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REVUE
DES
SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES
BULLETIN BIMENSUEL
DE LA
SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANGE
VEaSArM-iS, IMPRIMERIE CERF ET G'°, 59, RUE DUPLESSIS-
REVUE
DES
SCIEIGES MTORELLES UPPLIQUÉES
BULLETIN BIMENSUEL
DE LA
SOCIETE NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE
Fondée le 10 février 1854
RECONNUE ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE
PAR DKCRET DU 26 FÉVRIER 1855
SEW voKi:
1893 — PREMIER SEMESTRE
QUARANTIÈME ANNÉE
PARIS
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
41, RUE DE LILLE, 41
1893
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I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ (*).
LES LÉPORIDES '^''''^
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ET LA NOTION DE L'ESPÈCE«.^" '''•*■'
Par m. Remy SAINT- LOUP.
Hic jacet lepus.
I.
Depuis longtemps déjà les personnes qui s'occupent d'éle-
vage prétendent avoir obtenu le croisement fécond de l'espèce
lièvre avec l'espèce lapin (1). Les premières observations en-
registrées datent, d'après Amoretti, de 1773; mais depuis
cette époque le produit du croisement de ces espèces a été
admis par les uns sous le nom de Léporide, et absolument
contesté par d'autres. En lait, l'animal a été si mal défini que
l'on a présenté au public dans les concours agricoles, des la-
pins de choux croisés de lapins de garenne, d'autres croisés
de lapins Angora, d'autres enfin simplement sélectionnés et
tous avec l'étiquette Léporide. Or, le public est composé de
gens instruits et d'ignorants, les uns comme les autres en-
thousiastes ou défiants ; l'avis des plus prudents a prévalu et
du même coup Léporides authentiques ou simili Léporides
ont été renvoyés au fond des campagnes.
Une question rejetée n'est pas une question résolue, et la
Société nationale d'Acclimatation a montré .son désir d'obtenir
des éclaircissements en instituant un prix spécial destiné à
stimuler les éleveurs pour l'essai de la production des Lé-
porides. Or, il semble que les expérimentateurs se divisent
encore en deux camps, et si nous les supposions, pour un
instant, affranchis des exigences de la politesse, la situation
(*) La Société ne prend sous sa responsal)ilité aucune des opinions émises
'par les auteurs «les articles insérés dans la Revue.
■ (1) Jadis • espèce », parce que j'admets provisoirement !e terme employé par
les zoolo;iistes sans discuter immédiatement sa valeur et par une sorte de
postulatum.
1> Janvier 18V3. 4
2 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
serait résumée dans le dialogue suivant qu'ils engageraient :
— J'ai essayé d'obtenir des Léporides et j'ai réussi.
— Et moi, j'ai essayé aussi, non pas une fois mais de cent
manières, et je n'ai rien obtenu ; je vous tiens pour un im-
posteur.
— Je TOUS tiens pour un maladroit et un ignorant ;
autrement vous pourriez montrer des Léporides comme
eelui-ci.
— Çà un Léporide ! Mais c'est un vulgaire lapin.
— Mais non, vous dis-je, et j'ai des témoins de mes essais.
Dabord le vieux garde qui m'a apporté le lièvre, le notaire
qui m'a cédé la lapine, mon domestique, tous ont pu cons-
tater le succès. Malheureusement le vieux garde vient de
mourir.
— Ih! vraiment, c'est dommage, mais votre notaire n'avait
pas ses lunettes, votre domestique est à vos gages et vous
me contez des sornettes ; enfin, si c'est là un Léporide
prouvez-le.
Cette invitation à prouver l'aiithenticité de l'animal au-
trement que par des alHrmations qui échappent au contrôle,
place la question sur son véritable terrain. Il faut donc exa-
miner l'animal présenté comme un Léporide et l'étudier avec
assez de soin et de méthode pour mettre en lumière des
preuves matérielles de sa double origine. Procéder autrement,
e'est-à-dire instituer des expériences de croisement et suivre
leurs résultats ne réalise pas un progrès. Si en effet ces ex-
périences sont négatives les critiques pourront toujours dire
que les conditions d'essai étaient défectueuses, si elles sont
positives, d'autres critiques ou les mêmes auront cent ob-
jections à faire et ramèneront l'expérimentateur au point de
départ : Prouvez que l'animal que vous présentez n'est ni un
lapin ni un lièvre, qu'il participe à la fois du caractère de
l'un et de l'autre, alors nous admettrons la sincérité de vos
dires.
■ Il faudrait, en effet, que le produit authentique fût réellement
en dehors de ces conditions pour que la méthode se trouvât en
défaut; mais cette hypothèse ne peut être soutenue de prime
abord et nous en réservons la discussion après examen des
faits. Le mieux est donc d'accepter cette méthode et de ra-
mener la question sur le terrain d'anatomie comparée, qui,
dans tous les cas, fournira des documents instructifs.
LES LEPORIDES ET LA NOTION' DE L'ESPÈCE. 3
Le problème comprend alors les propositions suivantes :
" En admettant à priori la distinction spécifique du lièvre et
du lapin, pouvons-nous par l'étude anatomique mettre en re-
lief des caractères de structure dont l'existence viendra con-
firmer cette distinction.
Si la comparaison ne permet pas de relever des différences
de structure organique, toute étude anatomique du Léporide
devient inutile. Si au contraire les caractères distinctifs exis-
tent entre les deux espèces, il faut aborder l'étude comparative
d'une part entre le Léporide et le lapin, d'autre part entre le
Léporide et le lièvre. Alors de deux choses l'une : Ou bien
1° l'animal présenté comme le produit du croisement sera ex-
clusivement semblable à l'un des animaux d'origine et nous
dirons qu'il n'est pas un Léporide mais simplement un lièvre
ou un lapin, ou bien 2' il présentera des caractères em-
pruntés à la fois au lièvre et au lapin et il sera considéré
comme authentique.
Admettons quant à présent ces deux alternatives auxquelles
nous ne pouvons échapper en acceptant cette donnée que le
lièvre et le lapin sont d'espèces différentes. 11 sera peut-être
nécessaire d'y apporter quelques restrictions après l'exposé
des faits.
Le premier point, l'étude comparative du lièvre et du lapin,
n'a pas été traité par les zoologistes qui se sont occupés des
hybrides de ces animaux, ni même par les anatomistes qui se
sont prononcés à ce sujet (1). Broca se borne, en effet, à ad-
mettre la différence spécifique du leims timldus (lièvre) et du
lepus cunlcidus (lapin) en se basant sur l'opposition de leurs
instincts, de leurs goûts, de leur genre de vie, mais il aflirme
« que ces animaux diff'erent beaucoup moins par leurs ca-
» ractères anatomiques que beaucoup d'animaux réputés de
» même espèce ». D'un autre côté, un zooteclmicien plus at-
taché aux conditions pratiques qu'à l'étude de laboratoire, et
dont la compétence méritait par cela même une sérieuse con-
sidération, M. E. Gayot va môme i>lus loin que Broca dans
son affirmation. Pour M. E. Gayot le lièvre et le lapin, « fort
(1) Le travail de M. Sansoa publié dans les Âdit. des Sciences nal., 1871,
vol. XV, est trou iniluencé par la conliancu accordée aux expériences de
M. Gayot, et d'ailleurs M. Sansoa fait porter son élude sur un seul Lièvre et
un seul Lapin, de sorte que les poiuts principaux lui oat échappé. Le travail
de Matusius ne porte que sur quatre crânes el semble manquer de didactique.
4 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
» rapprochés run de l'autre intérieurement et extérieurement,
» à la surlace et dans les profondeurs de l'organisme pour
» qui les étudie anatomiquement, demeurent autant étran-
» gers l'un à l'autre par les mœurs. »
Ces enseignements appuyés d'une part sur la grande et lé-
gitime autorité d'un savant érainent comme Broca, d'autre
part sur l'expérience d'un agronome distingué comme
M. E. Gayot, avaient d'abord découragé mon dessein de re-
cherche. Mais en somme la formule employée par Broca était
assez vague pour laisser place à l'investigation précise. Ad-
mettre simplement la similitude anatomique du lièvre et du
lapin c'était en bonne logique supprimer leur spécification
zoologique et le fait de l'union féconde de ces types cesse
d'avoir l'intérêt biologique d'un croisement.
Il n'existe, en effet, et grâce aux définitions classiques de
l'espèce, que deux manières d'arriver par la méthode expé-
rimentale, à la réunion spécifique d'animaux pris au même
stade de leur évolution individuelle. La première, le procédé
physiologique consiste à vérifier si les animaux à étudier
sont capables de s'unir et de donner une lignée de produits
féconds.
On est généralement convenu de dire que dans ce cas les
types considérés sont de même espèce. II s'en suit que des
individus considérés provisoirement comme de même espèce,
c'est-à-dire rangés dans les classifications zoologiques sous
ce titre, pourraient, à la suite d'expériences démonstratives,
être catalogués comme des espèces différentes, et récipro-
quement, des individus provisoirement rangés dans la même
case, sous l'étiquette espèce pourraient être séparés. Faire
de l'hybridité la pierre de touche de l'espèce, ce n'est pas,
comme le craignait Broca, sacrifier la zoologie tout entière,
c'est simplement adopter un complément de classification
capable de modifier sur quelques points les arrangements de
zoologie systématique.
La seconde manière d'arriver au classement spécifique,
juais qui s'applique à la réunion des types et non, à leur sé-
paration, consiste à vérifier l'identité de structure interne et
externe des animaux. Cette méthode fournira des résultats
qui se trouveront soumis à la définition physiologique de
l'espèce parce que aucun fait d'observation n'est venu dé-
montrer que des animaux identiques fussent incapables d'en-
LES LÉPORIDES ET LA NOTION DE L'ESPÈCE. 5
gendrer des individus semblables à eux-mêmes. C'est-à-dire
que si l'examen anatomique du lièvre et du lapin nous
conduisait à les considérer comme identiques, nous serions
autorisés à les déclarer de même espèce tandis que si leur
identité est négative nous ne pouvons en rien préjuger de
leurs rapports spécifiques avant rexi)érience physiologique.
Cet exposé est nécessaire pour faire comprendre dans quel
engrenage conduisent les définitions actuelles de l'espèce, et
pour permettre plus loin la discussion. Nous savons aussi
quelles objections pourraient être faites à l'emploi du mot
identité ou du qualificatif « identique », qui ne sauraient
avoir ici le sens i)récis qu'ils ont en mathématiques. Nous
entendons cependant que ces mots auraient toute leur valeur
appliqués dans la comparaison des animaux, si ces comparai-
sons étaient faites sur les moj-ennes obtenues par l'étude d'un
nombre indéfiniment croissant d'individus ; et, en pratique,
il suffira que le nombre des individus soit assez considérable
pour que le type moyen soit défini.
Ceci posé, et après avoir constaté que la dissertation de
Broca est bâtie sans un examen attentif du point fonda-
mental et sur une distinction spécifique de sens commun mais
non scientifique, examinons sur quelles bases M. E. Gayot
appuie ses aflfîrmations. 11 est facile de reconnaître qu'il a
trop largement interprété certains textes.
En effet, M. Gayot écrit : « Un Léporide fut disséqué par
» Richard Owen, qui lui découvrit des caractères anatomiques
» de nature à dissiper tous les doutes qu'on aurait pu élever
» sur son origine. » Et c'est dans l'ouvrage de Broca que
M. Gayot aurait relevé ce passage. Or, Broca est loin de
s'être exprimé ainsi, et i)0ur le prouver nous n'avons qu'à
copier (1) ces lignes du Mémoire sur VhyljruUté : « La fe-
» melle, réputée de premier sang, qu'on croyait fille du lièvre
» et de la lapine, fut envoyée, après sa mort, à M. Richard
» Owen, qui la disséqua; sa taille et sa couleur étaient celles
» du lièvre, mais ses membres postérieurs n'étaient pas i)lus
» longs que ceux du lapin. La longueur de son intestin grêle
» était comme chez le lièvre tandis que le cœcum avait
B sept pouces de moins que dans cette espèce, et le gros in-
» testin un pied de plus. » Cette description n'est évidem-
(1) Brocn, Recherches sut- l'hi/inditi'' animale, éd. 1860, page 370.
6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
ment pas de nature à lever tous les doutes ; Richard OAven a
réservé son opinion et Broca ajoute un peu plus loin : « Cette
observation ne pouvait être considérée comme décisive. »
Il est difficile de comprendre comment, lorsqu'il s'agit de la
discussion d'un sujet délicat, où non seulement les observa-
tions relatées peuvent souvent être mises en doute, mais où
les rapports, qui paraissent erronés, doivent être soigneu-
sement écartés, M. Gayot n'ait pas évité une pareille méprise.
Nous ne pouvions laisser passer cette faute d'interprétation
(lui, à notre grand regret, jette le discrédit sur la dissertation
de M. Gayot et nous oblige à n'en pas accepter sans contrôle
les conclusions.
En résumé, les données anciennes, relatives à la sépara-
tion ou la réunion spécifique du lièvre et du lapin, ne sont
précises ni au point de vue zoologique ni au point de vue
physiologique. Il convient donc de procéder à la comparaison
anatomique des deux types et à établir ensuite sur des faits
déterminés les arguments relatifs à l'application des défini-
tions de l'espèce.
II.
^En abordant l'étude comparée du lièvre et du lapin, il était
rationnel de relever d'abord les dissemblances extérieures de
couleur et de forme. Mais il suffit d'un coup dœil jeté dans
■ un clapier pour constater l'existence des pelages les plus
variés depuis le blanc jusqu'au noir, avec ou sans mélange
de teintes rousses.
Le lapin de garenne est généralement désigné comme de
robe grise ; en réalité sa fourrure est formée de poils dépour-
vus de pigments qui font la nuance blanche, de poils à pig-
ments roux et de poils à pigments noirs, les trois colora-
tions pouvant être réunies sur un même poil. Suivant que
l'un ou l'autre de ces pigments domine soit dans une région
du corps, soit sur tout le corps, on distingue chez les lapins
domestiques : les albinos, les gris, les fauves, les noirs, les
tachetés. Or, chez les lièvres la coloration et la structure des
poils sont les mêmes que chez le lapin de garenne et chez le
lapin de choux. Il arrive parfois que des lapins domestiques
ont le pelage si semblable à celui du lièvre quil serait impos-
sible de les reconnaître par le seul examen de la couleur.
P\. S=Lou.y. d..'.
8 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Chez les uns comme chez les autres on peut distinguer deux
sortes de poils, les poils simples qui paraissent formés d'une
série unique de cellules (flg. IV), les poils complexes qui sem-
blent formés de plusieurs files de cellules réunies en un fais-
ceau atténué en pointe à l'extrémité. Nous a])pellerons ces
formations des poils composés, ce qui ne veut pas dire qu'ils
soient constitués par des poils simples agglutinés.
La seule différence que l'on puisse constater en prenant le
la])in de garenne comme type de comparaison, c'est que le
lièvre présente, répandus sur presque toute la lace dorsale de
son corps, de longs poils composés assez clair-semés et qui
dépassent la fourrure moyenne, tandis que la fourrure est
plus également nivelée chez le garenne.
Mais cette remarque n'a plus aucun intérêt lorsque la com-
paraison est faite avec les lapins domestiques dont le pelage
est tantôt long et léger comme chez l'angora, tantôt court et
rude comme chez les variétés voisines du garenne. Il n'y a
donc pas lieu de s'arrêter à la comparaison des robes, et d'une
manière générale les «caractères, que l'on peut noter sur l'as-
pect des pelages, n'ont pour les distinctions spécifiques qu'une
valeur très secondaire.
Il reste la comparaison des formes extérieures ; mais cette
comparaison sera beaucoup plus rigoureuse si nous la rendons
corollaire de celle des squelettes. On dira simplement que
d'une manière générale le lièvre est un animal plus long que
le lapin, mais la formule est trop vague. Une plus grande pré-
cision est nécessaire dans l'étude des proportions. Un Kob
irlandais est moins long qu'un trotteur Oiloff', leurs formes
extérieures sont différentes, ce qui ne les empêche pas d'être
tous deux des chevaux.
L'étude du squelette s'accomplit sur des pièces solides,
résistantes, dont la forme et les dimensions peuvent être ana-
lysées plus rigoureusement que la forme et les dimensions des
organes mous et flexibles.
Le crâne, entre autres pièces du squelette, est la plus inté-
ressante, à cause de sa complication qui met en évidence à la
fois un plus grand nombre de points remarquables. Il est bien
entendu que lorsque nous disons un crâne ou un squelette de
lapin ou de lièvre, il s'agit soit d'une série de crânes examinés
pour écarter les anomalies capables d'induire en erreur, soit
d'un crâne reconnu normal à la suite de l'étude de la série.
LES LÉPORIDES ET LA NOTION DE L'ESPÈCE. 9
Nous avons dû comparer entre eux non pas un squelette de
lièvre et un squelette de lapin, mais une série de pièces
osseuses homologues appartenant à ces deux types (1). Cette
nécessité rendait le travail plus long et plus difficile, mais elle
ne pouvait être éludée dans une étude laite en vue de résultats
précis.
III.
Si l'on examine comparativement la face supérieure d'un
crâne de lièvre et d'un crâne de lapin [fig. /), on ne cons-
tate à première vue aucune différence. Comme des dissem-
blances peuvent échapper à cet examen superficiel, il con-
vient d'employer un moyen d'analyse plus précis, d'opérer des
mesures. Ces mesures ont été faites et sont consignées dans
les tableaux inscrits plus bas. L'examen de la face postérieure
du crâne et des faces latérales ne nous a pas donné de résultat
constant, mais celui de la face inférieure permet de recon-
naître, même sans mensuration, un caractère différentiel très
net qui est traduit, en outre, par les chiffres. Nous sommes
entraînés ici dans des détails arides, mais indispensables pour
la mise en évidence des faits observés.
Index {fig. I] :
abc longueur prise de l'apophyse postérieure de l'occipital,
à la ligne de suture occipito-pariétale ;
c d longueur de la ligne de suture des pariétaux ;
de longueur de la ligne de suture des os frontaux ;
ef longueur de la ligne de suture des os nasaux ;
op largeur des pariétaux au niveau de la suture pariéto-
frontale ;
q r largeur des frontaux à la naissance de l'apophyse sus-
orbitaire ;
s I largeur maxima des os nasaux ;
a /■ longueur totale rectilique ;
h îi largeur de la tête, arcades zygomatiques comi)riscs ;
X'u lai'geur de la fosse postérieure ou palatine ;
y z largeur de la fosse aiitérieure ou intermaxillaire.
(1) La partie technique de ce travail a é'.é accomplie en jiartie à l'aide de
pièces provenant du cabinet d'analomio comparée du Muséum, au laboratoire
annexe des llautus-Etudes. Sur la demande de M. le Président de la Société
d'Acclimatation, ^L^L Milne Edwards et Uustalet ont bien voulu, par l'examen
des pièces disséquées que j'ai présentées, contrôler l'exactitude des laits relevés.
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LES LÉPORIDES ET LA NÛTIOX DE L'ESPÈCE.
11
De la comparaison de ces nombres il résulte :
Que la longueur totale de la tète du lapin domestique ne
difïere pas de celle de la tête du lièvre. Le lapin de garenne,
au contraire, a la tète plus courte, mais il faut tenir compte
de la taille de son corps qui est moindre. Ces remarques s'ap-
pliquent soit à la longueur rectilique, soit à la somme des
longueurs prises sur la ligne courbe des sutures médianes;
Les os frontaux et pariétaux sont en général un peu plus
courts chez le lapin, les os nasaux étant plus longs ;
Les os frontaux sont relativement
moins larges chez le lapin que chez le.
lièvre ; car si nous mettons en regard
dans les deux séries les sommes des di-
mensions op + 'P' -\- st , nous remar-
quons que le nombre de millimètres qui
exprime ces sommes reste au-dessous de
5t) pour les lapins et au-dessus de 6U
pour les lièvres.
Il faut remarquer aussi que dans les
deux séries la largeur op est constam- \L
ment de 13 millimètres, sauf dans le cas \^"^
d'un lièvre provenant de la collection de
Gall ; nous relevons cette anomalie, qu'il
n'y a pas lieu de commenter quant à
présent.
Enfin, — et ce caractère est le [ilus
important — , la fosse palatine {pg. o) est
toujours chez le lièvre sensiblement de
même largeur que la fosse intermaxil-
laire, tandis que chez le lapin domes-
tique [fuj. 4), la fosse palatine est très no-
tablement plus étroite que la fosse inter-
maxillaire. Les largeurs sont, en outre,
pour l'une et l'autre fosse plus considé-
rables chez le lièvre.
Notons que chez le lapin de garenne
la dilférence de lai'geur des deux fosses
est moins coiisidérable que chez le lapin
domestique, mais la somme des nombres
qui expriment ces dimensions reste au-
dessous de la même somme comptée pour
Fiç. ^1.
12 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
le lapin domestique. Les nombres sont de la forme 20 et an-
dessus chez le lièvre, de la l'orme 1.5 et au-dessous pour le
lapin. Des différentes remarques qui précèdent, ne retenons
que la principale, sans nous attarder à signaler des observa-
tions corrélatives sur la disposition des sphénoïdes, et nous
dirons qu'il est toujours facile de distinguer un crâne de lièvre
d'un crâne de lapin au simple examen de la face inférieure (1).
Ces faits, absolument palpables, montrent donc déjà, au
moins quand il s'agit des espèces françaises, que des différences
de structure anatomique existent, qui ne permettent pas d'éta-
blir la réunion spéciflque du lièvre et du lapin aux termes de
la définition zoologique de l'espèce.
Nous pouvons, dès lors, comparer l'animal qui nous est
présenté comme un léporide aux types étudiés, et, procédant
comme précédemment par la méthode des mensurations, nous
obtiendrons les nombres consignés ci-dessous :
abc
c d..
d e..
e f..
(j r. .
op..
s (...
a r..
à le.
V y..
Il z..
LÉPORIDE X (2).
13
17
31
36
13
23
18
S9
42
97
54
5,5)
8 )
13,5
LÉPORIDK Y.
11
14,5 I
27
24
;8,5
12,5
22 \ 47,5
13
69
35
' )
11
LÉPORIDE Z.
12
16
30
34
13
23
16
80
40
5
8
92
62
13
(1) En général, les apophyses surorbilaires sonl plus lar^jes chez le Lièvre
que chez le Lapin, leur bord libre est à courbure convexe dans le premier type,
concave dans le second, mais ce caractère ne nous paraît pas de grande impor-
tance, il n'est notable qu'à litre accessoire. (Fig. II, apophyse surorbilaire chez
le Lièvre ; Fip;. III, apophyse surorbitaire chez le Lapin. Planche I.)
(2) Le léporide X est une i'emelle adulte ; Y un jeune mâle à^é de deux mois ;
Z un léporide âgé d'environ cinq mois.
Il m'a paru inutile d'exécuter des pesées pour avoir des termes de c imparaison,
l'état de réplélioa des animaux ayant une trop grande part pour le poids des
animaux vivants, et d'autre part la pesée après dissection eiit été inexacte aussi
à cause des pertes de sang ou à cause du poids des substances à injection.
LES LÉPORIDES ET LA XOTIOX DE L'ESPÈCE.
13
Les animaux dits Léporides qu'il a été possible d'étudier
ne sont, comme on le voit, pas très nombreux ; cela s'explique,
étant donnée la rareté de ces spécimens ; aussi l'examen de
l'exemplaire B, qui est un animal âgé de deux mois, ne pou-
vait-il être négligé. Les écarts de dimensions qu'il présente
avec ses congénères s'expliquent par ce lait ; ils peuvent
d'ailleurs être corrigés jusqu'à un certain point. Si, en effet,
nous supposions la croissance du Léporide Y assez avancée
pour que la somme de ses longueurs de suture atteignent le
nombre 97 qui exprime cette quantité pour le Léporide adulte
X, nous obtiendrions, en calculant proportionnellement la
largeur ^^-^— + 13 = 56. Soit donc une largeur de 0'",56,
qui se rapproche sensiblement du type X. Ce calcul est d'au-
tant plus admissible que les dimensions en
diamètre du crâne d'un jeune mammilére
sont relativement plus grandes que chez l'a-
dulte, et, par conséquent, le nombre 56 n'est
pas trop faible. Ceci posé, si nous compa-
rons les résultats des mensurations, nous
voyons qu'ici encore les dimensions du crâne
en longueur et en largeur ne présentent rien
de particulier.
Mais les largeurs des os de la face supé-
rieure du crâne se rapprochent du type
lapin.
Les dimensions relatives des fosses pala-
tines et leurs dimensions absolues sont telles
qu'elles se rapportent au type lapin.
Bref, si l'analyse devait se borner à Vexamen de la télé, il
faudrait déclarer que l'animal examiné se dislingue aisé-
ment dît lièvre, mais non pas du lapin. Est-ce à dire que
l'on doive immédiatement lui refuser le titre de Léporide et
sans continuer plus loin la recherche. Non, certes, et voici
pourquoi. Un animal hybride ne présente pas nécessairement
dans un organe quelconque des dispositions intermédiaires â
celles du type paternel ou du type maternel. L'influence pré-
dominante de l'un ou l'autre des types parents se laisse re-
marquer exclusivement dans une ou plusieurs régions du
corps de l'hybride, sans qu'il y ait de règle fixe. 11 va sans
dire qu'il ne s'agit pas ici des caractères sexuels. Nous de-
vons donc nous attendre à trouver non pas une moyenne
Fig.
CRANES d'après PHOTOGRAPHIE.
\. Léporide. - 2. Garenne. — 3. Léporide jeune. — 4. Lapin domestique. — 5. Lièvre.
