce.
Les livres 13 et 14 sont caractéristiques de ce que nous avançons.
Page 201 : « Sans doute on retrouve chez l’hystérique les mêmes parti¬
cularités mentales que chez les autres névrosés.... ; on peut dire qu’ils
sont tous neurasthéniques ». Alors si tous les névrosés se ressemblent
et si tous les hystériques sont des neurasthéniques, pourquoi déjà ces
deux mots pour désigner les mêmes choses ? Et quand on se rappelle
que dans une leçon précédente M. Dubois a protesté contre l’emploi du
mot neurasthénie qui sert à dénommer une foule de vésaniques, on voit
qu’il tombe dans le même défaut qu’il reproche aux autres. Nous en
avons la preuve une fois de plus à la page 210 : a II est inutile de s’effor¬
cer de donner à l’hystérie le caractère d’une entité morbide, de la sépa.
rer artificiellement de la neurasthénie avec laquelle elle est presque
toujours continue. On retrouvera souvent aussi chez ces malades des
symptômes évidents d'hyjjocondrie et de mélancolie ».
On le voit, nous n’avons rien avancé de tr op ! H ypocondrie, mélan¬
colie, hystérie, neurasthénie, so ressemblent iet se^c^fondent ! ’ Les
malades de M. Dubois sont atteints de trois ou quatre maladies à la
fois ! Or il est bien évident que la dépression de l’hystérique ou du neu*
rasthénique n’est pas de la mélancolie et que le mélancolique, le vrai,
n’est pas déprimé à la façon de l’hypocondre ou de l’hystérique ; de
même Vagitation de I hystérique diffère de celle du maniaque. Alors
pourquoi appeler symptômes d’hypocondrie des symptômes qui ne
sont pas essentiellement différents de ceux de l’hystérie et pourquoi
dire d’une hystérique agitée qu’elle présente des crises maniaques^
puisque l’agitation et le langage du maniaque diffèrent essentiellement
PSYCHOTHÉRAPIE ET HYPNOTISME
333
de ceux de Thystérique ? C’est à douter de la richesse de la langue et
de la concision des sciences !
Avant de terminer ce travail, nous avons voulu chercher dans plu¬
sieurs livres sur l’hypnotisme des exemples de guérison à opposer à
M. Dubois (nous ne les citerons pas pour ne pas allonger celte critique]
et nous avons trouvé quelques paragraphes dans la quatrième édition du
Prof. Forel sur l’hypnotisme que nous n’hésitons pas à traduire, pour
les intercaler à cette place, puisqu’ils sont adressés directement à
M. Dubois.
« Depuis que la suggestion a été quelque peu reconnue par la méde¬
cine, des symptômes particuliers se sont fait jour dans la critique. Le
médecin ainsi que l’étudiant entendent parler beaucoup de la sugges¬
tion et lisent parfois quelque chose là-dessus. Ceux qui émettent des opi¬
nions sur ce sujet possèdent rarement une expérience réelle. »
C’est de ce parler superficiel qu’est sorti une ^sorte d’axiome officiel,
émis avec une arrogance autoritaire qui dit : La suggestion à l’état de
veille, la psychothérapie, c’est une question vraie et importante que
chaque médecin doit connaître et, qu’à proprement parler, il a possédé
de tout temps par intuition, mais l’hypnotisme, c’est quelque chose de
tout autre, de suspect, c’est de la charlatanerie, ou du moins cela lui
ressemble ; c’est mauvais, c’est dangereux ! a
a Ce langage est tout à fait comique pour celui qui connaît la sugges¬
tion. Il faut réellement un esprit très superficiel et une curieuse myopie
psychologique pour faire d’une seule branche deux disciplines. Car en
fin de compte, pour juger de la nature de la psychothérapie, il ne s’agit
pas de savoir si l’on suggère un peu plus ou un peu moins de sommeil.
Celui qui est traité par la psychothérapie se trouve sous une influence
suggestive ; par conséquent son dynamisme cérébral est employé
comme une source d’énergie pour dissocier tous les troubles qui dépen¬
dent plus ou moins de son cerveau d’une façon directe ou indirecte.
Quant à demander si cela est de l’hypnose ou de la psychothérapie, c’est
chercher une querelle de mots. »
Le D** Dubois, de Berne, a fait un superbe épanchement scientifique
de ce genre dans le Corresp. BL fur schweizer Ærzte (1" fév. 1900).
Le D' Ringier lui a répondu d’une façon exacte en lui prouvant que les
médecins hypnotiseurs font et enseignent justement ce qu’il s’imagine
leur apprendre avec force reproches.
« Nous ne nions pas qu’il y a des charlatans qui hypnotisent et des
hypnotiseurs qui emploient la suggestion sans esprit, d’une façon
mécanique et sans individualiser : on trouve les mêmes imperfections
dans tous les domaines de la médecine et c’est une calomnie basse et
indigne de les attribuer à la méthode tout entière et de le faire en
s’appuyant sur des finesses, sur l’origine du mot suggestion ou sur des
suspicions générales (Allgemeine Verdæchtigungen) comme le fait
M. Dubois, au lieu d'en rendre responsables seulement les personnes
en faute. »
334
RBYUB DE L HYPNOTISME
(L Que Ton prenne garde de ne pas lancer de tous côtés des expres¬
sions générales psychologiques ou psychopathologiques, telles que :
.« volonté, nervosité, neurasthénie, psychique » comme le font M. Dubois
et bien d’autres. Par exemple, voici une phrase de M. Dubois : « La ner¬
vosité dans laquelle se rangent l’hystérie, la neurasthénie et toutes les
formes mixtes qui s’y rattachent est une maladie psychique, un état
d’àme. » (!) Donc, tout dans le même paquet bien commode, que ce soit
un cas incurable d’hypocondrie ou un cas facilement curable et tout
cela, un état d’âme ! Punctum !
« Il faut analyser et individualiser très exactement, pour découvrir
quel trouble fondamental se cache derrière les symptômes neuropatho¬
logiques et rechercher si c'est la dissociation de l'hystérie, l’obsession
hypocondriaque, le terrain épileptique^ une psychose ou même un
mal organique cérébral ; il faut rechercher ce qui est acquis et ce
qui est héréditaire et quel rôle joue l’épuisement des centres nerveux,
etc. ?
Mais nous ne voulons pas ajouter d’autres preuves à ce que nous
avons dit : les lecteurs et surtout les psychiâtres auront été frappés
comme nous de toutes les inexactitudes et si nous avons tenu à les
relever, c’est qu’elles ajouteront leur poids à celles que nous rencontre¬
rons en parlant du sujet principal de ce travail, c'est-à-dire des idéœ
de M. Dubois sur la suggestion hypnotique. Mais avant d’y arriver, il
nous faut parler encore un peu de sa philosophie, car elle joue un grand
rôle dans sa psychothérapie. Est-ce juste ? Nous en doutons profondé¬
ment. Nous croyons que le médecin ne doit pas plus employer la philo¬
sophie que la religion dans le traitement des malades. Ce sont des
armes intimes qui ne doivent se faire sentir que dans la vie du médecin
et dans sa façon d’agir et d’étre avec ses malades, mais pas dans ses
conversations avec eux. Rien ne rappelle plus le « Thaumaturge *,
comme dit M. Dubois, que cette ingérence philosophique. Pour s’en
servir, il faudrait être sûr de l'absolu de façon que chacun en fut oon-
vaincu !
Mais nous savons combien sur ce terrain la certitude varie selon
les sentiments et M. Dubois omet d en tenir compte. 11 fait l'apologie du
déterminisme et critique les argumenta de deux spiritualistes contre le
déterminisme, MM. Naville et Plournoy, puis les réfute ou croit les
réfuter. Or, croire qu’on a détruit les objections faites au déterminisme
et à la morale scientifique, en citant seulement les critiques de deux
spiritualistes émmenta, voilÀ un procédé qui n’épuise pas la critique,
celle qu'on est en droit d’exiger, quand on a lia prétention de vouloir
baser la psychothérapie sur la philosophie et la psychologie, il faudrait
pourtant savoir si les déterministes sont tellement d'aecord ? N'est-ce
pas, cette curiosité parait naturelle ? Elle ne l'est pas à M. Dubois qui
ne renseigne pas son lecteur sur ce point. Par exemple, Topinion de
M. Fouillée, un déterministe convaincu, l’auteur du livre sur le « Dcter-
ininismc » serait bonne en l’occurrence. Je choisis les quelques mots
PSYCHOTHÉRAPIE ET HYPNOTISME
335
suivante dans une de ses études sur « la science des mœurs remplace¬
ra-t-elle la morale ? »
K Tout en niant Texistence intrinsèque et la valeur objective de la
moralité, ses négateurs veulent en conserver les avantages sociaux....
Ainsi, les sociologues, dans le même moment qu’ils nient la valeur
rationnelle de la morale sont obligés de la reconnaître... Avec une admi.
rable sincérité M. Lévy-Bruhl finit par se dire : « II y a pourtant des
questions de conscience : au nom de quel principe les résoudre ? >'.
Et il répond : « Se contenter des solutions approximatives et provisoires,
à défaut d’autres. » — Mais, poursuit M. Fouillée, quand je suis placé
entre le devoir et la mort il ne s'agit pas de solution approximative. Je
ne puis vivre approximativement et si je meurs, ce n’est pas provisoire¬
ment.... »
« Le contenu particulier et concret de Tidéal moral est sans doute tou¬
jours relatif à un état donné de la société ; mais l'idéal moral, par son
universalité, et surtout par son caractère souverainement impératif selon
ICant, souverainement persuasif selon nous, dépasse le contenu actuel de
nos idées pratiques,de nos maximes sociales,de notre structure sociale...»
Evolutionnisme comme positivisme est un mot vague,.., « On ne
détruit que ce qu’on remplace »,disait Comte avec profondeur. Le posi¬
tivisme n’aj^ant vraiment remplacé la morale ni par la sociologie, ni par
La biologie n^a pas détruit la morale ».
Voilà qui est clair, nous semble-^t-il, et qui répond à la morale évolu¬
tionniste et provisoire de M. Dubois. Le vieux conflit persiste et il sera
étemel. Il y aura toujours « riticonnaissable » pour les uns, et le « Con¬
naissable » pour les autres. C’est affaire de sentiment.
Mais alors, si pour devenir psychothérapeute, nous devons condes¬
cendre à la philosophie hæckelienne, périsse la psychothérapie, et re¬
tournons aux dogmes religieux dont nous voyions la science se dépouiller
avec satisfaction, retournons à eux, car quoi qu’en dise M. Dubois, ils
ont prouvé par leurs effet» j^ratiques, la supériorité de leur valeur in¬
terne !
Et c’est ce qui nous surprend dans ce livre qui prétend enseigner la
logique en psychothérapie, c’est de le voir entaché d’une philosophie et
d’wne science si dogmatiques, d'une psychologie si souvent erronée et
d’uoe logique si faite de contradic ions, de paraJogisracs, de pétitions
de principe et même de sophismes !
îfou s avions espéré ne pas retrouver dai*s ce livre les expressions pué¬
riles dont M. Dubois n’a cessé de qualifier ses confrères hialogistes ou
hypnotiseurs dans tous ses écrits du Correspondant et de la Revue de
Médecine. Mais c’était trop attendre de Berne et nous espérons que nos
aimables confrères de France se soucieront, aussi peu que nous, d’étre
claf^s parrmi Jes « idAiiniàtres, ks tinauoudjurges et les charlatans ».
♦
♦ ♦
M. Dubois a'rotrvert une enqiKte î>ioB inutile^ car toutes les questions
dont il parle owt été résolues ■par Bernheim, Liégeois, Beaunis, Durand
REVUE DE L HYPNOTISEE
m
de Gros, Forci, Vogt et dernièrement par Lowenfeld dans son livre sur
la psychothérapie (1897).
M. Dubois donne la définition de la suggestion telle qu’elle est conte¬
nue dans un dictionnaire et s’appuie sur des définitions de Marmontel
et de Guizot pour démontrer que le mot suggérer est toujours pris en
mauvaise part ; puis il cherche à démontrer que la suggestion est ainsi
comprise par les hypnotiseurs puisque deux d’entre eux ont écrit : « Le
cerveau doit être pris par surprise » (Forel) et : « Je distingue la sugges¬
tion qui entre pour ainsi dire par la porte de derrière, de la conviction
logique qui passe par la porte principale » (Bechterew). Par conséquent,
continue M. Dubois, la suggestibilité qui est mise en action par la sug¬
gestion est une mauvaise propriété du cerveau, donc 1 hypnotisme estmau-
vais. Voilà son syllogisme qui constitue une véritable pétition de principe*
Mais M. Dubois ne reste pas conséquent avec lui-même car il écrit :
a La raison est le crible qui arrête les suggestions malsaines et ne laisse
passer que celles qui nous mènent sur la voie du vrai, (p. 13â). a Si utile
que puisse être le résultat final, le mécanisme mental a été faussé par
la suggestion et la déterminaison est plus ou moins anormale. Quoi de
plus absurde que de s’endormir en plein jour en cédant bêtement a Tin-
jonction d’un hypnotiseur ?» Puis page 489 : « J’ai déjà dit qu’on ne
peut pas toujours éviter cette dernière (la suggestion) et que je suis
parfois obligé de capter U7\ peu artificiellement la confiance du malade.
Mais dans ce cas, je ne suis pas pleinement satisfait de mon œuvre,
même si le résultat est obtenu ». Et encore, page 492 :« Tout traite¬
ment exerce une influence suggestive; il est impossible éliminer ce
facteur ».
Donc la suggestion qui était une insinuation mauvaise, mène par¬
fois sur la voie du vrai et la raison laisse passer les suggestions qui
conduisent à ce bon but. Il y a donc de bonnes sucrorestions. Mais alors
nous ne comprenons plus pourquoi ces bonnes suggestions peuvent
fausser le mécanisme mental et Al. Dubois oublie de dire pourquoi .1
est obligé de capter artificiellemênt Vesprit de son malade !
On le voit, nous n’avons rien avancé de trop en affirmant que la
logique de l’auteur ne peut nous contenter. M. Dubois se donne tort a
lui-même car il avoue ne pouvoir faire de la psychothérapie sans cap¬
ter parfois l’esprit du malade. C’est donc un aveu d’impuissance plus
grand qu'il ne le veut laisse)* admettre et s’il avait réuni ces cas-là
dans la statistique de ses guérisons et de ses insuccès, cet aveu semit
d’une importance plus considérable encore.
M. Dubois- est pénétré de l’idée que la psychothérapie doit être
faite en se servant de la conviction logique seule. Il le redit en de
nombreux endroits. Puis pourtant, il accorde qu’il est impossible de
ne pas agir sur la suggestibilité du malade, et enfin, dans un numéro
du Correspondant (Correspond. Bl. für Schweizer Aerzte) il écrit :
« L’homme ne devrait être accessible qu’aux suggestions raisonnables,
il doit lutter coniro les influences qui le rendent esclave. »
337
PSYCHOTHÉRAPIE ET HYPNOTISME
Il rend simplement les armes et nous pourrions nous contenter de
^ nouvel aveu contradictoire. A moins que M. Dubois ne joue avec
les inots et que la . suggestion . qui était une insinuation mauvaise
soit devenue une raison salutaire, à moins que la suggestibilité ne soit
plus cette propriété mauvaise du cerveau qui fait prendre des vessies
pour des lanternes, et quelle puisse servir à autre chose.
Mais M. Dubois, ne l’oublions pas, a écrit son livre contre l’hypno¬
tisme qui est un a agent mauvais » — « provoquant le déséquilibre
mental » et contre les hypnotiseurs « qui sont des successeurs de
Mesmer ., « agissant par des voies détournées . et dont les malades
Rendorment « bêtement en plein jour ».
Il n’y a aucun doute; un auteur qui écrit de pareilles expressions
doit avoir un tel sens de la vérité qu’il n’emploiera jamais de . voie
‘ n’imposera jamais sa volonté » à ses malades,
r M. Dubois écrit à propos de sa cure de la constipation : « Affirme'^
quon arrive toujours par ce dressage intelligent. Si vous avez déjï
des succès à votre actif, décrivez-les avec une éloquence convain¬
cante. »
On voudrait savoir aussi ce qu’il faut dire au malade qui ne gué¬
rit pas ? Il est vrai, M. Dubois n’a jamais d’insuccès dans ces cas-là.
^ Rappelons-nous donc que, même quand on a quelque insuccès, il
faut toujaurs affirmer qu’on guérit, et souvenons-nous que cela ne
s appelle pas, ni suggérer par des voies détournées, ni imposer sa
volonté ! Avions-nous tort de parler de sophismes ?
M. Dubois tonne contre la suggestion hypnotique et pourtant écrit
à propos de l’incontinence nocturne, page 382 : < C’est là un des cas
exceptionnels où je ne craindrais pas de recourir à l’hypnose, quoique
la tenue de thaumaturge qu’il faut prendre me répugne au point de
me mettre la rougeur aux joues quand je me décide à l’employer. » ( !)
Comprendra qui pourra ! M. Dubois rougit d’employer dans ces
cas la voie détournée dont il ne rougit pas quand il s’en sert pour affir¬
mer toujours la guérison à un constipé, puis il ne fait pas comprendre
pourquoi la suggestion hypnotique est bonne chez ces enfants et
funeste chez des adultes ?
On le voit, c’est toujours le même système dogmatique car il faut
que la suggestion h3rpnotique soit mauvaise !
M. Dubois a été électrothérapeute émérite qui, comme d’autres,
a cru aux vertus des courants électriques; une visite chez Bernheim
lui a ouvert les yeux et il a commencé de s’occuper d'bypnotisnn*
thérapeutique. Mais ses résultats furent minimes et Bernheim à qui il
en demandait la cause lui répondit ; c Vous ne réussissez pas parce
que vous ne croj'ez pas à ce que vous faites. » (Corresp. Bl.). Jugeant
alors que l’hypnotisme ne valait rien, il se mit à pratiquer la « sug¬
gestion rationnelle », la psychothérapie par « la conviction logique »
et comme il réussissait avec ce procédé, il le déclara supérieur à celui
de Bernheim.
REVUE DE L'üyPNOI^SME
3;h8
Relisez son livre ! Ne sentez-vous pas oette ^oonvietion à chaque
page ? Nous pouvons donc affinoa^ que si M. Dubois a mieux réussi
avec la conviction Iqgique qu’avec la suggestion hypnotique c’est parce
qu’il crut de bonne heure à sa méthode. Il peut affirmer qu’il guérit
par le raisonnementmais nous sentons qu’il agit par m ccmviction sur
la suggestibilité comme un « guérisseur i sur ses malades, et que
ceux-ci sont plus emportés par leur croyance en lui que par la force
de ses raisonnements.
La majorité des médecins est toute préparée à le croire et à se
laisser convaincre par rexagéiation de son dogmatisme. M. Dubois a
un© confiance vaine dans la forœ de la raison, tandis que c’est le
sentiment qui dirige le troupeau humain et quel sentiment ! Je lui
ferai la corde longue ot ^ lui dirai mémo qu’au point de vue théo¬
rique, il a raison, puisqu’il ne connaît l’hypnotisme que sous ut
angle et je le démontrerai en restant presque exclusivement sur
terrain pratique.
