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PSYCHIATRIE
17« ANNÉE
1913
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REVUE
DE
PSYCHIATRU
ET DE PSYCHOLOGIE EXPÉRIMENTALE!
♦- ;
DIRECTEUR : D r TOUlOUM
MédecÌQ en Chef de i’Asile de Villejuif,
Directeur du Laboratoire de Psychologie expérimentale
à TGcole des Hautes-Études (Paris).
Comitó de réd&otion
D r MIGNARD, Médeoin Adjoint do
la Maison Nat u deCharenton.
D* BLIN, Médecin en Chef des Asiles
de la Seine.
D* CO IAS Méleoin en Chei des
Asiles dt la Seine.
D* KLIPPBL, Médeoin des Hdpitanx
de Paris
D* MARCHAN >, Mèdeoin-Chef de
la Maisnn Nationale de Cha-
renton.
D v MARIE, Midecin en Chef des
Asiíes ae la Seine.
D r PACTET, Médeoin en Chef des
Aailea de la Seine.
D PICQUÉ, Chirurgi en des Hópi-
taux de Paris et des Asiles de la
Seine.
D r SÉRIBUX, Médeoin en Chef des
Asiles de la Seine.
D r VIGOUROUX, Médeoin en Chof
des Asiles de la Seine.
Réd&otion :
D r JUQUELIER
Méleoin ohef
des ssiles de la Seine.
H. PIÉRON
Direoteur du Laboratoire
de Psyohologrie physiologiqne
è ls Sorbonne.
Secrétariat:
D* J. CRINON
Licenoié ès soienoes
Anoien interne des Asiles de la Seine
La Revne da Psyehi&tria paralt le 90 de ohaqne moia ; eile publie nn
grand nombre d’étades originales et elledonne une rerne oomplète du mouxe-
menl psyohiatri»|ae fraagais et étranger.
Prix de l’abonnement: Franoe, 15 franos; Btranger, 18 franea.
Prix du numéro : un firanc cinqn&nta.
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PARIS
OOTAVE DOIN & FIL8, ÉDITEUR8
8, Fl&ce de l’Odóon, Paiis
1943
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DU ROLE DE L’ALCOOLISME
DANS LA PATHOGÉNIE DE L’ÉPILEPSIE
Par L. Marchand,
Médecin en chef de la Maison Nalionale de Charenton.
De toutes les intoxications exogènes, l’intoxication alcoolique est
celle que l’on rencontre le plus fréquemment chez les sujets qui
deviennent épileptiques à l’àge adulte. Pour comprendre son r61e,
il faut diviser les faits qui ont été rapportés.
I. Fréquence de VEpilepsie chez les alcooliques .
Voiciquelquesstatistiquesquenous avons relevées et qui indiquent
globalementlafréquencedesconvulsions épileptiques chez les alcooli-
ques. En 1870, sur 155 hommes alcooliques admis dans leur service,
Magnan et Bouchereau (1) en trouvent 17 qui présentent des attaques
épileptiques,soit 11 0/0. En 1871, il en trouvent 3 sur 31,soit 9,9 0/0.
Dans une autre statistique, les mémes auteurs donnent 5 à 8 0 /0.
Drouet (2) note, sur 442 hommes alcooliques, 45 sujets atteints de
crises épileptiques et sur 87 femmes alcooliques, 9 épileptiques, soit
une moyenne de 10 0 /0. Krafft-Ebing (3) en trouve également 10 0 /0,
Echeverria (4) 38,8 0/0, Westphall (5) 33 0/0, Moeli (6) 36 0/0,
(1) Magnan et Bouchereau. Statistique des alcooliques. Ann. méd. psych.,
^série, v. VII, 1872, p. 52.
(2) J. Drouet. Recherches sur l’épilepsie alcoolique. Ann. méd. psych.,b*sèrie,
t. XIII, mars 1875.
(3) Krafft-Ebing. Cité par Triboulet, Mathieu et Mignot. Trailé de l'alcoo-
lisme, 1905, p. 341.
(4) Echeverria. De l’épilepsie alcoolique. The journ. of ment. sc ., 1881.
(5) Westphall. Cité par Triboulet, Mathieu et Mignot, Loc. cit.
(6) Moeli. Une remarque à propos de l’épilepsie chez les alcooliques. Neu^oL
Ccntralb., nov. 1885.
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Furstner (1) 38,8 0 /0, Bonhoeffer (2) 33 0 /0. Weber(3) a relevé90 formes
épileptiquessur 246cas d’alcoolisme, soit360 /0 ;parmiles alcooliques
hommes, il trouve 40 0/0 de sujets atteints de crises épileptiques.
Ces statistiques sont bien différentes les unes des autres. Certains
auteurs font rentrer dans leurs statistiques tous les alcooliques qui
ont présenté des accidents convulsifs, ne serait-ce qu’accidentelle-
ment et passagèrement; d’autres n'admettent que ceux qui ont eu des
accès à plusieurs reprises; d’autres enfin ne désignent sous le nom
d’alcooliques épileptiques que ceux qui ont des accès se répétant pério-
diquement,mèmeaprès la disparition des symptómes del’alcoolisme.
Si l’on admettait, selon certaines statistiquesjqu’un tiers desalcoo-
liques sont épileptiques, on devrait relever cette cause très fréquem-
ment dans les antécédents des épileptiques, car Talcoolisme est une
intoxication des plus communes. Or, là encore, les statistiques sont
des plus contradictoires. Sur 100 épileptiques, Bucelli (4) en trouve
deux chez lesquels Tépilepsie est d’origine alcoolique, et Stepanoff (5)
en trouve 46.
II. Epilepsie accidenlelle dans Valcoolisme aigu.
Pour préciser le róle joué par Talcoolisme dans la pathogénie de
Fépilepsie, il y a lieu de distinguer les différents états cérébraux que
crée rintoxication suivant qu'elle est aigué, subaigué ou chronique.
De mèmeque les convulsions infantiles ne doivent pas toujours étre
complètement assimilées à l’épilcpsie dite idiopathique (6), de mème
on doit distinguer les convulsions accidentelles qui apparaissent au
cours de Talcoolisme aigu de celles que l’on observe dans Talcoolisme
chronique. La distinction entre ces divers états convulsifs a été faite
depuis longtemps; elle repose sur des données cliniques et expéri-
mentales.
Tout individu qui, habituellement sobrc, absorbe en quelques
(1) Furstner. Pathogénie de certaines attaques consulsives. Arch. /. psych.,
XXVIII, fév. 1896.
(2) Bonhoeffer. Cité par Vogt. Groupe clinique des épilepsies. Assemblée
génér. de la Soc. psych. allemande, 1907.
(3) Weber. Statistiques des alccoliques traités à l’asile cantonal des aliénés
deGenève de 1901 à 1906. Thèse de Genève , 1907.
(4) Bucelli.// Policlinico , 1898. Revuc ncurologique t 1898.
(5) Stepanoff. Vralchy 1899. fìevue neurologique , 1900.
^6) L. Marchand. Rapports des convulsions infantiles avec l’épilepsie. Gaz.
des tìóp. t 30 Juillet 1912.
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l’alcoolisme dans la pathogénie de l’épilepsie
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heures une dose massive de boisson alcoolique s'expose à ètre atteint
de crises convulsives. Ces attaques ont été décrites par Delasiauve (1)
au cours de roenomanieaigué,par Magnan (2) dans rabsinthisme aigu
(épilepsie dans TivresseJ.EIles peuvent mème donner à l’ivresse une
forme particulière décrite sous le nom d’ivresse convulsive (Parcy);
elles compliquent souvent le delirium tremens (delirium tremens épi-
leptique). Cliniquement, les accès revètent les mèmes caractères que
l’accès épileptique ordinaire; ils peuvent se reproduire en série. Mais
icile troublecérébralquiluidonne naissance est passager; après élimi-
nation du toxique et Ia disparition des phénomènes cérébraux con-
gestifs,lescrisesne se reproduisent plus. II s’agit donc d’une épilepsie
accidentelle. Dans ce cas, les crises sont comparables aux convulsions
qui surviennent chez certains enfants à la période aiguè d’une mala-
die toxi-infectieuse. La fréquence de ces accidents convulsifs est
encore mal précisée. Delasiauve les considérait comme une compli-
cation commune de l’oenomanie aiguè; Magnan ne les rencontre que
dans l'absinthisme aigu. Elie (3), Drouet (4) admettent qu’ils sont
rares.
Pour expliquer que, parmi les individus qui se mettent en état
d’ivresse, un nombre relativement restreint présentent des crises
convulsives,certains auteurs cachent leurignorance en attribuant un
grand ròle à la prédisposition, à l’aptitude convulsive,etc.Nous avons
observé plusieurs sujets atteints d’ivresse convulsive; il s’agissait
d’individusjeunesqui n’avaient pas de tares héréditaires connues;
a près la disparition de l’état toxique,ils ne présentaientplus de crises
convulsives. Ges jeunes sujets, habituellement sobres, s’étaient eni-
vrés les uns aveg du vin, d’autres avec des liqueurs alcooliques, d’au-
tres avec des liqueurs alcooliques contenant des essences (absinthe,
kummel). On doit admettre que l’élément toxique joue ici un ròle
prédominant, entralne à la fois l’intoxication des centres nerveux
et secondairement des altèrations légères, de nature congestive, qu’en
un mot le terrain constitutionnel ne joue qu’un role secondaire. Le
(1) Delasiauve. D’une forme grave de delirium tremens. Revue mèdicale ,
1852.
(2) Magnan. Epilepsie alcoolique; action spéciale de l’absinthe. Soc. de Biol .,
1« nov. 1869.
(3) Elie. De l’épilepsie alcoolique. Thèse de Paris , 1907.
(4) Drouet. Recherches sur l’épilepsie alcoolique. Ann. méd. psych., 5 e série,
v. V, 1853, p. 80.
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fait que les convulsions surviennent au moment du maximum do
l’intoxication est en faveur de cette opinion.
III. Epilepsie dans Valcoolisme chronique.
Les crises épileptiques qui apparaissent au cours de l’alcoolisme
chroniquepeuventprésenterunepathogéniedifférentejsuivantqu’elles
surviennentaumoment où Tindividu qui absorbechaque jour certaine
quantité d’alcool dépasse sa dose habituelle ou à un moment où rien
ne faisait prévoir un tel accident. Dans le premier ordre de faits, les
accès ont la mème pathogénie que ceux quiapparaissentaucoursde
Tivresse; ils ne se reproduisent que si le sujet exagère ses excès,
qu’à la suite d’alcoolisation aiguè, intense et répétée (Magnus
Huss (1), Magnan, Jollv).
Bien plus graves sont les accès qui surviennent au cours de Talcoo-
lisme chronique, sans cause immédiate apparente. Chez certains
sujets, les accès n’apparaissent qu’au moment où le malade est sevré
de son toxique habituel, au cours d’une cure de désintoxication
(Magnus Huss). Ces accès relèvent de lésions méningo-corticales;
ils pcuvent réapparaítre périodiquement,méme si le sujetnese livre
plus à desexcès.Leslésions cérébrales peuvent laisser après elles des sé-
quellesquideviennent lacausedesaccès. Aplus forte raison, Tépilepsie
deviendra incurable si le sujet continue à s’intoxiquer. Ce sont sur-
tout ces accès que décrivaient Bcnoit de Giromagny (2), Dagonet (3),
Prati (4) et Bratz (5), quand ils dcclaraient que les convulsions épi-
leptiques des alcooliques pouvaient devenir périodiques, incurables
et transmissibles par la voie génèrativc.
Cette épilepsie est une complication assez commune de Talcoo-
Iismechronique.Certainsauteursont comparé les accès à ceux qui se
produisent chez lcs paralytiques gcncraux et les attribuent à une
bouffée congestive du cerveau [Lasègue (6), Souques (7)]. A notre
(1) Magnus Huss. De l’alcoolisme chronique. Ann. méd. psijch 2 e série, v.V',
1853, p. 80.
(2) Benoit de Giromagny. Cité par Legrand du Saulle. Elude médico-légalc
sur les épilcpliques , p. 123.
(3) Dagonei. De l’alcoolLsme. Ann. mcd. pstjch. f 5® série, v. 5, 1873.
(4) L. Pt ATi. Aicoolisme et épilepsic. Ann. de frenia. f 1909.
(5) Bratz. AIcool et ópilepsie. Allj. Zcilsch. /. Psych.. t. LVI, 3 juin 1899.
(0) Lasègue. Sur l’alcoolisme subaigu. Arch. génér. de méd ., 1869.
(7) Souques. Automatisme ambulatoire cliez un dipsomane. Arch. dc neurol
t. II, 1892.
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l’alcoolisme dans la pathogénie de l’épilepsie 5
avis, ce sont plutót les accès isolés, rares, survenant après une augmen-
tation passagère de la dose habituelle du toxique, qui pourraient etre
attribués à la congestion du cerveau. Les crises survenant san s
cause immédiate apparente chez un alcoolique qui, sans s’enivrer,
absorbe joumellement une certaine dose d’alcool, relèvent de lésions
méningo-corticales déterminées par l’intoxication alcoolique.
Lesaccèssedèveloppentrarement dès les premières années de I’in-
toxication, mais généralement vers la période ultime,« en dehors le
plussouvent de toutes causes extérieures,le malade portant déjà en
lui les modifications organiques d’où dépendent ces accidents » [Ma-
gnan et Bouchereau (1)]. Cette épilepsie est donc un symptóme tar-
dif de Falcoolisme chronique.
D’après Drouet(2) et Mainesco (3), Fintoxication chroniquedéter-
minerait une épilepsie alcoolique constitutionnelle; pour d’autres
(Vigouroux et Prince)(4),lescrisesseraient duesà une auto-intoxica-
tion par lésions d’organes tels que le foie,les reins, etc. ;pour d’autres
enfin à des troubles des glandes à secrétion interne. Jauregg (5)
admet qu’il existe dans Torganisme de l’alcooliquè chronique une
toxine alcoologène. Pour expliquer que les spiritueux ne déterminent
des convulsions que dans certains cas, Drouet (6) pense que l’épilep-
sie serait due à des transformations chimiques intraorganiques de
l’alcool spéciales à certains sujets. II nous semble plus simple d’ad-
mettre que l’intoxication alcoolique chronique finit par déterminer
dans le cortex cérébral et dans les méninges des lésions qui sont la
cause de l’épilepsie. Magnan (7) attribue la forme chronique de l’épi-
lepsie des buveurs à des lésions matérielles des centres nerveux.
Stem (8) et Bratz (9) attachent une grande importance à l’artério-
sclérose. La méningite chronique et la sclérose cérébrale diffuse sont
(1) Magnan et Bouchereau. Statistique des alcooliques. Ann. méd. psych.,
5«série,v. VII, 1872, p.52.
(2) Drouet. Loc. cii.
(3) S. Mainesco. Sur les formes constitutionnelles de l’alcoolisme chronique,
surtout sur l’épilepsie constitutionnelle alcoolique.Tàéie de Bucaresl,17 juin 1900.
(4) Vigouroux et Prince. Alcoolisme chronique et Epilepsie. Soc. clin. de
med. menl., janv. 1912, p. 30.
(5) W. v. Jauregg. Cité par Soultzo. L’épilepsie alcoolique constitutionnelle.
Ann. méd. psych., nov.-déc. 1911, p. 383.
(6) Drouet. Loc. cit.
(7) Magnan. Loc. cit.
(8) H. Stbrn.Sut répilepsied’originealcoolique.Af^dico-/e< 7 a/ journal ,juin 1897.
(9) Bratz. Alcool et épilepsie. Allg. Zeilsch. f. Psgchialrie, t. LVI, 3 juin 1899-
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UNivERsrry of michigan
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les lésions que nous avons rencontrées chez nos malades; ellesétaient
fréquemment associées h Tathérome cérébraletàdeslésionsscléreuses
d’autres organes [L. Marchand et G. Petit (1)].
Ainsi les attaques épileptiques peuvent apparaltre au cours de
rintoxication alcoolique et présenter une pathogénie différente puis-
qu'elles peuvent étre déterminées dans certains cas par des lésions
curables, dans d'autres cas par des lésions incurables du cerveau.
IV. Qualilé et quaniilé de ValcooL
Depuis longtemps on. a recherché quels étaient les spiritueux qui
déterminaientdans Torganisme les modifications susceptibles de pro-
duire les convulsions. Deux grands problèmes se posent; Talcooi
est-il plus convulsivant que les essences et vice versa'l
De nombreux auteurs ont cherché à démontrer la toxicité de Fal-
cool par Fexpérimentation sur les animaux. Parmi les principaux, il
y a lieu de citer Camerarius, Fr. Petit, Lussana et Albertoni, et plus
récemment Dujardin-Baumetz et Audigé, Antheaume, Daremberg,
Joffroy et Serveaux, Picault, Tsukamoto, Linossier, Baudran.
Joffroy et' Serveaux, Rocques, Riche, Depaire ont en outre cher-
ché à préciser la toxicité expérimentaledes impuretés contenues dans
l’alcool. De toutes ces recherches, il semble bien établi que dans les
boissons distillées,ralcool éthylique estsurtout l’agent toxique le plus
répandu. Les impuretés (aldéhyde, furfurol, acétone) sont également
toxiques mais agissent surtout dans ralcoolisation chronique : « C’est
commettre une erreur, dit Joffroy (2), que de croire qu’en purifiant
Talcool on diminuera beaucoup les ravages de ralcoolisme. Un point
de vue bien plus important que celui de la qualité, c’est celui de la
quantité, et. lorsqu’on dit que ralcoolisme a fait des progrès considé-
rables depuis que Ton fabrique des alcools d’industrie, cela ne tient
nullement à ce que ces produits sont plus toxiques que les autres,
mais cela tient,et les statistiques le prouvent surabondamment, à ce
que Ton consomme plus d’alcool. » Quant à l’action de ces mémes
produits dans la genèscdes crises convulsives, les expérimentateurs
(1) L. Marchand et G. Petit. Syndrorae paralytique et attaques épilepti-
formes au cours de ralcoolisme chronique, Soc. anal., 24 mai 1912.
(2) Joffroy. LeQons de la clinique Saint-Anne. Aptitude convulsive. Gaz.
hebd . de méd. et de chir ., 1896, p. 1117.
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l'alcoolisme dans la pathogénie de l’épilepsie
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n'arrivent qu’à des résultats tout à fait dissemblables : « Pour expli-
quer la variabilité des réactions motrices dans des expériences iden-
tiques, disent Joffroy et Serveaux(l),onestobligé d'invoquer la dif-
férence des propriétés de Torganisme, différence qui se rattache aux
conditions variables dans lesquelles se sont faits la conception et le
développeinent intra et extra utérins. » Legrain (2) fait également
ressortir que chez Tanimal les expériences sontnógatives à Fégard de
deux alcools les plus répandus (alcool éthylique et alcool amylique)
qui donnent le premier l’ivresse classique, le second l’ivresse coma-
teuse. Chez un chien, intoxiqué pendant près de deux ans par
Talcool éthylique donnè par la voie digestive, M. Toulouse ct moi
n'avons jamais observé de crises d'épilepsie; cependant ccchien pré-
sentait deux fois par jour,après Tabsorption de l’alcool mélangé à ses
aliments, les symptòmes de Tivresse. Ce chien est morl cn état de
mal sans qu’à ce moment il ait pris une dose plus forte d’alcool.
La toxicité des essences a donné lieu de mème à dc nombreux
travaux. Marcé (3),en recherchant le pouvoir convulsif de Tessence
d’absinthe, est arrivé à cette conclusion qu’il fallait plus de quatre
grammes de ce toxique pour déterminer des convulsions épilepti-
formes. Magnan (4) reprit ces expèricnces. Après avoir vainement
intoxiqué par Talcool divers animaux sans pouvoir les rendre épi-
leptiques, il entreprit les mèmes expériences avec l’essence d’ab-
sinthe. Les animaux ainsi traités présentèrent des crises convulsives.
« Je suis certain, dit cet auteur (5), que Palcool, chez l’homme
comme chez les animaux, ne produit pas les mèmes accidents que
Tabsinthe et qu'il est incapable à lui seul de déterminer des attaques
épileptiformes; et je suis certain aussi que, quand les attaques épi-
leptiques surviennent, c’est qu’il v a un agent différent de l’alcool,
et cet agent, je le répète, c’est habituellement Pabsinthe. » M. Magnan
montra ègalement que le furfurol, Paldéhyde salicylique, Tes-
(1) Joffroy et Serveaux. Revue neurologique, 1900, p. 164.
(2) Legrain. Hérédité et Alcoolisme. Doin,éd.,1889,p. 329,et Elémenls de méde -
dne mentaie appiiquée à Vétude du droil. Paris, Rousseau, éd., 1906.
(3) Marcé. Note sur l’action toxique de l’essence d’absinthe. Académie des
Sciences , 1864.
(4) Magnan. De Palcoolisme avec expériences compar^tives sur l’action de
Taleool et de l’absinthe. France médicale , 1870.
— Recherches de physiologie pathoiogique avecl’alcool etl’essenced’absinthe.
Arch. de physiologie normale ei pathologique, mars et mai 1873.
(5) Magnan. Soc. méd. psych., 29 avril 1872.
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sence de noyaux ont un pouvoir convulsivant indéniable. Motet
et Laborde confirment les expériences de Magnan.
Drouet (1) critiqua ces expériences en faisant remarquer qu’en
prenant les chiffres de Magnan, il faudrait administrer 40 grammes
d’essence d’absinthe à un adulte pour provoquer les mèmes attaques
expérimentales qu*on provoque chez un animal de 6 kil. avec
4 grammes d'essence. Jamais aucun buveur n’a absorbé de doses
semblables. L’absinthe, telle qu’elle existe dans le commerce, ne con-
tient,d’après Marcé et Debout,que20grammesd’essence par 100 litres,
Cadéac et Meunier (2), poursuivant des recherches expérimentales
sur la toxicité de l’absinthe, arrivent à des conclusions toutes diffé-
rentes de celles de Magnan. Pour eux, l’essence d’absinthe doit étre
innocentée; l’essenced’anis est la cause principale des accidents. Ils
montrent ensuite que l’on ne peut conclure de l’animal à Thomme qui
est un réactif plus sensible que le chien :«C’est ainsi, disent-ils, qu’un
chien à jeun de 7 kil. doitingérer3grammesd’essenced’hysopepour
prendreunecrised’épilepsiejalorsqu’unjeunehommefortetvigoureux,
d’un poids dix fois plus élevé (70 kil.),est arrivé au méme résultat en
absorbant seulement2grammes de cetteméme substance.» A còté de
l’essence d’absinthe, il existe d’autres essences aussi convulsivantes
qui se retrouvent dans des liqueurs communément absorbées (eau
d’arquebuse, ■vulnéraire, vermouth, kummel, genièvre, etc.). Les
principales sont les essences de sauge, d’hysope, de romarin, de
fenouil, tanaisie, l’essence de carvi.
Ces résultats expérimentaux contradictoires ne peuvent servir à
élucider le ròle que jouent les spiritueux et les essences dans la
production de l’épilepsie chez l’homme. Les opinions de nombreux
auteurs basées sur des faits cliniques sont d’ailleurs aussi contradic-
toires. Magnan (3), en se basant sur des expériences chez les animaux
(1) Drouet. Recherches sur l’épilepsie alcoolique. Ann. méd . psych., 5 e série,
t. XIII, mars 1875.
(2) Càdéac et A. Meunier. Des éléments épileptogènes contenus dans les
liqueurs et les condiments. Congr. annuel de méd. menl., Lyon, 1891, p. 243.
(3) Magnan. Epilepsie alcoolique. Action spéciale de l’absinthejépUepsieabsin-
thique. Soc. de biologie ., l cr nov. 1869.
— Conférences cliniques sur les maladies mentales et nerveuses; alcool et
absinthe; épUepsie absinthique. Gaz. des H6p., 1869, n°» 79,82,85, 100 et 108.
— De l’alcoolisnie avec expériences comparatives sur Taction de l’alcool et
de l’absinthe. La France médicale, 1870.
— Soc. méd. psych ., 29 avrU 1872.
— Congrès de Genève, 1877.
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l’alcoolisme dàns la pathogénie de l’épilepsie
9
et sur ses observations chez rhomme,admet que certaines essences
comme Fabsinthe peuvent créer de toutes pièces l’épilepsie chez les
sujets non prédisposés; Talcool seul ne produit pas de convulsions :
5 Si chez rhomme, dit-il, des attaques d’épilepsie se montrent à la
suite d’abus alcooliques, on peut ètre assuré que l’individu a eu pré-
cédemment à ses excès des attaques d’épilepsie et n’est autre chose
qu’un épileptique ou qu’il est prédisposé à cette névrose et que Tal-
cool a agi comme cause excitante. » L’opinion de Magnan fut admise
parcertains auteursetcombattuepard’autres.Trousseauet Pidoux(l)
considèrent les essences contenues dans les boissons comme la cause
des accidents convulsifs. Billod (2) ne peut admettre que seuls le 1 2 3 4 5 6 7 8
buveurs d’absinthe ont des attaques. Pour Lancereaux (3),«les huiles
et les essences contenues dans les alcools accroissent tout au plus les
propriétés excitantes de ces agents et modifient fort peu leurs expres-
sions symptomatiques et leur pronostic »; il accuse surtout le vin
nouveau, le vin factice, celui qu’on a altéré par Taddition d’alcool,
et. avant tout l’eau-de-vie de grains et de genièvre, de produire l’i-
vresse convulsive. Pour Decaisne (4), c’est surtout l’abus du bitter,
de rabsinthe, du vermouth, de la liqueur de la Grande-Chartreuse,
les vins blancs sophistiqués. D’après Dagonet (5),« on peut observer
des personnes prises d’attaques épileptiformes violentes après avoir
absorbé, méme accidentellement et en assez grande quantité, du vin
blanc par exemple mélé à de l’eau-de-vie, surtout quand cette der-
nière est de mauvaise qualité ». Gauthier (6) admet les idées de Ma-
gnan; d’après lui : « Les convulsions généralisées sont un symp-
tème de rabsinthisme aigu; on ne les observe dans Pabsinthisme
chronique que sous l’influence d’un épisode aigu.
Moeli (7),après avoir établi une statistique sur 420 faitscompre-
nantles indications formelles à Pégard du genre de boisson exclusi-
vement absorbé, trouve que le vin et la bière sont les moins nocifs.
Sur21 sujetsnebuvant que ces liquides, il ne trouve qu’un épilep-
(1) Trousseau et Pidoux. Traité de thérapeutique.
(2) Billod. Soc . méd. psych ., 27 mai 1872.
(3) Lancereaux. Dict. encyct . des Sciences médicales, Art. alcoolismb.
(4) Dbcaisne. Académie de Médecine , 3 juin 1873.
(5) Dagonbt. Ann. méd. psych ., 1873, p. 390.
(6) L. Gauthier. Etude clinique sur Tabsinthisme chronique. Thèse de Paris ,
1882.
(7) Moeli. Une remarque relative à Tépilepsie alcoolique. Neurol. Cenirabl .,
nov. 1885.
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tique. Par contre, il note 3 épileptiques sur 20 buveurs de kummel et
14 épileptiques sur 30 buveurs d’eaux-de-vie saturées de plantes
amères et aromatiques.
Sur sept cas d’épilepsie alcoolique, Legrand du Saulle (1) trouve
comme liquides ingérés 3 fois le vin rouge, 1 fois du vin blanc et
de l’eau-de-vie, 1 fois de Tabsinthe, 2 fois du vin, de la bière, de l’eau-
de-vie, de l’absinthe, du bitter et du vermouth réunis. Guillemin (2)
répète les mémes opinions.
Pour Legrain (3), Weber (4), Maunier (5), l’essence d'absinthe
engendre réellement Tépilepsie.*
Joffrov (6), qui expérimentalement n’était arrivé qu’à des résul-
tats non concluants,rejette les conceptions de Magnan. II montre par
des observations cliniques que le 3 grands buveurs d’absinthe ne
sont pas plus atteints d’épilepsie que ceux qui font abus deliquides
alcooliques ne contenant pas d’absinthe ou d’essences. Drouet (7),
Marandonde Montyel(8)/Levert(9) et Vogt (10) arrivent aux mémes
conclusions.
"í Drouet attacheunegrandeimportanceaudegrédeconcentration de
Talcool qui se transformerait dans le sang en acide carbonique, en
acétates et en oxalates; ces derniers produits seraient la cause de
l’épilepsie.
Ajoutons à ces recherches cliniques les phénomènes produits par
Pintoxication méthylique aigué. Récemment a éclaté à Berlin une
épidémie qui entraína en quelques jours la mort de nombreux sujets;
or, il fut démontré que les accidents devaient ètre attribués à cette
(1) Legrand du Saulle. Etude médico-légale sur les épileptiques. Paris.
(2) Guillemin. Etude sur Pépilepsie alcoolique. Thise de Paris, 1877.
(3) Legrain. Hérédité et alcootisme . Doin, éd., p. 115, 1889.
— Elémenls de médecine menlale appliquée à l'élude du droit . Paris, Rous-
seau, éd., 1906.
(4) Weuer. Statistique des alcooliques traités à l’asiie cantonal des aliénés
de Genève cìe 1901 à 1906. Thèse de doctorat. Genève, 1907.
(5) Maunier. Gonsidérations sur l’absinthisme. Thèse de Montpellier , 1880.
(6) Joffroy. De l’aptitude convulsive. Gaz. hebd. de méd. et de chirur., n° 12,
p. 133 ; 11 fèvrier 1900.
(7) Drouet. Loc. cit.
(8) Marandon de Montyel. Contribution à l'étude médico-légale de Pépilepsie
alcoolique. Ann. d'hyg. publ. el \de midecine légale , 1891.
(9) LEVERT.Attaquesépileptiformes et alcoolisme. La Clinique , 2« année, n° 46,
15 nov. 1907.
(10) Vogt. Groupement clinique de9 épilepsies. Assemblée générale de la soc.
psych. allem., p. 1907.
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l’alcoolisme dans la pathogénie de l’épilepsie
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intoxication; les principaux syraptòmes observés consistaient enune
amblyopie à développement rapide précédée de troubles gastro-
intestinaux; les crises convulsives furent exceptionnelles.
V. Hérédilé .
II faut encore tenir compte,dans le ròle joué par l’intoxication
alcoolique dans la genèse de répilepsie,de l’influence de l’alcoolisme
des parents. On a mème admis que l’hérédité alcoolique avait une
importance aussi grande que Thérédité névropathique.
II est prouvé que l’ivrognerie des parents est souvent une cause
d’épilepsie chez les descendants; les enfants congus après les excès
de boissons et pendant Tivresse sont voués à des tares nombreuses,
entre autres Tépilepsie, quand les parents ont eux-mémes présenté
des convulskras à la suite d’excès alcooliques [Louise Robino-
vitch (1)]. On a mème désigné cette épilepsie du nom d’épilepsie
alcooìique héréditaire. A. Voisin (2),sur 95 malades,en note 12qui
ont des ascendants morts d’alcoolisme chronique ou qui étaient
alcooliques au moment de la conception. Lhote (3),dans sastatis-
tique, attribue 46,25 0 /0 des eas à l’hérédité alcoolique. Doran (4)
rencontreralcoohsmepaterneldansl80/0descas etl’alcoolisme,répi-
lepsie et 1’ aliénation mentale combinés dans38,6 0/0 des cas. Dans l’étio-
logie de l’épilepsie, Bratz (5) et Dursout (6) attribuent une impor-
tance aussi grande à Talcoolisme des ascendants qu’à celui des épi-
leptiques eux-mèmes. Morel (7) pense qu’il est possible de relier à
Talcoolisme des parents l’état d’épilepsie des enfants et Lance-
reaux (1) le signale comme très fréquent chez lcs descendants
d’absinthiques.
(1) Loutee Robinovitch. La genèsedeTépilepsieconsidérée au point de vue cli-
nique. Extrait du Journal de pathologie m> nlale, 1910.
(2) Voisin. Loc. cit.
(3) Lhote. Loc. cii.
(4) R.-E. DoEAN.Etudc sur les facteurs héréditaires dans Tépilepsie. The Ame -
rican Journ. of Insaniiy , t. LX , n° 1 , p. 61, l er juillet 1903.
(5) Bratz. Gontribution à Tétiologie de Tépilepsie. NeuroL Cenirabl ., n° 22,
16nov. 1908.
(6) Dursout. Observations sur la descendance des oìoooliques.Ann.méd.psych.,
7* série, v. IV, 1886, p.379.
(7) Morel. Trailé des dégénérescences humaines .
(8) Lancereaux. Congr. intem. pour Tétude des questions relatives à l’alcoo-
Usme, 1878.
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UNivERsrry of michigan
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Voici quelques statistiques concluantes. Martin (1) réunit 60 fa-
milles d’alcooliques; il trouve 301 enfants dont 132 meurent en bas
àge; parmi les 169 qui survivent, il relève 60 épileptiques et 48sujets
qui ont été atteints de convulsions de Tenfance. Demme (2) a suivi
^esenfants de 10 familles de buveurs sans tares cérébrales et ceux de
10 familles de gens sobres. Sur 57 enfants formant le premier groupe,
11 a observé5épileptiques;surles6l enfants formant le second groupe,
il n’a relevé aucun épileptique. De mème, Darin (3) a relevé les tares
présentées par les enfants de 12 familles de buveurs et celles des en
^ants de 12 familles de tempérants. Sur 57 enfants issus d'alcooliques,
il a relevé 5 épileptiques ; sur 61 enfants issus de générateurs sobres,
aucun n'était atteint de cette affection.
Ball et Régis (4), sur les2.054 individus composant les familles de
100 alcooliques, trouvent 8 épileptiques et 85 enfants morts de convul-
sions. Grenier (5) insiste également sur la fréquence des convulsions
chez les descendants d’alcooliques.
Echeverria (6), sur un nombre de 476 enfants, formant la descen-
dance de 68 hommes alcooliques et de 47 femmes alcooliques, trouve
96 épileptiques et 107 enfants morts de convulsions. II donne les
moyennes ci-joint les suivant chacune des tares présentées par les
épileptiques :
39,33 0 /0 ont une hérédité chargée.
17,30 0/0 ont des parents alcooliques.
17,48 0/0 ont des parents alcooliques et épileptiques ou
aliénés.
4,54 0/0 ont des parents atteints d’épilepsie seule ou d’alié-
nation.
Legrain (7), sur 761 descendants de buveurs, a trouvé 131 épilepti-
ques. II rapporte à ce sujet de nombreuses observationsmontrantTin-
(1) H. Martin. De ralcoolisme des parents considéré comme caused’épilep-
sie chez leurs descendants. Ann. méd. psych , 6« série, v. I, 1879, p. 48.
(2) Demme. Ueber den Einfluss des Alkohols und den organismen des Kindes,
Stuttgart, 1891.
(3) Darin. Rapports de l’alcoolisme et de la folie. Thèse de Paris, 1896, p. 47.
(4) Ball et Régis. Loc. cit.
(5) Grenier. Descendance des alcooliques. Thèse de Paris , 1887.
(6) Echeverria. De Tépilepsie alcoolique.T/ie Journ. of ment. sc.journ., 1881.
(7) Lgrain. Hérédité et atcoolisme , Doin. éd., 1889, p. 342. — Dégénères -
cence sociale alcoolisme 1888.
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l’alcoolisme dans la pathogénie de l’ĺpilepsie
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fluencedecette hérédité spéciale et résume ainsison action: ascendants
alcooliques, descendants convulsivants. II fait remarqueren outreque
lesbuveurs engendrent des épileptiquescommeils engendrent des bu-
veurs. Chez certains de ces descendants d'alcooliques, ralcoolisme
viendra encore favoriser Téclosion de Tépilepsie. Les observations
de Féré (1) confirment Timportance de l’ivrognerie dans l’hérédité
dumal comitial.Sur 1.024 ascendants d’épileptiqueSjil trouve 134fois
ralcoolisme du còté de la ligne paternelle et 114 fois du còté dela
ligne maternelle.
Maintenant il est à remarquer que si Tun des procréateurs est
épileptique ou méme simplement aliéné, l’autre étant alcoolique,
cette double influence héréditaire détermine avec une fréquence
remarquable soit l’aliénation, soit Tépilepsie chez les descendants.
Darin (2)rapporte à ce propos des observations caractéristiques.
Conclusions.
En résumé,rintoxication éthylique,comme I’intoxication par Tab-
5 inthe,peut déterminer des accès épileptiques.Pour expliquer pour-
quoi certains sujets et non tous les sujets présentent des accès épilep-
tiques, la plupart des auteurs font intervenir la prédisposition indi-
viduelle. On a mème cherché à préciser le ròle joué par la prédisposi-
tion en invoquant l’àge auquel apparalt Tépilepsie. Chez les prédis-
posés,I’épilepsie alcoolique apparaltrait avant la 20 e année, peu de
temps après le début des excès alcooliques (Vogt). L’épilepsie qui
serait due exclusivement à Talcoolisme chronique n’apparaltrait
qu’à un certain áge, vers 40 ans, d’après Bratz, entre 35 et 40 ans,
d après Soultzo, ou méme beaucoup plus tard, entre 45 et 55 ans
(Drouet).
Nous avons déjà dit que le terme prédisposition n’expliquc rien;
dire d’un sujet qu’il a une aptitude convulsive ou spasmophilie parce
qu’il présente des crises épileptiques est une manière simpliste de
cachernotreignorance.D’ailleurs il n’est pas démontré que Tintoxica-
tion alcoolique fait naltre les crises seulement chez les prédisposés;
il n’est pas rare de rencontrer des sujets qui de par leur hérédité et
leurs antécédents semblent remplir toutes les conditions d’une pré-
(1) Féré. Loc . cil., p. 242.
[(2) Darin. Thèse de Paris, 1896, p. 50.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
disposition marquée et qui ne présentent aucun phénomène convulsif
sous l’influence de leurs excès alcooliques.
Dans les crises convulsives qui surviennent au cours de Tivresse,
il y a lieu de tenir compte des liquides ingérés, de leur quantité, de
leur qualité, de Tétat des reins et du foie du sujet, de la disposition
du moment. Le ròle joué par la prédisposition se trouve très réduit.
Dans l'alcoolisme subaigu et Falcoolisme chronique,les lésions córé-
brales acquises du fait mème de rintoxication jouent un ròle plus
important que la prédisposition individuelle qui reste toujours très
difficile à apprécier.
L’intoxication alcoolique aiguè, comme les infections aiguès. déter-
mine des altérations passagères du cortex cérébral qui se traduisent
par des accès convulsifs passagers; rintoxication alcoolique chro-
nique crée des lésions de méningite chronique avec sclérose cérébrale
superficielle diffuse qui sont la cause des accès épileptiques; ceux-ci
pourront se reproduire dans la suite mème si le malade cesse tout
excès.
Quant à ralcoolisme des parents, il est prouvé qu’il prédispose
les enfants à des tares nombreuses dont la principale est l’épilepsie.
Le cerveau de ces sujets, organe de moindre résistance, s’altère dès
que la plus légère infection ou intoxication frappe Torganisme.
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REVUE ANALYTIQUE
SUR
LA MALADIE D’ALZHEIMER
(DÉMENGE PRÉSÉNILE)
Par René Bessière,
Inlerne à l'Asile Clinique.
En 1906, Alzheimer publiait une observation avec autopsie, où
il décrivait chez une femme de 51 ans ayant présenté divers troubles
mentaux assez comparables à ceux que l’on observedans la démence
sénile, une lésion bien spéciale de l’écorce cérébrale. « La méthode
de coloration de Bielschowsky, écrivait-il, décèle à l’intérieur de
cellules paraissant d'autre part normales, Tépaississement d'une où
de plusieurs fibrilles finissant par se réuniren épais trousseaux, qui
gagnent graduellement la surfacede Télément cellulaire. Finalement
la cellule et son noyau se désagrègent et il reste tout simplement un
trousseau formant pelote (corbeille) qui marque Tendroit où exis-
taient jadisles cellules. Ces fibrilles se colorent par d’autres matières
colorantes commedesneuro-fibrilles normales... Lamoitié des cellules
de Técorce présentent ces altérations. » Deplus,ou constaste la pré-
sencecde petitsfoyers miliaires disséminés dans l’écorce ». Ces petits
loyers seraient produits « par le dépot dans l’écorce d’une substance
spéciale, très réfractaire aux agents colorants ».
Depuis ce travail initial d’Alzheimer, ún certainnombred’observa-
tions analogues ont été publiées par Bonfiglio, Sarteschi, Perusini,
Barret, Bielschowsky, Lafora, Fuller, Betts, Schnitzler, Jansens (1).
Une nouvelle observation a été rapportée récemment par Solo-
mon C. Fuller, dans : « The Journal of nervous and mental Disease »
(juillet-aoút 1912).
(1) Nous donnons à la fìn de Tarticle Ies indications bibliographiques de ces
différents travaux.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
Elle peut se résumer ainsi :
Un homme de 56 ans présente, depuis deux ans, des troubles psychi-
ques caractérisés par des défaillances de la mémoire, des troubles de la
parole de caractère sensoriel, des périodes transitoires de confusion,
un affaiblissement intellectuel progressif, de Tapraxie idéatoire, du
gatisme. Pendant un séjour de douze jours à Thòpital, la somnolence
alternait avec des périodes de délire actif; excitation, troubles de
la parole. La mort survint par broncho-pneumonie, avec convulsions
cloniques des muscles des épaules, et perte de connaissance. Les
réactionsde Wassermannet deNoguchi ne furent paspratiquées,mais
l’examen anatomique ultérieur ne permit pas depenserà la possibilité
d'une affection syphilitique.
A l’autopsie, on constasta une atrophie régionale du cerveau (fron-
tales droite et gauche, temporale gauche) et rartério-sclérose des gros
vaisseaux.
Microscopiquement,onnota: proliférationvasculaire,lésionsdepro-
lifération et d'atrophie de l’enveloppe des vaisseaux sans infiltration,
altération corticale, atrophie et riche pigmentation des cellules, pré-
sence de la dégénérescence d’Alzheimer dans beaucoup de cellules,
gliose cellulaire (petits éléments) et fibrillaire (fibres de petit calibre).
On observa aussi de nombreuses plaques miliaires dans toute l’éten-
due du cortex, dans les ganglions de la base, dans le pédoncule
et la moelle; dégénérescence d’Alzheimer également très marquée.
Pas de lésions de syphilis cérébrale, ni de paralysie générale.
A propos de cette observation, Fuller reproduit les 14 cas qui ont
été publiés par les auteurs que nous citions plus haut et s’efforce
d*en faire une synthèse clinique et anatomique.
Symptomatologie. A Texception d’un cas où les premiers symp-
tòmes se montrèrent à 37ans, c’est vers l’àge moyen de la vie que débute
la maladie d’Alzheimer. Les troubles de la mémoire, surtout de la
mémoire de fixation, sont les premiers en date. Leurs progrès sont
tantòt lents, tantót relativement rapides, mais le résultat final est
un état de démence marquée. En règle gènérale, au coursde Taffec-
tion, on observe des symptómes ophasiqucs : — Amnésie verbale,
paraphasie occasionnelle et jargonaphasie, affaiblissement de l’apti-
tude à comprendre le langage parlé, troubles de récriture, persévé-
ration verbale et littérale — de Yapraxie idéaloire , de Yagnosie. Ges
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LA MALADIE d’ALZHEIMER
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troubles sont d’intensité variable, mais n’atteignent jamais lagravité
des aphasies et des apraxies symptomatiques des grosses lésions céré-
brales en foyer.
Dans la majorité des cas, il existe de la confusionmentaleavec léger
délire, du relàchement des sphinctersrectalet vésical sans paralysie
desmembres, une bonneconservation delaforce musculaire. Activité
motrice considérable. Turbulence.
Les hallucinations auditives et visuelles provoquant des idées
délirantes, la désorientation dans le temps et Tespace, sont au pre-
mier plan chez quelques malades.
Les troubles des voies motrices de projection sont rares ou absents;
s’ils existent tant soit peu, ils n’apparaissent que tardivement, et
mème alors, ils sont transitoires. Dans quelques cas, les troubles
moteurs existaient comme un reliquat de convulsions épileptiformes.
On n’a pas observé de convulsions avec perte de connaissance, sauf
ilapériode terminale(attaquesépileptiformes,secoussesmusculaires).
II íaut encore signaler deux observations où Ton nota de la démence
apathique; deux autres malades présentaient une altération de la
peau rappelant le myxcedème.
Sauf dans un cas, l’anamnèse ne démontra pas l’infection syphili-
tique. Quant à l’alcoolisme, il ne semble pas avoir joué de ròle dans
la genèse de la maladie ;en tous cas, son ròle reste minime.
Anatomie pathologique.
a) Macroscopique.
L’atrophie cérébrale est notée dans 9 cas. C’est uneatrophie géné-
ralisée (3 cas) avec prédominance sur certains lobes (6 cas).
Dans2 cas,on notaitune artériosclerose cérébrale trèsappréciable,
particulièrement des gros vaisseauxdela base; l’artério-sclérose était
légère, chez deux sujets. Dans les autres cas, lesplus nombreux, elle
n’existait pas.
II ríy a pas de grosses lésions en joyer , sauf dans une observation
où l’on trouva un vieux kyste du corps calleux, un ramollissement
de la moelle cervicale avec atrophie du faisceau pyramidal gauche
et un foyer méningo-myélitique dans la région lombaire.
La pie-mère était épaissie dans 10 cas.
2
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REVUE DE PSYCHIATRIE
b) Microscopique.
Dans tous les cas sauf un, Texamen microscopique révéla la pré-
sence d’un grand nombredeplaques miliaires. Dansuneobservation,
elles existaient enénorme proportion. Ces plaques sontd’assezgrande
dimension, et englobent parfois une ou plusieurs couches corticales.
Les altérations particulières en pelote, en corbeille (basket-like)
décrites par Alzheimer et dues à l’épaississement des fibrilles intra-
cellulaires ramassées en masse embrouillée, en trousseaux, ont été
observées dans tous les cas sauf un.
De plus, dans certaines observations, on note la destruction et Ia
complète disparition des corps cellulaires, et la présence d’un riche
contenu lipoíde dans Iescellules nerveuseset névrogliques.Onobserve
généralement des phénomènes de prolifération et d’atrophie de la
névroglie et des vaisseaux corticaux. Dans un cas, les petits vais-
seaux de la come d’Ammon étaient calcifiés; dans un autre, ces
altérations calcaires siégeaient dans l’écorce.
Les phénomènes d’infiltration sont notés dans tous les cas sauf un
où il n’y avait qu’une infiltration modérée de lymphocytes dans les
vaisseaux corticaux et la pie-mère. Dans cette mème observation
existait une prolifération de l’endothélium, symptomatique d’une
endartérite syphilitique et de l’infiltration du plasma cellulaire.
En résumé, les plaques miliaires et les cellules en corbeille (dégé-
nérescence d’Alzheimer) seraient les lésions caractéristiques de
cette entité morbide.
Quelles sont la signification, forigine, la valeur de ces lésions?
Les avis sont partagés.
Pour Alzheimer , les cellules en corbeille seraient le résultat d’une
transformation chimique de la substance fibrillaire qui doit ètre la
cause pour laquelle les fibrilles survivent à la mort de la cellule. Cette
transformation doit graduellement succéder au dépót,dans la cellule
nerveuse, d’un produit du métabolisme encore inconnu. Biels -
càoajs/i:í/,seraitprétàacceptercettehypothèse;cependantilaremarqué
que ces neuro-fibrilles ne ressemblaient pas tout à fait aux neuro-
fibrilles normales et il considère plus volontiers ces éléments comme
des éléments complètement étrangers. Fischer a observé aussi cette
lésion spéciale et pense qu’il s’agit d’une prolifération fibreuse des
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LA MALADIE D ALZHEIMER
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neuro-fibrilles. II ne considère pas d’ailleurs ces lésions commecarac-
téristiques de la maladie d*Alzheimer, mais les rattache à la Presbyo-
phrénie.
Quant aux plaques miliaires, Alzheimer lescroit produites, avons-
nous dit, par le dépòt d’une substance spéciale très réfractaire aux
agents colorants. On pourrait croire qu'il s’agit d’une lésion artério-
scléreuse. Mais * l’artério-sclérose, écrit Fuller, n'est pour rien dans
la formation de ces plaques, car ellespeuvent faire défaut dans des cer-
veauxprésentant au plus haut degré des lésions artério-scléreuses qui
s’étaient traduites cliniquement par de la démence artério-sclérotique
etpost-apoplectique. Deplus,dans tous les cas demaladie d’Alzheimer
que l’on a rapportés, sauf un, on a trouvé des plaques en grande
quantité, mais rartério-sclérose n’était appréciable que dans 2 cas.»
La présence simultanée de plaques et de cellules en corbeille
serait-elle pathognomonique ? On Pa pensé quelque temps, mais
des cerveaux où Pon a constaté cette association d’une faqon mani-
feste, appartenaient à des déments séniles typiques.Bien plus,Fuller
a observé^ cette association dans le cerveau d’un homme mort à
80 ans, sans avoir jamais présenté de troubles mentaux !
Avant de considérer la maladie d’Alzheimer comme une entité
morbide bien définie, de nouvelles recherches nous semblent donc
nécessaires.
BEBUOGRAPHIE
i
Alzheimeh. — Ueber eigenartige Erkrangung der Hirnrinde. Allg.
Zeiisch . /. Psych., Bd LXIV, 1906, p. 146.
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Psychol. Assoc.y vol. XVII, 1910, p. 393.
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Insanity , vol. LXVIII, 1911, p. 43.
Bielschowsky. — Zur Kenntnis der Alzheimerschen Krankheit
(Práesenilen Demenz mit Herdsymptomen). Journ. Psych. u. Neu-
rol.y Bd XVIII, 1911, p. 273.
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Original frn-m
UNIVERSrn' OF MICHIGAN
20
REVUE DE PSYGHIATRIE
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Psgch.y Bd III, 1910, p. 371.
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Proceedings Am. Medico-Psycho. Assoc. Vol. XVIII, 1911.
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Jansens. — Ein Fall der Alzheimerschen Krankheit. Casuistisclier
Beitrag. Psych. u. Neurol. Bladen , n 08 4 et 5, juillet-octobre 1911.
Lafora. — Beitrag zur Kenntnis der Alzheimerschen Krankheit oder
pràsenilen Demenz mit Herdsymptomen. Zeiisch. f. d. gesamlc
Neurol. u. Psych. Bd VI, 1911, p. 15.
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Bd III, 1909, p. 297.
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sperimeniale di Frenatria. Vol. XXXV, 1909, p. 464.
Schnitzler. — Zur Abgrenzung der sog. Alzheimerschen Krankheit.
Zeiisch. f. d. gesamte Neurol. u. Psych. Bd VII, 1911, p. 34.
Simchonicz. — Histologische Studien úber die Senile Demenz. Nissls
und Alzheimers Arbciten. Bd IV, 1910, p. 365.
Gck igle
Qriginal fro-m
UNIVERSSTY OF MICHIGAN
L’IDÉALISME PÁSSIONNÉ
GHEZ HENRY BEYLE (STENDHAL)
Par MM.
A. Pasturel, et G. Carras,
Médecin Ancien lnìerne
de VAsile d'Aliénés de Toulouse.
Dans son livre récent(l), Maurice Dide a isoléungroupepsychia-
trique nouveau basé sur les interprétations passionnées qui, dans ses
formes les plus accentuées, avait déjà été distingué du délire d’inter-
prétation par Sérieux et Capgras, mais qui, dans ses modalités
les plus légères, constitue une simple anomalie de caractère et se
trouve non seulement compatible avec la vie en liberté, mais peut
méme ètre la source d’oeuvres artistiques fort belles. Tous les inter-
médiaires sont possibles entres ces formes légères et la psychose de
revendication.
N'empèche que les caractères psychologiques généraux de ces
psychoses liées à des interprétations passionnées ont été si nette-
ment mis en évidence par Paliéniste toulousain, qu'il faut bien les
reconnaltre et les signaler partout où ils se trouvent. Ce sont: Pexa-
gérationde la personnalité qui, souvent, se traduit par des manifes-
tations puériles, les tendances migratrices, Pinstabilité, les anomalies
de la sphère génitale, allant du platonisme exclusif au sadisme.
Les tendances esthétiques de ces ètres d’exception sont très hautes,
si bien qu’ils abandonnent le contact de la vie normale, pour se
perdre dans des spéculations dont Pintérèt n’est jamais que litté-
raire.
II ne faut pas s’étonner de trouver un certain nombre de génies
littéraires parmi ces anormaux; il suffit pour cela que Pexpression
verbale et le substratum intellectuel permettent la mise en oeuvre des
(1) Les Idéalisles passionnés t 1 vol. de la bibliothèque de Philosophie Con-
temporaine. Chez Alcan, 1913.
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22
REVUE DE PSYCHIATRIE
abstractions de ])eauté, d’amour, ou de justice, que leur affectivité
débordante exclusive leur fait souhaiter.
II serait intéressant de poursuivre Tétude que nous esquissons à
propos de Stendhal et il est probable qu’elle fournirait des résultats
positifs.
On trouvera dans « Les Idéalisles Passionnés » tous les docu-
ments utiles sur I’Idéalisme amoureux de Stendhal, et nous pos-
sédons de fortes présomptions pour croire que cet auteur célèbre
a publié dans son livre sur Tamour, son auto-observation,ou tout au
moins s’est surtout servi de documents personnels pour Técrire. Nous
trouverons dans rhistoire de sa vie des indications typi({ue>.
Son instabilité se traduit par la multiplicité de ses situa tions sociales:
il étudie les mathématiques à Técole centrale de Grenoble, tout en
s’adonnant à la littérature. II arrive à Paris à 17 ans, le 16 novembrc
1799. II fait bientót partie de l’état-major civil et se rend en Italie,
puis prend du service actif et devient, pendantles guerres d’Italie,
aide de camp du général Michaud; visite Milan, Bergame, Lodi,
Brescia, donne sa démission en 1802, devient commis d’épicerie à
Marseille, puis Commissaire des guerres en 1807, auditeur au Conseil
d’Etat en 1810, Inspecteur du mobilier de la Commune en 1812, puis
reprend du 9ervice actif dans l’armée pendant la campagne de Russie.
II recommence en 1814 ses pérégrinations à traversritalie,d’où il est
expulsé en 1821 comme suspect de carbonarisme. II sembleà la fln de
sa vie avoir été moins migrateur. En 1830, il est nommé consul à
Trieste et meurt en 1842 consul de Civita-Vecchia.
S’il est protéiforme dans ses situations sociales, il ne l’est pas moins
dans les noms successifs qu’il met au bas de ses écrits. Sans compter
celui de Stendhal qui est célèbre, on peut citer entre autres ceux
de Chapelain, Ch. de Saupiquet, marquis de Cursay, comte de
Chadevelle, baron Raisinet, etc., etc. Le souci des titres de
noblesse semble assez évident.
Son besoin de l’originalité éclateà chaque instant et Deschanel à
pu dire de lui:« Beyle était un écrivain original, quoique ayanl voulu
Vèlre . »
Son extrème susceptibilité était proverbialc.
Toutes ces bizarreries, qui sont attestées par ses amis les plus sùrs,
notamment par Mérimée, n’enlèvent rien à la valeur d’un écri-
vain auquel nous avons rendu justice, mais complètent le tableau
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l’idéalisme passionné chez henry beyle (stendhal) 23
de sa psychologie amoureuse. Pour lui, le beau n'existait pas en
dehors de la passion et ce fut, selon M. Cuvilleh Fleury, un cher-
cheur d’émotions à tout prix.
L’idéalisme de l'amour est au fond de tous les hommes et, comme
le dit Pascal : <c Nous naissons avec un caractère d'amour dans nos
e cceurs qui se développe à mesure que Tesprit se perfectionne et qui
g nous porte à aimer ce qui nous paraít beau, sans que l’on nous ait
e jamais dit ce que c’est. »
Cette formule non différenciée, qui est un peu celle de tous les
enfants quivontdevenir adolescents, survit parfois sous la forme d’un
sntimentalisme un peu naìf, mais ne prend un caractère passionnel
et exclusif que chez des hommes un peu anormaux. C’est à ce titre
que les étrangetés d’Henry Beyle méritaient d’ètre citées.
II n’est d’ailleurs pas certain que la conception littéraire de
l’amour de Beyle fút réalisée en fait: il est tout au moins probable
que sa vie amoureuse fut, comme sa vie sociale, extrèmement poly-
morphe. C’est là sans doute que nous devons chercher la raison de
Fabsence de toute indication sur l’avenir de la systématisation
affective.
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CORRESPONDANCE
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A PROPOS DES INTERNEMENTS DITS ABUSIFS
Nous avons regu de M. Roger Mignot, médecin en chef de la
Maison Nationale de Gharenton, la lettre suivante que nous nous
empressons d’insérer.
Monsieur le Docteur Juquelier, médecin en chef des asiles
de la Seine.
Charenton, 25 décembre 1912.
Monsieur le Secrétaire de la Rédaction et chcr Collègue,
Permettez à l’ancien chef du D r Frantz Adam, à celui qui a été
l’inspirateur de sa thèse, de prendre part à la discussion que son travail
a soulevée. Après la lettre du Professeur Jean Lépine, les lecteurs de
la Revue de Psychiatrie pourraient se méprendre sur l’idée directrice
qui a présidé à la rédaction de cette thèse; aussi je voudrais, à mon
tour, en présenter les données essentielles.
Avec de nombreux aliénistes, le D r Adam a été frappé du nombre
toujours croissant de vieillards, affaiblis intellectuellement, internés
dans les asiles d’aliénés. La plupart de ces sénilcs pourraient ètre
soignés chez eux et le seraient effectivement, si les conditions sociales
actuelles d’existence et, il faut bien le dire, si la dissolution du senti-
ment de famille, n’avaient déterminé leurs proches à les hospitaliser.
La place de ces vieillards est-elle à l’asile d’aliénés? est-il légitime
de les interner à la faveur des troubles intellectuels que tous les séniles
présentent, à des degrés divers? Le D r Adam ne le croit pas, je par-
tage son avis et nous avons la bonne fortune d’ètre d’accord sur ce
point avec l’autorité supérieure. Souffrez, mon cher collègue, que je
reproduise Ie passage suivant d’une circulaire du ministre de l’Inté-
rieur, en date du 10 novembre 1906.
« D’autres qui devraient sortir et que prochainement il n’y aura
plus aucun prétexte pour maintenir dans les asiles d’aliénés, sont les
vieillards, hommes et femmes, dont l’activité intellectuelle est très
affaiblie, qui ne sont point à proprement parler des aliénés, dont
l’état ne réclame pas de soins médicaux particuliers, et dont la place
est à l’hospice au milieu de vieillards indigents et inoffensifs comme
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CORRESPONDANCL
25
eux. Laisser ces malheureux dans un asile, souvent au milieu d’agités
et sous un régime spécial, serait manquer de respect à la vieillesse
indigente, c’est-à-dire déserter l’un des devoirs les plus sacrés de
rhumanité, et constituerait, en mème temps, une violation certaine
de l’esprit et de la lettre de la loi du 14 juillet 1905, sur l’assistance
obligatoire aux vieillards iníirmes et incurables. » Signé : Clemenceau.
Une grande partie de la thèse du D r Adam n’est qu’un commentaire
de cette circulaire administrative, avec des observations ciiniques
à l’appui. Je ne pense pas qu’on puisse soutenir que ces vieillards
aientbesoin de traitements spéciaux, assurés par desmédecins spécia-
lisés en médecine mentale. A défaut de leurs enfants, indigents ou
oublieux, Je personnel médical des hospices est aussi bien préparé
que les psychiàtres à leur donner les soins et la surveillance nécessaires.
Avec les vieillards, le D r Adam veut éliminer de l’asile d’aliénés
ordinaire certaines catégories d’épilcptiques, d’alcooliques, d’idiots
et de crétins.N’émet-il pas là aussi une idée conforme aux conceptions
les plus modernes de l’assistance des aliénés? Ne demandons-nous pas
tous qu’on éloigne de nos asiles encombrés, tous ces sujets qui n’y
peuvent trouver, dans l’état actuel, les méthodes et les moyens
d’assistance que réclame leur état? Par suite d’une colncidence, au
recto de la lettre du Professeur Jean Lépine, la Revue de Psyrhialrie
ne reproduit-elle pas une circulaire de M. Steeg, qui institue une
enquète concernant ces asiles spéciaux, reconnus nécessaires par le
projet de loi Dubief?
Le D r Adam considère, enfin, comme abusivement intemés dans
les asiles les malades délirants au cours d’affections passagères ou
terminales et il réclame pour eux la création de services particuliers
dans les hópitaux.
Je m’abuse peut-ètre, mais n’est-ce pas là l’idée qui a valu tant de
critiques à cette thèse et dont quelques-unes, le Professeur Jean
Lépine m’excusera, sont, à mon avis, excessive3. : le D r Adam n’a
jamais écrit que ces délirants ne pouvaient trouver dans les asiles
des soins médicaux éclairés; et, je ne vois pas comment le maintien
de ces malades à l’hópital jetterait un discrédit sur le corps des alié-
nistes.
Le Professeur Jean Lépine déclare que la psychiatrie ne peut
gagner à étre exercée par des médecins d’hòpital; mais est-ce que
l’hòpital ne gagnerait pas à compter un psychiàtre parmi ses médecins,
à còté du chirurgien, de l’accoucheur, de l’oculiste, etc.?
L’existence d’asiles médicalement organisés n’est pas incompatible
avec l’installation de services de délirants dans les hòpitaux; ces deux
modes d’assistance des aliénés se complètent, en répondant à des
besoins différents. II n’est pas négligeable d’interner à l’asile un
simple fébricitant puisque, dans l’état actuel des préjugés, cette
mesure a comme conséquence sa déchéance sociale : Ces jours-ci
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REVUE DE PSYCHIATRIE
mème, faute de Toutillage et du personnel nécessaires, radministra-
tion d’un hòpital a dù placer dans mon service un fonctionnaire, de
retour des colonies, et atteint d’un accès confusionnel, avec agitation,
d’origine infectieuse. En une semaine la guérison fut complète, mais
l’avenir de mon malade n’en est pas moins désormais compromis
à cause de son séjour à Charenton.
Le D r Adam déclarerait abusif cet internement; je n'hésite pas,
quant à moi, à le qualiíier de déplorable, tout en sachant que les
institutions, et non les personnes, sont responsables de ce placement.
Dans l’état actuel des choses, il vaut mieux que le malade en question
ait été soigné et guéri à Charenton que d’avoir été, faute d’une orga-
nisation convenable à l’hòpital, camisolé jusqu’à épuisement, comme
tant d’autres. Mais le jour où les desiderata exprimés par le D r Adam
seront réalisés, de pareils délirants trouveront à l’hòpital le psychiátre
et les installations nécessaires à leur cure; leur affcction passagère
échappera ainsi à la malignité publique et ils ne traineront pas toute
leur vie cette tare qui, à tort ou à raison, s’attache à ceux dontla
maladie a subi le visa administratif.
Veuillez agréer, etc...
Roger-M ignot.
L’intervention du D r Roger Mignot est troplégitimepourque nous
puissions hésiter à la soumettre aux lecteurs de la fíevue de Psychia -
Irie. Je me plais tout d’abord à lui affirmer que la thèse inspirée
par IuiàM. Frantz Adam a été discutée parce qu’elle méritede Tètre:
ni le professeur Jean Lépine, ni moi, n’avons hésité à le dire; et
nous ne nous méprenons ni Tun ni l’autre sur l’excellente intention
de Pauteur.
Ce point étant bien établi, je ne suis pas convaincu que les argu-
ments présentés par M.Mignot soient de nature à clorela discussion.
En fait de vieillards, je n'ai guère vu jusqu’ici à Vasile public que
des déments agités et turbulents. A Padmission de PAsile clinique,
j’ai souvent maintenu Pinternement de certains de cesmalades, éga-
rés dans la rue, placés d’officejdifficilesà surveiller et dangereux par
leur activité inconsciente, contre le désir de leurs enfants; j’ai la con-
viction que le rédacteurde la circulaire ministérielle de 1906 aurait
été moins catégorique après avoir fait à Pasile quelques visites de
nuil dans les quartiers de déments.
En acceptant donc la signification donnée parM. Adam au tcrme
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CORRESPONDÀNCE
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d’mternement abusif, je ne pense pas que les cas d'internement
abusif des vieillards à Tasile public aient la fréquence relative que
semblent indiquer M. Mignot et M. Adam.
En ce qui conceme les malades aigus, c’est toujoursaprèsla guéri-
son qu’on juge l’espèce; et Ton dit alors : « Si l’on avait su... ». Mais
si l'on avait prévu et si l’on avait évité l’asile, que serait-iladvenu? Le
malade, queM. Mignotaguérienhuitjours,aurait-ilguériailleurs qu’à
Saint-Maurice, où ses réactions ne surprenaient et ne gènaient per-
sonne; et n’appelaient aucune dangereuse contrainte? « II fau-
drait des services spéciaux », répliquera-t-on. Eh bien, pour ces
services spéciaux, le « régime spécial » condamné par la circulaire
de 1906 sera vite néce6saire, et le visa administratif, dont on redoute
les conséquences pour l’avenir des malades, ne sera pas supprimé
parce qu’ii aura revètu dans certains cas un caractère provisoire.
Partant, avec leP 1 Jean Lépine, je crois qu’à cause des réactions des
malades,lesservicesspéciaux seront d’habitude plus faciles à organi-
ser à l’asile qu’à l’hòpital ( ce qui ne veul pas dire qu'on ne fera pas
parfois à Vhopilal d'excellente besogne).
Enfin, je reconnais l’importance de l’argument tirè du préjugé
contre l’asile (je lui faisais d’ailleurs ily a bientót dlx ans plus de
concessions qu’aujourd’hui); et je suis loin de soutenir qu’en pré-
sence d’un psychopathe le certificat d’intemement doit, chez le pra-
ticien appelé, se déclancher comme un réflexe. Mais en prèsentant
à nos confrères, déjà trop circonspects, l’intemement abusif comme
relativement fréquent, sans spécifier s’il en est ainsi dans tous les
milieux, MM. Mignot et Adam les feront peut-étre hésiter dans des
cas où l’hésitation sera désastreuse; et c’est une autre raison d’appor-
ter une restriction à leur thèse.
P. Juquelier.
A propos de « La Tanatophilie chez les Habsbourg ». —
La * tanatophilie » de Jeanne la Folle, dont nous parle Paul Mersey
dans son étude,a une forme spéciale, elle est ambulaloire . La reine se
charge de conduire elle-mème le corps de Philippe le Beau aux caveaux
de la Chapeile Royale de Grenade : elle surveille jalousement le cer-
cueil et à chaque étape le fait ouvrir pour s’assurer de l’identité du
cadavre qu’il renferme. Cette promenade funèbre à travers la Castille
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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et l’Andalousie est retardée à chaque pas par des incidents divers
et surtout par i’évolution intermittente de la mélancolie de Jeanne.
Ne peut-on pas rapprocher ce cas d’autres que connaissent bien
les médecins qui ont vécu dans les pays d’Orient, près des villes saintes
de l’Arabie et de l’Iran, Kerbala, Merched ou Konne. Nous y avons
nous-mème rencontré sur les routes de petites caravanes dont une
des bètes portait en travers de son bát un cercueil. L’homme qui
les conduisait était souvent un fils qui emmenait le corps de son père
reposer en terre sainte, là où l’on est plus près de Dieu. Les soins
touchants étaient prodigués au précieux colis, on le vérifiait souvent,
on rajustait les voiles imprimés de couleurs vives qui, là-bas, servent
de linceul. Tout se passe pour le mieux la plupart du temps, car la
mort n’a pas sous le ciel d’Orient le cóté pénible de chez nous, mais
on nous a raconté que parfois certains s’étaient arrètés sur le bord
de la piste, abimés dans leur douleur, etque les autorités turques ou
persanes, pourtant peu soucieuses en matière d’hygiène, avaient dù
intervenir pour hàter l’ensevelissement du corps.
Sur les routes de YAndalousie arabe, de semblables cortèges ont
bien sùr cheminé autrefois et sans doute celui de Philippe le Beau
voyageait-il à peu près comme avaient dù le faire ceux des grands
chefs qui venaient chercher le dernier repos au pied de l’AIhambra
ou de I’AIbaicin.
Chez Jeanne la Folle, la mélancolie a emprunté, comme toujours,
ses manifestations aux mceurs du temps et c’est ce petit fait qu’il
nous a paru intéressant de signaler.
J. Vinchon, inlerne à VAsile clinique .
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LA PSYCHIATRIE AU THÉATRE
LES INVISIBLES
Par
André de Lorde et Alfred Binet.
La clinique psychiatrique a fréquemment inspiré les romanciers
et les auteurs dramatiques. La collaboration de M. André de Lorde
et d’Alfred Binet a montré depuis longtemps qu’on pouvait heureu-
sement puiser dans le cadre où se meuvent les aliénés, pour
mettre à la scène des « tranches de vie » émouvantes et tragiques.
Le théátre de l’Ambigu a représenté de ces auteurs une pièce,
intitulée Les lnvisibles, dont nous avons extrait les passages suivants
pour montrer avec quel souci la vérité clinique s’y trouve respectée
jusque dans les moindres détails.
Le cadre des Invisibles est « une grande pièce d’hòpital, blanchie
à la chaux, avec quatre lits de fer. Au fond, une fenètre grillée
donnant sur une cour. Portes à droite et à gauche, au premier plan.
Au mur un crucifix. Aspect pauvre et mesquin. Dans un lit* la vieille
mère Lebret agonise; elle pousse de temps en temps des gémisse-
ments. »
L’auteur désigne les personnages de la fagon suivante, textuelle-
ment :
Buissoy, démente précoce de dix-huit ans, jolie, grands cheveux
blonds épais.
Poulain, démente, etc.
D r Simonet, médecin de l’Asile, décoré, etc.
Le pivot de l’action essentiellement d’ordre médical est indiqué
par une religieuse. « La Sceur : Quand les malades approchent de
leur Gn, le bon Dieu leur rend la connaissance. »
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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Le D r Simonet, parlanl de Mme Lebrel à l'inlerne. — Savez-vous
depuis combien de temps elle est ici? Vingt ans! pendant lesquels il
a íallu l’habiller, la nettoyer, la nourrir : elle était incapable de tout.
Elle passait son temps accroupie par terre, la téte dans les mains, le
menton contre les genoux, immobile comme une statue, pendant des
heures; elle ne disait rien, absolument rien; en vingt ans elle n’a peut-
étre pas prononcé dix paroles! Que se passait-il au fond de cette
ruine? Tout était-il détruit? Ou bien survivait-il une pensée?...
Impossibie de le savoir.
LTnterne. — Quel mystère dans ces pauvres tètes folles.
Le D r Simonet. — Samedi demier, elle a pris froid au jardin; elle
a fait de la pneumonie... Les sommets sont pris... c’est fini... Mais à
l’approche de la mort, il se produit chez elle un phénomène singulier,
que j’ai observé quelquefois chez de vieux déments : l’intelligence se
réveille... Elle a un fils dont elle ne nous avait jamais parlé; quand il
venait la voir, elle ne le reconnaissait mème pas... Maintenant, elle
parle de lui, on peut mème dire qu’elle ne pense qu’à lui... son amour
pour son fils a survécu à tout; il est resté là, au fond, tout au fond de
son áme...
Tout Tacte se déroule dans Fattente de ce fils; la vieille agonisante
vivra-t-elle jusqu’auretour de celui-ci ou mourra-t-elle sans avoii eu
la consolation de le revoir? II va de soi que M. de Lorde, qui est d’une
suprème habileté dans l’art de graduer rintérét, de développer
Pémotion, s’est dèfait au moment nécessaire de tout Paccessoire
scientifique pour terminer enfin la crise sur le seul terrain qui con-
vienne au théatre, celui des sentiments; comme cette agonie doit
durer un temps suffisant, pour donner lieu à douter de Parrivée du
fils en temps opportun, il était tout indiqué d’occuper ces loisirs
par un examen des malades qui se trouvent dans cette salle d’hospice.
M. de Lorde a bien voulu nous permettre de reproduire ces scènes
dont la prcsentation clinique est fort acceptable au point de vue
médical.
Le D r Simonet, parlani à Vinlerne. — Tenez, dans cette salle, j’ai
aussi une malade intéressante à vous montrer...
La Síeur. — Bonsoir, docteur.
Le Docteur. — Bonsoir, ma sceur... (aperceuanl Buisson.) La voilà...
(S'adressanl à Buisson.) Bonjour, Buisson!
M ne Buisson, d'une voix nelie , coupanle. — Bonjour, chameau !
Simonet, souriant. — Oh! Oh!
M me Buisson, en écho. — Oh! Oh!
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LA PSYCHIATRIE AU THÉATRE
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Simonet (à la scrut). — II y a longtemps qu’elle est dans cet état?
La Sceur. — Monsieur le docteur, depuis ce matin.
Simonbt (à Virúerné). — Vous voyezl... ce sont des malades à
surprises...
L’Interne (à Buisson). — Et moi, vous me reconnaissez?
M m ® Buisson. — Oui.
L’Interne. — Qu’est-ce que je suis?
M me Buisson. — Pourri!
Le Docteur. — Elle est charmante!
L’Interne. — Et vous, alors, qu’est-ce que vous étes?
M me Buisson. — Moi, je suis Peau Rouge, à Paris.
L’Interne. — Peau Rouge?
M me Buisson. — Oui, pour jouer de l’orgue de Barbarie dans les rues,
L’Interne. — C’est une dròle d’idée que vous avez là?...
M me Buisson, faisanl une révérence. — Oui, Madame!
EUe chanle :
Pour éviter d’avoir mal aux dents
On ne peut pas quitter ces gamins
11 faut un régisseur.
J’étais maitresse et j’étais sous-maitresse,
Avec un air de requiem, requiem.
(Psalmodiant.)
Requiem, Requiem.
(Sa voix s'assourdil el s'éteint peu à peu.)
La Sceur. — Depuis ce matin, elle est devenue très violente; elle
parle tout haut, toute seule.
Le Docteur, souriant. — Elle est avec ses Invisiblesl
La Sceur. — Oui, docteur, c’est bien §a.
Le Docteur (à Vinterne). — C’est une dróle d’expression que les
sceurs ont inventée...
La Sceur, rianl. — Oh! non, docteur, ce n’est pas nous, ce sont les
malades.
Le Docteur. — Quand les malades sont absorbées comme Buisson,
et qu’elles marmottent tout le temps et qu’elles semblent parler à
quelqu’un que nous ne voyons pas, on dit: elles sont avec leurs Invi-
sibles... (A la sceur.) Si elle est trop bruyante, ce soir, vous lui donne-
rez une potion au chloral...
L Interne, interrogeanl Poulain. — Est-ce que vous entendez des
voix?
Poulain. — Ah! il y a longtemps que j’en entends, des voix...
L’Interne. — Elles vous disent des choses agréables?
Poulain. — Des fois...
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REVUE DE PSYCIIIATRIE
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L’Interne. — Et aussi des choses désagréables?
Poulain. — Des íois aussi... ga dépend.
L’Interne. — Mais vous ne les voyez pas, ces gens qui vous parlent?
Poulain. — Non, pas souvent... Ge sont mes Invisibles.
Le Docteur. à Vinlerne , soulignant le mot. — Ah!
Poulain. dVun signe de lèle . — Oui.
Le Docteur. — Pourquoi les appelez-vous vos Invisibles?
Poulain. — Ah!... j’sais pas...
Le Docteur. — II y a aussi d’autres malades qui en ont des Invi-
sibles?
Poulain. — Non... c’est-à-dire... je ne m’en occupe pas des autres...
mais moi, j’en ai... C’est des voix qu’on entend. Oui, c’est vrai... on
entend comme s’ils étaient à còté de nous.
L’Interne. pour Vamadouer . — C’est dròle!
Poulain. — Ah! ouil c’est rigolo... Je les inviteà venir manger avec
moi, dormir avec moi... Je leur dis : « Tu viens ce soir coucher avec
moi? »C’est curieux, tout de mème! II y en a une que j’appelle ma
sceur... je lui dis :« Tu viens coucher avec moi, je m’ennuie...»
Le Docteur. — Et ils viennent coucher avec vous?
Poulain. — Mais oui, ils viennent... Quelquefois ils disent: « Ah!
mais, pas aujourd’hui... aujourd’hui, il n’y a pas moyen. »
Le Docteur. — Et qu’est-ce qu’ils font?
Poulain. — Ils me causent gentiment... C’est un entretien qu’ils
ont comme ga avec moi... Ils parlent de leur maison, moi de la mienne.
Le Docteur. — Qa vous fait plaisir?
Poulain. — Oui, parce que ga me donne une compagnie. Et puis,
ils me content des nouvelles... « T’as pas entendu parler de ga? » Jc
dis non... Quand j’ai pas bien fait, ils me grondent... « Ah, mais t’as
été rudement ràleuse, aujourd’hui, t’as pas fait ga et ga... »
L’Interne. — Ils vous tutoient?
Poulain. — Oui, oui... Ils sont habitués avec moi... Des fois je leur
dis... « Quand est-ce que tu vas me faire sortir de cette maison ici? »
Ils me répondent. « T’es pas près... tu partiras, ah! et les pieds en
avant. » ( On rit.) C’est vrai... V en a qui m’entendraient, ils diraient :
elle est folle... C’est vrai... iout de mème!
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Qriginal frn-m
UMIVERSITY OF MICHtGAN
NOUVELLES
Un concours pour Temploi de médecin des Asiles. — Un con-
cours s’ouvrira à Paris, au ministère de rintérieur, le lundi 3 mars 1913,
tant pour Tadmission aux emplois de médecin-adjoint des asiles
publics d’aliénés que pour l’aptitude aux fonctions de médecin d’asiles
privés.
Le nombre des postes de médecin-adjoint des asiles publics mis au
concours est íixé à six.
Les candidats qui désirent participer au concours doivent adresser
au ministre de I’intérieur une demande, accompagnée de leur actc
de naissance, de leurs états de services, d’un exposé de leurs titres,
d’un résumè succinct de leurs travaux, du dépòt de leurs publications,
ainsi que des pièces établissant leur stage et l’accomplissement de
leurs obligations militaires.
Les candidatures seront inscrites au ministère de l’intérieur (l er bu-
reau de la direction de l’Assistance et de l’Hygiène publiques, 7, rue
Cambacérès), du 25 janvier au 12 février 1913 inclus.
Chaque postulant sera informé par lettre individuelle de la suite
donnée à sa demande.
Gours de psychiatrio médico-légale. — M. Laignel-Làvastine
commencera ce coursà l’asile clinique, 1, rue Cabanis, à l’amphithéátre
de la clinique des maladies mentales et de l’encéphale, le lundi 10 fé-
vrier 1913, à 10 heures 30, et le continuera les jeudis etlundis suivants
à la mème heure.
Division du cours : I. L’expertise médico-légale psychiatrique.
II. La capacité pénale. III. Les réactions antisociales des alcooliques.
IV. Les réactions antisociales dcs intoxiqués et des toxicomanes.
V. Les réactions antisociales des déments. VI. Les réactions antiso-
ciales des maniaques et des mélancoliques. VII. Les réactions anti-
sociales des délirants systématisés. VIII. Les réactions antisociales
des neurasthéniques et des obsédés. IX. Les réactions antisociales des
épileptiqucs. X. Les réactions antisociales des hystériques. XI. Les
réactions antisociales des dysgénésiques et pervers instinctifs. XII. Le
vol pathologique. XIII. Les violences et l’homicide pathologiques.
XIV. Le suicide. XV. Attentats aux mceurs et vagabondage des
psychopathes. XVI. La capacité civile des psychopathes. XVII. Les
troubles psychiques dans les accidents du travail. XVIII. Les réactions
antisociales des psychopathes à l’école, à l’atelier, à la caserne et aux
colonies. XIX. Le criminel au point de vue biologique. XX. L’aliéné
au point de vue administratif.
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UNivERsrry of michigan
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REVUE DE PSYCHIÀTRIE
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Un diagnostic tardif dans Tóvolution d’une psychose fut
allégué comme une faute professionnelle lourde. — II s’agit
d’un client qui chercha à ne pas payer les honoraires de son médecin
en essayant de lui faire ce singulier grief et en lui demandant méme
une somme de 400 francs pour préjudice causé. Le juge de paix dc
Clichy débouta le mauvais payeur « attendu, dit-il, que les époux Y...
déclarent ne pas méconnaítre la dette ni en discuter le chiffre, excessif
suivant eux, mais opposent une demande reconventionnelle de
400 francs en réparation du préjudice à eux causé par le D r X..., qui
aurait commis des fautes lourdes dans le traitement institué par
lui : 1° en ne rcconnaissant pas dès Vorigine la gravité des Iroubles
meniaux préseniés par la jeune fille;
Attendu qu’il est justifié que le D r X... donna 7 consultations à son
domicile, du 22 octobre 1907 au 15 septembre 1908, et qu’à dater
du 13 octobre suivant jusqu’au 28 novembre, à la demande des
époux Y..., il fit des visites presque journalières à leur jeune fille;
que le 30 novembre, il délivra un certificat pour rinternement de
celle-ci;
Attendu que les prescriptions du D r X... font nettement échec
au premier chef excipé par les époux X..., qu’en effet elles prouvent
que le dit docteur avait diagnostiqué des troubles cérébraux sérieux ».
Le juge de paix de Clichy fut bien inspiré en rendant un pareil
jugement; mais au nom de la compétence qu’il s’est attribuée
pour absoudre, il aurait pu condamner un médecin coupable d’avoir
mis une grande circonspection dans la délivrance d’un certificat d’in-
ternement.
Rapport de M. Mirman au Conseil supórieur de l’Assistance
(décembre 1912). — Service des aliénés. — La loi de finances
pour 1911 contenait l’article suivant : « Les dòpenses de transfert et
d’entretien des aliénés indigents sans domiciie de secours seront sup-
portées par l’Etat, jusqu’à concurrence de moitié en 1912, de trois
quarts en 1913 et de leur intégrité à partir du l er janvier 1914.
Ce nouveau régime a donc commencé cette année. A cet effet, notre
crédit, qui, les années précédentes ne dépassait pas 200.000 francs, a
été porté pour 1912, à 850.000 francs;il sera, pour 1913, de 1.050.000
francs. A partir de 1914,1’Etat supportera le plein de la dépense. Nous
avons dès maintenant à examiner avec une particulière attention les
comptes fournis par les départements, afin de prévenir les erreurs
commises sur le domicile de secours et qui seraient sans doute favo-
rables aux intérèts financiers des départements, mais qui seraient
fort onéreuses pour ceux de l’Etat. L’importance de ce nouveau
contròle ne saurait vous échapper.
Le projet de revision de la loi organique de 1838 est toujours devant
le Sénat; le texte adopté par la Chambre en 1907 sera certainement
raodifié; il y a donc tout lieu de croire que le jour est encore éloigné
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UNIVERSÍTY OF MICHtGAN
NOUVELLES
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où la loi de 1838 cessera d’étre la charte du régime des aliénés; aussi
avons-nous pensé qu’on ne le pouvait attendre pour mettre au point
le règlement intérieur des asiles qui, datant de 1857, doit ètre un peu
désuet.
Agrógation des maladies mentales. — Le 5 mai 1913 s’ouvrira
à Paris un concours pour une place de professeur agrégé des maladies
mentales à la Faculté de médecine de Bordeaux.
Le nouveau bureau de la Société de médecine légale. — La
Société de médecine légale a constitué ainsi qu’il suit son bureau
pòur 1913 : Président, M. Ogier; vice-présidents, MM. Le Poittevin,
proíesseur à la faculté de droit, et Ie docteur Briand; secrétaire
général, M. G. Thibierge.
Personnel médical des asiles. — M. Hamel, médecin-adjoint de
Saint-Ylie, est nommé à l’asile de Fains (Meuse).
M. Allaman, médecin-adjoint à l’asile de Fains, est nommé à
Chálons-sur- M arne.
M. Jabouille, médecin-adjoint, concours de 1912, nommé de
Liraoux (Aude) à Saint-Ylie (Jura).
M. Latreille, médecin-adjoint à Rennes, nommé à la première
classe du cadre.
M. Corsa, médecin en chef à l’asile de Saint-Pons (Alpes-Maritimes),
oommé à la deuxième classe.
Concours des Asiles. — Le jury du concours est constitué
comme suit :
Prmdeni. — M. Granier, inspecteur général des services adminis-
tratifs du ministère de l’intérieur.
Membres litulaires. — M. le docteur Marie (Pierre), professeur
d’anatomie pathologique à la Faculté de médecine de Paris.
M. le docteur Paris, médecin en chef de l’asile de Maréville, chargé
du cours clinique des maladies mentales à la Faculté de médecine
de Nancv.
M. le docteur Cortyl, directeur médecin en chef à l’asile public
d’aliénés de Saint-Venant.
M. le docteur Chevalier-Lavaur, médecin en chef à l’asile public
d’aliénés de Montpellier.
M. le docteur Dide, directeur médecin à l’asile public d’aliénés de
Braqueville à Toulouse.
M. le docteur Rogues de Fursac, médecin en chef à l’asile public
d’aliénés de Ville-Evrard.
Membres suppléants. — M. le docteur Boiteux, médecin en chef
à i’asile public d’aliénés de Clermont.
M. le docteur Roubinowitch, médecin en chef du quartier des
aliénés de l’asile de Bicètre à Paris.
— Les fonctions de secrétaire seront remplies par M. Tissot,
secrétaire adjoint de la direction de l’assistance et de l’hygiène
publiques au ministère de l’intérieur.
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SOCEÈTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 30 décembre 1912.
Présidence de M. Klippel, président.
Après lecture d’un rapport de M. Sérieux, M. le D r Ducosté est
nommé membre correspondant.
Le bureau de la Société pour 1913 est ainsi constitué : Président :
M. Sémelàigne; Vice-président : M. A. Vigouroux; Secrétaire géné-
ral: M. Ritti; Trésorier: M. Pactet; Secrétaires des séances : MM. Du-
pain et Juquelier; Archiviste : M. Boissier.
Un cas d’uranisme simple. — M. Colin présente un individu
atteint d’inversion sexuelle simple et constitutionnelle, et interné
à la suite du meurtre d’un « ami ». Cet individu a tous les caractères
psychiques d’une femme, mais, par contre, il a conservé tous les
caractères physiques d’un homme; il jouele ròle passif dans ses rap-
ports avcc d’autres invertis; et le meurtre commis par lui présente
tous les caractères d’un crime passionnel.
Ce malade (?) n’a pas encore trente ans; ii ne délire pas; à l’asile
il se conduit correctement et ne manifeste pas de tendances violentes.
Faut-il le garder indéfiniment à cause de l’acte qu’il a commis, ou
faut-il admettre qu’il peut sortir, en tenant compte du caractère pas-
sionnel de son crime, son anomalie du sens génital ne justifiant pas
une séquestration à vie? Telle est la question que M. Colin pose à
la société.
M. Rogues de Fursac, qui a été commis comme expert dans cette
affaire, et qui a conclu à l’irresponsabilité et à l’internement, expose
que ses conclusions ont été déterminées par l’émotivité morbide,
l’irritabilité, l’érotisme du sujet, beaucoup plus que par la perversion
génitale.
Ces manifestations morbides seront probablement permanentes;
elles peuvent provoquer, si le malade est libre, de nouveaux actes
regrettables; l’internement doit donc ètre très prolongé.
M. V igouroux se déclare également partisan, à cause des consta-
tations de M. Rogues de Fursac, d’un internement prolongé sinon
définitif.
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Mais M. Colin fait remarquer que depuis son entrée à l’asile le
malade n’a pas manifesté cette émotivité particulière; il sera donc, si
onl’interne à vie, dit M. Pactet, dans des conditions plus défavorables
qu’un criminel qui aurait été condamné pour un meurtre passionnel,
comme semble ètre celui qu’il a commis. Pour M. Gilbert-Ballet,
I’inversion sexuelle ne justifie pas une séquestration définitive. Reste
le meurtre commis par l’inverti; si ce meurtreest un crime passionnel,
il faut l’apprécier comme tel; s’il dépend de certaines dispositions
morbides, ceUes-ci n’ont pas fatalement partie iiée avec l’inversion
du sens génital.
II s’agit une fois de plus de cas très difficile au point de vue médico-
légal.
Séance du 27 janvier 1913.
Allocution de M. Klippel, président sortant, qui résume les travaux
de la Société en 1912, et insiste sur la nécessité d’étudier avec méthode,
suivant un prograrame établi par le bureau, les questions importantes
telles que celle des rapports de l’aliénation mentale et du divorce,
particulièrement examinée pendant les séances de l’année écoulée.
Allocution de M. Semelaigne, président pour l’année 1913, qui
invite M. Vigouroux, vice-président élu à la dernière séance, à prendre
place au bureau.
M. le Professeur Gilbert-Ballet est nommé, sur sa demande,
membre honoraire à l’unanimité des suffrages.
Prix à décerner en 1913. — Prix Belhomme : Trois mémoires ont
été déposés. La commission d’examen des mémoires se compose de
MM. Bonnet, Capgras, Klippel, Toulouse, Vallon.
Prix Esquirol : Deux mémoires ont été déposés. La commission
d’examen des mémoires se compose de MM. René Charpentier,
Kéraval, Rogues de Fursac, Sérieux, Trénel.
Prix Moreau de Tours : Quatre mémoires ont été déposés. La
commission d’examen des mémoires se compose de MM. Colin,
Leroy, Marchand, Mignot, Séglas.
M. Colin, au nom de la commission des finances, expose la situation
pécuniaire de la Société et propose d’adresser des remerciements à
M. Pactet, trésorier : cette proposition est adoptée à l’unanimité.
Après lecture d’un rapport de M. René Charpentier, au nom d’une
commission composée de MM. Arnaud, Charpentier, Klippel,
Ségl\s et Truelle, M. Fillassier est nommé à l’unanimité membre
titulaire de la Société.
Influence de l’entourage sur la formule du délire de certains
mélancoliques. — MM. Briand et Vinchon rapportent les obser-
vations de plusieurs malades, atteintes de mélancolie, chez lesquelles
la méme formule délirante fut à un moment donné adoptée, sous
rinfluence de l’une d’entre elles : si bien que toutes s’imaginèrent
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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pendant quelque temps qu’elles allaient ètre livées à des animaux
féroces enfermés dans le grenier de l’asile.
MM. V igouroux, Dupré, Juquelier insistent, avec les auteurs,
sur le fait que la contagion de cette formule délirante ne fut possible
que chez des malades préalablement atteintes de mélancolie, mais
les observations de contagion d’un état mélancolique sont encore à
trouver. P. Juquelier.
SOGIÉTÉ GLINIQUE DE MÉDEGINE MENTALE
Séance du 20 janvier 1913.
Grises d’épilepsie jacksonienne provoquóes à volonté chez
une ópileptique à crises cloniques. — MM. Lwoff et Puillet
présentent une malade de 55 ans à hérédité neuropathologique chargée.
Tremblement depuis l’enfance. Emotion violente pendant la Com-
mune; a assistó à Texécution d’un communard : les enfants du con-
damné criaient en demandant gráce. Depuis, crises cloniques et crises
jacksoniennes. Crises cloniques surtout nocturnes avec morsure de
la langue; phases toniques etcloniques; pertes de souvenirs et crises
jacksoniennes souvent spontanées. Sont aussi provoquées par lavue
d’un groupe de soldats, la vue du sang, les sons de la Marseillaise
jouée ou chantée. Oppression, mouvement rythmé limité d’abord
au bras droit et s’étend ensuite à la jambe gauche; rarement quelques
mouvements du bras gauche.
MM. Anglade, Vigouroux, Marchand et Colin font des réserves
sur la nature jacksonienne des crises qui semblent provoquées par
l’émotion et d’origine pithiatique.
Utilisation par des escrocs de deux dóbiles amoureuses de
prétres. — MM. Briand et Vinchon montrent deux malades intéres-
santes par leurs réactions médico-légales. L’une est devenue la mai-
tresse d’un prètre défroqué qui l’a utilisée pour commettre de très
nombreuses escroqueries. Elle a manifesté dòs sa première enfance une
tendance au vol remarquable ainsi que de nombreuses perversions
instinctives. Plus tard, elle a opéré pour son propre compte avant
d’étre la maítresse et la complice de l’ex-abbé. Cette malade est
inintimidable; a passé la moitié de sa vie entre la maison de santé et
la maison de détention et pour elle se pose la question de l’asile-
prison.
La seconde a fait chanter un prètre qu’elle avait réussi à compro-
mettre gravement: elle y fut poussée par un individu qu’elle entrete-
nait, et peut-ètre aussi par sa famille, car celie-ci a plus ou moins
profité de la situation et rèclame sa sortie avec insistance. Elle n’a
(Voir la suile après le buìlelin bibliographique mensuel.)
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UMIVERSITY OF MICHtGAN
REVUE DES SOCIÉTÉS
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pas été poursuivie puisqu’il n’y a pas eu de plainte, mais il est probablc
que si cela avait été, l’action de la peine aurait pu ètre salutaire.
Ces malades sont à rapprocher des amoureuses de prètres, car elles
n’ont commis leurs délits que dans des milieux religieux et avec la
compiicité de gens qui en font partie. Elles constituent un des dangers
qui menacent les ecclésiastiques et amènent la justice à intervenir
dans le monde qui vit autour des églises et parmi lequel se glissent tou-
jours un certain nombre de malades et de malfaiteurs.
Un ménage de syphilitiques. Paralysie générale et démence
précoce. — MM. Leroy et Rogues de Fursac présentent un ménage
de deux malades, tous deux syphilitiques, actuellement internés à
Ville-Evrard.
La femme entre pour la première fois dans les asiles en janvier 1909
pour un état de dépression mélancolique. Elle avait coniracté la
syphilis du fait de son mari à la fin de l’année 1907. Elle sort améliorée,
mais non guérie, au bout de sept mois de traitement, présentant un
grand degré de maniérisme. Son mari venait la visiter pendant son
séjour à Ville-Evrard; il était normal et ne présentait aucun svmjv
tòme morbide. Un an après la sortie de la malade, le mari entre à son
tour à Ville-Evrard, le 28 aoùt 1911, pour une paralysie généraìe
classique. II avait contracté la syphilis vers 1904. L’examen du sang
a donné la réaction de Wassermann positive et l’examen du liquide
céphalo-rachidien a montré une lymphocytose abondante, de l’albu-
mine et un Wasserraann positif. En juillet 1912, la femme est internée
de nouveau à Ville-Evrard : elle se montre inconsciente de son état,
bizarre d’ailleurs, tout à fait indifférente, ne s’occupant jamais de son
mari. C’est une démence précoce type. La rèaction de Wassermann
a été positive dans le sang et dans le liquide céphalo-rachidien. Ce
dernier ne contenait ni lymphocytose, ni albumine.
Un cas de démence neuro-épithéliale. — MM. Pactet et Vigou-
rolx présentent des préparations histologiques relatives à un cas
de démence précoce. II s’agit d’un jeune homme qui, après des études
classiques plutòt brillantes, vit rapidement décliner son intelligence
alors qu’il préparait l’examen de la licence ès lettres et chez qui une
démence complète et définitive était constituée à l’áge de 19 ans. 11
mourut à 27 ans de tuberculose pulmonaire.
L’examen histologique de l’encéphale révéla l’existence exclusive
de lésions du tissu neuro-épithélial.
Syndrome paralytìque déterminé par de l’encéphalite non
folliculaire. — MM. Bonnot et Marchand montrent les pièces d’une
íemme de 23 ans chez laquelle est apparu successivement du stra-
bisme, de l’Argyll Roberstoií unilatéral, du tremblement de la langue
et des extrémités, de i’hésitation de la parole. Les réflexes patellaires
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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sont exagérés : signe de Babinski bilatéral. Au point de vue mental,
désorientation complète. Mort dans le gátisme un an et demi après le
début des accidents. A l’autopsie, plaques d’encéphalite disséminées
au niveau du pied de la frontale ascendante droite, de la pariétale
droite, dans la couche optique. A Texamen histologique, on constate
une périvascularite très accusée, des lésions dégénératives portant
sur les cellules nerveuses, les fibres myéliniques, la névroglie. Absence
de follicules tuberculeux. La nature tuberculeuse des lésions est
attestée par la présence des bacilles de Koch dans l’adventice des
vaisseaux.
J. C.
REVUE DES PÉRIODIQUES
ITALIE
Rivista Sperimenlale di Freniatria , IV, 1910, I, II, 1911.
Recherclies sur les modifications cytologiques du sang dans
les principales psychoses, par Aldo Graziani. — C’est seulement
dans des cas isolés que le sang, chez les aliénés, présente des modifi-
cations appréciables, tant dans la constitution morphologique des
éléments figurés que dans la richesse globulaire et le taux de Thémo-
globine. Les altérations rencontrées paraissent traduire les conditions
organiques qui altèrent profondément la crase sanguine.
II y a des modifications notables du nombre des globules blancs et
de la formule leucocytaire; mais cesmodifications n’ont rien de carac-
téristique, en ce sens que, en variant en degré et en constance, elles
se répètent suivant le mérae type dans diverses formes de maladies
mentales : Polynucléose et tendance à rhypoóosinophilie dans la
phase aiguè de la maladie; diminution des polynucléaires au moment
du retour à la normale, et tendance à la prédominance des mononu-
cléaires pendant la convalescence, ou quand la maladie passe à l’état
chronique.
La polynucléose intense avec hypoéosinophilie est un fait constant
dans la confusion mentale aigué et rare dans les autres formes; tou-
tefois, on l’observe, également intense, dans quelques cas de démence
précoce ou de psychose maniaque dépressive avec état confusionnel
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REVUE DE8 PÉHIODIQUES
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grave, mais sans que l’on puisse reconnaitre à cette constatation
aucune valeur diagnostique ou pronostique.
Ces modiíications hématologiques jettent quelque lumière sur la
pathogénie des maladies mentales, car elles révèlent l’existence de
processus toxi-infectieux ou toxiques, aigus ou subaigus, et condui-
sent à cette conception, que la maladie mentale n’est que la manifes-
tation d’un trouble cérébral dépendant d’une altération générale
morbide de l’organisme.
Questions médic o-légales relatives à la paralysie généràle,
particnliòrement en ce qui conceme la capacitó de tester, par
Aug. Tamburini. — La paralysie génèrale est une des maladies qui
proposent le plus de problèmes à la psychiatrie módico-légale.
L’auteur examine les questions suivantes :
1° Détermination de critères pour la capacité de tester, en général
eten ce qui concerne la paralysie générale.
2°La question des périodes de rémission dans la paralysie générale.
3° La valeur du contenu du testament en rapport avec la capacité
mentale du paralytique.
4° L’évaluation clinique et médico-légale des écrits des paralytiques.
5° Les critères et les éléments pour l’appréciation médico-légale de
la validité des testaments des paralytiques.
En raison de la multiplicité des éventualités envisagées, le travail
échappe entièrement à une analyse rapide, mais il constitue un très
reraarquable chapitre de psychiatrie médico-légale, auquel on ne
saurait trop engager les experts à se reporter dans les cas douteux de
la pratique journalière.
Ils y puiseront des conseils précieux.
Id. III, 1911.
Becherches hématologiques dans l’alcoolisme, par Ahtuiio
Gorrieri. — 1° Le taux de l’hémoglobine chez les alcooliques est
iníérieur à la normale.
2° Le nombre des globules rouges est inférieur à la normale.
3° Les leucocytes ne présentent pas de notables modifications de
nombre; en revanche, pendant la phase aigué, il y a une polynucléose
neutrophile constante qui disparaít graduellement quand se manifeste
une amélioration de l’état général.
4° La pression sanguine chez les alcooliques est supérieure à la
normale.
5° II n’existe aucun rapport, chez les alcooliques, entre la pression
sanguine, le pouls, et la respiration.
6° La résistance globulaire est très diminuée pendant la phase
aigué; elle augmente progressivement jusqu’au voisinage de la nor-
male quand les conditions généraies physiques et psychiques rede-
viennent normales.
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REVUB DB PSYCHIATRIE
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7° La tension osmotique du sérum sanguin est légèrement aug-
mentée dans l’alcoolisme.
La fonction circulatoire chez les déments précoces. Sur les
rapports entre le développement de Tappareil cardio-vascu-
laire et la capacité fonctionneUe du cceur, par L. Lugiato et
G- B.* Lavizzari. — Chez les malades observés par les auteurs, l’aire
cardiaque s’est généralement montrée égale ou un peu inférieure à
la normale; le choc de lapointe était plutòt faible; dans25 0/0 des cas,
il y avait des bruits adventices à l’auscultation.
L’examen des vaisseaux périphériques a montré une certaine étroi-
tesse des artères de petit et de moyen calibre, et une moindre force de
leurs pulsations. La congestion et la cyanose du visage ou des extré-
mités étaient fréquentes. Le réseau veineux superficiel était peu appa-
rent. Le dermographismc s’est montré très fréquent et très accentué.
En résumé donc, les déments précoces ne présentent pas de graves
troubles anatomiques ou fonctionnels de l’appareil cardio-vasculaire,
mais on trouve chez eux les caractères qui décèlent un certain degré
d’infériorité et de torpidité de la fonction circulatoire.
Gontribution à l’ótude de la pathogénie de la cachexie immé-
diate dans les lésions cérébrales, par Garlo Todde. — 1° Dans la
pathogénic de la cachexie qui succède soità l’hémidécérébration, soit
à la décérébration totale chez les vertébrés inférieurs, les lésions vas-
culaires diffuses du système nerveux et surtout de la moelle doivent
ètre considérées au premier chef comme une complication de l’acte
opératoire.
2° Les altérations diffuses des éléments nerveux qui se rencontrenb
chez les animaux sont probablement des effets secondaires de ces
troubles circulatoires.
Sur les états seconds hystériques, par Gino Volpi-Ghiiu\r-
dini. — II s’agit d’une jeune femme de chambre, accusée de vols de
bijoux appartenant à sa patronne, et qui protestait de son innocence.
Dans un état de somnambulisme hypnotique provoqué par le méde-
cin, elle prétendit n’avoir pas commis le vol, et dit avoir déposé les
bijoux dans le tiroir d’un meuble, afin de les mettre en lieu sQr. Les
objets furent en effet retrouvés d’après ces indications.
Elle aurait commis cet acte dans un état second et aurait eu l’in-
tention de prévenir sa patronne; mais eile n’aurait pu le faire en raison
de l’amnésie consécutive au retour à l’état premier.
Cette jeune fille avait antérieurement présenté des troubles ner-
veux (paraplégie, hémicontracture hystériques).
Gontribution à l’étude des formes cliniques attribuées à la
démence précoce et de leur terminaison, par Emilio Riva. —
11 s’agit d’un individu qui, après dix-huit ans de maladie, alors quesa
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mentalité paraissait ètre complètement désagrégée, redovint subite-
ment lucide et raisonnable.
II subsistait pourtant chez cet homme des phénomònes qui tra-
duisaient indubitablement un déficit desa mentalité, diminution do ia
volonté et de l’affectivité, troubles de l’attention spontanéc et difficulté
dans les processus associatiís. Ge déficit peut d’ailleurs n’ètre pas en
rapport direct avec sa maladie, mais ètre simplement lié à l’isolemènt
dans le milieu de l’asile pendant dix-huit annóes, sans aucun exercice
intellectuel.
On avait porté le diagnostic de dómence précoce avec le pronostic
íatai qu’il comporte. L’auteur en conclut qu’il est impossible, en l’état
de nos connaissances actuelles, d’affirmer l’issue quo doit avoir une
démence précoce.
Id. IV, 1911.
La sortie des aliénés criminels et les articles 64,66 et 69 du
ròglement général, par Cino Bernardini. — II s’agit ici d’un des
points les plus importants dela psychiatrie pratique dans ses rapports
avec la criminologie. Nous en savons quelque chose en France où la
question se pose d’une fagon aiguè à propos des individus internés
dans la section spéciale de Villejuif (service de M. Colin).
En Italie, il est entré dans les moeurs que tout criminel mis hors de
eause pour tare mentale en vertu de l’article 46 du Code pénal, soit
mis à la disposition de l’autorité administrative aux fins d’interne-
ment dans un manicòme.
C’est là une très bonne mesure, mais qui a le défaut de ne pas régler
ie sort ultérieur de l’individu. La situation est la mème de ce còté des
Alpes.
On pourrait dire évidemment que cet individu, une fois entré à
l’asile, est soumis au mème régime que les autres aliénés et que son
sort doit étre réglé par le directeur du manicòme. A quoi l’on peut
répondre que précisément ce criminel est la plupart du temps un
aliéné d’une espèce tout à fait spéciale. Le directeur n’est jamais pressé
de porter un diagnostic de guérison compète, à tel point que les avo-
cats commencent à rechercher beaucoup moins les experts alié-
nistes, reconnaissant que la porte du manicòme peut constituer pour
leur client une barrière bien plus difficile à franchir que celle de la
prison.
La raison d’un tel état de choses, c’est que le criminel acquitté,
envoyé dans un asile à la suite d’un crime grave, ne trouve aucune
disposition légale pour régler sa sortie. Le seul article qui paraisse
devoir ètre appliqué est l’article 69 ainsi congu :« Quandla famille veut
retirer un aliéné non guéri qui a encore besoin d’ètre soigné et séques-
tré, le directeur qui ne croit pas devoir faire une sortie d’essai soussa
responsabilité, ne peut en faire la remise qu’avec une autorisation
concédée par le Tribunal en Chambre du Conseil, entendu le ministère
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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public, après avoir affirmé l’existence des conditions nécessaires pour
le traitement et le maintien de l’aliéné. »
L’autorité judiciaire répond le plus souvent par un dilemme peu
satisfaisant:« Ou bien l’individu est cncore malade, donc dangereux,
et vous n’avez mème pas ànous demander sasortie; ou bien il estsus-
ceptible d’ètre libéré, et vous n’avez pas besoin de nous pour le faire.»
La diíficulté subsiste donc.
On pourrait encore appliquer l’article 66 du règlement, ainsi congu :
« Ledirecteur peut, à titre d’essai, remettre à la famille l’aliéné qui est
amélioré au point de pouvoir ètre soigné à domicile, en avisant simul-
tanément le Procureur du roi près le Tribunal sous la juridiclion duquel
se trouve le manicòme, l’autorité policière et le syndic de Ia commune
auquel appartient l’aliéné.» Mais il faudraitcompléter ainsi cet article :
«Sil’aliénésusceptible debénéficierd’unesortie estun criminel acquitté,
son renvoi doitètre subordonné à l’exécution d’un mode déterminé de
surveillance que le Directeur établit pour chaque cas et notifie au
Tribunal, qui aura l’obligation de constater si les prescriptions du
Directeur peuvent étre réellement cffectuées, mais non quelles seront
les personnes directement responsables de cette exécution. Le
Tribunal aura encore le droit d’adjoindre, pour son compte, des dis-
positions ultérieures aptes à renforcer le service de surveillance
autour du criminel libéré.^Les conditions précédentes ayant été éta-
blies d’une fa^on certaine, ayant encore été consulté à leur égard le
représentant du Ministère Public, le Tribunal, réuni en Chambre du
Conseil, devra émettre une ordonnance de sortic d’essai en faveur de
l’aliéné criminel. »
Mais cette disposition ne concerne que les aliénés en voie d'amélio-
ration. Que faire si l’on croit à une guérison véritable? A l’article 64,
qui règle la sortie des aliénés guéris , on devrait ajouter leparagraphe
suivant : « Si le sujet à qui se rapporte la déclaration de guérison est
un criminel acquitté, le Directeur du Manicòme devra fournir à l’Au-
torité Judiciaire, à qui revient l’obligation d’émettre un dócret de
licenciement définitif de l’aliéné, un rapport détaillé relatif au mode
de surveillance qu’il serait nécessaire d’établir, au moins pendant un
certain temps, autour de l’individu afin d’empécher les récidives et de
prévenir tout danger. Ce rapport devra ètre communiqué par l’Auto-
rité Judiciaire à l’autorité policière, à laquelle incombe la responsa-
bilité d’organiser et de continuer autour du sujet le dit service de
vigilance.
En tout cas, il serait à désirer que les dispositions relatives à la
libération des criminels aliénés fissent partie intégrante du règlement
général des aliénés de íagon à respecter et la défense sociale, et la
liberté individuelle. Georges Genil-Perrtn.
Le Gèrant : O. DOIN.
FAFIS. *— IMFRIMERIE LEVÉ, 71 , RUE DE RENNKS.
Gougle
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UMIVERSITY OF MICHtGAN
L'IDÉE DE DÉGÉNÉRESCENCE
EN MÉDECINE MENTALE
par Georges Genil-Perrin,
Dlplómi d'&udtt tupirieure* de philoeophle,
Médecin ligitle de l'Univertiii de Parit.
De toutes les expressions de notre vocabulaire psychiatrique, il
en est peu qui aient eu autant de succès que celle de dégénérescence
mentale, non seulement dans notre domaine spécial, mais aussi dans
le monde de la littérature et de l’art et dans le monde tout court.
Mais la plus grande divulgation n’est pas une garantie de la plus
grande précision, et, s’il est le plus courant des mots de notre
langue, ce terme de dégénérescence est certainement un des plus
vagues. Le sort de la plupart des vocables techniques qui se vulga-
rísent est de se déformer fatalement et de perdre leur signiíìcation
première.
Dans la science, qui doit ètre une langue bien faite, il est bien
rare qu’à un mot vague corresponde une idée très précise; et de fait,
ce mot de dégénéré est souvent resté une épithète à tout faire, utile
surtout à dissimuler l’insuífìsance ou la paresse de certains diag-
nostics.
Nonobstant son imprécision apparente, et mème foncière, la
notion de dégénérescence mentale n’en possède pas moins une
importance considérable dans l’évolution de la psychiatrie contem-
poraine, car son utiiité a de beaucoup dépassé la simple commodité.
Son imprécision mème n’a pas été dépourvue de tout avantage. Elle
soulignait le caractère provisoire de certaines classifìcations. L’im-
précision n’est pas dangereuse tant qu’elle est flagrante. EUe est
d’ailleurs inévitable dans toute science qui débute.
Suivant un mot de M. Toulouse, l’idée de dégénérescence mentale
est une notion mal définie en ce sens qu’elle est diversement
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défìnie. Veut-on en apprécier la valeur exacte, une méthode s’impose:
c’est de chercher dans son évolution Pintégrité de sa signifícation.
L’étude d’une idée, comme Pétude d’un peuple, doit avoir une base
historique ou ne pas étre. G’est en recherchant les origines loin-
taines d’une nation et en suivant sa constitution progressive au
travers des siècles, qu’on peut arriver à en saisir la formule exacte.
De méme pour une idée scientifique, seule, Panalyse patiente de sa
genèse et de son développement peut nous rendre compte de son
degré de valeur et de fécondité.
Guidé parce principe général, j’ai essayé. dans un ouvrage récem-
ment paru (1), d’étudier, de fagon objective et pragmatique, la
naissance, la vie et le crépuscule de Pidèe de dégénérescence en
médecine mentale. Je me propose de résumer ici les grandes lignes
de cette évolution et Pindiquer les résultats principaux de mon
enquéte historique.
I
Les orlgines de l’ldée de dégénérescence.
Un nom domine incontestablement Phistoire de la dégénéres-
cence : celui de Morel, mais, s’il est courant d’assigner Porigine de
cette notion à Pceuvre du médecin de Saint-Yon, il y a là une
fa$on de s’exprimer dont personne n’est dupe. On veut simplement
mettre en relief la part si considérable qui revient à Morel dans son
édifícation, ou plutdt dans son application à la psychiatrie et dans sa
vulgarisation. Je n’insiste pas sur cette idée, que j’ai défendue dans
ce joumal, il y a deux ans (2).
Quand on remonte plus avant, et que l’on cherche à démèler
le complexus d’idées élémentaires dont la synthèse a provoqué
Péclosion de la notion dc dégénérescence mentale, on voit évidem-
ment que celle-ci est constituée de matériaux empruntés à laquestion
de l’hérédité, et au problème des rapports du physique et du morai.
II est bien évident qu’une semblable conception doive avoir pour
substratum essentiel la reconnaissance d’une étroite relation entre
(1) Gborgss Gbnil-Pbrrin. Hisloire des origines el de l'ioolulion de Vidée de
diginirescence en midecine mentale. Paris. A. Leclerc, 1913.
(2) Georges Genil-Pbrrin. — L'idie de diginirescence dans l'ceuvre de
Morel. Revue de Psycbiatrie, avril 1911.
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L’lDÉB DB DÉGÉNÉRE8CENCE BN MÉDECINE MENTALE
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le physique et le moral. Or, il s’agit d’un point sur lequel les
penseurs ont fort tardé & se mettre d’accord. Si les deux substances
eont à peu près confondues dans les antiques cosmogonies ioniennes,
si les trois ámes de Platon ont des sièges bien défìnis dans l’orga-
nisme physique, si les médecins de l’Antiquité ont explicitement
reconnu l’importance fondamentale des rapports du physique et du
moral, il n’en est pas moins vrai que cette question devait traverser
une péríode critique à l’époque méme où nous verrons naltre la
doctrine de la dégénérescence mentale. Morel aura à lutter contre
les dogmes de la célèbre école psychologique allemande, qui soute-
nait que la folie était une maladie propre de l’áme, et qui refusait
d’y voir la traduction psychique d’une tare organique.
Morel se rendait si bien compte de la dépendance étroite où se
trouvait la question de la dégénérescence relativement à celle des
rapports du physique et du moral, qu’il crut utile de consacrer
plusieurs pages à préciser son attitude en ce sujet : il s’agit en
i’espèce d’une véritable théorie de la communication des substances,
empruntée en grande partie à saint Thomas.
II est clair d’ailleurs que, dans l’hypothèse où les deux subs-
tances resteraient étrangères l’une à l’autre, on pourrait à la rigueur
concevoir la possibilité d’une dégénérescence physique et d’une
dégénérescence morale, en fondant, par exemple, l’une sur la trans-
mission de la maladie, et l’autre sur la perpétuation du péché. Mais
ńen ne permettrait d’établir un rapport de causalité entre les deux
ordres de faits.
On peut, dire d’autre part, que lapréhistoirede la dégénérescence
est faite de I’histoire de I’hérédité avant Morel. Cette notion d’héré-
ditié est vieille comme la pensée humaine. Nous la trouvons expli-
citement formulée dans les plus anciens monuments, dans Ies lois
deManou et dans la Bible. Nous la voyons régner sur les législa-
tions des peuples. Toujours et partout des hommes se sont courbés
devant elle. L’òváy^i), le faium, qui pesait sur les personnages de la
tragédie grecque, n’est-ce point une conception qui traduit la
connaissance subconsciente de cette mystérieuse Ioi de l’hérédité,
loi inéluctable contre laquelle les dieux eux-mèmes sont irapuis-
sants? C’est en elle qu’il faut voir la véritable protagoniste des
drames qui conduisirent à sa perte la famille malheureuse des
Atrides.
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L’hérédité morbide était bien connue des médecins de 1’Antiquité.
Toutefois, on ne concevait bien que l’hérédité similaire : le fìls du
tuberculeux pouvait devenir tuberculeux, l’épilepsie du père se
transmettait à l’enfant, et voilà tout.
La question fait un grand pas quand s’isole Ia notion de Vhérédiié
de prédisposilion, qui permettra la conception de Yhérédité du
dissemblable.
La notion de prédisposition ne comportait pas, tout d’abord,
cette idée de dissemblance. II s’agissait d’une disposition hérédi-
taire, chez les enfants, à contracter certaines maladies de leurs
parents. C’est, par exemple, la prédisposition à la tuberculose chez
les descendants de tuberculeux, telle que l’a bien établie Morton.
Pareille conception de la disposition héréditaire aux raaladies se
trouve déjà dans certains passages de Femel.
Le premier ouvrage d’ensemble consacré à la question de l’héré-
dité morbide date de 1665 (1). En 1706, Sthal présidait Ia thèse de
J. Burchart, qui traitait De haeredilaria disposilione ad varios affec-
tus. Au début du dix-neuvième siècle, les aliénistes interviennent
dans la question et lui apportent des lumières nouvelles. Pinel,
en 1809, place l’hérédité en première ligne parmi les causes propres
à déterminer l’aliènation mentale. Fodéré, Esquirol, Ellis, J.-P.
Falret, reconnaissent explicitement l’existence de la prédisposition
à l’aliénation mentale, et de signes qui permettent de reconnaltre
cette prédisposition avant qu’elle éclate.
Enfín, en 1847, le grand ouvrage de Lucas vient codifíer et ordon-
ner tout ce qu’on savait alors de l’hérédité. Désormais, les psy-
chiatres ne vont plus rien écrire sur le sujet sans aller se documenter
dans les deux volumes de Lucas. Moreau (de Tours) et Morel s’en
inspireront abondamment.
Le terrain est mainter.ant préparé pour I'épanouissement de la
doctrine de la dégénérescence. Dans la question des rapports du
physique et du moral, nous avons trouvé les conditions premières
et essentielles de l’existence de cette notion, comme de toute psy-
chiatriepositive. Leconcept d’hérédité s’est ólargi considérablement
pour englober Ies faits d’hérédité du dissemblable; et l’idée a été
émise que la prédisposition héréditaire, avant l’éclosion de tout
(1) Dermutus de Meara. Palhologia haereditaria generaUe, eive de morbie
haeredilarils. Londini, 1656.
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l’idée de dégénérescence en médecine mentale
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trouble mental, pouvait se déceler par certains signes tirés de l’exa-
men du corps et de l’étude du caractère.
C’est dire que nous sommes en possession de tous les matériaux
dont Ia synthèse constituera l’idée de dégénérescence mentale.
II nous manque un seul élément, dont l’intervention provoquera
cette synthèse, comme l’étincelle provoque dans l’eudiomètre la
combinaison de l’hydrogène et de I’oxygène. On pourrait à la ri-
gueur le trouver, dissimulé sous une croyance vague à une dégra-
dation globale de l’espèce, qui transparalt dans les mythes religieux
et dans le poème d’Hésiode. En tout cas, nous Ie trouverons expli-
citement formulé dans l’ceuvre des naturalistes de la fin du dix-
huitième et du début du dix-neuvième siècle : c’est la conception
aothropologique de la dégénérescence, que Morel ira puiser aux
cours du Museum, pour l’appliquer fructueusement à l’étude de
l’aliénation mentale.
II
L'CBUvre de Morel.
II faut se rappeler I’état de la psychiatrie au commencement
du siècle dernier pour apprécier justement l’importance de la
réforme de Morel. Si la prédisposition n’avait pas été entièrement
méconnue, on peut dire avec Lasègue que Morel devait poser des
lois où les autres n’avaient fait qu’entrevoir des colncidences
fortuites. En tout cas, la nosologie restait indépendante de toute
pathogénie; les aliénistes se contentaient de simples complexus
symptomatiques. Le mérite de Morel fut d’élever le niveau des
connaissances étiologiques et d’y asseoir la pathologie mentale.
Le résultat de cette théorie nouvelle, ce fut l’élaboration de la
doctrine de la dégénérescence.
Dans l’éducation première et dans la formation scientifique de
Morel, nous découvrons le secret du développement de toute son
ceuvre.
L’enfance passée dans le presbytère de l’abbé Dupont, les années
du séminaire de Saint-Dié, nous expliquent les scrupules théolo-
giques du savant, ce besoin, au premier abord étrange, de concilier
sa théorie avec les données de la Genèse. La fréquentation simul-
tanée du service de Falret et des cours de Blainville, cette formation
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scientiíìque double, à Ia fois psychiatrique et anthropologique, nous
montrent combien Morel était exactement préparé à échafauder la
conception anthropologico-psychiatrique de la dégénérescence.
Le Traité des Dégénérescences contient les données anthropolo-
giques de la question : Les dégénérescences sonl des déviations mala-
dives du type normal de l'humaniié, hérédilairemenitransmissibles , et
évoluanl progressivemenl vers la déchéance. Deux grandes lois prési-
dent à leur pathogénie :
1° La loi de la double fécondation dans le sens du mal physique
et du mal moral;
2° La loi de la progressivité de la dégénérescence.
Mais nulle part les conditions de la prédisposition héréditaire ne
se réalisent plus nettement que dans le domaine du système nerveux;
nulle part autant que dans le système nerveux ne se manifestent
les effets de la dégénérescence, au point que Morel en a été conduit
à regarder, dans un grand nombre de cas, la folie comme une dégé-
nérescence.
C’est ici que nous saisissons le passage de la conception anthro-
pologique de la dégénérescence à ses applications psychiatriques.
La doctrine de Morel nous apparalt dès maintenant comme une
vaste conception étiologique placée à la base de la psychiatrie tout
entière.
Mais cette conception, dans le Traité des Maladies Mentales, va
déterminer un remaniement nosologique : un nouveau groupe
d’aliénés va se constituer : le groupe des aliénés héréditaires : ce ne
sont pas les seuls héréditaires, mais ce sont les plus héréditaires de
tousjce sont ceux chez qui on observera les preuves les plus évi-
dentes de la dégénérescence, dans les stigmates physiques et psy-
chiques dont ils sont porteurs dès l’enfance.
III
Les discusslons de la Société médico-psychologiqne.
Comment fut accueillie l’oeuvre de Morel? Le Trailédes Dégéné-
rescences est assez généralement accepté comme une bonne mise au
point des idées anthropologiques qui commen^aient à se vulgariser.
Le mot mème de dégénérescence ne fit point l’eflet d’une nouveauté :
On était habitué à le rencontrer sous la plume des naturalistes.
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l’zdée de dégénérescence en médecine mentale
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Ce sont les innovations nosologiques du Trailè des Maiadies
Mentales qui attirent surtout l’attention, car la classification a de
tout temps été Ie souci dominant des aliénistes.
C’est le groupe des folies héréditaires qui, à la Société médico-
psychologique, a les honneurs de la grande discussion de 1860
sur les classifications de la folie. Morel, mollement soutenu par Jules
Falret, doit se défendre contre les critiques de Delasiauve, qui ne
cache pas sa tendresse pour les monomanies d’Esquirol et le délire
partiel de Ferrus.
Toujours est-il que, à l’issue de cette discussion, un doute plane
sur la valeur de la folie héréditaire.
Les travaux vont alors se multiplier sur ce sujet, tant sous
l’influence de l’oeuvre de Morel, que pour obéir au courant d’idées
qui avait entralné Morel lui-méme. Vingt ans plus tard, les legons
de Magnan sur la dipsomanie devaient rallumer Ies controverses.
Magnan blàmait Esquirol de n’avoir vu dans la dipsomanie que
le symptàme, et d’en avoir fait une monomanie. En réalité, quand
on remonte aux ancécédents de ces malades, on s’apenjoit qu’ils
ont antérieurement présenté des bizarreries de caractère ou des
troubles mentaux, indices d’une atteinte générale de l’intelligence.
Le besoin de boire, s’il constitue chez le dipsomane le fait le plus
saillant, ne représente pas à lui seul toute la maladie : il n’est qu’un
sindrome épisodique d’un état mental que l’hérédité tient sous sa
dépendance. On trouve d’ailleurs chez lui d’autres impulsions,
multiples et variées.
Les premiers travaux de Magnan vont amorcer la grande discus-
sion de la Société médico-psychologique, où l’on va chercher à se
mettre d’accord sur les termes d 'héréditaire et de dégénéré, dont la
vaieur et la signification n’avaient pas été sufHsamment précisécs
dans Ia discussion de 1860. •
Sur Ia proposition de J. Falret, la Société met à l’ordre du jour
du 30 mars 1885 la question des signes physiques, intelleduels et
moraux des folies héréditaires, qui se décompose ainsi :
l« r Point : Quelle est l’empreinte de l’hérédité dans les maladies
menlalest
2 e Point : Y a-l-il des formes mentales caractéristiques héré-
diiairesl
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REVUE DE PSYCHIATRIE
L’attitude de Magnan devient très nette : II aflìrme qu’il existe
une folie héréditaire, indépendante des autres formes mentales.
Les héréditaires, ou dégénérés, présentent dès la naissance des
stigmates physiques et psychiques, qui les font reconnaltre parmi
les autres aliénés, et les rangent, sans conteste, dans une classe à
part.
Mais la discussion va s’obscurcir dufaitde l’entrée en jeu d’une
considération nouvelle, je veux parler des dégénérescences acquises,
que Morel avait explicitement reconnues, que Magnan n’avait
jamais niées, mais sur I’importance desquelles Ghristian, Bouche-
reau et Cotard exigent qu’on insiste davantage.
Charpentier s’étonne et s’indigne : vous voulez, dit-il en sub-
stance, créer un groupe spécial de folies héréditaires. Or, vous recon-
naissez : 1° que toutes Ies maladies mentales relèvent plus ou moins
de l’hérédité; 2° qu’il y a des folies héréditaires (dégénérescences
acquises) où l’hérédité ne joue aucun róle particulier! Avouez
donc tout de suite que ce mot de folie héréditaire vous sert tout
simplement à étiqueter ce que vous ne savez pas où classer. II
s’agit là d’une synthèse prématurée, et toutes Ies monomanies n’ont
de commun, dit Charpentier, que la cacophonie des substantifs qui
les expriment.
Magnan, dans la séance du 28 juin 1886, après avoir répondu aux
dilTérentes critiques qu’on lui a adressées, cherche à reprendre a*
résultats positifs de la discussion. Iladmet, à c6té del'étiologie héré-
ditaire, l’étiologie fcetale, conceptionnelle et infantile de la folie
des dégénérés. En dépit des divergences d’opinion relatives à l’étio
logie, tout le monde est d’accord, ajoute-t-il, au point de vue
clinique, sur le groupe des héréditaires ou dégénérés.
Magnansetrouve satisfait à bon compte, car, aprèstout, dans la
discussion présente, il s’agissait non seulement de clinique, mais
d’étiologie, et il fallait non seulement se mettre d’accord sur l’un et
l’autre terrains, mais encore concilier les données de l’étiologie et
celles de la clinique.
Cette lutte mémorable se termina en somme, si I’on veut bien me
permettre une expression vulgaire, en queue de poisson. Chacun
coucha sur ses positions : c’est généralement ce qui se passe au soir
des grandes batailles médicales.
Toutefois, cette discussion n’aura pas été sans influence sur I’évo-
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l’idée de décénérescence en hédecinb hentale
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lution de la doctrine de M. Magnan dans l’esprit de M. Magnan lui-
mème. Les nécessités de la controverse Pont contraint à se livrer
sur ses propres idées à un travail d’analyse serrée, qui lui permettra
par la suite d’exposer avec une plus grande précision de contours, et
sous une forme pour lui déíìnitive, la doctrine de la dégénérescence
mentale.
IV
L’oenvre de Magnan et de ses élèves.
C’est dans la thèse de Legrain et dans un petit livre publié en 1892
dans la collection Charcot-Debove, et intitulé Les Dégénérés, que nous
trouvons les éléments d’un exposé méthodique des idées de M. Ma-
gnan, à leur période de systématisation.
L’hérédité rayonne sur toute la*pathologie mentale. Mais,parmi les
aliénations, U faut distinguer deux grandes classes :
1° Celles qui surviennent chez les héréditaires, c’est-à-dire chez
les prédisposés;
2° Celles qui ne constituent qu’un accident dans la vie d’un
individu par ailleurs normal.
Les prédisposés se divisent en deux groupes : prédisposés simples
et prédisposés avec dégénérescence.
Les prédisposés dégénérés sont caractérisés par un état mental
particuher, préexistant à toutes les manifestations vésaniques.
Suivant que cette atteinte originelle du fond mental est plus ou
moins accentuée, on peut distinguer ces sujets en déséquilibrés ou
dégénérés supérieurs, débiles, imbéciles et idiots, chaque catégorie
se continuant avec la suivante par une transition insensible.
Le dégénéré possède des attributs qui caractérisent la tare dont
ilestporteur : stigmafes physiques et sligmales moraux.
La marque principale de l’état mental du dégénéré, c’cst le désé-
quiUbre, dont M. Magnan rend compte à la faveur de son fameux
schima anatomique, que Naecke juge entaché de phrénologisme.
Le íond mental étant mis à part, le dégénéré peut se trouver
dans des situations transitoires constituées par les étals syndro-
miques et les élais déliranls.
L ’obsession et 1’ impulsion constituent Ie fond commun de la plupar t
des svndromes épisodiques de la dégénérescence. Quelle que soit
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la nature de l’idée obsédante ou de l’acte impulsif, les phénomènes
spécifìques de l’obsession et de l’impulsion restent toujours Ies
mèmes, et sont les suivants :
«) Conscience lucide ;
P) Luiie angoissanle ;
Y) Irrésistibililé ;
8) Exagération des signes physiques de l’émolion ;
e) Soulagemenl consécutif.
A còté de l’état syndromique se place l’état délirant, dont
l’étude constitue le véritable objet de la thèse de Legrain. Abs-
traction faite de la manie raisonnante et de la folie morale, états
intermédiaires dont le caractère délirant n’est pas avéré, on ren-
contre chez le dégénéré les manifestations suivantes :
1° Exallation cérébrale et dépression mélancolique simples’,
2° Délires d’emblée, caractérisés par Ia brusquerie de leur début
et par leur polymorphisme;
3° Délires à éoolulion chronique, que l’on doit soigneusement
distinguer du délire chronique à évolution systématique né de la
synthèse opérée par Magnan et Gérente du délire de persécution et
du délire des grandeurs
Ball devait apprécier d’une fagon un peu vive les conceptions
de Magnan : II considère dédaigneusement la dégénérescence men-
tale comme une sorte de remise, qui sert à loger, sans aucun effort
d’esprit, tous les cas embarrassants dont la défìnition est diflicile
à formuler.
V
L’idéè de dégénérescence dans la psychiatrie allemande
L’idée de dégénérescence devait pénétrer dans la psychiatrie
allemande avec le Trailè des Maladies mentales de Griesinger, où
étaient exposées très exactement les conceptions nouvelles de Morel
ct de Moreau (de Tours) sur la prédisposition héréditaire.
C’est dans le Traité de Schule que la notion de dégénérescence va
constituer le socle de toute la nosologie psychiatrique. La mème
tendance se retrouve, aussi accentuée, chez Krafft-Ebing, qui a le
mérite de l’exprimer sous une forme plus accessible, la pensée de
Schúle devant rester absolument impénétrable à nos intelligences
Iatines.
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l’idée de dégénérescence en hédecinb mentale
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Si I’on met à part les maladies avec lésions anatomo-patbolo-
giques constantes, les psycboses organiques et les intoxications,
sil’onréserve l’idiotie, queles auteurs allemands ontpris l’habitude
de décríre dans un chapitre spécial, nous restons en face des psy-
choses fonctionnelles: Krafft-Ebing divise ces demières en psycho-
nivroses et en dégénérescences psychiques, en vertu de ce principe
fondamental, qu’il y a une différence très grande entre un trouble
psychique développé dans un cerveau bien constitué et une maladie
mentale survenant dans un cerveau atteint d’une tare héréditaire.
C’est ainsi que la manie périodique, maladie dégénérative, se
distinguera de la manie ordinaire, maladie non dégénérative, d’abord
pas son caractère périodique, ensuite par certaines particularités
sjTnptomatiques.
Dans l’ceuvre de Krafft-Ebing, les dégénérescences psycbiques
comprennent:
1° L'aliénalion menlale conslituiionnelle émotive (das konsti-
tutionelle affektive Irresein) ou folie raisonnante ;
2° Les paranolas ;
3° Les folies périodiques ;
4° Les formes d’aliénation menlale dues aux névroses consli-
lutionnelles (troubles mentaux en rapport avec la neurasthénie, l’épi-
lepsie, l’hystérie, l’hypochondrie).
Cette tendance de la psychiatrie allemande à faire de l’idée de
dégénérescence un criterium nosologique fondamental ne devait
pas subsister bien longtemps. Les auteurs germaniques comprirent
ce qu’un tel procédé avait d’excessivement schématique. Nous
trouvons une réaction très nette dans l’ceuvre de Ziehen : Le con-
cept de Ia dégénérescence n’intervient pas dans la classifìcation de
cet auteur qui se contente de l’étudier au chapitre de l’étiologie
générale. La dégénérescence, pense-t-il, est un facteur étiologique
important, elle joue un róle prépondérant dans la détermination de
certames psychoses qui, à cause de cela, peuvent ètre taxées de
dégénératives. Mais cette influence n’est pas suffisante pour per-
mettre de tracer des cadres nosologiques spéciaux.
Dans l’oeuvre de Kraepelin.l’idée de dégénérescencedevientencore
plus lointaine. La dégénérescence ne constitue qu’un mode de
l’hérédité, et Ies individus héréditairement tarés ont une tendance
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constitutionnnelle soit à étre malades d’une fagon permanente,
soit à présenter des accidents mentaux à retours fréquents. La
moindre cause occasionnelle sera susceptible de déclencher en eux
un trouble durable de l’intelligence.
Malgré tout, il faut bien que Kraepelin fasse entrer les dégénérés
dans sa classification. II le fait avec un certain détachement et une
certaine hauteur. II ne se croit en rien obligé de dresser ces dégénérés
en face de tous les autres malades mentaux. II ne cherche pas, dans
sa classifìcation, à les renfermer dans un compartiment étanche.
On peut considérer le problème, pense-t-il, du point de vue large
et du point de vue étroit.
Au point de vue strict, il est possible d’admettre la classe des
états psychopalhiques (psychoses dégénératives) : cette classe com-
prend quatre subdivisions :
1° La dépression constitulionnelle (constitutionelle Verstism-
mung);
2° Les obsessions ;
3° La folie impulsive;
4° Les peroersions sexuelles.
Mais, en se plagant au point de vue large, on doit aussi parler de
dégénérescence dans d’autres états, dans les névroses communes,
dans la psychose maniaque dépressive, dans certaines formes de
débilité, et peut-étre aussi dans la parano'ia.
VI
Lesrapports du génie et du crlme avec la dégénérescence.
II s’agit ici de deux questions vieilles comme la pensée humaine,
qui se soudent tout naturellement au problème de la dégénérescence,
contribuant à Iui donner un intérèt qui dépasse les limites étroites
d’une science spécialisée.
L’Antiquité assimilait au délire l’enthousiasme poétique et pro-
phétique. Aristote, dans une phrase que l’on répète partout, aflìrme
que « nullum magnum ingenium fuit sine mixtura dementiae *.
Félix Plater rapporte, avant Voisin, des faits de génialité partielle
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l’idee de dégénérescence en médecine mentale
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chez des aniérés. Cabanis et Fodéré effleurent par instants la ques-
tion des rapports du génie et de la folie.
En 1859, paralt le fameux ouvrage de Moreau (de Tours), livre
touífu, étrange, mal composé, monument fondamental de la théorie
du génie-névrose. Après avoir considéré, comme Voisin, les faits
de génialité partielle chez les dégénérés inférieurs, Magnan indivi-
dualise la classe des dégénérés supérieurs.
L’ceuvre de Lombroso vulgarise cette notion des rapports du
génie et de la dégénérescence; il l’accommode à l’optique populaire,
et formule sa théorie du génie psychose dégénérative épilepto'ide.
Les exagérations méridionales de Lombroso et l’ironie lourde de
Max Nordau provoquent des colères dépourvues, elles aussi, de
mesure, que tempèrent des opinions plus éclectiques, celles de M. Del
Greco et de M. Brugia par exemple, qui comprennent que l’homme
de génie ne peut ètre ni tout anomalie, ni tout perfection. Aussi
bien, Nordau n’a-t-il pas toujours été lu avec impartialité : on ne
peut rien lui reprocher, quand il montre que, à cóté du génie véri-
table, il y a place pour I’étude du génie pathologique.
II est vrai, comme l’écrivaient les Goncourt, qu’il sera toujours
plus agréable de se représenter le génie sous la forme d’une langue
de feu que sous l’aspect d’une névrose.
L’histoire des rapports de la dégénérescence et de la criminalité
acquiert un intérét spécial, du fait que le signalement morpholo-
gique et moral du criminel a précédé celui du dégénéré. On s’est
d’ailleurs vite aperqu qu’aucune différence fondamentale ne séparait
les deux types.
Les adeptes de la célèbre école italienne d’anthropologie crimi-
nelle mettent une certaine coquetterie à signaler eux-mèmes leurs
précurseurs. Le livre séduisant de M. Antonini (1) renferme un véri-
table arbre généalogique des ancètres de la Nuova Scuola. II désigne
dans la Physionomie de l’Antiquité et de la Renaissance la vraie
prtcorriirice de l’anthropologie criminelle.
A la fin du dix-huitième siècle, la question de la criminalité prend
une toumure qui prépare son affiliation à celle de la dégénérescence.
Toutes les fois que Cabanis a l’occasion de parler des criminels, il
(1) Antonini. I precurtori di Lombroso. Torino, Bocca, 1900.
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58
RBVUB DB PSYCHIATRIE
les considère comme des malades (1). Gall estime que la crimi-
nalité est au premier chef du ressort de la médecine. II formule
nettement cette idée, qui constituera le point de départ de toutes
les nouvelles doctrines criminologiques, qu’il est tout à fait défec-
tueux de considérer le crime sans s’inquiéter du criminel.
Enfin, dans l’oeuvre de Morel et dans celle de Moreau (de Tour3),
la question de la criminalité se soude définitivement à la question
de Ia dégénérescence. Lombroson’a jamais caché tout ce qu’il devait
au médecin de Saint-Yon. A notre tour, nous ne devons jamais
manquer de rendre hommage aux admirables travaux de l’école
italienne. On ne doit rien écrire, en matière de criminologie, sans
se documenter auprès des Ferri, des Garofalo, des Colajanni, des
Del Greco, des Brugia, etc.
Tout nouvellement, lesrapports de la dégénérescence et de la cri-
minalité ont été repris d’une fagon un peu spéciale : je fais allusion
à la discussion sur les perversions instinclives, au Congrès de Tunis
(1912) et au remarquable rapport de M. Dupré (2). C’est parmi les
aliénés héréditaires de Morel que M. Dupré va prendre ses pervers
instinctifs, pour nous en donner une étude précise et détaillée, qui
ne pouvait ètre faite en 1860, mais qui, en 1912, devait bénéficier
des progrès de la psychologie criminelle contemporaine.
L’étude des dégénérés ne devait pas se confiner dans le domaine
de la pure spéculation. De tout temps on s’était occupé de défendre
la société contre les anormaux. Les règles hygiéniques que nous
trouvons dans les vieux livres sacrés, dans les lois de Manou,par
exemple, sont parfois celles que cherchent à vulgariser aujour-
d’hui les propagateurs de YEugénique modeme.
Des questions fort intéressantes se rattachent à cette histoire de
la lutte contre la dégénérescence, en particulier le problème des
dégénérés à l’armée, ainsi que la propagande troublante faite en
faveur de la stérilisation des dégénérés.
(1) J’ai mis ce point en relief il y a trois ans dansmon article sur La pyschia-
rie dans l'ceuvre de Cabanis. Revue de Psychiatrie, octobre 1910.
(9) Dans mon ouvrage, Je n’ai consacré qu'une faible place à la question de
dégénérescence criminelle, car,avec M. Vallon, nous sommes en train de la
reprendre en détail dans un livre qui parattra prochainement, auquel mon
excellent maltre doit apporter la précieuse collaboration de sa compétence
médico-légale bien connue, et que viendront illustrer des exemples concrets,
empruntés à ses vingt années de pratique de l’expertise psychiatrique.
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l’idée de dégénérescence en médecine mentale
59
VII
Ĺ’idée de dégénérescence mentale et les tendances de la
psychlatrie contemporaine.
Mais c’est en aliéniste surtout que nous avons abordé l’histoire
de la dégénérescence mentale. Nous avons vu cette conception
dominer la nosologie psychiatrique dans les pays de langue alle-
mande avec SchOle et Krafft-Ebing, puis étre ramenée par Ziehen et
par Kraepelin à la valeur d’une simple notion étiologique d’ordre
très général.
En France, un phénomène analogue se produit à I’heure actuelle.
Pendant de longues années, la doctrine de Magnan a régné en mal-
tresse sur les classiflcations frangaises. Mais un travail de critique
se poursuivait lentement. Quelques auteurs cherchaient à appro-
fondir le mécanisme intime de la dégénérescence; d’autres, accep-
tant en bloc la valeur étiologique indéniable de ce processus, se sont
plus spécialement demandé quel parti la nosologie pouvait en tirer.
En 1894, M. Vallon s’est élevé contre l’extension trop grande
donnée à la dégénérescence par M. Magnan. Le mot de dégéné-
rescence, dit-il, tend à devenir synonyme d’aliénation mentale.
Cette théorie, très vraie au point de vue de l’anthropologie générale,
ne saurait servir de base à la classiflcation des maladies mentales.
Cette opinion annonce et résume tout un vaste mouvement de
restrictions et de réserves qui s’accentue par la suite. La dégéné-
rescence mentale va bientdt cesser d’ètre le pivot de la nosologie
psychiatrique.
M. Toulouse souligne le caractère provisoire de la classe des dégé-
nérés. 11 s’agit, pense-t-il, d’une simple conception d’attente.
MM. Vaschide et Vurpas, tout en reconnaissant à la doctrine l’avan-
tage d'avoir permis de réunir dans un mème groupe des malades
jusque-là séparés, considèrent qu’il est défectueux de rassembler
sousles mémes dénominations d’héréditaires,de dégénérés, de désé-
quihbrés, trop de types differents.
La notion de dégénérescence intervient encore dans la classifi-
cation de M. Régis, mais d’une fagon un peu lointaine. Elle lui sert
•implement à caractériser, au point de vue étiologique, les infir-
mités psycbiques d’évolution.
J’ai été paiticulièrement heureux de faire figurer dans mon travail
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60
RBVUB OB P8YCHIATRIE
quelques pages où mon maltre, le professeur Gilbert-Ballet, a bien
voulu résumer & mon intention son opinion sur la question de la
dégénérescence mentale.
Le mot de dégénérescence, dit en substance M. Gilbert-Ballet, a
été pris tour à tour dans une acception étiologique et dans une
acception symptomatique.
Mais, au point de vue étiologique, après avoir admis Ia synony-
mie des termes de dégénéré et d’héréditaire, on a dù faire intervenir
la notion des prédispositions acquises : « D’où il résulte que ce mot
dégénérescence, considéré au point de vue étiologique, a une signi-
fícation vague et variable, et que, loin d’apporter dans le Iangage
la clarté qu’y répand un terme net et précis, il est de nature à jeter
la confusion dans Ies esprits. II est donc préférable de renoncer à
l’employer dans une acception causale. »
II n’y a pas non plus lieu de le conserver dans son acception sym-
ptomatique, continue M. Gibert-Ballet, car on ne pourrait le faire
qu’en lui accordant une signification conventionnelle : « Dégénéré
veut dire : qui est déchu des qualités primitives de son espèce, de
sa race; tout malade est dans ce cas, dont I’affection mentale se
rattache à une tare constitutionnelle. Autant dire que le plus grand
nombre des psychoses, quelques-unes mème de celles qui relèvent
d’une cause accidentelle, comme une intoxication, seraient des
maladies de dégénérescence. Mais alors l’extension du mot devien-
drait telle qu’il ne désignerait plus rien de particulier, par consé-
quent de précis. Veut-on limiter, comme d’aucuns ont eu tendance
à le faire, la signifícation du terme à la désignation des tares congé-
nitales nettement et constamment constatable3, comme la débilité
mentale, la déséquilibration, les perversions instinctives, les insuffi-
sances célébrales psychasthéniques, etc., de la sorte on rendra sans
doute conventionnellement à ce terme un sens moins absolument
vague; mais quel avantage y aurait-il à englober sous un vocable
commun des défectuosités psychiques qu’on peut désigner par un
nom qui en spécifie la physionomie et la nature? Et puis de quel
droit exclure du cadre de la dégénórcscence les aflections, corame
la psychose périodique, qui dépendent certainement d’une tare cons-
titutionnelle, parce qu’on ne retrouve pas toujours chez les sujets qui
en sont atteints, en dehors des accès, les stigmates permanents de
la défectuosité mentale native? »
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l’idéb db dégénérbscbnce en hédbcinb mentalb
61
En résumé, conclut M. Gilbert-Ballet: « Je me suis servi comme
tout le monde du mot dégénérescence. Mais plus je vais et plus je
me convaincs que la raison qui lui a assuré le succès, c’est-à-dire
le vague et par suite la commodité de sa signiíìcation, est précisé-
ment celle qui doit le faire rejeter. Si je ne m’abuse, en psychiatrie
plus qu’en aucune autre science, on éprouve à l’heure actuelle le
besoin impéríeux d’un vocabulaire précis. On a dit avec raison
qu’une science est une langue bien faite; à mesuie que la pathologie
mentale progresse, nous rencontrons la nécessité de perfectionner
la nfltre et d’en éliminer dans la mesure du possible les expres-
sions trop générales et trop vagues.
• Je ne conteste pas que la notion de la dégénérescence, et par
suite le mot, aient rendu des services. Mais à I’heure actuelle, ils
me paraissent avoir rempli leur fonction. Je vois bien Ies incon-
vénients, je ne vois pas les avantages qu’il y aurait à conserver le
terme de dégénérescence dans le langage courant de la psychiatrie. ».
Gonclusion.
L’opinion de M. Gilbert-Ballet devait constituer la conclusion
naturelle de mon travail. C’est d’ailleurs l’idée générale qui se dégage
toute seule de l’enquète historíque à laqirelle je me suis livré.
L’idée de dégénérescence a joué un rflle considérable dans l’évo-
lution de la psychiatrie. Comme je l’écrivais, il y a deux ans, à
propos de l’ceuvre de Morel, cette vaste conception anthropolo-
gico-psychiatrique représente le résumé, la synthèse du mouve-
ment séculaire qui a peu à peu rapproché la psychiatrie de la méde-
cine et la médecine de la biologie. C’est le grand témoin de l’affran-
chissement de la médecine mentale, c’est-à-dire de son agrégation
à la science positive.
La dégénérescence conservera toujours, dans l’esprít de tout le
monde, sa valeur étiologique générale, mais, en tant que criterium
nosologique, il est nécessaire qu’elle rentre désormais dans le
domaine de l’histoire rétrospective. En spectateur impartial, nous
avons assisté à sa naissance, à sa fortune rapide et à son apogée
brillante : c’est maintenant l’heure du crépuscule.
&
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LES ASSOCIATIONS
DE LA CONFUSION MENTALE
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LA GONFUSION INTERMITTENTE
Par Henri Damaye,
Midecln de l’Atile de Bailleul.
Les associations de la confusion mentale constituent une dea
études psychiatriques les plus pratiques et les plus fructueuses,
étant donnés non seulement leur pur intérèt psychique, mais sur-
toutlesrapportsdes réactions confusionnelles avec Ies états toxiques
de l’organisme. Nous ne reviendrons pas sur I’historique de la ques-
tion, car nous l’avons exposé lors de précédents articles. Dans toutes
les études sur la confusion mentale, il convient cependant de tou-
jours rappeler les noms de Ghaslin et de Régis (1) auxquels se lie
cette question importante de la Psychiatrie.
Nous rapportons aujourd’hui I’observation d’une malade où Ia
confusion, associée à d’autres éléments, apparalt par intermittence
et laisse après elle, non point la guérison, l’mtégrité mentale, mais
des idées délirantes tenaces, constitutionnelles si l’on peut dire, qui
depuis quatre ans s’installent et se multiplient.
Les cas de ce genre ne sont pas très rares et les éléments n’en sont
pas nouveaux. Ritti (2), dans son ouvrage consacré à la folie circu-
laire et altemante, nous montre des périodes dépressives accora-
pagnées d’idées délirantes de persécution, mélancoliques et d’hal-
(1) Chaslin. La confusion mentale primitive. Paris, 1895.
Réois. Les psychoses d’auto-intoxication. Archiv. de Neurol., 1899, et lee
thèses de ses élèves i Gombault, Hesnard, Neveu, Huot, Gaussen, Laurence.
Thèses de la Faculté de Bordeaux.
Oamaye. La confusion menlale et ses associations. Annalet midico-ptychol.,
seplembre 1911.
Manie pure et manie confusionnelle. fìevue de Ptychiatrie, septembre 1910.
Etudes sur les associations de la confusion mentale. Archiv. iniernationaiet
de neurologie, mai 1912.
(2) Ritti. Traili cliniqae de la (olieàdouble / orme . Doin, 1883.
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AS80CIATIONS DB LA CONPUSION MENTALB
63
lucinations. Chaslin (1) indique déjà que la confusion mentale peut
étre intermittenle ou à rechutes ; il cite l’opinion de Sauze et l’exemple
rapporté par Hannion : quatre accès mensuels paraissant corres-
pondre à l’époque des règles absentes. Delasiauve et Ghaslin ont
vu également que la confusion mentale aigué laisse parfois subsister
après elle des idées délirantes et des hallucinations qui peuvent
former un délire systématisé (2). Séglas (3) a aussi rapporté des
exemples de ces faits rangés par Schflle dans la « paranola ».
Régis attache avec raison une très grande importance à l’étude
des modalités de ia confusion mentale, puisque cette réaction céré-
brale intéresse éminemment l’étiologie et la thérapeutique. Dans les
cas semblables à ceux de notre étude actuelle, on ne peut guère
incríminer qu’une intoxication endogène, une auto-cyto-toxine
vraisemblablement. L’intoxication en cause n’est pas influencée par
nos méthodes thérapeutiques antitoxiques ordinaires.
Ces confusions épisodiques ont une forme stuporeuse et dépres-
sive. Outre l’incohérence du langage avec une certaine désoríenta-
tion, on note chez nos malades une indifférence plus ou moins
marquée au monde extèríeur, l’aspect égaré de la physionomie et
un mutisme fréquent. II s’y joint des hallucinations et des idées
délirantes manifestes,mais rendues vagues par l’état stuporeux.
M m * A..., sans profession, arrive à Bailleul, le 14 aoùt 1908, à l’ftge
de trente ans, avec un certificat portant le diagnostic de « folie spé-
cifique ». Instruction primaire. Mariée depuis plusieurs années; pas
d’enfants.
L’aspect clinique de cette malade est celui d’une confusion mentale
aiguè en voie d’amélioration. Légère torpeur cérébrale, retard psycho-
moteur; lacunes de l’orientation : croyait ètre ici depuis un mois.
Désordre des idées.
Le lendemain de son arrivée, vive agitation. A dater du jour sui-
vant, calme dépressif. Parut alors inquiète, répondant d’une voie
basae et timide, en baissant les yeux. Savait son ftge et la date de sa
naiseance, mais ne pouvait dire ni l’année ni le jour et croyait ètre
en juillet. EUe se reconnaissait « malade de la tète » et se rendait bien
compte que l’établissement est une Maison de santé.Le soir, excitation
fréquente. « AUons, mesdames, prenez votre cachetl... Partons dans
(1) Chaslin. Loco cil.
(2) Chasun. Loe. cil., pages 186 et 187.
(3) SécLxs. La Paranou. Archiv. de Neurol., n°* 37, 38 et 39,1891.
Letoiu elinlquee aor les maladlee mentalw, 1896.
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REVUB DE PSYCHIATRIE
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le train tout de’suite, toutde suite...» Gesticulait en courant d’un bout
à l’autre de sa chambre, frappant aux portes, mais n’était jamais
violente vis-à-vis des personnes. Ful réglée dans les jours qui suivirent
son admission.
28 aoàt. — Timide, craintive. Retard dans les réponses. Dit que
l’on est le 27 aoùt; sait son áge et l’année actuelle, mais ne peut préciser
l’année de sa naissance. Se rend compte qu’elle a été malade. < Je
souffrais dans la téte; je me sauvais. » Commence à travailler.
5 septembre. — La confusion a reparu depuis quatre jours, accom-
pagnée d’hallucinations visuelles. Avant-hier, la malade a vu des
rats sur son lit, l’un était plein de louis d’or; elle a vu aussi trois
singes dont deux sont entrés par la fenètre. Hier, elle a encore vu des
rats. Lorsqu’elle quitte son lit, elle marche les yeux fermés pour ne pas
voir les rats. Onirisme. Hallucinations, auditives probables. Hier, el.’e
se disait impératrice. Aujourd’hui, elle nous dit que toutes ces choses
« étaient comme un rève ». Désordre dans les idées; a de la peine à
rassembler ses pensées, à reconstituer ce qu’elle a dit, vu ou entendu
ces jours derniers. Retard psycho-moteur.
10 septembre. Marche encore en fermant les yeux. Voit un petit
chien sur son lit. Pleure beaucoup et réclame sa mère.
29 septembre. — Un peu améliorée. Assez calme. A encore du dé-
sordre dans les idées, mais n’a plus d’hallucinations. Recommence ò
s’occuper.
8 oclobre. — Fait des difficultés pour s’alimenter. Les troubles
mentaux reparaissent. Se met à genoux, pleure, prie, ferme les yeux.
Gàtisme.
20 octobre. — Mutisme depuis huit jours. Se tient les yeux fermés
et s’agenouille quelquefois. Ne mange que si on iui porte les aliments
à la bouche.
28 octobre. — Mème état. S’alimente un peu mieux, mais est encore
très confuse et dort peu. Ne s’exprime que par signes.
30 ociobre. — Parle aujourd’hui et nous dit qu’elle entendait, les
jours précédents, quelqu’un qui lui interdisait de parler.
2 novembre. — Etat trè9 variable. Tantòt calme et lucide : s’occupe
alors. A d’autres moments, se tient les yeux fermés,croyant voir des
étre ou des objets imaginaires, ou bien ne parle pas, croyant qu’on le
lui défend.
3 décembre — Souriante. Parle convenablement et s’occupe régu-
lièrement. Bien orientée. Toute confusion a disparu. N’a plus ni
cauchemar, ni hallucinations, ni idées délirantes. Mange et dort bien.
Demande sa sortie.
22 décembre. — L’état lucide s’est maintenu jusqu’au 10. Depuis,
la malade reste la plupart du temps inoccupée, les yeux íermés, ne
parlant guère.
11 janvier 1909. — De nouveau, travaille régulièrement depuis
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ASSOCIATIONS DE LA CONFUSION MENTALE
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quelques jours.jMange bien et grossit. Santé physique exceilente. Se
plaint« d’avoir la téte un peu dròle ».
26 janvier 1909. — Est descendue ce matin en état de confusion.
Refuse les aliraents. Mutisme, yeux fermés.
29 janvier — Mème état, mais s’alimente mieux.
4 février. — Mèrae état confusionnel. Refuse une lettre qui lui est
adressée; ne répond pas lorsqu’on l’appelle par son nom. S’agenouille
devant les autres malades en leur demandant pardon. Hállucinations;
frayeurs; sanglots.
10 mars. — Mème état depuis le 26 janvier. Aspect ahuri. Ne
semble pas comprendre ce qu'on lui dit. Dort mieux cependant
25 mars. — Mème état. Hébétée. Ferme souvent les yeux.
22 avril. — La confusion se dissipe un peu, mais la raalade a essayé
ce matin de se couper les cheveux, disant qu’elle voulait prendre le
voile. Apparilion des règles qui faisaient défaut depuis plusieurs mois.
4 mai. — Encore un peu confuse. Maniérisme. Répond d’une voix
coatrefaite, d’une voix d’enfant. Depuis cette époque jusqu’en aoùt,
période lucide durant laquelle la malade s’occupe, est douce, raison-
nable, prévenante et travaille très bien.
Le 21 aoùt, descend le matin en état d’excitation et de confusion.
Demande ce qu’on lui veut; se couche à terre.
28 aoùl. — Mème état. Parle avec une voix d’enfant. Rit fréquem-
ment. Se couche dans tous les lits qu’elle apergoit.
5 novembre. — La confusion se dissipe. Ne délire plus. Gommence à
j’occuper.
10 novembre. — Sang prélevé à onze heures matin :
E = 2,3 Int = 5 Monos = 10,4
P = 61 L = 21,3 Grands et moyens.
20 novembre. — La confusion et le raaniérisme reparaissent.Parle
d’une voie grèle comme un petit enfant.
30 novembre. — L’excitation s’accentue.
16 février 1910. — Depuis novembre, s’est montrée excitóe ct
coníuse avec des jours d’accalmie et de lucidité relative.
28 mai. — Période de lucidité et de calme depuis fin février, avec
un jour de confusion légère de temps à autre.
24 seplembre. — Depuis juin,agitée et confuse la plupart du temps.
4 janvier 1911. — De nouveau excitée après une période d’accal-
mie et de lucidité qui a duré trois semaines.
11 mai. — Confuse et excitée depuis huit jours. Sang prélevé à
11 heures du matin :
E = 4,6 Int = 1,8 Monos = 9,9
P = 65,3 L =18,4 Grands et moyens.
Urines : jaune paille, acides. Pas d’albumine ni de sucre.
13 mai. — Mème ètat de confusion et d’agitation/ Panophobie.
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UNivERsrry of michigan
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Hailucinations. Pupilles en mydriase avec légère inégalité, ce matin.
Sang prélevé à onze heures :
E = 3 Int = 3,8 m = 16,6
P = 52,6 L - 24
Est régulièrement réglée chaque mois; souvent violente à l’époque
de ses règles. Depuis quelques mois, les périodes de confusion avec
excitation tendent à devenir plus fréquentes et plus longues; au con-
traire, les phases d’accalmie et de lucidité s’abrègent. Au cours des
périodes confusionnelles, ia langue n’est pas saburrale. Cliniquement,
aucun symptòme de tuberculose. Rien au coeur.
18 mai. — Etat confus, stuporeux. Voix puérile, contrefaite. Sang
prélevé à onze heures :
E = 2,3 Int =6,4 m = 22,3
P = 56 L = 13 Grands et moyens.
13 /uin. — Mème état confusionnel. Ce matin, mydriase, avec
légère inégalité pupillaire par moments. A dater d'aujourd’hui, 1 gr.
iodate de soude et solution aqueuse. Sang prélevé à onze heures :
E = 9,3 Int =4 m = 17,6
P = 50,5 L = 18,6
15 /uin. — Mème état. Sang prélevé à onze heures, après deux
jours d’iodate :
E = 6 Int =5,7 m = 16,6
P = 49,7 L »22
— Quel jour sommes-nous? —« Quatre heures...» Parle seule à mi-
voix et souvent ne répond pas lorsqu’on lui cause.
15 juillei. — Suppression de I’iodate. Le médicament n’a provoqué
ici aucune modification clinique.
l«r aoùt. —L’état confusionnels’est complètement dissipé cette nuit.
La malade est descendue ce matin,calme,lucide, bien orientée, propre
et bien coiffée. Ecrit aujourd’hui deux lettres toutà fait correctes
à ses parents. La période confusionnelle a duré, cette fois, plus de trois
mois. La malade ne se souvient pas de ce qu'elle a fail ni de ce qui s'esl
passé au cours de ses phases de confusion. Nous remarquons aussi
que le début des périodes confuses ou le retour à la normale s’opèrent
toujours dans la nuit. • II me semble, dit la malade, que les nerfs me
tournent quand je suis malade comme cela, et que quelque chose dans
la tète m’empèche de parler. » A remarquer également que durant
les périodes confusionnelles l’appétit est très bon; il diminue lors des
périodes lucides. Lorsque la confusion s'est dissipée, M"« A... ré-
clame chaque jour sa sortie.
Sang prélevé à onze heures :
E = 10,6 Int =2,4 m = 3,3
P = 70 L = 13,7
2 aoùl. — Un peu moins bien orientée aujourd’hui. Légère ébauche
de confusion.
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4 aoùl. — Est de nouveau très consciente et lucide. Elle me parle
bien,ce matin, des iravaux qu’elle a faits hier. Je l’interroge sur uno
syphilis possible autreíois. Elle me dit avoir eu, après son mariage,
« une maladie provenant peut-ètre de son mari, avec des boutons à
la peau, du mal de gorge, mais que le médecin n’a jamais voulu lui
dire ce que c’était ». — «11 n’a soignée, ajoute-t-elle, avec du
mercure et du chlorate de potasse. » — Aucun ganglion. Aucune
trace d’éruption.
14 aoàt. — La lucidité se maintient. S’alimente bien et travaille
bien « afin de pouvoir bientòt partir », dit-elle.
Sang prélevó à onze heures :
E = 5,3 Int =4 m = 2,3
P = 51,6 L = 36,6
16 aoùt. — Commence déjà à laisser là son goòter, disant qu’elle
ne peut plus souper lorsqu’elle le prend. Demande à changer de quar-
tier et à sortir bientòt.
24 aoàt. — Ne travaille plus bien. Réclame sa sortie avec insis-
tance. Ne mange plus qu’à un seul repas et maigrit un peu. Elle dit
ne plus vouloir retourner avec son mari et en veut à celui-ci.
26 aoùl. — Confuse. Etat stuporeux avec fréquents moments
d’excitation.
16 ieptembre. — Est redevenue lucide et travaille. La confusion n’a
duré, cette fois, que trois semaines environ.
15 novembre. — Confuse et excitée. La période lucide a donc duré
deux mois.
16 février 1912. — Ce matin, s’occupe un peu à balayer, mais
chante et est encore assez désorientée. La période confusionnelle
a eu une durée de trois mois environ.
17 février. — Son mari et son beau-père sont venus la voir aujour-
d’hui.« Ce n’est ni mon mari, ni mon beau-père », a-t-elle dit, et elle
refuse de les reconnaítre.
19 février. — « Quel malheur! J’ai refusé, avant-hier, de causer à
mon mari et à mon beau-père », a-t-elle dit ce matin en se levant.
Aujourd’hui, travaille et semble tout à fait lucide.
24 février. — Méme état de lucidité. Le personnel nous dit que
cette malade est, durant ses phases lucides, très facile à diriger, douce,
polie, très délicate, sans bizarreries ni inégalités d’humeur.
Pupilles égales, réagissant bien à la lumière. Un peu de tremble-
ment fibrillaire de la langue.
Je lui fais effectuer ce matin les calculs suivants :
2452 8295 825 142
+6329 4328 +426 +158
- - 124 -
87911 47 - 3010
13615
7
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Je lui fais remarquer qu’elle ne tient pas compte des retenues : elle
remplace alors le 6 par un 7 dans l’addition ci-dessus.
4 mars. — A dater d’aujourd’hui, je lui prescris chaque jour la
potion suivante :
Iodure de potassium. 4 gr.
Eau sucrée. 80 gr.
La religieuse du quartier nous dit que la malade parle beaucoup
seule et se tait lorsqu'elle voit venir une sceur ou une infirmière. II
nous faut remarquer que M m * A... n’est plus aussi normale pendant
les périodes lucides. Elle y délire maintenant, menace son mari, dit
qu’elle le tuera parce qu’il la laisse ici.
11 mars. — Travaille, mais en parlant seule. Accuse son mari« de
lui avoir donné une maladie honteuse»et de la laisser ici«afin de divor-
cer ». Elle renie son mari et dit qu’elle demandera le divorce aussitòt
sa sortie. Illusions de fausses reconnaissances : dit avoir apergu dans
la cour de l’asile un jeune homme de son pays :« Pourquoi est-il venu
ici? était-ce pour prendre des renseignements sur moi, ou bien voulait-
il me faire une visite... inconvenante? »
19 mars. — TravaUle bien. Très bien orientée : pas d’incohérence,
mais accuse son mari de la laisser ici. Ne se rend pas compte qu’elle
est périodiquement malade et qu’eUe ne pourrait vivre au dehors.
21 mars. — TravaUle bien, mais nous dit ce matin qu’eUe a « une
plaie dans le bas des reins»(inexact), que son mari était malade et
n’aurait pas dù se marier. Des gens de son pays lui téléphonent toute
la journée«des choses qui ne lui font pas plaisir ». EUe est donc persé-
cutée et haUucinée.
30 mars. — Très délirante. Entend constamment le téléphone.
Nous dit qu’eUe ne veut pas rester dans une maison où l’on n’aurait pas
dù la mettre, qu’elle a été bien élevée, qu’on aurait dù la mettre pen-
sionnaire et non indigente. EUe soulèvera, s’U le faut,«comme Jeanne
d’Arc, la France et la Bretagne pour faire respecter son honneur ».
Urines : jaune paUle, acides, Pas d’albumine, ni de sucre.
l* r avril. — Est retombée cette nuit dans son état confusionnel.
Pupilles en légère mydriase, ce matin.
12 avril. — La réaction de Wassermann, faite par M. Mézie & l’Ins-
titut Pasteur de LiUe, a élé négalive.
16 avril. — Mème état de confusion.
27 avril. — Suppression de l’iodure, & dater d’aujourd’hui.
30 avril. — Toujours confuse et excitée. Mange bien.
Urines des vingt-quatre heures : jaune paille, acides. Pas d'albu-
mine ni de sucre. On ne décèle plus d’iode avec AzO*H et chloroforme.
Chlorures = 15 grammes. Urée = 25 gr. 60. Azote total = 11 gr. 5.
l* r mai. — A présenté ce matin quelques heures lucides, a tra-
vaUlé,puis est redevenue confuse.
11 mai. — A travaiUé un peu hier raatin. Est un peu moins confuse.
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ASSOCIATIONS DE LA CONFUSION MENTALE
69
Urines des vingt-quatre heures : Jaune paille, acides. Pas d’albu-
mine. Chlorures = 13 gr. 50. Urée = 23 gr. 058. Azote total = 18 gr.
26 juilld. — Est redevenue lucide. Travaille bien ce raatin.
29 juilld . — A écrit ce matin une lettre très aimable à son mari.