LES LÉPORIDES ET LA XOTIOX DE L'ESPÈCE. 15
anatomique pour chaque organe, mais dans l'ensemble de
l'organisme, des portions semblables aux homologues du lièvre
et d'autres semblables aux homologues du lapin. On admet,
en effet, cet enseignement d'Isidore GeofFroy-Saint-IIilaire :
« Dans le croisement de deux animaux d'espèces différentes
le produit pourra bien ressembler à l'un plus qu'à l'autre,
mais non pas exclusivement à l'un d'eux. »
Les mulets et les bardeaux sont des exemples en faveur de
ce principe ; ces animaux présentent des caractères qui tien-
nent à la fois du type âne et du type cheval, mais non pas
exclusivement de l'un des types. L'influence du père prédo-
minerait dans ces croisements dans la forme de la tète, tandis
que dans le cas des Léporides examinés ici, qui sont nés d'une
lapine, nous rencontrons une conformation de la tête abso-
lument semblable â celle de la mère. Ce serait là, semble-t-il,
un argument de plus en faveur de l'authenticité du Léporide
en question, mais nous savons, d'autre part, que dans d'autres
cas d'hy])ridité observés par Buffon, dans le croisement du
chien et de la louve, la tète des hyl)rides ressemblait tantôt à
l'un, tantôt à l'autre des parents. On voit donc qu'il faut la
plus grande prudence avant de se i)rononcer dans une ques-
tion hérissée de difficultés et que le résultat tiré de l'étude
du crâne, tout en demeurant acquis, ne dispense pas de
l'étude des autres parties du squelette, et nous devons procé-
der comme précédemment en comparant d'abord le lièvre et
le lapin.
{A suivre.)
VISITES FAITES
AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE
Par m. mardis
ÉLEVAGE DE M. DEBEAUVAIS
ÉLEVEUR-AMATEUR, PASSAGE DES THERMOl'ÎLES, 49, A PARIS.
Lorsque l'on pénètre dans la propriété de M. Debeauvais,
on se demande si réellement l'éleveur-amateiir, dont nous
avons admiré les beaux sujets dans nos derniers concours,
peut avoir chez lui cette belle collection.
En arrivant dans la cour, derrière la maison, on comprend
le système employé par M. Debeauvais qui, non seulement
est un aviculteur distingué, mais est encore un très bon cons-
tructeur.
H a superposé dans le peu d'emplacement qu'il occupe un
poulailler à trois étages. Rez-de-chaussée, entre-sol et jire-
mier étage avec balcon tout au pourtour ; le tout est en
charpente avec plancher en parquet démontable pour faciliter
le nettoiement de chaque compartiment.
EEZ-DE-CHAUSSÉE.
A gauche, en entrant : Petite cour avec sol en ciment.
Quatre compartiments de volailles de 2'", 80 sur 2"^, 10 de
largeur, en moyenne et 1"\60 de hauteur. Chaque comparti-
ment se compose d'une partie grillagée au devant de l'",25
sur 2'", 10, partie couverte au fond de même largeur sur 1"\G0
de profondeur, dont une partie en poulailler, en planches,
fermé tout au pourtour, de 0'n,80 de largeur sur 1"',60 de lon-
gueur. Ce poulailler est muni à l'intérieur de trois perchoirs
mobiles en bois plat, deux ou trois pondoirs en bois avec
couche de paille ; tout au pourtour des compartiments et de la
grande volière grillagée, petits murs en briques de 0'",25
d'épaisseur, jointoyées en ciment Portland.
Pour l'aération, un châssis vitré, pour l'entrée et la sortie
des volailles, une trappe en bois ; pour le nettoyage, une
VISITES AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE. 17
porte en bois de 0"',60 sup environ 1"^ de hauteur, le sol du
poulailler est en parquet recouvert d'une couche de sable
fin ; la partie grillag'ée, au devant, est en terre avec forte
couche de sable fin. Dans la partie haute de chaque poulail-
ler, une cabane à lapins prise dans l'épaisseur des solives,
avec porte grillagée sur le devant. Chaque compartiment a sa
porte sur la larade et, de plus, une porte intérieure, commu-
niquant avec le compartiment voisin, pour, au besoin, donner
un ou deux compartiments aux volailles, suivant les besoins.
Chaque compartiment est blanchi à la chaux vive.
1«'" compartiment : 1 coq, 3 poules, race Campine dorée ;
!«■■ prix au concours général de 1892 ; cabane à lapins, race
Lapins communs .
2° compartiment : 1 coq, 3 poules, race de Langshan, race
Lapins japonais, 1 mâle.
3° compartiment : 1 coq. 3 poules, race Cochinchine fauve;
race Lapins japonais, 1 l'emelle.
4« compartiment : 1 coq, 3 poules, race Cochinchine blan-
clie; race Lapins argentés, 2 mâles et 2 femelles très beaux.
A droite :
Grande volière grillagée avec partie couverte au l'ond.
Dans cette volière, un lot de Canards, race d'Aylesburj-,
l*"" prix, mâle et femelle, au dernier concours de la Société
d'acclimatation, 2 Canes, races de Pékin, 1 mâle et 2 femelles.
Oies de Guinée: 1 beau mâle Dindon noir; plusieurs poules
ordinaires i)Our les couvées ; nombreuses cabanes à lapins
ilans lesquelles on peut admirer de beaux couples de Lapins
Béliers, communs, géants, des Flandi'es et argentés.
Pour les Oies et les Canards, grand bassin en ciment avec
eau courante; sol de la volière, pavage en bois ; sol de la par-
tie couverte, terre avec sable fin. Cette volière est très bien
agencée. Pour l'enlèvement du fumier et le service de manu-
tention du grenier à fourrage, porte spéciale donnant sur
la cité Bauer. Entre cette volière et le comi»artiment ci-
dessus, passage dallé en ciment Portland de r",10 de largeur,
conduisant à la cAté Bauer.
Entre la maison et cette grande volière, coffre à grains et
réservoir d'eau de Seine. •
Escalier en échelle de meunier conduisant au premier
elage.
l) Janvier I8I1:!.
18 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
ENTRE-SOL :
A gauche : sur la partie couverte des volières, au rez-de-
chaussée, quatre compartiments contenant des volailles,
chacun de ces compartiments a 2"', 10 de longueur, sur 1"\60
de largeur et l"\bO de hauteur. Plancher en bois recouvert
de sable fin , poulailler comme celui du rez-de-chaussée,
pondoirs, perchoirs dito. L'entrée de ces compartiments se
trouve dans la partie grillagée du compartiment au rez-de-
chaussée : le service se fait à l'aide d'une petite échelle ; le
devant de chaque compartiment est grillagé avec porte d'en-
trée spéciale et porte de communication entre chaque com-
partiment. Le dessus est en planches et se trouve couvert
par le plancher haut du premier étage formant volière et
terrasse.
l'^'" compartiment : 1 coq, 3 poules, race Padoue dorée.
2® compartiment : 1 coq, 3 poules, race Padoue argentée.
3« et 4^ compartiments : 1 coq, 4 poules, races Padoue
blanc.
A droite, dans la grande volière, trois compartiments
comme ceux ci-dessus, plus un compartiment sous escalier,
avec bassin spécial, servant pour un lot de Canards man-
darins.
l<=^ 2« et 3'^ compartiments : 1 coq, 1 poule, race Padoue
argentée.
Compartiment en retour, au fond, sur cité Bauer : 1 coq,
4 poules, race naine Combattant argentée.
PREMIER ÉTAGE.
Six compartiments dont trois à gauche et trois en retour
au fond sur cité Bauer.
Chaque compartiment est en bois , couverture en bois
avec papier goudronné sur le dessus ; au devant, grillage
en fer avec porte spéciale pour chaque compartiment et
porte de communication entre chaque compartiment.
Il a comme dimensions 3"^ sur 2™ et 1"\85 de hauteur sur
le devant et l'",90 sur le derrière ; le poulailler, fermé comme
ceux du rez-de-chaussée, a l'",60 de longueur sur 0"\75 de
largeur, pondoir et perchoir, comme au rez-de-chaussée. Le
sol de chaque compartiment est en parquet recouvert d'une
YISITES AUX ETABLISSEMENTS D'AVICULTURE. 19
forte couche de sable fin. Dans trois compartiments, casier
en bois pour Pigeons.
Dans un de ces compartiments existe un pondoir spécial,
communiquant avec le compartiment, mais entièrement au-
dehors, ce qui permet de retirer les œufs par un couvercle
placé au-dessus du pondoir et cela sans être obligé d'entrer
dans le poulailler.
1" compartiment : 1 coq, 2 poules, race Courtes-Pattes.
2^ Compartiment : 1 coq, 1 poule, race Cocliincliine noire
naine.
3° compartiment : 1 coq, 4 poules, race Espagnole.
4^ et 5*^ compartiments : 1 coq, 4 poules, race Andalouse
(beau lot).
6e compartiment: 1 coq, 2 poules Red Cap (beau lot).
Tout au pourtour de ces compartiments, en retour contre
passage et contre bâtiments d'habitation :
Terrasse avec balcon en bois, avec jardinières ornées de
fleurs.
La construction de cet étage est remarquable par sa simpli-
cité ; l'organisation qui en a été laite par l'amateur est irré-
prochable et, comme je le dis plus haut, à première vue il est
impossible de se figurer que dans un espace d'environ 100
mètres, on soit arrivé â organiser un assemblage de compar-
timents aussi réussis. Pas d'odeur, la plus grande propreté
règne dans l'établissement ; chaque jour la cour est nettoyée
à grande eau; les volières nettoyées. Cet élevage mérite
d'être visité, surtout à cause de sa disposition dans un terrain
aussi restreint.
Nourriture des volailles : Blé, maïs, sarrasin, une fois par
jour ; pain mouillé et recoupette, une fois par jour.
Nourriture des lapins ; Luzerne, carotte, regain.
A signaler les râteliers pour les lapins, barreaux ronds en
gros fils de fer, augette en bois doublé en zinc, fixée contre
la porte, ce qui permet de soigner les lapins sans être obligé
d'ouvrir le compartiment.
M. Debeauvais ex[»ose dans nos concours de Paris où il a
déjà remporté nombreux succès.
UNE VISITE
A L'ÉTABLISSEMENT DE PISCICULTURE
DE BESSEMONT, près villers-cotterets (aisne)
Par m. RA.VERET-WATTEL.
Les renseignements fort intéressants donnés, il y a quel-
que temps, dans notre recueil, sur les travaux de piscicul-
ture entrepris par M. de Marcillac, dans le département de
l'Aisne, à Bessemont, près Villers-Cotterets, me Taisaient
beaucoup désirer voir les installations réalisées par notre
collègue, et j'ai rapporté d'une récente visite à Bessemont,
outre le souvenir d'une réception fort aimable, celui de
l'excellente organisation d'un établissement de pisciculture
très intelligemment dirigé.
Dans tout élevage, et particulièrement en ce qui concerne
la pisciculture, — cette industrie relativement si nouvelle où
tout, pour ainsi dire, est encore à étudier, — les observations
quotidiennes faites par des éducateurs soigneux et attentifs
présentent un véritable intérêt, et tel est précisément le cas
l)Our ce qui se fait à Bessemont, où l'élevaue du poisson est
pratiqué d'une façon véritablement industrielle.
Disons d'abord que l'établissement est fort bien partagé
sous le rapport de l'alimentation en eau, cette condition
essentielle d'une exploitation piscicole sérieuse. Des sources
nombreuses fournissent en abondance une eau limpide,
jraîclie, à température à i)eu près constante et qui, sortant
de terrains argilo-calcaires, présente précisément des condi-
tions extrêmement favorables à l'élevage de la truite.
Et ici se place déjà une observation qui mérite d"ètre
signalée. Si une eau calcaire, même légèrement séléniteuse,
c'est-à-dire renfermant non seulement du carbonate de
chaux mais aussi une certaine proportion de sulfate de
chaux, si une telle eau, dis-je, ne déplaît nullement à la
truite, qui s'y développe même plus rapidement que dans
une eau provenant de terrains granitiques ou siliceux, il en
est tout autrement quand, aux éléments calcaires, vient
ÉTABLISSEMENT DE FISCICLLTUUE LE BESSEMOXT. iîl
s'ajouter un peu de magnésie. Une eau même légèrement ma-
gnésienne ne convient guère à la Truite, qui s'.y développe
mal, comme a pu le constater M. de Marcillac. Une des
sources qui arrosent sa propriété donne une eau renfermant
de la magnésie. Eh bien, jamais, dans cette eau, les alevins
ne se développent avec la même vigueur, avec la même rapi-
dité que dans les eaux voisines.
Ce qui caractérise particulièrement l'exploitation de Besse-
mont, c'est l'intelligente économie apportée dans les installa-
tions, où l'on s'est attaché à bannir tout luxe inutile, à éviter
soigneusement toute dépense superflue. Le laboratoire d'éclo-
sion est installé tout simplement dans un ancien poulailler
couvert en chaume, dont l'aménagement, réalisé à très peu
de frais, ne laisse cependant rien à désirer. Il y a là un
excellent exemple à mettre sous les yeux des personnes qui
désirent, elles aussi, faire de la pisciculture, et qui verront
que les installations dispendieuses ne sont nullement néces-
saires, quand elles ne sont pas même beaucoup plus nui-
sibles qu'utiles.
Les appareils d'éclosion employés dans ce laboratoire sont
les augettes en terre cuite du système Coste légèrement amé-
liorées, telles que les. livre actuellement la maison Leune.
Ces augettes sont, en définitive, d'un fonctionnement très
satisfaisant lorsque, comme à Bessemont, on n'y laisse pas
longtemps séjourner les alevins et que, presque toujours
bien avant la résorption de la vésicule ombilicale, on les fait
passer dans des bacs d'élevage, oii ils trouvent, à la fois,
l'espace et le courant qui leur sont indispensables.
Les bacs d'élevage sont de petits bassins en briques et
ciment, ou bien encore des aquariums en verre gaufré avec
ossature en fers cornières, qui sont d'une construction fort
peu coûteuse et dans lesquels les alevins trouvent les meil-
leures conditions hygiénic^ues que l'on puisse désirer.
Les alevins une fois éclos et débarrassés de leur poche
ombilicale, il s'agit de pourvoir à leur alimentation, et c'est
là, nous le savons, la grande difficulté de la pisciculture. A
Bessemont, on n'emi)loie que de la rate, pour première nour-
riture de l'alevin ; de la rate de veau, comme étant plus
légère, plus délicate, pour le tout premier âge ; puis de la
rate de bœuf ou de mouton pour l'alevin un peu plus déve-
loppé. Contrairement à ce qui se fait dans la plupart des éta-
22 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Glissements où l'on emploie le même genre de nouniture,
eette rate n'est jamais donnée que cuite, et voici comment
on procède : Pour le petit poisson qui commence à peine à
manger, on fait seulement bouillir la rate pendant quelques
instants, puis on la réduit en une bouillie fine, soigneuse-
ment débarrassée de toute parcelle de la membrane exté-
rieure qui, même finement hachée, présenterait encore des
morceaux trop gros pour être facilement avalés. Plus tard,
on donne la rate préparée avec moins de soin; puis enfin on
passe à l'emploi de la viande de cheval, d'abord hachée
menue, puis distribuée en morceaux de plus en plus gros,
au fur et à mesure que l'alevin avance en âge.
Un principe fidèlement suivi dans l'établissement, c'est de
toujours nourrir copieusement le poisson, à tout âge. Si on
le laisse pâtir ou même si simplement on ne l'alimente pas
avec assez d'abondance, son développement en souffre beau-
coup ; les plus gros sujets ne tardent pas à attaquer les pe-
tits, et, quand une fois ils ont goûté de ce régime, ils n'en
veulent plus d'autre. Aussi voit-on bient(3t les rangs s'éclair-
cir d'une façon ruineuse pour l'élevage. C'est donc faire
preuve d'une sage économie que de savoir dépenser suffi-
samment en nourriture.
Quand les alevins, ayant atteint l'âge de trois mois, ont
ainsi franchi la période la plus critique de leur existence, on
les fait passer dans un bassin d'élevage, 1-ong d'une quaran-
taine de mètres sur 4 ou 5 mètres de large, bassin qui, vers
son extrémité d'amont, ne présente guère que 15 centimètres
d'eau, mais qui va s'approfondissant en pente douce et régu-
lière pour atteindre 80 centimètres ou 1 mètre à son extré-
mité aval. C'est naturellement dans la partie recouverte seu-
lement d'une mince nappe d'eau que se fait le lâcher des
alevins. Ceux-ci, au fur et à mesure qu'ils grandissent,
gagnent d'eux-mêmes l'eau de plus en plus profonde. Une
petite vanne, située dans la partie la plus creuse, permet de
mettre le bassin très rapidement à sec pour le pêcher. La
vanne est, en effet, formée de planchettes horizontales pla-
cées les unes au-dessus des autres et maintenues par deux rai-
nures, dans lesquelles s'engagent leurs deux extrémités. En
enlevant ces planchettes une à une, on abaisse peu à peu le
niveau de l'eau dans le bassin, jusqu'à vider complètement
celui-ci, en obligeant ainsi les alevins à en sortir pour s'en-
ÉTABLISSEMENT DE PISCICULTURE DE BESSEMÛXT. 23
gager dans un petit canal que commande la vanne, et qui
aboutit ;i une sorte de réservoir, où tous les petits poissons
se trouvent hientôt réunis et où il est facile de les prendre
avec une épuisette. Ce système, extrêmement simple, permet
de pécher les alevins sans les exposer à la moindre blessure,
de ne pas en oublier un seul dans le bassin, et de faciliter
singulièrement la besogne aux ouvriers employés à ce tra-
vail En temps ordinaire, le trop plein du bassin s'écoule par
le petit canal, en se déversant par dessus la vanne. Or, pour
éviter que des alevins ne s'échappent de ce côté, on y a placé
une grille très serrée, sur laquelle s'applique, d'ailleurs, un
châssis garni d'une toile métallique. Détail utile à noter :
cette toile métallique, bien qu'à mailles très étroites, doit
être formée de fils d'une certaine grosseur. Quand les fils
sont trop fins, les alevins peuvent se prendre les nageoires
dans les mailles et s'y blesser.
Du bassin d'alevinage, les jeunes Truites passent dans un
bassin de 40 ares qui, lors de ma visite à Bessemont, renfer-
mait 17,000 Truites arc en-ciel ayant à peu près atteint la
taille marchande. Un autre étang, de 90 ares, venait de rece-
voir 21,000 Truitelles de même esi)èce. Cet étang forme un
ruisselet qui alimente une petite pièce d'eau de 1,800 mètres,
lequel renfermait 6,000 alevins. Enfin, un dernier étang,
divisé en trois sections, est réservé aux reproducteurs.
Bien que de création encore récente, l'établissement de
Bessemont est déjà en mesure de livrer à la consommation
des ({uantités importantes de poisson, qui sont dirigées,
pres([ue chaque semaine, sur Paris, où un dépôt et une mai-
son de vente ont été installés, 54, rue du faubourg Mont-
martre. Le poisson y est généralement expédié vivant, dans
des bidons en fer blanc, ce qui permet de le vendre à un prix
plus élevé. En moins de trois mois, 15,000 Truites ont été
ainsi écoulées, et la vente eût été infiniment plus considé-
rable, si les ressources de la production l'eussent ]»ermis.
Non loin des étangs à Truites, l'établissement possède
d'autres bassins réservés aux Carpes, aux Tanches et aux
Perches, dont la production, encore assez restreinte, tend à
se développer. Elle viendra ajouter un contingent fort api)ré-
ciable au rendement de cette forme aquicole, dont les pro-
duits sont, dès maintenant, très rémunérateurs.
Ux\ ÉTABLISSEMENT
POUR LA SALAISON DES HARENGS
EN ECOSSE
Par Cath. KRANTZ.
Autant on a étudié la question du Hareng au point de \'ue
de la pèche (du diamètre à donner aux mailles des filets, etc.),
des rapports existant ou ayant existé entre les pêcheurs et
les saleurs, etc., autant on a négligé le côté : salaison et em-
ballage. Dans le présent article, nous sommes en mesure de
donner quelques détails, fort incomplets malheureusement,
sur un des meilleurs établissements de salaison appartenant
à M. Cardnot et situé à Frasebourg.
Cette installation fort importante est de création récente.
Ce n'est plus une espèce de cour découverte où les ouvriers
sont exposés à toutes les intempéries et où ils se meuvent au
risque de se casser le cou sur un sol gluant, comme on en
trouve dans la plupart des établissements similaires. La la-
brique de Frasebourg est un spacieux bâtiment, dont le sol
est revêtu d'un enduit en ciment, dont la toiture abrite par-
faitement le personnel et dont l'installation offre tout le con-
fort que comportent les conditions du travail. L'eau y est
conduite partout et, en général, il y règne une propreté re-
marquable ; l'éclairage est au gaz — chose rare dans les éta-
blissements voisins.
Vers dix heures du soir, le travail battant son plein, on a
devant soi un tableau des plus vivants et des plus animés.
600 krons de poissons, qui servent à remplir un millier
de tonneaux, venaient d'arriver — fort en retard — au mo-
ment où l'auteur visitait l'établissement, et il fallait une acti-
vité extrême pour les préparer à temps. Aussi, les femmes,
toutes mises proprement et même avec quelque recherche,
enlevaient-elles rapidement les branchies des poissons. Dans
l'espace de quelques minutes, le Hareng fut vidé, examiné,
trié et placé dans des caisses spéciales selon sa qualité.
LA SALAISON' DES HARENGS EX ECOSSE. 25
Quelques instants plus tard, on emportait ces caisses pour le
salage du Hareng que l'on replaçait ensuite dans des ton-
neaux. Le sel se trouve dans des tonnes, à la cave, afin d'en
avoir sous la main à monter aux emballeurs à tout instant.
Les tonneaux vides sont gardés dans les greniers du bâti-
ment, d'où on les descend par une lucarne au fur et à mesure
des besoins.
Il est malaisé de déterminer le nombre de tonneaux qui
pourraient être préparés à la fabrique, si elle se trouvait
constamment en pleine activité ; tout dépend du temps et des
arrivages ; nous n'exagérons cependant pas en évaluant à
20,000 tonneaux le chiffre atteint pendant la saison de pèche.
Cette période dure huit semaines, et lorsque la pèche a été
bonne, les habitants de la localité gagnent assez pour avoir
du pain sur la planche pendant tout l'hiver, car les tonneliers
et autres artisans trouvent du travail dans les préparatifs de
la saison suivante. Tout saleur avisé fait de grandes provi-
sions en sel et en tonneaux pour ne pas être pris au dépourvu
dans le cas d'une abondante pèche à la fin de la saison, ce
qui arrive assez souvent et peut causer des dommages impor-
tants aux industriels imprévoyants, ayant déjà à ce moment
utilisé tout leur matériel et toutes leurs munitions. Il y a
quelques dizaines d'années, plusieurs canots, lourdement
chargés de Harengs, abordèrent dans une des villes de la côte
écossaise du nord-ouest. La saison touchant à sa fin, il fut
impossible aux saleurs de se procurer du sel, faute de quoi le
poisson allait se corrompre. Un des pêcheurs, pensant qu'il
serait toujours temps de l'offrir aux cultivateurs comme en-
grais, se décida à le distribuer gratis pendant qu'il était en-
core mangeable, aux habitants de la ville.
Sans doute, un fait pareil n'est plus possible de nos jours :
grâce au télégraphe, les provisions peuvent être renouvelées
dans le plus court délai. Cependant, on doit avoir chez soi du
sel plutôt plus que moins. La fabrique qui nous occupe, a sou-
vent une [»rovision de plusieurs milliers de tonneaux de sel,
représentant jusqu'à 900 tonnes.
Le fonctionnement d'un établissement de ce genre est plus
comi)liqué que ne le pensent les gens peu au courant de cette
industrie. L'hiver et le printemps, pendant que la pêche est
interrompue, on ne reste pas inactif, on s'occupe de l'entre-
tien et du raccommodage du matériel.
26 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
Les tonneaux sont souvent faits avec du bois importé de
Norvège. Dans ces derniers temps, on semblait cependant
disposé à remplacer celui-ci par certaines espèces feuillues
du pays. Les cercles de bois, qui venaient d'Angleterre, sont
aujourd'hui souvent commandés à Bordeaiioo; les cercles en
fer qui ont commencé à s'introduire, semblent devoir les éli-
miner entièrement dans un avenir prochain, ce qui consti-
tuera certainement un progrès.
Le sel et les autres munitions doivent être préparés d'a-
vance, car, à l'arrivage du poisson, chaque minute de retard
entraîne des pertes.
Au moment de l'opération, les tonneaux sont soigneuse-
ment examinés avant d'être remplis. Les tonneliers les fer-
ment, et tous les jours jusqu'au moment de renvoi, les visitent
afin de s'assurer s'il ne s'y est produit aucune fente ; s'il y
en a, on les bouche immédiatement et le tonneau est rempli
de nouveau jusqu'aux bords avec de la saumure.
On le laisse ainsi pendant dix jours, et au bout de ce temps,
il est placé sur des sables et l'on fait écouler la saumure. En-
suite, chaque tonneau reçoit à la place un nouveau char-
gement de poissons jusqu'à ce qu'il soit rempli jusqu'aux
bords : ces poissons supplémentaires sont pris dans les
tonneaux mêmes, ce qui réduit le nombre de ces derniers de
20 à 25 Vo.
L'établissement de salaison de Frasebourg marque le fond
de chaque tonneau de son timbre et de différentes lettres
auxquelles correspondent les significations siiivantes : F.
(fiiUs), Hareng de mesure; F. M. (Médium fuUs), poissons
n'ayant pas la longueur juste; S. F. (Small fulls), Hareng de
petite mesure ; M. (Matties), petits poissons, S. M. (Small-
matties), menus poissons.