M, Dubois a oublié que les mots ont des existences souvent éphé¬
mères et que la définition de la suggestion que donnent Marmontel
Guizot est, à vrai dire, un peu vieille pour s’adapter à la suggestion
mise en évidence par l’hypnotisme. Le nouveau Larousse dit que
suggérer, c’est faiie pénétrer une idée dans l’esprit et noiis,hypnoti¬
seurs, nous pouvons admettre que cette définition correspond exacte¬
ment à la pratique et au sens actuel de ce mot. Au surplus, il est
étonnant de voir un homme qui vewt combattre la suggestion n en
pas donner des définitions modernes car il n’en manque pas : psycho¬
logues, psychiatres, hypnotiseurs, avocats renommés ont fourni la
kmr. Dans aucune, noue ne trouvons l’idée mauvaise, la valeur corrup-
tive que M. Dubois cherche à lui donner en rappelant la définition de
Marmontel et de Guizot qui s’applique au vieux mot suggestion alors
synonyme d’insinuation. Mais il répond : « D’autres hypnotiseurs,
(dans sa pensée, les emballés), ne savent pas voir que si la suggestion
et la persuasion sont identiques dans leur action, ouand on entend
par là que toutes deux inculquent des idées, elles sont aux deux bouts
do la même chaîne, puisque l’uiie s’adresse à la foi aveugle, l’autre
au raisonnement logique affiné. »
Pour parler ainsi, il faudrait être sûr de ne guérir que par le raison¬
nement; cela est impossible et M. Dubois le concède en disant qu’on
ne j>eut écarter Taetion de la suggestibilité. En outre, il dit souvent
que des malades viennent chez lui « très bien préparés i par la gué¬
rison d’une de leurs coiinaissaiK os soignée par lui-même.
Dti point de vue psychologique, ce très bien préparé ne peut
signifier qxi’une chose : ces malades-là sont confiants, ils croient
d’avance au succès de rintervention de M. Dubois. Ab ! peut-être
que cette croyance n’a pas encore été réfléchie dans leur surconscience,
mais en tout cas, la conscience subliminale est touchée et le déclan¬
chement principal est opéré. Donc cette préparation <lu malade ne
PSYCHOTHÉKAPIE ET HYPNOTISME
33Î)
s’est faite qu’aux dépens de sa suggestibilité^ aux dépens de sa raison;
il s’est produit chez lui un rétrécissement du champ de la conscience
analogue à celui de l’hypnotisé, favorable au dévelopi)ement de ia
suggestion.
(à suivre)
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 21 novembre 1905.—Présidence de M. le D'Jules Voisin.
l^a dormeuse de San-Bemo
par M. le D** Paul Farez
professeur à l^Ëcole de psycholofie.
Argentina Q... (^) est née à terme, dans de bonnes conditions^ en
juillet 1889, aux environs de St-Raphaël, en France. Sa mère est bien
portante, ainsi que ses frères ; son père est alcoolique. C’est une enfant
du peuple, jolie fille, au corps bien conformé, aux lignes harmonieuses,
ü’une robustesse peu commune pour son âge. Le regard est vif et animé,
la santé générale excellente, les réflexes normaux, la menstruation
régulière. Elle vit dans une petite pièce obscure et mal aérée, qu’elle
partage avec son père, sa mèro et un frère; elle couche par terre sur
une vieille paillasse.
A huit ans, elle a été mordue par un chien ; on n’a jamais su si celui-
ci était enragé ; toutefois, par précaution, Argentina fut menée à Mar¬
seille et soumise au traitement antirabique.
Jusqu’à douze ans, elle est bonne et affectueuse.
Au moment de sa formation, elle devient taciturne, fourbe, menteuse,
égoïste, fantasque. Un beau jour, sans aucun motif, elle s’enfuît de la
maison paternelle et va chez une de ses amies, où elle reste vingt-quatre
heures. Ses parents, anxieux, la cherchent partout, pendant un jour et
une nuit. L’ayant retrouvée auprès de cette amie, ils la ramènent chez
eux.
Pour l’occuper, ils décident de lui-faire apprendre la couture. Ils la
mettent chez une couturière, avec laquelle elle ne s’entend pas ; et ils
la reprennent. Peu de jours après, elle s’échappe de nouveau, à demi-
nue, et va à Cannes où elle entre comme ouvrière chez une repasseuse.
Celle-ci lui ayant adressé quelques reproches, au sujet de son travail.
Argentina s’échappe à nouveau, va à Nice et, chez le commissaire de
police, dépose contre son ancienne patronne une plainte dénuée de tout
fondement. Huit jours après, ses parents la retrouvent à St-Raphaël et
(1) Les éléments essentiels, de cette observation m'ont été très aimablement
fournis par MM. les Berrmrd (de Caanes), Bobone et Roggeri (de San-Remo},
auxquels j’adresse mes très vifs remerciements.
340
REVUE DE l'hypnotisme
la ramènent' chez eux. Elle s’échappe à nouveau, passe une semaine
chez un de ses oncles, qu’elle quitte un beau matin. Ses parents la ren¬
contrent dans un bois, errant[à l’aventure.
Sa mère lui ayant demandé la raison de cette dernière fugue, Argen-
tina répond : a Une femme m’a dit de m’en aller de chez mon oncle,
sans cela j’aurais été changée en singe ou en hérisson. Je ne veux plus
aller à St-Raphaël parce que j’ai peur. »
A cet état mental (lequel comporte, on vient de le voir, des phénomè¬
nes de confusion et d’hallucination) se surajoutent des phénomènes
dysesthésiques et des troubles vaso-moteurs; elle accuse des points
douloureux dans tout le corps, surtout une douleur très vive dans l’hypo-
condre droit ; elle éprouve, en outre, au bras, une sensation de brûlure ;
on y constate, en effet, non seulement de l’œdème, mais aussi de la
gangrène hystériques.
A la suite d'une légère discussion avec sa mère, Argenlina s’endort
d’un sommeil qui dure trois jours consécutifs. Nous sommes au mois
d’août 1904. Dès lors, toutes les fois qu’on lui adresse un reproche,
au lieu de faire une fugue comme jadis, elle s’endort pour deux, trois,
cinq et même huit jours.
En novembre 1904, sa famille retourne en Italie et se fixe à San Remo.
On met noire jeune fille en place : elle y reste huit jours. On a, sur ce
point, le témoignage formel de sa mère et de ses patrons. Argentina,
elle, nie avoir séjourné chez ces derniers et avoir jamais été en place.
Elle n’a gardé aucun souvenir de ce qu’elle a fait pendant ces huit jours;
elle les a passés en état second ; même, dans cette condition seconde,
elle est infiniment plus souple et plus sociable, car ses patrons l’ont
trouvée, pendant cette huitaine, bonne, douce, obéissante, mettant à
profit les remontrances.
Peut-être les fugues précédentes ont-elles eu lieu, elles aussi, dans la
condition seconde ; mais la démonstration n’en a pas été faite.
Quoi qu’il en soit, les attaques de sommeil reviennent de loin en loin,
sans aucun rapport avec les périodes menstruelles, toujours à Toccasion
d’un reproche.
Lorsqu’elle est dans l’état de mal hystérique, le reproche joue le rôle
de traumatisme psychique ; il est comme la goutte d’eau qui fait débor¬
der un vase plein ; il peut être assimilé à ce minuscule travail décrochant
qui suffit à mettre en branle certaines machines puissantes.
Cet état de mal hystérique est signalé par quelques phénomènes pré¬
monitoires, tels que des crampes œsophagiennes, de l’anesthésie pha¬
ryngée et diverses zônes d’anesthésie cutanée ; c’est dans ces conditions-
là seulement qu’un reproche provoque l’attaque de sommeil.
Ce sommeil ne survient pas d'une manière brutale. Argentina se sent
la tète lourde ; elle a conscience qu’elle va s’endormir dans la rue ; elle
a le temps de s’éloigner de la foule et des voitures ; chez elle, elle choisit
la place où elle va s'étendre. Une phase hallucinatoire précède parfois
l’invasion du sommeil.
SOCIÉTÉ d’hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE 341
Un jour, après s’étre réveillée, notre jeune fille raconte ceci : « Une
jeune femme qui descendait du train m*a touché l’œil gauche avec son
doigt et c’est ce qui m’a fait dormir. »
Pendant qu’elle dort, elle a le teint coloré comme à l’état normal ; sa
respiration est calme, suivant le rythme de 18 par minute ; le pouls est
à 80. Ses muscles sont en résolution complète ; si Ton soulève un bras ou
une jambe, ils retombent lourdement comme une masse ; toutefois, on a
constaté quelques contractures partielles, principalement celle de la
langue. Elle est, à ce qu’il semble, tout à fait fermée au monde extérieur;
aucun bruit ne l’atteint ; elle est complètement anesthésique ; on peut
lui enfoncer des épingles dans toutes les régions du corps, sans qu elle
paraisse éprouver aucune sensation de douleur ou même simplement de
tact. Le sens thermique, lui aussi, est suspendu.
Pendant le sommeil, elle ne manifeste ni ne satisfait aucun besoin, pas
plus en ce qui concerne les excrcta, qu’en ce qui concerne les ingestSL.
Parfois, elle se réveille, toutes les vingt-quatre heures environ, précisé¬
ment pour satisfaire les dits besoins. D’autres fois, on n’observe aucun
de ces réveils momentanés ; et, pendant toute la durée de la crise, elle
reste sans manger ni boire, comme sans uriner ni déféquer.
Ce sommeil ne se termine jamais d’une manière soudaine et inatten¬
due. Le réveil complet est précédé de réveils partiels et progressifs.
Ainsi, à côté de certaines régions cutanées où l’on peut, sans provoquer
aucune douleur, implanter des épingles, apparaissent des zônes d’hyper¬
esthésie. Non seulement elle entend à nouveau tout ce qu’on lui dit,
mais elle présente parfois de Thyperacousie douloureuse, au moindre
bruit. Si on la chatouille, elle rit. Suivant les cas, elle répond aux inter¬
locuteurs tantôt seulement par le langage mimique, tantôt par la parole,
tantôt par l’écriture. Les diverses facultés ne se restaurent que les unes
après les autres et pas toujours dans le même ordre. Tantôt, attentive à
ce qu’on lui dit, elle approuve ou désapprouve par des mouvements de
tète. Une autre fois, comme on lui demande d’ouvrir les yeux, elle ré¬
pond : a Vous le voyez bien, j’ai beau essayer, je ne le peux pas. » Une
autre fois encore, incapable de remuer la tête ou d’articuler une parole,
elle écrit. Voici deux échantillons de son écriture (au crayon). Sur le
premier, on lit : Madame Kloriy poste restante^ Paris ; sur le second,
Louis, Gras, Cauvin, chemi fano del male, Mme Klon est, paraît-il, une
personne de Paris qui lui aurait offert de la prendre^comme domestique.
Louis, Gras et Cauvin qui lui font du mal (comme elle l’écrit en italien)
sont des individus, réels ou imaginaires, dont elle a peur et à cause
desquels elle n’ose plus retournera St-Raphaël.
On conçoit toute l'importance de semblables révélations graphiques,
faites avant le retour à la pleine veille ; elles évoquent le subconscient ;
elles établissent une sorte de pont mémoriel entre l’état second qui lou¬
che à sh fin et l’état prime qui va reparaître à nouveau ; elles dévoilent
l’existence d’auto-suggestions tyranniques que le sujet oublie, une fois
revenu à l’état normal, mais qui président subconsciemment à la réappa-
342
REVUE DE l'hypnotisme
rition des phénomènes pathologiques. Explicitement connues, elles peu
vent être réduites par un procédé psychologique et permettre ainsi une
sorte de désuggestion. C’est dans cette voie que devrait être tenté, à titre
préventif, le traitement véritablement étiologique de ces fugues et de ces
sommeils. «
Ajoutons encore ceci. En pleine crise de sommeil, Argentina est inac¬
cessible à la suggestion, aussi bien qu’à toutes les excitations extérieu¬
res. Dans la période intermédiaire qui précède le réveil, elle devient
suggestionnable. Par exemple, un jour on lui demande de tirer la langue ;
elle fait signe qu’elle ne le peut pas ; en effet, la langue est contracturée.
— « Eh bien, lui dit-on, je vais la tirer avec la main, hors de la bouche,
et la contracture sera vaincue. » Immédiatement après, elle peut mon¬
trer la langue spontanément et la sortir autant de fois qu’on le lui de¬
mande.
Une.fois, Argentina a pu être réveillée par le massage oculaire, pra¬
tiqué à titre suggestif, dans la période prévigile. Pratiqué une autre
fois pendant le plein sommeil, ce massage a échoué, comme il fallait s’y
attendre, puisque, à ce moment-là, toute sensibilité était suspendue.
Lorsqu’elle se réveille, elle a, pendant quelques minutes la parole
embarrassée ; elle se frotte les yeux et se sent fatiguée. A quelque heure
qu’elle se réveille, elle sc met à manger de bon appétit. Elle n’a conservé
aucun souvenir de ce qui s’est passé pendant le sommeil.
Des voisins, ignorants et crédules, n’ont pas manqué de voir dans ces
crises de sommeil un phénomène surnaturel ; le bruit a même couru que
le Diable était en elle. D’autres, s’appuyant sur ce fait qu’elle s'endort à
l’occasion d’un reproche ou d’une discussion, ont insinué qu’ellé simu¬
lait le sommeil. En effet, la question de la simulation se pose, à propos
de chaque cas analogue à celui-ci. Toutefois, si l’on veut bien se rappeler
les points saillants de cette observation, ainsi que les phénomènes qui
préparent, précèdent, accompagnent et suivent ces sommeils, on con¬
clura que, de toute évidence, ce cas répond au type classique de l'at¬
taque de sommeil hystérique.
béance du rnar.M décembre — Présidence de M. le D* Jules Voisin.
La séance est ouverte à 4 h. 4f3.
Le procès-verbal de la dernière séan<*e est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance,
huiuelle comprend, entre autres, une brochure de M. le D** Bérillon
intitulée JjC I raitrmvuf psycholoffiquc dv VAlcoolisme.
M. le Paul Magiiin, Vice-Président, adresse les très vives féli¬
citations de la Société à son président M. le D*^ Jules Voisin, à qui
l’Académie des Sciences vient de décerner la moitié du Prix Lalle¬
mand pour ses remarquables travaux et son livre Sur VEpilepsic.
SOCIÉTÉ D’firPNOLOGlfi ET DE PSYCHOLOGIE 343
Les communications inscrites à Tordre du jo4ir sont faites dans
T<sNlre suivant :
X)*" Bouhageb (de Tunis). — Pourquoi des aliénés ou demi-aliénés
deviennent des marabouts et sont vénérés par les indigènes. Discus¬
sion : D*’ Bérillon.
ly Ch. VsiÆNTiNO. — La psychologie de la médecine hindoue. Dis¬
cussion : D** Bérillon, M.< Lionel Dauriac.
D** Bémllox. — Les timidités ; les localisations fonctionnelles de
Témotivité morbide. Discussion : MM. Paul Magnin, Valentino, Jules
Voisin.
D^ Pamart. — Vil cas d’aphonie non hystérique guéri par la sug¬
gestion hypnotique.
D*" Félix B/EGXault. —i Définition de la suggestion.
D*" Bixet-Sanglé. —■ Les prophètes juifs.
M. le Président met aux voix la candidature de M. le D*" Lagrange
(de Vichy) qui est élu, à Tunanimité, membre titulaiie de la Société.
La séance est levée à 6 h. .45
De Tintelligence chez la chèvre, le chat et le chien.
parM. Minette, médecin-vétérinaire à Compiègne.
Mme J..., une brave maaouvrière de Margny-les-Corapiègne, menar-
raàt une histoire qui me paraît véridique et digne de figurer dans les
annales de nos journaux spéciaux qui traitent parfois de Tintelligence
des-bètes. Mme J..., possédait, il y a peu de temps encore, une chèvre
laitière excellente ; elle fut forcée de la vendre afin de pouvoir conserver
les plantes qui font rornement de son jardin et la gloire de leur proprié¬
taire ; à plusieurs repHses, en effet, la chèvre vagabonde avait trouvé
le moyen d’ouvrir la porte du jardin, et, en compagnie de son rejtîton,
elle avait dévoré les roses en pleine floraison du parterre ; c’était un
véritable désastre ! Intrigué à juste titre de cette forme nouvelle du
cambriolage caprin, je demandai à Mme J..., comment la délinquante,
accompagnée de son élève, — apprenti au pillage, — pouvait s’in¬
troduire dans le jardin dont la porte fermait à clef. Voici sa réponse :
La chèvre, à l’aide de ses cornes introduites dans Tanneau de la clef
biissée dans la serrure, trouvait le moyen de faire jouer le pêne dans le
sens de l’ouverture et lirait la porte àelle pour laisser le passage libre.
-Plusieurs fois cette manœuvre s’est renouvelée, au grand étonnement
de Mme J...
Il restait à savoir si la chèvre, une Cois son acte de vandalisme, accom¬
pli, se serait retirée en refermant la porte, qu elle ouvrait avec agilité et
intelligence. Mais sa propriétaire Tayant surprise en flagrant délit, ne
lui avait pas donné le temps de la réflexion pour opérer sa retraite en
hoïk ordre elle la reconduisait à Téiable avec toutes sortes d'impréca¬
tions méritées.
Une autre fois, Mme J..., entendit du bruit dans sa cave, où elle avait
341
REVUE DE l’hypnotisme
remise^ un stock de racines de rhubarbe ; elle se rendit vers cette partie
de son habitation, dans la certitude que la porte d’accès à la cave était
fermée à clef et qu’un étranger sans doute s’était introduit dans la cave
pour voler. Mais quelle ne fut pas sa surprise de trouver sa chèvre en
train de dévorer à belles dents les légumes mis en réserve. Parle même
procédé que celui relaté ci-dessus, la chèvre avait tourné la clef à l’aide
d’une de ses cornes et ouvert la porte de la cave sans plus de gène qu’un
habile cambrioleur. Cette double relation prouve une fois de plus que
l’intelligence chez certains petits animaux domestiques, s’accuse d’une
façon tangible dans l’accomplissement de ces actes qui ne sauraient être
mis sur le compte de l’instinct; car, pour ouvrir une porte fermée à clef,
il faut à l’animal une faculté intellectuelle qui le guide dans le moyen
à mettre en usage pour son exécution. Aussi, celte double preuve de la
faculté intellectuelle de la chèvre de Mme J..., m’a paru mériter les hon¬
neurs de la publicité.
M. D..., débitant à Margny-les-Compicgne, est possesseur d’un jeune
chat âgé do quatre mois, répondant au nom de Kiki, lequel présente des
signes intellectuels rares, qu’il m’a été agréable de contrôler expérimen¬
talement, lors d’une visite dans l’établissement de son propriétaire. Le
jeune sujet placé dans un angle de la pièce, sur la tablette de la che¬
minée, se tient en position assise comme les chiens dressés à cet exercice,
il obéit au commandement de son maître pour cesser sa faction. Il a
exécuté ensuite plusieurs sauts dans le cercle formé par la réunion des
mains de son professeur et, toujours au commandement de ce dernier.