13 aoùt. — Demande déjà sa sortie; veut se placer comme infir-
mière. Travaille bien. On a eu du mal à obtenir ses urines des vingt-
quatre heures : elle semble craindre qu’on y découvre quelque chose
d’anormal l’empèchant d’obtenir sa sortie.
Urines des vingt-quatre heures: chlorures = 15 gr. 50. Urée = 28,18.
Azotetotal = 12 gr.
24 ao&t. — Sang prélevé à onze heures :
E = 3,4 Int = 7 m = 1,3
P = 58,6 L = 29,7
2 uplembre. Depuis deux jours, recommence à se plaindre de sa
piaie dans le dos et d’avoir les jambes enflées (inexact). Bien orientée;
pas de confusion.
3 septembre . — Bien orientée. Réticente:«Je ne le ferai plus... r, dit-
dle, corame en s’accusant de quelque chose. Et un instant après:
c Lorsque j’avais quatorze ans, mon père a couché avec moi... mais il
n’y eut rien de mal... »
E = 3 Int = 5,7 ra = 0,7
P = 50 Lymphos et petits monos = 40,6
7 sepiembre. — Sang prélevé à onze heures :
E = 1 Int = 5 m = 1,7
P = 49,3 L =43
Ne répond pas à ce qu’on lui demande, ou bien parle d’une voix
contrefaite, grèle et puérile. Elle, si propre quand elle est lucide, a
voulu hier manger une tartine jetée dans un vase de nuit par une
aotre malade.
28 odobre. — Mème état. A dater d’aujourd’hui, une capsule de
thyroldine chaque jour.
16 novembre. — Vingt capsules de thyroldine n’ont produit aucune
modification dans l’état mental. A dater d’aujourd’hui, une capsule
ovarine chaque jour.
5 déeembre. — Pas de modification sous l’influence de l’ovarine.
La confusion mentale subaigué est, dans cette observation, bien
manifeste et ne laisse après elle qu’un souvenir vague comme celui
d’un rève. La confusion apparaít par intermittences, mais ses
période8 ont tendance à se prolonger de plus en plus. L’élément
confusionnel n’est pas pur, chez notre malade. II s’accompagne non
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70
REVUE DE PSYCHIATRIB
Beulement d’excitation ou de dépression, mais encore d’idées de
persécution, mystiques ou de grandeur, de préoccupations mélan-
coliques ou hypocondriaques et d’hallucinations visuelles et audi-
tives. C’est là, en somme, de la confusion mentale associée.
Lorsque la confusion se dissipe, il persiste de plus en plus un délire
cohérent formé par ces mémes conceptions avec des interprétations,
de fausses reconnaissances et des hallucinations.
L’examen physique ne nous foumit, pour ce cas, aucun élément
étiologique, aucune indication thérapeutique. Pas de syphilis vrai-
semblablement, puisque Ie Wassermann est négatif. Pas d’urémie,
ainsi qu’en témoignent les analyses d’urine. Pas de tuberculose ni
d’autre maladie somatique révélée par les moyens cliniques. La
formule leucocytaire ne nous donne pas davantage d’indication.
Cet examen physique nécessaire est intéressant. II nous montre en
effet que l’intoxication, les troubles périodiques, auxquels il faut
bien attribuer les phases confusionnelles, relèvent ici de poisons plus
intimes que ceux actuellement connus et décelables.
En résumé, il y a chez notre malade deux affections, au point
de vue clinique : une psychose confusionnelle intermittente qui peut-
ètre deviendra permanente et chronique, et un délire cohérent avec
interprétations et hallucinations qui s'est accentué depuis quatre
ans.
Le délire de Magnan et la psychose de Sérieux et Capgras peuvent
succéder à une affection confusionnelle aigué qui révèle alors, pour
ainsi dire, une aptitude jusque-là latente.
Résumons une autre observation qui se rapproche de la précé-
dente. Elle conceme une maladc dont la santé physique excellente
ne semble pas davantage foumir de renseignements étiologiques.
P... Marguerite, 22 ans, célibatairc. — Placée comme domestique,
présente, vers aoùt 1909, des idéesde persécution : croit que sa mat-
tresse prépare des aliments pour l’empoisonner, qu’on la suit dans
la rue. Revient précipitamment chez ses parents et s’excite en disant
qu’on va venir mettre le feu, piller la maison, a des hallucinations
visuelles et auditives. Croit qu’on la surveille avec des jeux de miroirs.
Entrée à Bailleul en novembre, elle fait une période de confusion
mentale stuporeuse avec hallucinations visuelles et auditives, refus
d’aliments, interprétations, actes bizarres, impulsivité. Rien d’anor-
mal dans les urines, ni à l’exploration somatique. Cet état confusionnei
se prolonge jusqu’en juillet 1912 et ensuite se dissipe assez rapide-
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A8S0CIATI0NS DB LA CONFUSION HBNTALE
71
ment. En septembre, P... commenee è bien s’occuper, d’une tacon
régulière; elle n’est plus ni confuse, ni désorientée, n’a plus d’halluci-
nations, mais conserve des idées délirantes cohérentes et des inter-
prétations. Elle se croit mariée, prend une malade de la cuisine pour
son mari et l’embrasse chaque fois qu’elle la rencontre. Erotisme :
se déshabille devant les passants et les interpelle lorsqu’elle va se
promener dans les champs avec les autres malades. Croit toujours que
sa maltresse a voulu l'empoisonner (1).
Opérations effectuées par elle le 28 septembre 1912, en moins de
cinq minutes. Intégrité intellectuelle.
245
3452
2458
358 | 42
+428
—1234
x29
220 |-
—
100 | 8,5237141857142
673
2218
22122
160
4916
340
060
71282
180
120
360
240
300
060
180
120
360
Quel diagnostic appliquer à ces deux malades? L’état actuel de
nos connaissances biologiques ne nous permet pas de préciser, car
nous ignorons l’étiologie. Nous ne serions guère plus avancé en
prononjant le mot « démence précoce » alors méme que la confusion
ou lee idées délirantes deviendraient permanentes. Ce n’est point là
cette incohérence à début insidieux, à allure chronique d’emblée.à
laquelle on doit réserver le terme démence précoce si l’on ne veut
faireenglober à celui-ci presque toute la pathologie mentale.Tenons-
nous-en sagement aux faits certains : d’une part état confusionnel
hallucinatoire avec idées délirantes, de l’autre délire cohérent avec
interprétations et hallucinations. Les périodes confusionnelles,
période d’intoxication vraisemblable, pourront peut-ètre, si elles
se répètent ou deviennent permanentes, affaiblir à la longue l’intel-
ligence. La psychose toxique pourra couvrir, peu à peu, la psychose
cohérente de l’état second, tout au moins chez la première malade.
(1) L’ètat mental de cette malade est toujours identique (21 février 1913).
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ItEVUB DE P6YCHIATRIE
Régìs a montré que bien des affections prises pour la psychose
maniaco-dépressive sont en réalité des confusions mentales tour à
tour agitées et stupides. Nous avons publié ces deux observations,
non seulement pour l’étude de l’évolution des psychoses, mais aussi
à cause de la coexistence chez un méme sujet de deux variétés
cliniques qui semblent altemer.
QUELQUES MOTS D’HISTORIQUE
SUR LA DÉMENCE PRÉCOCE
Par H. Le Savoureux,
InUrnt det Atilet dt la Stine.
Le travail de l’historien se montre précieux quand il a su fixer
avec une clarté suffisante, non seulement I’histoire des vocables et
des écoles, mais surtout, à travers Ies querelles de mots, les faits
mentaux eux-mémes et qu’il nous permet de retrouver trace de
leurs observations dans la suite des siècles, et ceci malgré les termes,
les théories et les classifìcations des auteurs.
Le problème de la similitude des troubles mentaux aux diverses
périodes de l’histoire est, on en conviendra, l’intérèt vivant de ces
études. II semble bien que de tout temps la nature humaine ait
réagi aux émotions de la méme manière, sinon plus violemment, qu’au-
jourd’hui. Nous pouvons supposer que I’équilibre mental devait
étre aussi facilement rompu; que l’ivresse était suivie de semblables
désordres mentaux; que la débauche et les excès de toutes sortes
conduisaient aussi souvent à la désagrégation mentale et à la
démence. Le rapprochement est facile à faire entre la prison moderae
où nous trouvons les troubles mentaux dans la proportion de 25 à
500/0, et les rues de l’ancienne Rome.par exemple, où, étant données
les mémes circonstances et les mémes crimes, nous sommes en droit
de suspecter les mèmes folies. Toutefois il faut convenir que pour
résoudre ce problème il faut souvent accomplir un travail ana-
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QUELQUES UOT8 D'HISTORIQUB SUR LA DÉMENCE PRÉCOCE 73
logue à celui du paléontologiste qui tente de reconstituer un
monstre immense avec quelques os dispersés.
C’est une synthèse semblable que M. Jelliffe a essayé de réaliser
pour la démence précoce (1).
Malgré toutes nos hypothèses en faveur de l’existence de la
démence précoce dans les temps hippocratiques, on doit avouer que
nous n’en possédons aucune description précise. II se peut qu’Hip-
pocrate ait compris dans son amentia toute une catégorie de nos
déments précoces, Ies autres formes prenant 1 place dans ses melan-
eholioe, puisqu’il se pla$ait uniquement à un point de vue sympto-
matologique. Jusqu’ici on n’a point trouvé de description nette
d’aucun cas de d. p. dans la littérature grecque. Nabuchodonosor
était-il un catatonique, comme on I’a prétendu? C’estpeu probable.
On ne trouve rien dans Asclépiades qui puisse se rapporter au
sujet de notre étude. Arétée dit, en parlant du type mélancolique
d’Hippocrate :« II n’est pas rare de voir l’intelligence et la sensi-
bilité de ces malades tomber à un tel point de dégradation, qu’ou-
blieux méme de leur propre personne dans leur imbécillité complète,
ils passent le reste de leur vie comme des bétes stupides ». Ce qui
nous permet de croire que des malades sémblables à nos d. p.
existaient alors et étaient reconnus comme atteints d’une aflection
mentale.
Les catatoniques n’étaient pas ignorés d’Arétée; le négativisme
étant sans doute compris par lui dans la léthargie ou dans Yidiotie.
C’est ainsi que Soranus, contemporain d’Arétée, parlant des léthar-
giques, décrit des malades qui négligent les appels de la nature et
qui sont « immobiles comme des statues dans n’importe quelle
attitude où on les mette, refusent de montrer leur langue ou la
maintiennent hors de la bouche une fois qu’ils l’ont tirée ».
On peut voir dans ce passage de Coelius Aurelianus(Morb. chron.
lib.I, cap.V), une allusion à la démence paranofde:« Ainsi l’un, dans
son délire, imagine étre un dieu, un autre, un orateur, un autre, un
tragédien ou ud comédien, un autre, portant une paille dans la main
croit qu’il tient le sceptre du monde ».
Passons aux temps modemes. Willis écrit en 1672 «Beaucoup de
jeunes gens très intelligents dans I’enfance etsi aptes à étre enseignés
(1) Dtmentia praeeox, an hietorieal tummary. NewYork Medieal journat,
mtieh. 12,1910.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
que leur science et leur conversation ravissent d’admiration tout le
monde, plus tard en devenant plus ftgés devinrent stupideset teraes,
et ceux qui autrefois étaient beaux de leur personne, n'offraient
plus tard ni grftce ni beauté ». Ainsi ce type, pendant quelques
Biècles, fut rangé sous le nom de stupidilé, idiolie et imbéeillilé , de
méme qu’au tempsd’Hippocrate, mais c’est Willisqui nous montre
le premier un processus de désagrégation survenant chez un indi-
vidu le plus souvent jenne et antérieurement sain.
Nicolas Tulp décrit sous le nom de « martèlement » une sorte
de maladie caractérisée par une répétition de coups etqui fait songer
à une stéréotypie catatonique.
Les auteurs du xvii« siècle d’ailleurs sont remplis de semblables
exemples de catatonie.
Cent ans plus tard, Sauvage donne dans son chapitre sur Vamenlia
morosis (anoia des Grecs, stupidité de Willis) une définition de la
stupidité qui fait penser & l’affaiblissement intellectuel des d. p. :
affaiblissement, ralentissement, puis aboUtion de l’imagination et
du jugement, sans déUre, etc. En plus, dans sa melancholia allo-
nita, il fournit une desciiption excellente du négatinisme catato-
nique qu’il considère cependant comme une rareté. Les melancholia
enthusiastica et daemonomania fanatica sont de bonnes peintures
de certaines démences reiigieuses paranoldes.
Jusqu’ici, chez les anciens, U apparalt clairement que, un méme
processus général est divisé en petits paquets et que ses diverses
phases sont diagnostiquées comme des maladies distinctes. Sommes-
nous d’ailleurs bien certains aujourd’hui encore d’étre libérés de
cette méme méthode?
Mais avec Pinel il en est autrement. On se souvient de sa division
des maladies mentales en quatre grandes classes: manie, mélancoUe,
démence et idiotie. Remarquons qu’il signale l’idiotie comme étant
la maladie la plus fréquente dans l’hospice, ce qui correspond assez
bien à la fréquence actuelle de nos déments précoces. L’observation
de l’idiot qui trouve la guérison dans un accès de manie ressemble
bien à un cas d’excitation catatonique chez un d. p. Beaucoup de
ses manies non délirantes sont évidemment des d. p. On connalt
l’observation de cet aliéné que les révolutionnaires délivrent etqui,
troublé par l’émeute, se met bientdt à frapper ses sauveurs à coups
de sabre.
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QUELQUES MOTS D’HI8TORI0UB SUR LA DÉMENCB PRÉCOCE 75
Au débui du xix e siècle, à Philadelphie, Benjamin fìush décrit
une manalgia et une démence ou dissociaiion parmi lesquelles nous
aurions sans doute reconnu notre maladie.
II est permis de retrouver des traits épars de la d. p. dans les divi-
sions d ’Esquirol, aussi bien que de la paralysie générale, puisqu’alors
toute excitation était manie, toute dépression, mélancolie, toute
confusion, démence, etc. II est cependant intéressant de comparer
Doa malades aux planches de son livre. II est certain que ses fig.
XII et XIII (aliéné en démence) représentent des types de d. p.
II pensait auxmémes malades que Willis quand il décrivait Vidiotie
accidenleUe ou acquise (De l'idiolie, II, p. 342. Maladies mentales,
1838, II, p. 105), bien qu’il ne soit pas certain qu’il ne comprenne
pas dans ce groupe d’autres choses encore: telles que la démence
épileptique, la p. g.juvénile, etc. C’est lui qui indique pour Iapremiòre
fois ce que l’on nommera plus tard démence primitive et d. secondaire.
Son observationqui serapporte à la planche XII P. J. D. est certai-
nement celle d'une d. p. typique. C’est la première observation
de d. p. avec ime histoire clinique; nous la classerions: excitation
catatonique avec stupeur.
En Italie, Bellini qui a foumi l’expression« melancholia attonita • et
Càiarussi (1793-1794) ont décritlad.p.;mais,tandis quechezl’unles
traces s’en retrouvent dans quatre chapitres difiérents, chez l’autre
elles sont éparpillées dans cinquante.
Le&Annals (1805) de Perfed contiennent quelques bonnes descrip-
tions de d. p.; mais, il ne faut pas l’oublier, étant à la téte d’une
maison de santé, il préférait ne pas s’étendre sur les cas incu-
rables.
L’histoire récente de la d. p. comprend surtout des noms allemands
et chacune des trois formes de la maladie actuellement admises
a son histoire.
Kahlbaum en 1863, puis son élève Hecker en 1871, décrivent la
lorme hébéphrénique qu’ils considèrent comme particulière à la
puberté et apparaissant entre 18 et 22 ans. Ils notent la dépression,
distincte toutefois de la véritable mélancolie, à laquelle s’ajoutent
bientèt les idées délirantes; la tendance à l’affectation et le rire
iaopportun, qui peuvent faire croire à la simulation; les actes
búarreset les accès de violence; le vagabondagequidissimuleparfois
leur vérítable caractère; la perte du pouvoir logique; les néologismes,
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REVUE DE PSYCHIATRIE
et, enfìn, les hallucinations auditives. Les descriptions de Hecker
n’ont pas été surpassées.
Kahlbaum a attaché son nom & la description de la forme cata-
tonique, ou Vesania catonica (1874). Nous avons vu qu’on la con-
naissait d’ailleurs depuis des siécles. EUe eut un succès immédiat
et considérable, contrairement à l’hébéphrénie.
En effet, Fink (1880-81) montraqu’ily avait denombreux points
communs entre l’hébéphrénie, la catatonie et ce qu’on appelait
alors la paranoia primitive. Le résultat fut que l’hébéphrénie fut
éliminée et engloutie, pour ainsi dire, dans les démences aiguès de
Schùle, dans les dégénérescences héréditaires de Magnan, dans la
folie moralede Maudsley et dans les folies des adolescents deClouston.
Aussi dans les traités les plus renommés du temps, ceux de Schule,
de Krafft-Ebing et d’Ardnt, il n’en est méme plus question. Seul
Kawalawsky, en Russie, lui fait une place. Pick donne le coup de
grfice au mot lui-méme en proposant de désigner la chose par
le terme créé par Morel pour ses psychoses dégénératives : démence
précoce.
Daraszkiewicz, cependant, sous l’influencedeTschischetde Krae-
pelin, élargissait le concept hébéphrénie, y comprenait les cas
graves aussibien quelescaslégers,‘repoussait leslimites d’fige jusqu'à
la trentaine, faisait remarquer la perte de la faculté d’attention,
la marche rapide de la démence et l’importance première des fac-
teurs héréditaires.
Kraepelin eut plus de difficulté & faire admettre la forme para-
nolde dans le méme groupe. II est bien évident que nous n’enten-
drons plus par paranoia ce que les anciens, après Hippocrate,
nommaient ainsi. De 1880 à 1900 environ, on mettait sous larubri-
que paranoia tout ce qui était idée de persécution, qu’elle fflt
d’origine alcoolique, paralytique, maniaque, épileptique, etc. La
tendance générale de l’école Kraepelinienne fut d’en limiter le sens
de plus en plus. En 1896 (5 e édit du Manuel), Kraepelin érigeait un
type : rapide développement d’idées absurdes 'de persécution, pas
de systématisation, grande variabilité et idées de grandeur, le tout
aboutissant assez vite à une confusion permanente; — ce qui le
distinguait de la véritable paranoia telle qu’il l’entendait. Etait-ce
une maladie distincte ou un ensemble de symptflme ? II ne se pro-
nongait pas.
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MARIAGB BT VIB CONJUOALB DB MILLB ALIÉNÉ8 PARISIBN8 77
Dans la 6 e et la 7 e édition, il complète la synthèse et défìnit très
clairement sa manière de voir : la démence précoce devient le nom
gènérique et comprend trois formes, l’hébéphrénique, la catatonique
et la paranolde. II avait fallu trente-cinq ans pour établir cette syn-
thèse (1863-1896).
Avant lui, Clouston, dès 1873, avait décrit une folie dea adoles-
cents, mais son tableau manque de précision et déborde de beau-
coup le cadre de la d. p.
LE MARIAGE ET LA VIE CONIDGALE DE
MILLE ALIÉNÉS PARISIENS
Par MM. P. Juquelibr et A. Fillassibr (1).
II nous a paru intéressant d’ajouter un certain nombre de docu-
ments clmiques et statistiques inédits aux notes de médecine légale,
de jurísprudence et de législation comparée constituant la majeure
partie de nos communications antérieures sur la question : aliéna-
tkm mentale et divorce (2).
Dans les circonstances complexes où nous nous trouvions, il nous
a été commode d’examiner uniquement des hommes, entrés dans le
service de M. Magnan, puis de M. Briand, à l’Asile clinique, en 1911
et en 1912.
A priori, nous avions pensé que l’étude de 100 dossiers nous per-
mettrait d’entrevoir, au point de vue de la vie familiale de nos
malades, quelques indications générales : la vérité est qu’après
avoir réuni 1.000 observations nous ne voulons formuler aucune
concluskm.
D’ailleurs, si nous avions pu agir autrement, on nous eùt objecté, à
juste titre, que des conclusions établies à propos de malades d’un
seul sexe ne sont pas valables. Nous nous contentons donc d’in-
(1) Une communlcatlon sur ce sujet a été faite & la Société médieo-psycholo-
#qae, le 24 février 1913.
(2) Sodété médico-psychologique i 25 novembre 1910 et 27 fèvrier 1911.
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REVUE DB PSYCHIATRIB
diquer quelques résultats statistiques, en les faisant suivre d’un
rapide commentaire.
Les aliénés mariés représentent im peu moins du tiers des hommes
admis à l’Asile clinique. Dans le mème temps que nous avons réuni
nos 1.000 observations, on a compté 3.105 admissions au pavillon
des hommes.
Au point de vue de l’Sge du mariage, nos 1.000 aliénés parisiens
ont présenté les quelques particularités suivantes : L’annuaire
statistique de la Ville de Paris pour 1910 indique que, pour les
hommes, le maximum des mariages est contracté entre 25 et 29 ans.
Chez nos malades, ce maximum doit étre quelque peu avancé, et
reporté entre 23 et 27 ans. La 24® et la 25® années, avec 116 et 124
mariages, l’emportent sensiblement sur les autres.
Les mariages séniles sont peu nombreux (16 sur 1.000 entre 51 et
64 ans). Par contre, le nombre des mariages précoces est relative-
ment très élevé, puisque nous avons compté 35 unions contractées
avant la 20® année. De tels mariages sont le fait de jeunes débiles
ou de jeunes déséquilibrés qui s’y résolvent avec leur habituel
défaut de réflexion.
En admettant mème qu’un certain nombre de diagnostics aient
dù ètre réformés par la suite, il n’en reste pas moins évident que,
parmi les aliénés mariés, la proportion des paralytiques généraux est
considérable. Sur 1.000 malades, nous avons compté 296 paraly-
tiques (soit près de 30 0/0); or, dans le service de l’admission de
l’Asile clinique, chez les hommes, c’est-à-dire dans le milieu où nos
recherches ont été faites, la moyenne des entrées pour paralysie
générale n’a été en 1911 que de 16 0/0 du nombre total des entrées.
De mème, l’alcoolisme, élément essentiel ou occasionnel de psy-
chopathie, provoque un peu plus d’internements dans le contingent
des hommes mariés (41,6 0/0) que dans le contingent global
(39 0/0). En d’autres termes, si sur 100 hommes mariés ou non
entrant à l’asile il y a 16 paralytiques génèraux et 39 alcoolisés,
sur 100 liommes mariés, il y a 29 paralytiques généraux et 41 al-
coolisés. Comme le nombre des entrées pour démence organique ou
sénile est le méme dans les deux groupes (14 0/0), les états vésa-
niques proprement dits provoquant chez l’homme 31 0/0 du chiffre
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MARIAGB BT VIB COMJUOALB DB MILLE ALIÈNÉ8 PARISIEN3 79
total dea internements, ne provoquent que 16 0/0 dea internements
des aliénés mariés.
Ces chiffres n’ont rien d’absolu, mais l’écart qu’ils marquent
vient à l’appui de l’opinion que, si la déséquilibration mentale est
la cause de quelques unions précoces et regrettables, le plus souvent,
elle éloigne du mariage. Cette forte proportion de paralytiques
généraux et d’alcooliques, c’est-à-dire de malades qui d’habitude
nesont pas frappés dans leur intelligence avant l’Sge adulte, explique
pourquoi nous n’avons constaté qu’un tout petit nombre d’inteme-
ments antérieurs au mariage. Treize malades seulement (3 alcooli-
ques, 2 maniaques, 8 déséquilibrés ou débiles), avaient eu, avant de
se marier, des troubles mentaux ayant provoqué leur séjour dans un
établissement d’aliénés. A l’une des séances récentes de la Société
médico-psychologique, M. Ritti a rapporté deux jugements concer-
nant des malades contre qui Ie divorce avait été prononcé, parce que
la preuve avait pu ètre faite, par le conjoint demandeur, de l’exis-
tence d’un état psychopathique antérieur au mariage, et dissimulé
au moment du mariage. Cette dissimulation a été assimilée à une
injure grave. Si l’on fait abstraction de l’épilepsie, qui se trahit par
la brutalité des crises convulsives, et qui d’ailleurs n’intervient sur
notre liste que dans la proportion de 1 0 /0 des cas, on voit que Ies
cas sont rares où la notion d’un intemement antérieur au mariage
pourrait constituer un commencement de preuve de dissimulation,
et servir de point de départ à une instance en divorce contre un
ahéné.
*
* *
S’il est rare d’observer des séjours à l’asile avant le mariage, il est
relativement fréquent que l’intemement interrompe très vite la vie
conjugale. Nous avons constaté que, parmi no^malades, la première
année après le mariage est une de celles au cours desquelles les inter-
nements ont été les plus nombreux. On sait que certaines unions
nnt décidées et contractées sous l’influence d’une psychopathie
commenjante, et parfois en particulier au début de Ia paralysie
générale; ainsi s’explique que les placements à I’asile, dans les quel-
ques mois qui suivent le mariage, soient proportionnellement si
nombreux.
Autre fait digne de remarque : la part de la paralysie générale et
de l’alcoolisme est considérable parmi les causes d’entrée à l’asile,
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au cours des années où nous avons noté le maximum des placements
(ll e , 12® et 14 e années).
Sur les 1.000 mariages au sujet desquels nous nous sommes docu-
mentés, 268 sont demeurés stériles.
Pour les 732 autres, nous avons enregistré 2.378 grossesses, dont
284 se sont terminées prématurément par des fausses couches. Nous
avons compté en outre 48 enfants mort-nés; enfin 563 enfants nés
vivants et viables sont décédés à l’heure actuelle.
Au total, dans la descendance de nos 1.000 aliénés parisiens, la
mortalité s’élève aujourd’hui à 37,64 0/0.
Indépendamment des fausses couches et des mort-nés, la mor-
talité infantile proprement dite est considérable, puisque 186 en-
fants sont morts en bas áge de maladie non désignée, 120 sont morts
de méningite, et 45 de convulsions.
Certaines familles ontjété particulièrement éprouvées, celles des
alcooliques et des paralytiques généraux le plus souvent : en effet,
pour ces deux catégories de malades, la mortalité infantile s’élève
à plus de 49 0/0 : 138 alcooliques ont eu 594 enfants dont 293 sont
morts en bas áge; 66 paralytiques généraux ont eu 210 enfants dont
103 sont morts en bas àge.
Au cours de la discussion ouverte depuis deux ans devant la
Société Médico-psychologique, sur la question dudivorcedes aliénés,
plusieurs auteurs, notamment M.Trénel et M. Ladame, ont attiré
notre attention surcette circonstance,que dans les pays où le divorce
est autorisé pour cause de folie, le nombre des instances est, de ce chef,
très peu élevé. On peut se demander s’il en serait de méme en France.
Or, à l’exception de quelques cas où les troubles mentaux ont été
très précoces après le mariage, nous n’avons guère entendu les
femmes de nos malades désirer reprendre leur liberté, mème lorsque
l’union était demeurée stérile. M. Vigouroux a eu l’occasion de dire
qu’il a recueilli de sa longue observation du service des hommes de
Vaucluse une impression analogue. On objectera que l’attitude de
quelques femmes d’aliénés eùt sans doute été différente si la loi leur
eùt permis d’entrevoir une issue correcte à leur situation. Cependant,
plus on examine les cas particuliers, plus on a la conviction que, s’il
était réalisable demain, le divorce pour cause d’aliénation mentale
serait presque èxclusivement une arme contre quelques déséqui-
librés malfaisants et non intemés.
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UNIVERSiTY OF MICHIGAN
NOUVELLES
Prix de la société médico-psychologique. — Nous avons an-
noncé, dans notre dernier numéro, la composition des prix Belhomme,
Esquirol et Moreau (de Tours) qui seront décernés en 1913. Voici la
liste des mémoires qui ont été envoyés en vue de ces prix.
PrixBblhommb. — Question : De la démence chez les épilepliques . —
Trois mémoires ont été envoyés :
N° 1. Auteurs : MM. Maurice Brissot et Bonrilhet, médecins-
adjoints de l'asile Sainte-Catherine d'Izeure (Allier);
N° 2. Auteurs : MM. Benon, médecin-adjoint, et Legal, interne des
quartiers d'aliénés de l'hòpital de Nantes;
N° 3. Devise : Palierúia .
Prix Esquirol. — Deux mémoires ont étó envoyés :
N° 1. L'imilcdion dans les maladies meniales ei dans les maladies
nerveuses , par M. Georges Genil-Perrin, interne des asiles de la Seine;
N° 2. Les psychoses (Tirderprétaiion , par M. Lucien Libert, interne
des asiles de la Seine.
Prix Moreau (de Tours). — Quatre mémoires ont été envoyés :
1° Coniribuiion à l'élude de Valcoolisme cérébral en Normandie , par
M. Théodore Fournier, inteme à l’asile d’Alengon;
2° Les déséquilibrés insociables à internemenis disconlinus eì la sec -
iion des aliénés difficiles à l'asile de Villejuif f par M. Joseph Bonhomme,
interne des asiles de la Seine;
3° Les délires d'imagination dans la paralysie générale , par
M. D.-P. Usse, interne de la Maison nationale de Charenton;
4° Elude psychologique du débile mental , par MM. Courbon et Fran-
Sois Tissot, médecins de l’asile d’Amiens.
Les aliénés en liberté. — M. Bérillon, inspccteur des asiles
d’aliénés du département de la Seine, faillit étre la victime, dans la
matinée du 18 fóvrier, d’une ancienne malade de l’Asile de Vaucluse,
dont il avait favorisé la mise en liberté et qui tira sur lui deux coups
de revolver heureusement demeurés sans résultat. Voici de quelle
ía^on M. Bérillon a relaté lui-mème le fait :
«— Je venais de sortir de chez moi, lorsque je me sentis brusque-
ment frappé dans le dos, en mème temps que j’entendais une forte
détonation. Je me retoumai instinctivement et je n’eus que le temps
de voir une ílamme énorme sortir d’un revolver qui m’était braqué
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REVUE DE PSYCHIATRIB
en pleine figure. Après quoi, je vis une femme s’enfuir, poursuivie
par des passants. C’était elle qui avait tenté de me tuer et j'avoue que
je ne la reconnus pas tout d’abord. C’est seulement lorsque je la vis
au commissariat et qu’elle eut dit son nom que je m’en souvins.
< Cette femme Auroy était une persécutée. La folie lui était venue
à la suite de procès et elle était devenue dangereuse par suite de ses
menaces aux juges. Trois fois on dut l’intemer. Or, à mon avant-
dernière tournée d’inspection à Vaucluse, on me l'avait montrée
comme assagie, calmée. Sa soeur, d’autre part, qui habite Roubaix,
devait la reprendre, la garder et la soigner. Bref, je la fis sortir de
1’asUe, et pour me témoigner sa reconnaissance, elle m’envoya, à cette
époque, un petit vide-poche curieusement tissé avec des brins d’herbe,
qu’elle avait fait durant son séjour dans l’asile
< II parait qu’elle m’attendait à ma porte depuis plus d’une demi-
heure; des voisins avaient remarqué son allure étrange. La surveil-
lance qu’on m'avait annoncée autour d’elle a dù se relàcher, comme
vous le voyez. Cet événement serait bien insignifiant, d’ailleurs, s’il
était isolé; mais, hélasl les colonnes des journaux sont remplies
cbaque jour des gestes tragiques de fous soi-disant guéris. »
L’inoapaeité do contraoter mariage. — La Suède, paratt-il,
g’occupe de modifier sa législation sur le mariage.
D’après une disposition nouvelle que l’on projette d’introduire,
il serait interdit à toute personne atteinte d’une maladie hérèditaire
de contracter mariage. La Faculté de Médecine de Stockholra exa-
mine en ce moment cette proposition.
Plusieurs Etats des autres parties du monde ont déjà légiféré sur
la matière.
En Californie, les idiots et les dipsomanes ne peuvent obtenir la
licence pour le mariage.
Aux Nouvelles Indes, cette interdiction s’étend aux épileptiques.
Dans le New-Jersey, le fiancé atteint d’épilepsie doit présenter un
certificat médical signé par deux médecins attestant la guérison
complète et la non-transmission de la maladie aux enfants.
Dans le Michigan, les personnes atteintes de certaines maladies
déterminées par la loi sont passibles de cinq ans de prison lorsqu’elles
contractent mariage avant complète guérison.
Enfin, les Etats d’Indiana et de Californie ont voté une loi ordon-
nant l’émasculation des idiots, des assassins et de certains récidivistes
avant de leur permettre le mariage.
La Pensylvanie et l’Orégon ont voté une loi analogue, mais ces deux
Etats ne se sont pas encore décidés à la promulguer.
L’interdiction du mariage n’a jamais empèché la procréation.
(Voir la suiie après le bullelin bibliographique mensueL )
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NOUVELLES
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Naturds ou légitimes, les deseendants d’épileptiques, d’idiots, n’en
•pporteront pas moins en naissant la tare originelle.
m* Gongris intemational de neorologie et de paychiatrie.—
11 se réunira & Gand, en 1913 (30 aoùt). L’organisation est confiée aux
soeiétés de neurologie et de médecine mentale belges, sous le secréta-
riat général du D r Crocq, rue Joseph-II, & Bruxelles.
Rapports annoncés : Van Deventer, Marinesco, Sérieux, Perrari,
Wagner, Dustin, Laruelle, Menzerath, Geerts, Deroitte, Willeras, etc.
Personnel médical dea asiles. — M. Brunet, Directeur-Médecin
de l’asile de Naugeat, est nomraé médecin en chef de l’asile de Bailleul.
H. Beaussart (concours de 1912) est noramé médecin-adjoint de
l’asile de La Charíté (Nièvre).
M.Tissot, médecin-adjoint de l’asile de Dury-les-Amiens (Somrae),
est nommé directeur-médecin de 1’asUe d’Auch (Gers).
M. Bègue, médecin en chef de 1’asUe de Montpellier, est nommé
médecin en chef de 1’asUe d’Orléans.
M. Barbb, chef de cUnique de la Faculté et médecin-adjoint de
l’asile Sainte-Anne, est promu à la deuxième classe de son grade.
M. Dezwartb, médecin en chef de l’asile de Maréville (Meurthe-
et-MoseUe) est promu à la deuxième classe de son grade.
M. Chevalier-Lavaurb, directeur-médecin de 1’asUe d’Auch, est
nommé médecin en chef de l’asile de Montpellier.
M. Amelinb, médecin de la Colonie familiale de Chezal-Benoit
(Cher), élevé à la 3* classe du cadre.
MUe Pascal, médecin adjoint à 1’asUe de Clermont (Oise), élevóe
4 la l n classe du cadre.
M.Briche, médecin en chef à Arraentières (Nord), élevéà la 2 e classe
du cadre.
Cinquiòme congrès de l’a—iatance des aliónés. —Ce congrès,
qui devait avoir lieu à Moscou en décembre 1912, est rerais au raois
de septembre 1913.
Ls peychiatrie au Palais. — M. Beguery, cet ancien procureur
de la République qui, à Sannois, tua sa femme malade, pour « la
guérir >, corame U le déclara, avait été l’objet d’une ordonnance de
non-lieu, les trois médecins aliénistes chargés d’examiner son état
mental ayant estimé qu’U était irresponsable.
M. Beguery, selon l’usage, avait été confié à l’autorité adminis-
traUve qui, en pareU cas, est chargée d’assurer l’internement des
inculpés reconnus aliénés. M. Beguery fut donc mis en observation à
l'hèpital de VersaiUes.
Le docteur Laurent, dans le service duquel M. Beguery avait étè
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REVUE DB PSYCH1ATRIE
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placé, examína le malade, reconnut que celui-ci était sain d’esprit
et il signa son bulletin de sortie. M. Beguery a donc quitté 1’hOpital
de Versailles.
On explique ainsi la contradiction apparente qui paratt exister
entre les médecins aliénistes et Ie docteur Laurent. Les aliénistes ont
simplement déclaré « qu’au moment du drame » M. Beguery était
dans un état mental qui Ie plagait dans un état d’irresponsabilitd
absolue, mais ils n’ont pas dit que cet état subsistait, et IIs n’avaient
pas, du reste, & exprimer d’avis sur ce point.
Or, les troubles ne subsistant pas, le docteur Laurent a constaté
qu’il n’y avait pas lieu à internement et il a rendu la liberté & M. Be-
guery.
REVUE DES SOCIÉTÉS
ACADÉMIE DE MÈDECINE
Séance du 25 février 1913.
Hystérie ©t ehirurgie, par LucienPicqué. — L’intervention chi-
rurgicale chez les hystériques soulève,contrairement à l’opinion géné-
ralement admise,de délicatsproblèmes.Il faut tout d’abord exactement
connaítre les formes cliniques très spéciales qu’on rencontre chez ces
malades et qui dépendent de la nature mème du terrain hystérique et
des réactions diverses qui s’y produisent (réactions mentales) ou en
dérivent (réactions périphériques).
Parmi celles-ci, il en est qui ressortissent & la pathologie chirurgicale
et intéressent tout spécialement le chirurgien. Or, chaque trouble
fonctionnel correspond-il toujours chez l’hystérique & une lésion ana-
tomique? Gette question qu’on discute encore constitue un postulat
important qui domine toute la question des indications opératoires.
En ce qui concerne l’appendicite, M. Picqué, s’appuyant sur des
observations personnelles, distingue les cas où l’hystérique peut créer
un symptòme subjectif et ceux où elle exagère et déforme une expres-
sion clinique.
II ne croit pas d’ailleurs que l’hystérique puisse,comme on l’a pré-
tendu,créer un syndrome clinique complet. Ainsi guidé par l’étude
des causes, qui engendrent chez l'hystérique des réactions périphé-
riques spéciales, le chirurgien se tiendra sur le terrain clinique à l’abri
de toute cause d’erreur.
Dès lors, lorsqu’il se trouve en présence d’une maladie bien nette,
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HBVUB DBS SOCIÉTÉS
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aprés avoir, corame chez tous les psychopathes, écarté les cas dans
lesquels une intervention, méme légitime, peut aggraver l’état menlai
préexistant, il peut prétendre à supprimer, en méme temps que la
lésion, certaines réactions périphériques et mentales.
Quant aux réactions délirantes proprement dites et au terrain
hyslérique lui-mème, on peut dire que, malgré les espérances qu’ont
pu faire naltre certains neurologistes, la question ne comporte pas
encore de solution. J. C.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 24 fivrier 1913.
A propos d®s prochains congrès internationaux de psy-
chiatrie. — Deux comités d’organisation, l’un belge et l’autre suisse,
sedisputent actuellementl’honneur d’organiser, le premier à Gand en
1913, le second à Berne en 1914, le prochain congrès international
de Neurologie,de Psychiatrie.de Psychologie et d’Assistance aux aliénés.
LeComité belge prétend étre l’organisateur du IlI e Congrès, enpartant
de Bruxelles (1897) et en passant par Amsterdam (1907); le Comité
suisse, qui considère le Congrès de Bruxelles comme un Congrès belge,
prétend ètre le légitime héritier d’Amsterdam, Congrès considéré par lui
comme le premier de la série internationale, et lance le II e Congrès.
Chacun des deux Comités plaide sa proprecausedansunelonguelettre-
circulaire adressée aux diverses sociétés neuro-psychiatriques. La
Société Médico-psychologique était invitée, à sa séance du 24 fé-
vrier, à répondre à diverses questions posées par les deux comités
rivaux, et à opter; elle a fort courtoisement décliné cet honneur mais
à ce propos plusieurs des membres présents ont rappelé que trois
Congrès internationaux, au moins, avaient précédé celui de Bruxelles,
ceux de Paris en 1867, 1878 et 1889.
11 est vrai qu’alors, ainsi que l’a fait remarquer M. Arnaud, on pro-
noDfait médecine menlale au lieu de psychiatrie.
Comparution en justice d’aliénés internés. M. Trénel. — Un
psychopathe constitutionnel, dipsomane, plusieurs fois interné, est
poursuivi pour port d’arme prohibée. Condamné par défaut, il fait
opposition au jugement.
Entre temps, il est interné à l’occasion d’un nouvel accès.
Ce malade étant cité au cours de son internement, un certificat
médical est délivré en vue de la remise de l’affaire. Mais la compa-
rution reste obligatoire en vertu de I’article 187 du code d’instruction
criminelle. Y a-t-il lieu de laisser comparattre le malade, ou faut-il
snsciter la remise de l'affaire sine die’t
M. Colin estime que lorsque le malade est en état de comparattre,
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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il n’y a aucun avantage à s’y opposer. M. Briand pense qu’en se pré-
sentant, le malade bénéficiera le plus souvent de l’indulgence du
tribunal.
Dans deux cas semblables, M. Vigouroux, d’abord consulté comme
médecin-traitant, a été ensuite chargé d’un rapport d’expert.
M. Trénel engage ses collègues à exposer avec quelques détails
les cas qu’ils viennent de signaler, et dont la connaissance peut fitre
très utile en pratique.
De l’obseBBion émotive au délire d’influence. M. Mignard.
— Une personne de 40 ans, très émotive, est obsédée par des tendances
et des sentiments altemativement mélancoliques, érotiques, mys-
tiques, etc... dont la manifestation est accompagnée de raouvements
expressifs incoercibles. Après avoir présenté des phénomènes d’auto-
matisation légère, qui lui donnent le sentiment que sa pensée porte à
distance, mais que l’on communique avec elle, elle aboutit à de véri-
tables pseudo-haUucinations, puis à des hallucinations réeUes et à des
phénomènes psychomoteurs. Les idées délirantes, très diverses,
semblent plutdt faites pour expliquer ces phénomènes, qu’eUes ne
paraissent les commander. Elles ont ce caractère commun que la malade
les attribue à une influence extérieure. Ces délires d’influence pour-
raient révéler bien des formes intermédíaires entre les déUres poly-
morphes et les délires systématisés chroniques.C’est abusivement qu’on
les a tous classés dans la démence paranoIde,bien qu’Us soient fré-
quents dans la psychose discordante. Le pronostic n’est peut-fitre pas
toujours aussi sombre que pourrait faire penser l’expression de psy-
chose haUucinatoire chronique. Des cas de ce genre sont en faveur de
la théorie confusionnelle des délires que M. Toulouse et l’auteur de
cette communication ont envisagée, et qu’ils étudieront dans des
travaux ultérieurs.
_ P. Juquelier.
SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MfiDECINE MENTALE
Séance du 17 février 1913.
Dólire poBt-traumatique. — MM. Trénel et Fassou présentent
un magon, buveur,ayant fait une chute sur la tfite sans perte de con-
naissance. Dans la nuit, délire professionnel où le malade cherche à
accomplir les actes de son métier; ce délire dure plusieurs jours. A son
entrée,le délire a disparu; on constate une dilatation de la pupille
droite sans autre symptdme oculaire, une légère anosmie droite, une
extrfime diminution des réflexes rotuliens, une légère parésie droite.
Pas de symptòmes manifestes d’alcoolisme. Douleur continue frontale.
Conscience lucide. Pas d’amnésie. Légers troubles discutables de la
parole. L’origine purement alcoolique du délire est douteuse. Pronostic
réservé. Wassermann du sang nègatif. Pas de ponction lombaire.
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Rdvss lilliputìens chez un alcoolique. — M. Fassou montre un
alcoolique chez lequel il a observé, sous forme de réves, un mode d’hal-
lucinations visuelles signalé par Leroy sous le nom d'hallucinaliom
Mipuliennei consistant en l’apparition de multiples personnages
minuscules. Le réve s’est reproduit à plusieurs reprises chez ce malade
au cours d’un accès de délire.
Trouhles intellectuela coneécutiis à une intoxication par
l’oxyde de carbone. — MM. Briand et Salomon présentent un ma-
lade qui, & la suite d’une intoxication accidentelle par les vapeurs de
eharbon, a présenté des troubles intellectuels profonds qui se sont
progressivement aggravés à partir du jour de l’accident. 11 présente
actueUement un état de confusion mentale à forme amnésique avec
gátisme. Les troubles de la mémoire sont très profonds et l’amnésie
porte non seulement sur les faits récents mais encore sur les faits
anciens. Avant l’accident, ce malade n’aurait présenté aucun trouble
intellectuel.
Quelquea considórations rar le traitement de l'épilepsie par
l’acide borlqna. — MM. Bourilhet et Brissot ont utilisé l’acide
borique comme traitement de l’épilepsie convulsive et de l’épilepsie
vertigineuse chez des enfants et chez des adultes. Ils ont obtenu des
résultats très satisfaisants.
Les auteurs préconisent l’emploi de l’acide borique cristallisé,
l’acide borique en paillettes pouvant occasionner des accideiits d’in-
toxication assez graves.
Intoxication par le sulfure de carbone. — M. Provost montre
une malade intoxiquée par le sulfure de carbone. Pendant une pre-
mière période qui dura trois mois, celle-ci présenta quotidiennement
Ie tableau de l’ivresse sulfo-carbonée de Delpech : laquacité, rire,
Utubation, vertiges, accompagnée d’excitation génitale, de cépha-
lalgie, de diarrhée et de vomissements (pas d’hallucinations). Pendant
une seconde période de quinze jours suivie d’amnésie, la malade est
restée dans un état de confusion avec excitation violente, halluci-
naUons et idées délirantes de persécution. II semble que la première
période soit caractéristique de l’intoxication par le sulfure de carbone.
De plus, l’ivresse sulfo-carbonée se présentant comme une ivresse
d’ordre purement moteur s’opposerait aux ivresses intellectuelles et
sensorielles.
Grises conedentee et mnésiqueB d’épilepsie c onvulsive. —MM.
Ussb et Livet montrent une malade de la consultation externe de
MM.ToulouseetMarchand qui, depuisl’àge decinq ans, présente, à còté
de quelques crises épileptiques banales (avec perte de connaissance,
convulsions et amnésie consécutive), des accès plus fréquents d’épi-
lepsie partielle sous forme d’aphasie motrice consciente et mnésique.
Ces deux sortes de crises ont eu la mème apparition précoce; elles
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présentent.mème début brusque et mème durée; eles sont influencées
de fagon parallèlc par le traitement classique de I’épilepsie (régime
déchloruré, bromuré); enfin, dans chacune d’elles, les troubles moteurs
prédominants sont toujours localisés au niveau des mèmes groupes
musculaires labio-glosso-laryngés. De ce dernier fait, on pourrait
inférer que, chez cette malade, en dehors des lésions probables de
méningo-encéphalite diffuse, une altération locale, prédominante au
niveau des centres moteurs du langage, joue le ròle d’épine irritative
dansl’éclosiondes crises et conditionne cette paralysie pseudo-bulbaire
transitoire qui, tantOt domine le tableau clinique, tantOt se trouve
effacée par des troubles plus étendus.
Myopathie progressive avec épilepaìe chez deux trères. —
MM. Naudascher et Beaussart montrent les photographies d’un
malade atteint depuis l’áge de dix ans de myopathie progressive de
typeàla foisfacio-scapulo-huméralet pseudo-hypertrophique (mollets).
Avec le début apparent de la myopathie ont commencé des attaques
d’épilepsie. Débilité mentale; glycosurie remplacée par de l’hyper-
phosphaturie ayant laissé place elle-mème à de l’hypoazoturie. Le
frère, àgé de 14 ans, est atteint depuis trois années de moypathie
type Leyden-Moebius. II a présenté, U y a quelque temps, des acci-
dents comitiaux.
Ramollissement de la couche optique chez un diabétique. —
MM. A. Vigouroux et Hérisson-Laparre apportent des préparations
relatives à un ramollissement de la couche optique chez un tabétique.
Ce malade présentait en outre un certain degré d’affaiblissement
intellectuel, de la dépression mélancolique avec idées hypochondria-
ques qui aurait pu faire penser à une association tabéto-paralytique.
Cependant le degré peu marqué de démence et Ia conscience suffi-
samment nette de la situation avaient empèché d’affirmer ce
diagnostic. Et en effet, l’autopsie montra que s’il existait par places de
l’infiltration de la méninge et du cortex, il n’y avait pas à proprement
parlerdeméningo-encéphalitediffuseetlesfibres tangentielleset trans-
versales étaient conservées. Le syndrome thalamique n’avait pas été
cliniquement décelable. Les auteurs attribuent ce fait à ce que le ramol-
lissement était localisé au noyau interne du thalamus et que la capsule
interne et les noyaux antérieurs, externe et postérieur du thalamus
ainsi que les noyaux lenticulaires et caudés, étaient absolument
indemnes de toute lésion.
Elections. — Membre lilulaire : M. Roger Dupouy, médecin-direc-
teur de la Maison de Santé du Chfiteau de Fontenay-sous-Bois (Seine).
Membre associé élranger : M. A. Claus, médecin en chef de l’asile
d’aliénés de Mortsel (Belgique). J. C.
Le Gèrant : O. DOIN.
»AW». — uuuiusn LIVÉ, 71, SUl M unsu.
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UNIVERSITY OF MICHIGAN
LA NOUVELLE LOI
SUR LE RÉGIME DES ALIÈNÉS
Rapport (1) présentú au Stnat par M. Paul Strauss, sénatcur .
II n’est pas de sujet qui prète plus aux controverses que le
régime de rassistance aux aliénés, parce que t nulle part, plus
d’intérèts contradictoires ne sont aux prises. Gette complexité
méme du problème suffit à expliquer, en dehors de circonstances
accidentelles, les trop Iongs retards apportés à la revision de la loi
de 1838. Un bon juge, un des parlementaires qui s’est montré le
plus justement impatient d’une solution lógislative, notre ancien et
vénéré collègue et ami Théophile Roussel, plaidait ainsi les circons-
tances atténuantes en faveur des efforts réformateurs qui s’étaient
dèroulés dans les demières années de TEmpire et sous la troisième
République : « Ces diverses tentatives, écrivait-il dans son rapport
au Sénat du 20 avril 1884, sont demeurées sans résultats, à cause,
soit de circonstances politiques, soit des difficultés d’un sujet qui
met aux prises les intérèts de la sécuritè publique avec ceux de la
libcrté individuelle et soulève à la fois les plus délicates questions
de droit privé, de médecine légale, d'assistance et d’administration.»
En effet, dès 1867, le Sénat de l’Empire ayant èté saisi de péti-
tions et de plaintes qui signalaient les imperfections de la loi de 1838,
nomma une commission d’études. Le 2 juillet 1867, son rappor-
teur, M. Suin, déposa son rapport, favorable en principe à la loi
critiquée. Le Sénat formulait le vceu que les asiles ne fussent cons-
truits dorénavant que sur de vastes terrains, susceptibles de donner
aux malades Tillusion d’un peu d’espace et de liberté, que des fermes
ou des exploitations agricoles y fussent annexées, il recommandait
de n’interner que des aliénés véritablement dangereux et de laisser
(1) Ce rapport a été rédigé par une commission composée de MM. Paul
Strauss, président; Genoux, secrétaire; Dellestable, Lozé, Richard, Emile
Rey, Beaupin, Pédebidou.
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REVUB DE P8YCHIATRIE
dans leurs íamilles les idiots, les crétins, les aliénés incurables inof-
fensifs. II se montrait favorable à la formation de sociétés de patro-
nage.
II n’est pas sans intérét d’indiquer quc, malgré le retard apporté
à une refonte totale de la loi de 1838, les progrès les plus considé-
rables se sont produits pour l’assistance et le traitement des alié-
nés. G’est ainsi que plusieurs des voeux de la Commission du Sénat
de 1867 sont déjà réalisés : telle la création des fermes annexées
aux asiles, la constitution de sociétés de patronage.
D’autres tentatives ont marqué la fin de l’Empire et les pre-
miòres années de 1’Assemblée nationale; la constitutionde laCommis-
sion mixte extra-parlementaire, dont les travaux furent interrom-
pus par la guerre, la proposition déposée par Gambetta et Magnin,
une proposition de Théophile Roussel, Jozon et Albert Desjardins.
En mars 1881, M. Constans, Ministre de l’Intérieur, constitua nne
Commission extraparlementaire dont il utilisa les études pour le
dépòt d’un projet de loi, le 25 novembre 1882.
Théophile Roussel, magistrat interprète de la Commission du
Sénat, rédigea et déposa, le 20 mai 1884, un rapport inoubliable,
dont les conclusions furent discutées en dix-sept séances, du 25
novembre 1886 au 11 mars 1887.
M. le docteur Boumeville, rapporteur de la Commission de la
Chambre, déposa son rapport le 12 juin 1889. Celui-ci n’ayant pu
venir en discussion, M. Joseph Reinach soumit à la Chambre le
3 décembre 1890 une proposition de loi qui s’inspirait très largement
du texte voté par le Sénat. M. Ernest Lafont la rapporta le 19 fé-
vrier 1894, ainsi qu’une proposition de M. Georges Berry tendant
à placer dans les familles les déments séniles, les idiots et les gàteux.
La délibération de la Chambre, retardée pour des motifs divers —
et notamment par une consultation du Conseil supérieur de l’Assis-
tance pubUque — fut sollicitée à nouveau par la proposition et par
le rapport de M. Femand Dubief en 1898.
Ce remarquable rapport fut discuté par la Chambre dans ses
séances des 14,17,21 et 22 janvier et transmis au Sénat le 29 jan-
vier 1907.
La Commission du Sénat, présidée par notre regretté coUègue
RoUand, tint de nombreuses séances avec l’espoir de réaliser enfin
l'accord entre les deux Chambres. Notre ancien collègue M. Paul
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NOUVELLE LOI BUR LB RÉGIME DES AUÉNÉS
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Gérente, avec sa grande compétence, avait été chargé d’un rap-
port,dont le dépót fut retardé par la maladie de M. Rolland et qui ne
pot étre distribué par suite de la non-réélection du eavant rappor-
teor.
Au mois de mars 1912, votre Commission dut en méme tempe
remplacer son président et son rapporteur; elle fit appet au dévoue-
■ent d’un de ses membres qui n’avait point recherché cet honneur
et ne déclina pas cette responsabilité.
C’est dans ces conditions que, tout en s’efforgant de s’óioigner
le moins possible du texte nouveau, très ingénieusement préparé
par M. Paul Gérente et longuement élaboré par la CommissioiL, le
présent rapport a été rédigé.
11 serait puéril de méconnaltre que la matière fait depuis trop
kmgtemps l’objet des préoccupatkms du Parlement et que son ap-
parente impuúsance à aboutir prète aux reproches et aux railleries.
Les deux Ghambres doivent à tout prix et à bref délai se mettre
d’accord sur un texte transactionnel, qui, sans atteindre la perfec-
tà», rajeunisse enfin la législatkm pour la mettre en harmonie avec
les faits, avec les mceurs, les exigences du droit et de la psychiatrie.
La première préoccupation des divers auteurs de projets de revi-
sion de la loi de 1838 a été de mieux protéger la Hberté individuelle
contre des abus que l’opinion redoute toujours d’instinct, bien que
leur réalité n’ait pas été souvent démontrée. Les souvenirs d’unpassé
barbare survivent en dépit de tous les progrès récemment réalisés.
Avant le glorieux Pinel, l’hospitalisation des aliénés était un spec-
tade d’horreur et comme un défi à l’humanité.
II semble que les répugnances d’antan, si justifiées à l’époque,
aient survécu aux améliorations effectuées en grande partie par la
bi de 1838. A l’heure actuelle, si nos asiles ont leurs portes large-
ment ouvertes, si les conditions de l’mternement assurent le con-
trftle de la magistrature et des administrations publiques compé-
tentes, le souvenir subsiste des cachots et dee chalnes de l’ancien
régime.
D'ailleurs, il faut le dire à la défense de l’opimon, la nature
méme du mal qui terrasse ces pauvres malades peut l’entralner à
de généreuses erreurs : ce n’est pas le pauvre dément dont leB
facnltés s’eífondrent par suite de quelques lésions, ce n’est pas le
malheureux mélancolique se reprochant des crimes imaginaires, qui
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
92
REVUE DE PSYCHIATRIE
attirent sur eux l’attention. Ce sont souvent ces dégénérés, en proie
à des délires, protestataires résolus, sans cesse à 1’affAt d f un moyen
nouveau qui leur donne gain de cause et dont la lucidité d'esprit
inspire un doute à ceux qui ne sont pas familiarisés avec les choses
dc I’aliénation.
Quoi qu’il en soit, bien que, comme le déclare M. Dubief, la loi
de 1838 sur le régime des aliénés ait été à la fois une loi de police,de
protection et d’assistance, « qu’elle ait constitué en notre pays un
progrès réel et considérable et que c’est sur elle qu’ont été calquées
la plupart des législations étrangères, et qu’elle ait subi victorieu-
sement l’épreuve du temps, il en est des meilleures lois comme de
tout en ce monde, où les conditions de la vie se transforment cons-
tamment. Ce qui suffisait hier n’est qu’un pis aller aujourd’hui, et
le mieux nécessaire devient l’ennemi du bien. »
Cela est vrai surtout au point de vue de l’aliénation mentale.
Dès lors, il importait de reviser la loi de 1838 et de la mieux adap-
ter aux nécessités modemes.
L’intervention des tribunaux judiciaires lors de l’internement
est parmi les premicres d’entre elles. L’opinion publique la réclame
impérieusement. II y a lieu toutefois d’entourer leur intervention
de précautions tirées des éléments de la cause elle-mème en tenant
compte des contingences; bien des malades ne le sont que d’une
manière très passagère. Combien de citoyens doivent leur inteme-
ment momentané à une bouffée qui s’éteindra rapidement, ne
laissant rien derrière elle, que le souvenir d’une heure mauvaise!
Convient-il, dès lors, de saisir les tribunaux pour un intemement de
courte durée, augmentant ainsi le nombre de ceux que connaltront
ces accidents pénibles, risquant de troubler la paix d’une famille,
ou de faire perdre à son chef guéri le retour à ses occupations et
à ses travaux? Aussi pensons-nous que Pintervention des tribunaux
toujours possible, s’il y a quelque crainte de séquestration, ne sera
nécessaire que si l’internement a duré plus de six mois et fait craindre
une affection plus durable encore.
II importe d’éviter que des individus,de ceux qu’on a appelés,«à
réactions antisociales », ne tralnent leur existence inutile de l’asile
à la prison, incapables de quelque occupation suivie, à charge à la
société pour laquelle ils sont,pendant leursheuresdeliberté,deredou-
tables dangers.
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NOUVELXE LOI SUR LE RÉGIME DES ALIÉNÉS
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II y a lieu d’éviter également que les tribunaux, après avoir ac-
quitté comme irresponsables des individus poursuivis pour crimes
et dèlits, ne les remettent sur-le-champ en liberté; il faut éviter
également que d’autres, dirigés vers l’asile, ne soient rendus à la
liberté, peu de temps après, dès que le délire est passé, alors que la
guérison est incomplète.
On doit se préoccuper de maintenir à l’asile ces ètres inadap-
tables à la vie des sociétés modemes. Par contre, il importe de ne
pas laisser en prison des aliénés condamnés par mégarde, ou des
condamnés devenus malades en cours de peine : l’examen psychia-
trique dans les prisons contribuera puissamment à próvenir ces
erreurs.
Le texte que nous vous soumettons consacre d’autres améliora-
tions importantes au régime des aliénés.
« Pendant longtemps, disait M. Magnan au Congrès Iutematio-
nal de médecine tenu à Paris en 1900, l’asile, considéré comme le
seul instrument de traitement de la folie, recueillait pèle-mèle tous
les aliénés; peu à peu et après bien des essais pour répondre aux
diverses indications, on en était arrivé à une division de l’établisse-
blissement par quartiers : les cellules, les demi-agités, Ies tranquilles,
les íaibles ou gàteux et l’infirmerie. Des ateliers, des services géné-
raux et quelquefois des terrains de culture complétaient cette ins-
tallation, mais le soir, toute la population de l’asile devait regagner
ses quartiers enclos de murs, de sauts de loup, de portes avec ser-
rures spéciales.
«Tel est, sauf de très rares exceptions, le mode d’assistance géné-
ralement adopté. Une appréciation plus nette de l’état et des besoins
des aliénés, l’encombrement des asiles, les exigences budgétaires
ont provoqué, depuis quelques années, un mouvement d’opinion qui
ne tend pas sans doute à la destruction de ce vieil organisme, mais
à son rajeunissement et à sa transformation en mème temps qu’il
lui enlève, pour la placer dans des conditions mieux appropriées,
une grande partie de sa population actuelle.
« De l’avis presque unanime, un premier groupe de malades, les
déments séniles, les déments organiques, les chroniques inoffen-
sifs, principale cause de I’encombrement, doivent ètre distraits de
l’asile et placés dans un milieu mieux approprié à leur état.
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RETUB DK PSYCHIATKIB
« Un secoad et troisième groupe de malades que l’on tend & déta-
eher de l’asile ou à placer dana dea quartkn spéciaux sont foumis
par les épileptiques et les alcoolisés. Pour les premiers, en raison de
leurs attaques, on songe plus volontiers aux colonisations agńceles
avec vitlas ou bétiments séparés et à une infirmerie pour tes périodes
de crises et les affections incidentes.
« Pour 1«8 seconds, les alcoolisés, l’absence d’une légistation spé-
ciale dans beaucoup de pays laisse le champ ouvert à la discuseion
et retarde l’accomphssement des réformes nécesaaires. Gette ques-
tios d’ailleurs comporte des solutions diverses suivant qu’on envi-
sage les buveurs d’habitude, les alcoolisés délirants et les aiiénés
ou nerveux avec appoint alcoolique. Quelques promoteurs impa-
tisnts veulent d’ensblée tout régler, législation et assistance, les
autres, peut-ètre plus pratiques, demandent à mettre à profit les
bonnes dispositions des administrations pour une bospitalisation
phisconfòrme aux besoins des alcoolisés dont le délire force la porte
des asites. »
G’est tout un programme d’améliorations pratiques, tracé par uo
maltre de la psychiatrie, et dont plusieurs départements, celui de
la Seine en particulier, ont pris l’initiative, devangant la revision
de la loL
D’après le txte soumis au Sénat, le contrdle sera étendu, en vst
de la sauvegarde de la liberté individuelle, en debors des asilea et
des maisons privées spécialement affectées au traitement des aKé-
nés, aux étabbssements, quels qu’ils soient, dans lesquels, une forme
quelconque d’aliénation mentale est traitée.
Les départements astreints à créer un établissement public ou à
s’entendre avec l’établissement pubbc d’un autre département, dans
le djélai de dix ans, pour le traitement des abénés proprement dtta,
sont autorisés à s’unir pour créer des asiles spéciaux destinés aux
ehzoniques, aux épileptiques, aux idiots, aux alcooliques, aux
aliénés vicieux ou difficiles.
Dans le premier cas, les départements recevront des subventions
de l’Etat.
De méme les départements sont autorisés à organiser des colonies
famibales et l’assistance à domicile pour cette catégorie de malades.
A Favenir, trois modes de placement seront envisagés : le place-
ment demandé à la requète de la famille ou d’un tiers; le placement
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NOUVELLE LOI SUR LB RÉGIMB DES ALIÉNÉS
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ordonaé sur l’initiative de l’autorité admmistrative ou judiciaire;
ie placement vokmtaire ou peraonnel provoqué par le malade hih
méme. '
Au point de vue du recrutement, les médecins des asiles ou des
établissements prévus par la loi seront nommés au concours. Tou-
tefois, consacrant le régime spécial dont bénéficie le département de
la Seine, le nouveau texte permet aux Gonseils généraux des dépar-
tements, possédant plusieurs asiles, d’organiser un concours distinct.
L’administration des asiles est confiée & un médecin-directeur res-
ponsable; toutefois, le conseil général pourra demander la dis-
jonction des fonctions de médecin en chef et de directeur de ces
établissements.
Le nouveau texte régularise les sorties d’essai et leur donne la
sanction légale.
Avec les réformes projetées la vie intérieure des asiles sera amé-
liorée, Ieur encombrement s’atténuera et finira par disparaltre,
les chefs de service ne se verront plus obligés d’éparpiller leurs efforts
et leurs soins et bientòt la pratique de l’ahtement, universellemmt
généralisée, achèvera d’apporter dans nos établissements de trai-
tement des affections mentales plus de douceur encore. Le nombre
et la proportion des guérisons augmenteront à mesure que les asiles
8eront de moins en moins des garderies et de plus en plus des hòpi-
taux de traitement. Des établissements et des modes spéciaux
mieux adaptés aux besoins des malades, telles les colonies fami-
fiales, tels les asiles et les quartiers spécialisés, compléteront Ie cyde
de l’assistance médicale aux aliénés, diversifiée, assouplie, à la fois
moins coùteuse et moins sévère, s’éloignant le plus possible du réginae
rtpressif pour se faire préventrve et secourable.
Ponr atteindre ce but, la sélection des aliénés criminels, faite dés
l’audience, la création d’asiles de sùreté, qui s’imposent comme une
nécessité de justice et d’ordre public, ainsi que l’examen de psy-
chiatrie des prisons, terminent les dispositions relatives aux per-
mnnes.
En ce qui concerne les biens, le régime protecteur de la fortune des
aliénés est renforcé, et la Commission de surveillance étend son
action tutélaire aux malades placés dans les établissements privés.
C’est en conciliant les garanties de la liberté individuelle avec les
engences de la sécurité publique et en perfectionnant sans eesM
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REVUE DE PSYCHIÀTRIE
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les procédés et les méthodes du traitement de Taliénation mentale
que Tassistance aux aliénés, curables ou incurables, se fera chaque
jour plus humaine et plus victorieuse.
PROPOSITION DE LOI
TITRE PREMIER
Etablissements destinés à traiter et garder les malades
atteints d aííections mentales. — Placements, — Sorties. —
Evasions.
Elablissemenls publics el privés.
Article premier.
Les personnes atteintes d’affections mentales, qui compromettent
l’ordre public, ou qui sont dangereuses, pour elles-mémes ou pour les
autres, doivent ètre soignées et gardées dans des établissements
spéciaux, lorsqu’elles ne peuvent ètre soignées et gardées chez elles.
Sont soumis aux effets de la présente loi tous les établissements,
publics ou privés, dans lesquels est soigné un cas ou une forme quel-
conque d’aliénation mentale, quel que soit le vocable sous lequel ces
établissements peuvent ètre désignés. Tous sont placés sous la surveil-
lance de l’autorité publique, qu’ils soient publics ou privés.
II en sera de méme des quartiers d’hospice affectés à cesmalades.
Art. 2.
Nul ne peut créer ni diriger médicalement un établissement privé
sans l’autorisation du Gouvernement s’il n’est citoyen fran^ais, s’il
n’est pourvu du diplòme de docteur en médecine, et sans avoir déposé
un cautionnement dont le montant est déterminé par l’arrèté d’auto-
risation.
Si le Gouvernement refuse son autorisation, sa décision doit ètre
motivée; elle est susceptible d’un recours au Conseil d’Etat dans les
formes légales.
Art. 3.
L’assistance et les soins nécessaires aux malades atteints d’affec-
tions mentales des deux sexes sont obligatoires.
Chaque département est tenu d’avoir, dans un délai de dix ans à
partir de la promulgation de la présente loi, un établissement public
destiné à recevoir ces malades.
Deux ou plusieurs départements peuvent néanmoins s’entendre
^our créer et entretenir à frais communs un ou plusieurs établisse-
ments publics destinés aux malades atteints d’affections mentales. Les
conditions de leur association sont réglées par les délibérations des
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NOUVELLE LOI SUR LE RÉGIME DES ALIÉNÉS
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conseils généraux intéressés, conformément aux articles 89 et 90 de
la loi du 10 aoùt 1871 qui seront applicables au département de la
Seine. II est statué par un décret rendu en Conseil d’Etat sur le mode
d ? administration de ces établissements.
Les départements recevront à cet effet des subventions de l’Etat.
Plusieurs départements peuvent également s’unir pour créer et
entretenir en commun, soit des grands asiles de chroniques, soit des
asiles spéciaux, soit des sections spéciales annexées à un asile, afin d’y
recevoir et soigner les épileptiques, les idiots, les alcooliques, les
aliénés vicieux et difficiles.
Les départements sont autorisés à créer des colonies familiaies et
à organiser l’assistance à domicile des malades atteints d’affections
mentales dans les conditions prévues par la présente loi.
Les traités passés par les départements, avec un établissement
public, pour le traitement des aliénés indigents doivent ètre approuvés
par le Ministre de l’Intérieur. Ils ne sont pas passibles d’un droit d’en-
registrement. Ceux qui sont passés avec un établissement privé pren-
dront fin de plein droit dix ans après la promulgation de la présente
loi.
Si un département n’a pas pris en temps voulu les dispositions néces-
saires pourse’conformer à l’obligation prévue aux paragraphes 1 et 2 du
présent article, il pourra y ètre pourvu par un décret rendu en Conseil
d’Etat, et les dépenses nécessaires pour l’exécution dudit décret
pourront ètre inscritcs d’office au budget du dèpartement par le
Ministre de l’Intérieur.
Les règlements intérieurs des établissements publics ou privés
íaisant provisoirement fonctions d’asiles publics, et consacrés au
traitement des affections mentales sont soumis à l’approbation du
Ministre de l’Intérieur.
Art. 4.
Les établissements publics comprennent : les asiles destinés au
traitement des affections mentales; les asiles spéciaux mentionnés à
l’article précédent, les quartiers d’hospices spécialement affectés aux
maladies mentales, les asiles et quartiers de sùreté établis pour les
aliénés criminels ou dangereux, les colonies familiales.
Ces divers établissements sont administrés, sous l’autorité du
Ministre de l’intérieur et du préfet du département, par un médecin-
directeur responsable.
Les quartiers spéciaux annexés aux hòpitaux ou hospices sont
administrés par les commissions administratives spéciales prévues à
I’article 28. Ils sont assimilés aux asiles publics en tout ce qui concerne
la direction médicale, le traitement et la surveiliance des aliénés.
Cette partie du service est confiée à un médecin en chef, préposó
responsable.
Toutefois, le Ministre peut, sur la demande du Conseil général du
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RBVUS DB P8YCHIATRIE
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départeraent ou des conseils généraux dea départementa aiwociés
ordonner la disjonctìon dea íonctions de médecin en chef et de direc-
teur d’un asile public, ainsi que celles de médecin en chef et de própoaé
responsable d’un quartier d’hospice.
Dans les asiles où les services médicaux sont répartis entre trois
médecins au moins, la réunion des médecins constitue le conseil des
médecins de l'asile; il émet un avis consultatif sur toutes ies quosiions
d’ordre médical.
Le médecin-directeur en fait partie et le préside.
Le médecin-directeur est nommé comme il est dit à i’article 5. — Les
économes et les comrais sont noramés et révoqués par le préfet du
département où se trouve l’asile.
Art. 5.
Les médecins sont nommés au concours par Ie Ministre de I’Inté-
rieur sur une liste dressée à la suite d’épreuves publiques à l’exception
des professeurs des facultés ou écoles de médecine chargés de i’ensei-
gnement clinique des maladies mentales qui sont de droit médecins
des établissements où cet enseignement est donné.
Toutefois dans les départements où il existera plusieurs asiles
d’aliénés, et si le Conseil général le demande, un concours spécial
sera institué.
Le nombre minimum des médecins de chaque établissement est
déterminé par décret délibéré au Conseil d’Etat.
II pourra ètre accru par décision du Ministre, sur l’avis conforme
du Conseil général du département.
TITRE II
Dm placements faits dans les établlssements d’aliónés.
Section premi&re. — Placemenls. — Sorlies . — Euasions .
Art. 6.
Les malades, atteints d’affections mentales, sont admis dans les
établissements publics ou privés pour y ètre soignés et gardés :
Soit sur la demande d’une personne appartenant à leur famille ou
la remplagant: c’est le piacement demandé;
Soit sur l’intervention de l’autorité administrative ou judiciaire :
c’est le placement ordonné;
Soit sur leur propre demande, lorsqu’ils sont majeurs; s’ils sont
mineurs, l’autorisation des parents ou du tuteur est nécessaire : c’est
)e placement volontaire.
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NOUVELLE LOl SUR LE RÉGtMB DES ALIÉNÉS
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Art. 7.
La demande de placement faite par un membre de la famille, par
le tuteur ou le subrogé tuteur ou un ami doit ètre accompagnée de
pièces établissant l’identité du malade et d’un certificat médical ne
datant pas de plus de quinze jours. Ce certificat doit ètre, sauf urgence,
ńé par !e maire, ie juge de paix ou le commissaire de police.
Si le malade ne veut pas se laisser conduire dans l’établissement
oú 0 doit élre soigné, le maire ou le commissaire de police peuvent ètre
icquis de prèter leur concours à la famille.
Ge placement ne peut ètre que prorisoire. Dans les vingt-qaatre
heures qui suivent l’entrée du malade, le médecin-directeur ou le
dnetear s’il s’agit d’un étabUssement privé, en avise :
i* Le Préfet du départeraent;
2? Le procureur de la RépubUque dans le ressort duquel 1’étaUis-
seaaeat est situé;
3° Le procureur de la RépubUque dans le ressort duquel ae trouve
k domicile du malade, si ce doroicile et celui de 1’étabUssement n’appar-
tìenaent pas au mème ressort judiciaire.
Le directeur responsable transmet en mème temps le buìletin
d’entrée du malade, l’avis motivé du médeein traitant et la copie des
pièces qui accompagnent la demande de placement.
Quand le placement est fait dans un établissement privé, le préfet
dsit, dans les trois jours de la réception du bulletin d’entrée, chargtr
■a médeein des établissements pubUcs d’aliénés de visiter le maladfe
désigné par ce bulletin et de lui adresser, en double exemplaire, un
rapport médical sur l’état mental du malade. Le préfet transmet isn
exemplaire de ce rapport au procureur de la RépubUque.
Quinze jours après l’entrée du malade, ledirecteur responsable de
l’Mablissement pubUc ou privé qui a regu le malade doit adresser un
noureau certificat médical circonstancié au préfet et au procureur
de la République.
Le procureur de la République qui a 1’étabUssement dans sen
restort, saisit le tribunal du placement provisoire dont il est avisé.
Le tribunal saisi a seul qualité pour rendre le placement définitif :
il prend à cet effet une décision en chambre du conseU et basée sur les
certificats médicaux déUvrés par le médecin de l’asile, au cours d’une
période d’observation qui ne doit pes dépasser six mois.
Ea cas de désaccord entre le certificat médical qui accompagne
te demande de placement et celui qui est délivré par le médecin de
i’établissement, le tribunal doit, avant de statuer, commettre «n
aulre médecin des asiles publics pour examiner le malade et lui adreaser
w rapport spécial et détaiUé sur son état mental.
Le chef responsable de l’établisseraent est tenu d’adresser au préfet,
<teaa le prenùer mois de chaque semestre, un rapport rédigé par le
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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médecin de rétablissement sur chaque personne qui y est retenue,
sur la nature de sa maladie et les résultats du traitement.
Le préfet prononce sur chacune individuellement, ordonne sa main-
tenue ou sa sortie.
Art. 8.
En cas de danger immédiat, attesté par un certificat médical, le
préfet de police à Paris, les préfets dans les départements peuvent,
par des arrètés motivés, ordonner le placement provisoire d'une
personne atteinte d’affection mentale.
Ces arrètés ne sont exécutoires que s’ils n’ont pas plus de quinze
jours de date et s’ils sont accompagnés du certificat médical qui les
motive.
Le commissaires de police, dans le ressort de la préfecture de police,
les maires dans les autres communes peuvent aussi, dans les mèmes
conditions de danger immédiat, prendre toutes mesures provisoires
nécessaires à l’égard des personnes atteintes d’affections mentales,
mais seulement sur l’avis conforme d’un certificat médical de moins
de quinze jours et à la condition d’en référer dans les vingt-quatre
heures au préíet compétent : celui-ci statue sans délai par un arrèt
motivé.
S’il n’y a pas danger immédiat, les commissaires de police et les
maires qui sont saisis de plaintes ou demandes visant des personnes
atteintes d’affections mentales et faites dans l’intérèt des malades
eux-mèmes ou dans celui de la décence et de la sécurité publiques,
doivent en référer au préfet compétent. Gelui-ci provoque aussitòt
une enquète à la suite de laquelle il peut, sur l’avis conforme d’un
certificat médical délivré au cours de l’enquéte, prendre un arrèt
motivé ordonnant le placement provisoire du malade dans un établis-
sement public ou privé.
Dans les vingt-quatre heures qui suivent ces placements provi-
soires ordonnés, le directeur responsable avise le procureur de la
République; il lui transmet le bulletin d’entrée du malade, la copie
de l’arrèté du préfet et celle des pièces qui l’accompagnent.
Le placement ne devient définitif que par décision du tribunal.
Art. 9.
Le placement volontaire, qui est demandé par le malade lui-mème,
n’est soumis à aucune formalité quand le malade est majeur. La
demande seule suffit, alors mème qu’elle serait verbale; mais si elle
n’est accompagnée d’aucune pièce de nature à constater l’ìden-
tité du malade, le directeur responsable devra faire constater cette
identité le plus tòt possible.
Si le malade n’est pas majeur, le père, la mère ou le tuteur doivent
donner leur consentement par écrit.
Les malades, atteints de crises convulsives répétées ou d’intoxi-
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NOUVELLE LOI SUR LE RÉGIME DES ALIÉNÉS
101
cation chronique, peuvent également ètre admis sur leur seule de-
mande, soit dans les établissements destinés aux affection9 men-
tales, soit dans les établissements ou quartiers spéciaux affectés à
ces maladies.
Avis du placement volontaire est néanmoins donné au préfet et
au procureur de la République.
Art. 10.
La déclaration prescrite par l’article 7 n’est pas nécessaire quand un
malade atteint d’affection mentale se trouve en traitement dans une
maison privée où réside le conjoint du malade, ou bien un ascendant,
un descendant, un frère, une soeur, un oncle, une tante, ou mème le
tuteur, si Ie conseil de famille a spécialement autorisé celui-ci à se
charger des soins à donner au malade.
Si cependant le traitement dure plus de six inois, le conjoint, le
parent ou le tuteur doit en aviser le procureur de la République et
lui fournir un rapport médical sur l’état du malade.
Le procureur de la République peut demander un nouveau rapport
quand il le juge nécessaire; il peut mème charger un médecin des
établissements publics de visiter le malade à plusieurs reprises et de
lui faire chaque fois un rapport sur son état et sur les soins qu’il
recoit.
Si ces soins ne sont pas suffisants, le tribunal peut, sur la demande
du procureur de la République, ordonner en chambre du conseil que
lc malade soit confié à un autre membre de la famille ou mème placó
dans un établissement public ou privé.
La décision doit ètre prise en présence du parent ou tuteur res-
ponsable qui réside dans la maison où le malade est soigné, ou qui a
été mis en demeure d’intervenir, s’il n’y réside pas.
Appel de la décision peut ètre relevé par le parent, le tuteur ou le
procureur de la République dans les cinq jours qui suivent celui où
cette décision a été rendue. La Cour doit statuer en chambre du
conseil dans les quinze jours qui suivent la date de l’appel.
Chaque fois qu’un malade sera placé dans un des établissements
visés par la présente loi, ses nom, prénoms, profession, àge, domicile,
la date de son placement, les nom, prénoms, profession et demeure
de la personne, parente ou non, qui aura demandé le placement,
mention du jugement d’interdiction si elle a été prononcée,lenom du
tuteur, seront inscrits sur un registre coté et paraphé par le maire.
Sont également transcrits sur ce registre : 1° la demande d’admis-
sion; 2° le rapport médical prescrit; 3° les rapports cpie le médecin
de l’établissement devra adresser à l’autorité. — Le médecin sera
tenu de consigner sur ce registre, au moins tous les mois, les change-
ments survenus dans l’état mental de chaque raalade. Ce registre
constatera également les sorties et les décès. — Ce registre sera soumis
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aux personnes qui aurontle dreit de visiter l’établissement, loraqu'eHes
se présenteront pour en faire la visite; après l’avoir terminée, eHes
apposeront sur le registre leur visa, leur eignature et leurs obser-
vations, s’il y a lieu.
Art. 11.
Dans aucun cas, les aliénés dirigés sur un asile ne peuvent ètre
ni conduits avec des condamnés ou des prévenus, ni dóposés dans une
prison. Lorsque pendant le voyage de transport, un arrèt est indis-
pensable, le malade est déposé dans un hospice ou hèpital civil, ou,
& défaut, dans un local loué 6 cet effet.
Dans tout ressort de tribunal où il n’existe pas d’établisseraeut
public d’aliénés, l’hospice ou l’hèpital civil qui doit reoevoir provi-
soirement les personnes qui leur sont adressées est tenu d'établrr et
d’approprier un local d’observation et de dépòt destiné à recevoir
provisoirement les aliénés non encore intemés, avant ou pendant leur
voyage de transport à l’asile.
L’organisation et le fonctionnement de ces quartiers ou locaux soat
à la charge du département et confiés au préfet.
Art. 12.
Nul ne peut ètre conduit à l’étranger pour ètre placé dans un
établissement recevant des aliénés, sans que la déclaration en ait été
faite, avant le départ, au procureur de la République du domicìle du
malade; cette déclaration devra ètre accompagnée du rapport médical
circonstancié prescrit à l’article 7. Tout Frangais qui, à I’étranger,
provoque le placement d’un Frangais dans un établissement recevaat
des aliénés, est tenu de faire, dans le délai d’un mois à partir du place.
ment, la déclaration de ce placement au procureur de la République
du dernier domicile en France du malade.
Les dispositions de la présente loi reiatives à l’administration des
biens sont applicables aux biens des aliénés plaoés à l’étranger. L’ad-
ministrateur provisoire du lieu de leur dernier domicile remplit à leur
égard ces fonctions, ainsi que le curateur à la personne, de conoert
avec la Commission de surveiHance dont celui-ci fait partie.
Nul étranger conduit en France pour ètre placé dans un établisse-
ment d’aliénés ne peut étre admis dans cet établissement, sauf urgence,
aans une demande et sans un certificat médical, légalisés dans son
pays d’origine ou par un représentant diplomatique de ce pays en
France. Si 1a demande et le certificat ne sont pas écrits en frangais,
il est joint une traduction frangaise certifiée conforme.
Dans les trois jours de la notification de ce placement, le préfet
en donne avis au Gouvemement, qui prévient le représentant diplo-
matique du pays d’origine de la personne placée.
Le mème avis de placement doit étre donné dans le mème détai
au représentant diplomatique du pays d’origine de tout étranger
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NOUVELLE LOI SUR LB RÉGIHE DES ALIÉNÉS
103
réadant oa de paseage en France, dont l’état d’aUénation aurait
exigé le placement.
Art. 13.
Dans Ies cas de transfèrement d’un aliéné d’un établissement dans
un autre, l’admission de l’aliéné transféré a lieu, après avis médical
qu’fl n’y a pas d’inconvénient, sur le vu du certifícat délivré par le
eheí responsable de l’établissement d’où provient ce malade et des
pièces légales concernant ce dernier ou d’une copie de ces pièces.
Le médecin de l’établissement où l’aliéné est transféré fait les cer-
tffieat8 de vingt-quatre heures et de quinzaine.
L’administration provisoire légale des biens de l’aliéné transféré
continuera d’ètre exercée par la Commission de surveillance du dépar-
tement où cet aliéné a son domicUe de secours.
Art. 14.
' Qnand le médecin traitant estime que la guérison est suffisante
pour permettre la sortie du malade, le directeur responsable de I’éta-
blissement en avise le malade, la famille et l’autorité.
S’il s'agit d’un placement volontaire, le malade quitte l’établisse-
ment et avis en est donné au préfet.
S*U s’agit d’un placement demandé, le malade est remis à sa famiUe
et avis est immédiatement donné au préfet et au procureur de la
République.
S’il s’agit d’un placement imposé, avis de la guérison est donné au
préfet et au procureur de la République; celui-ci provoque aussilèt
ime décision du président du tribunal autorisant la sortie du malade.
Art. 15.
Tout malade atteint d’affection mentale soigné dans un établisse-
ment public ou privé, peut réclamer sa sortie immédiate. Le préfet,
le procureur de la Répubfíque, un parent ou un ami peuvent égale-
ment réclamer cette sortie, et tous peuvent se pourvoir à cet effet
devant le tribunal du lieu où est situé l’établisseraent.
Si le malade est interdit, la demande de sortie immédiate ne peut
itre faite que par le tuteur de l’interdit ou le procureur de la Répu-
bhque.
Toutefois la sortie ne doit étre autorisée que si le médecin traitant
dèclare que le malade est suffisamment guéri pour que sa sortie ne
eompromette ni sa guérison définitive, ni la décence, ni la sécurité
pubtique.
Si le médecin est d’un avis différent et si le tribunal ne croit pas
pouvoir statuer immédiatement, il doit ordonner, sous réserve de
tous autres moyens d’informations, une expertise contradictoire qui
eera faite par deux médecins dont l’un sera désigné par le malade ou
son représentant.
La déciskm du tribunal est rendue en chambre du conseil, sans
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délai, sur simple requète, et sans ministère d’avoué. Elle n’est pas
motivée; elle est exécutoire sur minute et doit ètre notifiée au préfet
et au directeur responsable de l’établissement.
Art. 16.
Dans les vingt-quatre heures de la sortie, les chefs responsables
des établissements en donnent avis aux fonctionnaires auxquels la
notification du placement a été faite, conformément à l’article 7,
et leur font connaitre le nom, la résidence des personnes qui ont
retiré le malade, son état mental au moment de la sortie et, autant
que possible, l’indication du lieu où il a été conduit.
Art. 17.
La requète, le jugement et tous actes relatifs aux articles précédents
scront visés pour timbre et enregistrós en débet.
La suppression ou la retenue d’une requète ou d’une réclamation
adressée aux autorités administratives ou judiciaires est passible des
peines prévues au titrc V.
Art. 18.
Des sorties ou congés d’essai peuvent ètre accordés par le médecin
aux malades dont l’état de santé se trouve suffisamment amélioré,
exception faite pour les aliénés criminels, dangereux ou difficiles.
Pendant ces sortics d’essai, l’administration doit faire visiter les
malades, chaque semaine, par un médecin chargé de constater leur
état et les soins qu’ils reQoivent. En cas de rechute, ce médecin peut
provoquer la réintégration du malade dans l’établissementoù il était
soigné sans avoir besoin de recourir aux formalités ordinaires du
placement.
Pendant la sortie d’essai, une subvention, qui n’excédera pas le
prix de la journée payé à l’asile, peut ètre accordée aux malades indi-
gents et prise sur le budget de l’établissement.
Art. 19.
Les malades paisibles et valides pourront ètre utiiement occupés,
sur l’avis conforme du médecin traitant, à des travaux agricoles,
ménagers ou autres, soit dans l’intérieur mème de l’établissement,
soit dans les exploitations agricoles annexées à l’établissement.
Les malades inoffensifs et plus ou moins valides peuvent ètre en-
voyés dans des établisscments spéciaux dits « colonies familiales ».
lls y vivent en liberté et se livrent ou non à des travaux qui ont pour
but de les occuper et de les distraire.
Art. 20.
Lorsqu’un malade atteint d’affection mentale s’évade d’un établis-
sement public ou privé, sa réintégration peut s’accomplir par les soins
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NOUVELLE LOI SUR LE RÉGIME DBS ALIÉNÉS
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du personnel de rétablissement sans aucune formalité, si elle a lieu
dans un délai de quinze jours.
Passé ce délai, le placement doit ètre effectué dans les conditions
prévues à Particle 7.
Section II. — Des condamnés reconnus aliénés , et des aliénés dils
criminels .
Art. 21.
Les individus de l’un et de l'autre sexe condamnés à des peines
afflictives et infamantes ou à des peines correctionnelles de plus d’un
an et un jour d’eraprisonnement, qui sont reconnus épileptiques ou
aliénés pendant qu’ils subissent leur peine, et dont l'état d'épilepsie
ou d’aliénation a été constaté par un certificat du médecin de l’éta-
blissement pénitentiaire, sont, après avis du médecin désigné par le
préíet, retenus jusqu’à leur guérison ou jusqu’à l’expiration de leur
peine dans les asiles ou quartiers de sùreté. Les autres condamnés épi-
leptiques ou aliénés sont dirigés sur l’asile départemental, en vertu
d’une décision du Ministre de l’Intérieur.
Chaque année, le Ministre de l’Intérieur prescrit une inspection
dans les prisons civiles et militaires aux fins d’examen des détenus
qui pourraient se trouver dans ies conditions prévues au présent
artìcle.
Art. 22.
Tout inculpé, prévenu ou aecusé, qui est considéré comrae irres-
ponsable, à raison de son état mental au moraent de l’action, et qui
íaitpar suite l’objet, soit d’une ordonnance ou d’un arrèt de non-Iieu,
soit d’un acquittement en conseil de guerre ou en cour d’assises, doit
ètre renvoyé, par le mème jugement, devant le tribunal qui siège
dans le mème arrondissement que la juridiction de répression.
La décision de justice qui ordonnera le renvoi devra, en outrc,
interdire la mise en liberté de I’inculpé, prévenu ou accusé reconnu
irresponsable et ordonner son transfert dans un établissement public,
ou dans un établissement privé faisant fonction d’établissement public,
en attendant que le tribunal saisi ait pu statuer.
Le tribunal, saisi par l’ordonnance, le jugement ou l’arrèt qui pro-
nonce le non-lieu ou l’acquittement, ordonne un nouvel examen
médical, puis en chambre du conseil, le procureur de la République
entendu, il décide si le malade doit ou non ètre interné définitivement
dans un établissement public ou bien dans un asile ou quartier de
sureté.
Art. 23.
En toute matière criminelle,le président, après avoir posé les ques-
tions voulues, avertit le jury, sous peine de nullité que, s’il jugel’accusé
ou l’un des accusés irresponsable, il doit en faire la déclaration en ces
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lermes : « à la majorité et à raison de son état mental au moment de
l’action, l’accusé est irresponsable ».
Art. 24.
L’Etat fera construire ou approprier un ou plusieurs asiles ou quar-
liers de sùreté pour recevoir les aliénés de l’un et i’autre sexe qui doi-
vent y ètre conduits, retenus et soignés en vertu des articles précé-
dents de la présente loi.
Art. 25.
Doivent également ètrc conduits et soignés dans ces établisse-
ments spéciaux :
1° Les aliénés qui, placés dans un asile, y commettent un acte
qualifié crime ou délit contre les personnes;
2° Les aliénés qui, sans avoir commis d’acte qualifié crime ou
délit, sont déclarés dangereux par un rapport médical motivé;
3° Les condamnés reconnus aliénés, dont il est question à Tarticle 21
lorsqu’il serait dangereux, à l’expiration de leur peine, de les remettre
en Iiberté ou mème de les transférer dans l’asile de leur département.
A cet effet, un rapport spécial est adressé au procureur de la Répu-
blique qui a dans son ressort l’établissement où le malade est placé.
Ce magistrat en saisit aussitèt le tribunal qui statue, en chambre
du conseil, sur le placement de ces malades criminels ou dangereux.
Art. 26.
Lorsque la sortie d’un malade, intemé dans un établissement de
sùreté, en vertu des articles 21, 22, 23, 24 et 25, est demandée, le
médecin traitant est appelé à donner son avis motivé sur l’état menta!
du malade, et à dire s’il est ou non guérì et si, en cas de guérìson, une
rechute est plus ou moins probable.
La demande de sortie et l’avis du médecin sont déférés de droit
au tribunal du lieu qui statue en chambre du conseO, coinme il est
dit à rarticìe 10, sur ladite demande
Si la sortie n r est pas autorìsée, le tribunal peut décider qu’il ne sera
pas procédé à Texamen d’une nouvelle demande de sortie avant un
délai de six mois au plus.
La sortie autorisée est toujours conditionnelle et révocable : elle
est soumise à des mesures de surveillance régíées par le tribunal
pour chaquc cas particulier.
Si Ies mesures de surveillance voulues ne sont pas exéeutées, ou s’3
se produit une menace de rechute, le malade doit ètre immédiatement
réintégré dans un asile ou quartier de sùreté en se conformant aux dis-
positions prescrites par les articles 7 et 8 de la présente loi.
La sortie des aliénés difficiles ou vicieux est soumise aux mèmes
i'ormaliiés.
Toul nialade soigné dans un asile ou quartier de sùreté peut ètre
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NOUVELLE LOI SUR LE RÉGIME DBS ALIÉNÉS
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mis en liberté ou transféré dans un asiie ordinaire, par décision du
tńbunal, lorsque le médecin traitant certifie que ce malade est devenu
inoffensif.
TITRE III
Section première. — SurveiUance des malades aUeinis d'affection
menlale et des élablissements où ils sorU soignés et gardés.
Art. 27.
La surveillance des établissements publics et privés qui regoivent
les malades atteints d'affection mentale est confiée au Ministre de
l’Intérieur et aux préfets.
Pour les établissements publics et les établissements privés qui en
font provisoirement fonction, cette surveillance est exercée par une
ou plusieurs commissions.
La commission de surveillance est compsée de 6 membres, savoir :
2 conseUlers généraux élus par le conseU général;
2 membres choisis par le préfet, dont un docteur en médecme;
2 membres désignés par le tribunal de l’arrondissement où l’éta-
biissement est situé, dont un juge titulaire ou suppléant.
II peut ètre augmenté par décision du Ministre de l’Intérieur après
»vis du Conseil supérieur de l’assistance publique.
Assisteront aux séances de la commission de surveUlance, les mé-
decins-directeurs et les directeurs administratifs pour les établisse-
menis publics; le médecin traìtant pour les établissements privés
taisant fonctions d’asUes publics.
La commission de surveUlance a pour attributions :
1° De remplir Ies fonctions de conseil de famille & l’égard des
malades noninterdits,|pIacés dans les établissements publics ou privés,
et non pourvus d’un administrateur judiciaire ou datif;
2° D’exercer sur les établissements pubUcs départementaux une
sorveUlance administrative et financière;
3° De contrftler dans les établissements publics, et dans Ies éta-
blissements privés qui en font provisoirement fonction, le régime des
malades, l’exécution des règlements et ceUe des traités passés entre
ees étabUssements et les départements.
Les fonctions de cette commission sont gratuites.
Le département de la Seine aura, pour l’ensemble de ses établis-
sements, une commission de surveiUance composée de quinze membres
dont quatre seront désignés par le ConseU général, huit par le préfet
de la Seine, et trois par la Cour d’appel. EUe coraprendra au moins
deux médecins.
Art. 28.
La surveiUance des quartiers d’hospice affectés aux aliénés est
exercée par une commission de surveUlance spéciale, distincte de la
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commission de l’hospice, nommée dans les mèmes conditions que la
commission de surveillance des asiles et ayant les mémes attri-
butions.
Art. 29.
Le préíet du département ou son délégué est tenu de visiter une
íois au moins chaque semestre, les établissements publics ou privés
situés dans le département.
Le procureur de la République de l’arrondissement, dans lequel un
ou plusieurs établissements d’aliénés sont situés, est tenu de visiter
ces établissements une fois au moins chaque trimestre.
Les personnes spécialement déléguées à cet effet par le Ministre de
l’intérieur ou le préfet, le président du tribunal de l’arrondissement, le
juge de paix du canton, le maire de la commune où est situé l’établis-
sement public ou privé consacré au traitement des affections men-
tales, peuvent visiter ledit établissement lorsqu’ils le jugent conve-
ńable. Ils re$oivent les réclamations des personnes qui y sont placées
et prennent à leur égard tous les renseignements propres à faire con-
naìtre leur position.
Art. 30.
Des inspections périodiques sont prescrites par le Ministre de
Tlntérieur.
Art. 31.
Le Conseil supérieur de l’Assistance publique, dont feront partie
de droit des délégués du corps de l’Inspection générale du Ministère
de Tlntérieur, regoit du Ministre de l’Intérieur communication de
tous docuraents et rapports; il donne son avis sur les règlements
particuliers, surjes plans et projets de construction générale ou par-
tielle des asiles, sur les traités passés par les départements pour le
traitement de leurs aliénés indigents, sur les tarifs des prix de journée
des aliénés, sur les autorisations à accorder aux asiles privés, et sur
toutes les mesures propres à assurer l’exécution des lois et règlements
concernant le service des aliénés ; il reQOit, chaque année, du Ministre
de l’Intérieur, communication du rapport général, qui sera présenté
par le Ministre, publié au Journal officiel et distribué aux Chambres.
Section II. — Adminislralion des biens .
Art. 32.
Dans chaque département, la Commission de surveillance sera
tenue de désigner un ou quelques-uns de ses membres pour gérer
gratuitement, en qualité d’administrateur provisoire, les biens des
personnes non interdites placées soit dans les établissements publics
ou privés d’aliénés, soit dans les colonies familiales.
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NOUVELLE LOI SUR LE RÉGIME DES ALIÉNÉS
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Art. 33.
L’administrateur provisoire exerce les fonctions d’administrateuv
provisoire légal & l’égard de tout aliéné non interdit placé dans un
établissement public ou privé ou dans une colonie familiale tant
qu’il n’a pas été pourvu par le tribunal à la nomination d’un admi-
nistrateur judiciaire.
Art. 34.
Les parents, !e conjoínt, l’associé de l’aliéné, l’administrateur
provisoire et le procureur de la République peuvent toujours provo-
quer la nomination d’un administrateur judiciaire.
Cette nomination est faite par le tribunal civil du domicile de l’aliéné
en chambre du conseU et súr les conclusions du procureur de la
République.
Elle doit étre précédée de l’avis du conseU de famUle, mais seule-
mentlorsqu’elle estdemandéepar les parents, le conjoint ou l’associé.
Elle ne sera pas sujette 6 l’appel. Sur la notification de cette nomi-
naUon, l’administrateur provisoire légal, s’U a exercé ses fonctions,
rend son compte d’administration qui est regu par l’administrateuv
judiciaire.
Art. 35.
Tout aliéné pourvu, par jugement, d’un administrateur judiciaire
devra ètre pourvu par le méme jugement d’un curateur & la personne.
En outre, sur la demande de l’intéressé, de l’un de ses parents, de
l'époux ou de l’épouse, d’un ami, ou sur la provocation d’office du
procureur de la République, le tribunal pourra nommer, en chambre
du conseil, par jugement non susceptible d’appel, un curateur à la
personne de tout individu non interdit placé dans un établissement
d’aliénés.
Le curateur à la personne doit veiller :
1° A ce que les revenus de l’aliéné soient employés à adoucir son
sort et à accélérer sa guérison, conformément à l’article 510 du Code
civil;
2° A ce que l’aliéné, en cas de sortie provisoire ou d’évasion,
n’accomplisse aucun acte de nature à nuire à ses intéréts;
3° A ce que l’aliéné soit rendu à l’exercice de ses droits aussitdt
que sa situation le permet.
Le curateur peut provoquer la réunion du conseil de famille et le
saisir de toute proposition tendant à la bonne gestion des intérèts de
l’aliéné.
II peut faire appel devant le tribunal civil contre le mari, l’adminis-
trateur provisoire légal ou judiciaire de toute mesure qui lui paraltrait
de nature à nuire aux intéréts de l'aliéné.
Art. 36.
Le mari non séparé de corps ou de biens est de droit l’adminis-
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trateur provisoire des biens de la femme placée dans un établissement
d’aliénés ou dans une colonie familiale.
La femme non séparée de corps dont le mari est placé dans un éta-
blissement d’aliénés ou dans une colonie familiale peut ètre autorisée,
par une ordonnance du président, à faire les actes d’administration
qu'il déterminera.
Si l’aliéné est commerQant ou s’il est engagé dans une exploitation
industrielle ou agricole, le président du tribunal civil peut, sur la
demande àu conjoint ou de l’associé, et contradictoirement avec
radministrateur provisoire l’égal ou judiciaire, conserver, soit au
conjoint, soit à l’associé, la direction des affaires particuliòres ou
sociales.
Dans ce cas, le conjoinnt ou l’associé doit communiquer à l’admi-
nistrateur, au moins une fois par an, un état sur la situation financière
de l’entreprise.
Art. 37.
L’administrateur judiciaire des biens d’un aliéné doit remettre au
curateur, qui le communique au procureur de la République, un
état de la situation de fortune de l’aliéné, une première fois dans
le mois de son entrée en fonctions, et ultérieurement une fois tous les
ans.
Avant le renouvellement de ses pouvoirs, qui ne lui sont donnés
que pour une année, l’administrateur provisoire légal doit rendre
compte de sa gestion à la commission de surveillance.
Art. 38.
L’administrateur provisoire peut faire tous actes conservatoires
et intenter toute action mobilière ou possessoire, défendre à toute
action mobilière ou immobilière dès l’admission de l’aliéné dans un
établissement public ou privé, et sans attendre la décision de l’auto-
rité judiciaire sur sa maintenue ou sa sortie.
Néanmoins, le président du tribunal, statuant en référé, peut, sur
la demande de la personne internée, ou de toute autre personne en
son nom, ordonner que l’administrateur provisoife s’abstiendra de
tout acte d’immixtion pendant le délai qu’il íixera.
L’administrateur provisoire procède au recouvrement des sommes
dues à l’aliéné et à l’acquittement des dettes; il passe les baux dont
la durée n’excède pas trois ans. Les baux de plus de trois ans, sans
qu’ils puissent excéder neuf ans, conformément à l’article 1429 du
Code civil, doivent ètre autorisés spécialement par la commission de
surveillance.
Avec la mème autorisation, précédée de l’avis du médecin traitant
sur l’état de l’aliéné, l’administrateur provisoire peut vendre les biens
mobiliers de l’aliéné, lorsque leur valeur, d’après l’appréciation de
la commission de surveillance, n’excède pas 1.500 francs en capital.
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NOUVELLE LOI SUR LE RÉGIME DES ALIÉNÉS
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Si ia valeur dépasse cette somme ou s’il s’agit d’immeubles, il faut,
en outre, rhomologation du tribunal statuant en chambre du conseil,
le ministère public entendu. Dans ce dernier cas, la vente des irameu-
Wessefera aux enchères pubiiques, soit devant le tribunal, soit devant
un notaire commis.
L’administrateur provisoire légal prescrit le dépòt à la caisse du
receveur des asiles de toutes somraes appartenant aux aliénés placés
soit dans les établissements publics, soit dans les établissements
privés. Le cautionnement du receveur est affecté à la garantie desdits
deniers par préférence aux créanciers de toute nature.
Lorsque les sommes dont il s’agit excèdent ies besoins courants de
laiiéné, l’administrateur provisoire en prescrit Temploi. Cet emploi
estréglé par la commission de surveillance quand le capital ne dépasse
pas 1.500 francs, avec rhomologation du tribunal statuant en chambre
du conseil quand le chiffre est supérieur.
Les titres provenant de ces emplois et tous autres titres appartenant
à l’aliéné, s’ils sont au porteur, doivent ètre déposés à la Caisse des
dépòts et consignations.
Art. 39.
Les pouvoirs de radministrateur judiciaire, quant aux biens, sont
les mèmes que ceux du tuteur de l’interdit. Ils sont rógis par les mèmes
règles et soumis aux raémes conditions, à rexception de l’hypothèque
légale.
Dans aucun cas, ces pouvoirs ne peuvcnt ètre moindres que ceux
de radministrateur provisoire légal.
L’article 511 du Code civil est applicable aux aliénés placés dans
un établissement public ou privé.
Les successions ouvertes au profit d’un aliéné ne peuvent étre
répudiées qu’avec l’autorisation du conseil de famille ou de la eommis-
sion de surveillance homologuée par le tribunal civil.
L’acceptation d’une succession ne pourra étre faite que sous
bénéfice d’inventaire.
Sont applicables à l’administrateur provisoire, légal ou judiciaire,
les dispositions des sections 8 et 9, titre X, livre premier du Code
civil, ainsi que celles de la loi du 27 février 1880, en tant qu’elles ne
aont pas contraires aux dispositions de la présente loi.
Ces administrateurs ne sont pas assujettis à l’hypothèque légale.
Toutefois, sur la demande des parties intéressées, du conseil de famille
ou du procureur de la République, le jugement qui nomme l’admi-
nistrateur judiciaire peut, en méme temps, constituer Sur ses biens,
uue hypothèque générale ou spéciale, jusqu'à concurrence d’une
aemme déterminée par le jugement.
Le procureur de la République doit, dans Je délai de quinzaine et
après acceptation de ses fonctions par i'administrateur judiciaire,
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faire inscrire l’hypothèque légale. Elle ne date que du jour de son
inscription.
Les dispositions du Code civil sur les causes qui dispensent de la
tutelle, sur les incapacités, ies exclusions ou destitutions des tuteurs
sont applicables à l’administrateur judiciaire.
Art, 40.
Les significations & faire à la personne placée dans un établissement
d’aliénés ou dans une colonie familiale doivent ètre faites au tuteur,
si la personne est interdite, & l’administrateur provisoire légal ou
judiciaire, suivant les cas.
Dans le cas de signification de pièces relatives à une instance en
interdiction, en divorce, en séparation de corps ou de biens, en désaveu
de patemité, en maintenue de placement ou en sortie de l’établisse-
ment, cette signification doit ètre faite, en outre, à peine de nullité,
à l’aliéné lui-mème, parlant à sa personne.
II n’est point dérogé aux dispositions de l’article 173 du Code de
commerce.
Le curateur intervient de droit dans toutes les instances mention-
née8 au deuxième paragraphe du présent article. Le tuteur de l’aliéné
interdit et, en cas de non-interdiction, l’administrateur provisoire,
légal ou judiciaire, peuvent, en vertu du mandat exprès qu’ils en
auront re$u du conseil de famille ou, à son défaut, du tribunal, in-
tenter au nom de l’aliéné une action en divorce, en séparation de
corps ou de biens. Si le conjoint est administrateur, l’action pourra
étre intentée en vertu d’une délibération conforme du conseil de
famille provoquée par le tribunal qui désignera un administrateur
ad hoc chargé d’intenter et de suivre le procès.
Les délais de l’action en désaveu de paternité, fixés par les arti-
cles 316 et suivants du Code civil, ne courent pas contre l’aliéné placé
dans un établissement public ou privé, jusqu’au jour de sa sortie
définitive de l’établissement et, en cas d’interdiction judiciaire, jus-
qu’au jugement de main-levée.
Art. 41.
Les pouvoirs de la Commission de surveillance et de l’administra-
teur provisoire légal, ceux de l’administrateur judiciaire cesseront
de plein droit dès que la personne est sortie définitivement de l’éta-
blissement; ils subsistent pendant les sorties provisoires et, en cas
d’évasion, jusqu’à ce que la sortie définitive ait été décidée.
Les pouvoirs de l’administrateur judiciaire cessent de plein droit
à l’expiration du délai de trois ans, ils ne peuvent étre renouvelés
qu’après que ledit administrateur a foumi au curateur les états de
situation prescrits par la présente loi.
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NOUVELLE LOI SUR LE RÉGIME DBS AUÉNÉS
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Art. 42.
Tous actes faits par l’aliéné, mème non interdit, dès le preroler
jour de son admission et pendant la durée de son internement, nonob-
stant toute sortie provisoire, sont, comme ceux fait par l’interdit,
soumis aux règles des articles 502 et 1125 du Code civU.
L’action en nullité est soumise aux règles de l’article 1304 du Code
eivil. Toutefois, les dix ans ne courent à l’égard de l’aliéné, après sa
sortie défénitive, qu’à dater de la signification qui lui a été faite des
actes souscrits par lui ou de la connaissance qu’il en a eue, et, à l’égard
de ses héritiers, qu’à dater de la signification qui leur en a été faite
ou de la connaissance qu’ils en ont eue après sa mort.
Lorsque les dix ans ont commencé à courir contre l’aliéné, ils con-
tinuent de courir contre les héritiers.
L’internement dans un asUe d’aliénés, maintenu par décision de
i’autorité judiciaire, a le mème effet qu’une demande en interdiction
au point de vue de l’application de l’article 504 du Code civil.
Art. 43.
Les causes concernant les personnes, mème non interdites, qui
sont placées dant un établissement pubUc ou privé d’aUénés ou dans
une colonie famiUale, sont communiquées au ministère public.
Toutes les décisions judiciaires prévues par la présente loi à l’excep-
Uon de ceUes rendues en vertu des articles 33, 38, 39, 40, sont sus-
ceptibles d’appel à la requéte de tout intéressé et du procureur de la
RépubUque, quand U est partie principale.
L’appel doit ètre relevé dans les cinq jours, à partir de celui où la
décision aura été rendue; U sera fait par simple déclaration au greffe
et porté, par les soins du parquet, à la connaissance des intéressés.
La Cour devra statuer dans la quinzaine à compter de la date de
i’appd, en chambre du conseii, les intéressés prévenus par les soins
du procureur général; l’arrèt pourra ètre rendu sans le ministère
d’avoué; U sera exécutoire sur minute.
Art. 44.
Sont conduits dans l’établissement départemental les aliénés dont
ie placement a été ordonné par le préfet, à moins que la faraUle en
demande leur admission dans un autre établissement spécial et ne
tubvienne aux frais de leur entretien. ■
Les aUénés placés volontairement ou sur la demande des parti-
eoliers y sont également admis dans les conditions réglées, sur la
propoeition du préfet, par le ConseU général.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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TITRE IV
Dépenses des aliénés.
Art. 45.
La dépense du transport des personnes dirigées par radministra-
tion sur les établissements d’aliénés est arrétée par le préfet, sur le
mémoire des agents préposés à ce transport.
En l’absence de traités réglant la dépense de l’entretien, du séjour
et du traitement des aliénés placés dans les établissements publics,
cette dépense est réglée d’après un prix de journée arrèté par le Mi-
nistre de l’Intérieur pour les asiles de l’Etat, par les Conseils généraux
pour les asiles départementaux, par les commissions administratives
pour les quartiers d’hospice et par les commissions de surveillance
pour les asiles qui jouissent de la personnalité civile.
Pour les asiles privés faisant íonction d’asiles publics, ia dépense
ci-dessus est fixée par les traités passés avec le département, confor-
mément à l’article 4.
Dans aucun cas, les conseils généraux ne peuvent disposer des
réserv r es ou des excédents de recettes des asiles pour les appliquer à
un autre service qu’à celui des établissements qui les auront réalisés.
Les recettes et les dépenses des quartiers d’hospice affectés aux
aliénés sont l’objet d’une section distincte dans le budget de l’éta-
blissement hospitalier dont ils font partie, et le produit de leurs
recettes doit leur ètre intégralement réservé.
Art. 46.
Les dépenses énoncées en l’article 45 sont à la charge des personnes
placées; à leur défaut, à la charge de ceux auxquels il peut ètre
demandé des aliments, aux termes des articles 205 et suivants du
Code civil.
S’il y a contestation sur l’obligation de fournir les aliments ou sur
leur quotité, il est statué par le tribunal compétent, à la diligence
de l’administrateur des biens.
Le recouvrement des sommes dues est poursuivi et opóró par Ie
comptable du département, comme en matière de contributions
directes.
Les dettes contractées pour frais d’entretien de l’aliéné sontsou-
mises à la prescription trentenaire.
Art. 47.
A défaut ou en cas d’insuffisance des ressources énoncées en rartide
précédent, il est pourvu à la dépense par le département, sans préjudice
du concours de la commune du domicile de secours de I’aliéné, tel
qu’il résulte de la loi du 15 juillet 1893, d’après un tarif aiTèté par le
Conseil général, sur les propositions du préfet.
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NOUVfeLLE LOI SUR LE RÉGIME DES ALIÉNÉS
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Les hospices sont tenus à une indemnité proportionnée au nombre
des aliénés dont le traitement ou l’entretien était à leur charge et qui
seraient placés dans un établissement spécial d’aliénés.
En cas de contestation, il sera statué par le conseil de préfecture.
Art. 48.
Sont payés par l’Etat :
Lesdépenses de transfert et d’entretien des aliénés indigents n’ayant
pas de domicile de secours dans un département.
Sont obligatoires pour les départements :
1° Les traitements des médecins-directeurs, directeurs adminis-
tratifs, médecins traitants des asiles départementaux;
2° Les traitements des médecins en chef préposés responsables
des quartiers d’hospice;
3° Les traitements des médecins des asiles privés faisant fonction
d’asiles publics et situés dans les départements.
Les traitements prévus aux deux paragraphes précédents sont
remboursés aux départements par les établissements intéressés.
Les médecins-directeurs, les directeurs administratifs, les módecins
Iraitants des asiles publics, les médecins des quartiers d’hospice, leS
médecins des asiles privés faisant fonction d’asiles publics, sont
associés aux charges et bénéfices de la caisse des retraites du dépar-
tementoù est situé l’asile. En casde changement d’un de ces fonction-
naires d’un département dans un autre, les retenues versées par lui
dans la caisse des retraites du département qu’il quitte sont reversées
dans la caisse du département où il se rend. Les droits àpension
seront calculés d’après le temps de service passé dans les différents
départements.
Un règlement d’administration publique déterminera pour tous les
départements le régime desdites caisses de retraites. Le régime des
retraites des médecins d’asiles d’aliénés du département de la Seine
re^te fixé conformément aux dispositions actuellement en vigueur.
Si Tun des fonctionnaires énumérés aux paragraphes précédentfl
est ou a été appelé à un emploi rétribué par l’Etat, les sommes verséei
par lui à la caisse des retraites du département qu’il quitteou a quitté
sont reversées au Trésor public, au compte du fonds des pensions
civiles.
Art. 49.
Les honoraires de l’administrateur provisoire concernant les aliénés
indigents sont mandatés par le préfet sur taxe du tribunal et visa de
la commission de surveillance de l’asile et prélevés sur les biens des
aliénés, d’après un tarif arrété par un règlement d’administration
pnblique.
Art. 50.
La dépense d’entretien des personnes traitées en exécution des
articles 21, 22, 23, 25, dans les asiles spéciaux construits par l’Etat,
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REVUE DE PSYCHIATRIE
est supportée par les départements auxquels ces personnes appartlen-
nent, jusqu’à concurrence du prix de journée payé par chacun de ces
départements pour ces aliénés ordinaires.
Le surplus de la dépense d’entretien, s’il y en a, et les dépenses du
transfèrement sont à la charge de l’Etat.
Les dépenses d’entretien et de transfert des condamnés visés par
les articles ci-dessus énumérés restent entièrement à la charge de
l’administration pénitentiaire.
II en est de mème de la dépense des personnes piacées pour une
expertise médico-légale dans un établissement d’aliénés ou dans un
quartier local d’observation ou dépòt, jusqu’à ce qu’il ait été statué
sur la poursuite dont elles sont l’objet.
TITRE V
Pènalités.
Art. 51.
Les chefs responsables des établissements publics ou privés d’aliénés
ne peuvent, sous les peines portées à l’article 120 du Code pénal,
retenir une personne placée dans un établissement, dès que sa sortie
a été ordonnée par le préfet ou par le tribunal, conformément aux
prescriptions de la présente loi, ni lorsque cette personne se trouve
dans les cas énoncés à l’article 14 de la présente loi.
Art. 52.
Le8 contraventions aux dispositions des articles 2, 7, 8, 10, 12, 13,
14, 15, 16 et 20 de la présente loi, qui sont commises par les chefs
responsables des établissements publics ou privés d’aliénés, et par les
médecins employés par ces établissements, sont punies d’un empri-
sonnement de cinq jours à un an, et d’une amende de 50 francs à
3.000 francs, ou de l’une de ces deux peines seulement.
Art. 53.
Toute personne employée dans un établissement public ou privé
d’aliénés qui, volontairement, s’est rendue coupable de sévices ou
voies de faits sur la personne d’un malade est punie d’un emprison-
nement de cinq jours à trois mois et d’une amende de 16 francs à
200 francs, ou de l’une de ces deux peines seulement.
Toute personne préposée à la garde, à la surveillance et aux soins
des aliénés qui, par négligence ou inobservation des règlements, a
compromis la santé d’un malade à elle confié, est punie d’une amende
de 16 francs à 100 francs.
Le tout sans préjudice de l’application, s’il y a lieu, des peines
èdictées dans les articles 309, 311, 319 et 320 du Code pénal.
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NOUVELLB LOI SUR LE RÉGIME DBS ALIÉNÉS
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Art. 54.
Dans les établissements publics ou privés visés à la présente loi,
tout attentat & la pudeur consommé ou tenté sans violence sur la
personne d’un aliéné, idiot, crétin, épileptique, ou hystéro-épilep-
tique, de l’un ou de l’autre sexe, et avec connaissance de l’état de
cette personne, est puni de la réclusion.
Art. 55.
Dans les cas prévus aux articles 51,52,53 et 54 ci-dessus, il peut ètre
fait application de l’article 463 du Code pénal.
TITRE VI
Art. 56.
La présente loi est applicable à l’Algérie et aux colonies dans les
conditions à déterminer par un règlement d’administration publique.
Art. 57.
La loi du 30 juin 1838 est abrogée.
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NOUVELLES
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Inspection psychiatrique des prisons. — Lettre de M. lo
Ministre de la justice, à M. Strauss, Sénateur. — A l’occasion de
la réforme de laloi du 30 juin 1838 sur les aliénés, dont le texte voté
par la Ghambre des Députés sera prochainement soumis aux délibé-
rations du Sénat, vous voulez bien appeler mon attention sur les
avantages que pourrait présenter la création d’un service permanent
d’inspection médicale dans les prisons, service confié à des spécialistes
éprouvés des maladies mentales et ayant pour but de révéler la pré-
sence d’aliénés parmi les détenus, soit en prévention, soit en cours
d’exécution de peine.
La question que vous voulez bien me soumettre est digne du plus
sérieux intérèt, et j’en ai recommandé Tétude, tant à radministration
pénitentiaire qu’aux services de ma chancellerie.
Mais si j’envisage avec faveur l’utilité d’une pareille organisation en
ce qui concerne les condamnés, sauf examen des moyens destinés à la
réaliser pratiquement, j’estime qu’il convient de faire dès à présent
de plus expresses réserves sur la possibilité d’étendre ce mode d’in-
vestigations aux détenus en état de prévention.
Ces demiers font en effet l’objet d’une information judiciaire et il
importe de ne pas perdre de vue que le magistrat instructeur a seul
qualité pour les soumettre à un examen mental, à la suite duquel il
sera appelé à apprécier leur degré de responsabilité.
Les juges d’instruction, partout assistés de médecins légistes,
apportent actuellement et en général le plus grand scrupule dans
Faccomplissement de cette partie de leur táche. 11 pourrait y avoir
inconvénient à exagérer ces précautions, soit que la création d’une
autorité médicale fonctionnant en dehors de l’instruction, donne
naissance à des conflits regrettables, soit qu’elle favorise de la part
des prévenus des tentatives déjà trop nombreuses de simulation.
Au surplus, le décret du 13 février 1908, sur le recrutement et
l’avancement des magistrats, n’a prévu aucun avantage spécial en
faveur des candidats à la magistrature, pourvus d’un certificat
attestant leurs connaissances particulières en matière de psychiatríe,
mais il est loisible au jury d’examen d’en tenir compte, ainsi qu’il est
lègitime, dans son appréciation des titres et des méritesdescandidats.
A. Briand.
La psychiatrie et M. Raymond Poincaré. — Dans le numéro du
Voltaire du 15 novembre 1884, à la rubrique des tribunaux, nous
trouvons la description d’un cas de folie simulée qui mérite d’étre
rappelée aujourd’hui non pas tant parce qu’elle témoigne chez son
auteur la présence d’un esprit heureusement critique, mais parce
qu’elle est due à la plume de M. Raymond Poincaré qui, sous le
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NOUVBLLBS
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pseudonyme de M e Aubertin, était alors le rédacteur judiciaire du
Votiaire.
• — Vous étes prévenu d’avoir volé un porte-monnaie à une dame
peadant la messe, dit le président à un homme dontl’attitude étrange
etles allures bizarres excitent dans le prétoire la curiosité du pubiic.
— Le soleil est grand, répond l’inculpé, mais il est moins grand
que mes domaines.
— Vous dites? interroge le magistrat, passablement interloqué.
— Tous ces braves gens, riposte notre homme en montrant du geste
lt$ assistants, sont mes domestiques et mes esclaves.
— Voyons, prévenu, je vous prie de me répondre sérieusement :
n’ètes-vous pas allé un dimanche à Saint-Sulpice et... ?
— Plus vite cocher, répond l’inculpé.
— Que signiíie tout ceci... ? demande le président, et il regarde ses
assesseurs d’un air stupéfait.
Le substitut se lève :
— Messieurs, dit-il, le prévenu continue une comédie qu’il a déjà
essayé de jouer à l’instruction. 11 a simulé la mégalomanie, la folie
des grandeursw Mais une expertise médicale a fait justice de cette
naameuvre...
— Jean, apportez-moi mes pantoufles, interrompt le prévenu ;
Jieques* donnez-moi mes chaussettes; Baptiste, mon pantalon;
Yincent, mon gilet; Nicolas, ma redingote.
Yaine parade ; gràce aux renseignements du substitut et au rapport
du médecin, le tribunal n’est pas dupe de cette íarce grossière. Le
voleur en est pour ses frais d’imagination.
C’est, paralt-il, une chose très difficile, presque au-dessus des forces
humaines, d’imiter la folie. Les explications foumies hier par lesubs-
titut à cet endroit et les conclusions de l'expertise étaientfortcurieuses*
Je me suis, du reste, souvent entretenu de cette question avec des
médecins légistes. Tous déclarent, sans hésitation, avoir un critérium
infaillible pour discerner la vraie folie de la fausse, le bon grainde
l’ivraie.
n y a, disent-Os, dans toutes les affections mentales, un proeessus...
Passez-moi processus, c'est le mot des médecins et des philosophes, Ie
mi méme de Bellac dans lc Monde où Von s'ennuie. 11 y a donc un pro-
cessus certain, naturel, logique, fatal, et l’on peut tenir pour menson-
gères les manifestations qui s’en écartent.
Vous rappelez-vous l’exemple de Derozier? Je le rctrouvais hier
cité dans le Manuel pratique de médecine mentale, que vient de publier
le docteur Régis. Dans un des chapitres que l’auteur de cet intéres-
sant ouvrage consacre à la pratique médico-légale, est rapporté ce
castypique: le docteur Morel deraandaitàDeroziersonáge.«245fr. 35»,
répond l’imposteur. Le docteurinsiste.«5mètres76»,répliqueDerozier.
9 Avez-vous des enfants? — J’en ai fourni beaucoup de coupons. —
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Fait-il jour? — II fait nuit. — Votre profession? — Je suis roi de
Beauvais.»
En un mot, il y avait dans toutes ses réponses l’intention évidente
et calculée de tromper l’interrogateur. — II chargeait, il grimacait
& faux, dit pittoresquement M. Régis, sous le masque dont il s'était
couvert.
Quand Derozier fut enfin publiquement convaincu de mensonge,
il avoua qu’il avait beaucoup souffert et qu’à force de jouer le fou, il
avait craint de le devenir. « J’avais plus peur de cela, disait-il, que
d’aller au bagne.»
Ces comédies et ces déguisements ne sont pas rares. Mais ils sont Ia
plupart du temps très maladroits. Le docteur Régis proteste avec raison,
comme déjà Tardieu, contre tous les moyens de rigueur et de répres-
sion souvent employés pour démasquer les individus suspectés : le
chloroforme, l’éther, les vésicatoires, les moxas, les ventouses scari-
fiées, les cautérisations au fer rouge, les douches violentes.
Tout au plus, est-il convenable de rècourir à des procédés inoffensifs,
comme le séjour de l’inculpé dans un quartier d’aliénés agités qui
l’impatientent et l’effrayent ; ou comme l’emploi d’une prétendue
médication composée d’une substance nauséabonde. Presque toujours
une surveillance assidue, intelligente, et des interrogatires habile-
ment conduits, suffiront.
II en a été ainsi pour le voleur d’hier. Les médecins et les magistrats
n’ont pas eu besoin de lui donner mème un vomitif. Sur la menace
d’une peine double, s’il continuait sa bouffonnerie, il a jeté son faux
nez de mégalomane et avoué d’un air penaud le vol du porle-monnaie.
II a été condamné à deux mois de prison. — M® Aubertin. »
Concoura do l’adjuvat. — Questions posées. — Anatomie et
physiologie : Lobe occipilol ; dans l’urne : Voies motrices cortico-
médullaires; couche optique.
Administration : Curateur donné à la personne de Valiéné ; dans
l’urne : commission de surveillance ; pécule.
Pathologie : Complications du diabite à l'exclusion des complica-
lions nerveuses; dans l’urne: Gangrène pulmonaire; signeset diagnostic
de l’appendicite.
Notes obtenues : éprbuves cliniques
Admissibilité Pathologie Orale * ~ lcritt
Genil-Perrin . 43 16 1/2 11 15 1/2
Terrien. 34 1/2 17 16 17
Fassou. 47 8 11 14
Desruelles. 31 12 17 20
M lle Lévèque. 42 1/4 111/2 13 13
Adam. 38 1 /2 8 16 16
MM. Genil-Perrin, Terrien, Fassou, Desruelles, M lle Lévèque
et M. Adam ont été, à la suite de ce concours, nommés au grade de
médecin-adjoint des asiles.
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REVUE DES SOCIÉTÉS
SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MÉDECINE MENTALE
Séance du 17 mars 1913.
Lm moyens de défense employés par les persócutés. —
MH. Dupain et Pruvost présentent une malade persécutée avec hal-
lncinations multiples, surtout auditives et sexuelles. Pour se protéger
eontre les entreprises de ses persécuteurs, qu’elle croit étre les ámes
de personnes connues, la malade emploie des njoyens variés. Elle porte
«es vètements de dessous soigneusement fermés et s’enveloppe de
linges; elle dispose en outre en différentes parties du corps des cartes
à jouer. Ces cartes ont un effet magique et la préservent au moins un
certain temps, principalement Ies rois et les reines, et mettent obstacle
aux tracasseries, aux sévices, aux entreprises des dmes débauchées qu
la tourmentent d’une fagon incessante.
Conscìence du délìre chez un persécuté. Imagination. Eroto-
manie. Episode amnésique. — M. db Clérambault présente un
homme de 42 ans, dégénéré, ayant subi dans l’enfance deux trau-
matisraes craniens graves et présentant depuis quatre ans desidées de
persécution. Les points intéressants de l’observation sont la conscience
de la maladie, l’absence du caractère paranolaque classique, le début
par de l’optimisme et de l’érotomanie, enfin la limitation des persécu-
lions à des démonstrations symboliques.
Obseasions diverses. Scrupules. Délit intentionnel. — M. de
Clérambault analyse le cas d’un malade de 30 ans, dégénéré, curieux
par la riche série de syndromes dont il a été ou est affecté. C’est un
compendium des syndromes décrits autrefois par Magnan. C’est un
obsédé de la question (questions doctrinales et déontologiques), un
serupuleux, un tiqueur ; il a la phobie des contacts. A eu des impul-
sions verbales, de l’éreuthophobie, de l’impuissance psychique. Plu-
àeurs fugues systématiques. Nombreuses hantises, nombreuses déci-
àons impulsives et dangereuses. Fausse humilité. Tendances mysti-
ques, dogmatisme sociologique. Tentative de suicide: désertion suivie
de réforme. A commis un délit (inscription séditieuse) et s’est immé-
diatement dénoncé pour expier par la prison une culpabilité ancienne
et d’ailleure imaginaire (avoir souri devant des religieuses).
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Un couple morbide. Amoralité et revendication. — M. de
Clérambàult présente un alcoolique chronique, amoral, avec curri-
culum vitae bizarre, amené à Tlnfirmerie spéciale pour une ivresse
pathologique de forrae, fantasmagorique. Association, collaboration
et antagonismes bizarres avec une femme semi-délirante et un prètre.
Actes médico-légaux. Tableaux de moeurs invraisemblables. La femme
a été présentée déjà par M. Briand.
Sypbilis conjugale, mari paralytique général et iemrne
tabétique. — M. Legrain présente une malade ayant contracté la
syphilis à 25 ans. Elle s’est soignée scrupuleusement pendant dix
années. Au bout de ce temps, avec l’autorisation très légitime de son
médecin (absence d’accidents depuis de longues années), elle contracte
mariage. C’est vers le mème temps qu’apparaissent les premiers
signes d’un tabes qui désormais évoluera avec une grande lenteur et
qui en est aujourd’hui à ce point (malade ágée de 45 ans) : douleurs
fulgurantes, anesthésies, analgésies, signes oculo-pupillaires : pupilles
punctiformes : affaiblissement profond de l’acuité visuelle à gauche.
Signe d’Argyll. Réaction de Wassermann positive (sérum et Iiquide
céphalo-rachidien). Début très net d’affaiblissement intellectuel.
M. Marie (de Villejuif) montre le malade, mari de la tabétique spé-
cifique présentée par M. Legrain, atteint de paralysie générale type.
Le malade nie la syphilis, mais la réaction de Wassermann est nette-
raent positive par le sérum et leliquide rachidien. II présente en outre
des Ilots d’alopécie en voie de réparation dans la barbe et les cheveux.
Le traitement spécifique semble avoir produit une demi-rémission
chez ce sujet.
Un cas d’amnésie traumatique. — MM. Vìgouroux et Hérisson-
Laparre montrent un malade ágé de 30 ans, dégénéré héréditaire et
alcoolique, qui, à la suite d’un traumatisme cranien (hémorragie
méningée, rupture du tympan, écoulement purulent de l’oreille) a
présenté une période de coníusion mentale et une amnésie particu-
lière. L’amnésie, un mois après le traumatisme, accompagnée de
troubles de l’expression, portait exclusivement sur les noms propres.
Elle a disparu presque complètement depuis.
Confusion mentale et psychose discordante. — MM. Mignard
et Provost présentent trois malades du D r Toulouse, une confuse
mélancolique post-puerpérale, une hébéphrénique et une autre
ayant des symptómes intermédiaires entre ceux de ces deux affec-
tions. Ces recherches paraissent confirmer aux auteurs les deux
conclusions suivantes : 1° La psychose hébéphréno-catatonique,
comme la confusion mentale, est moins près de l’imbécillité qu’elle ne
paratt, c’est-à-dire que l’apparent déficit de l’ìntelligence est en réalité
un trouble de l’attention; 2° La psychose hébéphréno-catatonique
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présente toutefois cette différence avec la confusion mentale que
certains troubles y prédominent et qui peuvent ètre caractérisés par
rincohérence et la discordance des sentiments, des tendances, des
émotions ou par la suspension apparente de raffectivité. Cela explique
à la fois la gravité du pronostic, la possibilité des guérisons.
Diabète, hèmiplégìe et hémian opsie droites; dómence orga-
niqoe avec accès confusiozmels. — M. Beaussart montre un gra-
phique où sont relatés les résultats fournis par l’analyse des urines
d’on diabétique atteint d’hémiplégie et d’hémianopsie droites ; au
cours de la démence organique surviennent des poussées confusion-
ndles courtes qui, cliniquement, relèvent du diabète, mais à l’examen
des urines on s’apergoit qu’eiles ne colncident pas avec les poussées
glycosuriques, mais avec des poussées d’hypoazoturie.
Cysticercoae céréhrale et paralyaie générale. — MM. Vigou-
roux et Hérisson-Laparre apportent les pièces et les préparations
d’un malade de 54 ans ayant présentó le syndrorae paralytique
général et de l’attaque épileptique très fréquente, et chez lequel les
auteurs ont trouvé à l’autopsie des cysticerques dans tous les organes,
mai8 plus spécialement dans ie cerveau. Ceux-ci, placés sous la pie-
mère et en plein tissu cérébral, ont provoqué une intcnse réaction
lymphocitaire autour d’eux. La méningo-encéphalite est diffuse efc
généralisée à tout le cerveau. Cette observation soulève une difficile
question pathogénique. La méningo-encéphalite est-elle due aux
cysticerques, à leur présence et à leurs toxines ou s’agit-ii d’une
simple colncidence?
Elections. — Sont éius à i’unanimité :
Mbmbrbs corkespondants : M. le professeur Abadie, de Bordeaux j
M. le professeur Mally, de Clermont-Ferrand ; M. le D r Perrens,
médecin-adjoint de l’asile de La Rocheile; M. le D r Tobolowska,
de Paris.
Membrb associé étranger : M. le D r Brutsaert, médecin cn
chef de l’asile d’aliénés d’Ypres, Belgique.
J. C.
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REVUE DES PÉRIODIQUES
FRANCE
fíevue de Midecine (32* année, n° 10, octobre 1912).
Mtoingite tubercolense guérie. — M Ue E. Cottin (de Genève)
rappelle que les observations de méningites tuberculeuses guéries
sont rares; le travail de Barbier et Gougelet en 1911 en signalait seule-
ment 24 observations publiées; chez son malade, le diagnostic a été
eonfirmé par la ponction lombaire et l’inoculation au cobaye du
liquide céphalo-rachidien.
Au moment où l’observation est publiée, le malade va bien après
huit mois. P. Juquelibr.
Bulleiin et mémoire de la Sociéli midicale des hópilaux de Parit.
(24 octobre 1912).
Paralysie gtoérale infantile. — M. Milian rapporte l’observa-
tion d’un enfant de 13 ans et demi qui présente l’ensemble des signes
de la paralysie générale. Affaiblissement intellectuel et irritabilité vers
12 an8 etdemi, troubles considérables de la parole, lymphocytose, réac-
tion de Wassermann positive, syphilis chez le père et chez la mère.
Bien que l’auteur n’attire pas l’attention sur ce point, on note à
la lecture de son observation, l’existence des troubles moteurs très
accusés (embarras considérable de la parole, déraarche maladroite
avec réflexes tendineux très exaltés), qui caractérisent les formes
juvéniles et infantiles de la paralysie générale.
D’autre part, il s’est agi jusqu’ici, d’une forme démentielle sans
délire, ce qui est également fréquent chez les jeunes sujets.
P. JUQUBLIBR.
Journal de midecine et de chirurgie praiiquea, novembre 1912.
L’état mantal actuel des rescapés de Courrières, par MM. Zan-
gbr et Stbrlin. — Ces auteurs ont recherché quel était le sort actuel
des rescapés. La plupart, disent-ils, semblerd avoir gardi dans leur
esprit une marque indilibile. Ce sont d’autres hommes. Ils se sentent
maintenant encore, alors que tout le monde a depuis longtemps oublié
Courrières, les héros du jour. II manque à ces gens simples le bon sens
régulateur qui oriente sur eux-mèmes les gens cultivés. Les suites
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corporelles de la catastrophe sont pour eux plus funestes encore. EUes
consistent dans un affaiblissement de la constitution entière, dont les
plus ágés surtout ne se sont pas rétablis, et sur la base duquel se
développa chez trois une névrose traumatique. Mais les plus jeunes
aussi, bien que plus forts, comme par exemple Couplet, révèlent, bien
des mois encore après la catastrophe, des troubles somatiques et nerveux
profonds : céphalalgie, faligabilité, sueurs faciles, diarrhée, etc. Couplet,
on jeune homme intelligent, d’une santé auparavant parfaite, dut,
pour cette cause, étre libéré du service militaire. Sur les trois cas de
névrose traumatique, deux appartiennent surtout au type hystérique.
Chez ceux-ci, la question de rente a pris la forme d’idée fixe bien
marquée. Le troisième cas est plutOt un type neurasthénique. II
s’agit d’un mineur de quarante-six ans, très déprimé et qui paratt
plus vieux de dix ans.
Parmi les autres rescapés de Courriires, nous trouvons qualre névroses
traumatiques nettes, présentant surtout des symptòmes hystériques.
Revue de midecine ligále, décembre 1912.
Enman d’nn alièné régicide, par M. Piétri. — Cet auteur a eu
à examiner un nommé V..., inculpé d’une double tentative de meurtre,
sur la personne du chancelier du consulat de Belgique à Nice et sur
eeDe de son employé.
L’inculpé, qui avait déjà été interné à cinq reprises différentes dans
divers asiles, trois fois en Belgique et deux fois en France, présentait
de très nombreux stigmates physiques de dégénérescence de la face
et du cràne. C’était un sujet atteint de délire raisonnant, sa conver-
sation paraissait logique, d’un enchainement presque irréprochable
d'abord, et il se défendait avec énergie d’ètre, soit un malade, soit un
irresponsable. II avait échafaudé un système qu’il croyait personnel et
qui ne se composait que d’idées anarchiques absolument banales; il
se disait la victime des personnes chargées de rendre la justice en divers
pays, et autant pour attirer l’attention sur lui que pour se venger, il
s’était résolu à tuer un important personnage; son choix s’était arrèté
surle roi des Belges; mème, il était déjà venu une première foisà Nice,
quelques mois auparavant, mais le courage lui avait fait défaut.
Quand il revint à Nice pour la seconde fois, plus décidé à agir, il arriva
prtcisément le lendemain du départ du roi des Belges; il mit quand
mtme son projet à exécution, se rabattant, à défaut du roi des Belges,
sur ie chancelier du consulat de Belgique et tira sur lui, ainsi que sur
son employé, plusieurs coups de revolver, d’ailleurs sans les atteindre.
M. le D* Piétri a conclu que V... rentrait dans le groupe bien connu
des aliénés régicides, pour lesquels le chátiment est inutile et aussi
inefficace sur les sujets eux-mèmes que peu profitable comme exemple
pour décourager leurs imitateurs; il a conclu à l’internement de V...,
alitaé dangereux
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L'ObtMrique, juillet 1911.
A propos des psychoses puerpérales, par L. Picqué. —
L’auteur, qui observe un grand nombre de psychoses puerpérales
dans son service de SaiDte-Anne, rappelle qu’il a déjà étudié ce sujet
en 1905, mais il juge à propos d’y revenir pour discuter certains points
sur lesquels il est en désaccord avec des travaux récents.
II sépare d’abord les psychoses puerpérales des psychoses de la
grossesse si différentes cliniquement et par les formes mèmes du délire.
De plus, dans les psychoses puerpérales, il envisage deux variétés,
suivant qu’elles sont apyrétiques ou fébriles, et il n’étudie que les
formes pyrétiques, au sujet desquelles il fait ressortir le rflle prédo-
minant de l’infection dans la pathogénie de l’affection.
En effet, si certains ont incriminé le«choc traumatique >, si d’autres
mettent surtout en relief l’influence du terrain, il ressort de Fexamen
des faits que le plus souvent on relève l’association du délire et de
l’infection, infection à point de départ utérin, soit localisée, soit
généralisée. II faut faire aussi une place à part à la septicémie lym-
phatique à siège mammaire.
Bulletin de thirapeulique, juin 1912.
L’habltatlon de l’alléné, par M. Viollet. — Pour les mélanco-
liques comme pour les persécutés, les cabinets d’aisances sont un lieu
qui constitue un gros danger; pour les mélancoliques, parce que c’est
un lieu discret où l’on va seul, et où l’on peut se suicider sans crainte
d’ètre interrompu; pour les persécutés, parce qu’ils en font souvent une
réserve d’armes, surtout s’il s’agit de ces cabinets anciens dont la
chasse d’eau est remplie à bras, — et par conséquent souvent vide.
Dans cette chasse d’eau, on a fréquemment trouvé des armes.
II faut se méfier aussi des chatnes de tirage pour la chasse d’eau, qui
constituent un remarquable engin de pendaison, et de tous les clous
qui peuvent ètre placés sur les murs de ce local. Bref, surveiller les
cabinets d’aisances en cas d’installation dangereuse, empècher le
mélancolique de s’y rendre, et, pour le persécuté, vérifier soigneuse-
ment tous les coins où des armes auraient pu étre cachées.
Presse médicále, 7 septembre 1912.
Psychosea au cours de la rougeole et d’auginea aimples.
Gontribution & l’étude des psychoses infectieuses, par Lagane.
— Les psychoses sont très rares au cours de Ia rougeole et des anginea
simples. Cependant en un court espace de temps, 5 observations de
psychoses au cours de Ia rougeole ont pu ètre relevées à l’hòpital
Pasteur. La ponction lombaire faite dans deux cas a montré l’intégrité
du liquide céphalo-rachidien.
(Voir la suile après le bulletin bibliographiqu* meruuel .)
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Presse médicale, 11 septembre 1912.
Qnelqnes étiologies traomatlques imaginalres, par Broca. —
On s’est efforcé depuis la loi des accidents du travail de préciser davan-
tage l’intervention du traumatisme dans la genèse et l’évolution des
maladies. II existe des erreurs commises de bonne foi et il faut se
mettre en garde contre le rtìle attribué souvent à un mouvement
brusque ou à un de ces heurts quotidiens qui surviennent mème dans
les professions libérales. Ou bien, par un effort de mémoire, on retrouve
dans le passé un accident oublié, ou bien ce heurt quotidien et banal
sur une région préalablement enflammée acquiert une individualité
immédiate.
Bulleiin médieal, 7 septembre 1912.
Gonfusion mentale et snggestione accidentelles, par Paris. —
Les tentatives de suicide volontaires ou les réacUonS d’idées déli-
rantes ou d’hallucinaUons ne sont pas aussi fréquentes, chez les confus,
qu’on pourrait le croire, en consultant les certificats médicaux ou les
nnseignements des services d’aliénés. Ce sont certains actes que l’on
prend pour des tentaUves de suicide et ces actes sont des réacUons
automaUques de suggesUons occasionnées, soit par un rève, soit par
l'entourage, soit par la vue d’armes, de cordes, de médicaments, etc.
Paris médical, 19 octobre 1912.
L'àtiologle de la paralyeie générale, par W. F. Robbrtson
(d’après Lancet). — Dix ans de recherches cliniques et expérimentales
ont convaincu W. F. Robertson que le treponema pallidum n’est pas
t’unique agent causal de la paralysie générale et mème du tabes.
La P. G. P. serait due à une infecUon chronique par un microorga-
nisme analogue au bacille de Klebs-Lceffler et dénommé baciilua
paralgticans, appartenant d’aiUeurs au groupe diphtérolde.
Ce groupe mériterait d’étre mieux connu; il comprendrait des
espèces microbiennes qui ne poussent pas sur le milieu sérum et ne se
eulUvent que sur le sang gélosé. Ce milieu a permis de retrouver le
baeillus paralyticans dans l’appareil génito-urinaire et le mucus nasal
des P. G. P. L’infection nasale peut ètre suivie le long des lympha-
Uques jusqu’au système lymphatique intracranien.
L’injection intrarachidienne de la culture de ce bacille chez le
iapin produisait des lésions spinales identiques à celles de la P. G.
Un sérum a pu étre obtenu avec ce bacille; injecté par la voie sous-
cutanée et intra-rachidienne, il aurait produit des améliorations
remarquables J. Crinon.
ETATS-UNIS
American Journal of Paychogy (XXII, 4,1911).
La paychiatrie degré de la vie peychidienne, par E. Jones. —
L’auteur analyse par la méthode de Frend tous Ies petits accrocs qui
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peuvent survenir au cours de la vie normale, lapsus lingua, lapsus
calami, fausses reconnaissances, méprises, absences, erreurs, etc., et
il prétend en donner le déterminisme. II y aurait toujours, à la base
de ces accrocs, une tendance subconsciente ou inconsciente, réprimée,
instituée par le sujet, et qui se vengerait en quelque sorte, dès que ce
contróle serait suspendu un moment, en lui faisant faire un faux pas.
Les erreurs et fautes commises correspondraient ainsi à un véritable
symptòme de psychonévrose, par la similitude de mécanisme. En outre
cette analyse serait importante en montrant le rfile des facteurs incons-
cients du déterminisme psychique et au point de vue social, en expli-
quant bien les malentendus d’origine affective.
Rassegna di Studi Psichialriel, 1911.
Contribution clinique à l’étude de l’amentia et dea étata
voiains, par A. Ziveri. — II s’agit de ì'amentia au sens de la VII*
édition de Kraepelin. L’auteur décrit un cas de ce groupe où les troubles
mentaux sont survenus à la suite d’une grippe prolongée. II s’agit
d’une religieuse de 32 ans, sans tare héréditaire. Les troubles mentaux
durèrent cinq mois et guérirent complètement; du moins la guérison
durait-elle encore huit mois après la sortie de 1’asOe. Dans une pre-
mière période, on observa surtout de l’excitation psycho-motrice, de
la désorientation et de nombreuses hallucinations; plus tard, à ce
tableau de confusion mentale se substitua un état de dépression avec
angoisse et irritabilité exagérée.
D’après l’auteur, ce cas montre la difficulté pratique d’isoler, au
point de vue clinique, l’amentia des états d’affaiblissement liés aux
infections. II n'adopte pas la conception unitaire de Tanzi qui réunit
en une seule les quatre formes de Kraepelin (délire fébrile, délire
infectieux, amentia et affaiblissement psychique); mais il propose de les
réunir deux à deux, car, au lit du malade, les symptdmes propres à
chaque forme empiétent parfois sur ceux de la forme suivante.
Ce travaU a le grand mérite d’inspirer la crainte de l’absolu en
matière de nosologie psychiatrique.
Nouvelles recherches itaHexmes sur les rapports de parenté
qui unissent les psychoses fonctiozmelles, par A. Mochi. —
Nous ne ferons pas le compte rendu d’un compte rendu. Signalons
simplement l’intérèt de cette revue générale, qui expose en langue
allemande d’importants travaux italiens dont nous trouvons dansle
méme numéro du journal l’analyse en frangais. Ce travail démontre
parfaitement l’utilité et la commodité du nouveau périodique italien
pour les travailleurs de tous les pays. La Raasegna di studi psichia-
trici s’affirme comme excellent agent d’internationalisation de
la psychiatrie.
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Gompta randu alatìitkpw «t olialquo du manicome de Sìenne
de 1908 & 1910, par V. Grassi. — Cette’ statistique, comparée aux
précédentes, raontre que, pour les deux provinces de Sienne et de
Grosseto, le nombre des entrées à l’asile a triplé depuis quarante ans.
Fautril en conclure que l’aliénation mentale est plus fréquente ou
únplement que l’hospitalisation des aliénés s’estdéveloppée?Lesdeux
eonclusions sont justes, dit l’auteur: la folie a certainement augmenté
de fréquence, raais il y a dans les manicOmes un grand nombre de
psychopathes qui relèveraient plutòt d’un autre genre d’assistance.
Etat mental et réactiona psychologiquee dans l’alcooliame,
par Dario Valtorta. — Les syndromes mentaux de l’alcoolisme
forment une série ininterrompue depuis la psychose alcoolique à évo-
lution dassique jusqu’à l’évolution de psychopathies autonomes
greffées sur des phénomènes toxiques passagers.
Les syndromes cliniques diffèrent suivant le terrain mental. L’au-
leur étudie l’action de l’alcool chez trois catégories de sujets :
1° Les Phrénaslhéniquet;
2* Les Psychaslhéniques impulsi/s;
3° Les Inslinctifs amoraux ;
1° Chez les Phrénaslhéniques : Trois raodalités d’évolution :
a) Exagération des stigmates psychiques originaires: la sympto-
matologie traduit tous les états deprns la simple susceptibilité pri-
mitive jusqu’au délire alcoolique classique;
h) Révélation de la personnalité cachée du malade par l’éclosion
de ayndromes épileptoldes, paronoldes, etc., associés aux troubles
tońques;
e) La dégénérescence mentale et la saturation alcoolique s’addi-
tionnent pour créer un tableau démentiel sur lequel se détachent des
phiaomènes délirants.
2° Chez les Psychasthéniques impulsifs :
a) Habitudes chroniques d’alcoolisme avec troubles permanents
maislègers;
b) Délires de persécution ou à organisation lente;
e) Syndromes oniriques;
<f) Syndromes d’excitation et de dépression : phobies.
3° Chez les Instindi/s amoraux :
a) Habitudes de débauche;
b) Griminels alcooliques.
Ajoutons que i’action de l’alcool sur les différents terrains peut ètre
tenforcée par des facteurs étrangers, tels qu’une intoxication thyrol-
dienue surajoutée.
Sur quelquee formes de psychose dèpressive à caractè r e
hjpochondriaque, par Albbrto Zivbri. — Cette étude est intéres-
ssnte pour le neurologiste et pour le psychiatre francais. Elle n’est
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pas aans rapport avec la discussion de MM. Gilbert-Ballet et Déjerine.
L’auteur remarque que les Frangais furent les premiers à exclure
des traités de médecine mentale le chapitre de l’hypochondrie, que
les neurologistes revendiquent comme leur domaine personnel.
Or, les phénomènes hypochondriaques sont particulièrement inté-
ressants pour le psychiatre, à qui ils peuvent se présenter soit isolés
et prédominants, soit associés à une autre affection mentale.
L’auteur se contente pour le reste de rapporter l’histoire cUnique
de quelques malades qui, ayant manifesté des idées hypochondriaques
au cours de la psychose maniaque dépressive, moururent plus ou
moins rapidement. M. Ziveri suppose que lesreprésentations délirantes
ont été liées à des lésions organiques qui furent la cause de la mort
prématurée.
Sur la róaction de Butenko ohez les aliénés, par MM.E.Alvisi
et G.Volgi-Ghirardini. —Les auteurs ont recherché la réaction de
Butenko dans les urines de 110 individus (16 normaux et 94 atteints
de divers troubles mentaux). Voici leurs conclusions :
1° La réaction a été positive chez 5 paralytiques généraux sur 12;
2° Elle peut étre positive dans le tabes confirmé avec ataxiei
3° On peut la trouver positive dans les affections mentales les
plus variées, surtout si les sujets se trouvent dans un état organique
tant soitpeu franc;
4° Elle peut ètre en rapport avec l’élimination de certaines sub-
stances médicamenteuses;
5° Quand le sujet est soumis à une médication iodique, on peut la
rencontrer, mais les auteurs ne croient pas que la seule présence de
l’iode suffise à l’exphquer;
6° Dans les urines de sujet normaux, on n’obtient jamais de résul-
tats positifs;
7° La réaction n’a donc pas de valeur exclusive pour le diagnostic
de la paralysie générale;
8° Peut-ètre a-t-elle une valeur pronostique?
Sur quelques méthodes de diagnostic de la syphilis dans
les maladies nerveuses et mentales, par Eugenio Bravetta.
— L’auteur a pratiqué comparativement, sur le sérum et le Uquide
céphalo-rachidien de 116 raalades, les réactions de Wassermann, des
Noguki-Moore, de Nonne-Apelt et de Porges.
Sur ces 116 malades, 52 étaient exempts de syphilis, et 64 en étaient
atteints d’une fagon certaine.
C’est la réaction de Wassermann qui paralt donner Ies meilleurs
résultats. Les róactions de Noguki et de Nonne viennent ensuite et
ont l’avantage d’ètre simples et faciles.
La réaction de Porges semble moins fidèle.
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Rscherclie8 expérAmentalee, eelon la méthode de « l’épuise-
ment fractiozmé du pouvolr « antl-corpe » des antisérume,
dans le but de démontrer l’existence de principes anorznauz
spécifiques dans le sérum sanguin des aliénés ». (Psychose
maniaque dépressive et paralysie générale), par Gardi Italo
et Phigione Fhancesco. — Les auteurs concluent à i’inexistence de
ces principes.
Rechercbea expérimentales sur le mécanisme et la valeur
de l action hómolytique du sérum du sang des aliénés, par
MM. Gardi Italo et Prigione Francesco.
L’action antihémolytique du sérum sanguin des aliénés est fonc-
lion de la quantité du sérum à examiner et de la densité du sang où
l’on vérifie cette propriété. II existe un optiraum de dilution pour
neutraliser Taction antihémolytique du sérura. Gette propriété peut
d’ailleurs ètre corrigée soit en hypersensibilisant les globules rouges,
soit en eraployant un multipie adéquat de l’unité alexinique. Enfin,
pour les sérumsdes aliénés, comme pour les sérums normaux inactivés,
fl parait qu’une telle action doive étre principalement attribuée au
< complémentolde ».
L’étude somatique des maladies mentales, par A. d’ORMEA. —
L’auteur fait ici la critique des psychiatres contemporains, de toutes
les nationalités, qui concentrent toute leur attention sur l’école de
Munich et se bornent à discuter d’une faQon subtile et brillante sur
la classification de Kraepelin.Gette méthode,dit le professeur d’Ormea,
n’a pas jusqu’à présent fourni de résultats bien remarquables. C’est
un travail de pure dialectique, dépourvu de valeur pratique. L’auteur
se demande s’il ne vaudrait pas mieux abandonner cette voie stórile
pourdiriger ses efforts vers i’étude des causes véritables et de ia
pathogénie des maladies mcntales.
C’est en cherchant le mécanisme des eauses morbides et le siòge
des iésions organiques qui forment le substratum des psychoses íonc-
tìonnelles que nous pourrons apprendre quelque chose de plus sur
leur traitement et sur l’essence mème de la maladie. Au contraire,
les études sur la dégénérescence d’une part, l’étude statistique des
causes d’autre part, ne peuvent pas nous laisser espérer de véritables
progrès. C’est surtout à l’étude biochimique de l’aliéné qu’il faut
demander la solution de plusieurs problèmes intéressants, en limitant
la recherche à de tout petits groupes de malades, dont on puisse
facilement individualiser l’affection.
M. d’Ormea a une confiance particulière dans l’application de ia
méthode expérimentale, et laisse entrevoir que l’impossible d’au-
jourd’hui peut ètre réalisé demain. La reproduction du phénomène
psychopathique chez l’animal ouvre à nos recherches un vaste et
nouvel horizon. Attendons 1
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Hystérie et névrosea, pav Gian-Luca Lucangbli. — Le rapport
de Morselli au III* Congrès de Neurologie et la discussion consécutìve
tendent à établir que nos connaissances sur l’hystérie n’ont aucune
chance de devenir plus complètes jusqu’au moment où l’on aura
découvert la base anatomique de cette psychose. II s’agirait aussi
de distìnguer les caractères propres de l’accès, de séparer les mani-
festatìons spécifiques des manifestatíons communes aux autres névro-
ses, d’Uoler l’hystérie, entíté nosologique des syndromes hystévoldes
symptomatiques.
Toutefois, l’étude anatomique n’éclairera guère nos connaissances,
non plus que la recherche des causes qui s’est bornée jusqu’ici aux
causes directes d’appréciatíon évidente, et a négligé tout à fait les
éléments étiologiques éloignés.
Ces éléments doivent ètre probablement quelquechosedebiendiffè-
rent de la prédisposition abstraite aux psychonévroses. IIs sont sans
doute représentés par des conditìons dynamiques ou statiques spéci-
fiques qui restent à déterminer,dont l’existence doit ètre démontrable
par l’induction.
II est illogique d’établir une distinctìon entre l’hystérie et les syn-
dromes hystéroldes, aussi bien qu’entre l’épilepsie ou la neuras-
thénie essentíelles et leurs formes symptomatìques.
En réalité on observe dans les conditions les plus diverses des syn-
dromes hystériques, épileptìques, neurasthéniques, qui s’accompa-
gnent quelquefois des caractères constitutifs de la dégénérescence
mentale. II existe donc trois grands syndromes neuro-psychiques
dont la parenté résulte non de l’absence de causes anatomiques, mais
plutòt d’un état de prédisposition analogue.
Chaque type est dù à des causes spécifiques, et tout le monde est
d’accord sur l’existence de ces causes, sinon sur leur interprétatìon.
Pour ce qui est de l’épilepsie, elle est constituée par un groupe de syn-
dromes caractérisés par des troubles temporaires de la conscience; on
peut la considérer comme l’effet d’une intoxication de nature inconnue,
mais qui est admise cependant par presque tout le monde. Cette intoxi-
cation est probablement en rapport avec l’insuffisance de quelques
glandes (foie et rein) dont les fonctions régulatrices réciproque?
sont abolies.
Gborges Genil-Perrin.
Le Gèrant : 0. DOIN.
PAMS. — IMFMMEIUK LBVÌ, 71 , KUB DB RKMNE8.
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UNIVERSITY OF MICHÍGAN
L’HÉRÉDITÉ VÉSANIQUE SIMILAIRE
par Georges Demay,
Interne des asiles de la Seine.
La notion d’hérédité vésanique similaire n’est pas nouvelle; nous
latrouvons, avec exemples à l’appui, dans Esquirol (1). « La manie
héréditaire, écrit-il, se manifeste chez les pères et les enfants, sou-
vent aux mèmes époques de Ia vie; elle est provoquée par les mémes
causes; elle affecte le méme caractère. Un négociant suisse a vu ses
deux fils mourir aliénés à l’àge de 19 ans. Une dame est aliénée à
vingt-cinq ans, après une couche; sa fille devient folle à vingt-cinq
ans à la suite de couches. Dans une famille, le père, le fils et le
petit-fils se sont suicidés vers la cinquantième année de leur vie.
Nous avons eu à la Salpétrière une fille publique qui s’est jetée
trois íois dans la rivière, après des orgies; sa sceur s’est noyée étant
prise de vin. Un monsieur, frappé des premiers événements de la
Révolution, reste pendant dix ans renfermé dans son appartement;
madame sa fille, vers le méme áge, tombe dans le méme état et
refuse de quitter son appartement. » On le voit, bien que le mot n’y
soit pas, il s’agit ici de véritables maladies familiales, au sens
d’Apert.
Morel, on l’a remarqué maintes fois, s’est surtout attaché à décrire
l’évolution progressive des psychoses dans Ia descendance des aliénés
et la variabilité des formes morbides dans une mème famille. Mais
il n’a pas passé sous silence les cas d’hérédité similaire, et il note
que « quelquefois Ia transmission est directe et se fait pour ainsi
dire de toutes pièces. Ce sont des parents aliénés qui produisent des
enfants aliénés chez lesquels on retrouvera les mèmes variétés de
délire, les mèmes tendances instinctives de mauvaise nature, les
(1) Esijuirol. Des maladies menlales considiries sous ìe rapporí midical,
hggiinique et médico-ligal, Paris, 1838, p. 64.
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mémes fatales dispositions au suicide; différents phénomènes patho-
ogiques du système nerveux, le suicide surtout, se manifesteront
parfois à la méme époque, sous rinfluence de cause déterminantes
de méme nature (1) ».
Moreau, de Tours, cite le cas de deux soeurs atteintes de mono-
manie, et dont le délire s’accorde en tous points, et un cas typique
de folie gémellaire, observé également par Marcé (2), où les deux
sujets, vivant isolés, ne communiquant jamais entre eux, offraient
la mème attitude, s’agitaient et tombaient en stupeur aux mème9
époques, et présentaient des hallucinations de Touie et des idées
de persécution tout à fait identiques.
Dans les statistiques datant de cette époque, notamment celles
de Guislain, de Brigham, de Thurnam, de Baillarger, de Grainger-
Stewart, nous ne trouvons pas de renseignements sur Thérédité
similaire; leurs auteurs se préoccupent surtout de Ia proportion des
cas de folie héréditaire par rapport à la totalité des cas de folie qu’ils
ont observés et de rinfluence du sexe dans la transmission de la
folie. Baillarger, d’ailleurs, considérait comme exceptionnelslesfaits
de cette nature; il en cite un exemple en 1875 (3) en ajoutant :
« Voilà un cas de folie similaire par hérédité qui me paraít fort
extraordinaire et que je voulais vous signaler, comme le seul que
j’aie jamais vu. »
Doutrebente publie en 1869 une étude (4) sur vingt-cinq familles
d’aliénés et ses observations portent souvent sur quatre et mème
cinq générations. II constate surtout Texistence de types disparates
dans la mème famille, et la forme progressive des phénomènes de
transmission. Mais I’étude attentive de ses observations nous
montre aussi dans certains cas la présence de formes similaires.
Doutrebente observe d’ailleurs le fait, mais pour la folie-suicide
seulement.
Pour ce dernier type, en effet, il n’y a pas de contestations. Tous
les aliénistes ont noté des cas de transmission héréditaire du suicide
dans plusieurs générations. Nous avons vu qu’Esquirol en cite des
(1) Morbl. Traité des maladies mentales , Paris, 1864, p. 516.
(2) Marcé. Traité pratique drs maìadics mentales, Paris, 1862, p. 106.
(3) Soc. médico-psychol . Séance du 31 mai 1875.
(4) Doutrebente. Etude généalogique sur les aliénés héréditaires. Ann.
médico-psychol. 5® Série, tome II, 1869, p. 197 et 369.
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l’hérédité vésanique similaire
135
exemples. De méme J.-P. Falret (1), JMitivié (2), Semelaigne (3) t
Sauvet (4). Brierre de Boismont (5) a écrit sur ce sujet un ouvrage
resté classique. Dans la suite, il suffit de feuilleter les collections
des revues psychiatriques pour trouver de nombreux cas de cette
impulsion héréditaire.
Une deuxième variété de psychose à type familial, la folie gémel-
laire, a été également bien étudiée. Nous avons relaté plus haut le
cas de Moreau, de Tours, qui semble un des premiers observés.
Ball (6), en 1884, en a réuni plusieurs, et, plus récemment, Souk-
hanoff (7), faisant une nouvelle revue gónérale de cette question, y
ajoutait Tappoint d’un cas personnel.
Boumeville et Séglas (8) rapportent en 1885 les observations de
cinq familles d’idiots, surtout, semble-t-il, comme exemple de cette
hérédité morbide progressive chère à Morel. Depuis, une forme
spéciale d’idiotie avec amaurose a été isolée par Sachs (9), dont
nombre d'auteurs ont confirmé la description.
En outre de ces trois groupes bien définis : folie-suicide, folie
gémellaire et idiotie familiale, nous trouvons dans la littérature
médicale des observations isolées sur des cas d’hérédité similaire.
Nous citerons celles de Wiglesworth (lO)concemant quatre cas de
mélancolie dans une mème famille;de Crauer (11) (mère maniaque,
quatre filles et un filsonaniaques); de Homen (12)(démence progres-
sive chez plusieurs soeurs); de M0bius(13) (mélancolie chez deux
írères et une sceur); de Daraskiewicz (14) (démence précoce chez
(1) J.-P. Falret. Du suicide, p. 355.
(2) A. Mitivié. Quelques mots sur Phérédité morbide. Th. de Paris, 1862.
(3) Semelaigne. Considérations sur les diverses espèces de suicide. Journal
i iemtd. menl.y 1865, p. 339.
(4) Sauvet. Nol s sur l'hérédilé. Marseille, 1868.
(5) Brierre de Boismont. Du suicide et de la folie héréditaire . Paris, 1865.
(6) Ball. De la folie gémellaire. Encèphale , 1884.
(7) Soukhanoff. Sur la folie gémeilaire. Ann. méd.psych., 1910, t. II, p. 214.
(8) Bourneville et Séglas. Des familles d’idiots. Archives de Neurol ., 1885,
T. X, p. 186.
(9) Sachs. Une forme d’idiotie familiale avec amaurose. New-York méd.
Jearn., 1896.
(10) Wiglesworth. Journ.of menl. science. ,Janvier 1885. (Anal. in Ann. méd.
pigch., 1887, T. II, p. 444).
(11) Crauer. Unefamille d’aliénés Allgem.Zeilschr. f. Psych., 1873.
(12) Homen. Sur une singulière maladie de famille sous forme dejdémence
I progressive. Areh. fiir psych. T. XXIV et XXX.
j (13) Mobius. Sur les familles nerveuses. Allg. Zcilschr. f. Psych., 1884.
(14) Daraskiewicz. Sur THébéphrénie. Th. de Dorpat, 1892.
I
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136 RBVUE DE PSYCHIATRIE
deux frères); de Eliott (1) (délire hallucinatoire chez deux soeurs).
Féré (2) et Dejerine (3), dans leurs études sur l’hérédité, relatent des
exemples analogues. De méme Régis (4) et Pain (5), dans leurs
thèses, bien que se plagant à un point de vue différent. Peu après,
Régis (6) publiait, comme contribution à l’étude de la folie héré-
ditaire chez les gens ágés, plusieurs cas de mélancolie ayant affecté
le type homochrone et homologue dans plusieurs générations.
Au Gongrès de Glermont de 1894, Brunet et Vigouroux (7), dans
un travail qui constitue une importante contribution à l’étude de
l’hérédité, rapportent plusieurs observations d’individus de mème
famille atteints de méme forme d’aliénation.
Un recueil de faits analogues avait été publié en 1885 par Sioli (8).
Pérugia (9), bien qu’adoptant l’opinion de Morel sur la transfor-
mation des psychoses et leur aggravation dans la descendance,
reconnalt que la transmission de la folie périodique s’observe avec
une fréquence relative.
Enl899,Trénel(10), dans une communication à la Société médico-
psychologique, et dans la thèse de Fouque (11) reprend la question
dans son ensemble et prononce le premier, croyons-nous, le mot de
maladies mentales familiales. II décrit des délires systématisés, des
démences, des folies périodiques, des délires aigus, revètant la méme
forme chez des individus d’une méme lignée. II se défend d’ailleurs
de tirer de ces faits des conclusions précises, à cause de la difficulté
qu’on éprouve à mettre en évidence l’hérédité familiale pure dans
les maladies mentales.
Dans ces demières années, la question des psychoses familiales
a suscité plusieurs travaux importants surtout à l’étranger. Nous
(1) R. M. Eliott. Folie de deux soeurs. Stal. Hospilal Bullelin, janvìer 1897.
(2) Féré. La famille névropathique. Arch. de neurol, 1884, p. 6-7, et voi.
2* édition, 1898.
(3) Déjbrine. L’hirédìU dans les maladies du syslime nerveui. Paris, 1886.
(4) Régis. La folie à deux ou folie simultanée. Th. Paris, 1880.
(5) Pain. Contribution à l’étude de la folie héréditaire. Folies concomitantes.
Th. Nancy, 1894.
(6) Régis. Cas de folie héréditaire chez les gens dgés. Ann.mid. psych., 1887.
1, p. 210.
(7) Brunet et Vigouroux. Contribution à l’étude de l’hérédité de l’aliéna-
tion mentale. Congris de Clermont, 1894.
(8) Sioli. Sur l’hérédité directe des maladics mentales. Arch. f. Psych. 1885.