A l'époque de la forte pèche, la fabrique fonctionne nuit et
jour sans aucune interruption, et comme ici, à la plus grande
somme de travail correspond proportionnellement le plus fort
salaire, tous les ouvriers sont actifs et gais, du commence-
ment jusqu'à la fin de la saison. Bien que le travail demande
une tension extrême des forces, on ne constate point de sur-
menage. L'organisation du travail, fort bien entendue, laisse
les tonneliers, les emballeurs et les autres ouvriers livrés à
eux-mêmes et, à en juger par leur aspect indépendant et cou-
rageux, ils s'en trouvent fort bien.
LA SALAISON DES IIARFATtS EN ECOSSE. 27
L'administration se montre soucieuse des conditions hygié-
niques où se trouvent placées les femmes qu'elle emploie. Elles
travaillent dans une espèce de vaste baraque, d'ailleurs fort
bien aménagée, pourvue du «onfort dont elles sont privées
dans leurs cabanes du littoral de l'est, d'où elles arrivent
à la fabrique.
Souvent, une femme gagne jusqu'à 10 sliillings par jour.
A la fin de la saison, "chacune a fait des économies qu'elle
rapporte à son ménage.
Les frais du transport de Frasebourg dans les ports de la
mer Baltique : Stettin, Danzig, Konigsberg, Liban et Riga où
le Hareng salé est exporté, sont de 1 shilling 3 pence à
1 sh. 9 p. par tonneau qui pèse plus de trois quintaux ; en re-
vanche, pour envoyer le Hareng à Manchester, Birmingham
et autres centres commerciaux de l'Angleterre, on paie 3 sh.
par quintal et, en outre, 9 sh. par tonneau, ce qui entrave
sérieusement le débit de ce côté. L'impôt sur le poisson vivant
est encore plus élevé, ce qui constitue une lourde charge
pour l'industrie du poisson et un obstacle pour son dévelop-
pement progressif.
LES BOIS INDUSTRIELS
INDIGÈNES ET EXOTIQUES
Par Jules GRISâRD et Maximilien VANDEN-BERGHE.
( SUITE * )
CEDRELA FISSILIS Vell.
Cedrela Brasiliensis A. Juss.
Anglais : Acajou-wood. BiésW : Cedro hranco, Cedro vermelho, Cidrodo Brazil,
Cedro da Bahia. Paraguay : Cedro blanco, Cedro macho, Cedro Colorado.
République Argentine : Cedro macho, Cedrela, Cedro jaspeado, Tantalo.
Grand arbre atteignant jusqu'à 30 mètres de hauteur sur
un diamètre de 2-3 mètres, quelquelois plus, à feuilles
pennées, composées de 9-12 paires de folioles, subsessiles,
opposées, oblongues-lancéolées, glabres à la face supérieure,
yelutino-tomenteuses en dessous.
Originaire de l'Amérique méridionale, cette espèce croît
au Brésil, au Paraguay et à la République Argentine où elle
est surtout abondante dans les provinces des Missions.
Son bois, léger, odorant, durable et facile à travailler, est
excellent pour la menuiserie, la sculpture et l'ébénisterie ;
entre autres usages, il sert à la fabrication des boites à ci-
gares, ainsi que pour rames, lattes, etc. Les Brésiliens l'uti-
lisent également pour leurs constructions civiles et navales.
Sa densité varie de 0,505 à 0,658.
Le tronc laisse exsuder une grande quantité de gomme et
un peu de résine.
Son écorce est employée pour la préparation des peaux.
Les Cedro rosa et Mtata des Brésiliens ne sont vraisem-
blablement que des variétés de cette espèce.
(*) Voyez Revue, années 1891, note p. 542; 1892, !"■ semestre, note p. 583,
et 2« semestre, noie p. 517.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 29
GEDRELA. ODORATA L. Gédrel odorant,
Acajou femelle, Acajou à planches, Faux acajou, Cédra.
Amérique espan;iiole : Calro. Anjçlais : Cédai-, Cuba cédai- "-ood, Bastard cedar,
(Jigaf-hox-mood. AnliUes (colons) : Acajou ccdrel, Acajou amer. Acajou
du pays. Cèdre de Cuba, Cèdre de la Barbade, Cèdre de la Jamaïque. Cuba :
Cailcédra. Mexique : Caltcedra, Cedro de la Habana, Cedro macho. Véuézuéla ;
Cedro amargo.
Grand et bel arbre d'une hauteur de 20-25 mètres, sur mi
diamètre variant entre 80 centimètres et 2 mètres et plus, à
feuilles pennées, très longues, composées de 8-10 paires de
folioles opposées, lancéolées, aiguës, entières, glabres.
Originaire de l'Amérique méridionale, on le rencontre sur-
tout aux Antilles, au Brésil, au Salvador, au Mexique, etc.,
dans les plaines et sur le versant des collines. D'une crois-
sance plus rapide que l'Acajou à meubles, il est aussi moins
délicat sur le choix du terrain, bien qu'il préfère un sol per-
méable et léger, où il acquiert ses plus grandes dimensions
vers la quarantième année ; à i)artir de ce moment il ne se
développe plus que faiblement.
L'aubier est peu épais ; le bois, de couleur rougeâtre ou
très légèrement brun rougeâtre presque uniforme, est tendre,
]>oreux, très léger et d'une texture homogène. Ses vaisseaux,
gros et ouverts, surtout vers les couches d'accroissement qui
sont larges et apparentes, sont gorgés d'une matière rési-
neuse brune ; les rayons médullaires sont nombreux et nette-
ment marqués. Il ne se crevasse pas en séchant, se travaille
aisément dans tous les sens, mais n'est guère susceptible
d'être poli. Le seul défaut qu'on puisse lui reprocher, c'est
de manquer un peu d'élasticité et de se briser assez facile-
ment sous une pression peu considérable, au moins lorsqu'il
est en planches minces. Son odeur aromatique et sa saveur
amère, un i)eu poivrée, le rendent inattaquable par les in-
sectes. En Amérique, le Cédrel est un des bois les plus esti-
més et s'emploie à divers usages, suivant les localités où il
est exploité. Au Brésil, il est recherché pour les construc-
tions, au Venezuela pour l'ébénisterie et un grand nombre
d'autres travaux industriels. Dans nos colonies, oii il atteint
même toujours un prix assez élevé, l'Acajou à planches est
l)lus particulièrement utilisé pour faire des embarcations
très légères pouvant soutenir de lourdes charges sur l'eau et
30 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
pour bordages de navires ; on l'emploie également pour fabri-
quer les caisses à sucre et la partie intérieure des meubles,
parce que les termites ne peuvent le percer pour s'y intro-
duire et attaquer les objets qui y sont enfermés, à cause du
principe amer qu'il contient et qui est commun à presque
tous les arbres du genre. C'est encore avec ce bois que l'on
fait les boîtes à cigares qui nous viennent de Manille et de la
Havane. L'Acajou femelle est peu importé en France, mais
les Anglais en reçoivent de grandes quantités dont ils se ser-
vent à une foule d'usages. On le trouve dans le commerce en
billes de mêmes dimensions que l'Acajou de Honduras, mais
d'un diamètre un peu plus faible. Sa densité moyenne est de
0 540.
L'écorce, d'une odeur fétide et insupportable, passe pour
fébrifuge et laisse écouler un suc gommo-résineux, de cou-
leur rouge foncé, en partie soluble dans l'eau, qui sert à
Cuba pour l'engommage des cbapeaux.
Le fruit est une petite capsule ligneuse exhalant une odeur
alliacée, désagréable, qui se communique à la chair des per-
roquets qui s'en nourrissent.
La variété Ceclro liemhra, de Cuba, ne diffère de l'espèce
que par la couleur un peu plus foncée de son bois qui sert
aux mêmes usages
GEDRELA SINENSIS A. Juss.
Ailanthus jlavescens Carr.
Toona Sinensis Roem.
Anglais : Cigar-hox-wood. Chine : Hii'nifi Un moti. Pc mou. Japon : Chianchin,
Tchaiichin.
Arbre forestier d'une hauteur de 15-20 mètres dont le
tronc, recouvert d'une écorce rugueuse et exfoliée, atteint
environ 1 mètre de diamètre ; feuilles imparipennées, à
folioles ovales oblongues, acuminées, bordées de dents en
scie, courtes et espacées, d'un vert sombre sur la face supé-
rieure, plus pâles et glaucescentes en dessous.
Originaire de la Chine, cette espèce est donnée, avec
doute, par Franchet et Savatier, comme spontanée au Japon;
elle a été introduite assez récemment au Muséum par les
soins de MM. de Geofroy, alors Ministre de France à Pékin,
et Eug. Simon, chargé d'une mission agricole.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 31
Son bois, appelé « Acajou de Chine », est ronge ou rou-
geâtre et diffère peu, par ses qualités, du Cèdre de Singa-
pooro [Cedrela Toona). Employé surtout pour la confection
des boites à cigares, il est utilisé par les Japonais pour la
fabrication de meubles, tables, chaussures de bois et autres
objets d'économie domestique.
Les diverses parties de cette plante possèdent une saveur
rappelant celle de l'ail et de l'ognon, qui les fait entrer comme
condiments dans la préparation de certains mets chinois.
Le Cedrela Sinensis est un fort bel arbre, parfaitement
rustique, dont nous recommandons la culture.
CEDRELA TOONA RoxB.
Cédrel rouge, Cèdre de Singapoore, Bois de Toon.
Cedrela australis F. Muell.
— febrifaga Forsten.
Toona ciliata Roem.
Australie 'colons) : Red Cedar. Benfiali, Hindoiislani et Tamoul : Toon, Tood.
Birman : Th' it-lia- do . Bombay : Kooruk. Canara : Tunda. Javanais et Malais :
Soerlicn-meira, Soeren-poeti. Sanscrit : T/'.nna, Toona, Koovemka, Cnvcraca.
Tamoul : Malayapoo-toon-marum.
Arbre magnifique, d'une hauteur de 50-GO mètres sur un
diamètre moyen de 1 mètre, mais atteignant parfois jusqu'à
2 et 3 mètres. Feuilles imparipennées, à folioles nombreuses,
ovales-lancéolées, acuminées, un peu dentelées, glauques sur
la face supérieure, blanches ou blanchâtres en dessous.
Originaire du Bengale et du Pégou, cette belle espèce est
commune dans les jungles du Mysore et de Salem, au Népaul,
au Sikkira et dans les monts Niighiris. On la rencontre aussi
dans les régions montagneuses de Java, à Sumatra, aux Phi-
lippines, aux Moluques, ainsi qu'en Australie dans la Nou-
velle-Galles du Sud et le Queensland, oii elle croît dans les
taillis, le long de la côte et quelquefois dans l'intérieur en
s'étçndant à des distances considérables.
Son bois, d'une belle teinte rouge ou rougeâtre, selon les
provenances, fibreux, à grain fin, serré mais peu homogène,
est flexible, facile à travailler et à polir, inattaquable par les
termites et bon pour tous les travaux demandant de la lé-
gèreté et une longue durée. Dans l'Inde, ce bois est particu-
lièrement recherché pour la construction et la charpente. On
32 KEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
l'emploie beaucoup dans la menuiserie fine, Fébénisterie, le
tour, la fabrication des pianos, etc. Les longues et fortes
branches donnent, à leur intersection avec le tronc, de ma-
gnifiques pièces ondulées offrant une grande analogie avec
l'Acajou, très estimées pour les beaux placages. Les Malais
se servent de cette espèce pour laire des caisses d'emballage,
des panneaux de voitures, des poulies, des rouets, etc. Le
bois de Toon constitue un article commercial important dans
l'Australie et dans l'Inde, tant pour l'industrie locale que
pour l'exportation ; il est connu dans le commerce indien
sous le nom de Bois de Chittarjong.
L'écorce, résineuse et astringente, est administrée avec
succès dans les cas de dysenterie, après la période inflam-
matoire, et dans les diarrhées causées par l'atonie des fibres
musculaires. Dans l'Inde on l'emploie également en infusion,
conjointement avec VAcorus calamus, dans les lièvres bi-
lieuses et épidémiques graves. Cette écorce, associée aux
graines pulvérisées du Cœsalpinia Bonduc, est considérée
comme un bon fébrifuge. Elle est encore utilisée dans le tan-
nage des cuirs auxquels elle communique une teinte pourprée.
Les fleurs possèdent une odeur agréable de miel frais ; elles
renferment une matière colorante jaune usitée dans la tein-
tui'e des étoffes de coton écru, mais elle n'est pas très solide.
Les naturels du Mysore produisent avec ces fleurs, mélangées
à celles de carthame, une belle couleur rouge connue dans
le pays sous le nom de Gidinary.
CHLOROXYLON SWIETENIA DC.
Bois satiné de l'Inde.
Sioieûenia chloroxylon Roxb.
Anfrlais : Satin-wood , Zantc-vjood, Cynpalais : Booroota-gass.
Iluidouslani ; Be/ira. Tamoul : Mudtidad. Télen^'a : Billu,
■"o^
Arbre de grande taille, à feuilles abruptipennées, com-
posées de folioles nombreuses, entières, insymétriques à la
base, obtuses au sommet, originaire des régions monta-
gneuses de l'Inde orientale.
Son bois, d'une belle couleur jaune, prenant de magnifiques
reflets soyeux et satinés lorsqu'il est poli, est lourd, dur, d'un
grain serré et très fin. Il offre la plus grande ressemblance
LES BUIS INDUSTRIELS INDIGENES ET EXOTIQUES. 33
avec le « Bois d'Hispanille », mais il est inodore et, d'après
Guibourt, sa coupe perpendiculaire à l'axe présente, à la
loupe, des lignes radiaires continues, très serrées, ne conte-
nant généralement entre elles qu'une rangée de petits points
blanchâtres, disposés par petits groupes interrompus. Très
estimé des ébénistes, des tablettiers et des miroitiers euro-
péens pour sa finesse et la beauté de sa nuance, ce bois n'est
guère employé dans l'Inde que pour la confection d'instru-
ments agricoles. Il est l'objet d'un conmierce assez important
en Angleterre, d'où il est importé directement de rinde sous
le nom de « East indian Salin- wood ou Yello\v Satin-wood »
et, plus rarement, de Bois cV Atlas.
L'écorce du tronc et des grosses branches laisse exsuder
une oléo-résine aromatique, regardée comme tonique et anti-
rhumatismale par les Hindous. Cette résine étant séchée,
est souvent substituée au Dammar pour la fabrication des
vernis.
M. Ch. Naudin recommande la culture de cet arbre comme
pouvant être d'un grand produit, mais là seulement où le
climat et la nature du sol le rendraient possible : une tempé-
rature de 18" étant le minimum de chaleur requise pour en
assurer le succès.
CHUKRASIA. TABULA.RIS A. Juss. Cèdre bâtard.
Plagiotaxis chickrassia Wall.
Svnetenia chickrassia Roxb.
— trilocularis Dox.
— villosa Wali,.
Bengali : Chickrasi/, Chiikrassi. Cynpalais : Hoolanghik-riass. Tamoul : Aij.a'j
marom, Pal-crouki-patW. Télenpa : Madagari vcmhu.
Un dos plus beaux et des plus grands arbres de la i)énin-
sule indienne, qui acquiert un développement extraordi-
naire dans les terrains qui lui sont favorables ; branches très
longues et très grosses s'étendant latéralement à une grande
distance du tronc, mais très cassantes et peu ramifiées.
Feuilles alternes, pennées, composées de 5-8 paires de folioles
larges, ovales-oblongues, glabres et coriaces.
Originaire de la Cochinchine, de iAIalacca et de l'Inde,
cette espèce est surtout commune dans les forets du Malabar,
du Concan et à Ceylan.
5 Janvier 1893. 3
34 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQL'ÉES.
Son bois, d'une belle nuance rougeâtre assez yive, dur,
lourd, d'une texture fine et serrée, est excellent pour toutes
les constructions ; on le recherche également pour le tour, la
menuiserie de luxe, la sculpture et l'ébénisterie , surtout
comme placage. C'est d'ailleurs un des « Bois de Chittagong »
du commerce anglais.
Du tronc de cet arbre découle, ]tar les fissures et les cre-
vasses qui se produisent naturellement dans l'écorce, un suc
d'un brun rougeâtre qui se durcit à l'air et prend la consis-
tance d'une gomme très foncée, semblable à celle du Butea
frondosa.
Son écorce, âpre, non amère mais fortement astringente,
est utilisée dans l'Inde pour calmer les maux de dents et raf-
fermir les gencives ; en Cochinchine, les médecins indigènes
l'emploient comme antidiarrhéique.
Les fleurs donnent une teinture jaune ou rouge.
Le Chuhrasia velutina Rœm. (C. Nimmonii Graham. ;
C. taljularis IIierx. ; Swietema velutina Wall.) est une
espèce voisine croissant naturellement dans les forêts de la
Cochinchine. Quoique de plus petites dimensions, le bois offre
des qualités analogues à celui du C. tabiUaris et peut servir
aux mêmes usages.
DYSOXYLON BAILLONI Pieurk.
Epichai'is Bailloni Pierre.
Annamite : Saddii, Kmer ; SJau-phnô/ii.
Grand et bel arbre forestier dont le tronc, droit, élancé,
atteint une hauteur de L5-18 mètres sous branches, sur un
diamètre de 1 mètre et plus. Feuilles alternes, composées
de huit paires de folioles oblongues-acuminées, un peu ar-
rondies au sommet, atténuées à la base, glabres et glandu-
leuses, ponctuées en dessous.
Assez rare en Cochinchine, cette espèce se rencontre
assez abondamment au Cambodge, surtout dans les régions
montagneuses.
L'aubier est assez épais et plus pâle que le bois ; celui ci.
de couleur rougeâtre ou brun rougeâtre, est odorant, dur et
assez lourd ; son grain est fin et égal et ses fibres longues et
droites. D'un travail facile, peu sujet à se fendre en séchant
Les iiois IiNBustIiiels indI(;è>jes eî exotiques. 38
il se conserve bien partout et peut durer cinquante ans et
plus dans les constructions à l'air. Excellent pour le tour et
le cliarronnage, c'est un beau bois d'ébénisterie et de me-
nuiserie fine. Les Annamites en font des coffrets, des boites
à bétel, ainsi que des bahuts et des meubles, parce que les
vêtements qu'on y enferme contractent en peu de temps une
odeur légère mais agréable de santal.
C'est encore une des essences recherchées par les indi-
gènes de distinction, pour laire leurs cercueils qu'ils placent
dans la partie la plus apparente de leur habitation. — Sa
densité moyenne est de 0,790.
DYSOXYLON LESSERTIANUM Benth.
Di/soxijlon Ujugum Seem.
Epicharis Lesserùiana C. DC
Hartighsea Les&ertiaiia A. Juss.
Trichilia quinquevalvis Pangh. et Sebek'j .
Nouvelle-Calédonie (colons) : Bois moucheté.
Arbre d'une hauteur de 10 mètres environ, à cime arrondie,
légère et d'un beau vert, dont le tronc est recouvert d'une
écorce mince, grisâtre, légèrement l'ugueuse, exhalant une
odeur alliacée. Feuilles alternes, bipennées, composées de
2-4 paires de folioles opposées, ovales, aiguës aux deux
extrémités.
Indigène à la Nouvelle-Calédonie, cette espèice croit parti-
culièrement sur les coteaux et dans les plaines des bords de
la mer.
Son bois, blanc ou jaunâtre, est d'une texture assez fine et
serrée ; le cœur, de couleur rouge, se développant irréguliè-
rement et englobant de grandes loupes jaunes, finit par en-
vahir tout le bois qui est alors entièrement rouge et parsemé
de nombreuses mouchetures ovales, qui produisent un effet
très bizarre lorsque ce bois est verni.
MM. Pancher et Sebert pensent que cette formation est
due à une maladie i)articulière de l'arbre, la pourriture
sèche commençant généralement à se montrer au moment
de l'apparition des loupes. Le bois moucheté de la Nouvelle-
Calédonie peut être utilisé avec avantage dans l'ébéni-sterie,
notamment pour le placage.
36 REVUE LES SCIENCES NATURELLES ArPLIQUÉES.
DYSOXYLON LOUREIRI Pierre.
Spickaris Loureiri Pierre.
Santalum album Lour.
Anuamile : Hiiinh-dân, Hv.inh-diiOiig, Bach-dan,
Grand arbre d'une hauteur de 30 mètres environ, dont le
tronc, droit et rarement creux est recouvert d'une écorce
blanchâtre on grisâtre. Feuilles alternes, composées de 14-20
folioles opposées ou subalternes, pétiolulées, oblongues, acu-
minées ou cuspidées.
Originaire de Tlndo-Chine et de la Malaisie, cette espèce
est assez rare en Cochinchine quoique existant isolément
dans toutes les Ibrêts, on la rencontre surtout dans la région
de Song-Lu et à Nuy-Dinh, dans la province de Bien-hoa.
Son bois, d'un jaune orangé clair, nn pen foncé et même
quelquefois rougeâtre vers le centre, est parsemé de belles
veines un peu ondulées. Ses rayons médullaires sont sinueux
et très rapprochés, c'est-à-dire qu'on en compte quatre dans
l'intervalle d'un millimètre. Ces rayons médullaires sont sé-
parés par de larges ponctuations ou vaisseaux et des fibres
ligneuses très longues. D'un grain serré et homogène,
presque incorruptible, mais difficile à travailler et surtout à
clouer, il subit aussi Finfluence des températures élevées et
se fend lorsqu'il est employé avant sa parfaite dessiccation,
aussi, faut-il avoir soin de le laisser vieillir deux ans après
l'abatage avant de le débiter. C'est un bon bois d"ébénisterie
et de menuiserie fine, dont le vernis rehausse encore agréa-
blement le coloris. Les Annamites en font surtout des cer-
cueils de luxe, des meubles, des incrustations, etc. Le bois
des vieux arbres exhale une odeur assez prononcée de santal.
Cette odeur, qui est presque nulle sans Taction du frottement
ou du feu, est beaucoup plus accentuée dans les arbres où le
cœur est d'une nuance plus foncée. Les indigènes en retirent
aussi une huile essentielle, analogue à l'essence de santal,
qu'ils utilisent fréquemment en médecine. Suivant 'M. Pierre,
ce bois se trouve dans tous les bazars de 1 Indo-Chine sous
forme d'éclats d'une épaisseur variable et longs de 15 à
30 centimètres. En cet état, il est brûlé comme parfum dans
les temples pendant les cérémonies religieuses ; on l'emploie
également à des préparations pharmaceutiques.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 37
FLINDERSIA AMBOINENSIS PoiR. Bois d'Amboine.
Arhor radulifera Rumph.
Amboine : Cajii Baroedan.
Arbre élevé, à feuilles alternes, composées de 3-4 paires de
folioles opposées, lancéolées, aiguës à la base, acuminées au
sommet, originaire de Céram et d'Amboine.
C'est peut-être à cet arbre, ou même aussi, et avec plus de
certitude, aune espèce voisine non encore déterminée du genre
FUndersia, qu'il faut attribuer l'origine du fameux Bois cV A m-
boine qui nous vient des Moluques. Cette essence est une des
plus rares et des plus chères que l'on connaisse, car son prix,
qui valut à un moment le chiffre énorme de 4,000 francs les
100 kilogrammes, atteint encore de nos jours celui de 12 à
13 francs le kilogramme.
Tel qu'on le trouve dans le commerce, le Bois d'Amboine
est d'une belle couleur rouge assez semblable à celle de
l'acajou ronceux, mais nuancée de veines fines rapprochées
et très ondulées variant du blanc rosé au jaune orangé qui
forment des dessins capricieux et enchevêtrés. D'un grain
très fin, compact mais léger, ce bois est solide, liant et fa-
cile à travailler avec de petits outils; c'est plutôt un bois
de marqueterie et de tabletterie que d'ébénisterie propre-
ment dite. Aussi, ne l'emploie-t-on guère qu'en placages
très minces et en filets, pour ornements et incrustations de
meubles de luxe, pianos, pendules, albums riches, etc., oi^i
il produit un très bel effet, surtout lorsqu'il est encadré
d'un filet d'ébène. A Birmingham, on fabrique avec le Bois
d'Amboine un genre de tabatière de luxe dite « Tabatière
anglaise ». Ce petit objet est presque toujours de bon goût,
solide, mais d'un i)rix très élevé, tant à cause de la valeur du
bois lui-même, que par les ornements d'or ou d'argent que
l'on y adapte. Les loupes ou excrois-sances qui se développent
sur le tronc constituent la partie la plus précieuse et la i)lus
recherchée pour les travaux d'art; on la trouve dans le com-
merce sous forme de feuilles de placage de très faible épais-
seur.
Malgré la finesse, la beauté et le coloris du Bois d'Amboine,
nous rappelons que notre Orme commun produit quelquefois
une variété de loupe frisée et soyeuse off'rant la plus grande
38 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
ressemblance avec lui, et dont elle ne diffère que par une
texture un peu moins fine et une densité un peu supérieure.
Toutefois, faut-il encore ajouter que des yeux exercés peuvent
seuls en saisir ces différences.
FLINDERSIA AUSTRALIE R. Br.
Anglais : Citlkedm-wood. Queensland : FUndosa, Basp pod.
Un des plus beaux et des plus grands arbres forestiers de
l'Australie, dont le tronc, revêtu d'une écorce écailleuse et
rugueuse d'un brun sombre atteint 30-40 mètres de liauteur
et souvent plus, sur un diamètre dépassant quelquefois
2 mètres à la base.
Indigène dans la Nouvelle-Galles du Sud et au Queensland,
cette espèce est très répandue dans les districts septentrio-
naux sur le bord des cours d'eau.
Son bois est dur et serré, fort et durable ; il se contracte
peu en séchant et ne rouille pas le fer. Excellent pour char-
pentes, traverses de chemins de fer, il est très estimé des
colons et largement employé à divers usages, notanmient
pour la tonnellerie. Toutefois, sa dureté et la difficulté qu'on
éprouve à le scier, font qu'il est assez peu recherché des
marchands de bois.