L’obéissance de ce jeune animal est un phénomène réfléchi, qui néces¬
site de la part de son auteur une faculté intellectuelle native qui ne se
rencontre pas toujours chez ses congénères ; car le chat est, de son natu¬
rel, plus réfractaire que son ami, le chien, au dressage, en ces sortes de
sport. Aussi je me promets de suivre de près l’éducation de ce prodige,
car je dois lui pratiquer dans une quinzaine de jours, la castration, afin
de le rendre plus familier et plus sédentaire dans la maison de ses maî¬
tres qui lui ont voué une affection sans bornes, n’ayant pas d’enfant
qui pùt en profiter.
Ma petite chienne Myrza, qui a déjà fait l’objet d une notice antérieure
sur son action de rire ou de faire la négresse, à mon commandement,
vient d’ajouter à son actif un trait d’intelligence peu banal. Elle a l’habi¬
tude de jouer avec son ami Frifri, un jeune chat angora ; ils jouent sou¬
vent à la corde en tirant chacun de son côté, mais la victoire reste tou¬
jours à la chienne. Lorsque je lui dis : va chercher la corde placée dans
un panier sur le tapis de mon bureau, pour jouer avec Frifri, aussitôt
elle accomplit sa mission avec aisance, sans plus tarder. Il est incontes¬
table que les fonctions intellectuelles sont plus développées chez les
petits animaux de l’espèce canine que chez aucun animal d'une autre
espèce ; j’en ai eu maintes fois la preuve la plus tangible il ne leur manque
que la parole pour exprimer leur pensée de charmantes petites bêtes.
Les exemples de Fintelligence chez les animaux de l’espèce canine ne
SOCIÉTÉ d'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
345
sont pas rares à observer ; c’est surtout la race des caniches qui four¬
mille de sujets qui font l’étonnement des spectateurs. J’ai connu plu¬
sieurs chiens qui remplissaient le rôle de commissionnaires d’une ma¬
nière ravissante. Un entre cent allait chercher un paquet de tabac ou
du tabac à priser dans la tabatière de son maître, dans laquelle on avait
déposé l’argent destiné à cette acquisition ; un autre allait chez le dépo¬
sitaire du Petit Journal chercher un exemplaire quotidien ; il n’y a
jamais eu d’erreur de lieu pour l’exécution de ce talent de société. Les
facultés intellectuelles sont assurément remarquables chez de sembla¬
bles commissionnaires à quatre pattes ?
Etcombienestintéressant le geste du chien couchéauprës de son maître
endormi, qui attrape au vol les mouches et les insectes qui cherchent
à se poser sur la figure de son propriétaire, et à troubler son sommeil.
Pourquoi des aliénés ou demi-aliénés deviennent des marabouts
et sont vénérés par les indigènes,
par M. le D** Bouhageb (de Tunis),
Un événement important dans le monde indigène de Tunis — la mort
du marabout Sidi Ali ben Gaber dont l’enterrement récent n’a pas réuni
moins de 3.000 personnes — est venu me rappeller une question que
notre éminent Secrétaire Général, le D*" Bérillon, m’a jadis posée :
a Pourquoi les gens aliénés ou demi-aliénés deviennent-ils des mara¬
bouts et sont-ils vénérés par les indigènes ?»
La religion musulmane prêche la compassion pour les personnes
atteintes d’aliénation mentale ; elle les décharge de toute obligation et
ordonne de les bien traiter. Cette prescription toute naturelle et con¬
forme aux sentiments d’humanité qui doivent exister dans une société
avancée a, de par son caractère religieux, une grande influence sur l’es¬
prit des musulmans. Comment a-t-elle dégénéré en une croyance erronée
tendant à faire d'un aliéné un marabout, un saint?
A mon avis, la réponse est facile pour tous ceux qui connaissent la
doctrine islamique et son évolution dans les derniers siècles d’obscuran¬
tisme.
Cette doctrine, dont en général les principes sont rationnels et ont au
moins le mérite de la simplicité, a été noyée dans un nombre infini de
prescriptions secondaires nouvelles. Des âmes pieuses, des personnes^
aussi bien intentionnées que bornées d'intelligence, se sont évertuées
à développer la religion et son champ d’application, de façon à soumettre
les actes les plus insignifiants de l’activité humaine à des principes reli¬
gieux et à expliquer avec une naïveté enfantine tous les phénomènes
naturels par le Coran et la Sonna (tradition du Prophète). Cet accapa¬
rement de l’être par l’idée religieuse rend Pâme musulmane bien pré¬
parée au mystérisme et bientôt la croyance à l'existence d’unespritocculte
présidant à tous les événements, devient un besoin, une nécessité. D’où
la théorie du Mak-Toub (l’écrit).
REVUE OE L'HVPNOrri^B
34 ^
Bientôt aussi on aurrive à croire que cet esprit se dévoile, se révèle
à quelques élus de Dieu. Ceux-ci, pour jouir de cette communica¬
tion^ doivent être dans un état d’extase où iis deviennent indifférents à
tout ce qui les entoure, sont absorbés parle monde invisible et con¬
versent avec les esprits qui le peuplent. Si, à ce moment, leurs paroles
paraissent embrouillées, dénuées de tout enchaînement, vides de sens,
c'est qu elles ne s'adressent pas aux mortels, mais aux esprits avec les-
queisilssonten communication. Cependantces paroles serventd’indication
et d'augure aux p>ersorines qui les entendent. Celles-ci les interprètent,
leur donnent un sens. Par une sorte d'auto-suggestion, elles arrivent à
J trouver Fexpresskm d'on événement réellement arrivé. Appliquées à
un événement ultérieur, elles y trouvent sa prédiction.
Dans ces conditions nul mieux que les fous inoilensifs ne réalisent
l’état d’extase avec les caractères indiqués.
Il n’est donc pas étonnant de voir quelques-uns d’entre eux, servis par
le hasard et des circonstances exceptionnelles, prendre le caractère de
marabouts aux yeux de la foule ignorante.
Et voilà par quelle déviation de l’esprit populaire, l’obligation si
rationnelle de compatir au sort de l’aliéné et de l’entourer de soins s’est
tranfonmée pour certains esprits en une vénération aveugle, irraisonnée,
contraire même aux principes de la religion musulmane.
Aujourd’hui, en Egypte, où l’instruction s’est répandue dans la masse,
où l'élite infellectueHe s’est affranchie du joug de la vieille école conser¬
vatrice, par l’introduction dans les études de la méthode scientifique de
recherche et de libre-examen, on a commencé à mener le bon combat
contre le maraboutisme. La revue « El Mana » s’est particulièrement,
distinguée dans cet ordre d’idées.
En Tunisie, malheureusement, où on ne fait rien pour réagir contre le
fanatisme populaire, nous voyems nombre de fous, vénérés comme des
saints, croupissant dans leur saleté repoussante et promenant dans les
rues leurs haillons crasseux.
Un cas d'aphonie non hystérique
par M. le René Paicart,
professeur suppléant à l’Ecole de psychologie.
L’aphonie hystérique est d’une fréquence relative; il est plus rare
d’observer des aphonies nerveuses paraissant tout à fait indépendantes
de l’hystérie et attribuables seulement à une localisation organique
particulière de la simple émotivité. Le cas que j’ai l’honneur de pré¬
senter aujourd’hui à la Société rentre dans cette dernière catégorie.
Cette jeune fille, qui a aujourd’hui 24 ans, appartient à une très
honorable famille des environs de Paris. Je la soigne depuis le 28 octo¬
bre 1905. Il y a quelque sept ans, exactement dans les derniers jours de
décembre 1898, cette jeune fille fut atteinte d’un rhume très vulgaire,
SOCIÉTÉ D-HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE 347
accompagné d'un peu de laryngo-trachéite, et, par conséquent, d'en¬
rouement. Néanmoins, au cours des réceptions de nouvel an dans sa
famille, elle dut parler beaucoup, chanter, fatiguer son larynx, notam¬
ment le 2 janvier 1899. Ce soir-là, elle se couche simplement enrouée ;
au réveil, le 3 janvier, il y avait aphonie absolue. La voix se trouvait
réduite au simple chuchotement.
Cette jeune fille fut naturellement inquiète de cette aphonie. Après
quelques jours, ses parents s’en émurent, et, depuis cette époque, ce fut
une longue et vaine promenade chez les oto-rhino-laryngologistes, qui
tous annonçaient une guérison prochaine, pour se déclarer vaincus
après quelques semaines. On mit en œuvre tout l’arsenal thérapeutique
habituel, inhalations, fumigations, massages du larynx, excitations
motrices du nerf récurrent ; rien ne réussit.
A un moment donné, quelques granulations ayant été découvertes, on
en fit la cautérisation galvanique. S’il s’était agi d'une aphonie hysté¬
rique, il y aurait eu là un choc suffisant pour provoquer la guérison ;
celle-ci ne survint pas. Ce fut en désespoir de cause que le père de la
malade vint me la confier.
Lors de mon examen préalable, je ne trouvai chez cette jeune fille
aucune trace d’hystérie. Pas d’antécédents héréditaires ni personnels.
Vue normale, sensiblement égale des deux côtés. Réflexes normaux,
pas de plaques d’anesthésie ni d’hyperesthésie, voile du palais réagis¬
sant normalement au contact, et, de plus, résistance complète à l’hyp¬
nose.
Pendant sept ou huit séances consécutives, je tentai en vain d’hypno-
tiser ma malade. Sa timidité même faisait qu’au moment de glisser
dans l’état second, elle recouvrait pleinement possession de l’état prime.
Pour vaincre cette résistance, pour obtenir le déclanchement utile, je
fis prendre un jour, deux heures avant la consultation, cinquante centi¬
grammes de sulfonal. A la faveur de l’engourdissement léger provoqué
par ce médicament, le sommeil hypnotique fut obtenu pour la première
fois à la fin de novembre. Je l’ai toujours obtenu facilement depuis,
sans nouvelle intervention médicamenteuse.
J’endors cette jeune fille devant vous ; je vais la faire parler. Vous
l’entendez, jusqu’au fond de cette salle, articuler toutes les voyelles,
toutes les diphtongues, chanter la gamme, et vous pouvez vous rendre
compte qu’en moins d’un mois j’ai réveillé chez elle les fonctions nor¬
males du larynx. Inutile d’ajouter que son cas semble prestigieux autour
d’elle ; la stupéfaction générale entoure ma malade, ce dont je ne me
plains pas pour l’honneur de la méthode.
Encore quelques séances, et cette jeune fille n’aura plus désormais
qu’à faire des exercices méthodiques sous la direction d’un bon profes¬
seur de chant. Elle me permettra de la remercier, ainsi que les siens,
pour s’être si gentiment prêtée à une présentation forcément gênante,
mais qui ne saurait lui nuire, au contraire, puisqu’elle ne peut qu’aug¬
menter son assurance et sa confiance en soi.
348
REVUE DE l'hypnotisme
Définition de la suggestion
par M. le D*’ Félix Régnault
professeur à l’Ecole de psychologie.
Le premier soin en toute science doit être d’établir des définitions
exactes que personne ne puisse contester. Or les définitions que Ton
donne de la suggestion sont des plus variées.
Littré admettait que la suggestion était une insinuation mauvaise. Il
vivait à une époque où des procès retentissants avaient mis en cause
l’influence néfaste de la suggestion. Plus tard la suggestion devint
curative.
Depuis les psychiâtres ont regardé la suggestion :
Comme toute idée acceptée par le cerveau (Bernheim). Il faudrait
alors admettre que tout est suggestion.
Elle serait réservée aux phénomènes de Thypnofisme (Grasset), mais
alors la suggestion à l’état de veille n’existerait plus.
Dans la suggestion, l’idée qu’on cherche à insinuer est déraisonnable
(Babinski), la suggestion utile deviendrait la persuasion.
Il y a suggestion, pour Vigouroux et Juquelier (<), si Vinitiative de la
répétition vient du sujet de qui la manifestation est répétée ; et ils
opposent ainsi la suggestion à l’imitation où l’initiative vient du sujet
qui répète cette manifestation et à la contagion mentale où l’initiative
de la répétition est inconsciente de part et d’autre. Mais la suggestion,
l’imitation et en général tous les phénomènes mentaux peuvent être
inconscients. On ne peut les distinguer par une qualité qui justement
leur est commune.
Ces quelques exemples suffisent à montrer les divergences des
auteurs. Comment arriver à une définition exacte ?
Il faut qu’une définition soit analytique. Or la langue française, qui
est avant tout analytique, a différencié les divers modes suivant lesquels
s’exerce l’influence de la parole. On dit d’une personne qu’elle est
suggestionnée quand elle a accepté la pensée du suggestionneur sur
simple affirmation verbale de celui-ci
Il a suffi de dire que telle chose était pour le faire croire.
On dit d’une personne qu’elle est persuadée quand le a persuadeur »
s’est adressé avec succès à ses sentiments, à ses passions.
Le raisonnement (on démontre et on convainc son auditeur] invoque
des arguments qui s’adressent à l'intelligence.
En restreignant le sens des mots suggestion, persuasion, raisonne¬
ment, on les précise davantage ; chacun n’exprime qu’une série de faits
nettement limités, et on obtient du même coup un premier classement
de ces faits.
(1) La contagion mentale. Bib. intern. de psych. expér. Paris 1905. Page 242.
(2) Si oa conserve le mot suggestion dans le sens général de faire accepter sa
pensée par autrui, il faudra appeler suggestion affirmative cette influence plus
restreinte.
SOCIÉTÉ d'hTPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
349
Malheureusement nous avons une tendance naturelle à étendre le
sens des mots : ainsi Tarde sous le nom d'imitation a réuni non seule¬
ment tous les phénomènes mentaux, mais encore ceux organiques et
cosmiques. II a pu accomplir ainsi une synthèse retentissante, mais
quelques observations plus précises et limitées eussent été plus utiles à
la science.
Il aurait opposé Tacte imité (^) aux actes précédents, s'il en avait res¬
treint le sens à la répétition mécanique de l'acte perçu, tandis que l'acte
qu'on suggère, persuade, dont on démontre la justesse est dû simple¬
ment à là parole.
Les médecins hypnotiseurs auraient tout avantage à accepter ces
définitions restreintes et précises.
Ainsi Dubois de Berne ne pourrait plus leur reprocher de ne pas faire
comme lui de persuasion, reproche faux du reste car jusqu'à présent,
ils ont employé ces divers moyens en les confondant sous le nom général
de suggestion. Ils recouraient à :
L'imitation quand ils commettaient devant le sujet l'acte qu'ils
désiraient lui faire accomplir.
2® La suggestion quand ils procédaient par simple alïîrmation.
3® La persuasion et le raisonnement qu’ils variaient suivant le carac¬
tère du sujet.
Car du fait de son engourdissement cérébral, l’hypnotisé ne change
pas son état mental, il obéit aux mêmes incitations qu'un sujet normal
à l’état de veille, il a simplement moins de résistance.
Qu’il me soit permis de dire en terminant, que j’ai fait à diverses
reprises ces remarques ici même.
Société hypnol. jt 1896, en revue, t. 11, p. 179.
Rapp. 2® Gong, intern. hypnot. 1900, en revue, t. 15, p. 164.
Soc. d’hypn. 21 mai 1901, en revue, t. 16, p. 45.
Soc. d'hypn. 14 janv. 1902, en revue, t. 16, p. 273.
Non seulement je n’ai pas été écouté, mais je n’ai môme pas été
compris.
Ainsi dans son livre sur l'hypnotisme et la suggestion (1904, Paris),
qui est une mosaïque de citations accolées, le D*’ Grasset me fait dire
(p. 60) par une citation tronquée et inexacte, qu’il n'y a pas intérêt à
préciser le sens de ces mots, c’est-à-dire l’inverse de ce que je récla¬
mais en janv. i902^ dans là Revue de Vhypnotisme^ p. 273. J’y définis¬
sais l’imitation, la suggestion, la persuasion, le raisonnement et je
disais :
« Jusqu’à présent on a englobé l’imitation, la suggestion, la persua¬
sion, la conviction, la démonstration sous le terme général de sugges¬
tion ; on peut continuer ainsi à confondre ces divers termes, à la condi¬
tion qu’on veuille (et non « semble », comme me le fait dire Grasset)
(1) Si on conserve au mot imitation un sens très général, il conviendrait d’appeler
cette action particulière imitation d’acte et de la qualifier ainsi toutes les fois qu’on
en parle.
350
REVUE DE l'hypnotisme
distinguer à l'occasion ces diverses variétés. Et j'ajoutais cette phrase
explicative que supprime Grasset : « Cela est d'autant plus important
que suivant le caractère du sujet hystérique ou hypiïotisé, un de ces
moyens réussira de préférence aux autres ».
CHfiORIQUE ET CORRESPONDANCE
Séance annuelle de la Société d'hypnolog^ie et de psychologie.
La prochaine séance de la Société d’hypnologie et de psychologie
aura lieu le mardi 10 juin, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés
Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D** Jules Voisin,
médecin de la Salpétrière.
Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque
mois, à 4 h<*ures et demie. Elles sont publiques. Lt^s médecins et les
étudiants sont invités à y assister.
Adresser les titres de communication à M. le D** Bérillon, secré¬
taire général, 4, rue de Casteilane, et les cotisations à M. le D' Farez,
trésorier, 151, boulevard Haussmann.
Avis très important. — La séance annuelle aura lieu le mardi
19 juin, à 4 heures. Les membres résidant en province et à l'étranger
sont particulièrement invités à adresser au secrétaire général le titre
de leurs communications. La séance annuelle sera suivie d'un ban¬
quet.
Susceptibilité hypnotique de la race nègre
Le D"^ C. W. Branch a fait des essais sur 100 nègres pur sang. 87
d'entre eux subirent l'influence dès la piemière séance. Des 18 autres,
2 (ju'il y avait intérêt à hypnotiser la subirent à la seconde tentative.
On laissa entièicment de coté les 11 autres. Parmi ces derniers il y
avait un maniaque, un enfant d'intelligence débile et deux personnes
âgées tombées en enfance. C'étaient riuatre sujets qu'on ne pouvait
espérer influencer.
La méthode employée consistait iiresque invariablement à per¬
suader aux sujets qu'ils allaient dormir, en employant comme adju¬
vants des passes sur le front et dans quelques cas en faisant fixer le
doigt ou un antre objet.
La fascination réussit dans deux cas de manie et échoua dans un
troisième. Les'passes restèrent sans succès dans les deux cas de manie
et (‘hez l’enfant imbécile. Dans quelques cas on employa la persua¬
sion à Pégard de plusieurs personnes à la fois ou la persuasion
indiipcte (exercée par une autre personne). La dernière méthode
échoua dans un cas scuilement, celui d'une des personnes tomKées en
enfance.
CHROraQW ET COimESPONOANCE
351
L’état hypnotique s’est produit, s&ns intention, dans plus d’un
cao y ce» ca» ne sont pas eompris dans les 100 choisis.