(9) Perugia. Congrès italien de Psychiàtrie, Rome, mars 1894.
(10) TRÉNBL.Maladies mentales familiales. Soc. mid. psych., 27 novembre 1899.
(11) Paul Fouque. Maladies mentales farailiales. Th. de Paris, 1899.
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Original fro-m
UNIVERSETY OF MICHIGAN
l’hérédité vésanique similaire
137
retiendrons ceux de Bischof (1), qui se place plus spécialement au
point de vue de la démence précoce, de Udine (2) qui relate égale-
ment des cas de démence précoce et aussi de psychose maniaque-
dépressive dans plusieurs famillesjde Forster (3), de Dana(4),et de
Schlub (5) qui signale l’aptitude héréditairement tenace à faire
de la psychose maniaque-dépressive.
Damkohler (6) distingue les cas où il y a identité des psychoses
de ceux où existe une ressemblance dans les troubles mentaux;
ilobserve aussi la prédominance des formes périodiques.
Sosnowskaia (7) décrit des troubles psychiques à méme caractère
dans quatorze familles et les groupe en démence précoce simple,
démence paranolde et psychose maniaque dépressive.
Frankhauser (8), dans un important mémoire, étudiant les psy-
choses fratemelles, en rapporte quarante cas personnels.
En Angleterre, Mott (9) publie de onmbreuses études statistiques
et généalogiques sur I’hérédité des maladies mentales et nerveuses;
il est revenu à différentes reprises sur la question de l’hérédité
v&anique similaire.
Signalons enfìn, corame travaux francais récents, celui de Tou-
louse et Damaye (10) sur la valeur de l’hérédite collatérale sirai-
laire en pathologie, et les diverses observations de psychoses fami-
(1) Bischof. Ueber familiflre Geistkrankheiten. Jahrbuch. f. Psych. u. NeuroL,
1905,26 Bd. F. 2 u. 3.
(2) Udinb. De la ressemblance des psychosee chez des frères et des sceurs
Ptgth. (rusaé) contemp., octobre, novembre, décembre 1907.
(3) Porstbr. Les formes cliniques des psychoses dues à l’héréditè directe.
AUgtm. Zeilschr. Psych., L. XIV, 1,1907.
(4) Dana. Conceptions modernes de l'hérédité avec étude d’une psychose
fréquemment héréditaire. Midical Record, 26 février 1910.
(5) H. O. Schlub. De l’aliénation mentale chez les frères et soeurs. AUg.
Zeilschr. f. Psyeh., LXVI, 1909.
(6) DaukhOler. Contribution à la question de l’hérédité des maladies men-
Uies. Congrès des aliénistes de Bavière. Allgem.Zeitschr.f.Psych., LXVII, 1910,
P.4, p. 643.
(7) Sosnowskaia. Psychoses faroiliales. Assemblie scierúifique des midecins
iel'asile psychiatrique de Novoznamenskaia à Sainl-Pilersbourg, séance du 10 no-
vembre 1910.
(8) Frankhauser. Geschwister psychosen. Zeilschr. f. die geaamle neurol. u.
pgch. Originalien, 1911, T. V, p. 52.
(9) F.-W. Mott. Les aspects héréditaires des maladies nerveuseset mentales.
Lentsl, 8 octobre 1910.
— Hérèdité et Eugénlque en rapport avec la folie, / >r congris intern. d'Bu-
f inique. Londres, Juillet 1912.
(10) Soe. de Biol. 6 mai 1904.
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Qriginal frn-m
UNivERsrry of michigan
138
REVUE DE P8YCHIATRIE
liales présentées à la Société Cliníque de Médecine mentale au
cours de ces dernières années.
Si maintenant nous comparons entre elles les opinions exprímées
par les auteurs que nous venons de citer, nous constatons que
Ia notion de l’hérédité similaire des psychoses semble avoir évolué
dans un sens assez bien déterminé. Autrefois, l’hérédité similaire
était considérée comme très rare. Baillarger, en ayant observé
un cas, le qualifiait d’extraordmaire. Morel insiste surtout sur les
transformations successives de Phérédité. « On risquerait, dit-il (1),
de se faire une fausse idée de l’hérédité, si on ne l’envisageait au
point de vue de ces transformations. » Marcé s’attache également à
mettre en lumière la fréquence de l’hérédité dissemblable. Doutre-
bente adopte les idées de Morel et admet que le germe maladif héré-
ditaire ne reste pas stationnaire, mais qu’il subit des transformations,
des progressions, à travers les générations successives; il ne fait
exception que pour la folie-suicide.
Actuellement, au contraire, beaucoup d’aliénistes regardent
comme très fréquente la transmission héréditaire de la folie par
types similaires. C’est ce qui ressort notamment du travail de Sioli (2)
Brunet et Vigouroux (3) notent la fréquence avec laquelle la méme
forme de dégénérescence ou de folie s’est développée chez des soeurs
ou des frères. Forster (4) conclut de ses recherches que la trans-
mission de la démence précoce et de la folie maniaque-dépressive
présente une fréquence remarquable. Pour Schlub (5), dans 75 0/0
des cas, frères et soeurs sont atteints d’une affection mentale homo-
nyme, et cette homonymie atteindrait mème la proportion de 90 0/0
chez les enfants du sexe masculin. Frankhauser (6),se basant sur
l’examen de quarante cas de psychoses chez des frères et sceurs,
confirme les conclusions de Forster; dans aucun de ces cas il n’a vu
la psychose maniaque-dépressive s’apparier avec la démence précoce,
et il en déduit cette loi que la prédisposition héréditaire à la psy-
chose maniaque dépressive exclut la prédisposition à la démence
précoce et inversement.
(1) Morel. Maladiea menlalea, p. 116.
(2) Sioli. Arch. f. paych. XVI, p. 113.
(3) Loc. cii., p. 424.
(4) Monaiaachr. f. Paych. u. Neurol., IX, p. 161.
(5) AUgem. Zeitsch. f. Paych., LXVI, 1909.
(6) Geschwister Psychosen. Zeitachr. f. die geaamte Neurol. u. Ptych., 1911,
V, p. 131.
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Origirìal fro-m
UNIVERSITY OFMICHIGAN
l’hérédité vésanique similaire
13 »
A quoi tient cette différence de conception? Sans doute il faut
faire intervenir ki la fréquence plus grande à notre époque des
eaqaétes faites sur lee familles des aliénés. II faut tenir corapte aussi
des faits dkparates qui ont été étiquetés parfois sous une méme
rubriqne. Telle est une observation d’Etchepare (1) ainsi intítulée •'
Folit familiale. Délire d’inierpréialion aniilogique communiqué entre
upi personnes. Si nous analysons cette observation, nous voyons
qu’elle se décompose ainsi, d’aprèa l’auteur lui-mème :« Le père était
súrement paranoique avec délire processif et une nuance de persé-
cuté persécuteur ». 11 était mort dix-neuf ans avant qu’Etchepare
eèt l’oecasáon d’observer les autres malades, et rien n’indique qu’il
út eu le mème délire que celles-ci. « Les quatres filles, dont une
morte, n’ont pas fléchi un moment dans leur croyance à une persé-
cution aujonrd’hni universelle ». Or il n’est nuUement question, dans
l’observation, de troubles mentaux ayant atteint ceUe des soeurs
qui est morte; des trois autres, l’une, l’agent actíf, semtde avoir
ea effet construit un délire d’interprétation partagé par une de ses
soeurs; quantà l’autre qui est internée, « elleacceptait d’abord tous
les raisonnements de sa soeur F..., mais après une séparation de
qudques'mois, eUe avait presque entièrement oubUé ou abandonné
aes mauvaiaes idées. Malheureusement, elle retouma au sein de sa
famille pendant un temps assez long pour retomber dans ses an-
rieanes préoccupations, et eUe nous est revenue tríste, déprimée,
abattue, pour suivre de nouveau le traiiement ». II n’est pas prouvé
qu’il s’agisse dans ce dernier cas d’un délire d’interprétation. La
mère, après avoir résisté longtemps, partage les convictions filiales.
Quant au fils, sur lequel on ne nous donne aucun détail, il serait
èément précoce.
On voit ce qu’il reste de ce prétendu délire d’interprétation fami-
Ińd atteignant sept personnes. De tels faits ainsi rapportés, ne peu-
vent que préter à confusion.
Mais la véritable raison de la varíabilité des opinions sur la fré-
quence de l’hérédité similaire des psychoses, doit étre cherchée,
croyons-nous, dans I’èvolution des doctrínes elles-mèmes. Ce qui
fnppe, en effet, quand on examine Ia plupart des observations de
psychoses famiUales publiées dans ces demières années (etnous avons
(1) Arm. midico-psychol., 9* série, T. XI, 1910, p. 5-17.
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
140
REVUE DE PSYCHIATRIE
vu qu’il s’agit surtout de travaux allemands), c’est qu’elles se
rapportent presque exclusiveihent soit à la psychose maniaque*
dépressive, soit à la démence précoce. Or, on sait que l’école Krae-
pelinienne réunit dans ces deux vastes groupements, des états psy-
chopatiques tenus autrefois pour très différents. II ne s’agit pas ici
de discuter la légitimité des idées de Kraepelin, mais il est évident
que si on les admet, on sera porté à attribuer à l’hérédité similaire
une importance beaucoup plus grande.
Pour la psychose maniaque-dépressive, la démonstration est des
plus simples. Prenons par exemple le cas suivant cité par Morel (1).
« J’ai donné mes soins à trois frères remarquables par les formes
variées de leur affection mentale. L’un était un maniaque aux accès
périodiques et désordonnés; le second, un mélancolique réduit par
sa stupeur à un état purement automatique, et le troisième se signa-
Iait par une irascibilité extrème et par des tendances au suicide. >
II s’agit donc ici pour Morel de trois psychoses différentes; or il n’est
pas douteux que beaucoup d’aliénistes contemporains les réuni-
raient dans la seule folie maniaque dépressive.
Voici également une observation de Journiac (2) des plus ins-
tructives à ce point de vue. Elle conceme une femme de 41 ans,
sujette depuis l’enfance aux idées fixes et aux obsessions. ElJe a
peur des couteaux pointus, elle a I’idée d’en frapper quelqu’un; plus
tard elle craindra de tuer sa fille. EUe a la phobie de la malpropreté,
se lave continuellement les mains. Elle a également l’obsession du
doute. Depuis son mariage s’ajoutent des obsessions à toumure
érotique; elle déshabille par la pensée les personnes qui passent
devant chez eUe ou qu’elle rencontre dans la rue. A l’Sge de 18 ans,
sous l’influence d’une idée obsédante (mort d’un ami), elle a des
haUucinations visuelles, et elle fait un accès mélancolique qui dure
trois ou quatre mgis. Depuis elle a eu huit ou neuf accis dépressifs,
et a fait plusieurs tentatives de suicide.
Son frère, Sgé de 43 ans, en est à son quatrième accès de manie.
Le premier a eu lieu à l’áge de 25 ans. Tous ont un début analogue;
le malade devient sombre puis s’excite progressivement, devient
bavard, érotique, buveur, chante, crie, ne dort plus. A chacun de
(1) Trailédes maladies meniaUs, p. 116.
(2) Journiac. Folie intermittente et Folle dee dégénérés. Ann. midie. psgeh.
7* série, T. VI, 1887, p. 102.
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UNIVERSITYQL
l’héréoité vésanique similaire
141
ses intemements, il présente des hallucinations multiples, des idées
vagues de persécution, des idées ambitieuses. Dans l’intervalle de
ses accès, il est très normal, travaille régulièrement.nese livreà aucun
excès.
Joumiac oppose ces deux malades I’un à l’autre et son observa-
tion a précisément pour but d’établir les différences entre la folie
intermittente et la folie des dégénérés. Pour lui, l’équilibre mental
de la sceur est presque constamment instable; elle est atteinte d’une
maladie continue avec exacerbations. Le frère, au contraire, a une
maladie intermiìtenie, il est tout à fait régulier ou tout à fait fou.
Ici encore cette opposition disparalt si on accepte la conception
kraepelinienne. Comme le dit Régis (1), la distinction entre les
psychoses maniaques et mélancoliques et les psychoses dégénéra-
tives n’a plus aucune raison d’ètre maintenue après Ies travaux de
Kraepelin.
Pour ce qui est de la démence précoce, la mème remarque peut
étre faite. II est certain que l’on trouvera de3 chiffres différents,
suivant que l’on s’en tiendra à l’hébéphrénie de Kahlbaum-Hecker
et de Christian, ou que l’on adoptera la conception de Kraepelin ou
celle de Bleuler. A ce point de vue,le travail récent deFrankhauser
auquel nous avons déjà fait allusion, est des plus curieux. Cet auteur
étudie entre autres 28 cas de psychoses chez des frères et soeurs, qu’il
rapporte à la démence précoce, et qu’il considère par conséquent
comme similaires. Pourtant il note dans plusieurs cas des diffé-
rences entre les psychoses; pour concilier les choses, il admet de
multiples variétés de démence précoce, tout en conservant les for-
mes déjà décrites : catatonique, hébéphrénique et paranoide. C’est
ainsi qu’il parle de démence du sentiment, de démence de l’intelli-
gence, démence des sens, démence de la volonté (Gefùhls-Verstandes-
Smnen-Villen8demenz). 11 en arrive à décrire certains cas comme
démence des sens catatonique (Katatone Sinnendemenz), ou
comme démence de I’intelligence paranoide (Paranoide Verstandes-
demenz.)
On voit par ce qui précède combien il serait vain de vouloir attri-
buer une valeur trop absolue aux chiffres qui ont été publiés pour ou
contre la fréquence des formes similaires dans les famillesd’aliénés.
(1) Pricit de Psgchiatrie, 4» édition, p. 304.
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142
REVUE DE PSYCHIATRIE
C’est avec cette réserve que nous nous hasardous à donner nous-
mème quelques chiffres, à titre de simple comparaison avec ceux
que nous avons déjà cités. Ces chiffres se rapportent seulemeat
aux psychoses des frères et sceurs puisque se sont surtout celles-ci
qui ont été étudiées.
Nos recherches ont porté sur quatorze cas. Sur ces quatorze cas de
psychoses chez des frères et sceurs, nous trouvons cinq cas similaires
et neuf dissemblables (1).
II ne nous paraít donc nullement démontré que la similitude des
psychoses chez les frèresetsoeurs soitla règle. Nos cas n’ontpas été e&
effet triés dans le but d’une démonstration précomjue, mais ont été
prís au hasard. Peut-étre sommes-nous tombé sur une série excep-
tionneile.Brunet et Vigouroux,dont les recherches avaient également
porté sur quatorze cas, ont trouvé en effet douze fois la méme
forme d’aliénation mentale chez des frères et sceurs (2).
Remarquons que sur neuf cas de psychoses dissemblables, que
nous avons observés il en est trois, dont le début a été à peu près
identique chez les deux sujetsjce n’est queplus tard que Ies diver-
gences se sont manifestées. On voit apparaltre ici une nouvelle
cause d’erreur dans l’interprétation des résultats et l’on comprend
que suivant l’époque où les malades sont observés, on pourra les
considèrer comme semblables ou différents. Certains auteurs, do
reste, se refusent à tenir compte de l’évolution de la maladie
pour porter un diagnostic, tel Frankhauser, qui critique vivement
Kraepelm à ce sujet.
Quoi qu’il soit, il nous paralt sage de dire avec Haehnle (3)
qu’il est impossible de fixer par des chiffres l’influence de la pré-
disposition héréditaire.
Toute question de fréquence étant mise à part, pouvona-nous dire
qu’il existe des types familiaux de maladies mentales? Reportons-
nous à ce qui se passe en pathologie nerveuse. Les maladies nerveuses
familiales forment un groupe à part, bien défini; la maladie de
Friedreich, par exemple, possède des caractères spéciaux — parmi
lesquels précisément Ie caractère familial — permettant de la diffè-
(1) Cea quatoree obeerva&ions ont ité publiées dans notre thfcsei Det pty•
choset familialea Paris, Oluer-Hrnry, 1913,
(2) Loe. cit., p. 424.
(3) Cité par Kéraval. Encéph., 1908, p. 72.
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L’hÉRÉDITÉ VÉSA.NIQUE SIMILAIRE
143
rencier de toute autre maladie de l’axe cérébro-spinal, comme le
tabes: d’autre part, il semble que cette affection ne puisse exister
à Pétat isolé. Or, parmi toutes nos observations nous ne trouvons
aucune psychose qui ait l’aspect d’une affection autonome, compa-
rable à la maladie de Friedreich: les manies, mélancolies, démences
précoces, délires systématisés que nous observons chez plusieurs
frères et sceurs ne présentent rien qui les distingue des manies, mé-
lancolies, démences préeoces communes. Quand on observe un
Friedreich, la première idée qui vient à l’esprit c’est de rechercher si
dass la famille du malade, il n’existe pas de cas analogues, et en
général on les trouve. Quand on a affaire à un maniaque ou à un dé-
oent précoce, on s’inquiète évidemmentdes antécédents héréditaires
possibles, soit directs, soit collatéraux, mais rien ne peut autoriser à
penser qu’on retrouvera dans la famille des psychoses identiques.
On ne rencontre donc pas — jusqu’à présent du moins — en patho-
logie mentale, de faits qui permettent de croire à l’existence de
types spèciaux de psychoses comparables aux maladies nerveuses
familiales. En eela le terme de psychoses familiales préte à la cri-
tique. Nous l’avons employé parce qu’il semble dès maintenant
consacré par l’usage. Mais nous ne dissimulons pas qu’il est défec-
tueux. Peut-étre serait-il préférable d’adopter pour les maladies
mentales similaires frappant une mème génération, le terme pro-
posé par Féré, de psgchoses fraiemelles similaires.
En tout cas, si l’on s’en tient à l’expression de psychoses fami-
Kales, il importe d’en bien préciser le sens : elle caractérise simple-
ment la ressemblance qui existe parfois entre les psychoses chez les
individus d’une mème famille.
Quant aux conditions suivant lequelles se ferait la transmission
des psychoses, mieux vaut avouer notre ignorance sur ce sujet.
On a bien cherché à établir des lois qui régiraient l’héréditè de la
fofie, mais jusqu’à présent ces recherches n’ont abouti à aucun
tésultat précis.
Ici encore il serait facile d’apposer des chiffres, les uns aux autres.
SiBaiilarger (1) eonclut de ses statistiques, portant sur 453 aliénés
que la folie de la mère est plus fréquemment héréditaire que celle
du père, Turaer (2) adopte l’opinion contraire et il la base sur
(1) BuU. Aead. de méd., 1846-47, T. XII, p. 762.
(2) Journal of metúal sc., 1907.
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144
HEVUE DE PSYCHIATRIE
l’examen de 1.039 cas observés à l’asile du comté d’Essex.
Kraepelin (1) croit aussi que l’influence du père dans la trans-
mission de l’hérédité morbide agit en général d’une fa$on plus puis-
sante que celle de la mère et Frankhauser (2) se range à cet avis.
Pour Pérugia (3), l’hérédité matemelle se propage à un plus grand
nombre de descendants. Mott (4) se montre plus éclectique et fl
pense que la mère ne transmet pas son hérédité vésanique plus faci-
lement que le père. Ges opinions sont donc très différentes et ceci
montre bien l’absence de certitude sur ce sujet.
II en est de mème pour Ia question de la prépondérance de l’héré-
dité croisée par rapport à l’héredité directe et inversement : on
trouve des faits aussi probants à l’appui de l’une et de l’autre
opinion, comme le fait observer Déjerine.
Les observations personnelles 'que nous avons citées plus haut
ont porté en grande majorité sur des femmes. Nous n’aurions vu là
•qu’un simple hasard, mais nous avons trouvé dans Frankhauser (5)
une constatation analogue. Sur 23 cas de psychoses atteignant des
frères et soeurs et où un seul sexe est représenté, Frankhauser
trouve 19 fois le sexe féminin et 4 fois seulement le sexe masculin,
et il cite à ce propos l’opinion de Kraepelin pour qui le sexe féminin
■est toujours plus réceptible que le sexe masculin pour la trans-
mission héréditaire des prédispositions morbides. Pourtant nous
croyons qu’ici encore il ne faut pas trop se háter de conclure; il est
possible que d’autres faits se montrent en contradiction avec ceux-ci.
Dans nos quatorze cas de psychoses chez des frères et sceurs, nous
avons remarqué que huit fois les troubles mentaux étaient apparus
chez Ie sujet plus jeune de fagon plus précoce que chez l’atné. Nous
rappellerons à ce propos une observation de Briand et Vigouroux (6)
dans laquelle la psychose se manifeste à 43 ans chez le frère alné,
à 33 ans chez la soeur cadette et à 21 ans chez la plus jeune sceur.
Sur ce point nous nous rencontrons encore avec Frankhauser, bien
(1) Kraepelin. Psychialrie, 8* édition, p. 180.
(2) Loc. cll; p. 141.
(3) PáRUdA. Les familles psychopathiques. Congris italien de psgchiatrie,
mare 1894.
(4) Mott. Proceedings of the royal sociely of medicine of London, 26 octobre
1911, vol. V, n® 1.
(5) Loc. dt., ibid.
(6) Briand bt Vioouroux. Psychose familiale. Butl. de la Soc. ctin. de mU.
ment. 21 mare 1910, p. 68.
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UNIVERS
l’hérĺdité vésanique similaire
145
que cet auteur trouve une proportion moins forte que la ndtre;
pour Iui, Ies psychoses apparaissent de fagon plus précoce, deux fois
plus souvent chez les frères et soeurs plus jeunes que chez les alnés.
Mott conclut également de ses recherches que la maladie mentale
apparalt de meilleure heurechez les descendants que chez les parents.
De tels faits sont intéressants à noter et appellent de nouvelles
recherches. S’ils étaient confirmés, ils montreraient que la lourdeur
de Ia tare héréditaire est en relation avec I’áge des parents.
Récemment, certains auteurs ont cherché à étendre à l’aliéna-
tion mentale, les découvertes faites par Mendel (1) dans le domaine
de l’hérédité morphologique et confirmées depuis par de Vries et
Guénot. Les résultats obtenus par Mendel en croisant certaines
variétés végétales, ont été en effet généralisés, et appliqués non
seulement à la transmission des caractères normaux, mais aussi à
Thérédité des caractères pathologiques. Une des expériences les plus
curieuses à ce point de vue, a été faite par Guénot quand il étudia
les résultats du croisement des souris ordinaires, avec les souris
atteintes d’ataxie héréditaire et appelées souris valseusesou souris
japonaises. En unissant une souris normale à une souris ataxique,
on obtient à la première génération des souris qui paraissent nor-
maies. Mais si on unit ces dernières entre elles, on trouve dans cette
dernière génération vingt-cinq pour cent de souris ataxiques et
soixante-quinze pour cent de souris normales. Ces souris normales
nnies entre elles donneront dans une troisième génération la pro-
portion de une souris ataxique pour huit normales. Si on continue
àunircesdemièresentreelles, onobtient à la n e génération n*— 1
souris normales pour une ataxique. Au contraire, les souris
ataxiques unies entre elles ne donneront jamais que des souris
ataxiques. On dit que le caractère : démarche rectiligne, est domi-
mnl par rapport au caractère: déraarche valseuse, qui est récessif.
Les lois de Mendel peuvent se résumer ainsi :
« Lorsqu’on unit entre eux des individus appartenant à deux
variétés d’une mème espèce différant entre elles par deux caractères
(1) On trouvera un excellent résumé des théories mendéliennes et de leurs
appiieations, dans les deux articles suivants: Apert i la Génétique; lois de Men-
oel et descendances morbides. Paris médical, 23 décembre 1911.
PécHouTRE. Les principes de l’hérédité mendélienne et leurs fondements
cjtologiquee. Rev. gén. des scitnces, 30 aoQt 1912.
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146
REVUE DE PSYCHIATRIE
qui s’opposent (robe grise et robe blanche, robe uniforme et robe
panachée, etc.),leshybrides de première génération présentent tous
celui de ces caractères qui est dominant par rapport à l’autre (le gris
est dominant par rapport au blanc, l’uniforme par rapport au pana-
ché, etc.). Maisle caractère dominé n’a pas disparu, ilest seulement
lalenl. Les choses se passent comme si le caractère dominé existait
d’une fagon latente à còté du caractère dominant, et comme si, dans
les générations suivantes, les caractères se répartissaient deux à deux
chez les descendants selon les lois de la probabilité » (Apert) (1).
Dans l’exemple que nous avons pris précédemment, si nous
appelons D le caractère dominant (démarche rectiligne) et R le
caractère récessif (démarche valseuse), les hybrides de la première
génération peuvent ètre représentés par D (R), R étant latent. En
apparence, ilssont identiques aux sujets D,mais en réalité leur ca-
ractère R, latent, pourra apparaltre, dans la descendance.
Si nous unissons les hybrides entre eux, les caractères D et R
vont se répartir suivant la loi de probabilité: 50 0/0 des sujets
prendront D au père, et 50 0 /0 lui prendront R. Dans chacune de
ces moitiés, la moitié encore des sujets, c’est-à-dire 25 0/0 du total,
prendra D à la mère, et l’autre moitié lui prendra R. On a ainsi:
D (R) X D (R) = 25 D D + 25 D (R) + 25 (R) D + 25 R R,c’estr
à-dire : D (R) x D (R) = 25 DD + 50 D (R) + 25 RR.
Donc un quart des descendants a le caractère D; la moitié, le
caractère D (R) où R est latent et où se manifeste seulement le
caractère D; un quart a le caractère R. Au total, trois quarts des
descendants ont le caractère D et un quart seulement le caractère R,
résultat conforme à l’expérience de Cuénot (75 souris normales
pour 25 ataxiques).
Cannon et Rosanoff (2), puis Rosanoff et Florence Orr (3) ont
cherché si ces lois pouvaient s’appliquer à la transmission des
maladies mentales et nerveuses. Us ont examiné à ce point de vue,
les premiers, 11 familles névropathiques comprenant 221 membres,
(1) Traili des maladies /amiliales, p. 329.
(2) Cannon et J. Rosanoff. Preliminary Report of a Study of Heredity in
Insanity in the light of the mendelian laws. Journ. of Nerv. and ment. Diteatt,
mai 1911.
(3) J. Rosanoff et Florence J. Orh. — A study of heredity in insanity in
the light of the mendelian theory. Americ. Journal of insanily, octobre 1911.
Anal. in Journ. de psych. norm. el path. mars-avril 191? et in Encéphale, 10 mars 1912.
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UNIVERSÍTY OF MICHIGAN
l’hérédité vésanique similaire
147
ies seconds, 72 íamilles comprenant 1.097 membres. Voici leurs
eoncJuskms :
1° Les deux parents sont névropathes; tous les enfants sont
névropathes.
2° Un des parents est normal, mais a un ascendant névropathe;
i’antre est névropathe. La moitié des enfants sont névropathes,
l'autre moitié normale, mais susceptible d’engendrer des névro-
pathes.
3° Un parent est normal, l’autre névropathe. Tous les enfants
icront normaux, mais susceptibles d’engendrer des névropathes.
4° Les deux parents sont normaux, mais ont tous deux un ascen-
dant névropathe. Un quart des enfants sera normal et aura une
dtscendance normale; une moitié sera normale, mais pourra engen-
drer des névropathes; un quart sera névropathe.
5° Les deux parents sont normaux, mais l’un d’eux a un ascen-
dant névropathe. Tous les enfants seront normaux, la moitié avec
descendance normale, l’autre moitié susceptible de descendance
névropathique.
Les deux parents sont normaux, nés de parents normaux.
Tous les enfants seront normaux, et à descendance normale.
Pour Rosànoff et Orr, la constitution névropathique, considérée
en 8on ensemble, présente le caractère récessif, mais certains états
névropathiques, quoique récessifs par rapport à l’état normal, sont
en méme temps dominants par rapport à d’autres états morbides;
ainsi Ies psychoses curables sont dominantes par rapport à l’épi-
lepsie. D’autre part, un caractère récessif peut se manifester sous des
formes équivalentes; en particulier les enfants nés d’une union du
quatrième .type peuvent présenter des troubles différents en appa-
rence, mais qui seront en réalité équivalents : les auteurs précités
ont remarqué notamment l’association fréquente de démence
précoce et d’évanouissements ou de convulsions dans l’enfance.
Certes on ne doit pas rejeter à priori de tels résultats pour singu-
liers qu’ils paraissent. On le doit d’autant moins que certaines
maladies hérédo-familiales semblent obéir aux Iois de Mendel. On a
mime pu les séparer en deux groupes : dans l’un, le caractère raor-
bide est récessif (albinisme, surdi-mutité familiale, rétinite pigmen-
taire}; dans l’autre, le caractère morbide est dominant (dysostose
cléido-cranienne héréditaire, brachydactylie, paralysie périodique
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UNivERsrry of michigan
148
REVUE DE PSYCHIATRIE
familìale, chorée de Huntington).'Apert (1) a montré que cette dis-
tinction pouvait déjà étre faite par l’observation clinique et que les
maladies à caractère dominant sont les mémes que les maladies à
hérédité continue : lorsqu’un membre de la famille échappe au mal,
ses descendants restent définitivement indemnes. « Au contraire, les
maladies familiales qui ne se reproduisent que de loin en loin dans
la lignée, et qui sont particulièrement fréquentes chez les enfants
issus d’unionsconsanguines, sont des maladies à caractère récessif.»
Elles obéissent à la formule mendelienne D (R) x D (R) = DD
+ 2 D (R) + RR, et la proportion des sujets malades aux sujets
sains est de 1 sur 4, tandis qu’elle est de 1 sur 2 dans les maladies
dominantes.
Mais il ne s’ensuit pas que toutes les maladies familiales doivent
se conformer à ces règles. Elles sont vérifiables surtout dans le cas
de malformations et aussi dans le cas où les caractères considérés
s’opposent nettement l’un à l’autre. On voit les difficultés que l’on
rencontre à vouloir appliquer ces recherches à l’aliénation mentale.
On ne peut se baser ici sur des signes physiques et d’autre part on
rencontre tous les intermédiaires entre l’état sain et le pathologique.
On sait aussi combien il est difficile, et souvent mème impossible
d’établir le pedigree exact des aliénés, Sans parler de la dissimu-
lation volontaire de la tare dans l’ascendance, de l’action d’éléments
perturbateurs étrangers et de cette cause d’erreur toujours possible
qu’est Padultère, comment affirmer qu’un individu donné n’a jamais
présenté d’aliénés parmi ses ancètres? II ne saurait ètre question ici
de certitude, comme lorsque l’on opère sur certaines variétés végé-
tales ou animales qu’on peut sélectionner de faqon rigoureuse. Aussi,
pour intéressants qu’ils soient, les résultats de Cannon, Rosanoff et
Orr demandent à ètre accueillis avec réserve et contrólés par de
nouvelles recherches. On n’arrivera à apporter quelque précision
dans la question de I’hérédité dc l’aliénation mentale que par l’étude
de multiples générations d’individus, ce qui demanderait néces-
sairement, comme l’observe Trénel, la collaboration continue de
générations de médecins. II serait désirable que nous ayons en
psychiàtrie beaucoup d’observations analogues à celle qui existe
en ophtalmologie sur Ia famille héméralope des Nougaret, et qui
porte sur dix générations.
(1) Apert. Loc. cit.
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Original frn-m
UNIVERSÌTY OF MICHfGAN
l’hébédité vésanique similaire
149
Signalons, en terminant, ce mode curieux d’hérédité auquel Apert
a proposé de donner le nom d ’hérédilé matriarcale, par analogie au
régime matriarcai en vigueur chez certains peuples et d’après lequel
la transmission des biens se fait par voie collatérale, toujours par
les femmes. Le possesseur du bien est toujours un mile, mais l’héri-
tier n’est pas son fils alné, mais le fils alné de sa soeur, ou à défaut
le fils atné de sa tante matemelle, etc. Ge mode d’hérédité est réalisé
en pathologie dans l’hémophilie, le daltonisme, la paralysie pério-
dique familiale, etc. II y aurait lieu de chercher si on le retrouve
pour certaines formes de folie.
Tous ces faits ne sont pas seulement mtéressants au point de vue
spéculatif, mais ils sont susceptibles d’applications pratiques. Apert,
entre autres, a bien montré dans quelles conditions pourrait se
réaliser la prophylaxie des maladies familiales. Dans le cas d’une
maladie à caracìère dominanl, tout sujet indemne de Ia tare est
incapable de la transmettre à ses descendants, le mariage peut
donc étre permis. S’il s’agit d’une maladie à caractère récessif, le
germede cette maladie, quoique latent chez les descendants, pourra
se manifester dans la suite, si une union intervient avec un sujet
porteur également d’un germe latent. Aussi, lorsqu’une maladie
récessive s’est manifestée une fois dans une famille, méme en re-
montant très loin dans l’ascendance, toute union consanguine entre
les descendants devrait ètre bannie.
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Origirìal frn-m
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UN GAS )DE PSYCHOSE DÉGÉNÉRATIVE
POST-ÉMOTIONNELLE
Par le Docteur Halberstadt,
Médecin des asiles.
La qliestiou des psychoses dégénératives est Ioin d'ètre épuisée.
Après une éclipse passagère, les théories et les descriptions de Ma-
gnan reviennent, notamment en AHemagne, en faveur auprès des
aliénistes. J’ai fait connaltre cette « renaissance » ici méme, daní
quelques-uns des articles consacrés à différentes formes de la dégé-
nérescence mentale (1). Gelle-ci constitue une vaste et légitime syn-
thèse, mals qu’il y a, je crois, tout avantage à étudier non pas seule-
ment au point de vue des signes fondamentaux à l’aide desquels
elle fut constituée, mais aussi à celui des formes cliniques, sous Ies-
quelles elle se manifeste : on peut espérer d’isoler ainsi, dans le
sein méme de la dégénérescence mentale, des groupes morbides
relativement autonomes. Ayant eu I’occasion d’observer un cas de
psychose consécutive à une émotion-choc, et au sujet duquel les
renseignementsfoumis(pourles périodesavantet après l’intemement
sont dignes de toute conflance, je crois intéressant de le publier et de Ie
rapprocher d’une observation analogue de Séglas et Gollin (2). La
moindre conclusion générale serait bien entendu prématurée, mais
le lecteur ne manquera sans doute pas d’ètre frappé par Ies nom-
breux point de ressemblance entre les deux observations.
Obs. I (Séglas et Collin) (résumé).
Femme, 31 ans, entrée juUlet 1909, sortie juillet 1911. Soeuraété
aliénée. Normale antérieurement, mais « volonté faible Emotion
brusque (découverte d’un adultère clont elle était coupable, par le
(1) Aoflt 1909. — Juillet 1910. — Aoflt 1912. — Octobre 1912.
(2) Skglas et Coli.in. Emotion-choc. Psychose confusionnelle. — Presst
Midicale, l cr l'évTÌer 1911, p. 81.
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Original frn-m
UNIVERSm' OF MICHfGAN
UN CAS DE PSYCHOSE DÉGÉNÉRàTIVE post-émotionnelle 151
mari). Prostration, puis, quelques jours après, troubles mentaux
aigus. Coulusioa mentale : désorientation; langage décousu, aucune
suiU dans les idées; inattention, Agitation extrème : excitation
moifice, mouvements stéréotypés. Loquacitó absente. Quelques
idées de grandeur. Pas de délire systématisé, pas d’hailucinations, pas
de négativisme. Indifférence à la réalité. Fausses reconnaissances.
Riresans motifs. Préoccupations érotiques. Pas de troubles physiques.
Dwée de la période aigué : environ six mois. — Amélioration progres-
áve, sort « dans un état aussi satisfaisant que possible ». Conserve de
I’amnésie pour le choc émotionnel et pour toute la période aigue.
Obs. II (pevsonnelle).
àgée de20 ans, entre à l’asile de Saint-Venant ie 21 janvier
1512.
AŃHcéàerús hérédUaires. — Fille unique. Père alcoolique et déséqui*
lifcré; pas débtíe.
Antécédenis personneis. — Pas de maladies antérieures devant
èbe notées. A toujours été normale. Bonnes études (« a toujours eu
lowlesprix »). D’une famille de musiciens, a fait également beaucoup
de mumque. Dormait des legons de piano dans une petite ville de
prwrince. Condulte irréprochable. Dans les demiers mois de 1911,
s’est beaucoup surmenée; à la mèrae époque, se nourrissait très mal
(dépenses exagérées du père qui ruinait sa famille), et assiotait eons-
tamment à des scènes pénibles à la maison.
Débui . — Celui-ci a eu lieu exactement le l er janvier 1912. Avant
cette date, il n’y avait aucun symptòme de folie : était parfaitement
cahne, normaíe, dormait bien. Ce jour-là, allant rendre visite à une
femme que la veille encore elle avait vue vivante et bien portante, la
l.wve raorte dans sa chambre : elle entr’ouvre la porte, et voit devant
ele un cadavre. Jusque-là, n’avait jaraais vu un mort; l’impression
reasentie paraft avoir été très violente, mais il n’y a eu ni perte de
connaissance ni convulsions. De ce jour, le sommeil devient profondé-
ment troublé; l’insomnie est presque absolue. Croit voir la morte
pendant Ia nuit; tient des propos délirants : «Cette morte m’empoi-
sonne le sang ». Pendant la journée, travaille comme d’ordinaire et con-
tmue à donner des legons de piano. Pourtant on note quelques
bizarreríes : B... se met à manger du pain en quantité exagérée, et
d’une manière générale manifeste une boulimie marquée. Cet état dure
jusqu'au 19. La veille encore, a donné toutes ses h'eons, <f personne
ne s'est aperQu de rien ». Le 19, brusquement, ccsse de faire de la
masique et de donner des lecons. Devicnt agitée, manifeste des idées
de persécution, on veut la faire mourir, la morte veut rempoisonner.
Puérilisme : imite l’enfant, dit : « je viens au monde, je ne peux
manger que des ceufs, je suis toute petite. » Pas de désorientation. Pas
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UNIVERSfTY OF MICHIGAN
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REVUE DE PSYCHIATRIB
d’hallucinations. Logorrhée. L’insomnie devient absoule. En quelques
jours, l’excitation devient très intense, et l’intemement a lieu.
Séjour à Vasile . — La malade entre dans le service en pleine agita-
tion. Dès le débul, elle est alitée dans la salle commune, et malgré
l’extrème excitation, a toujours gardé le lit sans difficulté. Nous
n’avons pas besoin de dire qu’aucun moyen de contrainte ne fut
employé. Dans son lit, B... reste rarement tranquille, et mème alors
affecte des poses bizarres, par exemple se pelotonne au fond du lit,
s’y contournant corame un anneau. Généralement, fait toutes sortes
de mouvements, dont quelques-uns sont nettements stéréotypés : se
balance sur la barre du lit, fait avec le thorax des mouvements
répétés, rapides et stéréotypés, d’avant en arrière, parfois se penche
brusquement en dehors du lit et reste la tète sur le plancher. Certains
gestes et mouvements stéréotypés sont répétés pendant une durée
fort longue. On ne note ni impulsivité, ni négativisme, ni suggestibilité.
Pas de catatonie. Est assez docile; se laisse habiller et déshabiUer;
refuse parfois la nourriture, mais il n’est jamais nécessaire d’employer
la sonde. Insomnie. Loquacité pathologique, spontanée, ne se mani-
íestant pas du tout à l’occasion des questions qu’on lui pose : évite
au contraire d’y répondre, ne fait pas attention à ce qu’on lui demande,
ne parle pas de la réalité ambiante. Le langage est tout ò fait incohè-
rent. La malade est confuse et désorientée, saute d’une idée à une
autre, extériorise toutes ses pensées. Parle de sa famille, de ses études,
de ses amies, de son enfance, et beaucoup de cette femme morte
qu’elle avait vue le l er janvier. On note quelques idées mystiques.
Pas de systématisation. Pas d’hallucinationa. Quelquefois rit sans
motifs. Se plaint souvent de céphalalgie. Ne présente aucun trouble
physique, sauf un peu de constipation. Traitement : alitement, enve-
loppements humides, chloral pour la nuit.
Cet état aigu a duré plus de deux mois, jusque vers le commence-
ment d’avril. Peu à peu l’agitation a fait place à un état de calme, qui
n’était tout d’abord qu’intermittent et du reste tout relatif. Dans la
seconde moitié d’avril, nous notons encore, à la date du 25, un degré
appréciable d’excitation, surtout motrice. La malade n’est plus alitée,
elle va et vient dans les salles, parfois se met à courir tout autour du
jardin, sans but, faisant des enjambées anormalement grandes. Parle
moins. Rit sans motifs, mais il lui arrive de piaisanter d’une fagon
assez spirituelle. Est plus attentive à ce qui se passe autour d’elle. Ne
répond toujours pas aux questions, sur l’áge, la date actuelle, I’époque
de son entrée; dit: «je ne sais pas »... ne sait pas où elle est. Manifeste
•ncore des idées mystiques. Peu à peu, on l’habitue au travail, mais
elle reste au début peu de temps à la mème place. En mai, l’améliora-
tion s’accentue, et voici quelle était, dans ses traits généraux, la
situation au 12 mai: n’est agitée d’une manière intense que pendant
la période menstrueile, le reste du temps l’est fort peu et seulement
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UMIVERSITY OF MICHJGAM
UN CAS DE PSYCHOSE DÉGÉNÉRATIVE POST-ÉMOTIONNELCE 153
au point de vue moteur; s’occupe, mais pas de fagon suivie (lecture,
travaux manuels, refuse de jouer du piano); aucune initiative, ne
s’intéresse à rien, ne parle pas de sa famille, ne demande pas sa sortie;
parfois rit sans raison, a passé la nuit du 10 au 11 à rire; sommolence
par moments; boulimie; attention instable, est encore désorientée, ne
peut dire depuis quand elle est ici... « depuis longtemps «; ni délire,
ni hallucinations; calcule rapidement, exemples :5x6 = 30;8x 9 = 72L
Depuis le mois de mai, ramélioration faisait des progrès rapides et
sensibles. Le 6 juin, Tétat est déjà très bon, et nous pouvons le
résumer ainsi : est parfaìtement calme; s’occupe régulièrement,
travaille très bien (travaux manuels); répond bien aux questions,
n’est pas désorientée; parfois, il y a une certaine puérilité dans l’atti-
tude générale; paralt fatiguée; dort très bien.
Guérison. — Dès la fin de juin, Ia guérison apparaft complète. En
juillet, B... est complètement revenue à son état normal. Elle apparalt
comme une personne de caractère plutòt réservé (a toujours été ainsi),
bien élevée, instruite, jouant facilement du piano, peut-étre un peu
timide et manquant d’énergie. Se rend compte qu’eìle a eu un accès
d’aliénation mentale. Se rappelle bien l'émotion subie le l er janvier
et ce qui s’était passé les jours suivants : dormant mal la nuit; n’était
pas dans son état normal; continuait à donner ses legons de musique,
mais certaines choses lui paraissaient étranges («il m'a semblé que les
yeux de toutes les personnes étaient changés, ils avaient une autre
expression que d’habitude, ils étaient plus grands, ils ne pouvaient
pas bouger, mais restaient fixes », durée de ce trouble, deux jour,
environ). II y a amnésie pour les jours ayant précédé son internement,
quand l’excitation était déjà notable, et aussi pour les premiers mois
de son séjour à l’asile; nous n’avons pu élucider avec précision si cette
amnésie n’est pas autre chose qu’une grande confusion dans les
souvenirs. Le 18 juillet 1912, B. sort de l’Asile, et la guérison s’est
parfaitemeut maintenu. Elle a repris ses occ pations antérieures et
seconduit normalement (demiers renseignements : mars 1913).
Résumons maintenant les traits principaux qui caractérisent
es deux observations. Le terrain dégénératif, surtoutchezB..., n’est
pas douteux. Le róle de rémotion nous paraltégalementbienétablh
la malade de Séglas et Collin voit brusquement son adultère décou-
vert par le mari; Ia nòtre, allant rendre une visite de jour de Tan,
se voit subitement en présence d’une morte. La phase d’incubation
est de plusieurs jours, puis éclate un accès confusionnel aigu. La
désorientation est profonde, de mème le manque d*attention, Tindif-
firence à la réalité ambiante. L’agitation motrice est intense; ú
y a des stéréotypies, mais pas de symptómes catataniques propre-
ment dits; ríre sans motif. Pas d’hallucinations. Iln’yapas d’idées
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
154
HBVtJE DE POTCHMTRIE
délirantes persistantes. Parmi les phrases qne prononce la malade,
il est facile de retrouver les traces de I’influence émotionnelle; on
peut faire la méme remarque pour certains gestes et attitudes.
Au bout de quelques mois, la phase aigué faitplace à un état su-
haigu; celui-ci dure également quelqueB mois, et hnalement ne
terminaison favorable a lieu. Une anmésiepour torite la phaseaignè
a existé dans nos deux cas. Les signes physiques étaient absents.
II est facile de marquer la diflérence avec la confusion mentale
proprement dite, qui est pour nous toujours liée à des causes soma-
tiques : mode de début, absence d’halhicmationa, absence 4e signes
physiques, idées morbides en rapport avec la cause psychique effi-
ciente. Certains traits rappellent ladémenceprécoce.Mais nous avons
pu éliminer ce diagnostic pour notre malade dès les premiers jours
d’observation : début trop brusque, pas de catatonie, pas de phàxt-
mènes de discordance psychique; nous n’avons pris en considéia-
tion ni le rire sans motif, ni les stéréotypies. S’agit-il d’une forme de
folie prériodique ? Nous ne le pensons pas : il n’y a pas eu de phase
dépressive appréciable, il y a eu de l’excitation confusionnelle sui-
vie d’amnésie, sans ressemblanoe avec de I’excitation maniaque.
Ainsi que nous le disions au début, nous ne voulons tirer aucuae
conclusion générale, mais simplement dégager qnelques symp-
tòmes. L’ohservation de Dumas et Delmas (1) prouve précisément
que les tableaux morbides ne sont pas toujours univoques. Mais
dans leur cas la dégénérescence mentale n’est pas mentionnée et
d’autres part la nature de I’émotion (accident de chemin de íer)
est différente de celle qu’on constate chcz les deux malades que
nous avons en vue : la malade de Séglas et Collin, comme la nòtre,
ont subi toutes les deux une émotion-choc, suivie certainement
d’un certain chagrin (v. plu8 haut); ce point mérite d’ètre noté
dans ce domaine des maladies mentales de causepsychique, qui est
une des plus obscures de la pathologie.
(1) Dumas et Delmas. Psychose confusionnelle par émotion-choc. Soc. de
Psgchiatrie, íévrier 1911.
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LE CATALOGUE I)E « L’ENFER »
DE LA BIBLIOTHÉQUE NATIONALE
Par Jean Vinchon,
inlerne de VAiile Clinique.
L’étude bibliographique des livres de « l’Enfer » de la Bibliothè-
queNationalepubliéerécemmentpar le Mercure de France( 1) est une
sour e de documents précieux pour l’histoire des perversions
sexuelles.Déjà,sous la Convention, un député, l’abbé Grégoire, avait
eompris cet intérét spécial et les auteurs nous rapportent son avis
dansleur Préface. «11 ne serait pas impossible qu’on finlt pardonner
àcesouvrages dans les bibliothèques la méme place qu’auxpoisons,
aux monstruosités, aux productions bizarres et singulières dans les
cabinets d’histoire naturelle. Qui sait encore, ajoutait-il, si lephilo-
sophe n’y trouverait pas des renseignements utiles (2). »
Sans doute il n’y a pas ici que des ceuvres de malades et bien des
pages libres ont été écrites par des littérateurs, dont les autres oeu-
vres ne décèlent pas la moindre tare psychique.D’autre part, desou-
vragescélèbres,bien connus des psychiatres, comme les Nouvelles de
Sacher Masoch, manquent à la collection et sont classés dans les
autres divisions de la Bibliothèque Nationale. Gela n’étonne pas
lorsque l’on réfléchit que souvent le recrutement des livres de « l’En-
fer » a été livré au hasard des circonstances. L’idée de Bonaparte
inspirée de celle qui avait amené les Pape3 à créer l’Enfer de la Bi-
bliothèque du Vatican fut tantòt reprise et tantót délaissée. Le plus
ou moins de pruderie de l’époque, la licence des illustrations, une
saisie chez un libraire ou un amateur au cours d’un procès retentis-
santont été les mobiles qui ont guidé les bibliothécaires dans leur
choix, à défaut de méthode raisonnée.
(1) Gufllaume Apolunairb, Femand Fleuret et Louis Perceau. L 'Enfer
dele Bibflotbèque Nationale. Paris, Mercure de France, 1913.
(2) Préface, p. 7.
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156
RBVUB DE PSYCHIATRIE
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Nous allons cà et là noter, en feuilletant la bibliographie du Mer-
cure, quelques passages particulièrement intéressants, car le cadre de
cet article ne nous permet pas de nous livrer ici à une étudecum-
plète.
L’antiquité, Ie moyen 8ge, la Renaissance et le xvn e sièclene
sont représentés que par de rares volumes; en revanche, il n’en est
plus de mème pour la fin de l’Ancien Régime, la Révolution et les
Temps modernes. Entre 1780 et 1810, il y a une floraison abondante
et c’est là que le psychiatre peut glaner.
Lemarquis de Sade occupe naturellement une place d’honneur.
Ginquante numéros sur neuf cent trente lui sont consacrés et on y
trouve les descriptions des exemplaires de« Justine, ou les malheurs
de la vertu»; de «la Nouvelle Justine,suivie de l’histoire de Juliette
sa sceur; » de « la Philosophie dans le Boudoir ». Les différentes
éditions de« Justine » sesuccèdent depuislemanuscrit écrit en quinze
jours et les deux volumes in-8° publiés en Hollande chez les Libraires
associés en 1791, jusqu’aux réimpressions modemes venues de
Bruxelles.
Les notices qui accompagnent chaque numéro nous fournissent de
nombreux renseignements. Tout d’abord, la vogue dès la premiére
édition, semble marquer dans les idées d’alors une réaction contre
e culte de la vertu et de la sensibilité si fort à la mode jusque-là.
Puis le marquis se laisse griser par le succès : il entreprend de su-
renchérir encore sur ses excentricitès et c’est toute une série de
peintures « plus propres à donner le cauchemar qu’à provoquer des
ardeurs érotiques » (1).
€es descriptions sont mèlées à des dissertations philosophiques
où des idées originales altement avec d’autres empruntèes à la Met-
trie et à d’Holbach : on y découvre le germe des théories de Dar-
win, sur le transformisme et le rSle de la lutte pour la vie sur les
modifications de l’espèce. Quant à la moraIe(?)del’auteur, elle se
résume dans la défaite de la vertu qui ne permet pas d’atteindre au
bonheur et l’exaltation du crime, source de toute félicité et de toute
volupté. Gette morale lui paraissait tellement belle qu’il voulait
la faire connaltre partout et peut-étre y réussit-il dans une certaine
(1) Ouv. cité p. 241 extrait dela Préface de réimpression de Liseux par Alcide
Bounbaux.
Go gle
Original fro-m
UNlVERSmrOFMlCTll GAN
l’enfer oe la bibliothèque nationale
157
mesure, car, effectivement, certains révolutionnaires revenaient avec
une prédilection inquiétante à la lecture de « Justine ».
Le n° 538 est un pamphlet du célèbre marquis : « Zoloé et ses
deux acolytes ou quelques décades de la vie detrois jolies femmes ».
Joséphine de Beauhamais en était l’héroìne et Bonaparte comprit
alore la nécessité des Bastilles, puisqu’il fit enlever l’auteur et l’en-
vova à Sainte-Pélagie, et ensuite à Bicètre et à Gharenton, où Esqui-
col s’étonne de le voir monter des petits spectacles, gràce à ses con-
naissances dans le monde des coulisses, etcontribuer ainsi au traite-
ment moral des malades de l’asile.
Le marquis de Sade avait profité de la liberté pour faire paraltre
sesoeuvres, etce fut surtoutà cause d’elles, parce qu’il ne voulaitpas les
désavouer, qu’il passa vingtsept ansde sa vie dans onze prisons dif-
férentes. Jamais en somme, méme au moment où la licence était Ie
plus grande dans les mceurs publiques, sous la terreur et la réaction
de Thermidor, il ne chercha à réaliser ses imaginations effroyables,
etqui étaient surtout chez lui de la littérature. Le docteur Cabanès,
aconclu son étude en niant la folie de l’auteur de « Justine » et d’au-
tres ont méme été jusqu’à le considérer comme un esprit remarqua-
ble à plusieurs égards.
Restif de la Bretonne, le fétichistie du pied, sur la psychologie de
qui une thèse intéressante thèse de Bordeaux a jeté un jour parti-
culier, avait réfuté le sadisme dans l’« Anté-Justine », mais en
s'étayant sur des arguments si osés que la police du Consulat donna
la chasse à ce livre qui circulait sous le manteau parmi les habitués
des Galeries du Palais-Royal. Les exemplaires de « I’Enfer » seuls
ont échappé à la destruction générale.
Les « Blasons et Gontreblasons du corps masculin et féminin », com-
posés par plusieurs poètes avec les figures au plus près du naturel,
eonstituent un recueil de vers du milieu du xvi® siècle, dont plusieurs
pièces semblent écrites par des fétichistes qui exaltent l’un les mains,
I’autre les cheveux, un troisième la gorge. II suffit de se rapporter
aux traités de psychiatrie et de médecine légale, pour savoir com-
bien dans ces cas les frontières de la maladie sont factices, et pour
comprendre que l’on peut, suivant leséco!es,considérerou non ces
vere comme des manifestations anormales. Beaucoup de ces « bla-
»ns » sont anonymes, quelques-uns seulement peuvent ètre attri-
bués et non à d§s moindres, puisque Clémeńt Marot aurait été l’un
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UNIVERSÍTY OF MICHIGAN
158
RBVDE DB PSYCHIATRIE
<Ies collaborateurs. La présence de ces recueils à l’Enfer est expliquée
par certains « blasons » sur lesquels il n’est pas besoin d’insister.
Le masochisme est à peine représenté et la littérature spéciale de
la flagellation n’y compte qu’un seul livre, modeme et peu intéres-
sant.
L’inversion sexuelle est par contre un prétexte à contes et à ro-
mans très nombreux. On la retrouve dans de nombreux pamphlets
contre Marie-Antoinette, où l’auteur a cherché souvent à faire à la
fois oeuvre érotique et ceuvre politique. Ou bien ce sont des intrigues
plus ou moins compliquées, évoluant dans des milieux variés comme
le cloltre et le monde, des lettres de précepteurs à leurs élèves,etc...
En résumé, on'voit que toutes Ies formes des perversions de l’ins-
tinct génital sont représentées dans les livres de l’Enfer : sadisme,
masochisme fétichisme et invereion sexuelle. Comme nous l’avons
dit, il est souvent difficile de faire la part de I’élément pathologique.
En touscas,ily a.dans le fait méme d’écrire une page obscène,déjà
un certain relàchement de la personnalité qui, dans l’état actuel de
la société, peut devenir inquiétant: quelques artistes sans prèjugès
ont pu chercher là une source d’art moins explorée que les autres,
mais il ne faut pas oublier les dangers de l’appel aux instincts.
Chez Ies aliénés, les écrits et les dessinsobscènesnesontpas rares
et là on ne trouve aucun souci d’art ou de littérature : entre ces pro-
ductions et certaines pages qu’on s’entend à ne considérer que
comme des badinages, les échelons sont nombreux et conduisent
insensiblement de l’état normal à l’ètat pathologique.
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
NOUVELLES
m* Gongrès internatìonal de Neurologie et de Psychiatrie
(Gand, 20-26 aoùt 1913). — Voici le programme du Congrès qui doit
se réunir sous la présidence de MM. Crocq et Glorieux.
I. Rappots. — Psychialriej psychopalhologie el assistance. — MM. les
proíesseurs von Wagner et Pilcz (de Vienne): Ueber die Behandlung
der Progressive Paralyse.
MM. Sérieux et Lucien Libert (Paris) : Les psychoses interpréta-
tives aigués.
M.Smith ELYjEUFPE(New-York) :Thegrowth and developpment
oí the psychoanalytic movement in the United States.
M. Parhon (Bucarest) : Les glandes à sécrétion inteme dans leurs
rapports avec la physiologie et la pathologie mentale.
M. Sollier (Paris) : Les états de régression de la personnalité.
M. Ed. Willems (Bruxelles) : Anatomie pathologique despsychoses
séniles.
MM.A.Ley et Menzerath (Bruxelles) : La psychologie du témoi-
gnage chez les normaux et les aliénés.
M. Ferrari (Bologne) : La colonisation libre des enfants anormaux
et des jeunes criminels.
M. van Deventer (Amsterdam) : L’organisation de l’assistance et
de Tinspection des aliénés hors des asiles y compris les psychopathes.
MM. Claus (Anvers) et Meeus (Gheel) : Le patronage des aliénés.
M. Decroly (Bruxelles). L’examen mental des anormaux.
M. James Mac Donald (Ecosse): Sujet réservé.
II. Communications. — Les membres du congrès peuvent présenter
des communications originales ayant trait à un sujet quelconque des
sciences neuropsychiatriques. Ils sont priés d’envoyer le titre de ces
commumcations avant le 1® mai 1913 et un court résumé, destiné
à la presse, avant le l cr juillet 1913.
Dispositions générales. — Le congrès se compose de membres
eííectifs et de membres associés; la cotisation est de 20 francs pour
les membres efíectifs et de 10 francs pour les membres associés; les
premiersontseuls le droit de prendre part aux délibérations du congrès.
Les rapports seront imprimés et distribués avant l’ouverture de la
session.
Les langues admises sont le frangais, le néerlandais, l’allemand et
l’anglais.
L’exposition intemationale de Gand offrira un attrait tout particu-
lier pour les congressistes; des renseignements leur seront fournis
concemant les logements.
Priòre d’adresser les adhésions et le montant des cotisations au
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
160
REVUE DE PSYCHIATRIE
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docteur Deroitte, trésorier du Congrès, avenue Albert, 192, Bruxelles.
Gonférence internationale pour l’étude des causes dea
maladies mentales et leur prophylaade. — Cette conférence se
tiendra à Moscou en mème temps que le cinquième congrès pour l’assis-
tance des aliénés. A son ordre du jour figurent les rapports suivants :
1. La question de Vhérédìié étudiée par les méthodes staiisliques
(Tamburini, Rudin).
2. La doctrine de la démence précoce el la théorie de la dégénérescence
(A. Marie, Bajenoff).
3. Les services ouverts pour déliranls hors de VAsile (Van Deventer,
Caswell).
4. Nouvelles méthodes thérapeuliques conire la paratysie ginérale
(Wagner v. Jauregg, Donath).
5. Les dégénérescences alcooliques (Roubinovitch, Cetline).
6. Les influences cosmiques dans Véiiologie de certains phénomines
mentaux (A. Marie, Ossipow).
7. Traitement chirurgical de certaines affeclions mentales (Perciol,
Delbet).
8. Organisalion uniforme de Venseignement des Infirmiers et ses
sanclions officietles (Morel, Dawson).
Personnel médical des asiles. — M. Dubourdieu, directeur-
médecin de l’asile de Bourges, nommé directeur-médecin de l’asile
d’Alengon.
M. VERNET,directeur-médecinde Tasile d’Alengon, nommé directeur
médecin de l’asile de Bourges.
M. Privat di Fortunié, médecin-adjoint de la colonie familiale
de Dun-sur-Auron, nommé directeur-médecin de l’asile de Lesvellec.
M. Froissard, médecin-adjoint de l’asile de Pierrefeu, promu à
la première classe.
M. Wahl, médecin en chef de l’asile de Pontorson, promu à Ia
3 e classe.
M. Rougean, médecin-adjoint de l’asile de Saint-Gemmes, promu
à la classe exceptionnelle.
XXIII 6 congrès des aliénistes et neurologistes de France
et des pays de langue francaise (Le Puy, l er -6 aoùt 1913). Pro-
gramme. — Vendredi l er aoùt . — Matin : Séance d’inauguration à
l’hòtel de ville, à neuf heures et demie.
Après-midi : Séance à treize heures et demie à la « Dentelle au
Foyer », avenue de la Dentelle. Premier rapport: « Les troubles du
mouvement dans la démence précoce.« Rapporteur : M. le docteur
Lagriffe (dlAuxerre).
Samedi 2 aoài . — Matin : Séance à neuf heures.Deuxième rapport:
« De l’anesthésie dans l’hémiplégie cérébrale. » Rapporteur : M. le
docteur Monier-Vinard (de Paris).
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
NOUVBLLES
161
Après-midi : Séance à treize heures et demie. Cominunications.
A quinze heures, réunion du Comité permanent.
A seize heures, assemblée générale.
Dimanche 3 aoùi . — Le soir, réception offerte par le président
aux membres du Congrès.
Lundi 4 aoút . — Matin : Séance à neuf heures. Troisième rap-
port:«Conditions de Tintervention chirurgicale chez les aliénés au
point de vue thérapeutique et médico-légal. » Rapporteur : M. le
D r Picqué (de Paris).
Après-midi : Visite de l’asile d’aliénés. Séance de communications
à l’asile.
La psychiatrie au Palais. Accident, cause occasionnelle
d’alińnation mentale. — Voici les conclusions du jugement rendu
par la quatrième Chambre du Tribunal civil de la Seine, à la date du
16 décembre 1912 :
« Attendu que les conclusions de la Compagnie la Préservatrice ne
peuvent ètre accueillies, le traumatisme dont a souffert Marzin
n’ayant pas seulement eu pour effet de hàter l’état de folie dans lequel
celui-ci se trouve et qui eùt fatalement éclaté par la suite, mais ayant
été, au contraire, la cause occasionnlle et déterminante de ce état;
« Attendu en effet, que, quelle que soit la part d’influence faite à la
constitution héréditaire et a l’intoxication alcoolique de Marzin dans
son état actuel, il n’en est pas moins certain que les experts, après
avoir déclaré, en termes formels, dans leur rapport, que le trauma-
tisme dont s’agit a joué le ròle de cause occasionnelle pour engendrer
certaines modifications des centres nerveux, ont conlu : 1° que les
tioubles mentaux dont Marzin est atteint entralnent une incapacité
totalede travail; et 2° que,si on ne peut affirmer que l’état metal du
blessé soit uniquement la conséquence de l’accident, le traumatisme
dont Marzin a été victime le 26 avril 1910 a du moins été la cause
occasionnelle chez un sujet prédisposé par sa constitution antérieure
et notamment par les troubles qu’engendre dans l’organisme l’intoxi-
cation alcoolique chronique;
« Attendu que la constatation ainsi faite par les experts, que le
traumatisme a été la cause occasionnelle et déterminante des troubles
mentaux de Marzin suffit pour faire droit à la demande intentée par
son mandataire ad liquern Loius Clair, sans qu’il y ait lieu pour le
Tribunal de s’arrèter aux observations dirigées contre le rapport des
experts par le docteur R.Voisin qui n’a pas examiné l’ouvrier aliéné;
« Par ces motifs :
« Déclare la Compagnie la Péservatrice non recevable dans ses
concìusions à fin de nullité d’expertise; la déclare également mal
londée dans lesdites conclusions ;
«Condamne ladite Compagnie la Préservatrice, substituée à
Jaujard et Boussiron, à servir à Marzin une rente annuelle et viagère de
1.643 fr. 13, le salaire de Marzin s’étant élevé dans l’année qui a précé-
dé l’accident à la somme de 2.658 fr. 80, à dater du 19 mars 1910, jour
oè Marzin a dù cesser définitivement son travail qu’il avait essayé
de reprendre quelques jours après l’accident;
« Condamne la Compagnie la Préservatrice en tous les dépens. »
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REVUE DES SOCIÉTÉS
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SOGIÉTÉ MÉDIGO-PSYGHOLOGIQUE
Séance du 31 mars 1913.
Responaabilité d'un malade guóri portant sur des actes
antérieurs à son intemement, par M. Vigouroux. — A propos de
la communication íaite par M. Trénel à la séance de février sur
l’opportunité de la comparution des aliénés en justice, M. Vigouroux
rapporte une observation qui peut étre ainsi résumée. Un homme de
35 ans commet une escroquerie pour laquelle il est inculpé. Avant de
passer en jugement, il est atteint de confusion mentale avec agitatioa
et délire, s’accompagnant de phénomènes névrotiques graves :
artérite fémorale, gangrène, amputation de la jambe: Le médecin
traitant consulté, au eours de la maladie, sur la question de savoir si
le malade peut se présenter devant le tribunal, est eu fin de compte
commis comme expert à l’époque de la convalescence; il déefare q m
le malade est responsable de ses actes et doit en rendre compte à fa
justice, puisque le délit est antérieur à la psychose. Mais, à cause de
l’hérédité très chargée du malade, à cause de la gravité des phénoraènes
physiques présentés et de la diminution sociaíe en résultant, O deman-
de rindulgence du tribunaL Le malade est condamné avec sursis, et
échappe ainsi à la prison.
La réaction d’activation du venin de cobra dani les maladies
mentales, par MM. Klippel, M.-P. Weil et E. Lévy. — Etant
donné, disent ces auteurs, l’extrème richesse du névraxe cn graisses
phosphorèes, nous nous sommes demandés si les humeurs des sujeU
atteints d’affections mentales n’en seraienfc pes particulièrement
riches, et si le fait ne pourrait ètre décelé gráce à la réactkm de Tactiva-
tion du venin de cobra.
Dans le liquide céphalo-rachidien et dans le sang de malades atteinU
d’affections mentales diverses, nous avons recherché systématique-
ment la préscnce de lécithine à l’aide de la réaction de l’activation du
venin de cobra. Tandis que les paralytiqucs généraux et les déments
précoces ont un sérum qui, cn rcgle générale,a la propriété d’aciiver le
venin dc cobra, lcs malades atteints de psvchoses à formc dépressive se
distinguent par la rareté de ce pouvoir de leur sérum, et par son peu
d’intensité quand il existe. Le sérum de ces malades ne réactive guère
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RBVUE DBS SOCIÉTÉS
163
plusbéquemment le venin de cobra que ne le fait ceiui d’individus nor-
maux ou celui de sujets atteints d’affections diverses relevant de la
módecine générale.
Dans la plupart des états mentaux autres que ceux que nous
venons de passer en revue, le sérum des malades est capable d’activer
le venin de cobra, dans des proportions et à des degrés variables.
Nous n’avons pas eu l’occasion d’examiner assez d’échantillons de
sang provenant de ces malades, pour qu’il nous soit possible de tirer
des conclusions formelles : nous croyons toutefois intéressant de
grouper ces résultats dans le tableau suivant :
Maladies mentales diverses .
Dimence sénile ..
ServicedeM.Klippel .
.. Gérando, 11 bis
+
— typhililique .
—
Vigouroux N° 13 .
— -
—
—
N° 15 .
Dibililé menlále .
—
—
No 22 .
+ +
Paranola . .
—
Pactet .
. .N° 10 .
4“
_
. .N° 11.
___
— .
—
Capgras
. .N° 9 .
+ + +
—* ......
—
—
. .N° 17 .
+ +
Poignéurite alcoo-
lique el syndro-
me de Korsakov .
—
Klippel..
.. Laénnec, 8 .
+ + +
— —
—
Capgras
. .N° 16 .
+ H—h
— —
—
Vigouroux N° 19 .
+ +
Dèftnèré excilé
maniaque ....
—
—
No 20 .
—
Manie .
—
Capgras
. .N° 11 .
+ + +
— .
—
—
. .N° 15 .
+ +
_
_
Pactet .
. .N° 1 .
4-U
— .
—
. .N° 2
T T
+ ++
— .
—
— ..
. .N° 4 .
+ 4—f-
Nous ne ferons quc souligner la constance et rintensité de la réaction
positive chez les maniaques et chez les alcooliques atteints de polyné-
vrite avec syndrome de Korsakov.
En résumé, et d’une fagon générale, le sérum des malades atteints
d’affections mentales présente d’une fagon à peu près constante le
pouvoir d’activer le venin du cobra, sauf dans trois conditions :
1° Si un laps de temps trop considérabJe s’est écoulé entre le
moment de la prise du sang et celui de son examen : il s’agit alors d’une
íaute de technique;
2° Si Ie malade est atteint d’une psychose à forme dépressive [: il
s’agit là d’une particularité susceptible d’étre intéressante au point
de vue du diagnostic ;
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164 RBVUB DB PSYCHIATRIB
3° Si, du moins chez les paralytiques généraux ou les déments
précoces, raffection est arrivée à un stade très avancé de son évolu-
tion. 11 s'agirait là d’un trouble morbide dont la valeur pronostique,
si elle se confirmait, pourrait ètre considérable.
C’est chez les déments précoces que la réaction est le plus fortement
et le plus intensivement positive. Tandis que dans la tuberculose
pulmonaire,oùlaréaction cependant s’observe avec une telle fréquence
-que, selon Calmette, Massol et Breton (1), elle pourrait avoir une
haute valeur diagnostique, le pouvoir activant du sérum vis-à-vis du
venin du cobra ne s’observe que dans 76 p. 100 des cas de tuberculose
au premier degré, de 57 p. 100 des cas de tuberculose au deuxième
degré, de 70 p. 100 des cas de tuberculose au troisième degré (dans
47,3 p. 100 des cas selon Bauer et Lehndorff (2), dans 87 p. 100 selon
Pekanovich) (3), dans la démence précoce nous avons vu la réaction
exister dans près de 95 p. 100 des cas, et étre intense dans plus de
52 p. 100 des cas examinés.
Aus8i pensons-nous que, chez un malade dont le diagnostic est
hésitant entre démence précoce et syndrome à forme dépressive, le
pouvoir activant du sérum mérite d’ètre recherché. S’il est intense,
o’est un élément important en faveur de la démence précoce ; s’il est
absent, c’est au contraire une présompUon, mais plus importante
encore, en faveur d’un syndrome mélancolique.
Enfin, au point de vue physio-pathologique et dogmaUque, l’étude
<lu pouvoir activant du sérum des malades atteints d’affecUons
mentales vis-à-vis du venin du cobra est des plus intéressantes.
L’extrème fréquence du pouvoir activant chez ces sujets nous démon-
tre en effet la richesse de leur sérum en graisses phosphorées, dont
l’origine réside bien vraisemblablement dans la désintégraUon
nerveuse. Aussi n'est-il que plus intéressant encore de souligner
l'absence de ce pouvoir acUvant dans le liquide céphalo-rachidien
des malades (paralyUques généraux).
Gette communicaUon motiva la discussion suivante :
M.Briand. — Quel est le résultat de cette réacUon chez les individus
sains?
M. Weil. — Elle est posiUve dans 20 p. 100 des cas environ. Chez
les tuberculeux, elle devient positive dans 70 p. 100 des cas et dans
40 p. 100 des cas chez les syphiliUques.
M. Piéron. — Les résultats obtenus par M. Klippel et ses collabora-
teurs correspondent-ils à ceux qui ont été obtenus à Lyon?
M. Klippel. — Le travail auquel M. Piéron fait allusion et qui a
été publié dans Ia revue du professeur Lacassagne n’a porté que sur
(B Galmbttb, Mabsol et Breton. C. fí. Acad . des sciences , 30 mars 1908; et
in Thèse de Raymond Letulle. Paris, 1912.
(2) Bauer et Lehndorff. Soc. méd. de Berlin , 1909.
(3) Pekanovich. Deutsche mediz . Wochenschr ., 1910, p. 144.
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REVUE DES SOCIÉTÉS
165
un nombre restreint de cas, et lorsqu’on fait des statistiques, il faut
opérer sur des cas très nombreux. Toutefois, en ce qui concerne la
démence précoce, nous arrivons à des résultats comparables.
Nous ne prétendons pas, d’ailleurs, en vous communiquant ces
réeultats dont l’intérèt scientifique est certain, vous apporter une
méthode immédiatement utilisable dans la pratique médicale de
chaque jour. Les réactions sur lesquelles on croit pouvoir compter
pour le diagnostic de la fièvre typholde ou de la tuberculose ne sont-
elies pas trop souvent infidèles ?
M. Piéron. — Les premiers auteurs qui ont pratiqué l’épreuve du
venin de cobra n’ont-ils pas considéré la réaction positive comme le
propre des sujets normaux?
M. Klippel. — Peut-ètre, mais le fait est conlrouvé.
M. Weil. — A l’hòpital, chez les sujets qui ne sontnidestuberculeux
ni des syphilitiques, on ne trouve pas plus de 20 p. 100 de réactions
positives et encore beaucoup de ceux qui les présentent ont-ils des
troubles des fonctions des glandes vasculaires sanguines.
M. Piéron. — II est curieux que les premiers expérimentateurs
aient eu des séries telles qu’ils aient conclu d’une fagon tout à fait
opposée à la vòtre.
M. Klippel. — Pas tout à fait, puisque dans certains cas la réaction
négative signifie: état pathologique très avancé à évolution ancienne.
M. Piéron. — Existe-t-il d’autres procédés pratiqucs permettant de
doser la lécithine contenue dans le sang?
M. Weil. — II doit exister des procédés chimiques, mais ils ne sont
pas pratiques.
Un cas de phobie à systématisation délirante, par MM.
Rooues de Fursac et Dupouy. — Les deux points capitaux sur
lesquels les auteurs de cette très intéressante observation ont désiré
attirer l’attention sont les suivants : 1° l’attitude du malade est celle
<fun hébéphréno-catatonique, et seul un examen attentií permet d’en
pénétrer la véritable cause ;
2° Le malade échafaude progressivement un déiire mélancolique
svstématisé dont ses phobies sont le point de départ: celles-ci consis-
tentsurtout en la crainte de briser les objets fragiles et en celle de con-
taminer l’entourage par le contact de la salive infectée.
P. Juquelier.
SOGIÉTÉ GUNIQUE DE MÉDECINE MENTALE
Séance du 21 avril 1913.
Intoadcation par l’oxyde de carbone. — M. Truelle montre
un malade ayant déjà été présenté le 17 février dernier par MM. Briand
et Salomon, lequel, à la suite d’une intoxication grave accidentelle
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UNIVERSfTY OF MICHIGAN
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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par l’oxyde de carbone, a manifesté, après quelques jours, un état dc
torpeur cérébrale rapidement progressif et ayant abouti à un syndrome
démentiel avec amnésie totale et gàtisme.
Aujourd’hui (troismois et demi après Taccident) lemaladeest très
amélioré et garde seulement une amnésie localisée rétro-antérograde
& limites vagues. La torpeur cérébrale a disparu, le gàtisme et ies
troubles réflexes aussi. Le docteur Trueile rappelle à cette occasion la
théorie du professeur Chauffard qui explique la pathogénie de ces
accidents consécutifs, souvent retardés, à évolution variable, par
l’existence d’une encéphalo-myélite toxique secondaire, conditionnèe
elle-mème par une hépato-toxémie par lésion de la cellule hépatique.
La première victime des bombes asphyxiantes. — M. Marcel
Briand, après avoir fait remarquer que «victime* est une expression
un peu exagérée et qu’il conviendrait mieux de qualifier les bombes
asphyxiantes de projectiles suffocants , montre un malade dangereux
dont la capture a été facilitée par ces engins.
Dans cette présentation, faite à un point de vue surtout documen-
taire, le médecin de l’Admission rappelle les conditions dans lesqueiles
ce malade, en proie à un délire hallucinatoire des plus intense, tira,
pendant plusieurs heures, des coups de revolver sur les personnes
qui l’approchaient.
La projection du liquide suffocant provoqua aussitòt un larmoie-
ment intense, obligeant le malade à tenir les yeux clos, un écoule-
ment nasal peu abondant; il éprouva une sensation telle de suffoca-
tion qu’il n’eut plus qu’un désir, se diriger vers une íenétre pour
respirer. En quelques secondes, l’air du réduit où il s’était barricadé,
son revolver à la main, était devenu à la fois suffocant et irrespirable.
L’examen des yeux fait par le docteur Cantonnet fut à tous points
de vue négatif. Jamais il n’a été constaté de lésion de bronchite,
méme légère, ni la moindre irritation de la muqueuse nasale. Si tel
est toujours l’effet des projectiles, qualifiés trop généreusement de
« bombes asphyxiantes », les aliénés dangereux n’auront après guérison
qu’à se louer d’un procédé de capture, au fond inoffensìf, lequel a
pour but de les mettre dans l’impossibilité de se livrer à des actes
dangereux. Désormais on n’aura plus de raisons de tirer sur un
aliéné — comme cela s’est déjà vu — pour s’en emparer.
Récidive d’un accès maniaque au bout de vìngt-cinq ans. —
M. Lbroy présente une malade de 47 ans avec lourde hérédité mor-
bide qui íait à 19 ans un premier accèsdemanie ayant duréquatremois.
Cette femme mène une vie normale pendant plus de vingt ans, gagne
sa vie, élève son enfant, puis, vers 40 ans, devient instable, violente,
fait des excès alcooliques. A 45 ans, éclosion d’un deuxième accès de
manie avec idées de grandeur, comparable au premier accès. 11 est
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RBVUE DES PÉRIODIQUES
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accompagnédequelquesidées délirantes avectroublesde lacénesthésie,
hallucinations auditives et psycho-motrices. Ce deuxième accès per-
siste depuis deux ans sans aucune tendance jusqu’ici à ramélioration.
Cette récidive si éloignée est intéressante; elle se rapproche du cas
donné par M. Dupouy à la Société médico-psychologique.
Amaurose. Tabes et troubles mentaux. — MM. Marcel Briand
ct Vinchon font observer que les cas d’amauroses tabétiques avec
troubles mentaux sont assez fréquents dans la littérature. Mais le
cas actuel présente un intérét particulier : à còté des paralytiques
généraux et des simples délirants, on note parfois des ensembles
symptomatiques atypiques où, sur un fond d’affaiblissement intellec-
tud,évoluent des idées de négation et de persécution plus ou moins
frustes. La conscience de la personnalité peut rester intacte. Les
auteurs demandent à la Société si ces cas correspondent aux lésions
deméningite nasale décrits par MM. le professeur Marie et Léri?
Epilepsie larvée et démence. — MM. Maurice Ducosté et
Duclos présentent un épileptique larvé qui, sujet depuis l’adolescence
à des íugues nocturnes amnésiques, à des fugues et à des impulsions
caractéristiques, finit par montrer, au cours d’un état infectieux, et
aprés vingt années d’internement, des criaes convulsives nettement
ccmitiale8.
Le point sur lequel ils insistent est le développement rapide — dès
radolescence —d’une démence profonde et à caractèreépileptiquechez
ce malade qui a attendu si longtemps avant de devenir un convulsif.
II semble en résulter que les équivalents épileptiques peuvent
saccompagner de démence au mème titre que les grandes attaques ou
les vertiges. Autrement dit que la démence peut faire suite à l’épilep-
tie ìarvée.
Impulsions érotiques chez deux saturains considérós à tort
comme exbibitionnistes, par MM. Briand et Salomon. — On quali-
fiesouvent faussement d’exhibitionnistes de6 individus ayant commis
certains attentats à la pudeur, alors que, ne rentrant pas dans le
tableau si magistralement tracé par Lasègue, ils n’ont aucun droit
à cette étiquette. Ce sont des impulsifs, plus impulsifs que pervers,
desimples masturbateurs qui n’ont nullement rintention des’exhiber,
rnais qui se cachent insuffisamraent dans un urinoir ou autre lieu.
Tels sont les deux malades que présentent les auteurs. lls offrent en
outre ceci d’intéressant que tous deux sont des saturnins, et il semble
bien que leur intoxication saturnine, à laquelle s’ajoute un appoint
ateoolique, n’est pas étrangère à leurs obsessions érotiques. Enfin, ces
malades rappellent beaucoup ces individus qualifiés par l’un de
auteurs de « chauve-souris » qui, à la prison, invoquent leur irrespon-
sabilité et, à l’asile, demandent des juges.
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UNIVERSÍTY OF MICHIGAN
168
REVUE DE PSYCHIÀTRIB
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Sclérose latérale amyotrophique p ost-traumatique et
troubles mentaux. — MM. Marchand et Dupouy montrent une
malade, àgée de 44 ans, atteinte de dépression mélancolique. Au cours
d’une tentative de suicide, elle se fait une luxation de l’épaule droite,
une fracture sus-malléolaire de la jambe gauche et une entorse du pied
droit. Les mois suivants, l’état mental continue à revètir une forme
mélancolique, mais se complique d’affaibiissement intellectuel consis-
tant surtout en une dyamnésie progressive. De plus, apparaissent les
symptòmes de Ia sclérose latérale amyotrophique. Les membres infé-
rieurs sont atteints les premiers. L’affection reste toutefois prédomi-
nante du còté gauche. A la période terminale, la parésie spasmodique
du bras gauche se transforme en une paralysie complète. L’examen
histologique confirme le diagnostic; les lésions dégénératives médui*
laires ne portent que sur les faìsceaux pyramidaux iatéraux. Atrophie
considérable des cellules motrices. Lésions scléreuses corticales et
lésions des cellules pyramidales. Les auteurs admettent que ces
lésions se sont traduites d’abord par des troubles mentaux et plus tard,
sous l’influence du traumatisme, ont entrafné la dégénérescence des
faisceaux pyramidaux.
Spirochètes et paralysie gènèrale. — MM. A. Marie, Levaditi
et Bauchowski apportent trois séries de préparations de cerveaux de
paralytiques généraux avec des spirochètes nombreux. Dans deux cas,
la méthode employée fut le frottis de substance corticale avec colora-
tion par le procédé Fontana-Tribondea^ modifié. Trois cas sur 30 ont
été positifs, c’est à peu près la mème proportion trouvée par Noguschi
et Moore, Minea et Marinesco.
Elections. — Sont élus membres correspondants à l’unanimité des
membres présents :
M. Paris, médecin en chefde l’asile de MaréviIIe (Meurthe-et-
Moselle).
M. Chbvalier-Lavaure, médecin en chef de l’asile de Montpellier
(Hérault).
M. Dide, médecin en chef de l’asile de Toulouse (H tó -Garonne).
M. Haury, médecin-major à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dòme).
J. Crinon.
SOCIÉTÉ MÉDICALE DE L’ÉLYSÉE
La thérapeutique de l’épilepsie, par M. P. Hartenberg. — Les
principales ressources dont nous disposons actueilement contre
l’épilepsie se répartissent en quatre classes : Régimes, médicaraent,
électricité, chirurgie.
Nous allons les passer rapidement en revue.
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UMIVER! T OFMICHIGAN
REVUB DES PÉRIODIQUES
169
A. Régimes. — L’observation des malades montre d’une fagon
aon douteuse que leur état gastro-intestinal influe directement sur
leure accidents. De là, l’importance des régimes.
Les grands types de ces régimes sont au nombre de trois.
1° Le régime lacté absolu que vous connaissez bien.
2° Le régime végétarien pur, consistant en légumes et en fruits
exclusivement, avec suppression totale de la viande, des oeufs et du
laiL Employé depuis longtemps contre l’épilepsie, U a été tout récem-
ment préconisé avec beaucoup d’éloquence par M. Maurice de Feury
qui y joint des boissons abondantes et des ferments lactiques.
3° Le régime que j’appeUe « régime sec », avec suppression absolua
des boissons aux repas et réduction maxima dans leur intervalle. Ce
légime est celui que je patronne moi-méme. II consiste en viande
ròties ou grUlées, en légumes herbacés de préférence, en fruits cuits. Le
malade doit s’abstenir totalement de boire en mangeant, et dans
1’intervaUe des repas, mais pas plus tòt que trois', heures après, s’ef-
ioreer de boire le moins possible.
11 est bien entendu que tous ces régimes comportent la suppression
absolue de vin, bière, cidre, liqueurs, thé, café, ainsi que de tous
aliments toxiques et épicés.
Je ne fais que mentionner ici le régime dit déchloruré, qui n’est pas
en réalité un vrai régime, c’est-à-dire un choix d’aliments, mais un
mode de préparation, applicable à tous les régimes, procédé thérapeu-
tique ayant pour but d’augmenter l’efficacité du bromure.
Ces trois régimes ont chacun à leur actif des succès et des insuccès.
Sous l’influence du régime lacté, on a vu les crises disparaitre
complètement. Mais d’autres fois, en revanche, ses effets sont nuls.
Mème dans certains cas, le mal a été aggravé.
Lerégimevégétarienexclusif a foumi également d’heureux résultats
etM.de Fleurynous en a communiqué quelques-uns des plus décisifs.
Par contre, dans d’autres cas, il est demeuré tout à fait ine ficace.
Enfin le régime sec, que j’emploie moi-mème, m’a procuré chez
certains malades des guérisons durables, parfois aussi rapides qu’ines-
pèrées. Vous les trouverez rapportées cn détails dans mes publica-
lions ultérieures. D’autres fois, je n’ai enregistré que desaraéliorations,
voire des insuccès.
B. Médicaments. — En tète vient le médicament classique de
l’épilepsie, le bromure. Vous l’avez tous ordonné sous ses diverses
formes,en y associant la cure déchlorurée qui en augmente sensible-
ment les effets.
Quelle est la valeur thérapeutique du bromure? En vérité,'elle
estassez inégale. Si certains sujets paraissent avoir été guéris complè-
tement par le bromure, 0 en est d’autres au contraire où son action est
* peu près nulle. Toutefois, chez la majorité des malades, le bromure
procure au moins au début de la médication unc otténuation marquée
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170
REVTJE DE PSYCHIATRIE
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des accidents, tant dans leur intensité que dans leur fréquence. Mals
cette amélioration n’est que purement palliative, carle plus souvent
dès que le sujet supprime ou mème diminue les doses, les accès revien-
nent comme avant la bromuration. De plus, cette amélioration, mème
artificielle, est loin d’ètre toujours durable. Nous voyons en effet, au
bout d’un certain temps, malgré une dose constante de bromure, les
accidents reparaltre peu à peu aussi fréquents et intenses qu’avant le
traitement. II y a donc là un phénomène d’accoutumace pour le
bromure, semblable à celui qui existe pour tous les médicaments.
On a essayé d’associer au bromure d’autres substances pour en
augmenter les effets ; belladone, pilocarpine, adonis vernalis, digitale,
extraits glandulaires, etc, Toutes ces associations ont paru favorables
dans certains cas; dans d’autres, elles n’ont pas agi mieux que 1e
bromure seul.
Parlerai-je maintenant de toutes les autres drogues qu’on a préco-
nisées contre l’épilepsie : sels de zinc, lactale de calcium, borate de
soude, acide borique, trinitrine, strychnine, venin de serpent, etc., etc.?
La liste en est longue, car on a tout tenté contre cette désespérante
maladie.Tous cesmédicamentsont peut-ètre procuré quelques résultats
entre les mains de leurs initiateurs; mais la pratique ne s’en est pas
répandue et on les utilise peu.
Je ne ferai que mentionner pour raémoire les médicaments de
l’épilepsie spécifique : mercure, hectine, arséno-benzol, iodures.
C. Electricité. — L’idée d’essayer l’électricité contre l’épilepsie
n’est pas neuve. II y a bien longtemps déjà que les anciens électro-
thérapeutes avaient tenté tour à tour la galvanisation du cerveau, du
bulbe, du sympathique. Mais ces méthodes n’ayant donné aucun
résultat entre leurs mains, eiles furent abandonnées. La vérité c’est
que ces premiers chercheurs avaient manqué d’audace. Les courants
employés par eux, de quelques railliampères, durant quelques minutes,
étaient évidemment insuffisants pour produire le moindre effet. Pour
obtenir une action thérapeutique par la galvanisation, il faut se servir
de hautes intensités, appliquées pendant longtemps.
Aussi, lorsque e me décidai, U y a quelques années, à essayer à mon
tour l’électricité contre 1’épUepsie, ai-je fait appel d’emblée aux cou-
rants les plus énergiques et les plus prolongés quc les patients puissent
supporter. Pour des raisons d’ordre physiologique qu’il serait trop
long de vous expliquer, je congus d’abordjma méthode de la fagon,
suivante : L’électrode positive est appUquée en collier autour du cou;
le malade s’assied sur l’électrode négative. Je fais passer alors un
courant de 50 à 60 mUliampères, pendant trente à quarante minutes,
tou6 les jours ou tous les deux jours.
Ce traitement exerce, chez certains malades, une action incontes-
table sur les crises. J’ai publié déjà quatre de mes observations les plus
(Voir lc i suite après te buUetin bibliographique meneuei)
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UMIVERSITY OF MICHtGAN
REVTJE DES PÉRIODIQUES
171
anciennes de sujets qui ont été entièrement délivrés de leurs accidents
et qui le sont restés depuís deux et trois années. J’en possède d’autres,
aussi heureuses, que je publierai plus tard, lorsqu’elles auront subi
suffisamment l’épreuve du temps. D’autre part, je sais que de divers
còtés on expérimente mon procédé avec satisfactìon. II y a peu de
temps, M. Duhem publiait un cas de guérison obtenu par lui.
Dans le cours de mes recherches, j’ai été conduit à faire subir à
cette méthode initiale diverses variantes. C’est ainsi notamment qu’au
lieu de faire asseoir le malade sur l’une des électrodes, j’applique celle-
ci sur le front, faisant ainsi traverser par le courant toute la masse
encéphalique. J’ai traité par ce nouveau procédé une petite malade-
qui m’avait été aimablement adressée par notre vice-président,
M. Triboulet, et j’ai eu le plaisir de l’affranchir de ses crises.
Est-ce à dire que dans tous les cas, nous obtiendrons des résultats
aussi brillants? Assurément non. L’électricité, comme les autres
traitements, a ses succès et ses insuccès. Son efficacité pratique est
des plus variables. Dans certains cas, la galvanisation entre mes
mains à suffi, à elle seule, à faire disparaftre des crises. Dans d’autrevS
cas, elle est parvenue au mème résultat, mais à condition d’y adjoindre
un régime, une médication convenables. Elle n’a été qu’un des agents,
mais un agent utile à la victoire, dans la campagne thérapeutique
contre le mal. D’autres fois, elle ne procure que des améliorations.
Parfois enfin, son effet paraft nul.
Quoiqu’il en soit de ces échecs,ii n’en reste pas moins établi que
nous possédons à l’heure actuelle dans l’électrothérapie, une arme
de plus contre l’épilepsie. Dans un article tout récent, M. Bouchet en
fait également l’éloge et lui attribue des succès personnels, qui ne
sont malheureusement pas illustrés par des faits. Bref, il nous est per-
mis d’espérer que, sortant de son abandon sous l’impulsion que je lui
aí donnée, l’électrothérapie, nous apportera dans l’avenir des résultats
encore plus satisfaisants.
D. Chirurgie. — Enfin, les chirurgiens, avec Ieur audace habituelle, <
sesont attaqués, eux aussi, à I’épilepsie. Trois opérations ont été tentées.
Supposant que les crises avaient pour cause un spasme des artères
du cerveau, dù à une irritation du sympathique, les uns, surtout,
Jonnesco, deBucarest, ont pratiqué la résection plus ou moins complète
du sympathique cervical. Cette intervention semble avoir donné
quelques améliorations momentanées, mais qui n’ont pas duré : aussi,
est-elle abandonnée aujourd’hui.
D’autres, .avec Kocher, de Beme, attribuant l’accident épileptique
à une hypertension intra-cranienne, ont cherché à obtenir la décom-
pression au moyen de la craniotomie.
D’autres enfin, plus hardis encore, avec Horsley de Londres, ont
pensé supprimer le point de départ hypothétique de la crise en excisant
la région cérébrale qui serait le siège de l’aura.
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RBVUB DB PBYCHIATRIE
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Ges deux deraières méthodes n’ont pas conquis, je dois le dite,
une très grande popularité parmi les chirurgiens frangais. 11 est certain
que les rares succès qu’on leur doit ne sont pas en rapport avec les
risques qu’on fait courir au malade. L’opération de Horslay, notam-
ment, a laissé à sa suite des paralysies durables. Aussi, si dans les
cas d’épilepsie partielle, par lésion évidente, enfoncement du cràne,
tumeur, etc., l’intervention est indiquée, dans I’épilepsie dite essen-
tielle dont la cause reste ignorée, l’abstention est-elle préférable.
Telles sont les quatre grandes classes de moyens que nous posaé-
dons actuellement contre l’épilepsie.
Et si nous faisons maintenant une révision de leur valeur thérapeu-
tiqeu propre, si nous apprécions Ies résultats que chacun nous a donnés,
nous serons frappés par un fait capital : c’est la capricieuse infidélité
de leur action. Tous, certes, semblent avoir procuré des succès chez
certains malades; tous également ont piteusement échoué chez
d’autres.
D’où vient cette infidélité d’action? La clinique va nous répondre.
En effet, si nous envisageons une série d’épQeptíques qui passent
sous nos yeux, nous constatons en toute évidence qu’U n’y en a pas
deux qui se ressemblent, nous sommes surpris de la diversité qui
règne entre eux, tant au point de vue des caractères de leurs accidents,
que de leur état général et de leurs fonctions organiques.
Ces accidents sont des plus variables selon les sujets.
Tantfit,ce sont de simples absences ou vertiges, tantót de grandes
convulsions à cachet dramatique. Les uns surviennent avec une régula-
rité surprenante, d’autres se reproduisent capricieusement, au hasard,
sans obéir à aucune règle. Certains sont précédés par une aura; certains
se déclenchent brusquement, sans nul prodrome.
II est des malades qui n’ont jamais que des accès nocturnes,
d’autres n’ont jaraais que des accès diurnes. Chez plusieurs, la locali-
sation dans le temps est plus précise encore; j’en connais chez qui les
crises jaillisent exclusivement soit au moment où Us s’endorment, soit
au momcnt où Us viennent de se réveiller. Vous savez que beaucoup de
femmes ne sont malades qu’au moment de leurs règles. Toutes cee
variantes individuelles sont évidemment soumises à des conditions
interaes différentes, encore obscures pour nous, mais d’une réalité
incontestable.
Et si nous regardons l’état général de ces malades, que de différences
encore!
Tantót, il s’agit d’enfants, notoirement dégénérés, porteurs dc
stigmates physiques grossiers, entachés d’arriération mentale.
Tantdt, il s’agit d’adolescents, maigres, páles, anémiés, asthéni-
ques, mais dont l’intelligence est intacte.
Tantdt, ils’agit d’adultes, vigoureux, robustes, musclés, au visage
coloré, respirant une santé florissante.
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Tantòt, il s’agit de vieillards, plus ou moins atteints des signes de
I’involution séniie.
Et si enfin, nous examinons cliniquement ces malades, nous étu-
dions leurs organes, queUes découvertes diverses ne faisons-nous pas.
Chez les uns, tous les organes paraissent normaux, toutes les fonc-
lion8 régulières : on ne trouve rien.
Chez les autres, nous constatons des troubles digestifs, un estomac
ptosé et dilaté, de Tentérite chronique, un foie gros et sensible.
Chez d’autres encore,les désordres circulatoires nous frappent: nous
déelons un souffle cardiaque, des arythmies, des extra-systoles, de
Thyper ou de Thypotension, tantòt de la tachycardie, tantót un raien-
tissement marqué du coeur.
Chez d’autres encore, nous relevons des troubles thermiques, soit
une petite fièvre continue et régulière, soit des poussées intermittentes
qui souvent annoncent la crise.
Mème diversité pour les urines, les réflexes, le caractère. II y a des
épileptiques irritables et violents, il y en a de doux et de paisibles.
Certainssont joyeux et optimistes, malgré leur mal; d’autres sont
tristes et découragés.
Tous ces troubles organiques que je viens d’énumérer doivent
exercer aussi vraisemblablement leur influence sur les crises, car le
cerveau, organe réflexe, subit le contre-coup de toutes les variations,
normales ou pathologiques, de Téconomie.
II résulte de cette revue, qu’il existe non seuleraent des types
variés d’épilepsie, mais aussi des types variés d’épileptiques. On peut
dire que, pratiquement, il n’y a pas deux malades qui se ressemblent.
Et voici bien l’explication de l’infidélité et de l’action capricieuse
de toutes les thérapeutiques employées. C’est que chacune d’elles ne
convientqu’àunecertainecatégoriede malades, alors qu’elle est inindi-
quée chez tous Ies autres. De là, les quelques succès, les nombreux
insuccès relevés à l’actif de chaque raéthode.
Pour éviter dans la mesure du possible ces inconvénients, que
faudrait-il donc faire? II faudrait, qu’au lìeu de prescrire au hasard
telle ou telle médication, nous sachions aussi exactement que possible
préciser ses indications, en d’autres termes, adapter la thérapeutique
à chaque cas particulier.
Pour y parvenir, la tàche est double. II faudrait, d’une part, arriver
à ranger les malades en un certain nombre de catégories, les rappro-
ehant selon leurs similitudes, créer ainsi pusieurs grandes familles
d’épileptiques. Puis, d’autre part, par des essais thérapeutiques, arriver
à déterminer quel est le traitement de choix convenant à chacune
d’elles.
C’est précisément à cette táche que je m’efforce de m’appliquer. J’ai
pu déjà, au moins dans les grandes lignes, établir quelques classes de
maldes, et constituer le traitement qui paraít leur réussir le mieux.
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Ainsi, par exemple, cliez les enfants qui présentent un certain degré
d’engourdissement psychique ou d’arriération mentale, avec crois-
sance insuffisante, sans trouble digestifs, le régime végétarien pur,
les albumines végétales, la pilocarpine, les extraits glandulaires, la
galvanisation cervico-frontale m’ont donné les meilleurs résultats.
Nousvoyons sous leur influence, non seulement s’atténuer etmème
disparaítre les crises, maiB aussi TinteUigence s’éveiller et la croissance
s’accélérer d’une fa^on maniíeste.
Chez les anémiques dyspeptiques, avec ptose et dilatation de
l’estomac, il faut au contraire prescrire le régime sec, faire prendre de
la viande, donner l’arsenic à haute dose, pratiquer la galvanisation
cervicale descendante.
Chez certains sujets, à troubles circulatoires marqués, palpitations
et extra-systoles, le régime sec, la réducUon extrème des liquides, la
belladone, conviennent le mieux.
Ces quelques exemples, auxquels je n’accorde d’ailleurs aucune
valeurs absolue ni définitive, suffisent à vous montrer quelle devra
étre la souplesse et l’opportunisme du traitement.
Mais malgré les incertitudes de mes débuts, déjà les résultats sont
là pour encourager mes efforts. Si je consulte mes statistiques, je vois
que chez les malades que j’ai pu traiter à ma guise, qui m’ont aidé de
leur dociiité et de leur persévérance, je suis parvenu à un pourcentage
de 40 0/0 de suppression des crises et de 80 0/0 d’amélioration. Et
encore je ne dispose, le plus souvent, que de malades de seconde ou da
troisième main, qui ont été traités déjà inutilement, par un ou plusieurs
collègues. Je suis convaincu qu’à mesure que nous avancerons, les
proportions seront encore meilleures.
Vousvoyez donc que s’il est intéressant, certes, de chercher etde
trouver des armes nouvelles contre l’épilepsie — et à cet égard, je
crois avoir été utile en imaginant ma galvanisation cervicale — ii est
non moins intéressant de savoir se scrvir à bon escient des raédications
déjà connues. Et ieurs indications étant précisées, nous saurions lutter
certainement avee beaucoup plus de succès contre la maladie.
Et si maintenant, pour fimr, on me demande quelle est mon impres-
sion d’ensemble sur ce problème de Pépilepsie, je vous dirai:
Nous ne savons rien, ou à peu près. La question est tout entière à
faire. Et méme,le peu que nous croyons savoir est inexact. Ge qui est
écrit dan9 les livres classiques ne s’applique qu’à un petit nombre de
malades; les autres échappent à cette description. La conception
qu’on se fait trop souvent de I’épilcpsie, tare héréditaire, fatalo, condi-
tionnée par des lésions du cerveau indélébiles, est fausse. Sans doute, il
est des su jets d’hospice, dégénérés, pourvus de malf orma tions cérébrales,
qui offrent de la maladie les spécimens les plus noirs. Mais ces
sujets sont moins des épileptiques que des idiots faisant de l’épilepsie
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REVUE DBS PÓRIODIQUES
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Leiur maladie consiste non pas à avoir des crises intermittentes, mais
dans un état d insuffisance cérébrale chronique et incurable.
Chez beaucoup d’autres,en revanche,bien constitués, aussi normaux
quant à l’intelligence que la moyenne des humains, les crises comitiales
nous apparaissent comme une affection accidentelle, comme une
réaction du système nerveux, sous des influences occasionnelles que
pourraient et que devraient guérir, si nous savions bien les traiter. Les
crises peuvent survenir, chez n’importe qui, à tout àge, sans que rien
auparavant eùt permis de les prévoir,sans qu’il n’en reste rien, si le
malade a le bonheur de s’en débarrasser. Chacun de nous peut faire des
accidents comitiaux, comme il peut faire un accès de dépression,
d’angoisse, de la tachycardie ou de ia tubercuiose. Et cela ne l’empè-
chera pas d’avoir du talent, mème du génie, témoins Flaubert èt
Napoléon.
REVUE DES PÉRIODIQUES
BELGIQUE
Journal de Neuràlogie, janvier 1913.
L’action du nucléinate de aoude en médecine mentale, par
db Block. — Si nous envisageons Yefficacilé Ihérapeulique de la médi-
cation nucléinique, nous sommes bien forcés d’avouer que nous ne
partageons pas l’enthousiasme que des auteurs — et non des moindres
— ont manifesté, tant en Allemagne qu’en France. C’est ainsi que,
chez quinze paralytiques généraux injectés régulièrement, nons
n’avons jamais pu mettre sur le compte du médicament les modificar
tíons survenues dans l’état mental de l’aliéné. Nous savons, en effet,
combien les rémissions vraies et durables peuvent s’observer chez
cette catégorie d’aliénés, et combien surtout les améliorations Iógères
et passagères sont íréquentes. Or nous n’avons jamais eu affaire qu’à
ces courtes améliorations. Les attribuer à la thérapeutique employée
serait faire fi des observations cliniques journalières des asiles.
L’affaiblissement intellectuel, l’hébétude, la dépression, les phases
d’excitation ne íurent pas modifiées en effet d’une fagon appréciable
pas plus que la mémoire.
Lesétatsdélirantsont pu changer de forme ou disparaítre pendant
les semaines que durait le traitement ou après la dernière piqùre, mai,
fautril voiv là une relation de cause à effet? Evidemment non, les
paralytiques généraux sont trop mobiles à ce point de vue.
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176 REVUE DE PSYCHIATRIE
L’état physique s’est quelquefois amélioré : le poids s’accroissait
de 1 à 2 kilogrammes pendant la cure. Mais cette augmentation ne fut
pas constante. Six fois sur quinze, le poids diminua méme sensible-
ment.
Deux déments précoces restèrent aussi apathiques à la suite des
quatre ou six piqùres qu’ils purent recevoir.
Quant à trois autres aliénés, les résultats sur leur état psychique
íurent aussi nuls.
De vingt cas cliniques que nous avons soumis à la nucléinothérapie,
nous croyons pouvoir conclure à l’influence plutòt douteuse du médi-
cament sur l’état psychique des aliénés.
Gn raison de ces résultats, nous estimons qu’il est préférable de
renoncer à la méthode nucléinique chez les aliénés.
FRANGE
La Clinique , 28 février 1913.
Le8 criminels et les délìnquants à resp onsabilité atténoée,
par A. V igouroux. — « Admettre, avec le professeur Grasset, que tous
ces délinquants sont, a priori , incapables d’ètre intimidés par les
peines ordinaires nous paraít impossible dit M. Vigouroux.
« Si nous croyons avec lui que, pour certains,les courtes peines sont
insuffisantes, que vraisemblablement ies peines subies dans les prisons
ou dans les maisons de correction devraient et pourraient avoir un
effet plus moralisateur, nous ne croyons pas pouvoir affirraer qu’une
peine plus sévère et mieux appliquée n’aurait pas l’effet inhibiteur
recherché. Plus d’un individu à moralité peu développée, à volwité
faible, est retenu dans le droit chemin par la crainte d’un chàtiment
déjà éprouvé.
« Nous estimons que ces délinquants ou criminels, si voisins des
pervers ordinaires par certains còtés, mais si distincts par d’autres,
doivent étre soumis aux mèmes procédés d’intimidation que les
autres, aux mémes moyens de traitement que les autres, au moins
pendant un certain temps, et que c’est seulement lorsque, par leurs
récidives nombreuses, ils auront donné la preuve de leur indifférence
aux moyens d’intimidation, qu’ils pourraient ètre reconnus par les
experts irresponsables, parce que « non intimidables » et susceptibles
d’ètre placés dans l’asile-prison leur vie durant.
« De mème que la Société relègue ses malfaiteurs responsables
lorsqu’ils ont encouru un certain nombre de pénalités, de mème eile
se défendrait par un intemement à longue échéance des anormaux qui
n’ont pu ètre in intimidés ni áméliorés ».
Le Gèrant : O. DOIN.
PABI8. — IMPJUMBRIB LEVÉ, 71, RUB DB RENIfES.
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INFLUENCE DE LA MENSTRUATION
SUR L’ÉPILEPSIE
Par MM. E. Toulouse et L. Marchand.
Les rapports des crises épileptiques avec la fonction ovarienne
sont encore mal précisés. Si l’on examine les résultats auxquels
sont arrivés les auteurs, on remarque que les opinions les plus di*
▼erses ont pu étre exprimées. Dans cette question, deux cas sont
4 considérer : d’une part l’influence des règles sur les accidents épi-
leptiques, d’autre part l’influence de l'aménorrhée et de la dysmé-
norrhée sur l’épilepsie.
1° Influence des Règles.
Depuis les temps les plus reculés, médecins et malades ont consi-
déré la menstruation comme une fonction ayant une influence né-
faste sur la marche de l’épilepsie. Gertains auteurs, entre autres
Spartling (1), ont mème prétendu que si l’épilepsie débuté si
fréquemment à l’fige de la puberté, c’est quelle est due à l’appari-
tíon des règles. Les recherches précises sur cette question commen-
eent avec Beau,Bouchet et Cazauvielh, Marotte, Villard et Brierre de
Boismont.
Beau (2) conclut formellement à l’influence aggravante des règles.
Bouchet et Cazauvielh admettent qu’elles déterminent l’aggrava-
tíon aussi souvent que l’amélioration de l’épilepsie.
Marotte (3) note que la multiplicité des accès a souvent pour
mobQe les retours périodiques des règles; il donne un certain nom-
bre de cas où le mal comitial affecte une périodicitécorrélative aux
règles. Enfm, il montre que quelquefois chez les jeunes filles épi-
leptíques l’apparition de la menstruation donne une nouvelle im-
(1) Sfarturo. New-York med. journ., 20 mai 1905.
(2) Bbau. Recherches statistiques pour servir à l’hietoire de l’épilepsie et
de l’hyetérie. Areh. gin. de méd., 2* série, liv.XI,fuillet 1836.
(3) Mabottb. Reme míd. chirurg., 1851.
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REVUB DE PSYCHIATRIE
pulsion à l’épilepsie. Villard (1) admet que la menstruation, quand
elle devient régulière, peut diminuer le nombre des crises qui ce-
pendant se produiront plutdt au moment des époques cataméniales
que dans la période intercalaire. « Si í’épilepsie, dit-il, agit sur la
menstruation en retardant le moment de son apparition et en la
rendant irréguUère, lorsqu’elle est développée, la menstruation à son
tour agit sur la maladie en diminuant quelquefois la fréquence des
accès, lorsqu’elle est régulière, et en provoquant presque toujours
les crises à chaque période cataméniale. »
Delasiauve (2) considère également que la menstruation ne
doit ètre considérée comme défavorable que dans ses perturba-
tions; la régularité des règles est souvent unecondition avan-
tageuse.
Brierre de Boismont (3) a une opinion qui diffère des auteurs
précédents. Après avoir montré quel’apparitiondes règlesprovoque
souvent l’épilepsie, il cite le cas d’une jeune fille épileptique, chez
laquelle l’apparition des règles eut le plus heureux effet;chez cette
malade, les crises disparurent avec 1’étabUssement des mens-
trues.
EUiotson (4) rapporte une observation semblable. Une jeune
femme qui avait été atteinte d’épilepsie dans son enfance, ne prè*
senta plus d’accès dès qu’elle fut menstruée.Lescrisesréapparurent
après trente ans de guérison, au moment de la ménopause. Etche-
pare (5) donne également des exemples dans Iesquels les périodes
cataméniales semblent avoir une influence favorable.
Gette question de l’influence des règles sur I’épilepsie est restée
peu étudiée après ces premiers travaux. Par contre, les recherches
modemes sont très nombreuses. Nous les citeron!s par ordre chrono-
logique.
J. Voisin et P. Petit (6} admettent que la menstmation a une
(1) Villabd. Oe la meostraation chez 1m épileptlques. Moav. méd., 1868;
qm 30 et 31.
(2) Dblasiauve. Tralti de Vipiìeptie, 1854, p. 162.
(3) Bbiebrb db Boismond. De la menttruaUon conaidirée dans ttt rapportt ptp
tiologiquet el pathologiquu. Paris, 1842.
(4) Elliotson. Cité par Maclachlan. A praclical ireatise on the diteatet and
infirmlliet of advanced life, 1863, p. 110
(5) Etchbparb. La menstraation chez les aliéads Reo. med. del Uruguag,
déc. 1904.
(6) J. Votsm et P. Pbtit. De l’intoxicatton dans l'épQepsie. Arch. de Nemi,
avril 1895, p. 257.
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UNIVERSÍTY OF MICHtGAN
INFLUENCB DE LA MBNSTRUATION SUR L’ÉPILEPSIE
179
inflaence très manifeste sur la production des accès épileptiques
et sur leur nombre. « A l’époque dés règles, disent-ils, les accès de-
viennent plus fréquents, plus nombreux. Chez beaucoup de ma-
lades mème, ils n’apparaissent qu’à ce moment etcelaavecune régu-
larité parfaite. »Féré(l),GéIineau(2), Breman(3), Kowalewski (4),
Magnin (5) constatent également la recrudescence des accès au
moment des règles. Breman, dans un cas d’épilepsie où les accès
n'apparaissent qu’au moment des règles et qu’il appelle « ipilepsie
menstruelle », n’hésita pas & intervenir chirurgicalement en faisant
la transplantathm ovarienne.
L’observation de Gualino (6) estunbel exemple d’épilepsie mens-
truelle. II s’agit d’tme jeune fllle atteinte de convulsions & l’fige de
deux ans; première crise & 14 ans au moment de I’installation de ses
règles. Dans la suite, eUe a deux à trois crises par mois et tou-
jours pendant les périodes menstruelles. L’auteur suspend les
iègles en employant en injections le chlorhydrate de cotamine
oa styptycine quelques jours avant l’époque des règles. Suppres-
Eion des règles et des crises. Le cinquième mois, les injections
ayant été suspendues, les crises reparurent. L’auteur donna ensuite
de la substance ovarienne (2 tablettes d’ovaire sec Boche) pendant
leBdixjoursprécédant l’époque présumée des règles; les crises furent
mspendues malgré les règles.
L’observation récente de Slaviero (7) est à rapprocher de ceUe
de Gualino. Une femme de 50 ans,|sans tare,a des règles abondantes
et irrégulières qui s’accompagnent d’accès épileptiques. Ges der-
nières cessent à la ménopause, en mgme temps que la disparition
des règles. Ces observations forment la contre-partie de celles que
nous citions plus haut, et dans lesquelles les accès cessent au mo-
(1) PÉHfe. TraiU des Bplleptla, p. 284.
(!) GSunbau. Traiii dea EpilepsUe. BalDière, Paris, 1901.
(3) Bbbman. EpOepsie menstruelle traitfce per la transptaiitation ovarienne.
Ru. mtd. da Canada, 17 |uin 1903, n° 51.
(4) Kowalewski. Die Menslrualion und die Menstruaiionspsyehen. St-Piters-
beeig, 1894, p. 40.
(5) Magnw. a propos des npports entre l’épilepsie et la menstroation. Beho
mUic. du Nord, 25, xn, 1904.
(4) Guauno. Contribution cUnique à la patbegteie de PipOepale menstrueOe,
Am. di /ren., fasc. iv, déc. 1907.
(7) Slavibbo. Sur nn cas d’èpUepsie apparue vers l’èpoquede la mteopouse.
tìMorgagni ,n« 7, fuiUet 1911, p. 274.
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HBVUB DB PSYCHIÀTRIE
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ment où s’établissent les menstrues et réapparaissent au moment
de la ménopause.
Dans de telles recherches,ilest impossible d’ètre afhrmatif. G’est
ainsi que Maes et Claude (l),qui ont suivi 16 malades, donnent les
conclusions suivantes.Dans cinq cas, les règles ont eu une action ag-
gravante; dans un cas, elles ont eu une action favorable; dans trois
cas.elles n’ont eu aucune influence. A propos des 7 demiers cas,
les auteurs ne donnent aucime indication.
Parhon et Uréchia (2) constatent que les époques menstruelles
aggraventlafréquenceetl’intensité des accès; ils admettent comme
pathogénie une influence de la sécrétion ovarienne sur le méta-
bolisme général. Trepsat (3) arrive & conclure que le nombre des
attaques est en général accru pendant les périodes menstruelles. Le
plus grand nombre des crises est souvent noté après l’écoulement
menstruel.
Gordon (4) note comme la plupart des auteurs la fréquence des
cas où les attaques ne surviennent que pendant les périodes mens-
truelles. Lévi Bianchini (5) arrive aux conclusions suivantes:
75 0/0 des cas d’épilepsie chez la femme débutent avant la tren-
tième année; dans 35 0/0 des cas, on constate l’influence de la fonc-
tion menstruelle; on peut désigner ces formes dunomd’ « épitepsie
menstruelle ». La menstruation agit en augmentant le nombre
et la gravité des attaques; pendant les périodes menstruelles, les
accès sont quatre fois plus nombreux que dans leur intervalle. L’au-
teur propose comme remède la castration complète ou unilatérale.
Gitons enfìn les deux observations de Davidson (6) qui n’a pas
hésité à pratiquer chez ces malades atteintes d’« épilepsie ovarien-
ne » l’ovariotomie; cette opération aurait amené la guérison de
l’épilepsie.
(1) Mabs et Claudb. Contribution à l'étude de l’épilepsie idiopathique. Ann.
d'tíecl. a de radiologie, avril-mai 1907.
(2) C. Pahhon et C. I. Urechia. Quelques considérations sur l’influence de la
menstruation sur la fréquence des accòsd’épilepsie. Journ.de neuroL,5 déc.1908,
p. 441.
(3) L. Trbpsat. EpQepsÌe et menstruation. L'Enciphale, fuin 1908, p. 486.
(4) A. Gordoh. L’épilepsie dans ses relations avec les pòriodes menstrueDes.
NeufYork med. journ., n° 1611, 16 oct. 1909, p. 733.
(5) Levi Bianchini. L’épilepsie menstruelle. Arch. di ptleh. neuro-palh.
anirop. crim. e med. leg., n° 4, 1906.
(6) Hugh. S. Davidbon. Epilepsie ovarienne et son traitement par l’ovario-
tomie. Edinburg med. journ., Vol IV, n° 2, fév. 1910, p. 125.
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INFLUENCB DE LA MEN8TRUATI0N 8UP l'ÉPILEPSIB
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Ainsi l’opinion générale des médecina et méme des malades est
qne les règles provoquent une recrudescence accusée des accidents
convulsifs ou vertigineux.
Ayant eu Foccasion de suivre certaines malades dont l’observa-
tion ne répondait pas & cette opinion, nous avons établi une expé-
rience portant sur 10 épileptiques femmes adultes atteintes de la
forme appelée communément essentielle. Chacune a été observée
durant au moins une année et la plupart pendant deux ans envi-
ron. Nos recherches portent sur un total de 229 époques mens-
truelles.
Nous avons voulu faire ressortir l’influence des menstrues sur
la période des règles ainsi que sur les périodes qui les précèdent et
qui les suivent immédiatement. Ces trois périodes sont ce que nous
appelons la piriode menstruelle. Nous avons recherché également
le nombre des accès pendant les périodes iniermenalruelles , c’est-à-
dire pendant les périodes comprises entre deux périodes mens-
truelles. Pour cette étude, voici comment nous avons procédé.
Nous avons constitué la période menstruelle en prenant, avant
et après les jours de règles, un nombre de jours égal, de manière à
constituer trois parties: une partie prémenstruelle, une partie mens-
truelle et une partie postmenstruelle, toutes trois d’égale durée.
Pour suivre l’évolution des accidents, nous avons divisé également
la période intermenstruelle en trois parties afin denous bien ren-
dre compte des dìfférences présentées par l’intensité de l’épilep-
sie aux différents moments de ces différentes périodes.
Si l’on considère que la durée moyenne des époques menstruelles
est de5,3 jours, on voit que les trois périodes prémenstruelle, mens-
truelle, postmenstruelle sont sensiblement égales aux trois parties
de la période intermenstruelle.
En procédant de cette manière, nous nous sommes rendu compte
de l’influence des règles sur l’épilepsie à tous les moments du mois
menstruel. Nous dirons mème que sans ce travail on risque de ne
pas 8aisir le mécanisme de l’influence des règles sur les périodes qui
les précèdent et qui les suivent.
Nous avons relevé 663 accès pendant les trois parties de la pé-
riode menstruelle et 649 pendant les trois parties de la période
mtermenstruelle. Si l’on considère que la période menstruelleest
d’une durée un peu plus longue que la période intermenstruelle, on
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REVUE DE P8YCH1ATRIB
ae rend compte que la période menstruelle n’est pas sensiblement
plus chargée en accès dans son ensemble que la période intermens-
truelle. Mais gràce ò notre méthode d’observation nous allons sai*
sir quelques faits intéressants dans la répartition, dans chacune de
ces deux périodes, des accès dont le nombre total est à peine diffé-
rent.
Sil’on considère, de la manière que nous avonsindiquée, les trois
parties prémenstruelle, menstruelle et postmenstruelle, on relève
un plus grand nombre d'accès pendant la partie menstruelle. On
peut dire que Ies règles jouent un rdle de « collecteur > des accès
au détriment des deux parties qui leur sont précédentes et consécu-
tives.
Pendant les parties formant la période intermenstruelle, le nom-
bre des accès est sensiblement le mème pour chaque partie. II serait
cependant un peu inférieur aux autres ò la troisième période coxnme
si les règles faisaient déjà sentir leur influence en empècbant les
accès de se produire en ce moment pour les faire éclater pendant
!a péríode menstruelle.
Pendant la partie menstruelle, les accès sont plus fréquents au
milieu de celle-ci. Au début et à la fín des règles,|les accès sont encore
plus nombreux que pendant les périodes prémenstruelle et post-
menstruelle.
11 n’y a pas de rapport entre la fréquence des accès et la durée des
règles. Ghez une mème malade.une période menstruelle très courte
peut s’accompagner d’accès aussi nombreux qu’une période plus
longue.
L’irrégularíté des règles ne paralt pas avoir d’action sur la fré-
quence des accès.
Ghez certaines malades (quatre sur dix dans nos recherches), la
période des règles a manifestement une influence aggravante
2° Influence de l’aménorrhée et de la dysménorrhée.
L’influence de l’aménorrhée et de la dysménorrhée sur I’évolu-
tion de l’épilepsie est mal précisée. Nous avons vu antérieurement
que tantdt chez certaines malades la ménopause avaitune influence
heureuse, tantdt chez d’autres une influence défavorable. Quand
il s’agitde préciser l’influence de l’irrégularité des règles ou de leur
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UNIVERSETY OF MICHIGA
INFLUENCE DE LA UENSTRUATION SUR L’ÉPILEPSIE
183
sospension, ou se heurte & de grandes difficultés d’appréciatkm.
Est-ce l’épilepsie qui est cause de l’aménorrhée ou de la dysménor-
rhée ? Ces troubles dans les fonctions ovariennes ont-ils une in-
fluence sur la marche de l’épilepsie? Les troubles menstruels sont-
ibdus à un trouble de l’état général des épileptiques ? Autant de
questions difHciles à résoudre.
Delasiauve (1) considère l’irrégularité des règles comme une
cause d’aggravatkm de l’épilepsie.
Berthier (2) admetquel’arrètderécoulementmenstrueldonne nais-
sance presque aussi souvent que son excès aux névroses convulsives;
sasuppressionparémotion violente produit de préférence l’épilepsie.
Georget avait remarqué depuis longtemps qu’une frayeur peut ren-
dre épileptique unefemme,surtout quandcelle-ciestdansunepériode
moistruelie.
Trepsat (3), qui a étudié particulièrement l’action de l’épilepsie
sur la menstruation, trouve, sur 18 malades, 7 épileptiques réglées
règulièrement et 11 réglées irrégulièrement. II remarque qu’en gé-
néral l’époque de la puberté est retardée chez les épileptiques.
Parhon et Uréchia (4), après avoir admisl’influence aggravante
des règles sur la marche de l’épilepsie, trouvent que dans certains
cas c’est l’absence des menstrues qui exerce une action défavorable.
L’aménorrhée est due non à l’épilepsie, mais à une perturbation
d’origine et de nature inconnues de l’organisme tout entier.
Lévi Bianchini (5) fait la remarque que chez 65 0 /0 de femmes
épileptiques les menstrues sont irrégulières.
II semble que les auteurs qui ont voulu voir une relation entre la
dysménorrhée et l’aménorrhée avec les accès épileptiques n’aient
pas assez tenu compte que l’épilepsie est une maladie qui avant
tout a pour cause des lésions cérébrales.
Les troubles menstruels, quand ils ont une action défavorable
sur la marche de l’épilepsie, agissent soit par suite d’une con-
gestion cérébrale supplémentaire, soit par la suppression de la
(1) Dklasiauvb. Traiti de Vipiìtpsie. 1854, p. 102.
(2) Bbrtbibr. Det nivrotet menslrueilet ou de la menatrualion dant tet rap -
pertt aoee let maladiet neroeutet el mentalet, 1874.
(3) Trbpsat. Loe. eit.
(4) Parhon et Urbchia. Loe. eil.
(5) Lbvi-Bianchini. Loe. eit.
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8écrétk>n d’humeurs utiles àréconomie(Toulouse et Marchand) (6).
Conclution : Pinfluence des règles sur Papparition de l’épilepsie
est très variable. L’établissement des règles peut faire disparaltre
Pépilepsie ou au contraire Paggraver; il en est de mfime de la méno*
pause. Dans certains cas le début de Pépilepsie sembleliéà Pappari-
tion des premières règles.
Ghez la plupart des malades, les règles n’ont aucune influence
sur la production des accès. Ghez certaines, les règles jouent le rfile
de collecteur des accès au détriment des autres jours du mois. Ghez
d’autres enfin, les règles aggravent manifestement Pépilepsíe.
II n’y a pas de rapport entre la fréquence des accès et la durée des
règles.
L’influence de la dysménorrhée ou de Paménorrhée sur la marche
de l’épilepsie est des plus variables. Aucune règle ne peut fitre éta-
blie.
(1) E. Toulodsb et |Uarcbamd. De' la tbérapeutlque ovarienne cbes Ue
épilepUqnee. Soc. de Biol., 18 févriei 1899.
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LE PROJET DE REVISION
DB
LA LOI DE 1838 SUR LES ALIÉNÉS (1 >
Par M. le Prof. Gilbert Ballet.
L'Académie ne s’étonnera pas que je me sois décidé & lui soumet*
tre quelques observations, à mon sens nécessaires, au sujet du pro-
jet de révision de la loi de 1838 sur les aliénés, voté par la Gbamhre
des députés et actuellement soumis au Sénat. Elle comprendra
qu’un projet de cette nature, qui vise le régime applicable à une caté-
gorie nombreuse de malades, sollicite l’intérét des médecins : les
objections, dont plusieurs de ses articles me semblent passibles, ne
gauraient avoir plus de poids que présentées ici. J’ajoute que, par
one heureuse circonstance, le président et rapporteur de la commis-
àon Bénatoriale chargée de préparer et de présenter le projet, est
un de nos collègues, M. le Sénateur Paul Strauss, et que, de ce fait,
ce qui se dira ici pour ou contre la loi, a chance d’avoir plus d’in-
fluence sur la discussion et le vote du Sénat.
Une autre raison encore m’a déterminé. à prendre la parole.
Avant d’arréter les termes de sonrapport, lacommissiondu Sénat,
dans un sentiment de prudence et de sagesse auquel je suis heureux
de rendre hommage, avait cru devoir solliciter l’avis de quelques
psychiatres. Notre collègue, M. Magnan, je crois, et moi-méme
avionsété invités à déposer devant elle. Mais depuisnotrecomparu-
lion des circonstances fàcheuses, la mort du président, la non-réé-
Wction du rapporteur, y ont amené des modifications qui, je le
crains bien, auront fait disparaltre le souvenir des observations que
»0U8 avions présentées à la commision. G’est un motif suffisant pour
(1) Communication falte à l’Académie de médecine, séance du 6 mai 1913.
Qjgitizecs ty Go^ pgle
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
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RBVUB DE PSYCHIATRIE
que je croie de mon devoir de rappeler ici quelques-unes de celles
que, pour ma part, j’avais jugé opportun de lui soumettre.
Pour apprécier une Ioi relative au régime des aliénés, il importe
d'avoir présent & l’esprit qu’elle doit étre d’une part une loi
d'assislance, puisqu’elle vise des malades, d’autre part une loi de
proleciion sociale, puisque quelques-uns de ces malades sont des ma-
lades dangereux. 11 ne faut pas perdre de vue, d’autre part, qu’un
certain nombre — je dis un certain nombre — d’entre eux sont des
malades diiférents des autres en ce que, inconscients de leur ma-
ladie, ils n’acceptent pas les soins dont ils ont besoin et protes-
tent contre les mesures que ces soins nécessitent; d’où, dans leur
intérét mème, la nécessité de les leur imposer.
Malades dangereux, contre lesquels il faut se protéger; malades
prolesìalaires, nettement et formellement protestataires, auxquels
ilest nécessaire d’imposer le traitement; maladessusceptibles sim-
plement d’assistance , voilà donc trois catégories dont la loi doit tenir
compte : ce qui exige trois régimes différents. Soumettre aux mèmes
formalités légales les malades des trois groupes aboutirait ou à dé-
fendre insuffìsamment la société, ou à entourer de garanties insuf-
fisantes l’atteinte obligée à la liberté individuelle, ou à imposer sans
nécessité, ce qui ne serait pas moins grave, des mesures vexatoires
à des malades et à des familles dignes de pitié.
Tous nous avons ici le souci de la sécurité sociale, tous, et les psy-
chiatrescommelesautres.nousavonsle soucidelaliberté individuelle,
mais tous aussi nous devons avoir, avec le respect de l’infortune,
la préoccupation de ne pas aggraver par des obligations légales,
qu’aucun intérèt ne justifìerait, la douloureuse situation des psycho-
pathes et les ennuis de leurs proches.
A cet égard le projet de loi soumis au Sénat est-il de nature à nous
donner satisfaction ? C’est ce que je n’hésite pas à contester.
Certes, la loi de 1838 n’est pas parfaite. Ce n’est pas qu’elle se
prète, comme on l’a dit, aux prétendues séquestrations arbitraires.
Nous attendons encoreque ceuxqui, auParlementou dans la presse,
en parlent si allègrement, apportent à l’appui de leurs affirma-
tions d’autres exemples que les trois cités partout et qui (je ne veux
pas rappeler les noms propres) visent un persécuté persécuteur ty-
pique, un maniaque classique et une débile mentale avérée. Invités
à donner des preuves, ceux qui parlent le plus haut des inteme-
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
LA LOI DB 1838 SIIR LBS ALIÉNÉS}
187
ments illicites en sont d’ordinaire réduits à se dérober plus ou moins
prestement, comme cet éminent écrivain, l’une des plus hautes il-
lustrations de notre littérature (c’est pour cela que je le cite), qui,
à une question indiscrète que je lui avais posée & la suite d’un de ses
articles, me répondait: « Le ton de certitude que j’ai eu dans mon
article m’a été inspiré par le souvenir d’événements de famille que
je ne tiens pas & publier et que vous me permettrez de garder pour
moi, au risque de passer pour avoir parlé sans documentation. » Je
lui demandais des faits, je n’exigeais pas des noms.
Le vice de la loi de 1838 est ailleurs. Quelle qu’ait été l’intention
deceux qui la congurent, en pratique et sauf dans quelques départe-
ments particulièrement importants, comme la Seine, on a fait d’une
loi, qui est à quelques égards une loi d’assistance, une loi de simple
protection contre les aliénés génants ou dangereux; dans la plu-
part des asiles, en effet, il n’y a guère qpe des placements d’offìce,
c’est-à-dire ordonnés par l'autorité publique. A ce point de vue,
le projet soumis au Sénat marquerait un progrès réel. En effet, Ie
paragraphe premier de l’article 3 est ainsi congu : « L’assistance
et les soins nécessaires aux malades atteints d’affections mentales
des deux sexes (il vaudrait mieux dire : aux malades des deux sexes
atteints d’affections mentales) sont obligatoires ». Je n’ai pas be-
soin d’insister pour montrer combien cette rédaction est préférable,
parce que plus humanitaire et plus philanthropique, à celle du pro-
jet voté par la Chambre et qui dit : « L’assistance et les soins né-
cessaires aux aliénés sont obligatoires ». La Chambre propose d’as-
sister les seuls aliénés, la commission du Sénat tous les malades at-
teints d'affections menlales ; les médecins ne se tromperont pas sur
la différence : une loi qui viserait les seuls aliéncs deviendrait, par
la force des choses, comme celle de 1838, une simple loi de sécurité
publique; au contraire, une loi visant tous les malades affectés de
troubles mentaux est bien une loi d’assistance. Mais la commission
du Sénat a-t-elle vu oii devait la conduire sa rédaction généreuse ?
* Le texte nouveau, dit M. Paul Strauss, a pour principale innova-
tion d’obliger le département à posséder un établissement public
ou de traiter avec un établissement public d’un autre départe-
ment », aulieuqu’il puisselefaireavecunétablissement privé.comme
le permettait la loi de 1838. J’y vois une autre innovation d’une
portée sociale très haute et, par conséquent, très louable. Ce ne sont
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REVUE DE PSYCHIATRIB
plus seulement les délirants, redoutables à un titre quelconque pour
la communauté, que l’asile pourra désormais recueillir, ce seront
tous les malades atteints « d’affections mentales » de toutes for-
mes qui auront besoin d’étre assistés et traités: malades affectés de
confusion mentale toxi-infectieuse, mélancoliques, obsédés de toute
nature, déments précoces inoffensifs, hystériques, d’autres encore.
Médecin, je ne puis pas ne pas applaudir aux intentions généreuses
de la commission du Sénat qui, si elles se réalisaient, ce que j’espère,
constitueraient, il ne faut pas se le dissimuler, un acheminement vers
l’assistance obligatoire de tous les infìrmes ou malades indigents.
Mais je demande à la commission du Sénat et à son éminent pré-
sident de ne pas reprendre d’une main ce qu’ils semblent vouloir
donner de l’autre, et leur philanthropie serait un leurre, que M. P.
Strauss me permette de le dire, s’ils mettaient à l’assistance des
conditions inacceptables pour ceux qui ne seraient pas contraints de
s’y soumettre. Or, c’est, hélas, je vais le montrer, ce que fait le pro-
jet de révision proposé.
Je ne demande pas pour les malades atteints « d’affection men-
tale » Ia mise en pratique actuelle de la formule que je crois ferme-
ment étre celle de l’avenir, d’un avenir où l’on aura pour les malheu-
reux dont il s’agit, et pour leur famille, plus de pitié et de généro-
sité. Cette formule, je l’ai dite ici: le psychopaihe aigu à l’hópilal , le
psychopaihe chronique á l'hospice ou á la colonie. Les Iégislateurs de
1838 n’avaient pas prévu qu’en prescrivant la construction des asi-
les, ils organisaient des sortes de léproseries et de maisons mal fa-
mées. L’asile, cela vaut moins que 1’hOpital, que l’hospice à quar-
tiers séparés, dont le malade, du moins, peut franchir la porte sans
qu’il en résulte une tare pour lui et sa famille. Mais je n’ignore pas
que le moment n’est pas proche où l’assistance aux indigents sa*a
assez générale, les hOpitaux et les hospices assez nombreux pour
que les malheureux atteints de maladies mentales puissent y trou-
ver place, à còté, sinon au milieu des autres malades ou infìrmes. Et
je me tiendrais pour satisfait, confìant dans l’avenir, si je voyais se
dessiner simplement une orientation dans ce sens.
Au demeurant, à défaut d’hdpital et d’hospice, l’asile vaut mieux
que rien. Au moins, effor^ons-nous de faire qu’il se rapproche de
l’hópital et de l’hospice plus que de la prison. Les médecins, par le
non restreint, par la suppression de la camisole et de la cellule, par
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LA LOI OE 1838 SUR LES ALIÉNÉ8
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l’a&tement, s’y sont employés, et voilà que le législateur nous me-
nace d’un mouvement en sens inverse. Si le Sénat commet la faute,
l’impardonnable faute, de voter le projet qu’on lui propose, tel
qu’on le lui propose, l’asile se sera rapproché de la prison.
Mon premier grief, mon gros grief contre ce projet, c’est qu’il ad-
met pour tous les malades — sauf, je ne l'oublie point, tout au début
du traitement — l’intervention de la magistrature et d’une déci-
skm judiciaire.
Je me hàte d’établir ici des distinctions nécessaires. La loi de
1838 remet à l’administration et au médecin le pouvoir, à mon sens
exorbitant, de décider de l’opportunité de l’internement ou de la
libération des aliénés délinquants ou criminels. J’estime qu’en cela
elle a méconnu les principes de notre droit public. G’est à la magis-
trature qu’incombe la mission de prendre les mesures destinées à
protéger la société; le médecin ne doit, il me semble, intervenir dans
l’espèce que pour éclairer les magistrats. J’approuve donc sans
réserves l’article 22 du projet, qui restitue au tribunal le droit de
décider si un malade délinquant, et délinquant de par sa maladie
(je préfère, je le dis en passant, cette formule à celle d’irresponsa-
ble, qui soulève bien des critiques), si le malade délinquant doit ou
non étre interaé dans un établissement public ou bien dans un asile
ou quartier de sùreté. L’article dit : étre interaé définilivemerd ; il
serait mieux, qu’on me permette cette remarque, de dire : étre in-
temé jusqu’à nouvel ordre , car il est possible que le malade guérisse
et cesse d’étre dangereux.
J’admets encore, et je la crois utile, l’intervention de la magis-
trature pour imposer un internement nécessaire à cette catégorie
d’aliénés, qui, inconscients de leur maladie, refusent d’accepter un
isolement indispensable et protestent d’une fagon formelle, conti-
nue et cohérente, contre cet isolement. Je l’admets parce que la ma-
gistrature, aussi bien quand il s’agit d’un intérèt individuel que d’un
intérét social, me paralt avoir seule le droit de contraindre un ma-
lade qui ne veut pas s’y soumettre, à une réclusion qui, pour étre
médicale, n’en est pas moins une réclusion. Je l’admets encore dans
ce cas, parce que si un interaement arbitraire était possible, c’est
dans le groupe de pensionnaires d’asile dont je parle qu’on rencon-
trerait les victimes des séquestrations injustifiables; on ne peut, en
effet, Bupposer un homme non malade, claustré dans une intention
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RBVUB DB PSYCHIATRIB
coupable, qui ne proteste, suivant les termes dont je me suis plus
haut servi, d’une fagon continue, formelle et cohérente. Mais les
psychopathes de cet ordre ne constituent, il ne faut pas l'oublier,
qu’une exception.
A cóté d’eux il y a la masse des confus, des paralytiques généraux,
des mélancoliques, des déments précoces, des maniaques mérae, dont
la maladie saute aux yeuxdes personnes lesplusétrangères aux fines-
ses de la pathologie mentale, qui ne protestent pas contre leur in-
temement, ou qui ne protestent qu’accidentellement, épisodique-
ment, comme le font certains malades des hdpitaux ordinaires que
nous n’avons pourtant nul scrupule d’y maintenir quand leur santé
l’exige.
Or, à ces malades, qui sont Ie très grand nombre, le projet du
Sénat, comme celui de la Chambre, impose les formalités les plus
vexatoires et les plus odieuses. On devine qu’au Parlement, qui
n’a été hanté que par une seule préoccupation, bien chimérique
préoccupation, j’ose l’affirmer, celle de multiplier Ies garanties con-
tre les intemements arbitraires, on n’a eu en vue que les bien por-
tants; on n’a pas songé une minute aux malades eux-mèmes. Bn
vain, pour faire accroire qu’il en était autrement, on a multiplié
les déclarations susceptibles de faire illusion : « A quoi tend, en
Bómme, la loi nouvelle ? écrit M. Dubief, rapporteur de la loi à la
Chambre, dans son livre sur le Régime des aliénés. D’abord à ne voir
dans l’aliéné qu’un malade; à faire tomber le préjugé fàcheux et
absurde qui fait de I’aliénation mentale une tare autre que celle
de la tuberculose, du cancer o.u de la syphilis; en rapprochant l’hos-
pitalisation des fous de celle de tous les autres malades... »
Fort bien! Mais nous allons voir comment on propose de s’y
prendre pour réaliser cette oeuvre louable.
Voici un mélancolique. Depuis quelques semaines il est tríste,
anxieux, s’accuse de méfaits chimériques, s’alimente mal ou pas,
est hanté d’idées de suicide; qu’il soit pauvre ou qu’il soit riche, il
est impossible de le garder à la maison : il faut, comme on dit, le
placer. G’est un accès qui va durer plus ou moins longtemps, trois,
six, douze ou quinze mois, mais dont le malade sortira guéri et ca-
pable de reprendre ses occupations. Le traitement et la surveillance
attentive que nécessite son état ne sont pas incompatibles avec la
discrétion désirable pour le malade, pour son avenir, pour sa famille.
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LA LOI DB 1838 SUR LBS ALIÉNÉS
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i moins que la loi se fasse l'mdiscrète. Or, voici (article 7 du projet sé-
nalorial) les pièces et formalités qu’ou va exiger du malheureux
pour le recevoir è l’asile ou & la maison de santé : 1° un certifìcat
médical. Soit. Mais ce certifìcat, qu’exige déjà la loi de 38, en ne de-
mandant, ce qui est naturel, que la légalisation de la signature du
médecin. Si celle-ci n’est pas connue du directeur de l’établisse-
ment, ce certificat devra ètre, sauf urgence, visé par le maire, le
juge de paix ou le commissaire de police. Voilà donc un fonction-
naire initié à l’infortune de notre pauvre mélancolique; si cela se
passe dans une grande ville, ce ne sera pas très grave; mais si c’est
à Landemau ? Et pourquoi exiger qu’un magistrat municipal soit
d’embiée mis au courant d’une affection que ni le malade, ni la fa-
miDe n’ont intérét à rendre publique ? « Afin, dit M. Dubief, de don-
ner cette garantie première qu’il ne sera plus possible d’enlever un
malade sans mème que Ia famille le sache. » Grand merci pour la
garantie première! Voyons les autres.
Dans les vingt-quatre heures qui suivent l’entrée du malade, le
directeur de l’établissement avise : 1° le préfet du département;
2° le Procureur de la République dans le ressort duquel l’établis-
sement est situé; 3° le Procureur de la République dans le ressort
duquel se trouve le domicile du malade. Je n’ignore pas que ces
prescriptions figurent déjà dans la loi de 1838 : et comme on ne
songe guère à atténuer ce que celle-là peut avoir d’excessif et de
vexatoire, je serais mal venu à protester contre l’une des formalités
qu’elle édicte. Cependant je ne saurais taire les grands inconvé-
nients, démontrés par la pratique, de l’avis donné au Procureur
de la République du domicile. Suivez notre mélancolique: il a quel-
ques ressources; pour ne pas compromettre son avenir, sa famille
décide de le conduire dans une maison de santé éloignée de son ar-
rondissement. Vaine précaution : Ie procureur de la petite ville est
avisé sans délai par son collègue. Certes, il est respectueux du se-
cret professionnel! Mais dans les cabinets deprocureurdeprovince,
comme dans ceux des juges d’instruction de Paris, il y a des fis-
sures, et toute la sous-préfecture ne tarde pas à savoir que notre
malade est à Paris, à Lyon ou à Bordeaux dans une maison de santé;
son patron, car je le suppose employé, se hàte de prendre les dis-
positions pour le remplacer définitivement. Nouveau résultat de la
loi protectrice.
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RBWB DB PBYCHIA.TRIK
Poursuivons : ici le projet de revision innove. L’article 7, dit
M. Paul Strauss, renferme une disposition d’une importance ex-
tréme. Je suis de l’avis de M. Strauss; l’importance de la disposition
en question est extrème à ce point qu’elle suffirait, & mon avis, si
elle était adoptée, à vicier radicalement la loi, qui, par ailleurs, con-
tient de bons articles, je me plais à le proclamer. Gette disposition
pose le principe de l’intervention judiciaire pour tout placemeat
définitif; définitif est pris ici dans le sens opposé à provisoire et ne
signifie pas « placement qui n’aura pas de terme ». Donc « le Pro-
cureur de la République, qui a l’établissement dans son ressort,
saisit le tribunal du placement provisoire dont il est avisé. Le tri-
bunal saisi a seul qualité pour rendre le placement définitif: il prend
à cet effet une décision en chambre du conseil et basée sur les certi-
ficats médicaux délivrés par le médecin de l’asile, au cours d’une
période d’observation qui ne doit pas dépasser six mois. »
Notre mélancolique est dans l’établissement depuis plus de cinq
mois : le médecin, escomptant une guérison, possible d’un moment
à l’autre en pareil cas, a sagement temporisé avant de requérir un
placement définitif. Mais le voilà acculé à le faire par la loi. Le ma-
lade guérira dans deux, trois mois; cela importe peu : le tribunal m-
tervient et consacre, par une décision judiciaire, la qualité, jusque-là
provisoire, de notre malade, de pensionnaire « définitif » d’une
maison de fous.
Pour qui regardera les choses au point de vue purement juridique,
I’inconvénient parattra mince. Mais pour qui sait les légitimes pré-
ventions des malades et de leur famille, le souci qu’ils ont d’éviter
la tare que comporte l’entrée dans une maison spéciale, dont la na*
ture implique pour ceux qui s’y font admettre une sorte de dé*
chéance et de déclassement définitif, il est aisé d’entrevoir tout
ce qu’il y aura de blessant dans la formalité judiciaire qui consti-
tuera une consécration officielle de ce déclassement. Alors que Ies
familles s’efforcent actuellement d’éviter les formalités, relative-
ment réduites de la loi de 1838, à plus forte raison chercheront-elles
à se soustraire à ce jugement humiliant qui, à quelques égards,
rappellera ceux qui ouvrent l’entrée des prisons.
Ni la Ghambre, ni la commission du Sénat n’y ont pris garde.
Dans leur souci de protéger les bien portants contre un péril ima-
ginaire de séquestration arbitraire, elles ont perdu de vue l’intérét
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LA LOI DE 1838 SUR LES AUÉNÉ8
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des malades. Les parlementaires ont ignoré que quelques-uns d’en-
tre eux, et non des moins notables, seraient aujourd’hui injuste-
ment, mais complètement disqualifiés si la Ioi qu’ils préparent eùt
existé au moment où les troubles cérébraux transitoires dont ils
ont été atteints, et qu’on a pu dissimuler, ont nécessité des soins.
On nous ,dit que l’intervention de la magistrature non seule-
ment dans les cas exceptionnels des deux premières catégories dont
j’aiparlé et où je la crois légitime, mais dans tous est unanimemenl
acceptée.
Je ne puis pas ne pas m’élever contre une pareille aífirmation.
Cette unanimité, du moins, ne comprend pas les médecins, parmi
lesquels se sont déjà produites des protestations que je me permets
d’accentuer ici. On devine que le projet adopté par la Ghambre et
celui de la commission du Sénat ont été—encore que Sénat et Gham-
bre comptent parmi leurs membres beaucoup de médecins, — on
devine, dis-je, que ces projets ont été inspirés par une conception
théorique et fausse des malades atteints de psychopathies. J’aime
mieux l’attribuer à l’ignorance des distinctions cliniques, excusable
chez des législateurs, qu’à un manque d’humanité.
J’approuve la commission du Sénat quand, à la différence de ce
qu’autorise la loi de 1838, manifestement défectueuse sur ce point,
elle admet que le malade puisse lui-méme, sans l’intervention d’une
tierce personne, demander son admission dans un asile. G’est fort
bien. L’article ajoute qu’avis du placement volontaire sera donné
au préfet ou au Procureur de la République. « Mais, dit le rappor-
teur, il n’y a pas lieu d’aller au delà et d’exposer les malades à des
mdiscrétions fàcheuses qui ne tarderaient pas à les éloigner des éta-
blissements. » Gomment notre éminent collègue, M. Strauss, n’a-t-il
pas vu que ce commentaire de l’article 9 constitue la critique des
formalités prescrites à l’article 7 ? II réserve aux malades placés sur
demande « les indiscrétions fficheuses » susceptibles de les éloigner
des maisons de santè et des aSiles. C’est faire ressortir les inconvé-
nients—je ne veux pas dire l’odieux — de ces formalités.
J’arrive à l'article 10 qui vise les psychopathes soignés dans leur
famille. Je n’ignore pas que les tribunaux ont eu plus d’une fois
à sèvir contre des cas révoltants de séquestration à domicile. Les
malheureuses victimes de l’égolsme et de la cruauté familiales sont
d’ordinaire des enfants arriérés ou idiots, des vieillards affaiblis ou
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RBVUK DB PSYCaiATBIB
déments. L’opinion publique s’indigne justement contre les actes
de barbarie de certains parents dénaturés et il est légitime que l’on
se préoccupe des moyens de les prévenir. Mais en tout la mesure est
nécessaire, et le mal serait pire que le remède si les moyens préven-
tifs imaginés pour empécher le retour de traitements odieux, qui au
demeurant sont rares, devaient constituer une surveOlance inuti-
lement tyrannique de nombreux milieux familiaux, d’autant plus
dignes d’étre respectés que Ie malheur y est entré. Or, le projet dé-
cide que chaque fois qu’un malade sera soigné chez lui, c’est-à-dire
au domicile familial, passé six mois l’autorité y fera son entrée; le
conjoint, parent ou tuteur, devra aviser le Procureur de la Répu-
blique et lui foumir un rapport sur I’état du malade. J’avoue que
je ne vois pas sans appréhension cette menace d’une surveillance
humiliante. Qui de nous ne partagerait ce sentiment en se rappe-
lant les efforts et les sacrifices touchants dont nous sommes quoti-
diennement les témoins : l’abnégation d’une mère, d’une fille ou
d’une épouse se consacrant pendant des mois et des mois à entourer
de sa sollicitude une fille aboulique et obsédée, un fils dément pré-
coce, un mari paralytique général, une mère mélancolique, s’atta-
chant avec une admirable persévérance à défendre contre la maison
de santé, dans la discrétion jusqu’ici respectée du home, ces étres
chers dont ils ont 1’iUusion de dissimuler ainsi I’infortune. Désor-
mais l’homme de loi pénétrera dans le sanctuaire inviolé. G'est grave.
Etes-vous sfirsque les avantages compenseront lesgrosinconvénients
de votre disposition législative ? Geux qu’elle atteindra seront ceux
qui sont respectueux de la loi et dont on n’a guère à redouter qu’ils
se Uvrent à la séquestration à domicile. Les autres ne trouveront-ils
pas le raoyen de s’y soustraire? Je crois cette disposition vexatoire
et inefficace. On ne se contente pas de punir, on présume le délit.
G’est traiter les malades et leur famille plus mal que les apaches
qu’on ne place qu’après condamnation, c’est-à-dire après le délit,
sous la surveillance de la haute police. Je m’indigne comme la com-
mission duSénat (est-il besoin de ledire?) contre les mauvais traite-
ments et le manque de soins que subissent quelquefois dans leur
triste mitieu quelques malheureux malades. Mais ce ne sont paa
tous.des atiénés; je ne sais pas raéme si ce sont le plus souvent des
atiénés. II me semble que pour surveiller quelques-uns et empècher
des actes regrettables, il y a, ne fùt-ce que par le concours de la pó-
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LA LOI DE 1838 SUR LES AXJÉNÉS
lice instruite par la voix pubiique, d’autres moyens que ceux qu’ou
précouise. Ne va-t-on pas prendre un marteau pilon pour écraser
une mouche, quitte, avec cet engin formidable, à blesser bien des
gens?
Que si, pour échapper aux formalités vexatoires qui attendent les
malades au domicile privé comme à la maison de santé, les familles
(eela arrive souvent, méme aujourd’hui) songent à l’exode vers un
é tabiissem ent de l’étranger, illeurfaudrarenonceraussiàcemoyen
d’entourer dediscrétion leur infortune. La vigilance de la Cham-
hre et de la commission du Sénat a tout prévu. Article 12 :« Nul ne
peut étre conduit à l’étranger pour ètre placé dans un établissement
recevant des aliénés, sans que la déclaration en ait été faite, avant
le départ, au Procureur de la République du domicile du malade;
cette déclaration devra étre accompagnée du rapport médical cir-
cpnstancié prescrit par l’article 7. Tout Frangais qui, à l’étranger,
provoque le placement d’un Frangais dans un établissement rece-
vant des aliénés, est tenu de faire, dans un délai d’un mois à partir
du placement, la déclaration de ce placement au Procureur de la
République du demier domicile en France du malade. #
On ne peut pas mieux protéger les gens que ne le fait le projet
de k)i. Mais vraiment, n’est-ce pas ie cas de s’écrier : trop de solii-
citude 1 Je vois bien le mal que cette loi ferait, les sentiments res-
pectables qu’elle blesserait, les humiliations qu’elle imposerait à des
malades et à des familles durement frappées. Je ne vois pas ce qui
légitime des mesures aussi draconiennes. S’il y a des faits, qu’on les
apporte; mais qu’on ne s’imagine pas que pourraient tenir lieu d’ar-
guments quelques périodes sonores sur les dangers courus par la
liberté individuelle, quelques phrases archalques sur les cabanons —
qui n’existent plus — et les bastilles modemes dont on propose de
mieux fermer les portes au moment méme qu’on dit vouloir les
détruire.
Ge n’est pas dans cette direction qu’oriente l’esprit de progrès. II
exige qu’après avoir restitué à la magistrature ce qui lui appartient
etn’appartient qu’à eUe, nous nous efforcions de tenir aussi largement
ouvertes qu’il est possible l’entrée et la sortie des asiles, que nous
transformions ces demiers en hdpitaux ou hospices, où les mesures
légales seraient appliquées individuellement suivant les exigences de
chaque cas, mais non indistinctement et souvent sans nécessité & toua
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REVUE DE PSYCHIATRIE
ceux qui en franchiraient le seuil. Pour parer aux abus — qu'il est
aussi sage de tenir pour possibles qu'il serait regrettable de s’en ins-
pirer comme s’ils devaient ètre la règle — des inspections des mai>
sons de malades régulières, fréquentes, effectives, par une commis-
sion de deux membres, associant la double compétence juridique
et médicale, auraient, j'en suis convaincu, toute l’efficacité dési*
rable. Ainsi seraient & la fois sauvegardée la liberté des bien por*
tants, qu’on prétend menacée, et ménagés les intérèts des malades
et de leur famille. La responsabilité des directeurs de maisons de
santé, avec les sanctions sévères qu’ils encourraient en cas d’at*
teinte flagrante & la liberté individuelle, suffirait à tout sans léser
personne.
Je sais bien qu'il peut paraltre chimérique de prétendre relàcher
les prescriptions de la loi de 1838 à l’heure méme où on parle de
toutes parts de les resserrer. N’accusera-t-on pas de visées para*
doxales ceux qui songent à transformer en maison ouvertes ces
léproseries modemes que sont nos asiles actuels ? Peut-ètre. Mais
on en a dit autant de ceux qui ont parlé de supprimer les moyens
de contrainte, et de ceux aussi qui ont préconisé l’alitement. Pour*
tant les moyens de contrainte n’existent plus et l’alitement fonc*
tionne dans tous les asiles qui se respectent.
Sans regarder trop loin dans l’avenir, sans exiger de la commission
du Sénat qu’elle s’avance plus vite qu’elle ne le peut faire dans la
voie du progrès, je lui demande simplement de ne pas lui toumer Ie
dos en maintenant les regrettables aggravations que j’ai signalées
et qu’elle propose d’introduire dans la loi actuellement en vigueur.
Messieurs, j’ai critiqué le projet de revision de la commission du
Sénat sans aucun parti pris. Je me plais à rendre hommage à cer*
taines des dispositions de ce projet, à celles notamment qui visent
les aliénés dits criminels et la création d’asiles de sùreté. Si je n’a*
vais craint d’abuser des moments de l’Académie, j’aurais présenté
quelques observations à leur sujet, mais j’aurais surtout montré
qu’elles marquent un progrès sur la loi de 1838. Toutefois, quelqu’ait
été mon désir de louer Ies intentions des législateurs, je ne pouvais
pas ne pas dire avec franchise quels sont les points sur lesquels ils
me paraissent faire fausse route, alors surtout que le mal n’est pas
déíinitivement consommé, et qu’il dépend du Sénat de réformer,
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LA LOI DB 1838 SUR LES ALIÉNÌS
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en ce qu’elle a de défeotueux, l'oeuvre de la Chambre et de sa com-
mission. Or, que le Sénat y prenne garde. Si les observations que
j’ai présentées sont fondées, la loi qu’on lui propose ne rajeunit pas
l’ancienne, comme on l’a dit; elle la vieillit.
Ge ne sera pas une loi de progrès, mais une loi de recul.
Ge ne sera pas une loi médicale, mais une loi policière.
Ge sera par surcrolt une loi antidimocrcdique, car les riches trou-
veront peut-étre le moyen d’échapper à ses rigueurs, les pauvres
non.
Pour la justifier on a invoqué le voeu de l’opinion pubUque. Que
les parlementaires s’occupent de donner à celle-ci satisfaction.o’est
dans quelque mesure leur devoir. Mais les médecins n’ont pas les
mSmes raisons d’en tenir compte, ils doivent regarder avant tout
de quel cfité est l’intérét du malade, de la masse des malades. Ils
savent qu’on préte souvent à l’opinion des soucis qu’elle n’a pas,
que d’ailleurs elle est singuUèrement variable, qu’eUe est à la merci
d’un fait divers, plus ou moins bien rapporté par la presse qui se
pique plus de célérité que d’exactitude, que suivant les incidents
du jour eUe est pusillanime ou féroce, que tantòteUes’exalte[pour la
liberté individuelle, tantót pour la sécurité sociale.
Qu’on arrive à l’émouvoir en agitant devant eUe le spectre, d’aU-
leurs illusoire, comme le sont d’ordinaire les spectres, des séquestra-
Uons arbitraires, ce n’est pas impossible; mais le Sénat aurait peut-
ètre tort de perdre de vue que si les mesures que sa commission pro-
pose étaient adoptées, l’opinion, variablede sa nature, pourrait bien
faire volte-face et s’élever avec une indignation qu’on ne pourrait pas
ue pas trouver légitime, contre les dispositions vexatoires et inhu-
maines dont l’Académie, et particuliérement notre exceUent col-
lègue M. Strauss, m’excuseront d’avoir fait la critique.
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NOUVELLES
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Peraozmel midlcal des asdles. — M. Olivier, médecin-adjoint
de l'asile public d'aliénés de Blois, promu à la classe exceptionnelle.
M. Courbon, médecin-adjoint de l’asile public d’aliénés de Dury-les-
Amiens, promu à ia classe exceptionnelle.
M. Latapie, médecin-adjoint de l’asiie public d’aliénés de Saint-
Yon, promu à la première classe.
M. Robert, médecin-adjoint de l’asile public autonome d’aliénés
de Cbdteau-Picon, promu à la classe exceptionnelie.
M. Fouque, médecin-adjoint de l’asile d’aliénés de Bégard, nommé
médecin-adjoint de la Colonie familiale de Dun-sur-Auron.
M. Mézie, médecin-adjoint de l’asile public autonome d’aliénées de
BaiIIeul, promu à la première classe.
M. Albes, médecin-adjoint de l’asile de Montpellier, promu à la
classe exceptionnelle.
Prìx de la Société médico-psychologique. Année 1914.—
Prix Aubanel. — 1.500 francs. — Question : Les démcnces traumali-
gues d l'exclusion de la paralysie générale.
Pnix Christian. — 300 írancs. — Ce prix est attribué chaque
année par le Bureau de la Société donataire à un interne des asiles
d’aliénés de Paris ou de la! province, momentanément géné, soit pour
terminer ses études, soit pour payor sa thèse.
Prix Esquirol. — Ce prix, d’une valeur de 200 francs, sera décerné
au meilleur mémoire manuscrit sur un point de pathologie mentale.
Prix Semelaígne. — 300 francs. — Ce prix est attribué à la
meilleure thèse soutenue au cours des trois années précédentes, par un
interne des asiles de la Seine ou des hópitaux de Paris, sur un sujet
de médecine mentale, concernant de préférence l’histoire, la législa-
tion ou la médecine légale.
Année 1915.— Prix Belhomme. — 900 francs. — Question :
Etude comparée du régime des ré/lexes dans les diverses formes de
l'idiotie el de leur valeur palhogènique.
Prix Christian. — 300 francs. — Ce prix est attribué chaque
année par le Bureau de la Société donataire à un interne des asiles
d’aliénés de Paris ou de province momentanément gèné, soit pour
terminer ses études, soit pour payer sa thèse.
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NOUVBLLBt
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Prix Esquirol. — Ce prix, d’une valeur de 200 francs, sera décerné
au meiUeur manuscrit sur un point de pathologie mentale.
Prix Moreau (de Tours). — 200 francs. — Ce prix sera décernd
au meilleur mémoire manuscrit ou imprimé, ou bien à la meilleure des
théses inaugurales soutenues en 1911 et 1912, dans les Facultés de mé-
decine de France, sur un point de pathologie mentale et nerveuse.
Nota. — Les mémoires, manuscrits ou imprimés, devront étre
déposés le 31 décembre 1913 pour les prix à décerner en 1914, et le
31 décembre 1914, pour les prix à décerner en 1915, au siège de la
Société, 12, rue de Seine, à Paris, ou chez M. le docteur Ant. Ritti,
secrétaire général de la Société médico-psychologique, 68, boulevard
Exelmans, Paris-Auteuil. Les mémoires manuscrits devront fttre
inédits et n’avoir pas obtenu de prix dans une autre Société; ils
pourront fttre signés. Ceux qui ne seront pas signés devront fttre
accompagnés d’un pli cacheté avec devise, contenant les noms et
adresse des auteurs.
Riglemenl du prix Chrislian. — Article premier. — Les internes des
asiles de France, candidats au prix Christian, devront :
1° Etre de nationalité frangaise;
2° Justifier de leur état de gftne momentané par la production
d’une attestation du médecin chef du service où ils sont internes;
3° Faire parvenir au secrétaire de la Société médico-psychologique
une copie du manuscrit de leur thèse.
Art. 2. — Le candidat désigné par le Bureau recevra le montantdu
prix après l’envoi au trésorier de la Société médico-psychologique
de deux exemplaires de faculté de sa thèse.
Art. 3. — Dans le cas où le prix ne serait pas décerné une année, Ie
montant en sera reporté à l’année suivante et le Bureau pourra, s’il y
a lieu, décerner plusieurs prix.
Art. 4. — Le prix Christian ne confrère pas au candidat qui l’obtient
ie titre de Iauréat de la Société raédico-psychologique.
Les postes de médecins adjoints. — II y a quelque temps, un
vif émoi s’est emparé du corps médical des asiles, et particulièrement
des internes, à la nouvelle que plusieurs ^ostes de médecins-adjoints
allaient fttre supprimés. Le mal est heureusement moins grand qu’on
ne le disait.
A l’asile de Marseille, Ie nombre des médecins-adjoints a été réduit
de deux à un. Le budget est en déficit, l’asile cst autonome, par consé-
quent maltre de scs deniers; la commission administrative, approuvée
d'ailleurs par le Ministère, s’est vue dans l’obligation de réaliser cette
èconomie; il faut s’incliner.
A l’asile de Dury-les-Amiens, Ia supression d’un des deux emplois
d’adjoints était décidée, mais M. Mirman est intervenu auprès de M. le
Préfet de la Somme, lui a demandé d’user de son influence pour
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REVUE DE PSYCHIATRIE
obtenir du Conseil général le maintien des deux postes d’adjoints.
Tout perraet d’espérer que de ce cdté le danger est maintenant conjuré.
Onaencore parlé de la suppression des postes d’adjoints & Leyme et
à Limoux, asiles privés faisant fonction d’asiles publics. Voici ce qui
s’est passé :
Ces établissements ne sont nullement tenus & prendre leurs adjoints
parmi les médecins du cadre. C’est cependant ce qu’ils font depuis
plusieurs annéesdéjà.sous la douce pression du ministère de l’Intérieur.
Des médecins issus Jdu Concours sont donc allés à Leyrae et à Limoux,
mais,pourdes raisonsqu’il conviendra d’examiner en temps et lieu.ils
n'y sont jamais restés longtemps; à la prcmière vacance qui s’est
produite ailleurs, iis ont demandé leur changement.
Du fait de ces départs successifs,les postes d’adjoints de Limoux et
de Leyme sont restés sans titulaires parfois pendant plusieurs mois, et
alors le conseil d'administration de Leyme et la communauté religieuse
de Limoux ont tenu au ministère de l’Intérieur le langage que voici:
« Vous nous avez engagés à faire appel à vos médecins pour remplir
les fonctions d'adjoints dans nos établissements; nous vous avons
écouté. Résultat : la plupart du temps nos postes sont vides. II en
sera toujours ainsi. En effet, comment voulez-vous que des jeunes
gens habitués à la vie des grandes villes, Paris, Bordeaux, Toulouse,
etc., puissent se plaire dans nos petites localités. Laissez-nous done
revenir à notre ancienne manière de faire, trouvez bon que nous
choisissions nos adjoints, comme autreíois.parmi les jeunes médecins
établis définitivement dans nos régions. >
Le raisonnement ne manque pas d’habileté; néanmoins M.Mirman
ne s’est pas laissé convaincre et deux des médecins nommés au dernier
concours vont occuper les postes de Leyme et de Limoux. Esculape
veuille qu’ils y restenti
Je quitte la province pour Paris.
Ces jours derniers encore, un médecin-adjoint me demandait,
après plusieurs autres, quand serait créé le poste de médecin-adjoint
de Sainte-Anne. Ces questions prouvent que leurs auteurs ne sont pas
au courant de la situation.
M. Magnan, en rrfison de son grand àge, de ses très longs services,
desahautesituationscicntifique, avait été autorisé à choisir un colla-
borateur ayant le titre d’assistant et payé par le budgetdépartemental.
M. Magnan parti, le Conseil général, sur la proposition de M. Henri
Rousselle, rapporteur des budgets et comptes de l’asile Sainte-Anne,
a supprimé ce poste d’assistant.
Toutefois, le rapport de M. Henri Rousselle contient le passage
suivant :
« Nousavonstoute raison de croire que le nouveau médecin enchef,
M. le docteur Briand, qui est dans la force de l’àge et dont nous avons
étó à mème de reconnaltre personnellement l’activité et les grandes
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NOUVELLES
201
capacitée, saura assurer seul un service dont M. le docteur Magnan
s’était acquitté longtemps sans autre aide que celle de ses internes.
Si, dans l’avenir, le fardeau semblait trop lourd & M. le docteur
Briand, on pourrait scinder en deux divisions (hommes et femmes)
le service de l’administration et appeler & la téte de l’une d’eiles le
médecin en chef de la consultation. Ce dernier serait alors remplacé par
un médecin-adjoint. *
Ch. Vallon. L' Informateur des Aliénislca ct
Neurologislcs (n° de mai 1913).
Cangrès international de neurologie, de peychiatrie et de
psychologie (Beme, 7-12 septembre 1914). — La Société suisse
de neurologie a accepté à l’unanimité la mission que lui confiait le
Comité du Congrès tenu à Amsterdam en 1907 d’organiser un nouveau
Congrès de neurologie, de psychiatrie et de psychologie faisant suite
à ce dernier. En transmettant officiellement ses pouvoirs à la Société
sui8se de neurologie, le Comité hoilandais agissait en vertu des réso-
lutions prises à Amsterdam qui lui conféraient la mission d’assurer
la permanence de ces Congrès.
En conséquence, se considérant comme mandataire du Comité
hollandais, la Société suisse de neurologie a décidé d’organiser une
oouvelle session du Congria inlernalional de neurologie, de paychialrie
d de pagchologie. II aura lieu à Beme du 7 au 12 aeplembre 1914.
« En raison de l’anarchie qui a régné jusqu’ici dans l’organisation
des Congrès intemationaux de neurologie et de psychiatrie, nous
n’avons pas cru devoir attribuer au Congrès de Berne un numéro
d'ordre qui serait différent suivant qu’on considère ou non le Congrès
d’Amsterdam comme le premier du genre. Nous préférons abandon-
ner l’appréciation de cette question à un comité international qui
serait, à l’avenir, chargé d’assurer la continuité et la régularité de nos
congrès; nous nous réservons, lors du Congrès de Berne en 1914, de
proposer, comme une mesure indispensable, la constitution d’un
Comité international permanent.» Le Coraité d’organisation : Dubois
(Beme), Présidenl; Monakow (Zurich), Ladame (Genève), Vice-Pri-
aidenla; R. Bing (Bále), aupplianl; L. Schnydbr (Berne), O.Vera-
odth (Zurich), Secritairea.