Le F. australis, qui rivalise de grandeur et de beauté avec
V Araucaria Cunningliarai, mériterait d'être introduit dans
nos colonies intertropicales ; peut-être même réussirait-il,
d'après M. Ch. Naudin, dans le nord de l'Afrique. Sa crois-
sance est d'ailleurs assez rapide quand il est en bon sol et
sous un climat favorable.
FLINDERSIA FOURNIERI Paxch. et Sebert.
Nouvelle-Calédonie : Mauoiic',
Arbre de haute futaie, très élevé et d'un fort diamètre, dont
le tronc est recouvert d'une écorce noirâtre, assez mince,
finement fendillée. Feuilles alternes, paripennées, composées
de 2 paires de folioles opposées, courtement pétiolulées,
obovales-allongées, obtuses à la base, légèrement échancrées
au sommet, coriaces, luisantes en dessus.
Originaire de la Nouvelle-Calédonie, cette espèce est assez
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 39
commune dans les forêts élevées de la baie du Sud, où elle
croit dans les sols ferrugineux.
L'aubier est jaunâtre et d'une épaisseur assez grande; le
bois, roiigeâtre, fibreux, à pores allongés, est solide, liant et
facile à travailler; son grain est fin et lisse. D'une densité
moj'enne et paraissant de bonne conservation, ce bois est
susceptible d'être utilisé dans la construction, pour la char-
pente et la menuiserie. Sa densité moyenne est de 0.751.
Citons encore comme espèces intéressantes de l'Australie :
Le Flindcrsia Bennettiana F. Muell. [F. anstralis F.
MuELL.). Queensland : Bogum-Bogum. Grand arbre d'une
hauteur moj'enne de 25 mètres, sur un diamètre de 60 centi-
mètres environ , croissant naturellement au Queensland et
dans la Nouvelle-Galles du Sud. Cette espèce, une des plus
ornementales du genre par son port majestueux et la beauté
de son feuillage, fournit un bois dont la valeur industrielle
est la même que celle des autres Flindcrsia australiens.
Le Flindersia Oxlcyana F. Muell. [Oxleyana xantlioxyla
A. CuNN,). Queensland : LigM YcUow-u'OOd. Bel arbre d'une
hauteur de 25 à 30 mètres, sur un diamètre de 1 mètre et
plus, croissant dans la Nouvelle-Galles du Sud et au Queens-
land, dans les taillis qui bordent la côte. Son bois, d'une belle
couleur jaune clair, fort, durable et d'une texture fine, est ex-
cellent pour la menuiserie d'art et, l'ébénisterie, surtout comme
placage; ses qualités le font également emploj^er dans la cons-
truction des embarcations et à une foule d'autres usages. Ce
bois est connu dans le commerce anglais sous le nom de « Bois
jaune de l'Australie » [Austrcdian Yellow-ivood).
GUAREA TRIGHILIOIDES L. Gouaré.
Guarea Auhletii k. Juss.
— purgans A. St-Mil.
— Sv-arlzii DC.
— Hurinamensis Mio.
Trichilia Guara Auhl.
Antilles et Guyane : Bois lalle, Bois // balles. Pistolet, Bois piatolet, Bois rouge
(le Haint-Domingue, Brésil : Jitô, Giltl. Colombie : Gnanco blanco, Mestizo.
Cuba : Yamâo, Gouare. Jamaïque : Miislt-wood. République Argentine :
Cdinboata, Pao de Sabao. 'N'énézuéla : Trompillo, Trompito.
Arbre de 10 à 15 mètres de hauteur, à feuilles abrupti-
/lO REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
pennées, composées de folioles ovales, elliptiques, acuminées,
glabres, croissant naturellement aux Antilles, à la Guyane,
au Brésil, à la République Argentine, en Colombie et au
Venezuela.
Son bois, de couleur ordinairement rouge ou rougeâtre, est
d'une dureté et d'une densité plus ou moins grande, selon les
conditions dans lesquelles l'arbre s'est développé. Ses fibres
longues et droites lui donnent une assez grande élasticité et
le rendent d'un travail lacile; inattaquable par les insectes à
cause de la résine amère qu'il renferme dans ses vaisseaux, il
est cependant d'une conservation médiocre et on ne le débite
guère qu'en planches pour les travaux intérieurs^ Toutefois,
celui qui provient du Brésil est considéré comme assez résis-
tant pour être utilisé dans les constructions civiles et na-
vales. A Cuba, il est surtout employé pour cadres de portes
et fenêtres, palissades, pieux de clôture, etc. — Sa densité
moyenne est de 0.500.
Le nom vulgaire de c Bois balle » donné en Amérique à
cet arbre, lui vient de la forme ronde de ses l'ruits ; on en
rencontre également de pyriformes assez semblables à une
petite toupie, d'où le nom de Trompillo qu'il porte au
Venezuela.
Le suc laiteux, amer, résineux et aussi vénéneux qui dé-
coule de l'écorce de la racine du Guarea triclillioUes et
autres espèces voisines, constitue un puissant purgatif,
auquel Martius accorde une action spéciale et même abortive
sur l'utérus.
La décoction possède les mêmes propriétés émétiques, an-
tlielmintiques et emménagogues, mais atténuées. L'écorce
de la tige passe pour fébrifuge aux Antilles. Les feuilles ser-
vent à l'alimentation des vaches et des chevaux et les fruits
sont donnés aux porcs.
Le Guarea Perroltcliana A. Juss. [G. Perj-oltclii Griseb.).
Petit arbre à feuilles alternes, pennées, à folioles elliptiques,
oblongues et glabres, qui porte également le nom vulgaire
de c< Bois pistolet « à la Guadeloupe, fournit un bois à la fois
dense et élastique, à odeur musquée, que l'on emploie dans la
charpente et la menuiserie d'intérieur. Comme la i)lupart des
arbres de cette famille, il renferme une résine amère qui le
rend inattaquable par les Xylophages.
Le suc de l'écorce est un purgatif et un violent émétique.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. -jl
KHAYA SENEGALENSIS A. Juss.
Gailcédra du Sénégal.
Sv-ietenia Senegalensis Dksrouss.
Anglais : Afrie.vi ou Ganibia Mahojany. Sénégal : Ctulcedi-a. (Yoloffs : Cail],
Grand et bel arbre d'une hauteur de 25 à 35 mètres, sur un
diamètre de 1 mètre environ et souvent plus, tronc recouvert
d'une écorce assez épaisse d'un gris blanchâtre extérieure-
ment, rougeâtre et fibreuse en dedans. Feuilles alternes, pai'i-
pennées, composées de l'olioles opposées, ovales, oblongues,
entières, ondulées, aiguës, coriaces.
Originaire de la côte occidentale de l'ACrique, cette espèce
est surtout commune dans les forêts voisines des rives de la
Gambie.
Son bois, de couleur rougeâtre, quelquefois rouge-brun,
est lourd, dur et d'un grain serré; il se conserve bien dans
l'eau en raison du principe résineux qu'il renferme, mais il se
fend très facilement, si l'on n'a pas le soin de le laisser se
dessécher lentement à l'ombre. Excellent pour la construction
et la charpente, on s'en sert surtout, en Europe, pour l'ébé-
nisterie, la menuiserie et la tabletterie. Le Caïlcédra offre une
grande analogie avec l'acajou à meubles, mais dont il se dis-
tingue par une dureté plus grande qui le rend même assez
difhcile à travailler; de plus, il garde mal le poli et présente
souvent une teinte vineuse peu agréable. Cette essence donne
lieu à un commerce assez important au Sénégal, où on connaît
deux variétés de bois. La plus estimée est celle qui se rap-
proche le plus de l'acajou de Haïti. Ces bois nous arrivent en
billes de fortes dimensions à peine dégrossies, sous les noms
de « Bois de Caïlcédra, Acajou d'Afrique ou du Sénégal ».
Quoique employé dans les mômes conditions que l'acajou des
Antilles, il est beaucoup moins estimé. Les nègres en font des
l)irogues solides et durables.
Les indigènes de la côte d'Afrique substituent l'écorce du
Caïlcédra au quinquina, mais comme tonique amer et astrin-
gent, ce qui lui fait donner quelquefois le nom de Quinquina
du Séncgal. Caventou a retiré de cette écorce une matière
résinoïde, amère, neutre aux réactifs, la Callcédrine , consi-
dérée comme le principe actif. Sa richesse en tanin fait égale-
42 UEVUE DES SCIENCES NATURELLES Al'PLlQUEES.
ment reclierclier cette écorce poiu'le tannage des cuirs. Enfin,
du tronc exsude une gomme douée de propriétés lebrifuges.
Le Khaya anUioilieca C. DC. (Gcœretia antliotheca Welw)
est une espèce voisine croissant dans les possessions portu-
gaises de l'Afrique, où elle est désignée sous le nom de « Qui-
baba de Mussengue ». Son bois, d'excellente qualité et de
grandes dimensions, peut être utilisé ayantageuseraent dans
la construction et autres genres de travaux. L'écorce de cette
espèce passe pour posséder des propriétés éminemment fébri-
fuges.
LANSIUM DOMESTICUM Rumph.
Lansium Javanicum Roem.
Java : Lanseh, Langsep (var. : Biedjietan, Bicsictan). Malais : Boekne, Diihu.
Soudanais (var. : Kokosan o\i Kohossan, Pidjictaii on Pissieian], Sumatra:
Zniisjce.
Arbre à feuilles alternes, imparipennées, à folioles oppo-
sées, oblongues-elliptiques, à base aigué légèrement inégale,
sommet terminé en pointe longue, entières, glabres.
Originaire de l'archipel indien, cette espèce et ses variétés
sont ordinairement cultivées comme des arbres fruitiers aux
îles de la Sonde, ainsi qu'à Java et à Sumatra.
Son bois, dur, fort et joli, sans être considéré comme bois
d'œuvre proprement dit, est assez recherché des indigènes
qui en font des mortiers et des pilons pour décortiquer le riz,
des manches d'outils, des fourreaux de kriss, etc.
L'écorce, finement pulvérisée, est employée en friction par
les Malais pour adoucir la peau au sortir du bain.
Le fruit est un petit drupe ovoïde, jaune, de la grosseur
d'un œuf de pigeon, à péricarpe très amer, renfermant une
pulpe transparente, d'un govit agréable, facile à digérer, d'une
saveur plus ou moins acide, suivant les variétés. Avant matu-
rité, la cliair de ce fruit contient un suc laiteux et amer qui
teint les mains en noir.
Une espèce indéterminée de ce genre, connue â Bangka
sous le nom de Lansat oelan, donne un bois de bonne qualité
employé dans la charpente.
[A suivre.)
II. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER.
Création d'une chambre consultative d agriculture
en Tunisie,
Monsieur le Président,
Alix termes d'un arrête de M. le Ministre Résident f;:('neral, en date
du 19 mars 1892, dont vous avez déjà eu, sans doute, connaissance
par la voie de la presse, il a été crée' en Tunisie une Chambre consul-
tative d'agriculture, destinée à être la représentation directe, auprès
du Gouvernement, des intérêts agricoles français dans la Régence.
Cette Chamlire, composée de douze membres titulaires, élus par un
collège électoral, comprenant tous les agriculteurs de la Colonie
française, a procède récemment à la constitution de son bureau, et
elle considère comme un de ses premiers devoirs d'en adresser la no-
tification officielle à votre Société.
Ainsi que l'indique son titre, la nouvelle Chambre a pour mission
spéciale d'éclairer de ses lumières et de ses conseils le Gouvernement
du Protectorat dans l'étude des diverses questions agricoles sur les-
quelles il juge utile de la consulter.
Mais là ne se borne pas son rôle.
Aux termes de l'arrête' qui règle ses attributions, il lui appartient,
on outre, de présenter, proprio motu, ses vues et ses appréciations per-
sonnelles sur tous les points qui touchent plus ou moins directement
aux intc'rôls de l'agriculture tunisienne et qui lui paraîtront de nature
à éveiller rallentiou et la sollicitude du Gouvernement.
En un mot, une large part d'initiative et d'autorité lui est réserve'c
dans la pro'paration et la présentation des divers projets qu'il y aura
lieu de soumettre à la sanction du Gouvernement.
Enfin, il est de toute évidence que par le seul fait de son origine
élective, la nouvelle Chambre devient l'organe et le défenseur naturel
des inte'rôts agricoles de la colonie tout entière, et qu'elle aura qua-
lité et autorité suffisantes pour faire parvenir et, au besoin, faire pré-
valoir en haut lieu les vœux, les aspirations et les réclamations légi-
times de la colonie agricole.
Ce rôle constitue une lourde tache, et la Chambre consultative
d'agriculture de Tunisie sent combien il est nécessaire que, pour la
remplir, elle s'entoure de tous les e'iéments d'information et d'investi-
gation.
Ces éléments, elle ne saurait les trouver plus sûrement qu'auprès
des nombreuses Socie'to's agricoles qui, tant en France qu'en Algérie
et aux Colonies, jouissent d'une notoriété de savoir et d'expérience
incontestée, et qui, par de sages conseils, des études approfondies et
une longue suite de travaux, eu un mot, par un de'vouement iufali-
44 REVUE DES SCIENCES xNATURELLES APPLIQUÉES.
gable, onl si puissammeul conlribuc au développement de la richesse
agricole dans les différentes régions de noire pairie.
C'est là, Monsieur le Président, une des considérations qui ont fait
désirer à notre Chambre de se mettre en rapport immédiat avec la
Sociélé à la têle de laquelle vous êtes placé, et à réclamer de son
obligeance l'envoi non seulement de ses bulletins officiels, mais de tous
les documents qui lui paraîtraient présenter quelque intérêt pour
notre Compagnie.
La Tunisie est aujourd'hui, on peut le dire, une terre française et
aucune des questions qui touchent de près h son existence et à son
avenir ne saurait rester indifférente aux yeux de tous ceux qui, soit
en France, soit en Algérie, ont quelque souci du développement et do
la prospérité de notre domaine colonial.
C'est donc rendre un service signale à tous les habilants de la
métropole que de leur faire connaître ce beau pays, de leur en de'voi-
1er les innombrables ressources, de les lenir au courant des progrès
qui s'y réalisent chaque jour, et, en leur empruntant quelques-uns de
leurs procédés de culture, de les associer ainsi de loin au succès de
l'œuvre de colonisation entreprise dans celle partie de nos possessions
africaines.
C'est vous dire, Monsieur le Président, que la Chambre consuUativc
d'agriculture de Tunisie se fera un devoir de vous communiquer régu-
lièrement les bulletins et autres documents constatant la marche de
ses travaux ; et qu'en outre elle se met entièrement à votre disposi-
tion pour tous les rcnseignemenis que vous jugeriez utile de lui de-
mander, tant au nom de votre Sociélé qu'au nom de tous ceux qui
s'intéressent au développement et à l'avenir de la Tunisie française.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, les assurances de notre
considération la plus distinguée.
Tunis, le 14 novembre 1892.
Le Secrétaire, Le Vice- Président,
DUMONT. y^^ DE L'ESPINASSE-LaNGEUR.
m. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS.
Oiseaux qui peuvent se passer d'eau. — On a noie en
première lifrne les Pélrels. Ces voiliers se'journent une grande partie
de l'année en pleine mer; ce n'est qu'à l'époque de la reproduction ou
après de violentes tempêtes qu'ils s'e'tablissent ou viennent se reposer
sur les côtes. Or les Oiseaux ne font jamais usage de l'eau salée.
Les Perroquets, à l'étal libre, boivent peu. Ils se contcnlcnl souvent
de l'eau que contient leur nourriture essentiellement végétale et com-
posée de fruits, de noix, de bulbes et de divers le'gumes. — Le re'-
gime du Nestor de la Nouvelle-Zélande est maintenant différent, car ce
Perroquet a pris la singulière habitude de fondre sur les troupeaux de
Moutons pour se nourrir de leur graisse. Autrefois, l'espcce recher-
chait les mômes aliments que les autres Psittacide's. On a vu des Per-
roquets caplifs qui se sont passes longtemps d'eau. A Regenfs Park
de Londres, on en observa un pendant plusieurs anne'es, qui ne bu-
vait pas.
On sait encore que les Autruches restent plus d'un mois sans prendre
d'eau. Les Arabes affirment qu'elles n'en font jamais usage. De B.
Nouvelle nourriture pour les Oiseaux insectivores. —
Un collaborateur de la Monatsschvift indique un procédé nouveau qui
remplacerait avanlagcusement les Vers de farine et les œufs de Four-
mis. On se procure le corps de n'importe quel animal, un Renard, un
Chai ou un Geai. On l'c^xpose quelque temps au soleil, aux atteintes
des Mouches, surtout de la grande Mouche bleue de la viande [CalU-
phora vomitoria L ) et de la Mouche métallique {Lucilia Cœ&ar L.). En-
suite on le place sur une planche qui repose dans un récipient garni
de terre le'gèrc ; quand les larves en sortiront pour se changer en
pupcs (chrysalides), elles se trouveront enfermées. De cette façon,
on peut obtenir des centaines, môme des centaines de milliers de pupcs
que les Oiseaux de cage reclicrchent avidement.
Les Mouches que l'on capture en masse dans les <■* verres à Mouches»
oH'reul du danger cl ont parfois empoisonne des Oiseaux. Au contraire,
les pupes dont nous parlons pourront être distribuées en toute se'curité.
De s.
Produits des alligators. — La peau de l'Alligator se paie cher,
car cel animal devient rare. Une do'poullle en bon état vaut une di-
zaine de dollars (52 fiancs).
Ce cuir a l'immense avantage d'être absolument imperméable. De-
puis peu, on fabrique avec les parties des pattes, oii les ongles sont
attaches, des portefeuilles et des sacs à main. Quant aux dents, elles
46 lŒVUË DES SClKNGES NATURELLES APPLIQUÉES.
sonL d'un ivoire excellent, et servent à faire des bijoux, des bre-
loques, etc... Sous la mâchoire de l'animal, ou trouve des glandes
d'où l'on retire du musc qui, s'il n'est pas de première qualité', est
utilisé comme base pour la composition de certains parfums. De la
graisse des Alligators on extrait une hailc : on croit même qu'elle pos-
sède des qualités médicinales. G.
Les Faucons messagers. — Un lieutenant russe, M. Smoïlolî,
vient de roussir, paraît-il. à dresser des Faucons pour porter des de-
pêches. Comparés aux Pigeons, ces Oiseaux présentent plusieurs
avantages : le Pigeon peut franchir aisément 100 lieues avec une vi-
tesse moyenne de 8 à 10 lieues par heure, en parcourant environ 1 ki-
lomètre par minute. Le maximum de vitesse que l'on a note chez lui
est de 15 lieues à l'heure, dans un espace de 15 heures de temps. Mais
cette vitesse peut être considérée comme rare. Chez les Faucons, au
contraire, elle est moyenne. Dans son intéressant volume la Faucon-
nerie au moyen-âge et dans les temps mofhrnes, M. d'Aubusson en cite
plusieurs exemples, entre autres celui d'un Faucon qui, envoyé des
Canaries au duc de Lermp, en Espagne, revint de l'Andalousie à Téne'-
riffe en IG heures, en parcourant 250 lieues. Il avait fait 15 lieues à
Pheure. Ce même chiflfre peut être pris comme vitesse ordinaire chez
les Rapaces.
Nous rappelons que, dans la colombophilie, on se sert d'appareils de
photographie microscopique qui pennetlenl de rc'unir sur une mince
pellicule jusqu'à 500,000 dépêches, pesant ensemble à peine un demi-
gramme, dont on charge un seul Pigeon. Ce procède' serait applicable
aux Oiseaux de proie. 11 va sans dire que le Pigeon pourrait transporter
un plus gros poids. Mais il est douteux que l'on arrive à le charger de
plus de 1,600 grammes sans que son vol soit gêne ou considérable-
ment ralenti. Or M. Smoïloff a tenté, avec succès, l'expérience sur les
Faucons qui supportent aisément le poids de 4 livres russes, soit
1,G40 grammes; la rapidité de leur vol n'est point diminuée.
A plusieurs égards, le Faucon prime le Pigeon voyageur. 11 ren-
contre moins de dangers pendaut sa route et devient rarement victime
d'un Rapace plus fort que lui. En outre, il supporte mieux les acci-
dents atmosphériques.
Avec les Faucons, on ne se heurte pas aux grandes difficultés qu'of-
frent dans le même emploi les Hirondelles. En effet, la délicatesse de
l'Hirondelle, les complications qui accompagnent son dressage, et sur-
tout son service qui est nécessairement restreint aux régions dont la
température est constamment tempérée, ne permettent pas de croire
que son usage devienne un jour rationnel et général.
Quant au dressage des Abeilles, leur utilité à cet égard n'est point
démontrée.
CUBONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 47
Les anciens ont dresse' encore un autre Oiseau : le Corbeau. D'après
Ellien, Marrés roi d'Egypte, possédait une Corneille fort bien dressée
qui portait 'promptement des lettres dans les directions qu'on lui indi-
quait. Quand elle mourut, Marres fit élever un tombeau pour honorer
sa mémoire. ^^ S.
Fécondité de quelques Poissons de mer. — Dans VAimual
Report of the Fisherij Board for Scotlaiid, le D'' Wem.yss Fullon cons-
tate (pron a observé plus de cent exemples affirmant la grande fe'con-
ditc des Poissons marins. On a évalué le nombre des œufs pour trente-
neuf espèces déjà. Ce nombre varie beaucoup suivant la taille et l'âge
des sujets. Mais, de tous les Poissons, la Lingue {Molva vulgaris) produit
la plus grande quantité d'œufs ; pour les individus, moyens et grands,
on en compte ordinairement de vingt à trente millions.
La Lyre {Trlgla lyra) ne produit que quelques centaines d'œufs.
Chez cette espèce, le mâle en prend soin et il les place dans une poche
située vers sou abdomen.
La Morue {Morrhua vulgaris) a de deux ou trois jusqu'à sept ou huit
millions d'œufs.
L'Eglefin {Gadus œgiefirius) en produit environ deux ou trois cent
mille, môme un million.
Le Merlan noir {Gadus virens) en a quatre, cinq, sept ou huit mil-
lions.
Chez le Hareng {Clupea harengus) leur nombre s'élève de vingt à cin-
quante mille; sur seize sujets qui ont été examinés, la moyenne du
nombre des œufs dépassait trente mille. Jusqu'ici, on n'admettait pas
une pareille fe'condité cher, cette espèce.
Le 'iurbot {Rhombiis maximus) est aussi très fécond. Il produit de-
puis trois ou quatre jusqu'à neuf ou dix millions d'œufs.
Moins productive est la Limande [Pleuronectes limauda) qui pond de
trente à soixante mille œufs.
Proportionnellement à sa taille le Flet commun [Pleuronectes flesus)
produit plus que tous les autres ; le nombre de ses œufs est de cinq
cent mille ou un million et demi.
La Sole {Solea vulgaris) est très productive, mais, comme pour beau-
coup d'autres espèces, on n'a pas encore évalué la quantité de ses
œufs. 1>K ^^
Sebastichtys menalops [Black bass). — Dans le nord de l'Alle-
magne, on revient de l'enthousiasme sur racclimatation de ce Pois-
son d'Amérique. On a reconnu qu'il était d'une grande voracité et
dangereux pour les autres espèces. En outre, sa chair n'est guère
fine. Ses seuls avantages sont la facilité de sa culture et l'amuse-
ment de sa poche par le harpon. G.
48 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Œufs de Crocodile. — L'explorateur Vôltzkow découvrit sur les
rives du Wagogona de véritables nids de Crocodiles. Les plantes
étaient arrachées sur une longueur de plusieurs pas et les œufs se trou-
vaient déposés dans quatre creux distants les uns des autres. L'anima ^
fait plusieurs pontes successives chaque jour dans un trou différent.
Deux mois plus lard, c'est-à-dire à l'entrée de la période des grandes
pluies, les œufs sont c'clos.
On sait que le Crocodile se reproduit une fois dans l'année, vers la
fin de janvier ou au commencement de fe'vrier. Ses œufs ont une co-
quille e'paissc et dure, de forme ovale; ils mesurent sur leurs axes
environ 8 cenlimèlres sur 5.
les indigènes les récollent pour les vendre comme curiosité' aux
vojageurs. On a bien affirmé qu'ils entrent parfois dans l'alimenla-
tiou des peuplades, mais jusqu'ici ce renseignement n'a pas été
confirmé. De S.
Champagne russe. — Ouverte eu 1890, la fabrique de Cham-
pagne d'Odessa a préparé, en 1891, 250,000 bouteilles de vin de
Champagne sous le nom d' <( Excelsicr », d'une valeur de 500,000
roubles. Elle a employé à celte fabrication 34,000 ve'dros de vin de
Bessarabie. Elle occupe 53 ouvriers dont les salaires varient de 80
copecks h 1 rouble. Les bénéfices se sont élevés à 49,729 r. 90. dont
40,000 ont été distribués eu dividende aux actionnaires, soit 10 %
par action de 100 roubles. E. Pingaud,
Consul de France.
Une nouvelle variété de Canne à sucre. — Le. Keiv Bul-
letin nous fait connaître une nouvelle varie'te' de Canne à sucre, que
l'on aurait découverte dans le Haut-Niger (Afrique centrale). Il la
de'crit comme une variété gigantesque, ayant une grande richesse
saccharine et ses semis, bien développés, permettent de la reproduire
facilement. On croit, cependant, que ce végétal n'est pas du tout une
Canne à sucre, mais bien le Sorglium vulgare de la Guinée, que l'on
trouve partoiit en Afrique et qui produit un sirop très utile dont on
essaie déjà, depuis quelque temps, aux États-Unis, à tirer du sucre
en grains. Si celle plante a des mérites particuliers, nous y revien-
drons; mais, pour le moment, elle ne présente aucun intérêt pour le
planteur des tropiques. D"" M. d'E.