En comparant ces résultats avec ceux obtenus sur les blancs en
Europe, dont 80* à 84 % sont trouvés susceptibles d’être hypnotisés
après plnsieurs séances, on constate que la susceptibilité chez les
nègres est plus grande. II est probable qu’un hypnotiseur plus expéri¬
menté réussirait chez lés nègres dans près de 100 % des cas.
Cette susceptibilité est telle chez les noirs et les individus de cou¬
leur que, dans les cliniques d’hypnotisme, tous les malades de la salle
étaient hypnotisés simultanément. Ceux qui avaiaat déjà subi l’in¬
fluence antérieurement tombaient e» sommeil au premier commande¬
ment, tandis que les nouveaux entrés donnaient au bout d’une minute
ou moins par imitation ou persuasion. C’est ainsi qu’on a pu opérer
sur dix individus à la fois, et il n’y a probablement pas d’autre limite
que celle de l’accoutumance. Il est probable qu’un hypnotiseur puis¬
sant endormirait tous les noirs qui l’entendraient et le comprendraient
aussi vite qu’un prestidigitateur produit chez tout son auditoire les
illusions visuelles et parfois les hallucinations.
Le tableau suivant contient les 100 cas rangés suivant l’êge et les
sexes :
Age
Hypnotisés
Non
influencés
—
M.
F.
M.
F.
3 à 14 ans
7
7
0
1
14 à 21 ans
5
5
0
1
21 à 60 ans
l'i
3!
i
5
Plus de 60 ans
7
M
4
l
33
54
5
8
(T7ie Journal of tropical medicine, 2 avril 1906).
(Analyse C. Hahn.)
NOUVELLES
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie
Cour.^ (Vhypnoiii^me h VEcolc do p.^ycholoyie
M. le D** Béuillon, professeur à l’EcoIo de psychologie, a commence le
Mardi 8 Mai, à cinq heures (Salle des Conférences de l’Ecole, 49, rue Saint-
André-des-Arts) à cinq heures, un cours sur les Applications de l’hypnotisme à
la psychologie, à la thérapeutique et à la pédagogie des enfants vicieux ou
anormaux. Il le continuera les mardis et jeudis à cinq heures.
Mardi 5 Juin, — Congk de la Pentecôte
352
REVUE DE L*HyPNOTISME
Jeudi 7 Juin. — Le problème des enfants anormaux. Les anormaux arrié¬
rés et les anormaux mal élevés. L’hypnotisme et l’ortho¬
pédie morale. La méthode hypno-pédagogique.
Mardi 12 Juin. — Applications générales de l’hypnotisme à la pédagogie
des enfants vicieux ou anormaux. Les enfants turbu¬
lents. Le dispensaire pédagogique.
Jeudi 14 Juin. — L’éducation du caractère. La lutte entre l’hérédité et la
suggestion.
Cours de Psychopatholog^ie du tube digestif à la Faculté
de médecine
(2* semestre de Tannée scolaire 1905-1906)
M. le Docteur Paul Parez a inauguré, à la Faculté de Médecine
(Amphithéâtre Cruveilhier, 15, rue de TEcole de Médecine), le samedi
28 avril, à 6 heures du soir, un cours libre de Psychopathologie du
tube digestif ; il le continuera le samedi de chaque semaine, à la
même heure.
Dans sa leçon d’ouverture, M. le D** Paul Parez a, devant un très
nombreux auditoire, magistralement exposé les principes, l’objet, la
méthode, les procédés d’investigation, le degré de certitude, les lois,
les conséquences et les applications à la fois théoriques et pratiques de
la psychopathologie en général et, principalement, de la psychopatho¬
logie viscérale, envisagée au point de vue clinique. Il a, en outre, très
nettement mis en lumière l’immixtion des phénomènes psychologiques
dans l’étiologie, la pathogénie, l’évolution ou la curation de toutes les
affections les plus diverses de la médecine générale chez tous les mala¬
des, ‘meme ceux qui ne sont pas, le moins du monde, hystériques. D
abordera, dans sa seconde leçon, la Psychopathologie du tube digestif
et traitera successivement les sujets suivants : influence des phéno¬
mènes moraux sur l’exagération, la diminution ou l’inhibition des
diverses sécrétions du tube digestif, ainsi que sur les diverses fonc¬
tions gastro-intestinales ; — influence de l’alimentation et de la diges¬
tion (normale ou pathologique) sur l’état moral, le caractère, les
mœurs, les passions, l’intellectualité ; ■—- nsychopathologie du goût,
de la faim, de la soif ; — psychoses et troubles mentaux relatifs à
l’alimentation et à la digestion; — psychopathologie du vomissement;
—- variations et modalités du contenu psychologique du sommeil, en
rapport avec la quantité et la qualité des aliments, ainsi qu’avec les
diverses perturbations gastro-intestinales, etc.
(G.)
LWdministrâteur-Gérsint ; Ed. BÉRILLON.
Paris, Jmp. A. Quelquejeu, rue Gerbert, 10.
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
20« Année. — N» 12.
Juin 1906.
BULLETIN
Banquet en l’honneur du Bérillon. — La pédagogie au Congrès de l’Association
française pour l’avancement des sciences. Lyon^ août igo6.
L’Ecole de psychologie, d’accord avec la Société d’hypnologie et de
psychologie, la Société de pathologie comparée et le Syndicat de la
presse scientifique, a résolu d’offrir au D*’ Bérillon, inspecteur des asiles
d’aliénés, professeur à l’Ecole de psychologie, secrétaire général de la
Société d’hypnologie et de psychologie, ancien président de la Société de
pathologie comparée^ directeur de la Revue de VHypnotisme, etc., un
banquet amical, à l’occasion de sa nomination dans la Légion d’honneur.
Cette fête confraternelle aura lieu le mardi 19 Juin 1906 à sept heures,
et demie, au Palais d’Orsay, sous la présidence de M. Bienvenu-Martin,
sénateur, ancien ministre de l’instruction publique, et le patronage de
MM. Berthelot, ancien ministre, secrétaire perpétuel de l’académie des
sciences; Albert Robin, professeur à la Faculté de médecine; Huchard,
membre de l’Académie de médecine; Edmond Perrier, directeur du
Muséum ; Giard, professeur à la Sorbonne.
Le prix du banquet est de 15 francs, sur lesquels on prélèvera la somme
nécessaire à l’acquisition d’un souvenir.
Les confrères, les élèves et les amis du Bérillon sont invités à
adresser leur adhésion, avant le 15 juin, au D*^ Paul Farez, 154, bou¬
levard Haussmann, ou leur souscription pour le souvenir.
M. le D** Bérillon, président de la section de pédagogie et d’enseigne¬
ment au Congrès de l'Association française pour l’avancement des
sciences, vient d'adresser la circulaire suivante pour inviter les profes¬
seurs, les instituteurs et les pédagogues à prendre part aux travaux de
cette section.
Monsieur,
L’Association française pour l’avancement des sciences tient son
prochain congrès à Lyon, le 2 août 1906.
Désigné pour présider la dix-huitième section {Pédagogie et Ensei¬
gnement}^ j'ai l’honneur de vous demander de vouloir bien participer à
nos travaux. Les questions suivantes, inspirées par le souci de l’actualité,
354
REVUE DE L HYPNOTISMK
seront l’objet de rapports et donneront lieu à des discussions appro¬
fondies.
l'" Le problème des enfants anormaux: Traitement, j)édagogiespé-
. date et assistance.
2^ Les enfants turbulents : les procédés pédagogiques qui leur sont
applicables.
3^ L'éducation du caractère à Vécole primaire et au lycée.
Je vous invite à venir prendre part à ces discussions, ainsi qu'à nous
adresser les résultats de vos études personnelles et de votre expérience
pédagogique.
Il n’est pas nécessaire d'être membre de l'Association pour assister
aux séances et pour faire des communications au Congrès. Je vous
engage à m’adresser, dès maintenant, le titre des communications que
vous vous proposez de faire au cours de nos séances. 11 serait utile d’y
joindre un résumé pouvant servir de base à la discussion. Ces commu¬
nications seront annoncées au programme de la session qui paraîtra
prochainement.
La session du Congrès de l’Association française présente une occasion
essentiellement favorable pour permettre aux membres des divers ordres
de l’enseignement, ainsi qu’aux professeurs des écoles spéciales, profes¬
sionnels ou techniques, de se réunir et de délibérer en commun sur des
questions qui intéressent tous ceux auxquels incombe la délicate mission
de former l’esprit des générations futures.
Agréez, Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus distingués.
Le President de la Section,
D' }3krillox.
Médecin-inspecteur des asiles d’aliénés^
prufesseur à TEcole de psychologie.
Prière d’adresser les réponses à M. le D'' liérillon, 4, rue de Castellane,
à Paris.
La psychologie de rintimidation : Les timidités. (')
par M. le D'’ Bérillon
professeur à l'ËcoIe de psychologie,
médecin inspecteur des asiles d’aliénés.
(Suite) (2)
111. — Les timidités l’ATHOI.OGlgUES.
Les étals d’hypnose, quels que soient les moyens employés pour
les provoquer, sont caractérisés non seulement par la diminution
de l’activité intellectuelle, mais aussi par l’impuissance dans la¬
quelle se trouvent les sujets à taire acte d’initiative. C’est exacte-
(1) Leçons faites à l’Ecole de psychologie.
(2) Voir Revue de l'Hypnotisme, de mai 190().
LA PSYCHOLOGIE DE L INTIMIDATION : LES TIMIDITÉS
355
ment ce qui se passe lorsqu’une personne éprouve les effets de l’in¬
timidation.
Mais de même que les degrés de rhypnose varient de la somno¬
lence la plus légère aux états de sommeil les plus profonds, les mo¬
dalités de la timidité affectent, selon les individus, des formes
extrêmement différentes.
Chez certains timides, l influence ressentie est si superficielle,
qu’ils en sont à peine incommodés et que le plus léger effort de
leur volonté suffit poui' les en dégager: par contre, chez d’autres,
l’état de stupeur dans lesquels ils sont plongés par l’intimidation
d’autrui est si accentué, qu’il leur est impossible de reprendre
volontairement leur liberté d’action. Ils ne peuvent être libérés de
leur inhibition mentale que par féloignemcnt de celui qui les a
intimidés.
Si nous considérons comme une timidité normale, celle que tout
homme peut ressentir dans des occasions capables de la légitimer,
nous ne pouvons assigner te même caractère aux états d’intimida¬
tion qui surviennent sans qu'aucune raison valable ne puisse les
justifier.
Ressentir, sans motif sérieux, une émotion profonde, au point
d’en perdre la plus grande partie de sa valeur personnelle et de
ses moyens d’action, constitue assurément un état anormal. Il en
est de même lorsque les phénomènes émotionnels sont dispropor¬
tionnés avec la cause qui leur a donné naissance.
On peut encore ranger dans le groupe des timidités pathologi¬
ques, celles qui persistent à un degré assez marqué, malgré l’àge
et l’expérience, ainsi que celles qui surviennent tardivement chez
une personne qui, jusqu’alors n on avait pas éprouvé les effets.
Mais le véritable signe pathognomonique d’une timidité mor¬
bide réside dans le fait que le simple souvenir d’une circonstance
où il s’est trouvé intimidé suffise pour réveiller à nouveau chez un
sujet, tous les effets de l’émotion déjà ressentie. L’homme qui
s’intimide lui-même par l’effet d’une représentation mentale, témoi¬
gne d’une émotivité véritablement excessive. Si cette auto-intimi¬
dation s’accompagne d’angoisse, de souffrances morales, si elle
met le sujet dans l’impossibilité d’agir conformément à son inten¬
tion, on est tout à fait fondé à la considérer comme la mani¬
festation d’un état pathologique.
Ribot a établi d’une façon très judicieuse, la limite qui sépare
la peur, sentiment normal de défense, des formes morbides de ce
sentiment. Pour lui est pathologique toute forme de la peur qui au
lieu d’être utile devient nuisible, qui au lieu d’être un moyen de
r.
3dG
IIEVUB DK L’HYPNOTiSilE
protection peut devenir une cause de desti'uction. La même dis¬
tinction peut être utilisée pour séparer la timidité normale de la
timidité pathologique. Tandis que la première, sentiment normal de
déférence et de respect, témoigne d’une disposition louable à la
prudence, à la circonspection et à la modestie, la seconde n’ap¬
porte à l’individu que des éléments de dépréciation et de souffrance.
En effet, la timidité morbide affaiblit, dans une proportion consi¬
dérable, tous les ressorts de la puissance morale. Elle prive l’homme
de la meilleure partie de ses talents et de sa valeur intellectuelle.
Je pourrais citer de nombreux exemples de ces timidités dou¬
loureuses. Un des plus frappants est celui d’un homme d’Etat émi¬
nent, iM. Waldeck-Rousseau. La description en fut publiée, en 1902,
par plusieurs journaux :
« Après trente-cinq ans de Palais et de Parlement, M. Waldeck-
Rousseau garde les émotions d'un débutant. La moindre complica¬
tion de métier, la perspective d’aborder la barre ou la tribune le
bouleversent et l’angoissent.
Très jeune encore, mais déjà très ambitieux, il comprit le
besoin de dissimuler cette timidité terrible. C’est alors qu’il entre¬
prit de se faire une tête et de se composer une attitude. Peu à peu,
il devint pour le vulgaire ce personnage flegmatique et ennuyé,
dont il finit par jouer le rôle près ,ue au naturel. L’éternelle ciga¬
rette, qu’il promène négligemment entre deux doigts, n’aurait elle-
même pour but que de cacher un tremblement nerveux de la main
et du bras.
Au fond, il reste le grand artiste « traqueur » qui, conscient de
sa valeur, a la crainte perpétuelle d’être inférieur à soi-même. On
l'a vu, après de merveilleuses plaidoiries, se dérober aux félicita¬
tions, s’enfermer dans son cabinet et se tordre les mains à l'idée
qu’il n’avait pas donné tout ce qu’il pouvait donner. « Je suis fini,
vidé », répète-t-il ces jours-là à quelques amis dévoués, qui par¬
viennent difficilement à le remonter. »
Chez d’autres, les phénomènes d’intimidation atteignent des
proportions encore plus intenses. Tel était le cas du roi Albert de
Saxe, mort en 1901, qui donna sur le trône, l’exemple du monarque
le plus timide qu'il fût possible de voir. Sa timidité atteignait un
tel degré, qu’il ne pouvait, sans une gêne visible, traverser à l’éclat
des lumières, un salon rempli de monde. Les yeux fixés sur lui,
lui causaient un véritable malaise. Il en éprouvait comme une sorte
de fascination. Il rougissait lorsqu’on lui adressait la parole et ne
répondait qu’en bredouillant.
Il n’avait de moment de décision que la nuit, dans un apparte-
PSYCHOTHÉRAPIE ET HYPNOTISME
roi
ment sans lumière. A ce moment il trouvait aisé tout ce qui, dans
le jour, lui paraissait impossible. L’ombre propice lui permettait
de fuir les regards scrutateurs. Ses familiers le savaient bien. Inca¬
pable de résister, pendant le jour, à une sollicitation pressante,
ne se laissait convaincre que difficilement le soir, dans son cabinet
sombre, aussi évitait-on avec lui les entrevues nocturnes.
Dans une communication faite en 1900 à la Société d’Hypnologie
et de Psychologie (1), rappelant qu’un certain nombre de bègues
cessaient de bégayer lorsqu’ils avaient à tenir une conversation
dans l’obscurité, nous y trouvions la preuve que le bégaiement est
le plus souvent un effet de l’intimidation par autrui. Dans l’obscu¬
rité l’action de la fascination visuelle cesse de s’exercer. La cons¬
tatation de ce fait constitue un argument de la plus haute valeur
en faveur de l’assimilation que nous avons établie entre les phéno¬
mènes de l’intimidation et ceux de l’hypnotisation.
(A suivre.)
PSYCHOTHÉRAPIE ET HYPNOTISME
Critique du livre de M. le professeur Dubois, (de Berne^
sur « les Psychonévroses ».
(suite) (2)
par M. le D** Bonjour, de Lausanne (Suisse).
M. Dubois a raison de dire que les deux actes sont liés à la même
chaîne, que leurs effets sont identiques : cependant il a cru devoir
api)eler la foi de l’hypnotisé aveugle, et celle de ses malades raisonnée,
mais dans les deux cas le même mécanisme a été mis en jeu et^^
produit la même action : la foi, avec sa conséquence : le rétrécisse¬
ment du champ de la conscience. L’hypnotisme ne fait que reproduire
artificiellement cet état d’âme que la croyance ou la préparation dont
parle M. Dubois provoque naturellement; il n’y a donc pas de dif¬
férence essentielle entre l’état de conscience des malades préparés t?e
M. Dubois et celui des malades que nous hypnotisons.
Et comme ce n’est presque jamais la raison qui conduit le malade .
chez un médecin mais le sentiment ou la croyance à son autorité et
le sentiment créé par sa réputation ou ses guérisons (donc des auto¬
suggestions) tout médecin peut observer que les malades qu*il guérii
(je parle de malades atteints de troubles fonctionnels) sont ceux qui
sont venus avec confiance ; les autres ne guérissent que lentement ou
pas du tout.
(1) Bérillon : Le traitement psychologique du bégaiement mental et de la timi¬
dité, Revue de VHypnotismty 18* année, décembre 1903, p. 172.
(2) Voir revue de THypnotisme n* de mal 1906.
558
REVUE DE l'hypnotisme
Je le coiisiate parfois. Xon pas que je veuille dire par là, que noua
oe puissions acquérir la confîanco d^im malade qui vient par exemple
pour faire plaisir à des parents et (jui cède à leur désir; non î mais ces
maladesrlà guérissent plus difficilement malgré la persuasion, le rai¬
sonnement, la logique et toutes les forces de la nature employées.
Plus on considère le mécanisme complexe qui pousse un maladie
chez son médecin et provoque la guérison, plus on doit être convaincu
(lue ce n'est pas le raisonnement qui guérit mais bien le facteur sug¬
gestion, émotion ou croyance.
Donc comment affirmer avec M. Dubois qu’on guérit par la convic¬
tion ? Comment être sûr qu'un anorexique commence de manger
parce qu’on lui a démontré qne s’il peut avaler quelques miettes, il
peut prendre quelques Imuchées ? L ^ raisonnement n'aurait aucune
aKîtion sur lui s’il ii'était préparé par la confiance anticipée qu'il donne
au médecin, confiance évoquée par la renommée ou le besoin intense
de guérison ?
Voilà le facteur principal. Dans ces conditions le raisonnement n’a
plus qu’une valeur secondaire. Elle n’est pas négligeable mais elle
ne peut que renforcer « l’autosuggestion » de la guérison.
M. Dubois prétend en outre discuter, persuader, démontrer a £Oii
malade qu’il est atteint de troubles nerveux. Mais toute persuasion
ou discussion n’a de valeur logique que si les deux parties possèdent
la base nécessaire à la discussion. Or, ce n’est jamais le cas dans ra
discussion entre malade et médecin. Il peut paraître que la discussion
a lieu, que la démonstration se fait sur des bases sûres et régulières,
mais ce n'est jamais rérllcinent le cas. Le malade est toujours
de croire son médecin, d’accepter son diagnostic et de se laisser enrraî-
ner par des raisonnements qu'il est incapable de contrôler lui-même.