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ítEVUE DES SOCIÉTÉS
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SOCIÉTÉ MÈDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 28 avril 1913.
Après lecture d’un rapport de M. Sérieux, M. Zonolaki est nommé
membre associé étranger.
Après lecture d’un rapport de M. Toulouse, M. Mignard est nommé
membre correspondant.
Rapport de la Gommission du prix Belhomme. — M. Capcras.
— Troismémoiresontétéprésentéssurla question posée pour le prix
Belhomme : De la démence chez les épileptiques.
Le mémoire n° 3 a pour devise Palienlia ; il contient un historique
très complet et méthodiquement ordonné d’après ies conceptions
fondamentales des auteurs. II s’appuie sur l’analyse psychologique de
quatre-vingt-huit malades hommes, examinés à l’aide de tests sim-
ples. L'auteur distingue trois types principaux de démence : 1° une
démence terminaie analogue à celle de la paralysie générale; 2° une
démence amnésique, forme habituelle de démence épileptique, essen-
tiellement caractérisée, contrairement à la Ioi de régression de la
mémoìre, par I’oubli des faits anciens; 3° une forme stupide voisine de
la confusion mentale chronique. L’auteurpasse ensuite en revue lediag-
nostic, l’évolution, l’étiologie, les complications, etc.; au pointde
vue étiologique, il n’émet que des considérations un peu brèves sur
les causes du développement de la démence. 11 conclut que la démence
est extrèmement fréquente (90 p. 100 des cas) chez les épileptiques
qui ont souffert au cours de leur existence d’accès psychopathiques
divers. En somme, ce mémoire constitue une bonne mise au point de
Ia question.
Le mémoire n° 1 a pour auteurs MM. Brissot et BouriIhet,médecins
adjoints à l’asile de Moulins. C’est un travail consciencieux, renfer-
mant des documents cliniques intéressants, de longues observations
prises avec soin. Les auteurs se sont livrés à des recherches minutieuses
sur Ie traitement de l’épilepsic par l’acide borique. Ils ont quelque peu
négligé l’historique et l’étude psychologique des démences épilepti-
ques. Comme formes cliniques, ils distinguent les variétés suivantes :
l’obtusion intellectuelle qui est généralement le premier degré des
formes suivantes, la démence simple, la démence à forme de pseudo-
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REVUE DE8 SOCIÉTÉS
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panlysie générale, la démence épileptique à forme de démence pré-
eoce, les démences secondaires avec épilepsie associée & des vésanies
et la démence des débUes épileptiques.
Les auteurs du mémoire n° 2, M. Benon, médecin-adjoint, et
M. Legal, interne du quartier d’hospice de Nantes, ont présenté un
travail clair, méthodique et élégant, mais pauvre en faits cliniques
(8 observations personnelles et 12 choisies dans les auteurs). Ils recon-
naisseQt chez les épileptiques plusieurs sortes de démence : 1° la
dèmence épileptique proprement dite dans laquelle l’épilepsie, avec
ses vertige8 et ses crises, apparatt comme la seule cause déterminante;
2° la démence produite par une ou plusieurs causes surajoutées à
l'itat épileptique (infections, intoxications, traumatisme, puberté,
ménopause, sénilité, etc.).
Votre Commis8ion vous propose de décerner le prix Belhomme aux
mémoires n° 3 et n° 1 et d’accorder 600 francs au premier, 400 francs
au second. Pour le prix Belhomme à décerner en 1915, elle a choisi
la question suivante : Etude complète du régime des réflexes dans les
dioerses formes de ridiolie el de leur valeur pathogénique.
Rapport de la Commiwdon du prlx Eaquirol. — M. René
Charpbntier. — Messieurs,vous avez nommé une Commission com-
posée de MM. Kéraval, Rogues de Fursac, Sérieux, Trénel, René
Charpentier, rapporteur, chargée d’examiner les méraoires des can-
didats au prix Esquirol pour l’année 1913.
Deux mémoires ont été déposés. Le mémoirc n° 1 a pour titré :
« L’imitation dans les maladies mentales et nerveuses », et pour
auteur M. le docteur Genil-Perrin, médecin des asiles publics d’aliénés
et licencié ès lettres.
Dans un volumineux mémoire, très documenté et qui présente des
qualités remarquables de critique et de méthode, l’auteur étudie les
manifestations morbides des tendances imitatives.
11 passe successivement en revue les phénomènes d’imitation que
l’on observe chez les dégénérés inférieurs, les vésaniques ct les confus,
les obsédés etles tiqueurs, les organiques, les sujets en état d’hypnose.
Etudiant ensuite les manifestations complexes des tendances imi-
tatives, M. Genil-Perrin montre que, dans la genèse du crime et du
suicide,la notion d’imitation doit ètre substituée à la notion de conta-
gion mentale.
Après avoir analysé les théories générales dc l’imitation,M.GeniI-
Perrin conclut que la réaction imitative semble constituer un des
modes Ies plus généraux de l’activité humaine. L’instinct ne s’exerce,
dans l’espèce humaine, que dans des proportions restreintes et, dans
la majeure partie de ses actes, l’hommc est guidé par l’imitation qui
se révèle par là, suivant le mot de Cabanis, comme la principale
source de son perfectionnement, comme le principal agent de perfec-
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RBVUB DB P8YCHIATRIB
tibilité de l’espèce. S’exergant au début & tort et ò travere, cette
tendance à l’imitation se trouve plus tard endiguée par l’activité
mentale supérieure; dans le cas pourtant où la synthèse mentale ne
parvient pas ò un degré suffisant de cohésionouquand ellesedésagrège
sous des influences pathologiques, l'activité automatique s’affran*
chit et l’imitation tend ò se manifester automatiquement et ò échap-
per au contròle de la volonté.
L’auteur reconnalt cependant que cette explication ne suffit pas ò
éclairer certains faits, en rapport avec un état d’affaiblissement
psychique, et dans lesquels l’imitation paralt ètre le résultat d’on
travail intellectuel plus ou moins conscient, plus ou molns volontaire.
Le mémoire n° 2, consacré òl’étudedes« Psychoses interprétatives >,
a pour auteur M. le docteur Libert, interne des asiles de la Seine et
licencié èssciences.
Les notions récentes sur le délire d’interprétation, introduites en
psychiatrie, dans une série de travaux, par MM. Sérieux et Capgras
ont montré tout l’intérèt qui s’attache ò l’étude des interprétations
délirantes et de leur valeur séméiologique. Dans l’excellent mémoire
qu’O présente ò vos suffrages, M. Libert étudie en réalité, non pas
seulement les «Psychoses interprétatives», mais l’interprétation erronée,
phénomène banal,et l’interprétation délirante,sympt6me pathologique.
Après avoir exposé l’historique de la question et insisté sur les
vapports des états émotionnels et passionnels avec les interprétations
fausses, l’auteur étudie l’interprétation délirante propreraent dite et
ses différentes modalités. jll distingue :
1° Les cas dans lesquels le symptóme interprétation est accidentel,
épisodique;
2° Les cas de véritable syndrome interprétatif au cours de l’évolu-
tion (psychose périodique, démence précoce, etc.), d’un état psycho*
pathique;!
3° Les cas de délire d’interprétation dans lesquels l’interprétation
délirante est le syndrome primordial, mais non unique, de l’entité
morbide isolée et décrite par MM. Sérieux et Capgras et caractérisée
par: la multiplicité des interprétations délirantes; I’absence, Ia rareti,
la contingence des hallucinations; la persistance de la lucidité et de
l’activité psychiques; l’extension progressive des haliucinations; l’incu-
vabilité sans démence terminale.
Cette étude, très consciencieuse, renferme quarante-deux longues
observations, pour la'plupart pereonnelles,et constitue une importante
contribution ò l’étude de la séméiologie de l’interprétation fausse.
Messieure, en présence de ces deux mémoires dont, par ce court
exposé, vous pouvez apprécier la valeur, votre Commission, se repor-
tant aux conditions ò remplir par Ies mémoires présentés pour Ie prix
Esquirol, vous propose de décerner ce prix pour l’année 1913 ao
mémoire n° 2, mémoire purement clinique, appuyé sur de nombreusee
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REVUE DBS SOCIÉTÉS
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observations personnelles et dont l’auteur est M. le docteur Libert.
EUe vous propose, en outre, de décerner à M. le docteur Génil-Perrin,
auteur du mémoire n° 1, une mention très honorable pour son travail
sur l’imitation qui, bien que d’une égale valeur, a paru & votre Com-
mission s’éloigner davantage des conditions exigées pour l’attribution
du prix Esquirol.
Les condusions de ce rapport sont adoptées.
Rapport de la Conxmiaaion du priz Moreau (de Tours). —
M. Mignot. — Messieurs, vous avez chargé une Commission, composée
de MM. Séglas, Colin, Leroy, Marchand et Mignot, rapporteur, d’exa-
miner les travaux présentés pour le prix Moreau (de Tours).
Dans sa thèse sur rAlcoolisme en Normandie, M. Théodore Foumier
a cherché & déterminer l’influence de cette intoxication dans la genèse
des cas d’aliènation mentale observés par lui comme inteme à l’asile
d’Alengon.
Alors que la consommation moyenne de la France était, en 1910, de
3 litres 59 d’alcool pur par habitant, celle de la Normandie atteignait
le chiffre de 9 litres 25, soit près du triple.
Le Normand s’alcoolise de préférence avec l’eau-de-vie decidre.el
0 le fait parce que c’est l’usage et que, dans cette région de la France,
l’opinion publique se montre très bienveillante pour l’ivrogne Le privi*
lège des bouilleurs de cra, en fournissant à bon compte de l’eau-de-vie,
entretient et provoque la consommation.
Au cours de son travail, M Foumier donne des renseignements
statistiques portant sur les malades entrés à l'asile d’Alengon de
1909 à 1911 et dont voici Ie résumé :
26 p. 100 des hommes et 4 p. 100 des femmes étaient atteints
d’alcoolisme mental.
26 p. 100 des hommes et 18 p. 100 des femmes étaient des aliénés
alcoolisés.
15 p. 100 des bommes et 13 p. 100 des femmes, sans ètre alccoliques,
étaient entachés d’hérédité alcoolique.
De 1905 à 1910, la proportion des femmes alcooliques entrées à
I’asile a doublé.
Les chiffres foumis par les asiles des départements de la Sarthe, de
!a Mayenne, du Calvados et de la Manche sont sensiblement compa-
rables à ceux qui viennent d’ètre cités.
Le travail de M. Théodore Fouraier est intéressant à titre docu-
mentaire, mais il se réduit à des données statistiques et U est dépour-
vu de tout caractère original.
Le mémoire manuscrit présenté par MM. Courbon et Tissot, sous le
tiired’ Elude psychologique du débìle mental,est d’une lecture attrayante,
A tout instant, les auteurs donnent la preuve de leur culture
classique,et les meilleuree pages de Thèophraste, de La Brayère et
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de La Rochefoucauld font oublier qu’il s’agit d'une étude médico*
psychologique. Mais, n’est-ce pas là un reproche qu’il faut adresser
aux auteurs? N’ont-ils pas étudié la débilité mentale d’une fagon plus
littéraire que médicale, et, pour les besoins d’une pareille méthode,
n’ont-ils pas grossi démesurément son domaine ?
G’est ainsi, pour prendre un exemple, que MM. Courbon et Tissot
font de l’insuffisance du pouvoir d’abstraction un signe de débilité :
«Le monde est plein de gens, disent-ils, qui, dans la vie pratique, se
conduisent avec sens, mènent à bien leurs affaires, s’enrichissent
parfois d’une fagon démesurée, mais qui, aussitfit quitté le domaine
matériel pourcelui des idées,sont incapables du moindre raisonnement.
Ladébilité spéculative peut donc coexister avec unsens pratique bien
développé, et c’est précisément le déficit du pouvoir d’abslraction qui
conditionne cet état». II semble exagéré de classer parmi les débiles
tous ceux qui ne peuvent raisonner sans concrétiser leur pensée. C’est
là une affaire d’habitude et d’éducation, et MM. Courbon et Tissot
paraissent avoir une idée excessive de la valeur intellectueDe de
l’homme normal. A les suivre, ne faudrait-il pas considérer comme
débiles les neuf dixièmes de l’humanité si I’absence d’idées générales, si
l’intolérance et l’étroitesse du jugement, si l’insuffisance du sens du
ridicule et du sens de la mesure sont des signes de débilité mentale.
Ces travers ou ces lacunes intellectuelles peuvent résulter du défaut
d’instruction et d’éducation ou d’une spécialisation professionneUe
excessive de l’individu. Ils s’observent, certes, dans Ia débilité mentale,
mais celle-ci les marque alors de son empreinte, et le problème psycho-
logiqueconsistait précisément à reconnaltre et à spécifier quellessont
les particularités ou les nuances qui sont propres à l’état pathologique.
Une dernière critique, que nous devons faire à MM. Courbon et
Tissot, est de n’avoir pas, dans leur étude, utilisé les méthodes de la
psychologie expérimentale. Sans exagérer l’importance de la valeur
des tests et de la psychométrie, il faut bien reconnaltre que ces
procédés d’examen sont devenus, à l’heure actuelle, indispensables
dans toutes les recherches psychologiques.
La thèse de M. Joseph Bonhomme est consacrée aux déséquilibris
insociables à inlernements discontinus. Les travaux publiés sur cette
catégorie de malades sont en nombre considérable. Beaucoup d’entre
nous, sur un point ou sur un autre de ce vaste sujet, ont eu à exprimer
leur opinion ou à exposer Ieurs desiderata. Le très grand mérite de
l’auteur est donc d’avoir traité une question qui nous préoccupe
tous dans l’exercice quotidien de nolre spécialité. 11 était devenu
nécessaire de réunir et de coordonner, dans un travail d’ensemble, Ies
notions actuellement classiques, mais répandues dans de nombreuses
publications, sur la séméiologie, le diagnostic et l’assistance de ce
groupe très particulier d’anormaux. M. Joseph Bonhomme a eu bien
soin de rapporter de nombreuses observations; celles-ci ne consti-
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REVUE OES 80CIÉTÉS
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tuent pas la partie la raoins remarquable de sa thèse, et, à les lire, nous
reconnaissons des types morbides maintes fois entrevus.
En résumé, le travail de M. Joseph Bonhomme nous est apparu com-
me une mise au point des plus complètes et des plus consciencieuses
des questions qui se rattachent à l’étude de l’imbécillité morale.
Depuis les travaux de Dupré et Logre, les délires d’imagination ont
fait l’objet d’un grand nombre de publications, mais il semble que
l’attentiondesauteurs ait été détournée de la variété la plus parfaite,
e’estrà-dire de celle qui s’observe dans la démence paralytique. Nous
avons tous admiré l’exaltation de l’imagination des paralytiques'
ginéraux, mais si l’on excepte quelques lignes d’une certaine monogra-
phie et un court passage du mémoire de Dupré et Logre, aucune étude
spéciale n’avait été entreprise sur les dilires d'imagination dans la
paralgsie ginirale. M. Usse a très heureusement comblé cette lacune.
II nous paratt difficile, dans un rapport comme celui-ci,de suivre
l’auteurdans l’exposéde ses constatations cliniques et psychologiques.
Reconnaissons seulement qu’il a su dire des choses justes et très rigou-
reusement observées, et qu’il a rajeuni cette question ressasséedes
dflires de la paralysie générale, en l’examinant à un point de vue qui,
jusqu’à présent, avait été négligé. Une vingtaine d’observations fort
curieuses complètent le travail de M. Usse.
Messieurs, la thèse sur les Dilires d'imaginalion dans la paralysie
ginérale et la thèse sur les Désiquilibris insociables à inlernemenis
disconlinus nous ont paru, à des titres divers, mériter également le
prix Moreau (de Tours). Votre Commission vous propose donc de par-
tager ce prix entre MM. Usse, interne à Charenton, et Joseph Bon-
homme, interne des asiles de la Seine.
Les conclusions de ce rapport sont adoptées et le prix Moreau
(de Tours) est partagé entre MM. Usse et Bonhomme.
Pseodo-délire par auto-suggestion chez un obsédé, par MM.
Tbublle et Eissen. — Les auteurs rapportent l’histoire d’un obsédé
qui a présenté sous leurs yeux un accès de délire, pour ainsi dire
vohmtaire, en ce sens que le malade a fini par attacher une conviction
entière à une situation romanesque qu’il s’était d’abord complu à
imaginer et où il jouait un rfile essentiel. Ce délire a été passager.
L’idée pathologique de divorce, par MM. Marchand et Usse. —
Les auteurs ont examiné à ce point de vue les malades femmes de la
Maison nationale de Saint-Maurice; parfois l’idée de divorce est
passagère et disparalt avec les troubles délirants plus ou moins acquis;
parfois aussi elle constitue la base essentielle d’un délire chronique, et
dans ce cas, eile est la preuve que la communauté mentale n’existe
plus. Si le conjoint demandait réellement le divorce, n’y aurait-il pas
tieu de le iui accorder?
P. JuqUEHBR.
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SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MEDECINE MENTALE
Séance du 19 mai 1913.
Utilisation d'un débile dólirant poor commettre dea eacro-
qneriee. — MM. Marcel Briand et Salomon présentent un dibile
délirant dont la débilité fut mise à profit par un escroc. II lui faisait
porter des lettres afin d’obtenir de personnages divers des secours ou
des fonds, soi-disant pour fonder des ceuvres de bienfaisance.
De tels individus comptent certainement que l’aliéné portera seul
la conséquence des actes, et,s’il est reconnu irresponsable, que les
complices ne seront pas inquiétés. Ils se trompent, car le compiice est
passible de la mème peine que l’auteur principal, c’est-à-dire non de
la peine applicable en fait à l’auteur principal, mais de la peine appli-
cable en droit au fait principal auquel il s’est associé.
Les circonstances atténuantes ou abgolvantes constituent un béné-
fice exclutivemenl personnel.
Deux condamnés militaìres. — M. Pactbt montre deux débiles
très voisins de l'imbécillité qui sont actuellement dans son service,
mais qu’il a eu l’occasion d’examiner, il y a quelques années déjà, en
Algérie. L’un, venant d’une compagnie de discipline, était alors en
prévention de Conseil de guerre à 1’hOpital militaire du Dey, l'autre
était détenu depuis dix ans dans Ies ateliers de travaux publics; il se
trouvait alors à l’atelier d’Orléansville où il lui restait à accomplii
encore dix ans de la mème peine. Commis pour examiner le puni, 0
le déclara irresponsable et inapte au service militaire. Conformément
aux conclusions de son rapport, un non-lieu intervint et le prévenu
fut réíormé. Sur son intervention officieuse, le second bénéficia éga-
lement de la réforme et fut gracié.
Avant que la psychiatrie eùt obtenu droit de cité dans le milieu
mUitaire, les sujets de cette catégorie n’étaient pas une exception dans
l’armée et venaient fatalement échouer dans les établissements de
répression.
Deux caa de démence paranolde. — M. Lbroy présente deux
malades dont l’état mental est caractérisé essentiellement par l’indif-
férence, l’absence de désirs, une activité nulle et automatique, one
incapacité croissante de l’effort raental, alors que la lucidité, la
mémoire et l’orientation restent assez bien conservées. L’affection a
débuté chez l’un à 50, chez l’autre à 35 ans. Ce sont là en somme des
symptdmes analogues à ceux qu’on rencontre dans ladémence précoce
à forme paranolde et c’est ce qui fait l’intérét de cette présentation.
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RBVUB DES SOCIÉTBS
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Un maculateur de statues aglssant dans un but phálanthro-
piqus. — Norabreux sont les aliénés qui cherchent à attirer l’atten-
tion des pouvoirs publics par des attentats divers soit en tirant sur
les personnes ou en l’air, soit en détériorant les édifices publics ou les
objets d’art. Le plus souvent il s’agit de revendication personnelle,
mais parfois le raobile de leur acte est désintéressé. C’est le cas du
malade présenté par M. J. Salomon. Victime d’un accident du travail,
il prit en main la cause des accidentés et pour attirer l’attention sur
lui raacula deux statues à l’aide du nitrate d’argent. 11 pensait que
son acte serait utile pour l’avenir et il avait agi à I’exemple des suf-
fragettes d’Angleterre.
1° Fétichisme du mouchoir chez un fròleur épileptique*
2° Fétichisme de la soie chez une voleuse de grands magasins;
3° Oémorphinisation par la suppression brusque, par MM.
Marcel Briand et Salomon.
1° II s’agit d’un dégénéré épileptique et fròlcur, piusieurs fois
condamnó pour vol de raouchoirs qu’il prenait dans la poche de
femmes dont l’opulence des formes excitait ses désirs érotiques et s’en
servait pour satisfaire ses impulsions sexuelles.
2° Le second cas est celui d’une femme appartenant à une famille
de canuts et qui, fétichiste depuis l’enfance, fréquente deux grands
magasins où elle est attirée par la soie, dont le froisàement lui procure
des sensations voluptueuses. Un au moins des membres desafamille,
utilisant cette appétence particulière, cxploite ses impulsions pour
prcndre à la malade les étoffes qu’elle vient de dérober. Peu à peu,
elle-mème a accompli des vols que n’excusaient pas toujours ses
impulsions.
La première observation est curieuse en raison de la rareté des cas
connus, raalgré ia fréquence des impulsions de cette nature.
La seconde trouve sa valeur dans la rareté du fétichisme dans le
sexe féminin. Le grand nombre d’arrestations de cette femme, connue
de la plupart des médecins experts, tantòt considérée comme une
voleuse ordinaire, tantòt comme une déséquilibrée irresponsable,
donne lieu à des interprétations médico-légales diverses.
3° II s'agit d’une morphinomane traitée par la suppression brusque
et qui déclare que si jamais elle retombait dans ses funestes habitu-
des, elle préférerait ètre encore démorphinisée brusquement plutòt que
de voir se prolonger les lenteurs angoissantes du sevrage progressif.
Notes ìnéditea de Pinel. — M. Semelaigne présente des notes
inèdites de Pinel datant de la première année de son séjour à Bicètre
et en particulier un tableau où les aliénés sont classés : 1° suivant la
nature des causes occasionneiles; 2° suivant le type particulicr de leur
manie; 3° suivant leur caractère ou leur manière d’ètre habituelie.
Dans uae note curieuse, Pinei signale les affinités de Ia manic pério-
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dique avec ia méiancolie et I’hypocondrie, fait intéressant à l’époque
où il n’est question que de la psychose maniaque dépressive, retour
d'AHemagnc.
Elections. — Sont élus, à l’unanimité, membres correspondanls:
MM. Etiennc Martin, professeur agrégé à la Faculté de médecine dc
Lyon.
Deswartz, raédecin de l’asile de Maréville (M.-et-M.).
Salin, médecin de la raaison de santé de Picpus, Paris.
Sont élus membres associés étrangers: MM. Scbolieilin (Nicolas),
médecin de l’asile d’aliénés de Tambow (Russie).
Lorente, médecin de l’Université de Liraa (Pérou).
J. C.
REVUE DES LIVRES
Troubles psychiques d’origins thyroidienne par intoxica-
tion médicame nteuse, par M m ® Jeanne Bon. —L’usage des prépara-
tions thyroldiennes a pris un si grand développement dans le public,
cn dehors de tout conseil médical, qu’il est bon dc connatlre Ies
accidents que peut provoquer une absorption intempestive de cette
substance. M me le docteur Jeanne Bon, dans un travail sur les Troubles
psychiques d’origine thyroldienne, consacre un chapitre de cetteétude
aux accidents produits par les intoxications médicamenteuses, et cite
un certain nombre d’observations dans lesquelles les accidents déli-
rants ont été remarquables. Dans un cas dù à M. Boinet, le malade,
atteint d’une affection psoriasiforme, prenait chaque jour plusieurs
corps tbyroldes frais de mouton, à l’insu du médecin. Sous cettc
influence,«le raalade ne peut rester en place, il changc de siège et
d’appartement à chaque instant, il tìent ses croisées hermétiquement
fermées, dans la crainte que dcs individus imaginaires ne lc voient et
ne viennent le trouver; il se croiè poursuivi par les gens qu’il rencontre
dans la rue, il se figure que lcs passants et ses camarades le ridiculi-
sent et se moquent de Iui. II refuse toute boisson, tout alimcnt, il sc
déshabille et essaye de fuir nu. On est obligé de le retenir de force, de
le barricader dans sa chambre où il se promène en criant, en mena-
$ant. Parfois il est agressif et, lors de la première visite du médecin, U
était sur le point de se jeter sur lui. II parle sans cesse avec incohérence.
Ces troubles psychiques persistent quatre à cinq jours avec cette
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RBVUE DBS LIVRBS
211
intensité. Puis le malade devint plus calme; il se croyait toujours
persécuté.
Un autre cas rapporlé par M. Parhon dans la Revue neurologique
a trait à une jeune épileptique qui suivait un traitement thyroldien
depuissix mois.A ce moment,la malade devient d’une humeur inégalc,
ne veut pas sortir de la maison certaines fois. D’autres fois, elle est
indisposéc, triste. De plus, on remarquc l’apparition d’un état psy-
chasthénique des plus caractéristiques. Elle présente des phobies et
des obsessions. Elle a peur qu’on veuille l’empoisonner et à cause de
cela a pcur de manger.
Tous ces phénomènes délirants disparurent par la suppression du
médicament.
M°« Bon cite d’autres faits du mème genre qui montrent le résultat
que peut avoir l’usago intempestif des préparations thyroldiennes.
Eléments de eéméiologie et de clinìque mentale, par Cuaslin,
médecin de la Salpètrière.Un volume in-8° de 955 pages chez Asselin
et Houzeau.
Le livTe de M. Chaslin rendra de grands services au praticien, car
jusqu’ici, le nombre des livres didactiques sur l’aliénation n’est pas
considérable. Celui-ci, qui est avant tout clinique, présente certaines
particularité8 dans sa conception qui lui donnent une forme très origi-
nale. Après une série de chapitres sur les gènéralitès, la séméiologie,
elc., M. Chaslin s’attache surtout à décrire des types cliniques et pour
cela donne pour chacun d’eux les observations typiques qui fixent
parfaitement les traits du malade dans l’esprit du lecteur. Dans Cet
ouvrage, d’aUleurs, presque tout est descriptif; U y a peu de ces discus-
sions théoriques qui sont cependant chères aux aliénistes. Tout en
dounant une classification, M. Chaslin estime qu’elle ne peut étre que
provisoire et il montre mème qu’il est un certain nombre de types
diniques qu’U est difficUe de classer dans un chapitre bien dèterminé.
D’aUleurs ne faut-U pas reconnattre qu’en aliénation mentale comme
dans d’autres branches de la médecine, une bonne tabie des matières
(et c’est bien le cas dans cet ouvrage) est Ia meUleure des classifica-
tions?
On peut dire de ce livre que par la manière dont il est conqu, par
l’adoption de ces types cliniques très représentatifs, il met l’aliéna-
lion mentale, matière un peu nègligée, à la portée de tous les médecins.
Notons en terminant un important chapitre sur les formaUtès légales
et administratives ignorèes souvent des autorités olles-mèmes,
nécessaires pour procéder à l’internement des malades.
J. C.
La diBposition congénitale au calcul, par M. le D* Huntziobr.
— Thite de Paris, Ollier-Henry, édit.—M. HuntzigerrappeUed’abord
les cas de certains calculateurs célèbres: Fuller, le caiculateur nègre
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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qui ne savait ni lire ni écrire et mourut à 80 ans, sans avoir jamais
rien appris; Buxton, son contemporain (1762), ouvrier qui avait la
manie du calcul et qui, au thédtre no s’intéressait en rien à t’aclion,
mais comptait le nombre des pas dansés, 5.202, ou le nombre des mots
prononcés par les acteurs, 12.445, cliiífre reconnu exact; puis Dase
qui, chose rare, fut utile à la science, Mondeux, etc... De plus, il
donne in exlenso les observations d’Inaudi, le plus connu peut-ètre
de ces prodiges que Charcot présenta à ses legons; de Fleury, cal-
culateur prodige aveugle-né, observé par M. Desruelles^à l’asile d’Ar-
mentières, et enfin du sujet Jean C...,ágé de 53 ans, entré récemment
à l’asile Saint-Jacqucs de Nantes. C’est un maniaque, ou plutót un
hypomaniaque, peu intelligent, d’une ignorance complète, sachant à
peine lirc, ct ne pouvant écrire des chifíres. C’est cependant un cal-
culateur émérite, bien que n’ayant pas l'envergure d’lnaudi, ayant
toutappris par lui-méme et s’étant forgé seul, sans maítre et sans con-
seil, une technique particulière.
Voici quelques-uns des problèmes proposés par M. Huntziger à ce
malade, problèmes posés autrefois à Inaudi et à Fleury,et comment
11 Ies résout: il y a là une analyse psycho-physiologique bien curieuse
à observer.
l« r problime. — Combien y a-t-il de secondes en 39 ans 3 mois et
12 heures?
Jean donne le résultat en 32 secondes (Inaudi donne lerésultat en
3 secondes et Fleury en 1’ 15”).
2« problime. — Combien y a-t-il de secondes en 30 années? Róponse
en 14 secondes.
Nous demandons à Jean de nous raisonner son opération; voici
comment il procède ;
« Je sais par cceur que, dans un an, il y a 31.536.000 secondes. Je
retire de ce chiffre 1.536.000 et je multiplie les 30 millions qui restent
par 30 années. Cela me fait 900 millions. Je multiplie ensuite 1.500.000
par 30 et j’ai 45 millions; je multipie encore 30.000 par 30, ce qui me
donne 900.000, et enfin les 6.000 secondes par 30 = 180.000. J’addi-
tionne tous ces produits et j’arrive au total général de 946 millions
quatre-vingt mille secondes.
Comment on le voit, le malade fait quatre multiplications et une
addition, c’est-à-dire en tout cinq opérations et cela ne lui demande
que 14 secondes.
3« problème. — La surface du globe est de 40.000 kilomètres carrés,
combien cela fait-il d’hectares?
Réponse en 4 secondes : 160 milliards.
Raisonnement : Je multiplie 40.000 x 40.000 = 1 milliard 600
millions. Par kilomètre carré, il y a 100 hectares; je mulUplie
1 milliard 600 mUlions par 100.
4« problème. — Après la guerre de 1870 on a traité pour 5 milliards.
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REVUE DES LIVRER
213
Sices milliards ótaient en pièces de 5 francs, combien cela ferait-il de
kilos?
Réponse : 25 millions de kilos. Temps : 27 secondes.
5« problime. — 343 mllle raètres, comblen cela fait-il de pieds? (Un
pied «= 33 cm. 33).
Réponse en 7 secondes : 1.029.000.
Raisoimement: il y a trois pieds par mètre; je multiplie 300.000
mètres par trois, puis 40.000 mètres par 3 et enfin 3.000 mètres par
trois, et j’additionne les trois totaux.
6® problème. — Combien faut-il avoir d’áge pour avoir 1 milliard de
secondes?
Réponse en 48 secondes : 31 ans, 8 mois, 15 jours, 17 heures, 16
minutes, 40 secondes, à raison de 365 jours par an; jje ne tiens pas
corapte des années bissextiles.
7» problime. — Quel áge faut-il avoir pour avoir 343 millions de
secondes?
Réponse en 23 secondes : 10 ans, 10 mois, 24 jours, 1 heure, 46
minutes, 40 secondes.
Raisonnement : je sais d’avance le nombre de secondes qu’il y a
en une heure, en 24 heures, en un mois de 30 jours, en une année de
365 jours. Je calcule 10 ans par exemple et suivant que le chiffre
que j’obtiens est plus fort ou plus faible quc le chiffre demandó, je fais
des calculs croissants ou décroissants en importance pour arriver au
total que l’on me pose. Dans le cas présent je calcule pour 10 ans.
A 31.536.060 secondes par an cela mc donne 315.360.000. Je déduis
ce chiffre de 343 millions et il me reste 28 millions. Je cherche,
toujours par tátonnements, combien le nombre des secondes d’un
mois est contenu dans ce chiffre et j’obtiens 10 mois, mais il me reste
encore 2.080.000 secondes qui contiennent 24 fois lc chiffre de secondes
par jour et ainsi de suite jusqu’à ce que je trouve le résultat
final.
M. Huntziger fait remarquer que cet homme, qui ne connait que sa
table de multiplication et rien de l’arithmétique, a des procédés très
voisins sinon identiques à ceux de ses devanciers. Inaudi et Fleury
calculaient de la mème fagon. Ces procédés, ils les ont créés chacun
séparément : c’est une preuve de la juste rcmarque que Mitchell a
fate que chez les calculateurs naturels, les méthodes ne sont jamais
celles de l’arithmétique usuelle; mais elles se sont développées pro-
gressivement par essais, observations et abréviations, ct elles sont
assez voisines les unes des autres.
11 est à noter que la plupart des calculateurs prodiges sont nés
dans des conditions sociales analogues, dans des milieux pauvres et
mème imisérables, n’ont eu en général que la mémoire des chiffres et
n’étaient pas doués intellectuellement. Presque tous sont mème restés
des ignorants durant leur vle.
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RBVUB DB P8YGHIATRIB
Les délires d'imagination dana la paralyaie générale, par
D. F. Ussb. 1 vol., 167 pages. Jouve, éd., Paris, 1912. — Une des plus
notables tendances de la psychiatrie frangaise contemporaine paralt
étrc l’importance chaque jour grandissante accordée à l'analyse
psychologique du mécanisme des délires et des idées délirantes. Les
travaux récents de Sérieux et Capgras, de Dupré et Logre, de Toulouse
et Mignard, etc., qui ont abouti & l'isolement de nouveaux syndromes
psychopathiques ou à la détermination plus précise des modsdités
psycho-cliniques si diverses rencontrées au cours des affections
mentales, ont mis en évidence l’intérèt de ces études.
Une remarquable thèse, consacrée par le docteur Usse, sous l’inspi-
ration du docteur Roger Mignot, médecin en chef de la Maison de
Charenton, aux Délires d’imaginalion dans la paralysie générale, vient
encore de montrer quels aper$us nouveaux et intéressants peut offnr
l’étude psychologique d'une des affections mentales Ies mieux isolées
et les mieux précisées du cadre nosologique.
Reprenant les idées exprimées par MM. Joffroy et Roger Mignot,
qui avaient fait ressortir « I’exaltation pathologique de l'inspiration
créatrice,... la suractivité de la fonction de rapprochement des idées
et des images bien particulières à la paralysie générale », idées dév elop-
pées magistralement dans la suite à un point de vue plus général par
MM. Dupré et Logre, l’auteur a examiné très consciencieusement et
très minutieusement la fréquence et les modalités cliniques et psycho-
logiques des délires d’imagination observés dans la paralysie générale.
Ses recherches ont porté sur 170 paralytiques généraux entrés ò la
Maison nationale de santé depuis 1907 : sur ce nombre, 20 malade9 ont
présenté des hallucinations nettement caractérisées, 80 des formes
délirantes diverses; chez 52 sujets enfin, soit environ le tiers des cas, il
a été possible de noter des phènomènes délirants de mécanisme
imaginatif. De l’analyse méthodique des 19 observations les plus
typiques, dont quelques-unes sont Ulustrèes de dessins fort curieux,
M. Usse a tirè les conclusions suivantes :
Les délires d’imagination qui surviennent au cours de la paralysie
générale semblent pouvoir ètre répartis en trois groupes, d’après la
modalité des perturbations psychiques et de l’activité imaginative
qui sonten jeu,d’une part; d’après la phase évolutive correspondante
de la paralysie générale, et les destinées propres du délire, d’autre
part.
1° des délires <Timagination créatrice, touchant d’abord l’avenir puis
le présent et le passé, nettement dominés par un état d'exallation ou
de dipression affcclive, se manifestant surtout au début de la paralysie
générale, évoluant tantdt rapidement sous forme de délire eubaigu
ou aigu, avec possibilité de rémission ou de mort, tantèt lentement au
contraire pour aboutir à l’une des formes suivantes :
(Voir la suile apris le bullelin bibliographique mensuel.)
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REVUE DES LIVRB8
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2° des dilires de /abulalion ou <Timaginalion reproductrice, portant
sur des faits passés, indépendants de tout état affectif, mais liés 6 des
troubles purement intellectuels (troubles du jugement, de la mémoire
oudel’associationdes idées),apparaissant engénéralà la période d’état
de la paralysie générale, se prolongeant plus ou moins longtemps
jusqu’à la mort ou se transformant en stéréotypies délirantes ;
3» des dilires <Timaginalion sliréotypis, dominés par un automa*
tisme psycho-moteur exclusif, avec ses caractères de spontanóité, de
fatalité et de régularité monotone; se déroulant dans un étemel
présent, en dehors de toute notion de temps et de tout caractère
affectif, pouvant se confondre ou colncider avec des phénoraènes
ballucinatoires et impulsifs, et marquant toujours l’invasion de la
période démentielle terminale de la paralysie générale.
Les délires à prédominance affective de forme expansive réalisent
les types les plus caractéristiques et les plus purs des délires paraly-
tiques d’imagination : dans ce groupe, on peut noter quelques exem-
ples de délires paralytiques raythomaniaques nettement en rapport
avec les tendances imaginatives et fabulatrices antérieures du sujet.
Les délires dépressifs sont toujours en partie accompagnés de phéno-
raènes ballucinatoires ou de troubles cénesthésiques. Les délires de
fabulation et surtout les délires stéréotypés d’imagination, difficiles
à analyser, coexistent souvent avec d’autres manifestations <Tauto-
matisme psycho-sensoriel et psycho-moteur.
M. Usse fait remarquer enfin que, si les délires de type expansif
peuvent présenter quelque tendance à la systématisation, les
délires paralytiques d’imagination offrent le plus souvent des carac-
tères de mobilité, d’incohérence, d’absurdité et de contradiction, en
rapport avec l’affaiblissement psychique concomitant.
L’auteur termine son intéressant travail par des considérations
gènérales sur les rapports psychologiques qui existent entre les diverses
formes de délires imaginatifs et la personnalité antérieure du sujet,
I'affaiblisseraent psychique concomitant, les autres variétés de
délire, enfin les modalités physiologiques de l’imagination non déli-
rante.
Georobs Petit.
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REVUE DES PÉRIODIQUES
BELGIQUE
Bullelin de la Sociiti de midecine menlale de Belgique, février 1912.
A propos dea médecins experts et des sorties dont ils
décident. — Une intéressante discussion eut lieu sur ce sujet à la
Société de médecine mentale de Belgique. II est intéressant d’en
extraire cette déclaration de M. Cuylits. « II exìste, dit-il, deux sortes
de médecins désignés par le Parquet ou par le Président du tribunaJ.
pour donner un avis sur la collocation de certains aliénés.
Les uns ne se contentent pas de leur impression personnelle. Us
prennent l’avis du médecin de l’asile, interrogent ses notes, se docu-
mentent avec lui et se mettcnt d'accord avec lui sur une décision
éventuelle à prendre. A ceux-là, il faut rendre hommage et recon-
nattre qu’ils accomplissent scrupuleusement, consciencieusement tout
leur devoir.
Mais il en est d’autres qui, après une visite sommaire, mettons
plusieurs visites, interrogatoires superficiels ou prolongés, forts de leurs
lumières, décident de la collocation, du transfert, de la mise en liberté
définitive ou provisoire de l’interné. Ils opposent leur suffisance et je ne
sais quelle intuition extra-terreslre à la décision du médecin d'asile qui
a miscinq jours et plus à déterminer un diagnostic, des semaines et des
mois à juger du sort qui est le mieux adapté à l’aliéné, et dont le
jugement est parfois encore flottant après de longues périodes d’obser-
vation. Us ne tiennent aucun compte de l’avis de celui-là, ils ne
l'interrogent pas; ils ne comparent pas leur opinion avec la sienne,
disons mieux, leurs impressions d’un moment, d’une minute, avec
celles de ce praticien qui a sur eux, au point de vue scientifique seul,
des avantages auxquels ils ne sauraient prétendre.
Que dire d’un pareil expert? — Au point de vue scientifique et
légalement, puisqu’il ne comprend pas son devoir, il faudrait pouvoir
l’y contraindre en l'obligeant, avant tout rapport, d’entendre le
médecin d’asile et s’il ne se met pas d’accord avec celui-ci, de consi-
gner au moins les observations de ce médecin dans le rapport qu’il
adressera aux autorités judiciaires.
Que dire, enfin, d’un pareil expert, au point de vue déontologique!»
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REVUB DB8 PÉRIODIQUBS
FRANGE
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Le Médeein pralicien, 26 février 1913.
L« plomb et les eentres nerveux, par MM. Lereboullet et
Faure-Beaulieu. — En dehors de la méningite aigué à forme délirante
et de la méningi te chronique à forme de paralysie générale, lcs saturnins
peuvent présenter des psychoses. 11 n’y a pas de type clinique qui soit
caractéristique du saturnisme; on peut le voir produire toutes les for-
mes de psychoses; cependant, le plus souvent, elles affectent lc type
de la confusion mentale; quand il s’y associe des troublcs paralytiques
intenses et étendus, on est en présence du syndrome de Korsakoff,
comme dans un cas récent de MM. H. Claude et Lévy-Valensi. On a pu
voir quelquefois les accidents éclater chez les individus soustrails
depuis quelques semaines ou méme plusieurs mois à l’intoxication
plombique. J. C.
Journal de Psychologie normalc el palhologique,
1912 (pp. 233-247).
Dn dilir* de préooeupation phytdologlque et des idéee patho-
logiquee de puerpàralltà, par MM. L. Marchand et R. Dupouy.—
A càté des différentes variétés d’idécs délirantes étudiées dans
Ies traités classiques, il existe un groupe d’idécs qui ont trait aux
diverses fonctions physiologiques. Parmi ces idées, les plus fréquentes
— ctaez la femme principalement —sont celles en rapport avec la
fonction puerpérale. S’appuyant sur une série d’observations person-
neUes très intéressantes, les auteurs démontrent que ces idées Ou
préoccupations sont quelque peu différentes, suivant la nature et le
degré des altérations mentales concomitantes. Dans un premier
groupe, ils rangent les préoccupations liées à une exagération de
l’émotivité ou de l’affectivité; dans un deuxième, celles en rapport
avec un trouble de la sensibilité générale; dans un troisième enfin,
celles qui accompagnent une idée délirante.
A propos du premier groupc, MM. L. Marchand et R. Dupouy
rappellent comment le désir obsédant aussi bien que la phobie de la
pucrpéralité, peuvent engendrer un état somatique particulier de
fausse grosscsse, comme on I’observe assez fréquerament dans les
psychonévroses.
Dans le deuxième groupe de faits, l’erreur provient d’une inter-
prétation défectueuse, quoique plausible, de troubles cénesthésiques à
base organique réelle (tumeur, ptose), et se trouve naturcllcmcnt
favorisèe par l’existence d’un état émotif constitutionnel ou acquis.
An troisième groupe, se rattache l’idée véritablement délirante de
puerpéralité. Comme toutes les idées délirantes, celle-ci peut étre
passagère ou durable, fixe ou mobilc, accessoire ou principale, systé-
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REVUE DE P6YCHIATRIE
matisée ou non; on peut la subdiviser en plusieurs idées secondaires :
idée de conception naturelle ou artificielle, idée de grossesse simple ou
multlple, humaine ou animale, idée d’accouchement, idée d’ailaite-
ment, etc... Cliniquement, les auteurs lui décrivent trois aspects
principaux : 1° l’idée de grossesse est neutre, indifférente, inémotive,
chez quelques confuses et surtout chez des démentes, notamment des
paralytiques générales ( Toulouse et Marchand); 2° elle est triste et
douloureuse chez des mélancoliques, des hypocondriaques, des persé-
cutées; 3° elle est le plus souvent joyeuse ou béate, se manifeste dans
les états euphoriques et mégalomaniaques, et peutétre considérée
tantOt comme une idéc de satisfaction, tantdt comme une idée de
grandeur. Rare chez les maniaques, en raison sans doute de l'intégrité
dc leur fonds psychique, elle apparait surtout chez les affaiblies intel-
lectuelles, démentes vésaniques ou sénilcs, les grandes débiles éroto-
manes, les persécutées avec idées de grandeur, les mystiques enfin
chez qui l’idée de maternité divine ou diabolique fait souvent partie
d’un système de possession.
En terminant, MM. L. Marchand et R. Dupouy signalent l’existence
possible, quoique rare, des idées de grossesse chez l’homme. EUes ne
s’observent guère que dans trois variétés d’affections mentales : dans
la dérnence (surtout paralytique), dans le délire mystique, et dans
les délires de transformation corporeUe lorsque ces derniers se dévelop-
pent chez des sujets antérieurement efféminés, pervertis ou inverUs
sexuels.
Les auteurs concluent en disant que l’idée délirante de puerpéralité,
aussi bien sous sa forme mélancoliquc ou hypocondriaque que sous
son aspect euphorique et mégalomaniaque, se rencontre de préférence
chez les sujets débiles ou affaiblis intellectuellement.
Son cachet d’autonomie lui vient de ce qu’elle reconnalt à sa base
une préoccupation physiologique et qu’elle est généralement inspirée
par la non-satisfaction de l’instinct maternel. Le délire de grossesse
serait un type de délire par préoccupation physiologique. F. Usse.
Nouvelle Iconographie de la Salpilrière, juillet-aoùt 1912.
Du délire chez les enfants, par R. Benon et P. Froger. —
Observation intéressante de délire onirique chez un enfant de 14 ans
qui présenta deux épisodes aigus hallucinatoires délirants avec agila-
tion anxieuse. Pas de confusion mentale à proprement parler, mais
troubles de l’attention liés au développement considérable des
hallucinations. Après le retour à l’état normal, récit détaillé des
troubles psycho-sensoriels. Comme étiologie, on note la prédisposition
et les éraotions douloureuses (lecture de livres de raagie).
Revue Neurologique, 30 novembre 1912.
Etude phyaic o-chìmlque du liquide céphal o-rachidien dans
la paralysie générale, par Thabuis et A. Barbé. — L’examen
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RBVUB DBB PÉRIODIQUB8
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du liquide céphalo-rachidien chez 11 paralytiques généraux permet
aux auteurs de donner les conclusions suivantes :
1° Chiffres moyens obtenus par l’examen du liquide des paraly-
tiques généraux: a) Densiti, varie d’une fagon indéterminée avec la
température. Toutefois, elle oscille entre 1,0065 ct 1,011.— b) Poinl
cryoscopique, moyenne de — 0°,56. — c) Tension superficielle, oscille
de 0,006958 & 0,00734. — d) Indice de réfraction, varie de 1,33515 à
1,3364. — e) Viscositi, moyenne de 1,159. — /) Alcaliniti (calculée
ensoude), moyenne de 1,066.— g) Extrail, moyenne de 12gr.,84 par
litre. — h) Cendres, moyenne de 8 gr.,14 par litre. — ») Chlorures,
moyenne de 7 gr.,07 par litre. — /) Sulfales, absence complète. —
k) Phosphaies, présence constante, mais le plus souvent traces non
dosables (moyenne de 0 gr.,1024 par litre). — /) Maliires riduclrices,
moyenne de Ogr.,67 par litre. — m) Urie, moyenne de 0gr.,0269 par
Utre. — n) Albumine, moyenne de 0 gr,99 par litre. Présence fré-
quente de nucléo-albumine.
2° Le liquide céphalo-rachidien d’un mème sujet ne varie pas d’une
fa^on sensible à des époques différentes.
3° Rapports er.tre les chiffres obtenus chez les paralytiques géné-
raux et ceux obtenus chez les sujets sains : a) Densili, plus élevée, en
général,chez les P.G.— b)Point crgoscopique, pas de différence appré-
ciable. — c) Extrait ( matières fixes), diminutlon sensible chez les
P. G. — d) Cendres, pas de différence appréciable. — e) Chlorures,
pas de différence appréciable. — /) Sulfales, n’existent ni chez les
sujets sains, ni chez les P. G. — g) Phosphales, n’existent pas chez
les sujets sains. Traces constantes chez les P.G. — h) Urie, il en existe
des traces chez Ies sujets sains, comme chez les paralytiques généraux.
— i) Albumine, traces chez les sujets sains; lgr. environ par litre chez
les P. G.
Reoue neurologique, 15 novembre.
Sur qualquee ayndromes mantauz dua à la ayphilis càróbrale,
parARsiHOLBs et Halbbrstadt. —Etude très intéressante de quelques
syndromes mentaux dus à la syphilis tertiaire qui ont fait l’objet de
travaux récents. Les auteurs décrivent successivement les syndromes
confusionnel, piriodique et paranolde.
I. Syndrome confusionnel : Plaut en 1909, Krmpelin et Marcus
en 1911, ont décrit une forme confusionnelle hallucinatoire due à la
syphilis tertiaire. La spécificité cérébrale peut également donner
naissance à un syndrome de Korsakoff plus ou moins complet, géné-
ralement sans polynévrite, et qui s’accompagne de somnolence
périodique avec peu de signes somatiques (Mouratoff, Stransky,
Rcemheld, Chaslin et Portocalis, Raymond, Stépanoff).
II. Syndrohe póriodiqub : Certains états périodiques ou circulaires
ne relèvent pas de la folie maniaque-dépressive vraie, mais sont
symptomatiques de la syphilis cérébrale. Ces états maniaques,
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
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RBVUE DB PSYCHIATRie
hyporaaniaques ou raélancoliques, s’accompagnent fréqucuunent
d’hallucinations, surtout de l’ouíe. La maladie eat habitueilement de
longue durée et le déficit raental y est pendant iongtemps assez peu
marqué A. Westphal (1908), Plaut (1909), Finckh, Kwepelin,
Rayraond et Janet, Doutrebente et Marchand, Saiz, Joily, Ziehen
et Hitzig, Mosity et Barat].
Le diagnostic de ces formes périodiques des troubles mentaux
sypbilitiques avec la paraiysic géncrale et surtout avcc la P. G. à
doublo formc (Ziehen) et la P. G. cn rémission (Gaupp) est particuliè-
rement difficilc. En présence d’états circulaires, un triple diagnostic
est à faire : folie maniaque-dépressive, paralysie générale, syphUis
cérébrale.Lesdifficultéssontaccruesdu fait que ces trois affections se
resscmblent parfois et qu’eUes peuvent se réunir, sans lien de causaUtà
entre elles, chez le méme sujet [coexistence de folie périodique et de
syphilis cérébrale (A. Westphal, 1908) et surtout association fréquente
de paralysie générale et de syphilis cérébro-spinale (Sraussler)].
III. Syndrome paranoIde : Krsepclin et Plaut se sont attachés à
décrire pendant ces dernières années, parmi les états psychopathiques
relevant de la syphiUs cérébrale, certaines formes délirantes hallucina-
toires ressemblant à la démence paranolde.
Ces troubles mentaux, dus à la syphUis tertiaire et aussi parfois à la
syphilis héréditaire (KraepeUn), seraient très difficUes à distinguer
de la démence précoce proprement dite et, dans certains cas méme,
de la paralysie générale. Les idées de persécution sont assez fréquentes,
plus rarement on observe des idées de grandeur,de jalousie, d’influence,
etc... Les hailucinations de l’ouie dominentla scène. Plaut pense égale-
ment que les psychoses tabétiques proprement dites sont, pour la plu-
part, des psychoses paranoides qui relèvent directement de ia syphUis.
Le travail si documenté de MM. Arsimoles et Halberstadt nous met
au courant des études récentes de l’Ecole Kraspelinienne. Mais, que
de subtUités devons-nous apporter dans le diagnostic des différentes
affections décrites par ces auteurs? Comment, par exemple, différen-
cieraveccertitude l’excitatfon maniaque due à la syphilis cérébrale de
l’excitationmaniaquesymptomatiquejd’undébut de paralysie^générale?
La recherche du syndrome paranolde nous paratt encore beaucoup
plus délicatc. Et d’abord, qu’est-ce que la démence paranoldc? De
nombreux psychiátres se refusent à l’heure actuelle — et cela d’une
fa§on très catégorique — à admcttre cette nouvelle entité nosologique.
Et puis, comment prouver que ce « syndrome paranolde » relève direc-
tement de la spécificité cérébrale, quand nous voyons si souvent
des syphilitiques ou d'anciens syphilitiques manifester un délire hallu-
cinatoire plus ou moins systématisé, dont la cause réside purement et
simplement dans la constitution originelle du sujet? M. Brissot.
Le Gèrant : O. DOIN.
PÀRI8. — IMPRIMIRIE LKTÍ, 71 , RUE DE REIfNES.
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UNIVERSITY OF MICHIGAN :
HYSTÉRIE ET CHIRURGIE
Par Lucien Picqué.
Deux cas d’appendicite que j’ai observés récemmentchez des hys-
tériques à l’hópital Lariboisière et en ville m’ont fourni l’occasion
d’envisager & nouveau la question si intéressante des rapports de la
chirurgie avec l’hystérie, affection qu’on rencontre si fréquem-
ment dans la pratique courante. Ges rapports ont étè à diverses
époques étudiés au point de vue clinique et thérapeutique.
Gliniquement, les auteurs se sont appliqués à distinguer une
série d’affections que l’hystérie est susceptible de simuler. Parmi
celles-ci, la coxalgie hystérique a, depuis longtemps, attiré l’atten-
tion des pathologistes et des chirurgiens, mais la névrose pourrait
encore simuler la péritonite, l’occlusion intestinale, la sténose pylo-
rique et l’appendicite.
En ce qui conceme cette dernière, au cours d’une discussion qui
s’est produite, en 1897, à la Société médicale des hdpitaux, Bris-
saud et Talamon ont déclaré que le substratum anatomique
pouvait faire défaut dans certaines formes d’appendicites chez
l’hystèrique et qu’ainsi il fallait, dans ces cas, s’abstenir de toute
action cbirurgicale. Qu’y a-t-il de vrai dans cette affirmation? G’est
ce que je voudrais discuter ici, à l’aide des faits qui ont été publiés
et d’un cas qui m’est personnel.
Au point de vue thérapeutique, les chirurgiens ont, depuis kmg-
temps, recherché la guérison de l’hystérie par l’extirpation des
ovaires. On peut se reporter aux premières tentatives de Hégar et
de Battey en 1872, à celles de Péan en 1882, de Ghampionnière, de
Temer, de TerriUon, de Pozzi pour se rendre compte des tendances
de Tépoque. L’existence d’une lésion ovarienne n’était méme pas
nécessaire et les chirurgiens acceptaient alors, l’extirpation d’or-
ganes sains.
Pozzi envisageant, danslapremièreédition de son livre, les indi-
catkms de l’ablation de l’ovaire au cours des troubles nerveux,
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
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REVUB DE P8YCHIATRIE
déclare (page 644) « que l’opérateur ne doit pas tant se préoccuper
de savoir si l’ovaire qu’il doit enlever présente une lésion anatomique
que s’assurer qu’il est le point de départ physiologique desaccidents>.
Pour cet auteur, l’examen des signes rationnels prime ici l’examen
physique. II reconnatt, cependant, qu’il est difficile de se prononcer.
Terrier.de son c6té, exprimait la mème opinion sur l’impossibilité
de fixer les Iésions et la nécessité de se déterminer par la clinique.
Ces interventions ont bien souvent trompé les espérances de
ceux qui les avaient préconisées. Aujourd’hui, les chirurgiens
semblent y avoir completement renoncé.
Quant aux médecins, ilsestiment d’une fagon générale,que l’inter-
vention chirurgicale, pratiquée chez les hystériques pour des affec-
tions siégeant en dehors des organes génitaux, a les plus grandes
chances d’améliorer et de guérir l’hystérie. G’est d’ailleurs la con-
clusion simple à laquelle aboutit Maillard, dans son récent rapport
au Gongrès d’Amiens (1911). Je pense, au contraire, que les indica-
tions opératoires chez les hystériques sont fort délicates à établir
et le but principal de ce travail est de préciser les conditions mèmes
de l’intervention chirurgicale chez Ies hystériques, conditions qui
n’ont guère été envisagées jusqu’ici. On congoit la connaissance
des formes cliniques et les indications opératoires soient étroite-
ment solidaires, aussi nous les envisagerons ensemble.
Or, sous quelle forme doit se présenter la question des indicatious
opératoires chez les hystériques?
Tout d’abord, ainsi que pour toutes les catégories de psychopathes,
le chirurgien doit tenir compte des contre-indications d’ordre men-
tal. La prophylaxie doit précéder la thérapeutique, prévenir la
psychose avant de chercher à la combattre, tel est le principe fonda-
mental sur lequel repose toute la chirurgie des psychopathes. Aussi
une double question est à résoudre : 1° En dehors des cas où la vie
est menacée à brève échéance, peut-on opérer une hystérique sans
crainte d’aggraver l’état préexistant? 2° Que peut faire, en outre,
la chirurgie sur l’hystérie elle-méme ou 8es manifestations péri-
phériques?
Pour résoudre ces diverses questions cliniques et opératoires, il fau-
drait,tout d’abord, définir l’hystérie et fixer ses limites. Or, iln’est
pas de problème plus délicat. La discussion du Congrès de Genève,
en 1907, montre combien d’incertitudes règnent encore à ce sujet.
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UNivERsrry of michigan
HYSTÉRIE ET CHIRURGIE
223
II est incontestable que beaucoup d’accidents nerveux sont
rangés abusivement sous le vocable d’hystérie : le professeur Pitres
a justement insisté sur ce point, et nous reviendrons plus loin sur
les mémorables travaux de Babinski. Cette affection se présente
heureusement au chirurgien d’une fagon beaucoup plus simple
ou tout au moins quelque peu différente.
Le chirurgien doit tout d’abord reconnaltre le terrain hystérique
et les conditions générales qui y favorisent l’éclosion d’une série de
réactions psycho-physiologiques. II a surtoutà s’appliquer à l’étude
de certaines d’entre elles qui ressortissent spécialement à la patho-
logie chirurgicale.
En ce qui conceme le terrain hystérique, sa nature est encore
discutée. Les uns, le considérant comme propre à la névrose, le
font dépendre d’un état constitutionnel spécial, le nervosisme
(Oppenheim et Claude); d’autres, avec Golin, le rattachent à la dégé-
nérescence mentale. Mairet, dans un récent article ( Eneéphale ,
janvier 1913), pense quel’état mental est fonction de la dégénéres-
cence qui en forme le fond et de la névrose qui imprime un cachet
tout spécial à certains stigmates de la dégénérescence.
Ce qu’il importe tout d’abord de savoir, c’est que le terrain hys-
térique est un terrain pathologique et que les diverses réactions qui
s’y produisent sont également pathologiques. Notion banale qu’il
importe cependant de rappeler aux auteurs qui invoquent certaines
analogies avec l’état normal.
En présence d’une hystérique, on est frappé d’une impression-
nabihté toute spéciale des centres psychiques. A un faible degré,
les réactions mentales peuvent à première vue se rapprocher de
certaines réactions normales. L’erreur peut alors facilement s’expli-
qu« par ce fait que, contrairement à doctrine intellectualiste,
notre vie intellectuelle, ainsi que Ribot s’est appliqué à le démon-
trer dans une série de travaux importants, se développe sur un
fond affectif et sensible. A l’état naturel, les penchants affectifs
dominent les manifestations intellectuelles, mais l’éducation tend à
les modérer. Ghez l’hystérique, au contraire, l’influence réciproque
de la vie affective et intellectuelle se manifeste à l’avantage de la
première. La sensibilité devient maltresse de l’intelligence et l’édu-
cation reste le plus souvent impuissante. Nous nous écartons de
la nonnale.
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à24
fcfeVUE DE PSYCHlATRlE
Ainsi donc, chez l’hystérique, l’impressionnabilité des centres
psychiques doit étre considérée comme pathologique et il n’est donc
pas exact de penser, avec Bemheim, que ces réactions ne diffè-
rent de la normale que par une différence de degré, opinion qui a
conduit le maltre de Nancy à admettre que tout le monde est
hystérique.
A un degré plus avancé, nous retrouvons encore I’impressionna-
bilité morbide présider aux grandes réactions mentales quicons-
tituent le vrai caractère de l’hystérique, à savoir la mobilité extrème,
l’instabilité, l’impossibilité de dominer l’entrainement de la sen-
sibilité.
II convient de remarquer que, hormis ces troubles du caractère,
l’intelligence de l’hystérique reste ordinairement intacte et qu’on ne
saurait accepter qu’avec réserve la doctrine psychologique de
l’hystérie, d’après laquelle cette maladie est considérée comme une
désagrégation de la conscience.
G’est encore de cette impressionnabilité qu’émane la sug-
gestibilité qui commande, dans la classification de Babinski,
l’apparition des troubles primitifs ou secondaires qui leur sont
si étroitement subordonnés. Cette notion que le savant médecin
de la Pitié a mis en lumière dans ses remarquables travaux,
éclaire l’hystérie tout entière. Elle montre en effet l’influence
de la suggestion médicale inconsciente et les dangers de I’hysté-
riculture dans la production descrises qui tiennent parmi Ies
troubles primitifs une place si importante, que Bemheim n’hésitait
pas à lui ramener l’hystérie tout entière. Nous montrerons les
applications qu’on en peut faire dans la pratique chirurgi-
cale.
Comment et sous quelle influence Ies diverses réactions mentales
et périphériques se produisent-elles?
Bernheim admet que l’appareil hystérogène particulièrement
sensible « est actionné par des influences diverses ». Pour lui, les
manifestations de l’hystérie viscérale sont souvent greffées » sur
des symptómes réels dont elles sont une exagèration où une conser-
vation auto-suggestive ». Cette notion, importante au point de vue
chirurgical, a été reprise et développée d’une fagon magistrale par
Claude dans son rapport au congrès de Genève. Le distingué neuro-
logisteasurtout montré quecertaineslésions minimes soitdesorganes,
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IIYSTÉRIE ET CHIRURGIE
225
soit des centres nerveux, agissant comme cause provocatrice (1),
peuvent rompre un équilibre fonctionnel normal et engendrer un
trouble qui représente la manifestation hystérique. C’est ainsi qu’en
dehors des associations hystéro-organiques bien connues, il estime
que telle altération organique, qui pourrait rester latente et ne se
caractériser que par des signes difficiles & mettre en évidence,
« apparatt d’une fagon éclatante » parce que l’hystérie vient ampli-
fier le trouble fonctionnel. On peut dire que, dans ces cas, la mani-
festation hystérique est sous la dépendance d’une lésion périphé-
rique qui en constitue le noyau organique.
Cette conceptkm n’est pas, comme le pense M. Claude, une simple
hypothèse, elle confirme pour ma part ce que la pratique m’a appris
depuis de Iongues années et c’est à peu près dans les mèmes termes,
qu’observant dans un milieu tout différent, j’ai exprimé mon opi-
nion sur les réactions que peut exercer le cerveau d’une hystérique
sur une lésion périphérique. Le chirurgien trouve l’application de
cette doctrine dans l’étude de certaines réactions subjectives spé-
ciales qui méritent de trouver place à cóté des troubles primitifs
de l’hystérie. L’élément psychique qui dépend de l’liystérie et
commande à ces réactions, agit en dénaturant ou exagérant I’expres-
sion symptomatique d’une affection périphérique. Parfois, ces
modifications sont conscientes; le malade peut, dans certains cas,
les simuler entièrement. Un nouvel élément psychique s’ajoute
alors au précédent : le chirurgien doit encore s’appliquer à le dis-
tinguer. Enfin, les réactions mentales peuvent affecter la forme
d’idées délirantes : leur connaissance est indispensable pour fixer
d’une faqon précise les indications et les contre-indications opéra-
toires.
Nou 3 allons successivement envisager les divers modes de réaction
fonctionnelle quise rencontrent dans la pratique. II en est deux, bien
distincts. Dans le premier, la réaction se bome à une simple douleur.
La suggestion médicale inconsciente, qui peut, comme nous I’a
appris Babinski, ètre le point de départ des grands symptdmes de
l’hystérie, peut également créer la douleur simple par des examens
(1) Je tiens à (aire remarquer que le < termè cause provocatrice»n’a pas la
mSme signification que celui d’agent provocateur qu'avait employé Guinon
dsns sa thèse de 1887. Pour Guinon, ii s’agissait, en effet, d’une action secondaire;
nous voulons parler, ici, d’une cause première; cette distinction est importante
•u point de vue chirurgical.
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RBVUE DE PSYCHIATRIE
intempesiifs où maladroitement pratiqnés. Celle-ci se localise
aussi sur un organe qui ne présente aucune lésion. D’autres causes
peuvent d’ailleurs intervenir, que j’ai signalées à la société de chi-
rurgie, en relatant l’histoire curieusa d’une épidémie » d’appendicite
mentale ». La production de ces points douloureux joue un rdle
important en chirurgie et qu’il faut le connaltre. Bn ce qui conceme
l’appendicite chronique, on peut affirmer que des « pseudo-appendi-
cites » peuvent se développer dans ces conditions et devenir aussi
l’objet d’interventions opératoires inutiles (1). Dubois, de Berae,
qui connaissait ces faits, proscrivait toujours l’examen somatique
en cas de psycho-névrose. J’ai insisté souvent sur les conséquences
f&cheuses de cette doctrine exclusive. Je pense qu’il convient,
sinon de proscrire des examens indispensables, du moins d’établir
des règles cliniques. II y a longtemps que Ghampionnière, dans une
étude sur la douleur en général, avait très justement signalé Ia sur-
vivance de la douleur et insisté sur la nécessité de soumettre à des
règles rigoureuses Ia recherche de la douleur. Quoi qu’il en soit, il ne
faudrait pas admettre que, chez l’hystérique, toutes les douleurs
reconnaissent cette origine. La douleur localisée dans la fosse iliaque
droite peut avoir naturellement chez elle une origine appendiculaire.
Pour éviter l’erreur, il convient de ne pas envisager la douleur isolé-
ment, mais de rechercher les symptómes passés ou actuels dont
l’ensemble peut constituer un syndrome appendiculaire. L’obser-
vation suivante, qui m’est personnelle et encore inédite, me paralt
intéressante à ce point de vue.
M Ue R..., 27 ans, vendeuse, entre & l’hòpital Lariboisière le 3 décem-
brel910. Ellesouffre, depuis le mois d’octobre 1909, de douleursloca-
lisées au niveau de la région épigastrique et de la fosse iliaque droitc.
Ges douleurs sont continuelles : à l’épigastre, c’est une lourdeur ou
une pesanteur pénible, parfois c’est une douleur sourde que ressent
la malade. Au niveau de la fosse iliaque droite, la malade éprouve
surtout une gène avec des élancements aigus, qui se reproduisant
fréquemment, surtout à la suite de fatigue professionnelle où d’une
marche un peu prolongée. Cet état douloureux s’accompagnait, de
tempsà autre, mais rarement, de vomissements. La malade ne suivait
aucun régime spécial, mais elle s’abstenait de sauces, de mets épicés,
de certains légumes. En septembre 1910, les douleurs étaient devenues
beaucoup plus violentes au niveau de la région épigastrique : l’acuité
(1) II faut distinguer les pseudo-appendidtes des appendicites dites hysté-
riques que nous envisagerons plus loin.
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HYSTÉRIE ET CHIRURGIE
227
était telle que la malade ne pouvait plus prendre aucun repos. Au ni-
veau de la fosse iliaque, ies douleurs se présentaient sous la forme
d’élancements, qui survenaient sous forme de crises de plus en plus
rapprochées, et ces crises colncidaient d’ailleurs généralement avec une
exacerbation de la douleur épigastrique. La palpation épigastrique et
iliaque était, d’après la malade, très pénible. A partir de ce moment,
les vomissements deviennent beaucoup plus fréquents, accompagnant,
de temps à autre seulement, les crises douloureuses ou les accompa-
gnant toujours régulièrement selon lee moments. Tantót, les crises
douloureuses et les vomissements se répétaient plusieurs fois par jour,
pendant deux ou trois jours. Tantòt, tandis que les crises douloureuses
restaient quotidiennes, les vomissements ne se reproduisaient qu’au
bout de quinze jours, tantót encore ils se reproduisaient tous les trois,
quatre, six ou huit jours. Un médecin consulté à ce moment, se borne
à conseiller un régime. Vers le milieu du mois d’octobre, les phéno-
mènes douloureux et les vomissemcnts sont devenus de plus en plus
intenses et de plus en plus fréquents. La malade cesse alors tout tra-
vaU et se trouve obligée de s’aliter. Elle est soumise au régime du lait
et des bouillies, mais elle continue régubèrement à vomiv tout ce
qu’elle prend. Des lavages d’estomac sont prescrits, mais ne donnent
aucun résultat. Durant tout ce temps, la constipation avait été opi-
niàtre : la malade n’obtenait de garde-robes que gráce aux ìavements
et aux purgatifs. Cependant quelques jours avant son entrée à l’hftpi-
tal, c’est-à-dire à la fin de novembre, la constipation fit place à une
diarrhée abondante : il y a six à sept selles par jour, les vomisse-
ments persistent. Pendant toute cette période, la malade affirme
que la fièvre a étó nulle ou minime.
Le 2 décembre la malade entre dans mon service pour y ètre
mise en observation. Au niveau du point de Mac Burney, il existe
une douleur très nette, pas de tuméfaction appréciable. L’estomac
n’est pas dilaté, le rein est en place. Régime lacté : quelques
crèmes sont apportées du debors, la constipation reparatt. Pendant
tout le mois de décembre, les vomissements ont cessé. Ils reparaissent
vers le milieu de janvier 1911. Les douleurs sont toujours violentes,
surtout au niveau de l’estomac. D’après la malade, les douleurs épi-
gastriques, ont toujours dominé le tableau symptomatique. Les
crises d’élancements au niveau de la fosse iliaque droite n’ont été que
rarement aiguès. Seules, elles n’auraient jamais obligé la malade à
cesser son travail, ni mème à consulter un médecin. Vers la mi-janvier,
des douleurs très aiguès apparaissent au niveau de la fosse iliaque
droite, sans forrae de crises très violentes se prolongeant pendant la
journée et méme la nuit. Ces douleurs s’accompagnent de vomisse-
ments et d’une température élevée. Un médecin des hdpitaux voit sur
ma demande la malade, pratique un examen complet et conclut, sur
la constatation d’une anesthésie d’ailleurs très marquée du pbarynx.
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
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REVUE DB PSYCHIATRIB
& des phénomènes d’ordre névropathique : il se prononce contre toute
intervention chirurgicale. Un jeune chirurgien des hdpitaux qui
examine cette malade avec lui, partage cette manière de voir. Quant
à moi, persuadé que toute l’histoire de la malade se rattache à une
lésion de l’appendice, je pratique l’intervention le 15 janvier 1911.
Aucun incident opératoire. Les suites sont nuUes; les fils sont enlevés
au dixième jour. L’appendice est long, vasculaire : ses parois sont tréa
épaissies : à la coupe, on trouve sur la muqueuse une zone grisátre
très limitée qui tranche nettement sur la coloration voisine : eUe res-
semble à une plaque de nécrose. L’examen histologique n’a pas été
fait. Les phénomènes douloureux de la fosse Uiaque et de la région
épigastrique disparaissent complètement. II en est de méme des
voraissements. La malade commence à s’alimenter. EUe quitte le
service le 28 février.
Depuis, la malade a repris son régime ancien (purées, pfites, viandes
blanches), si elle s’en écarte, les digestions reviennent pénibles, nous
dit-elle. Après le repas, elle éprouve encore un peu de lourdeur, de
ballonnement et de congestion de la face. Elle signale une lourdeur
vaguement douloureuse au niveau de la jambe droite dont eUe s’était
déjà plainte avant sa sortie de l’hdpital. Cette douleur se manifeste
surtout après des fatigues (marche, station verticale prolongée), mais
ne l’empèche pas d’exercer facUement sa profession de vendeuse dans
un magasin de nouveautés.
Actuellement (fln 1912), l’examen ne permetde retrouver aucune
sensation douloureuse au niveau de la région épigastrique et de la
fosse iliaque droite. Seuls subsistent des phénomènes névropatbi-
ques divers réalisés par de la fatigue ressentie surtout le malin, au
réveU, et par des insomnies de temps à autre. En outre, elle accuse
une illuaion d’insensibUité de la peau, qui ne répond à aucune zone
nette d’anesthésie et d'hyperesthésie cutanée. On retrouve une anes-
thésie pharyngée et cornéenne très nette.
Anlécédenls. — A l’fige de 12 ans, la malade a éprouvé, pour la pre-
raière fois, des troubles d’estomac qui durèrent deux années consécuj
tives. Us cessèrent alors, pour reparattre à l’ftge de 18 ans. Us con-
sistaient en des crises gastriques douloureuses accompagnées de
vomissements. La constipation était opinifitre. En mai 1908, elle
subit une néphropexie pour une ptose rénale qui s’accompagnait de
douleurs irradiées de la région lombaire à la partie supérieure de la
fesse. Ces douleurs étaient violentes et survenaient sous forme de
crises convulsives accompagnées de pertes de connaissance qui se
produisaient plusieurs fois par jour sous l’influence parfois du moindre
contact. Depuis l’intervention sur le rein, ces phénomènes ont com-
plètement disparu.
Cette observation me paralt intéressante à plus d’un titre. Si
j’ai pu éviter l’erreur de diagnostic commise par deux de nos col-
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HYSTÉRIE ET CHIRUROIE
229
lègues, c’est qu’au lieu d’envisager séparément la douleur, j’ai
recherché parmi les symptómes passés et actuels, comme je l’en-
seigne à mes élèves, les éléments du syndrome appendiculaire et que
je les ai trouvés suffisants pour entralner ma conviction. Dès lors,
la constatation d’un stigmate hystérique perdait à mes yeux l’im-
portance que celui-ci avait dans l’esprit de nos collègues. Je ne puis
d’ailleurs pas admettre l’exclusivisme de certains auteurs, comme
Talamon, pour qui la constatation d’un stigmate hystérique est la
preuve que l’appendicite n’existe pas. La coexistence n’implique
pas un rapport de causalité. J’ajouterai, enfin, que la ptose rénale a
provoqué chez cette malade un mode de réaction spéciale que nous
étudions plus loin.
Le deuxième mode de réaction que j’ai à envisager s’adapte entiè-
rement à la conception de Claude. Telle affection évolue silencieu-
sement, dans Ies conditions ordinaires, avec des sjmptómes frustes.
L’hystérie amplifie ceux-ci, les dénature et peut déterminer une
symptomatologie bruyante. Or, il existe à cet égard entre les
auteurs deux tendances opposées.
Si l’on considère les affections utéro-ovariennes, quelques gyné-
cologistes et principalement Bossi, de Génes (communication au
Gongrès d’obstétrique, octobre 1911), isolent de l’hystérie sous la
dénomination de syndrome génital, la symptomatologie fonctionnelle
des affections du petit bassin, chez la femme. Ils prétendent ainsi
accorder à celles-ci une autonomie absolue et les libérer de toute
servitude cérébrale.
Cette prétention n’est pas soutenable. En faisant entrer d’ailleurs
dansce syndrome spécial des perturbations psychiques et en créant
une sorte de a neuro-psycho-pathologie gynécologique », le gyné-
cologiste italien montre lui-mème qu’il ne peut éluder la servitude
cérébrale qui pèse sur la pathologie de l’utérus et des annexes et
qu’on doit, en définitive, conserver une place aux fausses utérines
dans le cadre nosologique. En tout cas, cette conception simple,
qui cadre davantage avec les tendances spécialisatrices de notre
époque et répond mieux aux aspirations du gynécologiste dont elle
limite et précise le champd’action.n’estpasconfirmée par la pratique.
Pour ma part, une longue expérience de la gynécologie chez les
psychopathes m’a conduit à reconnaltre que la symptomatologie
bruyante qui accompagne certains troubles pelviens est sous la
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m
230 RKVUE DB PBYCHIATRIE
dépendance d’un terrain spécial, dans lequel on reconnalt facile-
ment, à cdté des états dégénératifs, l’hypocondrie et aussi l’hystérie.
Nous retrouvons une tendance tout opposé dans la question
des appendicites hystériques. Sous cette dénomination, nous enten-
dons désigner, non plus les appendicites chroniques à symptoma-
tologie fruste, dont nous avons parlé plus haut, mais les appen-
dicites à symptOmes bruyants semblables à ceux qu’on rencontre
dans les formes aigués. L’hystérie peut-elle créer de toutes pièces
cette symptomatologie sans qu’il y ait un substratum organique
corame le pensent quelques auteurs? Une lésion anatomique est-elle
nécessaire? Le ròle de l’hystérie se bome-t-il, au contraire, confor-
mément à la conception de Claude et à la mienne, à substituer une
symptomatologie bruyante à une symptomatologie habituellement
silencieuse?
On conviendra que la question vaut la peine d’étre discutée,
puisque la première hypothèse n’aboutit rien moins dans la pra-
tique qu’à l’abstention, chez toute hystérique atteinte dune crise
d’appendicite aiguè.
En 1897, à la Société médicale des hòpitaux, Rendu fut seul à
admettre que l’hystérie n’avait d’autre ròle que d’exagérer la sym-
ptomatologie fonctionnelle d’une affection nettement constituée.
II concluait à l’intervention et présenta d’ailleurs deux cas de gué-
rison obtenue dans ces conditions. Dans l’un d’eux, les symptòmes
étaient tellement graves qu’ils simulaient une perforation de I’esto-
mac, comme chez une de nos malades dont nous rapportons plus
loin l’histoire.
Le professeurBrissaud, de son còté, admettait l’appendicite fan-
tòme, mais le cas qu’il présente à l’appui de son opinion et dans
lequel il attribuait les symptòmes entièrement à la névrose, n’était
autre que le premier des deux malades de Rendu, chez lequel
l’intervention démontra un appendice atteint des lésions d’hyper-
plasie folliculaire.
Talamon admettait bien avec Rendu que, dans certains cas, l’hys-
tériepeut exagérer les symptòmes d’une appendicite légère, au point
de faire croireà une appendicite perforante et il impose d’ailleurs à ces
cas la dénomination d’appendicite avec péritonisme hystérique.
Mais il pense, d’autre part, que, dans certains cas, l’hystérie crée
toute la symptomatologie. C’est la pseudo-appendicite hystérique.
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■YSTÉRIE ET CHIRURGIE
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D’aprés cet auteur, elle affecte parfois le caractère de eimple colique
appendiculaire avec douleurs vives dans l’hypocondre droit, vomis-
sements, hyperesthésies dans la zone hystérogène sous-costale, simu-
lant le point de Mac Bumey. Dans certains cas, elle peut revètir la
forme d’une péritonite limitée. La contracture du muscle droit
donne la sensation d’une tumeur limitée, comme dans le cas de
Bríssaud. Dans certains cas, enfin, elle prend la forme chronique
avec l’aspect clinique d’une tympanite ou du météorisme hysté-
ríque simulant la péritonite tuberculeuse.
Talamon considère qu’il est très important de distinguer ces deux
variétés puisque dans la première est on amené, d’après lui, à une
intervention inutile et dans la seconde à une intervention « inutile-
ment hdtive ».
Dans l’hystérie, la douleur, pour cet auteur est surtout sous-
costale et se propage au dos. La présence ou l’absence destigmates
hystériques aurait enoore pour lui une très grande importance.
J’ai dit, plus haut, à propos d’un cas particulier, ce qu’il fallait
penser de la constatation d’un stigmate hystérique. D’une fa$on
générale, on peut dire que cette constatation est utile, lorsqu’on se
trouve en présence d’une douleur isolée, mais qu’elle perd toute
valeur devant un syndrome bien constitué. Aussi le médecin ne
doit-ilrien négliger pour en recueillir les éléments. Pour ma part,
je suis disposé à admettre, avec Rendu, contrairementà Talamon,
que, le plus souvent, il existe, en mème temps que les troubles fonc-
tionnels, une Iésion de I’appendice et, comme lui, je suis disposé à
intervenir.
Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, des tendances personnelles, cette
importante question ne peut se résoudre que par des faits et ceux
que Talamon a présentés à la Société médicale des hdpitaux me
paraissent susceptibles de quelques réserves. Sur quatre observa-
tions, en effet, deux fois il n’y a pa9 eu d’intervention : aucune
vérífication n’a donc été possible, la guérison actuelle ne peut rien
prouver contre la réalité des crises antérieures. Dans l’un des cas
opérés, le chirurgien ne trouve pas l’appendice et les crises conti-
nuent. Dans le second, c’est la surveillante qui déclare que M. Gha-
put n’a trouvé, en opérant, aucune lésion de l’appendice et qu’il a
refermé le ventre en déclarant qu’il s’agissait d’une forme hystérique.
Le malade, d’ailleurs, présente un bémispasme glosso-labié : un an
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RBVUB DE PSYCHIATR1E
aprè8, les accidents reparaissent. Dubois (Thèse de Paris, 1900,
Hyslérie el Appendicite) cite également un cas qui vient à l’appui
de l’opinion de M. Talamon. II s’agit d’une fillette de 16 ans, très
nerveuse, présentant des stigmates hystériques (anesthésie pha-
ryngée, diminution du champ visuel). La crise d’appendicite est
survenue brusquement. M. Ch. Monod voit la malade et déclare
qu’il s’agit de phénomènes hystériques : elle guérit.
La thèse de Cordéro (Montpellier, 1905), I’hystérie simulatrice de
quelques affections chirurgicales contient un fait analogue emprunté
au service de Schwartz, en 1898 : il fut examiné par notie collègue,
qui conclut de la mème fagon que M. Monod.
Je rappellerai enfin que M. Talamon signale, dans son travail,
un cas de M. Shardy, de New-York, relatif à un malade chez Iequel
on avait porté à deux reprises le diagnostic d’appendicite. L’autopsie
permit de reconnaltre qu’il n’existait aucune lésion de I’appendice.
Ce cas n’a cependant peut-étre pas la valeur qui lui est attribuée,
car des Iésions peu accentuées peuvent disparaltre après la mort
et nous ne savons méme pas si l’examen histologique de l’appen-
dice a été pratiqué.
Quelques-uns des malades qui font l’objet des observations précé-
dentes, présentaient des stigmates hystériques. Nous ne revien-
drons pas sur ce qui a été dit plus haut. Le début brusque à
l’occasion d’une émotion, signalé dans une de'ces observations, ne
saurait ètre considéré comme un signe important. II en est de méme,
selon moi, de la coexistence d’une crise hystérique avec l’accès
appendiculaire, ainsi que de la disparition brusque de cet accès,
sous I’influence d’une menace, signalée, par M. Talamon, chez un de
ces malades
En somme, dans les observations précédentes, il s’agit de sujets
hystériques qui ont présenté des crises d’appendicite. Ghez les uns,
les preuves matérielles manquent puisqu’ils n’ont pas été opérés
et il n’est pas possible, malgré la guérison actuelle, d’affirmer que
Ies lésions n’existaient pas. Chez les autres, ou bien l’on n’a pas
trouvé l’appendice (cas de Bichelot), ou bien Ies lésions ont paru
manquer, mais l’examen histologique a fait défaut En tout cas,
l’appendice a été laissé en place et les accidents ont continué.
A ces faits, nous pouvons opposer des faits positifs beaucoup plus
intéressants. Lelong (thèse de Montpellier, 1902, L'interveniion chi -
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HYSTÉRIE ET CHIRURGIE
233
rurgicale dans rhysiérie) cite un cas de Forgue relatif à une femme
qui eut trente-deux crises d’appendicite, accompagnées de crises
nerveuses. La malade présentait des stigmates et l’on provoquait la
crise par la pression du point de Mac Bumey. L’intervention dé-
montra des lésìons superficielles et la malade guérit. — Dans un
autre cas, cité par le mème auteur, Forgue opère une jeune fille
de 25 ans qui présentait, en méme temps que des symptòmes d’ap-
pendicite, une hémiplégie droite d’origine hystérique. L’opératkm
fit disparaltre l’hémiplégie dès le lendemain. II y avait un calcul
dans l’appendice qui présentait des lésions évidentes. Bien que
légères, surtout dansle premier cas, on doitadmettreque ces lésions
jouaient un ròle prépondérant, puisque leur suppression amena la
disparition des accidents.
J’ai, moi-mème, eu l’occasion d’observ'er deux cas, qui me parais-
sent intéressants à publier :
Le premier cas est relatif à une jeune fille que j’ai opérée, en 1904,
dans mon service de Sainte-Anne, pour une luxation récidivante de
l’épaule. Elle est atteinte d’hystéro épilepsie et j’ai du l’opérer trois
fois. Le résultat a été définitif et je l’ai présentée à la Société de
Chirurgie. Lors de la première opération, le 10 mai 1904, elle a été
prise de vomissements incoercibles et bilieux qui coìncidaient avec
une douleur violente du creux épigastrique et qui irradiaient dans le
dos (signe de Talamon). Ces douleurs cessent au bout de trois jours
d’un régime alcalin. Le 20 septembre 1904, elle est prise brusquement
de vomissements opiniátres porracés. Le pouls est à 144, la tem-
pérature est à 37. Au point de Mac Burney existe une douleur qui
se diffuse à gauche et dans la région périombilicale. Pas de ballon-
nement. En présence de la gravité des accidents, je fais des réserves
pour l’ouverture d’un ulcère de l’estomac. La mnlade a d’ailleurs
des antécédents gastriques avcc hématémèses. Je penche toutefois
pour l’appendicite aiguè et je pratique l’intervention classique. Je
découvrc un appendice Iong, congestionné, renflé à son extrémité,
sans adhérences. Je ne trouvc pas de liquide péritonéal. Je résèque
l’appendice et je pratique l’enfouissement. Je fis néanmoins, dans
un deuxième temps, pour éviter toute surprise, une incision épi-
gastrique. L’estomac mis à nu ne présente aucune perforation. En
raison de l’intensité des accidents et du peu dc lésions de l’appen-
dice, je crus donc, comme beaucoup d’observateurs, à une perfo-
ration de l’estomac.
Cette malade avait simplement amplifié les symptòmes de l’appen-
dicite, mais je n’en suis pas moins persuadé, que l’intervention si
celle-ci n’était pas urgente, n’en était pas moins utile et qu’elle a mis
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la malade à l’abri de complications immédiates ou lointaines. II est
certain que, chez ma malade, la dissociation du pouls et de la tempé-
rature qui, habituellement, constitue un symptftme si alarmant et qui
m’avait conduit à une intervention immédiate, ne relevait pas d’une
asystolie d’origine infectieuse. La rapidité du pouls tenait à un
trouble circulatoire hystérique. Le signe perdait ainsi toute sa valeur
pronostique.
L’histoire de ma deuxième malade a été publiée dans le V* volume
de ma chirurgie des aliénés. J’avais désigné à tort cette observation
sous le nom de pseudo-appendicite parce que je connaissais mal à
l’époque les faits que j’étudie aujourd’hui. II s’agissait bien encore
d’une véritable appendicite à symptftmes amplifiés par une hysté-
rique. Les lésions étaient légères, mais très nettes. L’examen histolo-
gique démontra une congestion légère des follicules avec folliculite et
perifolliculite sans nécrose. La malade avait été prise subitement
d’appendicite avec vomissements, symptftmes douloureux très nets
dans lá fosse iliaque et défense musculaire. L’opération fut faite sur
mes indications par mon élève et ami le docteur Mariau de Pé-
ronne. J’avoue que je fus étonné de constater l’existence de lésions
si minimes. II importe de rappeler que, chez cette malade, les
stigmates hystériques étaient nombreux et caractéristiques. En 1903,
elle avait consulté pour une aphonie hystérique caractérisée (cordes
vocales saines mais en complet reldchement anesthésie pharyngée).
Sa guérison fut obtenue par suggestion en deux séances d’électri-
sation faradique. L’année suivante, nouvelle crise d’aphonie traitée
sans résultat par divers procédés. Elle guérit en une séance par I’in-
jection de quelques gouttes d’eau dans le larynx. La mème année,
la malade est prise subitement de surdité absolue qui guérit immé-
diatement par l’extraction simulée d’un tampon d’ouate.
La crise d’appendicite dont elle a été opérée a débuté brusquement
lorsque la malade a appris l’existence d’un cas d’appendicite, dans la
maison qui se trouve en face de celle qu’elle habite (1). Les suites
opératoires sont curieuses à signaler. Après l’opération, malgré les
suites les plus simples, la malade reste au lit pendant deux mois. Elle
déclare ne pouvoir ni se lever, ni marcher et elle se plaint de douleurs
tantftt au niveau de la cicatrice, tantftt au niveau de l’épigastre.
Une psychothérapie médicamenteuse et verbale la font sortir de son
lit. La guérlson se maintient du cftté de l’appendice, mais au bout de
Irois mois, elle est reprise d’aphonie. Cette observation me parail
concluante. Elle nous montre, en effet, une hystérique à stigmates
multiples, amplifiant, dans une notable proportion, une appendicile
légère et qui guérit rapidement et définitivement.
(1) Ilest bond'insister sur cette origine. Nous retrouvonslà, eneffet.un cas de
contagion mentale, que nous avions signalé à l’origine de l’épidémie • d’appeo-
dicite mentale » dans l’armée que J’ai relatée à la Société de Chirurgie.
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HYBTÉRIE ET CHIRUROIE
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En étudiant les réactions fonctiounelles propres à l’hystérie,
nous avons montré que, dans certains cas, l’hystérie peut simuler
une affection comme Pappendicite chronique ou du moins créer la
douleur qui en représente le symptóme principal. Nous avons vu,
d’autre part, que l’hystérie peut modifier l’expression clinique subjec-
tive d’une affection par l’adjonction d’éléments nouveaux au point
de faire admettre, dans ces cas, une forme différenteet beaucoup
plus grave. Dans le premier cas, nous pourrons dès lors, éviter de
croire à une appendicite qui n’existe pas. Dans le second cas, deux
circonstances peuvent se produire. Quand la lésion est superficielle,
il sera facile de constater que la symptomatologie n’est pas en rap-
port avec la lésion; on pourra dès lors dégager celle-ci de l’appoint
que l’état mental lui apporte et la ramener à une forme plus simple.
Quand, au contraire, la lésion est profonde, comme dans l’appen-
dicite, on devra hésiter entre les formes simples ou plus graves,
mais comme la lésion ne saurait étre mise en doute, ainsi qu’il
résulte de la précédente discussion, on devra agir comme dans le
cas d’une lésion grave.
Ainsi gràce aux notions précédentes, il sera le plus souvent pos-
sible de faire le départ entre les cas où il faut s’abstenir et ceux où
l’on peut intervenir sans crainte de s’exposer à une erreurde diag-
nostic. Débarrassée de toutes les questions qui le compliquent,
l’étude des indications opératoires chez les hystériques présente une
réelle simplicité.
On me permettra, toutefois, pour justifier certaines divergences
plus apparentes que réelles, d’envisager rapidement les phases de
ma pratique. Pendant de longues aimées, j’ai pensé que l’hystérie
ne devait étre soumise à l’intervention que dans des conditions
exceptionnelles. On n’intervenait d’ailleurs à cette époque que sur
des organes sains tels que l’ovaire, et je considérais, comme aujour-
d’hui encore, cette pratique absolument condamnable.
Mallet, défendant mes idées dans sa thèse inaugurale, déclarait
que, sauf urgence, il ne fallait pas opérer les hystériques. II concluait
que ces malades n’avaient rien à retirer de la chirurgie, que, le plus
souvent, l’intervention aggravait leur état et que celle-ci n’agissait
d’ailleurs que par suggestion. D’ailleurs Angeluci et Pieracini
consignaient, dans une statistique publiée en Italie après le Congrès
de Montréal, en 1897, et portant sur 109 cas, les résultats déplo-
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RBVUB DB PSYCH1ATRIB
rables de rintervention chirurgicale (psychoses post-opératoires).
II est intéressant de constater que Ia plupart des femmes opérées
étaient des hystériques.
J’étais d’autant plus poussé & persévérer dans l’abstention qu’en
refusant aux hystériques l’intervention, sauf dans les cas d’extréme
urgence. Je ne trouvais dans ma longue statistique personnelle
aucune aggravation post-opératoire si fréquemment signalée dans
d’autres statistiques. Par contre, cette abstention quasi systéma-
tique ne pouvait me permettre de constituer un dossier d’observa-
tions favorables à l’intervention. Un seul cas favorable me fut
foumi par mon collègue et ami le Docteur Briand, médecin en
chef à Sainte-Anne. 11 s’agit d’une malade, venue de Londres à
Paris pour consulter Charcot sur des troubles neurasthéniques.
Notre collègue, appelédepuis cette consultation à voir la malade,
découvre un rein mobile. L’opération amena une guérison définitive
que nous attribuàmes d’ailleurs à la suggestion. L’observation est
relatée dans Ia thèse de mon inteme Mallet. A la méme époque, je
guérissais deux malades à Lariboisière de troubles pelviens par une
opération simulée (1). J’ai observé, d’autre part, une malade dont
j’ai rapporté, en 1898, l’observation à la Société deChirurgie. Cette
malade avait subi sans succès, en province, deux opérations (une
simulée et la deuxième, réelle, consistant en une hystérectomie
vaginale). EUe guórit, à l’aide de la suggestion à l’état de veille
suivie d’une séance d’hypnotisme.
Depuis, dans diverses communications, je me suis appliqué à
rechercher, en cas de douleur, d’abord le substratum anatomique,
puis Ia part qui revient dans la symptomatologie fonctionnelle, à
l’état mental (Mélhode chirurgicale en médecine menlale. Commu-
nication à l’Académie de Médecine). Mais j’établissais déjà une
distinction entre les hystériques et les hypocondriaques. En cc qui
conceme ces demiers ( Mèmoire sur les conditions de Vinleroeniion
chirurgicale chez les hypocondriaques), j’ai dit expressément: « toute
disproportion entre la lésion et les symptdmes accusés, doit tenir
en cveil l’attention du chirurgien et l’engager à surseoir à une
intervention ». Mais pour les hystériques ( Mémoire sur les opéra-
(1) Dans mon travail présenté à la Société de Chirurgie sur les opéraUoni
simulées, f’ai montré qu’on pouvait obtenir le méme résultat par d’autres procé*
dés meilleurs et f’ai insisté sur le danger de ces opérations.
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HYSTÉRIE ET CHIRURGIE
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lions simulées. Société de Cbirurgie), j’exprimai la pensée qu’après
avoir tout d’abord refusé d’opérer les hystériques, j’avais depuis
constaté que « dans des conditions délicates encore à préciser à
l’heure actuelle, l’intervention pratiquée dans les cas d’une lésion
bien déterminée pourrait exercer sur l’hystérie une action salu-
taire ». Mais j’insistais sur la nécessité de déterminer l’existence
d’une lésion réelle, l’intervention sur les organes sains me parais-
sant aléatoire et susceptible de conduire aux pires abus.
J’établissais en outre une hiérarchie entre les lésions. Dans mon
premier travail sur les conditions de l’intervention chirurgicale chez
les hypochondriaques, je fais is remarquer qu’il fallait distinguer
les déplacements d’organes, comme le rein mobile ou le prolapsus
utérin, desmaladies inflammatoires comme la métrite et l’appen-
dicite.
Au sujet des premiers, je reste aujourd’hui convaincu comme je
I’étais alors, que le prolapsus utérin constitue une affection indo-
lente et que les douleurs accusées par les malades sont, dans les
conditions ordinaires, sous la dépendance des lésions annexielles
qui peuvent la compliquer. En dehors de celles-ci, la douleur doit
étre considérée comme I’appoint foumi par l’état cérébral. L’indi-
cation opératoire sera toujours exceptionnelle. Par contre, dans les
maladies inflammatoires, I’origine locale de la douleur n’est pas
douteuse : il convient cependant de rechercher dans quelle mesure
l’état cérébral peut l'exagérer.
Nous sommes arrivés ainsi par une gradation insensible, et au fur
et à mesure de l’expérience acquise, à notre conception actuelle sur
les indications opératoires cbez les hystériques. Eclairés, d’autre
part, par les considérations qui précèdent, nous pouvons foumir
aux deux questions que nous avons posées au début de ce travail
une solution très simple qui lui servira de conclusion.
1° En dehors des cas où la vie esl menacée à brioe échéance, peuí-
on opérer une hyslérique sans craitúi d’aggraoer l’itai menlal?
II faut tout d’abord tenir compte des réactions psychiques
plus ou moins marquées selon les malades et éviter les opérations
susceptibles de provoquer I’apparition des réactions mentales
pathologiques. La limite est, le plus souvent, délicate à établir;
toutefois, d’une faQon générale, on devra considérer les malades à
grandes réactions mentales corame en imminence de troubles men-
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RBVUB DB PSYCHtATRIE
taux. II conviendra donc de redouter, chez elles, les conséquences
des traumatismes psychiques si souvent provoquésparlesopérations,
se montrer très réservé au point de vue de l’intervention et ne se
boraer qu’à la chirurgie d’urgence.
2° Que peul faire , en oulre, la chirurgie sur Vhyslérie elle mime
■ou sur les manifeslcdions périphériques?
A ce demier point de vue, l’intervention chirurgicale peut sup-
primer, chez l’hystérique, en mème temps qu’une lésion bien nette*
ment définie, les manifestations fonctionnelles du cóté local et
•cérébral. Réaction périphérique et réaction mentale peuvent dis-
paraltre en méme temps sous l’influence de l’intervention.
Les réactions mentales & forme délirante (folie hystérique) sontr
•elles susceptibles de disparaltre par la suppression d’une lésion
provocatrice? Je n’ai pas à ma disposition de fait suffisamment
probant pour émettre une opinion à cet égard.
Peut-on encore espérer une action efficace de la chirurgie sur le
terrain hystérique lui-mème par la suppression de I’agent provoca-
teur, conformément à la conception de quelques neurologistes
actuels? Là encore je ne possède aucun fait qui m’autorise à penser
que le terrain hystérique peut étre modifié par une interventkm
'Chirurgicale.
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INTERPRÉTÀTIONS DÉLIRANTES
ET PERGEPTIVITÉ CÈNESTHÉSIQUE
Par le D r Paul Courbon
Médecin de l'Asile d’Amiens.
Les mterprétaiions délirantes sont de règle dans la mélancolie.
Aussi l’observatíon ci-dessous consignée ne mériterait-elle pas d’ètre
rapportée, si elle ne mettait en évidence le rdie d’unfacteur jusque-
là peu étudié dans la genèse des erreurs interprétatives : l’état de la
perceptivité cénesthésique.
Toute connaissance humaine n’est qu’une interprétation des
objets qu’elle vise. Le monde n’est pour nous que ce que nous nous
ie représentons et cette représentation résulte de l’interprétation
quenous donnons à nos perceptions. Percevoir d’abord, interpréter
ensuite sont les deux actes qui concourent à l’édification de toute
science.
L’interprétation est donc une opération psychologique indispen-
sable à fa prise de connaissance d’un phénomène par l’intelligence.
Pour étre vraie, elle doit saisir dans leur totalité et avec ieur valeur
respective les rapports qui existent entre les divers éléments du
phénomène et entre ce phénomène et les autres. Ce résultat n’est
obtenu par le sujet qu’en se dégageant de tout arbitraire pour
observer avant d’affirmer, et qu’en soumettant à une critique
mpartiale toute affirmation avant de lui accorder créance. En
d’autres termes, il faut pour interpréter exactement, se dépouiller
de toute subjectivité, faire abstraction de toute tendance, voir et
roger, comme le dit Dromard (1), d’une fa;on impersonnelle.
Mais cetteneutralité de l’interprétateur estconstammentcombat-
tae par le jeu des émotions et des idées qui occupent le champ de
(1) Dhomard. L’interprétation délirante. Journal de psychologie norm, etpalho-
logique, 1910.
Le délire d’interprétaUon. Joumal de ptyehoiofic, 1910.
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la conscience au moment du jugement. De lè l’origine de tant
d’erreurs interprétatives.
L’influence que les idées habituellement prépondérantes chez on
individu exercent sur sa manière de voir et de comprendre est
considérable. Ces idées tendent à supprimer le doute et & orienter
vers elles, sans contrdle, tout un enchalnement d’associations. La
déformation professionnelle du jugement n’a pas d’autre cause;
chacun est enclin à tout considérer de son point de vue spécial. Le
reproche fait aux aliénistes de trouver des fous partout, et aux
magistrats de découvrir un coupable dans tout prévenu, n’est qu’une
allusion à cette puissance tendancieuse des conceptions ordinaires
à chacun sur sa fagon d’interpréter.
Bien plus grand encore est l’empire de l’affectivité sur le sens
critique. Tous les états affectifs, depuis les plus légers jusqu’aux plus
passionnels, troublent plus ou moins la sérénité de nos appréciations.
Les simples dispositions de l’humeur changent notablement notre
vision des choses : ce que l’on voyait en rose paratt sombre I’instant
d’après : « G’est l’ordinaire des malheureux, écrivait La Fontaine,
d’interpréter toutes choses sinistrement. » Et la métaphore banale
sur l’aveuglement des passions n’exprime que la vérité. « Le coeur
a ses raisons que la raison ne connatt pas, » disait Pascal. Trop sou-
vent celle-ci abdique inconsciemment en faveur du premier.
Pauvreté des idées d’une part, empèchant l’individu d’opposer &
aes représentations habituelles de nouvelles représentations qui les
rectifieraient, et d’autre part hyperesthésie affective empèchant,
elle aussi, cette opposition chez des sujets à intelligence pourtant
développée, voilà les deux causes d’égarement de l’interprétation,
aboutissant toutes deux à Ia restriction du sens critique. Ghez un
homme normal, elles conduisent à l’erreur; chez un aliéné, elles
mènent au délire. II n’y a pas en effet de différence essentielle,
comme le fait remarquer Régis (1), entre l’interprétation délirante
et l’interprétation erronée. Sérieux et Gapgras (2) ont montré toutes
les gradations qui vont de l’une à l’autre; si bien que, sur ce terrain
particulier, l’on peut dire, selon Ia parole de Libert (3), qu’entre la
(X) R6gis. Pricis de psychiatrie. Collection Testut.
(2) SftRisux et Capcras. Des folles raisonnanles. Alcan.
(3) Libbrt. Valeurséméiologiquedel’interprètationdélirante. Enctphale, 1912.
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INTEHPRÉTATIONS DÉLIRANTE8 ET PERCEPTIVITÉ CÉNE8THÉ8IQUE 241
pensée nonnale et la pensée pathologique il y a toute une série de
transitions insensibles.
Mais la déformation du sens critique par indigence de l’idéation
ou par exubérance de l’affectivité ne constitue pas toujours à elle
seule toute la genèse des interprétations fausses. L’interprétation
n’est en somme que le deuxième des actes psychiques qui donnent
la connaissance; la perception la précède. Et si l’on pergoit mal, il
y a de grandes chances pour que l’on interprète faussement. Get
article a précisément pour but de mettre en lumière, à I’occasion
d’nn cas de mélancolie, l’influence pemicieuse que certains troubles
de la perceptivité peuvent exercer sur le jugement et le róle qu’ils
jouent parfois dans la production des interprétations délirantes.
Percevoir, ne consiste pas seulement à recueillir toutes les impres*
sions actuelles, c’est encore évoquer la représentation des impres-
skms passées, pour identifier les nouvelles. Quand je regarde une
pomme, il faut pour que je la reconnaisse comme telle, non seule-
ment que je la voie, mais qu’en outre par la pensée je me représente
les images laissées dans ma conscience par les pommes déjà vues.
Autrement dit, le bon fonctionnement sensoriel et Ie pouvoir de
représentation mentale sont nécessaires pour la perception. Ainsi
que l’explique Ebbinghaus (1) : « La perception d’un phénomène
contient beaucoup plus qu’il ne serait possible par l’action des
seules excitations extérieures. La conscience enrichit et entrelace
les impressions purement sensibles qu’elle regoit avec de nom-
breuses représentations puisées en ses expériences antérieures. Ge
que dans des circonstances semblables aux actuelles, elle a éprouvé
régulièrement ou très souvent, elle s’en sert pour interpréter ou
compléter les données des sens. C’est ainsi que nous voyons tout de
suite comment saisir les objets, ou quel est leur goút, s’ils sont
chauds ou froids, rudes ou polis, lourds ou légers, bien que les yeux
ne nous l’apprennent en aucune fagon. »
Or, dans la mélancolie la perception est altérée dans ses deux
temps : recueil des sensations et représentation mentale. Les ma-
lades sentent moins intensément qu’auparavant, si bien qu’ils
sont les premiers à se plaindre de ne pas sentir; c’est là le symptóme
de I’anesthésie psychique douloureuse. Quant au pouvoir d’évoquer
(1) Ebbinohatjs. Prieit de pagehologie. Alcan, 1912.
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24 *
REVUB DB KTCHIATRIB
tss images, comme 1’oBt prouvé différents autenrs, Ségtas (1) et
Masselon (2) notammcnt, il est extrèmement réduit, surtout poor
1 n inwges visneHes : c’est le signe de la perte.de b vision raeatale
décrit par Cotard (3). Une telie altération de ta perceptivité est une
condition des phis favorables à l’éclosion des erreurs interprétatives.
En effet, leméme phénomène ne prodnisant plus les mémes ún-
preesions que jadis et les anciennes représentatioas qu’il avait don-
nées autrefois dans la conscience ne poovant plus réapparaftre oa
réapparaissant incomplètement, n’est plus exactement reconrnr.
II y a prétexte & confusion. Les objets, selon 1’exceHente parole
d’un matade d’Esqnirol, ne sont plue identifiésou le sont faussement.
Une seute des sensations percues à l’oecasion d’un objet, vient-elle
è èvoquer par hasard une sensation analogue pergue jadis à t’ocea-
9Ìon d’un objet différent, cela suffit an matade pour lui faire identi-
fiev les deux objets l’un à t’autre puisqu’it n’a pas les images nèees*
saìres à la réduction de son erreur. Le sens critique ainsi privé des
points de repère que lui donnerait une évocation normale des
images, se trouve donc livré à toutes les suggestions de Faffeetivitè.
Tel était le cas de notre malade. II fomralait les plus fantaetiqaes
et sinistres interprétatioRs des événements de l’actualité, parce
qu’il était mélancolique, mais aussi paree qu’il était incapable de
revoir naentalement son domkile. son pays et ses amis. La vue <Fur
pnysage, d’un passant, la lecture d’un journal ne loi dononest
qu’une ou deux sensations, qui réveitlant t’image du seut détad
visuet qu'it pouvait évoquer, entratnaient sa croyanee à Fideatitè
de ce qu’il avait sous tes yeux et de ce à quoi it pensait. Btaat à
l’asite, il se prétendait visé par un fait divers racontant un assas-
sàaat, paree qu’it était dit que dans le eoin de la chambre du eńmt
était un fusil à pierre. Or de sa propre chambre et des meuMes
qu’etle eontenait il ne revoyait mentatement que cette partie
avec cette arme. II n’avait donc pas à tenir compte, expli-
quait-it, du reste de la description du journatiste puisqu’il ne peu-
vait pas la confronter à des souvenirs visuels. La vision de ee cosa
de chambre, omé d’un fusil à pierre, était si nettement évoquée qn’ii
ne pouvait pas hésiter è reeonmaftre dans Farticte te signatement de
(1) Séglas. Soe. midicopsgchol., juin 1901.
(2) Massblon. La milancolic. Alcan, 1906.
(3) Cotard. Archioes és neurotogse, imi 1984.
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INTERPRÉTÀTIONS DÉLIRANTES ET PERCEPTIVITÉ CÉNESTHÉSIQUE 243 *
son domicile. Et de la méme fagon, par suite d’un méme vice des
perceptions, il interprétait toutes les nouvelles sensationnelles dont
étaient remplis les joumaux : affaire Steinheil, régicide du Portugal*
infanticide de l’ogresse Jeanne Weber, trahison d’Ullmo.
D. J..., 51 ans, entré à Tasile de Rennes le 22 mars 1908. Pas d’an-
técédents personnels, ni héréditaires. Marié depuis 27 ans, n'a jamais-
eu d’enfants.
n répond avec une extrème lenteur, l’air abattu, les yeux baissés,
le visage douloureusement contracté; se plaint de céphalées. «11 y
a des moments où j’ai si mal à la tète que je ne puis résister; je ne
dors pas, car Qa m’étouffe dans le ventre; je suis triste, je pense au
malheur, ma femme ne guérira jamais, tout est perdu, depuis plusieurs
mois que ma femme est malade je vivais seul, personne ne voulait
rester avec moi, car je porte malheur.
24 mars. — Ce matin, au cours d’une crise d’anxiété, il s’est frappA
avec un bàton à cirer, se roulait à terre, se traitant de misérable.
26 mars. — Amélioration légère; plus calme, demandesi ses parents
ne sont pas morts.
10 avril. — Tout est changé. Certains infirmiers et malades sont
plus maigres : c’est la fatigue que sa présence leur cause.
20 avril. — Les malades auxquels on donne des lavements sont
constipés et deviennent fous consécutivement à cause de lui parce que
la malédiction divine s’est abattue sur lui et son entourage. II a fait
sans doute une mauvaise première communion.
6 mai. — II a vu mettre dans une chambre un malade entrant
ligoté et a cru reconnaltre son neveu : on le conduit auprès du
malade qu’il examine attentivement et dont il reconnatt la cicatric*
frontale. II lui adresse des paroles de condoléances et d’excuses, car
c'est la punition de l’oncle qui est cause du malheur du neveu. On lui
demande pour rectifier son erreur de décrire les traits, la barbe et les
yeux de son parent. II répond que celui-ci avait des yeux et une-
Ogure comme tout le monde, mais qu’il ne revoit pas leur couleur,
ni celle de la barbe.
10 mai. — II est retourné plusieurs fois auprès du malade isolé; il
n’est pas sùr que ce soit son parent; pourtant il reconnatt cette cica-
trice. Celui-ci n’ètait peut-ètre pas si maigre, mais il ne peut se le
représenter et le chagrin l’aura fait maigrir. Le neveu étant venu au
parloir, l’oncle a bien été obligè de convenir que son visiteur n’était
pas le mème individu que le malade, mais il trouvait profondément
modifiés les traits du jeune homme qu’il avait peine à reconnattre.
29 mai. — Toujours triste. « Les journaux sont pleins d’articles-
qui me visent; faites de moi ce que vous voudrez; je vous ai fait les
aveux; si ma femme et moi avons pèchè, c’est sans le savoir. On a
repris le procès de Jeanne Weber, carnous sommes ses émules; ella
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tuait des petits enfants qu’on trouvait sur le lit, la langue pendant
hors de la bouche. Or moi, quand je faisais l’amour avecma femme,
je lui mettais la langue dans la bouche et j’étouffais mes enfants
avant leur conception sans le savoir. Ma maladie disparaítra en prison
par la mort de langueur ou par l’échafaud.
3 juin. — Vous me mènerez chez moi avec les fers, vers ma victime,
une fille de 15 ans sur laquelle j’ai fait des attentats à la pudeur il y a
longtemps. Je lui faìsais des attouchements immondes; si je n’ai pas
été plus loin, c’estquela nature ne l’a pas permis. C’est le joumal qui
me fait comprendre mon crime, parce que sur cette image intitulée:
le Satyre, la fille représentée fuyant un homme a le méme bonnet
qu’avait la mienne; j’ai donc dù faire des attentats sur elle puisque
je le vois là.» Comme on lui íait remarquer que la femme caricaturée
par Abel Faivre a une soìxantaine d’années et ne saurait par consé-
quent étre identifiée avec la fillette, il répond qu’il n’est pas sùr que
malgré son jeune àge, celle-ci n’eùt pas les mèmes traits que celle-là.
II ne peut mème pas se rappeler la couleur de sa chevelure et de son
teint, mais il se rappelle bien son bonnet reproduit par l’artiste, et
c’est suffisant.« Ohl je ne suis pas digne de prononcer le nom de Dieu,
malheur au jour qui m’a vunattre, j’aurais dù rester dans la fange, je
vois le glaive exterminateur se lever sur moi, et les tourments de
l’enfer jusqu’à la fin des siècles. Ohl malheur. » Pleurs, angoisses.
5 juin. — « II y a des milliers d’hommes qui ont fait ce que j’ai fait,
mais ou bien ils ne se confessaient pas, ou bien ils se confessaient
bien; moi, je me suis mal confessé et j’aifait un sacrilège. J’ai lu dans
les journaux qu’on a perquisitionné chez moi. En effet, j’ai reconnu
mon domicile, car il y a un fusil à pierre près de la cheminée. »
On lui demande si les autres détails du logis perquisitionné corres-
pondent au sien; il répond que chez lui il y avait probablement des
chaises et des tables comme ailleurs, mais il ne se rappelle plus leur
disposition, ni la couleur du papier. En tous cas, il revoit très bien
son fusil à pierre suspendu au-dessus d’un corbeau empaillé. « Je n’ai
pas la clef des sciences, nous dit-il en réponse à notre scepticisme sur
l’idendité de son domicile et de celui inspecté par la police, sans quoi
je vous expliquerais comment cela se fait, et j’aurais prévu que ma
conduite me mènerait à cette catastrophe.
J’ai vu aussi qu’il est question de moi sous le nom du dictateur
Franco en fuite depuis le régicide de Lisbonne. J’étais le maitre chez
moi, un véritable dictateur, et j’en suis parti : on dit que j’ai passé à
Bordeaux, mais je ne sais pas si j’y suis vraiment allé.
On parle de l’expropriation des biens en Pologne. C’est de mìoi
dont il s’agit, car la Pologne n’existe plus depuis la fin du xviii® siècle,
par conséquent, c’est une fagon détournée de dire que mes terres vont
ètre vendues, vous n’avez pas vu un damné vivant.»
8 juin. — Malade beaucoup moins anxieux et cause avec les autres.
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INTERPRÉTATION8 DÉLIRANTES ET PERCEPTIVITÉ CÉNE8THÉSIQUE 245
A la promenade il s’arréte souvent devant un coin du parc où il recon-
nalt son pays. 11 s’arrète en demandant s’il n’est pas transporté chez
lui; ce bouquet d’arbres avec ce tas de pierres, avec ce chemin creux,
c’est bien ce que l’on trouve près de son champ. II tdche de s’orienter,
ne reconnaissant pas les environs. On s’efforce de Iui prouver qu’il est
dans la propriété de l’asile, mais il ne semble pas convaincu.
9 juin. — En repassant au mème endroit qu’hier, il a la mème illu-
sion. II ne peut pas nous décrire le reste du paysage de chez lui, mais
il revoit nettement ce coin de terre qui lui appartient. Le bruit du
moulin voisin caché dans les arbres est l’écho des sanglots de sa
famille. Rentré au quartier, il continue son affirmation, mais il est
incapable de donner une description exacte de sa propriété, ni
mème du coin de parc qu’il vient de voir.
15 juin. — Calme, lit le journal. Parle censément des articles sur la
politique. Tout d’un coup, en lisant le crime du peintre Steinheil,
s’écrie reconnaltre la chambre comme celle du lieu de l’assassinat, car
il y a un alpenstock accroché au lit.
17 juin. — Malade inquiet depuis deux jours. Affirme que l’article
du journal de la veille le concernait bien, car s’il ne sait pas peindre,
il n’en est pas moins un peintre, comme le prouve la décoloration des
draps de lit et de toutes les choses depuis qu’il est ici. Le linge n’est
plus blanc comme il l’était avant; les gens ont le visage pàli, le soleil
n’a plus le mème éclat; c’est lui qui est cause de ce changement de
tonalité de tous les objets. II est donc un peintre; d’ailleurs le lit dont il
était question, c’est son lit. Get article faisait donc allusion aux tor-
tures morales qui doivent l’assassiner. En outre, il est coupable; il
est l’auteur responsable de ces tortures, car U est parti sans laisser de
traces, comme on dit que le firentles assassins de Steinheil. En effet, U
a quitté son domicUe pour venir à 1’asUe, sans laisser de traces puisque
sa maison n’existe plus et ceUe-ci n’existe plus puisqu’U ne peut
plus se rappeler comment elle est.
19 juin. — Mème état. « Je vous ai tout dit : regardez ma main
droite, le pouls ne va plus (faux), elle est plus pàle; je n’ai pas de
sang et j’ai mal & la tète. »
17 juilleì. — Depuis trois semaines, assezcalme. Sepromène et parle
avec les camarades, mais interprète toujours; « Mon neveu n’est pas
venu me voir; car il est en prison pour attentat à la pudeur; j’ai lu
dans les journaux qu’un jeune homme avait été arrèté pour cela dans
le Morbihan; on a dù faire erreur pour le département, car U habite
l’Ule-et-VUaine dans ma maison dont j’ai reconnu la description et le
bàton situé au coin de la cheminée. II supporte la malédiction que
Dieu Ian$a sur son oncle. »
20 juillet. — « Onparledu transfert d’UUmo à l’Ue de Ré; mais je
croú bien yètre allé, dans cette lle, mais je ne peux plus me souvenir
comment eUe est ni où elle est; en tous cas; on m’y enverra, moi aussi,
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parce que j’ai trahi pour la belle Lison. La domestique sur qui je
faisais dee attouchements s’appelait Louise. *
18 aoùl. — Depuis quatre semaines, va mieux. II s’est eonfessé et
a communié le 15 aoùt; se déclare résigné à la volonté de Diev et avoir
confiance en sa miséricorde.
28 seplembre. — Le malade, un peu améiioré, est repris par sa familie,
raalgré l’avis des médecins. Quelques jours, aprèsii se faisait sauter la
cervelle avec le faraeux fusil à pierre.
La cause fondamentale des interprétations délirantes de la mélaa-
colie réside dans l’état de l’affectivité qui déforme le sens critique.
« Les interprétations, corame l’écrivent Sérieux et Capgras (1),
suivent une marche parallèle à celle du trouble affectif, s’apaisant
avec lui et se rectifiant temporairement dans les intervalles de calme
et définitivement à la guérison. »
Mais une cause adjuvante est fournie par l’état de la perceptivité
qui amorce, pour ainsi dire, l’erreur de l’interprétation. L’altération
des sensations actuelles et l’extréme imperfection de la représen-
tation des sensations passées (perte de la visiou mentale notam-
ment) sont un obstacle pour l’identification des objets. D’où con-
fusion erronée dans la reconnaissance des choses et par conséquent
alimentation toute trouvée pour de fausses interprétatioBS de la
réalité.
Ces deux facteurs étiologiques de I’interprétation délirante des
mélancoliques : état de l’affectivité et état de Ia perceptivité, ne
sont au fond que la conséquence du trouble cénesthésique qui est
I’essence mème de la mélancolie. Cela est évident pour I’affectivité
ainsi qu’il ressort de la définition mème de Régis (2) : « La méian-
colie est une psychose généralisée, caractérisée par une concentra-
tion psychique douloureuse d’origine cénesthésique. »
11 en est de mème de la perceptivité En effet,toutobjet, au mo-
ment de sa perception par un sujet normal, produit à la fois une
impression sensorielle et une impression cénesthésique : le sujet en
éprouvant la sensation a la notion que c’est son moi qui I’éprouve.
Chez le mélancolique, c’est cette notion qui manque ou est altérée:
les sens fonctionnent relativement bien, ils donnent des sensations
à l’individu, mais il semble à celui-ci qu’elles n’affectent pas son
moi corrnne auparavant, qu’elles se passent, en quekjue sorte, en
(1) Sérieux et Capgras. Loe. elt.
(2) Régis. Loc. cil.
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INTERPRÉTATIONS DÉLIRANTES ET PERCEPTIVITÉ CÉNESTRÉSIQUE 247
dtohors de luì-r il ne se les approprie pas. « J’entenda, je vois, je
touche, mais je ne senB pas comme autrefois, écrivait un malade
d’Esquirol, )es objets ne viennent pas à moi, ils ne s’identifient pae
»vec mon étre. » Or, rappropriation personnelle est précisément
la doimée de la eénesthésie, ceHe-ci étant, suivant la définition de
SoHier (t), le sentiment personnel lié aux sensatione. L’absence-
#appropriation personnelle a donc pour cause une perturbation
cénesthésique. Et c’est cette perturbation qui explique l’altération
des sensations actuelles, les impressions sensorielles n’ayant plus
le concomitant cénesthésique d’autrefois.
La perte de la vision mentale s’explique de la méme faQon. L’état
cénesthésique de l’individu devenu mélancolique n’étant plus le
méme que lorsqu’il était sain, la représentation chez ce malade
des sensations pergues avant la maladie est forcément entravée. Les
images sensoriefles rappelèes ne sauraient s’aceompagner du mème
concomitant cénesthésique que les impressions de jadis et conser-
vent par conséquent un caractèrc objectif. Elles ne sont donc pas
reconnues comme la reproduction exacte de ces dernières. Le sujet,
tout en déclarant ne plus voir mentalement les personnes et Ies
choses familières, est néanmoins capable de les décrire. II n’en a donc
pas perdu la mémoire, mais il lui manque l’élèment cénesthésique
lié à ees états sensoriels. Gette acénesthésie provoque à l’égard des
images évoquées un sentiment d’incertitude que le malade traduit
en disant qu’il ne peut plus revoir par là pensée íes choses comme il
les a vues dans la réalité. Sollier (2), à propos d’une hystérique, met
bien en évidence les rapports étiolopques de L’impression visuelle
pmduite par un ebjet et de l’état cénesthésiq*ie qui l’accompagne,
sur la représentation de cet objet.
Pbur conchire on peut dire : Les interprétations défirantes ont
pour cause essentielle la déformation du sens critique due le plus
fréquemment à une exubérance de l’affectivité (délire d’interpréta-
tion et de revendication, mélancolie, manie) parfois à une indigence
de rídéation (démences, défoilités mentales) souvent à une com-
binaison de ces deux facteurs (confusion mentale).
<J> Seujsa. Le sentiment eénesthésique. Congris UUernaiioiial de pagcko-
Genòve, 1909.
(2) Sollier. Perte de la vision mentale chez Ies hystériques. Sae. mtdicopsy-
tMog., fuin 1903.
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REVVB DB PSYCHIATRIE
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L’altération de la perceptivité exerce aussi son influence sur leur
production puisqu’en modifiant la réalité elle empéche leur recti-
fication par l’expérience. A cdté des troubles de la perceptivité sen-
sorieUe : hallucinations et illusions dont le rdle est bien connu, il y a
lieu de signaler celui des troubles de la perceptivité cénesthésique :
défaut d’identification des sensations actuelles et perte de la repré-
sentation mentale. Ce sont ces derniers qui bien souvententrent en
jeu dans la mélancolie.
REVUE DES LIVRES
Le problème physiologique du sommeil, par Henri Pibron,
1 vol. grand in-8° de xvi-520 pages, avec figures. Masson et C 1 ®, éd.
— Ce livre, qui traite du sommeil, n’est pas du tout somnifère. Je
l’ai lu, goùté fait goùter autour de moi. J’espère que mes lecteurs
à leur tour y trouveront leur plaisir : plaisir littéraire et plaisir scien-
tifique.
Le sommeil est d’abord envisagé dans les livres, dans les arts, et
dans la vie, à travers l’échelle animale. Sont ensuite décrites la plas-
tique et la dynamique du dormeur, qu’il faut savoir distinguer de la
simulation et des sommeils pathologiques.
Pour savoir comment on dort, l’auteur expose les multiples théo-
ries du sommeil. Et pour choisir dans ce dédale et reconnattre pour-
quoi nous dormons, il faut avoir recours à la voie expérimentale.
Pour ce, Piéron et Legendre ont empéché des chiens de dormir
jusqu’à ce qu’ils en meurent; ils ont pris leur sérum, leur Iiquide
céphalo-rachidien, leur cerveau et ils en ont fait des injections à
d’autres chiens, qui ont été pris de tendance à la torpeur, de coma
et sont morts très rapidement. En examinant l’écorce cérébrale de
ces chiens, ils ont trouvé des lésions marquées des cellules nerveuses
des couches profondes de la partie antérieure des lobes frontaux.
On peut classer ces faits en deux groupes : besoin de sommeil et
altération des cellules dans la région frontale chez Ies animaux
insomniques et mème besoin de sommeil et mèmes altérations cellu-
laires chez les animaux qui ont regu des produits insomniques. II
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RBVUE DES LIVRES
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y a donc une corrélation étroite entre le besoin irrésistible de som-
meil et l’existence d’une action toxique d’origine cérébrale.
Piéron et Legendre ont appelé hypnoloxine cette substance, soluble
dans l’eau, insoluble dans l’alcool et détruite par la chaleur, qui pro-
duit cette action toxique élective, distincte de celle de la fatigue.
Pour eux, i’hypnotoxine exerce une action élective sur les fonctions
supérieures du cerveau. Par conséquent, ces expériences montrent
un mécanisme possible du sommeil.
Hais il s’agissait d’établir un rapport entre les expériences cons-
tatées et les différentes conditions connues du sommeil. La brusque-
rie de certains sommeils montre le róle de l’inhibition. L’habitude
est un facteur considérable dans le rythme du somraeil. Ce rythme
habituel Iui-mèrae, cette périodicité, est susceptible de se continuer
mème en l’absence de sa cause accoutumée. Enfin 1 ’anlicipation joue
un rftle capital. De mème que l’alimentation, sous l’influence de la
faim, précède le besoin réel des tissus, de mème l’endormissement
précède le besoin de sommeil; le désir psychique précède le besoin
organique.
Mais si des extensions associatives ou des persistances rythmiques
peuvent provoquer le sommeil par anticipation, ce sont là des méca-
nismes secondaires; ce qui est certain, c’est la production du sommeil
par une hypnotoxine, provenant du fonctionnement cérébral, et
s’accumulant au cours de la veille prolongée. A dose massive, cette
hypnotoxine altère les cellules nerveuses avec une localisation élec-
tive et peut entratner la somnolence, le coma, la mort. A dose plus
faible, elle suscite sans doute déjà un réflexe inhibiteur, qui s’exerce
sur les centres sensorio-moteurs du névraxe et empéche d’autant
plus facOement le fonctionnement de ces centres que leur activité
est à ce moment moins intense.
Très riche de documents, le travaU de M. Piéron est actuellement
le volume le plus complet que nous ayons sur le sommeil. II mérite
donc d’entrer dans Ia bibliothèque de tous ceux qui s’intéressent au
sommeU. — Laignel-Lavastine.
Les guériaons de Lourdes, par le D* Jeanne Bon (Paris, 1913,
un vol.in-8°,viii-150 pages, librairie des Saints-Pères, prix : 2 fr. 60)'
— Ce travaU est une étude impartiale et sévère. Madame le Docteur
Jeanne Bon décrit la manière dont est fait le contròle médical à
Lourdes et l’intérèt que les médecins ont porté, dès le début, aux
faits qui s’y passent, ainsi que les opinions qu’Us ont émises à leur
égard. Viennent ensuite dix-sept observations de tuberculose pulmo-
naire, osseuse ou cutanée, puis, à titre documentaire, deux cas de
cancer et une fracture. Ces observations sont précises, contrdlées
par les investigations cliniques et de laboratoire.
L’auteur, en des conclusions très sages, résume la question entière
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REVUE DE P6YCHIATRIE
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©t invite à de nouvelles études. Cet ouvrage, vèritablement documen-
taire, ne saurait échapper à rattention des hommes de science qui y
trouveront, placés dans le simple domaine scientifique, avec un tact
tout féminin, des faits qui touchent de si près à de brùlantes questions
philosophiques et religieuses. Cette mème raison en fait pour les catko-
kques un livre du plus grand intérèt.
Traité de psychiatrie módico-légale (Lehrbuch der garicht-
lichen Psychiatrie), par E. Bischoff (Edition Urban et Schwar-
zenberg. Berlin et Vienne, 1912). — L’auteur, agrégé à la Faculté de
Vienne et expert près les tribunaux, vient de condenser, dans un
excellent précis, les principales notions de médecine légale psychia-
trique. Le iivre se compose de deux parties, d’étendue sensiblement
égale : la première s’occupe de généralités, étudie les dispositions
législatives qui nous intéressent et passe en revue les manifestations
courantes de ia folie; la seconde a trait aux différentes maladies en
particulier.
Nous n’avons qu’un seul reproche à faire à M. Bischoff : c’est
d’avoir un peu écourté cette seconde partie; c’est ainsi, par exemple,
que la période préparalytique n’est peut-ètre pas décrite avec tous
les détails que comporte le sujet. Pour le reste, nous n’avons qu’à
louer l’ouvrage, clair, bien ordonné, contenant de plus des observa-
tions personnelles et des rapports médico-légaux fort instructifs.
Ce traité est écrit « pour les médecins et pour les juristes j>, et, de
fait, il sera croyons-nous, également intéressant pour les uns et pour
les autres. L’auteur possède parfaitement son sujet et il sait mettre
au premier plan ce qui précisément doit ètre retenu par l’étudiant et
le praticien. Halberstadt.
REVUE DES SOCIÉTÉS
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 27 mai 1913.
•Sar la rél orzna d« la légìdation snr les alifoés. — • M. Gilbbrt
Ballet. — J’ai l’honneur de soumettre à l’Académie, comme con-
clusion à la communication que je lui ai faite à la séance du 6 mai
dernier, le voeu suivant :
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RBVUB DES SOCIÉTÉS
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« L’Académie de Médecine,
« Considérant que le projet de revision de la loi de 1838 sur les
aliénés voté par la Chambre et actuellement soumis au Sénat par sa
commission avec quelques amendements de détail, astreindrait les
malades, s’il était adopté, à des mesures humiliantes et vexatoires;
« Qu'il serait éminemment regrettable que des mesures de cette
nature (intervention pour le placement d’une décision judiciaire,
surveillance par le parquet des malades à domicUe, déclaration à
l’autorité en cas de placement dans un asile à l’étranger) fussent
inutilement imposées à tous en dehors des cas exceptionneis où cer-
taines d’entre elles peuvent ètre légitimes,
« Emet le vceu que le parlement ne vote le projet de loi en question
qu’après une enquète approfondie susceptible de l’édairer sur les
modifications qu’il est nécessaire et humain d’y apporter. >
M. lb Président. — Cette proposition sera discutée dans la
prochaine séance.
Séance du 3 fuin 1913.
Snr la réforme de la législation sur les aliénés. — M. Léon
Labbé. — La communication que M. Gilbert Ballet nous a íaite à
propos du projet de revision de la loi de 1838 sur lcs aliénés voté par
la Chambre des députés et soumis au Sénat, a pour Gonclusion un
vceu demandant que le Sénat procède à une enquète avant de voter
la loi en question. Je crois que l’Académie, si elle suivait notre émi-
nent confrère, s’engagerait dans une voie nouvelle pour elle, et qui
n’est pas de son ròle. Elle est une émanation du Gouvemement; elle
est son conseiller, et je me demande si sa proposition serait bien
accueillie du Parlement, auquel elle semblerait dire : avez-vous bien
réfléchi?
La loi qu’a critiquée notre collègue peut ètre tenue presque comme
votée. Le Sénat en a délibéré en 1884, sous l’impulsion de Théophile
Roussel, la Chambre a voté le rapport présenté par M. le Doc-
teur Dubief, ancien médecin en chef d’asile; il ne reste pour ainsi
dire plus que quelques formalités sans importance à remplir au Sénat;
dans ces conditions, l’Académie peut-eìle suivre M. Ballet? II demande
une enquète, mais le Parlement l’a faite près du Conseil supérieur de
l’Assistance publique. En tout cas, il ne me semble pas possible que
PAcadémie vote dès maintenant, et je demande, pour le raoins, Ie
renvoi du voeu de notre collègue à une Commission.
M. Macnan. — Sur bien des points j’approuve les idées émises par
M. Gilbert Ballet. Mais ce qu’a dit M. Labbé me tòuche, et je crois
que l’Académie serait mal venue à intervenir dans un projet de loi
encore en discussion devant le Sénat.
M. Gilbert Ballet. — J’ai le respect de la forme, et s’il était établi
que le voeu que j’ai eu l’honneur de soumettre à l’Académie fftt
à quelque égard que ce soit, anticonstitutionnel, je m’empresserais
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RBVUB DB PSYCHIATRIB
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de le retirer, dussé-je, de la sorte, m’abstenir de protester contre un
projet de loi qui,*s'il était adopté,constituerait,à mon sens, un malheur
public; le mot peut parattre gros, mais je ne |le prononce pas à la
légère; j’en ai pesé le sens et la portée. Je suis trop nouveau venu
à l’Académie pour oser me permettre d’interpréter l’esprit de ses règle-
ments. Toutefois, 0 me semble difficile d’admettre qu’elle n’ait pas
Ie droit de donner spontanément son avis sur un projet législatif qui
intéresse à un si haut degré et si directement toute une catégorie
de malades. Je ne vois pas qu’en le faisant elle puisse (tre accusóe
de manquer d’égards vis-à-vis des pouvoirs publics. Si, dans l’espèce,
un manque d’égards a été commis, c’est vis-à-vis de l’Académie,
qu’on a négligé de consulter à propos d’un projet qui est essentielle-
ment de sa compétence. (Tria bien\)
Notre éminent collègue, mon maìtre M. Labbé, vous a dit que
l’enquète que je réclame avait été faite, que la revision de la loi de
1838 avait été discutée et votée par le Sénat en 1884, que le projet,
sauf quelque formalité accessoire, pouvait (tre tenu pour adopté.
S’il en était ainsi, je ne serais pas intervenu devant l’Académie,
estimant que le temps est trop précieux pour le perdre en manites-
tations stériles. Mais il me semble que M. Labbé a commis ou un lapsus
ou une erreur. Le projet Théophile Roussel voté par le Sénat, il y a
plus de vingt ans, et non sanctionné par la Ghambre des députés,
n’a aucune connexité directe avec celui récemment voté par la Chara-
bre et pendant devant le Sénat. La Chambre haute est saisie par sa
Commission, elle aura à voter après discussion; c’est parce que la
discussion peut influer sur son vote que je me suis permis d’interve-
nir ici et de signaler Ies vices, graves à mon sens, du projet qu’on lui
propose.
Je me demande si ce n’est pas (tre plus respectueux du Sénat de
lui signaler la voie dangereuse où on veut l’engager et de lui demander
de réfléchir aux objections que le projet soulève que de le supposer
capable de voter une loi à la légère. A la vérité, M. Labbè soutient
qu’on a suffisamment enquèté. Où et quand? Le Conseil supérieur
de I’Assistance publique a été consulté, il est vrai, mais l’Académie,
non. Je sais aussi que la Commission du Sénat a interviewé quelques
psychiatres, dont j’étais; mais j’ai des raisons de penser que le résultat
de cette consultation a été nul et non avenu par suite de la mort du
président de la Commission et surtout de la non-réélection du rappor-
teur; dans ces conditions, est-ce trop demander au Sénat que de ie
solliciter de procéder à une enquète nouvelle avant de s’engager?
Je ne voudrais pas que l’Académie se prononqàt sur mon vceu par
surprise. J’ai attendu trois semaines avant de le déposer, afin qu’ici
toutes les opinions aient eu le temps de s’exprimer. Personne n’a
répondu aux critiques, pourtant, je crois, nettes et précises, que j’ai
faites du projet de loi. Je n’ai néanmoins aucune raison de ne pas
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accepter, méme avec empressement, le renvoi de mon voeu à une
Commission. Je me rallie donc à la proposition de M. Labbé, d’autant
plus qu’elle est appuyée par M. Magnan, dont, je crois bien, les opi-
nions sur le íond ne diffèrent pas sensiblement des miennes; il vient
de le déclarer.
— L’Académie, consultée, décide qu’une Commission sera nommée
à i’effet d’examiner la proposition de M. Gilbert Ballet. La nomination
de cette Commission aura lieu à la prochaine séance, sur présentation
du Conseil d’administration.
Séance du 10 juin 1913.
Nomination d’une Commission. — Sur la proposition du Con-
seil d’administration, l’Académie désigne MM. Giibert Ballet, Chauf-
fard, Thoinot, de Fleury, Léon Labbé, Magnan et Paul Strauss pour
faire partie de la Commission chargée de l’examen de la proposition
de M. Gilbert Ballet, concernant le projet de revision de la loi de
1838 sur le régime des aliénés.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGigUE
Séance du 26 mai 1913.
Une place de membre titulaire est déclarée vacante : la commission
chargée de l’examen des candidatures sera constituée à la séance
de Juin.
Après lecture d’un rapport de M. Truelle, M. Albès, médecin
adjoint de l’asile de Montpellier, est nommé membre correspondant.
Un cas de paralysie générale à évolution lente. Autopsie.
— MM. René Charpentier et N. Vieux communiquent à la
société l’observation d’une malade intemée à l’áge de 36 ans pour
un début de paralysie générale et qui, sortie de l’Asile trois mois
après cet internement, n’y revint ensuite qu’après une rémission de
douze ans, remarquable parsa duréc et son intensité. Le diagnostic
fut confirmé par l’autopsie et l’examen histologique. Contrairement
à ce que l’on observe dans un grand nombre de cas de paralysie géné-
raie de longue durée, il n’existait aucun symptòme de tabes.
Les auteurs insistent sur l’absence ou, du moins, sur la légèreté
des troubles de la parole et des troubles de l’écriture, exceptionnelie-
raent peu marqués.
M. Rayneau rapporte une observation analogue, où l’évolution de
la P. G. fut interrompue par une rémission longue et très accusée :
le malade avait repris sa collaboration aux revues dans lesquelles
il écrivait avant l’apparition des premiers accidents.
Folìe intermitteate, ou accès d’exoitation en rapport avec
1’inimffiBauce rénale? — MM. Vigouroux et Hérisson-Laparre. —
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Le malade dont les auteurs rapportent l’observation a été interné
sept fois depuis la fin de son adolescence jusqu’à l’époque actueUe.
La plupart des médecins qui l’ont observé rapidement, & l’occasion
des passages à l’Infirmerie du Dépdt ou à l’Admission de Sainte-Ane,
l’ont généraleraent considéré comme un maniaque, exceptionndle-
ment le syndrome mélancolique a été signalé.
Mais, au cours des internements les plus récents à l’asile de Vau-
cluse, les auteurs ont constaté l’existence d’une léslon rénale, et ils
ont appris que dans l’intervalle des accès psychopathiques, le malade
présente des crises d’asthme symptomatique que guérissent les ven-
touses scarifiées : A l’hòpital où U se fait traiter de ses accès d’oppres-
Bion le malade est tenu pour unbrigthique, mais U ne suit pas le régine
qu’on lui prescrit.
A l’asile, sous l’influence du régime lacté puis déchloruré, l’exd-
tation décrott vites dès que l’alimentation du malade cesse d’étre sur-
veiUée, Ies accidents psychopathiques réapparaissent. Enfin, si I’on
est averti de l’existence de la lésion rénale et si par suite on observe
avec plus d’attention les symtùmes psychiques, on constate que le
tableau n’est pas absolument celui de la manie : l’agitation motrice
est assez accuaée, mais un certain degré de confusion paralt se subti-
tuer à l’habituelle fuìte des idées.
Dans ces conditions, s’agit-U de folie intermittente, ou s’agit-U,
chez un prédisposé, d’accès d’exitation provoqués par l’auto-intoxi-
cation d’origine rénale ? Cette dernière hypothèse satisfait mieux les
auteurs qui font remarquer que la confusion mentale avec délire
onerique n’est pas fatalement le syndrome psychopathique révélateur
des états toxi-infectieux, la constitution de l’individu frappé intef-
venant dans une cetaine mesure.
A de tels états on peut appliquer l’étiquette de psychose raaniaque
dépressive si l’on admet l’influence des causes occasionnelles, orga-
niques ou autres, pour expliquer le moment de l’apparltion des accès
mélancoliques ou maniaques.
M. Arnaud ne voit pas d’inconvénient à admettre l’influence occa-
sionnelle de l’insuffisance rénale si on fait la part de l’èlément consti-
tutionnel. II est possible, croit-il, que le malade de M. Vigouroux ait
eu des accès maniaques avant d’ètre un brightique.
Sur un caa de délire obseasif. — M. Roger Dupouy présente un
nouveau cas de délire obsessif faisant suite à celui qu’il avait commu-
niquédansune précédente séance avec M. Rogues de Fursac. II montre,
par l’étude de ces cas, que certaines obsessions peuvent se trans-
former en un délire systématisé ayant une évolution particulière
et progressive, et pouvant, ou non, se compliquer d’hallucinations. Ce
dèlire obsessif, versant presque toujours dans le délire mélancolique
hypocondriaque ou de persécution, n’est pas une simple association
d’un ètat délirant à un ètat obsédant, mais une véritable transforma-
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tion évolutive comportant plusieurs pbases et aboutissant généra-
lement à une chronicité sans affaiblissement démentiel. Ce délire
présente des caractères spéciaux, tout comme les hallucinations
(hallucinations représentatives de Régis) qui les accompagnent, et
mérite une place & part dans la nosographie mentale.
P. Juquelier.
Siance du 30 juin 1913.
La Commission chargée d’examiner les titres à la place de Membre
titulaire déciarée vacante se compose de MM. Colin, Dupré, Picqué,
Sérieux et V igouroux.
La Jalousie et lea dólirea de jalouaie. — M. Beaussart. —
Cette communication a trait à la jalousie amoureuse. L'auteur énu-
mère les différents éléments qui par leur perturbation concourent à
I’édosion de la passion jalouse, amour, souvenir agréable de sensa-
tions physiques et génésiques, amour-propre d’avoir été distingué
par l’ètre aimé, instinct de domination... dans la jalousie. Certains
éléments permettent de différencier une jalousie masculine et une
jalousie féminine : C’est ainsi, entre autres, que l’instinct de domina-
tion est plus développé chez l’homme; chez lui aussi la crainte de la
procréation due à l’infidélité féminine joue un rfile spécial dans le
déterminisme passionnel.
Malgré les différents facteurs qui prédisposent l’homme à fitre plus
jaloux que la femme, cette dernière est couramment plus jalouse que
l’homme. Pour l’auteur, la jalousie ne doit, chez un sujet normal,
exister qu’après la constatation flagrante de l’infidélité; mais il faut
te reconnaltre, ce n’est là qu’un état rare; le plus souvent la jalousie
est née du doute, des suspicions immotivées. C’est alors un travers de
caractère commun, duquel il faut partir pour s’élever progressivement
jusqu’aux états nettement pathologiques et délirants, en passant par
des situations passionnelles à base de jalousie plus ou moins hyper-
esthésiée, mais ne relevant pas de l’aliénation mentale. Les idées
délirantes de jalousie peuvent ne se présenter qu’à titre d’épiphéno-
mènedans des délires non systématisés et sont souvent juxtaposées
à des idées délirantes polymorphes. Dans les délires de jalousie,elles
forment le contenu principal du système délirant; elles sont alors ou
exemptes de toute autre idée délirante, ou bien elles s’accompagnent
d’èrotisme ou de délire de persécution en corrélation étroite avec la
jalousie. Ces délires systématisés de jalousie sont sous la dépendance
d’interprétations scules ou bien sont conditionnées par des hallucina-
tions. A l’appui, l’auteur cite plusieurs observations qui se dassent dans
les deux formes nosologiques.
L’alcoolisme qui est souvent relevé dans les manifestations jalouses
délirantes agit de différentes fagons dans le déterminisme délirant :
il eet souvent l’agent provocateur des réactions auxquelles se livrent
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lefi jaloux. Ces réactions qui sont fonction des dispositions habitueUcs
du sujet sont nombreux dans la jalousie soit passionnelie, soit défti*
rante (meurtres, vitriolage, castration...). Dans la pratique psychia*
trique journalière, ies internements pour délire de jalousie ont souvent
donné lieu à des plaintes pour séquestration arbitraire, le délire jaloux
ayant queiquefois des bases vraisembiables pour les non initiés. Une
question importante est aussi celle du divorce.
Trois nouvelles illusions tactiles. — MM. Soula et Sauvage
décrivent tróis techniques ingénieuses leur ayant permis de provoquer
des illusions du tact chez des sujets examinés par eux.
P. Juquelier.
CONGRÈS DE MÉDECINE LÈGALE
(Paris, 24-27 mai 1913).
Les íaux policiers mythomanes, par MM. Dupré, Abadie et
Gelma. — Dans le courant de l’année dernière, trois médecins experts
étaient appelés, l’un à Paris, l’autre à Bordeaux, le troisième à Saint-
Dizier, à donner leur avis sur Tétat mental de trois hommes, inculpés
tous trois d’usurpation de titre et de fonction.
Ces trois délinquants s'étaient attribués le titre et les íonctions
d’agent de la police mobile ou d'inspecteur de la sùreté. En cette
qualité, ils s’étaient livrés à des actes répréhensibles : fabrication de
fausses pièces, arrestations arbitraires; tentative de chantage, vois,
escroquerie; mobilisation des autorités et de la force publique, visite
de garnis, procès-verbaux, dénonciations faússes, accusations cri-
rainelles, etc.
Les trois rapports, rédigés chacun dans l’ignorance des íaits etdts
conclusions des autres, concluaient tous à Tirresponsabilité des incul-
pés. Ceux-ci n’étaient autres que des débiles mentaux, vaniteux et
mythoraanes, entralnés par l’idée obsódante de « faire de la poUee »
jusqu’à un déiire imaginatif de fabuiation et d’activité policières. Ces
faux policiers n’étaient que des mythomanes délirants, dont l'acttvité
délictueuse s’était exercée dans le sens des conceptions morbides.
Ces faits durent au hasard d’une conversation de se trouver réunis.
Ce sont eux qui íont l’objet de cette comraunication. Nous avons
résumé et rédigé, sous forme d’observations cliniques, les rapports
médico-légaux dont ils ont été l’objet.
Nous avons pensé, en effet, qu’il y avait quelque intérèt, pour
Thistoire médico-légale de la mythomanie, à mettre en évidence ce
type relativement nouveau de faux policiers mylhomanes .
Nos observations rentrent, sans discussion, dans le domaine
médico-légal de la mythomanie, c’est-à-dire de la tendance patholo-
logique, propre à certains débiles et à certains déséquiiibrés, au men-
songe, à la fabulation et à la simulation.
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Cette tendance est le plus souvent mise en jeu par la vanité morbide,
si développée chez certains de ces sujets, qui les pousse ò se vanter
d’exploits imaginaires, à se parer de titres íictifs, à s’affubler de déco-
rations fausses ou illicites, etc. Ces déséquilibrés ont sans cesse besoin
d’étonner et d’éblouir leur entourage, et de satisfaire, souvent mème
contre toute vraisemblance et contre leurs véritables intérèts, leur
appétit de gloriole et leur orgueil pathologique.
Plusieurs de ces vaniteux, à la íois imaginatifs et menteurs, crédules
et trompeurs, présentent un mélange déconcertant de sincérité et de
simulation, de naiveté et de duplicité, qui résulte d’une pauvreté
évidente du sens critique de la réalité. En vertu de leur débilité men-
tale, ces sujets non seulement affirment par la parole et par Ies écrits
des prétentions imaginaires et injustiíiées, mais encore ils conforment
leurs actes à leur fabulation, et leur conduite au ròle chimérique qu’ils
prétendent remplir. Le débile mythomane crée alors de toutes pièces, à
l’appui de ses prétentions, des documents et des pièces destinés à
servir de preuves objectives à ses fausses affirmations. Alors, et très
rapidement, par un processus habituel d’auto-suggestion, il arrive
à croire lui-mème sincèreraent à l’authenticité de ces faux et à la
légitimité de ces prótendues preuves.
Non seulement ils sont ordinairement les premières dupes de leurs
fables, mais ils sont souvent aussi celles d’un entourage amusé et
ironique, qui se divertit de leur nalveté vaniteuse et ajoute de nou-
veaux aliments à leur crédulité. Incapables de discernement et de
critique, ils sont les victimes à la íois de leurs propres fabulations et
des inventions plaisantes d’autrui.
Le thème morbide imaginatif, primitivement issu de l’invention du
mythomane, s’entretient, se consolide et s’enrichit par la coUaboration
de l’entourage et surtout par la crédulité du fabulateur pris à son
propre piège. Le passage de l’idée à l’acte s’opère et le mythomane
entre dans le délire.
Dans certains cas, l’activité mythopathique des malades cst dóter-
minée dans son orientation policière par la lecture des romans qu’a
mis à la mode, dans ces derniéres années, le débordement de la litté-
rature à la « Nick-Carter ». Les romans policiers, où sont exposées
les aventures extraordinaires et dramatiques des détectives amateurs,
ofírent à l’ímagination des enfants et des débiles l’élément le plus
malsain, et à l’activité des déséquilibrés vaniteux et excités les sug-
gestions les plus dangereuses.
De nombreux exemples ont démontré, au cours des procès contem-
porains, la nocive influence qu’exerce sur la jeunesse cette basse
littèrature. Contre elle s’est déjà dessiné, en Belgique et en Allemagne,
un eourant d’opinion analogue à celui qui s’est traduit en France
par rinterdiction de représentations, dans les clnématographes
publics, de scènes criminelles.
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RBVUE DB P6YCHIATRIE
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Nous ne pouvons qu’applaudir à ce mouvement répressif au nom
de la psychiatrie clinique et médico-légaie, qui démontre l’extrdme
importance, dans l’orientation de la conduite des jeunes sujets, des
exemples offerts par les lectures ou les spectacles à leur imaginatíon
et à leur activité.
SOCIÉTÉ DE MÉDECENE LÉGALE
Séance du 9 juin 1913.
Aliénation mentale et divorce. — M. Vallon résume les deux
thèses opposées qui ont été soutenues.
On sait que les législations allemande et belge admettent le divorce
lorsque l’aliénation mentale caractérisée d’un des conjoints a atteint
une durée de trois ans. Certains aliénistes frangais, avec M. Parent,
trouvent cette mesure législative injuste, car il est bien difficile,
à part les périodes terminales des vésanies, de dire qu’une maladie
mentale est incurable mème après trois ans d’intemement qui cons-
tituent un critérium arbitraire.
D’autres aliénistes, avec M. Trenel, trouvent injuste de lier à per-
pétuité avec un aliéné retenu dans un asile, et par cela mème sóparé
complètement de lui, un conjoint sain qui pourrait ètre utile à la
société en se mariant et en ayant des enfants. D’après eux, on peut
dire qu’on ne connaít à peu près pas de cas de guérison tardive de
folie et que les cas de guérison après trois ans sont rares et discu-
tables.
D’ailleurs, en cas d’aliénation, il n’y a plus, dit la loi allemande,
cette communauté mentale qui permet aux époux d’échanger ieurs
idées et, par conséquent, il n’y a pas lieu de les laisser liés l’un à l’autre.
Aussi bien les droits de l’aliéné sont sauvegardés par la nomination
d’un curateur à la personne.
M. Vallon fait observer que si l’on veut accorder le divorce en con-
sidérant l’aliénation comme une maladie essentiellement chronique
et incurable, il n’y a pas de raison pour ne pas l’accorder dans d’autres
cas, par exemple quand un des conjoints est atteint de tabes, ce qui
n’est pas admissible. D’autre part, sion prend la cessation de la com-
munauté morale comme critérium, devra-t-on accorder le divorce si
un des conjoints est atteint d’hémiplégie avec aphasie? C’est là une
porte ouverte à de regrettables abus. D’autant qu’on proteste
bruyamment contre de prétendues séquestrations arbitraires, ou Ia
prolongation exagérée de l’internement. II est à craindre que, dans le
cas qui nous occupe, on n’accuse les médecins de prolonger l’interne-
ment pour que le divorce soit possible, car, enfin, rien n’est diíficile
pour l’aliéniste comme de déterminer à quel moment l’intemement
cesse d’ètre vraiment nécessaire.
M. Vallon cite enfin un cas de psychose opératoire chronique
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RBVUB DBS SOCIÉTÉS
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ayant duré plus de trois ans et bien guéri, pour lequel il aurait
aífirmé l’ncurabiiité.
M. Tuibierce cite égaleraent le cas d’un aliéné, considéré comme
incurable par Falret et guéri au bout de cinq ans, ce qui montre
l’insuffisance du critérium proposé.
M. Le Poittevin dit qu’actuellement le divorce est basé sur les
torts des époux. Ici il n’y a pas de torts.
Le mariage est un contrat qui crée des obligations indéfinies qui
ne cessent pas si un des conjoints devient malheureux ou malade.
De plus, l’aliéné, mème interdit, continue à avoir tous ses droits
dans la société et son conjoint a des devoirs pour sauvegarder les
intérèts du malade.
M. Jacomy est d’avis que l’aliénation constitue une maladie d’un
genre tout spécial qui supprime la personnalité morale de l’individu.
Ii n’y a pas lieu d’établir une expertise pour affirmer si la maladie
est curable ou non. II suffit que l’internement ait duré un certain
temps, par exemple cinq ans, pour que par le fait mème l’incurabi-
lité puisse ètre déclarée probable.
M. Roubinovitch fait remarquer que, bien souvent, par un examen
attentif on peut faire remonter le début de l’affection mentale & une
époque antérieure au mariage.
SOCIÉTÉ DES SCLENCES MÉDICALES DE MONTPELUER
Dégénérescence m e n tale, hystérie et épllepeie; à propos
d’un eyndrome convulsif résultant de l’association de l’hya-
térie et de l’ópilepsie. — M. Margarot. — Cette observation con-
ceme un jeune homme de 24 ans, hérédo-alcoolique, qui a présenté
dans son enfance de la chlorée et qui, vers l’àge de 22 ans, a été sujet
à des crises comitiales et à des vertiges, les uns épileptiques, les autres
hystériques, et certains au cours desquels on trouve des éléments
appartenant aux deux névroses, avec prédominance des uns ou des
aulres suivant les cas. Ce malade présentait, en outre, un syndrome
psychique constitué par des occupations hypocondriaques.
M. Margarot en conclut qu’on se trouve en présence d’un dégé-
néré qui, à divers moments de son existence, a présenté diverses
névroses (chorée, hystérie, épilepsie, psychasténie), lesquelles se sont,
en quelque sorte, greffées sur la dégénérescence. II pense qu’il existe
entre l’hystérie et I’épilepsie une union étroite tenant à leur commune
origine, certains vestiges épileptiques se greffant sur des vestiges
hystériques et les uns et les autres se rattachant à la dégénérescence
mentale.
SOCIÉTÉ SUISSE DE NEUROLOGIE
Les anoreades de la puberté, par M. L. Schnyder. — Les chan-
gements qui se produisent dans l’organisme au moment de la puberté
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(activité des glandes génitales et des glandes à sécrétion inteme) ont
certainement une part importante dans la pathogénie de Tanorexie.
On peut admettre la présence dans le sang de principes susceptibles
d’exercer une influence sur les fonctions cérébrales (troubles vaso-
moteurs, hyperémies de la convexité), mais, à còté de ces causes
physiologiques, il faut tenir compte des causes psychiques quidéter-
minent les anorexies dites meniales . La durée de la crise psychique
de la puberté dépasse de beaucoup ceile de la crise purement physio-
logique et peut se prolonger pendant toute la période de 1 'adolesecncc,
surtout chez les sujets du sexe féminin chez lesquels on constate une
plus grande proportion de psychonévroses de la puberté que chei
ceux du sexe masculin, en raison de Tévolution sexuelle plus compli-
qúée de la femme, signalée, en particulier, par Freud. L’anorexie men-
tale est, d’après l’expérience personnelle de Tauteur, dix fois pius
réquente chez les jeunes filles que chez les jeunes garqons.
M. Schnyder distingue deux formes d 'anorexie mentale : l’une pas-
sive, l’autre active.
Uanorexie passive est une manifestation de la dépression générale
qui atteint certains sujets incapables de s’adapter aux difficultés de
la vie et chez lesquels toutes les tonctions vitales présentent une dimi-
nution d’intensité. Elle est aussi la conséquence de l’inquiétude et de
l’instabilité morales. Uinsomnie constitue souvent une manifestation
morbide parallèle à cette forme d’anorexie.
Uanorexie active relève de causes psychiques plus précises : elle
constitue un trouble voutu et provoqué par le sujet comme un moyen
d’échapper aux réalités désagréables de la vie. Parmi ces réalités,
celles de la sexualiié apparaissent comme les plus redoutables à cer-
tains individus, surtout du sexe fèminin, lorsque, à cóté d’une nalure
sensuelle accusée, existe chez eux une psychasihénie fondamerúalc
(dans le sens de Dubois), se manifestant, en particulier, par la wru-
pulosilé. Cette dernière est souvent entretenue par l’enseignement
religieux et cela davantage, peut-ètre, par l’enseignement religieux
catholique qui est donné à un áge où la conscience infantile s’exagère
Ailement la portée des devoirs moraux et de leurs sanctions. L’ano-
rexie est une manifestation fréquente des conflits moraux qui ré-
sultent de ces tendances opposées.Elle est,au mème titre que d’autres
manifestations hystéríques, une rèaction de défense irralionnellt .
II n’est pas toujours facile au médecin d’analyser les origines de
l’anorexie, car, souvent, les raisons d’apparence futile, invoquées
par le malade, comme le désir de mincir par coquetterie, ne sont que
des prétextes destinés à cacher un motif plus sérieux. L’anorexie
reconnait souvent pour origine un traumaiisme sexuel. II ne faut pas
voir là un simple fait de conversion par refoulement d’un complexus
idéo-affectif pénible. Le mécanisme de l’anorexie paralt à M. Schny-
der pius compliqué : une jeune fille, jusque-là, insouciante, innocente,
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mais douée d’une nature sensuelle, est l’objet d’un attentat sexuel
qui lui révèle brusquement les réalités insoupqonnées de la sexualité.
Elle s*en effraie, s’en préoccupe, sans recourir aux conseiis d’autrui.
EUe redoute les perspectives qui s’entr'ouvrent pour elle et veut
rester enfant. Poussée par un désir de régression qui puise sa force dans
les sources instinctives les plus profondes de sa personnalité, elle
reeourt à Tanorexie comme au moyen le plus sùr pour atteindre son
but. Considérée de cette faqon, Tanorexie mentale n’est qu’un épisode
des luttes morales qui, à l’époque de la puberté et de Tadolescence,
viennent 6i souvent ébranler l’équilibre psychique d’individus pré-
disposés.
SOCIÉTÉ DE PSYGHOTHÉRAPIE, D’HYPNOLOGIE ET DE
PSYCHOLOGIE
Abolition des reflexes psychiques dans letabes, par M. Bé-
rillon. — Le malade que je présente à la Société est un tabétique
arrivé à une période déjà avancée de la maladie.
On constate chez lui non seulement ìes signes pathognomoniques
du tabès (signes de Romberg, de Westphal, d’Argyll Robertson), mais
aussi de Tincoordination motrice et des troubles viscéraux. Le diag-
nostic, dans l’état où il se trouve actuellement, ne comporte aucune
difficulté.
II y a quelques semaines il en était arrivé à ne marcher qu’avec
une assez grande difficulté. Divers agents thérapeutiques mis en usage
ont eu pour effet d’améliorer très sensiblement son état. La dilatation
progressive de l’urètre pratiquée par le D r Jaworski a eu pour effet
évident de ranimer la vigueur dans les membres inférieurs. La per-
cussion vertébrale a exercé sur ses troubles viscéraux une améliora-
tion si írappante qu’il est venu me la redemander à plusieurs reprises
avec insistance. Enfin la psychothérapie lui a rendu une confiance en
lui-mème qu’il avait déjà depuis longtemps perdue. II a retrouvé
dans sa rééducation psychique un réconfort dont il a tiré le meilleur
parti. Gráce à elle, sa volonté, son application au travail ont été
reconstituées. II a vu également disparaitre ses tendances à la dépres-
sion et au découragement.
Fait capital, le malade a pu retrouver non seulement I’aptitude à la
marche, mais il lui a été possible de courir, ce qui ne lui était pas
arrivé depuis plusieurs années.
Actuellement, ce qui persiste de l’état antérieur, ce sont des signes
objectifs du tabès nettement caractérisés. L’abolition des réflexes
tendineux est complète, mais ses réflexes psychiques, que je désigne-
rais plus voiontiers sous le nom de réflexesd’émotion, ne sont pas raoins
atténués.
Le malade a perdu l’aptitude à réagir aux excitations survenant
dans la sphère de la sensibilité morale.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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Jusqu’à l’apparition des symptdmes du tabès confirmé, le malade
était doué d’une susceptibilité mentale normaie. II réagissait vive-
ment sous l’action des taquineries, des contrariétés, des offenses. U
lui arrivait, lorsqu’U était contrarié, de céder à des emportements
superficiels et de courte duróe qui témoignaient d’une sensibUitè
émotive de bon aloi.
Sa vie conjugale a èté semée d’incidents pénibles; U en a été affecté
et dans les premières années U réagissait avec force. A ce moment la
réflectivité psychique était normale.
Mais, depuis, son émotivité s’est modifiée. Aes incidents qui, autre-
fois, eussent provoqué chez lui des émotions accentuées le laissent
aujourd’hui indifférent.
II a les mèmes impressions; il apprécie la gravité de l’injure; U en a
conscience, mais U la supporte et reste passif. II ne réagit plus exté-
rieurement.
Interrogez-le. Demandez-lui ce qu’U éprouverait dans le cas où U
serait l’objet d’une offense capable d’affecter légitimement sa suscep-
tibilité. II vous répondra : « Je saisis le sens et la portée de I’offense,
j’en suis péniblement affecté, mais je n’en exprime rien à l’exiérieur.
Les choses se passent en dedans. II pourra mème arriver que j’engarde
quelque ressentiment, mais je ne l’exprimerai ni par des gestes ni par
des paroles. »
A ce point de vue, je suis devenu exactement le contraire de ce que
j’étais auparavant. Autrefois j’aurais bondi sous I’outrage et répondu
du tac au tac. Ce n’est pas que les choses me soient devenues indiffé-
rentes; c’est la réaction extérieure qui reste en suspens. La force
d’inertie s’est substituée à l’impulsion. »
L’intelligence du malade est aussi cultivée que par le passé. A
certains points de vue il est mème doué d’une plus grande force de
réflexion. II médite et approfondit davantage les questions auxquella
il s’intéresse.
Ayant dans son intérieur à soutenir une lutte constante, U oppose
à l’adversaire la passivité, la ténacité sUencieuse, Ia force d’inerlie.
II n’a pas cessé de se défendre, mais U recours à d’autres moyens
de défense. Pas un muscle de son visage ne trahit ses impressions.
Mais s’U ne dit rien, il n’en pense pas moins.
Ce qu’U a perdu, c’est l’aptitude à exprimer extérieurement les
pensées qui l’animent. Chez lui, les réflexes de l’émotion sont abolis.
Je ne veux pas aborder actueUement l’analyse psychologique de
ce fait. 11 confirme un grand nombre de mes observations se rap-
portant à des fails analogues. Depuis longtemps j’ai acquis la notion
que, dans le tabès confirmé, à l’abolition des réflexes cutanés muscu-
laires et tendineux correspond une abolition parallèle dans la sphère
des réflexes, psychiques ou d’émotion. Pour le moment, je raeborne
à formuler la conclusion suivante: La réflectivitéémotive est toujours
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UNIVERSm' OF MICHIGAN
NOUVBLLBS
263
atténuée sinon abolie dans le tabès confirmé. La rééducation des
sentiments par une psychothérapie appropriée s’impose au mème
titre que les rééducations motrices et les rééducations viscérales.
NOUVELLES
Peraonnel médical d«s asiles. — Sont promus & la classe excep-
tionnelle :
M. Sizarbt, médecin en chef de 1’asUe de Rennes.
M. Dagonet, médecin en chef de 1’asUe clinique.
M. Sérieux, médecin en chef de l’asile de Maison-Blanche.
M. Pactet, médecin en chef de l’asile de VUlejuif.
M. Toulouse, médecin en chef de 1’asUe de ViUejuif.
Promus à la 2 e classe :
M. Tbrrade, médecin en chef du quartier d’aliénés de l’hospice
d’Agen.
M. Leroy, médecin en chef de 1’asUe de VUie-Evrard.
M. Mignot, médecin en chef de la Maison Nationale de Santé.
M. Truelle, médecin en chef de 1’AsUe de Ville-Evrard.
Midecint adjoinis promus à la l re classe : M. Perrens, de Lafond.
Promus à la 2 e classe : MM. Alaizb, de Saint-Dizier, Benon, de
Nantes, Hannard, d’Armentières.
Mu* Lévéque, regue au Concours de 1913, estnommée méde-
cin-adjoint de l’Asile privé d’aliénés de Limoux.
L’ezamen médlcal des oonducteurs d’automobilss. —
M. Bernard Augé, député, vient de déposer sur le bureau de la Cham-
bre un projet de loi tendant à ce que tout conducteur d’automobile
soUicitant son diplème joigne à sa demande un certificat médical,
légalisé, attestant: 1° qu’U a une bonne constitution; 2° une vue nor-
male; 3° une oule normale; 4° qu’U n’est atteint d’aucune lésion orga-
nique : ni du coeur, ni de ia plèvre, ni des reins, pouvant amener une
brusque syncope; 5° enfin, autant qu’U sera possible de l’établir,
qu’il est exempt de toute affection névropathique : monomanie, hys-
tirie, ipilepsie.
M. Bernard Augé, dans l’exposé des motifs qu’U a rédigés, estime
que les causes de nombreux accidents demeurent inexpliquées la
plupart du temps. La rubrique ordinaire des faits divers, dit M. Augé,
est ainsi con$ue : « En rase campagne, l’auto fit une embardée et aUa
buter contre un arbre... » Mais cette embardée est-elle due à un excès
de vitesse, à la nature du sol mouUlé et glissant, à une fausse manceuvre
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
264
REVUE DE PSYCHIATRIE
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ou à une faiblesse subite du chauffeur? Voilà ce qu’il est souvent
impossible de préciser.
L’honorable député croit pouvoir affirmer que dans un grand
nombre de cas c’est l’état de santé du chauffeur qui doit étre mis en
cause. Or, on ne s’est jamais préoccupé de cet état de santé dans la
délivrance du certificat d’aptitude. C’est ce à quoi M. Bernard Augé
propose de remédier.