Le Gérant : Jules Gmsard.
I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ.
LES LEPORIDES
ET LA NOTION DE L'ESPÈCE
Par m. Remy SAINT-LOUP.
(suite et fin *)
A première vue, entre un squelette de lièvre et un squelette
de lapin, nous constatons une différence de taille. Toutefois
cette dissemblance n'est intéressante que définie par les
mensurations qui permettent de mettre en relief, non seule-
ment la longueur absolue d'un fémur de lièvre et la longueur
absolue d'un fémur de lapin, mais les dimensions de ces os
relativement au squelette de l'animal ou à une autre pièce du
même squelette. La comparaison des dimensions absolues
est, en elïét, influencée par les conditions d'âge et de race et
donnerait des résultats moins clairs et moins précis sans
l'étude des proportions. Ainsi nous trouvons, par exemple :
FÉMUR. TÊTE. HUMÉRUS.
Liùvrp 125 89 93
— 122 9(5 100
— 120 94 98
Garenne 80 TS 60
— •79 ^9 59
Lapin domestique 90 90 "75
— — 95 94 70
— — 92 94 12
— — 91 93 72
Ldporide Y 70 70 52
— / 80 81 62
— 1888(1: 91 91 68
(♦) Voyez plus haut, page 1, Pour éliminer les discussions de nomenclature,
je ferai remarquer que le terme « fosse palatine • peut corresponJre au terme
• fosse nasale • de certains anatomistes, et que le larme t fosse intermaxillaire i
pourrait être remplacé par « trou incisif liypertrophié ».
(1) Nous avons reporté ici les dimensions du Léporidc 18S8 dont il sera ques-
tion plus loin, ce rapprochement ayant pour but de faciliter la comparaison des
nombres.
20 Janvier 1893. i
50 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Or, nous pouvons exprimer de la manière suivante les ré-
sultats obtenus, résultats qui sont d'ailleurs inscrits par les
mesures relevées :
Lapin : La longueur de l'humérus est toujours moindre
que la longueur de la tète, prise de l'extrémité pos-
térieure de l'occipital à l'extrémité antérieure des os
incisifs.
Lièvre : La longueur de l'iiumérus est toujours supérieure à
celle de la tête.
Lapin : La longueur du fémur est très voisine de celle de la
tète avec une différence qui est quelquefois de 1 ou 2
millimètres en faveur de la tète. Le rapport est sen-
siblement 1.
Lièvre : La longueur du fémur est de beaucoup supérieure à
celle de la tète. Le rapport est, en moyenne, 1,33,
soit A en plus.
La colonne vertébrale est aussi plus courte chez le lapin
que chez le lièvre et, d'une manière générale, tous les os de
lapin sont relativement plus courts et plus gros que leurs
homologues chez le lièvre. Nous avions déjà pu remarquer un
rapport semblable en comparant, dans les deux types, la lon-
gueur des pariétaux et des frontaux.
Comme déjà nous l'avons fait lorsqu'il s'est agi de l'étude
du crâne, retenons ici, parmi les difïérences notées, celle qui
est la plus marquée, savoir : la longueur du fémur comparée
à celle de la tète est, chez le lièvre, supérieure du tiers ou
environ du tiers ; cette même longueur est, chez le lapin,
sensiblement égale à celle de la tète ; et examinons le squelette
du Léporide.
Chez l'échantillon Y, Léporide âgé de deux mois, la lon-
gueur du fémur, 70"^"\ est égale à celle de la tète. Nous se-
rions donc conduits, par ce fait, à ranger l'animal dans le type
lapin. Mais il faut ici apporter une restriction à cause de l'âge
de l'animal, les membres n'ajant pas encore atteint leur dé-
veloppement et le calcul de leur longueur à l'état adulte
n'étant pas possible.
L'échantillon Z a présenté des longueurs de fémur si voi-
sines de celles de la tète que son classement dans le type
lapin ne fait, à ce point de vue, aucun doute.
LES LÉPORIDES ET LA XOTIOX DE L'ESPÈCE. SI
Quant à récliantillon X, je n'ai eu en ma possession que la
tète (1).
Les autres caractères tirés de l'étude du squelette du Lépo-
ride et analogues à ceux que nous avons notés pour les types
lapin et lièvre, rentrent aussi dans le type lapin.
Jusqu'ici toutes les remarques que nous avons pu faire sont
de nature à faire rejeter l'authenticité des Léporides exami-
nés. Mais nous avons voulu pousser plus loin l'examen et.
procéder â la comparaison des viscères.
L'aspect du tube digestif est le même chez le lièvre et chez
le lapin. Les mesures montrent principalement que le cœcum
est la portion du tube digestif qui mérite d'être comparée.
Nous trouvons, en effet, par exemple :
Lièvre :
Intestin grêle mesuré du pylore à l'ampoule
du cœcum, après dissociation des attaches
mésentériques 3"», 76
Cœcum mesuré de l'ampoule â l'extrémité
. fermée 0"',62
Intestin terminal mesuré de l'ampoule à
l'ouverture anale l'",72
Garenne :
Intestin grêle 3"', 56
Cœcum 0»>,36
Intestin terminal 0'",96
Lapin domestique :
Intestin grêle 3'",'70
Cœcum 0"',40
Intestin terminal l'",50
LÉPORIDE :
Intestin grêle 3'», '20
Cœcum 0'" ,42
Intestin terminal 1"",30
Il ré'^ulte de ces mensurations que les dimensions du tube
digestif du Léporide sont comprises entre celles du lapin de ga-
(I) Ud quatrième échantillon que j"ai pu mesurer tout récemment a présenté
aussi des longueurs égales pour la lèlc et le fémur.
52 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
renne et celles du lapin de choux. Ce qui distingue le mieux le
lièvre et le lapin est la dimension du cœcum notablement plus
grand chez le premier. L'autopsie pratiquée par Owen prend
en même temps, à notre avis, une signification plus précise.
Owen a trouvé, en effet, « l'intestin grêle comme chez le
lièvre », et nous voyons que l'intestin grêle est de même chez
le garenne et le lapin de choux; il a trouvé le cœcum court,
c'est un caractère du lapin, et le gros intestin dont il parle
dépasse la dimension ordinaire du gros intestin de lièvre, mais
se rencontre aussi chez le lapin de choux. L'animal d'Owen
n'était donc pas plus un Léporide que ceux dont il est ques-
tion ici et qui rentrent encore, par l'étude des viscères, dans
le type lapin.
Si maintenant nous passons à l'examen du cœur et des
vaisseaux aortiques à leur naissance, nous remarquons :
Chez le lièvre, d'une manière générale, les deux carotides
naissent très proches l'une de l'autre sur le tronc brachio-
céphalique droit. L'artère brachiale avec les deux carotides
l'orme [Fig. Li) une fourche à trois branches dont le manche
est représenté par l'artère brachio-céphaliqne qui, chez les
sujets adultes, est simple sur une longueur d'environ 8 millim.
Chez le lapin, la carotide gauche est plus rapprochée de la
crosse aortique et de la brachiale gauche [Fig. Le-Lg). On
peut donc distinguer un tronc brachio-céphalique primitif
qui donne naissance à la carotide gauche, puis un tronc bra-
chio-céphalique droit qui donne naissance à la carotide droite.
Ces dispositions s'accentuent encore chez le lapin domes-
tique, et nous trouvons chez le Léporide la disposition du
type garenne et du lapin domestique [Fig.Le-Lg)et [Fig. Le).
On peut discuter la valeur des caractères tirés de l'examen
des origines aortiques à cause des anomalies fréquentes qui
se présentent dans une même espèce, mais à titre accessoire
ces observations ne sont pas négligeables, quand surtout elles
conduisent à des conclusions de même sens que les précé-
dentes. Dans tous les cas, l'examen des origines aortiques
pratiqué exclusivement ne suffirait pas pour décider qu'un
animal à forme Léporide (1) est issu du lièvre.
(1) On remarquera que dans loulc celle dissertation j'ai accepté le terme
Léporide pour désigner Thybride et pour me conformer à l'usage, mais j'avoue
que ce terme est mauvais et qu"il s'applique ea zoologie à un groupe d'a-
nimaux.
LES LÉPORIDES ET LA NOTIOX DE L'ESPÈCE. 53
De toutes ces remarques, de celles aussi qui concernent les
.organes de la yie de relation, il ressort que les animaux qui
nous ont été présentés comme des Léporides ont : 1° aussi
hien par Vaspect extérieur que pour la siruclure interne
semblables au lapin ; 2" qu'il nous a été impossible de dé-
couvrir, dans leur organisme, aucune trace des caractères
distinct!' fs appartenant an lièvre.
En d'autres termes, au point de vue anatomique, ces ani-
maux sont des lapins et pas autre cliose.
A un point de yue plus général, au point de vue biologique,
cette conclusion négative n'est pas exempte de critiques.
Nous avons dit au commencement, que les trois cas prévus
et formulés pour un exposé plus net de la méthode de re-
cherche, souffraient des restrictions; il faut, en toute impar-
tialité et pour ne pas établir sans appel la négation de l'au-
thenticité des animaux soumis à l'enquête par un éleveur qui
parait absolument honorable et sincère, fournir spontané-
ment, après le réquisitoire, les arguments de la défense.
Nous sommes partis de ce principe que le lièvre et le lapin
sont deux espèces différentes; nous avons admis, avec les
observateurs, les savants les plus autorisés, que les hybrides
présentent des caractères appartenant aux deux types créa-
teurs. Si la seconde de ces propositions s'impose parce (ju'elle
résulte des faits de l'expérience, la première soufïVe contes-
tation, malgré les naturalistes classificateurs, malgré aussi
l'opinion de Broca qui, dans ces questions, s'est bien sou-
vent laissé entraîner par le parti pris. La distinction spéci-
fique zoologique est toujours conventionnelle; à part les types
éloignés, comme la tortue et le tatou, le cheval et le rat, la
distinction est souvent une question d'appréciation person-
nelle sans critérium défini et absolu. On peut éclaircir un cas
douteux en concluant à l'identité spécifique, on ne peut ja-
mais, dans un cas semblable, conclure à la séparation ; la no-
tion vraie, la notion philosophique de la distinction spécifique
n'a de sanction que dans le fait de la séparation d'origine. Si,
remontant à travers les âges, nous i)ouvions prouver que les
premiers ancêtres du lièvre et les premiers ancêtres du lapin
ont été créés séparément de toutes pièces, nous dirions avec
exactitude qu'ils sont d'espèces difierentes, autrement non,
puisque le seul argument sérieux contradictoire serait tiré de
leur anti[)athie physiologique, et que cette antipathie est pré-
54 REVUE DES SCIENCES NATUUELLES APPLIQUÉES.
Gisement discutée. Les arguments tirés de la zoologie systé-
matique sont ici très iaibles, car on pourrait répondre à ceux-
qui séparent spécifiquement lièvre et lapin en raison de leur
hostilité réciproque, qu'il arrive de rencontrer des cochons
d'Inde de variétés difïérentes absolument hostiles; à ceux qui
auraient à Taire valoir un des arguments de Broca, « les
oreilles du lièvre sont plus longues que celles du lapin », nous
indiquerions une visite dans une exposition agricole quel-
conque ; à ceux enfin qui invoqueraient les caractères anato-
mlques mis en relief dans l'étude actuelle, il suffirait de faire
remarquer que dans l'espèce galline la poule de Houdan ou
la poule dite de Padoue, ont la boite crânienne si différente de
la boite crânienne d'une poule de Bresse ou de Cocliinchine,
que la distinction anatomique ne fait pas de doute. Pourtant
il ne s'agit là que de deux races et non de deux espèces.
Si, par conséquent, en dehors de toute notion des expé-
riences physiologiques, la distinction espèce lièvre, espèce
lapin ne s'impose pas, nous pouvons accepter l'hypothèse
que nous sommes en présence de deux races, et alors les
conclusions anatomiques cessent d'être décisives.
Je dis, en dehors des expériences de croisement, car dans
le cas actuel que prouvent-elles ? Les unes, celles d'Amo-
retti, celles dont parle M. Gleichen, celles dont parle Richard
Thursfield, Owen, John Bachman, les essais de M. Roux con-
firmés par Broca, les expériences de M. Gayot sont affirma-
tives, les autres, celles de Buffon, celles qui furent plus tard
exécutées au Jardin d'Acclimatation du Bois de Boulogne
avec une persistance digne d'éloges, celles de MM. Milne-
Edwards et Huet au Muséum sont négatives (1). Il n'y a rien
à conclure de tous ces résultats contradictoires parce que
l'enquête sérieuse est absolument inabordable matériellement
et surtout moralement. P^xaminons seulement, pour préciser
les données du problème actuel, ce que dit M. Lamy, l'expé-
rimentateur en cause, l'agronome distingué auquel nous
devons non seulement les animaux étudiés mais encore de
nombreux renseignements. En résumé, M. Lamy dit ceci :
« J'affirme que mes Léporides sont nés d'une lapine isolée
dès son jeune âge et accouplée à un lièvre pris dans les bois,
(I) Une tentative prolongée depuis une dizaine d'années dans d'excellentes
coudiiions et dont M. Sauvinet, assistant au Muséum, a pu suivre les phases,
est également restée sans succès.
LES LÉPORIDES ET LA NOTION DE L'ESPÈCE. 55
que les produits de cette première union ont été accouplés
entre eux, et que ces produits ou leurs descendants absolu-
ment indemnes de toute nouvelle adjonction de sang de
lièvre ou de sang de lapin, se propagent chez moi depuis
plusieurs années. » Je dois dire par parenthèse que M. Lamy
n'a pas réuni dans ses clapiers le lièvre et la lapine, il a reçu
en pi'ésent ou acheté les Léporides nés de cette union que,
pour un instant, nous allons admettre. Si le lièvre et le lapin
sont deux races différentes, il peut très bien y avoir eu dans
la constitution des métis prédominance de l'influence de la
lapine ; un certain nombre de faits relatés dans l'histoire du
métissage permettent d'accepter cette hypothèse. Or, M. Lamy
était absolument incapable d'établir parmi ses Léporides une
sélection ayant pour effet d'exclure les animaux à fosse pa-
latine étroite, et l'influence du type lapin a très bien pu
devenir presque exclusive chez les animaux de deuxième ou
troisième génération ; les animaux que j'ai disséqués sont de
ces générations.
Comment écarter cette hypothèse en vertu de laquelle
l'union féconde ayant eu lieu lors du croisement, les Lépo-
rides examinés auraient cependant l'aspect et la structure du
Lapin ? En examinant les métis de première génération et en
découvrant parmi eux un échantillon du type lièvre, car
dans l'union de deux races, si certains individus peuvent
avoir les caractères de la race du maie, d'autres doivent
avoir ceux de la race de la femelle. J'ai donc demandé à
M. Lamy un Léporide de première génération, et le seul indi-
vidu encore existant m'a été envoyé. M. Lamy a demandé
que le jugement définitif fût prononcé d'après l'étude de cet
échantillon, et j'ai accepté très volontiers cette manière de
clore la discussion.
Or, le Léporide de première génération a présenté comme
les autres une fosse palatine étroite et une fosse intermaxil-
lairo sensiblement plus large. 4,5 millimètres pour la pre-
mière, 9 pour la seconde.
Le fémur était de même longueur que la tête, 91 milli-
mètres.
L'humérus, 68 millimètres.
Les origines aortiques étaient disposées comme chez le
lapin de garenne, le cœcum d'une longueur de 42 centimètres
est semblable à celui du Lapin.
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03
LES LÉPORIDES ET LA NOTION DE L'ESPÈCE. 57
Quant aux caractères extérieurs pelage, forme, allure, ils
étaient de nature à ne soulever le doute qu'avec une extrême
bonne volonté. Bref, cet échantillon, comme tous les autres,
rentre dans le type lapin, il n'est pas possible d'y constater
de traces du type lièvre, et aussi bien dans l'hypothèse de la
distinction spécifique des deux types que dans l'hypothèse de
leur distinction à titre de races, nous ne pouvons considérer
les Léporides de M. Lamy comme autre chose que des lapins.
Si je devais leur attribrier une origine en raison de particu-
larités secondaires, je dirais qu'ils semblent provenir du croi-
sement de lapins de garenne avec une race domestique assez
volumineuse et d'un pelage souple. Ils sont une fort belle
race, plus agréable au goût que le lapin de choux ; la chair
est semblable pour la couleur à celle da lapin de garenne. Le
régime alimentaire et les soins d'hygiène et de propreté
évitent l'odeur désagréable du clapier, mais toutes ces qua-
lités, qui ont certainement une grande valeur au point de vue
pratique, ne sont pas suffisantes pour modifier les conclu-
sions de l'analyse scientifique.
Les faits exposés ici pourront servir de guide pour de
nouveaux examens, et les Léporides à venir seront classés
sans qu'il soit besoin du travail préliminaire que j'ai dû
faire pour établir les bases de la comparaison. Les éleveurs
pourront eux-mêmes, en suivant cette méthode, se rendre
compte de l'identité des animaux qui leur seraient offerts
comme des Léporides. C'est là le résultat le plus positif de
cette courte dissertation; car, relativement à la notion de
l'espèce, l'authenticité rejetée ou prouvée du Léporide n'a-
joute aucune solution aux problèmes du transformisme. Il
est intéressant de rappeler que des distinctions s})écifiques
créées par les zoologistes avec leurs définitions et leurs ap-
préciations, n'ont pas une valeur absolue et peuvent être
niées par les physiologistes avec d'autres définitions et des
expériences; mais rien n'est venu montrer que des types ani-
maux que zoologistes et physiologistes eussent, d'un commun
accord, considérés comme de même espèce, il y a deux ou trois
mille ans, soient aujourd'hui représentés par des desccnchuits
d'espèces différentes. Vax d'autres termes, si d'un mariage de
deux lapins, nous pouvions obtenir des lièvres et des lapins
aussi peu sympathiques les uns aux autres qu'ils semblent
jusqu'ici se montrer, l'idée de l'espèce prendrait de la préci-
58 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
sion, et le transformisme aurait une belle démonstration de
ses théories. Je m'empresse d'ajouter que je ne suis pas le
premier à' poser le problème sous cette forme, mais il ne me
paraît pas inutile de répéter ce qui est bien pensé.
La question des Léporides de M. Lamy une fois tranchée
et avec une conclusion plus catégorique que celle fournie par
M. Sanson(l), pour les Léporides de M. Gayot, il reste ce-
pendant une forme d'interrogation à signaler.
Nous avons disséqué quatre Léporides. Les trois premiers,
de troisième ou quatrième génération, sont exclusivement du
type lapin, le quatrième, de première génération, est encore
exclusivement du type lapin et, comme je l'ai déjà dit,
M. Lamy a déclaré accepter les conclusions à formuler après
examen de ce quatrième échantillon. La question qui se pose
est celle-ci : « Dans le croisement de deux races, peut-il ar-
river que les descendants aient exclusivement les caractères
d'un des types croisés au moins pendant une série de géné-
rations ? » Les exemples classiques, ceux qui sont le résultat
des expériences de I. GeofFroy-Saint-Hilaire, de Flourens
permettent de répondre négativement, mais si l'on admet
que le mélange des caractères spécifiques ne s'accomplit pas
suivant des règles fixes, et ceci en vertu de faits d'expérience,
il n'est pas permis de rejeter absolument la question pré-
cédente.
C'est pour cette raison que je prie M. Lamy de croiser avec
le lièvre les animaux qu'il regarde comme des Léporides,
car l'aptitude des Léporides à prendre dans ce croisement,
les caractères du lièvre parait a priori devoir être plus grande
que celle des Lapins pur sang. L'expérience serait entière-
ment intéressante, elle mérite d'être faite, car du même coup
M. Lamy nous obligerait à revenir sur notre jugement ac-
tuel, et démontrerait un fait encore ignoré dans l'histoire des
phénomènes biologiques.
Il serait prématuré de commenter une pareille démonstra-
tion ; en attendant, nous sommes obligés, à moins de mépri-
ser toute science acquise et toute méthode, de nier l'existence
des Léporides.
J'avoue, s'il m'est permis de donner mon opinion person-
nelle, que c'est à regret que je nie, car je ne trouve qu'une ex-
(1) Sanson, Ann. Se. nat., 1871-1 872, t. XV.
LES LEPORIDES ET LA NOTION DE L'ESPÈCE. 59
plication à l'antipathie physiologique du lièvre et du lapin ; leur
incompatibilité d'humeur, et la formule est prise dans toute
son acception, serait en rapport avec leur différence d'odeur
spécifique. La nature des sécrétions glandulaires et spéciale-
ment des glandes odoriférantes diffère, et ces propriétés,
qu'en chimie on appellerait organoleptiques, sont sans doute
en rapport avec la qualité des humeurs des animaux. Parler
des humeurs dans ce sens, c'est ressusciter un vieux mot
fort à la mode dans la médecine des siècles qui précèdent
le nôtre, mais qu'il faut employer ici, puisque nous n'en avons
pas de meilleur. En quelle manière, par les propriétés chi-
miques de leurs humeurs, des animaux en apparence sem-
blables s'éloignent-ils les uns des autres, en quel principe de
l'humeur réside la cause indéterminée, différentielle? Ce sont
là des inconnues du problème de la formation des espèces. Il
semblerait que ces notions obscures, appuyées cependant sur
l'observation doivent trouver des éclaircissements par les
sciences bactériologiques.
L'étude de l'inoculation d'un même microbe dans des mi-
lieux vivants, dans des humeurs différentes, ne montre-t-elle
pas les réactions spéciales de ces humeurs, et ne serons-
nous pas conduits à accepter, dans la suite, une définition
de l'espèce comprenant la différenciation spécifique des
humeurs .
M. le professeur Chauveau a montré qu'un microbe patho-
gène ne produit pas les mêmes effets sur le mouton d'Algérie
et sur le mouton de France ; il y aurait donc là deux hu-
meurs différentes dans une même espèce animale, et à plus
forte raison serions-nous conduits à admettre des différences
plus accentuées chez des animaux d'espèces différentes. Il
n'y a dans cette digression au sujet des Léporides que l'es-
quisse d'une idée, qui comporterait déjà et sans autres don-
nées que les faits acquis de sérieux développements; mais
nous ne présentons ici ces hypothèses que pour bien montrer
en regard de la science faite qui détermine l'opinion sur l'é-
tude d'une question, l'éventualité de données nouvelles ca-
pables d'élargir les motifs de discussion.
LA CHASSE AUX PETITS OISEAUX
Par m. le baron d'HAMONVILLE.
Vœu du Conseil général de Meurthe-et-Moselle.
La petite chasse, ou tendue aux raquettes destinée à
prendre les petits oiseaux en septembre et octobre, est pra-
tiquée dans notre ancienne province de Lorraine depuis un
temps immémorial; il faut donc lutter contre de vieilles ha-
bitudes, passées dans les mœurs, pour arriver à modifier ce
déplorable état des choses.
Toutefois, l'opinion publique commence à s'émouvoir gran-
dement de la disparition graduelle des petits oiseaux, de
l'augmentation des insectes nuisibles, et demande que des
mesures sérieuses soient prises pour remédier à ce fléau qui
devient de jour en jour plus menaçant.
Le Conseil général de Meurthe-et-Moselle s'est ému à son
tour et vient tout récemment d'émettre à ce sujet un vœu
fortement motivé.
Chargé, comme rapporteur de la Commission d'agriculture
et des beaux-arts, de traiter la question et de présenter au
Conseil général des conclusions conformes, j'ai été assez
heureux pour les voir adoptées unanimement.
La question ayant un intérêt général et les conclusions de
la commission étant seules reproduites intégralement dans
notre Recueil administratif qui n'a, d'ailleurs, aucune publi-
cité, d'accord avec notre honorable président, M. A. GeofFroy-
Saint-Hilaire, j'ai cru utile de mettre sous les yeux des lec-
teurs de la Revue des Sciences naturelles appliquées la
délibération du Conseil général de Meurthe-et-Moselle. Aidé
par mes notes et mes souvenirs, j'ai pu reconstituer à peu
près complètement mon plaidoyer en faveur des petits
oiseaux. En outre, j'ai pensé bien faire en reproduisant toute
la délibération et en lui laissant autant que possible sa physio-
nomie propre.
LA CHASSl-; AUX PETITS OISEAUX. 61
SÉANCE DU 25 AOUT 1892.
Le Président. — La parole est à M. d'Hamonville, rappor-
teur de la Commission d'agriculture, pour les vœux des Con-
seils d'arrondissement.
M. d'Hamonville. — Les vœux de nos Conseils d'arrondis-
sejnent, demandant la suppression de la petite chasse, sont
rédigés de diverses manières ; nous les ramènerons à une for-
mule unique dont la Commission vous propose l'adoption;
mais en raison du renouvellement périodique de cette ques-
tion, elle m'a chargé de la traiter à fond, afin d'arriver à des
résolutions nettes qui nous éviteront, pour l'avenir, des dis-
cussions nouvelles et nous procureront en somme une écono-
mie de temps.
Vous savez tous, Messieurs, que des plaintes s'élèvent de
tous côtés sur la disparition des petits oiseaux dont les Con-
seils d'arrondissement, comme les comices agricoles, recon-
naissent l'utilité ; aussi, demandent-ils unanimement la sup-
pression de la petite chasse. Les journaux des diverses opi-
nions, les revues scientifiques et autres, tout comme les
simples particuliers, s'inquiètent de la diminution de ces pe-
tits êtres, et de l'augmentation des insectes nuisibles. Cet état
d'opinion vous indique clairement l'importance de cette
question au point de vue agricole, et vous fait un devoir de
l'étudier sans parti pris, et d'une façon complète.