C’est toujours le médecin qui jouera la mélodie et le malade en subira
toujours le charme.
Encore, M. Dubois fait erreur; les malades n’acceptent pas par
peisfiiasion les raisonnements, parce qu’ils ne possèdent pas les élé¬
ments scientifi(iues de la disr-ussion, mais ils croient à ces raisonne¬
ments qui leur paraissent rai>'<nin(ih/es. Ils acceptent donc dos sugges¬
tions raisunnahles, M. Dubois les fait entrer dans leur tête, les fait
pénétrer dans leur cerveau sous h‘ couvert du raisonnement tandis
qu’en réalité il agit par des moyens rationnels sur leur crédulité et
leur suggestibilité. Ce qu'il fait est de la suggestion analogue à celle
que nous employons; c’est lui qui emploie la a voie détournée » ie
Ta Taiso7i pour faire accepter ses idées et même les imposer, tandis
que nous, nous employons directement la voie sensible (la même que
celle qui lui permet de guérir) pour créer l’idée de la guérison.
Nous comprenons fort bien que M. Dubois cherche à employer
des moyens qui paraissent naturels. C’est notre désir à nous tous Je
guérir par des*voies naturelles, mais il faudrait démontrer que l’hyp¬
nose est une voie extra naturelle. M. Dubois se contente de dire que
PSYCHOTHÉRAPIE ET HYPNOTISME
359
le public croira toujours ù uue puissance mystérieuse dans Thypno-
tifime. Cela est une autre question 1 Et si M. Dubois le voulait, il
oontribuerait à répandre sur rhypnotisme des notions plus exactes
que celles qiril possède. Il ne voit dans la suggestion que Tidée de
taire prendre des vessies pour des lanternes et il oublie de se demander
si le procédé hypnotique n’est que cela et meme s’il est cela ?
Suggérer n’est pas insinuer (dans son acceptation mauvaise) une
idée; cela est possible mais en pratique suggérer c'est créer une sensa¬
tion et par la sensation une idée. Par quelque procédé que ce soit,
l’hypnotiseur crée toujours une sensation de fatigue dans les yeux,
fatigue préliminaire même du sommeil naturel. Par des mouvements
lents et des paroles endormantes il fait que le malade s’endort comme
un enfant s’endort dans les bras de sa mère. Chacun peut comprendre
cela, nous semble-t-il. L’idée seule du sommeil, l'ordre de dormir
peuvent dans certains cas suffire. De plus, l'hypnose ne crée pas la
suggestibilité, elle l’emiDloie d’une façon rationnelle.
M. Dubois dit « que chacun est plus ou moins suggestible » puis
il écrit que l’hyj)notisme augmente la suggestibilité. On l'a ciu mais
pour ma part je pense que nous n’augmentons rien et que nous ne
faisons que mettre en œuvre la suggestibilité existant dans chaque
individu. Et l’hypnotisme n’exalte pas plus la suggestibilité que la
psychothérapie de M. Dubois ne la fait diminuer. Tl lui est facile
d’affirmer dans ce domaine tout ce qu’il croit mais n’ayant mesuré
suggestibilité de ses malades ni avant ni après son traitement, il ne
peut affirmer qu’elle diminue avec le traitement par la conviction.
M. Dubois omet de parler de ce qui est le plus important. Nous
verrons plus loin que nous concédons que bien des malades peuvent
être guéris par ce que M. Dubois appelle la suggestion rationnelle
pour l’opposer à la suggestion hypnotique mais il ne dit pas pour¬
quoi la suggestion rationnelle guérit. Il affirme que c’est, le raisonne¬
ment qui provoque la guérison. Nous, nous sommes convaincus que
c'est le malade lui-même qui s’auto-suggère la guérison sous l’in¬
fluence des suggestions rationnelles de M. Dubois, sous l’influence de
ce que nous appelons la suggestion à l’état de veille. Or ce point est
très important. Bien des hypnotiseurs ont déclaré que les hystériques
sont précisément peu hypnotisables mais très auto-suggestibles ; dans
ces cas, par des suggestions bien faites à Tétât de veille on peut obte¬
nir davantage qu’avec l’hypnose. Or les cas d’hystérie forment la
majorité des malades atteints de troubles fonctionnels ; donc M. Dubois
sait très bien mettre en jeu l’auto-suggestibilité de ces malades à l’état
de veille mais si cette auto-suggestibilité n’existait pas, il n’obtien¬
drait aucun résultat. Ce n’est pas son raisonnement qui agit sur l’auto-
suggestibilité du malade ; c’est le qui, par sympathie, par con¬
viction, par désir de guérir, par attrait pour la méthode de M. Dubois,
s'auto-suffgère de souffrir moins et de faire des progrès. Dans tous
ces cas M. Dubois fait ce que nous appelons de la suggestion à l’état
360
REVUE DE l'hypnotisme
de veille et nous en avons la preuve dans le fait que si Tliystérique
n’est ni, hypnotisable, ni auto-suggestible (ou ne peut pas l’être, ce
qui arrive) il n’obtient aucun résultat malgré ses meilleurs raisonne¬
ments. Nous pourrions lui en citer quelques exemples. Dans ces cas-là
nous, hypnotiseurs, nous faisons parfois des simulacres d’hypnose au
début mais nous arrivons presque toujours à obtenir des états hypno¬
tiques au bout d’un certain temps et alors nous devenons d'agent
indirect dépendant de l’auto-suggestibilité du malade, un agent direct
de guérison et rnaitre de la suggestibilité du malade. C’est là que réside
là force de la suggestion hypnotique bien comprise.
Le psychothérapie à la façon de M. Dubois dépendant trop souvent
du malade ne peut être une méthode thérapeutique vraiment pra¬
tique ; aussi ses échecs sont-ils plus nombreux que le lecteur ne le
peut supposer et l’on peut prédire aux disciples de M. Dubois moins
de réussite encore qu’à leur maître. Car il est évident que la guérison
doit dépendre du médecin et de sa méthode et non pas du malade et
de son auto-suggestibilité.
En pratique M. Dubois fait donc de la suggestion comme nous,
ni plus ni moins ; il agit surtout sur la suggestibilité sans le vouloir
et sans pouvoir l’empêcher. Il fait disparaître des troubles nerveux,
il rétablit, comme nous, l’équilibre chez des névropathes, car nous
détruisons aussi la désintégration psychique, cause des troubles fonc¬
tionnels ou nerveux ; le résultat est le même dans les deux traite¬
ments, et là nous avons la preuve pratique que ce résultat a été obtenu
par le même mécanisme cérébral comme nous l’avons démontré.
Ses malades ont l’illusion d’avoir subi une influence logique, les
nôtres se rendent compte du chemin réel de l’influence qu’ils subis¬
sent. Nous ne voyons donc pas dans la psychothérapie par la con¬
viction si dogmatique de M. Dubois un progrès sur ce que les hypno¬
tiseurs ont créé ni un avantage pour les malades. Qu’on nous com¬
prenne bien ! Nous ne méconnaissons pas le rôle du raisonnement et
de la conviction logique et nous hypnotiseurs nous employons tout
autant que M. Dubois la psychothérapie t rationnelle ». Il est impos¬
sible de n’en pas faire usage comme il n’est pas possible à M. Dubois
c de ne pas capter la confiance de ses malades » et de se priver abso¬
lument de l’hypnotisme, puisqu’il y a recours pour des enfants.
Le professeur Bernheim écrivait dans son livre en 1884 :
c Le mode de suggestion doit être varié aussi et adopté à la sug¬
gestibilité spéciale du sujet. La simple parole ne suffit i>as toujours à
imposer l’idée. Quelquefois il faut raisonner, démontrer, convaincre ;
pour les uns affirmer avec force ; pour les autres insinuer avec dou¬
ceur. Car dans l’état de sommeil, l’individualité morale de chaque
sujet persiste avec son caractère, ses penchants et son impressionnabi-
12é spéciale. »
Et plus loin : € J’ai tenu à montrer l’insuccès à côté du succès (ce
dont M. Dubois s est bien gardé), l’ombre à côté de la lumière. La
PSYCHOTHÉRAPIE ET HYPNOTISME
361
psychothérapie suggestive peut échouer comme les autres médica¬
tions ; mais elle réussit souvent alors que d’autres médications ont
échoué ; souvent elle fait des merveilles, je ne dis pas des miracles ».
On le voit, M. Dubois a paraphrasé. Tout a été dit avant lui sur ce
sujet. Et Ton peut considérer son livre comme une contribution à
l’action de la suggestion à l’état de veille mais non pas comme une
étude fondamentale de la psychothérapie. Il l’a écrit dans la pensé<f
de combattre l’hypnotisme mais en somme rarement un adversaire»
nous a donné tellement raison d’une façon aussi inattendue pour lui.
Il semblerait que nous sommes d’accord. Cela ne peut être le cas
car M. Dubois oublie de parler de l’hypnose en elle-même ; cette omis¬
sion n’est pas permise à quelqu’un qui veut discréditer une méthode.
L’hypnose en elle-même est un calmant puissant dont M. Dubois
ne peut pas s’être lendu compte puisqu’il a pratiqué l’hypnotisme selon
la méthode de Bernheim et non selon celle que Wetterstrand a iiitio-
duite il y a quinze ans dans la pratique. Dans Thypnose nous possé¬
dons un moyen psychophysique de calmer des états nerveux plus faci¬
lement que par le raisonnement ; en prolongeant l’hypnose qui agit
comme un sommeil naturel, nous pouvons obtenir des résultats que
toutes les méthodf.^s physiques (repas, suralimentation, hydrothérapie)
et que le raisonnement et même la suggestion hypnotique ne peuvent
fournir. C’est aussi l’opinion de Binet et Féré.
M. Dubois prétend que sa psychothérapie lui suffit et qu’elle lui
permet de guérir tous les troubles fonctionnels justiciables d’un trai¬
tement psychique. Il importe donc de savoir si réellement sa méthode
satisfait aux exigences thérapeutiques et si elle répond à toutes les
indications .
M. le professeur Grasset émet une opinion catégorique. Chacun
connaît son schéma et comment il a été critiqué. Appelons son centre O
la surconscience et son polygone la sousconscience ; admettons cette
analogie simplement pour faciliter la discussion, M. Grasset dit que
les maladies de O, donc de la surconscience, sans perte de jugement
sont justifia^bles du traitement par le raisonnement et que la sugges¬
tion hypnotique doit être appliquée aux troubles du polygone ou de
la sousconscience.
C’est clair et voilà M. Dubois mis en défaut.
Mais en pratique il est impossible de classer les malades d’après
ce mode de division car l’intrication des deux consciences est telle que
presque tous les malades présentent des troubles de la surconscience
et de la sousconscience. Et alors, nous ne pouvons saisir pourquoi
l’hypnotisme qui serait bon contre les troubles du polygone serait
mauvais contre ceux de O. Pourquoi ? N'est-ce pas la même subs¬
tance cérébrale, ne sont-ce même pas les mêmes propriétés cérébrales
qui sont atteintes ? C’est toujours la conscience et si nous attachons
plus de valeur et 3e fragilité à la conscience supérieure, cela pro¬
vient de ce que nous lui reconnaissons plus d’importance qu’a la cons¬
cience subliminale.
362
REVUE DE l’hypnotisme
Nous lie pouvons donc pas admettre cette distinction de M. Gras¬
set dan^ Tapplication du raisonnement aux troubles de la surcons¬
cience et de rhypnotianie aux troubles^ de la souseonscience, de même
que nous ne pouvons admettre comme lui que l'hystérie seule est justi-
hable du ti*aitement hypnotique. Bans Thystérie existent presque
toujours des troubles de Ü et du polygone ; les troubles de O ou de la
sureonscience sont ceux du caractère, excitation, dépression absence
d’énergie, haine non motivée, etc., ceux de la sousconscience, les spas¬
mes, contractures, crises, paralysies, etc.
Nous ne comprenons pas pourquoi riiypnose (lui ferait disparaître
les troubles du polygone, augmenterait la désintégration de la sur¬
conscience O, d’autant plus qu‘cn pratique, nous constatons le
contraire.
Nous reviendrons sur ce point à propos des dangers de Thypno-
tisme.
Il nous suffit pour le moment d’entendre un bomine qui irest
pas entièrement de notre bord, affirmer que riiypnotisme a des indi¬
cations formelles en thérapeutique et qu’on ne peut s’en .passer
comme le prétend M. Dubois. L’opinion de Loevvenfeld, de Munich,
est intéressante car il a subi la meme évolution que M. Dubois; il
a abandonné la fée électricité pour s’adonner à la psychothérapie et
il éefit dans son livre : « Aucun de ceux qui ont considéré la sug¬
gestion hypnotique comme rejetable et superflue, n’a fourni la preuve
qxie ses présomptions imposent sur des expériences personnelles suf¬
fisantes. On ne peut se contenter de mots (*n l’air dans une pareille
cluestion ».
M. Dubois a écrit dans le Correspondant suisse, qu’il n’était pas
arrivé à hypnotiser plus de dO % ses malades, donc nous pouvons
lui appliquer le jugement ci-dessus.
Wetterstrand, de Stockholm, qui a aussi abandonné la prati(j[ue
générale de la médecine pour se livrer à rhypnotisme écrit dans son
livre : a Je termine mon travail en disant que la suggestion hypno¬
tique est d’une valeur inestimable dans beaucoup de cas et que sou¬
vent elle est le seul moyen d'arriver au but ».
Comparez les appréciations modestes de ces deux médecins et
celle de Bernheim citée plus haut sur l'hypaotisme, appréciations
modestes puisqu’elles affirment seulement, que dans eertains cas c’est
le seul moyen d’arriver au but, comparez-les à celles de M. Dubois
et vous verrez où est Texagération.
M. Dubois affirme à voix haute que la conviction logique seule
lui suffit pour guérir les psychonévrosés. Mais ensuite il dit le con¬
traire à la page 260 : « Je me ferais fort d’immuniser la plupart des
sujets contre toute influence suggestive (dana le sens restreint du.
mot), et cela non pas en m’adressant à leur polygonCy sur lequel je
fini aucune prise, mais à leur moi le plus élevé, en leui* rendant Tes-
prit critique et la conscience de leur indépendance ».
PSyCHOTHÉUAPIE ET HYPNOTISME
:’.63
M. Dubois affirme donc qu’il n’a aucune prise sur le polygone;
ab .s comment guérit-il les troubles du polygone que M. Grasset, lui’
indique comme éuint justifiables de l’hypnotisme ? M. Dubois a écrit
que les troubles reinaux des enfants et particulièrement l’inconti-
nence, doivent être soignés par la suggestion hypnotique. Mais il n’en
fournit pas la vraie explication. Il ne peut pas guérir tous ces cas-là
(je ne nie pas qu’il en guérisse quelques-uns), il ne peut guérir d’une
façon générale tous les cas d’incontinence essentielle, non pas parce
(ine la raison est trop peu développée chez les enfants comme il le
dit, mais parce que l'incontinence est précisément un trouble du
polygone, de la sousconscience sur lequel le raisonnement et l’édu¬
cation n’ont presque pas d’etfet. Examinons ces cas-là un peu eu
détail afin de ne pas revenir sur ce sujet en parlant des autres trou¬
bles du polygone ou de la sousconscience. Nous prétendons qu’aucune
niethode ne peut dans les cas d incontinence essentielle d’urine et
des fèces : 1® fournir un aussi grand nombre de guérisons que la
méthode h5^pnotique ; 2“ guérir ces cas-là avec plus de rapidité; 3” les
guérir sans avoir recours à la diète et à la cure de repos et sans être
obligé de réveiller les enfants.
M. Dubois lui-même, proscrit les boissons et prend des mesures
inutiles pour nous. Ou bien, quand il ne traite pas les incontinents,
les envoie chez un hypnotiseur, sans sa carte de recommandation.
Pourquoi no le dit-il pas dans son livre 'î Tout cela est significatif
et a d'autant plus de valeur pour nous nue certains confrères pré¬
tendent guérir les incontinents par de simples mesures éducatives.
Il constitue un aveu d impuissance de la ps3’chothérapie éducative
dans CCS cas-Ià.
Il est facile de le coinprendie quand on veut raisonner. Le relà'
chement du muscle sphincter seul peut expliquer rincontiiience. Ce
relâchement a lieu parce que renfant dort si profondément qu^il ne
peut sentir le besoin provoqué par la distension de la vessie. S^oima-
lement, pendant le sommeil, le polygone, la sousconscience, perçoit
la sensation de la vessie et déclenche la contraction du sphincter;
riiicontineiit, lui, dort trop profondément pour percevoir la sensation
et la sui veiller ; le réflexe automatique du sphincter ne fonctionne
pas constamment et Turine s’écoule au moment où le sommeil est
le plus profond. On comprend que la psychothérapie ne puisse agrir
sur ce trouble ou bien elle ne le peut qu’en agissant sur la suggesti¬
bilité de renfant; on est en droit d’affirmer que les enfants qui gué¬
rissent par hasard par une des méthodes habituelles, électiicité, édu¬
cation, lemèdes, etc., sont très suggestibles. Ce sont ces cas qui
guérissent rapidement par la suggestion hypnotique, souvent en une
séance ou deux.
Les vraies méthodes thérapeuti(|ues sont celles qui s’adressent aux.
caxises direi tes; dans le cas de rincontinence, la seule méthode
directe est riiypnotisme, parce que pendant riiypnose on peut modi-
364
RBVUR DE l'hypnotisme
fier le sommeil de Tenfant, le rendre moins profond et lui apprendre
à sentir le besoin d^uriner en dormant.
Pendant qu’il est hypnotisé, l’enfant ou l’adulte sent le besoin
d’uriner et il arrive un moment où il le sent si fort qu’il se réveille
facilement; il est évident que le but est atteint, et que pendant la
nuit aussi il commencera de réaliser la suggestion de se réveiller en
sentant le besoin d’uriner, comme il l’a fait pendant l’hypnose.
Il est difficile de prouver à M. Dubois que, par la psychothérapie
rationnelle, on ne peut guérir d’une façon générale, tous les cas de
vomissements de la grossesse. Il n’en parle pas dans son livre. Nous
ne nions pas que tous les moyens peuvent arrêter ou diminuer les
vomissements de la grossesse, mais chaque moyen ne réussissant que
par hasard, par suggestion indirecte, le médecin possède de cette
façon une arme qui dépend du malade et de sa suggestibilité. On
comprend ainsi pourquoi, en pratique, tous les moyens qui ont été
conseillés contre les vomissements de la grossesse n’ont aucune valeui*
scientifique. Le seul scientifique, parce que s’adressant directement à
la cause, est la suggestion hypnotique; cette suggestion dépend du
médecin et peut agir sur le polygone pour arrêter l’irritation réflexe
produite par la dilatation de la matrice et par les troubles généraux
qui l’accompagnent. Il est possible d'arrêter les vomissements tou¬
jours dès la première séance hypnotique et les nausées disparais¬
sent au bout de quelques jours.