II appuie ses dires de ropinion autorisée du D r Bommier, qui
récemment écrivait ceci :
« Je serais partisan que dans chaque arrondissement fonctionnàt,
à cóté du service s’adressant à la machine automobile, unservice s’adrtó-
sant à la machine humaine , et que ne soit autorisé que l’accouplement
des deux entités valides donnant aux autres les garanties auxquelles
ils ont droit. »
Quelques accidents récents causés par des cas de syncope et des
attaques d 'épilepsie semblent devoir donner raison à M. Bernard
Augé; au surplus, l’examen médical des conducteurs d’automobiles
est déjà pratiqué en Allemagne.
REVUE DES PÉRIODIQUES
La Clinique , 17 janvier 1913.
Traitement de l’épilepeie par le bromure et le rógime achlo-
ruré, par Ch. Mirallié. — Les résultats du traitement achloruré
sont d’autant plus rapides et plus efficaces que les malades mettaient
plus de sel auparavant dans leurs aliments et qu’ils avaient plus
d’appétence pour ce condiment. Et il faut porter un meiileur pro-
nostic chez les malades qui ont l’habitude et le goùt de manger salé.
Le régime achloruré produit son effet maximum contre les crises
comitiales proprement dites; son action est beaucoup moins éner-
gique et moins efficace contre les accidents du petit mal, vertiges,
absences, qui, d’après ce que nous avons observé, semblent résister
beaucoup plus énergiquement à ce régime et au traitement bromuré.
Quoi qu’il en soit, et sans qu’on ose parler de guérison dans une
maladie aussi rebelle et aussi sujette à récidive, la suppression des
crises pendant plusieurs années, alors mème que le malade a cessé
son traitement et est revenu au régime ordinaire, indique nettement
que nous avons dans le régime achloruré, combiné au traitement
bromuré, un moyen actif et efficace de lutter contre la maladie et de
permettre au malade de prendre part à la vie sociale. J. C.
Le Gèrant : O. DOIN.
PARTS. — IMPltlMBftlS LKVÍ, 71, ftUE DS RKIfNBS.
Goi igle
\
UNIVERStTY OF MICHÈGAlSl
LES GRANDS ALIÉNISTES DE LA RENAISSANCE
LA PSTCHIATRIE CLINIQUE
DANS L'CKUVRE DE
FÉLIX PLATER
(1536-1614)
PAR
Georges Genil-Perrin
I. L’HOMME ET L’CEUVRE
Félix Plater naquit à Bfile en 1536, l’année méme où y mourut
Erasme, de Rotterdam. II fit ses premiéres études sous la direction
de son pére, qui avait quitté sur le tard sa ville natale de Sion, dans
le Valais, pour venir s’installer et professer dans la cité d’Holbein (1).
A dix-sept ans, le jeune Plater fut immatriculé à la Faculté de
Médecine de Montpellier (4 novembre 1553). II fut regu docteur le
28 mai 1556, et retourna dans sa patríe, où l’on assure qu’il prit de
nouveaux degrés. L’année suivante, il exécuta la première anatomie
qui ait été pratiquée à Bàle. En 1560, il devint professeur, et ensei-
gna jusqu’à sa mort, qui l’enleva, Ie 28 juillet 1614, à I’estime du
Corps académique.
(1) Le nom de Plater ayant été illustré dans l’histoire des sciences médicales
par plusieurs membres de la famille, il n'est pas inutUe de consulter, afin d’évi-
ter toute confusion, ce petit tableau généalogique.
Pélix Plater
(1586-1614)
Thomas I ,r
I _
Thomas II
Thomas III Félix II
(1574-1628) (1605-1671)
Franz
(1645-1711)
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
266
REVUB DE PSYCHIATRIE
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Une justerenommée l’avait fait appeler auprès de tous les seigneura
et princes du Haut-Rhin. II jouissait d'une considération particu-
lière auprès du Margrave de Bade et à la Cour des ComtesdeMontbé-
liard.
Son passage avait du reste été remarqué à la Faculté de Mont-
pellier. Le précieux ouvrage d’Astruc en fait foi. (1) D’ailleura,
dans une lettre écríte à Thomas Plater quelques mois avantlamort
de Félix, le doyen Varandé n’assurait-il pas que celui-ci était honoré
par toute l’Université de Montpellier « comme le vrai Nestor de
notre profession » (2).
* •
Malgré les soins d’une clientèle étendue, Plater n’oublia jamais
les devoirs de Penseignement; de la cour méme des grands qui fai-
saient appel à ses lumières, il rapportait parfois des observations
que nous trouvons consignées dans ses oeuvres.
Les plus intéressants de ses ouvrages, ceux où je puiserai les
matériaux de cette étude, sont la Praxis et les Observaiiones (3).
En général, on connalt beaucoup mieux les Observationes que la
Praxis (4). C’est la fòrme méme du premier ouvrage qui a fait son
succès : dès le quinzième siècle, on avait bien édité des recueils de
Consilia y c’est-à-dire de Consultations et le seizième siècle en vit naltre
un grand nombre. Mais ce n’est qu’au dix-septième qu’on commen$a
(1) Astruc. Mémoires pour servir à l’histoire de la faculté de Médecine de
Montpellier. Paris, Cavelier, 1767.
(2) Lettre db Varandaeus, prof. à la fac.de Montpellier, à Thomas Platbr
frère de Félix. — Monsieur, je suis esté fort aise, d’entendre par la lettre
qu’il vous pleut de m’escrire, votre bon portement et celuide Monsieur Félix,
vostre très honoré frère, lequel Je tiens pour le plus ancien et plus expérimenU
Médicin de nostre siècle, luy désirant continuation de santé et de vie, pour par-
faire les ceuvres, qu’il a préméditées, pour l’embellissement de la mèdecine, à
utilité de ceux qui en font profession. A quoy j’estime qu’il doit estre secouru,
par la vigueur de vostre aage, affin qu’il ne succombe au travail, en l’édition de
ce beau traité de ses Observations, qu’il veut mettre en lumière. Je vous prie de
luibaiserles mainsde ma part, etl’asseurer, ’que toutel’Université de Mont-
pellier l’honore, comme le vrai Nestor de notre profession. De Montpellier,
15 décembre, l’an 1613.
(3) Voici les références exactee des éditions que j’aí uUlisées. — Praxeos
tractatu8. BasUtat . Typis Conradi Waldkirchii. 1602 (Première édition). —
Obsbrvationum libri TRBs. Basileae. Imptnsis Ladovici Kánig. 1641.(Editée
par lea soinB de Félix II Plater, neveu de notre auteur; la première édition est
de 1614.)
(4) Ce reproche s’adresse dans une certaine mesure à Trélat, qui, dans les
Becherches hisloriques surlafolie, consacrant une demi-douzaine de pages à Pls*
ter, parle toujours des Observations et ne mentionne méme pas la Praxis.
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UNIVERSITY OF MICHIGAN
LA PSYCHJATRIE DANS l’íEUVRE DE FÉLIX PLATER
267
i publier des oburotdions. Le livre de Plater,dont la premiére édition
est de 1614, me semble bien avoir inauguré le mouvement, avec les
Cenhtries d'Obeeroaiions de Fabrice de Hilden, qui, d’ailleurs, ne
forent imprimées qu'en 1641, à Lyon, après la mort de leur auteur.
Quant au reste, il ne faut pas nous faire trop d’illusions sur la
valeur intrinséque des observations de Plater. Beaucoup sont
trop succinctes; certaines sont surchargées de formules; de simples
racontars constituent Ie fond de plusieurs. On désirerait surtout
avec Sprengel un choix un peu Imeilieur.
En revanche, on a eu tort de négliger la Praxis. C’est |une oeuvre
trés méthodiquement ordonnée où se révèlent des qualités d'expo-
sition tout à fait exceptionnelles pour l’époque. Chaque chapitre
est divisé en trois sections: Genera —c’est la descríption des diffé-
rentes variétés du groupe morbide étudié; — Causae, c’est le para-
graphe étiologique; — Curatio , c’est la pai-tie thérapeutique.
Or, il est à remarquer, que Plater fonde la plupart du temps scs
descriptions cliniques sur ses constatations personnelles, et qu’il
ne se contente pas de démarquer Hippocrate, Galien, les Arabes et
quelques autres, comme il était alors de mode. Les considérations
étiologiques et pathogéniques elles-mémes sont à cet égard d’une
sobriété exemplaire.
La Praxis marque donc un progrès dogmatique considérable sur
la plupart des ouvrages antérieurs, où l’on a souvent de la peine
à isoier gà et là les fragments de description clinique au milieu d’un
íatras pathogénique et d’une copieuse polypharmacie. Dans le livre
de Plater, tout est à sa place.
II est déjà bon de pouvoir exposer, d’après un traité heureuse-
ment concu, la pathologie mentale de Félix Plater. Mais il est encore
mieux d’ètre en mesure d’illustrer chaque chapltre de cette cxpo-
sition par des observations cliniques. Le plan des Observaiiones cst
en effet calqué sur celui de la • Praxis.
De la sorte, on a d’un còté les matéríaux, et de l’autre la synthèsc
qui s’en est opérée dans l’esprit de l’auteur. Gela nous éclaire d’une
part sur les caractères cliniques exacts des maladies mentales au
Kirième siècle.d’autre part sur la psychologie du grand médecin que
lut Félix Platelr.
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
268
RBVUE DE PSYCHIATRIB
Je me cantonne ici au domaine psychiatrique, dans lequellacom-
pétence de l’auteur ne s’est pas exercée d’une fagon aussi particulière
qu’ons’estpluà Ie dire; mais étudier l’ceuvre entière avec la méthode
que j’indique serait, je crois, un travail d’une haute signification
pour la compréhension de ia médecine de la Renaissance. On sai-
sirait ainsi sur le vif le processus d’émancipation de notre science, et
je connais peu d’auteurs chez qui un pareil travail soit aussi faci-
lement réalisable que pour Plater.
LJn plan attrayant s’impose donc. Nous allons reprendre les
différentes affections mentales étudiées dans la Praxis, et nous pla-
cerons sous Ies yeux du lecteur un résumé des cas correspondants
publiés dans les Observationes (1).
n. — LA PARTIE PSYCHLA.TRIQUE DE L’CEUVRE
DE PLATER
C’est par I’étude des maladies mentales que s’ouvrent les deux
ouvrages auxquels nous devons nous adresser.
Le premier tome de la Praxis, consacré aux troubles des fonc-
tions : De funclionum laesionibus, est divisé en deux livres dont
l’un étudie les troubles des sens, et l’autre les troubles du mouve-
ment. Le Iivre I — Sensuum laesiones — est divisé en neuf chapi-
tres, dont les quatre premiers sont réservés aux sens inlernes et Ies
cinq derniers aux sens externes (tact, goùt, vue, ouie, odorat).
Les sens inlernes sont l’imagination, la raison et la mémoire (ima-
ginatio, ralio, memoria) dont l’ensemble constitue I’esprit ( ment ),
« quos simul comprehensos mentis nomine appellabimus ». L’étude
de leurs troubles constitue l’objet de la pathologie mentale.
Ces différentes fonctions de I’esprit peuvent étre atteintes soit
isolément, soit simultanément, et leur altération peut étre le fait
de la diminution ( imminuuntur),de I’abolition (abolentur), de la per-
version (depravantur) ou de l’exagération (nimium fiunt).
Sur cette distinction d’ordre psychologique, Plater va fonder sa
division nosographiquc des troubles mentaux.
On dit que Ies facultés mentales sont diminuées quand elles
nes’accomplissent pas intégralement, ce qui arrive dans 1’ hebeludo
(1) Pour conserver à cet article de justes limites, je ne m’occuperai que de la
partie symptomatologique, réservant pour des travaux ultérieurs l'étude de
l’étiologie et de la thérapeutique des maladies mentales dans l’oeuvre de Plater,
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UNIVERSITY OF MICHIGAN
LA PSYCHIATRIE DANS L’íEUVRE DE FÉLIX PLATER
269
meniis, la tarditas irìgenii, Yimprudenlia et Voblivio, que l’on peut
ranger sous l’étíquette commune de mentis imbecillitas Les facultés
sont abolies quand elles ne s’exercent plus du tout, comme dans Ies
différentes variétés de mentis oonsternatio. Quand les fonctíons intel-
lectuelles s’accomplissent, mais d’une fa^on anormale, il y a perver-
sion, et il en résulte toute une série de troubles qui ressortissent è
la mentis alienatio. Dans I’insomnie et dans le réve, l’esprit fonc-
tionne plus qu’il n’est convenable, c’est la mentis defatigatio.
C’estàcbacune de ces quatre grandes catégories morbides que sont
consacrés les quatre premiers chapitres de la Praxis, et l’on peut,
dans le tableau suivant,prendre une idée d’ensemble du détail dela
dassificatíon.
■entis
taabMUUtas
Toue les sens internes
sont diminuét ;
l’imagination:
la ralson:
la mémoire:
i un seul est
diminué
Hebetudo mentia.
Tarditan ingenil.
Imprudentia.
Oblivlo.
lentis
eonsternatio
Somnus
prseter-
I natur&lis
Sommus immodieus.
Sommus profundus.
Sopor gravis: caros, ooma.
Sopor oum febre : iethargus.
Sopor eum delirio : oata-
phora, typhomania.
Sopor cum stupore.
Stupor cum resolutione : Apoplexla.
Stùpor cum convulsione: Epilepsia.
Stupor cum rigidtíate : Catalepsis.
in sanis
In
morbo
lentis
tiieaatio
acausis insitis: Stultltia.
ab extemis l Temulentia.
causis. < Anlmi eommotio.
Melaneholia. var.: Melancho-
lia hypochondriaca.
obsessio dtsmoniaca.
Maniaí
I ab internis
causis.
Sine
I febre
hydrophobia.
saltus Viti.
Cum febre : Delirium J phren * flí '.
< paraphrenitis.
lentis { VigilÌSB.
defatlgatio < Insomnia.
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UNivERsrry of michigan
270
RBVUE DB PSYCH1A.TR IB
m. — LA « MBNTI8 IMBECZLLITAS. »
La meniis imbecilliìas esi en rapport avec un fonctionnement in-
suffisant des sens internes, c’est-à-dire des trois grandes facuftésmen-
lales. EHe se manifeste tantOt au cours d’une maladie, tantdt chez
des gens par ailleurs bien portants.
Les trois sens intemes peuvent étre atteints soit iso!ément,soit en
blòc. Us le sont tous dans l’hebetudo mentìs. Dans la tarditas in-
genii, c’est l’imagination qui est frappée : les sujets apprennent
dlfficilement à parier, à lire et à travailler. L’imprudentìa est le dé-
faut de raison, de jugement: l’individu acquiert bien les notions,
mais est incapable de porter des jugements corrects. L’obhvio est
en rapport avec Ia diminution de la mémoire, infirmité qui survient
surtout chez les vieillards.
A quoi correspond la menlis imbecillitas dans nos cadres modemes?
Ce n’est ni dans la description trop réduite de la Praxis, ni dans les
Observaliones , peu instructives en l’espèce, que nous l’apprendrons.
Seul le chapitre des causes nous éclairera.
Nous y voyons que cette classe comprend les imbéciles et surtout
les débiles denaissance,les amnésies séniles ou organiques, les trou-
bles démentieis ou aphasiques postapoplectiques, peut-étre certains
états de dépression ou de stupidité, et enfin des troubles transitoires,
sans doute d’ordre confusionnel, suiVenant au cours de certaines
maladies, dans les grandes hémorragies, etc.
A prendre les choses de haut, on verra que le premier progrès dans
l’analyse de ce groupement n’a été accompii que par Esquirol, quand
il a séparé les démences acquises des états d’insuffisancecongénitale,
et le second par Georget, quand il a remplacé la notkm de démence
aiguè par celle de stupidité.
Plater est encore nettement en avance sur beaucoup de ses succes-
seurs quand il assigne à ces troubles une origine organique: « ctft-
brum hic, quod sensuum horum est organum, afficitur ». Et|le cer-
veau est touché par l’hérédité,par l’àge, par une attaque d’apoplexie,
par une longue maladie, par un traumatisme, par la fatigue intel-
lectuelle, etc.
Cette imperfection de l’instrument peut tenir à une cause congé-
nitale ou acquise. « Figura indecens cerebri, illiusque situs pervertio
a natura vel oiolenter facta, idem efficil. Quod segre cognoscitur, nisi
caput cerebri formse correspondeal .»
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LA PSYCHIATRIE DANS l’CEUVRE DE FÉLIX PLATER
271
On voìt aussi par cette citation que Plater avait une notion assez
nette des malformations crfiniennes chez les imbéciles.
Quand an pronoetic des différentes variétés de Ia merúis imbecilli-
tos, ilvarie suivant la cause.mais s'il sagit d’une malformation congé-
nitale, d*une grosse lésion organique, ou d’un effet de la vieillesse, il
n’y a pas de guérison à attendre.
Les quatre observations de mentis imbecillilas, coinme je l’ai
déjà dit, ne nous renseignent pas beaucoup sur la valeur nosolo-
giqne du groupe. Tout au plus,l’une d’elles est-elle intéressante pour
la psychologiede l’auteur, qui nous raconte complaisamment quel-
ques souvenirs d’enfance — songeons -qu’il écrit cela & phis de
soixante-qumze ans.
J’ajouterai, pour bien fixer la physionomie de certaines observa-
tions de Plater, que la troisième, intitulée « Memoria artificialis »,
renferme en tout et pour tout quelques réflexions sur l’utilité des
moyens mnémotechniques !
IV. — LA « MENTIS CONSTERNATIO ».
Cette classe, comme on a pu Ie voir dans Ie tableau d’ensemble,
n’est pas très intéressante au point de vue psychiatrique. De
l’étude succincte que nous en ferons il y aura cependant à retenir
quelque points particuliers tout à fait dignes de remarque.
La consiernatio menlis comprend les états d’assoupissement et
de torpeur dans lesquels le fonctionnement intellectuel est complè-
tement suspendu.
II y a d’abord le[ Sommeil anormal ( somnus prseternaluralis }
qu’on peut rencontrer soit chez les gens bien portants, soit au cours
d’une maladie.
Chez les premiers, le sommeil peut étre anormal soit par la durée
(tomnus immodicus), soit par la profondeur (somnus profundus).
Ce demier est souvent dù à des libations trop copieuses, ou à l’ab-
sorption d’un narcotique.
Parmi les états d’assoupissement pathologiques (sopor), on ren-
contre tout d’abord le caros ou coma , distinct de l’apoplexie,parce
qu’il ne comporte ni perte complète du mouvement, ni résolution
musculaire. Quand la fiévre s’ajoute au tableau, c’est -le lelhargus.
A propos du sopor cum detirio, l’auteur semble faire allusion à
quelques phénomènes oniriques. Quelquefois les malades ne dorment
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
272
RBVUE DB PSYCHIATRIB
qu’en apparence et restent absorbés par différentes visions; dans
d’autres cas.ils dorment réeUement,mais sont en proie à des cau-
chemars effrayants. C’est la caiaphora ou coma agripnion ou typho-
mania.
C’est à propos de ce groupe qu’il faut mentionner le topor
daemoniacua des sorcières qui s’imaginent que, enlevées dans les
airs pendant leur sommeil, elles vont mener des rondes et entrer
en rapport avec le démon.
Dans le sopor cum stupore entre une histoire fort intéressante
de tumeur cérébrale, qu’on retrouve dans les Observationes.
Un baron était plongé depuis deux ans dans une profonde torpeur,
incapabled’aucuneactionraisonnable.ne prenant jamaisspontanément
de nourriture, et se contentant d’avaler ce qu’on lui introduisait
dans la bouche. II n’allait point au lit qu’on ne l’y for$àt, et restait
constamment assis à dormir, accoudé sur une table.L’interrogeait-on,
il fallait insister beaucoup pour obtenir des réponses, qui d’ailleun
étaient toujours dénuées de sens.
Un liquide aqueux lui coulait cn abondance par les narines. Après
sa mort,à I’ouverture du cràne.on trouva, au-dessus du corps caDeux,
une tumeur globuleuse, d'aspect charnu, semblable à une glande,
squirrheuse et fongueuse, grosse comme une pomme de taille moyenne,
entourée d’une membrane propre et sillonnée de vaisseaux, sans
connexions avec la substance du cerveau, où elle avait marqué
son empreinte et déterminé une dilatation des ventricuies (1).
L’apoplexie est un état de stupor cum resohitione. Les malades
gisent comme des souches, privés de tout sens et de tout mouve-
ment. Seule persiste une respiration obscure, parfois stertoreuse.
Dans le stopor oum convnlsione seu agitatione, il y a perte brusque
et totale des sens, et le corps tout entier est en proie à des mouve-
ments désordonnés.
Quand cela dure longtemps, il s’agit d'épileptie proprement dite,
mal caduc, mal comitial.
Quand les crises sont courtes, Ie pronostic est parfois bénin,
comme chez les enfants qui mettent leurs dents ou qui ont des vers
(morbus puerilit ), parfois sombre, comme celase voit danslesmala-
dies graves et à la suite des blessures: c’est alors la conouhio gene-
(1) Faute de place, je ne donne pas la traducUon intégraledes observatiou.
Je les résume en cherchant à leur conserver leur physionomle parfais fort pit-
toresque.
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
LA PSYCHIATRIE DANS L’OEUVRE DE FÉLIX PLATBR
273
ralis, où dous reconnaissons Ies formes convulsives des maladies
infectieuses, et, très certainement, des cas de tétanos. (1)
Je passe sur une bonne description des crises épileptiques, pour
faire simplement remarquer que Plater en signale les séquelles, en
particulier l’obtusion et l’amnésie.
Dans le stupor eum rigiditate ou catalepris, les malades restent
rigides et comme congelés. Généralement étrangers au monde
extérieur, ils entendent quelquefois cependant ce qu’on ditautour
d’eux ( slupor remanente audilu ), et peuvent le répéterjplus tard : ce
sont les exlaiiques.
Une autre variété de catalepsis, la stupor remanente molu, nous inté-
resse d’une fagon tout à fait spéciale, car I’auteur y décrit la flexibililas
cerea de la catalepsie des catatoniques : « Mais d’autres, tout en res-
tant dans Ia méme position, comme des morts, sans ríen voir, ni
rien entendre, insensibles aux piqùres, avalaient cependant ce qu’on
leur introduisait dans la bouche : Quand on les mellail debout, ils
s'y maintenaient, quand on les poussait, ils avanqaient, et ils gardaient
tes membres figés dans l'altilude où. on les avait fléchis (2).»
V. — LA « MENTIS AUENATIO »
Nous abordons enfin le chapitre le plus intéressant au point de
vue purement psychiatrique. Voici la définition de ì'alienatio menlis:
« Mentis alienatio seu hallucinalio Paraphrosyne appellata est,
quando ea quee non sunt, ac si essent; vel quae sunt, sinistre et praeter
rationem fingunt, judicant et memorant; idque velsimul, vel separalim ;
sioe hoc cogitatione sola fiat, oel idem diclis factisque, exprimant. »
La mentis alienatio peuttenirà des causes innées, à des causes
externes, ou à des causes intemes. On a déjà vu, dans le tableau
d’ensemble, quelles variétés morbides venaient se ranger sous ces
trois chefs étiologiques. Examinons chacune d’elles dans le détail.
A. Stnltítía.
Nous trouvons ici une catégorie de sujets que l’auteur aurait pu
tout aussi bien ranger dans la merdis imbecillitas: il s’agit des idiots,
et particulièrement des crétins.
(1) Lea convulsions générales s'opposent aux convulsions partielles qni sont
déerites au livre des motuum Isuionea.
(2) «.... et sublati consistebant, impulsi incedebant, et membra proutillis flec-
tebantur, eo situ fixa retinebant. >
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RBVUB DB P8YCHU.TR IB
Plater considère comme synonymes les termes sluliitia, moria,
fatuitas, infaniia , désignant l’état des sujets qui sontnés sotset bétes.
Dès leur première enfance, ils donnent des marques de leur sottise
dans leurs gestes et dans leur fa$on de manger. IIs sont indociles et
incapables d’apprendre à parler ou de s’acquitter des actes qui de-
mandent quelque industrie.
Ces étres déshérités se rencontrent plus fréquemment en certains
pays, comrae Plater I’a observé lui-mème dans le Valais, au bourg de
Bremis, et dans le Bintzgerthal en Carinthie. IIs ont la téte difforme,
la langue démesurée et tuméfiée. Ils sont muets et souvent goitrenx.
Assis sur le bord des chemins, regardant le soleil, des baguettes
entre íes doigts, Ie corps contoumé, la figure de travers, ils offrtent
aux passants un spectacle rísible et étonnant.
Mais il y en a qui accomplissent correctement les actes ordinaires
dela vieet acquièrent parfois dans certains arts une hábileté surpre-
nante. Plater en a vu un à la cour d’un prince, qui s’appelait Georges
etétait un architecte distingué. D’autres réussissent dans la peinture
ou dans la musique, mais on retrotrve leur sottise à la complaisance
avec laquelle ils écoutent les louanges, et aux choses rídicules qn'Os
disent et qu’ils font, à la grande joie des seigneurs qui les entre-
tiennent à leur cour.
Dans les Obaeroaiiones, Plater parle d’une sorte d estuitiiia acquise
dont il n’est pas question dans la Praxis : Des flatteurs et des para-
sites, voyant en quelle estime sont tenus les fous de cour, que l’on
admet aux festins, simulent la slultitia et font Ies bouffons pour se
condlier les faveurs des grands. Le malheur est qu’une simulation
prolongée pervertit leur nature, si bien que, devenus vieux, ils ne
peuvent plus s’empécher de dire des bétises, ni d’en faire. Plater
leur assimilerait volontiers les personnages, qui, sans vouloir se
faire passer pour des bouffons, cherchent toujoursà parattregais et
à faire ríre le monde, en prodiguant les plaisanteríes dépourvues de
sel.
On voit que notre auteur ne manque pas, à ses heures, d’une cer-
taine causticité.
B. Temulentia.
La temulentia est une ivresse, qui, sans aboutir à l’assoupisse-
ment et à Ia stupeur, dépasse cependant les bomes de la gaieté
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LA PSYCHIATRIE DANS L’tEUVRE DE FÉLIX PLATER
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ptr laqaelle Ie vìn pris modérément réjouit le coeur de l’homme:
eQe fait perdre la raison, déterminant des effets variés suivant la
divereité des tempéraments.
BBe se manifeste parfois par une joie immodérée, par des chants
et par des rires; on embrasse tout le monde, maison peut aussi se
montrer violent, crier, frapper et mordre.Certainsdeviennent tristes
comme des méiancoliques, fondent en larmes et parient de choses
rehgieuses ou funèbres.
II s’agit ici d’une esquisse intéressante de I’ivresse pathologique,
dont Tauteur nous donne trois exemples dans les Observationes.
C’est d’abord l’histoire d’un ivrogne qui, rentrant de nuit au
logis, et prenant la clarté de la lune sur le sol pour un fleuve profond,
se déshabilla et s’allongea par terre pour nager.
(Jn autre, après avoir déambulé toute la nuit, revenait chez lui en
plein midi, quand, prenant la lumière du jour pour le clair de lune, il
aOuma sa ianterne pour éclairer ses pas chancelants.
Le troisième, bien saoùl, arrivant près d’une source,se mit à uriner :
prenant ie murmure de la source pour celui de son urine, U resta en
positou plus d’une heure, attendant que cela finisse.
L’auteur, en bon vieillard qui aime à ressasser ses souvenirs
personnels, nous raconte qu’on lui a souvent demandé comment
il avait pu parvenir en bonne santé à un Sge avancé, étant donné
que les occasions de boire n’avaient pu dú lui manquer au cours de
sa longue pratique, surtout pendant ses séjours à la cour des
prínces, apud quos splendide vivitur ?
C’est que, répondit-il, « dans les banquets qui durent plusieurs
heures, je puis en commengant m’abstenir de boire pendant une
heure ou deux,'—et cela d’autant plus facilement que j’ai moins
soif —, jusqu’à ce que j’aie mangé à satiété; alors, l’estomac plein
de nourriture, méme buvant plus que de raison, je n’en ai jamais
éprouvé aucune offense. »
C. Animi oommotío.
Un violent choc moral peut troubler l’esprit au point de
lui faire perdre la raison et déterminer un véritable état d’aliéna-
tion mentale. Telle cette joie stupide qui fait dire des choses pué-
riles et pleurerà forcede rire;telle encore cette colère où l’on se
précifHte en blasphèmant pour se venger, sans redouter aucun
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RBVUB DB PSYCHIATRIB
danger; ou encore cette mélancolie née sous l’influence du chagrin
ou de la terreur, et qui souvent dégénère en mélancolie vérita-
ble et persistante.
Certains individus peuvent donc étre considérés comme des alié-
nés quand ils sont soumis à un sentiment exclusif et violent qui
les conduit à des actes déraisonnables et dérégle leur vie; il en est
de méme pour ceux qui sont en proie à une idée obsédante.
Sous cette réserve que.parmi les demières certaines, ressortissent
mieux au chapitre de la méjancolie, nous pouvons faire quatre
parts des observations qui se rapportent à Yanimi commolio et où
l’on trouve des histoires d 'obsédés, d'inventeurs, d 'amoureux et de
jaloux.
1° Les Obsédés.
Les Observationes renferment de très beaux exemples d’obses-
sion8 mais la Praxis ne contient rien de précis à leur sujet, au
point que je me suis trouvé fort embarrassé pour savoir si l'auteur
rapportait ces cas au chapitre de la mélancolie ou à celui de
Vanimi commotio, dont les territoires semblent d'aiUeurs se
compénétrer en certains points.
Toutefois, la place mème de ces observations dans le recueil,
justifie mon interprétation de la pensée de I’auteur.
Aussi bien le lien qui unit les différents cas entre eux et qui les
rattache au chapitre de ì'animi commotio, est-il constitué par la
présence d’une idée prédominante, absorbant à certains moments
toute l’activité intellectuelle du malade. II s’agit tantdt d’une idée
hypochondriaque, tantOt d'un scrapule religieux, tantdt d’une
phobie.
Plater a soigneusement noté les phénomènes anxieux qu’il avait
observés dans la plupart de ces cas, mais il faut bien avouer qu'il
n’a pas songé à mettre ce symptóme en relief et à en faire le caractère
commun d’un groupe.
D’ailleurs, aucun progrès sensible ne sera réalisé à cet ègard
jusqu’à Morel, dont le délire émotif répond à cette variété d'animi
commotio. II n’est pas sans intèrèt de signaler l’identitè de racine
des deux mots, sans vouloir cependant pousser l’assimilation trop
loin.
Voici une observation simple et typique d’obsession :
Une dame nobleet délicate, par-dessus tout soucieusede propreté,
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LA PSYCHIATRIE DANS L’CEUVRE DE FÉLIX PLATER
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était tourmentée par une fantaisie singulière : quand elle voyait
vider des cochons ou d’autres animaux, elle réfléchissait qu’elle
portait aussi dans son corps des tripes et des saletés puantes. Elle en
concevait un tel dégoùt qu’eile prenait en haine son propre corps, ne
sachant comment se débarrasserde cesimmondices. Souvent elle venait
s’en plaindre à moi, très affectée, et fort vexée quandelles’apercevait
que je ne pouvais me tenir de rire.
Dans un autre cas, nous assistons au duel qui a de tous les temps
dresséruncontrerautrerobsédé hypochondriaque et son médecin:
Un jeune homme se lavait au ruisseau, dans son pays, la tète plongée
dans l’eau, quand il pensa avaler du frai de grenouille qui flottait.
Aussi crut-il plus tard avoir dans l’estomac une grenouille vivante.
II se mit à íaire de la médecine, peut-ètre pour devenir capable de se
soigner lui-mème.Il étudia dans ce but pendant sept ans, en Allemagne,
en ltalie, à Bàle, et le bonnet de docteur lui fut conféré avec éloges.
II employait des foules de remèdes pour tuer et expulser cette gre-
nouille, consultant partout les médecins. Je cherchai à lui enlever
cette triste idée par de solides arguments, mais il me répondit en éruc-
tant, pour me faire entendre les coassements de la grenouille, cher-
chant à me prouver, oralement et par écrit, qu’il ne s’agissait pas là
d’éructations, mais des cris de la bète.
J’avais essayé de le tromper en le purgeant et mettant une grenouille
\ivante dans ses selles. Mais comme il était médecin et qu’il possé-
dait d’exactes qualités d’observation, il ne s’y laissa pas tromper.
(Je n’entre pas dans le délail du régime effroyable auquel Plaler
consentil à soumeltre son malheureux confrire . II esl en particulier
queslion d’un nombre fanlaslique de pilules mercurielles qui détermi-
nèrenl une néphrite d de la diarrhée sanglanle . Au boul de trois mois 9
Plaier se lassa te premier.)
Excédé de ces plaintes, je recommen$ai à le gronder vertement,
lui disant qu’il n’était qu’un fou et un entèté, pour persister si long-
temps en une pareille conviction, contre l’avis des médecins. Je lui
représentai que, méme s’il avait avalé une grenouille vivante, voire
plusieurs, elle n’aurait pu vivre une seule heure, et aurait été étouífée,
puis chassée del’estomac, comme chez celui qui, ayant dégluti une
anguille vivante, la rendit par les selles au bout de dix heures, morte
et comme cuite. Je lui citai encore le fait des grenouilles qui sont ava-
lées vivantes par les serpents et les hérons, et meurent aussitòt. A
quoi j’ajoutai en fin de compte que la vie de la grenouille est courte et
ne passe pas deux ans, qu’il s’exposait par conséquent au ridicule en
prétendant en nourrir une depuis sept ans dans son ventre; que d’ail-
leurs les grenouilles, en dehors de l’eau,sionles prive longtemps d’air
sont étouffées, ainsi que j’en avais fait l’expérience en en noyant une
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dans du vin, pour dégoùter un ivrogne; et qu’enfin, investá de la digniti
doctorale, il ne devait pas juger les choses d’une fagon aussi puérfle.
Vaincu par ces arguments, il finit par confesser sa folie, me remerds
et quitta notre pays, débarrassé de cette lubie.
Le lecteur restera plussceptiqueque Plater sur la valeur de cette
guérison. Voici maintenant des obsessions à teinte religieuseencore
très typiques :
Un homme pieux et savant, dans sa jeunesse, lorsqu’il pensait à
Dieu ou était en prières, avait l’esprit envahi par de mauvaises pen-
sées qu’il ne pouvait chasser sans qu’elles revinssent immédiatement
le pousser à des actes d’impiété. Cefa déterminait en lui une angoisse
particulière, et il suppliait Dieu, du plus profond de son coeur, de le
délivrer de cette tentation. Bien qu’elle devfnt moins fréquente, ceiie-
ci le suivit jusque dans l’Age adulte, l’envahissant comme par
accès (1). II était si angoissé qu’ii s’en ouvrit à un théologien. Celui-ci
le consola et lui montra qu’il pouvait guérir en invoquant Dieu par
des prières continuelles, comme il avait d’ailleurs l’habitude de le
faire; que si ces idées diaboliques revenaient à détoumer sa pensée
des pieuses méditations, il pourrait Ies oublier en toumant son esprit
vers d’autres sujets graves et pieux.
Plater ne dit pas si le remède du théologien fut couronné de
succès.
Une íemme, par aiileurs bonnète et religieuse, fut souvent tentée de
maudire Dieu et de le blasphémer, ce qui n’allait pas sans une grande
douleur morale et sans une grande anxiété. Elle s’efforgait sans y
arriver de triompher de ce mal, et m’avoua en fondant en larmes, ce
trouble qui la poussait au désespoir et lui ferait porter sur elle des
mains criminelles, sl des prières assidues ne l’en détournaient.
Le caractère impulsif de certaines obsessions apparalt très nette-
ment dans quelques-unes des observations de Plater, par exemple
chez la femme d’un aubergiste qui,se sentant poussée à tuer sonen-
fant nouveau-né, voulait se précipiter téte première dans le bassin
du jardin de Plater, un cours d’une consqltation. Tel encore le cas
suivant:
La femme d’un scribe, à grand renfort de larmes et de gémissemenU,
m’apprit qu’elle était continuellement poussée à tuer son mari pen-
dant le sommeiIdecelui-ci,et cela si violemment, qu’elle avait tontes
(1) Veluti pe aceessionet illum invadens : intéressant pour l’histoire des np-
ports des obsessions avec la psycbose périodique.
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LA PSYCHIATRIE DANS l’oSUVRE DE FÉLIX PLATER
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les peines du monde à se retenir. fìien qu’elle suppliátDieu ardemment
de la libérer de cette tentatíon diabolique, elle ne pouvait s’en débar-
rasser. EUe ne s’en était jamais ouverte à personne en dehors de moi,
de peur que son mari ne l’apprit. Par ailleurs, eUe l’aimait plus que
personne au monde, bien loin qu’elle ne désiràt le tuer; mais, tout en
ne le voulant pas, eUe y était poussée tous les jours,au point de crain-
dre d’en arriver à se tuer plutót eUe-mème. Je la consolai, j’instituai
un traitement et, gràce à différentes ouvertures de , vemes et à de
nombreuses évacuations, Dieu aidant, je iui rendis la santé.
2° Les inoenteurs.
Nous ne trouvons ici qu’une observation, mais elle est belle.
Qu’il faille la faire rentrer dans le cadre de l'animi commotio y la chose
n’est pas douteuse. Plater lni-mème, au paragraphe des causes de
Yanimi commolio, après les avares et avant les amoureux, parle de
la folie des alchimistes qui cherchent avec trop d’ardeur la pierre
philosophale.
Un baron génóreux, docte et érudit, et, par-dessus le marché,
pieux et religieux, qui a séjourné quelque temps dans notre bonne
ville, passait ses nuits et ses jours à chercher cette pierre, qu’on cher-
che depuis si longtemps, et qu’on nomme philosophale. A tel point
qu’il avait dilapidé son immense fortune, et qu’il lui restait à peine
dequoi vivre. Et, bien que la vanité de cette entreprise fùt manifeste,
il ne s’en détachait point, conservant bon espoir de voir ses vceux
réalisés. Et il montrait surtout sa folie en interprétant (1) des passages
de poètes et des songes et d’autres choses ridicules — bien qu’il fùt
par ailleurs d’ime grande intelligence — comrae des présages de succès
confirmant son vain espoir. En sorte que, ne doutant pas qu’un jour
il ne dùt avoir de l’or à revendre, il demanda aux EdÙes la permis-
sion de faire construire à ses frais, avec les richesses qu’il acquerrait
ainsi, un pont de pierre sur le Rhin, d’enrichir de ses revenus le collège
de I’Université, et de l’accroltre d’édifices somptueux. 11 était d’ail-
leurs généreux de sa nature et libéral envers les malheureux, à qui
Odistribuait delarges aumdnes. Et jusqu’à ce qu’il retouraàt dans son
pays natal, nous ne pùmes jamais l’arracher à cette fausse conviction
qui lui promettait des montagnes d’or.
Quelle étiquette modeme convient à ce cas? Evidemment celle
de paranoia inventoria. Certains détails typiques nous montrent
bien qu’il s’agit d’un véritable délire d’interprétation.
(1) Arbiirabatur . — Le mot n*y est pas, mais il s’agit du type méme de Finter-
prèiation délirante.
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RBVUB DE P8YCHU.TRIB
3° Les amoureux.
Plater n’a garde de manquer à une tradition chère aux vieux
auteurs médicaux, qui mettent une certaine malignité à étudier
l’amour au chapitre de la folie.
Ne faut-il point parler ici, dit-il, de la fantaisie opiniàtre de ceux
qui sont accablés d’un amour profond, né d’une corruption du juge-
ment et de l’imagination? Cette passion rend les hommes mécon-
naissables, et n’épargne ni les femmes, ni les jeunes gens, ni les vieil-
lards. Ses effets déterminent soit de la tristesse, soit de la joie, soit
de la colère, et il n’y a rien de plus inconstant que les amoureux.
Ils deviennent soucieux et négligent tout ce qui est salutaire au
corps, perdant l’appétit et le sommeil. Ils oublient les affaires
sérieuses ou les traitent avec indifférence, donnant tous leurs soins
à la parure, à la musique, en un mot, à ce qui est susceptible de
plaire à leurs amantes.
Espèrent-ils obtenir quelque chose? Une joie désordonnée les
transporte. Ils disent des sottises, et souvent des obscénités,
dépouillent toute pudeur, se laissant aller à des actes honteux,
ne craignant mème pas de s’exposer à de graves périls.
Désespèrent-ils d’étre payés de retour? Pleurant et se lamentant,
ils refusent toute consolation, manifestant leur douleur par des
torrents de larmes et par des soupirs multipliés. IIs pàlissent et se
plaignent d’une angoisse douloureuse dans la région du cceur.
Leur pouls, comme leur esprit, est tantdt agité, tantót déprimé;il
est bouleversé par la vue ou par Ie souvenir de l’objet aimé.
Tout cela peut conduire à de graves maladies, à moins qu’ils ne se
donnent la mort, ou que, désespérés, ils ne se livrent à des actes de
violence.
Ce tableau de l’amour malheureux est enrichi chez Plater, par
des histoires vécues. L’amusant, quand on y songe, c’est qu’elles
ont parfois pour héros de ces graves bourgeois de Bàle dont le
pinceau d’HoIbein nous a transmis la replète placidité. Jenerésiste
pas au plaisir de rapporter longuement quelques-uns de ces drames
domestiques dont Plater a été le confident indiscret.
A. — Un veuf avait chez lui, pour administrer sa maison, une jeune
fille sans naissance et sans richesse, mais de bonne éducation. Bien
qu’il fùt pieux et de bonnes moeurs, ilcessa de la chérir d’un amour
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LA PSYCHIATRIE DANS L’CEUVRE DE FÈLIX PLATER
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paternel pour l’aimer comme un époux airae sa íerame. 11 en devint
incapable de s’occuper à quoi que ce fùt et ne put plus contenir
dans son coeur un tourment qu’il avait longtemps caché, mais il n’osait
le découvrir à la jeune fille, craignant qu’il n’en advfnt quelque mal #
Désespéré, il eut recours à moi, son médecin et son ami, et tout hon-
teux,m’avouasapassion. Jele consolai et lui représentai qu’un homme
de son intelligence ne pòuvait rester ainsi ensorcelé par une íille que je
m’efforgai de lui représenter mal faite. Tout cela fut vain, mais il
promit de suivre mes ordonnances. Je le saignai plusieurs fois, et il
aurait volontiers répandu tout son sang pour ètre délivré de cette
angoisse. 11 aurait méme accepté d’ètre chàtré. Mais rien n’y fit. Sa
flamme s’avivait d’autant plus qu’il se croyait aimé. Toutefois, au
bout de deux ans, la donzelle,qui en aimait un autre, lui demanda son
appui pour épouser le mari de son choix. A la suite de quoi, l’amour
de notre homme se transforma en haine, et, délivré de son tourment,
il rendit gràces à Dieu,qui l’avait protégé si longtemps en un pareil
danger.
B. — Dans une petite ville, un homme élevé et pieux, dont la femme
étaitbelle etquiavait des enfants, aimait éperdumentla petite servante
de son voisin. 11 taisait un amour si ardent, quand, sur le point
d’en perdre la raison, il me découvrit sa folie, afin que je le secourusse.
Je le consolai, l’exhortai, lui représentai combien le péril était
grand et quelle offense il ferait à Dieu en se laissant aller. Je lui recom-
mandai en tout cas de ne pas découvrir l’affaire à la fille, qui, par
ailleurs, était aimable et belle.
Mais, vaincu par la passion, l’occasion aidant, il lui livra son secret
avec confusion. Effrayée et honteuse qu’un homme de pareille impor-
tance s’abaissàt ainsi, elle le consola par de douces paroles, lui deman-
dant d’avoir considération de son honneur, disant qu’elle aussi
l’aimait, et mourrait volontiers pour lui s’il en était besoin, mais que
dans l’occurrence, si elle obéissait à son désir, le péril serait grand
pour tous les deux. Ces paroles amies enflammèrent notre homme de
plusbelle jusqu’à le réduire au désespoir. Ce que voyant, la f ille, prenant
pitié de lui, et ne voulant pas qu’il lui advlnt rien de mauvais, s’offrit
à lui, mais avec une certaine angoisse, avouant qu’elle préférait faire
le sacrifice de son corps et de son honneur et se résigner à n’importe
quoi, plutót que de le voir mourir. Ces paroles touchèrent vivement
la conscience de mon client, et bien que la fille ne lui refusàt rien,
soit par pudeur, crainte ou angoisse, il ne put consommer la chose
avec elle, et dut, pour tout divertissement, se contenter de baisers et
de certains attouchements. Cela dura près d’un an, et il ne put ja-
mais mieux faire, toutes les fois qu’il eut l’occasion de se trouver avec
elle. Manifestement, Dieu ne voulait pas qu’il la corromplt, et dressait
lui-mème cetobstacle. Mon malheureux ami me raconta tout cela, et,
commesonamournerétrocédait pas,je lui conseillai de doter la fille
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RBVUE DE PSYCHIATRIE
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et de chercher à ìa marìer. Ainsi fit-il, bien que ni lui ni elle n’en
eussent envie.
Elle re§ut de lui un rìche présent, qui joint à sa beauté, lui fit trou-
ver un marì. Selon mes prévisions, Tamour de mon ami se calma, et
lui-mème, tombant peu à peu dans une maiadie grave dont il se tira
difficiìement, porta ainsi le chàtiment de sa faute.
C. — Un jeune étudiant en médecine aimait en secret la fille d’un
docteur, ignorante de cet amour. Désespérant qu’on la lui donnàt
jamais en mariage, parce qu’il était trop jeune et au début de ses étu-
des médicales, vaincu par la douleur, malgré sa piété et son honnèteté, ii
résolut dese donnerla mort. II suivaitmoncours,et jepensais qu’il était
dans cet état parce que son père ne voulait pas lui donner l’argent
nécessaire à un voyage en France, dont il s’était plaint à moi. Je me
mis à le consoler, mais, après la legon, ii se procura du sublimé
chez un orfèvre — le gargon de la pharmacielui en avait refusé — et
il l’absorba, après avoir écrìt les motifs de son acte. II éprouva bientèt
après une violente ardeur dans la bouche etdansla gorge; des douleurs
d’estomac atroces survinrent, et il vomit du sang. Malgié les promes-
sesmirifiques d’un médecin paracelsite qui fut appelé, il expira le matin
suivant en demandant pardon à Dieu. Pour cacher cet affreux forfait,
ses parents et ses amis répandirent le bruit, qui trouva créance jusqu’à
ce jour, qu’il était mort pour avoir pris une purge d’antimoine.
4° Les jaloux.
Les observations de jalousie morbide abondent dans le recueii
de Plater, mais leur groupement est commandé uniquement par la
couleur du délire. II serait intéressant de les classer aux Iumières
d’une nosographie plus rationnelle, si cela n’était à peu près
impossible à cause de leur caractère très sommaire et de Tabsence
de données suffisantes sur l’évolution des troubles mentaux. Tel
est par exemple le cas suivant « Zeloiypia , quendam ad demenliam
redigens. »
Un savant fort intelligent était tourmenté par la jalousie au point
d’en arriver à la démence et de ne plus pouvoir s’adonner à ses études
et à l’exercice de sa profession. II faisait de fréquentes fugues à la c&m-
pagne, emmenant avec lui son fils, le cachant, et faisant de telles bèti-
ses qu’il fut enfin enfermé comme aliéné. Quand je le vis, je cherchai
par diversmoyensà savoir la cause de cette foiie, me doutant qu’elle
devait ètre enrapport avec une jalousie secrète. II finit par m’en faire
I’aveu avec confusion, m’adjurant de n’en rien dire à pcrsonne. À la
mort de sa femme, il fut enfin délivré de ce troubie mental, mais,
comme il était mèlancolique, il ne cessa pas, dans la charge académique
qu’il remplissait, de se laisser aller à des actes et à des parolesscanda-
leux. II moorut enfin, semblable à un désespéré.
Mais combien de temps cela dura-t-il? Au milieu de quels symp-
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LA PSYCHIATRIE DANS l’(EUVRE DE FÈLIX PLATER
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tdmes mourutril? Autant de points qui sont indispensables à l’éta-
blissement d’un diagnostic rétrospectif, et qui nous fonttoutàfait
défaut.
Une autre observation n’offre peut-ètre pas un très grand intérét
médical, mais elle représente véritablement une savoureuse tranche
de vie domestique au seixiòme siècle :
Un jeone savant de mes amis, à son retour de France, épousa une
jeune femme qu’il aimait depuis piusieurs années. C’était la fiile d’un
médecin qui avait en pension un jeune chanoine à qui il donnait des
soins.
Ce médecin était veut et mandait souvent chez lui sa fille, qui diri-
geait la maison avant son mariage. Le mari en con^ut une telle jalou-
sie, que, maintes fois, —ii m’en fit l’aveu spontanément —, allant
après souper chercher sa femme chez son beau-père, il songea à tuer
le chanoine, qu’elle n’approchait pourtant pas. Reconnaissant enfin
sa folie, il la confessa à sa femme et lui en deraanda pardon.
Je n’insiste pas sur l’histoire d’une femme un peu múre qui avait
un jeune mari, et se désolait à la pensée que celui-ci, quand elle serait
morte, pourrait convoler en secondes noces. Je passe également le
cas d’un honnéte commergant qui, sous l’empire d’une jalousie
injustifiée, couchait avec une épée dans son lit, en sorte que sa fem-
me,effrayée, dut se séparer de lui. Le caractère pathologique n’est
pas non plus très net chez ce chevalier qui, trouvant à son retour
sa femme enceinte, soupgonna, tout calcul fait, qu’elle ne devait
pas I’étre de ses oeuvres, et résolut de ne plus la voir, malgré l’inter-
cession de plusieurs grands personnages à qui il répondit qu’une
femme ne devait pas seulement ètre chaste, mais encore ne donner
prise à aucun soupgon.
Plater émaille parfois ses observations de sages réflexions dans
le genre de celle que je relève au début de I’effroyable tragédie
qu’on va lire: « Entre toutes les maladies auxquelles il est sujet, l’es-
prit est grandement tourmenté par cette jalousie qui fait redouter
que I’épouse aimée ne le soit aussi par un autre, car on ne veut avoir
sa femme en commun avec personne, dont nait souvent une éton-
nante angoisse et désespérance. »
Un marchand de notre ville atteint de cette maladie, avait épousé
en secondes noces une jouvencelle. II l’épiait, persuadé qu’elie avait
commerce avec le commis du voisin et qu’elle avait mis au monde un
eníant qui n’était pas de lui; aussi ia traitait-il d’indigne fagon. Enfin,
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comme elle était enceinte de nouveau il la tua avec un poignard,
ainsi que l’enfant qu’elle avait dans ses bras, faisant ainsi périr le
foetus qu’elle portait dans son ventre. Après quoi, il attacha à sa cein-
ture un écrit où il indiquait la cause de son crime, et, désespéré, se
précipita du haut de la maison.
Non moins sombre est cet autre drame de la jalousie :
Un marchand de la première ville de Suisse, homme intègre et ro-
buste, qui avait été répudié par sa première femme, en épousa une
seconde dont il eut plusieurs enfants. 11 m’appela en consultation
auprès de cette dernière qui souffrait d’une rupture de l’ombilic.
Quelques années après, il la surprit, abandonnée aux attouchements
impudiques desonpropre commis. Feignant alorsde partiren voyage,
il se cacha dans un réduit voisin de sa chambre. Le commis s’intro-
duisit furtivement dans la chambre et alla se coucher avec la femme
dans le lit de celle-ci. Transporté de colère à ce spectacle, le marí fit
irruption dans la chambre par la fenètre, tua avec une épée le commis
qui appartenait à une riche famille et frappa sa femme d’un poignard.
Puis il déposa quelques pièces demonnaiesur lescadavres — c’est la
coutume du lieu pour indiquer que l’on a tué des adultères surprís en
flagrant délit. 11 fut absous par les magistrats et c’est lui-mème, qui,
plus tard, me raconta en pleurant cette histoire tragique.
Je termine enfin la série par une histoire que Plater apprít à
Montpellier, l’année méme où il y arriva :
Dans la Gaule Narbonnaise, alors que j’y arrivais, en 1553, un doc-
teur en droit, la face couverte d’un masque, pour ne pas ètre reconnu,
accompagné de quelques escholiers, fit irruption dans une chambre
de son logis, où il surprit un scribe avec sa femme. Après avoir atta-
ché celui-ci, ils lui coupèrent la verge, le nez et les tendons du pied, et
l’abandonnèrent à son triste sort.
J’ai vu cet homme plus tard, à Montpellier, avangant avec peine
à l’aide de béquilles, tralnant ses pieds inertes, et s’asseyantquelque-
fois devant l’officine du pharmacien chez qui j’étais logé.
(d suivre).
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UNIVERSETY OF MICHIGA
DE LA MÉMOIRE DES FAITS RÉCENTS CHEZ
LES HYSTÉRIQUES ET LES PSYCHOPATHES
Par le D r C. Horwitz.
On a souvent constaté, dans l’hystérie et la psychopathie, des
phénomènes de fausse reconnaissance et de pseudologie, qu’on n’a
pas pu, jusque-là, relier directement à des troubles de la mémoire,
surtout de la mémoire des faits récents.
Pour mettre en lumière ce rapport ainsi que la relation entre le
sentiment de certitude des hystériques et la valeur objective de
leurs témoignages, nous avons fait une série d’expériences, aux-
queilesontpris part trois personnes normaleset27 malades—16hom-
mes et 11 femmes ágés de 13 à 47 ans. Le diagnostic était, chez 13
d’entre eux, hystérie; chez 13 autres, psychopathie; chez Ie dernier,
psychose paranoíde des détenus.
La partie la plus importante des recherches fut faite avec le tachis-
toscope de Kraepelin, dont se servirent pour des recherches sem-
blables plusieurs auteurs (notamment Busch, Wolfskehl, Finzi, Cra-
mer et Mikulski (1). On y exposait pendant0,130seconde un tableau
de 9 majuscules imprimées, rangées en trois lignesdetrois lettres de
maniére à ne point former des mots.On se servaìt de la langue alle-
mande, les expériences ayant eu lieu à Munich (2). Le papier, qui
était transparent, s’éclairait par une lampe électrique. Le sujet
énon$ait les lettres, qu’il avait lues : 1° de suite, quand on voulait
étudier simplement sa perception; 2° au bout de 50 — 90 — 120 se-
condes;3° au bout du méme temps, pendant lequel il lisait ou comp-
tait à haute voix pour détoumer son attention
Dans la seconde partie des recherches, on exposait quatre mots
monosyllabes pendant 0,4 minute dans un nouvel appareil, construit
par Weiler. II s’agissait d’étudier l’influence de la signification des
(1) Voir < Ptgehologitehe Arbiten < de Kraepelin.
(2) Exemple d’un tableau de 9 lettres : VMC
QEL
8 DP
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RBVUE DE PSYCHIATRIE
mots sur la mémoire des faits récents. Les mots étaient des substan-
'jifs, tirés de différents domaines (1). On employait la pause unique
de 2 minutes.
Dans une troisième partie des recherches, on s’est servi de la mé-
thode des associations justes d’après Ranschbourg. Elle consiste
à exposer des couples de mots, dont chacun se compose de deux
mots du méme domaine, le premier d’une syllabe et le deuxiéme
de deux, par exemple : chat-souris. Neuf couplesdemots forment un
groupe qui est hétérogène, ou homogène, selon les rapports des cou-
ples entre eux. L’exposition était auditive-motrice, c’est-à-direchaque
couple était lu une fois au sujet qui devait le répéter de suite; puis,
auboutdel5 secondes etd’une demi-heure, on lui disait le premier
mot de chaque couple auquel il devait ajouter le correspondant, et
on notaitle temps de réaction.
La première méthode fut appliquée à 16 malades. Pour obtenir
la moyenne des résultats chez chaque sujet, onemployaitla moyenne
arithmétique, mais pour obtenir la moyenne initiale, on choisit une
méthode moins artificielle, celle du médian (2). Les deux moyennes ne
sont d’ailleurs pas exactes, par conséquent, il est indiqué de pren-
dre en considération les limites dans lesquelles oscille la moyenne.
Nos résultats, comparés à ceux d’autres auteurs se résument en
ceci : la quantité des lettres lues au tachistoscope par nos malades
est sàns pause en moyenne2,5 0/0, ce qui équivaut aux résultats
de Wolfskehl chez des normaux et à un de nos normaux. Cepen-
dant l’exactitude étant de 83 0/0 chez nos malades dépasse celle
des normaux de Wolfskehl de 20 0 /0.
La quantité de lettres lues par les infirmiers de Busch est phis
petite (1,16), tandis que celle de Finzi, Cramer et Mikulski est beau-
coup plus élevée, ce qui s’explique par l’esprit cultivédeleurssujets.
Les résultats que Mikulski avait obtenus avec ses hystériques et
épileptiques correspondent tout à fait aux nótres : 2,7 lettres lues
avec 80,8 0 /0 d’exactitude.
Après une pause de 50 secondes, la quantité absolue de lettres
lues s’accrolt légèrement, de 2,59 à 2,92; nous observons la méme
(1) Exemple d’un groupe des mots exposés :
LAUB ROSS en frangais : feuillage, cheval
PEIN MARZ — chagrin, mara.
(2) Médian est le terme que (Haparède propose pour le • Cenlralwert • des
Allemands.
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DE LA MÉMOIRE DES FAITS RÉCENTS
287
chose chez Mikulski après 40 secondes de pause: 2,9 au lieu de 2,7.
Ces résultats ne peuvent pourtant pas étre comparés avec les nòtres
sans restriction, parce que Mikulski a expérimenté uniquement
avecdesfemmes, qui ne sont pas tout à fait typiques. Le pourcentage
d’exactitude n’augmente en moyenne que de 1,4.
Le détoumement d’attention, pendant la pause de 50 secondes,
produit une légère diminution de la quantité absolue de lettres lues
et de lettres exactes.
Le prolongement de la pause ì minutesans détoumement
d’attention, exerce une influence pareille. Ces derniers résultats
peuvent étre comparés à ceux de Cramer, qui se servait d’une pause
de 95 secondes. Pourtant ses résultats étaient meilleurs.
Le détoumement d’attention pendant 1 ,5 minute de pause donne
des résultats peu nets, à cause de l’attitude du jeune psychopathe
E.St. (voyez plus loin), qui a une énorme diminutionde la quantité
de lettres exactes (7,1 0/0 au lieu de 41,0 0/0.)
La pause de 2 minutes donne de meilleurs résultats, la quantité
des lettres lues est de trois. II n’y a pas lieu de faire une comparaison
avec d’autres auteurs, parce que personne ne s’est servi d’une pause
aussi longue. Deux de nos normaux se comportent de la méme ma-
nière que les malades, le troisième a une diminution de 0,23.
Chez les personnes qui ont le pourcentage de lettresexactesinférieur
à 80,0, la quantité d’erreurs de position est très grande (1). Si on
laisse E. St. de cdté, chez tous les autres sujets les limites de varia-
tion dans le pourcentage de réponses exactes (y compris les réponses
avec erreurs de position qui doivent ètre considérées comme exactes),
sonttrès ètroites (8-14, 6 0/0), ainsi que cellesdes oscillations entre
ies différents genres d’expériences. On voit que presque toute
la diminution d’exactitude pendant les pauses Iongues et le détourne-
ment d’attention résulte de l’augmentation de la quantité d’erreurs
de position et que c’est la position des letlres qui est oubliée le plus
vite. Le sentiment de certitude chez les hystériques ne dépasse pas
en moyenneleslimites normales, quoiqu’ils’approcheie plus souvent
du maximuir:. On ne peut en général pas constater son angmenta-
tion absolue pendant le détoumement d’attention, cependant Ia
(1) Commeeireursdeposition sontclasséesles lettresqui étantindiquéesparle
sujet se trouvent réellement sur la carte, mais à un autreendroitque celui qui fut
indiqué. On peut y distinguer des casoù il y auraitUeu de considércrces erreurs
eomme réponss exaetes, si, par exemple toute une ligne se trouve déplacée.
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REVUB DE P8YCHIATRIE
quantité de réponses exactes par rapport à ia quantité de réponses
sùres diminue : le sentiment augmente donc relativement. Quatre
sujets ont toujours 100 0/0 de certitude, deux autres les ont seule-
ment pendant certaines expériences. Pourtant le pourcentage
d’exactitude ne correspond pas à ce haut degré de certitude. II est
très bas chez quatre malades : un quérulant, unimpatient, un hypo-
condriaque anxieux, Sp., et l’irresponsable E. St...
La pause de 2 minutes n’a pas une influence importante sur le
sentiment de certitude, ainsi que sur la valeur objective des
témoignages. Le détoumement d’attention provoque une différence
très variabie : d’un còté, la quantité de personnes toujours sùres
augmente, — de l’autre, une certaine quantité de personnes ont une
certitude diminuée. Le pourcentage de réponses exactes par rapport
aux sùres diminue pourtant visiblement chez la plupart des sujets.
Le sentiment de certitude est, en général, plus élevé chez les
femmes.
Nous voyons que la plupart de nos hystériques et psychopathes
n’ont — ainsi que les normaux — en général pas de troubles de la
mémoire des faits récents après une pause de] 2 minutes. II faut
cependant tenir compte de l’influence de l’exercice que subissent 1«
sujets faisant ces expériences à la fin de Ia série.
C’est le détoumement d’attention qui produit une influence désa-
vantageuse.
Nous pouvons constater néanmoins que certains de nos sujets
ont des troubles de la mémoire des faits récents. Cela se manifeste
très distinctement chez le jeune E. St... dont voici le cas :
I. Edouard St..., 16 ans et demi, lifteur. Son grand-père matemei
fut interné pour démence sénile.
Le malade a mouillé son lit jusqu’à l’áge de 15 ans. Mauvais élève,
récalcitrant, mais habile. Changeaitsesplacessouvent,enaeu dnq; ii
volait de l’argent et s’enfuyait, mais se laissait facilement arréter et
ramener chez lui. Cela lui arrivait d’habitude vers la fin du mois.
Premier vol à l’áge de 13 ans, chez son grand-père, qui était malade
à ce moment. Condamné il y a un an à quatre mois de prison, fut gracié
conditionnellement. Passa un an dans une maison de correction, où
il s’est bien conduit. 11 y a quelques mois, il se tira une balle dans
la tète, guérit en douze jours.
Nouveau vol (400 marks), arrestation, clinique psychiatrique.
Diagnostic : Psychopathie + DébUité.
Pendant les expériences, le malade se comporte d’une manière enfan-
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DE LA MÉMOIRE DES FAITS RÉCENTS
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tine. II arrive par exemple au début qu’il inscrit les lettres après les
avoirlues etleslitensuite au lieu de les dire de mémoire. Ilnomme beau-
coup de lettres, mais avec pne exactitude minime et une certitude très
variable. II ne fixe pas un point quelconque de la carte, mais lit les
lettres en des endroits très différents, fait beaucoup d’erreurs de posi-
tion des lettres. Cela saute surtout aux yeux pendant les expériences
avec détournement d’attention,où—après 50sec.de pause—on trouve
50,9 % de réponses exactes et 34,5 % d’erreurs de position, et avec
de longues pauses sans détournement d’attention : aprés 2 min. —
7,8 % d’exactes et 77,8 % d’erreurs de position; après 2 min. +
détournement d’attention — 1,85 % d’exactes et 50 % d’erreurs
de position.
Cependant si nous voulons compter comme exactes toutes les
erreurs de position qui correspondent — selon toute probabilité —
à des lettres lues réellement, nous obtiendrons de résultats tout diffé-
rents : après 2 min. de pause — 80 % d’exactes et 5,6 % d’erreurs de
position, après 2 min. de pause + détournement d’attention —
33,3 % d’exactes et 18,5% d’erreurs de position. La grande quantité
d’erreurs qui persiste malgré cette rectification doit étre attribuée
au désir du malade de dire quoi que ce soit dans les cas où il n’a rien
lu, ce qui lui arrive assez souvent, contrairementauxautres malades.
Le sentimeit de certitude varie beaucoup, mais correspond en
général aux variations de l’exactitude.
Le malade fùt étudié uniquement par la l r ® méthode — celle d’ex-
position tachistoscopique des lettres.
D’autres types d’hystériques, ayant des troubles de Ia mémoire
des faits réceits, démontrés par notre première méthode sont le
déprímé Sp... et l’anxieux Sch... dont les cas sont les suivants.
II. Sp..., 31 ans, marié, conducteur des wagons-lits. Son frère
avait des convulsions des suites d’une blessure de tète. Le malade lui-
méme a eu pendant les deux dernières annéesquatreaccidents du tra-
vail, qui lui ont causé destroubles nerveux divers; il estdevenu dis-
trait, inquiet, déprimé, annésique, souffre de mauxde tète, de manque
d’appétit et d’ìnsomnie. A fait deux fugues. Idées de suicide.
Órienté, griicheux.
Reflexe phiryngéen, 0; réfl. cornéen existe. Champ visuel un peu
rétréci. Sensibilité normale.
Diagnostic : Hystérie après accident du travail (Unfallhysterie).
Le malade montre beaucoup d’intérèt pour les expériences. La
quantité delettresluesest dans la moyenne; le pourcentagederéponses
exactes estdaisles piusbas— 71 %—surtoutàcausedesnombreuses
erreurs de posiiion — 23,2%— qui devraient plutòtètre considérées
commedesréptnses exactes. Lepourcentaged’exactitudediminueaprès
50sec.de pause(69,7 %), davantage après50s. avecdistraction(62,6 %)
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REVUE DE PSYCHIATRIE
où le pourcentage d’erreurs de position augmente (29 %) et où la qnan-
tité absolue de lettres lues devient également très faible (1,99);
il augmente de nouveau un peu après 1,5 min. (79,7 % d’exactes —
17,3 % d’erreurs de position), où Ia quantité de lettres est la plus
faible de tous les cas (2,5).
On n’a pas employé 2 min. de pause. Le sentiment de certitude
n’est pas grand, la position des lettres surtout est souvent incertaine
bien qu’elle soit exacte. La certitude augmente un peu avec la distrac-
tion et la pause de 1,5 min.
III. Fr. Scb..., 29 ans, tailleur. Anxieux, tremble de tout son corps
depuis une peur subite. Hypalgésique. Calme, orenté.
Diagnostic : Hystérie.
Les résultats ressemblent beaucoup & ceux deSp..., sontau-dessous
de la moyenne, se caractérisent par une grande quantité d’erreurs
de position (13-36 %). Après 2 min. de pause.Ia quantité absolue de
lettreluesest la plus faible (2,53), mais l'exactitude atteint lamoyenne
(85,5 %). Le sentiment de certitude est plus haut que Ies résultats.
L'expo8Ìtion des mots fut appliquée à onze malades avec une pause
unique de 2 minutes. Chacun lit le mot d’emblée. La lecture com-
prenait en moyenne 2,6 mots,oscillant de 0 à 4. Un seul sujetaluà
plusieurs reprises quatre raots, mais toujours avec des erreurs. La
moyenne des mots nommés à la perception simple est 1,1 avec 4,26
lettres; après 2 minutes de pause sans distraction — 1,25 mot avec
5 Iettres, en général — un progrès à l’exception de deux personnes;
après 2 minutes de pause distraction— 1,18 mots et 5,12 lettres—
peu de changement, ce qui prouve que la distraction a ici moins
d’influence qu’avec l’exposition des lettres. L’exactitude est la
moins élevée après pause sans distraction.
Les erreurs proviennent également le plus souvent d’erreurs de
position des lettres se trouvant dans d’autres mots. Les associations
sont rarement émotives et agissent peu sur les résultats.
Le sentiment de certitude estleplus grand avec la distraction, il
augmente donc en méme temps que la difficulté de la tSche, mais
I’exactitude lui correspond; le pourcentage de personnes qui donnent
100 0/0 d’exactitude dans les réponses sùres y est deux fois pius
grand qu’avec la perception simple ou après 2 minutes de pause sans
distraction.
De la manière qu’elle a été employée, cette méthode ajoute peu
de nouveau à la précédente.
La méihode des associations justes d’après Ranschbourg fut appli-
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DE LA MÉMOIRE DE8 PAITS RÉCENTS
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qoée i 16 malades. La moyenne du temps de réactáon (T) fut calcu-
lée par la méthode du médian (1). Après un intervalle de 15 secondes,
les limites dans lesquelles varie l’étendue (Ai) de la mémoire des
faits récents sont 53,3 et 100,0; la limite inférieure est un peu plus
basse que chez les normaux de Ranschbourg, la moyenne est égale
à la sienne. Après l’intervalle d’une demi-heure, Ai est—sauf une
exception — plus petit qu’après 15 secondes. Le temps de réaction
varie de 1 à 5 secondes, la moyenne est 1,6 secondes, ce qui équi-
vaut au maximum des normaux instruits de Ranschbourh, au mini-
mum de ses normaux sans instruction et à la moyenne de nos infir-
miers. Après l’intervalle d’une demi-heure, T est — sauf quatre ex-
ceptions — phislong, sa moyenne est 1,9 seconde. Dans les séries
bomogènes, nous trouvons, comme Ranschbourg, l’étendue plus
petite, le temps de réaction plus long. Une exception nette est foumi
par Tuma P..., dont nous parlons plus bas.
Le rapport quantitatif des réponses fausses (Rf) et nulles (Ro)
est très variable. D’après Ranschbourg, les sujets au-dessous de
14 ans n’ont presque pas de Rf. Nous pourrions classer dans cette
catégorie quatre de nos malades, qui sont cependant d’un àge un peu
plus élevé (14-19 ans). Notre infirmier a peu de Rf, mais il a en géné-
ral peu de réponses insuffisantes (Rm).
Si on compare les réponses données après l’intervalle d’une demi-
heure à celles données après 15 secondes, on trouve des cbangements
mtèressants. Ilarrive quatre fois que Ro aprèsl5 secondesestcorrigé
correctement tprès une demi-heure, six fois Rf a le mème sort.
Dans 28 cas (23 0/0), Ro devient plus tard un Rf quelconque. La
moitié de Rf reste sans changement, 14 0/0 changent en un autre Rf,
29 0/0 devienntnt un Ro.
Deux tiers d? Rf sont des associations intemes, 10 0/0 des persé-
vérations, surbut dans les séries homogènes, souvent ils forment
des mots composés.
Le sentiment de certitude s’accompagne en gènéral d’une très
grande exactitude, plus que dans les expériences avec d’autres
méthodes. II rfy á que quelques sujets chez lesquels le sentiment
de certitude ne mérite pas notre confiance.
Cette méthoèe codfirme en général lesrésultatsd’autres méthodes,
par exemple clez Francoise D..., etMarie A...,que nous citons plus
(1) Centralemeit.
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bas. Elle a cependantdes résultats singulierscheznosdeuxinfirmiers:
Thomme donne, au tachistoscope, des résultats plus mauvais que la
femme, mais il a ici une étendue plus grande et le temps de réaction
plus court que la femme.
Voici les cas de deux malades déprimées et d’une instable qui
présente des troubles de la mémoire des faits récents :
IV. Frangoise D.„, 42 ans. Un frère est mort de ramollissement
cérébral. La malade est mariée depuis 16 ans, a été enceinte 11 fois,
dont 3 avortements, 3 enfants morts dans l’enfance, 5 bien portants.
Fille de paysan, elle a peu d’instruction; calme et laborieuse. Cram-
pes d’estomac et maux de tète par crises.
L’état de nutrition mauvais. Réfl. patell. vifs. Légèrement déprimée,
pleure facilement. Diagnostic: Hystérie.
Pendant les expériences, la malade manifeste peu d’intéret, eUe est
déprimée, distraite. A la perception des lettres, elle alteint le mini*
mum des autres sujets en ce qui concerne l’exactitude de ses réponses
(63,3 %).La plus grande partie de ses erreurs (23 % contre 13 %)
sont des erreurs de position, qui se rapprochenticidesréponses cxactes.
Le sentiment de certitude est de 87 %. A l’exposition des mots, la
malade donne des résultats minimes en ce qui concerne la quantité
(0,7*0,4*0,5) et la qualité dulu; ainsi, après 2 min. de pause, l’exacti-
tude n’est que 37,5 % — de 50 % au-dessous de la moyenne. Le sen-
timent de certitude est un peu plus élevé que les résultats.
On doit convenir que, dans ce cas, la perception est certainement
déjà troublée, peut-ètre à cause d’une instruction insuffisante.
Cependant, la mémoire des faits récents doit y ètre troublée égale-
ment, puisqu’au bout de 2 minutes les résultats diminuent presque de
moitié. On ne peut pourtant pas exclure la possibilité d’une disposi-
tion journalière.
Les résultats de la méthode des associations justes s’accordent
avec les précédents, ils sont presque dans tous les genres d’expériences
les plus bas. La quantité de réponses fausses est plus grande que celle
de réponses nulles. II y a de grandes variations journalières: 1" jour
^ et 5; 2« jour ^ et 3« jour g e ^ tout cela après l’intervalle de
15 secondes,..
V. Marie A.„, 34 ans, ouvrière, enfant naturelle, mère aliénée.
Toujours émotive, coléreuse. Depuis onze ans, mariée à un alcoolique,
d’où beaucoup d’ennuis. Depuis huit ans, Ies discussions sont suivies
de crises de nerfs avec convulsions, délire de plusieurs heures et
confusion consécutive. Pendant une crise pareille avait essayé de
se jeter par la fenètre. A une liaison avec un homme marié, qui a voulu
la quitter dernièrement. Tentative de suicide.
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DB LA MÉMOIRB DES FAITS RÉCENTS
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Réfl. pharyngien diminué. Des zones hyper et hypoesthésiques
sur le corps. Diagnostic : Hystérie.
Pendant les expériences: indifférente, déprimée, absorbée dans
ses idées. Lit Ie minimum de mots au tachistoscope; il semblerait que
c'est surtout sa perception qui est troublée. Elle a pourtant une exac-
titude de 100 % à la perception, de 89,5 % après 2 min. de pause.
Le sentiment de certitude est moins élevé.
Mèmes résultats à la perception des lettres. Les résultats sont meil-
leurs à la méthode de Ranschbourg, ils s’approchent de la moyenne.
II y a cependant un très long temps de réaction (3,4-4,8 sec. en moyenne,
variant de 1,6 sec. jusqu’à 12,8 sec.). Le sentiment de certitude est
un peu au-dessous de la moyenne. Les réponses exactes sont toujours
sftres, les fausses en moitié incertaines. On ne peut pas établir un
rapport entre le sentiment de certitude et le temps de réaction, parce
que ce temps est toujours très long. On peut tout de méme affirmer
qu’Q est plus court dans les réactions exactes que dans les fausses.
L’analyse des réactions fausses démontre que la plupart sont des
associatkm intemes, souvent puisées dans la méme série homogène.
VI. Emma P„., 16 ans, bonne, n’a pas pu étre gardée dans aucune
place. Dispute, pleure, crie, frappe. Maux de tète. Pas de crises.
Périodes de mutisme avec grimaces et aboulie. Excitéc au point de
vue sexuel, découchait quelquefois; pas d’onanisme. Fut élève moyen-
ne, ne vole pas, ne ment pas excessivement.
Opérée 0 y a deux ans pour polypes du nez. Réflexes cornéen et
pharyngien existent. Sensibilité normale. Refl. patell. vifs. Se van-
tait devant ses tamarades qu’elle irait dans la clinique psychiatrique,
Diagnostic : Psychopathie.
Attitude enfantine pendant les expériences qui semblent lui faire
plaisir; les prend d’ailleurs pour des legons.
A la perceptitn des lettres, le travail est moyen en ce qui concerne
la quantité. L’eractitude n’est pas grande (75,7 %) à cause des erreurs
de position fréqoentes (15,5 %). Le sentiment de certitude est moyen.
Dans les expériences avec pause (avec ou sans détournement
d’attention), l’eiactitude est instable au-dessous de la moyenne, tou-
jours avec beatcoup d’erreurs de position. Le sentiment de certitude
change peu.
A l’exposition des mots, les résultats quantitatifs sont toujours un
peu au-dessous de la moyenne, mais l’exactitude augmente avcc la
difficulté de la táche. Le sentiment de certilude s’accrolt dans le
mème sens. La associations d’idées provoquées par ies mots lui
semblent insignfiantes; ce sont d’une part des souvenirs, de l’autre
des expressions courantes.
Les résultats avec la méthode des associations justes sont très
singuliers, non seulement parce qu’ils sont moins bons que les précé-
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294
REVUE DB P6YCHIATRIE
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dents, pour une part mème les pires de tous, mais parce qu’ils varient
3 à 9
énormément d’une série à l’autre, de g g, une fois mème 0. Deplus
les mèmes expériences faites antérieurement par un coilègue ont
9
toujours donné Ces expériences antérieures, qui consistaient en
outre en calcul, réactions de choix, associations et mesures dynamo-
métriques, ont démontré d’ailleurs une grande variabiiité, ce qui con-
firme la labilité du sujet.
La règie de Peters, d’après laquelle les réponses incertaines viennent
pius tard, est confirmée ici : le temps de réaction est 2 à 4 fois pius
long dans ies réponses incertaines, mème si elles sont exactes.
Les erreurs sont pour la plupart des associations internes.
L’analyse de cas particuliers, étudiés dans nos recherches, nous
permet de dire que ces simples méthodes d’expérience, que nous
avons employées, suffisent pour constater des troubles incontesta-
bles de la mémoire des faits récents chez certains hystériques et
psychopathes. Ce sont surtout des déprimés, abouliques, anxieux
et de jeunes instables. La cause probable est chez les deux groupes
la difficulté de fixer l’attehtion. Nous considérons cependant nos
expériences comme insuffisantes pour trancher la question de ces
troubles dans un sens négatif chez tout le reste de nos malades.
Cette question doit rester ouverte pour i’instant, nécessitant des
méthodes plus parfaites pour ètre résolue.
NOUVELLES
Un voeu dea jurés de la Seine aur lea asiles médico-Iéganz. —
Les jurés de la seconde session de juillet des assises de la Seine ont,
avant de se séparer, émis le vceu, qui sera transmis à la ChanceUeríe,
que «le Parlement étudie la queslion de l’intemement dans des asiles
spéciaux des coupables déclarés irresponsables par des médecins
légistes, ct acquittés pour cela par le jury».
Aaile cliniqoe. — Sur la demande formulée par M. Lampué au
nom de la 5* commission, le Conseil général de ia Seine vient d’adopter
le projet de délibération suivant:
« Article premier. — II est créé, & partir du l« r Janvier 1914, une
cbaire de psychothérapeutique à l’Asile clinique.
« Art. 2. — L'Administration est invitée à inscrire la dépense
écessaire dans le projet du budget de 1914.»
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
REVUE DES LIVRES
La DiBSOCiation d’une persazmalité, par Morton Princr
(Traduit par R,-J. Ray efc J.Ray).Un voi in-8,526 pages, Paris, 1911,
Alean,édlfc. — Cegros ouvrage est en entier consacré au cas curieux
de Miss Beauchamp en qui Morton Prince put découvrir efc voir évo-
luer jusqu’à quatre personnalités différentes. Non seulement ces
quatre personnalités ont des mémoires, des intelligences, des carac-
tères différents, mais encore elles prennent connaissance les unes des
autres, ce qui, d’ailleurs, ne les conduit nullement à sympathiser
ensemble. Sully, la deuxième personnalité découverte, accable de ses
sarcasmes, de ses amourettes et de ses mauvaises plaisanteries la
primitive personnalité qui a gardé de Miss Beauchamp le nom, l’ailuve
rigoriste et les tendances idéalistes. Quant à la quatrième pereonnalité,
dle joue auprès des autres le róle humiliant de 1’ « idiofce ». Cela se
lit comme un roman, malgré les réelles qualités d’observation qui
sonfc disséminées dans ce volume. 11 semble qu’il s’agisse d’un cas
analogue à celuijde ces « médiums » qui « incarnent » des « esprifcs »
divers, lorsqu’il reste bien évident — c’est certainement le fait le plus
fréquent — qu’il ne s’agit pas d’autre chose que de constructions
mentales faifces avec les phénomènes automatiques qui échappent
au sujet. Je ne pense pas qu’il faiUe prendre au sérieux cette division
en quatre personnalités qui est en partie artiíicielle. Ce qui n’est pas
artificiel, c’est Yinslabilité et la suggeslibilitè paihologiques de tels
individus qui peimettent la formation de phénomènes aussi com-
plexes, certainemenfc impossibles à reproduire chez le normal.
M. Mignard
Traitement di l’épilepsie par l’acide borique, par M. Armand
Devaux, Thèse <te Toulouse, 1912. — L’acide borique a été uttiisé
adis contre l’épilepsie par Gowers etFéré,mais il a été généralement
abandonné. M. Devaux vient de reprendre ce traitement et ti en a
consigné les résuitats dans sa thèse.
II résulte des retherches cliniques de M. Devaux que l’acide borique
possède une actioa antispasmodique certaine. 11 amène chez le plus
grand norabre des épileptiques une diminuUon du nombre des crises,
et, dans quelques cas heureux, ti peut les supprimer d’une manière
eomplète et qui paralt définitive. Dans les deux premières observations
de M. Devaux, il semble ètre arrivé à faire disparaffcre le fcempéramenfc
éptieptique.
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RBVUB DB PSYCHIATRIB
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D’autre part, l'acide borique est un produit très toxique, dont
l’ingestion amène des accidents très fréquents, graves surtout chez
les individus atteints d’insuffisance rénale. Ces accidents, qui con-
sistent habituellement en troubles dyspeptiques et en éruptions
cutanées polymorphes, peuvent aller jusqu'à un état de cachexie et
de prostration extrèmement graves.
En conséquence, l’acide borique ne paratt pas, au mème titre que
les bromures, pouvoir ètre proposé comme base de la médication
habituelle des épileptiques. 11 ne pourra rendre des services que
comme médication d'exception, agissant parfois remarquablement,
mème quand les autres traitements ont échoué; mais il devra alors
rester sous le contròle incessant du médecin.
Mais, avant tout, il est indispensable de n’utiliser que l’acide borique
chimiquement pur, cristallisé
On pourra,pour faciliter la tolérance gastrique et intestinale, I’addi-
tionner de menthol ou d’extrait thébalque.
M. Devaux recommande de débuter par des doses faibles, 2 grammes
chez la femme, 3 à 4 grammes chez l’homme. Ces doses, insuffisantes
en général à amener une sédation nerveuse, ont pour effet d’habituer
l’estomac à supporter le médicament et permettent au médecin de se
rendre compte si le malade ne présente pas une intoiérance marquée
pour le remède. On élèvera ensuite progressivement la dose jusqu’t
ce qu’on obtienne un effet sur les manifestations comitiales; il ne
serait pas prudent de dépasser la dose de 8 grammes, qui ne devra
mème pas ètre maintenue plus de quelques jours. II sera d’ailleurs
toujours bon de chercher à abaisser la dose lorsque l’amélioration
aura persisté plusieurs jours. Mais on devra se méfier de la suppression
brusque du médicament à fortes doses.
Dans deux cas, M. Devaux a obtenu d’assez bons résultats en pres*
crivant chaque mois de l’acide borique pendant vingt jours, et pen-
dant les dix autres jours une potion calinante, par exemple à base
d’extrait de belladone, d’extrait d’opium, etc.
J. Crinon.
Manuel des gardee-maladee, par le D* Jules Morel, médecin-
directeur de l’asile d’Aliénées de l’Etat, 2 e édition complètement
refondue, Bruxelles, Henri Lamertin, 1913. — Parmi les divers
manuels que les médecins aliénistes ont dans ces derniers temps
rédigés en vue de former le personnel infirmier, celui du D r Jules
Morel est un des plus remarquables. fl se distingue par un souci qui
dépasse de beaucoup le champ habituel de l’aliéniste. Ce n’est pas
que la partie qui le conceme plus spécialement soit de quelque manière
sacrifiée au plan plus géRéral. Elle a tous les développements néces-
saires : toutes les questions les plus modernes y sont présentées sous
un aspect instructif et séduisant. Le philanthrope, corame le garde-
malade, y apprendra les signes élémentaires de la folie, ce qu’est un
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RBVUB DBS LIVRES
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quartier d’observation, comment on s’occupe des malades qui refusent
la nourriture, le traitement des accès hystériques et épileptiques et
bien d’autres notions. Rien d’essentiel n’a été omis, et il y a mftme un
chapitre d’une grande utilité sur les mesures à prendre en cas d’incen-
die dans un établissement de malades.
Mais la partie générale n’est pas moins bien composée. La structure
et le fonctionnement du corps humain, les organes des sens, le som-
meU notamment, font l’objet d’une vulgarisation précise et clalre.
Tous ies problèmes de l’hygiène pratique, de ventilation, de chauffage
et d’éclairage, d’alimentaUon et de vétement y sont examinés avec
un grand sens praUque. Mais, naturellement, c’est encore les soins à
donner aux malades, aux blessés, aux infectés, depuis l’examen
iniUal jusqu’aux menus soins de la chambre, du iit, qui ont atUré
l'attenUon particulière de l’auteur
Ce qui m’a frappé à la lecture de ce livre, c’est qu’il manifeste
réellement la longue expérience du D* Jules Morel, qui s’est toujours
occupó de toutes les quesUons ressortissant au ròle du chef médical
d’un grand service de malades. Chaque descripUon est personnelle,
originale, vécue; aucun détail n’est délaissé. On sent que l’auteur a
réfléchi sur tous les actes de sa praUque et a choisi tel procédé après
des essais et les réflexions nécessaires. Chaque chapitre — la ventila-
Uon, le chauffage, le lit, etc. — ferait un excellent arUcle de hautc
vulgarisation.
Ce livre est écrit dans une langue simple, d’où tous les mots inuti-
lement techniques ont été chassès. II s’adresse en réalité à bien des
personnes, autres que les gardes-malades. J’en recommande la lecture
à tous ceux qui par leurs foncUons sont appelés à s’occuper des
malades, membres des Bureaux de bienfaisance, des municipalités,
des Commissions de surveillance des établissements hospitaliers. Mais
c’est encore à l’école, auprès des mattres et aussi auprès des grands
élèves, et notamment des jeunes filles, que ce raanuel doit trouver le
meilleur accueil. Chaque mère de famille ferait sagement de l’adopter
comme son conseiller.
D* Toulousb.
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REVUE DES SOCIÉTÉS
SOCIÉTÉ GLINIQUE DE MEDECINE MENTALE
Séance du 21 juillet 1913.
Pantlyai* gtoénl* ou dAmouoo préooo*. — MM. Caporas et
Mohel montrent une femme de 36 ans, fille de paraly tlque général, qui
tut internée avec le diagnostic de paralysie générale; ellc présente à
cette époque des idées incohérentes et contradictoires de satisfaction
et de persécution, des idées mystiques et hypocondriaques, de l’em-
barras de la parole, de l’inégalité pupillaire et du trembleraent. SorUe
en rémission en 1902, elle entre de nouveau un anaprès et le diagnostic
de paralysie générale est confirmé. Actuellement, douze ans aprèa le
début de ses premiers accidents, la malade se présente avec 1’atU-
tude et la mentalité d’une démente précoce: tics, stéréotypies raotrices
et verbales, suggestibilité et négativisme, indifférence émoUonnelle,
vlsoositd mentale, rires impulsifs, répétition des mémes mots, absence
d'achoppements syllabiques, mais il persiste certains signes phyà-
ques : aboliUon des réflexes rotuliens, inégalité et immobiUté pupii-
lalre, tremblement. Pas de lymphocytose.
MM. Marchand, Vioouroux et Colim font quelques réserves «ur
le diagnosUc de démence précoce. II s’agitévidemmentd’une démence,
mais cello-ci peut ètre la conséquence de lAsions céróbrales ne reaaw-
Ussant nl à la paralysie générale, ni à la démence précoce.
L’état mental imaginatif. — MM. TRÉNELet RAYONiBnprésentent
deux malades. 1° Malade entré à l’asile à la suite d’un état halluci-
natoire. En dehors de ce délire hallucinatoire dont le malade prend
conscience relative, on constate une acUvité mentale d’un mode parti-
culier qu’il manifeste lui-mème. Ce sont des réflexions obsédantes, une
interrogation dubitative sur toutes les idées qui lui passent par l’es-
prit et sur lesquelles il bátit instantanément une sorte de petit roman
avec vives représentaUons mentales qui en imposent pour des hallu-
cinaUons. 11 y a dans cet ensemble un phénomène que l’on pourrait
qualifier d’imagination obsessive.
2° Un second malade est arrèté au cours d’une bouffée hallucina.
toire avec état confusionnel sur un fond de conceptions imaginatives
anciennes. Ce malade, rcdevenu lucide en quelques jours, explique
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UNIVERSITY OF MICHIGA^I
HBVUB DBE BOCIÉT&8
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que son esprit IravailU loujours. II bfltit de* systèmee sociaux ou sclenti*
fiques qu’il qualifie d’abstraits sur toutes les idées qui se présentent
fl lti, telles que la question de la dépopulation, la captation de l’élec-
tricité céleste. 11 y a là comme une modalité morbide de l'imagination
créatrice.
Résultat négatil du traitamant apàdtique préventil chez
unparalytique g énér a l. —MM. Salin et Azemar (maison desanté de
Picpus) présentent un malade qui, en janvier 1911,eut un accès méian-
colique qui dura quinze jours. Sypbilis remontant fl une douzaine
d’années. On lui fit un traitement spécifique intensif qui n’empflcha
pas une mflnlngo-encépbatite diffuse d’évoluer clasaiquement quelques
mois après. Cette observation confirme l’inefficacité du traitement
spécifique dans la paralysie générale, mfime quand ce traitement est
commencé dès les premiers symptAmes et peut fltre considéré en quel-
que sorte comme préventif.
Paralyaie gónérale aénile. — M. Puillbt montre un malade de
65 ans dont l’afíection débuta fl 63 anspar de la dépression, des idées
bypocondriaques: tentatives desuicide. Démence progressive; nom-
breuxsignes pbysiques de méningo-encéphalite chronique. Pas desymp-
tfimes d’affection cérébrale localisée ou cérébelleuse ni de tabes. Con-
statationd’unétatintellectuelspécial, paraissantcaractéristiquede la
paralysie générale sénile et déjfl constaté chez une malade sem-
blable présentée en juillet 1911 par M. Trénei.
Un eas de paresse pathologique. — M. Haury apporte l’obser-
vation d’un soldat que tous ses chefs considéraient comme un fieffé
paresseux. Engagé volontaire, il avait un passfl de vaurien de grande
ville, souteneur, buveur et noceur, avec deux condamnations pour
coups et blessures. Au régiment, il avait une aversion singulière pour
tout effort physique et avait coutume, au moment desexercices, de
dire fl celui qui commandait: « Mettez-moi en cellule, je prflfère cela
fl l'exercice». 8es parents disaient de iui qu’il n’ótait qu’un vaurien et
un paresseux. Un jour il fit un refus d’obéissance, ne voulant pas
assister fl une marche militaire, refus fait sans motif avoufl. II fut mis
en prévention deconseilde guerre. II avait dfljfl fait antflrieurement
un autre refus d’obflissance pat simple imilalion, rflpfltant ainsi le
geste d’un camarade avec lequel il ne s’fitait pas entendu et avait de
ce fait fltfl condamnfl fl un an de prison.
Interrogfl sur les motifs de son présent refus, il se renfermait dans
un mutisme absolu. C’était un débile pervers devenu dflment prflcoce.
mais ayant des préoccupations hypocondriaques. II croyait avoir
une maladie de cceur et, pour conformer ses actes fl cette crainte, ne
faisait littfiralement pius rien, ayant rfiduit son activitfi physique
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RBVU8 DB P8YCBIATR1B
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au minimum. C’ótait le motif de sa paresse chronique devenue obsti-
née.
Cette paresse était donc des plus pathologiques. Elle est fréquente
au régiment comme forme d 'indiecipline morbide.
Eloctiona. — Sont élus membres correspondants de la Société
Clinique de Médecine Mentale :
MM. Vernet, médecin en chef-directeur de l’asile de Bourges.
Pasturel, médecin-adjoint de l’asilede Braqueville, près Toulouse.
J. Crinon.
soci£t£ m£dico-psvchologzque
Séance du 28 fuiUet 1913.
Présidence de M. Sbmblaignb.
La société désigne MM. Mignot, Klippel et Semelaigne pour la
représenter au Congrès du Puy.
Conformément aux conclusions du rapport de M. Vigouroux,
M. Laignel-Lavastine est nommé membre titulaire.
Conformément aux conclusions du rapport de M. Chaslin, M. Jouts-
chenko est nommé membre associé étranger.
Conformément aux conclusions du rapport de M. René Char-
pentibr, M. Lerat (de Maycnne) est nommé membre correspondant.
Conformément aux conclusions du rapport de M. Juquelier,
M. Paul Voivenel (de Toulouse) est nommé membre correspondant.
P. Juqubliler.
SOCIETE MEDICALE DES HOPITAUX
Paralysi* géaérala infantile. — M. Milian rapporle l’histoire
d’un enfant de 13 ans 1/2, qui après avoir été remarquablement
intelligent et docile jusqu’à il y a environ un an, changea brusquement
de caractère, devint violent, cessa de travaUler à l’école où il était
auparavant le premier, perdit la mémoire, et tomba dans un véritable
état de démence avec attaques de somnolence, tremblement fibriUaire
de’ la langue, troubles de Ia démarche, hésitation de la démarehe,
inégalité pupillaire, lymphocytose du liquide céphalo-rachidicn
(réaction de Wassermann positive), en résumé, signes de paralytie
générale certains. Le père et la mère ont deux enfants atnés bitn
portants, mais ont tous deux des signes certains de syphilis encore
en activíté.
Les cas de paralysio générale infantUe ne sont pas absolument
rares. II y en a une centaine de cas publiés. II s’agit ici de la forme
démentielle pure, ainsi que cela se produit d’ordinaire.
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Origirìal fro-m
UNIVERSÍTY OF MICHIG.
HBVUE DBS 80CIÉTÉS
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PréMnoa du treponezna pallidttm dans trois corvoaux dopara*
tjttquM généraux, par MM. A. Marie, C. Levaditi et J. Bakowski.
— Dans plusieurs travaux récents, Noguchi et Moore ont montré
que si l’on traite des íragments de cerveau de paralytiques généraux,
par la méthode de Levaditi (imprégnation à l’argent après fixation au
íormol, réduction par l’acide pyrogallique formolé), on peut mettre en
évidence des tréponèmes typiques dans la corticalité cérébrale.
Ces tréponèmes existent en pleine substance grise des circonvolutions,
ils sont disposés d'une manière diffuse et n'ont aucun rapport nì avec
les méninges, ni avec les vaisseaux lésés. Les spirochètes ne peuvent
étre constatés que dans un certain nombre de cas de paralysie géné-
rale typique; la proportion des résultats positifs est de 25 p. 100 d'après
Noguchi et Moore, de 25 p. 100 d'après Noguchi. Cette constatation,
dont l’importance au point de vue de l’étiologie et peut-étre aussi de la
thérapeutique future de la paralytique générale est de premier ordre,
a étó confirmée récemment par Marinesco et Minea. Ces auteurs ont
décélé des tréponèmes dans un cas, parmi les dix cerveaux de para-
lytiques examinés par eux, toujours par la méthode à l’argent.
Nous avons, de notre cdté, vérifié ces faits et nous les avons plei-
nement confirmés. Vingt-quatre cerveaux de paralytiques provenant
de l’Asile Villejuif (Service du D r Marie), ont été exarainés; les résul-
tats positifs ont été au nombre de deuz, ce qui, jusqu’à présent du
moins, fournit un pourcentage de 8 p. 100. Voici les deux observations
avec constatation positive de tréponèmes dans le cerveau.
Obs, 1. — Is... t figé de quarante-deux ans, charcutier, entre à l’asile de
Viliejuif, le 4 septembre 1903.11 aété hospitalisé pour la première fois le 27 aoQt
1903, avec le certificat suivant du D r Rueff :«Affaiblissemnt des facultés intel-
lectuelles, actes et propos incohérents, lacunes dela moralité, crises d'excitation,
alcoolisme; depuis trois mois, 11 perdait la mémoire». A Saint-Anne, le D r Dagon
constate: paralysiejgénérale probable, affaiblissement des facultés, alcoolisme.
A Villejuif, le D r Marie note de l’euphorie, des idées de richesse et porte le dia-
gnostic de paralysie généraie, avec alccolisme avoué.
Antécédents héréditaires, nuls; nie la syphitis ; femme normale, ni enfants.
ni fausses couches. En juin 1903, le malade se calme; paralysie générale progres.
shre, affaiblissement mental, embarras de ia parole, signe d'Argyll-Roberston.
Dans la suite, ies mouvements sont mieux coordonnés, le calme devient durable.
11 bénéficie de quelques heures de congé d’essais. En juin 1904, quelques piqQres
mercurielles; la ponction lombaire montre de la lymphocytose. Ictus huit
fours avant l’envoi au dépót. Le malade est réclamé par sa famille et sort fin
aoQt 1904. Cinq mois après, rechute. Wassermann positif dans le sang et le liqui-
de céphalo-rachidien. En rèsumé, paralysie générale à longue durée, avec fausses
rémissions séparant des stades de plus en plus démentiels, cachexie finale, et
décès en avril 1910.
Méningo-encéphalite diffuse au point de vue macro etimicroscopique. Laeunes
de dègènérescence microscopiques au niveau des sones frontales gauches.
Obs. II. — Malade Boe..., trente-huit ans, chaudronnier. Entre à l’asile de
Villejuif le 4 janvier 1912, par transfert de Charenton, où le D r Roger-Mignot
constate : paralysie générale avec idées de grandeur et de perBècution, troubles
parèto-ataxiques. A l’asile Sainte-Anne, le D r Juquelier fait le méme diagnostic
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RBVUB OB P8YCHIATRIB
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et nuarque <íee treublee oculo-pupiUeiree pienlfeatee, avec emberrae de paroie.
A l’entrée à l'asile de Vfllejuif, on conetate lee m&mes signes. Le malade est affai-
bl! et sa paralysie évohie rapidement vers la cacbexie.
Le 24 Janvier 1913, nne série d'idtu eongetiift avec turbulenee fntercalaire
Mort le 12 février 1913 au matin.
Nécropaie : létioat typiquet maeroteopiquet de la méningo-encéphaiiU diffutt.
Conelaiotiont hitiologiquet. — L’imprégnation a été faite d’aprèe la mèthode
lente de Levaditi : tbcaUon au formol à 10 p. 100, alcool à 90 degrés pendant
▼ingt heures, lavage à l’eau, imprégnation par le nitrate d’argent (19,6 p. 100
à 87 degrts pendant quatre Jours; réduction par l’acide pyrogallique à 4 p. 100
addiUonné de 5 p. 100 de formol. (Manehons pórivasculaires et tràponènwa
peu nombreux.)
Le succèe de l’imprégnation des spirochètes dépend donc de l’affinité
des íibrilles nerveuaes pour l’argent, et, en d’autres mots,de I’état de
conservation et de fixation de ces íibrilles. Pour nous, les spirochètes
existent dans les cerveaux de paralytiquee généraux de beaucoup pius
fréquemment que ne ie montrent Ies recherches récentes; il s’agit de
troover un procédé de fixation ou d’imprégnation argentique, capable
de réduire autant que possible cette affinité des fibrilles nerveuses pour
l’argent, sans toucher à ceile des tréponèmes. G’est ce que nous sommes
en train de chercher actuellement.
Tout récemment, il nous a été donné de dócouvrir le tréponème dans
le cerveau d’un paralytique général, non seulement à l’ultramicros
cope, comme l’avait déjà signalé Noguchi, mais aussi par le proctdi
de Fenere de Chine (Burrl) et celui de Fontana-Tribondeau. Voici
l’observation de ce malade :
Obs. III. — B..., quarmnte-neuf ans, sypbilis datant de 1900. Entre àl’asile
de Villejuif, le 21 mars 1913. Emberras de parole, tremblements musculaires
slgne d’Argyfl-Robertson, anesthésie bucco-Unguale, en un mot symptOmei
typiques de paralysie générale. Wassermann poiitif aveo le sérum. Affinne
avoir étè traitè par le 606 U y a trois mols. Syphilis conjugale. Dècèe le 16 avrfl
1913. Nèeroptie faite très rapidement après la mort,
Constalations. — Dans les préparations faites avec l’écorce céré-
brale frontale, examinées à l’ultra-microscope, assez nombreux tré-
ponèmes, dont quelques-uns encore mobiles. Des fragments sont
placés dadsle mllieu de Schereschewski; le lendemain, on décèle de
rares tréponèmes lmmobiles. Dans ces frotlis faiis d'après le proetii
de Burrt, rares irtponimes des plua caractéristiques. Enfin, dans presque
tousles frottia imprégnès à l’argent d’après leprocédédeFontana-Tri-
bondeau, nous avons trouvó des spirochètes admirablementcolorésen
brun foncé et absoluraent typiques. Cette dernière méthode nous
paratt appelée & rendre de grands services au point de vue de la re-
cherche des tréponèmea dana les frottis de cerveau de paralytiques
généraux.
Dans le cas n°l (Is...), l’imprégnation de fibrilies nerveuses est pour
ainsi dire nulle. La coupeest uniformément jaune, et les tissus parais-
(Kofr la suiit apris U buUetin bibliographiqut mentuei.)
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UNIVERSITY OF MICHIGAN
REVUE DES SOCIÉTÉS
303
saient modérés. Les tréponèmes, en assez grand nombre, sont dispo-
sés d’une fagon diffusc dans la substance grise des circonvolutions,
tout près de l’écorce, Ccrtains d’entre eux sont en relation avec les
parois vasculaires. Leurs ondulations sont régulières, serrées, leurs
extrémités minces et incurvées. Queiques parasites paraissent dégé*
nérés.
Dans le cas n° 2 (Boe...), constatations analogues, mais les spiro-
chètes sont beaucoup plus rares.
Conclusions. — Des tréponèmes typiques ont été décelés dans l’écor-
ce cérébraie de deux paralytiques avérés, parmi les vingt-quatre cas
examinés à ce point de vue. Dans une de nos observations, il s’agit
d’un sujet dont la paralysie générale a évolué pendant sept ans, avec
de fausses rémissions. II esl iniéressanl de conslaler que Vagenì palho-
gine de la syphilis peul exisler dans le cerveau malgré la durée exlrè-
mtmenl longue de la paralysie générale. Ce cas contraste avec le second
malade, chez lequel l’évolution de la maladie fut rapide.
De l’ensemble des constatations de Noguchi, Moore, Maririesco et
Uinea, et des faits qui viennent d’étre relatés, il résulte que la méthode
à l’argent est capable de relever la pésence des tréponèmes dans les
eerveaux de paralytiques généraux. Noguchi insiste cependant sur
l’utilité de certaines modifications qu’il a fait subir au procédé de
Levaditi et paralt enclin à attribuer à ces'modifications de la technique
indiquée par Levaditi, modifications qui dérivent decette technique
mème et du procédé rapide à la pyridine de LevaditietMarinesco,nesont
pas absolument nécessaires, puisque nos résultats ont été obtenus
avec le procédé non modifié. Ce qui est frappant, c’est que les trépo-
nèmes n’ont été constatés par nous (et aussi par nos prédécesseurs)
que dans les cerveaux dont les neuro-fibrilles n’étaient pas imprégnés
ou n’avaient retenu que très faiblement l’argent.
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REVDE DES PÉRIODIQUES
La Clinique, 4 avril 1913.
L’épilepsie traumatique, par M. Marchand. — D’après les sta-
tistiques, 9,8 p. 100 des cas d’épilepsie seraient dus à un traumatisme
cranien. Les psychoses traumatiques se compliquent d’épilepsie
dans 17 p. 100 des cas. Les traumatismes craniens de Venfance déter-
minent l’épilepsie plus souvent que ceux qui surviennent chez l’adulte
ou le vieillard. Mais chez certains sujets, le trauma ne fait que résuiter
des lésions du cerveau jusque-là latentes et Ies cas d’épilepsie consé-
cutifs à la trépanation sont dus non pas à l’opération chirurgicale,.
mais aux lésions cérébrales qui préexistaient chez le sujet et qui
avaient déterminé l’intervention.
Pédialrie pratique, 22 tévrier 1913.
Epilepsie poet-hémiplégique . — D’Espine a observé deux ma-
lades atteints d’une ancienne hémiplégie infantile et qui présentaient
des symptòmes d’épilepsie post-hémiplégique.
Dans le premier cas, il s’agit d’une fillette qui eut, à i’áge de deux
ans, des convulsions avec hémiplégie gauche; à cinq ans survinrent
chez elle des crises d’épilepsie dont la fréquence et la généralisation
allèrent en augmentant. Pendant ces crises, l’enfant se mord la
langue. Elle parait normalement développée au point de vue lntel-
lectuel. A droite, l’hémicirconférence de la téte est plus petite qu'à
gauche; l’hémiplégie faciale est bien marquée; aux membres, tant
supérieurs qu’inférieurs, il y a des deux còtés exagération des réflexes,
le signe de Babinski est rare, la plante du pied est en hyperextension.
Pour d’Espine, il y a une lésion corticale très prononcée et cependant
on peut actuellement considérer l’hémiplégie comme presque guérie.
Dans le second cas, il s’agit d’un garqon de six ans et demi, bien
portant jusqu’à quatre ans. En 1908, il fit une chute de trois à quatre
raètres sur l’occiput qui entratna une encéphalopathie grave accom-
pagnée de symptòmes méningés. On dut mème songer à une ménin-
gite tuberculeuse et l’enfant fut soumis au traitement par la tuber-
culine. Chez lui existe une hémiplégie gauche avec fortes contractures;
l’hémiplégie faciale est peu prononcée; il y a arrèt de développement
en longueur et en épaisseur du bras gauche et de ce cOté la main pré-
sente un « pouce simien ». Au crfine, il n’y a pas d’inégalité. L’enfant
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est sourd, car le nerí acoustique est paralysé; il ne parle pas, fait la
mimique de parler; il n’est pas aphasique, mais présente de Tamnésie
verbale; il pourra ètre rééduqué et arrivera à parler; de plus, U existe
chez lui de l’épUepsie jacksonienne gauche qui semble se génóraliser;
le bromure a donné de bons résultats.
Enciphale, 10 aoùt 1912.
Lw phénomànes dyapathiques dana la paychosa hébéphré-
niqoa, par M. Mignard. — Lorsqu’on poursuit l’étude psychologiquc
de certains malades hébéphréniques ou catatoniques, on est presque
fatalement conduit & considérer chez eux, en première ligne, les trou-
bles de l’affectivité.
L’auteur a examiné plusieurs de ces malades, selon la méthode
que M. Toulouse et lui ont proposée, pour ditférencier les troubles
de la direction volontaire des phénomènes mentaux de l’affaiblisse-
ment de l’intelligence.
En recherchant ainsi la défaillance de l’intelligence chez des hébé-
phréniques, il a semblé à l’auteur, que cette défaillance n’est souvent
qu’apparente.
On constate non pas l’affaiblissement intellectuel, mais le désordre,
la mauvaise application, parfois mème dans la catatonle, l’inertie
complète des fonctions mentales.
A l’appui de cette thèse, l’auteur présente l’observation prise à
la colonie famUiale de Dun-sur-Auron, d’une hébéphrénique, chez
laquelle des phénomènes apparemment démentiels peuvent étre tous
considérés comme dérivant directement ou indirectement, par l’inter-
médiaire de troubles de l’attention et de la volonté,de certaines per-
turbations du sentiment et de la tendance que l’on pourrait carac-
tériser du nom de « dyspathies ».
Journal de Médecine de Paris, d'après The American Journal of
Obstelrics, février 1912.
Epilepsie et grossesee. — Chez les femmes épileptiques chez
lesquelles la grossesse cause des convulsions plus fréquentes et plus
graves qu’à l’ordinaire, il faudra toujours penser à la nécessité de
terminer la grossesse. Dans les cas de grossesse chez les femmes
épileptiques, il faut veilier avec une extrème attention pour dépister
les signes de toxémie ou les signes prémonitoires d’éclampsie et on
devra interrompre la grossesse à l’apparence de symptèmes moins
graves que ceux qui exigeraient cette mesure chez des femmes non
épUeptiques.
Gazelte dea Hópitaux, 12 mars 1913.
L’anorexie mentale, par Brblbt. — Aussi bien chez les nourris-
sons que chez les adolescents, le traitement de l’anorexie mentale est
donc long et difficile, raais U faut l’entreprendre et le pouisuivre avec
beaucoup de petsévérance. Dans l’anorexie mentale des adolescents,
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306
RBTUB DB PfYCHlATRIB
il eet tfès souvent nóceasaire d’isoler le malade, de l’éloignev du milieu
famUial dans lequd e’eet oonstitué et s’entretient le trouble pey-
chique.
L’anorexique ainsi ieolé eera maintenu au Ut et soigné par la pey-
chothérapie. Le médecin doit le convaincre qu’U peut s’alimenter,
il doit aussi rechercher les causes morales ou émotives qui ont coa-
tribué à déterminer le syndrome; en connaissant le mécanisme du
trouble psychlque, on arrive plus facUement ò persuader le malade
qu’U va guérir et & lui communiquer la volonté de guérir. Dans quel-
ques cas, !e gavage sera nécessaire et U ne faut pas hésiler & y avoir
recours. Sous l’influence de ce traitement, l’anorexie disparalt au
bout d’un temps plus ou moins long et le malade reprend un poids
normal. En suivant jour par jour une anorexique traitée par l’isole-
ment et la psychothérapie, Nobécourt et Merklen ont fait des remar-
ques très intéressantes sur les modifications de la nutrition pendant
la cure. II s’agissait d’une fUlette de quatorze ans, entrée & l'hospice
des Enfants-Assistés dans un état d’amaigrissement extrèmc, ne
pesant que 14 kU. 900; en peu de temps, le poids augmenta et trte
rapidement atteignit 29 kUos. Mais, au début du traitement, cette
augmentation de poids était due presque uniquement à une rébydra-
tation des tissus, ainsi que le prouvalt I’examen du sang et des urines;
le chiffre des globules rouges s’abaissait en effet au fur et à mesure
de l’augmentation du poids, le sang étant plus dUué par fixation d’eau,
et d’autre part, pendant cette mème période, le chiffre des chlonires
urinaires était inférieur au chiffre des chlorures ingérés; U y avait done
fixation d’éau et de chlorures dans les tissus; puis l’équilibre s’éts-
blit. Par conséquent, les augmentations très rapides de polds obtenaes
au début du traitement de l’anorexie nerveuse doivent étre expli-
quées par une fixation d’eau dans les tissus; c’est seulement après
une période de réhydratation, que commence la véritable phase de
réparations des tássus.
Gazette dea Hópilaux, 17 décembre 1912.
Le champ inoulte de l’hyatérie, par Collin. — Ce n’eat pss
parmi les enfants grossièrement qualifiés de nerveux ou d’émotifs
que nous avons rencontré la tendance à faire des accidents hysté-
riques. Les enfants présentant cette tendance sont réputés « calmes >
par leurs parents et leurs instituteurs.
2° lls ont entre eux une série de caractères communs tenant à une
insuffisance de développement. Ces caractères existent avant mème
I’éclosion des accidents.
a) Dans leurs antécédents héréditaires on trouve une toxi-infec-
lion légère ou atténuée, le pius souvent tuberculeuse et alcoolique.
b) Dans ieurs antécédents personnels, un retard èlectif ou total
dans l’établissement des premières grandes fonctions.
c) Dans leur manière d’ètre, une suggestábilitó que le fait de con-
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RBVUB DB8 PÉRIODIQUBS
307
server lee atlitudee donnéea met en évidence et un grand dóvelop*
pement dee facultée ImaginaUvee.
3° Noue croyone qu’il y a lieu de réeerver pour cee seuls enlants
le nom d’hystériques. C’cat en effet chez ceux-là seuls que nous avons
vu ódore et disparaltre toute la série des accidents que peuvent
amener la suggesUon et détruire la contre-suggestion.
4° Etant donnés ces caractères congénitaux et les causes minimes
qui peuvent dédancher l’hystérie, celle-ci nc doit pas attendre très
loagtemps pour se manifester. Lee accidents dits hystériques ou hys-
téroldes tardivement venus demandent & n’ètre acceptés qu’aveo
circonspecUon, un bon nombre d’entre eux devant ètre rattachés à la
ńmulaUon utilitaire ou à 1’émoUvité; les autres pouvant ètre mis
sur ie cornpte de la déchéance dont les effets anatomiques et cliniques
rappellent si souvent ceux de l’insuffisance. 1
6° De la connaissance précoce de l’hystérie infantile doivent dé-
cauler d’indispensables notions thérapeutiques.
L’état somaUque doit recevoir des soins joumaliers; il faut à ces
eufants du repos, de l’isolement, de l’aération.
L’ètat mental exige, qu’à moins que l’on ne fasse une contre-
suggesUon nette dans un cas donné, on s’absUenne soigneusement
de toute intempesUve psycbothérapie.
J. Crinon.
Revue Neurologique, 30 novembre 1911.
Succesaion d’accòa d’agitation et d’étate eoporeux dans un
cas de démenoe épileptique, par C. Vurpas et R. Porak. — Obser-
vaUon d’un jeune homme de 25 ans, épilepUque depuis l’àge de 6 ans,
qui, au cours d’un affaiblissement démentiel progressif, présenta
deux phases successives bien déterminées et bien tranchées dans
1’évoluUon de sa maladie. La première (1906-1908) est caractérisée
par des accès d’agitation assez fréquents, la seconde (1908-1910) est
marquée au contraire par des^états de somnolence et souvent mème
des états de torpeur profonde.
Le malade succombe en 1910.
La succession de ces deux phases au cours de l’épilepsie évoluant
concurremment à un état démentiel progressif, est un fait intéressant.
Les auteurs émettent l’opinion qu’accès d’agitation et états sopo-
reux ont évolué pour leur propre compte et qu’ils sont, en consé-
quence, indépendants, aussi bien des accès convulsifs que de l’affai-
blissement des facultés inteUectuelles.
Revue Neurologique, 15 octobre 1912.
La démence précoce ou Schizophrénie d'après la oonception
da Bleular, par M. Trénel. — M. Trénel résume cn un article des
plus intéressants la conception de la démence précoce, telle que Bleu-
ler l’expose dans le Traitè de psychiatrie d’Aschaffenburg.
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REVUE DB PBVCHtATRIE
D’après le protesseur de Zurich, le trouble de I’association des idées
joue, dans la schizophrénie un rAle capital: c’est de lui qúe découlent
tousles autres symptOmes. Quant aux troubles aftectifs — contraire-
ment à l’opinion admise — il ne sont que secondaires, I’aftectiviU
n’étant pas constamment annihilée et pouvant mème se traduire par
un hyperfonctionnement dans la démence schizophrénique.
Parmi les symptfimes accessoires, Bleuler range les hallucinations,
les idées délirantes, le6 symptómes catatoniques et de nombreax
syndromes aigus telsque des étatsmélancoliques(syndromedeCotard
par exemple), maniaques, catatoniques, des états délirants (type délire
hallucinatoire aigu), des états crépusculaires, l’obtution, la confusúm
mentale se caractérisant par l’incohérence, les accès de fureur, les
excitations périodiques, la stupeur, les délires (analogues au délire
fébrile), les fugues, la dipsomani.
On voit, parcette rapide énumération, quelle richessede syndromes
Bleuler accorde à la schizophrénie. Au point de vue clinique, cet au-
teur admet toujours Ies formes paranoldes, cataloniquex, hibéphri •
niques et simples.
Pour Bleuler, la démence précoce englobe la plupart des psychoses
dites jusqu’ici fonctionnelles. Rien d’étonnant, d’après cela, que le
professeur de Zurich considère cette affeclion comme la maladie la
plus fréquente. A BurghWzi, les schizophréniques constituent 75 % dee
malades présents (1).
Telle est la nouvelle conception de la démence précoce, le dernier
rejeton, pourrait-on dire, de l’Ecole allemande.
Comme lefait si justement remarquer M. Trénel, l’invention de la
schizophrénie englobant, on peut dire presque tout, des délires poly-
morphes aux obsessions, de la mélancolie aux délires systématiaès,
n’est pas faite pour éclaircir cette brumeuse conception.
Bleuler, semble-t-il, fait rentrer des maladies absolument diffé-
rentes dans sa vaste synthèse.
« Et puisque, desonaveumème, conclut M. Trénel, la schizophrénie
« contient la majeure partie dela dégénérescence mentale, et quede
« plus il y rattache bien d’autres cas encore, on peut craindre qu’il
« n’ait fait, en fin de compte, que remplacer un mot à prètentions
« étiologiques par un mot à prétentions psycho-pathologiques. <
M. Brissot.
Lc Gérant : O. DOIN.
PARIR. — IMPRIMERIt LÍVB. 71, RUE M RBMNES.
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RECHERCHES DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
SUR LES TROUBLES DU MOUVEMENT
DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE < J >
Par Lucibn Lagriffe,
Médecin de FAsile d'Auxerre.
Les troubles du mouvement peuvent tenir à plusieurs causes :
ils peuvent étre dus à des modifications locales organiques ou
fonctionnelles et étre ainsi de nature purement musculaire; ils
peuvent avoir leur origine dans des modifications centrales, céré-
brales ou médullaires, altérations matérielles ou dynamiques d e
neurones moteurs; enf in les neurones et les muscles restant indemnes,
ils peuvent tenir à des modifications des organes qui servent d’inter-
médiaires entre les neurones et les muscles.
Ce sont là les divers points que nous nous proposons d’étudier
dans ce travail.
Nous nous occuperons d’abord de 1* exciiabiliié musculaire ; nous
étudierons ensuite le iravail et la fatigue ; en troisième lieu, l’étude
de la réflectivilé retiendra un moment notre attention et, après avoir
étudié sommairement le temps de réaclion y nous exposerons, en der-
nier lieu, les résultats foumis, jusqu’à ce jour, par Vétude hislolo -
gique des centres nerveux dans la démence précoce.
L Excitabilité muscolaire.
Dunton a signalé l’hyperexcitabilité des muscles de la face au
début de ia démence catatonique.
Excitabilité électrique. — De toutes les recherches précises
faites jusqu’à ce jour, il résulte que l’excitabilité électrique des
(1) Cetteétude est empruntée au magistral rapport que M. Lagriffe a présenté
le 2 aoút deraier au Congrès du Puy,sur les « Troubles du mouvement dans la
dimence précoce *. N. D. L. R.
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RBVUB OB PSYCHIATRIB
muscles est conservée dans la démence précoce. Dans aucun cas,
M. Ettore Patini qui, au cours de travaux sur l’inhibition mentale,
a examiné un certain nombre de déments précoces, n’a observè
l’absence de réaction à ces excitations. II a méme constaté, aprés
Libertini, que le temps de réaction à la contraction électriqueest
notablement inférieur & celui noté chez les sujets normaux (1).
Les recherches plus directes effectuées par Ostermayer dans la
catatonie, c’est-à-dire dans des conditions particulièrement favora-
bles, n’ont montré qu’une simple diminution de i’excitabilité muscu-
laire galvanique. Mais ces modifications ont été observées chez des
catatoniques déjà anciens ou atteints de formes particuiiérement
graves et par conséquent chez lesquels il est très légitime d’admettre
que ces modifications étaient dues, soit à un état d’asthénie profonde,
soit à une inaction prolongée. D’ailleurs, au cours des rémissions et
des améliorations que l’on observe chez ies déments précoces, méme
chez ceux qui ont présenté des phénomènes de catatonie, la rttlilu-
tio ad iniegrum des fonctions musculaires est toujours parfaite et,
d’autre part, chez les déments travailleurs, on peut facilement se
rendre compte que les muscles sont susceptibles de foumir un travail
qui, quantitativement, n’est pas inférieur à celui foumi par les sujets
normaux. II ne faut donc pas s’étonner de voir qu’au cours de U
maladie l’excitabilité électrique des muscles n’est modifiée, au plus,
que dans des proportions absolument insignifiantes.
Excitabiuté mécanique. — L’excitabilité mécanique des mus-
cles ne peut guère étre recherchée que dans les conditions parti-
culières qui tendent à la provocation des contractions idio-muscu-
laires; c’est dans ce sens, croyons-nous, que Kraepelin a noté Paug*
mentation de cette excitabilité mécanique. Ostermayer a signalé
expressément l’existence de contractions idio-musculaires.
Nous croyons inutile de rappeler ici que ces contractions s’ob-
servent ordinairement au niveau des muscles fatigués ou placés
dans des conditions physiologiques défavorables : mal nourris ou
inigués par un plasma adultéré; c’est pourquoi on les provoque
facilement chez les individus souffrant d’intoxications ou d’intoxi-
nations, spécialement au cours des maladies infectieuses particu-
lièrement débilitantes.
(1) Ettore Patini: L'inibizione molrice studiala sperimentalmente negli amma-
lali di menle. Naples, 1907.
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TROUBL.ES ou mouvement
311
Nos recherches personnelles ne nous ont pas permis de les ren-
contrer autrement que d’une fagon exceptionnelle dans la démence
précoce : dans la proportion de 33 0/0 et plus fréquemment chez les
hommes (27 0 /0) que chez les femmes (6 0/0). Elles se sont montrées
phis souvent chez les catatoniques que chez les paranoldes et elles
ont été exceptionnelles chez les hébéphréniques. II convient d’ajou-
ter que, dans tous les cas, elles se sont révélées & nous comme étant
extrémement légères, parfois retardées, le plus souvent unilatérales,
•vec une prédominance presque exclusive pour le cfité gauche.
Enfin, nous avons pu noter que, dans un certaii^ nombre de cas,
elles présentent un caractère paradoxal: on sait que Ies contractions
idio-musculaires se produisent normalement au niveau du point
excité, dans l’espèce le biceps, à la hauteur, méme de la région pincée,
qu’elles intéressent toutes les fibres, au niveau desquelles se produit
une vibration locale entre deux nceuds qui la limitent. Or, chez un
certain nombre de déments précoces, atteints de la forme catato*
nique et, plus particulièrement encore, chez ceux qui présentaient
de l’amaigríssement musculaire par suite d’inaction prolongée, le
biceps a réagi par la formation d’une seule corde longitudinale au
niveau du point où se terminait le pincement; dans ces conditions,
il n’y avait pas, comme dans la contraction idio-musculaire classique,
formation d’un bourrelet transversal, mais formation d’une corde
musculaire longitudinale.
n. Travall muaculaira at fatigue.
Le travail musculaire a été étudié chez les déments précoces par
quelques auteurs. II convient de retenir surtout, à cet égard, le
travail de M. Gaetano Martini (1). Ce travail constitue une appli-
cation & la pathologie des recherches de G. Pieraccini et de A. Maffei.
Ces derniers, en effet, ont établi, à la suite de longues et minutieuses
études sur la courbe de production du travail exteme utile, la loi
normale de la courbe du travail; pendant Ia première heure, péríode
d’augment, pendant la seconde et quelquefois la troisième heure,
période de rendement maximum, enfin, pendant les heures sui-
vantes, péríode de déclin progressif.
(1) G. Martini: La curva del Iavoro meceanico esterao nei dementi lavoratori.
Ramaixini, 1908.
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312
REWE DB PSYCHIATRIB
Les recherches de M. Martini ont porté sur des déments précoces
parvenus au stade de démence terminale de leur maladie et soumis
à un travail déterminé, analogue à celui auquel sont astreints les
prisonniers, c’est-à-dire facilement mesurable. Dans ces conditions,
il a observé un allongement très appréciable de la période d’augment,
compensé par une prolongation de la péríode de travail maximum et
par une période de déclin fort lente et longuement prolongée. M. Mar-
tini en conclut que les déments précoces mettent plus longtemps que
les individus normaux à vaincre l’état d’inertie psycho-motrice et
à atteindre leur maximum de production, maisque, en revanche,
ce maximum est ensuite soutenu d’une fagon anormale, «comme s’ily
avait là un état de stéréotypie inteme »; qu’en somme ils se montrent
peu sensibles aux effets de la fatigue. Le travail de M. Martini a donc
une importance indéniáble en raison de ce fait que ses expériences
ont un caractère purement pratique et que, par conséquent, elles ne
sont pas faussées par ces conditions artificielles qui sont l’échec
ordinaire des expéríences de laboratoire.
Les différences qui peuvent exister entre les résultats fourais par
un travail pratique et ceux fourais par un travail expèrimental se
font jour au cours des expéríences de laboratoire elles-mèmes, sui-
vant que l’on se contente d’évaluer la force musculaire à l’aide du
dynamomètre à ressort ou que l’on fait exécuter au maladeuntravaii
plus défini, à l’ergographe de Mosso, par exemple.
En princlpe, depuis les recherches de M. Toulouse et celles de
M. Meltzer, on considère la force dynamométrique comme étant
généralement affaiblie chez les aliénés; à cette notion, Ch. Féré a
ajouté celle de la tendance, chez eux comme chez les individus fati-
gués, à l’égalité de la force des deux còtés. Nous n’avons pas besoin
de répéter, après tant d’autres, que le dynamomètre est un instru-
ment infidèle et trompeur. Les individus les plus vigoureux, ceux
surtout qui travaillent manuellement, sont ordinairement incapa-
bles de faire monter l’aiguille de l’instrument aussihautquelesindi-
vidus malingres ou que ceux qui ne s’adonnent pas aux travaux
manuels: les cals desmains constituent une géne qui s’oppose en
partie à la flexion et qui empéche de prendre facilement l’instru-
ment en main. II est donc difficile d’établir une base permettant
de faire des comparaisons puisque déjà les résultats foumis par les
individus normaux ne correspondent pas à leur force réelle. Les
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TROUBLES DU MOUVEMBNT
313
résultats obtenus par MM. Toulouse et Meltzer, par Féré, nous pa-
raissent donc ne devoir étre accueillis que sous toutes réserves.
Des recherches faites sur un groupe de prisonniers délinquants ou
críminels nous ont foumi, bien que tous fussent dans la force de
Fftge, des résultats absolument discordants et ce ne sontpasles plus
forts et les plus robustes qui nous ont donné les chiffres les plus
élevés; ces chiffres vont : pour la main droite de 16 & 50 avec une
moyenne de 28 pour les hommes, de 12 à 26 avec une moyenne de 18
pour les femmes; pour la main gauche de21 à 51 avec une moyenne
de 28 chez les hommes et chez les femmes de 10 & 25 avec une
moyenne de 18. On voitdonc,enpremierlieu,l’écartconsidérablequi,
chez les individus de méme valeur, existe entre les chiffres extrémes
et la moyenne, en deuxiéme lieu, que, mème à l’état normal, la ten-
dance à l’égalité, au mancinisme dynamométríque, se fait jour.
Les recherches de méme ordre que nous avons pu faire chez les
déments précoces n’ont donc qu’une valeur des plus restreintes et si
nous nous décidons, néanmoins, à les consigner ici, c’est surtout
pour montrer combien leurs résultats concordent peu avec ceux
foumis par la méthode ergographique, résultats que nous expose-
rons plus loin.
Les essais ont porté sur 26 déments précoces, 9 déments catato-
niques, 10 déments hébéphréniques et 7 déments paranoldes; ils
nous montrent, en premier lieu, que les chiffres foumis par les trois
espèces de déments diffèrent peu les uns des autres; que les uns ne
se distinguent pas des autres par des chiffres ougénéralementplus
élevés ou généralement plus bas; particulièrement les catatoniques
les plus caractérisés nous ont donné des chiffres relativement
élevés, bien que cette élévation ait été, cependant, moins forte,
moins habituelle et moins générale que chez les hébéphréniques;
ceux fourais par les paranoldes leur sont beaucoup plus comparables
quoique inféríeurs.
Bn deuxième lieu, sur le méme malade, les divers essais n’ont
jamais été semblables, méme lorsque ces essais ont été faits coup sur
coup : tantdt on pouvait croire qu’il y avait fatigue, tantdt qu’il y
avait accoutumance, tantOt oscillations rythmiques.
En troisième lieu, les chiffres les plus élevés ont été fourais indif-
féremment par l’une ou l’autre main; nous n’avons qu’exception-
nellement observé la tcndance au mancinisme signalé par les au-
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UNIVERSm' OF MICHIGAN
314
RBVUB DB F8YCHIATRIB
teurs et jamais ce mancinisme ne s’est montré constant : on l’ob-
serve généralement lors du premier essai, il ne se reproduit que
rarement ensuite et c’est sans doute cette circonstance qui a trompé
ceux qui n’ont pas cru nécessaire de poursuivre longtemps leun
recherches chez un méme malade : une seule mensuration est insuí-
fisante pour formuler une règle.
Enfin et en deraier lieu, si l’on rapproche les résultats foumis
par le dynamomètre & ressort de ceux fournis par l’ergographie
selon la méthode de Mosso, on s’apergoit que ces résultats sont abso-
lument différents : les premiers au dynamomètre sont souvent Ies
derniers à l’ergographe.
Les recherches ergographiques sont particulièrement intéressantes
chez les déments précoces parce que, non seulement elles nous four-
nissent des résultats intéressants touchant le travail musculaire et
ses modalités, mais encore parce qu’elles nous renseignent sur la
fatigue. Ces résultats, il ne faut pas se le dissimuler, n’ont qu’uue
valeur relative parce qu’ils sont l’effet d’expériencestrès délicates,
parfois fort difficiles, au cours desquelles il faut s’efforcer de vais-
cre, non seulement I’inertie considérable qu'offrent beaucoup de
malades à toutes les sollicitations, mais encore Ia difficulté que l’on
éprouve à fixer leur attention et Ia mauvaise volonté que certains
d’entre eux, surtout parmi les paranoldes, mettent à se plier aux
exigences de ces recherches.
II est toujours difficile de leur faire observer Ia cadence nèces-
saire, d’obtenir d’eux Ie maximum d’effort, et souvent méme, de leur
faire accepter la contention du bras en expérience; fréquemment, il
faut abondonner un essai qui semblait devoir donner les meilleun
rèBultats, au risque de voir le malade briser tous les appareils.
Nous croyons inutile de dire ici ce qu’est I’ergographie et d’en
dècrire le matériel; ce sont là des choses connues de tout le monde
depuis fort longtemps et la lecture du livre si estimè dans lequel le
P r Mosso (1) a lui-mème présenté sa méthode et son matériel sup-
pléera avantageusement à la description que nous pourrions ea
faire. Cependant nous devons aviser le lecteur que l’appareil qui
nous a servi au cours de nos recherches ne ressemble pas d’une fagon
parfaite à ceux qui se trouvent dans le commerce; il a été construit
(1) A. Mosso: La faligue inleUedueUe et phgsique, traduction de M. P.Langioi*.
Paris, Alcan, 1908.
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UNIVERSfTY 0F MICHIGAN
TROUBLES OU MOUVEMENT
315
sur nos indications, il est complètement inspiré de l’appareil de
Mosso, s’il est peut-étre moins précis, il est plus solide et se préte
mieux ainsi à des recherches sur un personnel dont les écarts sont
toujours & redouter; mais enfin ce n’est pas l’appareil classique de
Mosso; de telle sorte que ies résultats de nos recherches n’ont
qu’une valeur relative, ne sont comparables qu’entre eux et ne peu-
vent qu’avec précautions, étre mis en paralléle avec ceux qui auraient
pu étre obtenus par d’autres auteurs.
La longueur de ces recherches, leurs difficultés ne nous ont pas
permis de les étendre autant que nous i’eussions voulu. Tous les
malades ne s’y prétent pas volontiers, surtout ceux qui présentent
des idées de persécution; nous avons été obligé d’opèrer un choix
et cela explique le pourquoi du nombre restreint de nos expériences;
d’autant que nous n’avons pas voulu nous contenter d’un seul essai
sur chaque sujet afin d’obtenir des résultats plus probants.
Ges essais ont porté sur 18 malades, 10 hommes et 8 femmes, se
divisant en : 7 catatoniques (5 hommes et 2 femmes), 5 hébéphré-
niques (3 hommes et2 femmes), 6 paranoldes (2 hommes et4 femmes)
tous répondant indubitablement à la démence précoce telle qu’elle
a été délimitée par Kraepelin.
Les essais ont toujours été établis par séries d'au moins trois
avec, entre chaque essai, un intervalle de pose de 2 minutes envi-
ron; le travail inscrit a toujours été celui du médius droit soulevant
un poids de trois kilogrammes, sauf dans quelques rares cas où il a
fallu descendre jusqu’à 2 ou 1 kilogramme. La cadence était foumie
par le métronome battant 120à Iaminute,à raisond’unecontraction
tous les deux battements. Les contractions ont été poussées jusqu’à
fatlgue complète. En l’absence de totalisateur de distance, chaque
courbe a été soigneusement mesurée au décimètre, et tous les résul-
tats, pour la commoditè des comparaisons, ont ètè ultérieurement
réduits en kilogrammètres heure (1).
Les ergogrammes les plus règuliers sont ceux qui nous ont étè
donnès par Ies déments catatoniques, c’est-à-dire par les déments
qui présentent les troubles du mouvement les plus nombreux et les
(1) 11 m’est pertleullàremeiit agréable de remerder lei mon eollAgue et aml,
M. le D' Loup, qul m’a aouvent aaslsté dans mes essais et qui a blen- voulu
mettre à ma disposition les malades femmes de son serviee de l’Asile d’allènés
d’Auxerre.
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plus caractéristiquea. Cette régularité des ergogrammes se retrouve
aussi chez les déments paranoldes qui tendent à se rapprocher de
la normale. Mais cependant, dans la forme hébéphrénique, comme
dans les deux autres formes, à c6té de courbes anormales, on en ren-
contre aussi qui s’écartent peu de celles données par les individus
sains.
II existe une difficulté générale à suivre le rythme : le retard est
le plus fréquent. Les plus petites amplitudes ont été foumies par
les déments cacatoniques, dont certains se donnaient tout juste U
peine de tirersur le poids.Letravail joumalier ne semble pas contri-
buer à rendre les courbes normales. Ces courbes ont, chez chaque
malade, un profil qui leur est personnel, elles sont particulièrement
basses et allongées et, de ce cdté-Ià,elles corroborentles recherches
de M. Martini que nous avons analysées plus haut.
La difficulté du démarrage a été fréquente, surtout chez les
déments paranoldes et c’est chez les déments catatoniques qu’elle
s’est montrée la plus rare. La présence deplateaux,surtout fréquents
chez les hébéphréniques, montre qu’il existe des crampes chei
certains de ces malades. Mais il ne paralt pas s'agir là des véritablee
crampes d’origine exclusivement musculaire, car elles ne sont pas,
comme il arrive à Pordinaire, rapidement suivies des signes de la
fatigue. II resterait donc à rechercher la cause prochainede la per-
sistance des contractions et du retard dans le relàchement.
Le travail-heure foumi par les catatoniques est notablement
moins élevé que celui foumi par les déments hébéphréniques et par
les déments paranoldes. Ces demiers sont généralement ceux qui
donnent les plus hauts chiffres.
Enfin, l’influence de la fatigue s’est surtout fait sentir à partirde
la troisième courbe, dans une méme série d’essais.
II y aurait encore beaucoup de choses à dire sur ces ergogrammes;
mais, dans la crainte d’ètre entralné trop loin, nous croyons sage de
bomer là, pour le moment du moins, nos remarques. II se dégage de
ces conclusions provisoires que les Iroubles du mouvement daru la
démence précoce ne paraissent pas pouooir ètre expliqués par det
allérations locales et pèriphériques et que, dans tous les cas, puisque
une formule unique ne peut s’en dégager, ces troubles ne seraient pas
« musculairement » significatifs. II convient de remarquer, au sur-
plus, que les ergogrammes sont proportionnellement plus réguliers
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TROUBLES DU MOUVBMENT
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dans Ia forme de la démence précoce qui présente le plus grand nom-
bre de troubles du mouvement.
m. — Róftoctivité.
Nous venons de voir que Pétude physiologique’ des muscles
dans la démence précoce ne nous révèle pas Pexistence, dans cette
affection, tout au moins dans les conditions ordinaires de la maladie,
de troubles évidents et systématisés de la fonction musculaire pro-
prement dite; qu’en un mot les muscles y restent excitables aux
incitations dont on peut user chez Pétre vivant et queces incitations
détenninent des effets qui se rapprochent, autant qu’il est possible,
sinon toujours, du moins souvent, de ceux que l’on observe chec
les individus normaux; que d’autre part les modalités inhabituelles
que Pon note dans la fonction musculaire des déments précoces,
ne semblent pas tenir à des altérations du tissu.
II convient donc de rechercher ailleurs, en un autre point de ce
circuit le long duquel se meuvent les influences physico-chimiques
qui assurent la vie de relation, les raisons de ces manières d’étre
particulières qui caractérisent le mouvement dans la démence
prècoce.
Chez Ies animaux supérieurs et dans les conditions ordinaires de la
vie, la mise en jeu de la fonction musculaire se produit rarement &
la suite d’excitations directes. Chez ces étres hautement différenciés
il existe toujours, entre le muscle et l’excitant, une sèrie de plus ou
moins nombreux intermédiaires qui font de la contraction du tissu
un acte constamment indirect; d’autresorganes,eneffet,sontchargés
de recevoir l’excitation, de la conduire, de la réfléchir et de latrans-
former en une incitation que, seule, connalt le muscIe.C’estpourquoi
l’on dit de la contraction musculaire naturelle qu’elle est l’undes
éléments d’un acte réflexe.
Aussi, allons-nous rechercher maintenant s’il existe, chez les
déments précoces, en un point quelconque de ces voies ou de ces
relais dont nous parlions plus haut, des modifications susceptibles
de nous donner la clef des troubles observés; si les excitations por-
tèes en dehors des muscles sont susceptibles de dèterminer des con-
tractions et si ces contractions réflexes présentent ou non des
caractères normaux.
Les recherches faites sur les actes réflexes des déments prècoces
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REVUE DB PSYCHIATRIB
sont assez nombreuses et il convient de dire, avant de les exposer
succinctement, qu’elles n’ont donné, entre les mains des diversan-
teurs, que des résultats discordants. On a dit, en thèse générale,
que les réflexes tendineux sont plutót exagérés qu’abolis, que le
réflexe cutané plantaire est aboli, que les réflexes iumineux
et accommodateur sont affaiblis. Kraepelin a déjà signalé l’exagé-
ration, parfois très accentuée, des réflexes tendineux. MM. Sérieux
et Masselon ont observé une exagération du réflexe patellaire dans
73 0/0 des cas et du réflexe du poignet dans 70 0/0; une diminution
ou une abolition du réflexe plantaire dans la proportkm de 50 0/0,
une abolition des réflexes abdominal 28 fois 0/0 et crémastérien
47 fois 0/0.
D’ètudesayant exclusivement porté sur des dèments catatoniques,
M. Chenais (1) conclut que le réflexe patellaire est constamment
exagéré et que le réflexe achilléen l’est aussi dans la plupart des cas.
II a observé que le réflexe cutané du fascia Iata est presque tou-
jours diminué ou aboli, jamais exagéré, que Ie réflexe de Babinaki
est le plus souvent dissocié et que les autres réflexes sont normaux.
Du cótè des yeux, M. Chenais a observè que les malades réagissent
normalement à la lumière et àl’accommodation,queIe réflexecor-
néen est normal, et 10 fois sur 19 malades, il a constatè l’existence
du.réflexe paradoxal à la lumière de Pilez. Dans le méme ordred’idées
MM. Sérieux et Masselon ont observé des troubles du réflexe lumi-
neux77 fois0/0,accommodateur78fois0/0.Enfin, M. Mignot donne
une proportion detroubles du réflexe lumineux de 62 0/0, dont 7 0/0
d’abobtion et 12 0/0 de troubles du réflexe accommodateur.
D’après nos recherches le pourcentage de ces troubles nous donne,
par formes de la maladie :
Catatonib : Réflexe douloureux 14 0/0, lumineux 57 0/0, accom-
modateur 14 0/0, cornéen 42 0/0, pharyngien 71 0/0, crémastéríen
66 0/0, patellaire 71 0/0, plantaire 60 0/0;
Hébéphrénib : Réflexes douloureux 20 0/0, lumineux 60 0/0,
accommodateur 0 0/0, comèen 60 0/0, pharyngien 80 0/0, crémas-
térien 60 0/0, patellaire 40 0/0, plantaire 60 0/0.
ParanoIdeb : Réflexes douloureux 16 0/0, lumineux 66 0/0,
(1) L. Chenaig, Rechtrchu aur lea aympUmea phyaiquea de to démenee prieatt
è jorme eatatonique, thèse de Paris, 1902.
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TROUBLBS DU MOUVBMENT
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accommodateur 0 0/0, cornéen 60 0/0, pharyngien 80 0 /0, crémas-
térien 100 0/0, patellaire 100 0/0, plantaire 80 0/0.
Si nous ne tenons plus compte des formes, nous obtenons le
pourcentage suivant :
Réflexes douloureux 16 0/0, lumineux 50 0/0, accommodateur
11 0/0, cornéen 520/0, pharyngien 87 0/0, crémastérien 74 0/0,
patellaire 70 0/0, plantaire 75 0/0.
On voit donc la différence qui existe suivant la fagon de compter
et suivant que l’on s’adresse exclusivement à telle ou telle forme.
D’autre part, il importe de savoir ce que sont ces troubles, de savoir
aussi s’il est bien scientifique de méler et de confondre.dans une
méme statistique, de simples diminutions de réflexes et des abo-
litions? Nous ne le croyons pas; nous estimons qu’en réalité et, étant
donné surtout que, dans l’évaluation d’un réflexe, le coefficient
personnel de l’observateur joue un rflle considérable, il ne faut tenir
un compte absolu que des variations très marquées, indiscutables
etqui, véritablement, par leur importance, par leur constance et par
leur coexistence avec d’autres troubles indéniables du système
nerveux, peuvent étre retenues, parce qu’elles font partie d’un com-
plexus symptomatique où elles ont une signification et par consé-
quent une valeur.
En réalité, si l’on fait un examen critique rigoureux des anomalies
dont nous venons de dresser le tableau, on sera obligé de recon-
naltre que bien peu, parmi elles, doivent étre retenues. 11 faut au
surplus ne pas oublier et malgré ce qui en a été dit, Kraepelin, le
père méme de la démence précoce l’a toujours affirmé et nos modestes
recherches personnelles le confirment (1), que la démence précoce
survient, presque toujours, chez les individus tarès; or les dégéné-
rés et les héréditaires présentent toujours des anomalies très
comparables à celles que nous venons de signaler.
Notre sentiment est donc que s’il existe bien des troubles des ré-
flexes dans la démence précoce, ces troubles ont une importance
minime, ne sont que de simples anomalies semblables à celles que
Ton observe, dans le méme ordre d’idées, chez les individus tarés. En
admettant méme qu’elles eussent la valeur qu’on a cherché à leur
préter, ces anomalies sont trop variables, comme siège, comme
(1) L. Lagriffe, Recherches sur l’héridité dans les maladies mentalee, ArckiMt
tanthropologie eriminelle, 1910, p. 490.
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intensité et comme persistance pour qu’elles puissent contribuer
à l’explication de troubles fonctionnels qui se présentent avec des
allures toujours semblables à elles-mémes.
IV. — RecherchM amr le tempe de réaction.
Les résultats négatifs fournis par l’étude du travail et de la fa-
tigue musculaires et par celle des réflexes, nous obligent à recher-
cher plus haut encore les causes prochaines des troubles de la
motilité. C’est dans ce but et dans cet esprit que nous avons entre-
pris quelques recherches sommaires sur le temps de réaction chez
les déments précoces.
Cette étude n’a pas pour objectif de mesurer l’attention et, non
plus, celui d’évaluer la vitesse de Ia transmission nerveuse. Tout en
nous foumissant, sur ces divers points, des indications précieuses,
elle se propose simplement de rendre compte du tempsderéactioa
aux excitations et des conditions de l’irritabilité réflexe.
Ce sont là des recherches qui ont souvent été tentées et sur les-
quelles nous possédons, déjà, des documents assez nombreux.
Bien qu’elles n’aient pas été entreprises dans le mème but, ces
recherches antérieures sont très importantes pour nous, en ce
qu’elles foumissent des matériaux très intéressants sur le temps de
réaction chez les individus normaux.
En 1875, Vintschgau et HOnigschmied ontindiqué commetemps
de réaction moyen, chez les individus normaux, après excitations
tactiles : 0” 1563 —0” 1790 —0” 1299 (1).
En 1888, M. A. Rémond (de Metz), dans une thése inaugurale qui
aujourd’hui encore, reste le meilleur guide pour l’étude de ces ques-
tions (2), employant, lui aussi, des excitations tactiles, donne comme
temps moyen le chiffre de 0” 1632.
Pour les excitations auditives, Wundt (3) note les résultats sui-
vants : Wundt 0” 167 — Hirsch 0” 149 — Hankel 0” 1505 -
ExnerO” 136.
(1) Cité par Vaschide et Meunier, La pathologie de f attenlion. Paris, Bloud,
1908.
(2) A. Rémond, Contribulion ù ttíude de la oiletse des couranU nerveux et 4*
la durie des actes psyehiques les plus simples d Citat normal el á Cilat patMs-
gique. Thèse de Nancy, 1888.
(3) Wundt, Eliments de psychologie physiologique, traduit par le D' Elie
Rouvier. Paris, Alcan, 1886.
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TROUBLES DU MOUVEMEM
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Obersteiner, cité par Vaschide et R. Meunier (1), a conclu de
ses recherches sur le temps de réaction, à un ralentissement général
de toutes les fonctions mentales dans la période <T affaiblissemeni
psychique qui précède l’imbécillité (?).
Buccola, en 1885, a noté chez les déments un allongement consi-
dérable du temps de réaction. Cet allongement du temps de réaction,
caractéristique de ce qu’il appelle l’atrophie de l’attention, a été
signalé aussi par Riboten 1889, dans les troubles hystériques et la
psychasthénie.
M. Rémond a remarqué que le temps de réaction subit, chez les
persécutés et les hallucinés, un allongement constant déjà noté
par Vintschgau, Obersteiner et Buccola et il attribue cet allonge-
ment & la distraction causée par le délire.
Enfin, M. A. Marie a lui aussi observé un allongement considé-
rable du temps de réaction chez les déments.
Tous ces résultats sont assez peu comparables entre eux, en
raison de la différence du matériel employé par les différents au-
teurs et de l’excitant choisi.
Le procédé que nous avons adopté pour nos recherches est ana-
logue à celui qui servit autrefois à Patrizzi et qui, plus récemment
a été utilisé par M. Pierre Janet. Les temps de réaction ne sont pas
lus sur un chronomètre de Hipp ou de d’ArsonvaI,mais ils sont ins-
critssur le tambour enregistreur de Marey à l’aide d’un signal élec-
trique. L’excitant employé a été le son d’un timbre; mais, à la diffé-
rence de M. Janet nous n’avons pas cru devoir nous servir d’un
signal automatique; pour éviter l’automatisme et la stéréotypie
des réactions, nous avons adopté, malgré ses inconvénients, le
signal à main. Enfin, nous avons tenu compte de tous les temps
obtenus et nous n’avons pas, comme la plupart des auteurs, cru
devoir négliger les premiers, de manière à obtenir une accoutumance.
Nous nous sommes contenté, avant chaque essai, d’expliquer au ma-
lade, par une démonstration, ce que nous désirions obtenir de lui.
Nous avons fait, tout d’abord, un certain nombre d’essais chez
des individus normaux, de manière à posséder un point de compa-
raison établi sur des recherches faites dans les mémes conditions
que celles que nous nous proposions d’entreprendre.
(1) Vaschide et Meunier, loc. cil.
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Descriplion sommaire du matériel employé et de la lechniqae
suioie. — Dans le circuit électríque foumi par un élément Leclanché
ont été intercalés : un électro-aimant (signal électríque) agissant
sur une plume de fer doux qui se déplace sur le cylindre enregistreur
de Marey et un timbre à son clair sur lequel frappe un marteau à
main. Le courant aboutit d’un cdté au timbre et de l’autre cOté au
marteau. Chaque fois que le marteau frappe sur le timbre, le cou-
rant passe, la plume de fer doux est attirée et se déplace sur le tam-
bour enregistreur. Sur un point de leur parcours, chacun des fíls «
conduisant le courant au timbre et au marteau est dédoublé de
manière à amener le courant dans une presselle semblable à celle
en usage dansle dispositif du chronomètre électriqueded’Arsonval.
Toutes les fois que le sujet en expéríence serre la presselle, le cou-
rant passe, le morceau de fer doux est attiré et traduit son dépla-
cement par une inscríption sur le tambour de Marey. L’inscríption
faite au moment de Ia chute du marteau ne saurait ètre confondue
avec celle déterminée par la compression de la presselle, car la pre-
mière est constituée par un simple trait ou par un angle très aigu,
tandis que la deuxième l’estpar un angle très ouvert ou.plus sou-
vent encore, par une petite courbe à plateau; sauf dans les cas de
temps de réaction très retardé, il est préférable, de donner au cylin-
dre enregistreur une vitesse assez considérable, celle qui correspond
au déplacement angulaire de un tour en 9 secondes étant préféra-
ble.
Le tambour enregistreur toumant à une vitesse calculéeau métro-
nome, il est facile de calculer son déplacement en millimètres à la
seconde; il suffit ensuite de mesurer ladistance qui sépare l’excitation
de la réaction et de diviser Ie chiffre obtenu par celui qui représente
le déplacement du cylindre dans une seconde, pour connaltre faci-
lement et rapidement le temps de réaction.
Les recherches faites sur les individus normaux nous ont donné
des temps de réaction très bas, des temps de réaction très élevés et
des temps de réaction moyens. Les moyennes effectuées pour chaque
individu nous ont donné comme chiffre le plus éIevéO”231,comme
chiffre le plus bas 0”0764 et comme chiffre moyen 0” 16195. Un
certain nombre de particularités doivent étre mentionnées : le pre-
mier temps obtenu est toujours assez long et, fort souvent, il est
le plus long de ceux obtenus au cours du méme essai; on observe
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TROUBLES DU MOUVBMENT
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ensuite une sorte d’altemance, plus ou moins régulière, de temps
plus courts et de temps plus longs. Cette méme altemance se remar-
que aussi, mais moins régulière, dans la succession des moyennes
chez le méme individu. Nous avons enfin observé, chez les individus
qui donnent les temps de réaction les plus bas, un raccourcissement
progressif des temps de réaction moyens jusqu’à i’établissement
d’une moyenne qui paralt ne plus pouvoir étre dépassée, dans le
sens du raccourcissement.
i Nous basant sur les moyennes les plus fortes obtenues, nous consi-
dérons comme dépassant la normale les chiffres supérieurs à 0” 231.
Nos recherches sont évidemment trop peu nombreuses pour que,
nou8 appuyant sur eiles, nous soyons autorisé à porter un juge-
ment ferme. Cependant, si restreintes soient-elles, eiles n’en conser-
vent pas moins une valeur relative, et, à moins que nous ne soyons
tombè sur des cas absolument anormaux, ce qui ne paralt pas vrai-
semblable, nous sommes en droit de faire un peu état de ce qu’il
nous a été permis d’observer.
Or, les temps de réaction ont été, chez nos déments précoces,
constamment supérieurs à la moyenne la pius haute observée chez ,
les individus normaux; ces temps de réaction sont pius allongés chez
les déments hèbéphréniques que chez les déments catatoniques etplus
allongés chez ces demiers que chez les déments paranoides. Les di-
verses particularités dans la succession des temps, signalées chez les
normaux,se retrouvent encore ici, quoique avec une netteté moins
grande. Le trop petit nombre de femmes examinées ne nous permet
pas de tenir compte de ce fait que, chez elles, l’ailongement a été
moins considérable que chez les hommes.
II semble qu’il existe, chez les déments précoces, un retard. En
l’absence d’altérations organiques des organes sensoriels et, dans
i’espèce envisagée ici, de l’ouíe, ce retard provient soit d’un retard
de transmission entre le relais perception et le reiais aperception,
soit d’une altération de ce demier relais, soit enfin d’un retard entre
les deux reiais aperception et réaction. Les modifications dans la
transmission ne pourraient s’expliquer que par des altérations des
filets nerveux qui sont préposés à la conduction des impressions
périphériques et des ordres centraux. Or, de telles aitérations n’ont
pas été rencontrées dans la démence précoce. II convient donc de
rechercher maintenant si des altérations ont été observées au niveau
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REVUE DE P8YCHIATRIE
du deuxième relaia, c’eat-à-dire au niveau du neurone. C’est ce qui
va faire l’objet du prochain paragraphe.
V. Anatomie pat hologique du cerveau
dans la démence précoce.
L’obaesaion qui nous poursuit de la démence précoce pendant
de la paralysie générale a déterminé un gros effort dans le sens
de l’ànatomie pathologique de cette affection. Malheureusement,
l’étude de ce chapitre de la maladie de Kraepelin ne saurait étre
abordée qu’avec beaucoup de réserves. La démence précoce, en
effet, est une affection qui présente fort souvent des améliorations
au moins très voisines de la guérison et si, au moment où le malade
sort de la maison de santé, nous sommes parfois certains que sa
guérison n’est pas encore complète et qu’il n’est qu’amèliorè, nous
ne savons pas, dans la plupart des cas, ce qu’il adviendra par la
suite; s’il restera toujours simplement amélioré, s’il ne viendra pas
un jour où il sera complètement guéri et où Pon pourra affirmer qu’il
n’a pas été atteint de démence précoce; nous ne savons pas, non plus
s’il ne sera pas ultérieuement interné ailleurs. D'un autre cfité,
à l’égard des malades dont l’internement est définitif et qui meurent
après vingt ou quarante ans d’asile et quelquefóis plus, il est difi-
cile, au moment de l’autopsie, de dire quelles sont, parmi Ies lésions
macroscopiques ou microscopiques rencontrées, celles qui peuvent
sans causes d’erreur, et avec certitude, étre mises sur le compte de
la démence précoce elle-mème; étre séparées de celles qui sont causées
par les progrès de l’Sge, par l’affection intercurrente qui a causé la
mort et qui, si minime soit-elle, est toujours capable de produire
des déterminations sur un cerveau aussi prédisposé que celui d’un
dément précoce, ne serait-ce que par le fait de la maladie elle-méme,
8Ì Pon fait abstraction de tout ce qui peut avoir trait à la prédispo-
sition héréditaire primitive de ces malades. D’autre part enfin,
fréquents sont les cas dans lesquels la mort survient dans les
tout premiers temps de la maladie et où, après avoir faitle diagnostic
de démence précoce, on s’aperqoit à l’autopsie que le syndrome
observé était symptomatique d’unemaladienettementcaractérisée,
qu’en réalité on a commis une erreur de diagnostic; cette erreur est
fréquente au cours de la méningite tuberculeuse chez les adolescents.
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TROUBLBS DU MOUV’EMBNT
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M. Chantemesse a signalé, il y a bien longtemps, ces formes
anormales de la méningite; depuis, de nombreux cas en ont été
signalés et, parmi ceux-ci, je me contenterai de citer, parce que les
plus récents, ceux qui ont été publiés par M. Walh (1).
On a ébauché une sorte d’historique de ce chapitre et l’on a
trouvé dans Parchappe des indications qui ont peut-étre seulement
le défaut de ne pas s’appliquer, d’une manière très évidente, à la
démence précoce telle que nous la connaissons aujourd’hui. II n’est
pas toujours très facile, en s’aidant d’observations par trop an-
ciennes, de faire des diagnostics rètrospectifs.
Parchappe a remarqué que, dans la démence précoce, les lobes
antérieurs sont plus étroits, plus courts, plus pointus, que les circon-
volutions sont amincies, que les sillons ont une tendance à s’effacer.
II a observé, enfin, que cette atrophie intéresse beaucoup plus la
substance grise que la substance blanche.
Marcé, le premier, a dècrit des lésions histologiques : atrophie et
déformation des tubes nerveux, destruction et dègénérescence
graisseuse des cellules nerveuses dont les connexions sont rompues.
Plus près de nous, Kahlbaum, en 1874, a décrit dans la catatonie
au début, une hyperplasie, suivie ensuite d’une atrophie du cerveau.
L’arachnolde est opaque, surtout au niveau de la base et I’exsudat
arachnoldien est également prédominant au niveau de la fosse
sylvienne, ainsi qu’au niveau des deuxième et troisième frontales.
Alzheimer a observé,dans des cas aigus de catatonie, des altéra-
tions des cellules de l’écorce, surtout au niveaudescouchesprofondes:
tuméfaction notable des noyaux, plissement de la membrane nu-
cléaire, rétraction dégénérative du corps cellulaire et néoformation
des fibrilles névrogliques qui entourent les cellules.
Hecker a pu faire l’autopsie d’un hèbéphrénique chez qui il a
observé une pachyméningite localisée aux lobes frontaux, avec
injection de la pie-mère : au dessous, le cerveau était pauvre en cir-
convolutions, la substance corticale était hyperhémiée et les ventri-
cules ètaient dilatés. La pachyméningite était moins intense au
niveau de la moelle.
Nissl, dans des cas à évolution chronique, a noté des modifications
(1) Wahl : A propos de cas rares et anormaux dc méningite tuberculeuse
Soeiài mtdicale de CYonnc, 2 février 1911.
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profondes des cellules avec destruction du noyau. Mais il n’a pas
observé d’atrophie de l’écorce. Les couches profondes renferment
des cellules névrogIiques,nombreuses et grandes,en voiederégresaion.
De gros noyaux névrogliques entourent les cellules malades de
l’écorce et certains les envahissent.
La contribution la plus importante qui ait été apportée jusqu’iei
à l’étude histologique du cerveau dans la démence précoce, est ceUe
de M. Klippel (1). II distingue dans Ia démence précoce des lésione
préalables d’ordre congénital et celles-ci ne nous occupent pas,
des Iésions immédiates, et des lésions consécutives, ces demiirtt
banales.
Les lésions immédiates, les seules importantes en I’occurrence, sont
principalement localisées sur les centres d’association et particuKè-
rement sur les neurones. II s’agit d’une atrophie du neurone avee
abrasion de ses prolongements et évolution granulo-pigmentaire de
sa substance protoplasmique. En somme, les caractères histologi-
ques de la démence précoce sont les mémes que ceux de la démence
vésanique.
Des observations éparses publiées jusqu'ici on peut retenir
les suivantes : M. Matschenko (2) a noté une diminution du nornbie
des cellules qui présentent une dégénérence pigmentée et graisseose
avec désagrégation des fibres d’association, ces lésions étant aw-
tout marquées dans les lobes frontaux. Cet auteur a constaté des
altérations vasculaires qu’il considère comme primitives.
M. W. Rush Dunton (3), chez un catatonique mort de tuberco-
lose deux ans et demi après le début de la maladie, a observé : dans
les grandes cellules des circonvolutions frontales, une pigmentatkm
commengante, de la chromatolyse centrale, de la dégénérescence
anguleuse avec chromatolyse en amas & la périphérie; prolongemenU
courts et fracturés, altérations nucléaires. Dunton signale aussi
des altérations de la névroglie.
Dans un deuxième cas (4), l’auteur a observé les mémes altérations
(1) Klippel et Lhermitte, Démence précoce, Anatomie patbologique et pailio-
génie. Revue de psychiatrie, février 1904.
(2) Matschenko, Revue neurologique, 1900, p. 76.
(3) W. Rush Dunton, Report of a case of dementia praecox with' autopsy,
Ameriean joum. of insaniig, 1903. Anal. in Annales médico-psyeh., 1903, tome 11,
p. 312.
(4) Rush Dunton, loc. cit., Annales médico-psych., 1905, tome I, p. 331.
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TROUBLES DU MOUVEMENT
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auxqueUes s’ajoute une fréquente torsion des cellules pyramidales
sur leur axe.
Les constatations faites par MM. Legrain et Vigouroux (1),
chez un dément catatonique, dégénéré, mort de tuberculose &
23 ans, sont, pour ainsi dire, négatives.
M. Agostini (2), chez quatre déments hébéphréno-catatoniques,
a observé des altérations au niveau des circonvolutions frontales,
de la zone rolandique, des circonvolutions temporales et, cela,
surtout dans l’hémisphère gauche: vacuolisation, atrophie, désinté-
gration et disparítion des cellules, agglutination du réticulum neuro-
fibríllaire, diminution des fìbres d’association.
Nous ne parlons pas des observations publiées de malades autop-
siés 15 et 20 ans après le dóbut de leur maladie et où, au contraire
de ce qui a été fait par M. Klippel, le départ n’a pas été établi entre
les différentes lésions rencontrées.
II est incontestable que les diverses constatations faites ne concor-
dent nullement les unes avec les autres. Certes, les altérations cellu-
laires signalées sont toutes semblablesjnous avonsmontré.autrefois,
que la cellule nerveuse n’a pas plusieurs fa^ons de réagir. Le tout
serait de savoir si ces altérations qui, partout, ont été signalées,
sont primitives ou secondaires, non paspar rapportà des altérations
vasculaires, mais à des altérations subies par les prolongements.
II importe, en effet, de remarquer que ces altérations des prolongo-
ments sont celles qui sont le plus fréquemment signalées et par tous
les auteurs : c’est la seule notion qui soit de consentement universel.
A còté de cela, il convientde noterque, sauf quelques exceptions, les
iĹsions sont ordinairement localisées sur les lobes frontaux. Les loca-
lisations cérébrales ont perdu, depuis très longtemps, l’importance
capitale qu’on leur attríbuait autrefois; mais l’existenced’unezone
sensitivo-motríce nettement dtfinie n’en reste pas moins un fait
acquis dans la physiologie cérèbrale. II s’ensuit donc que la localisa-
tion des altérations histologiques de la démence précoce au niveau
des lobes frontaux, met hors de cause la région des centres supé-
rieurs qui pourrait caractèriser les troubles moteurs; dans ces
(1) Legrain et Vigouroux, Sociili midlco-psychologique, 20 octobre 1906.
Annalu midieo-psych., 1906, L I, p. 97.
(2) Agostini, Sur l’anatomie pathologique des centres nerveux dans la démenco
primiUve. Annali dcl manicomio provincialt di Perugia, 1907, fasc. 1 et II.
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conditions nous pouvons dire, en confrontant les résultats consignés
dans ce chapitre avec ceux que nous avons exposés dans Ies précé-
dentes parties de ce travail, que les troubles moteurs de la démence
précoce n’ont pas une origine directement organique.
V. — Condusiona.
1° Les phénomènes moteurs ne peuvent, dans ce complexus
auquel on donne le nom de démence précoce, caractéríser nette-
ment que la forme dite catatonique; celle-ci, en dehors de toute
question doctrínale, est la seule qui, au point de vue de la motri*
cité, semblerait avoir une existence bien autonome. Mais la réa-
lité de cette autonomie est très ébranlée par le fait que ces phè-
nomènes moteurs constituent un ensemble se retrouvant au cours
de syndromes mentaux qui ne sont pas de la démence prècoce :
ces syndromes mentaux sont les états confusionnels, que ces étafa
confusionnels apparaissent dans I’enfance, dans I’adolescence,
dans l’fige múr ou dans la vieillesse; qu’ils reconnaissent pour
cause une intoxication, une infection (intoxination), des altèratioos
cèrébrales disséminées dues & un traumatisme, & la sénilitè ou 4
toute autre cause.
2° Les troubles du mouvement que l’on observe au cours de la
démence hèbèphrènique et de la démence paranolde participent,
eux aussi, d'états divers, formes d’excitation en général, dèmences
vésaniques et, ici aussi, états de confusion.
3° Ges phènoménes moteurs ne semblent pas, comme l’a dit Krae-
pelin des phénomènes cliniques généraux de la démence précoce,
pouvoir étre mis directement sur le compte de lésions profondes
des èlèments cellulaires de l’écorce cérébrale, en ce sens que les
lèsions observées laissent & la fonction musculaire toute sa poten-
tialité et lui permettent de redevenir, suivant les circonstances,
ègale à ce qu’eile était autrefois.
4° Ces troubles présentent donc les caractères de ceux auxqueb
on donne, pour la commodité de l’étude, le nom de troubles fonc-
tionnels. II faudrait, pour que nous puissions nous prononcer d’une
fajon formelle sur leur nature, que nous ayons des certitudes sur
l’orígine du mouvement volontaire.
« L’orígine du mouvement volontaire » dit Mosso « a toujours
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TROUBLES DU MOUVEMENT
329
été le príncipal écueil de la physiologie, et raalheureusement, c’est
nn problème si important que tous doivent s’en occuper et spéciale-
ment les philosophes »; mais, malgré cet appel déjà ancien, cette
orígine n’est pas encore élucidée et, de ce còté-là, nous ne sommes
pas plus avancés que les physiologistes ne le furent, après qu’au
xvn* siècle Alphonse Borelli efit publié ses demiers travaux.
Pourtant, le mécanisme d’une fonction ne tient pas exclusive-
ment dans ses orígines et notre curiosité peut s’exercer avec fruit
aur son développement et sur ses conditions mécaniques. Les travaux
de Plechsig sur les centres d’association, qui ont eu pour heureux
effet de modérer, dans ce qu’elle avait d’excessif, la doctríne des
localisations cérébrales, nous ont ouvert, de ce còté-là, un champ
qu’il n’est jamais sans profit d’explorer. Les recherches histologi-
ques faites dans la démence précoce en sont une preuve évidente :
toutes, ou du moins la plupart, et, dans tous les cas, celles qui ont
été le plus patiemment suivies.on abouti à un résultatquicorrobore
des inductions anciennes : les lésions observéés sont presque exclu-
sivement cantonnées dans le grand centre d’association frontal
ou antérieur, elles intéressent les corps des neurones et, surtout,
leurs prolongements. Ce n’est donc plus seulement une hypothèse
que de considérer les manifestations cliniques du syndrome dans
lequel on observe de telles altérations, comme I’expression de trou-
bles de l’association.