Il y a vingt ans, dans cette même enceinte, j'avais essayé
de l'aborder; mais l'opinion n'était point faite encore et jeus
contre moi la grande majorité de mes collègues. Cependant,
je fis quelques prosélytes, parmi lesquels je citerai M. Chevan-
dier de Valdrôme (1), qui disait : « Ne mangeons plus de pe-
tits oiseaux, si nous ne voulons pas être mangés par les in-
sectes. » Pourtant, à cette époque, pas plus qu'aujourd'hui,
je ne prétendais que tous les oiseaux mangent des insectes
nuisibles, et je me contentais d'affirmer, d'une façon générale,
que la grande masse des petits oiseaux, les seuls dont je vou-
lais m'occuper, en détruit incontestablement un grand nombre
et nous rend ainsi les plus grands services. N'en est-il pas en-
core de même aujourd'hui ? A cette é[)oque aussi, on me fai-
sait une objection qu'on peut renouveler; la voici : Les ten-
(1) Ancien ministre sous l'empire.
63 REVUE DES SCIENXES NATURELLES APPLIQUÉES.
dues donnent du profit à bon nombre de gens (jui ne pourraient
abandonner sans grand dommage une industrie qui les fait
vivre. Cet argument, Messieurs, me laisse absolument froid :
remarquez, en effet, que la petite chasse se prépare dès le
15 août, et se pratique en septembre et en octobre, à une
époque où partout dans les campagnes on se plaint du manque
de bras pour faire les moissons, rentrer les légumes de toute
sorte et opérer les vendanges. Non, la petite chasse n'est pas
une industrie ; et laissez-moi ajouter, puisque je le crois,
c'est le plus souvent une école, sinon un prétexte, de bracon-
nage. Mais, si ce n'est pas une industrie, c'est un plaisir, me
dira-t-on, et je vais encore heurter ici les idées de notre col-
lègue, M. Volland, qui va nous dire : « On va à la campagne
pour se distraire et y vivre en liberté : on veut chasser, pê-
cher, on veut tendre, on le fait, et on revient heureux. »
Malheureusement, aujourd'hui, la réglementation se trouve à
la campagne comme à la ville, et il iaudrait, pour satisfaire
les idées de notre collègue, prendre conseil de Jules Verne,
se réfugier dans une ile déserte pour y jouir de la liberté qui
ne se trouve plus nulle part, si ce n'est au fond du cœur. Quoi
qu'il en soit, il est certain qu'il se produit actuellement dans
les esprits un mouvement considérable en faveur des petits
oiseaux dont je me constitue le défenseur. Ce n'est pas sans
motif évidemment, et il faut en conclure que dans l'opinion
publique on a commencé à sentir que l'oiseau joue un grand
rôle dans la nature.
Eh bien ! étudions ce rôle, voyons-en les avantages et lès
inconvénients.
Entrons ensemble à la Faculté des sciences dans les gale-
ries ornithologiques dont notre président, M. Bichat (1), nous
fera assurément les honneurs avec sa gracieuseté habituelle ;
prenons un spécimen et étudions-le.
'Voyez d'abord ce bec et ces pieds cornés, insensibles à
toutes les intempéries, et même à la douleur, touchez ces
plumes moelleuses, élastiques, imbriquées, qui mettent son
propriétaire à l'abri du chaud et du froid, et qu'il sait impré-
gner d'une graisse spéciale qui les rend imperméables ; voyez
ces rectrices caudales que l'oiseau peut replier ou étaler en
tout sens, et qui constituent le plus puissant des gouvernails;
[1) Doyen de la Faculté des sciences.
LA CHASSE AUX PETITS OISEAUX. 63
cette peau mince, résistante, attachée au corps par un réseau
d'aponévroses, ménage les cavités aériennes qui doivent di-
minuer le poids spécifique du voyageur aérien ; voyez ces
ailes dont la forme varie dans chaque genre selon les besoins
et les aptitudes du voilier; donnez encore un coup d'œil à
cette charpente solide, légère, toujours modifiée selon les
besoins ; appréciez enfin la l'orme gracieuse, élégante de ce
bijou de la nature, et dites-moi si le Créateur eût apporté
tant de soins à former ce petit être, s'il n'avait pas un grand
rôle à remplir.
C'est, qu'en effet, cette machine vivante doit se diriger par
tous les temps et sans délai partout où elle est nécessaire,
non pour apporter la mauvaise, mais la bonne nouvelle. C'est
pour combattre pour nous que les petits oiseaux se transpor-
tent au plus vite vers les lieux où nous avons besoin de leur
secours, et c'est en masse que nous les trouvons là où l'in-
secte pullule, tandis qu'ils disparaissent dès que celui-ci de-
vient rare.
Ce que je viens de vous dire, Messieurs, ne vous paraît-il
pas rationnel? et ne pensez-vous pas, comme moi, que la
Providence a assigné un grand rôle aux oiseaux ? Ce sont des
éliminateurs chargés, non de détruire, mais de pondérer la
multiplication trop souvent renouvelée d'une foule de bes-
tioles nuisibles ; sans eux, nous serions envahis, débordés,
par ces infiniment petits, contre lesquels Thomme, avec toute
sa science, est absolument impuissant. Ce sont, en outre, des
disséminateurs de la vie végétale et même animale, car ils
apportent avec eux, un peu partout, des organismes vivants
et concourent ainsi à l'harmonie générale.
Ceci dit, d'une faron générale, je vais traiter la question
plus en détail, toujours très brièvement d'ailleurs, et vous
citer quelques exemples, j)our vous faire comprendre com-
ment les ornithologistes procèdent pour déduire scientifique-
ment le rôle utile ou nuisible des espèces qu'ils veulent
étudier.
Vous connaissez les Campagnols, tous les cultivateurs,
M. Brice vous le dira, se i)laignent du tort considérable
qu'ils causent parfois à leurs récoltes. Eh bien I quand il y a
quelque part une invasion de ces petits rongeurs, allez vous
promener sur le théâtre de leurs tristes exploits, cherchez
leurs galeries souterraines, et bientôt vous verrez s'élever
64 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
SOUS VOS pieds comme une apparition, un oiseau étrange, qui
était rasé à terre. C'est un Hibou brachyote, que la nature a
pourvu de rémiges amples, à barbules égales, sans crochet,
de sorte qu'il peut voler sans l'aire le moindre bruit, qui atti-
rerait l'attention des rongeurs dont il est le destructeur at-
titré. Partout où les colonies de Campagnols prospèrent, vous
trouverez le Brachyote en nombre suffisant pour enrayer la
multiplication de ce petit mammifère, et quand ils disparaî-
tront, l'oiseau disparaîtra à son tour. Ne voilà-t-il pas, Mes-
sieurs, un oiseau très utile ?
Prenons un autre exemple, dans le même ordre, pour vous
montrer la grande réserve qu'il faut apporter avant de for-
muler une opinion sur l'utilité plus ou moins grande d'une
espèce.
L'EflVaye. que les campagnards clouaient autrefois à la
porte de leurs granges, sans doute pour la remercier des
services qu'elle leur rend, est aussi un rapace utile. Dans son
aire et près de ses petits, j'ai trouvé souvent huit, dix et jus-
qu'à quatorze rongeurs, mulots, souris, campagnols; en
outre, cette chouette, comme ses congénères, après avoir di-
géré les chairs de ces petits mammifères, rejette les résidus,
poils et os, sous forme de boulettes que Ion trouve abondam-
ment à terre près du lieu qu'elle habite et qui prouvent, sans
contestation possible, le grand bien que ce rapace nous fait.
Cependant, on a découvert, depuis quelques années, que
l'Effraye tue, en les laissant surplace, et sans les manger, par
un besoin inexpliqué de meurtre, la Musaraigne, que nous
considérons comme un animal utile parce qu'elle est insec-
tivore.
L'Effraye, bien que très utile, l'est donc moins que le Bra-
chyote, et vous voyez, par cet exemple, combien il faut se
montrer réservé dans ses appréciations.
Je pourrais multiplier ces exemples, mais, pour abréger, je
me contenterai d'énoncer le genre de nourriture de nos pe-
tites espèces, de celles dont nous avons à nous occuper
auiourd'hui.
C'est non seulement par l'observation dans la nature, mais
surtout par l'observation directe sur les sujets en cause,
en examinant les résidus contenus dans leur estomac, que
l'on peut se prononcer en parfaite connaissance de cause.
C'est ce que font beaucoup d'ornithologistes et, pour ma part,
LA GlIASSE AUX PETITS OISEAUX. 65
je n'ai jamais manqué de l'aire cette constatation au scalpel
sur tous les oiseaux qui me sont passés par les mains, c'est-
à-dire sur des centaines ou plutôt des milliers. C'est en m'ap-
puyant sur des données rigoureuses, que je puis vous assurer
qu'il n'y a presque pas de petits oiseaux nuisibles. Le Martin-
Pêcheur se nourrit d'alevin de poisson, les Bouvreuils ébour-
geonnent les arbres, les Gros-Becs détruisent beaucoup de
semences et de noyaux ; mais, en dehors de ceux-ci, je ne
vois pas d'espèce que l'on puisse classer nuisibles. Les Moi-
neaux font grand tort aux cerises précoces et aux champs de
blé, lors de la maturité ; mais ils mangent beaucoup de che-
nilles et de hannetons, et, comme tous les petits oiseaux,
nourrissent exclusivement leurs petits avec des insectes, car
cette nourriture animale azotée est absolument indispensable
à leur croissance. Le Moineau, d'ailleurs, ne donne pas dans
les pièges, et il suffit, comme j'ai pu m'en convaincre, par
moi-même, de modérer sa multiplication au printemps par
quelques coups de fusil pour qu'il ne nous cause plus de dom-
mage appréciable.
Mais voyons les autres :
Les Pics font spécialement la guerre aux insectes xylo-
phages, ces terribles destructeurs des forêts.
Leur utilité, d'ailleurs, a été absolument démontrée par
l'abbé Vincelot dans une polémique fameuse avec le comte de
Baracé ; le Torcol est le fourmilier par excellence, sa langue
très longue, est attachée à l'arrière de la tête par des muscles
puissants, extensibles presque à volonté ; elle est enduite
d'une salive gluante, en sorte que l'oiseau n'a qu'à la darder
dans une fourmilière pour la retirer couverte de l'insecte
qu'il avale avec délices : vous savez. Messieurs, qu'on ne peut
discuter des goûts ni des couleurs ; le Grimpereau, cette mi-
gnonne et infatigable créature, parcourt en tous sens les
troncs des arbres pour y chercher les larves qui composent
exclusivement son ordinaire ; les Pinsons, les Verdiers, les
Bruants, les Linots consomment quantités de chenilles, de
mouches, et si, parfois, ils s'oublient sur les semences des
jardiniers, ils détruisent aussi de mauvaises graines, par
exemple, le Chardonneret qui, sans arrêté de M. le Préfet,
échardonne en conscience ; les Alouettes, ces chantres de
l'air, mangent des charançons en quantité ; les Pijjits, les
Bergeronnettes, s'attaquent aux moucherons, aux Altises et
20 Janvier 1893. 5
66 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
aux insectes parasites de nos troupeaux, et la Bergeronnette
printanière est spéciale pour l'élimination des petits Orthop-
tères ; les Turdidés, qui comprennent les Rouges-Gorges, les
Rouges-Queues, les Traquets, les Rossignols, les Fauvettes,
sont montés sur de longs tarses qui leur permettent d'opérer
leur chasse à terre, où ils capturent sans pitié les Limaces,
les Hélices, les Lombrics, les larves et, en général, tous les
insectes. Ils sont aussi un peu haccivores, et ne dédaignent
pas, à une certaine époque, la fraise et la groseille, mais
n'est-ce point là un léger salaire qu'ils ont. Dieu merci, bien
mérité. Les Becs-fins aquatiques agissent de même sur les
eaux qu'ils liabitent en faisant la chasse aux Névroptères,
Libellules et aux mouches aquatiques; les Pouillots, les Roi-
telets savent trouver sur les arbres, qu'ils parcourent en tous
sens, les plus petits insectes. Les Mésanges les imitent de
leur mieux; les Coucous s'adressent aux Chenilles velues
qu'ils trouvent délicieuses ; les Engoulevents, au vol crépus-
culaire, gobent les Phalènes nocturnes par centaines, tandis
que les Gobe-Mouches, tout comme les Hirondelles, cher-
chent leur nourriture dans l'air qu'ils purgent d'une foule de
moucherons insupportables. Laissez-moi tous faire part, au
sujet des premiers, d'une ol)servation toute récente. Il 3' a
deux ans, un couple de Gobe-Mouches vint établir son nid
dans un treillage de mon jardin, à quelques mètres de ma
collection de rosiers. Ces derniers étaient très abîmés par des
chenilles de deux espèces, l'une verte sans tache, l'autre
plus pâle, liserée de jaune, avec le ventre blanc ponctué de
noir. Or, mes Gobe-Mouches se posaient souvent en vedette
sur mes tuteurs, et j'ai pu constater que, depuis ce moment,
ils détruisaient les chenilles avec tant de zèle qu'ils les firent
presque entièrement disparaître. Vous jugez s'ils sont deve-
nus mes amis.
Vous le voyez. Messieurs, par cette courte énumération,
quand nous venons vous dire : Voilà des êtres utiles qui
jouent un grand rôle dans l'harmonie de la nature, nous
avançons une vérité indiscutable que l'on ne peut sérieuse-
ment nier.
Mais, on m'objectera peut-être que les oiseaux constituent
une ressource alimentaire que l'on ne doit pas laisser perdre.
Une ressource ! Messieurs, eh bien, voici la réponse. Un
ornithologiste consciencieux, universellement connu, feu
LA CHASSE AUX PETITS OISEAUX. 67
M. Lesciiyer, a eu la patience de faire des pesées rigoureuses
du poids net de chair que peut donner chaque oiseau. Voici
quelques-uns de ces chiffres. Un Roitelet donne 4 gr. 1/2; un
Gobe-mouches noir, 5 grammes ; un Rouge-queue, 5 gr. 1/2;
un Rossignol, 6 grammes; voyez-yoïis avec ces quelques
chiffres ce qu'il faudrait d'oiseaux pour un seul repas d'un
homme adulte ; laissons donc cet argument et convenons qu'il
ne s'agit ici que d'une gourmandise coupable.
Ce qui est surtout déplorable, c'est l'autorisation des procé-
dés de chasse qui permettent de capturer les petits oiseaux,
par grandes quantités à la fois, comme notre tendue de Lor-
raine, et c'est surtout contre ce genre de capture que se sont
prononcées les Sociétés agricoles et scientifiques, particuliè-
rement les congrès ornithologiques de Vienne et de Budapest
qui ont été unanimes à reconnaître que, dans tous les pays, on
devrait s'efforcer d'arriver à proscrire, d'une façon complète,
la capture en masse. Ces congrès, vous le savez peut-être,
ont constitué un comité permanent et international, dont la
tâche est de traiter toutes les questions ornithologiques dont
l'une des plus im})ortantes est celle de la protection à accor-
der aux petits oiseaux. Ce comité, où sont représentées
toutes les nations du globe, a actuellement pour président
M. E. Oustalet, assistant de zoologie au Muséum, et pour tré-
sorier votre serviteur. Eh bien ! quand une Société, composée
desavants et de spécialistes de tous les pays, vient vous dire :
On doit proscrire absolument la capture en masse, pouvez-
vous hésiter?
Vous savez en quoi consiste notre tendue aux raquettes.
Une baguette pliée faisant ressort est maintenue par une
double ficelle, dont un nœud soutient horizontalement une
petite branciie appelée vulgairement : cabille. L'oiseau vient
sans défiance se poser sur ce perchoir improvisé qui s'abat
le laissant pris par les pattes. La malheureuse victime se dé-
bat, se brise les membres et meurt après une longue agonie
qui doit être pour elle une éternité. J'ai été tendeur dans mon
jeune temps moi aussi. . .
M. VoLLAND. — Un le voit bien. {Rires.)
M. d'Hamonville. — Eh bien ! je vous avoue que je n'ai
jamais étoufl'é un de mes petits captifs sans un sentiment pé-
nible. Permettre à vos enfants de pratiquer cette chasse, de
se réjouir des souffrances de ces petits êtres est mauvais,
68 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
c'est leur enseigner la cruauté. Ne vaut-il pas mieux les me-
ner dans les champs et dans les bois pour développer leurs
forces et leur intelligence, en leur apprenant à lire dans le
grand livre de la nature, ouvert à tous, et à respecter la vie
des animaux dont nous n'avons pas le droit de disposer sans
nécessité.
J'ai encore deux observations à vous présenter à propos de
notre tendue ; la première, c'est que l'on n'y capture que des
Insectivores ou à peu près, c'est-à-dire les oiseaux que nous
considérons comme les plus utiles; la seconde, c'est qu'elle est
absolument illégale, et voici pourquoi : le paragraphe 1 de
l'article 9 de la loi du 3 mai 1844 porte : « Que les Préfets
» prendront des arrêtés pour déterminer le mode de chasse
» aux oiseaux de passage. . . » Or, comment pouvez-vous
distinguer les oiseaux de passage de ceux du pays ? Comment
pouvez-vous reconnaître, par exemple, le Rouge-gorge qui
vient de Hollande de celui qui est né à Laxou (1 ;. Quel est le
Préfet, quel est le tendeur capable de faire cette distinction ?
Vous voyez donc que les autorisations de tendre vont à ren-
contre de la loi
Je ne veux point vous parler, Messieurs, des tendues aux
lignettes qui se font dans l'ouest, de celles au brai pratiquées
dans les Vosges, de tous les pièges utilisés dans le midi, ni
même du procédé des Marseillais qui, en quelques secondes,
foudroient par l'électricité dix mille Hirondelles; car je ne
veux pas abuser de vos instants et de votre attention, mais
je dois, en terminant, vous rappeler la destruction d'oiseaux
que les dénicheurs font encore en beaucoup d'endroits mal
surveillés, et surtout les fusillades en temps de neige qui ne
nous laissent plus un oiseau sédentaire. N'est-il pas néces-
saire dans ces deux derniers cas de réclamer l'exécution et le
respect de la loi ?
En résumé, il y a dans la nature une harmonie parfaite
dont les oiseaux ne sont pas l'un des facteurs les moins utiles;
prenons garde de la rompre, nous en serions les premières
victimes. Aimons, protégeons ces petits êtres ailés; rappelons-
nous leurs services, leur charme. Qui de nous ne sent l'ani-
mation, la vie qu'ils apportent partout avec eux, dans les
champs, dans les bois, dans les jardins où nous savourons
(1) Petit villaf^e de la banlieue de Nancy.
LA CHASSE AUX PETITS OISEAUX. 69
leurs gais concerts. Que de fois, dans la nuit, le malade sur
sa couche a oublié un moment ses douleurs en écoutant, ravi,
la longue ballade du Rossignol, le chantre de l'amour ! Mais,
me direz-vous, vous oubliez la science pour faire du senti-
ment. Non, Messieurs, le sentiment n'exclut pas le raisonne-
ment, il doit, au contraire, marcher de pair avec la science,
parfois un peu sèche, qu'il est chargé d'embellir. Est-ce qu'un
peintre, un architecte peuvent produire une œuvre complète
sans le sentiment de l'art? Est-ce qu'il n'y a pas de senti-
ment dans tout ce qui est vraiment grand, vraiment beau '?
dans le patriotisme, dans la foi. Dans la foi qui « soulève les
montagnes », pour me servir d'une expression biblique; dans
la foi sans laquelle nous ne sommes rien, et nous ne pou-
vons rien.
En conséquence. Messieurs, votre commission, s'inspirant
des principes que je viens d'analyser et, à l'unanimité, vous
propose d'adopter les considérants du vœu dont je vais vous
donner lecture :
Considérant que des plaintes nombreuses s'élèvent de tous
les côtés du département, particulièrement au sein des
comices et des conseils d'arrondissemant, sur la diminution
progressive et trop rapide des petits oiseaux utiles à l'agri-
culture, et sur l'augmentation effrayante des espèces ani-
males nuisibles, dont les premiers sont chargés de modérer la
trop grande multiplication;
Considérant que le seul moyen de rétablir l'équilibre serait
de surveiller très sérieusement les dénicheurs de profession,
les braconniers en temps de neige et de ne plus autoriser les
tendues de raquettes, bois fendu ou brai, lignettes, filets de
jour et surtout de nuit, destruction par décharges électrique^,
en un mot, tous les procédés de capture en masse ;
Considérant qu'au moment des tendues il est impossible de
distinguer les petits oiseaux de passage de leurs congénères
nés dans le pays et que Ton nomme sédentaires. Que, con-
séquemment, l'art. 9, § l" de la loi du 3 mai 1844 ne peut être
appliqué par les Préfets sans aller contre le but protecteur de
la loi ;
Considérant que les mesures qui s'imposent ne peuvent
être efficaces que si elles sont générales et communes à tous
les départements de la France et de l'Algérie.
70 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
Émet le vœu :
1° Que le § !«'• de l'art. 9 de la loi du 3 mai 1844 sur la
police de la chasse soit supprimé par une loi dans le plus bref
délai possible ;
2° Que le Gouvernement veuille bien, dès à présent, recom-
mander à tous les Préfets de ne plus prendre d'arrêté pour
autoriser la capture en masse des petits oiseaux, suivant les
modes indiqués aux considérants ;
3° Qu'il veuille bien aussi appeler l'attention des fonction-
naires spéciaux, Conservateurs, Maires, Procureurs et autres
pour obtenir une stricte observation de la loi, en ce qui
concerne le dénichage et la chasse de ces petits êtres en
temps de neige et, en même temps, stimuler le zèle de tous
les agents, gendarmes, gardes et autres, pour empêcher ces
déplorables destructions d'oiseaux utiles.
M. Jacquemin. — Je demande, à titre d'amendement aux
conclusions de la commission, que la chasse aux petits
oiseaux soit absolument interdite dans notre département à
partir de l'ouverture de la chasse en 1893.
M. LE Président. ;— Je mets aux voix l'amendement de
M. Jacquemin.
Il est repoussé.
Je mets aux voix les conclusions de la commission :
Elles sont adoptées à l'unanimité.
M. Denis (1). — Je demande, qu'en raison de l'importance
du vœu, il soit directement transmis au Ministre par M. le
Président du Conseil général.
Adopté.
(1) Président de la Commission d'agriculture.
LA PECHE DE LA SARDINE D'ESTHONIE
A RÉ VAL ET AU PORT-BALTIQUE
Par m. VIENKOFF.
Ce sont principalement les « Ostasches », les originaires
de la ville d'Ostasclikoff, gonvernement de Tver, qui vien-
nent se livrer à la pèche de la Sardine à Ré val ; cependant,
un certain nombre d'habitants de Réval s'en occupent égale-
ment. Ils peuplent un quartier particulier de la ville, situé
sur la plage, et que les Estes appellent « Kala randa », c'est-
à-dire halle au poisson, et les Allemands — Fischgraben
« fosse à poisson »; la côte, par ses pentes abruptes, semble,
en effet, justifier ce nom de « fosse ». C'est dans ce quartier
que les paysans des environs apportent leur pèche et les in-
dustriels du lac Tschoudskoë leurs marchandises salées et fu-
mées. La halle au poisson est aussi un centre du commerce
de tous les accessoires de pèche, depuis les gants de peau pour
tirer le filet de l'eau, jusqu'aux bateaux et filets de pêche.
Tous ces objets sont fabriqués par les artisans de Tver et
sont apportés à Réval par les pécheurs d'Ostasclikoff qui se
font de beaux bénéfices en les revendant sur place.
Le filet vaut 200-220 roubles, le même avec deux canots à
rames, les ancres, les câbles et le kaftan de peau est payé
400 roubles environ. Les canots servent huit à dix ans, le
kaftan est usé en "cinq-sept ans, les câbles en trois ans; quant
aux filets, ils doivent être renouvelés tous les ans; les vieux
sont revendus à des paysans pour des prix variant de 30 à
80 roubles, suivant l'état et la qualité. La pêche de la Sardine
d'Esthonie commence au début du printemps et se poursuit
jusqu'à la fin de l'automne ; la Sardine prise pendant l'été et
le printemps est maigre et petite et, par suite, est moins pri-
sée que celle d'automne, qui est grosse et grasse et sert à des
préparations de choix. La Sardine précoce se vend au même
prix que la Sardelle, et est achetée en grande quantité par
des paysans estes qui la salent pour leur consommation
ménagère de l'hiver.
Une mesure « kilmat » tenant un demi-tchétvérik (1 tchétvé-
72 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
pil^ = 2,621 décalitres) de Sardnelles vaut 30 kopeks au
printemps, 20 k. en été; l'automne, le prix monte jusqu'à
80 k., 1 rouble, tandis que la Sardine d'Esthonie Yaut, à cette
époque, jusqu'à 5 roubles la mesure.
C'est surtout en automne, avec l'arrivée des temps froids,
que le quartier aux poissons s'anime. Les marchands cher-
chant à s'approvisionner en Sardines s'agitent fiévreusement,
se pressant à qui arrivera le premier aux canots rentrant de
la mer. Entourant le pêcheur, ils enchérissent l'un sur
l'autre et se disputent la marchandise. Beaucoup de ces né-
gociants même se rendent à d'assez fortes distances en de-
hors de la ville, à la rencontre des paysans des villages voi-
sins auxquels ils achètent la pèche avant le marché.