M. Dubois parle beaucoup des psychonévroses menstruelles, mais
pas du tout des troubles menstruels mêmes. Il est impossible par la
psychothérapie (d’une façon générale, cela s’entend) de régler le flux
menstruel, d’arrêter des hémorragies profuses, de guérir des cas
d’aménorrhée, de faire cesser sur-le-champ une crise de dysménor¬
rhée. Nous avons dans l’hypnose un moyen unique d’agir sur le poly¬
gone et par conséquent sur le centre vasomoteur. C’est pour cela que
nous pouvons guérir les troubles menstruels fonctionnels, si fréquents
chez les nerveux, troubles qui ne disparaissent pas toujours quand
l’état nerveux s’améliore.
Comment par la psychothérapie empêcher une accouchée de souf¬
frir ? Les accoucheurs ne se rendent pas compte de l’importance de
l’hypnotisme et s'ils s’en donnaient la peine, surtout dans les mater¬
nités, ils pourraient faire accoucher au moins la moitié des femmes
sans douleurs et supprimer les tranchées après l'accouchement dans
tous les cas. Ils pourraient provoquer la lactation dans les cas où les
glandes suffisamment développées ne fournissent pas de lait.
Comment, en général, supprimer par le raisonnement les dou¬
leurs, névralgies, arthralgies, si fréquentes chez les névropathes?
M. Dubois en cite des cas, mais d’une façon générale, nous sommes
convaincus que dans ce domaine, l’hypnotisme laisse la psychothé¬
rapie bien loin au-dessous de lui. M. Dubois ne le cache pas au reste,
irar il affirme qu'il ne « combat pas directement ces symptômes, et
SOCIÉTÉ D HYPXOLOCIE ET DE PSYCHOLOGIE 3Ü5
« qu^ayant pour but la guérison de Tétât nerveux, il faut que ses
« malades prennent patience d’ici là ».
Nous ne doutons pas que la guérison d’un état nerveux amène
avec elle la disparition des douleurs, mais cela n’est pas toujours le
cas. Et c’est alors à ces malades que M. Dubois inculque sa philo¬
sophie pour supporter les misères de leur constitution. Voilà de nou¬
veau un aveu d’impuissance qui passera inaperçu des médecins igno¬
rant les bases et les limites de la thérapeutique hypnotique. Pour
notre part, nous avons vu deux tabétiques atteints de violentes crises
ne retirer aucun bénéfice de la psychothérapie et subir une améliorar
tion très grande de notre traitement, amélioration qui se poursuivit
de façon que, dans un cas, les crises cessèrent complètement au bout
de quelques semaines. Nous sommes arrivés dans bien des cas incu¬
rables, rhumatisme déformant, sclérodermie, phtisie, cancer, à dimi¬
nuer les douleurs d’une façon appréciable. Il est évident que cette
action palliative est momentanée. Nous avons essayé les premières
années.de notre pratique jusqu’à quel point Thypnotisme exerce son
action palliative, dans ces cas-là et si nous avons trouvé qiTelle a
été exagérée par quelques auteurs, il est certain que scion les indi¬
cations elle est plus grande qu’on ne le peut supposer. C’est aussi
l’opinion de Wetterstrand. L'action palliative est plus marquée dans
la phtisie, le cancer, le rhumatisme déformant que dans les lésions
nerveuses (névrites, névromes, myélites, etc.).
(k suivre)
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET OE PSYCHOLOGIE
Séance da m irdi 1') janvier 10)6. — Présidence de M. le D' Jules Vüis:n.
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui
comprend des lettres de MM. les D” Barbier (de Paris), Orlitzky (de
Moscou), Jaguaribe (de Sao Paulo, Brésil), Witiy (de Trèves-
sur-Moselle, Allemagne), Feuillade (de Lyon), et de M. do
Coynart. La correspondance imprimée comprend les travaux suivants :
Les Raies de feu ou méthode pour appliquer les pointes de feu sans
faire mal au malade par M. le D*" Coste de Lagrave ; La Criminalité
infantile par M. le D*’ Emile Lauicnt ; Etude médico-psyrliologique
sur Olympe de Gouges, considérations générales sur la mentalité des
femmes pendant la Révolution française, par M. le D*^ Alfred Guil-
lois.
M. le Président annonce à la Société que Tun de nos vice-prési¬
dents, M. Boirac, Recteur de l’Académie de Dijon, vient d’être élu,
à l’unanimité des suffrages, membre correspondant de l’Académie des
Sciences morales et politiques, pour la Section de Philosophie. Il prie
REVUE DE l’hypnotisme
3t)6
M. le Secrétaire général de transmettre à notre collègue les félicita¬
tions unanimes des membres de la Société.
L^ordre du jour appelle Texposé et la discussion des communica¬
tions suivantes :
D' Babbier : *Sui un cas de crises de sommeil léthargique chez
une hystérique, Discussion : MM. Paul Farez, Bertillon, Bérillon,
Paul Magnin et Eaffegeau.
2® M. Gallia : La qualité de la voix dans la pratique de la sug¬
gestion. Discussion : MM. Bérillon, Lionel Dauriac et Lépinay.
3° D^ Damoglou (du Caire) : Mutisme hystérique guéri en une
séance de suggestion hypnotique.
M. le Président met aux voix les candidatures de MM. les Doc¬
teurs de Torrcs (de Luchon), Hahn (de Paris), Cantin (de Brie-Comte-
Eobert) et de M. d'Asprémont, docteur en droit, Conseiller d’ambas¬
sade à Eome, qui sont élus, à runanimité, membres titulaires de la
Société.
La séance est levée à 6 h. 40.
Sur un cas de crises de sommeil léthargique chez une hystérique
par M. le D** Barbier.
Coinine suite aux communications si intéressantes de M. le
D*" Paul Farez sur le sommeil pathologique, je désire vous apporter
une observation personnelle, que j’ai recueillie autrefois dans le ser¬
vice de mon excellent maître, le D** Dieulafoy, alors que j’avais l’hon¬
neur d’être son élève. Voici le cas en question :
Il s’agissait d’une femme de 47 ans, cuisinière de son état, qui
avait été amenée à rHôt^l-Dieu, salle Ste-Jeanne, lit n° 7, le
5 décembre 1900, à 2 heures du matin, par des agents qui l’avaient
trouvée endormie sur la voie publique et n'avaient pu la tirer de
son sommeil. Elle resta ainsi plusieurs jours dans un état de somno¬
lence dont on ne la faisait sortir que très difficilement, et ce ne fut
qu’avec beaucoup de patience que nous pûmes en obtenir quelques
ren seignem e u t s.
C'était, nous dit-elle, la septième fois, depuis deux ans, que pareil
accident lui arrivait. En juin 1898, elle avait eu une grande frayeur :
un voleur avait voulu entrer chez elle et avait fait sauter la porte
(le sa cil ambre. Se trouvant tout à coup en face de lui, elle s’était
mise à crier et à appeler au secours : les voisins étaient accourus à
ses cris et le voleur avait pris la fuite. A la suite de cette forte
émotion, elle aA’ait dû garder le lit pendant trois jours; et, depuis ce
momeiit, (die sc plaignait de battements de cœur violents, qu’un rien
suffisait à faire réapparaître.
Sa première crise se produisit au mois de décembre de la même
année : elle tomba en plein jour dans la rue sans connaissance et
fut ramenée chez elle dans cet état.
SOCIÉTÉ d’HYPNOI.OGIE ET DE PSYCHOLOGIE
3f)7
Le 7 février 1899, elle entra à l’hôpital Tenon dans le service
du Bourey pour une deuxième crise analogue. Elle y resta un
mois et fut soignét' par des applications d^ainiant.
Au mois d’avril suivant, troisième crise de léthargie : elle s’était
trouvée mal chez un pharmacien et avait été conduite à rhôpital
Andral.
Elle y fut soignée également par des 4ipplications d’aimants; elle
y resta encore un mois.
Au mois d'août de la même année, quatrième crise de sommeil :
elle était tombée dans la rue et avait été conduite à Thopital St-An-
toine où elle resta 4 mois et fut également soignée par des applica¬
tions d'airnants.
La (dnquième eut lieu au mois de janvier 1900; on la conduisit
à rhôpital St-Antoine, où elle resta encore un mois,
La sixième crise létliargique se produisit au mois de fé^nier sui¬
vant : elle revenait de chez le boulanger, quand elle tomba tout à
coup sans connaissance et fut conduite de nouveau a l'hôpital St-
Antoine, service de M. Galliard, où elle resta sept semaines.
La septième crise est celle que nous avons observée : la veille à
10 heures du soir, ses maîtres Tayant envoyée faire une commission,
elle était tombée dans la rue sans connaissance et était restée dans cet
état jusqu’au moment de l'arrivée des agents (lui l’avaient relevée et
l'avaient transportée à l’Hôtel-Dieu.
Chose intéressante, cette crise de léthargie, comme d’ailleurs toutes
les précédentes, était survenue en pleine période cataméniale ; la
menstruation n’en avait été toutefois nullement troublée.
Pendant les quelques jours que dura la crise, elle ne prit aucun
aliment solide, se contentant d’un peu de lait, en disant qu’elle
n’avait aucune sensation de faim. Elle restait aussi très longtemps
sans éprouver le besoin d’uriner. Elle n’avait plus de forces dans les
jambes et dès qu’on essayait de la faire mettre debout, elle retombait
comme une masse. Le blépharospasme qu’elle présentait l’empêchait
d’ouvrir les yeux à la lumière.
C’était, comme nous l’avons dit au début, une femme très ner¬
veuse, qui poui un rien éprouvait des palpitations; elle était souvent
sujette à des crises de larmes. Au point de vue de la recherche des zones
hystérogènes, on constatait de la douleur à la pr.ession des globes
oculaires; mais c’était souvent la pression des zones ovariennes qui
éveillait les plus vives douleurs. En dehors de ces régions h>q:)eresthé-
aiques, l’anesthésie était partout complète, tant à la piqûre, qu’aux
variations thermiques.
Mais chose remarquable, les fonctions sensorielles étaient restées’
intactes. Ainsi elle distinguait très bien l’odeur de l’éther de l’odeur
de l’eau de Cologne, elle ressentait très bien l’amertume du sulfate
de quinine et entendait à une distance normale le tic-tac d’une
montre.
REVUE DE l’hypnotisme
:168
En dehors de l’état nerveux, cette femme ne présentait aucune
lésion organique; ses antécédents ne présentaient rien de particulier
à noter. Elle aurait eu cependant,.en 1899, au cours d’une bronchite,
une hémoptysie sous forme d’écume rosée. Quant à l’alcoolisme, elle
sen défendait absolument et n’en présentait d’ailleurs aucun stig¬
mate.
Sa crise de sommeil ne dura que trois à quatre jours; elle revint
progressivement à son état normal et qiiilta THotel-Dieu au bout de
huit jours.
îîous n’en avions plus entendu parler, lorsque, au commencement
de l’année 1908. nous eûmes l’occasion de la retrouver à l’hôpital
Si-Louis dans le service de notre dévoué maître le professeur Grau-
cher. A ce moment elle avait changé de métier : ne trouvant plus
à se placer comme cuisinière à cause de son âge, elle s’était mise
blanchisseuse. Vu joui\ sortant du lavoir du quai de A'almy, où elle
travaillait, elle était tombée sans connaispance dans la rue; des agents
l’ayant trouvée dans cet état, l’avaient tiau'-portée à St-Louis. Cette
muivelle crise de sommeil ne dura que deux à trois jours; à son réveil,
elle nous reconnui très bien, se rappelant ([ue nous l’avions déjà soi¬
gnée deux ans auparavant à rHôtel-Dieu. Elle resta une huitaine de
jours dans le service et depuis, nous n’avnns plus eu de ses nouvelles.
Telle est l’observation que je désirais apporter à la Société d’Hyp-
nologie et de Psychologie. Je n’ai pas besoin de dire qu’il s’agit dans
ce cas d’une forme spéciale d’attacpies liystériques, que l’on décrit sous
le nom de forme léthargique : la crise de sommeil constitue ici l’équi¬
valent d’une attaque d’hystérie classique. Kilo remplace à elle seule
l’attaque tout entière, alors que plus fréquemment elle n’en cons¬
titue que la phase ter^ninale. Noîre cas répond à la variété apoplec¬
tique, décrite par Gilles de la Tourette, la malade dans chacune de
ses crises, tombant sans connaissance, comme foudroyée. Ce sur quoi
je désire surtout attirer l’attention de la Société, c’est cette coïnci¬
dence particulière des crises de sommeil avec les périodes mens¬
truelles: ce fait, à ma connaissance, ne doit pas en(‘ore avoir été signalé.
Il s’explique d'ailleurs facilement : l’intoxication générale qui se
produit chez la famine à cette époque peut très bien se localiser sur
les centres nerveux et déterminer la rétraction des prolongements des
neurones à l’instar des poisons soporili(]ues.
11 me faut maintenant insister sur quelques autres particularités
que présente encore cette observation. C’est d’abord l’intégrité abso¬
lue des fonctions sensorielles (goût, ouïe, odorat), contrastant avec
l’abolition presque complète de la sen-^ibilité cutanée. L’anesthésie
s’étendait, en etfet, à toute la surface du lorps : il n’existait que deux
zones d’hyperesthésie, la surface des gînbes oculaires et surtout la
région ovarienne. L’existence de ces deux zones hystérogènes est un
fait très fréquent en pareil cas : la dormeuse de Thenelles, pour ne
citer qu'un exemple, avait présenfé T>endant une certaine période de
SOCIÉTÉ d'hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
369
son sommeil une zone hystérogène de la région moyenne du sternum.
Un autre point intéressant à noter chez notre malade, est Texistence
du blépharospasme : c’était Tunique phénomène spasmodique qu’elle
présentait, alors que tous les autres muscles étaient en état de détente
complète. Ce spasme, dû à la contracture intermittente des muscles
orbiculaires des paupières, se rencontre dans bon nombre d’observa¬
tions : la dormeuse de Thenelles présentait également de la trémula¬
tion des paupières.
Au point de vue des fonctions de nutrition, notre malade obéis¬
sait, elle aussi, pendant ses courtes crises de sommeil, à la règle géné¬
rale ; ces fonctions offraient un ralentissement notable, d’où Tabsence
de sensation de faim et la rareté des mictions. Si enfin, nous remon¬
tons à Torigine de ces crises de léthargie, nous rencontrons, comme
dans toutes les autres observations, une cause provocatrice : ici c’est
le choc moral, la frayeur qu’elle eut de se trouver face à face avec
un voleur qui voulait pénétrer chez elle. Chez la dormeuse de The-
iielles, c’était également la peur que lui firent les gendarmes qui
venaient l’arrêter. Plus rarement, il s’agit d’un choc physique, une
commotion sur la tête, comme dans un cas rapporté à notre Société
par notre confrère, le D*" Paul Farez.
Tels sont. Mesdames et Messieurs, les points principaux de Tob-
servation que je désirais rapporter devant vous. Cette observation est
assurément incomplète, à bien des points de vue, mais vous voudrez
bien m’excuser en vous rappelant qu’elle a été prise il y a cinq ans,
alors que j’étais simple étudiant et que je n’avais pas encore sur les
maladies nerveuses la compétence que j’ai pu acquérir dans la suite,
grâce à l’enseignement de mon éminent maître, le W Bérillon.
Discussion
•
Jacques Bertillon. — On peut se demander dans quelle mesure
des actions suggestives sont intervenues dans la création et l’entre¬
tien de ces états pathologiques. Quand on se trouve en présence
d’hystériques très suggestibles, il faut se défier de la suggestion. La
moindre parole inconsidérée leur trace une ligne de conduite et elles
H y conforment automatiquement.
D** Bérillon. -- L’observation de M. Bertillon est très juste. Tous
ceux jusqu’à la connaissance de Tinfiuence de la suggestion, qui ont
observé des hystériques les ont influencées sans s’en douter.
D** Paul Farez. — L’anesthésie généralisée, Timmobilité absolue,
les contractures musculaires, la suspension de Talimentation et des
excrétions sont des caractères que Ton attribue aux cas types de som¬
meil hystérique. Leur coexistence, loin d’être générale, est plutôt
rare. En clinique courante, on constate tantôt la présence, tantôt
Tabsence de quelques-uns de ces grands signes classiques. Chaque
cas comporte ses variations individuelles. Ainsi, chez Gésine, Touïe
est totalement suspendue, la vue et le tact sont obtus, le goût est
normal et Todorat considérablement hyperesthésié. Quant au réveil,
370
RBVUE DB L’hYTOOTISME
il peut avoir lieu, non pas brusquement, mais par une restauration
progressive des diverses sensibilités inhibées, comme chez Argentine.
Parfois aussi Ton constate, pendant les sommeils, une indigence à
peu près complète de signes somatiques : ainsi Argentine était dans
un état permanent de résolution musculaire aussi bien que Gésine;
d^ailleurs, de loin en loin, Argentine présentait seulement une con¬
tracture passagère de la langue. De même,, loin de ne manifester et
de ne satisfaire aucun besoin, Gésine s’agite et, par des mouvements
appropriés, manifeste sa faim, sa soif, ainsi que ses besoins d’uriner
et de déféquer; elle manifeste aussi parfois son niecontentement;
quand on lui donne à manger, elle mastique et déglutit; elle rejette
même les aliments qui lui déplaisent. De même que toute autre mani¬
festation de la grande névrose, le sommeil hystérique ne saurait com¬
porter une symptomatologie univoque.
Mutisme hystérique guéri
en une séance de suggestion hypnotique,
par M. le D»- Damoglou (du Caire).
Mme J... R..., de nationalité italienne, âgée de 1^9 ans, très impies-
sionnable depuis son enfance, a, depuis plusieurs années, des accès
convulsifs avec perte de connaissance à la suite d’une vive émotion,
d’une peur, d'une contrariété quelconque.
Il y a quatre ans, après une crise convulsive, elle a perdu complète¬
ment la parole. Pendant huit jours elle a suivi un traitement médical,
sans la moindre amélioration ; et, en désespoir de cause, elle consulta
le D** L... qui la guérit en trois séances hypnotiques. La guérison ne s’é¬
tait pas.démentie, lorsque le 22 octobre 1901 à 10 heures du matin, à la
suite d’une vive discussion, elle eut un fort accès avec perte de connais¬
sance ; quand elle se réveilla une heure après, elle ne pouvait ni parler,
ni émettre le moindre son.
On m’appelle auprès de la malade ; je la trouve tout en larmes et inca¬
pable de communiquer avec moi autrement que par signes.
Les antécédents personnels de notre malade, sa première guérison
par la suggestion hypnotique, la cause de son état actuel, la conserva¬
tion parfaite de l’intelligence et des mouvements, tout cela ne pouvait
s’expliquer que par un trouble purement dynamique des fonctions céré¬
brales.