Dans la démence précoce, en effet, plus qu’ailleurs, le cerveau
apparalt véritablement comme ayant perdu ces qualités qui font
de lui le grand harmonisaleur de Blainville. Mais, qui dit harmonisa-
tion dit par cela méme régulation; or, la régulation cérébrale tient
toute entière dans l’inhibition. II semble bien que, dans la démence
précoce, cette inhibition soit en défaut. Les altérations d’au moins
un centre d’association et du plus important, peut-étre, ne peuvent
avoir pour résultat que d’appauvrir le champ de la conscience;
de telle sorte que les rares représentations capables d’y surgir, ne
rencontrant phis devant elles des représentations antagonistes pré-
existantes ou par elles provoquées stationnent Iongtemps et détermi-
nent ce queM. Ettore Patini (1) a appelé la persévération des fonc-
tions psycho-physiques. Aussi, en l’absence d’unmotif contrastant,
(1) E. Patini i ìoe. eit.
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le procesaua inhibiteur ne peut agir et toute régulation dńpanlt
Mais, le trouble de l’inhibition ne se résume pas aeulement dam
cetteabsenced’évocation d’un autre motif; il tientencoreà l’impos-
sibilité probable où se trouve le dément précoce d’évoquer ou de
retenir plusieurs motifs à la fois dans le cbamp de sa conscienct;
aussi s’il advient quelquefois qu’une idée évoque dans ce champ
l’idée antagoniste, cette demière devient prédominante et le aéga-
tivisme se produit.
Ainsi, les troubles moteurs de la démence précoce apparaiíaent,
non pas comme des troubles de la fonction motrice, mais bien plu-
tót comme des troubles de l’expression motrice : les muscles répon-
dent normalement à desincitations dont lesconditionssont faussées,
parce que les excitations ne déterminent plus, dans les centres
d’association, les réflexes dont les incitations doivent étre la résul-
tante ou ne provoquent ces réflexes qu’en nombre insuffisant.
Dans la démence précoce, la ríchesse cérébrale peut persister, maù
elle demeure & peu près latente et ne parvient à s’actualiser que
d’une fagon extrémement précaire : la réflectivité cérébrale est
troublée.
C’est assurément dans ce sens, voies d’association et réflexea
cérébraux, qu’avec Freud et M. N. Hostyleff (2) nous croyons qu’il
convient d’oríenter l’étude des phénomènes Ies plus divers de la
dèmence précoce.
(2) N. Kostyleff, NouvelleB recherchee sur lemócanismecérébral de It peniée.
Mercure dt France, 16 mara 1913, p. 284.
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GUKRISON RAPIDE DE PSYCHOSES AIGUÉS
SOUS L’INFLUENCE
D’INJECTIONS SOUS-CUTANÉES D’OXYGÈNE
'Par
les D r * Touloubb et Puillet
médecin en cbef Interae
de Vatilc de Villejuif.
Nous avons entrepris des recherches sur le traitement des états
psychopathiques par l’oxygène en injections sous-cutanées ou en
lavement. Nous donnons ici le texte de notre première communi-
cation sur les psychoses aiguès faite & la Société Médicale des Hfipi-
taux (1), et que nous compléterons par des publications ultérieures.
Nous apporterons, avec la relation de nouveauxcas traités, queiques
indications pour préciser la technique instrumentale, fixer les doses
et la durée du traitement selon les cas, employer concurremment des
adjuvants (le régime sans sel avec bromure, opothérapie glandulaire
et viscérale, sucre ,etc.) et nous montrerons la possibilité d’étendre
cette thérapeutique à des états psychopathiques anciens.
L’oxygène parait ètre un puissant modificateur de l’état de moindre
fonctionnement qu’on peut appeler provisoirement l’épuisement ner-
veux et qui, compliqué ou non d’intoxications apparentes, condi-
tionne à des degrés différents les psychopathies, de la neurasthénie
simple à la manie. Mème s’il ne faisait qu’apporter une rémission dans
le cours d’une psychose aiguè, il exercerait une action tout à fait nou-
velle. Car nous ne disposons actuellement d’aucun moyen de sus-
pendre par l’effet de notre intervention un accès de confusion ou de
manie, surtout de e suspendre au point que l’individu puisse avoir
toutes les apparences de la guérison et sorte de l’asile. L’hypothèse
d’une colncidence entre les modifications mentales et l’intervention
thérapeutique ne peut ètre retenue quand les cas se multiplient et
— mème dans les cas isolés — lorsque l’amélioration survient peu
après l’administration de l’oxygène, ou encore si les troubles mentaux
sont de ceux dont l’évolution habituelle se juge par mois ou bien s’ils
existent depuis plusieurs semestres sans avoir présenté de tendance
marquée vers l’amélioration. Quant à l’hypothèse d’une action de
suggestion, elle ne se pose pas chez des malades incohérents.
(1) Communlcation à la Société Médicale des Hfipitaux, 24 juillet 1913.
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332
RBVUB DB PSYCHIATRIB
L’oxygène ne change pas la valeur du cerveau qui reprend 1’éUt
antérieur et reste — s’il l’était auparavant — fragile aux causes p»y-
chopathiques. Si le sujet s’expose aux mSmes conditions — dont la
plus importante estla fatiguephysiqueetmentale—il pourraà nouveao
présenter des troubles mentaux, qui sont d’ailleurs curables de la
mème manière, comme nous avons pu l’observer. De mème l’alcoo-
lique qui guérit spontanément par l’abstinence délire à nouveau ion-
qu’il boit à nouveau, car son cerveau demeure sensibie au poisoti. II
en est ainsi pour tous les organes fragiles, — rein, coeur ou foie — que
la thérapeutique consiste à remettre dans l’état antérieur à unecriw.
Comment agit l’oxygène dans ces cas? Est-ce en apportant uneati-
mutation énergique aux opérations de nutrition des tissus etnoUm-
ment du tissu nerveux? Est-ce en favorisant la destruction des pro-
duits toxiques introduits du dehors ou venus du dedans, — peut-ètre
par suite d’un fléchissement de certaines fonctions glandulairesT
Quoi qu’il en soit, cette action doit retenir l’attention des aliéniates.
et provoquer des recherches nouvelles dans une voie si encourageante.
11 faut surtout déterminer les cas où l’oxygène peut agir. L’itude
détaillée des malades, de leurs réactions humorales, des óchangea
gazeux et liquides, peut fournir l’explication dela différence d’action
de l’oxygènejet cette analyse biologique dcs cas heureuxnous livrerait
du mème coup le processus physique qui conditionne tes psychoaes.
Ce qui est sùr, c’est qu’il faut tàtonner et persévérer. II nous est
arrivé d’abandonner des malades après un essai insuffisant, de lea
reprendre et de faire disparaltre les troubles menlaux.
Nous avons traité des états psychopathiques aigus par l’oxygène.
Nous sòmmes partis de cette idée que beaucoup de psychoses étaient
conditionnées par des troubles de la nutrition en rapport avec
du surmenage et des intoxications, et où les phénomènes d’oxyda-
tion étaient vraisemblablement ralentis ou perturbés.
Nous avons d’abord essayéde donnerl’oxygène en lavement(l).
Mais les malades ne gardaient pas l’oxygène dans leur rectum, etles
effets semblaient bien moins puissants qu’avec les injections sous-
cutanés. Nous avons alors eu recours aux injections sous-cutanées,
et nous avons employé, en le modifiant, l’appareil que M. Martinet
a décrit (2) et que cet auteur avec M. Heckel (3) ont utilisé dans le
traitement de malades hyposphyxiques, urémiques, etc.
(1) [Nous avons repris les lavemenls.]
(2) Bull. de Thérap., 25 avril 1913.
(3) Pruae Médieate, 26 mars 1913.
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' GUÉRISON RAPIDE DE PSYCHOSES AIGUES
333
Cet appareil se compose d’un systéme de deux flacons communi-
cants, pleins à moitié d’eau avec trois tubulures munies de robinets
et une poire soufflante. On remplit d’eau le flacon en rapport avec
le réservoir d’oxygène, puis on fait p^pser l’eau dans l’autre flacon,
pour remplacer dans le premier, l’eau par l’oxygène. En envoyant
ensuite de l’air dans le flacon plein d’eau on refoule le liquide dans
le premier flacon empli d’oxygène; et ce gaz peut ètre alors injecté
par le moyen d’un tuyau de caoutchouc et d’une aiguille hypoder-
mique. On peut graduer la vitesse avec laquelle I’écoulement se
fait. “■
Dans l’appareil décrit par les auteurs, il existe un obus qui foumit
foxygène. II nous a paru qu’il était plus commode de remplacer
l’obus par le ballon d’oxygène employé couramment.
Le flacon recevant I’oxygène ayant un volume connu, on peut
déterminer le volume d’oxygène détendu introduit dans le flacon.
L’oxygène, par son passage à travers l’eau, est lavé; et en fait
nous n’avons jamais eu Ie moindre accident septique pour un nombre
d’injections qui dépasse 100.
Voici comment nous procédons. Nous faisons des injections à Ia
face exteme de la cuisse, mettant environ dix à quinze minutes
pour une injection de 500 centimètres cubes. Nous employons natu-
rellement les précautions antiseptiques courantes (nettoyage de la
peau à l’étber).
Les doses habituelles ont été de 120 à 150 centimètres cubes
pour la première injection, de 200 à 250 centimètres cubes pour les
deuxièmes et de 500 centimètres cubes pour les suivantes.
Une fois la dose de 500 centimètres cubes atteinte, nous avons par-
fois espacè les injections qui, au lieu d’étre quotidiennes, étaient
faites tous les deux jours. En procèdant graduelleraent, on prépare
ainsi la région à recevoir les doses croissantes d’oxygène.
La douleur est faible et disparalt rapidement
Immédiatement après I’injection, la peau présente une coloration
rouge très accentuée, les veines sous-cutanées sont trés apparentes.
II se développe un emphysème sous-cutané, qui s’étend parfois à
toute la face exteme de la cuisse et qui disparalt lentement, géné-
ralement de six à douze heures. II est bon de ne faire une injection
que tous les deux jours, opérant un jour sur la cuisse droite et le
lendemain sur la cuisse gauche.
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334
RBVUB DB P8YCHIATRIB
Nous n’avons pas observé d’autres réactíons locales : anesthéaie,
névralgies, cedóme; et nous n’avons jamais remarqué de lymphan-
gite.
Les réactíons générales ne sont pas apparentes du c6té de U
circulation, de la respiratíon ni de la température.
Nous n’avons pas méthodiquement étudié I’action de l’oxygène
sur les échanges de la respiration ni sur les excrétíons urinaires,
nous proposant de le faire ultérieurement.
Nous pouvons dire que le poids des malades avait une tendance &
augmenter.,
L’appétit était augmenté notablement et rapidement, et les fonc-
tions digestives s’effectuaient normalement, sans diarrhée ni consti-
patíon.
Les réactíons du cdté des fonctions nerveuses et mentales étaient
plus accusées après l’injection. Les malades éprouvaient une sensa-
tion de calme, de repos, légère après les premières injectíons, qni
s’accentuait peu & peu au cours du traitement.
Le sommeil était plus profond.
Mais ce qui était remarquable, c’était l’effet sur l’excitatíon et
la lucidité des malades agitées et confuses. Quand l'effet était favo-
rable, il était précoce. Le jour mème, il y avait une tendance vers
le calme et le retour & la lucidité. Le lendemain, cette tendance
s’accentuait, et, en quelques jours, survenait un changement com-
plet, méme une disparítion des troubles mentaux. Cette rapidité
d’actíon dans les maladies dont I’évolutíon est généralement longue
ctait caractérístique et nous a convaincus que l’oxygènatíon était
bien la cause des changements.
Les malades, améliorées et guéríes, racontaient, après conp,
leurs impressions. L’une d’elles, par exemple, disait : « Dès Ies pre-
mières piqfìres, je me suis sentie plus calme, je dormais mieux, je
faisais plus attention & ce que l’on me disait. Je pouvais suiort
davanlage mes idées. » Cette malade précisait en mème temps, lea
indications de ce traitement, qui paralt devoir s’adresser de préfé-
rence aux sujets dont toute la maladie consiste dans un dèsordre de
ce que nous avons appelé, avec Mignard, Vautoconduction, et qui
est proprement la perte du pouvoir de direction des idées et des actes,
livrès au pur automatisme. Dans ces états, au début tout au moins,
il ne semble pas qu’il y ait des désordres ana’omiques importants,
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GUÉRISON RAPIDB DE PSYCHOSBS AIOUES
335
poìsque la guéríson spontanée survient assez vite et paralt complète,
laisaant, comme toutes les maladies viscérales, les sujets plus vul-
nérables aux mémes causes morbides qui les ont une fois touchés,
ce qui est un fait général et non spécial & la pathologie mentale,
comme on le crolt communément.
Ces états comprennent, d'ailleurs, une part des psychoses aigués
appelées manie, confusion mentale, psychose maniaque dépressive.
Ils paraissent provoqués habituellement par le surmenage physique
etintellectuelet par Ies infections (notamment la puerpéralité chez
Ia femme) s’exerijant sur des cerveaux fragiles.
Voici deux cas démonstratifs :
Obs. I. — H... (Marguerite), vingt-huit ans.
Pas d’antécédents morbides importants & signaler. Une grossesse
ii y a quatre ans. Deuxième grossesse, terminée en janvier 1913.
Marguerite á nourri son enfant, s’est fatiguée beaucoup dans son
ménage et a eu des contrariétés graves pour des affaires de faraille.
Ces trois causes réunies ont provoqué des troubles mentaux, qui ont
commencé dans les premiers jours de mai 1913. Elle se livra & des pro-
pos incohérents et des gestes extravagants, se promenant sur le toit
de sa maison et paraissant vouloir se suicider. C’est dans ces conditions
qu’elle fut internée le 18 mai 1913.
A son arrivée dans le service, à Villejuif, elle était dans un état de
dépression marquée, avec mutisme presque complet. Elle paraissait
très confuse, désorientée, faisant effort pour répondre par signes aux
questions les plus simples. Elle dormait mal et semblait avoir des cau-
chemars. II fallait la faire manger. Au point de vue physique, un peu
de température, à son arrivée, qui n’a pas persisté. Les seins sécrétaient
quelques gouttes de lait et il n’y avait rien d’apparent du còté des
organes génitaux. Pas d’agitation.
Cet état se maintint sans changement appréciable jusqu’au 6 juin,
c’est-à-dire pendant 19 jours. Ce jour-là, on commence le traitement
par l’oxygène. Et on lui donne un lavement d’oxygène de 200 centi-
mètres cubes environ. Comme le gaz ne paraissait pas gardé par le
rectum, on remplace, le 10 juin, le lavement d’oxygène par des injec-
tions sous-cutanées de 250 centimètres cubes, puis 500 centimètres
cubes, qu’on répète tous les deux jours jusqu’au 28 juin.
Le lendemain, 11 /uin, la malade fait son lit, demande à se coiffer,
répond assez correctement aux questions, à voix basse. Le 12 juin,
elle mange seule et commence à s’intére9ser à ce qui se passe autour
d’elle.
Le 14 juin, elle regoit la visite de son mari, lui cause longuement
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336
REVUE DE PSYCH1ATRIE
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et lui demande des nouvelles de ses parents. Elle lit les joumaux et
demande sa sortie. Le 16, elle travaille à la couture. Le 18, elle deman-
de à aller à une fète donnée dans l’asile.
Les troubles mentaux disparurent complètement. Et la malade re-
vint vers le 25 juin à l’état normal. Elle se souvient de sa maladie
et de ses tentatives de suicide et aussi qu’on l’a emmenée à l’asile.
Elle se souvient moins bien de ses cauchemars (elle voyait des soldats
qui la poursuivaient et croyait qu’on voulait lui faire du mal). Elle ne
pouvait causer parce qu’elle ne trouvait ni les mots ni les idées dont
elle avait besoin el ne pouvait plus fixer sa pensée .
Elle ne se rend pas compte du moment où elle a commencé à aller
mieux; elle a vu qu’elle allait bien lorsqu’elle a repris ses occupations
ordinaires et qu’elle s’intéressait à son mari. Elle ne peut préciser
le jour où elle a mangé seule et fait elle-mème sa toilette; elle ne se
rappelle d’ailleurs pas qu’on la faisait manger. Elle se sent reposée et
dort bien. La physionomie a changé et pris un aspect normal.
Elle est encore pàle et maigre bien que son poids ait passé de 39 kilos
à 43 kilos 600.
Cet état s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui (18 juillet). Cette malade
a été mise en liberté le 5 juillet 1913 (1).
En résumé, il s’agit d’un cas de confusion survenu à l’occasion
de fatigue physique et morale au cours de la lactation. Ce sont là
des circonstances qui paraissent très favorables au traitement par
I’oxygène. Ce qui est démonstratif, c’est que dès le lendemain de
la première piqùre, l’état mental se modifie et en quelques jours la
guérison est obtenue.
Obs.1I. — Tr... (Elisabeth) dix-sept ans, domestique.
Rien à noter d’important dans ses antécédents. Surmenage physi-
que, grippe légère vers le 15 mai 1913. Le 21, début des troubles men-
taux (Excitation, cris, chants, pleurs, insomnie, logorrhée, anorexie).
La malade est placée à l’hèpital de la Pitié le 21 mai 1913. A cette
époque, son état rappelait les périodes d’excitation du début de la
démence précoce, diagnostic qui fut d’ailleurs posé à Sainte-Anne le
26 mai 1913.
A son entrée dans le service le 26 mai 1913, elle est placée dans un
quartier de malades agitées et présente le tableau de la confusion
mentale très marquée, avec excitation (désorientation, troubles
de l’auto-conduction, attention diminuée, amnésie, agitation motrice,
(1) [Cette malade, d'un faibleniveau intellectuel, fut laissée sans surveiDanee
par son mari, voyageur de commerce. EUe fOt entratnée par des gens sans aveo
qui la surmenèrent. Elle retomba malade, nous revint et fut à nouveau guérie.]
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GUéfUSON RAPIDB DB PSYCH0SE8 AIGUB8
337
logorrhée). On ne constate pas d’hallucinations. Refus d’aliments.
Insomnie.
Cet état persiste presque sans changement jusqu’au 13 juin, époque
à laquelle on commence les injections d’oxygène. Le lendcmain, le 14,
elle reste calme toute la matinée et cause raisonnablement. Le soir,elle
présente encore un peu d’excitation; elle regoit alors une injection de
250 centimètres cubes d’oxygène.
Dans la nuit du 14 au 15, elle dort. Les jours suivants, on lui fait
des injections de 500 centimètres cubes, tous les deux jours, jusqu’au
28 juin 1913. Le calme s’établit rapidement. Le 16, elle s’habille seule
et fait sa toilette; elle commence à s’occuper et regoit bien sa famUle.
Le 23, elle est placée dans un quartier de malades tranquiUes. Depuis
cette époque l’amélioration s’est accentuée. Dès le 25 juin, elle est en
pleine convalescence. A ce moment, eile se rappelle son état d’agi-
tation, et de confusion et raconte : Je ne pouvais paa m’empicher de
causer sans cesse parce que mon mal ilait plus forl que moi. EUe travail-
lait régulièrement.
L’amélioration physique a suivi la mftme marche, son poids est
passé de 37 à 42 kilos 600.
Cette malade est sortie le 12 juiUet 1913.
Le second cas paralt calqué sur le premier. II s’agit d’une jeune
femme surmenée qui tombe dans un état de confusion, mais avec
excitation, tandis que la première présentait de la dépression. La
confusion était égale dans les deux cas; et & leur guérison, les deux
malades accusent les mémes troubles de l’auto-conduction, la diffi-
culté de diriger leur pensée, qui paralt dans ces psychoses aigués Ies
plus communes, le trouble essentiel. Le traitement agit dès les pre-
mières piqúres et en quelques jours amène une guérison complète.
Nous avons parallèlement essayé I'oxygénation dans des cas un
peu différents, notamment chez des malades atteintes de troubles
anxieux, & caractère mèlancolique, avec appoint alcoolique. Les ré-
sultats ont étè encourageants sans avoir la netteté des cas sélec-
tionnés.
Obs. III. — M... (Louise), trente-trois ans.
Avant son entrée dans le service (18 mars 1913), elle a fait une ten-
tative de suicide, présente des idées de culpabilité (elle croyait avoir
tué son enfant) et était sujette à de fréquentes crises d’anxiété avec
agitation et idées de suicide. Probablement a-t-elle fait des excès alcoo-
liques.
A son entrée, on observe un état de confusion très intense, mais
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REVUB DB PSYCHIATRIB
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avec des crises d’anxiété; elle présente des impulsions et cherche sans
cesse à s’étrangler, à se jeter par les fenètres. EUe ne dort pas. EUe
est amaigrie et doit ètre nourrie à la sonde.
Cet état dure jusqu’au mois de mai. EUe est alors un peu plus calme,
ne s’alimente pas et présente assez souvent des crises d’anxiété avec
tentative de suicide.
Le 13 juin on commence des injections d’oxygène. Le 16, eUe
mange seule. EUe prósente une crise d’agitation très vive. qui dure
quelques heures, puis elle se calme. Les jours suivants, elle continue
à s’alimenter seule; l’anxiété diminue, la confusion est moins prononcée
une légère amélioration apparaft et s’accentue.
Actuellement (16 juillet 1912) la malade est mieux; elle se rend
compte de son état, mais est encore sujette à des crises d’anxiété plus
courtes qu’à son entrée. L’état physique est meUleur. Le poids, qui
était tombó à 46, est de 48 kilos 600.
Obs. IV. — Le 4 novembre 1912, H... fait un accouchement normal
(travail extrèmement long).
Seize jours après,elle se lève; le lait diminue et lestroublesmentaux
débutent par l’anxiété. Elle croit que son enfant va mourir; elle a de
l’agitation désordonnée et fait plusieurs tentatives de suicide (coup
de rasoir dans le ventre, raenace de se jeter dans la Seine).
A son arrivée, 7 février 1913, elle est dans un état de confusioo
très marquée avec désorientation, automatisme des idées et des gestes,
anxiété.
MM. Mignard et Provost présentent cette malade à la Société
clinique des maladies mentales le 17 mars 1913, comme confusion
mélancolique d’origine toxique, caractérisée par des troubles intellec-
tuels dépendant uniquement de l’état,de l’attention et de l’affectivité.
En juin 1913, elle est toujours très anxieuse et répète d’une fa^on
monotone les mèmes plaintes.
On commence les injections d’oxygène le 13 juin.
Le 17, une légère amélioration se dessine et s’accentue peu à peu.
Actuellement, le 16 juillet 1913, elle se rappelle les circonstances de
son entrée à l’asile, reconnatt que les idées qu’elle se faisait sur l’état
desonenfant devaient ètre exagérées; elle commence à s’occuper, dort
mieux, s’alimente seule; son état physique est meilleur, son poids a
augmenté de 1 kilo.
Pourtant elle a encore quelques périodes d’anxiété, mais beaucoup
moins accentuées qu’à son entrée dans le service. En résumé, confu-
sion mentale intense en voie d’amélioration (1)*
(2) [Nous avions abandonnéla malade qui semblait ne plus progresser. Puis
nous Pavons reprise en lui donnant parallèlement de Toxygène et du bromure
sans sel. Elle guérit rapidement et sortit.)
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UMIVERSITY OF MICHtGAN
GUèHISON RAPIDE DE PSYCHOSES AIOUES
339
Enfin.nous sommes arrivés à étendre l’application de l'oxygéna-
tion à desagitations chez des démentes(l),pourcombattrel’insomnie, ■
et aussi chez des épileptiques à accès fréquents. Dans la plupart
des cas, nous avons obtenu une diminution de l’agitation ou de l’in-
somnie. Nous reviendrons ultérieurement sur nos expériences con-
cemant les épileptiques.
De nos expériences il résulte que l’oxygène en injection sous-cuta-
née, qui eet un traitement inoffensif, a paru avoir une action cura-
tive dans nos deux cas de confusion mentale simple au début, avec
agitation ou dépression, et manifestant un trouble de l’auto-conduc-
tion qui est le type de la folie aigué. La brusquerie du changement
parut étre la meilleure preuve de son efficacité. Le retour à l’état
normal était complet et l’on est autorisé à parler de guérison.
Dans d’autres cas, l'action fut moins dècisive, tout en étant par-
fois importante, et confirma le rèsultat favorable obtenu ailleurs(2).
Nous avons pensé à associer l’oxygène à d’autres traitements, tels
que le bromure combiné avec l’hypochloruration qui diminue
l’automatisme mental.
Quand on pense que le méd ecin est actuellement désarmé en pré-
sence des psychoses aigués, curables spontanément mais dont l’évo-
lution peut étre si longue et contre lesquelles il n’a aucun traitement
curatif établi, on comprend l’intérét d’un moyen thérapeutique
comme I’oxygène qui peut avoir, dans des indications, que nous
cherchons à déterminer d’une maniòre plus prècise, une action aussi
efficace. C’est ce qui nous a engagés à attirer l’attention sur ces
premiere faits si intéressants et qui méritent de provoquer d’autres
recherches.
(1) [Aux confusions de la démence sénile et de la paralysie générale.]
(2) [On remarquera qu'une des malades guérit eprès une rcprise de traite-
ment.]
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REVUE DES SOCIÉTÉS
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GONGRÈS DES ALIÉNISTES DES PATS DE LANGUE
FRANgAISE
(Le Pug, aoúi 1913)
Des indications opératoires chez les aliénés au point de tm
thérapeutique et médico-légal, par M. Lucikn Picqué (1). —
Depuis un demi-aiècle, psychiatres et chirurgiens ont compris de
facon bien différente l’action de la chirurgie sur les troubles de l’es-
prit.
Les uns ont agi directement sur le cerveau ou ses enveloppes, mais
leurs tentatives sont encore peu nombreuses et trop incertaines
pour foumir les bases d’une chirurgie rationnelle.
D’autres chirurgiens, et ce sont les plus nombreux, recherchent
depuis quelques années dans le traitement chirurgical de foyen
pathologiques < privilégiés ■ et situés en dehors du cerveau la guéri-
son de certaines formes de délire. Dans cette voie où je suis engagé
moi-mème depuis près de trente ans < de nombreuses guérisons • ont
été annoncées. Pour ma part, je n’en ai réuni jusqu’à présent qu'un
petit nombre sur un total de 2.666 opérations pratiquées dans mon ser>
vice de Saint-Anne, jusqu’au l* f janvier 1913. Ce chiffre global de
2.666 opérations comprend314 spychoses organiques et383 psychoses
congénitales, au total 697 malades chez lesquels j’ai pratiqué des
opérations d’urgence. II reste 1.969 maladeschez lesquels la chirurgie
a donné des résultats variables.
Je pense qu’à l'heure actuelle, il convient encore de se mettre en
garde contre ie mirage parfois dangereux des statistiques opératoires
formées avec des faits toujours contestables et, d’établir au préalable
le róle d’un foyer pathologique extra cérébral dans la genèse du délire,
c’esLà-dire de préciser la nature de relations qui peuvent exister
entre une lésion d’organes et certaines formes mentales concomitantes.
(l)Notre collaborateur M. Lucien PicQuá,chlrurgien en chef des aittes dela
Seine, a dans un rapport, présenté au Congrès du Puy.sur ce sujet, défendo ii
thise qu’il a soutenue, à différentes reprises, dans cette revue. Nous croyons
cependant qu’il est utile de publier ici un résumé de son remarquable trmii
et des répliques que motivèrent de sa part les observations qui lui furent prè-
sentées.
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RBVUB DB8 SOCI&TÉS
341
Ce problème domine la question des indications opératoires chez
les aliénés.
Pendant de longs siècles les observateurs ont reconnu un privi-
lige spécial à l’utérus et invoqué pour le justifier des hypothèses
aujourd’hui surannées.
A notre époque, l’étude de certaines fonctions a permis de fixer
le rèle d’organes spèciaux dans la production des troubles mentaux.
On admet, en effet, aujourd’hui que les troubles fonctionnels du corps
thyrolde sont à la base de certains délires. D’autre part, on sait depuis
longtemps que des processus infectueux intéressant le foie ou le rein
peuvent donner lieu à des troubles mentaux, mais les auteurs n’accor-
dent toutefois à l’infection qu’un rftle secondaire et pensent que celle-
ci n’agit dans la production du délire qu’en provoquant un trouble
fonetionnel (Délire par auto-intoxication).
Or, les études que je poursuis au pavillon de chirurgie sur le terrain
de la pratique m’ont conduit à envisager le ròle isolé de l’infection
ehronique (délire infectueux mis à part) dans des organes accessibles
(utérus, testicule, prostate) ainsi que dans les tissus divers de l’orga-
nisme et à fixer le ròle qui revient à celle-ci dans certaines formes du
délire.
En dehors des causes que je viens de signaler (troubles fonctionnels
et infectieux), on tend encore à admettre de plus en plus l’influence
de la périphérie sur les cerveaux prédisposés.
Parfois l’idée hypochondriaque, considérèe naguère comme ayant
dans tous les cas une origine cérébrale, peut, pour certains psychiatres,
venir de la pèriphérie (interprétation fausse de sensations réelles);
les formes symptomatiques de l’hypochondrie sont donc admises
aujèurd’hui.
Chez l’hystérique, des réactions mentales pathologiques peuvent
naltre également par un mécanisme à peu près anatogue.
Pour justifier ces différents rapports, on s’est appuyé, suivant les
époques, sur la clinique et la thérapeutique médicale, parfois sur
l’expérimentation.
La chirurgie, sùre de ses moyens, a le droit actuellement de viser
au mème but. Elle peut en fournir la preuve thérapeutique, mais
pour que celle-ci soit décisive elle doit Stre soumise à un contròle
rigoureusement scientifique. D’où l’utilité d’une méthode chirurgi-
cale que j’ai fixée dès le dèbut de mes études.
Si l’on reconnalt aujourd’hui aux influences périphériques un ròle
en médecine mentale, l’importance accordée jusqu’ici aux influences
héréditaires se trouve amoindrie. Les unes et les autres ne sauraient
cependant s’exclure, au contraire eile se peuvent compléter heureu-
sement.
La doctrine de l’hérédité permet au chirurgien d’envisager la pro-
phylaxie des psychoses postopératoires en lui apprenant à connaitre
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UNIVERSETY OF MICHtGAN
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REVUB DB PSYCHIATRIB
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dea maladea dont l’état mental antérieur eat susceptible de créer
une contre-indication opératoire. Par contre, la doctrine qui fixe
l’origine extra-cérébrale de certaines formes mentales lui permet
de poursuivre et d’atteindre celles-ci dans leurs foyers périphé-
riques.
Dia lora, findicalion opiraloire chez Faliini viae á la auppretaion
(fune léaion viritable, siégeant dana un organe ou un tiaau, et eonaidirtt
comme la giniralrice du ditire.
Mais la colncidence du délire et d’une lésion périphérique n’im-
plique pas un rapport de causalité : il conviendra de démontrer dans
chaque cas particulier si la lésion concomitante est indépendante
du délire ou lui est subordonnée. Or, cette subordination ne peut itre
établie à l’heure actueile que dans un très petit nombre de cas, contrai-
rement à l’opinion admise à l’étranger.
11 résulte des faits que j’ai observés qu’en l’absence du syndrome
dinique qui caractérise le délire infectieux proprement dit, tout
accès maniaque, avec ou sans hallucinations, tout délire onirique
accompagné ou non de confusion mentale, certaines formes du délire
mélancolique ou hypochondriaque doivent attirer l’attention gur
l’existence possible d’une lésion chirurgicale infectieuse profondé-
ment située et latente.
De mème, certaines formes de délire hypochondriaque doivent ètre,
conformément à l’opinion de quelques psychiatres, tenues pour des
interprétations hypochondriaques de lésions périphériques non infet-
tieuses.
II est permis d’espérer que l’application rigoureuse de la méthode
des observations indiscutables, perraettra de découvrir, dans l’avenir,
des corrélations nouvelles et contribuera ainsi à étendre peu à peu le
domaine des indications opératoires chez les aliénés.
Lorsque l’indication thérapeulique a été posée, il faut eneore fixer
la méthode thérapeutique qu’il convient d’employer. C’est de ce choix
que dépend le résultat de l’intervention au point de vue mental.
Tel délire peut, en effet, après une intervention, parfaitement justi-
fiée d’ailleurs, persister, s’aggraver ou guérir selon le mode de traite-
ment employé. Le chirurgien devTa donc, selon l’état mental, choisir
entre l’intervention sanglante ou les divers procédés de la chirurgie
conservatrice.
Lorsqu’enfin le chirurgien s’est décidé à recourir à l’intervention
sanglante, un nouveau choix est à faire entre les divers procédés qui
s’offrent à sa disposition : celui-ci dépend encore de l’état mental da
sujet, et c’est ainsi que les questions de technique jouent un rèle im-
portant en psychiatrie.
Comme on le voit, en dehors des cas où la vie est menacée à bríve
échéance, l’indication opératoire chez l’aliéné est fort déiicate à
établir et il en est de mème pour la remplir, si on ńe veut pas aggrav er
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Origirìal fro-m
UNIVERSSTY OF MICHIGA
HBVUB DBS SOCIÉTÉ8
343
l’état antérieur par une intervention intempestive ou imposer au
malade une opération inutile.
En raison de ces difficultés, la chirurgie des aliénés constitue une
branche toute spéciale de la chirurgie que j’ai désignée sous le nom
de « Psycho-thérapeutique chivurgicale ». EUe exige de celui qui la
pratique une longue initiation. Je tiens à ajouter, pour répondre à
de légitimes préoccupations qui m’ont été souvent confiées par dea
psychiatres, qu’U faut de hautes qualités morales au chirurgien à
qui incombe la redoutable mission de pratiquer une intervention
ehirurgicale chez un malade privé de sa raison. Ce n’est que dans ees
conditions que le point de vue médico-légal devient intéressant.
A notre époqne, l’aliéné est considéré comme un malade, qui a le
droit de bénéficier de toutes lea ressourcee de la thérapeutique médi-
eale et chirurgicale. Or, la loi de 1838 ne contient aucun texte qui
permette au chirurgien d’organiser d’une fa?on régulière l’assistance
chirurgicale des aliénés. Le législateur de 1838 a prévu pour l’aliéné
la conservation de ses biens et non celle de sa santé, et c’est ainsi que
la société, qui interne d’office un malade, n’a pas le droit légal de le
soigner. La demande d’autorisation aux familles donne lieu à de
monstrueux abus. A ma demande, la Société de médecine légale, il
y a dix ans, a étudié cette importante question. L’effort considérable
qui a été tenté depuis cette époque n’a malheureusement pas abouti.
II est donc indispensable que le Congrès, qui a mis à l’ordre du jour
de ses travaux la question des indications opératoires chez les aliénés,
obtienne du législateur les moyens de remplir ces indications.
M. Lagriffe (d’Auxerre) a déclaré que la chirurgie des aliénès
donne lieu à de grandes difficultés au point de vue de I’intervention.
Parfois le bistouri se retourne contre le chirurgien. II cite entre autres
I’observation d’un malade atteint de délire d’interprétation, qui fut
opéré d’un varicocèle, et mourut d’un cancer du rectum.
M. le prof. Régis (de Bordeaux), après avoir rendu hommage aux
travaux de M. Picqué, discute l’interprétation du titre rapport. Pour
lui, le terme thérapeutique s’appliquerait à la chirurgie et non pas
à la psychiatrie. Si, dit-il, on voulait étudier la chirurgie au point de
vue mental, c’est à un aliéniste et non à un chirurgien que l’on au-
rait dù faire appel. C’est au psychiatre qu’ti appartient de poser
les indicatáons; le chirurgien ne doit étre et ne peut ètre qu’un
opérateur.
Puis M. Régis a insisté sur les dangers que peut présenter la chirur-
gie des aliénés lorsqu’elle est pratiquée par certains opérateurs igno-
rant la psychiatrie, et ti a terminé sa communication en refusant à
la chirurgie aucun ròle dans la thérapeutique des maladies mentales.
M. Dide déclare que plus il observe les aliénés moins ti eroit à l’in-
fluence de la périphérie dans la genèse des délires.
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RBVUB DE P8YCHIATRIB
M. Dupré regrette que le rapporteur n’aie pas eu à traiter la ques*
tion des contre-indications opératoires, et trouve que le terme de
psychopathe aurait dOi remplacer dans le titre celui d’aliénée.
M. le prof. Gilbert-Ballet insiste sur la nécessité d’une terminolo-
gie précise et présente des observations sur l’union de Ia confusion
mentale, avec la mélancolie et l’agitation maniaque, et il demande
au rapporteur de vouloir préciser le sens qu’il a donné à l’hypo-
chondrie et au délire systématisé. II termine sa communication en
souhaitantque chirurgiens et aliénistes travailient ensemble à l’étude
des problèmes qui concernent les rapports de la chirurgie et de la
psychiatrie.
M. Jacquier (de Bourg) pense que la loi de 1838 n’empéche pas de
soigner les malades; pour lui M. Picqué a trop assombri le tableau
du traitement des aliénés.
M. Picqué répond à M. Lagriffe que les faits dont il parle sont bien
connus et rentrent dans le chapitre des contre-indications opératoires.
II rappelle l’assassinat du prof. Delpech, de Montpellier.
A M. Régis il dit qu’avant de commencer son rapport il a questionné
Ies membres du Comité pour connaltre leur pensée exacte.
Or, c’est bien Ies indications opératoires au point de vue de la thé-
rapeutique mentale dont ils ont voulu confier l’étude au chirurgien
des asiles.
M. Picqué a toujours enseigné et écrit que la chirurgie des aliénés
était une chirurgle en tutelle; mais il estime, d’autre part, que dans
certains cas le chirurgien, contrairement à l’opinion de M. Régis,
est seul compétent pour formuler une opinion sur les indications
opératoires.
C’est ainsi que I’ont compris certains médecins distingués des asiles
de la Seine dans des observations données dans ce rapport.
II rappelle qu’il y a actuellement vingt-neuf ans qu’il étudie ies
rapports entre certains troubles mentaux et des lésions périphé-
riques particulières, et qu’il a un peu le droit d’invoquer son expé-
rience acquise.
M. Picqué s’associe, en terminant, àux critiques formulées par
le professeur Régis contre les abus possibles de la chirurgie des aliénés.
Mais les abus, que M. Picqué connalt mieux que tout autre, ne peuvent
constituer un argument contre cette chirurgie elle-mème.
Tous ceux qui ont l’honneur d’ètre, comme M. Régis, chargés d’un
enseignement officiel, doivent s’appliquer justement à former des
chirurgiens psychiatres et à leur montrer ce que cette spécialité
exige de connaissances générales et de moralité.
Comme M. Dupré, M. Picqué trouve, en effet, que le rapport eut
dù comprendre l’étude dcs contre-indications opératoires si peu con-
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REVUE DES SOCIÉTÉS
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nues des aliénistes mfimes, et il est parfaitement d’accord avec lui
sur le caractère purement administratif du terme aliéné.
M. Picqué est d’accord avec M. le prof. Gilbert-Ballet sur l’utilité
d’une terminologie précise en psycbiatrie et dans son cours de sta-
giaires à Lariboisière il insiste également sur la nécessité de préciser
les termes en chirurgie.
Si les terraes qu’il a employés n’ont pas toute la précision désirable,
le reproche ne peut l’atteindre puisqu’il n’a fait que reproduire le
diagnostic qui lui a été fourni. II remercie particulièrement M. Gilbert
Ballet des paroles qu’il a prononcées sur les rapports qui doivent
exister entre le chirurgien et le psychiatre. C’est souhaiter une colla-
boration intime qui est susceptibìe de fournir des résultats scienti-
fíques utiles.
M.Picqué fait remarquer à M. Jacquier que s’il n’y a pas à envisager
les obstacles émanant de la loi,si celle-ci n’empfiche pas Ie traitement
des malades, par contre, elle ne le permet pas, ce qui est tout difffi-
tent.
M. Maxwel estirae que la loi suffit à la rigueur, mais un adminis-
trateur aux biens, consulté par M. Picqué, a refusé de s’occuper du
traitement chirurgical des malades. D’ailleurs M. Maxwel lui-mfime
trouve qu’une modification de la loi serait utile.
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REVDE DES PÉRIODIQUES
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FRANCE
Revue Neuroíogique, 15 déc«mbre 1911-
Troubles mentaux dans la staphylococcémie, par Serge
Soukhanofp. — L’auteur revient sur le cas décrit antéríeurement
par Klutscheft, puis rapporte l’observation d’une jeune fille de 16 ans,
entrée & l’hdpital de Notre-Dame des Affligés, & Saint-Pétersbourg.
A cfité d’altérations somatiques intéressant la peau, Soukhanoff
put constater chez cette malade toute une série de phénomènes mar-
quant la souffrance de l’activité neuro-psychique. Au début, les
symptfimes de la participation du cerveau s’exprimaient seulement
par le tableau de la simple intoxication par les produits bactériens
mais, dans la suite, il devint manifeste que le cerveau se trouvait pro-
fondément lésé. Au tableau psycho-infectieux s’étaient associés, en
effet, des phénomènes de troubles mentaux organiques et ces dernien
s’accompagnaient de vomissements de caractère cérébral et d’accès
convulsifs réitérés jusqu’à l’état de mal épileptique.
La malade mourut deux mois après son admission à l’asile.
Revue Neurologique, 15 janvier 1913.
Pathogénie de la preabyophrénle, par Didb et Gassiot. —
Après avoir énuméré rapidement les principaux symptfimes cliniques
qu’on rencontre dans cette affection, les auteurs passent en revue les
théories pathogéniques qui ont tenté d’expliquer ce syndrome, lequel,
d’après MM. Dide et Gassiot, peut ètre « entièrement réalisé par une
insuffisance cèrébrale partielle, notamment du lobe occipital >.
Revue Neurologique, 15 mars 1912.
Contribution & l’étude des troubles mentaux dans le goitre
exophtalmique classique et dans l’état « basedowolde > da
Stern, par Halberstadt. — R. Stem (de Vienne) a décrit, en 1909,
deux modalités différentes de goitre exophtalmique : la forme clas-
sique, avec des signes basedowiens manifestes (exophtalmie cons-
tante), pouvant d’ailleurs évoluer sur un terrain dégénératif et,
d’autre part, l’état « basedowolde », dans lequel seule s’impose la
(Voir la suile après le bullelin bibliographique mnstul.}
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RBVUB DBS PÉRIODIQUBS
347
taebycardie (surtout paroxystique), où le goitre et l’exophtalmie
peuvent manquer, mais évoluant toujours chez des hystéro-neuras-
théuiques.
A l’appui de cette thèse, M. Halberstadt rapporte deux observa-
tions intéressantes, concises et claires, de maladie de Basedow. 11
8’agit, dans la première, d’une malade présentant une association de
goitre exophtalmique classique avec une psychose maniaque dépres-
sive; dans la seconde, d’une temme atteinte d’un cas fruste (absence
de goitre et d’exophtalmie, mais tachycardie manifeste). Cette der-
nière malade est particulièrement intéressante : c’est, selon la con-
ception de Stern, une dégénérée « basedowolde » ayant présenté, au
début de son intemement, des symptdmes de folie des dé'générés, de
folie maniaque dépressive, de psychose hystérique, d’alcoolisme, mais
qui, depuis quelques années, ne manifeste plus qu’une émotivité
extrème, une apathie très grande à l’égard de son propre sort, et des
troubles graves du caractère.
Revue Neurologique, 30 avril 1912.
Troubles xnentauz dane un cas de méningite séreuse, par
Mme Nathalie Zylbbrlaste (de Varsovie). — Quincke a distinguè
en 1893, sous le nom de méningite séreuse, une entité morbide nou-
velle résultant de l’augmentation de la pression intra-cranienne par
le liquide céphalo-rachidien.
L’auteur nous en rapporte une intéressante observation. II s’agit
d’une malade ftgée de 30 ans, souffrant depuis longtemps d’accès de
migraine avec violente céphalée, vomissements et colncidant avec la
menstruation. C’est au miiieu d’une de ces périodes menstruelles que
l’affection éclate : la céphalée et les vomissements se proiongent et
huit jours plus tard la malade perd connaissance. Elle reprend bientòt
conscience, mais la céphalée et les vomissements durent toujours, la
température monte pendant vingt-quatre heures et l’on constate chez
ia malade un certain degré d’apathie et d’obnubilation inteilectuelle.
Trois semaines après le début de la maladie, des troubles psychiques
éclatent. Ils consistent en excitation avec hallucinations de la vue et
de l’oule, désorientation et amnésie plus ou moins complète. Cet état
dure un peu plus de trente-six heures, puis, tout d’un coup, l’état
psychique s’améliore. L’examen somatique de la malade fait cons-
tater 1 ’cedème bilaiéral de la pupille optique et l’exagération des
réflexes rotuliens. Quatre jours plus tard, la malade est tout à fait
consciente et U n’y a plus de troubles psychiques. La guérison com-
plète est obtenue au bout de six semaines.
L’auteur établit ensuite le diagnostic différentiel entre cette affec-
Uon et la psychose migraineuse dont les symptómes resserablent
étonnamment à ceux de la méningite séreuse. II parle, à ce propos, des
troubles mentaux dans les cas de tumeurs cérébrales.
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348 REVUE DE PSYCHIATRIE
fíevue Neurologique, 30 avril 1912.
Syndrome paralytiqae post-tranmatiqae déterminé par
une méningite aigné & évolation lente, par Raymeau et L. Mar-
chand. — Belle observation d’un homme de 35 ans qui, deux ans
auparavant, subit un traumatisme cranien violent, occasionné par
le tamponnement d’un train express. Immédiatement après l’accident,
le malade présente un état très accusé d’obnubilation, de désorìenta-
tion, de confusion mentale. Sept mois plus tard, le professeur Joffroy
fait le diagnostic de confusion cérébrale avec développement possible
dans l’avenir de troubles mentaux graves, en particulier de la para-
lysie générale ou de la pseudo-paralysie générale traumatique. Le
pronostic de M. Joffroy se réalise, car vingt mois après l’accident, le
malade est interné et l’on constate chez lui un déficit intellectuel pro-
fond et des troubles organiques qui rappeUent ceux de la paralysie
générale. Trois semaines après son internement, le sujet est atteint
d’ictus épileptiforme avec hémiplégie gauche, de vomissements, de
fièvre et succombe quelques jours plus tard, sans avoir repris con-
naissaiice. L’examen des centres nerveux montre que le malade était
atteint de miningile aiguè.
Ge cas présentait donc aux points de vue clinique et étiologiqne
toutes les apparences d’un cas de P. G. traumatique. L’examen des
centres nerveux a montré que ce diagnostic était faux.
M. Brissot.
Archives de Médecine des Enfants, 1912, p. 694.
Un cas de pouls lent permanent avec attaqaes épilepti-
forznes chez une flllette de onze ans. — La maladie de Stokes
Adam s’observe exceptionnelleraent chez l’enfant; le cas observé par
M. B. Hozada Echenique à l’hdpital d’enfants de Tucuman (Rép.
Argentine) mérite donc d’ètre connu :
Lucie V..., ágée de onze ans, est admise à l’hdpital le 15 décembre
bre 1911, pour des attaques caractérisées par des convulsions légères,
avec perte de connaissance, congestion de la face, arrét de la respira-
tion, incontinence des urines et des matières. La disparition de ces
attaques, qui durent de une à vingt minutes, est annoncée par des
cris, des gémissements et des inspirations profondes. A leur suite,
l’enfant reste sans force et est obligée de garder le iit pendant quei-
ques jours.
Les antécédents de l’enfant ne relèvent rien de particulier (père
inconnu). La première attaque remonte à juillet 1910, la secondesur-
vint quinze jours après, la troisième le 30 aoùt. Le 7 dècembre, l’en-
fant eut deux attaques le méme jour. Puis survint une pèriode de
calme qui dura huit mois, mais bientdt les attaques se répètèrent
avec une fréquence telle que la mère se vit obligée de conduire sa fiile
àl’hòpital.
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RBVUE DES PÉRI0DIQUE8
349
A Texamen, l’enfant présente un bon état général; ínais elle est trèa
•xcitable et au moment de la visite médicale son pouls présente quel-
ques arythmies. A l’auscultation, les bruits du coeur se pergoivent
bien, 0 n’y a pas de souffle, ni autre bruit valvulaire anormal. Le
rythme cardiaque, très lent, est régulier. On note néanmoins, toutes
les quatre ou huit systoles, des contractions avortées, dont quelques-
unes font également défaut au niveau de la radiale.
D’une facon générale cependant, le pouls est régulier, de tension
normale, très lent: 33 pulsations par minute. L’examen des autres
organes ne raontre rien de particulier.
Quelques jours après son entrée, la petite malade eut plusieurs
attaques qui ne ressemblèrent en rien aux précédentes, décrites par
la mère : tandis que ces dernières étaient èpileptiformes, celles-là
ítaient nettement syncopales, sans incontinence, sans convulsions,
ni cris, d’une durée de quelques secondes à quelques minutes. Au cours
de ces attaques, le pouls ralentit encore et sa tension diminue.
Par le repos et le règime, les attaques ont disparu, mais le pouls
a conservé ses caractères. Le 17 janvier 1912, l’enfant quitte l’hftpi-
tal; mais le 7 février la mère la ramène, parce que les attaques synco-
pales sont devenues plus fréquentes. L’examen révèle les mèmes
symptftmes que la première fois, mais les accès sont plus fréquents
et se prolongent davantage : la fillette a chaque jour de trois à huit
atlaques, ce qui entratne un abattement énorme. Toutefois, elle
continue à bien s’alimenter et les autres appareils semblent fonctionner
régulièrement.
Pendant deux mois, l’enfant séjourne à l’hftpital, sans que les
attaques se modifient, ni diminuent de nombre, malgré l’adminis-
tration de belladone, d’iodure, de mercure, etc. De mème pour le
pouls, qui a continué à osciller entre30et34 pulsations par minute.
La mère, ne constatant aucune amélioration dans l’état de sa fille,
est venue la chercher le 6 avril, pour l’emmener chez elle.
XTAIJE
Rivista sperimenlale di Freniatria, fasc. III.
Recherches hématologiques dans l’alcoolisme, par Arturo
Gorrieri. — 1° Le taux de l’hémoglobine a été trouvé par l’auteur
inférieur à la normale chez les alcooliques.
2° Le nombre des globules rouges est diminué.
3° Les leucocytes varient peu au point de vue numérique; toutefois,
pendant la phase aiguè, il existe constamment une polynucléose
neutrophile qui disparalt graduellement quand l’état général du
malade s'améliore. A cette polynucléose s’associe une réduction des
mononucléaires et des lymphocytes. II n’y a pour ainsi dire pas
d’éosinophiles.
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4° La pression sanguine, chez les alcooliques, est supérieure à la
normale.
5° 11 n’y a pas de rapport constant, chez ces malades, entre la
pression sanguine, le pouls et la respiration.
6° La résistance globulaire est très diminuée pendant la période
aigué; elle augmente progressivement, jusqu’à revenir près de la
normale, quand l’état physique et pychique des sujets s’améliore.
7° La tension osmotique du sérum sanguin est légèrement augmentée
dans l’alcoolisme.
La fonction circulatoire chez les dóments précoces (Sur la
rapports enlre le dévcloppement de l'appareil cardio-vusculaire d la
capacité fonciionnelle du ccsur), par L. Lugiato et G. B. Lavizzari. —
Ce travail a été congu d’après le principe biologique énoncé pour la
première fois par Geoffroy Saint-HUaire et introduit en clinique par
de Giovanni, à savoir qu’il existe des rapports étroits entre la forme et
l’activité fonctionnelle d’un organe, etqu’àdes déviations de la struc-
ture correspondent des troubles spéciaux du fonctionnement.
Les auteurs ont donc examiné comparativement les phénomènes
circulatoires et l’état anatomique du coeur chez un certain nombre de
déments précoces. lls ont noté d’une part la pression, la fréquence do
pouls et le degré de dermographisme, d’autre part l’étenduede
l’aire cardiaque.
D’une fagon générale, l’aire cardiaque a été trouvée supérieureàla
normale; le choc de la pointe était mal senti. Les artères périphériques
se montraient d’un faible volumejla cyanose etla congestion du visag^
ou des extrémités étaient fréquentes; le réseau veineux superficiel peu
apparent. Le dermographisme accentué était très fréquemment
observé. La puissance fonctionnelle du coeur semblait généralement
diminuée.
Pour conclure, il n’existe pas à proprement parler chez les démente
précoces de graves perturbations anatomiques ou fonctionnelles au
coeur qui les distinguent franchement des gens normaux, mais on
observe chez ces malades un état d’insuffisance et de torpeur circula-
toire.
Contrlbution à l’étude des formes diniques afttrfbuéee à
la démence précoce etde leur ftermìnaìsan, par Emilio Riva. —
« La belle conception qui tend à grouper en une synthèse dinique
homogène et harmonieuse toutes les formes du jeune ftge caractérisées
par un affaiblissement intellectuel rapide et progressif, et qui dans
le passé constituaient des groupes spéciaux ou étaient rattacbés à
d’autres cadres nosographiques, cette conception a marqué un grand
progrès de la Psychiatrie contemporaine et elle s’est assise sur dea
bases si certaines qu’elle ne peut plus ètre combattuedansses iignes
principales.
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RBVUB DES PéRIODIQUES
351
Mais cela n*empèche pas que, dans ses détails, le cadre krflpelinien
de la démence précoce ne corresponde pas entièrement à )a conception
mème de Tauteur, ne Iaisse percer qk et là quelques imperfections,
qu Y il ne paraisse trop compréhensif, et qu’il ne suscite encore corame
naguère de profondes critiques, peut-ètre légitimes, et des divergences
d’opinion. »
L’auteur publie une observation qui lui semble apporter quelque
lumière dans la question. II s’agit d’un individu qui, après díx-huit
ans de maladie, alors que le naufrage le plus complet de sa raison
semblait avéré, revint tout d’un coup à l’état normal et se retrouva
lucide et raisonnable.
Evidemment ce malade conserve un certain déficit intellectuel,
mais ce déficit est-il un résidu propre de la maladie, ou la conséquence
d’un arrèt aussi prolongé des fonctions intellectuelles?
Quoi qu’il en soit, l’évolution de la maladie, chez cet individu, n’a
pas justifié le pronostic sombre que l’on avait tiré des signes habituels
de chronicité.
Fase. IV 1910 et I-II, 1911.
Recherches sur les modiíicatioBS cytologiques du sang
dans les principales psychoses, par Ghaziami. — Le sang, dans les
maladies mentales, ne présente que dans des cas isolés des modifica-
tions appréciables de la constitution morphologique des globules blancs
et rouges, et de la richesse globulaire; les altérations recontrées peuvent
étre en rapport avec des conditions organiques qui les expliquent
suffisamment.
Souvent, on observe des modifications, parfois considérables, du
nombre des leucocytes et de la formule leucocytaire. Ces modifica-
sions n’ont toutefois rien de caractéristique, en ce sens qu’elles peuvent
se retrouver à des degrés divers dans plusieurs maladies mentales :
telles la polynucléose et la leucocytose avec tendance à l’hypoéosino-
philie dans les phases aiguès de la maladie, la diminution des polynu-
déairesjusqu’auretouràlanormale et mémejusqu’à la prédominance
des mononucléaires quand survient la convalescence, ou quand la
maladie passe à l’état chronique.
La polynucléose intense avec hypoéosinophilieestunfacteurconstant
dans l’amentia et rare dans les autres formes; mais, corarae on put
Tobserver dans quelques cas de démence précoce et de psychose
maniaque dépressive avec état confusionnel prononcé, on ne peut y
voir un élément utile de diagnostic ou de pronostic.
Cependant les modifications sanguines jetteni quelque lumière sur
la pathogénie des maladies mentales en ce sens qu’elles révèlent
l’existence de processus toxiques ou toxi-infectieux dans les formes
aigués ou subaiguès; cela conduit donc à penser que la maladie mentale
n’est qu’une manifestation cérébrale d’une altération générale de
l’organisme.
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RBVUB DB P8YCHIATRIB
Questions médico-légalss rslatives à la paraljsle gtaénlt,
particulièrement dans les rapports de cette maladie avec la
capadté de tester, par le prof. Augusto Tamburini. — La paralysie
générale est une des maladies que l’on rencontre le plus souvent sur
le terrain de la médecine légale, et c’est & juste titre que sa période
initiale porte le nom de période médico-légale. Mais c’est à propos des
actes testamentaires accomplis par les paralytiques généraux que
surgissent les plus graves problèmes médico-légaux. Le profeeseur
Tamburini, avec sa haute compétence, examine dans ce travail cinq
de ces problèmes :
1° Détermination d’un critérium pour la capacité de tester en
général et dans le cas particulier de la paralysie générale.
2° Les rémìssions.
3° La valeur du contenu du testament en rapport avec la capadté
mentale du paralytique.
4° La valeur clinique et médico-légale des écrits des paralytiques.
5° Les critériums et les Aléments pour l’appréciation médico-iégale
de la validité des testaments des paralytiques.
Voici l’opinion de l’auteur sur cbacun de ces points :
1° Tout Ie monde est d’accord pour reconnaltre à la paralysie
générale une marche fatale vers la désorganisation des facultès
mentales et des centres cérébraux et pour admettre que, malgré les
apparences parfois contraires, elle ne laisse jamais un degré suffisant
de conscience, de capacité intellectuelle et de libre volonté pour
prendre validement une disposition testamentaire.
2°Pendant les rémissions,intermissions,intervalles lucides ou statioo-
nement, de la maladie, les paralytiques généraux ne pourront tester.
3° La régularité de la forme et du contenu du testament n’est pas
une preuve suffisante de capacité mentale : à un aliéné, pareil testa-
ment aura pu ètre suggéré, dicté, etc.
4 ° L’étude, au point de vue graphique, des testaments de paralyti-
ques est intéressante, car elle peut déceler l’intervention d’une main
étrangère.
5° Dans certains cas, ori est appelé à se prononcer après la mort
d’un individu sur l'état mental dont il jouissait au moment où U faisait
son testament; U s’agit de porter < un jugement psychiatrique potl
mortem sur sa capacité civUe ». L’expertise s’appuiera sur quatre
ordresdedocuments : l°Les certificats et les dépositions des médecins
qui auront vu le sujet pendant sa vie; 2° Les dépositions des témoins
non médecins; 3°Les photographies du sujet pratiquées à divers àges;
4° Les écrits.
On comprend de suite comment il faut utiliser ces éléments et
avec quelle circonspection. G. Gbnil-Pbrrin.
Ĺe Gèrant : O. DOIN.
PABIS. — tlCPRIMEBIB LBVé, 71, BttB DB BBNNB8.
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LA DÉMENCE PRÉCOCE
A ÉVOLUTION CIRCULAIRE
Par M. Haldebstadt,
médecin des asiles.
La délimitation des domaines respectifs de la démence précoce et
de la foiie maniaque-dépressive, reste toujours au premier plan de
l’actualité psychiatrique. Parmi les circonstances qui rendent cette
délimitation difficile, la possibilité, pour la démence précoce, d’évo-
luer presque comme une psychose périodique figure en bonne
place. Dans un livre paru en 1912, un auteur polonais, Urstein,
s’est longuement occupé de ce problème. II nous paralt utile de
signaler ce très consciencieux travail — dont nous ne pouvons du
reste adopter les conclusions, — et de nous arrèter également sur
quelques autres publications récentes traitant du méme sujet. Nous
essaierons ensuite de dégager quelques conclusions.
L’ouvrage de Urstein (1) est basé sur de nombreuses observations,
longuement poursuivies. Malheureusement bien peu d’entre elles
sont reproduites par l’auteur. Du reste, la publication de tout le
matèriel clinique aurait été impossible, à en juger par l’étendue que
prend chaque observation publiée. Le but de l’auteur est de démon-
trer ceci : la folie maniaque-dépressive, telle que la comprend
l’écolede Kraepelin, neconstitue pas une entité morbide; très souvent
elle n’est autre chose que la phase initiale de la démence précoce.
On sait que les partisans de Kraepelin ont,’dans ces dernières années,
notablement rétréci le domaine de celle-ci. Unebonnepartiedes cas
prímitivement rattachés à la démence précoce ressortissent à la
folie maniaque-dépressive, et aussi à d’autres psychoses : la para-
phrénie, la folie syphiIitique,voire la folie des dégénérés, se voient
ainsi enrichir tous les jours aux dépens d’une psychose qui mena^ait
d’envahir toute la psychiatrie. Ainsi que nous le disions ici-mème,
en 1912, • leprofesseur de Munich n’a cessé d’enseigner que la psy-
(I) Urstein. Manisch-depresaives und periodisches Irresein ais Erschei-
nungsform d. Katatonie.— Ed. Urban et Schwarzenberg. Berlin et Vienne, 1912,
650 + vi pages.
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RBVUE DB P8YCHIATRIE
chiatrie esl une science en formaUon » (1); ilfaut donc s’habituer
aux changements, cjui nc modifient <Ju reste pas la base de la doc-
trine. Urstein estime qu’on a eu tort de soustraire à la démence
précoce et d’attribuer à la folie maniaque-dépressive un certain
nombre de cas où l’évolution vere un affaiblissement intellectuel
spécial ne fait pas de doute. En somme, il veut revenir à la concep-
tion primitive de Kraepelin, et il lui reproche de ne pas s’en ètre
tenu à ses opinions anciennes, telles, par exemple, qu’elles ressortent
de la 6’ édition du traité (2), La démence précoce constitue une
entité morbide parfaitement définie, mais non pas la folie maniaque-
dépressive; il s’agit de prouver notamment que celle-ci n’estpar-
fois qu’une « forme » de la démence précoce-
II faut dire que dans un ouvrage antérieur, également très étendu,
Uretein avait déjà easayé de battre en brèche Ies bases sur lesquelles
repose le diagnostic de la démence précoce et de la folie maniaque-
dépressive (3). Mais là il avait surtout en vue I'analyse psychologique
des sujets; ici, c’est le còté clinique qui est envisagé, l’évolution
méme de la maladie- Par dea observations très bien prises, l’auteur
montre que très souvent la démence préooce débute et évolue,
parfois durant un long laps de temps, oomme une folie intermittente.
Mais nouspensons, contrairement à Urstein.qu’il s’agit là d’analo*
gies purement extérieures, insuffiaantes pour identifier deux psy-
choses essentiellement différeptes. Avant d’aller plus lctin, disons
toutefois que le livre de Uretein, fruit d’un labeur considérable, mérite
à tous égards d’ètre lu et étudié; on peut faire la raéme remarque
de celui paru en 1909. II est regrettable —• et nous tenons à en pré-
venir le lecteur—<que la bibbograpbie soit pour ainsi dire inexistante;
les auteure de langue frangaise briUent par leur absence.
Pour mettre un peu de cfarté dans cette question, nous devons
tout d’abord rappeler que la théorie de Ia foUe maniaque-dépressive
oonstitue une des conquètes les plus certaines de Ia psychiatrie.
L’honneur en revient du reste à l’école fran^aise, ainsi que le oons*
tate KraepeUn dans la dernière édition de son traité : (4) ie ooyau
(1) Halberstadt. L’opinion actuelle de Kraepelin sur la classiílcatioa d«
états délirants. Le groupe des paraphrénies. — R. de Pt&chiatrie, l®|i, p. 40i
(2J Ksaepelin. Psychialrie. Leipzig, 6* édition.
(3) Urstein. Die Dementia praecox und Ihre SteWung z. man.-depr. hrwir.
— Berlin et Vienne. 1909, 372 pages.
(4) Kraepelin. Psychiatrie. Ed. Barth. Leipzig, 8* éd., 3* va)., p. 1373.
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DÉMENCE PRÉCOCB A évOLUTION CIRCULAIRE
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(Ausgangspuiikt) de la folie maniaque-dépressive a été formé,dit-il,
par la conception « édifiée surtout par les aliénistes frangais » des
«folies périodiques ou, comme les appela Magnan, intermittentes ».
On sait comment la conception prímitive, présentée par Magnan
au Congrès de Berlin de 1890 (l),fut modifiée par Kraepelin etses
partisans.
Nous renvoyons pour tout ce qui conceme la folie maniaque-
dépressive au rapport d’Antheaume (2), ainsi qu’aux deux grandes
monographies de Pilcz (3) et de Stransky (4). 11 est permis de dire,
à l’heure actuelle, que cette psychose est caractérísée non seule-
ment par une évolution particulière sous forme d’accès, mais que de
plus — fait capital — ces accès ont des signes psychopathologiques
spéciaux, et pour ce qui nous conceme, nous attachons plus d’im-
portance au tableau clinique d’un accèsdonnéqu’auxintermittences,
altemances,etc.Ballet, auCongrès de Nantes (5), a proposéà ce sujet
une excellente nomenclature des syndromes observés dans la folie
maniaque-dépressive. Ils sont, on le sait, au nombre de huit, dont
six mixtes et deux purs. Ces syndromes sont propres à cette psychose
et ne s'observent pas ailleurs. Chaque syndrome est constitué par
une combinaison de trois symptòmes fondamentaux; ceux-ci sont:
du còté maniaque —l’exagération des mouvements; la fuite d’idées;
rhyperthymie; et du còté mélancolique — l’inhibition motríce;
l’arrét ou le ralentissement des représentations mentales; l’hypo-
thymie. 11 ne suffit donc pas qu’un malade soit« agité » ou « dépri-
mé»;ilfaut encore que cette « agitation » ou cette « dépression »
révèlent des caractères spéciaux. Nous ne croyons donc pas qu’on
soit en droit de parler de folie péríodique simplement à cause de
i’évolution particulière de la maladie et en négligeant l’examen
approfondi du sujet : si ies signes que nous venons de mentionner
et que Ballet a si bien résumés manquent, il ne peut étre question
de folie intermittente. Qu’on nous permette de rapporter iciune
(1) Magnam. De la folie intermittente. — Recherches sur les centres nerveux.
Paris, 1893, p. 497.
(2) Anthbaume. Les psychoses périodiques. — Rapport au Congris de
Genève, 1907.
(3) Pilcz. Die periodischen Geistesstoerungen. — Iéna, 1901. Bibliographie
complèle, depuis les origines jusqu'en 1901.
(4) Stransky. Das manisch-depressive Irresein. — Handbuch du prof.
Aschaffenburg. Leipzig et Vienne, 1911. Bibliographie complète, depuis 1901.
(5) Ballet. Schématisation et nomenclature des formes mixtes dc la folic
périodique. Congrès de Nantes, 1909.
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RBVUE DB PSYCHIATRIE
citation qui prouve bien que sur cette importante question doctri-
nale les partisans de Kraepelin et Técole dc TAdmission peuvent
se donner la main : « M. Schule... laissant au second plan l’état
des forces intellectuelles, tient compte, avant tout, de rapparition
d’accès maniaques, mélancoliques ou délirants à des époques pius
ou moins régulières, et plusieurs des observations résumées de ses
psychoses périodiques et circulaires appartiennent à des dégénérés.
Une des observations, notamment, obs. IV des formes circulaires,
est très démonstrative sous ce rapport: il s’agit d’un sujet, qui, dès
l’àge de 16 ans, est en proie à un accès mélancolique, chez lequelon
voit plus tard intervenir la dipsomanie et qui, après une série
d’accès de manie périodique, tomba, vers l’àge de 30 ans, dans la
démence... Pourquoi ranger ce malade à démence précoce dans Ies
folies périodiques ou circulaires, puisque l’élément essentiel est non
la périodicité, mais bien le caractère de dégénérescence qui en fait
un héréditaire dégénéré? (1). » Ainsi donc nous voyons que I’inter-
mittence n’est nullement spécifique de la folie périodique. Voyons
maintenant, en ce qui concerne plus spécialement la démence pré-
coce, sous quelle forme y apparalt l’évolution circulaire.
De méme que la paralysie générale, avec laquelle —et pour cause
— se trouve comparée cette psychose par Sérieux (2) et par Krae-
pelin (3), la démence précocc peut présenter des formes circulaires.
Laissons de cóté le début par accès et les rémissions : il s’agit lá
de faits connus et classiques. Nous désirons nous arrèter sur les
cas plus particulièrement périodiques que Kraepelin, dans sa touU
récente 8 e édition, décrit avec quelques détails (4). II est bon de
noter que dansl’esprit de Kraepelin ces formes ne doivent pas ètre
considérées comme étant strictement individualisées: un dément
précoce peut se présenter à un moment donné de sa maladie sous
telle forme clinique, à un autre moment sous telle autre; la démence
précoce est certes séparée par des cloisons étanches de toutes les
autres maladies mentales, mais à l’intérieur mème de ce grand cadrc
l’avenir seul pourra délimiter des petits domaines séparés.
Ces réserves faites, nous distinguerons, avec Kraepelin. trois
(1) Magnan. L. e ., p. 505.
(2) Sérieux. La démence précoce. fíevue de Psychiairie, 1902, p. 258.
(3) KrvVEPelin. L. c., 8 e éd., 3 e vol., p. 944.
(4) Kraepelin. L. c., 8* éd., 3 e vol., p. 792 et suivantes.
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DÉMENCE PRÉCOCE A ÉVOLUTION CIRCULAIRB
357
formes plus spécialement intermittentes : la forme « circulaire »,
la forme « périodique », la « catatonie » proprement dite.La forme
« circulaire » débute généralement sous l’aspect d’une dépression
mentale, avecdéliremélancolique ethallucinations surtout auditives.
La maladie s’installe progressivement, sauf de rares exceptions.
Plus tard apparaissent au cours de la psychose des épisodes aigus,
caractérísés par de l’agitation, parfois très violente, avec impul-
sions, maniérisme, etc. Ces épisodes apparaissent et disparaissent
brusquement, leur durée est essentiellement varíable : ils peuvent
durer quelques jours ou quelques semaines, et parfois des mois ou
des années. Ce qui caractérise essentiellement cette forme, c’est la
fréquence et la rapidité des altematives entre le calme complet et
l’extrèmeagitation. Desrémissionss’observentassezsouvent. Unaffai-
blissement intellectuel définitif cldt l’évolution. Dans la forme
« périodique », les altemances sont remarquablement régulières,
et c’est ce qui constitue la particularíté de cet état. L’agitation
apparatt et disparatt rapidement; elle peut étre très violente et
paratt- s’accompagner d’un certain degrè de confusion mentale.
La durée des périodes d’excitation est courte, du moins au début de
la maladie. Elles surviennent tous Ies quinze jours, parfois tous les
mois, colncidant chez la femme avec la menstruation, parfois plus
rarement, méme tous les ans. A l’autre bout de Péchelle se trouvent
les cas où les périodes sont extrèmement fréquentes et régulières,
tel celui d’une malade de Kraepelin qui avait un jour calme et un
autre d’agitation, pendant un laps de temps d’au moins dix ans.
Autrefois Kraepelin rattachait de telles obscrvations à la folie
maniaque dépressive. Mais deux raisons surtout militent, d’après
lui, en faveur de la démence précoce : c’est, d’une part, le caractère
aveugle, stéréotypé et impulsif de l’agitation; et, d’autre part, le
fait que ces malades finissent par présenter des « états terminaux »
en tout analogues à ceux de la démence précoce. II nous reste à
parler de la « catatonie».Ce groupe renferme les cas où on observe
chez le mème sujet de l’agitation etdela stupeur catatonique. Après
une phase de dépression initiale, qui est très frèquente, et au cours
de laquelle il y a du délire et des hallucinations, le malade tombe
dans un état de profonde stupeur, suivi d’une phase d’agitation; l’in-
verse, c’est-à-dire d’abord l’agitation, puis la stupeur, ne se voit pas
aussi souvent. La démence terminale, en général très profonde, est
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RBVUB DB PSYCHIATRIB
la règle, mais avant qu’on en arrive là, la maladie peut durer très
longtemps. Après unpremieraccès —dépression,stupeur, agitation—
peut survenir une rémission, parfois de longue durée (29 ans dans
un casde Kraepelin); ensuite,nouvel accès pouvant étre suivi d’une
nouvelle rémission. Dans certaines observations, l’accès est incom-
plet: ainsi chez un catatonique la stupeur peut étre suivie d’agiU-
tion après une rémission de plusieurs années. Pour ce qui est des
caractères psychopathologiques de ces états d’agitation ou de
stupeur, nous n’avons pas à y insister : tout comme ceux des étate
correspondants de Ia folie maniaque-dépressive, ils sont connus
maintenant d’une manière suffisante; les descriptions récentee
de Deny (1) et de M lle Pascal (2) montrent bien que si on ne peut
tablersur tel symptóme isolé, l’ensemble du tableau clinique estpar
contre presque (spécifique. II n’y a pas lieu de s’arrèter sur ce point.
A còté des opinions de Urstein et de Kraepelin,il y en a une troi-
sième: c’ est celle qui admet, dans ces cas, une association des deux psy-
choses — folie maniaque-dépressive et démence précoce. Bleuler(3)
croit cette combinaison possible, mais le passage où il en parle ne
contient que des remarques théoriques, sans observations person-
nelles. Trénel (4), dans une communication au sujet des formes
cliniques ressemblant à la fois aux deux psychoses, s’est demandé
notamment (entre plusieurs hypothèses soulevées) si on ne devait
pas voir dans ces cas « des psychoses combinées résultant de la
coexistence de deux maladies». Enfin, Courbon (5), tout récemment,
a publié une observation très bien prise qu’il paratt disposé d'inter
préter comme un psychose combinée. Elle serait donc, avec eelle
de Stransky (6), la seconde observation que leurs auteurs rappor-
tent comme étant des combinaisons de ces deux psychoses.En fait,
nous savons que les associations de deux maladies mentales chet le
méme sujet sont de rares exceptions. Dans un récent article,
(1) Deny. Les démences précoces. — Traité de A. Marte, 2* vol., Paris, 1911.
(2) M u * Pascal. La démence précoce. Paris, 1911.
(3) Bleuler. Dementia praecox. — Hańdbuch du prof. Aschaffenburg.
Leipzig et Vienne, 1911, p. 219.
(4) Trénel. Démence précoce et folie périodique. — Société médlco-psy-
choiogique, séance de Juillet 1912. Annales, aoflt, sept. 1912, p. 218.
(5) Courbon. Démence précoce et psychose maniaque-dépressive. — Enei -
phale, mai 1912, p. 434.
(6) Stransky. Zur Lehre von den kombinierten Psychosen. — AU/. Zeit■
schrifl /. Psychiatrie, 1906, p. 73,
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DÉBBNCE PRÉCOCB A ÉVOLUTION CIRCULAIRE
359
Gurewitsch (1) émet nettement cette opinion qui est aussi celle
de Kraepelin (2). En ce qui conceme plu9 spécialement l’associa-
tion qui nous intéresse ici, sans en nier la possibilité, nous la croyons
très rare, et nous sommes disposé d’admettre qu’il s’agit vraisem-
blablement de démence précoce évoluant sous une forme circulaire.
Rappelons que les le$ons de Magnan ne renferment,sauf erreur de
notre part, aucun cas où la folie intermittente se trouverait associée
à une psychose dégénérative d’évolution grave. Et pourtant.l’école
de l’Admission n’est pas hostile a priori à l’idée des psychoses com-
binées, tout en admettant la rareté de ces faits.
La possibilité pour la démence précoce d’évoluer d’une manière
intermittente et circulaire ne nous paralt en somme pas douteuse.
Avec Gurewitsch (3), nous pensons que ces formes ont droit de cité
à còté des formes paranoides, hébéphréniques, etc. Urstein aeu certes
des prédécesseurs : Kablbaum (4) qui, ainsi que le disait récem-
ment Trénel (5), « avait dès le début considéré la catatonie comme
une maladie cyclique;» Wieg-Wickenthal (6) qui consacre dans sa
monographie un chapitre spécial à la démence précoce « à évolution
intermittente », d’autres encore. Mais nous devons lui savoir gré
d’avoir spécialement étudié et approfondi toute une série de faits
cliniques, sur la nature desquels on peut certes discuter — et nous
n’avons pas caché notre manière de voir, — mais dont la réalité
et la fréquence, par conséquent aussi l’intérét pratique, ne sont pas
douteux. On peut ne pas suivre Urstein dans son désir de porter
atteinte à l’édifice de la folie périodique, laborieusement construit
par des générations d’aliénistes, mais retenons ses legons et au lit
dumalade, enclinique joumalière, rappelons-nous que d’authentiques
déments précoces sont qualifiés au début de leur maladie d’ «in-
termittents », « périodiques »,« circulaires », etc., persuadés que nous
sorames, les uns et les autres, que seule la folie maniaque-dépressive
évolue par accès. II y a là une conception erronée, responsable de
bien des erreurs de diagnostic et de pronostic.
(1) Gurkwitsch, Zur — différential — diagnosed. épilept. Irreseins. — Zeil-
schrifl f. d. g. Neurologie. Orig. IX, p. 359. V. surtout p. 385 et suivantes.
(2) Kraepklin. Psychiatrie, 8« édit. I* r vol. Lelpzig, 1909, p. 531.
(3) Guhbwitsch. Kritische Bemerkungen z, Ursteins Werk, etc. — Zeil-
tchrifi f. d. g. Neurologie. Orig. XIII, p. 492.
(4) Kahlbaum. Die Katatonie. — Berlin, 1874.
(6) Trénel. L. c., p. 232.
(6) WfEG-W ickenthal. Zur Kllnick d. Dementiapraecox. — Halle, 1908, p. 88.
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L’EMPLOJ DE LA MUSIQUE
DANS LE TRAITEMENT DES PSYCHOSES
Par M. Jean Vinchon,
Interne á VAsile Sainte-Anne.
L’emploi de la ihérapeutique musicale dans les affections psy-
chiques est tantót préconisé et tantòt négligé, suivant le médecin,
les conditions plus ou moins favorables où il peut étre réalisé et
aussi sans doute l’état d’esprit du moment. Aujourd’hui on a ten-
dance à le laisser de cóté : n’y a-t-il pas là une injustice et faut-il
réagir?
Cette thérapeutique est complexe et le docteur Laurent qui
l’avait expérimentée avec succès a dans plusieurs études précisé
les éléments du problème (1).
La musique agitsurla sensibilité et sur l’intelligence, beaucoup
plus sur la première que sur la seconde; toutefois cette deuxième
action n’est pas négligeable et il faut compteravec les associations
d’idées qu’elle provoque et qui peuvent, suivant le cas, retarder
la marche d’une psychose ou en augmenter momentanément les
troubles. Quant aux modes d’application, ils varient avec les dispo-
sitions de chaque malade : un individu bien doué deviendra un
exécutant, un autre moins musicien se contentera d’assister aux audi-
tions. L’oeuvre de Laurent marque le début de la thérapeutique
musicale raisonnée; mais avant lui, dès la plus haute antiquité, les
médecins avaient remarqué les excellents effets que l’on pouvait en
tirer.
♦
* ♦
L’histoire de Safll est certainement un des premiers essai9 que
Ton connaisse et bien que légendaire n’en est pas moins de9 plus
intéressantes, car elle montre quedéjàonpensaità aller chercher Ics
(1) Laurbnt. Quelques observations relatives à rinfluence qu’exerce it
musique sur les aliénés, in Annales midico-psychologiques . Paris, Masson, 1860,
p. 331.
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LA MUSIQUE DANS LE TRAITEMBNT DES P6YCHOSB8
361
musiciens pour lutter contre la dépression mélancolique. Lea
médecins grecs et romains la conseillaient aussi à leurs malades et
M. Cabanès rapportant un passage du traité des effets de la musique
surlecorps humain de Roger (1803) cite un des modes d’appli-
cation les plus curieux qu’on ait imaginé (1) : Xénocrate et Her-
menia avaient eu l’idée de creuser des flùtes dans les tiges des plan-
tes quiservaient couramment de remèdes; I’un d’eux faisait jouer
des instruments en bois d’ellébore devant les aliénés etl’autre calmait
les douleurs de la sciatique par le son d’une flúte de peuplier.
Ce système fut repris au moment de la Renaissance par Porta,
un de ces étranges médecins italiens du xvi e siècle, qui mélaient
les arts magiques, Ia philosophie et la médecine. Porta, dans son
livre « De Magia naturalis », traitait aussi les fousavecles sons de la
flùte d’ellébore; il y joignait des instruments faits de tiges de ro-
quette qui, suivant les vieilles pharmacopées, « raréfiait la pituite,
excitait la semence et faisait étemuer » (2), ainsi que de satyrium
qui dispose à la conception (3).
Les contemporains de Porta, sans avoir recoursà son système,
faisaientsouventappelà l’efficacitédela musique. Jéròme Cardan (4)
écrivait dans le livre « De la subtilité » : « Entre plusieurs exem-
ples des anciens, j’en trouve deux excellents de la vertu du son à
exciter les affections de I’esprit : le premier est de Timotheus, lequel
en changeant de ton contraignit Alexandre poussé de gayeté sortir
hors du banquet. Le second est qu’Agamemnon ne voulant partir
du pays pour aller à Troye, pour ce qu’il doutait de la pudicité
de sa femme Clytemnestre, lui laissa un joueur de harpe qui par
le son de la harpe incitait Clytemnestre à pudicité et continence,
en sorte qu’Egisthus ne put en abuser sans tuer le meurtrier. Les
sons qui délectent grandement, attirent mesmement les hommes à
impudicité, quand ils les rendent trop studieux de la musique,
comme les instruments hydrauliques qui contiennent de l’eau,
desquels Nero était fort délecté par leur grande suavité.... » Le
(1) La muBique dans les maladies, in Vieux remides d’autrefoie. Paris, Ma-
loine, 1913, p. 76.
(2) Trailé univertel det drogueesimplee. Paris, d’Houry, M. DCC.XIV, p. 327.
(3) MSme ouvrage, p. 762.
(4) Les livres de H'éromb Cardan, médecin milannois, intitulés : de la subti-
lité, etc..., traduits du latin en frangais, par Richard Le Blanc. Paris, Jullian,
1578, p. 336.
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REVUB DB P8YCHIATRIB
tarentísme sévisait alors et on le guérissait par la musique et
par les danses. Arpès la piqúre de la tarentule, si le blessé était
laissé à lui-mème, il mourait « par léthargie et assoupissement avec
oubliance de toutes choses (1) ». La musique « l’engardait de dor*
mir et le faisait saulter », ce qui est très bon, car en sautant le
grand assoupissement est rompu, et mesmement le venin avec lui,
qui de nature est très froid » : c’est ce labeur et cet exercice qui
empéchaient son actíon. Pour cet auteur, la musique a une action toute
particulière chez les aliénés.
Ambroise Paré, à cette époque, rapporte, après des conseils em-
pruntés aux Italiens sur le tarentisme, l’opinion des anciens
sur la question qui nous intéresse (2). « Asclépiades écrit que le
chanter doucement et sonner de mesme de quelqu’instrument de
musique aide beaucoup aux phrénétíques. Téo'phraste et Aulu-Gelle
disent que la musique apaise la douleur de la sciatique et de ia
goutte... ce qui est véritablement esmerveillable en nature ».
A cóté de ces médecins qui furent surtout de grands compila-
teurs de l’antíquité, il nous faut citer un AUemand, sur l’oeuvre
psychiatrique duquel nous allons prochainement faire paraltre une
étude: il s’agitdejean Schenck, originaire de la villede Fribourg en
Brisgau, qui exerga longtemps à la cour des princes-abbés de Fulde,
et publia un recueil de très curieuses observatíons en grande partie
personnelles comme celle-ci que nous traduisons (3) et qui porte
comme titre « La musique est efficace dans la cure de la mélancolie»:
Beaucoup de faits montrent que Dieu, dans sa bonté et sa toute-
puissance, a donné aux harmonies musicales l’admirable propriété
ae calmer les sentiments troublés de notre áme, de rendre des forces
à notre intelligence et de l’exciter à nouveau : de nombreuses ex-
périences le prouvent. En effet, lorsque j’étaisà lacourdeFulde, je
vivais familièrement avec un certain orfèvre, homme honnéte et
habile dans son art : il était tombé dans une profonde mélancolie
et avait été purgé à l’aide de nombreux médicaments sur mes indi-
cations. La maladie fut guérie, mais incomplètement, aussi j’em-
ployais des concerts d’instruments de musique qui, je le savais, lui
plaisaient particulièrement et de cette fagon je ramenais en peu
ae jours son esprit à une santé complète.
(1) Cardan. Ouvt. cité, p. 238.
(2) Les oeuvres cI’Ambroisb Paré. Lyon, Borde, M. D C. XLI, p. 34.
(3) Joannis Scrbncku a Grapbnbbro observationes médicae raríorú.
Lugduni sumptibus, S. A, Huguetau, M. D C. XLIV, p. 128.
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LA MUSIQUE DANS LE TRAITEMENT DES PSYCHOSES 363
Je recours très volontiers au méme genre de remède pour mon
usage personnel, lorsque à la suite de la fatigue de mes études ou du
trop grand nombre de mes occupations, je suis dans un état de ma-
laise intellectuel.
Les siècles suivants utilisèrent souvent l’expérience des méde-
cins anciens et de la Renaissance. Au xviii® siècle cette théra-
peutique devint à la mode au moment des « Vapeurs » et elle cons-
tituait un adjuvant important du magnétisme animal. Le nombre
d’ouvrages publiés à cette époque est considérable. M. Cabanès en
cite quelques-uns dans I’acticle auquel nous avons déjà renvoyé(l)
et Xavier Verdier (2) en donne une liste dans sa thèse. Parmi les
plus célèbres, il faut citer les fragments destinés à l’histoire de la
musique de Dodart insérés dans les bulletins de l’Acadèmie des
sciences, le mémoire de Marquet sur la manière de guérir la mélan-
colie par la musique (1769), la thèse de Louis Roger : De vi soni et
musices iatricha Monipellier (1758), l'histoire de la musique et de ses
effets de Jacques Bonnet (1769) et renvoyer aux livres des Deises-
sarts, de Mojon, de Delagrange, etc... La littérature elle-mème
s’en mélait. Pope vantait sa puissance dans VEssai surla critique (3):
«Tous nos coeurs rendent hommage au pouvoir de la musique » et
Dryden lui consacra une cantate intitulée : Fite d’Alexandre ou le
pouvoir de la musique.
*
♦ *
Malgré tout, jusqu’au début du xix e siècle on |n’avait pas fait
une étude vraiment scientifique de l’action de la musique sur les
affections mentales et Flaubert dans un livre immortel nous montre
ce que pourrait devenir cette thérapeutique jointe aux pratiques
magnétiques dans les mains d’expérimentateurs inhabiles : Bouvard
et Pécuchet ont acquis un harmonica.« Unjourque Migraine était
plus mal, il y recoururent. Les sons cristallins l’exaspérèrent mais
Deleuze ordonne de ne pas s’effrayer des plaintes; la musique
continua.
— Assez, assez! criait-il.
(1) Cabanbs, dójà cité.
(2) Xavier Vbrdibr. Sur quelques effets physiologiques de la musique.
Thèse Toulouse , 1903, p. 9.
(3) Popb. E$$ai sur la eriUque en ceuvres compliles . Paris, Duchesne,
M. DCC, LXXIX,
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RBVUB DB PSYCHIATRIB
— Un peu de patience, répétait Bouvard.
Pécuchet tapotait plus vite sur les lames de verre et l’instru-
ment vibrait et le pauvre homme hurlait quand le médecin parut
attiré par le vacarme... (1) »
Pendant que les vieilles pratiques de thérapeutique musicale du
xvm e siècle sombraient dans l’oubli ou le ridicule, Gall appli-
quait son merveilleux esprit d’observation à ce qu’il croyait ètre
l’organe de la musique (2). Les musiciens ont des fronts de bceuf.
11 remarquait que dans l’idiotisme et l’aliénation mentale, alors que
toutes les autres « facultés » de l’àme sont troublées, celle-ci se mani-
feste dans un état presque d’intégríté. Une idiote peut apprendre
une quarantaine de chansons, une femme atteinte de manie puerpé-
rale charme de son chant ses compagnes de cellules. Un jeune gar-
gon trés délirant ne retrouve la raison que pour chanter des vau-
devilles qu’il avait appris auparavant, etc... Pinel en mème temps
remarquait aussi que souvent la correction du langage musical
réapparaissait avant celle du langage ordinaire.
Vers 1830, de tous cótés les médecins ou les directeurs d’asiles
essayaient d’organiser des concerts avec les ressources dont ils
disposaient et en notaient les effets : Esquirol (3), qui déplorait
la situation du directeur de Charenton, auprès de qui le médecin
en chef n’était guère plus qu’un simple iníirmier, nous montre sous
un jour bien peu favorable les essais de représentation musicale
qui furent tentés dans cette maison; il fautdirequecetextraordinaire
directeur avait trouvé moyen de s’adjoindre le marquis de Sade,
son pensionnaire, comme organisateur de ces fétes où l'on faisait
venir des danseuses et des actriccs et où les malades étaienl
exhibés comme des curiosités à tel point que le ministre dut
interdire les comédies et les bals.
Malgré ces faits,ayant d’ailleurs peu de rapport avec la musique
elle-mème et une série d’expériences malheureuses, ce qui était
plusgrave, Esquiroltermine sonétude sur ce point par ces mots:«Je
neconcluraipas deces insuccès qu’il soit inutile de faire de la musique
aux aliénés et de les exciter à en faire eux-mèmes : si la musique ne
(1) O. Flaubert Bouvardel Picuehel. (Euvre posthume. Paris, FssqueDe,
1906, p. 255.
(2) Gall. Anat. et physiol. du syslime nerveux en giniral el du cerveau en parti-
cutier, par P. Gall. Paris, 1819, tome IV, p. 117 et suivanles.
(3) Esquirol. Des maladies mentales, tome II, 1838, p. 577.
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LA MUSIQUE DANS LE THAITEMENT DBS PSYCHOSES
365
guérit pas, elle distrait et par conséquent,elle soulage: elle apporte
quelqueallègement à la douleur pbysique et morale; elle est évidem-
ment utile aux convalescents; il ne faut donc pas en repousser
I’usage (1). »
Leuret (2) fait remarquer que les tentatives de thérapeutique
musicale faites jusqu’à son époque ont toujours étè très incomplètes
pour résoudre la question de I’efficacité qu’elles peuvent avoir
dans le traitement de la folie. N’ayant aucun musicien à sa dispo-
sition, il donna un jour à choisir entre la douche et le violon à un
ancien ménètrier qui se croyait poursuivi par la police et n’osait
ou ne voulait pas bouger. Le ménétrier choisit le violon et joua
la Marseillaise. A I’école quelques malades l’accompagnèrent et
formèrent le noyau d’un premier chceur. Deux mois après le musi-
cien était guéri, simple colncidence peut-étre, mais assez trou-
blante. On continua à jouer de la musique dans le service de
Leuret : deux fois par semaine il y avait concert et les exécutants
étaient recrutés parmi les aveugles de l’hospice. Un musicien célè-
bre à l’époque, M. Wilhelm, en assistant à ces réunions, édifia les
principes d’une méthode d’éducation musicale adaptée à l’état
intellectuel des malades.
A Saint-Yon, à Quatre-Mares, des classes dechants’organisaient
aussi et Legrand du Saule qui y assistait notait que les t raits s’ani-
maient chez les déments et les mélancoliques, que le maniaque
méme excité fixait son attention (3). Ces essais étaientsouventcon-
trariés par des querelles intestines particulièrement entre médecins
et administrateurs, et l’illustre aliéniste demandait spirituellement
si la musique ne pourrait pas avoir une action salutaire sur d’autres
habitants des asiles que les malades.
Un duo composé d’un pianiste « monomaniaque » et d’un gui-
tariste «imbécile » était célèbre dans toute l’Italie vers 1820 et atti-
rait les étrangers à l’Asile d’Aversa. Bríère de Boismont le vit en
1829. Trente ansaprès, dans un deuxième voyage aux environs de
Milan, à la Senovra, il assista à un concert donné par 12 aliénés
musiciens et par 12 chanteurs. Chaque individu retrouvait pour
(1) Esq. Ouvr. cité, p. 686.
(2) Leuret. Du trailement moral de la folie. Paris, Baillière, 1840, p. 175.
(3) Lbgrand du Saulb. La musique expérimentale è I’asile de Quatre-Mares,
in Annalee. Paris, Masson, 1869, p. 640.
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RBVUB DB PSYCHIATHIB
l’exécution « la puiasance de son moi », mais les troubles réapparaia*
saient bientdt. A Quatre-Mares, le méme auteur avait été frap-
pé de la facilité avec laquelle les malades apprenaient la musique.
II faut dire que là cet enseignement était dirigé par le doctenr
Laurent. L’opinion de Brière de Boismont fut fixée dans un article,
à la suite de ces voyages (1). Sa conclusion est la suivante : « II
est possible que la musique puisse guérir parfois la Folie... mais
nous la regardons surtout comme une distraction utile, agréable
et avantageuse à la santé. » Elle coupe les longues heures de
paresse des asiles, si malsaines, et arrète peut-ètre la marche de
la démence. G’est à peu près aussi ce que pensait Lasègue de cette
question.
Nous avons vu que Laurent est un des premiers qui ait essayé
de faire sortir la thérapeutique musicale de l’empirisme et se
soit mis à étudier son action et son emploi. Déjà étant inteme á
Montevergues, il avart, sous la direction de M. Noray, de sa femme
et desa fille, tous musiciens, organisédes concerts,quiavaientprovo-
qué l’admiration de l’inspecteur Parchappe. Trente-quatre malades
y prenaient une part constante; les plus jeunes avaientune vingtaine
d’années, les plus ágés ne dépassaient pas la quarantaine. Les modes
majeurs: marches, mouvements enjoués, etc... devaient stimuler; les
modes mineurs, apaiser et exercer une action sédative. L’état de la
sensibilité, d’après Laurent, peutètre modifié par deschants ou des ahs
non encore connus du malade et incapables par conséquent de faire
appel à son intelligence, en éveillant des souvenirs et en les associant.
Get appel aux souvenirs qu’il ne faut point négliger varie avec
chaque cas. Chez les femmes et chez certains malades particulière-
ment susceptibles, l’agitation, l’anxiété peuvent ètre augmentéespar
l’application de ce traitement : il faut y soumettre parcontreceux
dont la susceptibilité spèciale n’est que pervertie et non pas exaltée.
Les maladies mentales usent les voix, surtout du médium et
l’aliéné reproduit les sons en général d’autant mieux qu’il est plus
près de la guérkon. Mais les exceptions à cette règle sont assez
fréquentes; on petrt mème observer le * contraire. Le chant èt
la musique non seulement occupent l’esprit, mais ont une action
favorable sur la respiration et l’économie entière et diminuent
(1) Bri&rk db Bonnorrr. De la muńqae dans les ańles d’aiiéaés et des eon-
certs de la Senavra et de Quatre-Mares, in Aiuwlte. Parte, Massom, 1869, p. 667.
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LA MUSIQUE DANS LE TRAITBMBNT DES PSYCHOSES
367
l’mfluence des penchants génésiques. II faut mieux avoir recours à
une musique grave : l’idéal de ce genre, c’est la musique religieuse,
qui est une distraction excellente; quelques morceaux d’opéras
et des mélodies peuvent compléter le répertoire.
En plus des asiles que nous avons cités au cours des lignes précé-
dentes, il y avait à Bicétre un groupe d’exécutants dirigés par le
eompositeur Hervé, de 1845 à 1850, et qui étaittrès connu de ceux
que ieurs fonctions ou leurs études appelaient à visiter ces établis-
sements d’hospitalisation spéciale.
Nous avons insisté sur les travaux de Laurent parce qu’ils mar-
quent une date importante dans l’histoire de la thérapeutique musi-
cale des psychoses : depuis, la pratique de la musiques’est généra-
lisée dans les asiles.
Boumeville crée à Bicètre sa fanfare d’idiots et d’imbéciles. A la
Salpétrière, on réunit de temps à autre les aliénés pourdes concerts
et des bals. Dans les asiles de la Seine, en dehors des toumées des
Frères Lyonnet et de leurs successeurs, des visites de sociétés har-
moniques étrangères, des groupes de malades donnent des auditions
ou chantent des opérettes. A Villejuif, par exemple, une fanfare et
des choeurs sont organisés par M. Besangon et M® 0 L... A Sainte-Anne,
l’été est I’occasion d’une série de représentations sur un théfitre de
verdure. Enfin presque tous les quartiers de malades tranquilles
ont leurspianos ou tout au moins leur phonographe et le dimanche,
après le parloir, on trompe la monotonie du séjour à l’asile par
une heure de danse ou de musique. II en est de méme dans beaur
coup de maisons de santé privées, comme celle d’Ivry, où des pia-
nos et des instruments de musique existent non seulement dans les
salles de réunionde malades, mais dans chacun des bfitiments qu’ils
occupent (1).
M. Dheur, MM. Duprè et Nathan (2), M. Paul Farez (3), etc...
ont repris sur cette question l’opinìon d’Esquirol et de Brière de
fl) Dbbur. La musique et !es aliénés. Joumald’hygiine, déc. 1897. — Mème
auteur. La maison de sanli d'Esquirol, p. 102.
(2) Dupré et Nathan. Le langage musical. Paris, Alcan, 1911, p. 177.
(3) Soeiélé d« paychotbérapia et de paycbologie, in Arehives da meurologie,
jutv. 1913, p. 56.
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RBTVB DB PSYCHU.TME
Boismont, en insistant sur le danger qu’il pouvait y avoir à em-
ployer cette thérapeutique à la légère, en « généralisant trop les
conclusions tirées d’un cas heureux et en oubliant que chacun diffère
comme réaction du voisin. La musique cesse d’ètre un agent théra-
peutique spécial pour entrer dans Ie traitement hygiénique de U
folie et rendre de réels services. Elle répond à ce besoin d’excitatioo
sensitivequi est communà noustous. Elle distrait donc, elle soulage
et pour cela mème est utile. Si les malades jouent au lieu de se
contenter d’écouter, cela devient une occupation corporelle et
intellectuelle assimilable au travail (1). »
Pourtant Ies progrès de la physiologie avaient pu faire espérer
que les essais de thérapeutique rationnelle tentés par Laurent se-
raient continués sur une base plus certaine et que les indications
et les modes d’emploi pourraient, gráce à une science en pleine voie
de développement, ètre un jour précisés. Les premiers travaux phy-
siologiques ne remontent guère plus loin que 1876, I’année du mé-
moire de Rambossou (2). Pour cet auteur, la musique agit d’ une manière
difTérente suivant le genre auquel on fait appel: l’un provoque l’ac-
tion de l’intelligence et des nerfs locomoteurs, l'autre agit sur la
sensibilité, un autre enfín sur les deux réunis. D’autres auteurs,
Doguel en Russie, Dogiel en Allemagne, Mentz (3) à l’aide du
pléthysmographe et du sphygmographe de Marey, étudient Ies varía-
tions de la pression artérielle, du pouls et de la respiration sous
l’influence de la musique. Le son augmente la pression artéríelle
des animaux en expérience, accélère et renforce les battements du
coeur. Chez l’homme, la pression varie avec les mélodies et les dia-
pasons. Les sons musicaux moyens Ies plus agréables ralentissent le
pouls et souvent la respiration. Si l’excitation est plus forte, le rytbme
de ces deux fonctions est accéléré, surtout si en mème temps le
sujet préte une attention soutenue. C’est à peu près ce que notait
Cardan dans ses observations.
Le prince de Tarchanoff, àl’aidedel’ergographedeMono, remarque
que Ia fatigue disparait pendant l’audition d’un morceau de musi-
que gaie; au contraire une musique triste, en mineur et de rythme
lent, atténuait ou faisait disparattre les contractions qui pouvaient
(1) Dhbur. Ouvr. cité.
(2) Bulletin de l'Académie de mideeine de Paris, 1876, 2< série, p. 1104.
(3) Analyse. Annie ptychologique, 1896, p. 105; p. 390-402.
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LA MUSIQUE DA.NS LE TRAITEMENT DES PSYCH0SE8
369
reprendre quand succédait un air vif. Les échanges respiratoires
sont augmentés ainsi que l’activité de la peau que l’on étudie
de la fagon suivante : un galvanomètre très sensible mesure
les courants cutanés de la main, le sujet étant au repos, puis
sous I’influence d’une musique excitante. Une déviation très
nette dans le miroir indique*des variations daps les courants cuta-
nés de la main « qui sont en grande partie des courants sécrétoi-
res des glandes sudoripares (1)». Binet et Courtier (2), Guibault (3)
arrivent à peu près aux mémes conclusions: Les excitations musicales
déterminent généralement l’accélération du cceur et de la respira-
tion et un rapetissement de la pulsation capillaire, c’est-à-dire de la
vaso-constriction. L’excitation purement sensorielle, ou isolée, accord
consonant ou dissonant, majeur ou mineur, lent ou vif, etc... accé-
lère la respiration d’autant plus que le rythme est plus vif. Le mode
majeur et les accords dissonants amènent les réactions les plus fortes.
Le coeur suit l’appareil respiratoire. Quand l’émotion se joint à )a
sensation, les troubles sont encore plus marqués, surtoutsi l’émotion
provient d’une musique gaie. Le pouls capillaire montre dans ces
cas une vaso-constriction très marquèe.
Charles Féré, reprenant les mesures à l’ergographe(4), àsontour
constate que sous Pinfluence de la musique,« non seulement l’efTort
initial est plus grand, mais la durée de Peffort prolongé est accrue
ainsi que la puissance à le renouveler »; mais la limite de fatigue
n’est que reculée, il ne faut pas Poublier. La pression artérielle suit
les modifications dynamiques. Les sons de choix sont les sons
moyens. Le sujet fatigué est plus sensible à l’action de la musique
que le sujet au repos. Les intervalles dissonants dépriment et les
consoiíants excitent. Quand ils alternent avec interruption plus ou
moins longue, s’ils se succèdent, ils perdent leur spécificité. Les sons
mineurs sont dépressifs et les majeurs excitants. L’altemance des
tonalités donne des résultats comparables à ceux de l’alteraance des
(1) P<* de Tarchanofp. Influence de la musique sur l'homme etles animaux.
Congrès de médecine internationale, II, Rome, 1894.
(2) Binet et Courtier. Influence de la musique sur la respiration, le cceur et
la circulation capillaire. Année psychol., 1896, p. 104-126.
(3) Guibault. Contribution à l'étude expérimentale de l'influence de la musi-
que, sur la circulation et la respiration. Thèse , 1898-1899.
(4) Ch. Féré. Sensation ei mouvemenL Paris, 1887, chap. vi. — Ch. Féré et
Marie Sael. Notes dans les comptes rendus de la Société de Biologie, depuis
1885. — Ch. Féré. Influence du rythme sur le travail. Année psychol., 1901.
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REVUE DB PSYCHIATRIB
intervalles. Le rythme, suivant sa rapidité et sa diversité, exatte
l’énergie et procure du plaisir. « On assiste à de vérítables ivresses
motrices qui peuvent rendre compte de l’excitation produite par
les rythmes varíés dans les exercices physiques et notamment dans
la danse. » La fatigue arríve d’ailleurs plus vite dans ces conditions.
L’interruption des excitations améne du plaisir si l’excitation était
dépressive, de l’ennui dans le cas contraire.
Enfìn M. Verdier (1) et M. Guibier (2) ont repris les travaux de
ieurs prédécesseurs et y ont ajouté leur expéríence personnelle. Nous
n’entrerons pas dans le détail des conclusions de ces auteurs, on
les trouvera en se reportant à leurs thèses et nous chercherons seu*
lement quels sont les résultats pratiques que l’on peut en tirer:
« La prédominance du mode majeur, les rythmes vifs et varíès,
l’alternance des tonalités et des accords de signes contraires, ia
brusquerie et l’intensité des mouvements et des repríses, une dis-
position particulière des silences rompant le rythme au moment
opportun produisent une accélération de la respiration et du cceur,
une vaso-constríction, une exaltation de la puissance de contraction
musculaire plus grandes et des phénomènes plus marqués qu’un
rythme uniforme, lent, la répétition d’un mème son, d’accords soit
consonants, soit dissonants et la prédominance du mode mineur. La
musique est excitante ou tonifìante, dépressive ou sédative suivant
qu’elle présente les uns ou les autres de ces caractères (3) ».
En apparence, ces conclusions sont en contradiction avec celles
des médecins qui ont essayé Ia musique sans en étudier en détail Ies
effets physiologiques; mais en réalité la question est beaucoup plus
eomplexe. On ne connaít que quelques-uns des effets physiologiques
de la musique; beaucoup sont parfaitement inconnus. La méthode
psycho-physiologique, comme l’ont fait remarquer MM. Dupré et
Nathan, peut renseigner sur les émotions simples en étudiant leuis
manifestations organiques, « mais eile se trouve désarmée en pré-
sence de réactions aussi complexes que celles de Pémotion esthétique
et du plaisir artistique en général (4). »
(1) Vbrdier. Sur quelques effets physiologiques de la musique. Tbit*
TouUnue, 1903,
(2) Guibibr. De la pouibiliti d'une action Ihérapeuiique de la mutiquc. Psrts,
Jouve, 1902.
(3) Guibibr. Ouvr. cité, p. 59 et 60.
(4) Dupré et Nathaw. Ouvr. cité, p. 178.
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LA MUSIQUE DÁNS LE TRAITEMENT DES PSYCHOSES
371
Pour user de la musique dans des conditions favorables, il fau-
drait doser pour ainsi dire la valeur thérapeutique d’un certain nom-
brede morceaux, mais méme danscesconditions les príncipales chan-
ces d’échec ne seraient pas évitées puisqu’elles viennent du malade
dont les réactions sont parfois paradoxales. II faut avoir grand soin
d’éviter la fatigue, surtout quand le sujet a besoin de repos ou bien
est particulièrement susceptible, et surtout il faut éviter de le con-
trarier en lui imposant de force la thérapeutique musicale.
Les simples « névropsychopathes », les convalescents se trouve-
ront bien d’essais de cette cure pratiquée avec toute la prudence
désirable.
On voit donc que les expériences des modernes aboutissent aux
mémes conclusions que celles des vieux auteurs. La musique est un
excellent adjuvant pour la cure des maladies mentales soignées &
l’asile. Dans ces conditions, la mélothérapie peut ètre appliquée sui-
vant les dispositions des malades et leur état de santé de deux ma-
nières : les uns se contenteront d’ètre des auditeurs, les autres seront
des exécutants. Les « facultés » d’expression du langage musicalsont
souvent dans un état d’intégrité presque complet vis-à-vis du reste de
l’intelligence : les vieux auteurs avaient bien souvent constaté ce
fait qui facilite le recrutement des orchestres mème parmi des idiots
ou des imbéciles. Le point essentiel est la bonne volonté du malade;
il ne faut forcer personne à devenir exécutant; de mème pour les
auditeurs, il ne faut pas oublier les contre-indications sur lesquelles
nous avons insisté... En outre, il y a une série d’obstacles que nous
n’avons pas encore envisagés : il faut des organisateurs, dirigés par
un médecin compétent. Au cours de notre historique, nous avons vu
réussir dans d’excellentes conditions des médecins comme Laurent
qui étaient eux-mèmes bons musiciens. Un organisateur malhabile
courra au-devant d’un échec ou ne réussira, comme le directeur de
Charenton dont parle Esquirol, qu’à produire une exhibition
malsaine, contraire aux intérèts desmalades. C’est ce derniergroupe
de faits qui explique certainement les alternatives de faveur et
de discrédit de la mélothérapie.
En tous cas, l’exercice de la musique est excellent dans les services
d’aliénés : pratiqué dans les quartiers de tranquilles d’une manière
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RBVUB D8 PSYCHIATRIB
modérée, nous ne l’avons jamais vu présenter le moindre inconvé-
nient grave. De petits concerts distraient les malades et les aident
à supporter Ieur sort en leur procurant une occupation agréable au
moment méme et pendant les études qui précèdent. Parfois la musi-
que a une action plus directe et on sait que mème les agitésse tien-
nent plus tranquilles dans la crainte d’étre privés de ces petites fétes
et s’acheminent peut-étre plus vite vers la guérison après s’étre
pendant quelque temps entralnés à se ressaisir. Quant à ceux qui
ont appris la musique à l’asile et qui en sortent un jour, ils ont
acquis une connaissance, qui leur apportera d’autres plaisirs que
le cabaret, contre Iequel ils se trouvent protégés comme on cons-
tate ce fait dans Ies pays où les sociétés chorales et musicales sont
très développées par exemple en Allemagne où l’alcoolisme sévit
beaucoup moins qu’en France.
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UNE CONTROVERSE SUR LES DEMI-FOUS
Par
M. le procureur Loubat et M. le professeur Grasset
La question si discutée des demi-fous a fourni & M. le procureur
général Loubat le motif de la lettre suivante publiée par le Temps :
« Le vobu que viennent d’émettre les jurés de la Seine en faveur
de«rinternement dans des asiles spéciaux des coupables déclarés ir-
responsables par le jury, et qu’une décision d’acquittement met
normalement en liberté » m’engage à demander de nouveau l’hospi-
talité du Temps pour répondre à la belle conférence faite récemment
par M. le docteur Grasset sur ie sujet, qui lui est cher, des demi-fous.
Dans son nouvel exposé de la question, l’éminent professeur a bien
voulu s'occuper à piusieurs reprises, et avec une courtoisie dont je
lui suis profondément reconnaissant, de )a lettre que je vous ai adres-
sèe le 4 janvier dernier; raais tout en réfutant certaines idées que j’y
ai exposées, il a cependant, à ma grande surprise, trouvé ma conclu-
sion conforme à la sienne. C’est sur ce dernier point que jc désire
m’expiiquer et montrer que l’école dont je me réclame n’est nulle-
ment d’accord — et je le regrette — avec le brillant auteur de Demi -
fous et demi-responsables .
« M. le docteur Grasset demande qu’on introduise dans la loi la
notion de la responsabilité atténuée, qu’on institue un verdict basé sur
cette idée, et que les demi-fous partiellement irresponsabies soient
intemés dans des établissements où il seront traités jusqu’à la gué-
rison, et mème,s’il le faut, pendant toute leurvie.il repousse donc
toute peine contre les délinquants et les criminels imparfaitement
responsables ou prétendus tels. Ce sont des malades que la société a
le devoir de soigner, et si possible de guérir.
« Cette thèse est bien éloignée de celle que j’ai soutenue dans le
Ttmps . D’abord je ne peux pas avoir réclamé l’asile-prison pour lea
clients de M. le docteur Grasset puisque j’ai combattu la théorie
de la responsabilité atténuée comme illégale, arbitraire et funeste :
illégale parce que non seulement elle n’est fondée sur aucun texte,
mais parce qu’elle est plutòt contraire à la loi qui n’admet que la
responsabilité ou l’irresponsabilité intégrales; arbitraire parce qu’elle
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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dépend des opinions scientiíiques du médecin qui peut n’ètre, au
surplus, qu’un vulgaire médicastre; funeste enfin parce qu’elle aboutit
à la ruine de la répression soit par l’acquittement, soit par la dimi-
nution des peines et laisse la société désarmée contre des individus
non à demi mais doublement dangereux.
« J’ai reconnu, en effet, Texistence de criminels anormaux: alcoo-
liques, dégénérés, détraqués, maniaques, et j’ai déclaré qu’il y a dans
notrelégislationune lacune qui oblige à les remettre en liberté à leur
sortie de prison, malgré le danger qu’ils font courir à l’ordre public.
Mais pour eux, pas d’analyse quantitative, de mensuration ou de
dosage de la responsabilité, opération d’aUleurs plutót morale que
médicale pour laquelle je récuse le médecin : tout ou rien, suivant le
système vieilli peut-ètre mais d’autant pius digne de respect de notre
Code pénal. Reconnus déments et irresponsables, c’est l’asile d’aliénés.
Responsables, sans dcgrés thermométriques, c’est non rasile-prison,
que réclame M. le docteur Grasset, mais la prion tout court. Voilà le
preraier traitement qui me paratt devoir ètre appliqué aux soi-disant
demi-fous. Sans prétendre empiéter sur les plates-bandes du jardin
d’Esculape, je crois ce moyen plus propre à exciter de salutaires
réfiexions dans les « neurones psychiques », que le séjour tranquiUe
et confortable dans un hòpital, fùt-ce un hòpital-prison.
« Ce n’est qu’après exécution de leur peine que ces individus devraient
ètre enfermés dans des établissements spéciaux comme ii en existe
en Angleterre et en Norvège, et où ils seraient gardés jusqu’à ce qu’ile
eussent cessé d’ètre un péril pour la sécurité publique. « Les condamnét
dangereux, disais-je, doivent ètre internés pour une assez longue
durée après Vaccomplissement de leur peine . » 11 est inadmissibie, en
effet, que tous ces détraqués nuisibles soient remis danslacirculation
après leur mise en liberté, et puissent recommencer la série de leurs
tristes exploits. C’est sur ce point que le bon docteur croit ètre d’ac-
cord avec moi, et c’est là que notre divergence est absolue. Car s’il
reconnaìt que ses demi-fous comprennent le gendarme et la prison,
il se refuse cependant à les leur livrer et les confie tout bonnement à
une soeur de charité; je les mets, au contraire, d’abord en prisoo,
puis, leur compte réglé, dans un quartier de sùreté... quand il y en
aura.
« Je demande d’ailleurs cet intemement non seulement pour tes
anormaux mais encore pour tous les habitués du críme ou du déiit
C’est la notion de téiat dangereux dont l’introduction dans la loi est
préconisée par plusieurs criminalistes de France et de l’étranger, et qui
a été adoptée, sur la proposition de l’éminent professeur fran$ais
M. Gargon, par le congrèsde l’Union internationnale de droit pénal
tenu en 1910 à Bruxelles. Cela n’a rien de commun avec les idées
médico-sociales de M. le professeur Grasset. II s’agit de gens qui ne
sont nullement fous, mais dont la présence dans la société constitue
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L'NE CONIROVERSE SUR LES DEMI-FOUS
375
une menace permanente pour leurs semblables : récidivistes incorri-
gibles, vagabonds et mendiants de profession, apaches, souteneurs
et antisociaux de toutes sortes. Enfin il n’est pas question d’octroyer
un traitement doucereux et privilégié à un pareil monde. lls subiront
d’abord ia prison pure et simpie comrae les autres; puis, au lieu de
leur remettre la bride sur le cou, on les gardera pendant un temps fixé
non par les médecins, ce qui aurait pour effet d’anéantir les garanties
de la liberté individuelle, toujours nécessaires, mais par la loi ou par
les tribunaux.
« II est un point, au contraire, sur lequel je suis entièrement d’ac-
cord avec M. le docteur Grasset : c’est sur les conséquences néfastes
de la situation actuelle. La théorie de ia responsabilité atténuée étant
entrée dans nos moeurs judiciairesparlacirculairedu 12décembre 1905,
il n’est pas de jours où elle ne soit appliquée soit en police correction-
nelle, soit aux assises. Les médecins, souvent les moins justifiés,
sondent, scrutent, interrogent anxieusement « les centres nerveux *
des accusés, pèsent et mesurent magistralement la responsabilité
corame les pharmaciens font leurs savants mélanges. On en a vu con-
clure sérieusement à la réduction d’un cinquième, d’un dixième!
L’un proclame l’irresponsabilité partielle parce que le coupable a de
l’asymétrie de la face; l’autre parce que I’accusé a un tic de la pau-
pière. Ainsi M. Jaurès, qui présente une particularité toute pareille,
serait un dégénéré 1 11 est vrai qu’il serait en bonne compagnie et ne
s’ennuierait pas, puisque dans ce système tous les grands génies de
l’humanité pourraient former un Panthéon de demi-fous. La consé-
quence de ces fantaisies est souvent un verdict complètement néga-
tif, le jury concluant aisément de la responsabilité partielle à l’irres-
ponsabilité. Plus souvent encore, c’est une forte entaille à la peine
par le jeu des circonstances atténuantes. Ces deux solutions sont éga-
lement détestables, dit avec raison mon savant contradicteur : l’ac-
quittement est un scandale, la responsabilité atténuée n’étant pas
la démence, et la réduction de la peine n’cst pas plus raisonnable puis-
qu’elle amollit la répression sans aucune contre-partie. De toutes
fagons, c’est un régime charmant pour les coupables, et néfaste pour
la société. Sur le mal, tout le monde est d’accord. C’est sur le remède
qu’on se sépare et que les médecins eux-mémes sont divisés : Hippo-
crate dlt oui, mais Galien dit non. « Ce n’est pas la notion de la res-
ponsabilité atténuée, s’écrie l’éloquent conférencier, qui est la cause
de cette situation inextricable : c’est la loi; il faut la changer! »
« Je réponds que ce n’est nullement la loi qui nous a mis dans cette
impasse. La loi est parfaitement logique et nette en n’admettant que
la responsabilité ou l’irresponsabilité totales, c’est-à-dire le chátiment
ou l’asile d’aliénés, le bagne ou le cabanon, ainsi que je le disais dans
ma lettre du 4 janvier. Ce qui est venu troubler l’harmonie du système
de notre Code pénal et rompre l’équilibre, c’est l’admisslon de la res-
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RBVUE DB PSYCHIATRIB
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ponsabilité atténuée dans la procédure crlminelle, sans que les consé-
quences de cette innovation aient été préalablement réglées par lì
loi. Depuis des années que les demi-fous flirtent avec Thémis, la véné-
rable dame a vu fausser toutes les armes propres à décourager ces
nouveaux soupirants : les coups de son glaive se retournent main-
tenant contre elle. Ce n’est donc pas la loi qu'il faut accuser, mais
une pratique bàtarde qui s’est glissée dans l’oeuvre de la justice et
l’a paralysée, comrae ces excroissances qui poussent sur les arbres,
en absorbent la sève et les épuisent. Les inventeurs des demi-fous
doivent seuls en supporter la responsabilité — non atténuée.
« C’est un système vraiment commode que de dire au législateur :
« Nous sommes sortis de la légalité en ajoutant, de notre propre cheí,
quelque chose à la loi; mais nous n’avons créé qu’un monstre. Faites
vite une nouvelle loi pour nous en délivrer, car il commet toutes sortes
de dégftts. » C’est la carte forcóe et le couteau sur la gorge. Or M. le
docteur Grasset n’ignore pas que l’appareil législatif est affligé d’une
lenteur aussi sage — sinon plus — que celui de la justice. Ainsi avant
qu’on ait institué le régime légal de la responsabilité atténuée et cons-
truit des asiles-prisons, en supposant qu'on le fasse jamais, ce qui
n’est pas démontré, il se prononcera passablement d’acquittements
et de courtes peines au nom de la demi-folie. Depuis 38 ans que la loi
du 5 juin 1875 a édicté l’emprisonnement cellulaire, nous avons vu
transformer 59 prisons seulement sur 362, ce’qui implique un ou deux
siècles pour l’achèvement de la réforme. D’après cet exemple, il serait
peut-ètre téméraire d’escompter les asiles-prisons à brève échéance.
Cependant on ne saurait, de l’avis unanime, rester pius iongtemps
dans une situation aussi fftcheuse. Actueliement ia responsabilité
atténuée n’est pas autre chose que la répression édulcorée, émiettée
envers des gens que souvent la seule grande habitude du crirae ou
du délit a promus au titre de demi-fous. Faut-il continuer à dire:
Video meliora proboque, deteriora sequorì Ne serait-il pas préféraWe,
du moment qu’on a placé la charrue devant les bceufs, de refnettre
chaque chose à sa place, et, puisqu’on est sorti des règles du Code
pénal, de se dépècher d'y rentrer? »
William Loubat, Procureur général à Lyon.
M. le professeur Grasset a répliqué par la notc suivante, publiée
par le mème journal :
« M. le procureur général Loubat a bien voulu attirer de nouveau
l’attention des lecteurs du Temps sur ia question des demi-fous et de
la responsabilité atténuée. Je l’en remercie. Dans d’aussi graves
débats, il n’y a qu’une chose à redouter : c’est le silence de la presse
et l’indifférence du grand pubiic.
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UNE CONTROVERSE SUR LES DEMI-POUS
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« Mais j’avoue que j’ai été áéqu en voyant la profondeur, au moins
apparente, du fossé qui sépare nos deux manières de voir.
« J’avais cru me mettre sur un terrain indiscutable et acceptable
par tous en disant qu’il fallait changer ou compléter la loi, que seuls
les législateurs étaient en cause et qu’il fallait faire une campagne
unanime pour leur forcer la main.
« Sur ce terrain, on ne pouvait plus dire, comme le fait M. Loubat,
que ma thèse est « illégale, arbitraire et funeste ».
« Elle n’est pas illégale, puisqu’elle consiste à demander une
loi.
« Elle n’est pas funeste, puisqu’elle a précisément pour but de
supprimer les funestes résultats de la loi actuelle.
« Est-elle arbitraire? Je ne le crois pas. Si les demi-fous existent,
ce sont des malades et il n’est pas arbitraire de dire que les médecins
doivent poser le diagnostic.
« Je connais bien cet « ètat dangereux », dont parle M. Loubat;
j’en ai causé avec le professeur Gargon : cette question et celle des
demi-fous sont connexes. Je crois que beaucoup, parmi les criminels
en état dangereux, sont des demi-fous; en tout cas, c’est le médecin
qui peut seul faire le départ parmi« ces habitués du crime ou du délit»
entre les malades et les non malades. Une fois ce départ fait, il faut
régler la question des malades en élal dangereux. C’est ce que je de-
mande. Cela n’empèchera pas d’étudier aussi et de régler la question
(autrement compliquée et difficile) des nonmalades en état dangereux.
« M. Loubat reconnaít expressément les « conséquences néfastes
de la situation actuelle »; il faut donc en sortir. Seulement, pour en
sortir, M. le procureur général se dresse solennellement et requiert
non contre la loi actuelle, mais contre « les inventeurs des demi-
fous », qui ont toute la responsabilité, sans atténuation, de la doulou-
reuse situation actuelle.
« Je peux vous assurer, monsieur le procureur général, que nous
serions bien heureux si la demi-folie était une invention des médi-
castres, parce qu’alors la médecine, mieux informée, supprimerait
bien volontiers et rapidement cette lamentable catégorie de malades.
« Quand on a le triste privilège d’entendre, depuis quarante ans,
les doléances, les appels désespérés des pères de famille, dont le fils
a commis une série de vols ou d’indélicatesses, puis a déserté au régi-
ment à plusieurs reprises, et bétement enfin a cambriolé et assassiné,
on voudrait bien qu’il sufflt de notre volonté pour supprimerces
malheureux, que la loi ne nous permet pas d’arrèter dès leur premier
méfait et de soigner par force , dès que leur nocivité sociale et ma/a-
dive nous est démontrée.
« La re8ponsabilité atlénuée de certains criminels est un fail y reconnu
et proctamé par tous tes médecins.
« Ce n’est pas là un des points, sur lesquels Hippocrate dit oui et
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REVUB DB PSYCHIATRJB
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Galien dit non. Ce n’est pas là un de ces « conflits solennels » entre
médecins, dont on a beaucoup parlé récemment.
« Tous sont d’accord: les criminels à responsabilité atténuée existent.
Dans la législation actuelle, la société ne peut ni les soigner ni se ga-
rantir contre eux. II faut que cette situation change. II faut que les
législateurs s'en occupent.
« C’est la carte forcée *, dit M. Loubat. Rien de plus vrai. Mais ce
n’est pas nous, médecins, qui mettons ainsi«le couteau sur la gorge»
de la société; ce sont les malades, ce sont les faits.
« Si ces faits paraissent nouveaux, c’est qu’on les connalt mieux,
on les a mieux analysés. Aucun de nous ne les a créés; quekjues-uns
seulement les ont mieux étudiés et mieux fait connaltre.
« En demandant que la loi soit adaptée à ces connaissances médi-
cales nouvelles, ne semble-t-il pas que nous devrionsrailierrunanimité
des suffrages, des magistrats comme des médecins, de tout le monde
et surtout des sénateurs et des députés? »
D* Grasset, Professeur à TUniversité de Montpellier.
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LA PSYCHIATRIE AU CONGRÈS DE LONDRES
La sectìon de psychiatrie du Congrès de Londres, présidée par
Sir James Crighton-Browne, tint ses séances dans la Bibliothèque
de Chimie du Collège Impérial des Sciences et de Technologie.
Parmi les principaux travaux qui furent communiqués à cette sec-
section, il faut citer les suivants :
La Psychologie dn crime, par M. le P r Weigandt (de Ham-
bourg). — De récentes dispositions législatives prises en Hongrie
(1908), en Angleterre (1909), en Italie (1910)tèmoignentde l’impor-
tance croissante accordée à ces questions. Les opinions sur le crime
se modifient et la loi est parfois en avance, ou parfois en retard sur
l’opinion publique. Le crime est l’oeuvre d’une individualitè et de
son milieu, et dans celui-ci, I’hérédité joue le principal róle. On
peut diviser les criminels en : 1° Criminels d’occasion; 2° Criminels
spontanément ou par induction; 3° Criminels opportunistes; 4° Cri-
minels habituels ; 5° Criminels professionnels ; 6° Criminels fai-
bles d’esprit; 7° Criminels fous.
On ne peut défendre la cause des pénalités appliquées comme
sanctions répressives de ces actes. Bien que très ancrée dans l’opi-
niondu vulgaire, cette idée a été la source d’ungrand nombred’injus-
tices. Rarement la crainte du chàtiment a empèché le crime. La
rèpression devrait viser à protéger la société contre de nouveaux
actes délictueux du criminel, et pourrait prendre la forme d’un iso-
lement appliqué aux crimiels habituels, d’institution industrielles
et de réforme pour les criminels d'occasion, d’institutions d’éduca-
tion pour la jeunesse ou les faibles d’esprit, d’asiles pour les ivrognes
et les déséquilibrés. Mais la durée de ces cures d’isolement devrait
dépendre du succès du traitement et ne jamais ètre fixée à l’avance.
Les mesures préventives sont, en résumé, au moins aussi importantes
que Ies chàtiments.
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RBVUE DE PSYCHIATRIE
L’ intoxication par le véronal, par M. Willcox, du Home
Office. — Le véronal est indubitablement un puissant hypnotique.
Dèsson apparition.il devint populaire et son action remarquable ne
fut pas moins appréciée par les malades que par les médecins. Mais
il est aussi important pour les uns que pour les autres de savoir
que sauf certains cas spéciaux, on ne peut pas sans danger dépasser
les doses thérapeutiques du véronal. Les symptòmes d’intoxication
ont été observés non seulement à la suite de fortes doses, non seu-
lement dans certains cas d’idiosyncrasie, mais aussi à la suite de
petites doses souvent répétées, ainsi que chez les habitués de ce
médicament.
On a souvent observé tous les signes cliniques de la pneumonie
après I'absorption de fortes doses de véronal, et dans un certain
nombre de cas d’intoxication véronalique il était tout à fait facile
de se méprendre et de croire à la pneumonie.
Dans l’intoxication chronique causée par le véronal (véronalo-
manie), I’état mental des malades devient tout à fait anormal. Ils
sont sujets à des hallucinations de la vue et de méme que les mor-
phinomanes et les cocalnomanes, ils perdent tout sens moral.
La statistique anglaise accuse 15 cas de mort en 1910. II est pro-
bable qu’ils seront plus nombreux en 1911 et 1912.
Le D T Wilcon après avoir dit quelques mots du médinal, du
profronal et du luminal, dont le pouvoir toxique est analogue à
celui du véronal, demande à ce que le véronal ne puisse étre délivré
que sur prescription écrite du médecin, et que cette délivrance ne
puisse étre renouvelée que sur l’indication formelle du signataire
de l’ordonnance. Classer Ie véronal parmi les poisons ne suffit
pas, Ia meilleure sauvegarde consiste en la coopération loyale des
médecins et des pharmaciens pour empècher les abus.
Suivit une brève discussion qui porta surtout sur la difficulté
d’identifier le véronal dans les organes lors de l’autopsie.
Fixation des poisons sur le système nerveux, par MM. Gi il-
lain et Laroche (de Paris). — Ces auteurs ont exposé le résultat
des recherches faites par eux sur la fixation des poisons sur le sys-
tème nerveux. La toxine diphtérique présente une affinitè particu-
lière pour Ies lipoídes phosphorés du groupe des phosphatides, et on
la rencontre dans le bulbe des malades morts à la suite de paralysies
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LA PSYCHIATRIE AU CONGRÈS DE LONDRES
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diphtéríques graves. Ils ont ainsi étudié le raode de fixation des
toxines tétanique, tuberculeuse, etc., mais le cGtó le plus intéres-
gant, au point de vue pratique, de leurs recherches conceme la
fixation des poisons employés en thérapeutique : strychnine,
et en chimie, essences de sauge, de tanaisie, d’hysope, anesthé-
siques divers, etc.
MM. Guillain et Laroche pensent qu’un grand nombre d’accidents
nerveux (convulsions, contractions, paralysie, coma, etc.) ou de
troubles mentaux sont dus à la fixation de certains poisons sur
divers territoires du névraxe.
La lutte contre l’msomnie et la douleur. — Le professeur
A. R. Gushny, de Londres, fit une communication fort intéressante
sur les médicaments soporifiques et analgésiques. II y a quarante
ans à peine, la liste en était courte ; elle s’allonge maintenant tous
les jours de drogues dont chacune connaít une vogue plus ou moins
durable, laquelle dépend moins de ses mérites intrínsèques que de la
publicité qui la lance.
Le professeur Cushny place le chloral et le véronal au premier
rang des soporifiques. En ce qui conceme le véronal, les cas d’intoxi-
cation n’ont jamais été observés qu’au-dessus des doses thérapeu-
tiques. La paraldéhyde a contre elle son goùt et son odeur désa-
gréables et son action est infidèle. D’autre part, elle présente l’avan-
tage de ne pas engendrer l’accoutumance et l’habitude morbide.
Le chanvre indien ne donne pas de résultats constants et son ac-
tion n’est pas purement soporifique. Cependant, mélangé avec
d’autres produits, il peut rendre quelques services.
Dans le traitement de la douleur, on a fait moins de progrès que
dans le traitement de l’insomnie. La principale conquéte des cin-
quante demières années a été la substitution de la morphine à
l’opium. Les autres alcaloídes de l’opium n’ont pas été suffisam-
ment étudiés, mais il est possible que parmi eux, ou que dans une
combinaison de la morphine avec un autre alcalo'ide tel que la nar-
cophine, on trouve matière à résultats intéressants. Le traitement
du symptóme douleur est une des plus urgentes nécessités de la
pratique médicale et tout progrès fait dans cette voie est précieux
aux médecins comme aux malades.
Au cours de la discussion, le D r Jones recommanda les bains turcs
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RBVUB DB PSYGHIATRIB
comme un remède admirable et déclara user fréquemment de Tab
cool dans les cas de manie aigué délirante. L’alcool, affirma-t-il,
employé à faibles doses est un calmant de la douleur. Si l’on craint
de le prescrire sous la forme de boissons fermentées usuelies, oa
peut le déguiser en le faisant entrer dans des potions.
Le professeur Bradbury, de Cambridge, est d’avis que l’on dort
généralement plus qu’on ne se Pimagine et que beaucoup de gens
dorment qui se plaignent du manque de sommeil. Relativement
aux moyens employés pour le provoquer,ila remarqué qu’une bonne
dose de whisky à Peau procure un bon sommeil, principaiement
chez les abstinents. Et le whisky n’a pas les désavantages de la
paraldéhyde.
Sir Lauder Brunton, président, raconte que le plus ancien phar-
macologue fut Salomon, qui,il y a plus de 2.000 ans,recommandait
Palcool comme le meilleur anesthésique moral et physique. « Donnez
du vin à celui dont le coeur est chagrin. Quant à celui qui est prét à
mourirjS’il peut avoir une boisson forte,il oubliera sa misère.» On
voit que Salomon entrait déjà dans les vues de la pharmacologie
moderne.
Les réceptions particulières à la section de psychiatrie furent
nombreuses, et comme toutes les autres, d’ailleurs, remarquable-
ment organisées.
Toutes facilités furent données aux membres de la section pour
visiter les asiles municipaux de Londres, la Darenth Colony for men -
ial defeclives et Holloway Sanalorium dont les plans figuraient au
Musée du Congrès.
Le jeudi 7, les congressistes furent invités à un garden-party au
Belhlem Boyal HospitaL
Le samedi 9,Ia section se réunit à Claybury Asylum pour visiter
Pasile et assister à une démonstration au Laboratoire de Pathologie,
faite par le D r Mott.
Enfin, le mercredi 13, ceux des congressistes qui étaient encore en
Angleterre purent se rendre à Gardiff, visiter le Cardiff Menial Ho $-
pital et assister au déjeuner qui leur était offert par le Lord Maire
de cette ville.
Louis Viel.
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UMIVERSITY OF MICHtGAN
NOUVELLES
Prix da l’Académie royale de Belgique. — L’Académie royale
de Belgique avait ouvert un concours concernant les maladies des
centres nerveux et principalement l’épilepsie.
Une mention honorable et une récompense de 1.000 írancs sont
accordées au mémoire n° 8,dontles auteurs sont les docteurs Toulouse,
médecin en chef de l'asile de Villejuif, directeur du laboratoire de
psychologie expérimentale à l’Ecole des Hautes Etudes de Paris, et
le doeteur Marchand, médecin en chef de la Maison Nationale de Cha-
renton.
La cocalnoznanie. — L’usage seul de la cocaine ou la remise
gratuite, le don , en un mot, de celle-ci, tombe-t-il sous le coup de la
loi pénale?
Pour Topium, il est entendu que le simple usage ou don est délic-
tueux, en raison du décret d’octobre 1908, mais pour la cocaine, le
décret de 1846 qui le vise, en tant qu’aicalolde végétal, ne parie que
de la venie et non de l’usage; décret qui avait été pris à la suite du
íameux procès de M me Lafarge.
Par un jugement en date du 30 juin 1913, ia dixième Chambre
du Tribunal de la Seine a déclaré qu’il n’y avait pas un délit dans Tu-
sage et le don de cocalne.
Personnel médical des asiles. — M. Arsimoles, inédecin ad-
joint de l’asile d’aliénés de Saint-Venant, promu à la classe excep-
tionnelle.
M. Guiraud, médecin adjoint du quartier d’aliénés de l'hospice dc
Tours, promu à la l re classe.
M.Hameu médecin-adjoint del’asile de Fains,promu à la 2 C classe.
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REVUE DES LIVRES
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Le fétichisme. Reetif de la Bretonne fut-il fétichiete, par ie
D r Louis Barras. Préface de John Grand Carteret. Thèse de 174 pa-
ges. Paris, Maloine, 1913. — Dès ses premières pages, M. Barras in-
dique son intention de combattre les partisans du Fétichisme de
Restif de la Bretonne : il se range sous la bannière de John Grand
Carteret, leur adversaire convaincu, qui donne, dans la préface, un
résumé de ses propres travaux sur l’auteur des « Contemporains »,
intéressant quoique sévère pour la Faculté de Médecine de Paris (1).
« C’est donc à un travail de revision,de mise au point, nous annonce
M.Barras, que je me suis ardemment employé à l’occasion de Nicolas
Edme Restif de la Bretonne, qui m’est un auteur très cher. • Pour
préciser les limites du Fétichisme, notre confrère en appelle aux
classiques, et choisit la définition de P. Garnier, qu’il accepte avec
toutes les conséquences. II arrive ainsi à fixer un cadre clinique assez
étroit et il élimine tousles cas qui n’y rentrent pas très exactement
Mais les barrières sont de ce fait bien artificielles : si on ouvre certains
livres, entre autres ceux de MM. Dubuisson et Vigouroux, on trouve
des définitions plus larges, dans lesquclles l’irrésistibilité de l’impul-
sion n’est plus affirmée aussi catégoriquement, la clinique ayant prou-
vé qu’elle n’apparaissait qu’à la longue lorsqu’une série de satisfac-
tions anormales n’avaient pas entralné de ces conséquences graves,
qui viennent renforcer chez un débile de la volonlé l’aptitude à résister
à ses désirs.
Après Garnier, M. Barras pense que le fétichisme pathologique n’est
pas une exagération du fétichisme amoureux normal : il s’appuie sur
des preuves, comme les goùts étranges de certains pervertis pour les
femmes infirmes, les figures ridées, etc... en réalité beaucoup moins
inexplicables qu’ils ne paraissent pour qui a étudié le mécanisme
psychologique des perversions sexuelles.
Le fétichisme ainsi défini, il s’agit de savoir si le cas de Restif peut
y ètre rattaché. Tout d’abord félicitons M. Barras d’avoir montré que
les auteurs de confessions et de mémoires sont toujours préoccupés
de littérature et n’apportent jamais une auto-observation exactc et
(1) « Cette faculté de Paris... qui aujourd'hui pour l*Europe intellectueDe
et scientifique est la seconde de France, celle de Lyon étant la première. >
Préíace, p. xi.
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RBVUB DES LIVRKS
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sans art. Parmi les contemporains, J. Lorrain, Huysmans aimaient
à constater devant des intimes qu’ils étaient parvenusà tromper leur
pubiic de snobs et d’esthètes en se faisant connaitre à travers leurs
livres, sous des aspects de névropathes inquiétants. Huysmans
notamment s’est moqué de des Esseintes, dans plusieurs occasions,
avecautant d’esprit que M. Jules Lemaltre.
II faudrait donc n’ètre pas dupe,lorsqueTon ouvre l’un des innom-
brables tomes de Restif: lui chercher sérieusement une épithète patho-
logique parce qu'il préfère les jolis pieds, c’est, pour M. Barras, faire
preuve de mauvais goùt et au fond de soi-méme « chérir les pied9
plats ».
La critique des articles et des thèses de Louis, de Charpentier
d’Avalon et de Fernel est aussi ingénieuse que ces travaux eux-mèmes.
Eile aboutit à cette conclusion que l’on a faussement accusé de féti-
chisme Saintepallaie, le héros de « Joli Pied » et que d’ailleurs Restif
n’est pas Saintepallaie. Cet enfant de son esprit, amant chaste et
vaporeux, n’est nullement le portrait du « Bourguignon salace », qui
courtles filles, leur fait des enfants presque aussi nombreux que les
tomes de ses ouvrages et prouve ainsi qu’il n’est nullement un perverti.
M. Barras, qui avait souhaité des roses pour se défendre, en fait sentir
les épines aux psychiatres qui n’ont pas su employer cette fois un des
termes de leur vocabulaire.
Alors que conclure? Restif de la Bretonne peut paraltre anormal
lorsque l’on attache de Timportance « à l’égarement momentané d’un
génital voluptueux et passionné». Mais au fond il se conduit en homme
de son temps, ce que l’on oublie trop. Si l’on veut à tout prix créer un
néoiogisme en i’honneur de Restif, M. Barras n’accepte que celui de
« mulophile » qui s’applique à qui sait « concevoir quelle volupté c’est
pour un tendre amant de toucher les habits, la jolie chaussure de ce
qu’il aime », c’est-à-dire à tout homme délicat et raffiné.
Cette intéressante étude vient enrichir le domaine de la médecine
historique. M. Barras a tenté de serrer d’aussi près que possible la
vérité, mais il a su ne pas tomber dans la sécheresse, car ses arguments
sont toujours défendus avec la jolie fougue de quelqu’un qui n’aime
point voir amoindrir par un diagnostic injustifié un auteur favori,
C’està la fois la qualité et le défaut de cettethèse.— Jean Vinchon.
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REVUE DES PÉRIODIQUES
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FRANCE
La Clinique, 17 janvier 1913.
Psychopathìe et chirurgie, par A. Vigouroux. — La condusion
pratique qui s’irapose de la constatation des heureux effets d’inter-
ventions chirurgicales dans la thérapeutique des maladies mentales
et nerveuses, c’est que le malade, atteint d’un trouble mental queb
conque, 4<>it ètre soumis à un examen clinique aussi complet que
posúble. L’analyse psychologique du malade et l’étude de son sys-
tème nerveux central ou périphérique ne nous éclairent pas suffisam-
ment. II est nécessaire d’explorer tous les organes avec d’autant plus
de soin que souvent il s’agit de lésions à symptomatologie peu nette
et que le plus fréquemment les malades n’attirent pas sur elles l’atten-
tion. Enfin, à de très rares exceptions près, il convient d’appliquer aux
malades névropathes ou psychopathes le traitement chirurgical
«u médical appropńé à l’aífection qu’ils présentent.
La Clìnique, 4 avril 1913.
De 1’épUepaie traumatiqua, par L. Marchand. — L’auteur veut
que l’on réserve le nom d’épilepsie traumatique aux accès qui sur-
viennent à la suite d’un traumatisme plus ou moins violent, portant,
non pas sur une partie quelconque du corps, mais sur le cráne ou après
un traumatisme au cours duquel le cerveau a été soumis à une forte
commotion. Les cas d’épilepsie dite réflexe, survenant à la suite de
blessures portant sur des parties du corps autres que le cráne, par
exemple sur les nerfs du tronc, des membres ou des viscères, relè-
ventsoit d’une infection concomitante, soit de lésions cérébrales
préexistantes au trauma.
II remarque, avec Mendel et Munson, qu’il y a peu d’épilepsús
traumatique8 en comparaison du nombre [incalculable de trauma-
tismes craniens. C’est que le traumatisme, pour causer l’épilepsie,
doit déterminer dans le cerveau des lésions particulières à évolution
lente. M. Marchand cite la statistique d'une quarantaine d’auteurs.
II ressort de ses frecherches que le traumatisme cranien, dans
tous les cas d’épilepsie traumatique, a présenté une certaine
gravité. Dans les cas où il n’y a pas eu fracture du crfine ou
plaies contuses des régions péri-craniennes, la commotion subie
par le cerveau a été violente. La plupart du temps, la chute sur Ie
crfine ou le trauma a été suivi de perte de connaissance pendant quel-
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RIVOR D88 PÉHIODIQUBS
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qnes hemres, parfow pendant phniaan jows. Certains auteurs, entr»
antres Coombs Knapp et Post, Andereon, conaidèrent mème la con»-
motion comme un facteur prèdominant dans l’étiologie de l’épilepai*
traumatiqne. II est évident que la commotion cérébrale peut entrainer
des lésions extrèmement graves, telles qu’épanchements sanguino
8us et sous-duremériens, hémorragies sous-pie-mériennes, ruptuves
vascuiaires intra-corticales, contusion diffuse de l’encéphale, etew
Ces lésions, en s’organisant, déterminent des lésions sclèreuaes mè-
ningo-corticales qui deviennent la cause de l’épilepsie. 11 faut tenir
compte également des infections méningées qui peuvent se faire h
travers la paroi osseuso dans les cas de plaies infectées des parties
molies péri-craniennes.
LaClinique, 11 avril 1913.
L’hérédo-tuborcnloao, faetonr d'arriáraliea monlale, par
R. Mbrcier. — La tuberculose parentale esl smeepHble de produire
Farriéraiiort menlale des écoliers, au mème titre qu’elle détermine
l’épilepsie, l’hystérie et l’idiotie chez les descendants. Elle paratt
constitaer le principai facteur <f arriéraiion menlale de l'écolier, puis-
qa’on la retrouve pure ou associée, dans 77 p. 100 des cas, alors quo
l’hèrédo-névropathie donne seulement un pourcentage de 20 et que
celui de l’hérédo-alcoolisme eet de 14. « Au point de vue social, la
hdU coníre VarriiraUon mentate n’est rialisable que si elle esl précidie
<fme Mfc anliiu bcrculeasc. »
Gonstatationa hiatoiogiquea dans un caa da tabea avee
psychose. — On coimalt les relations existant entre le tabes et la
paralysie générale : les Iésions corticales de celle-ci ont été trouvées
dans le tabes, et la sclérose des cordons postéricurs est commune dans
la paralysie gènérale. La clinique, d’ailleurs, avait depuis longtemps
aítirmé Paffinité des deax affections. D’autre part, il existe des cas
où des prédisposés, des débiles, des sujets atteints de psychose ma*
nlaque dépressive ont contracté la syphUis, et sont devenus tabétiques.
Ceci dit, une qnestion se pose : y a-t-il, en dehors de la paralysie
générale tabétique, en dehore des cas de troubles mentaux indépen*
dants du tabes et évotuant chez des tabétiques, une psychose vérita-
blement liée à la maladie de Ducheime, une psychose de l’ataxie
locomotrice? Depuis Kim (1868), beaucoup d’auteurs ont répondu, et
diversement, à cette demande. Seul, le document de Alberto Rbzza
(Rioista ilaliana di Neuropalologia, Psichialria ed Eleliroterapim,
octobre 1912) sera considéré ici. Dans cette observation, il est question
d’un homme de 52 ans, tabétique depuls quelques années, qui pré-
senta des troubles mentaux, transitoires et récidivants, s’exprimant
par de Ia confusion avec désorientation, des phénomènes haUucina-
toires et des illusions, un délire de persécution avec mégalomanie;
nulie démence dans les périodes calmes succédant à l’agitation.
Cet homme ayant succombé à l’asile, on constate la présence d*un
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RBVUB DB P8YCHIATRIE
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processus de méningite et de vascularite avec infiltration lymphocy-
taire, sans grande prolifération de la névrogiie, ni bien importante
destruction des éléments nerveux, les lésions corticales, en íoyers
disséminés pour ainsi dire, ne prédominant nulle part; en somme, les
caractères de la méningo-encéphalite syphilitique.
Gette signature histologique des altérations du cerveau répond à la
question posée. Oui, en dehors de troubles psychiques, accidentds ou
concomitants, en dehors de la paralysie générale, on peut obsener,
dans le tabes, des épisodes délirants; s’ils ne sont pas conditionnés par
le tabes, ils lui sont, du moins, rattachables par une conunune
origine. Le syndrome peut ètre dénommé tabétique pour exprimer
qu’il se développe sur le tabes. Mais il ne s’agit que de la continuation
de Tenvahissement progressif du système nerveux par la syphiiis. Le
tabes avait marqué la première étape, les manifestations de la mé-
ningo-encéphalite marquent la seconde.
Progrès médical , n° 24, 1913.
Epilepsie et syphilis hóréditaire tardive : guérisoxi par
Tiodothérapie. — M.Paul Boncour vient de publier une observa-
tion très intéressante : c’est un cas absolument typique de syphilis
héréditaire tardive; certains cliniciens ont parfois hésité à ranger
sous cette dénomination des faits de syphiiis qui, ayant débuté dans
le jeune àge, se sont atténués pour reparaítre vers dix ou douze ans.
Dans le cas rapporté, il n’existe aucune hésitation. L’enfant n’a pré-
senté aucune manifestation syphilitique avant l’àge de douze ans;
il est important aussi de noter qu’il a été impossible de relever le
moindre stigmate.
On peut remarquer également que le cas de syphilis cérébrale offre
une expression symptomatique un peu anormale. Les symptdmes qui
marquent le plus fréquemment les débuts de la syphilis cérébrale sont,
en effet : Tépilepsie, la céphalée, les troubles intellectuels. Or, dans
le cas présent, l’épilepsie a toujours été isolée jusqu’à la fin; elle n’a
pas présenté de caractère spécial, et, sans la réaction de Wassermann,
il eùt été impossible de penser à une affection spécifique.
L’iodothérapie a donné, chez ce malade, un succès inespéré; après
de nombreux tàtonnements et devant l’impossibilité où se trouvait
le sujet de supporter l’iodure et les divers produits iodés sous les formes
habituelles, l’auteur a été amené à utiliser l’iodostarine, acide gras
diiodé du professeur Arnaud (du Muséum); cet iode organique, sans
saveur, facile à prendre, soluble seulement dans l’intestin, mais utilisé
complètement dans l’organisme, a été admirablement supporté par
le petit malade et a donné des rèsultats tels, que trois mois se sont
écoulés sans aucune crise et que l’enfant est retourné au lycée et tra-
vaille régulièrement; c’est là un point très important et très digne
d’ètre noté au point de vue thérapeutique.
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RBVUB DB8 PÉRIODIQUES
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Bullelin médical de l'Algérie, 25 aoùt 1913.
Un nouveau cas de« dementia praecocisaizna », par MM. Ardin-
Delteil, Max CXiudray et Derrieu. — Si dans la majorité des cas, )a
démence précoce s’observe à l’àge de la puberté, des manifestations
semblables ont été signalées chez les tout jeunes enfants : on leur a
donné le nom de demenlia prsecocissima . Les observations en sont
encore rares,car Constantini n’a pu en réunir,dans un travail récent,
que 30 cas.
Un enfant de sept ans présentait des stigmates de dégénérescence,
avec des antécédents héréditaires irès chargés (alcoolisme, tubercu-
lose, etc.).
Cette psychose de date récente se traduit par la catatonie,les sfcéréo-
typies kinétiques et parakinétiques, la suggestibilité, le déficit psy-
chique, l’indifférence émotionnelle.
« Notre cas est donc le trente et unième signalé dans la littérature.
Ce type de démence précoce bat fortement en brèche l’étiologie et la
pathogénie de cette affection, à savoir, d’après Krmpelin, l’auto-
intoxication génitale. »11 íaut étendre le cadre et incriminer d’autres
facteurs morbides, tels que la tuberculose et avant tout l’hérédité
alcoolique. J. Crinon.
Encéphale, janvier 1913.
Recherche8 histologplques sur l’hypophyse des psychopa-
thes, par Laignel-Lavastine et Jonesco. — Dans leur ensemble, les
hypophyses des psychopathes apparaissent relativement peu lésées,
mais d’aspect trte varié. Si on essaie d’établir un rapport quelconque
entre les diagnostics des malades : paralysie générale, démence pré-
coce, démense sénile, confusion mentale, et les aspects histologiques
constatés, on voit que la multiplicité des facteurs qui influent sur
l’hypophyse, masquent en partie, sinon tout à fait, les forraules histo-
pathologiques qu’on pourrait concevoir répondre à des expressions
morbides. Cependant dans la démence paralytique, la vaso-dilatation,
et dans la démence sénile, la sclérose périvasculaire, ont été retrouvées
avec trop de fréquence pour que nous n’y voyions pas l’une des
caractéristiques de l’hypophyse « paralytique » et de l’hypophyse
• sénile ».
Pour la démence précoce , les aspects trouvés sont trop divers et
le nombre des cas examinés trop petit pour qu’on puisse rien dire de
l’hypophyse des déments précoces. Cependant de l’analyse des trois
cas se dégage cette conclusion qu’il existe dans le groupe vraisembla-
blement hétérogène des«déments précoces »des individus dont l’hypo-
physe est malade. Comme le remarquent les auteurs, c’est là une
constatation importante, si l’on se rappelle l’influence des perturba-
tions endocrines sur l’encéphale.
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Origirìal frn-m
UNIVERSETY OF MICHIGAN
ABVUtB DB PSYGHIATRIB
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Encéphale y février, 1913.
Racherches sur les glandes génitales dans la démenoc
précoce, par MM. Obregia, Parjion et Urechia. — Bien des psy-
cbiatres ont émis i'hypothèse que la pathogénie de la démence prè-
coce pouvait ètre en rapport avec des processus morbides fixés sur
les organes génitaux. Malheureusement les recherches anatomiques
sont encore trop peu nombreuses. Pour tenter de combler cette lacune,
les auteurs ont, dans une douzaine de cas de démence précoce suivs
d’autopsie, étudié l’état des glandes sexuelles, testicules et ovaires.
La conclusion générale que les auteurs tirent de leurs recherches
est la suivante : Tapparition de la démence précoce ne semble pas
liée à un trouble de la sécrétion interne des glandes sexueHes.
Encéphale , 10 septembre 1913.
Traitament de l’épilepmie par les terments lactiquee, par le
D f A. Rodiet. — L’auteur est parvenu à de beaux résultats dans
le traitement de l’épilepsie par la méthode qu’a préconisée M. Mau-
rice de Fleury à i’Académie de Médecine. La méthode employée est
d’aitleurs complexe, et, à còté de l'action des ferments lactiques, il
faut pen&er à celle du régime auquel les malades ont été souinises.
Ce régime était le régime végétarien ou plutót végétalien (ni cbuís
ni lait) avec une très faible quantité de chlorures. Toujours est-fl
que, malgré la suppression du bromure, que M. de Fleury n’avait pas
réalisée dans ses expériences, non seulement l’état général est devenu
excellent pendant la durée du traitement, mais encore l’on n’a pu
observer aucun accès convulsif durant toute la cure de désinfection
intestinale. Chez les malades affaiblis, il est indiqué de tonifier l’orga-
nisme par des préparations arsénicales et des injections de sérum.
Le grand intérèt de cet article est dans la constatation de la com-
plexité nécessaire d’un traitement qui s’adresse à une évolution patho-
logique complexe, son adaptation au terrain spécial que présente cha-
que malade, la notion des troubles fonctionnels d’origine surtout
toxi-infectieuse, mème lorsqu’une lésion encéphalique est démontrée,
comme si celle-ci ne faisait que créer un état de moindre résistancc,
enfin ies bons résultats de ces méthodes vraiment biologiques.
Ajoutons que si l’on pouvait soustraire certains malades à la sub-in-
toxication bromuréequi les fait vivre souvent dans un état de semi-
torpeur, le progrès accompli serait considérable. La méthode de
M. Toulouse, basée sur la déchloruration, que les lecteursde la fìeuae
de Psychiatrie connaissent bien, adéjàpermisderéduiredans bien des
cas cette intoxication au minimum. Bien que différentes dans leur
principe et dans ieurs applications, les deux méthodes présentent
ainsi une certaine parenté. M. Mignard.
(Voir la suite après le bulletin bibtìofraphique mensud.)
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UNIVERSÍTY OF MICHIGAN
BBVUB DBS PÉRIODIQUKS
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Bulletin Médical, 24 mai 1913.
CooBidòratìons snr 1.036 cas d’énucléation totals ds la pros-
tato, par ie prof. Freyer. — Sur ces 1.036 opèrés, on note 57 morts,
ssit unemortalité de 51/2 p. 100, les réaultats sur les 979 casrestaats
ayant été des plus favorables. Du reste, avec l’expérience, la morta-
liié a diminué puisqu’elle est tombée de 10 p. 100 environ (pour les
160 premiers cas) à 4,5 p. 100 (dans les 400 derniers cas).
Les causes de la mort ont été : l’urémie, due & une affection chro-
aiqae des reins (24 eas); une maladie du cceur (9); le shock (7);
l’épaisement (3); la septicémie (3); la ntanie (héréditaire dans un cas)
(2); une tumeur maligne du foie (2); la bronchite (2); la pneumonie
(1); une erabolie pulmonaire (1); une hémorragie cérébrale (1); une
pancréatite aigué (1).
Un des traits caractéristiques de l’opération est que les malades
retrouvent littéralement une nouvelle jeunesse. Ce fait est teUement
frappant que l’auteur estime qu’en dehors de la douleur physique et
de la dépression morale causées par les symptOmes de rétention, la
giande hypertrophiée doit déverser dans la circulation des sécrétions
intemes de nature toxique.
Nul doute qu’il n’y ait, dans ces observations, une incitation nou-
velle à examiner, à ce point de vue, les vieillards atteints d’une psy-
Bulleiin Midicat, 23 juiUet 19J3.
Sur un cai de délire de perséootion cbm un enfant de neul
«as, par J. Roubinovitch. — La particularité de ce cas est l’extrème
précocité de l’épisode délirant; alors que, généralement, ces manifes-
tathras psychopathiques se montrent au momentde la puberté, nous
les voyons ici apparaitre longtemps avant cette phase physiologique.
Mais nous retrouvons, chez un enfant de neuf ans, les lacunes intel-
lectuelles, l’orgueil, la méfiance, l’égolsme morbide, l’irritabilité,
tout le syndrome, en effet, qui sert de base à i’édification d’un petit
système délirant interprétatif, non hallucinatoire, composé surtout
d’idées de persécution au milieu desquelles surnage l’idée prévalente
(l’idée d’ètre persécuté).
Nous saiais8ons ainsi, à un Age où jusqu’à présent cela n’a pas été
encore fait d’une fagon directe, la réalité de cette constitution psy-
chique particulière dite < constitution paranolaque », dont la connais-
sance est si importante pour l’histoire évolulive et la classificaUòn des
déiires systémaUsés chroniques. Nous voyons, en effet, s’allier chez
cet enfant, sur un terrain d’hérédité pathologique certaine, des ano-
malies morphologiques, une faiblesse intellectuelle, un défaut d’adap-
taUon au milieu, des troubles profonds du caractère, tous les attrí-
buts, enfin, d’une tournure d’esprit qui a conduit cemaladeàorganiser,
dès l’áge de neuf ans, un peUt délire interprétatif de persécution, uue
véritable paranoia infantile.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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Gazelte des Hópilaux , 3 avril 1913.
La psychiatrie, par R. Benon. — L’auteur íait à ce propos les
déclarations suivantes : « La psychiatrie, pathologie des sensations,
des idées et surtout pathologie des émotions et des passions, peut
prendre son droit essor vers la cité vivante. Son domaine est plus
vaste au dehors qu’au dedans des asiles puisqu’il est possible d’écrire:
loute maladie qui ne s'accompagne pas de signe somatique esl <fordre
psychiatrique .
« Non seulement la psychiatrie peut secouer le joug ancien et serré
des aliénistes, mais elle le doit . Cloltrée dans les asiies, gardée par les
aliénistes, elle ne vivra que d’une vie anémique et presque végéta-
tive, en partie parce que « fonctionnarisée ». Dehors, au grand air,
au grand jour, développée, précisée, elle ne sera pas seulement une
psychiatrie d’amateurs, éprise tout à coup comme il y a quelque temps
de choses plus ou moins exotiques; elle pénétrera de son influence
précieuse, gráce à sa valeur clinique, les milieux scientifiques, juri-
diques, sociologiques, philosophiques, littéraires, etc. Elle conquerTa
une place considérable parce qu’on a besoin d’elle, parce qu’elle per-
met de connaìtre un peu plus les secrets de l’esprit humain tant à
l’état normal qu’à l’état morbide. Dans de nombreuses questions
d’actualité, notamment dans les problèmes angoíssants de crimino-
logie infantile ou juvénile, elle ne tarderait pas, si elle était forte,
vigoureuse, entreprenante, à jouer un ròle au premier rang, ròle
élevé de témoignage, de consultation, sinon de démonstration. Qu’elle
abandonne sans regret aux magistrats les séquestrations et les pré-
jugés qui leur font un triste cortège, qu’elle limite son activité à
l’observation clinique positive qui la spécialise seule, et l’avenir est
certain, quoique l’horizon reste éloigné. »
Gazette des hópitaux, 17juin 1913.
La peur de l’autel, par Sainton. — II s’agit d’un prètre ágé de
quarante-huit ans, qui, chaque fois qu’il devait monterà l’autel, sur-
tout à l’occasion d’une cérémonie, était pris d’uneangoisseinvincible.
Voicidans quelles circonstances s’est produit le début des accidents.
« II y a trois ans, écrit le malade, à la suite d’un vertige survenu pen-
dant la célébration d’une messe tardive, au lendemain d’un jour où
j’avais pu fatiguer l’estomac, j’ai senti une angoisse inexprimabie qui
m’a détraqué le système nerveux. J’ai expérimenté ce jour-Ià ce que
j’avais appris en philosophie qu’il y a des acles d'une inlensilt telle
qu'unseulsuffit á créer une habitude . Depuislors, j’ai eu un peulapeur
des foules, mais surtout la peur de l’autel. » La « cristallisation »émo-
tive s’est donc faite d’emblée et depuis elle n’a jamais cédé. « Lorsque
je pense, dit le malade, que je monte à l’autel, que je dois y rester
une heure ou une demi-heure sans pouvoir quilter; si surtout je sais
derrière moi une foule ou quelquc personne gènante, je sens un étau
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
REVUE DES PÉRIODIQUES
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me serrer le front, j’ai le regard mal assuré; parfoi9 le coeur ou le
diaphragme s’agitent violemment; la peur me saisit , augmente le
vertige de mes regards qui par un retour fácheux augmentent encore
ma peur, comme deux miroirs parallèles se renvoient indéfiniment
leurs impressions. »
Quelle est la cause de cet état d’angoisse? Les troubles gastro-in-
testinaux qu’éprouve le malade sont légers, ils sont passagers et Tan-
goisse se reproduit toujours dans les mémes conditions. C’est dans
l’hérédité que l’on trouvera Texplication de cet état phobique ; son
père, diabétique, e9t mort de conge9tion cérébrale; sa mère de santé
robuste est morte d’affection cardiaque après avoir élevé onze enfants.
Elle était sujette à des scrupules et, ajoute le malade, « à mon avis le
scrupule est une phobie d’un genre particulier ». II est impossible de
raisonner plus justement de son cas. Fils de scrupuleuse, ce prètre est
un psychasthénique prédisposé à la phobie ;!celle-ci s’est déclanchée à
propos d’un acte professionnel et sous Tinfluence d’un vertige insi-
gnifiant. Nous avons recherché si des cas analogues avaient été cités;
nous n’en ^avons relevé qu’un présentant avec celui-ci une certaine
similitude. Un prétre, cité par Régis, d’après Litchwitz, était, à cer-
tains jours et surtout quand l’église était pleinede monde, dans l’im-
possibilité de gravir les marches de l’autel pour dire la messe.
Nouvelle Iconographie de la Salpèlrière ,
novembre-décembre 1912, p. 463-472.
Contribution à l’étude de l’obésité desparalytiquesgénéraux,
par Al. Obregia, C. Parhon etC. Urechia. — Relationde 4 casd’obé-
sité dans la paralysie générale dont 1 avec autopsie.
Les auteurs, étudiantla pathogénie de ce trouble nutritif, pensent
qu’il est dù principalement à une altération des glandes endocrines
(corps thyroíde, capsules surrénales, rate, testicules, hypophyse).
Cette doctrine de l’obésité des paralytiques généraux à pathogénie
polyglandulaire semble assez séduisante.
Lyon Médicaly 24 novembre 1912.
Y a-t-il une folie du cuir ? par Briau. — Depuis 1882, on a com-
mencé dans les bourrelleries à utiliser une colle au sulfure de carbone.
Celle-ci est parfois employée en lieux clos, sans aucune des précau-
tions observées par les usines spécialisées. II peut se produire une
véritable intoxication chronique par le sulfure de carbone avec des
symptòmes allant de la surexcitation maladive à l’aliénation mentale
caractérisée. Quelques mesures élémentaires feront disparaítre cette
pseudo « folie du cuir ».
J. Crinon.
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UINIVERSSTY OF MICHtGAN
394
HEVUE DE P8YCHIA.TR 1B
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ABffiRIQUE
The Joumal of nervous and Mcnkti Disease, janvier 1912. n° I.
Diagnostic diífértntìal eatrola psycboM maniaque- dépr—
aive et la démence précoce, par Alfred Gordon. — L’auteur rap-
peile brièvement les bases sur lesqueiles repose ia conception krae-
peiinienne de la Psychose maniaque dépressive et íait remarquer que
m cette théorie a marqué un grand progrès en psychiatrie, elie eat
aussi la cause de fréquentes erreurs de diagnostic. 11 rapporte ensuite
quatre observations où, suivant la période considérée de la maladie,
le diagnostic entre psychose maniaque dépressive et démence précoce
était particulièrement délicat. Le premier, ie deuxième et le qua-
trième cas se présentèrent au début comme des psychoses maniaques
dépressives, pour finir par la symptomatoiogie typique de la démence
précoce. Le troisième présenta d’abord le tableau d’une démence
précoce; consécutivement, ce malade paraissait plutòt maniaque
dépressif. L’auteur pense pouvoir tirer de ces faits deux propositions :
1° Deux psychoses différentes peuvent se montrer mdépendamment
l’une de l’autre au cours de la vie d’un individu; 2° Si la psychose
maniaque dépressive se montre d’abord et est suivie par la démence
précoce, les symptòmes de cette derntère doivent s’observer au cours
de la première, d’où il s’ensuit que le problème se pose ainsi: A-t-on
affaire à une véritable psychose maniaque dépressive, ou bien est-ce
une démence précoce au cours de laquelle on peut observer de temps
à autre des phénomènes d’excitation et de dépression? Chez un indf-
vidu présentant des alternatives d’excitation et de dèpression, mais
présentant une modification de ces facultés affectives, on pensera àla
démence précoce. Si le malade se présente avec des symptòmes iui-
tiaux de démence précoce, et que par la suite il présente des alterna-
tives d’excitation et de dépression, on ne doitlesconsidérerque comme
des manifestations épisodiques!
Evidemment, et ce long article ne nous apprend rien de nouveaa.
La discussion pourra s’éterniser ainsi tant que les auteurs ne voudront
pas s’astreindre à faire une analyse psychologique soigneuse des
malades et étudier leur fond menlal, pour, en casdechronicité probahle,
y découvrir cet état particulier qui, au sens fran^ais du mot, n’est pas
une démence, mais une para-démenee, et c’est ce que Bleuter appeOe
la schizophrénie et Angiade et Pujol (1) «la dissociation mentale >.
R Bbssfèbe.
(1) PujOL.Sur la dissociation mentale. Essai de pronostic précoce deséfats
mentaux polymorphes. Bordeaux, 1912.
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Original from
UMIVERSITY OF MICHIGAN
RBWB DBS PÉRI0D1QURS
395
BELGIQUE
Bulldin de la Sociéii de Midecine mentale de Belgique, décembre 1912.
Infection et pathogénie mentale, par Paul Famenne. — Beau-
coup de troubles mentaux, dit l’auteur, mème quand ils ont pris
l’aspect des maladies mentales décrites dans les traités, reconnaissent
pour cause une infection microbienne ou une intoxication.