Une mesure de Sardines d'Esthonie fournit du poisson pour
10 pots de verre ou boîtes de fer blanc ; la boîte de Sardines
d'automne revient ainsi, sans compter l'assaisonnement et la
main-d'œuvre, à 50 k, La vaisselle, les frais de l'emballage
dans des pots, l'assaisonnement aux épices (y entrent surtout,
le sel, le poivre, les feuilles de laurier, le cardamome, la
marjolaine et le gingembre), et l'emballage coûtent 12-17 k.
par boîte. Certains industriels falsifient la Sardine en y
ajoutant de la Sardelle et même du Bresling (Sardine suédoise
salée vendue à des prix excessivement bas) . Les connaisseurs
n'ont pourtant pas de peine à distinguer une Sardine d'une
Sardelle, cette dernière ayant la tête plus grosse, de grands
yeux et le ventre lisse, tandis que la vraie Sardine a la tête
étroite et de petits yeux. Mais le signe distinctif auquel on ne
peut pas se tromper est que l'abdomen de la Sardelle semble
au toucher hérissé de dents à l'intérieur, ce que l'on sent très
nettement lorsqu'on passe le doigt de la queue à la tête.
Il est presque impossible d'évaluer, même approximative-
ment, la quantité de poisson qui est prise annuellement à
Réval, les marchands en font un secret soigneusement gardé;
cependant, nous pouvons citer quelques cas particuliers; par
exemple, un industriel a préparé, en 1887, 200,000 boites ou
pots de Sardines, mais cette quantité doit être considérée
comme exceptionnelle. Ordinairement, on en fabrique bien
moins et, quelquefois, il n'y a que 3-4,000 boîtes pour chaque
maison. Les maisons suivantes se livrent au commerce de la
Sardine à Réval : MM. N. Malakhoff", L. Malakhott', F. Malak-
holf, A. Kostine, veuve Kostine, A. Sevens, Matisen, Less-
LA PÊCHE DE LA SARDLNE D'ESTHONIE. 73
mann, Mérékuhl, Wilhelm, Betty et Sonmatikoff. La Sardine
est expédiée surtout à Saint-Pétersbourg, à Moscou, à Var-
sovie et à Riga ; on en exporte aussi, bien que dans des pro-
portions insignifiantes, à l'étranger.
La pèche de la Sardine l'ournit aussi des mojens d'exis-
tence à une partie de la population indigente de la ville. Des
ouvriers-pêcheurs sont engagés moyennant 100-125 roubles
l'été, ou bien reçoivent, pour prix de leur travail, la moitié
de ce qu'amène chaque coup de filet. Le patron est tenu de
fournir, à chacun des quatre ouvriers occupés à un filet, une
paire de bottes et une paire de gants en forte peau pour tirer
le filet de l'eau; le chef de l'équipe a, en outre, iO-15 roubles.
Les ouvrières, en emballant jusqu'à 300 boites par jour,
gagnent 3 roubles par jour, mais ce travail n'a lieu que pen-
dant 2-3 semaines.
Au Port-Baltique, petite ville de 900 âmes, à 45 verstes
de Réval, dans la direction sud -est, il y avait, en 1887,
28 filets travaillant à la pèche de la Sardine.
Chaque filet produisait, en moyenne :
En 1884 650 mesures, valant 450 roubles
1885....
1886.. .
1887....
En 1886, les industriels du Port-Baltique ont vendu en tout
80,000 boîtes de Sardines d'Esthonie, en 1887, 55,000, en y
comprenant la Sardine de printemps, d'été et d'automne.
Les marchands et le public avaient longtemps eu de la pré-
vention contre la Sardine du Port-Baltique, de sorte que les
industriels de ce pays se voyaient obligés de la vendre sous
le nom de Sardine de Réval. Tout récemment seulement, on
a vu apparaître dans le commerce, de la Sardine portant sur
l'étiquette l'indication de son véritable lieu de provenance.
Le premier pas dans cette voie appartient à la maison 0.
Reichhardt, dont l'exemple fut suivi par M. Sevens et autres.
En dehors de ces grandes maisons, dix industriels locaux se
livrent également au salage de la Sardine au Port-Baltique;
mais ils ne s'occupent que de la Sardine d'été, de qualité infé-
rieure, et de la Sardelle qu'ils font écouler à Arensberg, à
Hapsal, à Dorpat, à Pernolf et dans les autres villes du pays.
700
—
—
600
700
—
—
500
550
—
—
500
LE COMMERCE DU THE
ENTRE LA CHINE ET LA RUSSIE
Par m. TCHERNIGOFF.
Le projet de la construction d'un chemin de fer Pékin-
centre de Chine a donné un regain d'actualité au commerce
de ce pays. Dans le présent article, nous nous arrêterons
spécialement sur le commerce entre la Chine et la Russie,
deux pays qui confinent sur une étendue de plus de 8,000
verstes. Cette dernière circonstance semblerait devoir assurer
à la Russie une suprématie naturelle dans le commerce exté-
rieur du Céleste Empire, mais en réalité, dans le chiffre de 300
millions de roubles métalliques qui représentent le total des
transactions internationales de ce dernier pays, l'Angleterre
entre pour 75 %, la France et l'Allemagne viennent ensuite,
et enfin la Russie en dernier lieu. Les principaux marchés où
se débitent les produits russes sont la Mongolie (2,000,000
roubles), le Tarbagataï et l'Ili (1,500,000 roubles], c'est-à-
dire qu'il y a en moyenne une dépense de 30 kopecks par tète
d'habitant en marchandises russes. D'autre part, le commerce
de transit par le nord de la Chine, la Mongolie et Kiakhta
donne le chilfre de 20 millions. Les quatre cinquièmes de cette
somme proviennent du commerce de Thé.
Lorsqu'à la suite de l'expédition anglo-française de 1860,
le gouvernement du Bogdikhan se vit obligé d'ouvrir à l'in-
térieur du pays de nouveaux marchés d'échange interna-
tional, le commerce russe de Thé fut organisé définitivement,
n se concentre dans les points suivants : Khan-koou, Fou-
tchéou, Chang-haï et Kiang-si dont les trois premiers, situés
en plein pays de la culture du Théier, sont considérés comme
centres du commerce de Thé en général. Le marché de Fou-
tchéou fournit du Thé surtout pour l'x^mérique et l'Europe
occidentale, tandis que le commerce russe s'approvisionne à
Khan-koou. Kiang-si qui jouait un rôle considérable dans
le transit à l'époque où le commerce de Thé avec la Russie se
LE COMMERCE DU Tmî EXTRE LA CHINE ET LA RUSSIE, 75
faisait surtout par caravanes, perd chaque jour de son impor-
tance, avec le développement du transport par mer.
Il existe actuellement cinq maisons principales russes pour
le commerce de Thé à Khan-koou et Fou-tchéou où se
trouvent leurs hureaux, entrepôts et usines à vapeur pour la
fabrication du Thé en briquettes. Tout en faisant des affaires
pour leur propre compte, ces maisons jouent surtout le rôle
d'intermédiaires entre les maisons de commerce de la Russie
et les Chinois cultivateurs du Théier. Bien que le nombre
des représentants russes soit inférieur à celui des autres
étrangers, ceux-là forment néanmoins l'élément prépondérant
dans le commerce, ce qui tient à la consommation de ce pro-
duit, plus considérable en Russie. Ici, nous noterons en pas-
sant que les plantations de l'arbre à Thé que, suivant une
opinion répandue, des maisons de conmierce de Moscou
entretiendraient en Chine, n'existent qu'à l'état de mythe.
Il y eut, il est vrai, une tentative de ce genre qui a échoué
piteusement et ne semble pas devoir se renouveler de sitôt.
La récolte des feuilles et leur manipulation étaient et sont
entièrement dans les mains des Chinois qui possèdent un
nombre extrêmement considérable de fabriques. D'ailleurs,
suivant les fluctuations du marché, elles se multiplient ou
disparaissent avec une grande spontanéité; en voici quelques
exemples. Dans les quatre provinces où le Théier est cultivé :
Kiang-si, Han-kao, Khou-béi et Khounagne, il existait, en
1887, 650 fabriques de cette nature, mais en 1888, il n'y en
restait plus que 466, tandis qu'une année plus tard, leur
nombre se relevait jusqu'à 700, une seule localité (Ning-tchéou)
en possédait alors jusqu'à 190.
Dans ces fabriques, les feuilles du Théier, après triage et
après avoir été tamisées, grillées, séchées et subi d'autres
manipulations encore, deviennent du Tlié noir ou vert. La
qualité du Thé, son arôme tient à l'état du temps et surtout
à l'époque où la récolte a pu être faite. Les meilleurs Thés
sont récoltés au mois d'avril, les produits de la cueillette de
maiet de juin leur en cèdent beaucoup. Les débris du tami-
sage de Thé noir ou vert livrés au commerce sous le nom de
« khansian », sont pressurés dans les fabriques russes de
Khan-koou et Fou-tchéou et forment ce qu'on appelle en
Russie « du Thé en briquettes ». Les Thés noirs sont vendus
surtout aux négociants européens. Toutes les espèces qui
76 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
figurent au marché de Khan-koou sont désignées sous la
dénomination de « Kin-kiang » et de « Khan-koou ». Le
premier provient des provinces Kiang-si et Han-kao et
arrive par le Kin-kiang, le dernier doit son nom à la douane
de Khan-koou.
Les quelques renseignements suivants sur l'état du marché
de Khan-koou qui est le principal fournisseur en Thé de la
Russie, suffiront pour donner une idée de l'importance et des
particularités de ce commerce. La saison qui s'ouvre à Khan-
koou dans les premiers jours du mois de mai, aussitôt la
récolte d'avril terminée, apporte dans la ville une très grande
animation. Sur le Yang-tse-kiang, de nombreux bateaux, ve-
nus pour chercher leurs chargements, attendent sous voiles,
tandis que des flottilles entières de « djoux )- arrivent tous les
jours apportant du Thé. C'est le moment où les Européens
apparaissent en masse dans le pays dont les banques et autres
établissements de crédit et de commerce se livrent alors à
une activité fébrile. Tout le monde travaille à qui mieux
mieux; mais ce sont les « tétester » — experts en thé — qui
sont les plus occupés. Ces spécialistes jouent, par leur con-
naissance approfondie du Thé, un rôle d'une importance
prépondérante dans le commerce de ce produit ; une erreur
d'appréciation peut en effet quelquefois, non seulement cau-
ser des préjudices matériels considérables à une maison,
mais encore ruiner sa réputation, détruire la confiance en
son produit. Aussi, certaines maisons de commerce russes
ont-elles deux et trois « tétesters » dont les plus réputés
ont jusqu'à 15,000 roubles de traitement ainsi que le loyer
et l'entretien, pour les trois mois de travail effectif pendant
la saison.
L'emballage, qui cependant pour les qualités supérieures
de Thé dont on apprécie surtout la finesse, l'arôme, exige
des précautions assez compliquées, ne se fait que quelques
jours avant l'expédition, car les transactions ne se décident
qu'au dernier moment, les vendeurs et les acheteurs attendant
toujours des prix avantageux. Aussi, le cours du Thé varie-
t-il d'une façon extrême. Le tout vient se compliquer par la
diversité des unités monétaires en usage dans le pays, et la
multiplicité des unités de poids et de mesure : les dollars,
les livres steriing, les shillings, les pences, les roubles, les
LE COMMERCE DU THÉ ENTRE LA CHINE ET LA RUSSIE. 77
lan, les fine, les piculs et ghines, les caisses, demi-caisses,
tonnes, etc., etc.
Voici quel a été l'état du marché pendant les dernières sai-
sons à partir de 1889, d'après des renseignements authentiques
que nous tenons d'un des négociants russes les plus notables.
La brillante saison de 1888 à Klian-koou a déterminé un
grand nombre de spéculateurs à y venir pour la saison sui-
vante. Des capitaux considérables turent engagés pour l'or-
ganisation des fabriques, etc., mais un mauvais temps survenu
à l'époque critique de la récolte des feuilles et de la prépara-
tion des qualités supérieures, a ruiné toutes les espérances
en détruisant et en abîmant le feuillage du Théier.
En résultat, il y eut pénurie de qualités supérieures sur le
marché, et les prix se sont maintenus très élevés. Des Thés à
l'odeur de fumée ou altérés d'une autre façon prédominaient.
La saison fut si mallieureuse que de nombreux Chinois
vivant du commerce des Thés se virent obligés de renoncer
à la pré[)aration des sortes inférieures. Les hauts prix payés
pour les Thés de première qualité ne les dédommageaient
point, vu le prix de revient haussé considérablement grâce à
la concurrence dans l'achat. De petits industriels furent com-
plètement ruinés, et les autres se trouvaient bien embar-
rassés quant à la direction à donner à leurs exploitations à
l'avenir. Les établissements de crédit locaux ne prêtaient
point sur les Thés.
Mais, dans la saison de 1890, les négociants demeurés sur
le marché eurent lieu de se rattraiier, au grand préjudice
des acheteurs européens. Avant l'ouverture de la saison, on
croyait généralement que la diminution du nombre des fabri-
cants rendrait la concurrence moins âpre, dans l'achat de la
feuille sur la montagne. On escomptait donc la baisse des
Thés, les commandes anglaises devant, en outre, selon les
prévisions, diminuer dans des proportions notables. Le
marché de Thés, à Londres, se trouvait dans un état com-
plet d'abattement. Mais des commandes extrêmement imi)or-
tantes venues de Russie bouleversèrent toutes les prévisions,
et, déjouant tous ces calculs, firent monter la concurrence à
des proportions invraisemblables. En 1890, le Thé était
acheté aux producteurs à des ]irix ({u'il n'avait jamais at-
teints. La première journée de l'ouverture, les prix se sont
maintenus au niveau de ceux de 1889, mais dès le second
78 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
jour, croyant de ne pouvoir s'approvisionner en qualités
supérieures, les commissionnaires le laissèrent voir, ce que
les Chinois s'empressèrent de mettre à profit en élevant
les prix jusqu'à 12-20 roubles métalliques par « picul »
(145 livres russes). En résumé, eu égard à leur qualité, les
Thés supérieurs furent payés 15 7o plus cher qu'en 1889. Le
marché comprenait 869,336 demi- caisses, 165,592 demi-
caisses de plus qu'en 1889. Les prix des meilleurs Thés de la
deuxième récolte ne furent point inférieurs à ceux de 1889;
les Thés des qualités moyennes et inférieures furent vendus
30 % meilleur marché, mais leur qualité laissait fort à dé-
sirer ; il y en avait 78,000 caisses en tout, sur le marché. Les
Thés de la troisième récolte (20,956 caisses] étaient achetés à
des prix fort bas, et ils étaient supérieurs à ceux de la saison
précédente. En général, la saison de 1890 se caractérisait par
l'absence presque complète des Thés brûlés ou à l'odeur de
brillé, quelques ballots de Thé ainsi altéré perdirent, par la
suite, ce fumet désagréable, mais, d'autre part, leur arôme,
très pur au début, s'altérait et s'éventait même, plus tard.
Cela -fut attribué à l'hiver trop clément, sans pluies de
1889-90.
Continuons maintenant Tétude du marché de Khan-koou
spécialement. D'une façon générale, on doit remarquer que
l'olfre diminue sensiblement depuis ces dernières années. En
voici quelques exemples : en 1886, il y eut sur le marché
1,316,234 demi-caisses (une demi-caisse contient 60 à 65
livres russes) ; en 1887, 1,272,659; en 1888, 1,128,172; en
1889, 1,106,817, et en 1890,968,409 seulement. En dehors
d'autres raisons, cette diminution de la culture tient surtout
à l'énorme production des Thés du Ceylan et des Indes qui
ont envahi le marché anglais. En 1890, 819,019 demi-caisses
furent vendues à Khan-koou aux Russes et aux autres
étrangers (le Thé invendu fut réexpédié à Chang-haï) ; de ce
nombre, 544,019 demi-caisses furent acquises pour le compte
des commerçants russes et 275,000 seulement pour l'Angle-
terre et l'Amérique. Comparés à la saison de 1889, ces chiffres
sont en progrès de 55,619 demi-caisses pour la Russie et en
diminution de 92,490 demi-caisses pour l'Angleterre et l'Amé-
rique. Parmi les maisons russes MM. Tokamakoff, Molotkotf,
Moltchanofl" et Petchatnotf sont les acheteurs les plus im-
portants (135,000 demi-caisses, chaque maison). La plus
LE COMMERCE DU THE EXTRK LA CHINE ET LA RUSSIE. 79
grande partie des Thés (22 millions et demi de livres an-
glaises) est expédiée par voie de mer, sur Odessa. 100,550
ballots seulement, en diminution de 17,968 ballots sur 1880,
furent envoyés par caravanes par Kiang-si et la Mongolie,
Quant aux Thés noirs, une quantité égale à celle de la saison
de 1S89 en l'ut dirigée par l'Amour.
Les renseignements que nous venons de communiquer se
rapportent presque exclusivement aux Thés supérieurs ;
quant au Thé en briquettes, on commence sa fabrication en
automne et elle dure tout l'hiver. Le commerce de « Khan-
sian » (débris de Thé) qui sert à sa fabrication, se poursuit
tout l'année.
Nous devons noter en ce qui concerne les Thés noirs qu'en
dehors des variations extrêmes dans les cours à Londres, la
pénurie relative de ces qualités et l'abondance de Thés infé-
rieurs tiennent à l'accroissement considérable de la demande
en sortes de première récolte venue de Russie et d'Angle-
terre et que l'état actuel des cultures ne permet point de
satisfaire.
En terminant, nous tenons à mentionner que, depuis ces
dernières années, les commandes de Thé provenant des
maisons de commerce russes sont exécutées par des repré-
sentants étrangers. La chose tend à se généraliser, et il y a
lieu pour les Russes de craindre un évincement, bien mérité,
d'ailleurs.
II. EXTRAITS DES PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIETE.
SÉANCE GÉNÉRALE DU 23 DÉCEMBRE 1892.
PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-IIILAIRE, PRÉSIDENT.
M. le Président ouvre la session par l'allocution sui-
vante :
Messieurs,
Nous ouvrons aujourd'hui la 40° session des séances de la
Société nationale d'Acclimatation, car notre association a été
l'ondée le 10 février 1854.
Laissez-moi constater la continuité de l'effort donné iiar
nos fondateurs et par ceux qui sont venus, pendant cette
longue suite d'années, apporter leur concours à l'œuvre en-
treprise, œuvre féconde et généreuse en vérité, car elle tend,
vous le savez, à donner aux divers pays les richesses natu-
relles qu'ils ne possèdent pas, à étudier et à faire connaître
toutes les ressources que l'homme peut tirer des animaux et
des plantes. Nous avons ici à provoquer et à soutenir toutes
les tentatives ayant pour objet les applications pratiques
et utiles des sciences naturelles, celles qui constituent des
progrès économiques importants par leurs conséquences aussi
bien que les essais dont l'utilité pratique apparaît seulement
dans un avenir lointain. On pourrait résumer le but d'une
association comme la nôtre en quatre mots : Etudier, intro-
duire, améliorer, vulgariser.
Quel vaste programme, Messieurs ! Pour être rempli, il a
besoin du concours du savant qui étudie les êtres vivants et
fait connaître leurs besoins et les conditions de leur existence
normale, du navigateur qui les importe, du praticien qui
les expérimente, les observe et cherche à les multiplier, de
l'écrivain pratique qui instruit le i)ublic des avantages et des
inconvénients de l'espèce à l'étude.
Pour accomplir cette tâche complexe, notre Société doit
donc réunir des membres dont les aptitudes et les occupa-
tions soient diverses. Il nous faut des naturalistes, des navi-
gateurs, des agriculteurs, des horticulteurs, des grands pro-
priétaires et enfin, des membres, pouvant, la plume à la main,
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 8\
initier aux résultats obtenus, aux succès, aussi bien qu'aux
-échecs .
La Société a perdu au cours de l'année 1892, quelques-uns
4e ses plus précieux collaborateurs ; nous avons à regretter :
MM. Alexis,
le baron de Bernon,
Paul Gavelius.
Gabriel Eynard,
Faulcon de la Goudalie,
le baron de Fourment,
le marquis d'Hervey de Saint-Denys.
Prosper Gnry,
Frédéric Jacquemart ,
Kestner,
Louis Kralik,
Henri Lallemand,
Le Barbier,
Maingot,
Philibert Marquis,
le D"" Maupoint,
Léon Mercier,
De Quatretages,
le marquis de Roccagiovine,
le duc de Trévise.
Permettez-moi, Messieurs, de vous parler de quelques-uns
de ces membres regrettés.
Avant tous, je veux nommer notre honoré vice-président,
l'illustre M. de Quatrefages, sur la tombe duquel j'ai eu l'hon-
neur, en janvier dernier, d'apporter les regrets et les hom-
mages de notre association. J'ai dit alors qu'à la mort de
Drouyn de Lhuys et à la mort de Bouley, nos regrettés prési-
■dents, M. de Quatrefages avait été vivement sollicité d'accep-
ter les fonctions de président de la Société nationale d'Accli-
matation. Il résista à nos instances : « Je désire rester l'un
des vice-présidents de la Société, disait-il, car je ne saurais
accepter un poste que. faute de loisirs, je ne remplirais pas
€omme il convient. Vous connaissez mon zèle pour la Société
d'Acclimatation, soyez sûrs qu'il ne faillira pas. » Vous savez,
Messieurs, que M. de Quatrefages n'a pas manqué à cette
promesse, car vous l'avez vu, jusqu'à la lin de sa vie, assidu
20 Janvier 1893. g
82 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
à nos réunions et prenant part avec empressement à no:?^
discussions. Nous garderons chèrement le souvenir de ce col-
lègue éminent qui, devenu membre de l'association dès sa
fondation (1854), lui a été fidèle sa vie entière, et lui prèta^
en toutes circonstances, un concours actif et dévoué. Le re-
cueil de nos publications l'atteste.
La Société ressent très vivement la perte qu'elle a faite
dans la personne de notre ancien vice-président, M. Frédéric
Jacquemart. Il fut, avec Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, le
comte d'Eprémesnil, Antoine Passy, le baron de Montgomery,
Eugène Dupin, notre vice-président le marquis de Sinéty,
notre excellent collègue le marquis de Selve, un des fonda-
teurs de notre association ; il lui donna le concours le plus
utile, le plus ardent et s'occupa de l'administration financière
de la Société avec un soin parfait, avec un imperturbable
zèle, de 1857 à 1879. Avec sa haute compétence, pendant
vingt deux ans, il voulut bien accepter d'être le rapporteur
de votre commission des finances.
Mais ce n'est pas seulement dans l'ordre administratif que
M. Frédéric Jacquemart rendit des services à la Société. Il
donna son concours à toutes les questions étudiées par notre
association. Passer en revue les communications qu'il fit, le.'^
rapports qu'il présenta serait en quelque sorte revivre les
années écoulées et raconter l'histoire de quelques-unes des
tentatives faites par notre association.
Dès 1854, justement préoccupé de l'intérêt qu'il y aurait à
introduire en France le Ver à soie du chêne, notre collègue
fit les premières démarches aujjrès de M. de Montigny, alors
Consul général de France en Chine, et auprès des KR. PP.
des Missions étrangères, en vue d'obtenir, par leur inter-
médiaire, les cocons ou graines nécessaires. Il dirigea lui-
même des éducations du nouveau séricigène et, à diverses
reprises, rendit compte devant vous des résultats obtenus. Vai
1864, notamment, dans un rapport étendu resté un modèle
du genre, M. Jacquemart vous faisait connaître dans tous
leurs détails, les procédés d'élevage suivis par trente de nos
collègues.
Les premiers renseignements sur les cultures de plusieurs
végétaux chinois récemment introduits , Ortie de Chine ,
Igname, Lo-za, nous ont été également donnés par notre
collègue.
PKOCÈS- VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 83.
Lorsqu'il s'agit de créer le Jardin zoologique d'Acclima-
tation, M. F. Jacquemart fut chargé de rédiger un rapport
étendu sur le projet. Il donna le plus utile concours à la
création de cette nouvelle Société dont il présida pendant
longtemps le Conseil d'administration.
Ses études sur le Mouton prolifique de Chine sont encore
présentes à la mémoire de tous.
En 1865, grâce à la généreuse intervention de M. Léon
Roches, alors ministre de France au Japon, la Société put
mettre à la disposition des sériciculteurs plusieurs milliers
d'onces d'excellente graine de Vers à soie du mûrier; c'est
encore M. Jacquemart qui prit la lourde responsabilité de
leur répartition et, dans un rapport remarquable, il nous a
fait connaître toutes les phases de cette importante opération.
Nous lui devons aussi un excellent rapport sur le projet
d'introduction des Alpacas et Vigognes en France. Et lorsque
plus tard, suite fut donnée à ses conclusions, c'est à M. Jac-
quemart que les premiers sujets furent confiés. Arrivés cou-
verts de gale, dans le plus pitoyable état, notre collègue sut
prescrire les soins méticuleux et raisonnes qui purent ra-
mener ces animaux à la santé.
Notre collègue fut un des premiers agriculteurs qui s'oc-
cupèrent du dressage de l'Yak au labour et, en 1866, il rece-
vait un prix de la Société, jiour cet objet.
M. Frédéric Jacquemart fut ici un des ouvriers de la pre-
mière heure, et son nom restera attaché à la fondation de
notre Société à laquelle il prodigua pendant de longues an-
nées un zèle des plus utiles.
Je veux encore. Messieurs, vous citer le nom de M. Louis
Kralik, le collaborateur dévoué de notre regretté vice-pré-
sident Ernest Casson. Botaniste éminent, M. Louis Kralik a
étudié avec supériorité la flore barbaresque et laisse un nom
justement honoré dans la science.
Je ne saurais omettre d'arrêter nos souvenirs. Messieurs,
sur le nom de M. le marquis d'PIervey de Saint-Denys, que
nous avons perdu cette année et qui fut un membre distingué
de notre association. Ses travaux relatifs à l'agriculture clij-
noise sont très justement estimés, et notre recueil contient
plusieurs communications intéressantes sur les expériences
d'acclimatation qu'il poursuivait.