Séance tenante, je lui ferme les paupières ; je lui applique le pouce et
l'index de ma main gauche sur les globes oculaires tandis que de la
main droite je lui fais quelques passes le long du corps. Puis je lui sug¬
gère d’ètre calme et tranquille. Sous l’influence de mes suggestions faites
à voix basse, monotone, elle s’endort très profondément. Alors je lui fais
boire à trois reprises un demi-verre d’eau et, d’un ton très catégorique,
j’affirme que le médicament qu’elle vient de prendre est spécifique et
infaillible pour son cas ; j’ajoute qu’au bout de dix minutes elle se ré-
SOCIÉTÉ D’hYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
371
veillera et sera complètement guérie ; elle parlera sans la moindre difïi-
culté.
Une fois qu’elle est éveillée, je lui demande son nom. Sans la moindre
hésitation et à la stupéfaction de son mari et ainsi que de deux autres
personnes qui assistent à la séance, elle me répond : Ida. Puis je lui
demande de quelle ville de Tltalie elle est originaire, quel est son âge,
depuis combien de temps elle habite Le Caire, etc. A toutes mes ques¬
tions elle répond très bien et à haute voix.
Je ne Tai pas revue depuis ce jour-là ; mais des personnes qui la fré¬
quentent m’ont affirmé qu’elle se porte toujours bien et qu’elle parle
depuis lors aussi bien qu’avant sa dernière crise.
Au moment où j’achevais d’écrire cette observation on est venu m’ap*-
peler pour une consultation dans le voisinage de Mme J... R... Profitant
de cette occasion, je suis allé la saluer sans avoir fait passer ma cartOé
Elle m’a répondu : veuillez, je vous prie^ me dire votre nom, car je ri’âl
pas l’honneur de VOUS connaître. Je lui présentai alors ma carte. Aus¬
sitôt, elle m’adressa ses vifs remerciements pour mes bons soins; ra’as^
surant que depuis lors elle a recouvré pleinement la faculté d’élocution.
Séance du ‘^0 février lüOd. — Présidence de MM. le D' Paul Magnin
et le P' Lionel Dauriag, vice-présidents.
La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui
comprend les lettres de MM. les D" Jules Voisin, Hahn (de Paris),
Witry (de Trèves-sur-Moselle) et Guillemonat (de Paris), ainsi qu’une
brochure de M. le Bonjour (de Lausanne), intitulée : t Peut-on
provoquer l’accouchement par la suggestion hypnotique ? »
Les communications inscrites à l’ordre du jour sont faites ainsi
qu’il suit :
1® M. DE CoYXART : Examcus de convulsionnaires au xvm® siècle
2® D*’ Le Menant des Chesnais :'^orborygmes hystériques traite»
avec succès par la suggestion hypnotique. Discussion : MM. Berillon
et Paul Magnin.
3® M. Louis Favre. A propos de la définition de la suggestion.
Discussion : MM. Félix Régnault, Lionel Dauriac et Bérillon.
4® M. Lionel Dal-riac. Le repos et la remémoration. Discussion :
MM. de Coynart et Bérillon.
M. le Président met aux voix les candidatures de MM. les Doc¬
teurs Barthe de Sandfort (de Paris), Germiquet (de Romont, Suisse),
Mercier (de Paris), du colonel Collet (de ISTancy), de M. Laroche,
docteur en droit, et de M. Cornejo, ministre plénipotentiaire (Lima,
Pérou) qui sont élus, à runanimité^ membres titulaires de la Société.
La séance est levée à 6 h, 45,
372
REVUE DE l'hypnotisme
4
Borborygmes hystériques guéris par la suggestion
hypnotique
par le D' Le Menant des Chesnais
11 y a quelques années, je fus appelé à donner mes soins dans une
famille, à une jeune bonne à laquelle on tenait beaucoup parce qu’elle
était honnête, propre et très soigneuse dans son service. Depuis quel¬
ques mois elle était atteinte de mouvements bruyants de Tintestin qui,
malgré bien des médications, affirmait la famille, avaient tellement
augmenté d’intensité que le service de cette jeune fille devenait réelle¬
ment pénible, non seulement pour elle, mais aussi pour ses maîtres
surtout au moment des repas.
Ces bruits intestinaux étaient également entendus la nuit par sa voi¬
sine de chambre ; ils existaient donc aussi bien à Tctat de sommeil qu'à
Tétât de veille.
Dans la rue, dans les magasins, ils étaient une cause de vexation pour
la jeune fille.
On me la montra. Petite, mince, d’un caractère timide' et facilement
émotive, elle ne ressent aucune soufTrance.
Sa langue est propre et humide, son appétit régulier, ses digestions
paraissent indépendantes des borborygmes ; pas ou peu de constipa¬
tion ; règles normales.
La famille m’avait fait appeler pour savoir si Thypnotlsme ne pourrait
pas triompher de cette gênante infirmité.
Evidemment nous étions en face d’accidents nerveux, hystériques si
Ton veut, bien que la jeune fille ne présentât aucun trouble de la sensi¬
bilité de la peau, des muqueuses, ni aucun trouble sensoriel ; elle n’avait
aucune bizarrerie dans les idées ou dans le caractère.
Bien des fois déjà j’avais eu Toccasion de constater les heureux résul¬
tats de la suggestion hypnotique dans des cas analogues.
Je n’hésitai donc pas à recourir immédiatement à ce mode de traite¬
ment.
La jeune fille s’endormit rapidement et profondément dès cette pre¬
mière séance.
Mais je constatai qu'en état d'hypnose avec anesthésie assez marquée
et automatisme des mouvements, les borborygmes continuèrent comme
à l’état de veille jusqu’au moment où, plaçant ma main sur son ventre
à travers ses vêtements, je lui fis la suggestion qu'ils allaient dispa¬
raître.
Ils diminuèrent effectivement, s'arrêtant même de temps en temps
mais sans disparaître.
Je prévins alors la malade, qu'à son réveil après cette courte séance,
ils continueraient à diminuer de plus en plus.
C’est ce qui arriva, et après quelques séances elle en fut complète¬
ment débarrassée le jour ; la nuit cependant ils reviennent pendant le
sommeil. Une nouvelle séance en triompha également.
société D’HYPNOLOGIE BT DE PSYCHOLOGIE
373
Depuis cette époque^ ses maîtres ont remarqué que chaque fois qu’elle
est vivement émotionnée, les borborygmes reviennent mais dfsparais-
sent à peu près en même temps que Témotion.
Cette observation ne présente rien de nouveau pour ceux qui ont l’habi¬
tude de la pratique hypnotique, mais elle est intéressante au point de
vue de la physiologie psychique.
La malade était fort ennuyée de l’intensité de ses borborygmes. Son
maître ne voulait plus qu’elle serve à table parce que, très nerveux lui*
même, il déclarait que ces bruits intestinaux au moment où il allait
prendre d’un plat, le dégoûtaient.
J’ai dit que dans bien des circonstances, ils avaient été pour la jeune
fille une cause de vexation.
Elle désirait donc vivement en être débarrassée, mais sa volonté était
sans action sur ses borborygmes alors que son émotivité les accé¬
lérait.
Le sommeil naturel lui-même ne les calmait pas et le sommeil hypno¬
tique sans autre suggestion avait paru ne pas les influencer.
Seule l’affirmation verbale perçue par elle pendant le sommeil hypno¬
tique eut une influence rapide sur Taccélcration du mouvement intestinal
cause de ces bruits.
Nous savons que les organes de la vie végétative sont sous la dépen¬
dance du grand sympathique, qui, malgré ses anastomoses avec les
nerfs crâniens paraît recevoir son innervation uniquement de la moelle.
D’autre part il existe un antagonisme, sur lequel insiste M. Richet,
dans son essai de psychologie générale, entre la moelle et le cerveau.
L’action de ce segment supérieur des centres nerveux sur le segment
inférieur qui est la moelle serait une action modératrice.
Ohez notre malade cette action modératrice était insuffisante, même
stimulée par l’ennui qu’éprouvait la jeune fille.
Il fallait, pour triompher de cette infirmité, une stimulation plus
forte.
M. Richet nous dit que, parmi les excitations sensorielles, celles de
la vue et de l’ouïe doivent être regardées comme des excitations inhibi-
toires, autrement dit d’arrêt.
Les résultats obtenus chez notre jeune fille semblent une confirmation
clinique de cette donnée physiologique.
Qu’avons-nous fait dans ce cas et que faisons-nous en hypnotisme
dans tous les cas analogues ?
Nous avons stimulé l’action modératrice du cerveau en plaçant la
malade par le sommeil hypnotique dans les meilleures conditions aptes
à produire sur son cerveau une excitation intense du sens de l’ouïe et
dans la direction même de notre suggestion.
Nous avons ainsi exalté dans cette direction l’action modératrice de
son cerveau sur sa moelle, et par suite nous avons calmé l’exagération
de ses mouvements intestinaux.
Cette action du cerveau sur la moelle a persisté.
374
REVUE Dt: L HYPiXOTISME
Si j’avais eu Toccasion d’hypnotiser de nouvea^i cette jeune tille, il
est probéible que j’aurais obtenu un succès définitif, complet, en dimi-^
nuant son émotivité qui, comme nous l’avons ' signalé, paralyse encore
de temps en temps l’action modératrice de son cerveau sur sa moelle.
Séance (lu Mardi 20 Mars 190 ». — Présidence de M. le D'’ Jules Voisin.
La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire Général donne lecture de la correspondance qui com¬
prend, en particulier, une lettre de M. le de Torrès (de Luchon).
Les communications inscrites à l’ordre du jour sont faites ainsi qu’il
suit :
1® D’’ Pamaht. — Action de la suggestion hypnotique sur les troubles
fonctionnels occasionnés par un kyste hydatique de l’eslomac. — Dis¬
cussion : MM. Bérillon, Paul Magnin, Cauvy et Paul Farez.
2o D** Damoglou. — Deux cas de neurasthénie grave guéris par la
suggestion hypnotique.
3® M. le professeur Lionel Dauriac. — La philosophie de Tarde. —
Discussion : M. bérillon.
4® M. le D** Demonchy. — La psychologie de la voix. — Discussion :
MM. Lionel Dauriac et Bérillon.
M. le Président met aux voix la candidature de M. le D" Guillemonat,
de Paris, et de M. Quinque, professeur d’enfants anormaux. Ces candi¬
datures sont adoptées à Tunanimité.
Le 3® mardi d'avril tombant le lundi de Pâques, la société décide que
la prochaine séance aura lieu en mai.
La séance est levée à 6 h. 50.
Action de la suggestion hypnotique sur les troubles fonctionnels
occasionnés par un kyste hydatique de Festomac.
par M. le René Pamart
P rofesscür suppléant à l’Ecole de psychologie.
L’observation que je soumets aujourd’hui à la Sf)ciété remonte à
quelque temps déjà. Ce fut en effet pendant l’été 1896 que
Mlle Anne L., habitant Alger, ayant à cette époque 24 ans, fut
atteinte de fièvre typhoïde. Cette jeune fille présentait des stigmates
indéniables de x)etite hystérie. Jllle n’avait jamais eu de crises. Sa
eonvalosoence parut tout d’abord s’effectuer d’une façon absolument
normale, lorsqu’au bout d’un mois se produisirent des phénomènes
graves et inattendus. Sans aucune nouvelle cause apparente, l’esto¬
mac montre brusquement une intolérance absolue pour toute espèce
d’alimentation. Quelques minutes après l’ingestion d’un aliment
queleonqiie, solide ou liquide, la malade était secouée par un hoqimt
SOCIÉTÉ d'hY’PXOLOGIK ET OE PSYCHOLOGIE
37 .)
extrêmement violent, aspiratif et bruyant comme est dliabitiide le
hoquet .hystérique. Au bout de dix minutes, un quart d'heure, plus
parfois, la crise se terminait par un vomissement et tout ce qui
avait été absorbé était intégralement rendu.
En pi'ésenee de ces phénomènes, qui ne pouvaient évidemment se
prolonger sans mettre en question Texistence même de la malade,
on prit le parti d'employer les lavements alimentaires, et Fon eut su(‘-
cessivement recours à toutes les ressources de la thérapeutique cou¬
rante. Lavages de Festomac, eau chloroformée, bromure, morphine,
cocaïne, faradisation du diaphragme, massage vibratoire du nerf
phrénique, gymnastique respiratoire, tout fut mis en œuvre; mais les
efforts les plus patients et les plus ingénieux n'aboutirent à aucun
résultat.
J'étais alors Finterne du médecin traitant, M. le Professeur Pück,
directeur de FEcoIe de médecine d'Alger. Des liens d’amitié iinis-
si\ient depuis longtemps ma famille à la famille L... Aussi, bien
que n'ayant encore, à cette époque, fait ^me fort peu d'hypnotisme,
en présenc'e d'une situation aussi grave, proposai-je Femploi de la
suggestion. En désespoir de cause, et, je dois Fajouter, sans grande
confiance, on accepta mon ofïi*e; au mois d'octobre 189(î, j’endormîs
pour la première fois la jeune fille. Je pus obtenir une hj^pnose pro¬
fonde. Je fis à la malade le menu détaillé de ce qu'elle mangerait
à son repas du soir; je lui fis défense formelli» d'avoir le ho<iuet ou
de vomir; puis je Féveillai, et demandai à être tenu au eoiiirrnt du
résultat. Le lendemain, j^appris que les aliments avaient été absorbés
et tolérés, que tout s'était passé pour le mieux.
traitement fut donc continué; il dépassa en durée fouies Ic's
prévisions primitives; nous allons savoir pourquoi tout à Fheure. 11
dura en effet vmgt-deuæ mois.
Ayant obtenu des effets qui se maintenaient 24 heures, j'(\ssayai
d'aller plus loin, d'espacer graduellement les séances et d'arriver à
un résultat définitif. Or jamais Faction suggestive ne put se pro¬
longer au delà de 48 heures; encore fallait-il un sommeil dans l'in¬
tervalle. J’avais été amené à procéder ainsi. Le lundi après-midi, par
exemple, j'endormais la malade, je lui siur-^rais la tolérance alimen¬
taire jusqu'au lendemain ; à une heure que je fixais pendant ce som¬
meil, je lui ordonnais de dormir quelques minutes, et d'avoir toute
tranquillité jusqu’au mercredi soir; mais alors il me fallait intiu-
venir à nouveau; impossible d'avoir des effets plus prolongés.
La malade vivait, c'étail le principal; mais la situation n'était
pourtant pas des plus gaies, et il était plutôt pénible de ne pouvoir se
passer de son magnétiseur plus de 48 heures consécutives. Ainsi, la
famille L... étant venue à Paris, avait dû faire exactement coïncider
son séjour ici avec le mien, et cela au dépens de graves intérêts. Je
me demandais sans y rien comprendre par quel mystère mon action,
efficace pendant deux jours, ne pouvait l'être plus longtemps. J’a joute
376
RBVUB DB L’hYPNOTISMB
que les médecins et les cHirurgiens qui examinèrent ma malade, et
il y en eut de nombreux et d’éminents, ne trouvèrent dans son cas
que des manifestations purement hystériques, sans porter aucun autre
diagnostic.
Ce diagnostic exact, et en même temps l’explication des difficultés
que j’avais rencontrées sans pouvoir les vaincre, nous fut donné au
bout de 22 mois. A ce momént, Mlle L. ressentit, au niveau de la
grande courbure de l’estomac, une sensation très douloureuse de déchi¬
rement, et elle vomit un flot d’hydatides accompagnées de fragments
de membrane-mère.
De ce jour, tous les troubles cessèrent pour ne plus jamais repa¬
raître. Mon ancienne malade est actuellement à Paris, je Tai revue
ces jour derniers, et jamais accident de semblable nature ne s’est
reproduit depuis l’expulsion des hydatides.
Laissant de côté la rareté des kystes hydatiques de l’estomac, ce qui
est une question de médecine et de chirurgie générale, permettez-moi
d’attirer votre attention sur certains points sjiéciaux.
Tout d'abord, cette observ^ation prouve que la suggestion hypno¬
tique peut agir utilement et puissamment sur des manifestations
matérielles d’affections matérielles, et non pas seulement d’ordre
psychique. Le kyste, cause ignorée de la révolte de l’estomac, n'était
pas une idée; c’était une cause physique, n’ayant rien à voir avec
l’imagination.
Cette cause était constante; aussi, lorsque ma suggestion s’affai¬
blissait par ancienneté, le hoquet et les vomissements se reprodui¬
saient-ils. Leur cause conservait une puissance égale à elle-même,
tandis que mon action s’effaçait graduellement, et, au bout de
48 heures, l’équilibre se trouvait rompu.
Ap rès les 24 premières heures, il fallait quelques minutes d’un
nouveau sommeil hypnotique pour obtenir une prolongation de l’état
normal. Pourquoi? Je ne veüx pas donner ici un avis sur lequel
j'hésite moi-même. Ce sommeil aeissait-i] simplement parce qu’il réa¬
lisait la réédition des conditions matérielles de la suggestion précé¬
dente ? Ou bien ce sommeil, par le complet repos qu’il comportait,
jouait-il un rôle particulier, un rôle sédatif? Constituait-il une sorte
d’exercice d’immobilisation, et pourrait-on comparer ses effets à ceux
d'un serre-corps qui modère certaines toux? Toujours est-il que, cha¬
que fois que j’essayai d’en dispenser ma malade, ce fut pour voir
reparaître hoquet et vomissements dès le troisième repas qui suivait
la séance d’hypnose. Si Ton pouvait se fier aux impressions d’un
sujet — et il s’agissait ici d’une personne très intelligente et très
observatrice — je dirais que la dernière hypothèse aurait des chances
d’être la vraie; car, pour employer l’expression de Mlle L., elle se
sentait a rechargée » après avoir dormi* «lie comparait ainsi c^e
sommeil à un véritable relais électrique, rechargeant un accumula¬
teur.
COURS ET CONFÉRENCES
317
Discussion
M. Berillon. — La valeur propre du sommeil provoqué est à la
fois trop négligée et trop méconnue en psychothérapie. Dans bien
des cas la production de rhy^inose, en dehors de toute suggestion t peut
suffire à ramener le calme, à équilibrer Fétat mental.
Un vieil adage enseigne que t la nuit porte conseil »; en réalité,
ce n’est pas la nuit qui rend ce service : ce sont certains états inter¬
médiaires entre la veille et le sommeil profond. Quand nous som¬
mes déjà plongés dans un état passif assez accentué, nous acquérons
le pouvoir de monoïdéiser, c’est-à-dire de concentrer notre attention
avec plus de force sur telle ou telle idée déterminée. Il en résulte que
nous y pensons avec plus de force. Nous utilisons à son maximum
notre pouvoir de réflexion de sorte que nous arrivons à des notions
plus exactes et plus précises que lorsque notre pensée est contrariée
par les influences extérieures qui viennent la distraire. A d’autres
points de vue, la sédation qui résulte du sommeil provoqué constitue
un état favorable pour ^accomplissement des fonctions de la vie orga¬
nique. Ainsi, il m’arrive fréquemment de limiter le traitement psy¬
chothérapique à des séances de sommeil provoqué. Ces séances cons¬
tituent des sortes de haltes venant interrompre la dépense exagérée
de l’activité nerveuse. Malgré leur durée limitée, elles permettent à
l’énergie de s’accumuler. On peut les comparer aux résistances qui
placées sur le trajet de courants électriques permettent d’en doser le
débit et d’en limiter la dépense.