2° De méme que les troubles de l’esprit, causés par des toxiques
inorganiques sont en rapport avec la nature de ces toxiques, que
l’ivresse de l’alcool n’est pas la mfime, par exemple, que celle du
haschich ; de mfime que les psychoses produites par des toxines mi-
erobiennes sont différentes suivant l’espèce de ces microbes. C’est
ainsi que dans l’état aigu Ie délire du pneumonique avec son besoin
d’agitation, ses hallucinations de la vue, ses zoopsies (qu’on met
souvent à tort surle compte de l’alcool), n’est pas du tout le mfime
que le délire de la fièvre puerpérale, avec Sa stupeur, sa dépression
maaneolique. Et dans l’état chronique, nous constatons que ie délire
dft aux toxines du spirochète, avec ses idées de gandeur, n’est pas le
mfime que celui qui reconnalt pour cause les toxines du gonocoque.
Iti ce sont surtout des interprétations erronées, des idées hypo-
chondriaques, du délire systèmatisé de persécution, etc. Souvent, et
pour cause, les deux sortes de délires s’associent et se confondent.
3° Les psychoses, qui reconnaissent une cause toxi-infectieuse,
sont souvent encore curables, méme quand elles ont pris l’aspect des
types mentaux bien dèfinis. Dans ces conditions, ces maladies ne
devraient pas toujours fitre soignées dans des asiles d’aliénés fermés,
mais bien dans des quartiers d’hdpital spècialement aménagés.
4« Le traitement de ces maladies doit fitre avant tout causai et
antitoxique. 11 est certain que la stérilisation du syphilitique par le
Salvarean, associée à la vieille mèdication iodo-hydrargyrique, nous
indique la voie à suivre dans le traitement antitoxique de la plupart
dto psychoses.
Je ne puis m’étendre sur ce point. Je pense cependant qu’il existe
des acquisitions nouvelles, sur leequelles il est bon d’insister, parce
qn’on n’y reeourt pas assez souvent. Je cite rapidement: l’opothérapie
d’abord, dont le rdle antitoxique est indéniable et qui donne parfois
des résultats surprenants; l’hydrothérapie et la sudation; le sérum
artiticiel, chez les malades déshydratés, les lavements salés; les agents
physiques, parmi lesquels le travail manuel et les bains d’air et de
soleil. Enfin, la ponction lombaire, dans toutes les psychoses consèeu-
tives à de grandes infections. Elle agit, non seulement en enlevant
une partie des poisons, mais aussi en diminuant l’oedème du cerveau,
par la modificatioa qu’elle apporte dans l’équilibre des différentes
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RBVUE DE PSYCHIATRIB
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pressions (liquide céphalo-rachidien, sang, matière cérébrale) qui
s’exercent sur l’encéphale.
Je n’ai point parlé de traitement moral. J’y attache cependant
dans tous les cas, la plus grande importance. Je crois, en effet, qu’en
calmant le malade, il régularise les diverses fonctions de rorganisme
et joue encore ainsi, d’une fagon indirecte, un róle antitoxique, puis-
qu’il facilite les éliminations naturelles.
J. Crinon.
ITAXiEE
La medicina italiana, 31 juillet 1912.
L'épilepsie d’origine oculaire. — Les traités, sauf celui de
Gélineau, ne mentionnent guère la perte d’un oeil en tant que phéno-
mène épileptogène. Cela tient peut-ètre à ce que la preuve d’une rela-
tion de cause à effet entre le traumatisme oculaire et ìa maladie convul-
sive développée dans la suite est peu facile à établir.
M. Fráncesco Ciccarelli, du Manicome provincial d’Aquila,
considère cependant une telle relation comme évidente dans trois cas
exempts d’hérédité morbide observés par lui (La Medicina ilaliana ,
Naples, 31 juUlet 1912). II est possible de résumer chacun d’eux en
peu de mots : I. Enucléation de l’oeil droit à 4 ans, premières convul-
sions à 6; le sujet, actuellement àgó de 18 ans, a dù ètreinterné en
raison de la confusion mentale qui précède ses accès convulsifs, et
surtout d’un profond déficit moral et intellectuei. — II. A 4 ans,
traumatisme oculaire; le globe droit s’atrophie; premières convulsions
à 10 ans. — III. Ophtalmie posttraumatique et énucléationà 14 ans;
première attaque épileptique six mois plus tard.
Le point intéressant de l’article de M. Ciccarelli conceme la discus-
sion pathogénique des cas de ce genre. L’épilepsie d’origine oculaire ne
saurait ètre considérée comme une épilepsie réflexe, ainsi que le voulait
Geiineau; l’énucléation ou l’atrophie d’un globe oculaire a pour
conséquence anatomique la disparition de certains faisceaux nemux
et l’aplatissement des circonvolutions occipitales de l’hémisphère
cérébral du còté opposé. Le développement de l’épilepsie d’origine
oculaire doit ètre rapporté à l’asymétrie anatomique, par conséquent
à la déséquilibration dynamique et fonctionnelle conditionnée par
la dégénération ascendante des voies optiques.
Le Gèrant : O. DOIN.
PARI8. — IMPRIMERIB LEVÉ, 71, RUE DE RENNBS.
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Origirìal from
UNIVERSÍTY OF MICHIGAN
LA MYOCLONIE ÉPILEPTIQUE (i)
Par MM. Oddo et Corsy.
Prittchard, Delasiauve, Herpin, avaient remarqué les mouve*
ments anormaux qui peuvent se produire chez les épileptiques
en dehors des crises; mais Hammond établit le premier les rela-
tions qui existent entre les crises épileptiques et certaines secousses
musculaires; malheureusement il englobait dans sa description
les secousses de la crise de l’épilepsie bravais-jacksonienne. La
myoclonie épileptique avait cependant maintenant droit de cité et
les travaux de Pierre, de Nothnagel, de Jacob Weiss, de Voisin ne
íirent que compléter les descriptions de Hammond. Plus tard,
les travaux se multiplient: citons tout d’abord celui d’Unverricht,
ceux de Seppali, Garnier et Santenoise, Betcherew, les thèses de
Rabot, de Grondosse, etc.
C’est alors que Lundborg, dans un travail d’ensemble, crut pou-
voir distinguer trois maladies dans ce groupe complexe de faits :
1° La myoclonie-épilepsie intermiitente (type Lundborg), carac-
térisée par des secousses musculaires, rares souvent pendant de
longues périodes, augmentant d’intensité, se généralisant (tout
en restant intermittentes) vers l’approche des crises épileptiques.
L’évolution de cette maladie est la mème que celle de l’épilepsie
banale.
2° La myoclonie-épilepsie progressive , familiale (type Unver-
richt). L’affection évolue en trois stades : a) stade de début, stade
épileptique presque pur, à peine quelques secousses, quelques
crampes au réveil, pendant la joumée; p) stade d’état: les secous-
ses ont tellement augmenté de fréquence qu’elles sont continues,
générahsées, s’accompagnant de salivation, de sudation, entre-
coupées de crises épileptiques, souvent plus espacées à cette période.
Ces crises épileptiques n’amènent qu’une accalmie très passagère
des mouvements; y) stade terminal : l’agitation est perpétuelle,
le malade, confiné au lit, ne peut s’alimenter : il meurt cachectisé.
Parfois l’évolution est abrégée par la mort en état de mal.
(1) Communication faite & l’Académie de médecine, le 28 octobre 1913.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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3° L'epilepsia corlicalis seu partialis conlinua (type Kojewni-
koíf). Secousses myocloniques localisées en un territoire précis :
c’est de ce territoire que partent les crises bravais-jacksoniennes.
Ges secousses, dans certains cas, sont réduites à de simples trem-
blements fibrillaires.
A ces trois myoclonies-épilepsies, il faut ajouter le nystagmus
myoclonie, décrit par MM. Lenoble et Aubinet, puis par M. Meignan.
Nous avons eu Toccasion d’étudier longuement et de suivre
quatre malades, quatre épileptiques, présentant des secousses
myocloniques.
Obs. I. — M Ue X..., seize ans. Antécédents héréditaires chargés :
père mort de méningo-encéphalite diffuse, mère atteinte de neuras-
thénie grave; fille unique. Elle présente une première crise épilep-
tique il y a dix-huit mois; depuis, deux autres crises. Le matin, au
réveil, elle est prise de secousse musculaire généralisée, durant une
demi-heure environ; ces secousses augmentent en inteisité, en durée
si le réveil est brusque. Elles ne se reproduisent jamais dans la joumée,
à moins qu’elle ne s’endorme; alors nouvelles secousses myocloniques,
mais plus faibles, moins durables. Le bromure a suspendu les crises
sans modifier les secousses myocloniques.
En résumé : secousses myocloniques au réveil seulement, chez une
épileptique peu gravement atteinte. Pas d’évolution.
Obs. II. — T... (Frangois), dix-sept ans. La mère aurait eu des
crises pithiatiques. Antécédents personnels : méningite (?) à dix-huit
mois : reste vingt-quatre heures sans connaissance. Guérison sans
séquelles apparentes; intelligence normale, pas d’énurésie noctume;
il présente cependant quelques stigmates de dégénérescence phy-
sique et surtout psychique; caractère violent, emporté, méchant
La maladie débuta par des secousses, rares, rendant l’enfant mala-
droit; on pensait à des tics, quand éclata la première crise épileptique.
Ces crises, quoique peu fréquentes, ont été très espacées par le trai-
tement bromuré, qui est sans action sur les secousses. Les mouve-
ments myocloniques sont de deux ordres : soit simples tremblements
brusques, ne déplagant pas le membre, soit soubresauts subits, en
décharge èlectrique. Leur siège est surtout les membres supérieurs,
toutefois la face n’est pas épargnée. L’émotion, l’examen médical,
l’approche d’une crise augmentent l’étendue et la fréquence de ces
mouvements. Absences épileptiques nettes.
En résumé : épilepsie avec secousses myocloniques intermittentes,
non familiale, ne semblant pas évoluer pour le moment.
Obs. III.—B... (Louis), vingt-sept ans. Une sosur présente des mou-
vements, très rares, sans crises épileptiques. Asymétrie faciale très
prononcée. Début brutal, il y a treize ans, par état de mal épileptique
qui dure quatre jours, s’accompagnant de fortes secousses cloniques.
Depuis, le malade présente des secousses etdes crises : les crises, d’a-
bord mensuelles, se sont rapprochées. Les secousses myocloniques
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UNIVERSÍTY OF MICHtGAN
LA MYOCLONIE ÉPILEPTIQUE
399
sont typiques par leur brusquerie, leur intensité. Chaque mouvement
volontaire est troublé, la marche est parfois impossible, il fait quel-
ques pas, une brusque secousse, fléchit le tronc sur les cuisses, le
malade tombe et en se blessant maintes fois. La myoclonie augmente
progressivement pour atteindre un maximum : alors éclate la crise
épileptique. Le bromure éloigne les crises et calme légèrement les
secousses.
En résumé : épilepsie avec secousses myocloniques presque con-
tinues, très augmentées à Tapproche des crises.
Obs. IV. — F... (Alexandrine), dix-neuf ans. Alcoolisme du grand-
père maternel. Un frère aurait présenté des mouvements anormaux.
Début à i’àge de neuf ans. Brusque dérobement des jambes, elle
tombe sans perdre connaissance : pas d’énurésie nocturne. Un an
après, première crise comitiale nette. Les crises se répétèrent d’abord
tous les mois, puis elles furent plus rapprochées et maintenant
dles sont très fréquentes et très variables : parfois deux dans une
mème joumée, d’autres fois, une semaine sans crise. Entre temps,
nombreuses crises comitiales ébauchées, sans perte de connaissance.
Les secousses myocloniques apparues lors des premières crises, d’abord
rares, sont devenues progressivement plus fréquentes, et à l’heure
actuelle elles sont continues, généralisées, avec paroxysmes à l’appro-
che des crises, sous l’influence de l’émotion, des règles. La pression,
la percussion des tendons, des masses musculaires, un fròlement, réveil
lent des secousses, les unes légères, tremblements fibrillaires, les autres
massives, remuant tout un membre. La face n’est pas épargnée;
aussi la parole est difficile, gènée par les mouvements de la langue,
des lèvres, du diaphragme. Pas de nystagmus. Signes de dégénéres-
cence physique, voùte palatine ogivale, dentition irrégulière, obésitd.
L’état psychique s’est altéré : assez intelligente dans sonjeune àge,
elle est comme hébótée à l’heure actuelle, caractère sournois, querel-
leur. Depuis bientòt un an, dans les périodes de grande agitation, la
malade est confinée au lit et ne peut s’alimenter que difficilement.
Les masses musculaires de la racine des membres sont nettement
hypertrophiées. Le traitement bromuré seul ne modifie pas les crises;
mais avec le régime déchloruré d’abord, pas de modifications, puis
survient une énorme décharge chlorurée urinaire (60 grammes par
jour, M. Oddo et Payan), qui diminue les secousses; les crises sont
éloignées pour un temps.
En résumé : myoclonie continue avec paroxysmes pendant lesquels
la malade est confinée au lit, crises épileptiques, très fréquentes,
améliorées par le bromure seulement lors de l’apparition de la dé-
charge chlorurée.
Pouvons-nous faire rentrer nos observations dans les cadres
classiques que nous avons rapportés plus haut et, pour préciser,
pouvons-nous les rapprocher de la myoclonie-épilepsie de Lund-
borg ou de la myoclonie-épilepsie, type Unverricht ?
Faisons remarquer que, dans le type Unverricht, la notion
d’hérédité similaire nous paralt ètre secondaire; on ne la retrouve
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Origirìal fro-m
UNIVERSfTY OF MICHIGAN
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RBVUE DB PSYCHIATRIE
pas dans l’observaiion de MM. Euzières et Maillet ( Gaz . des Hópil .,
7 juin 1910), dansceUede MM. G. Jacquin et L. Marchand (ĺ'£r*
céphale , 10 mars 1913).
Or, si nous jetons un coup d’oeil d’ensemble sur nos quatre obser-
vations, nous remarquons qu’eUes semblent présenter des stades
différents, évolutifs d’une méme maladie.Dans la première, quei-
ques secousses au réveU; ces secousses sont plus fréquentes, subis-
sent des périodesd’augment au moment des crises épUeptiques chez
la seconde; chez le troisième, les secousses sont encore plus fortes,
le malade tombe, l’épilepsie est déjà plus grave. Enfin, notre qua-
trième malade est, par intervalle, confinée au lit, incapable de s’ali-
menter, et on peut prévoir, pour un temps plus ou moins éloigné.I’ap-
parition d’une cachexie progressive.
Dirons-nous, malgré cette transition insensible qui sépare nos
différents cas, que les trois premiers sont du type myoclonie-épi-
lepsie de Lundborg, I’autre du type d’Unverricht sans caractère
familial ? II nous paralt plus clinique de faire rentrer toutes ces
formes de secousses liées à I’épilepsie, dans un seul et mème syn-
drome: la myoclonie épileptique, simple forme clinique de l’épilepsie,
et non pas une entité morbide bien à part: la myoclonie-èpilepsie
des auteurs. Et alors, en modifiant légèrement les cadres classiques,
nous verrons que la myoclonie épileptique peut présenter dans son
évolution, dans sa symptomatologie, les différentes formes sui-
vantes :
1° Forme á Igpe inlermittenl (type Lundborg),
pouvant ou non évoluer vers :
2° Forme à type coniinu (type d’Unver-
richt) souvent héréditaire, forme sévère évo-
luant vers la cachexie.
1 1° Forme á secousses localisées dans m seai
dtpartemenl musculaire, point de départ de
crises d’épilepsie bravais-jacksonien (type Ko-
2° Forme à secousses localisées dans les mutcla
de l'ceil: nygstagmus, myoclonie de Lenoble et
Aubinet.
Notre fajon de voir nous semble justifiée par l’examen de nos
quatre observations et la lecture des faits cliniques recueillis par
les auteurs. Toutes les myoclonies épileptiques présentent des
1<> Formes d'apris ]
Vévolution . ..
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LA MYOCLONIE ÉPILEPTIQUE
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caractéres communs, et ces caractères nous paraissent ètre les sui-
vants :
1° Terrain commun de dégénérescence épileptique très net, sou-
vent hérédité chargée. Lamyoclonie n’apparalt que dans l’épilepsie
grave. C’est, nous semble-t-il, de cette fagon qu’on peut expliquer le
caractère familial du type Unverricht, l’épilepsie héréditaire étant,
en général, d’un pronostic plus sévère;
2° Identité qualitative des secousses myocloniques : intensité va-
riable d’un moment à l’autre, brusquerie, massivité. La secousse
agit sur la racine du membre et parfois le corps entier (chorée élec-
trique);
3° Influence sédative presque nulle du bromure sur les secousses
et souvent méme sur les crises, mais, par contre, importance de
la décharge chlorurique;
4° Influence sédative des crises épileptiques sur la myoclonie,
influence qui semble s’atténuer dans les formes graves (obs. IV);
5° Augmentation de l’intensité et de la fréquence des crises
par l’émotion, le réveil, l’examen médical, l’approche des règles;
6° Enfin ne nous est-il pas permis, en l’absence de toutes nécrop-
sies, d’interpréter en faveur de notre hypothèse Ies constatations
histologiques de MM. G. Jacquin et L. Marchand ? En effet, ces
auteurs ont décrit, à cóté des Iésions de méningite chronique, un
processus de sclérose corticale, s’étendant en profondeur, et attei-
gnant non seulement la couche moléculaire, comme dans l’épilepsie
grave, mais encore la couche des cellules pyramidales; et ils ajou-
tent que ces lésions irritatives des cellules pyramidales doivent con-
ditionner les mouvements myocloniques. Cela nous paralt une
hypothèse raisonnable d’admettre que, suivant la localisation en
surface de ce processus irritable, on peut avoir les types Kojewni-
koff, et peut>4tre le type nystagmus myoclonie, et, suivant l’étendue
en surface et en profondeur, un type à évolution lente et méme sta-
tionnaire : le type de Lundborg, et un type progressif, le type d’Un-
verricht.
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LES RAPPORTS DE LA PARANOIA
ET DE LA PSYCHOSE PÉRIODIQDE
(LA THÉORIE DE SPECHT)
Par René Bessière
Inlerne de VAsile Clinique.
L’étude des rapports de la Paranoia et de la Psychose maniaque
dépressive est une question à l’ordre du jour. Je me suis efforcé,
dans un travail récent, d’en exposer l’histoire, en France et en
Allemagne (1).
Je ne ferai que rappeler les travaux franqais d’Anglade (2), de
ses élèves Dubourdieu (3) et Soum (4), et la conception de M. Mas-
selon (5), à laquelle j’ai cru devoir me rallier, car elle me semble
cadrer parfaitement avec Ies cas qu’il m’a été donné d’observer et
que j’ai rapportés.
En AUemagne, cette question préoccupe aussi les espríts, depuis
les travaux de Mendel. Parmi les théories échafaudées outre-Rhin,
une des dernières venues est celle de Specht, qui a le méríte incon-
testable de l’originalité. Elle est peu connue en France, du moins
dans son ensemble, etje n’en ai retrouvé dans les journaux franfaii
que de courtes analyses. II me semble intéressant de l’exposerdans
ses détails, avec les critiques qu’elle a suscitées, à l’étranger, de la
part notamment d’un psychiatre italien, Esposito.
(1) René Bessière. Paranola et Psycbose périodique. Thèse deParis,6 févńer
1913,165 p., A. Leclerc, édit.
(2) Anolade. Délires systématisés secondaires. Congrès deMarseilie, 1899.
(3) Dubouhdibu. Les délires de persécution symptomatiques de psyehMe
périodique. Thise de Bordeaux, 1909.
(4) Soum. Sur une association de la folie intermittente et de ia paranofc.
Thise de Bordeaux, 1912.
(5) Masselon. Les psychoses associés. Psychose Maniaque-Dépressive et
Paranola. Annales Médico-Psgehologiques, juin 1912, p. 641.
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RAPPORTS DE LA PARANOIA ET DE LA PSYCHOSE PÉRIODIQUE 403
I. La THÉORIE de Specht.
Elle a été exposée en 1908 dans le Centralblatt (1):
Specht admet tout d*abord la conception kraepelinienne de la
paranola (2) et considére les processifs (quérulants) comme des
paranolaques typiques. Kòppen avait fait remarquer que certains
processifs présentent un trouble de Fhumeur semblable à celui que
Von observe dans la manie : cette remarque a servi de point de
départ au travail de Specht qui affirme que Ton retrouve chez les
quérulants, non seulement Tanomalie de l’humeur, mais tous les
autres symptdmes maniaques tels que logorrhée, graphomanie,
impulsion à agir, distractions, reparties faciles, etc.
Mais la manie, et surtout l’hypomanie chronique n’est pas tou-
jours aussi typique.
Suivant les qualitésindividuellescongénitalesouacquises,suivant
rintensité relative des symptòmes cardinaux, ou l’adjonction de
phénomènes mélancoliques, on a des tableaux cliniques différents
dont une analyse minutieuse peut seule révéler le caractère mania-
que ou maniaco-mélancolique. C’est ce qui a lieu pour les processifs,
car on ne s’occupe guère que des idées délirantes, qui ne sont que
le produit final de la maladie ; et bien que certains auteurs aient
été frappés par l’aspect maniaque de ces malades, ils ont négligé
ces faits et considéré les symptómes maniaques comme secondaires.
Or, il existe des quérulants qui sont purement des maniaques;
d’autres, à la faveur de la durée prolongée d’unétathypomaniaque,
élaborent des idées délirantes et les systématisent. On trouve entre
ces deux extrémes toutes les formes de passage, et d’ailleurs chez le
mème malade le tableau clinique parait tantót plus maniaque,
tantót plus paranoíaque. Le délire ne peut donc expliquer l’état
(1) G. Specht. Ueber die Klinische Kardinaifrage der Paranola. Centratb.
1. nerv . u. Psych., 1908.
(2) Rappelons que Kraepelin rattache à la démence précoce, et spécialement
à la démence paranolde, les formes de paranola hallucinatoires à terminaison
démentieile, méme lorsque celle-ci apparalt tardivement. 11 réserve le nom
de Paranola à un groupe de cas (correspondant au délire d’interprétation et
au délire de revendication de Sérieux et Capgras) dans lesquels les interpréta-
tions délirantes constituent le symptóme, non pas unique, mais, cependant
de beaucoup le plus saillant de la maladie. On voit se développer très lente-
tuent un système délirant, durable, inébranlable, cependant que persistent
sans étre troublés la lucidité et l’ordre dans la pensée, la volonté et les actes.
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maniaque, tandis que ce dernier explique non seulement le délire,
mais les actes des processifs. On ne doit pas parler de paranola qué-
rulante, mais de manie quérulante.
Specht étend ensuite son raisonnement aux autres formes de
paranola.
C’est ainsi que la distinction est impossible à faire entre la manie
chronique et la paranola chronique.
Les paranolaques exaltés, par exemple (réformateurs religieux,
politiques, philosophiques, etc.), arrivent secondairement à l’idée
de persécution, à la suite des déboires qu’ils ont au cours de leur
vie, mais le fait primordial est l’exaltation du moi (symptóme
maniaque).
Specht montre ensuite qu’on observe des cas fréquents de manie
périodique qui finissent par prendre un aspectparanolaquetypique.
La transformation de la manie en paranola est si évidente qu’on
ne peut pas admettre qu’il s’agit d’une paranola évoluant par
accès.
II est d'autres cas, pour lesquels l’argumentation devient difficile.
Que va dire Specht de ces cas de paranola où le délire de persécu-
tion, évoluant progressivement, lentement, occupe dès le début la
première place. On ne peut pourtant pas parler de manie.Mais
alors, répond Specht, ce sont les symptómes mélancoliques qui
jouent ici le róle le plus important. Et en effet, la plupart des
auteurs ne reconnaissent-ils pas que ces formes débutent en général
par une phase de dépression? II ne s’agit certes pas de mélancolie
vraie, mais d’un état mixte avec prédominance des éléments
dépressifs. Les éléments maniaques, en augmentant le sentiment de
la valeur personnelle du malade, déclanchent les idées délirantes.
. D’ailleurs ne voit-on pas souvent, au cours d'une psychose
maniaque dépressive, dans les stades de transition maniaco-
mélancolique, se développer 'des symptdmes paranoldes plus ou
moins durables?Ges symptòmes paranoldes sont causés par l’action
réciproque des deux facteurs : manie, mélancolie.
II en est de méme pour certains cas demanie chronique.dont les
crises se traduisent habituellement par de l’euphorie ou de l’exalta-
tion. Or, on voitsurvenir une nouvelle crise.au cours de laquelle
le malade se montre morose et coléreux, c’est qu’alors sont appa-
rus des symptOmes de dépression. Le malade se sentant déprimí
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RAPPORTS DB LA PARANOIA BT DB LA PSYCHOSE PÉRIODIQUB 405
(mélancolie), mais conservant un vif sentiment de sa valeur
(manie), prend une attitude hostile, méfiante, jalouse, processive —
et si cet état se prolonge, si les symptdmes maniaques ne sont pas
trop prononcés (surtout la fuite des idées), les idées délirantes s’or-
ganisent, se compliquent et l’on pose le diagnostic de paranola.
Ge sont ces cas que l’on a rapportés sous le nom de : paranola
guérie, de délire de persécution par accès, ou de paranola pério-
dique.
Après cette discussion des symptdmes cliniques de la paranola,
Specht en esquisse la psychologie. Pour lui, la modification patho-
logique de l’affectivité est la condition nécessaire dans la genèse
du délire paranolaque. La tonalité affective donne le coloris général
du délire. Quant à la forme particulière du délire, elle dépend en
plus de l’état des fonctions intellectuelles : délire pauvre en cas
d’inhibition psychique, délire plus productif en cas d’idéation facile.
Si, au contraire, on voit dans les idées délirantes le résultat d’une
opération purement intellectuelle, on est obligé de recourir à des
subtilité8. Ainsi, à propos des processifs, on est obligé de rendre
uniquement responsable du délire l’idée d’un préjudice judiciaire
initial. Cela n’est pas exact,car il existe des quantités d’individus
qui sont victimes d’erreurs judiciaires et qui ne deviennent jamais
des paranolaques.
Cependant I’action réciproque des facteurs exogènes, les uns
déprimants, les autres exaltants, peut favoriser l’éclosion d’un état
paranolaque. Tel est le délire des hommes politiques (d’un cóté
soucis, humiliations, de l’autre, sentiment de supériorité intellec-
tuelle réeIle).Tel est encore le délire des professeurs, des institu-
teurs.
Mais dans cescas Ia prédisposition est nécessaire, car on voit sou-
vent des hommes occupant des situations qui développent le senti-
ment de la valeur personnelle et engendrent des variations très
marquées de l’humeur, en arriver logiquement aux idées de grandeur
ou de persécution, et les rectifier ensuite plus ou moins facilement.
En plus du trouble de I’affectivité, deIaprédisposition,ilfautfaire
une large part, dans l’éclosion de ces délires, au trouble de l’asso-
ciation.des idées (association soit ralentie, soitaugmentée). Et ces
Bymptdmes ressortissent à la psychose maniaque-dépressive.
II reste une demière objection. Pourquoi, dira-t-on, tous les
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REVUE DE PSYCHIATRIE
maniaques dépressifs ne deviennent-ils pas paranolaques? Specbt
répond que les formes de manie dépressive, se traduisant par des
accès francs, bien délimités, avec intervalles lucides parfaits, ou
bien par des accès de forte agitation ou de profonde dépression, ne
sont pas favorables à l’éclosion du délire paranoiaque. Les cas les
plus favorables sont les cas à accès prolongés et peu tumultueux.
A ce faisceau d’arguments, Specht en ajoute un dernier tiré de
l'examen de l’hérédité des malades qu’ilétudie. On saitque la doc-
trine de l’hérédité similaire tend à prévaloir à l’heure actuelle et
Forster a démontré l’hérédité spécifique de Ia psychose maniaque
dépressive et de la démence précoce. Specht a vu, de mème, une
femme hypomaniaque donner le jour à deux filles paranolaques et
à un fils périodique. Un quérulant était fils d’un hypomaniaque et
père d’un maniaque dépressif. N’y a-t-il pas là une nouvelle confir-
mation de sa théorie de la nature maniaque-dépressive de la
paranoXa?
Enfin, au point de vue pronostique, l’identité des maladies,
étudiées jusqu’ici séparément, expliquerait les guérísons, les
améliorations, les longues rémissions, les manifestations aiguès et
péríodiques de la paranola.
La terminaison serait aussi la mème : dans quelques cas,malgré
Ia très longue durée de la maladie, aucune lésion; dans d'autres cas:
léger affaiblissement intellectuel.
Telle est dans son ensemble la théorie de Specht.
Je dois dire qu’elle a suscité peu d’enthousiasme parmi les psy-
chiatres qui l’ont critiquée dans de nombreux articles.
II. Critique de la théorie de Specht.
Kraepelin, d’après Halberstadt (1), rejette formellement cette
théorie.
L6wy (2) estime que les sujets, egocentríques, très émotifs, ches
lesquels un tort grave ou qu’ils jugent tel a déterminé le délire,
sont des quérulants et non des maniaques.
(1) Halberstadt. L’opinion actuelle de Kraepelin sur la classification des
états délirants. — Le groupe des parapbrénies. fíevae de Psychiatrie, 1912.
(2) LOwy. Beitrag zur Lehre Querulantenwahn. — Cenlral. /. Nerv. a .
Pey., 1910.
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RÀPPORTS DE LA PÀRANOIA ET DE LA PSYCHOSE PÉRIODIQUE 407
Willmans (1) veut bien admettre que la constitution paranola-
que et la constitution maniaque-dépressive sont proches parentes,
car elles sont toutes deux Tindice d*un terrain dégénéré, mais il se
refuse à confondre la paranoia et la psychose maniaque dépressive.
En effet Témotion du paranolaque est étroitement limitée à son dé-
lire, ce qui n’est pas chez le maniaque; de plus, l’action du tort
initial, déclanchant le délire, est bien plus nette que dans la psy-
chose maniaque dépressive ; enfin la paranola a une évolution chro-
nique constante, ce qui n’est pas la règle dans la psychose maniaque-
dépressive.
Crilique d'Esposito.
Une des critiques les plus serrées qui aient été faites de la théorie
de Specht est celle écrite par Esposito dans un article récent (2).
Je vais la rapporter en détail.
Esposito pense que les ressemblances cliniques qui ont amené
Specht à voir dans les paranolaques des maniaques-dépressifs,
sont des ressemblances superficielles. Specht paralt avoir négligé de
considérer l’ensemble des symptdmes. II est évident que les idées
délirantes ne peuvent et ne doivent avoir une valeur diagnostique
à elles seules, bien que cependant elles permettent souvent une
présomption de l’affection à laquelle elles appartiennent. Mais on
ne voit pas non plus pourquoi on devrait assigner une si grande
valeur à un état d’excitation ou de dépression. II n’existe pas de
maladie mentale qui ne s’accompagne pas de changements et de
variations de la tonalité affective. D’autre part, ces oscillations de
rhumeur peuvent avoir une origine interne aussi bien qu’externe.
II ne paralt pas possible de choisir pour caractère fondamental
d’une forme morbide, un symptóme aussi changeant, d’essence
aussi complexe, aussi peu accessible à l’analyse des mobiles qui le
produisent, aussi riche en éléments subjectifs, aussi peu décelable
objectivement. Et si par hasard l’excitation ou la dépression
étaient, plutót qu’autochtones, la simple conséquence du contenu
idéatif du malade? Toute la genèse maniaco-dépressive de la para-
nola tomberait du coup. Et si les rapports entre l’excitation et la
(1) Wilmans. Zur klinischen Stellungder Paranola. Central f. Nerv. u. Psy
1910.
(2) Esposito. Paranola e psichosi maniaco-depressiva. Riuisla llaliana di
Nturopalologia-Psychialra ed Eleilrolerapia , 1911.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
dépression d’une part, et la formation et l’évolution des idées déli-
rantes d’autre part, ne sont ni constants ni concordants ?
L’erreur peut donc ètre fondamentale, et il en sera toujours
ainsi, tant qu’on oubliera que la plus grande faiblesse de notre
séméiologie consiste dans I’ignorance où nous sommes de la valeur
précise et de la signification des symptómes pris en particulier. Un
symptóme n’a vraiment de valeur que lorsqu’on l’étudie dans son
évolution et dans ses rapports avec les autres symptòmes.
Esposito prend ensuite comme exemple Ie cas de la folie quéru-
lante.
Chez quelques-uns de ces malades, dit-il, les idées délirantes,
dont l’orígine n’est pas nettement liée & un épisode de la viedu
malade, s’élaborent rapidement, sont multiples, dominées par
l'impression du moment et variables dans leur succession; on
observe en méme temps la déviation de l’attention, le besoinde
parler et de s’occuper, une humeur changeante.
Dans d’autres cas, certes plus rares, les idées morbides ont un
point de départ précis dans un épisode saillant de la vie du malade.
Elles sont de formation plus lente, elles sont monotones, invaria-
bles. Le malade garde une certaine modération; quoique tenace, il
ne parle pas volontiers de ses affaires, ou quand il en parle, il y met
une chaleur, parfois certes exagérée, mais qui ne devient pas « un
incendie » et qui ne se manifeste qu’à l’égard d’un ordre donné de
faits, sans s’étendre et se généraliser. L’humeur n’a que des fluc-
tuations peu accusées et l’augmentation de l’excitabilité émotive
se manifeste seulement à propos de la matière du litige.
Ces deux formes sont radicalement différentes, aussi bien dans
leur évolution que dans leur nature.
Pendant que, dans la première forme, i’idée délirante n'explique
pas Ia manie, comme dit Specht, elle explique très bien, dans la
seconde forme, non pas la manie, qui n’existe pas, mais l’apparence
hypomaniaque. Mème chez des individus normaux, le contenu
idéatif réveille un écho dans la tonalité de l’humeur, écho qui est
plus vif chez les sujets à émotivité accentuée.
De plus, dans la deuxième forme, la comparaison entre I’idée
délirante, fixe, immuable, et la faible varíation de l’humeur,
démontre que la manie n’explique ni le complexus quérulant
ni le délire, parce que, dans ce cas, l’idée délirante est le phé-
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RAPPORTS DB LA PARANOIA BT DE LA PSYCHOSE PÉRIODIQUB 409
nomène principal, l’hypoexcitation un phénomène accessoire.
Ces malades sont donc, suivant les cas, les uns, des quérulants
maniaques, les autres, des quérulants paranolaques.
Les premiers ou guérissent ou sont rémittents ou se montrent
dans la suite comme des périodiques ou des déprimés ; les seconds
restent toujours ce qu’ils étaient : de purs paranoìaques.
La différence entre le paranolaque à forme exaltée et le mania-
que chronique et pèriodique, avec délire expansif, est non moins
évidente.
En effet, pour admettre l’uniformité de début et d’évolution de
la manie chronique et de la paranola chronique à forme èxaltée, il
faut exclure les phases de fortes excitations, notamment au début.
Et pour la forme périodique et cyclique — que l’on doit de mème
rattacher à un certain degré d’agitation — Specht estobligé d’in-
voquer l’intervention d’une excitation légère et latente, méme
dans les périodes intercalaires.
D’autre part, le délire ambitieux ne paralt pas un produit de
l’expansivité maniaque. Comment, en effet, penser qu’une légère
excitation trouble la mentalité d’un maniaque, au point de l’em-
pécher, non seulement de corriger ses idées délirantes, mais encore
de faire que ces idées soient le noyau central, autour duquel
s’oriente, se développe et se développera désormais toute l’acti-
vité psychique du malade ; car, dit Specht, ces idées délirantes
persistent sans changement pendant toute la vie du malade, elles
se consolident peu à peu et se systématisent. La consolidation et la
systématisation sont, pour Esposito, en contradiction absolue avec
la mobilité maniaque. Le caractère expansif de la maladie ne suf-
fit pas à la faire considérer comme étant d’origine maniaque.
Esposito rejette ensuite l’expression de paranola avec état
d’excitation, et prétend que, théoriquement, dans la paranola,
il n’y a pas d’états d’excitation vraie, autochtone, ni accessoires,
ni permanents. En clinique, il faut étre moins absolu et ne pas
exclure des modifications transitoires de I’état fondamental, des
fluctuations d’apparence maniaque, ou de vériiables associations
morbides. II est possible que du substratum commun, dégénératif,
sortent, dans le domaine de la paranola, des états sporadiques
d’excitation ou de dépression. Mais la paranola domine et garde
toujours les caractères de la maladie primordiale et principale.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
On pourrait aussi penser que la combinaison inverse soit possi-
ble, c’est-à-dire que, dans l’histoire d*un maniaque dépressif, on
observe un épisode paranoiaque ; cette combinaison ne paralt pas
possible à Esposito et il rejette la conception d’une paranola pério-
dique. Cette conception est aussi invraisemblable que celle qui
accepterait Tidée d’une phase de démence dans la psychose mania-
que-dépressive. Tout autre est la conception d’une phase d’excita-
tion dans la démence sénile par exemple.
Esposito critique ensuite Timportance que Specht attribue au
facteur mélancolique dans la genèse des idées de persécution.
Certes il est vrai qu’un état mélancolique, ou mixte avec préva-
lence dépressive, puisse préparer et développer des délires de per-
sécution, mais une analyse soigneuse montre des différences entre
ces malades, et il ne lui paraìt pas admissible qu’une nuance
dépressive puisse ètre capable de troubler l’émotivité, le pouvoir
critique, le jeu associatif, au point de rendre possible le développe-
ment et l’évolution de ce tableau morbide si grave qu’est la para-
noía.
En réalité, la maladie prend ses éléments dans le caractère du
malade, les exagère, les transforme, en accentue quelque-uns, en
atténue d’autres. C’est pourquoi Specht a pensé qu’on pouvait
observer chez un paranoiaque les symptòmes de la psychose
maniaque dépressive, maladie qui présente au plus haut degré
l’exagération pathologique de l’humeur et des réactions affectives.
II n’est pas nécessaire que l’élément dépressif ou expansif de la
paranoia soit de nature maniaque ou mélancolique. Ce n’est qu’un
élément du tempérament individuel morbidement exagéré, à la
manière paranoìaque chez quelques malades, à la manière mania-
que ou dépressive chez d’autres. Et ces deux manières, si diffé-
rentes par essence, n’ont qu’une ressemblance vague, superfi-
cielle, qui est, parfois, une cause de confusion.
Specht est forcé d’admettre que la prédisposition est néces-
saire au développement du délire paranoìaque. Ce fait démontre
qu’il est arbitraire de donner une si grande importance aux
légers mouvements affectifs et de considérer les autres symptdmes
comme simples épiphénomènes. Mais la prédisposition une fois
admise, et puisque, indubitablement, nous sommes sur le terrain
dégénératif, sur lequel se développe aussi la psychose maniaque-
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HAPPORTS DE LA PARANOIA ET DE LA PSYCHOSE PÉRIODIQUE 411
dépressive, on peut penser que Pémotivité exagérée, la tendance
à la décharge émotive subite, le court-circuit associatif, puis-
sent exister et existent indépendamment de l’accès maniaque ou
mixte. Ces éléments préexistent dans la paranoia; dans la manie,
ils sont consécutifs; dans celle-là, ils sont stables;dans celle-ci,ils
se dissipent avec le déclin de Pexcitation.
La paranoia et la psychose maniaque-dépressive sont des mala-
dies différentes, mais qui nécessitent parfois un diagnostic diffé-
rentiel. Les états mixtes seront les plus difficiles à diagnostiquer,
bien qu’il paraisse difficile à Esposito, contrairement à Specht, que
ces états puissent donner lieu à un tableau paranoíaque.
En résumé, d’après Esposito, la conception de Specht ne repose
pas sur des bases cliniques solides. Elle est fondée plutòt sur des
ressemblances partielles et superficielles. Elle négligeles connexions
des symptómes, Pévolution, le pronostic, elle force Pinterprétation
des faits. Les quérulants et les autres paranoìaques avec délires
expansifs ne sont pas des maniaques ; les persécutés ne sont pas
des mélancoliques ni des malades en état mixte. II est vrai qu’épi-
sodiquement les maniaques et les mélancoliques peuvent présenter
des délires d’apparence paranoíaque, mais il existe des signes clini-
ques suffisants qui permettent la distinction. La paranoía etla
psychose maniaque-dépressive doivent continuer à étredistinguées.
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DÉMENCE CONSÉCUTIVE A UNE PSYCHOSE
PROLONGÉE — INSTALLATION LENTE DU
SYNDROME PHYSIQUE P.-G.
Par Hbnri Damaye
Médecin de VAsile de Bailleul.
Les psychoses toxiques dont les lésions se généralisent peuvent
réaliser, plus ou moins lentement et d’une fajon plus ou moins com-
plète, le syndrome physique paralysie générale. Quelquefois ce syn-
drome apparalt nettement, mais bien souvent aussi son installation
est très lente, interrompue par la mort qui le laisse alors à l’état
d’ébauche. On peut méme dire que le syndrome physique P. G. est
l’aboutissant de toute démence à marche progressive, qu’elle soit
lente ou rapide, pourvu toutefois que l’état des autres organes laisse
au cerveau le temps nécessaire à son évolution destructrice (1).
Dans l’observation suivante, il s’agit d’une psychose incohérente
et hallucinatoire dès sa période aiguè, à substratum toxi-infectieux.
Or, dans les psychoses toxi-infectieuses, les lésions sont diffuses et
il suffit qu’elles atteignent une certaine intensité pour voir se réa-
lker cliniquement le syndrome paralytique. Au contraire, le3 cer-
veaux de malades dits « constitutionnels », comme aussi ceux atteints
du processus systématisé neuro-épithélial de Klippel, ne peuvent
aboutir aux lésions, c’est^à-dire au syndrome de la P. G., sans avoir
transformé leurs lésions en celles diffuses des psychoses toxi-infec-
tieuses.
P... Palmyre, entrée à l'Asile de Bailleul en novembre 1875, à I'àge
de trente-sept ans. — Pas d’antécédents héréditaires connus. Pas
d’éthylisme. Sait lire et écrire. Un enfant ágé de six ans. — Début de
l’affection mentale huit mois environ avant l’intei nement, à l’occasion
(1) Esquirol considérait la paralysie générale, non comme une entiU,
mais corame une complication, un aboutissant des maladies mentales. Cette
opinion n’est pas applicable à tous les cas, mais elle renferme néanmoins
une grande part de vérité.
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DÉMENCE C0N8ÉCUTIVE A UNE PSYCHOSE PROLONGÉE 413
de la mort de son second enfant qu’elle allaitait & cette époque. —
Se croit persécutée par ie feu de l’enfer, a de grandes frayeurs. Gémit
souvent, refuse de s’alimenter, pleure et ne répond pas quand on lui
parle.
1876. — Incohérence dans les idées. Mélancolie, scrUpules : se repro-
che d’étre la cause de la mort de son enfant. Parfois hallucinations et
un peu d’excitation, ou bien ne parle pas et ne s’intéresse pas & ce qui
l’entoure. De temps en temps, s’occupe un peu à tricoter. GStisme
assez fréquent.
1878. — Mème état. Sombre. Frayeurs. Indifférence complète
vis-à-vis de sa famille. Marmote continuellement des paroles inin-
telligibles. Ne s’occupe que très irrégulièrement. Difficultés pour
s’alimenter. Par périodes, s’excite ou bien reste inerte et indifférente.
1883. — Incohérence dans ses paroles. Ignore l’année, le jour, le
mois, le lieu où elle vit. Cause rarement avec les autres; parle souvent
seule. Parfois excitée : chante, rit, pleure, ou se montre difficile à diri-
ger. Travaille très rarement.
\888. — Très hallucinée. Cause jour et nuit avec des voix. Sait à
peine où elle se trouve. Affaiblissement intellectuel. Detemps en temps,
excitation et violences. Ignore son áge. Ne se rappelle pas qu’elle a eu
des enfants.
1890. — Incohérence accentuèe. Raconte qu'elle a mordu un enfant
qu'elle est morte il y a quelques années, qu’elle est condamnée à dix
ans de réclusion. Ne s’occupe plus.
1892. — Mème état. Excitation fréquente. Hallucinations de 1‘oule
et de la vue (1).
13 juin 1908. — II y a quinze jours, ictus suivi d’une parésie pas-
sagère-du còté droit.
26 avril 1909. — Désorientée. Affectivité abolie. — Quel fige avez-
vous? — « Une trentaine d’années ». — En quelle année sommes-
nous ? — « En 1870 ». — Depuis combien de temps ètes-vous ici? —
« Depuis cinq, six semaines ».
Ne comprend plus guère que les questions très simples. Indifférence.
Ne s’occupe plus depuis très longtemps déjà. S’habille et mange seule,
à condition d’ètre aidée toutefois.
4 mai 1912. — Lorsqu’on l’interroge, sait dire parfois Ie jour, mais
ne sait jamais ni le mois, ni l’année. Parle encore très souvent seule,
mème la nuit. Pupilles en léger myosis, égales, réagissent trèspeu aux
jeux de lumiére. Un peu de tremblement fibrillaire de la langue.
Réflexe patellaire très diminué. La parole est un peu bredouillée ou
lente : eUe n’est pas chevrotante. La marche est encore possible,
mais très difficUe.
(1) Nous avons rédigé eette observation avec les notee laissées succossivement
par les D" Dumez, Bayle, Nolé, Belle, Lemoine, Ed. Cortyl, Malfllàtre, Dupain,
Charon, Muller, Dezwaste, Chocreaux, Briche et Maupftté.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
23 novembre 1912. — La marche est devenue presque impossible.
Parle encore seule assez souvent et exprime avec incohérence de
vagues idées de persécution. S’alimente encore relativement bien. —
Les pupilles sont encore en léger myosis, égales et presque insensibles
aux jeux de lumière. Un peu de tremblement fibrillaire de la langue.
Réflexe patellaire presque nul. Parole lente, bredouillée, souvent dif-
ficile pour certains mots. — (Edème des pieds de temps en temps.
Décédée le 23 mars 1913 avec une escarre sacrée et de l’oedème des
pieds et des mollets.
Nécropsie (24 heures après la mort). — Quelques adhérences des
poumons avec la cage thoracique, quelques autres interlobaires. Un
peu d’emphysème aux sommets. Deux ou trois ganglions intra-pul-
monaires tuberculeux. Péricarde un peu épaissi. Ventricules en sys-
tole. Plusieurs points d’induration aux tricuspides; mitrales très
épaissies et en partie calcifiées. Sigmoides aortiques un peu parche-
minées. Quelques petits points d’athérome au début è la naissance de
l’aorte.— Foie très atrophié dans ses deux lobes ; capsule très épaissie
au lobe droit. Dégénérescence graisseuse assez marquée.— Rate égale-
ment très diminuée de volume. — Surrénales un peu consistantes et
notablement augmentées de volume. Histologiquement : lésions de
sénilité décrites par Sabrazès. — Reins : capsule très adhérente au
cortex. Granulations de Bright et deux ou trois tubercules jaunátres
à la surface. Parenchyme notablement atrophié dans ses deux subs-
tances avec ampliation du bassinet. Nombreux kystes intra-parenchy-
mateux. — Encéphale : liquide intra-cranien très abondant.Ventrí-
cules amplifiés : admettent l’index d’un adulte. La pie-mère n’est pas
épaissie et n’adhère pas au cortex. Les artères de la base présentent
de nombreux points athéromateux. Pas de granulations du plancher
du 4 e ventricule.
Histologiquement, la pie-mère n’est pas épaissie. — Beaucoup de
cellules nerveuses sont arrondies ou atrophiées à des degrés divers,
parmi d’autres ayant bien conservé leur configuration. On remarque
un très grand nombre de protoplasmes en chromatolyse avec noyau
coloré. Fréquentes sont les cellules dont le protoplasme présente I’as-
pect d’une coque presque incolore avec noyau coloré. Le pigment
jaune est très rare. Figures de neuronophagie dans les couches pro-
fondes du cortex.
Les plexus de fibres myélinées sont moins denses qu’à l’état nor-
mal, surtout le réseau superficiel.
Eléments ronds très abondants : ce sont des formes moyennes ou de
grande dimension qui forment fréquemment des amas de trois, quatre
et davantage.
Pas de périvascularité. Dégénération fréquente desparoisdespetits
vaisseaux; au voisinage de ceux-ci on remarque souvent de longues
bordures d’éléments ronds.
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DÉMENCE CON8ÉCUTIVE A UNE PgYCHOSE PROLONGÉE
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Le bulbe présente les mémes lésions dégénératives en ce qui con-
ceme les cellules nerveuses et les petits vaisseaux.
En résumé : 1° Cliniquement: Délire coníusionnel hallucinatoire
ayant abouti à un état démentiel. La démence réalisait lentement
le syndrome physique paralysie générale.
2° Au point de vue anatomique : Pas de lésion pie-mérienne.
Paralysie générale à forme dégénérative de Klippel. Ce n’est, en
somme, qu’une psychose toxique à lésions intenses.
3° Au point de vue étiologique : La maladie s’est déclarée après
un accouchement, au cours de l’allaitement, à l’occasion de la mort
de l’enfant.—La syphilis fut-elle en cause? Le fait est possible,
mais nous n’avons pu avoir aucun renseignement à ce sujet.
Dans une affection mentale,le cerveau n’estpour ainsi dire jamais
seul en cause. Remarquons ici les graves lésions des reins, du coeur,
du foie et des vaisseaux. Ces lésions, concomitantes ou secondaires,
ont sans aucun doute aggravé la prédisposition cérébrale et facilité
l’évolution des altérations encéphaliques (1).
Remarquons encore le rapport entre l’escarre et l’atrophie du
cerveau, à la fin des maladies cérébrales.
(1) L’escarre ne se voit guère dans la démence précoce vraie (qui ne
comporte pas d’atrophie cérébrale) pas plus que dans Ia démence épilep-
tique sans atrophie. L’escarre est surtout Ie lot des psycboses toxi-infec-
tieuses où, dans ie cas d'évolution démentielle, le cerveau subit une atro-
phie macroscopique. L’ictus de Pierret est également un accident des
psychoses toxi-infeclieuses à processus atrophique.
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LES GRANDS AUÉNISTES DE LA RENAISSANCE
LA PSYCHIATRIK CLINIQUE
DA.NS L’OKUVRE DB
FÉLIX PLATER
(1536-1614)
PAR
Georges Genil-Perrin
(Suile et fin) (1).
D. HelanchoUa.
La mélancolie, ainsi appelée parce qu’elle provient de la biie
noire, est une variété d’aliénation où l’imagination et le jugement
sont pervertis de fagon que les sujets deviennent tristes et crain-
tifs. On ne peut trouver aucune cause à cette crainte et à cette
trístesse, ou du moins aucune cause de quelque importance. Tout
repose le plus souvent sur de fausses conceptions.
Des gens pieux et religieux s’imaginent qu’ils sont damnés et que
Dieu ne prend aucun souci d’eux; ils redoutent le jugement demier
et les supplices éternels. IIs se laissent aller à blasphémer le Sei-
gneur et à concevoir d’horribles projets, se livrant à des violences
sur eux-mèmes,ou tuant mari, femme, enfants, maltre, voisins, sans
éprouver à. Ieur égard ni jalousie, ni haine, bien mieux, tout en
les aimant parfois beaucoup : de telles pensées se glissent en eux
contre leur gré et leur volonté n’y prend aucune part. Ils prient sans
cesse Dieu de Ies délivrer de ces pensées impies qu’ils m’ont souvent
avouées, dit Plater, à grand renfort de larmes et de soupirs, le
coeur angoissé et Ie corps tremblant.
D’autres sont tourmentés par la crainte de la mort; ils s’imaginent
étre mal en cour auprès des princes et des magistrats; ils croient
(1) Voir la Revue de Psychiatrie, Juillet 1913.
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LA PSYCHIATRIE DANS L'ffiUVBE DE FÉLIX PLATER
417
avoir commis quelque faute et étre voués au supplice : ils s’épou-
vantent d’une mort qu’ils se fìgurent suspendue sur leur tfite.
Certains se leurrent de bétises nées dans leur esprít et d’impres-
sions fausses : tel celui qui, se croyant transformé en pot, s’écartait
des passants pour ne pas fitre cassé; il y en a qui pensent fitre trans-
formés en bfites sauvages.
Un individu était persuadé qu’il avait le nez d’une longueur déme-
surée, et n’en démordit point qu’un chirurgien ne le trompàtensimu-
lant un coup de bistouri et en lui montrant un morceau de chair.
Une femme était envahie par une angoisse qui I’obligeait à s’habiller
et à se déshabiller toute la sainte journée. Une autre éprouvait
la mfime anxiété en pensant qu’après sa mort son marí convolerait
en secondes noces (1).
Certains pensent avoir avalé des serpents ou des grenouilles et
les porter encore vivants dans leur corps. Et tant d’autres, que
Plater a entendus lui raconter de pareilles songeríes avec une douleur
qui excitait tantfit sa dérísion, tantfit son étonnement et sa commi-
sération.
Dans tous ces cas, on retrouvait constamment la crainte et la
trístesse (2). Mais on pouvait aussi noter de la défiance et de la réti-
cence; quand on les interrogeait, ils ne répondaieńt pas; quand on
Ies poussait, ils avangaient avec peine. Quelques-uns — ce sont les
misanihropes — aiment la solitude et fuient la société des hommes.
D’autres redoutent la lumière et vont se cacher au fond des forèts,
comme fit Nabuchodonosor, d’après les saintes Ecritures : ce sont
les Lycanìhropes, parce qu’ils vivent comme les loups.
Affligés pendant des mois ou mfime des années par ces imagina-
tions perverties, tous les malades sont enfin vaincus, s’ils ne revien-
nent à eux par le secours de I’art: ils s’éteignent dans la consomp-
tion, à moins qu’il ne se donnent eux-mfimes la mort qu’ils appré-
hendaient auparavant : ils se pendent, se noient ou ont recours à
tout autre moyen, comme Plater en a trop vu de tristes exemples.
Ces soufTrances varient d’allure et d’intensité suivant le tempé-
rament de chacun. Continues, elles peuvent cependant présenter
(1) Nous retrouvons ici quelques faits dont il a été déjà question au para-
graphe précédent. Entre Vanimi commotio et la Melancholia la frontiire est en
certains points mal délimitée.
(2) Symptdmes qui constituent ehez lesaneiensauteursle fonds immuable de
h mélancolie.
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REVUE OE PSYCHIATRIE
des exacerbations et des rémissions; mais quelquefois elles n’appa-
raissent qu’à certaines époques, en certaines saisons, aux change-
ments de lune, et, chez les femmes, lors de la grossesse ou de l’ac-
couchement, ou au moment des règles.
On aura reconnu, dans le tableau que Plater trace delamélancolie,
les symptdmes fondamentaux que nous attribuons encore à cette
affection — toute réserve faite sur ce point qu’il s’agit de la des-
cription du syndrome mélancolique en général, Plater n’ayant
évidemment pas distingué de la mélancolie vraie les états mélan-
coliques symptomatiques. Dans la crainte et la trístesse chères aux
vieux auteurs, nous trouvons notre douleur morale et notre délire
d’attente. Plater nous donne ici une liste assez bien fournie des
idées délirantes d’ordre mélancolique : Idées d’indignité, de culpa-
bilité, de damnation, de transformation corporelle, de mort pro-
chaine. La lenteur des réactions, la réticence, le refus d'aliments, le
suicide sont notés par l’auteur. Les meurtres commis par les mélan-
coliques sur Ieurs proches sont appréciés à leur juste valeur. L’an-
goisseapparalt avec un relief particulier dans certaines observations.
Mais tout cela reste confìné au domaine de la symptomatoIogie,et
il faut avouer que Plater tient très peu compte de l’évolution; il
n’insiste pas comme il conviendrait sur la péríodicité qu’il connais-
sait sans doute aussi bien que ses devanciers et ses contemporains.
Je ne m’arréte pas aux deux premières observations de mélan-
colie, d’où l’histoire clinique est absente, et que l’auteur rapporte
seulement à cause de la singularité de l’élément étiologique : H
s’agit de femmes devenues mélancoliques pour avoir vu des pendus.
La troisième observation n’est pas à proprement parler une ob-
servation; elle contient simplement quelques réflexions sur le suicide
chez les mélancoliques, mais l’auteur y confond entièrement le
suicide des mélancoliques et l’obsession-suicide :
d’ai entendu quelques personnes des deuxsexes se plaindre qu’elles
étaient damnées et que Dieu ne prenait pas souci d’elles; et elles s’i-
maginaient encore une quantité d’autres choses dont elles n’osaient
mèmepas parler.J’en ai vu qui redoutaient d’aller au temple.ou qui
étaient prises de terreur et de tremblement, en regardant des cou-
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LA PSYCHIATRIE DANS L’cEUVRE DE FÉLIX PLATER
419
teaux ou le Bhin : car elles étaient comme frappées de fureur et
poussées à se tuer.
C’est ainsi que la femme d’un très riche marchand, depuis long-
temps en proie à des tourments, qu’elle dissimulait, se leva une nuit
en cachette de son mari, sauta toute nue dans la rue par la fenètre,
courut au pont, se précipita dans le Rhin et s’y noya. De mème un de
nos concitoyens s’étoufTa ailleurs dans l’eau. Plusieurs se pendirent;
quelques-uns se frappèrent par le poignard.
On voit bien qu’il y a là deux ordres de faits que Plater ne dis-
tingue pas et que nous séparons aujourd’hui: le cas du mélanco-
lique qui se tue et le cas de Pobsédé qui a peur d’étre poussé àsetuer.
La quatrième observation, dans son laconisme,représenteun beau
cas d’état mélancolique en rapport avec la puerpéralité :
Une autre mélancolique, belle paysanne qui allaitait un enfant et
que je soignais, disait toujours :« Je ne puis plus rester et vivre plus
longtemps en ce monde, il faut que je parte, il faut que je meure »
sans donner la cause de son chagrin. Elle se pendit chez elle, mais
quelqu’un arriva et coupa la corde, la sauvant ainsi de la mort; elle
finit par guérir, gráce surtout aux vomitifs que je lui prescris.
Voici maintenant ce que mes collègues transalpins appelleraient
un cas de psychose nuptiale.
Une élégante jeune fille se maria contre son gré, alors qu’elle aurait
préféré épouser un de nos compatriotes qu’elle aimait. Après les noces,
elle devint mélancolique et tomba dans une tristesse continuelle, bien
que son mari s’efforQát de lui ètre très agréable. Enfin, se trouvant
seule dans sa chambre, elle se pendit avec une serviette attachée à la
tète du lit, et mourut ainsi désespérée.
Ailleurs, ce sont deux frères qui deviennent mélancoliques et
en arrivent au suicide :
Deux frères,hommes savants que j’ai connus intimement pendant
longtemps, émirent une opinion suspecte sur certains dogmes, et
furentpour celaexilés; après quoi, prisde repentir, ils tombèrent dans
une mélancolie désespérée : I’un, bien qu’on le surveillát avec soin,
se jeta par la fenètre et expira; l’autre, peu après, se pendit, mais,
détaché avant d’étouffer, il survécut, pour peu de temps cependant.
C’est ensuite une histoire très compliquée où le fait clinique est
perdu au milieu de détails d’ailleurs pittoresques, mais il est di£B-
cile de porter un diagnostic rétrospectif sur ce cas que Plater rat-
tache à la mélancolie.
II s’agit d’un de ses amis, qui avait joui d’une certaine faveur
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420
RBVUB DE PSYCHIATRIE
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auprès des grands et ramassé une assez forte somme d’argent dans
les charges qui lui avaient été confìées. Après quoi,« devenu mélan*
colique x>, il semit en téte qu’il avait encouru la disgràce du prince
et que celui-d avait envoyé des émissaires pour I’arréter et voulait
lui faire rendre compte de sa gestion.
« Cette crainte le prenait à certaines périodes (ceriig lemporibus)
et il parcourait alors divers lieux, soit à cheval, soit à pied, pour s’è-
ehapper par la fuite. Un jurisconsulte de ses amis, afin de lui eniever
cette sinistre opinion, le conduisit à cheval avec son secrétaire dam
un couvent voisin pour le distraire. Après le repas, ils revenaient en
chevauchant au logis, quand une fausse imagination s’imposa à son
esprit: il pensa voir des soldats armés qui voulaient I’arrèter, et crut
que cela avait été machiné par son compagnon de route qui l’avait
trompé; furieux, il prit son pistolet dans la fonte et tira sur son ami
le jurisconsulte qui cheminait devant: celui-ci tomba mort de son
cheval. Lui-mème, pris de désespoir, se précipita de sa monture sur
la pointe de sa dague qu’il avait tournée vers sa poitrine. Mais le
coup ne pénétrant pas, à cause de la cuirasse, il se découvrit la poi-
trine, et se perga de son épée en courant contre un arbre voisin. »
Tout cela ne ressemble guère à une réaction de mélancolique. Les
éléments nous manquent pour porter un diagnostic exact, mais nous
pourrions & la rígueur supposer qu’il s’agit d’un drame de l’alcoo-
Ksme : ces idées n’envahissent le sujet que par péríodes, certis tenh
poribus ; et c’est justement aprèsundfner —qui nepouvait manquer
d’étre bien arrosé puisqu’il fallait distraire le malade — que celui-d
croit voir des soldats chargés de l’arréter,tire son pistolet et tueson
compagnon, qu’il soupgonne de l’avoir trahi. Qu’il s’agisse encore
d’un délire de persécution, hallucinatoire ou interprétatif, c’est pos-
sible, mais de mélancolie, je ne le crois pas.
Le délire mélancolique est en revanche très net dans le cas sui-
vant, où l’agitation anxieuse est remarquablement décríte :
La femme d’un peintre, aimant la solitude, appliquée aux soins
domestiques, dévote, de caractère triste et mélancolique, avait autre*
fois congu une certaine jalousie de ce que son mari lui avait avoué
avoir aimé une autre femme avant de l’épouser. Elle était mariée
depuis vingt-sept ans et avait eu neuf enfants,quand,en janvier 1600,
éDe fut frappée de terreur parce que le bruit se répandait que son íils
déjà adulte et pour lors absent, avait été tué dans une affaire; ce
qu’elle croyait d’autant plus facilement que l’image de son fils mori
lui était apparue en songe. Elle tomba dans une maladie grave. Tout
d’abord, la jalousie qui l’avait affligée de nombreuses années aupara-
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LA P8YCHIATRIE DANS L’oSUVRE DE FÉLIX PLATER
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vant, au commencement de son mariage, commenga à revenir et à
l’affliger de nouveau; elle affirmait que son mari avait commis l’adul-
tère, puis le niait aussitAt, au point qu'elle quittait parfois sa maison,
et n’admettait aucune consolation. Sur le conseil des médecins, son
íils fut rappelé et vint la trouver : l’angoisse diminua, mais la ma-
Iade ne revint pas à l’état normal.
On la saigna et on la purgea plusieurs fois,à la suite de quoi le mal
augmenta au lieu de s’arrèter : elle éprouva une angoisse très vio-
lente et une inquiétude telle que, non contente de se promener la nuit
et le jour comme auparavant, elle courait sans cesse de place en place,
mème pendant ses repas; enfin, lassée, les forces prostrées, elle trou-
vait quelque repos dans un sommeil qui ne durait guère. Tout fut
essayé, mais vainement; elle s’exclamait continuellement qu’elle ne
pouvait pas supporter plus longtemps un te) tourment d’esprit; elle
appelait enfin la mort avec ardeur : tout d’abord elle ne voulait pas
porter les mains sur elle, se contentant de prier les assistants de lui
donner du poison. Désespérant enfin, elle répétait que Dieu ne lui
pardonnerait pas, qu’elle était damnée, et qu’elle éprouvait déjà les
tourments de l’enfer. Comme cela durait déjà depuis quatre mois,
elle en vint à cette folie de se persuader que son mari et ses enfants
voulaient Iui faire prendre du poison et lui donner la mort. Personne
ne put la détoumer de cette fausse opinion, ni en la consolant, ni en
la raisonnant. Elle disait qu’elle ne craignait pasla mort, mais qu’elle
redoutait de souffrir avant d’expirer: soucieuse d’accélérer cette
mort, elle recherchait en cachette les couteaux, les liens et tout ce
qui était propre à ce dessein. Persistant absolument dans cette idée
qu’on voulait l’empoisonner, elle ne prenait plus ni nourriture, nì
boisBon, ni médicaments, et si on lui en introduisait de force dans
la bouche, elle n’en avalait ni une miette, ni une goutte, mais recra-
chait tout, et s’efforQait par une expuition continuelle et en se
lavant tout le temps la bouche, de rejeter les restes de poisons.
Si pendant son sommeil on lui mettait légèrement danslabouche
une plume mouiilée d’un cordial, ou si on lui appliquait sur le nez ou
sur les tempes quelque cordial, aussitòt irritée, excitée, elle s’excla-
mait comme une furieuse, s’efforQait de tout rejeter, crachant et s’es-
Buyant, disant qu’elle était empoisonnée.
Pour détourner ce soupgon, les assistants goùtaient la nourriture
et la boisson avant de les lui présenter, désirant ainsi la persuader
qu’il n’y avait pas du tout de poison, puisque cela ne leur faisait pas
de mal. A quoi elle répondait que si ce n’était pas du poison pour eux,
c’en était pour elle. S'abstenant ainsi de tout ce qui pouvait s’absor-
ber, et se consumant de jeùne, elle survécut dix nuits et dix jours,
chose surprenante chez une femme qui venait d’ètre affaiblie et débi-
litée par la maladie pendant un quart de l’année.
Peu avant d’expirer, regardant le ciel: «Là haut! là-haut! dit elle,
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REVUE DE PSYCHIATRIE
je vais ètre portée au ciel » et sans plus rien dire, les mains jointes,
corame pour prier, ainsi qu’on lui avait dit de le faire, elle rendit
l’ftme le 5 avril 1600, à quatre heures du matin.
Le cas suivant n’est peut-ètre pas à mettre sur le compte de U
mélancolie, mais devance les exploits de nos modemes sufTragettes.
Un individu, détenu en prison dans notre ville pour quelque délit,
craignant le supplice, décida de se laisser mourir de faim. A cet effet,
il s’abstint de nourriture et de boisson pendant quatorze jours. Pour
le détoumer de cet acte désespéré, on essaya plusieurs moyens : on lui
mit devant la bouche des plats excelients, des vins généreux, on lui
apporta des consolations et des promesses, ainsi que de sévères aver-
tissements,des menaces du supplice éternel, tout cela en vain. Enfin,
comme il était à toute extrémité et que ses forces s’en allaient,
il demanda à boire; mais il ne but que quelques gorgées, n’en fut pas
réconforté, et finit misérablement dans le désespoir.
E. Melancholia hypochondriaea.
II y a une espèce de mélancolie qu’on appelle mélancolie hypo-
chondríaque en raison du lieu affecté. Les intermissions y sont plus
fréquentes; on en note parfois plusieurs dans le cours d’une méme
jouraée. Ceux qui en sont atteints, à la différence des autres mélan-
coliques, toutes les fois qu’ils reviennent à eux, se rendent compte
qu’ils sont vraiment malades. Us s’alitent rarement et peuvent s’oc-
cuper de leurs affaires, mais ils se plaignent sans cesse d’une douleur
dans le c6té, surtout le gauche, de frémissements.de battements,de
murmures, d’éructations, de vomissements, d’expuitions, de dou-
leurs de téte, de vertiges, de tintements d’oreilles, de battements
d’artères, et d’autres innombrables sensations qu’ils éprouvent ou
qu’ils croient éprouver. Ils obsèdent le médecin, réclament des
traitements, et essayent des remèdes varíés. S’ils ne sont pas rapi-
dement soulagés, ils ont tdt fait de changer de médecin et de médi-
cament.
Si je voulais donner une idée exacte et vivante des hypochondria-
ques de Plater, je n’aurais qu’à reproduire intégralement quelques
observations, avec la minutieuse poly pharmacie que l’auteur opposait
à leurs symptòmes multipliés. Mais je crains de fatiguer le lecteur,
qui n’a d’ailleurs qu’à se représenter les hypochondriaques qui vien-
nent le consulter tous les jours.
Quand il avait à traiter un hypochondríaque, Plater savait appe-
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LA PSYCHIATRIE DANS L’íEUVRE DE FÉLIX PLATER
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ler la dialectique au secours de la pharmacopée. C’est ainsi qu’à un
docteur en droit qui le consultait en 1601 pour cette affection, il fìt
un petit discours préparatoire, lui expliquant la nature et les causes
de la mélancolie hypochondriaque : « prolixe ilii disserni ». Après
avoir parlé des veines mesaraíques, de la rate et de Pépiploon, il
lui représenta que Ies remèdes si nombreux que les patients absor-
baient souvent ne faisaient que prolonger la maladie, puis lui fit
une ordonnance de proportions modestes pour Pépoque, luirecom-
mandant pour terminer d’avoir bon espoir, de ne pas douter de la
guérison et de ne pas vivre longtemps en célibat. Le docteur en
droit retouma chez lui, remplit les indications de l’ordonnance, se
marìa, et obtint ainsi une guérison rapide.
Je passe les deux observations suivantes, trop remplies de for-
mules fastidieuses, mais j’en rapporterai une dont l’intérét me
semble grand, car on y suit pas à pas la curieuse odyssée d’un hypo-
chondriaque au début de dix-septième siècle.
Un homme portant un grand nom m’écrivit longuement de Bour-
gogne, en 1611, qu’il était sujet aux troubles suivants : lourdeur de
tète presque continuelle, arrèt des sens internes, surtout de la mé-
moire, faiblesse des sens externes, surtout de la vue, qui est parfois
presque complètement obscurcie; le matin, il a des vertiges, surtout
s’il est à jeun et appliqué à la lecture.Toutes ces incommodités déter-
minent un état de tristesse et de crainte qui l’empèchent de rien faire
et le détournent de la fréquentation des hommes, au point qu’il pré-
fère la solitude à leur conversation. Par ailleurs, il n’éprouvait pas
de grands accidents dans les fonctions vitales et naturelles, en dehors
de fluxions fréquentes qui envahissaient tantót le dos, tantòt les join-
tures et y provoquaient de la douleur. Cela durait depuis plus de
vingt-cinq années, pendant lesquelles il avait pris conseil des plus émi-
nents médecins de presque toute l’Europe, sans aucun résultat : il
me demandait donc, en la matière, mon avis et mon aide.
D’après les consultations qu’il m’envoyait, je vis que la plupart
des médecins le reconnaissaient atteintde mélancolie hypchondriaque.
Parmi ceux-ci, en voici quelques-uns, hommes très remarquables,
que je veux nommer ici pour leur faire honneur :
Alvarez, médecin espagnol, en 1584, dans sa consultation, affir-
mait qu’il s’agissait d’une mélancolie hypochondriaque, et formulait
plusieurs remèdes pour fortifier la tète.
Bernardus Bertramus, de Padoue, reconnaissait la mème cause,
et prescrivait les saignées et les purgations alternées, pour chasser et
corriger la bile noire par une médication altérante.
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REVUE DE PSYCH1ATRIE
Campolongo, iialien, formulait des remèdes destinés à détouner
et à évacuer la pituite de la téte, et à fortifier celle-ci.
Franciecus Gujamezus, de Rome, dirigeait ses conseil* surtout
contre la mélancolie, tenant compte de la tète, de restomac et de la
rate.
Augerius Ferrerius, de Toulouse, prescrivait plusieurs remèdes,
tant internes qu’externes, contre rarthritis.
Riolan partageait la méme opinion et instituait un traitement pour
guérir la mélancolie.
Alexander Bucinellus établissait un régime pour absorber les hu-
meurs séreuses et pituiteuses et recommandait Tusage, pendant six
semaines, de décoction de quinquina.
Antonius Darinettus et Antonius Porrei, bourguignons, en dehors
des remèdes convenables pour amender la mélancolie, et concernant
la téte, conseillaient de boire des eaux acides.
Pascotius, bourguignon, dirigeant principalement ses remèdes conire
la mélancolie et les fluxions, continua son traitement de 1582 à 1602,
et utilisa surtout les diverses évacuations. 11 ordonnait la décoction
degalac jointe à une alimentation restreinte, pendant quelque temps,
puis il continuait cette évacuation par les sudorifiques. L’année sui-
vante, on prit, sur son conseil, les eaux à Plombières, et trols ans
après, on but les eaux acides de Griespacb. En outre, il lui prescrivit
beaucoup d’autres remèdes contre la mélancolie, visant aux expmv
gations par les selles, par les vomissements, et par les voies partlcu-
lières, et aussi ceux qu’on emploie comme altérants, qui furent pris
tantòt par la bouche, tantòt en lavements.
Après avoir exécuté tous ces traitements, notre homme ne fut pas
guéri, mais souffrait toujours des mèmes maux, tout en éprouvant
quelque faiblesse de l’emploi de tant de remèdes, dont il se trouvait
dégoùté; il se persuadait entre temps beaucoup de choses terribles,
comme il me l’écrivait, selon l’habitude des mélancoliques. En sep-
tembre 1608, il me demandait une consultation, et me suppliant de
ne point le fatiguer de la foule de ces remèdes, dont il était dègoOté.
Je répondis que la cure serait difficile, car sa constitution et son
tempérament, en tant d’années, avaient tourné en constitution mé-
lancolique. Aussi sans vouloir faire trop de promesses,je jugeaiqu’il
fallait commencer ce traitement par des remèdes agréables et aimables.
J’ordonnai ce vin médicamenteux (c’était une sorte de préparation
encore inusitée) :
fíacines apéritives.s . aa 1 once .
Ecorce de racine d’hiible et de sureau .... aa 6 onces.
Ecorce de iamaris. . 2 onces.
Ecorce de racine de cdprier . 1 once.
Bois de sassafras . 1 once 1/2.
Feuilles d ’absinthe et d ’ive muscade .... aa I manipuk 1/2.
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LA PSYCHIATRIE DANS l’íEUVRE DE FÉLIX PLATER
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Herbes de ceterach... \
— de miliase. •••?. àa 1 manipule.
— de germaudrte )
Fleurs de bourrache. J
— de buglose... >. aa2 1 /2 poignéea.
— de scabieuse.. J
FeuiUea de genèt . 1/2 poignte.
Semenees de fenouil . 1 once.
Semences de carvis . 2 dragmes.
Semences d’osier de montagne . 1 dragme.
Concasser, mettre dans un vase avec un copeau de bois de genévrier,
ajouter quinze mesures de vin, et conserver bien bouché pour l’usage
dans une cave à vin.
Après macération, qui durera 8 jours, prendre trois mesures de
cette préparation, où l’on fera infuser :
Rhubarbe .
Follicules de stni
Mechoacan .
Thym .|
Cinnamome. )
Giroflte .
6 dragmes.
2 onces.
1/2 once.
aa 1/2 once.
1 once.
Qu’il conserve ainsi ce vin que j’ai appelé purgalif et l’autre pré-
parant. Qu’il y ajoute des tablettes d’absinthe de ma composition,
que je lui envoyai pour s’en servir de temps en temps.
II but le vin préparant, le matin, deux heures avant le repas, en
prenant en mème temps quelques cuillerées de bouillon de poule,
pendant trois jours, et le quatrième jour, buvant du vin purgatif, il
lut purgé légèrement.
En 1609, au mois de mars, il me flt savoir que le vin lui était très
agréable au goùt, et il le prouva. Car un accès de goutte survint, qui
le contraignit à en suspendre l’usage. Cet-accès guéri, comme il man-
quait de vin, il s’occupa d’en préparer d’autre, et, une troisième fois,
aux vendanges suivantes, au lieu de vin, il employa du moùt, grftce ft
quoi la préparation fut mousseuse...
On voit que Plater avait une pratique assez étendue de la mélan-
colie hypochondríaque. Aussi n’est-il pas mauvais d’insister un peu
sur les caractéres qu’il lui attríbuait.
Ges malades, dit-il, se persuadent qu’ils sont atteints de toutes
sortes d’afTections. Mais ce ne sont généralement là que de pures
imaginations. Cela arríve surtout à des gens intelligents, capables de
serendrecomptedes choses. Ils s’adonnent à l’étude de la médecine,
mcherchent les causes de leurs maux, et attríbuent un caractère
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REVUE DE PSYCHIATRIE
morbide aux plus légères modifícations de leur corps : ils assom-
ment le médecin par le récit qu'ils en font.
Uss’examinentdela téte aux pieds, et expliquent, oralement ou
par écrit, qu’ils se sont découvert quelque trouble ou quelque lé-
sion, alors que, sauf quelques légères incommodités, ils dorment et
mangent bien et vaquent à leurs affaires. Ils se persuadent qu’ils
ont perdu toute leur chaleur, qu’ils sont enflés, que leur cerveau,
leur estomac, leurs poumons, leur foie, leurs reins, sont débilités,
viciés, plein d’excréments, alors qu’il ne s’agit, bien entendu, que
d’une vaine imagination mélancolique.
D’autres se frappent parce qu’ils ne peuvent pas éternuer, ni suer,
ou parce qu’ils ne rèvent jamais.
Quelques-uns, atteints d’une véritable hypochondrie. se plaignent
à bon droit d’une affection des hypochondres, mais ils s’en imagi-
nent bien plus qu’il n’y en a.
F. Mania.
Sous cette rubrique, l’auteur comprend quatre ordres de faits :
la manie proprement dite, Vhydrophobie, 1 'obsession démoniaque, la
danse de Saint-Guy.
C’est à la première seule que convient la descríption qu’il apphque
à I’ensemble. Les trois autres, qu’il considère bien comme des varié-
tès de manie (maniae species), sont à vrai dire plutòt étudiées en
appendice.
1° La Manie proprement dile.
u La mania ou insania est un si grand trouble de toutes les
fonctions de l’àme, que les sujets se représentent, jugent, et se
rappellent faussement la plupart des choses ».
On voit ici la préoccupation d’opposer le délire total au délire
partiel : Pour les anciens auteurs, le mélancolique peut n’ètre fou
que sur certains points, le maniaque est généralement un fou com-
plet. C’est d’ailleurs ce qu’explique un peu le contexte : « IIs ne sont
pas seulement, comme les mélancoliques trístes et plaintifs, mais ils
font encore toutes Ies choses contre la raison ».
De temps en temps, ils peuvent bien montrer un peu plus de
retenue dans leurs actes et dans leurs paroles, mais le plus souvent,
enragés, farouches, ils manifestent I’agitation la plus violente. Hs
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vocifèrent des horreurs et des obscénités; ils sont poussés par des
appétits brutaux qui les rapprochent plus des bétes que des hommes,
et cela surtout dans le domaine de la sexualité : Plater n’a-t-il pas
vu une dame de la noblesse, très honnète femme par ailleurs, inviter
au coit les hommes et les chiens, par des mots et par des gestes
honteux ?
Les maniaques se livrent parfois & des accès de violence sur eux
ou sur Ies autres; ils s’arrachent les cheveux, lacèrent leurs véte-
ments, et se mutilent en se mordant, ou par tout autre moyen. II
faut Ies contenir avec des liens et des chalnes, qu’ils s’efforcent d’ail-
leurs de rompre. Quand on les enferme dans un cachot, ils essayent
d’en bríser les portes, et tentent parfois, avec une certaineindustrie,
de s’évader, en pergant les murs de leur prison. IIs se précipitent sur
le monde comme des bètes féroces, cherchant à griffer, à mordre, à
étrangler, à tuer.
Naturellement,lamanie est ici entendue dans un sens tout sym-
ptomatique. II s’agit du syndrome excitation maniaque, et là en-
core les observations sont trop peu complètes pour que nous puis-
sions porter des diagnostics plus précis.
Tel le cas suivant:
Une jeune fille de Mulhouse, mal mariée, fut réduite à la folie par
les mauvais traitements de son mari. Elle déchirait ses vétements, et,
enchainée toute nue, dilacérait en menus morceaux, avec ses ongles,
la paillasse méme où je la vis couchée.Onla conduisit à un empirique
de la campagne, qui avait i’habitude de traiter les maniaques, et la
guérit en la saignant soixante-dix fois en une semaine, lui tirant ainsi
presque tout son sang. Elle retourna chez elle, faible et pále, et, son
mari mort, elle en prit un autre, avec lequel elle vécut jusqu’à qua-
rante ans, bien portante, mais stérile et sans couieurs.
La quatríème observation de manie est intéressante à cause de
la longue durée de l’accès.
Un cuisinier, dans un hOpital, fut envahi par une manie très grave :
il gisait dans une prison obscure, nu sur une litière, car il déchirait
lout le reste; il s’alimentait, et resta ainsi quarante ans, misérable-
ment enfermé. Délivré enfln je ne sais comment de cette manie,
vieillard chenu et décrépit, il déambulait par la ville, n’essayant plus
de faire de mal à personne, agissant et parlant raisonnablement;
mais, à cause de son grand àge, il ne survécut pas longtemps.
Nous reconnaissons dans une autre observation la maniaque éro-
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tique dont il était question dans la description didactique dela
Praxit :
Un vieux noble alsacien avait épousé une jeune lemme, et fut bien-
tdt prit d’une colique dont il raourut au bout de deux ans, ayant à
peine pu consommer le mariage. Sa veuve tomba dans une proíonde
fureur maniaque et érotique Elle ne se contentait pas d’inviter au
colt, du geste et de la voix, ceux qui l’approchaient, mais elle récla-
raait encore qu’on lui amenftt, à cet effet, des molosses anglais. EUe
était un objet d’horreur pour ses parents qui ne comprenaient pas
comment une fllle toujours pieuse et chaste avait pu tomber en une
si détestable folie.
Voici maintenant un accés d’excitation qui mérite, sans doute,
d’étre mis sur le compte de l'alcoolisme :
Un boucher de Bftle était saisi de temps en temps d’une fureur
presque maniaque, surtout lorsqu’il avait un peu trop bu de vin : il
disait qu’on lui dressait des embùches pour le prendre, et courait
& travers la ville I’épée à la main, sans que personne pùt l’apaiaer ni
par la parole, ni par la contrainte. II transperQa de part en part
un tailleur de ses amis qui essayait de l’arréter. Le lendemain matin,
sa fureur étant un peu tombée, il fut pris, et, considéré comme mania-
que, au Iieu d’ètre condamné à mort, il le fut à la prison perpétueDe,
où il passa ses nuits et ses jours à jurer, à blasphémer et à taper des
pieds. Quelques années après, en hiver, par un froid très intense, il
périt et fut trouvé un matin presque congelé.
2° L'Hydrophobie.
L’hydrophobie ( hydrophobia) est une variété de lamanietdans
Iaquelle, après avoir été mordu par un chien enragé, on tombe dans
la méme rage que l’animal : si c’est un chien, on aboie comme un
chien, si c’est un loup, on hurle et on attaque en mordant >.
Les individus affligés de ce mal fuient la lumière et tout ce qui
luit, car les objets brillants leur renvoient, au lieu de leur propre
fìgure humaine, l'image du chien qui les a mordus. Ils redoutent
l’eau par-dessus tout, et tremblent à sa vue, d’où le nom d'hydro-
phobie.
Ils meurent souvent après avoir présenté des contractures, de la
rougeur de la face et des sueurs.
II faut nous attendre à trouver dans ce groupe comme dans le
suivant un grand nombre d’hystériques. Tel est probablement Ie
cas de la fille dont il est question dans cette observation, d’une
cavalière brièveté :
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Une íille, devenue maniaque à la suite d’une morsure de chien
enragé, aboyait comme cet animal, et vociférait sans cesse avec un
vacarme qui me faisait peur, surtout pendant la nuit, quand je l’en-
tendais dans mon enfance, aiors que nous habitions près de l’hdpital;
ce qu’il est advenu de cette fille, je ne m’en souviens plus.
Plater rapporte au méme lieu une observation d’hydrophobie
« alia ab illa quae a morsu canis rabidi evenil ». Je me demande
s’il ne faut pas y voir un cas de tétanos splanchnique, ou peut-ètre
de péricardite à forme hydrophobique :
Le 11 mars 1595, la femme d’un savetier lavait du cuir dans la
rivière de Birse qui coule à couvert à travers la ville; la nuit venant*
elle fut laissée seule par les voisins, quand, eflrayée par la solitude, elle
crut voir comme une lumière sortir de la voùte, et le ruisseau grossi en
un torrent se prócipiter avec force; frappée de ce f ait,elle retourna au
logis, et, à partir de ce moment, elle ne put plus déglutir ni eau, ni
vin, ni bouillon, ni aucun liquide, raais dès qu’on lui en présentait,
et surtout qu’on lui en introduisait dans la bouche, elle paraissait
suffoquer, et criait, tirant de sa gorge un souffle étranglé. Et, chose
étonnante, elle éprouvait la mème chose au seul contact des liquides;
bien plus, quand on apportait des liquides dans la pièce, en les voyant
elle s’épouvantait, et était reprise de son mal; l’accès ne cessait que
si on emportait les liquides. Sous l’influence d’un petit courant d’air
oud*unsoufne f elleéprouvaitlesmèmes effets,comme une autre femme
que je me souviens d’avoir vue,dans ma pratique,succomber endeux
jours à cette suffocation.
Aussi, à cause de cette crainte, elle s’abstenait d’eau, et de tout
liquide, et de toute boisson, et ne se soutenait que de pain et d’ali-
ments solides, qu’elle pouvait avaler...
Les assistants, à cause de la dysphagie, pensaient que l’obstacle
était dans la gorge. Un chirurgien fut appelé, qui n’y trouva rien. Le
cinquième jour, on m’exposa l’affaire. Je dis aux assistants que cela
provenait d’une atteinte de la sixième ou de la septième paire ner-
veuse et que l’hydrophobie, comme je l’ai enseigńé dans ma Praxis ,
peut survenir du fait d’un poison latent, aussi bien que d’une morsure
de chien. Je présageai le danger et ordonnai d’appliquer des ventouses
aux épaules, et d’en remettre le soir.
Appelé au matin... je la trouvai assise, tenant son enfant sur son
giron, parlant pieusement et cordialement; elle m’expliqua ce qu’elle
sentait quand on lui présentait des liquides. Gomme j’ordonnaid’ap-
porter en cachette une décoction chaude pour lui y plonger les pieds,
aux hns de révulsion, dès qu’elle sentit qu’on l’apportait, elle eut sa
cri8e. Comme les règles arrivaient et qu’elle ne pouvait rien prendre,
je ne voulus rien essayer ce jour-là, ni donner de narcotique.
Lehuitième jour au matin survint dela diarrhée, et elle commenga
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à s’afTaiblir. Je dis d’essayer si elle pouvait prendre le bol suivant...
Mais comme on le lui présentait, elle refusa, parlant saintement et
pieusemenl de la béatitude des élus, prédisant sa mort; à 4 heures de
l’après-midi, sa voix s’arrèta insensiblement, les forces lui manqui-
rent peu à peu, et elle expira.
3° La possession démoniaque.
Plater considére la possession démoniaque (obsessio a daemone )
comme une varíété de manie, mais il faut avouer qu’il ne s’étend
pas volontiers sur le sujet et qu’il ne l’enrichit par aucune obeer-
vation.
Parmi les maniaques et Ies mélancoliques, dit-il, quelques-uos,
en parlant ou en agissant d’une fagon sumaturelìe, montrent net-
tement qu’ils sont obsédés par le démon : d’où le nom d ’obsédés et
de dfmoniaques.
Ce sont des gens qui conservent un mutisme prolongé ou qui res-
tent sans manger plus longtemps que la nature ne le supporte ordi-
nairement. Les contorsions auxquelles ils soumettent leur corps ne
pourraient se faire d’une fagon naturelle sans luxation. Ils prédisent
l’avenir et prophétisent; ils parlent des langues qu’ils n’ont pas
appríses et qu’ils ne comprenaient pas lorsqu’ils étaient sains d’es-
prit, comme si Ie démon s’exprímait par leur bouche. Mais Plater
ne veut pas dire toutes les histoires qu’il pourrait raconter à ieur
sujet.
Si l’auteur est bref sur la possession au chapitre des symptdmes,
il ne l’est pas moins au chapitre des causes : II proclame rapidement
que le démon, l’esprít malin, cet ennemi du genre humain, non seule-
ment trouble l’esprít en I’induisant au péché, mais aussi en provo-
quant par son industríe I’apparition de la manie ou de la mélancolie:
quod qua ralione fiai....dispulare aul inquirere nostri non est inslihdi.
Voilà qui s’appelle éluder la question. Evidemment Plater fait son
acte de foi, et Sprengel le constate avec une réprobation qui trans-
paralt entre les lignes, mais quelle mollesse dans cet acte de fm!
Hoc sattem certum est, iales olim quoque fuisse, etc... — II est bien
visible que l’auteur ne se passionne pas pour cette question, et je
sais bien pourquoi. Qu’il y aurait donc une jolie étude & faire sor
l’attitude des médecins de la Renaissance devant le problème de
Ia possession!
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4° La danse de Saint-Guy.
G’est une étonnante et rare matadie, dit Plater.où, en proie & une
fureur insensée dé sauter, on désire continuellement danser. Ge
mal s’appelle danse de Saint-Guy (Sattus Viti) parce qu’On croit
pouvoir le guérir en invoquant le saint de ce nom. Certains d’ail-
leurs le simulent pour extorquer des aumdnes en frappant Pesprit
des gens, mais il y a des individus des deux sexes qui en sont véri-
tablement atteints, et qui dansent sans trève ni repos, nuit et jour,
pendant des semaines. S’ils s’arrètent pour prendre de la nourri-
ture, ou s’ils sont surpris par le sommeil, ils ne cessent cepen-
dant pas complètement de remuer.
Plater s’inscrit en faux contre l’opinion de certains auteurs
arabes qui veulent qu’il s’agisse là d’une convulsion : ce n’est pas
une convulsion des membres, répond Plater; c’est l’esprit qui est
afiéné et poussé à cette folie et à cet appétit pervers.
Nous serons tout à fait d’accord avec l’auteur, car il est bien
évident que sa description ne correspond pas à notre chorée
moderne, mais au tarentisme. Son explication par le trouble men-
tal est donc parfaitement justifiée. On en jugera mieux par cet
exemple :
Dans mon enfance, une femme fut conduite par des gardes dans une
maison de Ia banlieue, où, par ordre du magistrat, des hommes ro-
bustes furent mis à sa disposition pour danser avec elle jour et nuit,
successivement, l’un se reposant quand l’autre serait fatigué. Cela
dura pr s d’un mois, presque sans intermission, quoiqu’elle eùt la
peau des pieds emport e. Et, bien qu’elle prtt parfois de la nourri-
ture el que à certa ns moments, envahie par le sommeil, elle fùt
obligée de s’arrèter, elle remuait tout lè temps pendant ces pauses.
Enfln, comp'ètement rompue, elle dut s’arrèter, et on la conduisit
à l’hòpital, où elle se reflt et entra peu à peu en convalescence.
G. DeUrìnm.
Le delirium comprend la phrenitis et la paraphrenitis. Les gens
atteints de delirium ont l’esprit aliéné tout entier, comme les mania-
ques; leur trouble mental se manifeste soit par les paroles, soit par
les actes. Quelquefois calmes, riant, jouant, et s’amusant à des
bagateiles, ils sont souvent furieux, crient, blasphèment et cher-
chent à nuire.
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Mais deux caractères qui leur sont propres Ies distinguent des
maniaques. Premier caractère : ils croient voir danser devant leun
yeux des mouches ou des duvets qu’ils cherchent à attraper et 4
ramasser (nous reconnaissons là la carphologie); de plus, leur ima-
gination troublée apergoit des spectres qu’ils s’efforcent de repous-
ser (voilà les hallucinations visuelles). — Deuxième caractère :
on voit survenir chez eux une maladie fébrile.
Les rapports de la fièvre et du délire dans le temps permettent
de distinguer entre la phrenilis et la paraphrenitis. Si la fièvre et le
délire apparaissent à peu près simultanément, c’est la phrenitit, et
cela se voit dans les traumatismes et dans les inflammations pri-
mitives du cerveau et de ses membranes.
Si Ie délire survient alors que la fièvre est déjà installée depuis
quelque temps,c’est la paraphrenitis. Donc,chez tous cesmalades,4
cdté du délire proprement dit qui est plus ou moins accentué, on
trouve d’autres symptfimes en rapport avec la fièvre : pouls rapide,
respiration fréquente et parfois suspirieuse, défaillances, soif et
sécheresse de la langue, insommie et vertiges.
Onsaisitbien quelles variétés d’affections entrent dans ce cadre
morbide: les délires en rapport avec une encéphalite ou avec une
méningite aigués, correspondant plus spécialement à la phrenitis;
les délires survenant au cours des affections fébriles répondant
mieux à la paraphrenitis.
Enfin la description doit aussi englober des cas dedelirium trement.
Voici une observation de phrenitis vraie chez une puerpérale:
Une jeune femme en état puerpéral, n’ayant pas été bien purgée
après son accouchement, tomba brusquement dans un délire grave,
sans qu’aucune autre maladie fùt survenue. Elle se mettait en colère
contre ceux qu’elle aimait bien, contre son mari et ses parents. Elle
parlait beaucoup des choses de la religion. Sa face et ses yeux rougis-
saient. 11 y avait une fièvre aiguè.
Appelé le 11 janvier 1593, je conseillai une saignée qui ne put étre
pratiquée à cause de l’agitation. J’ordonnai alors des scarifications
sur les bras et les épaules, ce qui fut fait avec grande difHculté.
Ensuite, contre l’insommie et l’agitation, je fis prendre du sirop de
pavot dilué, etc.
Le 12 janvier, j’ordonnai d’appliquer sur le vertex une poule cou-
pée en deux, palpitante et saignante...
Le 13 janvier, la malade revint à elle, reconnut les assistants, paria
raisonnablement et fut docile... Et bientòt elle entra en convalescence.
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LA P8YCHIATRIB DAN8 L’CEUVRE DB FÉLIX PLATER 433
Void maintenant un exemple assez fruste de paraphrenitis :
Un adolescent en proie à une maladie épidémique, dans la maison
de mon père, délirait ouvertement depuis quelques jours, sans quitter
son lit, jouait avec nous aux échecs, avec assez d’habileté, et, revenu
à lui, ne s’en souvenait plus.
VI. — LA MBNTIS DE7ATIGATIO
La mentis defatigalio est caractérisée par un fonctionnement exa-
géré des sens intemes, qui ne se reposent pas quand il conviendrait
de le faire : cela est réalisé dans les insommies ( vigilite ) et dans les
réoes ( insomnia) (1).
Les insomnies (oigilise) constituent un phénomène pathologique
quand le sujet reste privé de sommeil pendant plusieurs jours ou
plusieurs mois; ou encore s’il ne peut jamais arriver à dormir un
temps suffisant, — sept à huit heures de sommeil constituant le
terme normal.
Dans les révw (insomnia), les sens intemes continuent & agir
comme à l’état de veille alors que les sens exteraes paraissent se
reposer. Le réve, à l’état normal, agite légèrement l’esprit: mais 9
peut acquérir un caractère pathologique et frapper alors les sens
comme une réalité vivante, réveillant les sujets qu’il frappe de tei>
reur, ou rendant leur sommeil si inquiet qu’il s’agitent, suent, par-
lent, pleurent et vocifèrent.
Gertains individus se lèvent méme et, bien qu’endormis, vont
errer en divers endroits, se livrant parfois à des escalades qui leur
eeraient impossibles à l’état de veille.
Plater n’insiste pas beaucoup sur ces phénomènes de fatigue men-
tale. II n’en rapporte point d’exemples dans les Obseroaiions, et je ne
m’y arrèterai pas plus longuement.
vn. — CONCLUSION
Cet exposétoutnu de la partie psychiatrique de l’ceuvre de Félix
Plater est assez significatif pour rendre inutile tout commentaire.
Afin d’en faciliter la lecture, j’ai éliminé toutes les considérations
pathogéniques et tout l’appareil thérapeutique.
Ainsi dégagée de ce qui pouvait lui donneruneapparencevieillotte,
(1) Neutre pluriel de insomnium, songe. Prière de ne pas confondre I
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la psychiatrie de Plater nous apparalt dans tout son relief. Jusqu’4
Pinel, aucun progrès fondamental ne sera réalisé.
Avant Bonet et Morgagni, Félix Plater sait employer la méthode
anatomo-clinique: la belle observation de tumeur cérébralequi figuie
dans ce travail en fait suffisamment foi. Sur Ies malformations
craniennes des idiots, il a des notions aussi précises que Pinel.
Aussi n’hésite-tril pas & proclamer I’origine organique des ma-
ladies mentales et le róle du cerveau en tant qu’instrument de I’es-
prit: c’est à une imperfection de cet instrument, affirme-t-il, que
sont dus les troubles psychiques.
Ses observations cliniques, parfois trop succinctes, présentent
généralement une vie et une exactitude remarquables. Lepr lec-
ture est rendue attrayante par le pittoresque de quelques détails
et par Ia clarté de la forme. Certaines descriptions cliniques s’appli-
queraient encore trait pour trait aux malades d’aujourd’hui : nous
y avons reconnu les principales idées délirantes de nos mélaoco-
liques; I’odyssée des hypochondriaques de Plater ne diflère en rien
des tribulations de leurs successeurs modernes. L’angoisse est
admirablement mise en relief chez certains mélancoliques et chez
les obsédés. Si l’auteur n’a pas donné une théorie générale des
obsessions, souvenons-nous que pendant deux siècles et demi, per-
sonne ne fera mieux.
La description des crétins du Valais est restée justement célébre,
et l’on a vu que Plater connaissait bien avant Fodéré et Voisin ce
que ce demier devait appeler la génialité partielle des idiots. En
psychologue avisé, il saisissait avec fìnesse les rapports de la vanité
et de la débilité mentale.
Sans y retenir son attention, il avait observé la périodicité des
obsessions, et décrit d’une fagon lapidaire, mais sans la nommer, la
flexibilitus cerea des catatoniques, se rangeant bien avant Morelpar-
mi les prédécesseurs de Kahlbaum.
Je ferai remarquer ici que j’ai négligé beaucoup d’observations,
peu intéressantes au point de vue psychiatrique, mais que l’histoire
de la médecine ne saurait oublier : tels les cas d’asphyxie parl’acide
carbonique et par l’oxyde de carbone qui sont rapportés & propos
des états de stupeur.
Evidemment, Plater n’a pas assez tenu compte de l’évoiution dea
{Voir la suite après le bullelin bibliographique mensud.)
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LA PSYCHIATRIB DANS L’(EUVRB DE FÉLIX PLATBR
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maladies. II n'a pas constitué des entités cliniques stables, et a sim-
plement isolé des syndròmes. Mais est-ce là un défaut ? Avons-nous
le droit de nous croire beaucoup plus avancés, et, sauf en ce qui con-
cerne la paralysie générale, notre nosologie actuelle n’est-elle pas
presque aussi flottante ?
Au lieu de faire à Plater des reproches inopportuns, louons-le
plutdt de son essai de classifìcation psycbologique : malgré ses im-
perfections, c’est une tentative intéressante de groupement ra-
tionnel.
Mais je n’insiste pas. On a déjà compris quelle place exception-
nelle Plater mérite d’occuper dans l’histoire de la médecine mentale.
II doit cette place à la rigueur de sa méthode qu’il expose en quel-
que sorte, dans l’épltre dédicatoire des Obseroations, à Georges-
Frédéric, margrave de Bade.
Nous avons eu l’occasion, au cours de ce travail, d’entrevoir, à
travers l’ceuvre, la personnalité vivante de l’auteur.
Quelquefois méme cela nous a fait sourire : Plater s’attarde
volontiers aux cas heureux, et n’hésite pas à attríbuer lesguérísons
à sa thérapeutique, en quoi les aliénistes d’aujourd’hui se montrent
certainement plus modestes. II parle volontiers de ses relations
avec les grands, et, quand un de ses clients est titré, nous ne l’igno-
rons jamais.
Mais, s’il est généralement satisfait de soi, Plater en avait le droit,
que lui conféraient soixante-dix-huit ans d’àge et soixante-deux
années consacrées à la médecine, dont cinquante-six ans de pra-
tique et quarante-trois de professorat. Tels sont en effet les états
de service dont il setargue.
Ne nous plaignons pas, si Plater nous Iaisse volontiers entrevoir sa
personnalité,car le méme besoin d’expansion le pousse à nous livrer
sa méthode, qui constitue le meilleur de son ceuvre. Dans l’épttre
dédicatoire, il en énonce le principe fondamental : oeritaH potius
quam authoritati locum dandum. L’érudition est en effet absente de
868 livres, où il n’a mis que le meilleur de soi-mème : quae ego ipse
oidi, animadoerli, tractaoi.
S’il n’a pas toujours su tout voir, ni bien voir, il a du moins es-
sayé de voir, et c’est en cela déjà qu’il prend place parmi les pion-
aiets de la Renaissance.
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Mais il a fait mieux. II a compris que,s’ilétaitnécessaire d’obser-
ver la nature, ce n’était pas sufiìsant, et que les observations, pour
ne pas rester stériles, devaient servir de base à un travail desynthèse.
C’est pourquoi j’aurais trouvé injuste de laisser dans l’ombre la
Praxis.
C’est précisément dans la comparaison des deux ouvrages qu’on
saisit la fécondité de la méthode.
Plater l’avait bien compris, quand il se décida, sur les instances
de ses amis,à publier les Obseroationa douze ans après la Prazis,
livrant ainsi loyalement au public les matériaux sur lesquels il
avait édiíìé son traité didactique: J’ai voulu soumettre au juge-
ment du public, dit-il, les observations particulières des maladies
dont j’avis donné une description générale dans ma Praxis, et
montrer ainsi comment ces affections se présentèrent chez des indi-
vidus déterminés, et comment je les observai,et comment je Ies trai-
tai: * ac Obseroationes, in affectibus homini incommodantibus, quo-
rum affeciuum prius generaiim in Praxi mea complexus fueram,
nunc eiiam parliculaiim, in ceriis hominibus quo pacto haec eoeneruni,
aique a me obseroala, iractalaque fuerunt, historice descripia, publici
furis facere oolui. »
C’était donner au monde savant une excellente le$on de méthode
Particulatim, generatim, tout est là : Plater nous a montré comment
il s’était élevé du particulier au général, c’est-à-dire comment il
avait su appliquer à la médecine la méthode inductive, que le moine
Roger Bacon, reprenant la grande tradition antique, avait tirée
des ténèbres à la fin du moyen fige. Or, Plater a su manier l’induc-
tion en digne contemporain de Galilée et de Frangois Bacon (1).
Nous ne l’avons suivi que dans le domaine restreint de la psy-
chiatrie, mais cela nous a suffi à discemer le caractère vraiment
scientifíque de son ceuvre, dans le sens leplus élevé du mot: Nous
avons vu que l’auteur du premier recueil d’observations, tout en res-
pectant les faits, a su s’élever au-dessus d’eux, comprenant, avec
le Stagyrite, que la science n’a pas pour objet le particulier, mais le
général, et que si les observations, dans la médecine, sont un moyen,
elles ne constituent pas une fín, comme certains trouvent commode
de le concevoir aujourd’hui.
(1) II était lui-méme un peu leur atné.
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NOUVELLES
daqnitau Gongréa intornational ponr l’asaiatance dea
aliénéa. —Ainsi que nous l’avona annoncé déjà, lecinquième Congrès
international pour l’Assistance dee aliénés se tiendra à Moscou du
8 au 11 janvier 1914.
Le ministére des voies et communications a bien voulu faire aux
congressistes la concession suivante : de n’importe quelle gare fron-
tière & Moscou et retour, voyage en première classe avec un billet de
deuxième, et voyage en deuxième classe avec un billet de troisième.
Par conséquent, il sera utile de se munir d’une carte de membre du
Congrès avant le dèpart pour Moscou.
Le Comité international permanent, dans sa réunion à Rome sous
la présidence du professeur Tamburini, sans porter préjudice aux
rapports sur des questions au gré du_rapporteur, a.établi comme suit
le programme officiel du Congrès :
1° Les doctrines de la démence précoce et_de la dégénérescence.
Rapporteurs : D r » Bagenoff et A. Marie;
2° Les services ouverts pour les délirants hors l’asile. Rapporteurs :
D r » Carswell et Van Deventer ;
3° Les méthodes tbérapeutiques nouvelles contre la paralysie
générale. Rapporteurs : D r * Wagner von Jauregg, Pilez et Donath.
4° Les dégénérescences alcooliques. Rapporteur: D r Roubinovitch.
5° Les influences cosmiques dans l’étiologie decertains phénomènes
mentaux. Rapporteur : D r Marie.
6° Traitement chirurgical de certaines affections mentales. Rap-
porteurs : D r * Delbet, Perriol, Poussep.
Les noms des rapporteurs ne sont indiquès que provisoirement.
Le trésorier du Comité d’organisation du Congrès est le D r Bou-
néièff : Moscou, AsUe Préobrajensky.
Toute correspondance au sujet des rapports et communications au
Congrès doit ètre adressée au secrétariat: D r Cettline, Krassnoselskala,
3, Moscou.
Une exposition psychiatrique sera annexée au Congrès.
Le prix de la cotisation est fixé à 25 francs.
Une nouvelle modification au décret du 2 févrler 1910. —
L’article 14 du décret du 2 février 1910 est complété par la disposition
additionnelle suivante :
< Les directeurs médecins, médecins en chef, médecins adjoints
ainsi que les directeurs administratifs des asiies départementaux
d’aliénés ne regoivent effectivement le traitement afférent à leur classe
que dans la limite des crédits votés à cet effet par Ie conseil général. »
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REVUE DES PÉRIODIQUES
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BELGIQUE
Bullelin de la Sociélé de Médecinc menlale de Belgique , avrfl 1913.
La réaction de Wassermann et l’aliónation mentale, per Hsa-
man et d’Hollander. — Sur le total des admissions des années 1911 -
1912 à l’Asile de Mons, le Wassermann fut positif 36 fois sur 136 ,
soit dans 26,47 p. c. des cas.
Pour la paralysie générale spécialement, sur 62 cas relevés dam
l’espace de deux ans, 56 furent positifs, soit 90,32 p. c.
Au point de vue de Tétiologie et du diagnostic des psychoses en
général et de la paralysie générale,en particulier,le W — n’a aucune
signification.
Au point de vue de la paralysie générale, le W + non seulemeni
confirme le diagnostic dans l’immense majorité des cas cliniquement
établis, mais encore il lui donne une orientation précieuse dans les
cas méconnus ou insoupQonnés.
Seule l’observation clinique est à mème d’assurer le diagnostic difíé-
rentiel entre la démence paralytique, la syphilis cérébrale tertiaire et
ladémence syphilitique.
L’épreuve des quatre réactions est indiquée dans les cas où il s’agit
de séparer la diathèse syphilitique révélée par le W d’avec une psy-
chose qui en est ou non la conséquence.
L’abseńce de réactions dans le liquide céphalo-rachidien en présencc
du W + dans le sang ne permet pas d’exclure d’une fagon absoluc
la syphilis comme agent sclérosant des artères cérébrales.
L’épreuve des quatre réactions combinée à l’observation clinique
et à l’histo-pathologie de l’écorce cérébrale est appelée à jeter une vivc
lumière sur des états psycho-pathologiques encore mal définis : para-
lysies générales anormales, syphilis cérébrales et surtout les démences
de l’áge avancé.
Bullelin de la Sociélé de Médecine menlale de Belgique, juin 1913.
Les aliónés voleurs, par Ch. Cuyĺits. — D’une étude très docu-
mentée, l’auteur tire les conclusions suivantes : « Le vol est dù à des
causes très diverses. Tout d’abord ce sont des troubles de la personna-
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Origiaal from
UMIVERSITY OF MICHIGAN
RBVUB DB8 P&RIODIQUES
439
liié:la vanité,régol8me,régotisme,les troubles du caractère en géné-
ral,que le malade ne différencie pas,dont il ne se rend pas compte.
II existe des hyperactivités motrices ou sensorielles, entre autres :
besoin de mouvement, appétit sexuel, faim, besoin de voir, de boire,
de jouir, qui sont la cause plus ou moins éloignée.
Parfois il y a une idée fixe ou impulsion au vol, et surtout un ins-
tinctdu vol,par déséquilibration, par délire,ou mèmedans ladémence.
Le kleptomane vrai est rare. Nous n*en avons pas rencontré de
type absolument classique.
n y a ordinairement instinct du vol.
L’impulsion n’existe que pour autant que le malade cède rapide-
ment et ne résiste pas à son penchant au vol. Le vol le sert, tandis
que le kleptomane vrai est desservi par son délit. Mème lorsqu’il
semble,àpremière vue,que le malade cède, malgré lui, à son impulsion
et qu’il se rend compte de son état de malaise ou de maladie réelle, de
troubles de sa personnalité, on rencontre cependant encore des diffé-
rences notables avec le kleptomane.
Nos voleurs ne sont pas des kleptomanes. Ce sont des instinctifs
dont la personnalité ne se dédouble jamais,maisagit toujours dans un
sens dont elle a, en général parfaitement conscience, qui n’est pas en
contradiction avec elle-mème. L'idée du vol détermine le plus souvent
le délit.
La débilité est générale à un degré plus ou moins prononcé. II y a
absence de notions abstraites suffisamment actives, capables d’atti-
rer Tattention du malade et de le faire réfléchir.
II existe de la labilité du caractère et un manque évident de sensi-
bilité morale. Entre l'idée de l'acte et l'acte lui-mème, il n’y a place
que pour une indifférence morale profonde qui est évidemment inca-
pable de retenir le malade.
II y a, en somme, désharmonie cérébrale manifeste.
J. Crinon.
AMÉRIQUE
The Journal of nervous and Menlal Disease , Février 1912, n° 1.
Nota prélimlnaire sur un nouveau complexus eymptomati-
que dù & une léaion du cervelet et du système córóbello-rubro-
thalamique, par Charles H. Mills.
Observation d’un homme de 34 ans qui entre à l’hèpital général
de Philadelphie en novembre 1907, se plaignantde vertiges soudains
accompagnés de nausées et vomissements. Chaque vertige le confi-
nait au lit pendant environ une semaine. Pendant ce temps il était
maladroit dans l’usage de sa main gauche, ne pouvait rire du còtd
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RBVUB DB PSYCHIATRIB
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droit, quoique i’expression de rémotion fùt la mèmedesdeux còtés
avant l’attaque; il se plaignait d’engourdissement et de diminution
de ses sensations dans toute la moitié droite de son corps (face, tronc,
extrémité supérieure et inférieure). II était sourd du còté droit.
Un examen soigneux pratiqué en 1911 montra les phénomènes
suivants: aumembre supérieur droit, ataxie très marquée; la main
(mouvement du doigt au nez) approchant de la face, les mouvements
devenaient saccadés et il était impossible au malade de toucher son
nez.
L’ataxie était aussi marquée au membre inférieur. La force muscu-
laire était conservée. La sensibilité dans toutes ses formes était entiè-
rement conservée dans la moitié gauche du corps, mais était perdue
pour la douleur, l’extréme chaleur et l’extrème froid dans la moitié
droite du corps (face, tronc, extrémités). La sensiblité tactile était
également diminuée. La sensibilité profonde était normale des deux
cdtés. Pas d’asteréognosie. Surdité complèteà droite. Les mouvements
volontaires de la face étaient complètement conservés. Dans le rire, la
face du malade restait immobile du còté droit. L’affection dura
quatre ans.
A l’autopsie on remarquait à l’oeil nu la petitesse des branches de
l’artère cérébelleuse supérieure gauche et une dépression au-dessus
du noyau dentelé gauche. Les coupes montrèrent une lésion destruc-
tive englobant le noyau dentelé gauche, le cervelet au-dessus de ce
noyau, et le pédoncule cérébelleux supérieur. Une dégénèration du
noyau rouge droit était aussi évidente.
Juin 1912.
Quatre cas d’onirisme émotiozmel, par W. J. Sweasey Powers.
— De l’étude de quatre observations personnelles, l’auteur considère
comme insoutenable la théorie souvent énoncée qui prétend que les
états oniriques émotionnels sont toujours et nécessairement d’ori-
gine épileptique ou hystérique pure ou associée à des excès alcooliques.
11 prétend au contraire que ces états, quoique rarement à la vérité,
peuvent se développer indépendamment de ces facteurs (exemples
les cas observés par Sturling à la suite de la catastrophe de Messine).
Ce sont des cas d’onirisme d’origine purement émotionnelle, survenani
notamment à la suite d’un choc inattendu. L’auteur explique ces
faits par des troubles vaso-moteurs.
René Bessière.
Le Gèrant : O. DOIN.
PARIS. — IMPRIMBRIB LEVÉ, 71, RUB DB RB1TICX8.
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UNIVERSSTY OF MICHIGAN
LES RÉFORMES
DANS LES ASILES DE LA SEINE
VINGT ANNÉES DTNITIATIVES PERSONNELLES
Par M. E. Toulouse.
Je me propose d'examiner certaines réformes à introduire dans
les Asiles de la Seine.
II convient de tenir compte des lourdes charges créées par I’as-
sistance des aliénés dans le département, maia aussi de l’étatactuel
des services qui, malgré les coQteuses améliorations qu’on y a géné-
ralement faites, sont loin de répondre aux exigences de la psychia-
trie modeme. Les dépenses des asiles paraissent plus lourdes que
celles des hòpitaux par suite d’un préjugé très puissant, celui de l’in-
curabilité de la folie. Ce préjugé crée un état d’esprit favorable à la
compression des dépenses et propre à gèner I’activité médicale
dans ses initiatives les plus utiles.
Le problème est plus complexe.
Je serai amené à rappeler — et je m’en excuse —Ia part que j’ai
prise à la plupart des réformes actuelles, que je n’ai pu proposer et
réalùer que grSce à une certaine liberté dans mon activité mé-
dicale.
L’exemple du passé ne sera pas, d’autre part, inutile pour me don-
ner quelque confiance dans la réalisation des réformes nouvelles
que je préconiserai si elles doivent, comme les autres, rencontrer
d’abord de l’opposition.
Les dépenses et l’état des services.
Le budget des aliénés est, dans la Seine, une lourde charge. La
dépense du service a été, pour l’année 1911, de 13.386.328 francs.
Elle était, pour l’année 1901, de 9.221.100 francs, soit en dix ans
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RBVUE DE P8YCH1ATR1B
une augmentation de 4.165.228 francs, Boit de 45 0/0 environ. Pen-
dant la méme période de temps, la population existante en fin d’an-
néene passait que de 13.657 à 15.543, soit seulement une augmen-
tation de 1.886, c’est-à-dire de 13 0/0 environ.
La cause de cette augmentation de dépenses doit étre recherchée
pour une grosse part dans les dépenses du personnel. Le Conseil
Général a renforcé le service de surveillance et notamment le service
de veille,tout en améliorant la situation de chaque agent. Encore
les logements du personnel secondaire sont-ils généralement au-
dessous du minimum que l’on réclame pour les maisons ouvriéres.
Et leur journée de travail de 12 heures, si peu fatigante soit-elle
dans certains quartiers, dépasse la durée raisonnable de présence
dans un milieu pénible,
Ces dépenses sont un fait général.Elles résultent de l’amélioration
des conditions de la vie et du travail, partout réalisée alors que l’exis-
tence devenait plus chère. Mais les dépenses, ayant plus directe-
ment pour objet l’amélioration des conditions matérielles ou théra-
peutiques des malades, n’ont pas subi d’accroissement sensible.
L’encombrement est toujours excessif, plagant les malades aigus
dans les plus mauvaises conditions de traitement. L’entassement
dans une salle de 100 malades agités, qui s’excitent mutuellement
etseblessent—commecelas’observenotamment dans les quartiers
defemmes deVillejuif—est une pratique barbare, dont nos descen-
dants rougiront et qui sera reconnue un jour comme un des fae-
teurs importants de la chronicité des psychoses. Si bien qu’id
la réduction des dépenses aboutit en définitive ò un accroissement
de charges.
Le mélange des cas récents, qui guérissent surtout dans la pre*
mière année (950/0 des guérisons),et des chroniques aboutit aux
mémes résultats, de manière qu’on dépense peut-étre trop pour lei
uns et sùrement pas assez pour les autres.
Les locaux,trop vastes et insuffisamment différenciés,ne répon-
dent plus aux désidérata les mieux justifiés.
L’hygiène générale n’est pas défectueuse seulement à cause de ee
surpeuplement, qui aboutit à faire dormir dans un dortoir le double
des malades qui furent prévus. Dans plusieurs asiles, ies dortoin
sont éclairés au gaz et l’électricité, si nécessaire pour certainf
examenB et certains appareils de traitement, n’est pas encore in*-
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LBS RÉF0RME8 DAMS LBS ASILB8 DB LA SBINB
443
tallée. En certains endroits, le chauffage se fait encore avec le calo-
rifère à air chaud.
Dans divers établissements, les préaux sont étroits, la vue est
bomée; et il n’y a pas de parc pour promener les malades. Partout
les distractions, qui sont une des conditions essentielles du traite-
ment, surtout au moment où l’amélioration se manifeste, sont à peu
près nulles. Une ou deux fètes annuelles ne peuvent remplacer les
distractions thérapeutiques, qui devraient étre quotidiennes pour
certaines catégories de malades.
L’outillage thérapeutique est encore embryonnaire. Les agents
physiques, si utiles dans le traitement de la folie, — hydrothérapie,
insolation, lumière artificielle, électricité sous ses diverses formes,
radiothérapie—ne peuvent pour la plupart étre employés dansdes
conditions convenables.
11 n’y a pas de laboratoire central avec un personnel compétent
qui puisse faire les examens biologiques nécessaires pour suivre l’é-
volution d’une maladie et les effets d’un traitement.
Nous sommes donc loin dans les asiles d’étre arrivés à un point
d’organisation où l’on puisse ne plus considérer que des réduc-
tions de dépenses. 11 faut le dire bien nettement pour éclairer le
Conseil Général, toujours favorable aux initiatives généreuses et de
progrès. Sur l’initiative de ses rapporteurs et notamment de
M. Navarre, si dévoué à l’oeuvre psychiatrique, il a dépensé beau-
coup pour les aliénés. Mais il lui reste encore d’importantes amé-
liorations à réaliser. II peut ne pas les entreprendre si d’autres
charges paraissent plus urgentes. Mais le Conseil Général doit
savoir — et c’e3t notre devoir de le lui dire nettement — que nos
établissements ne sont pas oiganisés comme des asiles dépendant
du département de la Seine peuvent et doivent l’ètre. II serait
dangereux de laisser s’accrèditer cette idée qu’on peut—impuné-
ment pour l’intérèt des malades — réaliser de grandes économiea
dans lebudget des aliénés.Onpeut certes les réaliser, si Ia nécessité
est impérieuse; mais, comme défenseurs des malades qui leur sont
confiés, les médecins ne sauraient déclarer qu’elles sont sans
inconvénients.
Certes, les améliorations sont coùteuses; et le progrès, qui se mani-
feste partout, a partout les mèmes répercussions économiques.
Seulement les dépenses pour les aliénés paraissent toujours les plus
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RBVUB DB PBYCHIATRIE
lourdes à supporter, bien qu’elles ne semblent pas proportionnelle-
ment plus grandes dans les asiles que dans les hópitaux. C’est que
ces dépenses paraissent moins justifiées. Et c’est l’appréhension qu*
perce dans les rapports de MM. Dausset et Rousselle, pourtant si
zélés pourtoutes les oeuvres d’assistance.
Dans la pensée de ces distingués rapporteurs, on sent toujours
le doute et cette question posée dans la conscience de tous : si
cependant tous les sacrifices étaient inutiles ? Et c’est ce préjugé
qu’il faut d’abord combattre.
Le préjugé de rincurablllté de la folle.
Or la folie guérit. II est sorti des Asiles de la Seine, durant l’année
1911,2.043 malades améliorés ou guéris,soit,par rapport au nombre
de malades traités qui est de 14.646, la proportion de 13 0 /0. Je
compte, il est vrai, les améliorés avec les guéris. Mais beaucoup de
mes collègues hésitent à reconnaitre officiellement comme guéris
des malades qu’ils libèrent et qui échappent è leur observation.
2.000 malades, généralement adultes, beaucoup en pleine valeur
sociale, ont donc été rendus au travail, à leurs familles.
Les dépenses pour les seuls asiles de la Seine ressortissent è
9.800.000 francs en chiffres ronds, ce qui fait 5.000 francs par ma-
lade remis en liberté, 10.000 francs si I’on ne veut compter queles
guérisons, qui entrent environ pour la moitié du nombre total. Or
Ia valeur économique d’un individu est beaucoup plus considérable.
Pour un homme, elle n’est pas à Paris beaucoup moindre de 5 francs
par jour, ce qui représente un capital de plus de 50.000 francs.
Réduisez ce capital, pour tenir compte des rechutes, qui ne figurent
pourtant que pour le 1 /10 des admissions, et aussi du travail de la
femme — encore que cette dernière, par les soins du ménage et l’éle-
vage des enfants, représente une valeur économique équivalente, —
ilvous restera un bénèfice qui soldera avantageusement l’opération.
Mais tenons-nous seulement à cette considération plus étroite,à
savoir qu’un aliéné en sortant décharge le département de son
entretien qui, au prix de revient de 3 fr. 12, représente plus de
1.100 francs par an —et celapendant cinq, dix, vingt années qu’il
pourrait encore rester à 1’AsiIe. Or toutes les mesures qui peuvent
élever le nombre dcs sorties, que le malade récupère plus ou moins
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UNivERsrry of michigan
LBS RéFORMBS DAN3 LBS ASILES DE LA SEINE
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complètement une activitó normale, sont des opérations & bénéfices;
et il est clair que toutes les améliorations.si méme elles n’aboutis-
saient pas à un plus grand nombre de guérisons — ce qui est évidem-
ment faux — auraient au moins pour résultat de rendre les sorties
plus faciles et par conséquent allégeraient d’autant les charges du
service des aliénés. Une amélioration qui sechiffrepar 10.000 francs
est donc couverte pour la dépense si elle permet la sortie —par gué-
rison ou non — de 10 malades seulement pour un an ou d'un seul ma-
lade susceptible de rester encore dix ans à l’asile et n’y revenant
pas pendant cette période.
II faut donc toujours penser à cela et ne pas raisonner comme si les
aliénés entrant dans les asiles n’en sortaientplus, comme de l’Enfer
du Dante.idéefausse qui inspire inconsciemment toutes les opinions
pessimistes à ce sujet.
A la vérité, il estdifficile de prouver l’influence des améliorations
sur le nombre des sorties. Gar I’effet de certaines mesures n’est pas
immédiat; et, d’autre part, la proportion des sorties varie avec la
nature des malades hospitalisés. Or les asiles sont envahis depuis
quelques années par un nombre croissant d’infirmes et de séniles
qui ne sont pas susceptibles de sortir.
Mais revenon8 à la question de guérison et demandons-nous si
les hòpitaux, pour lesquels on ne marchande pas les ressources, sont
beaucoup mieux favorisés. Si I’on compare les malades aigus
dans les deux sortes d’établissements, on voit que les uns et les autres
donnent un nombre plus ou moins élevé de guérisons. Un maniaquc
guérit souvent — en y mettant à Ia vérité plus de temps —
comme un typhique.
11 faut comparer les chroniques. Or les asiles hospitalisent un
bloc énorme de chroniques, déments organiques et idiots, peu
susceptibles d’amendement, et aussi beaucoup d’invalides, inca-
pables de s’adapter au travail modeme, qui tombent dans les asiles
parce qu’il n’y a pas d’autres lieux d’assistance pour eux.
Et si l’on rapproche des maladies chroniques du cerveau les
autres maladies chroniques, le résultat apparatt navrant dans les
deux cas. Guérit-on par exemple plus d’ataxies, de ramollissements
cérébraux, de scléroses de la moelle? Guérit-on plus de maladies
touchant les autres organes, le cceur, le foie, Ie rein, qui forment
la majorité des cas hospitalisés? Guérit-on plus de tuberculeux
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REVUB DB PSYCHIATRIE
confirméa, de ceux qui aboutiasent & l’hópital? Et plue de cancè*
reux ? Hélaa!
Or I’assistance dane les hOpitaux coòte, non pas 12, mais mii-
lions, dont la moitié sert & cette masse d’invalides de tous genres,
qui, tralnant des maux impitoyables, forment le fond de la clicn-
tèle bospitalière. Les hospices d’incurables et de vieillards dépeo-
sent autant que les aUénés, 12 milUons. Par jour, un malade coúte
en moyenne 5 francs dans un hdpital, im vieiUard 2 fr. 50 dans un
hospice, et un aUéné 3 francs et seulement 1 fr. 50 dans les asiles
des départements où Paris envoie ses chroniques. Et les pouvoirs
pubUcs sont préts à augmenter sans compter les sacrifices pour
lutter contre la tuberculose, le cancer et toutes les infections. Et
personne ne regrette l’argent qui va & la Salpétrière, tandis que les
subsides octroyés à Sainte-Anne paraissent presque un détourne-
ment au détriment des malades hospitaUers, les seuls dignes de
sacrifices éclairés.
Pourquoi donc compte-tron davantage avec les aliénés, puisque
Iessuspectsd’incurabilitéparmieux ne coOtent pas plus que les ao-
tres ? C’est que la folie, en rendant 1’aUéné étranger à son miUeu,
lui enlève de la sympathie. Puis socialement il n’existe plus, tandis
qu’un vieillard garde toujours son influence et ses relations avec
I’exercice de ses droits civils et poUtiques.
Mais 8Ì les maladies physiques ne présentent pas beaucoup plus
de guérisons, on seconde tout de mème davantage Ies recherches
médicales dans ce sens, parce qu’on croit qu’elles ont beaucoup
plus de chances d’aboutir à améliorer la thérapeutique. La foUe
apparatt, — quand elle se manifeste dans les formes chroniques, —
comme ayant des conditions anatomiques immodifiables et—dans
les formes aigués — comme soumise à des causes tellement obs-
cures qu’elle échappe à toute analyse médicale. Dans les deux cas,
la folie est matière d’assistance, non de médecin.
Rien de plus faux. D’abord les désordres anatomiques des psy-
choses simples.aigués ou chroniques, ne sont pas profonds générale-
ment. Et une preuve indirecte, c’est que l’on observe des guérisons
spontanées et rapides dans les états les plus anciens, chose qu’on ne
remarque pas dans les autres états chroniques, ni au cours d’un
vieux tabès, ni au cours d’une sclérose rénale ou d’une maladie
organique de cceur. G’est donc que la folie, qui ne touche irré-
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LBS RÉFORMBS DANS LBS ASILES DE LA SEINE
447
médiablement aucune fonction végétative importante (puisque des
aliénéa peuvent vivre cinquante ans et plus avec leur mal, chose
qu’on n’observe guère avec d’autres maladies viscérales) ne paratt
pas mème atteindre profondément le cerveau, dont la restauration
est si aisée.
D’aiileurs il n’y a pas de raisons biologiques décisives qui puissent
faire penser qu’il soit impossible d’arrèter ou mème de faire rétro-
grader une lésion anatomique. Nous ne voyons guère ce phénomène
se produire et nous ne savons pas pourquoi; mais c’est tout ce qu’on
peut dire. Pour l’avenir, l’espérance qui peut autoriser des efforts
du cóté des maladies ducceur par exemple, est aussi valable ducdté
des affections mentales(l).Elle est seulement plus valable, puisque
les désordres sont naturellement plus reversibles.
Et dans les états aigus ces désordres sont purement fonctionnels,
ainsi que le prouve le retour brusque à la raison, en quelques jours,
en une nuit. Quelle pneumonie — le type de la maladie aigué cura-
ble — laisse à sa suite une géne moins grande pour l’activité de l’in-
dividu ? Si donc une maladie paralt naturellement curable, et beau-
coup plus que les autres maladies, c’est bien la folie.
Les procédés de la guérison comme les conditions de la cause
sont-ils si obscurs et échappent-ils si complètement à l’analyse et
à l’action médicale? Rien de plus inexact. L’observation des aigus
et surtout des convalescents,qui peuvent exprimer les impressions
passées de leur mal, montre que le procédé est simple. Toutes les
recherches que j’ai entreprises avec mes élèves, et notamment avec
Mignard (2), montrent que la folie aigué, à type de confusion,
lapluscommune,estune maladie de fatigue, de misère physiologique
et souvent de misère sociale.C’est un épuisement comparable à ce
que chacun peut observer sur soi-méme dans les moments de grand
surmenage. Unefonction supérieure,qui utilise les procédés depensée
et que nous avons ap'peUel’auto-conduction, est affaiblie; etlapensée,
n’étant plus dirigée, devient automatique. Les malades nous di-
sent, — au début de leur mal et aussi lorsqu’ils commencentà en
sortir,—qu’ilsnesont plus maltresde leurs idées, qu’elles vont sans
(1) La paralysie générale méme n’apparalt plus comme incurable.
(2) Toulouse et Damaye. La démence vésanique est-eile une démence?
Revue de Psgehiatrle, 1905. — Toulouse et Mionard. Revtie de Ptgchicdrie,
1908, 1909, 1911 et 1912.
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RBWB DB PBYCHIATRIB
cesse, troublant leur sommeil, les poussant & des actes, & des rai-
sonnements qu’ils jugent absurdes. Le pouvoir d’arrèt, de coerci-
tion, de direction est affaibli. Et, d’abord à ce moment-là, Paliéné
fait des efforts continus pour ne pas sombrer dans l’automatisme
et l’inconscience continus.
Mais par le repos, par des moyens physiques qui accroissent la
vitalité physiologique, la restauration peut se faire et Ia guéríson
survenir.
Dans ce sens j’avais déjà suspendu des accès de confusion au
début par le bromure donné avec le régime sans sel, ce qui arrètait
le travail à vide du cerveau et amenait un repos relatif.
Mais je crois avoir fait faire à ce problème un progrès vers la
solution en appliquant, avec mon inteme Puillet, les injections
sous-cutanées d’oxygène—introduitesparRamond dans lathérapeu-
tique générale — aux divers états psychopathiques et notamment
aux états aigus. La guérison rapide dans certains cas, l’amélio-
ration dans Ia plupart, montrent que l’on peut intervenir dans les
états psychopathiques aigus,provoqués le plus souvent par l’épui-
sement et les intoxications.
II n’y a que six mois que ces recherches ont commencé, et trois
seulement que nous avons publié les premiers résultats et par-
tout des médecins appliquent ce traitement, de manière que nous
saurons bientót ce que l’on en peut attendre pour la thérapeutique
courante dans les asiles (1).
. Mais il n’y a pas que ce moyen qui soit à notre disposition. J’ai
toujours pensé que le repos complet, provoqué par des agents non
toxiques, im sommeil naturel se prolongeant pendant plusieurs
jours, était le moyen de faire récupérer au cerveau sa fonction de
direction.
J’ai étè heureux de faire partager mes idées au Professeur Charles
Richet. C’est avec lui que j’ai,ily a quinze ans, créé le traitement
de l’épilepsie par la bromuration combinée avec l’hypochloruration,
qui est aujourd’hui universellement employée, notamment dans
des asiles spéciaux, allemands, italiens, suisses et amérícains.
Cette méthode a étè reconnue, par la plupart de ceux qui I’expé-
(1) Toulousk et Puillbt. Soc. méd. des hOpiUux, 24 fuillet 1913. — Rtmu
ét Piyckiatrte, septembre 1913.
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LBS RÉFORMES DANS LES ASILES DE LA SEINE
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rimenient habituellement, comme le progrès thérapeutique le
plus considérable obtenu pendant ces cinquante demières années
dans le traitement de l’épilepsie. Ce sont nos recherches qui ont été
le point de départ de la déchloruration, appliquée par Achard et
Widal mais pour d’autres raisons, aux maladies des reins et du cceur.
Pour réaliser mon projet de faire dormir sans danger pendant
plusieurs jours des malades confuses, Charles Richet a proposé
de faire respirer dans une chambre hermétique de l’acide carbo-
nique, qui ne paralt pas ou que très peu toxique.
L’installation à Villejuif de cette chambre hermétique a ren-
contré des difficultés qui ont paru à certains moments insurmon-
tables et ne sontpas encore toutes résolues (1).
En résumé, si une maladie parait présenter des conditions trcs
favorables pour subir une intervention médicale heureuse, c’est
bien la folie.
Ainsi il serait injuste à l’égard de nos malades et faux pour la
vérité scientifique de considérer le traitement des aliénés comme une
sorte d’utopie coùteuse dont il n’est pas sage d’encourager le déve-
loppement.
La liberté médlcale et mes inittatives.
Mais ce ne serait pas tout de perdre le préjugé de I’incurabilité
de la folie et d’accepter les dépenses nócessaires,si l’on nereconnais-
sait pas qu’il est utile de laisser aux médecins une certaine liberté,
indispensable pour l’emploi des ressources. Je rappelais mes
recherches sur l’épilepsie et aussi celles plus récentes sur l’oxy-
gène. Si un règlement trop strict m’avait empèché de tenter
ces expériences qui exigaient des dépenses en oxygène et aussi
un changement dans les règlements concernant le régime alimen-
taire commun, je n’aurais pu les mener à bonne fin. Et plusieurs
de mes collègues pourraient citer des cas personnels tout aussi
probants. Magnan — pour considérer un exemple non contesté —
n’aurait pu introduire l’alitement continu ni obtenir la suppression
des camisoles qui nécessitaient l’augmentation du personnel.
Je ne puis donc que demander la continuation du régime libéral
(1) C’est pour moi l’occasion de remercier l’Administration et M. Loiseau,
architecte, pour la facilité et le concours qui nous ont été apportés dans cette
clrconstance.
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450
RBVUB DB FSYCH1A.TRIB
qui m’a permis des initiatives et des réformes, aujourd’hui accep*
tées ou reproduites, tant au point de vue des recherches scienti-
fiques que de l’aménagement matériel et de l’organisation du
service.
C’est ainsi que j’ai pu, gràce à la générosité du Conseil Général
et à la bienveillance de l’Administration, jcréer un laboratoire de
psychologie, rattaché à l’Ecole des Hautes-Etudes. Ce laboratoire
est le plus richement outillé de France, et il a été récemment doté
d’une subvention de 18.000 francs sur le produit des jeux. Ilest
fréquenté chaque année par un nombre élevé de médecins fran^ais
et étrangers. Avec leregretté VaschideetM.Piéron, nous avons po
créer un grand nombre d’appareils et de méthodes de mesure pour
l’examen psychologique, et notamment pour les sensations, sur
des données rigoureuses. L’exposition de cette méthode a fait l’ob-
jet d’une Technique de Psychologie expérimenlale, la première
publiée en langue fran§aise, qui a paru dans la Bibiiothèque de
l’Encyclopédie Scientifique que j’ai fondée.
En dehors de mes nombreuses recherches sur le régime sans sel
avec Richet dans l’épilepsie et dans l’agitation et celles récentes
avecPuillet sur l’oxygénation, j’ai introduit le sucre dansl’alimen-
tation thérapeutique des aliénés. J’ai montré que I’on pouvait
donner pendant un temps prolongé impunément 100, 200 et
300 grammes de sucre chez la plupart des malades et que, notam-
ment chez des mélancoliques qui refusent les aliments ou chez dea
agités qui se dépensent en gesticulations incessantes, on obtenait
un engraissement rapide avec épargne de l’excrétion azotée. Enfin,
les idées sur la nature et le mécanisme des maladies mentales
que j’ai émises avec Mignard, — et qui tendent à ètre acceptées,
notamment en ce qui concerne le caractère confusionnel des dé-
mences dites précoces, — doivent apporter des modiQcations im-
portantes dans la thérapeutique physique et mentale de Ia folie.
Dans la pratique médicale, je citerai quelques initiatives. J’ai
inauguré des méthodes d’examen et d’observation plus précises.
Tout hospitalisé nouveau est examiné comme un malade ordinaire
et maintenu alité pendant quelques jours. J’ai étudié méthodique-
ment, avec Marchand, les effets de l’alitement et montré la né-
cessité pour éviter les syncopes de faire lever les malades quelques
heures chaque jour, pratique qui a été adoptée ailleurs.
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LES RÉFORMBS DANS LBS ASILBS DB LA SEINE
451
J’ai pu aussi établir une organisation nouvelle pour la surveil-
lance et l’observation des malades; elle consiste dans l’emploi de
questionnaires et de fiches de renseignements tenus par le person-
nel secondaire. Ces notes substituent, au renseignement oral, sou-
vent donné à la légère, le renseignement écrit, plus exact et fourni
d’après des données méthodiques, rapportant au médecin les faits
importants survenus dans le service et dans l’évolution des mala*
dies.
J’ai congu un système d’instructions écrites et un règlement inté-
rieur qui guide le personnel de surveillance dans ses diverses opé-
tions (entrantes, crises épileptiques, tentatives de suicide, etc.).
II a été appliqué en tout ou en partie par plusieurs collègues de
France et de l’étranger. II permet une action médicale plus efficace
et diminue considérablement les accidents (évasions, suicides, etc.).
J’ai provoqué et inauguré les missions à I’étranger, réalisées gráce
à mes regrettés amis les D r8 Emile Dubois et Paul Brousse, rappor-
teurs généraux des asiles,auxquels les médecins de la Seine et moi
personnellement devons tant. Et j’ai relaté cette première mission
en Ecosse, dans un Rapport sur l’assistance des aliénés en Angle-
terre (1), prdnant plusieurs réformes que j’ai d’abord réalisées et qui
ont été ensuite adoptées ailleurs.
Je citerai encore la décoration systématique des quartiers de
malades, l’amélioration du mobilier rendu plus confortablc, la
suppression des lits de gàteuses.
Dans un tout autre ordre d’idées et pour montrer qu’un méde-
cin pouvait s’occuper utilement de questions d’administration les
plus spéciales, telles que des questions de comptabilité, j’ai pro-
posé l’établissement d’un prix de revient rationnel, d’après une
méthode qui fut approuvée par un homme de haute compétence, le
regretté M. Le Conte, Conseiller à la Cour des Comptes et membre
de la Commission de surveillance des Asiles, et imposèe ensuite
aux asiles par l’Administration.
Et parmi les initiatives que je n’ai pu complètement exécuter,
je mentionnerai dans l’ordre économique la création d’un service
central de livraisons, qui donnerait aux services médicaux un
infirmier de plus par quartier, soit plus de 20 unités pour le
(1) Touuouse. L’assislance des aliinis en Anglelerre el en Ecosse. Rapport du
Consail général de la Seine, 1898.
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seul asile de Villejuif, et aussi tout un projet pour réformer la
statistique des aliénés dont les nombreux imprimés attendent
encore la réalisation administrative.
Entre autres choses, j’ai exposé la conception du quartier d’ob-
servation continue.dont je fis le plan et qui fut construit en 1900
dans monservice.Ce quartier,necomportantqu’un rez-de-chaussée,
est pourvu de tous les moyens(dortoirs de 7 lits, salle de réunion.
chambres d’isolement, salle de bains, bureau d’examen, parloir)
permettant de maintenir un petit nombre de malades sous la sur-
veillance constante du méme personnel au cours des diverses opé-
rations de traitement, a réalisé le type du quartier d’observation.
Je suis heureux que le projet, adopté par la Commission du 7® asile
sur le rapport de M. le D r Pactet et de M. Loiseau, en ait accepté
les dispositions essentielles pour l’étendre à tous les quartiers de
traitement.
J’ai pu aussi organiser le service de veille qui, à mon arrivée à
Villejuif, n’existait qu’à l’état embryonnaire et qui, partout insti-
tué maintenant et confié à une équipe de gardiens, alterne avec
le service de jour.
Me permettra-t-on de dire que la plupart des améliorations
apportées à la situation du personnel secondaire ont été réaliste-
dans mon service, souvent en dehors du règlement, avant d’ètre
étendues à tous les asiles ou imposées par la loi: liberté de sortir de
l’asile en dehors des heures d’occupation et la nuit, réduction de la
journée de présence, repos hebdomadaire d’une journée franche,
congé annuel de deux semaines, congé de grossesse le mois précè-
dant et le mois suivant l’accouchement, etc., etc.
Je crois avoir été utile à tous les personnels. J’ai pris l’initiative
des modifications du statut de l’internat,qui a augmenté la durée
des fonctions et le taux du traitement. Je n’ai pas cru pouvoir étre
indifférent aux intérèts du corps auquel je suis fier d’appartenir;
et je m’honore d’avoir provoqué des mesures améliorant leur
condition matérielle et leur situation morale, celle notamment
introduisant à Villejuif un Conseil médical officieux, que j’ai
peu à peu élargi en provoquant la création de la Société Médicale
des Asiles qui est un organisme d’études dont l’Administration
apprécie maintenant toute la valeur.
C’est dans l’intérét général aussi que j’ai émis l’idée d’une grande
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LUS nÉFORMES DANS LES ASILES DB LA SEINE
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Gommission d’études, qui fut réalisée par le D r Paul Brousse sous
la forme d’une Gommission mixte pour l’étude des aliénés, dont les
nombreux rapports et discussions nous sont encore les meilleurs
guides. C’est également en vue du bien de tous qu’il faut considérer
mon initiative de dédoubler les grands services d’aliénés et de
donner aux médecins adjoints un service effectif.
Si j’ai pu faire ces diverses réformes,souvent en marge du règle-
ment ou des usages, c’est toujours avec l’aide du Conseil Général
et Ie concours bienveillant et éclairé de l’Administration, et notam-
ment de M. Pelletier, chef du service des aliénés, que je puis dési-
gner, puisqu’il a quitté ce service, comme un véritable collabora-
teur à toutes mes réformes.
Je m’excuse d’avoir à rappeler tout cela. Mais pour la thèse que
jedéfends, je le devais afin de montrer que les ressources et aussi la
liberté dans des moyens d’action — qui n’empèche ’pas d’ailleurs
d’établir des règles et des limites — doivent étre laissées au mé-
decin dans l’intérèt des malades. Et c’est aussi que cela compor-
tait une le$on.
Presque toutes mes innovations paraissaient révolutionnaires
quand je les ai prònées et mème utopiques; elles sont maintenant
acceptées et généralisées un peu partout.
Je suis donc fondé à croire que d’autres, et notamment celle
sur la réforme du régime alimentaire que j’ai l’intention de préco-
niser, seront également adoptées.
Cela doit aussi encourager les jeunes entreprenants.que la crainte
de paraltre inńover retient souvent. Qu’ils pensent que j’ai été
considéré par mes alnés comme un agitateur dont les idées n’étaient
pas viables. Or quand je vois autour de moi la plupart de mes
idées devenues des réalités et des habitudes acceptées des autres,
je pense que si j’ai péché, c’est par défaut d’initiative et non par
excès d’entreprise.
Tout cela est rappelépour justifier aussi que j’ai quelque qualité
pour proposer une réforme. Et j’ai pensé que celles que j’ai pu
accomplir durant vingt années et qui ont été approuvées et
adoptées pouvaient me donner quelque crédit pour étre écouté
et suivi avec quelque confiance.
Je me suis aussi beaucoup dépensé au dehors. Mais là encore je
crois avoir fait ceuvre utile par quelque cdté. Par mes ouvragesde
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publiciste, par mes livres d’éducation qui préconisent dans la vie
pratique l’attitude rationnelle de l’activité scientiflque, en créant
rEncyclopédie Scientifique, la plus grosse publication spécialisée à
la science qu’on ait entreprise et qui groupera mille collaborateura
répartis en 40 sections dirigées par des savants choisis parmi les
plus autorisés de l’Université, du Muséum, de I’EcoIe des Hautes
Etudes, je crois avoir contribué un peu à affirmer l'autoríté
morale du médecin et aussi du corps auquel j’appartiens.
Toujours je me suis efforcé de répandre des notions d’hygiène
morale et physique. Et c’est là encore ceuvre de médecin aliéniste;
car la cause de la folie doit étre Ie plus souvent recherchée dans une
vie mal organisée, un travail physique ou intellectuel au-dessus des
forces de l’individu, une activité généralement mal conduite. J’ai
le premier préconisé la création d’un Laboratoire du Travail, qui
vient d’étre réalisée tel que je le demandais il y a quinze ans.
Et si j’ai pu mener de front des oeuvres si diverses, c’est gràce
au concours d’élèves et de collaborateurs dévoués.
Je tiens à citer le premier de mes élèves, le D r Marchand, aujour-
d’hui médecin en chef de la Maison Nationale de Charenton et dont
les travaux de micrographie font autorité. II a été pour moi un
collaborateur précieux pour la plupart de mes études sur 1’épUep*
sie, et il est maintenant engagé dans une voie de recherches théra-
peutiques d’un haut intérét. Je désire aussi mentionner la col-
laboration du D r Mignard, médecin-adjoint de Charenton, avec
qui j’ai poursuivi les études systématiques sur l’auto-conduc*
tion et celle de Lahy, avec qui je me suis occupè de la physio-
logie du travail
Enfin je suis heureux d’avoir pu remarquer et accueillir, au début
de sa carrière, Piéron, qui dans mon laboratoire a pu exercer des
fonctions et s’orienter dans des travaux qui l’ont pour une part
désigné pour remplacer Alfred Binet à Ia Sorbonne. Je lui suis recon-
naissant d’avoir accepté la direction que j’avais imprimée, après
mon enquète sur la supériorité intellectuelle, à la mesure des phéno-
mènes psychologiques, que je comprenais dans un sens nouveau
de détermination rigoureuse pour toutes les conditions de l’expé-
rience; il a apporté.dans un effort soutenu.à cette oeuvre dont j’a-
vais fait le but principal de l’activité du Laboratoire, une précision
et un développement auxquels je désire rendre hommage.
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LBS RÉFORMES DANS LBS ASILBS DB LA SEINE
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Je crois avoir communiqué mes habitudes de travail & mes in-
teraes, puisque presque tous sont entrés dans la carrière des aailes
et que les alnés sont à leur tour devenus des maltres.
Les réformes & entreprendre.
Le programme des réformes est chargé.
L’évolution des idées scientifiques et d’assistance hospitalière
d’une part, ainsi que celle des rapports entre les administrations et
leurs agents d’autre part ont été si rapides que de nouveaux pro-
blèmes, très pressants, surgissent de tous còtés.
Les médecins déclarent que des asiles construits, pour la plupart
il y a plus d’un quart de siècle, ne répondent plus .aux nécessités
d’assistance les plus évidentes. Notamment les grands quartiers.où
l’on entasse 50 et 100 malades qui se contagionnent, s’excitent et se
blessent, paraissent maintenant des constructions surannées pour
les malades susceptibles de guérison. Et l’on se demande si la
formule nouvelle — comme je l’ai demandé — ne serait pas à
l’opposé, pour les formes aiguès, l’isolement de chaque malade,
ainsi qu’ontend à le réaliser dans les hòpitaux.
Les aliénés dans la période aigué où ils font effort pour se res-
saisir sont noyés au milieu d’une foule bruyante.Or, à cette période
l’isolement, i’encouragement personnel d’un médecin ou d’un infir-
mierles aideraient bien souvent à seressaisirjet, ajoutésà une théra-
peutique reposante et reconstitutive appropriée,ces moyens seraient
capables d’avoir des effets satisfaisants. II faudrait agir plus for-
tement dans les états aigus. Si l’on entrait dans cette voie, ce n’est
pas alors 13 0/0 de guérisons, que l’on pourrait obtenir, mais un
quart, un tiers et méme davantage. Songez que sur 100 aliénés qui
guérissent, 95 — il faut insister sur ce chiffre — 95 recouvrent leur
raison dans le cours de la première année.
Je ne veux pas pour cela abandonner les chroniques (je les crois
curables pour beaucoup.comme les aigus); mais la besogne estplus
difficile et c’est la deuxième étape à franchir. Une bonne méthode
de travail doit nous faire entreprendre d’abord les cas les plus
favorables. La séparation des aigus et des chroniques est réclamée
pour répartir les moyens d’action selon l’utilité thérapeutique.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
Et c’est dans ce but que j’ai proposé la création aux environs
de París d’une immense ville-asile où les asUes actuels, affectés
aux cas aigus, déverseraient tous les chroniques. Un hospice de
5.000 malades, et prévu pour en contenir un jour en cas de besoin
10.000, pourrait, par suite de la centralisation des vastes services,
réaliser une assistance économique qui serait cependant supéríeure
à la condition de nos asiles actuels. Et ceux-là pourraient alors étre
mieux adaptés à leur destination. En vérité, nos maisons coùtent
trop cher s’U s’agit de chroniques, et pas assez s’il s’agit d’aigus.
Comme cela arríve souvent, une économie mal compríse aboutit
là à un vérítable gaspillage.
D’autre part, la liberté des malades et notamment des convales-
cents pourrait étre étendue. Ne serait-il pas possible de commencer ou
de continuer à traiter dans nos services des malades non internés
pour leur permettre de franchir ce passagedifficUe entre l’asile et la
vie libre qui effraye et retient beaucoup de malades. Ainsi j’ai
eu cette idée de mettre en liberté — à l’égard de la loi de
1838 — les malades convalescents et de Ies maintenir à l’asile
comme assistés libres durant un temps limité et pour rendre
la sortie définitive plus aisée. J’ai posé la question à M. Rondel,
inspecteur général des Services administratifs, lors de sa demière
visite de l’Asile de Villejuif, et il m’a fortement encouragé à opérer
cette réforme. Jusqu’ici je n’ai pu obtenir de l’Administration que
cette mesure, qui dépend d’ailleurs du Conseil général, soit réalisée.
Je suis d’ailleurs le promoteur de l’asile ouvert aux aliénés non
internés et j’ai fait voter au Congrès international d’Assistance de
1900unvoeu tendant à créer des quartiers ouverts. J’avais méme
insisté sur cette idée dans des articles qui à ce moment parurent un
paradoxe un peu outré : Faut-il intemer les abénés ? Or cette con-
ception a fait son chemin et récemment le Professeur Ballet ex-
primait la méme idée essentielle dans sa crítique du projet de loi
des aliénés en discussion au Sénat.
Dans cet ordre d’idées, j’ai aussi proposé de créer des ateliers d’ap-
prentissage dans les quartiers de femmes. Beaucoup de jeunes ma-
lades ne sortent pas parce qu’elles n’ont pasde métier; or, certains
métiers féminins peuvent étre appris dans un quartier d’asile.
Mais c’est l’organisation scientifique et médicale qu’il faut modi-
fier. Un service de chirurgie a été organisé ; par contre, les autres
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UNIVERSITY OF MICHIGAN
LBS RÉFORMEB DANS LBS ASILES DE LA 8B1NB
457
spécialités (yeux, oreilles, électrícité) ne sont pas représentées dans
des cadres fixes. Dans cet ordre d’idées, une chaire de chirurgie
des aliénés, qui est actuellement projetée en vue de reconnaltre
l’eflort soutenu du D r Picqué.créerait un foyer d’initiatives thé-
rapeutiques nouvelles.
Enfin il est urgent de créer dans chaque asile un Laboratoire Cen-
tral ayant un personnel iixe, pour les exarnens et les moyens biolo-
giques, chimiques et physiques qui aujourd’hui sont indispensables
pour suivre l’évolution d’une maladie et d’un traitement.
Mais je parle de dépenses nouvelles alors qu’il s’agit d’économies
à réaliser.Or, il faut d’abord chercher à économiser pour avoir quel-
ques disponibilités. La première réforme à l’étude est celle du régime
alimentaire.
Avant de l’aborder,j’ai voulu bien fixer ceci:Ies asiles ne doivent
pas étre des champs d’épreuves pour les économies; et le médecin.là,
comme ailleurs, doit avoir Ie plus de liberté possible pour innover
et améliorer.
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UNIVERSÍTY OF MICHtGAN
LES ALIÉNATIONS MENTALES
OITES
PARASYPHILITIQUES (1 >
Par M. Auguste Marie,
Médecin chef de VAsile de Villejuif.
A propos de la parasyphilis de la moelle et du cerveau ainsi que des
déiires qui l’accompagnent.une série de questions préalables se pose.
1° D’abord qu’est-ce que la parasyphilis par rapport à la syphilis ?
2° Quand et comment débute la parasyphilis?
3° Gnsuite le mot parasyphilis est-il synonyme de méningo-encé-
phalite diffuse ei toutes les paralysies générales vraies sont-elles spé-
cifiques ? Ou bien, au contraire, y a-t-il une pseudo-paralysie géné-
rale syphilitique et des paralysies générales autres, syphilitique ou
non ?
Ou bien encore Ia vérité serait-elle dans une théorie éclectique ad-
mettant une pseudo-paralysie générale vraie, parasyphilitique, et
d’autres paralysies générales et pseudo-paralysies générales en
dehors de la syphilis ?
4° Enfin devons-nous distinguer, avec Baillarger, psychose para-
lytique et démence paralytique, l’une pouvant exister sans l’autreou
s’associer ?
5° Quid enfin, en ce qui concerne Ia parasyphilis, du traitement et
de sa pierrede louche complétée par les conlróles biopsiques, surlesquels
nous avons cherché à baser les distinctions essentielles touchant
la syphilis proprement dite du cerveau ?
La notion de parasyphilis est née du jour où Pon a entrevu une
relation de cause à effet entre la syphilis proprement dite et ses reten-
tissements cérébraux lointains; leur fréquence de plus en plus nette
chez de vieux syphilitiques a forcé tout d’abord l’attention.
(1) Cette étude est extraite du magistral rapport présenté sur ce sujet au
Congrès de Londres, par M. A. Marie. (N. D. L. R.)
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LES ALIÉNATIONS MENTALES DITES PARASYPHILITIQUES 459
Après avoir suivi le ruban classique suivant Ricord, déroulé par
l’évolution de l’infection chronique spéciale, on a vu la nécessité
d’ajouter, après la série tertiaire, des accidents en quelques sorte
hors sèrie que l’on a désignés conune métaluétiques ou parasyphili-
tiques, ceci afin de bien spécifier qu’il ne s’agissait^Ius de syp hilis
quatemaire; mais c’était là, selon toute apparence, des reliquats
post-infectieux, des séquelles cicatricielles distinctes des processus
infectieux proprement dits. Ces affections ultimes restaient cepen-
dant dépendantes d’eux, en ce que les processus infectieux préa-
lables étaient nécessaires & leur genèse.
Krafft Ebing, au Congrès de Moscou de 1896, eut le redoutable
courage d’apporter à cette hypothèse une démonstration décisive
expérimentale.
K. Ebing avait choisi à Vienne 9 P. G. sur lesquelsil ne releva au-
cune trace de syphilis antérieure ni anamnèse positive. Leur ayant
inoculé la syphilis dans les conditions les plus favorables, il n’avait
obtenu que des résultats négatifs.
Nombreux sont les auteure qui, avant les réactions biologiques
avaient tenté de résoudre la question par les recherches cliniques
anamnestiques et statistiques.
Depuis l’introduction de la réaction de Wassermann pour le
liquide céphalo-rachidien, nous avons repris, dès 1906, avec Levaditi
puis avec Beaussart, ces recherches et nous avons pu démontrer la
nature parasyphilitique de 90 0/0 de nos paralytiques avancés, en
dépit des négations des familles et des malades.
Une statistique de 1.200 cas que nous avons récapitulée pour le
Congrès de Berlin en 19Í0 donnait 96 0/0. Candler, opérant post
mortem, trouva 970/0 de réactions positives(Lance/,novembre 1911).
Gruber, de Munich, n’avait obtenu que 85 0/0 post mortem (Brit.
Med. Journ., 20 septembre 1902).
Morgenroth, Stertz, Meier, Plaut, Lesser tendent à 100 pour cent
parce qu’ils opèrent sur des cas à la période avancée.
Si l’on fait le pourcentage des cas ayant donné une réaction posi-
tive, dans chacune des trois périodes de la P. G. príses à part, on ob-
tient les chiflres suivants :
Première catégorie .
Deuxième calégorie
Troisième catégorie
• 10 pouv cent.
. 77 —
. 96 —
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Origirìal frn-rri
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»
460 RBVUB DB PSYCHIATRIB
Ces chiffres dans nos recherches sont des plus expressifs. Ils pron-
vent en moyenne générale I’existence d’une relation intime entre U
fréquence des résultats positifs foumis par la réaction de Bordet et
Gengou et l’état avancé de la méningo-encéphalite diffuse. Or, com-
me dans le dispositif expérimental imaginé par Wassermann et
Plaut, cette réaction est un indice de la présence des lipoldes asń-
milables à des anticorps syphilitiques dans le liquide céphalo-rachi-
dien, cela revient à dire que ces lipoldes s’accumulent dans le liquide
céphalo-spinal au fur et à mesure que le processus morbide de la
paralysie générale avance et que s’aggravent les altérations encé-
phalo-méningées qui forment le substratum matériel de ce processus.
La preuve de l’existence d’un lien de causalité entre les deux fao
teurs qui viennent d’étre cités réside dans Ie fait que, dans plus
d’un cas, l’examen du liquide céphalo-rachidien fait à deux repríses
à un intervalle de quelques semaines chez le méme individu, nous a
montré l’existence d’un accroissement dans la richesse de ce liquide
en principes actifs. Or, l’observation clinique montre souvent une
aggravation paralléle du syndrome paralytique chez ces individus.
Lombo-riaction. Ancienneìi des sgphilit.
Nulle ou douteuse.de 5 à 10 ans.
Faiblement positive.de 15 à 18 ans.
Très nettement positive.de 16 à 23 ans.
L’examen du tableau permet de préciser jusqu’à quel
point la présence dans le liquide céphalo-rachidien de substances
capables d’empècher l’hémolyse est en rapport avec les antécédents
syphilitiques des paralytiques généraux. Dès l’abord,iI faut recon-
naltre que l’enquète clinique est assez souvent impuissante à nous
renseigner d’un fagon exacte sur ces antécédents, étant donné l’état
mental des paralytiques généraux. Aussi avons-nous eu soin de ne
consigner dans les tableaux que les données moyennes fondées sur
des renseignements mérítant quelque confiance et corroborés d’une
part par des renseignements précis fournis par le malade Iui-méme,
d’autre part par les témoignages de la famille.
Les apparentes exceptions à la progression générale que nous soo-
tenons proviennent d’une part des cas de P. G. galopante qui don-
nent de très bonne heure une réaction nette et pour cause, d’autre
dart des fluctuations reflétant parfois le traitement appliqué ou des
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LES ALIÉNATIONS MBNTALB3 OITB8 PARASYPHILITIQUES 461
oscillations spontanées de la réaction en rapport avec Ies poussées
intermittentes dans les formes de P. G. ditesen escalier, selon l'ex-
pression de Joffroy.
Cette question de l’action thérapeutique sur la réaction biologique
a non seulement rendu nécessaire la combinaison des deux contrOles
l’un par Fautre, mais elle a permis d’éviter désormais le risque de
nuire au malade par un traitement intempestif en vérifiant au préa-
lable Ie bien-fondé du traitement qui n’est plus tenté à l’aveuglette,
mais se trouve subordonné lui-méme à la vraie pierre de touche,
celle de la réaction syphilo-positive. Mais quelle est celle des deux
épreuves, lombo-réaction ou séro-réaction, qui doit conduire ici le
psychiatre ?
On a pu taxer de vague et imprécise la distinction en deux caté-
gorie8 de paralytiques (les uns pouvant bénéficier du traitement
spécifique, alors que les autres en pátissent), tant qu’aucune démar-
cation biologique n’était possible, c’était en effet une distinction
sans portée pratique et dangereuse, car elle mettaitdansl’alternative
ou d’empirer l’état par le traitement, ou d’empècher de guérir cer-
tains malades par une abstention regrettable. II y a déso>*mais un
critérium indiquant, de manière exacte, les cas où le traitement
peut ètre utile ou au contraire dangereux ?
J’ai proposé d’utiliser le seul moyen actuellement connu d’appré-
cier objectivement quand un malade passe de la spécificité positive
à ce qu’on nomme parasyphilis. *
Car telle est bien en deinière analyse la question. Ge qui fait la
difficulté et les discussions insolubles, c’est que l’on s’accorde sur la
nécessité de détruire le spirochète avec Ies médications qui I’attei-
gnent à coup sùr, tandis que, lorsqu’II semble avoir disparu et que
l’organisme se désagrège, sous l’influence de ses dérivés toxiques, de
ses paratoxines,le traitement n’agit pas. II ajoute méme une action
promptement néfaste à l’action métaspécifique. Le traitement
non seulement n’a plus d’action curative, mais il agit sur les élé-
ments encore actifs non paralysés de la fagon Ia plus fàcheuse.
M. Foumier euseigne que 1j parasyphilis n’est nullement in-
fluencée par le traitement antisyphilitique. C’estpour celaqu’on ne
saurait préconiser un traitement trop précoce afin de l’appliquer en
temps de syphiUs et avant passage à la métasyphilis, ou pour par-
ler plus juste, à la syphilis inaccessible aux traitements généraux.
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REVUE DE PSYCHIATRIE
Après ce passage, nous tireríons sur un ennemi qui n’est plus dans
le sang, nous n’atteindríons alors que l’organisme, et ce serait tuer le
paralytique à réaction parasyphilitique que de mercuríaliser ou arse-
niser par la circulation générale.
Nous pensons, en effet, qu’il importe de distinguer ici essentielle-
ment la manière de mercurialiser ou arseniser. Si en effet on n’ob-
tient ríen par la voie sanguine, il y aurait peut-étre lieu de chercher
par une voie autre. Mais méme en raisonnant avec les partisans de
la parasyphifis on va voir que les faits positifs permettent d'établir
une limite précise entre la phase de syphilose proprement dite paa-
sible du traitement général (par voie circulatoire) et la phase ulté-
ríeure où l’affection semble à l’abri des moyens thérapeutiques ordi-
naires.
Réservant ici la grave question de savoir si réellement le spiro-
chète a disparu dans la parasyphilis pure (ce dont je crois avoir con-
tríbué à démontrer le contraire, ainsi qu’on le verra), je prétends qu’il
y a un moyen scientifique d’éviter l’un etl’autre dangers;celui de
condamner à mort des pseudo P. G. par I’abstention d’une théra-
peutique spécifique et celui de tuer des P. G. parasyphilitiques par
un traitement qui leur soit néfaste, vérítable coup de fouet au pro-
cessus, qui, de rémittent, devient galopant.
Je considère qu’il n’est plus vrai de dire que Ie seul moyen de
diagnostic ici soit l’épreuve du traitement puisqu’elle peut dans
l’une des hypothèses ètre nuisible.
D’abord je ferai observer que depuis l’emploi de la méthode de
Wassermann bien des pseudo-paralysies générales sont fortement
soupgonnées de n’ètre que des pseudo-diagnostics, comme l’a dit
Pierret. Ce ne sont, dans l’immense majorité des faits, que des cas
atypiques ou des formes spontanément rémittentes, que I’on finit
toujours par voir revenir à l’Asile et y mourir P. G. confinnés.
Gertains auteurs, et j’en suis, tendent mème à réserver l’étiquette
de pseudo P. G. aux méningo-encéphalites non spécifiques comme
celles de l’alcoolisme chronique, du traumatisme, du saturnisme,
de l’arthritisme, de la tuberculose, etc., sans syphilis combinée.
II importe donc désormais de mettre systématiquement à profìt
le biodiagnostic de Wassermann pour éclairer le terrain thérapeu-
tique en matière de syphilis et de parasyphilis.
Je crois posséder le service où se trouve le plus grand nombre de
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LES ALIÉNATIONS MENTALES DITES PARASYPHILITIQUBS 463
paralytiques généraux qu’il soit, car aucune ville autre que Paris ne
fournit un pareil holocauste. Villejuif étant le plus proche des asiles
extra-muros, concentre ces malades de préférence, vu leur état de
faiblesse en raison duquel on les soumet au moindre trajet.
J’en ai toujours plus d’une centaine et il en meurt cependant beau-
coup. Dès mon intemat, au temps des premiers plaidoyers de M. le
professeur Foumier pro mercurio et du temps du clinicatde Morel-
Lavallée en 1888, j’étais dans le service, comme interae et à ce titre
j’ai essayé les frictions mercurielles et l’ancien traitement par voie
stomacale. Nous avions dù cesser bien vite en raison des désastreux
résultats. II y a plus de douze ans, en prenant la tète de ce mème ser-
vice, je projetais de soumettre à un traitement rédempteur mes para-
lytiques, espérant tirer pour eux de rhypodermiemercuriellele pro-
fit que n’avait pu donner la thérapeutique ancienne; j’eus des résul-
tats de deux sortes; les uns nettements fàcheux, les autres à demi
consolants.
Cette deuxième série concemant des cas à forme rémittente, il y
avait lieu de vérifier si les rémissions venaient ou non ’du traite-
ment. J’eus alors l’idée de contrfiler par des ponctions préalables en
série l’état de la leucocytose rachidienne pour conduire le traite-
ment et vérifier si l’atténuation des caractères lymphocytiques résul-
tait de l’action thérapeutique.
Comme il convient en telle occurrence, il importait d’établir la
statique préalable, hors traitement, pour apprécier, par notre con-
trèle céphalorachidien, le bien-fondé de nos conclusions post hoc .
C’est alors qu’avec mon inteme, M. Duflot, je m’aper^us de vérita-
bles fluctuations lymphocytiques, de poussées intermittentes cou-
pées de suspension et mème parfois de disparition des lymphocytes
précédant ou accompagnant des rémissions spontanées, indépen-
dantes de tout traitement. L’albumo-diagnostic appliquéauxliquides
recueillis donnait aussi des ondulations analogues, mais parfois dis-
tinctes de celles de la production de lymphocytes. II y avait donc là
de véritables poussées agressives succédant à des réactions défen-
sives plus ou moins durables.