M. Paul Parez. — Qu’il y ait simple trouble fonctionnel ou lésion
organique, la sollicitation nauséeuse devient le vomissement habituel,
périodique ou incoercible, lorsque le sujet se laisse monoïdéiser par
la sensation présente; il réalise alors, conformément aux lois de ver¬
tige mental, ce qui lui est représenté fortement, en l’absence de tout
état de conscience réducteur. La suggestion hypnotique est le trai¬
tement de choix de ces sortes de vomissements, de même que des
vomissements hystériques, naupathiques, urravidiques, etc.; en effet,
elle développe le contrôle et la maîtrise de soi, elle éduque la volonté,
elle crée ou exalte le pouvoir d’arrêt : ainsi, elle inhibe le réflexe du
vomissement, tout comme en orthopédie mentale et morale, elle
réfrène les mauvaises habitudes, les désiis impérieux, les impulsions
automatiques.
COURS E T CONF ÉRENCES
Délire hystérique
par M. le Professeur Raymond (*)
Voici une femme âgée de 64 ans, qui présente des hallucinations, du
délire, des crises d’excitation presque maniaque, en apparence. Or elle
n’est point folle ; c’est une hystérique.
(1) Présentation de malade faite à la Clinique des maladies du système nerveux
de la Salpêtrière.
378
REVUE DE L HYPNOTISME
Son histoire est d’autant plus intéressante qu’elle est malade depuis
longtemps et qu’elle a été l’objet d’une leçon faite par Lasègue, à la Pi¬
tié, il y a trente-six ans. Or les modifications survenues dans son état
depuis cette époque permettent d affirmer nature des troubles de men¬
talité qu’elle offre.
En effet, c’est vers l’àge de ^25 ans qu’elle a commencé à éprouver les
phénomènes dont il s’agit. D'abord, aussitôt qu’elle était couchée dans
son lit, elle avait des hallucinations de l’ouïe, de la vue, du sens génital
et du tact.
Elle entendait des voix, voyait des animaux courir autour d’elle, etc.
Sur ces hallucinations s’édifie un délire systématisé logique. Ces voix
qu’elle entendait étaient pour elle celles de personnes déterminées,
qu’elle prétendait reconnaître au son de leur voix.
Et toutes ces hallucinations, elle les a encore actuellement.
Cela l’incommode si fort, qu’elle a pris l’habitude de cacher sous son
traversin, un gourdin avec lequel elle s’escrime contre ce monde ima¬
ginaire. Des parents qui sont là viennent la réveiller et tout rentre
momentanément dans l’ordre; mais la même scène recommence plu¬
sieurs fois dans la nuit.
Quelquefois aussi, des hallucinations la prennent dans le courant de
la journée, particulièrement vers la tombée du jour, ou bien pendant les
après-midi sombres d’hiver, quand elle se trouve seule et s’ennuie ;
alors apparaissent devant elle des. êtres fantastiques.
L’état de la santé générale est très bon.
Au premier abord, on pourrait croire qu’il s’agit d’un délire de perse--
cution^ avec hallucinations multiples et actes résultant logiquement de
leur systématisation. Mais déjà Lasègue, lorsqu’il examina cette malade
s’était refusé à voir en elle une persécutée: « cette femme, disait-il en
1870, est bonne comme du bon pain, et celles qui sont atteintes du délire
chronique de persécution ne présentent pas cette manière d’être. » Cette
femme est remarquable, en effet, par son expression calme, sa bonne
physionomie, empreinte de placidité et de douceur.
Voilà donc une première remarque, d’ordre général, qui devait faire
écarter le diagnostic de la folie et de la persécution .
Il y a une autre remarque, celle-ci plus strictement médicale, qu i
doit conduire à une conclusion identique. C’est ce fait que la bonté ne
réside pas seulement dans l’expression de son visage, mais qu’elle
ressort de la nature même de ses actes. En effet, on n’y retrouve ni la
jalousie, ni l’intérêt, que présentent les persécutés. On ne retrouve pas
ces périodes d’inquiétude, d’interrogation, d’hypochondrie, décrites par
les aliénistes dans le délire chronique de persécution : l’individu com¬
mence par penser qu'il a des ennemis qui le tourmentent, puis il a des
hallucinations, et au bout de deux ou trois ans, s’interrogeant sans
cesse, le persécuté change sa personnalité et entre dans la période am¬
bitieuse ; il règle l’expression de son visage et sa manière d’agir sur de
COURS ET CONFÉRENCES
nouvelles conceptions, devient vaniteux, ambitieux ou jaloux, et se livre
à tel acte démontrant qu’il est aliéné.
Notre malade a des hallucinations totales, complètes) de la vue, de
l’ouïe, du sens génital et du toucher, depuis une quarantaine d’années ;
or, si c’était un délire chronique, la maladie aurait dû évoluer.
Pour le diagnostic, il est utile de fixer votre attention sur un détail
de cette observation qui a son importance; c’est le suivant: cette femme
est prise de ses hallucinations surtout quand elle a attendu très tard
pour se coucher. C’est lorsqu’elle commence à dormir que son délire se
manifeste, c’est-à-dire dans un état d'automatisme cérébral. Autrement
dit, elle tombe dans une attaque de sommeil hystérique.
On connaît bien aujourd’hui ces faits. Cette attaque de sommeil peut
durer quelques heures ou quelques minutes seulement, ou bien au con¬
traire des mois et des années. On a encore présent à l’esprit un cas
dans lequel cette période léthargique dura vingt ans.
Lorsqu’on peut examiner les malades dans cet état, on retrouve
certains indices, comme les battements des paupières, un certain degré
de raideur des muscles, etc., qui ne laisse aucun doute sur la nature
toute particulière de leur sommeil. Il ne nous a pas été donné de pouvoir
faire cette observation chez notre malade, mais ce que nous savons de
ses antécédents est sufiisant pour corroborer notre opinion sur sa nature
hystérique.
Nous avons appris que dès l’âge de 1*2 à 13 ans, moment où apparurent
ses règles, elle était sujette à de petits accès dont elle a conservé un
souvenir assez vague. Puis vers l’âge de 16 à 17 ans, elle fut placée
comme bonne en diverses maisons, mais elle était renvoyée de partout
parce que les uns la considéraient comme une ivrogne, les autres com¬
me une somnambule ou une épileptique II lui arrivait en effet d’être
prise dans la journée, à l’occasion d'une fatigue ou d’une émotion quel-
oonque, de crises de sommeil hystérique. Elle habitait alors un petit
village, et à ce moment-là, son c.iractère hystérique se révélait par des
conceptions bizarres, des romans imaginaires dont elle se croyait
rhéroïne, ce qui lui attirait une foule de tracasseries.
Cette femme a été présentée par Lasègue comme une hystérique, en
état de délire hystérique. C’est un cas extrêmement intéressant.
Quelle que soit l’interprétation du trouble psychique, qu’on admette
la synthèse mentale oscillante de Janet, phénomène en rapport avec un
état physiologique particulier de la couche corticale, qu’il s’agisse de
polarisation ou non, la thérapeutique, dans un cas de ce genre, doit ten¬
dre à amener le réveil dynamique de l’écorce, et la réviviscence de la
mémoire, soit par Thypnose, soit par la mécanothérapie ou tout autre
moyen. La mentalité d’une hystérique est un phénomène de dynamique
cérébrale, la texture du cerveau n’est pas modifiée ; c’est un état parti¬
culier qui survient brusquement et peut cesser de même, comme l’élec¬
trisation d’un bâton de verre. Je crois que nous pourrons débarrasser
cette malade de ses hallucinations.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Alcoolisme et tremblement hystérique,
par Raymond, p. 316.
Alcoolisme (Le traitement psychologi*
que de T), par Bérillon, p. 319.
Allocution du D' Jules Voisin, p. 262.
Allocution du 0 *“ Paul Magnin, p. 264.
Allocution duD** LloydTuckey, p. 266.
Allocution du professeur Lionel Dau-
riac, p. 285.
Aliénés ou demi-aliénés deviennent
des marabouts et sont vénérés par les
indigènes (Pourquoi les), par Bou-
hageb, p. 345*
Anesthésiques, et en particulier de la
scopolamine, envisagés comme adju¬
vants de la suggestion hypnotique
(Des), par Bérillon, p. 307.
Aphonie non hystérique (Un cas de),
par Pamart, p. 346.
Barbe (Les femmes à), par Bérillon,
p. 2, 35, 68, 99, 134, 167, 198.
Bérillon au grade de Chevalier de la
Légion d’honneur (La nomination
du 0*“), par Paul Magnin, p. 321.
Bernadette, de Lourdes (L’hystérie
de), par Rouby, p. ii, 46, 78, 108,
142.
Bibliothèque de l’Ecole de Psycholo¬
gie, p. 161.
Bushido, p. 26.
Banquet en l’honneur du Di Bérillon,
p. 353 .
Borborygmes hystériques, par Le
Menant des Chesnais, p. 372.
Cercle Liébeault, à Saratow, p. 194.
Chaire dé Clinique thérapeut., p. 195.
Chorée arythmique hystérique, par
Raymond, p. 286.
Congrès de Liège en 1905, p. 96, 97.
Cours de M. le Jules Voisin à la
Salpêtrière, p. 192, 256.
Cours du Bérillon, p. 288, 320.
Cours de Pychopathologie du tube di¬
gestif, à la Faculté de Médecine, par
le D** Paul Farez, p. 352.
Critique du livre de Dubois (de Berne),
par Bonjour, p. 320, 357.
Délire hystérique, parRaymond, p.377.
Discours du D*^ Jules Voisin, p. 230.
Distinctions honorifiques, p. 288.
Dormeuse de San Remo (La), par Paul
Farez, p. 339.
Ecole de Psychologie, p. 159, 222, 226,.
256.
L’Ecole de Psychologie, par Béril¬
lon, p. 227.
Ectothérapie cérébrale, p. 58.
Enfant susceptible, p. 98.
Enseignement de l’hypnotisme et de la
psychologie, p. 192, 222, 320, 351.
Exorcismes au xix« siècle, par Witry,
p. 163,196,305.
Fatigue suggérée (La), par Martial
Vergnolle, p. 251.
Fétiche pour prendre du poisson, p. 96.
Fœtus (Influence des impressions des
parents sur le), par Podiaposlky,
p. 88.
Folie hystérique, par Raymond, p. 189.
Force nerveuse (Modifications que su¬
bit la), par Paul Joire, p. 119.
Graphologie et médecine, par Boucard,
P- 93 -
Grimace (La), par Bloch, p. 93.
Hasard (La psychologie des jeux de),
par Hermann Laurent, p. 22.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
381
Huchard (Lettre ouverte aux membres
du Parlement), p. 132.
Hyj>ersuggestibles (Trois maladies),
par Pamart, p. 314.
Hypnose spirite (L^), par Demonchy,
P- 63.
Hypnotique de la race nègre (Suscep¬
tibilité), p. 350.
Hypnotisme chez les animaux, par Lé-
pinay et Groîlet, p. 217.
Hypnotisme et le prétendu magnétisme
animal (L’), par Louis Favre, p. 62.
Hypnotisme dans l’éducation correc¬
tionnelle, p. 99.
Hypnocyanotrope, par Paul Farez,
p. 3 o 8 .
Inauguration du Buste de Liébeault à
TEcole de psychologie, p. 162, 226,
257.
Inculpés (L’examen mental des), p. 317
Intelligence chez la chèvre, le chat et
le chien, par Minette, p. 343.
Intimidation : les timidités (La psy¬
chologie de l’L par Bérillon, p. 325,
354.
Kleptomanie (Contribution au traite¬
ment psycho-mécanique de la), par
Pamart, p. 250.
Kyste hydatique de Testomac (Trou¬
bles fonctionnels occasionnés par),
par Pamart, p^ 374.
Langage chez les enfants (Les mala¬
dies du), par Chervin, p. 159.
Liébeault (L’œuvre psychologique de),
par Bérillon, p. 267.
Liébeault (Hymne à Liébeault), par Ju¬
les Bois, p. 282.
Lumière colorée et hypnocyanotrope,
par Paul Farez, p. 308.
Magnan (Le jubilé du D*"), p. 289.
Mamay (Prix Liébeault), p. 84.
Mirko (Visite à l’Institut psycho-phy¬
siologique), p. 132.
Momie (Dominique Castagna, l’hom-
me-), p. 155.
Mutisme hystérique, par Pamart,
p. 370.
Névroses provoquées par les tremble¬
ments de terre, p. 98.
Ouverture du cours de clinique théra¬
peutique de M. le P*" Albert Robin,
p. 289.
Ouvrages déposés à la Revue, p. 160.
Pédagogie au congrès pour Pavance-
ment des sciences, p. 353 .
Pédagogie des anormaux, p. €7.
Perversion sexuelle, par Lloyd Tuc-
key ,p. 91.
Phobie de l’eau, p. 67.
Prix Liébeault, p. 84.
Prophètes juifs, par Binet Sanglé,
p. 254.
Psychologie au congrès de l’avance¬
ment des Sciences, p. 65.
Psychologie au congrès belge de neu¬
rologie et de psychiâtrie, p. 131.
Psychothérapie et hypnotisme, par
Paul Magnin, p. 232, 290.
Rapport sur le congrès belge de neuro¬
logie, par Demonchy, p. 248.
Religieuses de Port-Royal, par Binet
Sanglé, par 115, 146, 176, 209, 241,
302.
Richer (Election à l’Académie des
Beaux-Arts), p. 33.
Récompenses académiques, le D** Voi¬
sin, p. 224 .
Roues à carillon, p. 94.
Simulateur (La psychologie du), par
Courtault, p. 180.
Société d’hypnolcgie et de psychologie,
p. 29, 61, 83, 128, 159, 191. 221, 248,
255» 287, 3 ïL 3 i 7 > 342, 350, 365 . •
Société de pathologie comparée, p. 162,
195.
Sommeil (La position pendant le),
p. 318.
Sommeil hystérique, par Jourdan (de
Marseille), p. 17, 53.
Sommeil léthargique chez une hysté¬
rique, par Barbier, p. 366 .
382
REVUE DE l'hypnotisme
Sommeil naturel (Suggestion pendant
le), par Rambotis, p. 153.
Suggestion musicale, par Pamart, p. 85
Suicide en Annam, p. i.
Suicides des animaux, p. 256.
Suggestion (Définition de la), p. 348.
Superstition du lapin, p. 95.
Surmenage intellectuel (Contre le),
p. 128.
Tarde (Eloge de), p. i,
Tarde (Gabriel), Nécrologie, p. 30.
Tic d’habitude chez un éthylique, par
Raymond, p. 190.
Trac par asynergie des images menta¬
les, par Paul F'arez, p. 2i3.
« Traqueur », premier prix du Con¬
servatoire (Un ancien!, par Paul
Parez, p. 3 io.
Vomissements incoercibles, datant de
3 ans, guéris par l’hypnotisme, par
Paul Joire, p. 311.
TABLE DES FIGURES
Hatshopsitou, leinr de la i8® dynastie {
thcbaine . 4
Hatshopsitou, reine de la 18® dynastie
thébaine . 5
La reine Ahmasi . 6
Marguerite d'Autriche . 8
Femme à barbe ayant vécu au 17®
siècle . 10
D** Paul Richer . 33
La déesse Isis . 37
Monnaie de Magnésie du Sipyle 38
Statue trouvée dans Tile de Chypre 1^9
Figure votive trouvée dans l’îlc de
Ch}^re . 40
Aphrodite barbue . 41
Monnaie d'Halicarnasse . 42
Gorgone archaïque barbue . 43
Gorgone barbue . 44
Gorgone barbue . 45
Gorgone barbue . 45
Gorgone barbu»* . 46
Dieux lares . 70
Dieux lares . 71
Buste de personnage barbu, avec
seins dt* femme . 72
Un démon femelle . 73
Démon femelle . 74
Eon gnostique . 76
Eon gnostique . 76
Eon gnostique . 77
Eon gnostique . 78
Figure de Baphomet . 100
Figure de Baphomet . 100
Figure de Baphomet . loi
Figure de Ba.phümet . 101
Figure de Baphomet . 102
Sainte Wilgeforte . 106
Sainte Wilgeforte . 107
M. le professeur Lépine . 129
'Si. la professeur Bouchard . 130
S. A. le prince Mirko (de Monté¬
négro ). 133
Sainte Wilgeforte . 134
Sainte Liberata . 135
Sainte Wilgeforte . 136
Sainte W’ilgeforte . 137
Sainte Affligée . 138
Christ habillé d(* Lucques . 139
Sainte Wilgeforte . 141
Dominiciuc Castagna, l'homme-
inomie . 156
Idole juive, Astarté . 168
Camée romain . 169
Mlle Valhen, femme à barbe . 170
Mme Hudjon, fc'mme à barbe. 171
Mme K., femme à barbe . 172
Mlle J)., femme à barbe . 174
[Mme Le>ticnne, femme à barbe... 175
Mme Mathilde Van de Canter ... 199
Margret Halsebcr . 200
Anne Baudesson . 201
Madeleine Ventura. 203
Buste du D** Liébeault . 257
Le dernier portrait de Liébeault... 272
La clinique du D** Liébeault, à
Nancy . 276
M. le D** Bcaunis . 281
TABLE DES AUTEURS ET COLLABORATEURS
Bérillon, 2, 25, 35, 67, 68, 99, 1V4, 167,
189, 198, 227, 267, 288, 307, 313, 325,
354, 369, 377.
Binet-Sanglé, 115, 146, 176, 209, 241,
254, 302.
Bianchi, 58.
Blech, 25.
Bloch, 93.
Bonjour (De Lausanne), 330, 357.
Boucard, 93.
Brunon, 67.
Bois (Jules), 282.
Bouhageb (de Tunis), 345.
Barbier, 366 .
Bertillon, 369.
Chervin, 159.
Courtault, 180.
Damoglou, 370.
Dauriac (Lionel), i, 25, 285, 313.
Demonchy, 63, 248.
Drioux, 35.
Farez (Paul), 84, 91, 154, 213, 308, 310,
313, 339 > 352, 369, 377.
Favre (Louis), 62.
Giard, 65.
Grollet, 217.
Huchard, 34.
Joire (Paul), 119, 311.
Jourdan (de Marseille), 17, 53.
Laurant (Hermann), 22.
Lépinay, 217.
Lloyd Tuckey, 91, 266.
Le Menant des Chesnais, 372.
Magnin (Paul), 26, 232, 264, 290, 313,
322.
Minette, 342.
Pamart, 85, 250, 314, 346, 374.
Podiapolsky, 88.
Rambotis, 153.
Raymond, 189, 190, 286, 316, 377.
Régnault (Félix), 348.
Rouby (d’Alger), ii, 46, 78, 108, 142.
Vergnolle (Martial), 251.
Voisin, 92, 224, 230, 262, 313.
Witry (de Trêves), 163, 196, 305.
L'Administraiteur-GérsLnt : Ed. BÉRILLON.
Paris, lmp. À. Quelqucjeu, rue Gerbert, 10.
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