C’est au Congrès de Grenoble, en 1902, que j’ai communiqué ces
premières recherches, corroborant celles de M. le professeur Joffroy
ct confirmées depuis par beaucoup d’autres. II faut donc prévoir ces
oscillations biochimiques spontanées, reflets de réaction autocura-
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RBVUE DE PBYCHIATRIB
tives en quelque sorte, pour ne pas les confondre avec celles dues à
un traitement exogène. Ces oscillations peuvent évidemment ètre
en rapport soit avec des virulences réveillées de générations proli-
férantes de spirochètes, soit avec une lutte entre les poisons dérivés
des spirochètes.et l’organisme; ce demier peut faire seul les frajs de
la réaction sans aucun secours médicamenteux. Quoi qu’il en soit, il
importait de savoir auquel de ces deux moments de la Iutte I’appoint
thérapeutique par voie sanguine pouvait intervenir.
La réponse semble pouvoir se dégager d’unenouvellesérie de con-
statations que j’ai été conduit à faire lorsqueWassermann eut I’idée
d’appliquer la méthode de Bordet et Gemgou au séro-diagnostic de
la syphilis à toutes ses périodes.
Gràce à la collaboration continue de M. Levaditi, depuis 1906, j’ai
pu multiplier sur les paralytiques généraux de mon service l’ap-
plication de la recherche hémolytique, tant sur le liquide céphalo-
rachidien des ponctions en série, chez les mémes malades, que chez
différents malades à toutes les phases de l’affection, ainsi que sur
le sérum sanguin des mèmes sujets (avec, bien entendu, les contrdles
répétés et multipliés sur des sujets aliénés non paralytiques).
Gomme les nombreux auteurs qui ont poursuivi ces recherches en
mème temps que nous, nous avons presque toujours trouvé Ies cas
témoins avec séro-réactions négatives infiniment plus nombreuses
et avec lombo-réactions très exceptionnelles. Quant aux syphilitiques
non P. G., nous ne leur avons pas trouvé deréactionssyphilo-positives
en ce qui concerne le liquide céphalo-rachidien, si ce n’est en quel-
que cas où les lésions localisées tertiaires ont paru superficielles et
sous-corticales ou combinées à de la méningo-encéphalite consécu-
tive : c’étaient des cas mixtes. Mais si les syphilitiques tertiaire?
avec lésions cérébrales en foyers ne donnent pas la réaction de Was-
sermann pour le liquide céphalo-rachidien, en revanche ils la don-
nent souvent pour Ie sérum sanguin, et c’est ici que réside, à mon
sens, la pierre de touche de Ia méthode au point de vue de ce que
l’on dénomme parasyphilis (que nous pourrions plus justement
appeler syphilis ancienne des centres nerveux rebelle au traitement
général.)
En effet, entre la lombo-réaction positive précitée et la syphilis
connue ou à déceler, il faut l’interposition d’une lésion cortico-mé-
ningée chronique assez intense et avancée. On a tout d’abord sup-
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LES ALIÉNATIONS MENTALES DITES PARASYPHILITIQUES 465
posé que les anticorps syphilitiques s’accumulaient alors dans le
liquide céphalo-rachidien au fur et à mesure que progressait la
paralysie générale, c’est ce qu’il semble lorsque l’on s’en réfère aux
réactions foumies par des malades différents pris à des périodes
variées, ou bien que l’on fasse la mème comparaison entre des stades
différents chez un mème malade.
Dans les paralysies générales vraies confirmées et à antécédents
spécifiques les plus nets et les plus anciens, la réaction syphilo-
positive de Wassermann fournie par le liquide céphalo-rachidien est
à peu près constante, elle est d’autant plus marquèe qu’on a affaire
à un P. G. plus avancé; la réaction du sérum sanguin devient par-
fois plus faible et manque mème.
Dans la P. G. incipiens ou dans les phases de rémission commer-
Qante, c’est I’inverse, la réaction du liquide céphalo-rachidien est
plus faible et manque souvent; en revanche, la réaction du sérum
sanguin est plus nette et forme toutes les transitions qui rattachent
ces cas aux cas de syphilis propremenl dite.
Chez les syphilitiques, Musham a observé d’ailleurs des fluctua-
tions du séro-diagnostic sanguin analogues à celles que nous avons
été les premiers à signaler dans le liquide céphalo-rachidien des
parasyphiUtiques.
Lorsque la réaction comparée du Uquide céphalo-rachidien et du
sérum sanguin d’un P. G. donne une prédominance en faveur des
anticorps dans le sang, on peut encore tenter la médication spécifi-
que générale, elle donnerait ses meilleurs effets lorsque le séro-
diagnostic seul s’accuse et que l’encéphale et ses enveloppes ne sont
pas encore entrès en réaction appréciable par le procédé de Was-
sermann appUqué au liquide céphalo-rachidien. La lymphocytose
peut exister déjà et l’albumino-diagnostic étre positif, en effet, sans
qu’on puisse déceler la réaction dite des anticorps.
L’encéphale est donc encore en état de résistance suffisante; mais
lorsque le sang ne paralt plus recéler d’anticorps ou en décèle moins,
les centres nerveux traduisent leur dèsintégration commen^ante par
la présence des Upoídes dèrivès de leurs composés albuminoldes; il
semble y avoir là comme une véritable autodigestion des éléments
nobles du cerveau et de la moelle.
Le cerveau du P. G. selon les uns se résorberait et mourrait de la
production méme de ces anticorps incomplets mis en Uberté au fur
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HEVUE DE PSYCHIATRIE
et à mesure de la fixation par les neurones d’une plus grande
quantité d’antigènea ?
II se pourrait que le neurone dépasse les limites de sa capacité de
neutralisation des toxines; on pourrait considérer alors qu’il se
trouve à la merci des atteintes directes des spirochètes en mème
temps que, par une sorte de digestion, l’antigène est transformé en
anticorps par l’adjonction d’une partie du tissu digérant. Gette
transformation finirait par épuiser la cellule, qui, à son tour, serait
résorbée par les lymphocytes mononucléaires de la circulation et
des tissus de soutènement.
Le parasyphilitique dans cette hypothèse mourrait à la fois de
l’action directe des toxines et des antigènes neutralisées, et par le
choc en retour, dù à la surproduction de ses propres anticorps; sur-
production faite aux dépens de la substance méme des neurones
disparus. Cette fonte se traduirait par l’apparítion graduelle des
lipoldes à réaction d’anticorps : aujourd’hui que nous savons ia
présence réelle des spirochètes dans le cerveau, l’hypothèse est
bien plus simple sans écarter toutefois les éléments adjuvanls
jHrécités.
Mott, comme tous les auteurs que ce problème a passionnés.se
demandait déjà si les ictus (qui marquent les étapes capitales de
la P. G. comme son début et sa terminaison souvent) sont de nature
toxique ou microbienne directe : dans cette dernière hypothèse.
s’agit-il d’infections secondaires variables non spécifiques ?
Tout le monde sait que les P. G. sont exposés à des infections inter-
currentes multiples comme tous malades cachectisés, mais ce sont là
des associations terminales qui ne sauraient prévaloir sur l’élément
causal primitif qui avait jusqu’ici échappé auxinvestigations; c’est
ce qui expliquait les doutes et les discussions sur la nature mème de
la paralysie générale, et ce qui avait nécessité la conception d’une
parasyphilis, sorte de processus mystéríeux par delà le spirochète.
Que les infections secondaires ou terminales non spécifiques fré-
quemment accélèrent le déclin des vieux syphilitiques et entraìne
l’issue fatale, c’est incontestable; j’ai mème naguère admis I’ac-
tion possible du diphtéro'ide de F. Robertson dans l’étiologie de
certains ictus des P. G. après avoir écarté l’hypothèse d’un baccillus
paralyticans que le contróle des opsonines ne nous permettait pas
d’admettre comme étiologie première.
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LES ALIÉNATIONS MENTALES DITBS PAHASYPHILITIQUES 467
Dans plusieurstravaux récents, Noguchi(l)etMoore(2)ontmontré
que si l’on traite des fragments de cerveau de paralytiques généraux
par la méthode de Levaditi (imprégnation à l’argent aprèsla fixation
au formol, réduction par l’acide pyrogallique formolé), on peut
mettre en évidence des tréponèmes typiques dans la corticalité
cérébrale. Ces tréponèmes existent en pleine substance grise des cir-
convolutions, ils sont disposés d’une manière diffuse et peuvent
n’avoir aucun rapport ni avec les méninges, ni avec les vaisseaux
lésés. Les spirochètes n’ont pu étre ainsi constatés tout d’abord que
dans un certain nombre de cas de paralysie générale typique ; la
proportion des résultatspositifsest de25 0/0d’après Moore.de 25 0/0
d’après Noguchi. Cette constatation, dont l’importance au point
de vue de l’étiologie et de la thérapeutique future de la paralysie
générale est de premier ordre, a été confirmée récemment par Mari-
nesco et Mineas (3). Ces auteurs ont décelé des tréponèmes dans un
cas, parmi les dix cerveaux de paralytiques examinés par eux, tou-
jours par la méthode à l’argent.
Nous avons, de notre cdté, vérifié ces faits et nousles avonspleine-
ment confirmés. Vingt-quatre cerveaux de paralytiques, provenant
de mon service de l’Asile de Villejuif (2 e section, hommes), ont été
tout d’abord examinés; les résultats positifs ont été au nombre de
deux, par la méthode d’imprégnation des tissus, soit un pourcen-
tage de 8 0/0.
Mais le succès de I’imprégnation des spirochètes dépend de I’affi-
nité des fibrilles nerveuses pour l’argent, et, en d’autres mots, de
l’état de conservation et de fixation de ces fibrilles. Si elles sont
fortement imprégnées, on ne peut pas discerner lesspirochètes sous-
jacents. Pour nous, les spirochètes existent dans les cerveaux de
paralytiques généraux beaucoup plus fréquemment que ne le mon-
trent ces recherches récentes; il s’agit de trouver un procédé de
fixation ou d’imprégnation argentique, capable de réduire autant
que possible cette affinité des fibrilles nerveuses pour l’argent, sans
toucher à celle des tréponèmes. C’est ce que nous avons cherché et
trouvé dans l’emploi de l’ultramicroscope appliqué à l’exploration
(1) Noguchi et Moobe. Journ. o/ Experim. Med., février 1913, et Sociiti de
Biologie, id.
(2) Moore. Journ. of Nerv. and Menlal Disease, N° 3, 1913.
(3) Marinesco et Mineas. Acadimie de Mideeine de Paris, mars 1913.
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RBVUB DE PSYCHIATRIE
systématique zone par zone du cerveau sain et dans la coloratton
de frottis de substance cérébrale par la méthode de Fontana.
II nous a été donné de découvrir ainsi avec Levaditi etBankowski
le tréponème <Tune fafon en quelque sorte constante dans le cerveau
des paralytiques généraux morts d’ictus, non seulement & Pultra*
microscope, comme cela avait déjà été signalé par Noguchi, mań
aussi par le procédé de I’encre de Chine (Burri), et celui de Fontana,
combiné au procédé de Tribondeau (1). Alorsque danslestissusim-
prégnés à l’argent on ne trouvait que 10 à 20 0/0 de tréponèmes, par
simple frottis ou par l’ultramicroscope, on les trouve presque coiu-
tamment. Nos proportions de 80/0 sont en effet passées à près de
100 0/0 puisque 9 cas examinés ensuite par la technique rapide
ont donné 8 constatations positives nettes.
La raison des contradictionspersistantestouchantl’étiologiedela
paralysie générale provenait jusqu’ici de multiples causes, outre de
l’insuccès jusqu’alors de la constatation des tréponèmes.
D’abord les statistiques mémes de 96,5 0/0 de syphilis, comme
les ndtres, ne prouvaient rien contre I’opinion des 100 0/0 puisque
nous avions compris dans nos recherches des paraly tiques à toutes
époques de la parasyphilis, et certains tout au début de la péri-
méningo-encéphalite diffuse.
Or nous avons démontré nous-mémes que, en reprenant les biop-
sies sur Ies mémes malades, plusieurs mois après, le pourcentage aug-
mentait très sensiblement par suite de l’évolution plus avancée de h
maladie.
D’autre part, nous avons compris dans nos recherches desP.G. 4
formes aty piques et un certain nombre qui en d'autres temps eussent
été rangés parmi des pseudo P. G. saturnins ou alcooliques; ces cas,
bien que tardivement aussi, sont en grande partie rentrésdansk
giron de la paralysie générale, vraie, au fur et à mesure de l’appari-
tion des biopsies positives ultéríeures.
Nous avons ailleurs effleuré cette question des pseudo P. G. qui a
été résolue diversement, parce que diversement posée.
Si on n’a en vue que Ie syndrome paralytique, on estfatalementcon-
duit à admettre la pluralité de causes et à éliminer Iespseudo P. G.
comme étant des pseudo-diagnostics.
(1) Soclitt de Biologie, mai 1913.
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LES ALIÉNATIONS MENTALES DITES PARASYPHILITIQUBS 469
On admet alors avec Nissl des P. G. multiples parmi lesquelles la
syphilis cérébrale diffuse pure se distinguerait à l’examen histolo-
gique par les caractères suivants : I’atrophie des fibres tangentielles
légère, la prolifération névroglique prédominant sur le protoplasme
et sur les fibrilles, la tuméfaction des neurones en voie de destruc-
tion, l’absence d’infiltration de l’adventice et la rareté des mast-
zellen.
Mais méme surle terrain anatomo-pathologique, on n’estpas d’ac-
cord et Erb a pu soutenir qu’il n’y avait pas de critérium pour affir-
mer que le cas est ou n’est pas syphilitique.
M. le professeur Ballet a soutenu cependant l’étiologie spécifique
de la P. G., en se basant sur la méthode de Nissl appliquèe à l’étude
des lésions anatomo-pathologiques vasculaires : les périvascularites
et diadépèses avec scléroses du cortex lui donnent l’impression pre-
mière bien nette que : ces altérations sont de nature infectieuse, la
seconde pensée qui se présente à I’esprit est que les lésions de cette
physionomie, à évolution lente et chronique, ont des chances pour
relever de la syphilis. ( Soc. méd. psychologique, 28 février 1898.) II
manquait à cette époque les contròles biologiques qui sont venus
souligner les arguments anatomo-pathologiques et les renforcer.
Dans les préparations que nous avons publiées avec Levaditi et
Bankwoski aux Annales de Vlnslilul Pasteur, on trouvera des
figures typiques où le manchon périvasculaire est doublé d’un
véritable feutrage de spirochètes.
Déjà l’immunité des P. G. à Ia syphilis avait fait fortement pen-
cher la balance mais elle ne pouvait servir de base à une méthode
clinique. On a d’ailleurs voulu opposer à l’expérience de K.Ebingles
cas de Kieman, Morselli, Galiana et Garbini (en tout 15 cas de réin-
fection syphilitique chez des paralytiques en évolution), mais les
syphiligraphes ont mis en doute certains de ces faits qui pourraient
bien n’étre que des réactivations de syphilides anciennes.
D’autre part, on a, par la statistique, démontré que la zone particu-
lièrement dangereuse pour la P. G. était d’une part entre la quin-
zième et la vingtième année de la syphilis et entre la trentième et la
cinquantième année de I’àge des syphilisés; soit autour de la ving-
tième année qui suit la puberté accomplie et l’exubérance sexuelle
consécutive propice aux syphilisations.
Nous avons d’autre part rappelé la constatation presque cons-
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RBVUB DE PSYCHIATRIE
tante d’atteintes méningées spécifiques secondaires dont la lympho-
cytose para-spécifique semble la réplique et comme le choc en retour
vingt ans après par un processus idenlique.
Les P. G. juvéniles ou infantiles qui sembleraient en opposition
avec ces vuesy rentrent pleinement au contraire, et l’on note qu’elles
correspondent souvent à des syphilisations d'allaitement (cas de
Sommer et Giry), ou exceptionnellement précoces (cas de Boume-
ville et Noir, syphilis vaccinales). Marchand trouve méme la syphi-
lis plus souvent chez les P. G. précoces que chez les autres (59 fois
sur 79, soit 68 0/0; Régis en trouve 70 0/0).
Le méme raisonnement s’applique aux P. G. tardives qui corres-
pondent aussi aux syphilisations tardives et confirment ainsi U
règle générale.
M. le professeur Ballet disait à la mème Société médico-psycho-
logique (séance citée du 28 février 1898): « Je ne congois pas pour
ma part d’argument plus décisif en faveur des relations de la P. G.
et de la syphilis que l’histoire des paralytiques femmesque j’ai été
à mème d’observer particulièrement dans la classe bourgeoise. >
L’auteur remarquait, en effet, que le genre de moeurs sexueliesdes
femmes paralytiques influait nettement; dès longtemps on avait
signalé la forte proportion des prostituées.
Dans un autre ordre d’idées, la syphilisationconjugaleignorée ne
fait pas moins de ravages et il suffit pour cela d’étudier de près les
femmes des paralytiques et leur descendance à la lumière de h
réaction de Wassermann. D’ailleurs la P. G. conjugale se confirme
fréquente depuis qu’oń la recherche. Nous l’avons trouvée souvent
pour les malades de notre service (27 cas cités à la Société clinique
de médecine mentale, 17 mars 1913).
On peut rencontrer, dit Joffroy, des lésions tertiaires associées ì
la P. G., mais ce sont là des faits plutdt rares et il nem’estarrivéque
deux fois d’en observer des exemples.
Ces faits sont très importants puisqu’ils prouvenl que les aecidenh
terliaires ne sont pas incompatibles avec la P. G. Mais tandis que pour
certains ils sont la preuve de spirochètes en activité directe chez U
P. G., pour d’autres ils semblent un argument contraire par leur
rareté relative.
D’autres auteurs ont interprété ces cas comme association de pro-
cessus à étiologie distincte, étant donné l’action thérapeutique unilatè-
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LBS ALIÉNATIONS MENIALLS DITES PARASYPHILITI QV ES 471
rale du mercure guérissant les gomraes et laissant évoluer la para-
lysie générale sous-jacente. Whal, Vurpas, Wallon et nous-mème
avons signalé des cas de gommes dans la paralysie générale, mais
cette coincidence n’est nullement contradictoire avec i'hypothòse
d’un rapport des deux affections simultanées; au contraire on pour-
rait s’étonner avec Joffroy de ne pas observer cette concomitance
pius souvent si on ne remarquait avec Marchand que les gommes
tardives vingt ans après le chancre sont rares et que la rapidité
relative de la paralysie générale qui évolue en deux à trois ans laisse
peu de temps à la production de ces associatkms cliniques. Ces der-
niéres sont plus fréquentes peut-ètre d’aUleurs qu’on nelecroit,bien
qu’inapenjues. L’histologie ne montre-t-eile pas des formations
gommeuses élémentaires dans les méninges d’un certain nombre de
P. G., cas de Gilbert, Lyon, Schultz, Tissot, Rumpf, Reutsch, Lebe-
deff, Raymond, Murratow, etc.
Ces faits de parallélismeentre les deux processusgommeux etdiffus
ont ainsi conduit un certain nombre d'auteurs, parmi lesquels Lesser,
Bosc, Hirchl, etc.,àvoir dans les lésions diffuses du système nerveux
un quatrième degré de syphilis en rapport non plus avec des toxines
lointaines ou des antigènes par fonte cellulaire antitoxique, mais
bien en rapport avec la présence réelle du spirochète sous une forme
particulièrement résistante aux actions thérapeutiques, soit par le
fait de son émigration au sein mème des tissus nerveux déchus de
toute résistance, soit par une sorte d’immunité^acquise aumercure,
voire méme aux produits arsénicaux.
La difficulté mème de découvrir le spirochète & ces périodes n’é-
tait pas une objection sans réponse. Tous ceux qui avaient vaine-
ment recherché jusqu’ici le spirochète dans les centres mèmes des
P. G. la connaissaient, mais on pouvait répondre que le spirochète
n’a peut-étre pas qu’une forme spiroíde; les recherches de Mac Donagh
sur les leucocytozoaires (Lancet, 12 septembre 1912) à formes sphé-
riques ou en croissant, microgamète, femelle du spirolde, forment
une des hypothèses sur lesqueiles se pouvait fonder la réponse à
l’objection.
Mais ii y a plus, et voici qu’on découvre de divers cdtés des paraly -
tiques avec des spirochètes en quantité impressionnante. Déjà Ra-
vaut avait présenté de telies préparations de moelles de tabétiques
où Nageotte objecta que les formes spiroides prises pour tréponèmes
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472
RBVUB DB PSYCHIATRIB
n’étaient que des fibres nerveuses enroulées et imprégnées par les
sels d’argent de la méthode de Levaditi, comme ils le sont par le
Golgi.
Avec les préparations de Noguchi à la Société de Biologie (19 fé-
vrier 1913), de Minea et Marinesco (à l’Académie de Médecine de
Paris, 2 avril 1913), et celles publiées par Moore (Journ of Exp. Med.,
février 1913, et dans les Amer. Journ. of Neroous andMental Sc.),
et par nous-méme avec Levaditi et Bankowski (1), le doute est-il
encore possible ?
Si le spirochète en activité agit seul directement et constamment
sur les centres nerveux dans les syphiloses diffuses de la P. G.,pour-
quoi 35 0/0 seulement des syphilisés atteignent-ils la phase qua-
ternaire ?
Mott qui s’est posé cette méme objectiony répond en comparant
syphilis et diphtérie, 15 0/0 seulement des diphtériques encourent
des paralysies métadiphtériques, ce n’est pas une raison pour
rejeter ces demières.
D’autres auteurs ont admis des variétés de syphilis, les unes
étant plus cérébro-toxiques que d’autres, tout en admettant que
certains terrains prédisposés soient plus neuro-intoxicables. Des
faits d’observation curíeux ont étè rapportés par Morel-Lavallée et
Foumier, par Babinsky, etc.
Dans le cas de Babinsky, deux étudiants furent syphilisés en mème
temps par une commune maltresse et devinrent P. G. enmèmetemps,
quinze ans après. Ils étaient parents, ce qui méle l’élément prédis-
position héréditaire à celui de l’hypemeurotoxicité. J’ai cité un cas
analogue de deux jumaux sy philisés par une méme maltresse et para-
ly tiques en méme temps. Deux autres frères que j’ai observés, non
jumeaux,maissyphilisés ensemble par une mémefemme, furent,l’un
tabétique, l’autre P. G.
Mott cite aussi deux contaminés non parents, mais frères de lait
seulement et syphilisés précédemment par la nourrice, qui devin-
rent ensemble P. G. dix ans plus tard.
Erb a vu quatre syphilisés par une méme femme devenir les uns
tabétiques, les autres paraly tiques, tandisqu’uncinquièmen’eutrien.
(1) Bullelins d Mimoires de la Sociiti midieale des HOpitaux de Paris (Séance
du 25 avril 1913). • Présencedu treponema pallidum dans trois cerveaux de
paralyriques généraux », par MM. A. Marie, C. Levaditi et J. Banlcwoski.
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LBS ALIÉNATIONS MBNTALES DITES PARASYPHILITIQUES 473
Brosius cite sept souffleurs de verre contaminés aux lèvres
par le mème tube, dont cinq après dix ans furent tabétiques
ou P. G.
Si nous admettons, désormais, qu’un spirochète soit l’agent spéci-
fique causal de la parasyphilis, il^est à prévoir qu’il y a des variétés
de ces organismes comme ily en a pour le parasite de Ia malariaou les
trypanosomes.
De méme le microorganisme peut se modifier en passant par cer-
tains individus, comme il peut ètre modifié par le traitement. II
peut donc se faire que le virus puisse différer dans différents cas
d’infection.
A l’inverse de l’hypothèse aujourd’hui controuvée que la parasy-
philis menace les syphilitiques non traités ou mal traités, on est
en droit de se demander mème si, au contraire, le spirochète, immu-
nisé lui-mème par rapport aux médicaments antispécifiques, ne
deviendrait pas particulièrement résistant et nocif aux centres ner-
veux parfois.
Depuis la campagne active menée il y a plus de dix ans pour la
mise en traitement énergique des syphilitiques, j’ai vu arriver à
1’Asile bien des P. G. pour lesquels cependant tout le possible avait
été fait contre la syphilis première, et depuis les essais du606 dans la
P. G. on s’est demandé si les tréponèmes échappés à la destruction
magna n’en acquerraient pas une résistance plus grandede par la
8élection mème, une fois repullulés.
Peut-ètre aussi faut-il tenir compte de Ia localisation de parasites
dans le tissu cortical mème et de la barrière défensive constituée
par les manchons périvasculaires. Ces derniers issus d’une réaction
défensive de l’organisme pourraient ainsi tourner contre lui une fois
la barrière forcée.
Ces hypothèses ne seraient pas contrairesau traitement, mais con-
traires aux traitements insuffisants. Mais dansl’hypothèsedel’action
directe du spyrochète, la parasyphilisdemeure, qu’onl’admetteseule
ou combinée à celle d’une désintégration parasyphilitique, on con-
50 it que le traitement efficace en certains cas de P. G. et la conco-
mitance d’accidents tertiaires aient servi d’argument aux partisans
d’une syphilis quatemaire, contrairement à la parasyphilis selon
l’ancienne conception. Nous avions déjà, pour tirer au clair cettc
question de la parasyphilis ou de la syphilis quaternaire, fait une
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UNIVERSETY OF MICHIGAN
474
RBVUB DB PSYCHIATRIR
série, encore incomplóte il est vrai, de recherches expérimenUlet
en collaboration avec M. Levaditi.
D’une part,nous avons mélangé à une certaine quantité de viroi
syphilitique humain des liquides céphalo-rachidiens de P. G. à réae-
tion syphiIopoBitive et nous avons inoculé le mélange à dee sujets
par scarification cutanée (nous avions comme tómoins des liquidei
d’épileptiques et d’un délirant simple ancien spécifique).
II ressortait de nos expériences que les principes aclift da liqaidc
céphalo-rachidien dea P. 0. ne sont pas des anticorpB, car ils sont
incapables de détruire in vitro le virus syphilitique ou méme d’en
atténuer la virulence (C. R. Société de Biologie , 11 mai 1907, p. 872).
Y avait-il là un argument contre la spécificité de la réaction 7 non,
car de méme que pour le liquide céphaIo-rachidien des parasyphi-
litiques, Ies substances renfermées dans le sérum des syphilitiques
seraient inactives vis-à-vis du tréponème, d’après Metchnikoff, Roux
et Neisser.
Une objection plus grave proviendrait de Ia constatation que nous
flmes aussi, les premiers, avec Levaditi ( loc. cit.) à savoir quela dévia-
tion du complément s’obtenait non seulement quand onseservait
comme antigène d’extrait de foie spécifique, mais aussi en em-
ployant du foie normal complètement dépourvu de parasites. Les
recherches complémentaires que nous flmes avec Levaditi et Yama-
nouchi ont montré que, tout en étant spécifiques, la séro-réaction et
la lombo-réaction sont attribuables à la présence dans le sérum des
syphiiitiques et le liquide rachidien des parasyphilitiquee de cer-
tains composés non protéiques à l’état colloidal.
Ces composés en présence des sels bilaires et des Iipoldes du foie
précipitent et fixent le complétement hémolytique. Cee composés
proviennent donc des tissus de l’organisme lui-méme et semblent
étre des éthers de cholestérine et d’acides gras.
Dans la syphilis, ces lipoldes peuvent provenir de la désintégra*
tion des tissus altérés (notamment lapeau); quand l’écorce cérébrale
à son tour est atteinte, elle cède au liquidecèphalo-rachidien.qui la
baigne, des principes de désintégration cellulaire de mème ordre qui
décèlent la parasyphilis.
Syphilis et parasyphilis peuvent donc chevaucher l’une surl’autre.
On comprend dès lors qu’on puisse observer des processus spiroché-
tiques en activité (comme les gommes susceptibles de régression par
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
LEfl AUÉNATIONS UENTALB8 DITBS PARA8YPHILITIQUE8 475
traitement appropríé) et les spirochétoses de la corticalité en méme
temps que le processus de désintégration des centres nerveux dont
le métabolisme est débordé et la puissance de neutralisation toxi-
fixatríce épuisée (1).
Seulement entre ces deux processus parallèles une sorte de balance-
ment s’établit, semble-b-il.
C’est comme si l’épuisement des neutralisations sanguines prépa-
rait la défaite secondaire des résistances cellulaires nerveuses. A
mesure que diminue la quantité des lipoldes dans le torrent sanguin,
s’accumulent ceux des centres nerveux dans le liquide rachidien;
comme si l’infection par les tréponémes entrait dans une phase
nouvelle d’envahissement du tissu nerveux jusqu’alorsrelativement
préservé. On peut donc baser sur la double constatation de la séro-
diagnose décroissante en face de la lombo-réaction grandissante le
crítéríum de la parasyphilis à son début, compríse en tant que syphi-
lis de centres nerveux inaccessible aux traitements actuellement
connus pour la syphilis générale.
Dans les poussées méningées de la phase secondaire, en effet, il
n’en est pas méme et les moyens thérapeutiques atteignent, semble-
tril, le tréponème jusque dans ses localisations centrales précoces,
peut-ètre parce qu’à cette phase ne sont point réalisés les manchons
cicatríciels pérívasculaires de la sclérose chronique.
II y a donc bien là un phénomène propre à la parasyphflis, c’est
pourquoi on est en droit de le retenir comme caractérístique.
Que I’on admette ou non lé départ tel que nous le proposons entre
syphilis et parasyphilis, ainsi comprise la question des rapports de
l’aliénation mentale avec la parasyphilis reste entière, le moment
précis où elle se pose restant réservé.
Or ici les mémes problèmes se posent que l’on rencontre à
propòs de la syphilis, et de ses atteintes précoces ou tardives sur les
enveloppes méningées.
Les mémes psychoses peuvent éclore sur terrain syphilitique et
parasyphilitique, confusions mentales, états paranoldes, états dé-
mentiels précoces, paraphrénies, délires systématisés, ont été décríts
dans la parasyphilis comme dans la syphilis proprement dite et au-
(1) Une eyphilisation expérimentale obtenue récemment par injection au
teeticule d’un lapin du sang d’un de nos P. G. le prouve (note à l'Académie
dee Sdences, 9 novembre 1913, Roux et Levaditi).
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UNIVERSÍTY OF MICHtGAN
476
RBVUE DB PSYCHIÁTRIB
cune caractéristique clinique n’a pu ètre dégagée en dehors des
signes physiques et objeciifs de la syphilis ou parasyphilis en acti-
vité d’infection centrale; pour la parasyphilis, les signes physiques
s’enrichissent des troubles oculo-pupillaires du signe d'Argyll, des
troubles d’articulations verbales, mais avant tout et surtout des
lombo-réactions positives coincidant avec un déficit psychique en
rapport avec l’étendue des cicatrices scléreuses diffuses déjà réali-
sées.
Westphal, Magnan, Pierret, Nageotte, Rougier, Philippe, Dieu-
lafoy, Cassirer, Schultze, Decroly, Briand, Gruet, Moebius, Jallet,
Claude, Meyer, Ziehen, Leyden, Goldscheider ont décrit ces diverses
formes d’aliénations mentales coincidant avec la parasyphilis
méningo-encéphalique médullaire ou cérébrale et cérébro-spinale
isolées ou combinées.
Tabès, P. G. et P. G. tabès se combinent effectivement entre eux
et avec tous les états psychopathiques, carla syphilis, pas plus que
ses conséquences ultimes, ne saurait mettre à Pabri ses victimea
d’aucune forme d’aliénation mentale.
En résumé, le problème de la nature et de Pétiologie desaliéna-
tions mentales dites parasyphilitiques nous parait désormais tranché
avec celui de la parasyphilis elle-méme.
Si Pon conserve ce vocable, il faut le compléter par la
notion suivante. La syphilis ancienne aboutit à une sclérose cica-
tricielle périvasculaire combinée souvent à une déchéance psychi-
que et à un épuisement des résistances générales traduit par la
diminution des lipoides du sang (séro-réaction de Wassermann
diminuée). A cet épuisement peut correspondre un renouveau de
virulence centrale réalisant une véritable syphilisation progressive
du tissu nerveux infecté de proche en proche par poussées succes-
sives plus ou moins actives et étendues et plus ou moins fréquentes
(ictus).
Des zones de spirochètes en activité marquent ces poussées qui
fusent généralement auprès mais au delà des cicatrices des foyers
précédemment diffusés puis éteints. A chacune de ces attaques
successives de la surface des centres nerveux, correspondent des
fluctuations et accentuations de la lombo-réaction de Wassermann.
Les lipoides du liquide céphalo-rachidien représentent, non pas
seulement des témoins de la désintégration neurotoxique des neu-
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UNIVERSÍTY OF MICHIGAN
LBS ALIÉNATIONS MENTALBS DITBS PARASYPHILITIQUE8 477
rones, mais aussi de l’activité destructive des tréponèmes en pulk-
lation.
L’importance des biodiagnostics ici prime tellement les caractères
cliniques des états psychopathiques concomitants qu’il serait oiseux
de s’ attarder à en détailler les caractères, superfius pour le diagnostic
comme pour le pronostic.
Trois corollaires découlent des données précédentes, l’une relative
aux pseudo-parasyphilis, la deuxième relative aux conséquences
thérapeutiques, l’autre relative aux hérédo-parasyphilis.
En ce qui conceme les pseudo-parasyphilis, il se confirme que ce ne
sont, comme disait Pierret, que de pseudo-diagnostics. II y a lieu de
réserver l’expression de paralysie générale vraie à la périméningo-
encéphalite à étiologie spécifique bioscopiquement établie (qu’elle
soit ou non associée à d’autres éléments étiologiques combinés).
On peut conserver le terme de parasyphilis pour distinguer la P. G.
où la lombo-réaction l’emporte sur la séro-réaction; cela indique
que le traitement général n’est plus de mise et appelle un traite-
ment direct de l’infection encéphalo-médullaire. On ne saurait con-
server pour la P. G. juvénile ou infantile d’origine sp.écifique héré-
ditaire la dénomination d’hérédo-parasyphilis, il faut la réserver
pour les dégénérés fils de P. G. sans réactions syphilopositives ni
sanguines ni rachidiennes.
Ces cas rentrent dans la catégorie des dégénérescences expéri-
mentales de Charrin (atrophie cérébrale des portées d’animaux
dont les mères ont été expérimentativement lésées dans leurs or-
ganes cérébraux pendant la gestation). II y aurait donc des débiles
congénitaux issus de P. G. sans transmission des germes de la syphi-
lis mais avec insuffisance cérébrale et psychique par suite des encé-
phalites acquises des procréateurs.
En présence d’un délirant quelconque avec ou sans déchéances
démentielles combinées par cicatrices méningo-encéphaliques plus
ou moins étendues, il faut donc avant tout vérifier l’état des réac-
tions sanguines et céphalo-rachidiennes comparées; s’ily a syphilis
générale, on appliquera les traitements énergiques complets par les
voies ordinaires (cutanées, gastriques, sanguines, etc.).S’iIy asyphi-
lis attestée à la fois par le sérum et les liquides centraux.on devra
combiner le traitement général aux traitements. cérébro-spinaux
directs.
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478 RBVUB DB P8TCHU.TR IE
S’il y a réaction centrale dominante, un traitement cantral dinct
sera plus particulièrement indiqué (ce traitement subdural et intra*
rachidien reste à étudier et à déterminer dans ses méthodes et appli-
cations) (1).
(1) Mott, Swift et Moore, G. Robertson, Jisher de Knigston, Sicsrd, Ravaut,
L vaditi et nous-mémes, ont comme Bechterew et Poussep, tenlé des ínstilla-
tions intrarachidiennes sur lesquelles nous reviendrons.
NOUVELLES
Personnel médlcal des aalles. — M. Bain, médecin directeur
de rasile public d’aliénés de la Roche-Gandon, promu à la première
classe.
M. Dide, directeur-médecin de l’asile public d'aliénés de Braque-
ville, promu à la deuxième classe.
M. BoiDARD,médecin-adjoint de l’asile public d’aliénés de Breuty,
promu à la deuxième classe.
M. Brissot, médecin-adjolnt de l’asile publie d’aliénés de Sainte-
Catherine, promu à la deuxième ciasse.
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UMIVERSITY OF MIC IIGAN
REVUE DE8 SOCIÉTÉS
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 27 octobre 1913.
Une commission composée de MM. Arnaud, Ballet, Briend, Colin,
Fillassier, Marchand et Vallon est chargée d’étudier le texte de la
nouvelle loi des aliénés, qui sera discuté au Sénat, dans le but que
les observations de la Société médico-psychologique puissent ètre
connues au moment de la discussion.
A ce propos, M. Fillassier fait remarquer qu’un contre-projet a
été déposé devant la commission sénatoriale depuis la distribution
du rapport de M. Strauss, et que, par suite, le texte proposé par
M. Strauss ne peut pas ètre considéré, dès à présent, comme étant
celui qui sera discuté au Sénat.
MM. Libert et Demay étudient le délire de jalousie, au point de
vue de sa valeur séméiologique. Ayant rapidement passé en revue
les délires de jalousie symptomatiques, dans l’alcoolisme, dans la
démence sénile au début, dans la folie intermittente, ils insistent
davantage sur un délire de jalousie essentiel, dans lequel les idées
morbides de jalousie ne s’accompagnent pas d’autres idées délirantes
et qui serait une variété de délire d’interprétation. Les hallucinations,
en effet, ne jouent dans la systématisation des délires, de jalousie,
qu’un rèle tout à fait accessoire.
M. Trénel aurait désiré que les auteurs tinssent compte des états
très fréquents dans lesquels les jaloux sont, non des interprétateurs,
mais des obsédés.
M. Vigouroux croit que, dans les interprétations chroniques, et
en particulier dans l’alcoolistne, les idées de jalousie résultent de l’in-
terprétation de troubles de la ccenesthésie trahissant la diminution
de la puissance génitale et du plaisir sexuel, l’alcoolique accusant
alors ea femme d’indifférence et de trahison.
M. Briand insiste après M. Trénel sur l’obsession jalouse, mais
M. Dupouy rappelle par contre un exemple dans lequel les interpréta-
tions ont été nombreuses et faciles à mettre en relief.
M. Demay répond à ces observations que M. Libert et lui, ayant
désiré faire l’étude d’ensemble de la valeur séméiologique de l’idée
de jalousie, ne se sont préoccupés que du délire et non de l’obsession,et
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480
REVUE DE P6YCHIÀTRIE
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que, d’autre part, ils ont tenu à bien mettre en relief le ròle de l’élé-
ment interprétatif dans la plupart des cas où il ne s’agit pas d’un
délire de jalousie purement symptomatique.
M. Seglas rapporte, au nom de M. Dubois (de Saujon) et au sien,
l’histoire d’une malade chez laquelle l'anorexie mentalc fut en quelque
sorte le premier symptóme d'une démence précoce dont le diagnostic
a pu ètre affirmé deux ans plus tard.Que deviennent les anorexies
mentales, et, dans une proportion relativement élevée de cas, l’évo-
lution n’est-elle pas semblable à celle qu’a observée M. Dubois?
MM. Delmàs et René Charpentier rapportent à ce sujet des obser-
vations qui semblent s’ètre réellement terminées par la guérison.
M. René Charpentier insiste sur le fait que l’isolement et la psycho-
thérapie doivent continuer, longtemps après la reprise de l’alimenta-
tion spontanée, le traitement de l’anorexie mentale.
Sur trois malades qui ont été adressées à M. Roger Dupouy comme
étant atteintes d’anorexie mentale, deux ont guéri. La troisième
était une démente précoce négativiste.
P. Juquelier.
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REVUE DES PÉRIODIQUES
AMÉRIQUE
The Journal of nervous and menlal Disease , Mars 1912.
Chorée aigué et troubles mentaux, par A. R. Dietendorf.—
On peut dire que la majorité des cas de cliorée s’accompagnent de
troubles mentaux légers. Marcé, en 1860, remarquaitque2/3 des cas
présentaient des troubles mentaux. En 1900, Brower donne la mème
proportion; Ressell trouvedes troubles mentaux dans 38 cas sur 99;
Koch, 110, sur 267 cas.
On peut étudier les troubles mentaux sous deux chefs : a) troubles
mentaux légers; b) psychoses choréiques.
A. Troubles menlaux légers : ce sont les cas les plus fréquents. Les
malades, parfois avant Tapparition des mouvements choréiques,
mais plus souvent après, présentent une irritabilité émotionnelle
marquée et croissante; ils deviennent chagrins, bourrus, mécontents,
et d’une humeur changeante, difficiles à diriger, agités. Lesjeunes
sujets ne veulent plus rester au lit, causent à haute voix ou gardent
unmutisme obstiné, fondenten larmes, déchirentleurs livres, brisent
leurs jouets. A còtédeces troublesémotionnels,onremarquedes trou-
bles de Tattention (calcul, conversation). L’intelligence n’est pas
touchée, la mémoire est intacte, il n’existe pas d’hallucinations ni
d’illusions. Lespetits maladesontsouventdesrèvesetdesfrayeursnoc-
turnes;les symptòmes évoluent parallèlement avec les mouvements
choréiques, mais peuvent persister après leur disparition. lls sont alors
le début d’une psychose plus marquée.
B. Psychoses choréiques . Elles sont très rares. Viedenz en a observé
5 cas sur 3.073 cas de chorée; Kirby, 1 sur 1.200; l’auteur, 3 sur 5.000 cas.
«. Le type le plus fréquent de psychoses choriques consiste dans
des délires analogues aux délires toxiques infectieux : confusion avec
inconscience, désorientations, hallucinations, iliusions, troubles de
rattention.
Au point de vue émotionnel, le malade est tantòt très gai, tantòt
anxieux.
Cet état aigu ne dure que quelques jours.
P. Parfois le malade tombe dans lastupeur. Cet état stuporeux est
en général Pindice d’une chorée grave avec endocardite et polyar-
thrite dont la terminaison est souvent fatale.
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
482
REVUB DB PSYCHLA.TRIB
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Y. En!in,il íaut considérer un troisième type. Cesontles cas où l’on
voit des psychoses se compliquer de mouvements choréiques.
Quelques-uns de ces cas sont des cas nets de démence précoce
(chorée des dégénérés avec tendance à la démence, de Burr). L’auteur
a observé deux cas d’hébéphrénie compliquée de mouvements choréi-
ques. II rapporte également une observation de psychose maniaque
dépressive compliquée de mouvements choréiques.
11 prend soin de distinguer les cas de chorée épisodiques des mou-
vements choréiformes symptomatiques de la P. G. ou des lésions céré-
brales en foyer (hémiplégie).
En résumé, troubles moteurs et troubles mentaux sont ies manifes-
tations de la mème maladie. Ils sont plus ou moins accentués et Tin-
tensité des troubles mentaux dépend de la prédisposltion psychique
individuelle.
Un certain nombre d’observations personnelles illustrent les diffé-
rents paragraphes de ce travail.
ld. f Ddcembre 1912.
Démence précoce, par H. Douglas Singer. — L’auteur rapporte
longuementrhistoiredelaconceptionclinique de la démence précoceet
expose les différentes pathogénies que Ton en a proposées : anato-
mique, toxi-infectieuse, psychologique. A propos des facteurs psycbo-
logiques, l’auteur insiste sur I’importance des troubles apportés
dans le psychisme par les préoccupations d’ordre sexuel. L’instinct
de reproduction, dit-il, est le plus puissant de tous les instincts et il
retentit considérablement sur l’affectivité. Cet instinct de reproduc-
tion est souvent contrarió dans ses manifestations par l’ignorance (qui
n’est pas et ne peut étre l’innocence), par la fausse connaissance rèsul-
tant de la curiosité ou d’expériences accidenteUes et surtout par la
pruderie et’ l’hypocrisie, qui sont la conséquence de « notre organisè-
tion sociale soi-disant morale >. Ces difficultés entrainent des habi-
tudes de pensée et d’action déplorables; l’individu s’efforQant de rem-
placer les désirs défendus par la substitution de préoccupations qui
leur donnent l’apparence de l’innocence. 11 en résulte un état de tension
psychique, des rèves diurnes fantasques, qui en arrivent à occuper
l’esprit tout entier du malade. Ces rèves sont d’autant plus dangereux
qu’ils restent inexprimés et ne peuvent donc ètre corrigés. L’auteur,
avec Meyer, voit là l’origine de certains phónomènes de « barrage *
(blocking) qui sont fréquents dans la démence précoce et nous voici
arrivés à la théorie de Frend. Les données semblent d’autant plus
importantes à l’auteur, qu’il en déduit une prophylaxie de la démence
précoce. 11 préconise pour le jeune homme une vie toute d’action,
d’où sont éloignées soigneusement Ies réveries abstraites, et une édu-
cation sexuelle rationnelle. L’homme de science et le moraliste voi-
sinent toujours en Amérique.
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
RBWB DBS PńMODigUBS
483
Id. t Février 1918.
Ex«m«n dea glandes à séerétlott lnterne dans hult cas ds
démencs précoce, par F. X. Dercum st A. G. Ellis. — Les auteurs
ont étudlé les thyroldes, les parathyroldes, les hypophyses et les
capsules surrénales de huit déments précoces et ont obtenu les
résultats sulvants :
Thyroides. — Les variations de poids sont considérables: 16 gralns,
1, (1), 17,6, 11,5, 14,5, 8,5, 18,6. Microscopiquement, le contenu
colloide était normal sauf dans trois cas. Dans deux de ceux-ci, la
quantité en était diminuée, dans un autre il réagissait indifféremment
aux réactifs colorants. Dans quatre cas, les cellules épithéliales bordant
les acini étaient diminuées de nombre, peu colorées, ou présentaient
de contours irréguliers dus & des lésions de désintégration. Dans
quatre cas, U y avait augmentation du tissu conjonctif, soit uniforme,
soit diffuse. Pas d’altératíon vasculaire.
HypophtjBes. — Les poids étaient sensiblement normaux. Dans le
lobe antérieur, les ceUules éosinophUes, ótaient nombreuses dans
cinq cas, modérément nombreuses dans deux, rares dans un. La
substance collolde, aussi bien dans les acini que dans les canaux des
deux Iobes, est rares. 11 y a augmentation locale du tissu conjonctif
dans une glande. Les ceUules hyalines dans le lobe postérieur sont
peu nombreuses dans cinq cas, modérément nombreuses dans deux
cas, très nombreuses dans un cas.
Surrénales. —Variatlons de poids considérables; dans cinq cas, eUes
étaient d'un poids excessifjdans deux cas, presque normales; dans un
cas, au-dessous de la normale. Dans sept cas, U existait peu ou pas de
vacuoles dans les oeUules de la gloméruleuse et de la fasciculée. Dans
trois cas, les ceUules de la gloméruleuse, de la fascicuiée et de la réti-
culaire présentaient des Iésions dégénératives : cytoplasme très
granuleux, contours indistincts des cellules par désintégration par-
tieUe.Dansdeuxcas,les capUlaires delagloméruleuseétaientdistendus.
Dans deux cas, les cellules de la réticulée contenaient du pigment
mais en petite quantité. Dans la substance médullaire, il n’y avait
aucune cellule chromaffine. Danssixdes cas, les cellules de la substance
médullalre étaient très granuleuses. Les contours en étaient mal
définis ou fragmentés. Une certaine augmentation du tissu conjonctif
existait dans la substance médullaire de deux cas et dans la glomé-
ruleuse et la fasciculée de l'un de ces deux cas.
Parathyroides .— Elles furent examinées dans cinq cas. Dans deux,
U y avait une infUtration graisseuse. Les ceUules éosinophUes étaient
peu ou modérément nombreuses. Dans deux autres cas, U existait
une petite coUection coUoìde.
II faut ajouter à ces constatations que sept malades présentaient
(1) Le grain angleis correspond à 6 oentigrammes 1 /2.
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UMIVERSITY OF MICHIGAN
484
RBVUB DB PSYCHIÀTRIB
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de la tuberculose pulmonaire avancée. Le 8 6 était atteint de périto-
nite tuberculeuse, et ceci complique un peu l’interprétation de lésions
trouvées à l’autopsie. Les auteurs sont prudents dans leurs conclu-
sions. Ils croient néanmoins pouvoir affirmer qu’il existe des lésions
de glandes à sécrétion interne dans la démence précoce. Quant à la
relation qui 'existe entre ces lésions et les troubles mentaux, il faut
attendre de nouveiies recherches pour se prononcer.
René Bessière.
BELGIQUE
Bullelin de la Sociéié de Médecine menlale de Belgique, juin 1913.
La séquestration des aliénés à domicile, par V. Deroitte.
— La Hollande a déjà pris des mesures à cet égard. La séquestration
à domicile y existe depuis fort longtemps, et est réglementée depuis
1854, époque à laquelle elle fut placée sous la surveillance de 1’EtaL
Entre autresmesures destinés à sauvegarder la liberté des citoyens,les
arrétés de séquestration, pris par les bourgmestres, doivent ètre
transmis, après deux fois vingt-quatre heures, à partir du moment
de l’entrée en vigueur.
C’est là un excellent moyen d’empècher les abus, car la séquestra-
tion des aliénés peut devenir une mesure dangereuse ; il importe que
la liberté des citoyens soit toujours à l’abri de toute tentative intéres-
sée, quelque rare que puisse ètre une telle éventualité.
La séquestration des aliénés à domicile, effectuée avec discemement
et d’une fagon uniforme dans tout un pays,doit également devenir un
mode de traitement médical, un moyen de relèvement, chaque fois
que c’est possible, en mème temps que de préservation sociale. Elle
ne doit ètre décrétée que dans l’intérèt du malade et de la société, á
laquelle incombe le devoir de le soigner et de f empècher de nuire
soit à lui-mème, soit à autrui.
J. Crinon.
Le Gèrant : O. DOIN.
PARIS. — IMPRIMERIB LKVB, 71 , RUB DB RBNNBR.
Goi igle
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UNIVERSETY OF MICHtGAlM
ESSAI DE TRAITEMENT DES PSYCHOSES AIGUÈS
PAR LE BROMURE DE RADIUM
ET PAR DES SÉRUMS RADIOACTIFS
Par MM. Dominici, L. Márchánd, Chéron et le prof. G. Petit.
L’observation journalière montre que les psychoses aiguès sont
généralement dues à une intoxication ou une toxi-infection, que
leur guérison correspond toujours à une modification de la nutri-
tion générale. L’apparition d’une maladie infectieuse, d’un abcès,
d’une furonculose, etc., a été fréquemment d’un heureux effet sur
l’évolution de ces maladies. Partant de cette idée que Pintroduction
dans I’organisme d’une certaine quantité de sérum organique hété-
rogène pouvait amener une modification de la nutrition, que
le radium, dont les applications thérapeutiques ne sont encore
qu’à leur début, pourrait lui ètre adjointpour renforcer son action
et agir directement sur les cellules nerveuses lésées ou sur les
toxines circulant dans le sang, nous avons entrepris les expé-
rences suivantes dont les résultats sont très encourageants. Nous
avons utilisé en injections hypodermiques :
1° Le sérum simple de cheval;
2° Le sérum simple de cheval radioactivé par I’adjonction de
2 millièmes de milligramme de bromure de radium pour 10 centi-
mètres cubes de sérum;
3° Le sérum d’un cheval ayant été soumis préalablement à des
injections intraveineuses de sulfate de radium [sérum radioactivé
in oivo (1)];
(I) Ce procédé est basé sur lcs recherches de Dominici et Faure-Beaulieu,
qui ont démontré la persistance extraordinairement prolongée du sulfate de
radium dans l’organisme des animaux puisque le radium peut y étre décelé
plus d’un an encore après rinjection. (Dominici et Faure-Beaulieu. « De
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4° Le sérum radioactivé in vivo et in vitro par radjonction de
deux millièmes de milligramme debromure de radium pour 10 cen-
timètres cubes de sérum;
5° Le bromure de radium en solution isotonique à la dose jour-
nalière de 2 millièmes de milligramme.
Ces recherches ont été faites dans le service du D r Marchand,
à la Maison Nationale de Charenton (1).
Voici nos observations :
1° Observations des malades traitées
par le sérnm simple de cheval.
Des sept malades qui font Tobjet des observations suivantes,
les trois premières n’ont retiré aucun bénéfice du traitement. Chez
deux, Taction du traitement est douteuse; chez les deux demières, il
semble avoir eU un effet favorable.
Obs. I. — M m ® C..., àgéede 47 ans, entre à la maisonNationale le
26 mars 1912. Une sceur est atteinte de tabes et a présenté des accès
mélancoliques.
L’affection a débuté, il y a un an, par des maux detèteet une crise
de mysticisme; le langage est devenu incohérent, des hallucinaUons
auditives sont apparues. Internée d’abord dans une maison de santé
particulière, C... présente des crises d’excitation altemant avec des
périodes de dépression, des illusions de fausse reconnaissance. Elle
est transféréeà Saint-Maurice, un an après le début des troubles men-
taux. Comrae symptòmes, on relève des troubles profonds de la mé-
moire dont la maladea conscience; elle ignore le jour, le mois. ì’an-
née. Proposincohórents; hallucinations auditives, illusions, agitation,
ton émotif gai. Les mois suivants, cet état alterne avec des périodes
d’agitation anxieuse. C... présente alors le syndrome de ia confus ori
mentale avec idées mélancoliques, interprétations fausses, illusions
de fausse reconnaissance.
Trois mois après son entrée, nous commenQons le traitement par
l’arrét et du séjour prolongé du sulfate de radium dans les tissus vivants ».
Note présentée par M. Boucliard à TAcadémie des Sciences le 1S mai 190?.)
Ces résultats orit. étà connrinés dans le Service de l’un de nous (Pro/. Petit)
par l’injection intraveineuse de sulfate de radium au cheval. (Donhnici, Petit
et Jaboin. « Radioactivilé permanente de l’organisme consécutiveà l’injectiori
de sulfate de radiuin ». Note présentée par M. Bouchard à l’Acadénjie des
Sciences, séance du 7 mars 1910.)
(1) Les sérums dont nous nous sommes servis étaient préparés à l’Ecole
d’Alfort.
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le sórum de cheval. C... recoit onze injections de 20 c.c. de s nim
faites tous les quatre jours. Les injections déterminent une légère
élèvation de température avec érythème local nu niveau des injec-
tions. On ne note aucune amélioration pendant ou après le traite-
ment.
Obs. II. — M lle D.... ágéc dc 27 ans, est atteinte dedémence pré-
coce. Sa mère a été attcinte dc cìépression mélancolique. Un frère
très original, un oncle paternel alteint de démence sénile. ntécédents
personnels très chargós ; convulsions à l’fige de 8 mois. A I i ans,
accès nocturne avec convulsions, urination involontaire, amnésie con-
sécutive. A 11 ans et demi, au moment de la première communion,
idèes mvstiqucs. A 15 ans, accès dc dépression mélancolique qui ne
dure que quclques mois. N 19 ans, troubles du caractère; D... prend
dcs attitudes stéréotypées avec mutismc, indiffércnce émotionnellr.
Un an après, ellc cst améliorée et reprend scs occupations dans une
rnaison dc commercc. A21 ans,nouvcl accès ; elle refuse de descendre
de sa chambre, s’habille. se dèshabillc sans cesse, ne montrc aucune
affection à ses parents, refuse dc manger ; idóes d’empoisonnement;
rires sans motif. Amaigrissement au point que D... ne pèse plus que
30 kilos. Ellc rcste des périodes de «iix à •muzi: jours consécutifs
sans fairc de mouvements ou prend dcs attitudes bizarres. Get état
persistc snns changcment pcndant trois ans, puis la lucidité reparaìt
peu à peu. La malade parait rnòmc complètement guéric. Elle ne
manifeste aucun affaiblisscmcnt intellectuel, entre dans une maison
de commerce et apprend la sténographie et la dactylographie. Réap-
parition des troublcs mentaux à l’àge de27 ans. Maux detètefréquents,
accès de tristesse. Unsoir, sa mère la trouve immobile sur une chaise,
nc parlarit pas ; rcfus complet des alimcnts. Accès d’agitation au
cours desquels elle brise le mobilier, cc qui nécessitc son interncment.
A son cntrèe à l’asile, on conslate cliez la maladc lcs symptómes de la
démence précoce : facics hébété, gestes stéréotypés, m niérisme,
négativisme, agitation automatique, gàtisme.
Cette maladc recoit 23 injections de 13 ccntimètres cubes de sérum
de cheval. T.cs injcctions sont faites tous les quatre jours etne s’accom-
pagnent d’aucune réaction sérique. Onnc constate aucune amélioration
dans l’état de la malade.
Obs. III. — M B0 T..., àgée de 59 ans, est atteintc depuis l’áge de
54 ans de mélancolie périodique qui a déterminé qualre interneinents.
Père alcoolique et rriort alicné ; mère morte alièiice. Lc quatrième accès
a dcbuté comme les précèdents sans aucune cause apprcciable. Le
certificat d’entrèe porte : « Mélancolie avcc idèes hypochondriaques,
idées d’auto-accusation, idées de suicide, remords . La rnaladc recoit,
le 3 avril 1911, 20 centimètres cuhes de scrum dc chcval et dans
la suite 10 centimctres cubes tous lcs quatrc jours. T... rccoit
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REVUE DE PSYCHATRIE
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ainsi 20 injections qui ne déterminent aucune amélioration.
T... est sortie guérie de son accès mélancolique quelques mois plus
tard, mais on n’a pu constater aucun parallélisme entre le traitement
et la guérison.
Obs. IV. — M me G..., agèe de 28 ans, est atteinte depuis quinze
jours de confusion mentale agitée. Aucun antécódent héréditaire.
Rhinite avec ozòne depuis plusicurs années. A son entrée à l’asile, on
note une violente agitation avec idéesmystiquesetérotiques,logorrh e,
propos incoliérents, gàtisme. < ‘ncommence, deuxjoursaprèssonentrée,
le traitement par les injections de s rum de cheval. La malade re$oit
tous les quatre jours une injection sous-cutanéc de 20 centimctres
cubes. On lui fait ainsi 34 injections. Pas de réactions sériques. L’état
mental s’améliore un mois après ìe début du traitement, l’agitatioiì
disparaissant la première. La confusion des idées ne disparaìt que très
lentement; la malade n’est complètement guérie que cinq mois apres
le début du traitement.
Obs. V. — M me R..., àgée de 46 ans, est atteinte de coníusion men-
tale avec hallucinations auditives, olfactives ; troubles de la sensibilité
générale, agitation. Hèréditò cliargée; mcre morte aliénée; un íils
est atteint de paralysie infantile, un autre est mort de méningite. Les
troubles actuels ontdóbuté ily a quinzejoursenviron.R...nietout excès
alcoolique. Elle regoit tous les cinq jours 20 centimètres cubes de
s rum de cheval. Légère élévation thermique et rougeur au niveau de
lapiqùre aprèsla3 e injection. La malade ne re^oit que quatre injections.
L’état mental s’améliore rapidement et la malade sort guérie deux
mois plus tard.
Obs. VI. — M mc G..., àgée de 40 ans, sans antécédents familiaux
connus. Chorée à l’àge de 13 ans. Rliumatisme articulaire aigu à
24 ans ; fièvre typhoide à 25 ans. Grippe en janvier 1911, compliquée
d’otite légère. Dépression consécutive aboutissant à un état mélan-
coiiqueavecconscience; idéeset tentatives de suicidequi déterminen
rinternemenl (juin 1911). La malade regoit. Iel3juin,20 centimètres
cubes de sèrum de cheval en injection sous-cutanée. ISouvclles injec-
tions de 10 centimètrcs cubes les 12 juin, 21 juin,25 et 29 juin. Ace
moment, réaclions sériques caractèrisées par de l’élóvation de Ia
température, un érythème prurigineux au niveau de l’injection,
douleurs rhumato'ides. Les accidents sont complètement disparus
lel5 juillet. Dès ce mornent,on constate une amélioration notablede
l’état mental. Nouvelle injectionde 18 centimètrescubes iel7juillet.
suivie le soir mème d’une lègère élévation de teinpérature sans
réaetion locale. I ne septièine etdernière injectione- íaiteIe21 juillet
avec mèines plicuomònes thermiques. L’amélioration s’accentue.
Pcndant loutc la durée du traitement, G... a été réglée régulièrernent.
Rien d’anorinal dans le urines. Le poids ducorps, quiétait priiniti-
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ESSAI DE TRAITEMENT f>ES PSYCHOSES AIGUES
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vement de 56 kilos, s’est élevé progressivement pour atteindre 58k. 900
le l er aoftt. La malade est sortie guérie le 31 aoùt 1911.
Obs. VII. —M me P. R..., agée de 55 ans, est atteinte d’obsessions
diverses, mais surtout d’obsession à J’homicide et au suicide. Pas
d’hérédité; P. R... a un fils atteint de démence précoce. Premier
accès mental il y a s < ans, à la suitedel’émotion causée par la mala-
die de son fils et le su menage qu’elle s’est infligé p>our le soigner.
L’affection actuelle a débuté il y a deux mois. L’idée lui est venue
subitement de se jeter par la fenètre ou d’étrangler son mari. Elle
demande continuellemerit qu’on lui mette la camisole parce qu’elle a
peur« de faire du mal aux infirmières, de leur serrer le cou ». La malade
re^oit 20 centimètres cubes de sérum le 2 juillet 1912 et une autre 1<*
6 juillet. Le lendemain, la températures’élòve et les rèactionssériques
apparaissent. Erythème au niveau dc la derniòrc injection, douleurs
rhumab’i ’es dansles genoux,les jarrets, les poignets. Les accidents s -
rií{u s ne disparaissent que le 23 juillet. Après cette «maladie du sé-
rum», P.R... cst trèsaméliorée et quittel’ótablissement le28 juillet 1912.
Ainsi nous avons traitè sept malodes par le sérum de cheval
siinple. Les trois malades qui n’ont présenlé aucune amélioration
étaient atteintes de confusion mentale chronique (obs. I), de démence
précoce (obs. II), de mélancolie pèriodique (obs. III). Quatre ont
guéri; cliezdeux de ces malades,il n’y eut pas un rapport ètroit entre
le traitement et la guérison; elles étaient atteintes l’une de mèlanco-
lie aiguè (obs. IV), l’autre de confusion mentalc agitée (obs. V).
Chez une malade atteintc de mèlancolie aiguè (obs. VI) et une autre
atteinte d’obsession à l’homicide et au suicide (olis. VII), le traite-
ment parut avoir une action houreuse. 11 y cut chez ces deux
dernières malades des rèactions scriques prononcèes (élévatioii de
la température, douleurs rhumatoides, èrythème) qui ont certai-
nement amené une inodification de la nutiition gènèrale et qui ont
pu jouer un ròle important dans la terminnison rapidc de raffeefion
mentale. La malade de l’obs. VII n’a pu reeevoir que deux injec-
tions à cause de l’apparifion de rèactions sériqucs intenses.
2° Observation des malades traitées
par le sérum de cheval radioactivé in vitro
Nous avons traité avec cc sèrum trois malndes alteintes, la pre-
mière de démence prècoce, ìes deux autres de confusion mentale
avec symptòmes catatoniques. »
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Obs. VIII. — M me M... ? égée de 28 ans, sans tares héréditaires
connues, est atteinte de stupeur mélancolique avec idées de suicide.
L’affection a débuté il y a dix-Yiì t mois et les symptòrnes sont sur-
venus progressivement; idées d’indignité et de culpabilité; tentatives
réitérées de suicide. A ces symptòmes se surajout rent bientòt un état
de contracture généralisóe avec rictus, occlusion continue des yeux,
refus cornplet des aliments, gatisme. A ce moment, ie diagnostic de
démence précoce. à forme stupide, est établi. Un an après son entréeà
Tasile, nous commengons le traitement par le sérumdecheval radioac-
tivé. Ilseproduitdès la sixièmeinjectiondcsréactionssériques (r< ug ur
diffuse au niveau des piqftres, élévation thermique) qui déterminent
la suspension du traitement qui est repris quelques jours plus tard.
La malade regoit 43 injections qui ne déterminent aucune amélioration
dans son état. A la suitc de Lune d’elles, la maladeaprésentédes phéno-
mènes anaphylactiques consistant en un état; sphyxiqueavec cyanose
des extrémités, sueurs profuses, légère élèvation de température consé-
cutive. Ces accidents survenus quelques minutes après l’injection n’ont
eu qu’une courte durée.
Obs. IX. — M ,Ir L..., ògée de 20 ans, a une sc»ur démente précoce,
internée à l’asile de Villejuif. L... a étè atteinte. à I’ágede 14 ans, de
fièvre typhoíde grave suivie d’une pèriode d’hébétude qui dura plu-
sieurs mois. En juillet 1911, violente émotion ; les jours suivants,
perte d’appétit et insomnie. L... est soignèe pendant quelques jours
à la Maison Dubois, puis transfèrée à la Salpètrière, ensuite à la Maison
Nationale, le 29aoùt, avec lecertificat: «Confusion mentaleavecdésor-
dre dans les idées et les acles, incohèrence, manièrisme, troubles de
l’afíectivitè, svmplòmes qui font craindre l’èvolution d’une psvchose
hébéphrènique».La malade présente eneífctlesyndromede la démence
prècoce : air hébétè, attitudes catatoniques, propos incohérents,
èchola ie, syndrome de Ganser, perte des sentiments affectifs et des
sentiments de pudeur, gàtisme. On ne constate les jours suivants
aucun changement.
Le 13 octobre 1912, on commence le traitement par le sérum de
cheval radioactivè. Les premières injcctions sont bien tolérèes; aprèsla
sixième, réactions sòriquesconsistant en une élèvationde lempèrature.
rougeur locale au uiveau des injections, puis éruption au niveau des
articulations. La malade ne recoi chaque jour, pendant cette périod' 1
qui s’ètend du 19au25 octobre. que deux centimètres cubes de sérum.
Le 2G, on recommence les injections quotidiennes de 10 centimètres
cubes sans provoquer de ròactions sèriques.
Le27 novembre, ramélioration est trèsmanifeste.Lamalade a perd -
8on air hèbètè, est plus propre ; les accès de rire sans motif sont en
partie disparus. Les troubles de Ia mémoire, l’incohérerice du langage
p('rsistent encore. A partir de cett e dale on ne pratique plus qu’une
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ESSAI DE TRAITEMENT DES PSYCHOSES AIGUES
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injection de sérum tous les deux jours et on suspend complètement
le traitement le 14 décembre.
Lesjours suivants, Tétat confusionnel ne paralt pluá* suivre la mème
amélioration qu’au moment des injections. Nous reprenons celles-ci
le 22 décembre, tous les deux jours d’abord; puis, comme le traitement
est très bien supporté, tous les jours à partir du 2 janvier. L’amélio-
ration s’accentue nettement, quoique lente. La malade reconnaìt les
personnes de son entourage, comprend les questions, exécute les
mouvements qu’on lui commande. II persiste une fatigabilité céré-
brale rapide ; après plusieurs réponses appropriées, l’attention de-
vient mal soutenue.
Le 2 février, légers phénomènes anaphylactiques après la 86 e injec-
tion. (Juelques minutes après rinjection, L... a présenté dela cyanose
des extrémités et des sueurs profuses; ces accidents n’ont duré que
quelques minutes.
L’amélioration de l’état mental étant maintenant en bonne voie, on
remplace les injections de sórum par un lavement de la méme quantité
de sérum.
La malade est sortie guérie le l er mai.
Obs. X. — M lle B..., Agée de 22 ans, entre à la Maison Nationale le
22janvier 1913. Pasd’antécédentshéréditairespersonnels. Premier accès
confusionnel à 17 ans, terminé par la guérison. L’accès actuel a débuté
brusquement il y a quelques jours. Le certificat d’entrée porte :« Exci-
tation maniaque avec délire polymorphe. Incohérence des propos;
grande volubilité ; gestes désordonnés ». On eonstate chez elle des
idées de persécution, des idées mystiques et des idées de grandeur.
Cetétat persiste sans changement dans la suite. Le 7 juin, B... tombe
brusquement dans un état de stupeur, mutisme absolu, négativisme,
stéréotypie, hypothermie, refus des aliments. Cet état ne présente
aucune modification les jours suivants, sicen’estque la malade con-
sent à s’alimenter normalement. Nous commengons, le29 juin.le trai-
tement par le sérum de cheval radioactivé par l’injection de deux
millièmes de milligramme; nous faisons une première injection de
20 centimètres cubes et les jours suivant*, une injectionde lOcentimè-
tres cubes. Sous l’influence du traitement, la température rectale
qui oscille entre 36° et 36°8, s’élève au-dessus de 37° et quelquefois
à 37°7. Pas de réactions sériques cutanées. Après la 17 e injection, léger
choc anaphylactique consistant en un état syncopal avec asphyxie des
extrémité^; ces troubles n’ont eu qu’une durée de quelques minutes.
Le traitement est ensuite suspendu. La malade est d’ailleurs moins
prostrée, elle répond aux questions par quelques monosyllabes. L’amé-
lioration a suivi une marche très lentement progressive qui n’a abouti
à la guérison qu’en novembre.
Des trois malades traitées par le sérum de cheval radioactivé
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REVUE DE PSYCHIATRIE
in vilro , la première était atteinte de démence précoce, les deux
autres de confusion mentale avec phénomènes catatoniques.
Nous n’avons obtenu aucun résultat dans le premier cas. Chez les
deux autres malades (obs. IX et X),il y eut manifestement un réveil
de Tactivité mentale sous Tinfluence des injections. L’amólioration
a été lentement progressive et aboutit à une guérison complète.
3» Observations des mai&des traitées
par le sérum radioactivé in vivo.
Quatre malades ont été traitées; une seule semble avoir étéamé-
liorée par le traitement.
Obs. XI. — II s’agit de la malade D... atteinte de démence précoce,
qui fait l’objet de l’observation II et qui avait été traitée par le s :um
simple de cheval. Le traitement par le sérum radioactivé n’a pas
donné plus de résultat. Cette malade a regu 60 injections quotidiennes
de 10 centimètres cubes sans présenter aucun accident sérique ou
autres, mais sans amélioration de son état mental.
Obs. XII. — M lle S..., ágée de 38 ans,est atteintede confusion men-
tale avec idées mélancoliques et idées de suicide.
Aucun antécédent névropathique. Le début de I’affection remonte
à trois mois quand on commence le traitement par Ie st'rum radio-
activé. Injection quotidienne de 10 centimètres cubes de s» rum. La
malade re^oit neuf injections et on est obligé de suspcndre !e traite-
ment pour des raisons qui ne dépendent pas denotrevolonté. Aucune
nmélioration de l’état mental.
Obs. XIII. — M me L..., ágée de 50 ans, entre à la Maison Natio-
nale le 25 janvier 1911. Pas de tares névTOpathiques. Premier accès
mélancolique à I’àge de 25 ans, tcrminé par la guérison. L’affection
;u;tuelle remonte à trois mois. L... préscnte de la dépression mélanco-
lique avec idées de ruine, idées de négation, idées de transformation
rorporclle, idées d’immortalité, idées de grandeurà rebour^. Une injec-
tion de sérum radioactif est faite le 30 juin et on continue les injec-
lions tous les cinq jours. La malade recoit ainsi 32 injections sans pré-
senter aucune réaction srrique, mais sans modification de son état
inental qui revèt actuellement le syndrome de Cotard.
Obs. XIV. — M lle L..., àgée de 35 ans, est atteinte de démence pré-
c )ce depuis dix ans. Tares hérèditaires chargées. Dèbut de l’affection
;;;u' une période de eonfusion dans les idécs avec hallucinations de rouie.
nlèes de persécution, négativisme, rcfus des alimcnls, indifférence
i!:otionnelle. Depuis quelques années, cette malade présente comme
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UN I VER SIT¥-Gf1
ESSAI DE TRAITEMENT DES PSYCHOSES AIGUES
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symptòme dominant de l’incohérence du langage, du négativisme
et des crises d’agitation ; elle a conscience qu’elle ne peut coordonner
ses idées; troubles de rauto-conduction. La mérnoireestbien conservée.
L... recoit 10 centimètres cubes de sérum radioactif le 3 mai 1913.
Les injections sont répétées tous les jours. Après la sixième injection,
accidents sériques consistant en rougeurs diffuscs au niveau des lieux
d’injection, élévation de température, troubles digestifs. Pas d’injec-
tion le 9 mai. Le 10 mai, la température étant descendue, on refait une
injection de 10 centimètres cubes. La température oscille autourde
38°, on constate le lendemain une éruption polymorphe prédominant
au niveau des articulations. Le 14, disparition des réactions sériques.
Nouvelle injection le 16 qui est suivie d’une légère élévation de
température sans autres phénomènes. Le 20, la tempé’ ature est nor-
male; on fait, le 2L uneneuvième et ’ernière injection suivie encore
d’élévation de température.
L’état mental de cette malade a été manifestcment amélioré par
le traitement, malgré la chronicilé de l’affection. Depuis, le langage
de L... est moins incohérent, la tenue est meilleure ; les périodes d’agi-
tation sont disparues ; la malade est docile.
Le scrum radioactivé in vivo n’a eu sur quatre malades (deux
démences précoces. un dclire de ncgation et une confusion inen-
tale) qu’une action favorablc chcz une des malades (obs. XIV)
atteinte de dcmence prccoce dcpuis dix ans, qui a été manifeste-
ment amèliorée, mais non gucrie.
4° Observations des malades traitées
par le sérum radioactivé in vivo et in vitro.
Les ncuf premières observalions se rapportcnt aux malades qui
ont guèri sous Pinfluence du íiailement. Xous rapportons ensuile
deuxcas qui n’ont subi aucuno modification.
Obs. XV. —M me H..., agèe de 61 ans, entre íi Sa.Mt-Mauricelc23 jan-
vier 1911. Pas d’antécèdents ncvropathiques. L’affection a dèlmté,
il y a quelques jours à la suile d’une violente èmotion. On constate
un état de confusion mentale avec agitation, propos incohérents,
idées dèlirantes polymorpìies ; troubles ataxiques des membres et
troubles de l’équilibre ; par moments, raideurs généralisées pseudo-
tétaniques aboutissant parfois à un ètat catalcjitolde qui dure plu-
sieurs heures. Légère parcsie faciale infèrieure gauche. Le 30 janvier,
prernicre injection de 10 centimètrcs cubes de sérum radioactìvé
et on fait dans la suite une injection tous les dcux jours. Pas d’autre
réaction sérique qu’une légère rougeur au niveau des injections.
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Le 9 février, la malade commence à sortir de sa torpeur et comprend
ce qu’on lui dit. Elle ne peut pas parler ; les mouvements des mem-
bres supérieurs sont mal coordonnés. On ne fait plus ensuite qu’une
injection tous Ies quatre jours. La lucidité persiste les jours sui-
vants, la malade fait signe qu’elle ne peut pas parler. Ebauche de
catatonie; les mouvements commandés s’exécutent avec lenteur.
Le 22 février, la malade peut dire quelques mots en scandant les
syllabes. Amnésie des faits qui viennent d’avoir lieu. Les troubles
at ixiques des membres persistent encore. Le 23 février, on fait à la
malade une neuvième et dernière injection. Les jours suìvants, l état
mental est tel qu’on peut considérer la malade comme guérie. Les
troubles physiques persistent encore quelque temps, puis s’atténuent
lentement. La malade quitte la maison de santé le 26 mars.
Obs. XVI. — M me G...,ńgée de 25 ans, sans antécédents névropa-
tiques, entre le 16 avril 1911 à la Maison Nationale. Elle est atteinte
de confusion mentale aiguè avec agitation, propos incohérenta,
illusions de fausse reconnaissance, gàtisme.
Dès le premier jour de son entrée, on fait une injection de 20 centi-
mètres cubes de sérum radioactivé et on continue les injections à la
dose de 10 centimètres cubes tous les quatre jours. Dès la huitième
injection, l’agitation disparait. La confusion des idées persiste
encore quelque temps puis s’efface. Le 9 juin, on fait la quatorzième
et dernière injection. Aucune réaction sérique. La malade quitte
rétablissement quelques jours plus tard.
Obs. XVII. — M me M... entre à la Maison Nationale le 31 décembre
1910. Pas d’antécédents névropathiques. A 18 ans, première crise
mentale caractérisée par des troubles du caractère sans délire. L’af-
fection actuelle a débuté en aoùt dernier, après la mort de son mari.
M...croyaitque son mari avait été empoisonné, que ses enfants allaient
mourir, croyait revoir son mari. Ces troubles délirants et hallucinatoires
disparaissent, mais la malade reste indifférente, ne s’occupe plus de
son ménage, de ses enfants. Depuis quelques jours, agitation violente
avec confusion dans les idées, propos incohérents,désorientation com-
plète, refus des aliments. Durant les jours qui suivent son admission.
on ne constate aucune amélioration. M... est alimentée à la sonde,v*o-
mit les aliments qu’on lui donne, présente un état général inquiétant
qui laisse craindre l’apparition d’un délire aigu. Le 10 janvier 1911.
première injection de 20 centimètres cubes de sérum radioactivé.
On fait dans la suite une injection de 10 centimètres cubes tous lesdoux
jours; aucune éaction sérique.Dèsle 28 janvier, grande amélioration.
La confusion disparaít; amnésie portant sur les faits qui viennent
de se passer. II persiste des troubles du caractère etdeTindifférence
émotionnelle. Le 31 janvier, on fait la dixième et demière injeetion
de sérum. La malade s’améliore très rapidement et quitte la mai
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ESSAI DE TRAITEMENT DES PSYCHOSES AIGUES
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son de santé quelques jours plus tard. Nous avons revu M... le
l er avril, son état mental et physique était normal.
Obs. XVIII. —M me A...,0gée de29 ans,entre à la Maison Nationale,
le 19 mars 1911. Un frère <*sl atteint de démerice précoce. Le début de
l’affection de A... remonte au commencement de 1910. Accouchée en
janvier 1910, A... a allaité son enfant pendant deux mois. Très affai-
blie, elle fut atteinte de tuberculose pulmonaire. Soignée pendant
trois mois dans un sanatorium. Là, l’affection pulmonaire s’améliore
mais les troubles mentaux apparaissent. A... devient nerveuse, a des
scrupules, des craintes imaginaires, de l’insomnie. Peu à peu l’état
mental s’aggrave. Au début de décembre 1910, agitation anxieuse
avec idées mystiques, tentatives réitérées de suicide, reíus des ali-
ments. Placée dans une maison de santé privée, on constate une légère
amélioration; puis des idées de culpabilité, des idées mystiques, l’agi-
tation réapparaissent. Ason entrée à la Maison Nationale, on constate
chez A... de la dépression mélancolique avec idées de persécution,
idées mystiques,de l’agitation. Gestes automatiques, la malade tient
continuellement dans ses bras des rouleaux de papier et les berce com-
me un enfant. Tuberculose en évolution. On fait une première injec-
tion de 10 centimètres cubes de sórum radioactivé le 21 mars.
Les injections sont continuées tous les quatre jours. On fait ainsi
dix-sept injections. Après la treizième, seizième et dix-septième
injection, on note quelques réactions sériques consistant enrougeur
locale et oedème au niveau des injections. Pendant toute la durée du
traitement, la température a présenté de6 élévations fréquentes non
en rapport avec les injections, mais avec l’infection tuberculeuse.
Amélioration de l’état mental dès la fin d’avril, amélioration qui pro-
gresse rapidement; le 30 mai la malade ne présente plus aucun trouble
mental. La tuberculose pulmonaire continue à évoluer et s’accom-
pagrie de poussées fébriles.
Obs. XIX. — M me Co..., igée de 55 ans,entre à la Maison Natio-
nale le 9 mars 1911. Une sceur a présenté des troubles mentaux.
C... a déjà été atteinle,il y a quatre ans,de troubles mentaux au cours
desquels elle a tué son beau-frère; ils étaient identiques à ceux qu’elle
présente actuellement. Cet accès s’est terminé par la guérison après
plusieurs mois de traitement. L’accès actuel a débuté il y a cinq jours
par de l’excitation et del’incohérence du langage. II s’agit d’un état de
confusion mentale aiguè avec agitation,propos incohérents,refus d’ali-
ment. Co... regoit le 11 mai une première injection de 20 centimètres
cubes de s'rum radioactivé. Le lendemain, nouvelle injection de
10 centimètres cubes. Le 14 mai, on note quelques réactions sériques
consistant en rougeurs diffuses au niveau des injections et en élé-
vation de la température. Malgró ces phénomènes sériques, on
continue les injections tous les quatre jours.Latempérature redevient
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normale et il ne se produit après chaque injection qu’un léger érythc-
me local. L’amélioration de l’état mental est rapide. L’agitation dis-
paraít. La malade s’alimente dès le sixième jour de traitement. Le
24 mai, il ne persiste plus que de la confusion dans les idées : le lan-
gage n’est plus incohérent.La dernièrc injection a lieu le l er juin. La
malade quitte la Maison de santé le 5 juin. II ne persistait plus chez
elle qu’une légère torpeur cérébrale. Co... est venue nous voir quelques
semaines plus tard ; elle était complètement guérie.
Obs. XX. — M me S..., àgée de 26 ans, entre à laMaison Nationale
le 25 février 1911. Pas de tares hóréditaires. Accouchement normal
le 11 novembre. Début des troubles mentaux dix-huit jours après
l’accouchement. Dèpression avec idées d’humilité, d’indignité.d’inca-
pacité. Tentative de suicide qui nécessite l’internement. On pratique
une première injection de 10 centimètres cubes dc sérum radioactivè
le 20 ’uin; seconde i jec' on le 0 mar snivie de réactions sèriques
consistant en élévation dc la température et une éruption urtica-
rienne au niveau de l’injection. On suspend le‘traitemen< jusqu’à
disparition complète des réactions. Nouvelle injection le 16 mars;
les autres sont pratiquécs tous les cinq jours. La malade recoit
ainsi vingt injections. A partir du l er avril (sixième injection). amé-
lioration sensible de l’état mental. Le 15 mai, les idèes mélanco-
liques sont complètement disparues; S... n’éprouve plus qu’une cer-
taine appi éhension de rentrer dans la vie ordinaire.
Elle quitte la maison de santé à la fin de mai. Nous avons revu la
malade quelques semaines plus tard ; elle était complètement rétablie.
Obs. XXI. — M lle Br..., ágée de 22 ans, entre à la Maison Nationale
le 19 octobre 1910. Pas de tares névropathiques. Rctard du dèvelop-
pement intellectuel et débilité mentale. Dèbut de l’affection au com-
mencement de novembre à la suited’une émotion (mort de sa sceurL
Insomnie et inappétence consécutives; violents maux de tète; on
constate bicntòt des idées de persécution, des idèes de transformnlion
corporelle, de l’incohérence du langage. A son entrée, on conslate
de la eonfusion mentale avcc délire polymorphe et incohérence.
désorientation, illusions multiples, trouhles coenesthésiques. Cet
état se transforme bientòt en torpeur ; attitudes figées, les yeux
restent grands ouverts ; tendance à la catatonie. Br... reste des
heures entières sans parler et sans bouger. On craint une évolution
vers la démence pròcocc. La malade recoit une première injection
de 10 centimètres cubes de sérum radioactivé le 30 janvier et les
autres tous Ies deux jours. Après la troisième injection, c'est-à-dire
le 4 février, réactions sèriques caractérisécs par de l’élévation de lo
ternpèrature, un érythème localisè- nu niveau des injections. Les
jours suivants, l’éruption apparait au niveau des articulatkms
sous la forme d’un érythème polymorphe. Ces phénomènes dispa-
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ESSAI DE TRAITEMENT DES PSYCHOSES AIGUES
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raissent rapidement et la température revient à la normale le 14 fé-
vrier, jour où on recommence les injections de sérum, en les con-
tinuant tous lcs quatre jours. Pendant cctte période de traitement,
la malade cst sortie de sa torpeur et s’est légèrement excitée. Au com-
mencement de mars, on note une grande amélioration de l’état mental.
Br... est moins confuse, l’agitation disparaìt. On fait la neuvième et
dernière injection le 6 mars. Cette injection est suivie de quelques
réactions sériques. La malade s’améliore très rapideraent et quitte
l’établissement à la fin du mois de mars.
Obs. XXII. — M me Y..., agée de 32 ans, entre à la Maison Nationale
le 22 janvier 1911. Pas de tares névropathiques. Y... a toujours été
impressionnable et scrupuleuse. Plusieurs accès de rhumatisme aigu.
Première crise d’obsession en 1906 d’une durée de six mois. L’accès
actuel a débuté en septembre 1910 : obsession au suicide ayant abouti
à de multiples tentatives ; obsession de la mort; elle voit continuel-
lement « en imagination » la mort avec sa faux, comme on la repré-
sente sur les images ; elle voit« en inspiration » des cereueils, des ins-
criptions;obsessiondeneplusaimersa famille,de ne plus avoir la foi.
Cet état entraine des réactions mélancoliques. On commence, le 16 fé-
vrier, la première injecliori de 10 centimòtres cubes de sérum radio-
activé, la seconde le 19. Héactions sòriques caractérisées par un
ér>thòm‘ étendu aux cuisses et aux genoux, puis au niveau des
articulations; pas d’hyperthermie. Pendant cette période, l’anxiété
est plus accusée. Le 26, les phénomènes sériques sont dissipés ; nou-
velle injection de 10 centimòtres cubes suivie encore d’un érythème
léger. Injections les 6, 12 et 16 mars. Amélioration notable de l’état
mental. Nous voulons suspendre les injections, mais la malade les
réclamc en disant qu’elle est encore obsédée par moments par l’idée
de la mort. Y... regoit en tout 24 injections. Guérie, elle quitte la
maison de santé à la fin de juin.
Obs. XXIII. — L..., . gée de 45 ans, entre à la Maison Nationale
le 17 septembre 1913. Pas d’antécédents héréditaires. La malade a
présenté à l’àge de 20 ans une crise mentale présentant les mèmes
symptòmes que la crise actueile, quoique très atténués ; guérison
après quinze mois sans internement. Pas d’autres maladies graves.
Depuis huit mois, nombreux cliagrins et èmotions.
L’affection actuelle a débuté en septembre 1912 ; perte de l’affec-
tivité ; sensations génitales qui sont le point de départ d’idées obsé-
dantes, de scrupules ; puis dòdoublement dc la personnalité. L... a
la sensation qu’elle n’est plus dans son moi d’autrefois, tout est faux
pour elle, sa personnalitò vivante n’est plus. Get état se complique
de crises anxieuses avec idées de suicide qui ont déterminé l’inter-
nement d’abord dans une maison de santé particulière en juin 1913,
puis en septembre à la Maison Nationale avcc le certificat suivant :
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« Psychose anxieuse avec idées d’anxiété, de dépersonnalisation et de
suicide, demande délirante d’ètre mise à mort, troubles pénibìes de
la cénesthésie, phénomène d’opposition,raptus anxieux avec crise et
gémissements. » Quelques jours avant d’entrer à la Maison Nationale,
L...a faitune tentative de suicide ; elle s’est coupé la peau superfi-
ciellement au niveau du poignet gauehe. Nous constations chez eile des
phénomònes de dépersonnalisation ; obsessions interrogatives rnéta-
physiques ; les paroles de la malade sont les suivantes : « Pourquoi suis-
je là? pourquoi parlons-nous? pourquoi des fleurs, pourquoi vivre, etc.»
Eile ne vit que dans le passé et parle d’elle à la troisième p r-on u.
Tout ce qu’eile touche est faux ; elle n’est plus rien ; elle n’a plu& la
sensation de sa tète, de ses pieds, de son corps ; elle ne guérira pas,
elle demande qu’on la tue. C^rises d’anxiété violcnte au cours desquel-
les L... se cogne la tète sur les murs, décliire scs effets, se frappe la
poitrine, s’arrache les cheveux. Pas de troubles de la sensibilité; les
réflexes patellaires sont forts. ^
L... est d’abord soumise à l’alitement avec une potion bromurée.
On lui fait tous les jours une injection de 0,05 d’; rrhén• 1. Aucune
amélioration dans son état. Le 28 scpteinbre, nous faisons une pre-
mière injection de 15 centimòtres cubes de sérum radioactivé.
Les jours suivants, injection de 10 centimètres cubes. Réactions
sérique apròs lasixiòme injection; la température atteint 39° le soir.
rougeurs diffuses au niveau des injections, lóger état gastrique. Nous
n’injectons les jours suivanls que deux centimètres cubes de s rum.
puis cinq centimòtres cubes. Arnélioration de l’état mental dès la
dixième injection. La malade est plus calme, l’anxiété est en partie
disparue. A partir du 10 octobre, la tempòrature étant normale, nous
faisons les injections de 10 centimètres cubes sans autre réaclion
sérique qu’une légère rougeur au niveau des injections. Le 12 octobre
nous faisons la qi inziòme et derniòre injection, L... est en voie de
guérison. Elle quitte la maison de santé le 23 octobre, paraissani
complètement rétablie.
Obs. XXiV. — M lle H..., ògée de 18 ans, entrée à la Maison Natio-
nale le l er aoùt 1913. Pas d’antécédents névropathiques. Le certifi-
cat d’entrée porte ; « Stupeur avec inertie intellectuelle, idées vagues
de persécution, fugues, pleurs et rires sans motifs. » J e début des
accidents remonte à six semaines, mais de[>uis plusieurs mois H...
présentait des troubles du caractère et de l’affectivité. La stupeur s’est
établie progressivement, la malade ayant eu sculement au dèbut quel-
ques idées mystiques. V son entrée à la Maison Nationale,on consUte
chez H... un état de confusion mentale avec inertie ; la malade, bien
orientée, répond lentement aux questions ; si on ne lui parle pas. elle
reste sans faire de mouvements. Pas d’idòes dòlirantes. Tendance
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ESSAI DE TRAITEMENT DES PSYCHOSES AIGUES
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à la catatonie ; indifférence émotionnelle. On commence le 14 septem-
bre une première injection de 20 centimètres cubes de sérum radio-
activé et onfait ensuite tous les jours une injectionde 10 centimètres
cubes. A partir du sixième jour, apparition d’abord d’érythème
local avec légère élévation thermique. Les jours suivants, l’érup-
tion s’étend aux articulations des genoux et des coudes et prend un
aspect polymorphe. On n’injecte le 24 et 25 septembre que deux
centimètres cubes de sérum. La température retombe à la normale et
on continue ensuite chaque jour les injections de 10 centimètres cubes.
Après ces réactions sériques M lle H... paraissait se réveiller de sa tor-
peur; mais dans la suite, malgré le traitement qui fut continué jus-
qu’au 23 octobre,elle retomba dans son demi-mutismc et sa torpeur
intellectuelle et motrice.
Obs. XXV. — M me R..., gée de 34 ans,entre à la Maison Nationaie
le 13 décembre 1911. Tares héréditaires chargées du còté paternel.
R... a toujours été déséquilibrée. Elle est séparée de son mari depuis
dix-huit mois. Elle est atteinte de délire de persécution à base d’inter-
prétation dont le début est difficile à préciser. Depuis le 9 décembre,
elle s’est privée de nourriture ; elle est partie de chez elle, a erré dans
la campagne. C’est alors qu’on l’interne; on constate un état de
confusion mentale aiguè avec hallucinations auditives et visuelles,des
idées de persécution et des troubles de la personnalité. R... sort de son
étatdeconfusion au boutde quelques mois et ledéiirc interprétatif reste
tel qu’il était avant l’apparition de la psychose aiguè. En octobre 1912,
R... tombe brusquement dans un état de stupeur avec catatonie,
négativisme, idées de suicide, refus absolu des aliments, mutisme.
Cet état^persiste sans changement les jours suivants. La malade est
nourrie à la sonde. Le 12 novembre, apparition d’un délire aigu ; la
température s’élève brusquementà39°avec symptòmes typhoidiques;
l’état reste très grave durant une quinzaine de jours. La température
baisse, mais l’état général reste mauvais. Cachexie progressive. Le
mutisme disparaìt et R... émet des idées mélancoliques et des idées
de négation sans affaiblissement intellectuel notable; elle est parfai-
tement orientée dans le temps et l’espace ; symptòmes physiques de la
démence précoce. Cette malade regoit le 24 janvier 1913 une première
injection de 20 centimètres cubes de sérum radioactivé, et les jours
suivants une injection de 10 centimètres cubes. On fait ainsi 54 injec-
tions consécutives. Absence complète de réaction sérique. L’état
physique s’améliore, mais on ne remarque aucun changement dans
l’état mental.
L’observation suivante a trait à une malade atteinte de paralysie
générale,seuletentative que nous ayons faite dans cette affection.
Obs. XXVI. — M llc L..., agée de 47 ans, entre à la Maison Nationale
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le 10 septembre 1910. Ele est atteinte depuis trois ans de paralysie
générale ayant débuté par une attaque apoplectiforme. A partir du
22 mars,la maladc a regu tous les quatre jours une injection de 10 cen-
timòtres cubes de sérum radioactivé. Quelques réactions sériques
consistant en éiévation de la température, érythème au niveau des
injections. La malade regut 23 injections sans modifications de
son état mental et des troubles physiques.
Les plus beaux résultats thérapeutiques ont óté obtenus avec le
sérum radioactivé in vivo et in vitro . Sur 12 malades traitées (deux
mélancolies aiguès, quatre confusions mentales aigués, deux confu-
sions mentales avec catatonie, deux cas d’obsessions, une démence
précoce, une paralysie générale), neuf ont été guéries (obs. XV,
XVI, XVII, XVIII, XIX, XX, XXI, XXII, XXIII). Des trois
malades qui n’ont pas bénéficié du traitement, l’une était atteinte
de confusion mentale avec catatonie (obs XXIV) et évolue mainte-
nant vers la démence precoce; la seconde était atteinte de dé-
mence précoce (obs. XXV), la troisième de paralysie générale
(obs. XXVI).
5° Observations des malades
traitées par le bromure de radium.
Huit malades ont été traitées. Les trois premières observations
ont trait aux cas qui ont guéri. Viennent ensuite trois observations
de malades amèliorées et enfin les observations de deux malades
qui n’ont retirè aucun bénéfice du traitement.
Obs. XXVII. — M me A...,ágée de 28 ans,entre à la Maison Natio-
nale le 29 oetobre 1912. Père alcoolique ; un oncle maternel idiot
Pas d’antécédents personnels.A...a un enfant arriéré. Début des trou-
bles en juin 1912 par des troublesdu caractère et de l’apathie, crises
hystériformes ; indifférence émotionnelle vis-à-vis de son mari, de ses
parents et mème de sa fille; idées de persécution, idées d’empoison-
nement, langage incohérent. Elle est placée en aoùt dans une maison
de santé particulière. L’état menial s aggrave; diminuLion de U
mémoire, rires saus motif, semi-mutisme, affectivité abolie. La
malade est placée à la Maison Nationale avec le certificat suivant :
« Confusion mentale avec désorientation, affaiblissement de la
mémoire, alternative de périodes de stupeur avec mutisme et agi-
tation, rétention d’uri:ie; cet état est symptomatique d’une démence
précoce au début. » Le certificat de 24 heures porte : « Débilité
mentale avec confusion dans les idées, troubles des sentiments affec-
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ESSAI DE TRAITEMENT DES PSYCHOSES AIGUES
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tifs, suggestibilité, tendance à la catatonie. » A... est gàteuse. On
note comme symptòmes physiques : hémiparésie faciale gauche,
tremblement des muscles de la langue et de la face, léger spasme
facial droit, inégalité pupillaire au profit de la pupille droite, réflexes
patellaires très exagérés. Aucune amélioration les jours suivants.
On commence les injections de bromure de radium à la dose de
deux millièmes de milligramme le 29 novembre. La malade regoit
ainsi 30 injections successives. Dès la vingtième injection, on constate
une certaine amélioration de l’état mental. A... est plus éveillée et
commence à répondre à nos questions ; elle sort peu à peu de sa confu-
sion ; dysmnésie portant sur les faits des derniers mois. L’amélioration
s’accuse rapidement ensuite et la malade regoit sa trente et unième et
dernière injection le 28 décembre. Dans la suite les symptòmes phy-
siques énumérés plus haut disparaissent égaiement et la malade sort
guérie à la fin du mois de janvier.
Obs.XXVIII. — M me T...,ágéede 47 ans,entre àla Maison Nationale
le 4 février 1913. Un frère déséquilibré.T...a été opérée,en 1909, d’une
tumeur du sein. Depuis elle a eu plusieurs alternatives de dépression
n’ayant toutefois jamais présenté l’intensité de la crise actuelle.
Début de la crise en novembre 1912 ; d’abord phénomènes dépressifs
légers, puis troubies digestifs. En janvier ces troubles s’aggravent
et la malade fait une tentative de suicide. A son entrée à l’asile, on
constate un état mélancolique avec idées -de ruine, d’incapacité,
d’auto-accusation, idées de négation, crises d’anxiété, frayeurs conti-
nueiles. Légère confusion dans les idées. Température oscillant entre
38° et 38°5. Les jours suivants, on ne constate aucun changement
de l’état mental, la température reste élevée et T... éprouve beaucoup
de difficulté à uriner. Le chirurgien de la Maison Nationale constate
une inflammation périutérine avec phlébite gauche. Le 17 février la
température est normale ; la confusion mentale et les idées mélanco-
liques persistent. On commence la première injection de bromure de
radium à la dose de deux millièmes de milligramme et on fait jus-
qu’au 29 février une injection chaque jour. Dès la quinzième injection,
on note une modification de l’état mental. La confusion dans les idées
est disparue ; les idées de négation et les idées d’auto-accusation per-
sistent; Ie sommeil est encore troublé par des cauchemars. Ces trou-
bles diminuent chaque jour d’intensité et le 29 février on suspend tout
traitement. T... demande à s’occuper; on la considère comme marchant
vers la guérison.Cette bonne période dureune quinzaine de jours, puis
la malade redevient triste; on constate chez elle des idées de persé-
cution sans phénomènes confusionnels ou hallucinatoires. T... croit
que toutes les autres malades la regardent de travers. Nous reprenons
le traitement par le bromure de radium le 24 avril et nous faisons une
série de 23 injections. L’amélioration cette fois est très rapide et T...
quitte la maison de santé à la fin du mois de mai, complètement
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guérie. Depuis, nous avons revu la malade qui est en très bonnesanté.
Obs. XXIX. — M lle C....,ágée de 20 ans, entre à la Maison Nationale
le 14 avril 1913. Pas d’antécédents héréditaires. Début des troubies
il y a quinze jours.Préoccupations hypochondriaques, méfiance, idées
de persécution,refus des aliments. A son entrée, on fait Ie diagnostic
de délibité mentale avec confusion mentale, négativisme,stéréotypie,
puérilisme, crises de colère, mussitation, gátisme. Température : 38°5;
albumine dans les urines.
Le 16 avril, on commence les injections de bromure de radium,
à la dose de deux millièmes de milligramme. C... re^oit ainsi 38 in-
jections. L’état physique s’améliore très rapidement; Talbumine des
urines disparait, le refus des aliments, le gátisme cessent quelques
jours après le début du traiteme it. La confusion des idées cst plu^
lente à céder. La physionomie devient cependant plus éveillée et le
24 mai quand on cesse le traitement, la malade est en bonne voie
d’amélioration. La malade complétement guérie, quitte l’établisse-
ment au mois d’aoùt.
Obs. XXX. — M me M...,àgée de 39 ans,entre à la Maison Nationale
le 13 février 1913. Mère nerveuse, a eu des accès de tristesse. M... a
eu un premier accès mélancolique à Páge de 25 ans, n’ayant pas néces-
sité Tinternement et ayant duré six mois. L’accès actuel a débuté il
y a quinze jours sans motif apparent. H... croyait que la guerre
allait éclater, que les siens allaient périr; tentative de suicide; idées
de persécution ; hallucinations auditives. A son entrée, on fait le
diagnostic de « dépression mélancolique avec hallucinations visueiles,
auditives, gustatives, olfactives; troubles de la sensibilité générale,
idées délirantes terrifiantes, refus des aliments, tentative de suicide >.
Le 17 février, on fait la première injection de bromure de radium à la
dose de 2 miilièmes de milligramme et on fait une série de 24 injec-
tions. Dèsla dixième injection, on note une amélioration de l'état raen-
tal. Les idées délirantes terrifiantes disparaissent; la dépression mé-
lancolique est moins accusée ; M... se nourrit normalement ets’occupe.
Les hallucinations auditives persistent, mais la malade a une certaine
conscience de leur caractère pathologique. Ces demiers troubies per-
sistent encore deux mois. M... a quitté la maison de santé avant 1«
guérison complète.
Obs. XXXI. — M lle M. S..., figée de 37 ans, est atteinte de confu-
sion mentale avec réactions mélancoliques et agitation anxieuse.
Ce étatadébutéily a deux mois à la suite d’une violente émotion suivie
d’insomn r. On commence le l er mai 1913 le traitement par I’injec-
tion journalière de deux millièmes de milligramme de bromure de
radium ; on fait ainsi seize injections. L’état mental s’améliore rapi-
dement; toute agitation disparaìt; la malade est moins désorienlée
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ESSAI DE TRAITEMENT DES PSYCHOSES AIGUES
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et demande à s’occuper. Cette amélioration est restée stationnaire, et
la malade, quoique calme aujourd’hui, présente encore de ia confu-
sion dans les idées.
Obs. XXXII. — II s’agit de la malade qui fait l’objet de l’observa-
tion I et qui avait été traitée par le sérum de cheval. Cette malade at-
teinte de confusion mentale chronique n’avait présenté aucune amé-
lioration à la suite de ce traitement. Le 2 décembre 1912, nous com-
mengons les injections de bromure de radium à la dose journalière de
deux millièmes de milligramme et faisons une série de 26 injections.
Ce traitement amène une notable amélioration qui persiste dansla
suite et qui permet à la malade de rentrer dans sa famille.
Obs. XXXIII. — M me B..., ágée de 47 ans, entre à la Maison Natio-
nale le 20 avril 1913. Pasd’antécédents névropathiques. Crises convul-
sives (?) de 12 à 20 ans. Premier accès mélancolique endécembre 1909,
terminé par la guérison après une durée de quatre mois. Le deuxième
accès a eu un début progressif; idées hypochondriaques avec crises
d’anxiété ; puis B... a manifesté des idées de suicide. Nous avons
commencé le 2 octobre le traitement par une injection quotidienne de
2 millièmes de milligramme de bromure de radium. Elie regut ainsi
vingt injections. La malade, qui avait présenté une légère améliora-
tion dix jours après le début du traitement,est retombée bientòtdans
son état mélancolique. Actuellement, elle présente un facies figé avec
raideur musculaire généralisée, voix et propos enfantins, qui font
craindre une évolution vers la démence précoce.
Obs. XXXIV. — M me Ch..., àgée de 56 ans, entre à la Maison Na-
tionale le 2 avril 1913.Grand’mère maternelle a été intcrnée, morte
suicidée. Rien à noter dans les antécédents personnels. Le début
de l'affection remonte à une quinzaine de jours. Mélancolio d’involu-
tion avec idées d’auto-accusation, idées de persécution,idécs et tenta-
tives de suicide, hallucinations auditives, anxióté. On commence le
traitement par les injections de bromure de radium le 4 avril. La
malade a regu cinquante et une injections sans amélioration de son
état mental.
Ainsi huit malades ont été traitées par les injections de bromure
de radium en solution isotonique. Elles recevaient tous les jours
une injection sous-cutanée contenant deux millièmes dc milligram-
me de bromure de radium. Le nombre des injections a varié, sui-
vant les cas traités,de seize à trente-huit. Les huit cas comprenaient
deux mélancolies aigués, une nulancolie d’involution, une mélan-
colie périodique,une confusion mentale aiguè,deux confusions rncn-
tales avec catatonie,une confusion mentale chronique.Trois malades
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REVUB DE P8YCHIATRIB
ont guéri sous l’influence du traitement (une mélancolie aiguè (obs.
XXVIII), deux confuses catatoniques (obs. XXVII et XXIX).
La malade atteinte de confusion'mentale chroniquea été améliorèe
et a pu rentrer danssa famille; ledébutde son affection remontait
à deux ans (obs. XXXII). La malade atteinte de confusion mentale
aigué a été très améliorée et marchait vers la guérison quand nous
avons été obligés de suspendre le traitement après seize injections,
ce qui était insuffisant. Enfin une mélancolique aiguè a été amé-
liorée, mais a quitté la maison de santé avant la guérison complète.
De tous ces cas, les malades atteintes l’une de mélancolie d’involu-
tion et l’autre de mélancolie périodique n’ont subi aucune amé-
lioration.
Enrésumé,desderniers modes de traitement que nous venons d’ex-
poser, les plus beaux résultats ont été obtenus avec les injections
de sérum radioactivé in vivo et in vilro. La plupart des cas de
confusion mentale aigué ont été rapidement guéris. Parmi les
formes de confusion mentale, dans lesquelles certains symptòmes
laissaient craindre une évolution vers la démence précoce, la plupart
n’ont été guéries qu’après plusieurs semaines de traitement. Chez
certains malades, l’amélioration a été lente à se produire et s’est
poursuivie après la suspension des injections. La fagon dont se fixe
le bromure de radium dans l’organisrae permet d’expliquer cette
action prolongée du traitement.
Depuis les recherches de Dominici, M me A. Laborde et A. Laborde,
on sait que le bromure de radium injecté dans le corps des animaux
y persiste suivant une proportion relativement considérable en se
fixant dans certains organes d’une fagon élective. Le squelette est
Ic principal lieu d’arrét du métal que I’on y retrouve plusieurs mob
après une seule injection. II est évident que les doses successives
de bromure de radium que nous injectons à nos malades s'accumu-
lent sinon dans le cerveau, du moins dans la bolte cranienne qui
forme une enveloppe radifère, foyer de rayonnement et source
d’émanation capable d’influencer la substance grise cérébrale.
On peut encore admettre que le ròle du radium est de détruire
ccrtaines toxines circulant dans l’organisme.
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ESSAI DE TRAITEMENT DES PSYCHOSES AIGUES
505
La supériorité du sérum radio-activé in vivo et in vitro sur le
sérum de cheval normal simplement additionné de bromure de
radium est-elle due à un changement de composition du sérum
résultant de l’action prolongée de l’émanationdu sulfate de radium,
présent dans le corps de l’animal, sur les organes élaborant les
plasma? Le fait est on ne peut plus vraisemblable, mais les vertus
particulières du sérum radio-activé in vivo restent latentes lorsqu'on
I’emploie sans adjonction de bromure de radium. Le produit ne
paralt pas avoir une valeur curative supérieure dans ces conditions
à celle du sérum de cheval normal indemne de radium. Par contre,
l’adjonction de radium au sérum radio-activé in vivo paralt en
rendre I’action thérapeutique beaucoup plus efficace que celle du
sérum de cheval ordinaire additionné de radium.
La technique des injections de bromure de radium est très simple.
Le bromure dp radium en solution isotonique est renfermé dans
des ampoules; on peut formuler ainsi:
Bromure de radium, deux millièmes de milligramme.
Solution isotonique : deux centimètres cubes.
On pratique une injection à la face externe de la cuisse tous les
jours pendant vingt jours consécutifs; on suspend le traitement
pendant une dizaine de jours. Si aucune amélioration ne se produit,
on recommence une nouvelle série de vingt injections.
Pour les injections de sérum, nous nous sommes conformés aux
règles actuellement bien précises concernant la méthode sérothéra-
pique.
Les réactions sériques ont été très fréquentes. Sur 26 malades
traitéespar le sérum simple de cheval ou radioactivé,nous les avons
observées chez 16 malades. Elles ont toujours eu une physionomie
clinique semblable.
A un léger degré, elle n’ont consisté qu’en une simple rougeur
locale au niveau de l’injection. A un second degré, l’érythème
s’étendait à la région de la cuisse voisine de I’endroit où l’injection
avait étè pratiquée; la malade éprouvait à ce niveau une sensation
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506
RBVVB DB PSYCHIATRIB
de chaleur et quelquefois une légère démangeaison; la température
s’élevait le soir entre 38° et 38°5. A un troisième degré, on obsenra,
outre l’érythème au niveau des injections, une éruption poiymor-
phe surtout apparente au niveau des articulations du genou, du
coude et du poignet, des douleurs rhumato!des,de la courbature. La
température s’élevait entre 38° et 39°.
Toutes ces réactions sériques ont cédé très rapidement. Quand
elles atteignaient le troisième degré, il n’y avait qu'à espacer les
injections tous les deux jours ou à n’injecter que deux centimètres
cubes de sérum au lieu de dix, pour les faire disparaltre. Nous n’a-
vons jaraais constaté de troubles des fonctions rénales.
Les réactions sériques ne se sont produites qu’après plusieurs
jours de traitement,'généralement vers le cinquième. Dnns nos treise
cas, les réactions sont survenues une fois le troisième jour du trai-
tement, cinq fois le cinquième jour, trois fois le sixième, deux fois
le septième, une fois le neuvième. Chez la plupart des malades, les
réactions sériques n’avaient lieu qu’une fois; chez d’autres, elles
avaient une tendance à reparaítre après les autres injections, mais
étaient très atténuées par rapport à Pintensité qu’elles présen-
aient à leur première apparition. Si l’on pratique tous les jours une
injection de dix centimètres cubes de sérum de cheval, c’est géné-
lement le 'sixième jour qu’apparaissent la fièvre et i’érythéme
au niveau des lieux d’injection.
On peut se demander quels sont les rapports qui existent entre ks
résultats thérapeutiques et les réactions sériques. Nous considérons
que ces dernières ont une heureuse influence sur les psychoses; elles
déterminent une modification de la nutrition généralede l’organisme.
Dans certains cas, l’amélioration a débuté immédiatement après
l’élévation thermique et les éry thèmes. Toutefois, parmi les malade
qui ont été guéries ou améliorées par les injections de sérum, un
certain nombre n’ont pas présenté de réactions sériques.
Les phénomènes anaphylactiques ont étè très rares. Nous ne les
avons observés que trois fois sur plus de 600 injections que nous
avons pratiquées. Nous décrivons séparément ces troubles paree
qu’ils n’ont rien de commun avec les réactions sériques. Contraire-
ment à ces demières qui apparaissent progressivement, les phèno-
mènes anaphylactiques sont apparus brusquement quelques mi-
nutes après l’injection.
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UNIVERSITY OF MICHIGAN
ESSAI HE TRAITEMENT DES PSYGHOSES AIGUES
507
Lepremier cas a consisté en un état syncopal avec phénomènes
asphyxiques, diminution du pouls et des mouvements respiratoires,
sueurs profuses, nausées. Ces troubles n’ont eu qu*une durée de
quelques minutes; le soir, la température s’est élevée à 38 0 .C’est le
seul cas grave que nous ayons observé; il s’est produit au début de
nos essais, alorsque nous faisions des injections de 10 centimètres
cubes de sérum en une seule fois. Depuis que nous faisons nos in-
jections en deux fois en commengant par une injection dedeux centi-
mètrescubes,nous n’avons eu que deux fois des accidents anaphylac-
tiques extrèmement bénins, consistant en un malaise avec tendance
syncopale d’une durée de quelques instants. Sous rinfluence d*une
injection de deux centimètres cubes d’éther,le malaise disparaissait
très rapidement.
Nous ne signalerons comme contre-indications au traitement par le
sérum radioactivé que la tuberculose. Chez les tuberculeux, les réac-
tions sériques sont particulièrement prononcées (obs. XVIII). On
devra, chez ces malades, táterleur susceptibilité en commengant par
des injections de trois, quatre et cinq centimètres cubes et ne
les pratiquer que tous les deux jours si la température dépasse 38°.
Concurremment avec les traitements que nous venons d’indiquer,
nous avons employé les méthodes thérapeutiques habituelles: ali-
tement, hydrothérapie, sédatifs, reconstituants, etc.
Pour récapituler les résultats de nos expériences, nous dirons
que les effets curatifs de tous les produits contenant du radium
(solution isotonique de bromure de radium, sérum de cheval addi-
tionné de radium, sérum de cheval radioactivé in vivo et in vilro)
se sont montrés manifestement supérieurs à ceux des produits
dépourvus de radium (sérum simple de cheval, sérum de cheval
ràdioactivé in vivo auquel on a omis d’ajouter du bromure de
radium). Dans le groupe des produits radifères, nous donnons le
premier rang, quant aux vertus thérapeutiques, au sérum de cheval
radioactivé à la fois in vivo et in vilro par adjonction de radium.
Si nous nous en référons à nos recherches, la thérapeutique n’est
pas désarmée contre les psychoses aigués et dans certaines formes
de confusion mentale laissant redouter une évolution vers la démence
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UNIVERSITY OF MICHÍGAN
508
REVUE DE PYCHATRIE
précoce,à condition de traiter ces affections en temps opportun(l).
Aussi nous croyons que le radium et en particulier le sérum radio-
activé in vivo et in vilro , conserveront une place de premier ordre
parmi les agents propres à les combattre, si nous nous rapportons
à Pexpérience que nous avons acquise à ce sujet et aux résultats que
nous ont permis de réaliser les perfectionnements de notre technique.
(1) Fauser semble avoir obtenu de bons résultats avec un sérum préparé
suivant la méthode d’Abderhalden. ( Zeitsch . /. Psych. Jad. 70, 1913.)
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LES ALIÉNÉS A BORD DES NAVIRES
Par M. Marcel Clerc,
Médecin saniiaire maritime.
La présence d’aliénés à bord d’un navire impose au médecin du
paquebot l’obligation de solutionnei; quelques problèmes délicats
qui relèvent de la psychiatrie d’urgence.
Le médecin de paquebot n’est pas seulement, comme on le sait,
un médecin sanitaire exercant, pour son propre pays, au retour,
et pour les pays qu’il visite, en cours de voyage, les fonctions pro-
phylactiques d’informateur de l’état de santé de son navire; il doit,
en outre, à ce point de vue, prendre les premières mesures de défense
contre les maladies contagieuses. II a, de plus, à soigner le personnel
du navire et les passagers et, à ce titre, doit exercer toutes les spécia-
lités de chirurgien, d’accoucheur, d’auriste, d’oculiste, etc., et de
psychiátre.
C’est dans cette demière fonction que nous envisagerons briève-
vement son róle. On ne peut méconnaltre l’importance de ce róle
qui nécessite un diagnostic hàtif, une intervention thérapeutique
immédiate et une décision médico-légale mpide engageant l’avenir
du malade.
Après avoir étudié l’influence de la mer sur l’aliénation mentale
et les diverses catégories d’aliénés qu’un navire transporte, nous
considérerons les nécessités que leur traitement impose au médecin
ainsi que les décisions qu’il doit prendre à l’arrivée du navire. Nous
• terminerons par l’indication de quelques améliorations à apporter
pour, au mieux de l’intérèt général.satisfaire aux garantiesqu’exige
le traitement des aliénés, à bord et à Parrivée.
II existe à bord des navires, au moins dc ceux qui traverscnt le
Nord-Atlantique, deux catégories d’aliénés. Lapremièreestcomposée
des passagers qui manifestent soudainement une psychopathie
quelconque. La seconde est celle des aliénés renvoyés d’office dans
leur pays d’origine par les services d’émigration des Etats-Unis.
II existe une troisième catégorie d’aliénés dont nous ne nous occu-
perons pas, celle des aliénés passagers accompagnès de leur famille
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510
REVUE DE PSYCHIATRIE
et de gardiens, pour lesquels le médecin navigant ne fait ofíice que
de médecin consultant et vis-à-vis desquels il n’a, en général, aucune
décision administrative à prendre à la fin du voyage.
II est fréquent de voir des membres de Téquipage, et plus sou-
vent des passagers, présenter subitement des troubles psychiques.
Peut-on dire que Tinfluence de la mer, en tant que changement
de milieu par exemple, peut provoquer le déclanchement d’un
épisode aigu chez un prédisposé héréditaire ou chez un aliéné
plus ou moins ancien, ou modifier et aggraver un état psycho-
pathique préexistant? Nous avons vu quelquefois des émigrants pris
au début duvoyage de délires hallucinatoires de couleurs variées,
mystique par exemple, et qui se dissipaient à l’arrivée. Ces émi-
grants n’avaient eu auparavant aucun dérangement cérébral.
L’émigration informée les retournait quelquefois par le mème navire
qui les avait amenés. Et, à peine le navire parti, ils redevenaient
délirants jusqu’en Europe. Nous les laissions monter dans le train
qui devait les conduire à destination, en apparence tout à fait sains
et n’ayant plus le souvenir de leurs troubles momentanés.
Je connais un gargon de cabine qui eut, au cours d’un voyage,
son premier délire de persécution et qui jamais ne fut plus atteint.
Nous avons vu encore des aliénés, inconnus de nous, renvoyés par
Pémigration américaine avec des renseignements tels que : « délire
dépressif », « hébétude », « mélancolie », « non dangereux », et pris
ensuite de réactions motrices violentes nécessitant la mise en oeuvre
des moyens de contention habituels. Les conditions mémes de la
vie à bord d’un navire nous ont montré nettement dans un cas
quelle était l’influence causale et excitatricedes réactions violentes.
II s’agissait d’un persécuté. Le Capitaine et le Commissaire avaient,
croyait-il, décrété sa mort par tous les supplices. Et, toutes les
quatre heures, lorsque se fait larelèvedesservices, lescoupsdesifflet
d’appel, les cris, les courses bruyantes des sabots le jetaient dans une
folle terreur et lui faisaient briser tout ce qu’il avait à portée de sa
main, au milieu de hurlements de frayeur.
Aussi bien, toutes les variétés de troubles psychiques s’obsen'ent
sur les navires Et, lepoint délicat, pour le médecin, est de savoirs’il
doit de suite isoler ceux qui les manifestent dans le réduit affecté
à cet usage. Son diagnostic doit ètre prompt et souvent il doit, sans
souci et sans Tattente d’aucune précision nosographique, protéger
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LES ALIÉNÉS A BORD DES NAVIRES
511
le malade contre lui-mème, et protéger l’entourage et le navire par
un isolement précoce.
II peut s’agir d’un alcoolique, d’un paralytique général que, dans
un hòpital, on pourrait considérer comme des malades. Mais, à bord
d’un navire, pour faire cesser le scandale de son attitude ou de ses
propos et éviter des attentats contre les personnes, l’intemement
du malade s’impose plus impérieusement qu’ailleurs. Lorsqu’il s’agit
d’un passager de première classe, entouré de sa famille, on voit
quelles peuvent étre les hésitations du médecin.
II hésite d’autant plus qu’il sait que, souvent, les conditions de
son isolement, comme nous allons le voir, vont aggraver son état.
Voilà donc notre malade isolé. C’est, ou bien un délirant décou-
vert par nous, ou bien un refusé qui, automatiquement, à son arrivée
sur le navire, a été isolé. Dans cette dernière circonstance, en effet, le
passager nous arrive avec Pétiquette « aliéné ». Nous ne pouvons
pas hésiter, dans la méconnaissance où nous sommes de son histoire,
à lui appliquer cette mesure de protection.
La cellule réservée aux aliénés est, ou un hòpital débarrassé de
tout ce qu’il contenait ou un réduit vide avec une couchette. Le
local n’est pas capitonné; la porte, fragile, est en bois. II n’existe
pas, en outre, de personnel spécialisé, capable de le surveiller.
Si l’aliéné est violent, le médecin se trouve donc en présenee
d’une indication unique mais formelle : supprimer à l’aliéné toute
liberté de ses mouvements. Et il doit appliquer la thérapeutique des
moyens de contrainte, c’est-à-dire de la camisole de force, théra-
peutique condamnée par tous les aliénistes et réservée pour des
circonstances exceptionnelles et de courte durée, telles que la néces-
sité d’un transfert. C’est dans ce cas spécial que nous nous trouvons,
mais le transfert dure ici des semaines. Mise à part la crainte de
trouver notre aliéné étranglé dans la camisole de force, les symp-
tòmes qui apparaissent vite, élévationde la température, auto-intoxi-
cation, accélération du coeur, nous amènent à faire enlever cette
camisole et les circonstances nous obligent à la faire altemative-
ment remettre, enlever, et ainsi de suite.
Avec un service de garde bien organisé et un infirmier bien stylé,
le voyage s’achève.
II arrive bien qu’un aliéné vigoureux, non ligoté, se précipite
lorsqu’on ouvre a porte du cabanon, bouscule ses gardiens, monte
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512
REVUE DE PSYCHIATRIE
sur le pont comme une flèche et se jette à la mer. II n’y a vraiment
là aucune responsabilité pour le.médecin, si Pon doit déplorer ce
fait fácheux.
II arrive aussi, d'autre part, qu’un aliéné, libre et inconnu, se
suicide, sans que personne ait eu connaissance de ses intentions.
II y a souvent à bord, à part les alcooliques, des gens d’allure étrange,
qui s’isolent eux-mémes des autres passagers, qui ne se couchent
pas, déambulent la nuit, qui marmottent toujoursdes paroles à voix
basse. II y a des gens que la peur de sombrer affole. Sont-ce des ori-
ginaux, des nerveux ou des aliénés?
Appelé un jour auprès d’un passager qui s’était tiré six coups
de revolver dans une cabine de bains, je me suis trouvé en présence
d’un homme jeune, d’aspect sympathique et parlant clairement;
il m’expbqua avoir voulu éviter les poursuitesM’Américains qui e
suivaient parce qu’il avait failli es écraser en automobile à New-
York. L’enquéte m’apprit qu'il avait dit un jour simplement: « J’ai
failli écraser des gens à New-York. Je m’en vais en Europe, pour
ne pas étre poursuivi.»Aurais-je connu cette parole prononcèe que,
en toute conscience, je l’aurais laissé en liberté. II mourut trois jours
après.
Journellement, le médecin de paquebot re^oit des confidences de
passagers dénotant chez eux une inquiétude mentale plus ou moins
vive, mais ne relevant pas de la thérapeutique. Et, si quelques
paroles de désespoir ou de crainte, ou TénoHcé de théories singu-
lières devant un médecin, Téclairent sur les événements subséquents,
tels que le suicide ou un acte de violence, elles ne pouvaient l’au-
toriser que dans des cas nets, à prendre antérieurement la moindre
mesure de coercition vis-à-vis de ces détraqués qui sont légion.
Mais le navire arrive. Que faire des aliénés? C’est ici que le tact
du médecin aura à s’exercer et que souvent, dans l’angoisse, i
aura à prendre une décision d’ordre administratif. Les détraqués
libres débarquent avec les autres passagers, et le médecin quelque-
fois respire avec plus de calme. Mais les isolés? Le médecin consi-
dérant que le voyage est terminé, que les passagers sont arrivés à
destination, ne peut simplement, sur cette seule base, élargir son
malade. II ne peut lui rendre sa liberté que s’il estime disparues les
raisons de son isolement. Tant que ces raisons persistent,ildoit main-
tenir la mesure prise.
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LES ALIÉNÉS A BORD DBS NAVIRES
513
S’il s’agit d’aliénés découverts au cours de la traversée, les com-
pagnies de navigation se placent, vis-à-vis du médecin, sur un ter-
rain de roc lorsqu’il leur fait part de ses scrupules. Cet homme est
dangereux ou il ne l’est pas. S’il est dangereux, faites-le interner si
vous croyez devoir le faire; sinon, laissez-le partir avec les autres
passagers. — Tel est Ie dilemme dans lequel elles enserrent le méde-
cin. Une entreprise commerciale ne peut pas tenir un autre langage.
II faut reconnaltre d’ailleurs que Ifes compagnies de navigation lais-
sent au médecin l’entière latitude de se déterminer. Les commis-
saires d’émigration tiennent le mème langage que les compagnies.
Mise en liberté ou intemement, tels sont Ies partis entre lesquels
il faut choisir. Ces décisions à prendre sont très graves pour le mé-
decin de paquebot insuffisamment éclairé et sur la disparition pos-
sible des troubles psychiques de son malade et sur la nécessité avérée
de son internement. II est des cas certes où l’hésitation n’est pas
permise. Mais, dans combien de cas le médecin, gros d’inquiétude,
ouvre la porte de l’hòpital sur un malade réticent que l’on ne reverra
peuUètre plus ou qu’on trouvera halluciné sur une rive de la Seine,
parlant en sa langue croate ou serbe aux passants parisiens ; ou bien
il signera, encore plus angoissé, un certificat d’internement pour un
homme qu’il n’aura jamais interrogé parce qu’il parle turc, arménien
ou hébreu, mais chez qui il soupgonne des troubles psychiques.
Pour les aliénés renvoyés par des services d’émigration, tels qu’ils
sont organisés en Amérique, l’examen et la détention qu’ils ont subis
avant le départ sont des garanties pour le médecin de bord qui ne
fait, pour ainsi dire, que contresigner, en cas d’internement, I’opinion
des médecins étrangers; mais en cas de mise en liberté, il s’inscrit
en faux contre leur diagnostic ou tout au moins il reconnaít que leur
état, tel qu’il a été diagnostiqué, ne nécessite aucune mesure de
préservation. D’ailleurs, l’obligation où se trouvent les compagnies
de navigation, de par la loi américaine sur l’émigration, de trans-
porter jusqu’à son pays d’origine I’aliéné déporté, vient libérer
le médecin de toute décision à prendre. Dans le cas où l’aliéné ne
peut étre transporté sans danger pour lui-mème ou pour les autres,
ou pour toute autre raison, le méme dilemme qu’auparavant s’im-
pose au médecin.
Nous pensons qu’une troisième mesure pourrait, à I’occasion, ètre
prise à l’égard d’un aliéné, ou supposé tel, à l’arrivée du navire :
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514
REVUE DE PSYCHIATRIE
c’est la misc en observation. Arpès une semaine ou deux de séjour,
ou davantagc s’il est nécessaire, dans un hòpital, le malade pourrait
étre évacué sur Tasile si l’aliénation mentale se confirme. Le médecÌD
de bord ne ferait de certificat d’intemement qu’en présence d’une
affection psychique bien caractérisée, à réactions dangereuses. La
dépense des frais de séjour ne devrait incomber, en aucun cas, aux
compagnies de navigation. Chaque nation paierait pour ses ressor-
tissants, et les transferts des malades dans leur pays d’origine se
feraient périodiquement par les soins du personnel des asiles, comrae
il est d’usage entre asiles nationaux.
II est permis en effet de dire que les conditions de garde et d’ac-
compagnement par un personnel non spécialisé, comme celui des
gargons de paquebots, n’offrent pas de garanties suffisantes au
point de vue du malade et du public.
En résumé, la question des aliénés à bord des navires demande à
ètre étudiée en vue d’impérieuses modifications, aussi bien en ce qui
concerne le transport que l’assistance ò l’arrivée.
Les Etats-Unis ne renonceront jamais au renvoi des aliénés
étrangers introduits chez eux. Ils ont mème pour le renvoi un délai
de trois ans. 167 aliénés, sans compter les idiots, les imbéciles et les
faibles d’esprit, ont été rapatriés enEurope en 1908, 1909 et 1910.
Ces aliénés ne pourraient-ils étre ramenés par chaque compa-
gnie, toujours sur les mémes navires (deux par exemple) qui seraient
pourvus d’une installation hospitalière perfectionnée et d’un
deuxième infirmier, les autres navires gardant leur installation de
fortune pour les aliénés dont la psychopathie éclate à bord?
Ne pourrait-on, en outre, créer dans les hòpitaux des ports, des
services d’isolement pour recueillir les aliénés mis en observation,
ces malades étant acceptés d’office surunsimplecertificatindiquant,
non la nécessité de l’internement, mais celle de la mise en observa-
tion, le certificat d’intemement n’étant fait que postérieurement,
s’il y a lieu, et par le médecin de l’hòpital?
Enfin, la question des frais dc séjour et de transfert pourrait
ètre facilement réglée par un aceord international, instituant une
procédure d’échange analogue à celle de l’extradition.
II est permis de penser que la réalisation de ces diverses sugges-
tions serait de nature à assurer les garanties qu’exigent les mesures
prises à l’égard des aliénés amern's par des navires.
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UMIVERSITY OF MICHÍGÀN
REVUE DES LIVRES
PrèoiB de Psychiatrie, par E. Régis, Professeur de Clinique psycbiatrique à
la Paculté de Médecine de Bordeaux, Correspondant nationalde PAcadémie de
médecine [ouvrage couronné par la Faculté de médecine de Paris, 1887, par
TAcadémie de médecine, 1895, par l’Institut (Académie des sciences) (1907)].
Cinquième édition, entièrement revue et corrigée, avec 98 figures dans le texte
et 7 planche, dont 5 en couleurs, hors texte. Collection Testut, 1 vol. in-18 colom-
bier, cartonné, de 1.230 pages. Parw O. Doin, 1914; 12 francs.
La cinquième édition du Précis de psychiatrie du professeur Régis
vient de paraìtre. C’est, croyons-nous, la première fois qu’un précis
de maladies mentales atteint, en France, sa cinquième édition. ìì
importe de souligner ce fait qui, s’il affirme le rare mérite de l’oeuvre de
Régis, montre de plus l’intérèt toujours croissant que les nouvelles
générations témoignent pour la psychiatrie.
Analyser le contenu de cette cinquième édition est chose impossible.
On se contentera d’en donner le plan et d’en ! marquer les caractèris-
tiques. Une Introduclion hislorique précède les trois « Livres « qui com-
posent l’ouvrage: 1° Pathologie générale; 2° Pathologie spécialb;
3° Pratique psychiatrique. Le premier « Livre » se divise en deux
chapitres; l’un traite des Généralilés relaiives auxpsychopaihies (causes,
évolution, anatomie pathologique); l’autre, des Symptòmes géné-
raux 1° des Psychopathies-maladies (troubles de l’idéation, des
perceptions, de l’affectivité, de la conscience, de l’activitó, troubles
physiques), et 2° des Psychopathies-iNfirmités (stigmates de dégé-
nérescence). La Classificaiion de l’auteur termine le Livre premier.
Le Livre II est consacré à la pathologie spéciale. Les Psychoses -
maladies (manie, mélancolie, manie et mélancolie par accès, confusion
mentale, démence précoce, psychoses systématisées) sont étudiées en
premier lieu;puis vient le chapitre des Psychoses-infirmilés: les unes,
ou Dégènérescences , comprennent les déséquilibrations, la débilité men-
tale, les psychoses des dégénérés (délires, folie morale, psychose crimi-
nelle), l’imbécillité et l’idiotie; — les autres, ou Déchéances , sont des
infirmités d’involution (démence sénile, etc.).
Toutes les formes dont il a été question jusqu’ici sont des Etats
psychopaihiquts primiiifs. Une autre catégorie réunit les Psychopaihies
sympiomaiiques ou associées (états toxiques, auto-toxiques, infectieux,
psychopathies des maladies exotiques (intoxications, infections et
parasitoses), les psychopathies des maladies du système nerveux
(paralysie générale, etc.), les névroses (hystérie, épilepsie).
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516
REVUE DE PSYCHIATRIE
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Le Livre III est consacré à la Pratique psychiatrique. Dans uae
première partie, Pratique médicale , sont étudiés le diagnostic, le traite-
ment, Tassistance et la législation des aliénés. La seconde partie est la
Pratique médico-légale (responsabilité; crimes |et délits des aliénés;
expertise psychiatrique, capacité; rapports médico-légaux).
Comme particulièrement intéressants au point de vue clinique, fl
faut citer les chapitres consacrés par M. Régis à la psychose systéma-
tisée progressive, auxobsessions et impulsions, aux psychosesdélirantes
des dégénérés, à la confusion mentale typique, à la paralysie générale,
à la démence précoce...
M. Régis a voulu faire une place importante aux psychoses d'auto-
irúoxications et d'infections , et cela d’abord en raison du ròle considé-
rable de ces facteurs en psychiatrie, ensuite parce que ces maladies
représentent la presque totalité des innombrables psychoses sympto-
matiques auxqueiles le praticien a particulièrement affaire. Nul mieux
que le savant professeur de Bordeaux n’était préparé 'à écrire i’his-
toire de ces délires des hòpitaux dont l’étude est en général un peu
négligée, au profit des délires plus graves observés dans les asiles.
La Pratique psychiatrique, qui comporte près de 250 pages, a été
traitée par M. Régis de la fagon la plus complète et la plus intéressante.
Huit rapports médico-légaux iilustrent cette partie de l’ouvrage. On y
trouve, à chaque page, des indications pratiques, des renseignements
sur tout ce qui a trait à la vie médico-administrative des asiles, à la
responsabilité et à la capacité des aliénés. Ces chapitres seront fort
utiles aux médecins aliénistes et aux médecins experts.
Le Précis de psychiatrie du professeur Régis est éminemment pro-
pre à favoriser le réveil et la diffusion des études de pathologie raen-
tale. L’autorité universellement reconnue de l’auteur, son érudition
prodigieuse, la clarté de ses descriptions, sa critique impartiale, le
caractère, à la fois scientifique et pratique, de son Précis , telles sont
quelques-unes des qualités qui ont fait le grand succès de ce livre.
Ajoutons qu’il a le mérite de faire entrer définitivement la psy-
chiatrie dans la médecine ordinaire par la voie des grandes doc-
trines de la pathologie générale actuelle (auto-intoxications, infec-
tions).
Nombreusessontles catégories de lecteurs auxquelles cet ouvrage
rendra des services.Auxmédecinspraticiens,il donne des descriptions
ciaires des divers types de vésanies, et surtout, il enseigne ce qu’ils
ont besoin de connaítre, les psychoses d’auto-intoxications et d infec-
tions qui sont au premier chef de leur domaine professionnel, car c’est
eux qui doivent les observer et les traiter. Pour les débutants en
médecine mentale, les médecins des prisons, les médecins des armées
de terre et de mer, les magistrats et les avocats, les psychologues, le
Précis de M. Régis sera un guide des plus sùrs.
Got’gle
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HEVUE DES LIVRES
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Enfinle médecin aliéniste lira avec un intérèt puissant les chapitres
nouveaux de la présente édition : il y trouvera une mise au point des
questions actuellement à l’ordre du jour, un inventaire complet de
l'état de la psychiatrie írangaise et étrangère en 1913. La troisième
édition (1905) renfermait déjà bien des chapitres neufs ou plus ou
moins refondus.La quatrième édition (1909) contenait d’intéressantes
additions et modifications concernant les recherches expérimenìáles en
psychiatrie, Vapraxie , le syndrome de Ganser, le délire d'inlerprélalion,
la démence sénile , Vopiumisme , le mongolisme , les iroubles psychiques
par perlurbation des glandes à sécrélion interne , la paralysie générale
traumatique , les psychoses hystériques , la législalion et Vassislance des
aliénés , le régime des aliénés criminels , les psychoses el Vexperlise
psychiatrique dans Varmée.
L’édition actuelle est une véritable revision,page par page, des édi
tions précédentes; on en verra tout Tintérét par la simple énuméra-
tion des additions nouvelles : VEugénique en Psychiatrie , les concep-
tions de Freud et la psycho-analyse , les délires d'imagination, la confu -
sion meniale , les psychoses systémaiisées et la paranola, la démence
précoce, la psychose maniague-dépressive,Vidiotie familiale amauroiique,
la démence presbyophrénique, la démence ariério-scléreuse, la psychose
alcoolique chronique, les psychoses endocriniennes, les psychoses exo-
iiques , Vassisiance des [aliénés en France ei aux f colonies, le recruie-
meni et le slalul des médecins des asiles, la législaiion sur les aliénés,
les aliénés criminels, le divorce pour cause de folie , les iesiaments des
aliénés.
M. Régis, appréciant le ròle historique de la Psychiatrie frangaise,
se plalt à en louer « les incomparables qualités de fine observation,
d’ordre, de méthode et de clarté ». L’oeuvre scientifique tout entière
du professeur de l’Université de Bordeaux et son Précis de Psychialrir
nous sont des témoignages que ces qualités demeurent toujours la
caractéristique de la psychiatrie frangaise.
D r P. Sérieux.
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SOGIÉTÉ DE PSYGHIATRIE
Séance du 23 octobre 1913.
Ménage délirant halluciné chronique, par MM. Laignel-
Lavastine et Cambessédès. — Dans ce ménage, le mari présente
depuis six ans une psychose hallucinatoire chronique type. Sa femme,
de caractère rèveur, peu affectueuse, mais nettement supérieure à
lui commo intelligence, le surveille pendant deux ans et rit de son
délire. Dans la troisième année, à la suite de chocs émotifs (cambrio-
lage, scène terrifiante au cinématographe, réactions dangereuses du
mari), la femme accuse à son tour des hailucinations visuelles, audi-
tives et génitales avec paroxysraes oniriques dont le contenu n’a
aucun rapport avec le délire du mari; de plus, elle manifeste un état
de dissociation de la personnalité avec écho de la pensée, qui fait
également songerà l’existence chez elle d’une psychose hallucinatoire
chronique. Après quelques réserves sur l’exactitude de ce diagnostic
chez une malade dont on ferait presque aussi bien une délirante para-
noide, une confuse post-émotive ou méme une auto-intoxiquée orga-
nique (kvste ovarien probable), MM. Laignel-Lavastine et Cambes-
sédès envisagent la possibilité d’une contagion mentale entre les
deux époux. Sans parler d’une véritable contagion directe par
suggestion, « il y aurait, disent-ils, un peu plus qu’une siraple coin-
cidencc fortuite de deux psychoses hallucinatoires chroniques dont
l’une, encore au début, est en partie masquée par destroubles contin-
gents d’origine émotive et onirique, dans le déterminisme desquels
la fatigue physique et morale, résultant d’une vie conjugale agitée
avec un aliénè, paraít devoir entrer en ligne de compte®. II s’agirait
donc apparemment d’un délire à deux, par contagion indire:te, cor-
respondant à la troisième calégorie de G. Dumas où « Ie délire du
premier malade agit sur le second malade par les émotions vives
qu’il détermine ».
M. Gilbert-Ballet approuve le diagnostic de psychose hallucinatoire
chronique chez les deux malades, en raison de la dissociation de leur
personnalité; il repousse l’hypothèse d’une contagion mentale quel-
conque et croit qu’il s’agit là simplement d’une curieuse et intéressante
coincidence.
MM. Arnaud et H. Meige critiquent le qualificatif d’hystérique
appliqué par les auteurs à certains troubles de leur malade.
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REVUE DE5 SOCIÉTÉS
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Sur un cas de psycbose póriodique, par MM. Pierre Kahn et
Génil-Perrin. — Un malade de vingt-neuf ans, à lourde hérédité
nerveuse, cyclothvmique, déséquilibré dès l’enfance, présente, depuis
1907, des alternatives mal tranchées d’cxcitation etde dépression qui
pourraient faire penser à l’hébéphrénie, mais iin’a ni affaiblissement
intellectuel, ni indifférence affective. Evidemment dégénéré, ce malade
est de plus, selon sa propre expression, un cxcilo-dépressif. En effet, ses
réactions motrices sont vives et paraissent relever d’une ex^itation
maniaque légère ; mais son tonus affectif est triste, d’ordre mélan-
colique. Pour les auteurs et le professeur Gilbert-Ballet, c’est un cas
type de psychose périodique à forme mixte (Kraepelin) dont le pronos-
tic ne semble guère devoir comporter d’intermissions longues et
nettes.
Délire d’imagination et psycbose périodique, par MM. Lévy-
Valensi et Jean Vinchon. — II s’agit d’une jeune femme de vingt-
quatre ans, à antécédents assez chargés, de caractère à la fois émotif
et rèveur, orgueilleux etréticentqui, présente un délire d’imagination,
de contenu polvmorphe, avec idées mégalomaniaques, ambitieuses,
érotiques et mystiques, sans hallucinations ni interprétations déli-
rantes nettes et sans affaiblissement intellectuel acquis. Ce délire est
apparu il y a environ dix mois au cours d’un accès d’agitation tantòt
maniaque, tantòt hypomaniaque, survenu peu après des fièvres
paiudéennes. De 17 à 20 ans, la malade aurait présenté un état de
dépression avec un véritable délire mélancolique d’aulo-accusation.
Entre lcs deux accès, se trouverait un intervalle apparemment nor-
mal d’environ deux ans. Les auteurs estiment qu’actuellement l’accès
maniaque est guéri tandis que persiste le délire dont la possibilité de
guérison leur parait des plus douteuses. Us se demandent à quelle
entité nosologique on peut rattacher ce syndrome assez analogue à
certaíns ca$ rapportés par Antheaume et Trepsat où un délire ima-
ginatif continu évolue à travers des accès maniaco-dépressifs. M. Henri
Vallon pense qu’il s’agit plutòt d’une démence précoce en évolution
et donne plusieurs arguments en faveur de ce diagnostic.
Unauto mutilateur récìdiviste, parM.GeorgesGÉNiL-PERRiN. —
M. Génil-Perrin présente un infirmier de quarante-deuxans,débile psy-
chasthénique,decaractèreinstablcetvaniteux, qui, en 1902, s’est prati-
quélui-méme l’amputation delavergeet, le 19mars 1913,s'estextirpé
une partie du rectum. Ces deux opérations ont été faites après anes*
thésie par injection intra-rectale de cocaine; l’extirpation du rectum
avait été précédée à trois ou quatre mois d’intervalle d’une première
tentative que l’ivresse cocainique de l’anesthésie rendit infructueuse.
Chaque íois, le malade fut trouvé sans connaissance, baignant dans
son sang, et guérit rapidement après les sutures. Interrogé sur les
motifs de ces actes d’auto-mutilation, le malade donne timideme n
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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une série de versions contradicloires ; il semble toutefois ressortir
de ses réponses qu’il a surtout cherché à se débarrasser d’infirmités
gènantes : d’abord, une fistule acquise de l’urètre qui ne lui permet-
tait plus« de se présenter devant une femme», ensuite un prolapsus
rectal qu’on avait refusé de lui opérer. La première fois, il cherchait
de plus un prétexte à fuir le mariage. Malgré son séjour de deux ans
dans une communauté religieuse comme moine garde-malade, rien
n’autorise à le considérer comme un anormal sexuel ou comme un
délirant mystique ; ce n’est non plus ni un mélancolique ni un dément,
Le fonds mental de ce malade, qui s’est toujours montré déséquilibré
instable, inadapté, suffit à donner la raison de ses actes. C’est en vertu
d’un raisonnement de débile et d’un défaut originaire de jugement
que cet individu s’est mutilé au lieu de se confier au chirurgien. Peut-
ètre aussi sa vanité native lui donnait-elle une confiance exagérée
en ses connaissances chirurgicales...
Examen anatomique d’un cas de paralysie génórale post-
traumatique, par MM. Ch. Vallon et Laignel-Lavastine. —Cette
présentation concerne les pièces recueillies à l’autopsie d’un malade,
maréchal-ferrant, dont la paralysie générale se manifesta à la suite
d’un coup de pied de cheval regu à la partie gauchc de l’os frontai.
Le choc avait déterminé une plaie de cinq centimètres n’intéressant
que les parties molles. 11 y avait eu perte brusque de connaissance;
puis, à son réveil, le malade s’était plaint de céphalée, de scotomes
scintillants et d’hypoacousie du cótégauche; bientòt survenaient des
troubles de Ja mémoire, des phénomènes dysarthriques, de l’inéga-
lité pupillaire, enfin des idées ambitieuses et des propos incohérents,
tous signes de paralysie générale progressive qui se termina par la
mort, íin mars 1911.
L’autopsie a confirmé le diagnostic clinique. II n’existe pas de trace
d’hématome méningé à gauche, còté du tràumatisme, et l’hémisphére
de ce còté est moins atrophié que l’hémisphère droit. —Aumicroscope,
on voit que l’infiltration inflammatoire méningo-conjonctivo-vascu-
laire est diffuse avec prédominance, comme c’est la règle, dans les
circonvolutions frontales, mais sans intensité plus grande à gauche.
L’étude de la sclérose méningée et de l’atrophie des fibres tangentielles
des deux còtés ne permet pas de saisir une antériorité possible des
lésions gauches sur les droites. II ne s’est donc agi, en réalité, ni d’hé-
raatome méningé traúmatique, ni de méningo-encéphalite traumatique
localisée, mais bien de paralysie générale post-traumatique par mé-
ningo-encéphalite diffuse subaiguè.
F. Usse.
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REVUE DES SOCIÉTÉS
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SOGIÉTÉ MÉDICO-PSYGHOLOGIQUE
Séance du 24 novembre 1913.
M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le Préfet de la
Seine qui, conformément à l’avis de la Commission de surveillance ad-
ministrative des asiles publics d’aliénés du département, priela Société
de lui donner son avis sur l’opportunité de la création d’une chaire
d’enseignement de la chirurgie des aliénés, création dont le principe
a été voté par le Conseil général.
M. Picqué expose comment il conQoit cet enseigneinent et quel en
serait le but.
Après observations de MM. Valon, H. Colin et Arnaud, la Société
décide à la majorité de nommer une coramission chargée de préparer
la réponse à M. le Préfet de la Seine.
Sont élus : MM. Colin, Dupré, Klippel, Séglas, Vallon et Vi-
GOUROUX.
La commission de surveillance ayant désiré connaìtre pour sa
séance du 2 décembre, l’avisde la Société Medico-psychologique, celle-
ci décide de se réunir le 29 novembre en séance extraordinaire.
Après lecture d’un rapport de M. Arnaud, M. le D r Valtorta (de
Còme) est nommé membre associé étranger.
*
* *
Traitement de la P. G.par des injections intra-rachidiennes
de sels mercuriels. — M. Page communique les observations de
2 paralytiques généraux qu’il a traités par des injections ; intra-rachi-
diennesde sels mercuriels; il a obtenu des améiiorations et croit que
l’hypothòse d’une coincidence peut ètre éliminée, la réaction de Was-
sermann ayant été modiíiée parallèlement à l’amélioration clinique.
M. Marciiand rappelle qu’il avait fait des tentatives analogues
il y adéjàonzi' ans, qu’il avait communiquéà la Société Médico-psy-
chologique des résuitats très encourageants, et qu’ii avait dù inter-
rompre ses recherches en changeant de service. II est convaincu qu’il
faut persévérer dans le sens actuellement indiqué par M. Page.
M. Arnaud cst également partisan du traitement [énergique et
précoce de^ paralvtiques généraux.
M. Juquelier fait remarquer que cette tendance tend actuelle-
ment à se g néraliser : lui-mème, en collaboration avec M. Leredde,
poursuit des essais de salvarsanothòrapie, jusqu’ici encourageants.
La démence épileptique, par M. Maurice Ducosié. — Les épi-
leptiques internés sont déments dans la proportion de 80 0/ 0. Les chif-
fres des auteurs oscillent entre 70 et 90 0 /0, ce dernier pourcentage
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REVUE DE PfeYCIJ IATRIE
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étant donné par M. Ducostó qui a examiné une soixantaine d’épilep-
tiques hommes.
Jusque vers la seconde moitié du xix e siècle, on ne s'était euère
occupé que <íc l’ótiologie de ia démence comitiale, sans en décrire ni
mème rechercher ch s symptòmes particuliers. Delasiauve dégagea
une forme caractériséc par la chronxité de la confusion, et Morei
décrivit la forme terminale où les épileptiques ressemblent de Uvs près
aux paralytiques gónéraux arrivés à la dernière période. Les au-
teurs contemporains ont décrit chez les épileptiques, les formes
paralytique, précocefsimplc, h b jìhrénique.paranoideetcatatonique),
s nile, alcoolique, vésanique ; il ont encore distingué l'iinbécillité
et ridiotie èplileptiques, mais ont rejeté rexistence de tout symptòme
propre ò la déincnce comitiale, si bien que l’un d'eux a pu ècrire :
« qu'en l’ignorance des convulsions, le diagnostic est impossiblc* entre
la démence èpileptique et tout aulre forme de démence
Contrairement à cette opinion, M. Ducos'é avance que la démence
épileptiquc a des caractères tout à fait spéciaux,faciles à mettre e:i
relief, si on examine les malades en dehors des accidents post-convul-
sifs et confusionnels, et d’ailleurs entrevus et mème décrits par Schule,
Wildermuth et Chaslin qui tout récemment a parlé d’une r forme
ralentie « de la démcnce comitiale.
En dehors des formes terminale, paralytique, de Morel et de la
forme confuse chronique de Delasiauve, l’auteur décrit longuement
ia « forme amnésique » propre à la démence épileptique ; elle se carac-
térise par une amncsic dc forme et évolution spèciaies, et un ralen-
tissement très prononcó de toutes les opérations psychiques. L’amné-
sie est rétrograde, consciente, porte sur ies souvenirs les plus anciens,
parcellaire au début ct lorsqu’elle devient totale laissant cependant
subsister quelques blocs de souvenirs isolés, plus ou moins anciens,
et facilement rattachables à une émotion vive ressentie autrefois par
le malade. Ces reliquats donnent lieu à des réactions psychologiques
à caractères d’incohérence et de confusion, généralement confondues
avec la confusion fort-paroxystique.
Le ralentissement des opérations intellectuelles est corstant et
toujours très évident. II fait croire à un affaiblissement global des
facultés intellectuelles qui, enréalité, sont plus entravéesque détruites,
comme il est facile de s’en rendre compte par un 'examen patient.
Directement et exclusivcment issusdel’amnésieet du ralentissement
des processus psychiques, apparaissent parfois des dèlires qu’onpeut
appeler dès lors« démentiels». Lemalade, par exemple, mis en présence
desouvenirs anciens, qu’il nepcut pas incorporer à sa viemnésique,
croit se souvenir d’une vie antérieurement vécue dans un autre irionde,
ou avoir changé de personnalitè (délire de métempsychose ou de dé-
personnalisation).
P. Jl’QUELlER.
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REVUE DES SOCIÉTÉS
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SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MÉDECINE MENTALE
Séance du 17 novcmbre 1913.
Contributioii à Tétude du traitement des encéphalopathies
par le néo-salvarsan. — MM. Legendre et Juquelier ont pratiqué,
depuis un an, sur trente malades de l’asile de Moisselles,de nombreuses
injections en série de néo-salvarsan à des doses variant de 0 gr. 15 à
1 gr. 50. Les auteurs insistent d’abord sur rinnocuité du traitement
qui, lorsqu’il est prudent au début, peut ètre prolongé et peut devenir
intensif sans provoquer d’accidents. Dans un seul cas (paralysie
générale avancée), ils ont observé un érythème scarlatiniforme géné-
ralisé et suivi de desquamation qui se reproduisit trois fois chez la
mème malade à l’occasion de trois injections successives, mais qui
guérit chaque fois sans laisser de traces.
Les malades traitées appartiennent aux catégories suivantes :
paralysie générale, artérite cérébrale, chorée post-hémiplégique, etc...
Un certain nombre ont été améliorées, et parmi elles, les auteurs en
présentent deux :une paralytiquegénéraleetune syphilitiqueatteinte
de chorée et de troubles de l’équilibre, qui leur paraissent avoir parti-
culièrement bénéficié du traitement par le sel d’Ehrlich.
M. Truelle qui a longuement observé et soigné la deuxième des mala-
des présentées, et qui a indiqué aux auteurs qu’elle pourrait ètre trai-
tée avec avantage, constate chez elle une amélioration notable.
Dans son service actuel, un paralytique général avancé semble s’étre
immobilisé comme évolution, sous l’influence du 606, et la lymphocy-
tose de ce malade a bien diminué.
M. A. Marie a traité par l’arseno-benzol de nombreux malades
de son service de Villejuif, et en particulier des paralytiques. II est
convaincu de l’effet thérapeutique du sel d’Ehrlich : sous l’influence
du traitement, il a constaté, en méme temps que d’heurcuscs trans-
formations cliniques, des modifications humorales indiquant une
atténuation du processus infectieux spécifique.
M. Vigouroux a également utilisé le salvarsan dans son service
de Vaucluse. S’il n’a pas obtenu de résultats chez les paralytiques
déjà avancés auxquels il s’est adressé, il a été plus heurcux dans
d’autres cas, et en particulier chez un syphilitique atteint de confusion
mentale. II n’a en tout cas jamais observé d’accidents.
M. Leredde complète la communication faite en commun avec
M. Juquelier en attirant l’attention de la Société sur les points sui-
vants.
C’est au début que les accidents de l’application du salvarsan sont
à craindre; aussi, convient-il d’administrer d’abord des doses faibles ;
mais un malade qui a franchi sans incident la troisième injection peut
ensuite recevoir des doses massives (jusqu’à 1 centigramme de salvar-
san ou 1 centigramme 1 /2 de néo-salvarsan par kilo de poids).
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UNIVERSSTY OF MICHÍGAN
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REVUE DE PSYCHIATRIE
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Les paralytiques généraux ont des réactions sérologiques auss
intenses que ies syphilitiques secondaires]; il est très diíficile d’obtenir
que leur réaction de Wassermann devienne complètement négative;
aussi, convient-il de continuer à les traiter, mèmelorsqu’ils sontclini-
quement en excellent état.
Lorsqu’au lieu de s’adresser à des paralytiques internés et déjà
avancés, on traite en ville des paralytiques au début, il est normal
de les voir s’améiiorer et de les voir reprendre leurs occupations, ce qu:
ne veut pas dire qu’ils sont guéris.
M. Laignel-Lavastine croit aussi qu’il est indispensable de distin-
guer les conditions de l’intervention en ville de cellesldans lesquelles
on intervient à i’asile après l’internement des malades. A l’asile,ies
malades traités ne s’améiiorent qu’exceptionneliement, parce que
leurs lésions sont trop anciennes. Du temps où on les traitait par le
mercure, ils supportaient très mal le traitement; du moins semble-t-iì
que le saivarsan bien manié n’est pas nocif, etqu’ila méme assez fré-
quemment une bonne influence sur l’état général.
M. Leredde pense que les accidents étaient plus fréquents avec
le mercure qu’avec le salvarsan, parce qu’avec le mercure la dose
toxique est très voisine de la dose thérapeutique ; la marge est moins
étroite en ce qui concerne le sel d’Ehrlich. D’autre part,biendes acci-
dents consécutifs à l’application du traitement mercuriel étaient
des faits de réactivation, des exemples de réactions d’Herxheimer sur
lesquels on a beaucoup insisté à propos du salvarsan et qu’on connais-
sait mal auparavant.
M. Laignel-Lavastine retient plus volontiers que l’autre la première
des deux explications proposées par M. Leredde.
M. A. Marie ajoute qu’il est fácheux que le traitement parfle 606,
chez les paralytiques généraux au début, soit parfois la cause d’une
bouffée d’excitation ou de dólire, ce qui n’aggrave pas l’état du
malade, mais ce qui peut précipiter l’internement et entraine fataie-
mentl’action thérapeutique. II n’en estime pas moins,avecM. Lereddc,
que le degré de l’incurabilité de la paralysiegénéraledoitétrecombattu.
Maladie de Basedow. Dépression mélancolique avec óma-
ciation guérie au bout de quatre ans. — MM. Trénel et Capgras
présenteuL une'malade de41 ans. atteintede maladiejde Basedowetde
psychose maniaque dépressive. Le dernier accès a duré quatreanset
s’est caractérisé par une asthénie profonde avec excitation; le poid?
est descendu à 24 kilos. Aetuellement, il existejun iéger étathypoma-
niaque et en 13 mois le poids de la malade s’est élevé à 59 kilos.
J. Crinon.
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TABLE DES MATIEBES
A
Alcoolique (réves lilliputiens chez un),
87.
Alcoolisme (réactions psychologiques
dans l’), 129.
— (recherches hématologiques
dans l’), 41, 349.
— (ròle de l’) dans la pathogénie
de l’épilepsie, 1.
Aliéné (habitation de l’), 126.
Aliénés à bord des navires, 509.
— parisiens (mariage et vie conju-
gale de mille), 77.
— régicides, 125.
— (sortie des), 43.
— voleurs, 438.
Alzheimer (maladie d’), 15.
Amentia et états voisins, 128.
Amnésie traumatique, 122.
Anorexies de la puberté, 259.
— mentale, 305.
Anormaux (principes) du sang des
aliénés, 131.
Asiles de la Seine (réformes daps les),
441.
Association de la confusion mentale,
62.
Auiosuggestion chez un obsédé, 207.
Automutilateur récidiviste, 619.
B
Bombes asphyxiantes (premières vic-
times des), 266.
Borique (acide) dans le traitement de
Pépilepsie, 87.
Butenko (réaction de) chez les aliénés,
130.
C
Cachexie immédiate et tumeurs céré-
brales, 42.
Calcul (disposition congénitaleau), 211.
Chirurgie et hystérie, 84, 221.
Chorée aigué et troubles mentaux, 481.
Circulation dans la démence précoce,
42.
Comparution enjusticed’aliénés inter-
nés, 85.
Condamnés militaires, 208.
Conducteurs d’autos (examen médi-
cal des), 263.
Confusion mentale (Associationsde la),
62.
— — intermittente, 62.
— — etpsychosediscordante, 102.
— — et suggestions accidentelles,
127.
Congrès du Puy, 340.
Conscience du délire chez un persé-
cutó, 121.
Couple morbide, 122.
Courrières (état mental des rescapés
de), 124.
Criminels à responsabilité atténuée,
176.
Crises conscientes et mnésiques d’épi-
lepsie convulsive, 87.
Cysticercose et p. g., 133.
D
Débile délirant (utilisation d’un) pour
commettre des escroqueries, 208.
Défense (moyens de) employés par
les persécutés, 121.
Dégénérescence (idée de), en médecine
mentale, 45.
Délire chez les enfants, 218.
— (conscience du) chez un persé-
cuté, 121.
— d’imagination dans la p. g.,214.
— d’imagination et psychose pé-
riodique, 619.
— d’influence et obsession émo-
tive, 86.
— obsessif, 254.
— post-traumatique, 8G.
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Démence consécutive à une psychose
prolongée, 416.
— épileptique, 307.
— neuroópithéliaie, 39.
— paranoide, 208.
— précoce, 482.
— — (circulation dans la), 42,
350.
— — (formes cliniques attri-
buées à. la), 42, 350.
— — (d’après la conception de
Bleuler), 317.
— — (glandes à secrétion interne
et 483.
— — (historique), 72.
— — et p. g., 39.
Diagnostic tardif d’une psychoseconsì-
dérée comme faute professionnelle
lourde, 34.
Divorce et aliénation mentale, 258.
— (idèe pathologique de), 207.
E
Enfcrde la bibliothèquenationale, 155.
Epilepsie et grossesse, 305.
— (influence de la menstruation
sur les crises d’), 177.
— larvée et démence, 167.
— post-traumatique, 304.
— ct pouls lent permanent, 348.
— (thèrapeutique de P), 168.
— (traitement de l’) par les
bromures et le régime végé-
tarien, 264.
— (traitement de 1*) par l'acide
borique, 87.
— tramnatique, 304.
Epilepsie jacksonienne (crises d’) pro-
voquées ii volonté chez un épilep-
tique à crises convulsives, 38.
Erotismc chez deux saturnins, 168.
Etat mental imaginatif, 298.
Etats seconds hystériques, 42.
F
Faux policiers mythomanes, 256.
Félix Plater (psychiatrie clinique dans
l’ceuvre dc), 265.
Fétichisme du mouchoir, 209.
— dc la soie, 209.
G
sous l’influence d’injections sous-
cutanéesd’oxygène, 371.
H
Habitation de l’aliéné, 126.
Habsbourg (tanatophilie chez les), 27.
Hébéphrénie (phénomènes dyspathi-
ques dans l’), 305.
Hémathologiques (recherches) dans
l’alcoolisme, 41.
Mémolytique (action) du sérum du
sang des aliénés, 131.
Hérédité vésanique similaire, 133.
Historique de la démence précoce, 62.
Hystérie (champ inculte de l’), 306.
— et chirurgie, 84, 221.
— et névroses, 132.
I
Idée de dégénérescence en médecine
mentale, 45.
Imaginatif (état mental), 298.
Influence de Pentourage sur la forme
du délire de certains mélancoliques.
— (délire d’) et obsesslon émo*
tive, 86.
Inspection psychiatrique des prísons,
Intemements dits abusifs, 24.
Interprétations dólirantes et percepti*
vité cénesthésique, 239.
Invisibles (les), 29.
J
Jalousie et délire de jalousie, 255.
KL
Législation (réforme de la) sur les
aliénés, 89, 185, 250.
Liquide céphalorachidien dans la p. g.,
218.
M
Maculateur de statues, 209.
Mariage de mille aliénés parisiens. 77.
Mémoire des faits récents chez les
aliénés et les psychopathes, 285.
Méningite séreuse ettroublesmentaux,
347.
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UNIVERSITY OF MlCfílSJíto
TABLE DES MATIÈRES
527
Menstruation (influence de la) sur
l’épilepsie, 177.
Mouvement (troubles du) dans la
démence précoce. 309.
Myoclonie épileptique, 397.
Myopatliie progressive chez deux
frères, 88 .
Mythomanie chez les faux policiers,
256.
N
Navires(aliénés à bord des), 509.
Nucléinate de soude (action du) en
rnédccine mentale, 175.
O
Obsédés (pseudo-délire et autosug-
gesiion chez les), 207.
Obsessif (délire), 254.
Obsession émotiveetdélired’influence,
86 .
Opératoires (indications) chez les
aliénés, 340.
Oxyde de carbone et troubles men-
taux, 87, 165.
P
Paralysie générale et cysticercose, 123.
— — et démenceprécoce,39,298.
— — (étiologie de la), 127.
— — (évolution lente de la), 253.
— — infantile, 124, 300.
— — (questions médicolégales re-
latives à la), 352.
— — (résultat négatif du traite-
ment spécifique dans la),299.
— — sénile, 299.
— — et spirochètes, 168.
— — traumatique, 348.
Paraiytique (syndrome) déterminé par
une encéphalite non folliculaire, 39.
Paralytiques généraux (capacité de
tester des), 40.
— — (présence du tréponème
dans le cerveau des), 301.
Paranoía (rapport de la) et de la psy-
chose périodique, 402.
Parasyphilitiques (aiiénations men-
tales dites), 458.
Paresse pathologique, 299.
Persécutés (moyens de défense des),
121 .
Phobie (un cas de) à systématisation
délirante, 105.
Plomb (le) dans les centres nerveux,
217.
Préoccupations physiologiques (délire
de), 217.
Presbyophrénie (pathogénie de la),
346.
Prisons (inspection psychiatrique des),
118.
Pseudo-dólire et auto-suggestion chez
un obsédé, 207.
Psychiatrie clinique dans Félix Plater,
265,424.
Psychoses confusionnelles (parenté
entre les), 128.
Psychose dégénérative (un cas de)
post-émotionnelle, 150.
— dépressive (formes de) à carac-
t-ère hypocondriaque, 129.
— discordante et confusion men-
tale. 122.
—- périodique et délire d’imagina-
tion, 619.
— périodìque (rapports de la)
avec la paranola, 402.
— puerpérale, 126.
Puberté (anorexies de la), 259.
H
Radium (le) dans le traitement des
psychoses, 485.
Rapport de M. Mirman sur le service
des aliénés, 35.
Réflexes psychiques (abolition des)
dans le tabes, 261.
Régicide (examen d’un aliéné), 125.
Responsabilité atténuée chez les cri-
minels, 176.
— d’un malade portant sur des
actes antérieurs à son inter-
neinent, 162.
Réves liiliputienschez un alcoolique,8 7.
Rougeole (psychoses au cours de la),
126.
s
Sang des aliénés (principes anormaux
du), 131, 351.
— (modifications cytologiques du)
dans les principales psycho-
ses, 40.
Saturnins (érotisme chez deux), 167.
Sclérose latérale amyotrophique et
troubles mentaux, 168.
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UNIVERSÍTY OF MICHIGAN
528
REVUE DE PSYCHIÀTRIE
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Seconds (états) hystériques, 42.
Séquestration des aliénés à domicile,
484.
Somatique (étude) des maladies mcn-
tales, 131.
Sortie des aliénés, 43.
— — décidées par les médecins
experts, 216.
Specht (théorie de), 402.
Spirochètes et p. g., 168.
Staphylococcémie et troubles men-
taux, 346.
Sulfure de carbone et troubles men-
taux, 87.
Syphilis cérébrale (syndromes men-
tauxdusà la), 219.
— (méthode de diagnostic de la)
pour les maladies nerveuses
et mentales, 130.
T
Tanatophilie des Habsbourg, 27.
Tester (capacité de) des paralytiques
généraux, 41.
Thyroldienne (origine) des troubles
mentaux, 210.
Traumatique (amnésie), 522.
— (épilepsie), 304.
— (étiologie) imaginaire, 127.
— (délire post), 86.
Tréponème (présence du) dans le cer-
veaudes paralytiquesgénéraux. 301.
U
Uranisme (un cas d’) simple, 36.
Utilisation par des escrocs de deux
amoureuses de prétres, 38.
V
Venin de cobra (réactions d’activation
du) dans les maladies mentales, 162.
W
Wassermann (réaction de) et ; iè-
nation mentale, 438.
Le Gèrant : O. DOIN.
PARIS. — IMPRIMERIB LBVÉ, 71, RUB DB RBNNE6.
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RBVUB DB PSYCHIATRIK
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syphilitique chez une paralytique générale (séance du 8 juillet 1912).
Examen histologique du cerveau. 259.2°A propos du cas de M. Legrain
démence précoce et ramollissement cérébral (séance du 8 juillet 1912).
Examen histologique du cerveau. 259-260. Beaussart (P.). 1° Ramol-
lissement hémorragique du cervelet, du pédoncule cérébelleux supé-
rieur, du pédoncule cérébral de la circonvolution de l’hippocampe,
à droite : phlébite et thrombose de la veine basilaire droite : pachy-
méningite localisée. 260-265. 2° Hémorragie cérébrale et hémorragies
protubérantielles. 265-267. 3° Calcifications partielles des noyaux
gris centraux. 267-269. Vigouroux (A.) et Hérisson-Laparre.
1° Encéphalite scléro-gommeuse et ramollissement cérébral. 269-273.
2° Ramoliissement du noyau lenticulaire et hémiplégie terminale
chez un paralytique général. 273-276. 3° Tuberculose des surrénales
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