Il faut songer, Messieurs, à combler les vides qui se sont
84 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APrLlQUÉES.
laits sur la liste des membres de notre Société. Nous avons
perdu de précieux, d'excellents collaborateurs, amenez-nous
des jeunes. Que ces recrues, prenant exemple sur les regrettés
collègues que je vous ai nommés, apportent à la Société un
zèle soutenu et le désir de travailler avec nous.
Cultiver la science, en cliercber les applications, essayer
d'augmenter les ressources que l'espèce humaine peut tirer
des êtres organisés, introduire des espèces, améliorer les
races, vulgariser les bonnes méthodes, en un mot, se rendre
])ratiquement utile, quel but plus noble et plus intéressant !
— Le procès-verbal de la dernière séance générale ayant
été adopté par le Conseil, conformément au règlement, il n'en
est pas donné lecture.
— M. le Président proclame les noms des membres récem-
ment admis par le Conseil :
MM. PRÉSENTATEURS.
( Casartelli.
BELLOT (Jules), négociant, 34, rue 5^' ) ^, q.^q,^^ saïnt-miahe.
gonzac, à Cognac. ( j ^^.^^^^
[ A. Berlhoule.
Bidault (Émilien), notaire, à Louhans. j A. Geoflfroy Saint-Hilaire.
( Comte de Puyfoutaine.
ij. de Claybrooke.
A. Geoffroy Saint-Hilaire.
A Porte
( A. Berlhoule.
BOULINEAU (Paul), 6, rae Mansart, à K. Geoffroy Saint-Hilaire.
P*"^- ( Marquis de Sinëty
, (A. Geoffroy Saint-Hilaire.
Chartres (S. A. R. M^'' le duc de;, 2-, ^ Milue-Edwards.
rue Jean-Goujon, à Paris. ( ^ Qustalet.
Dklmas (Léonce), e'ieveur-aviculteur , a\
Muids (Eure). )
. , ^ ( A. Berthoule.
CORBERON (comte Marc de), château de ) ^^^^.^^ ^^ Corberon.
Troissereux, par Beauvais (Oisej. ( ^^^^^^^.^ ^^ ^.^.^^^
(A. Berlhoule.
DuBKUJEAUD, rédacteur de l'-È'cffiorte Pans, \ . ^, . ,
' < J. Grisard.
3, rue d'Eprémesnil, à Chatou. i Poinlelet.
J. de Claybrooke.
Lejeune.
Raveret-Watlel.
PROCÈS- VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 85
MM. PRÉSENTATEURS.
,, . , ^„ , . ( J- de ClaA^brooke.
DUPRE, inspecteur d Académie, 136 ois, \ , „ ~ „ . , .,., .
, ,, .,, , ,. .,, '{ A. Geoffroy Samt-Hilaire.
avenue de Neuilly, a >jeuillv. I ^ ^ .
■^ " ( E. Perrier.
. „ ,,^ , ., ( A. Berlhoule.
JuDic (Georges), 3, rue dEpremesnil, à \ , ^ .
„, < J. Grisard.
Chatou. )
( Pomtelet.
Maupassant (comte de), propriétaire, t J. de Claybrooke.
château de Clermont-sur-Loire, par < A. Geoffroy Saint-Hilaire.
Oudon (Loire-Infe'rieure). ( Pointelet.
MoNTiLLOT, attache' à la préfecture de la [ A. Berlhoule.
Seine, TS, avenue de la Re'publique, < E. Oustalet.
Grand-Monlrouge. ( Comte de Puyfontaine.
^ - /r, ^ ,,„ , . „ . ,^ i A. Geoffroy Saint-Hilaire
Orléans (S. A. R. M^" le prince Henri d'), \ , ,,., ^^
27, rue Jean-Goujon, à Paris. /
RiDREAU (D'' Achille), me'decin militaire
en retraite, à Bauge' (Maine-et-Loire).
RivoiRE (Victor), propriétaire, 50, rue
Breteuil, à Marseille.
RosENSTEEL (F.-C), propriétaire, 26, rue
Saint-Germain, à Chatou.
A. Milne-Edwards.
E. Oustalet.
A. Berthoule.
A. Geoffroy Saint-Hilaire.
D"" Laboulbène.
A. Berthoule.
A. Geoffroy Saint-Hilaire.
De Saint-Quentin.
A. Geoffroy Saint-Hilaire.
J. Grisard.
Pointelet.
r> ' ,T -P Tir • N i,i- • i r, • ( J- <^e Claybrooke.
Rouille L -F. -Marie), publiciste, au Bois- \ , ^ . ;
,,.,_, i J. Grisard.
Marjac, à Fouras. f ^ ^ „, ,
l C. Raveret-Wattel.
— M. le Secrétaire procède au dépouillement de la corres-
pondance :
Des remerciements, au sujet de leur récente admission dans
la Société, sont adressés par S. A. R. Mgr le duc de Chartres,
S. A. R. Mgr le prince Henri d'Orléans et M, Jules Bellot.
— M, A. Plugues remercie la Société de l'envoi qui lui a
été fait d'un couple de Lapins argentés.
— M. F. Le Sage adresse des remerciements pour les
graines à.' Halimodendron ai-genteion qu'il a reçues et fait
connaître qu'il tiendra la Société au courant des résultats de
son essai de culture.
— Des demandes de graines sont faites par MM. Paul
Skouzès, D"" Laumonicr et Flaunet.
8Ç REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
— Des demandes de cheptels sont adressées par MM. E.
Leroy, D'' Ridreau, G. Delanne, Zeiller, P. Desmoulins,
D-" Lecler, M. Barbier, E. Viéville, D'' Wiet, H. Le Moyne,
Martel -Houzet, F. de Carpentier, D-- Laumonier, Lacger-
Mavès, Grevin, Follie, H. Goll, Hardret, E. Godry, Garno-
tel, de Moutrol, L. Bonvalot, P. Castel, Lagarrigues, R. Ger-
main, G. Jullien, Silliol, Arm. Leroy, Violot de Béer, R. de
la Villehervé, C. de Kervenoaël, Ch. Debreuil, Tourchot,
P. Martineau et la Société royale d'acclimatation de Liège.
— M. Arbillot, instituteur à Chalindrey (Haute-Marne),
adresse le résultat de ses observations sur les brouillards de
mars et les gelées de mai.
, — M. Sharland écrit de La Fontaine, près Tours, à M. le
Président :
« Mon petit Singe qui a cinq semaines va bien. Mon Mandrill que
j'ai depuis mai 1888 est le plus grand que j'aie jamais vu. Cela ne dit
pas cependant qu'il n'y en ait pas de plus grands dans les ménageries.
J'ai aussi un Mangabe.y depuis juin 1887 ; il a passe' tous les hivers
à tair libre ; depuis deux ans je rentre le Mandrill dans une écurie
non chauffée. Les Anis {Crotophaga minor) que vous m'avez envoyé'?
sont très beaux. Toujours à l'air libre ; ils rentrent dans leur abri le
soir et quand il fait mauvais temps. Je crois qu'ils passeront l'hiver
dans ces conditions.
» Un des Flammants de Mexique est mort quelques jours après son
arrive'e ; l'autre est très beau ; il se tient presque toujours dans l'eau,
mais rentre seul le soir s'il fait froid. »
— M. le baron Louis d'Hamonyille adresse un mémoire
relatif au vœu du Conseil général de Meurthe-et-Moselle sur
la protection à accorder aux petits oiseaux.
— M. Jules Bellot écrit de Cognac à M. le Président :
« J'ai eu la joie de voir naître en juillet dernier trois Bnlbuls à
joues rouges. C'est la première fois, je crois, que cette espèce se re-
produit en captivité'.
» La volière où sont ces oiseaux n'est pas fort grande, elle ne
mesure que 5 mètres de long sur 2"^80 de large ; la hauteur est de
2 mètres seulement.
» Le fond, dans toute la longueur, est couvert sur une largeur de
1™,20 ; le restant est à l'air libre. Un ruisseau d'eau courante la par-
court dans toute sa longueur.
» L'hiver, toute la partie libre se ferme par des châssis et des portes
vitrées.
» Vous voyez que ce n'est pas un palais, surtout que ladite volière
PROCÈS -VERBAUX DES SÉAXCES BE LA SOCIÉTÉ. 87
ne contient pas seulement que ce coui)le de lîulbuls ; ils s'y trouvent
«n nombreuse compagnie ; plus de cent oiseaux sont avec eux, depuis
Je Venire-orange jusqu'aux Merles bronze's.
>> Ne croyez pas que les Bulbuls seuls se soient reproduits avec
tant de voisins; non, j'ai obtenu cette aune'e 4 niche'es de Cardinaux
rouges, 12 petits Cardinaux gris, 1 couvée de Mandarins, 1 couvée do
Moineaux du Japon , 2 couvées de Diamants Gould , 1 de Joues-
orange. Quant aux Amadiaes à collier et les Bec-de-plomb, je ne puis
préciser le nombre de nichées.
» Si je vous donne ces détails, c'est pour vous montrer les résultats
obtenus sans avoir eu recours à la chambre d'hiver (ils sont tous en-
trés ici au printemps 91) et surtout avoir vu se reproduire des espèces
bien différentes sans multiplier les cages d'e'levage.
» Mais revenons à mes Bulbuls à joues rouges. Comme presque
tous mes oiseaux, ils préfèrent aux boîte.* et aux nids artificiels les
arbres ; seulement les trois pontes qu'ils firent lurent faites dans des
nids abandonnés, ce qui provoqua dos disputes avec les anciens pro-
priétaires.
» La première fois, les œufs furent mangés par les Queues de vi-
naigre, on les mit à la porte.. . à la seconde fois je vis une Domini-
caine qui dégustait les œufs, deuxième expulsion . . Enfin le 3 juillet
mes Bulbuls pondirent une troisième fois. Ils adoptèrent un nid aban-
donné par les Cardinaux gris, ils y ajoutèrent quelques brindilles de
pai>ier, pour avoir l'air d'y tiavailler. Ils y déposèrent trois œufs un
peu moins gros que ceux du Cardinal rouge, d'un blanc teinté de rose
avec des taches lie de vin. . . Comme c'est un oiseau très craintif et
qu'il quittait le nid chaque fois qu'il voyait quelqu'un, même de loin,
je mis un store de son côté. Le 14 juillet on vint m'annoncer que les
Bulbuls mangeaient leurs œufs ! Entrer dans la volière fut vite fait ;
mais ma surprise fut bien agréable de voir un petit de né et l'autre
qui sortait de la coquille. Le troisième naquit le lendemain, ce qui
porte à onze jours la durée de l'incubation.
» Comme nourriture je leur donnai, comme aux Cardinaux, des vers
<Je farine, des œufs de fourmis; ils avaient à leur disposition fruits,
soupe au lait, pâtée, etc. ; mais ce qu'ils pre'féraient, c'était les saute-
relles; ils en faisaient une telle consommation qu'on parvenait à peine
à pouvoir les satisfaire.
V Le 27 août, ils sortirent du nid, presque sans plumes. Les parents
continuèrent très longtemps à les nourrir. Ils n'ont la tache rouge à la
joue que de la semaine dernière; elle était seulement indique'e par une
marque de nuance marron. »
— M. le baron Le Pelletier écrit du château Salvert
(Maine-et-Loire), en date dti 6 novembre, à M. le Directeur du
Jardin zoolojiiquo d'Acclimatation :
88 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
« Je vous enverrai, comme échantillon, un couple de Dindons-
bronze's.Vous pourrez vous rendre compte par vous-même que ces
oiseaux sont en parfaite santé quoique vivant en liberté et nullement
nouiris. C'est donc un oiseau de chasse et appelé^ à faire un tableau
en battue. J'en possède actuellement au moins une centaine et ils ne
m'ont pas coûté un centime d'e'levagc et de nourriture. » ,
— M. Dlierse adresse, pour le concours, un manuscrit
ayant pour titre : Monographie des Phasianidés.
M. Daguin demande également à prendre part au 'concours;
ouvert par la Société et envoie diverses brochures et un ma-
nuscrit intéressant les poissons et la pisciculture.
— M. le baron d'Yvoire adresse un extrait d'un ouvrage
de M. Hue : Vempire chinois, sur le Tsou-no-dze ou Polyi>e
à vinaigre.
— M. Schuster, bourgmestre à Fribourg-en-Bavière, fait con-
naître qu'il ne pourra, à son regret, faire à la Société l'envoi
d'œuf de Truite Arc-en-Ciel, qui lui avait été demandé.
— M. le baron von Mueller écrit à M. le Président :
« Par ce courrier, je vous envoie des graines fraîches d'£ucalyplusr
de la sorte dont on distille la précieuse mallee-oil. Ces espèces pous-
sent dans les déserts de sable : elles pourraient donc être particulière-
ment utiles pour les re'gions prive'es d'eau de l'Algérie. Les graines de
Casuarina glauca, var. deserticola, peuvent être aussi semées dans les
endroits secs de l'intérieur de l'Afrique seplenlrionale.
* Peut-être, s'il m'est permis de donner mon avis, pourrait-on en-
voyer une partie de ces graines, ainsi que de celles de « Salt-bushs »
à la Société d'Acclimatation d'Alger. J'ai l'honneur d'être membre
honoraire de cette Société depuis de nombreuses années, mais je lui
ai rarement envoyé des graines, donnant toujours la préférence à la
grande Société nationale de Paris, qui saura bien faire parvenir on
lieu opportun les graines destinées au climat algérien.
2- Je continuerai à vous envoyer des graines d'arbres et autres^
plantes, afin qu'on puisse les employer pour le Sahara.
» Je vous envoie aussi des graines d'Eucali/plus maculata, espèce
qui fournit le bois le plus élastique de tous les Eucalyptus; mais elles
ne pousseraient pas dans des terrains arides, car on ne les rencontre à
l'état naturel que dans le« forêts humides.
» Voudriez-vous consigner les résultais des expériences tentées-
avec ces graines dans la Bévue des Sciences naturelles^ que je suis-
heureux de recevoir régulièrement ?
— M. le docteur Heckel, professeur à la Faculté de.^
sciences de Marseille, écrit à M. le Président :
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 89
« Je vous serais très obligé de vouloir bien communiquer à la
section de botanique de la Société' l'étonnement agréable que m'a
cause' la lettre d'un de nos sociétaires faisant connaître, à la suite de
mon article sur le Dioscorea bulbifera, l'existence de la culture des
Ignames soit dans le midi de la France, soit aux environs de Paris.
J'ai voulu cependant, avant de répoudre, faire une enquête appro-
fondie pour m'assurer si réellement il y avait autre cbose que des
espe'rances (émises dans mes prévisions), au point de vue de la cul-
ture possible du Dioscorea batatas dans le midi de la France et en
Algérie. Cette enquête m'a donné les résultais que voici:
» On n'a jamais cultivé daus le midi de la France, d'une façon
suivie, l'Igname de Chine: quelques tentatives ont été faites et on a
diî y renoncer à cause de la nécessite' d'employer spécialement à celle
culture des terrains très ameublis. Il y a longtemps que cette culture
est abandonnée de'tinitivement après des essais infructueux. C'est là
ce qui re'sultc de la consultation des membres les plus compe'tents et
les plus anciens de la Société' d'horticulture et de botanique du Rhône,
que je préside, et de la Socle'le' d'agriculture.
» En Alge'rie, mômes résultats négatifs; j'en ai l'assurance de
M. Kiviérc, directeur du jardin d'essai.
» Quant aux cultures des environs de Paris elles peuvent exister,
mais en ce qui me concerne et d'après certains témoignages, je suis
convaincu que si l'on voit quelquefois des Ignames de Chine à la
devanture de Chevet et autres, elles proviennent de la Chine par les
grands paquebots des Messageries Maritimes. Néanmoins, je n'ai
aucune raison de nier l'existence de semblables cultures, mais je n'en
ai jamais vu nulle part.
» Pour vider celte question du Dioscorea bulbifera, nos collègues
apprendront sans doute avec quelque satisfaction que la Société
impériale d'acclimatation avait fait distribuer des tubercules de cette
plante, vers 1868, ainsi que je crois en trouver la preuve dans l'entre-
filet suivant, que je tire du Cosmos, 19 mai 1869, sous le litre de
POMME DE TEKRE AÉRIENNE: « On voit en cc moment, dans une serre
» froide du jardin de la ville de Toulon, un pied de Dioscorea alata (1),
» ou pomme de terre aérienne, ayant plusieurs tubercules, parfai-
» tement développés vers les tiges supo'rieures ; le jardinier-chef,
» M. Auzende, espère qu'à l'arrachage il trouvera aussi des tubor-
» cules; ce serait donc un double avantage. Maintenant, ce le'gume
» est-il bon ? Voilà une grande question. Dans lous les cas, il est
» très original et nous ne pouvons qu'encourager M. Auzende dans
» ses essais. Cet Igname provient d'un envoi fail par la Société' impé-
» riale d'acclimalalion. »
» Je crois avoir répondu par mon travail. aux questions que le Co5?mo5
(1; C'est là évidemment une erreur de déterminaliou, il s'agit bien du D. bul-
bifera, car celle espèce est la seule Igname qui porte des bulbes aériennes.
90 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
posait il y a viiifrl-qualre aus. Il serait intéressant de reohercber dans
les bulletins de la Société nationale d'Acclimatation d'où lui venaient
les tubercules de D. bulbifera, que la Société fit distribuer et à quelle
anne'e correspond cette distribution. Cette recherche sera facile dans les
archives de la Société. »
— M. le docteur Lanmonier annonce qu'il a fait renvoi de
différentes espèces de Bambous, provenant de son cheptel, à
ceux de nos collègues qui lui avaient été désignés par la So-
ciété. — Remerciements.
— M. A. Roussin écrit à M. le Secrétaire général :
« 11 convient que je rende compte à la Société d'Acclimatation de
ma culture des pommes de terre Richler's Imperator, provenant de
votre distribution do 1890. Voici ce que j"ai à vous dire :
» L'envoi de la Société, 2 kilos environ, a produit, la troisième
année, soit celte année-ci, 8,300 kilos, récolte de 0 hect. 28 ares.
» La culture, faite dans un sol lé^'cr du Finislère, avec dti fumier de
ferme, sans calcai7-e ni phosphates, a donné un rendement de
:îO,000 kilos à l'hectare.
» Sans les gelées tardives de ce prinlcmps, qui ont affaibli un
certain nombre de plants et même détruit complètement quelques-uns
d'entre eux dont les emplacements sont restes vides, le rendement cîit
atteint quelques milliers de kilogrammes de plus.
» Je signale l'espèce dans la région et en fais quelques distri-
butions. ^>
— M. Brierre, de Saint Hilaire-de-Riez (Vendée), fait
hommage d'un certain nombre de bulbes dAil remar-
quables par leur gros.seur. — Remerciements.
— Le R. P. Camboué écint de Tananarive à M. le Secré-
taire général :
« Je vous adresse, en même temps que ces lignes, en deux paquets
postaux (échantillons), quelques spécimens de « Tavolo ». Celle
Taccacée, peut-être Tacca pin-iatifida Forst. ou voisine, provient des
hauteurs centrales et tempérées de Llmerina. Voilà pourquoi je vous en
envoie quelques tubercules pour la Société d'Acclimatation. Il y aura
peut-être aussi plus de chance de rc'ussile.
» Nos Malgaches prisent fort le Tavolo, riche en fécule, dont ils
retirent une espèce de arrôw-root, qui se vend bien sur le marché de
Tananarive. »
— M. Cliatot écrit de Saint-Germain- du-Bois (Saône-et-
Loire), à M. le Président :
« Depuis quelques années déjà, la Société d'Acclimatation en ge'-
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 91
néral, et voire serviteur en particulier, s'occupent de la culture du
Stachys.
» Je vous ai adresse' l'an dernier une petite note, que vous avez
reproduite dans la Revue, contenant un re'sume' de mes observations
sur la culture de celte plante.
» J'ai lu, dans l'un des derniers nume'ros, que M. Cbappellier re-
commande un Stachys indigrue, qui n"os( qu'une variété du Stachys
palustris.
» Je veux aussi vous faire part d'une trouvaille :
» Ily a environ un mois ou six semaines, en traversant un champ fraî-
chement labouré sur le terriloiie de la commune de Bouhans (Saône-
et-Loirc', j'ai rencontré un tubercule de Stachys, qui m'a paru bien plus
gros et plus renfle que le Stachys palustris; — serait-ce le même que
celui dont parle M. Chappelliur? S'il vient à point, ce que j'ai tout lieu
de croire, je vous en adresserai quelque échantillon lorsqu'il sera venu,
afin de le délerminer.
» Si ce Stachys avait quelque utilité, ce serait une bonne fortune.
» Le terrain dans lequel je l'ai trouvé est l'opposé de celui qui con-
vient au tuhei'ifera. C'est un sol argileux, compact, contenant un peu
de marne à l'état de granules.
» J'ai re'colte' une certaine quantité' de graines de Cryptotœnia Ca-
nadensis, que je mets gracieusement à votre d>:si)osition, si cela peut
vous être agréable.
» Je suis assez satisfait de celte plante qui se consomme à la façon
des épinards, et qui a supporté sans en soutTrir l'hiver 1890-1891.
» En 1890, la Socie'Lé m'a remis en cheptel quelques pieds de Bam-
l/usa flexuosa; l'hiver m'en a de'truit deux pieds, près desquels on a
passé quelquefois pendant cet hiver. Les autres, que je croyais aussi
perdu, ont énorme'ment soulïert ; ils ont pousse' pendant tout l'e'te' der-
nier avec une lenteur de'sespérante. Cette anne'e, ils semblent vouloir
partir avec plus de vigueur.
» J'ai aussi deux pieds de Simouii qui végètent et ont plus soufifert
que les premiers. »
— Des comptes - rendus de cheptels sont adressés par
MM. E. Viéville, L. Fatin, H. Le Moyne, Dherse, comte de
Mondion, D"" J.-J. Lafon, Martel-Houzel, Plontz, baron P.
de Bourgoinfi', E. Paillard, C. de Kervénoaël, Achille Olry,
de Confevron, Paul Blanchon et Cyi)rien Girerd.
— A l'occasion de la correspondance, M. Décrois, rappelle
qu'au printemps dernier il a appelé l'attention de la Société
sur les ravages causés en Algérie par les Sauterelles. A cette
époque, il avait été chargé par la Société d'écrire à la Société
d'agriculture d'Alger pour avoir son appréciation sur l'appa-
92 HEVUE DES SCIENCKS NATURELLES APPLIQUÉES.
reil imaginé par M. Durand. Sa lettre est malheureusement
re.stée sans réponse et notre confrère s'en étonne.
M. Decroix dépose ensuite sur le bureau deux brochure.s
ayant pour titre : Le fléau des sauterelles en Algérie et les
moyens de les combattre, publié par le Comice agricole
de Médéa, et Rapxjort de la commission instiluée pour étu-
dier le nouvel apijareil Durand destiné à la destruction des
criquets, publié par le Syndicat départemental de défense
contre le phylloxéra (Département d'Alger). — Ce rapport est
absolument favorable au système Durand.
— Sur la demande de M. le Président, M. Durand qui, par
hasard, assiste à la séance, fait une intéressante communica-
tion qui sera reproduite ultérieurement dans la Revue.
— M. Pichot fait connaître qu'il a reçAi récemment la visite
de M. Sivell, de Chicago, chargé par les éleveurs de son pays
de recueillir des documents sur la gallinoculture en Europe.
Notre confrère, qui a été l'un des premiers à introduire en
France une volaille aujourd'hui fort répandue, la Langshan,
a reçu de ce collègue américain les statuts et comptes- rendus
d'un club fondé aux Etats-Unis, spécialement pour l'élevage
de cette race, de façon que les types soient parfaitement étu-
diés et qu'il n'y ait plus d'hésitations dans la manière de les
juger dans les concours.
M. Pichot dépose sur le bureau l'Annuaire de ce club pour
1891, la troisième année de son existence: il renferme plu-
sieurs bons dessins ; un type présente à peu près le plumage
de la poule de Houdan, il y en a en outre de blancs, de bleus,
de gris, etc.
Notre confrère présente ensuite quelques spécimens de
plumes d'une race américaine très en vogue dans ce pays, la
Wyandotte. Une variété dite « violette » à cause de la bor-
dure dont la teinte approche de cette couleur, est d'un
charmant effet ; on compte, du reste, huit ou dix variétés de
cette race aux Etats-Unis.
— M. Remy Saint-Loup fait une communication sur le
Léporide et la notion de l'espèce.
Notre confrère rappelle que le manuscrit de ce travail a été
déposé il y a un mois et qu'il est antérieur, par conséquent, à
une note présentée récemment à l'Académie des sciences, sur
un sujet analogue.
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES DE L.\ SOCIÉTÉ. 93
— M. P. Chappellier rend compte de ses cultures d'Ignames
et de Stacliys et présente, à l'occasion de la correspondance,
les observations suivantes :
« Vous venez d'entendre la lecture d'une lettre de M. Heckel, dan5?
laquelle il est question de l'Igname de Chine ; de'jà, au cours d'une
savante e'iude sur le Dioscorea bulbifera, insérée dans le Bulletin de
mars dernier, p. 268, M. Heckel avait écrit :
» Parmi les tubercules, dits Ignames, les plus utilisés et les plus re-
commandables sont ceux du Dioscorea batatas de la Chine, intro-
duit dans nos colonies tropicales, et qui jjourraienl vraisemblablement
être cultivés avec succès dans le midi de la France et eu Algérie.
» Dans le Bulletin du 20 avril suivant, p 433, je faisais observer à
M. Heckel que son vœu était réalisé depuis longtemps.
'> Cette note n'a pas convaincu M. Heckel. En effet, il y répond
dans les termes suivants dans la lettre qui vient de vous être lue :
« Quant aux cultures des environs de Paris, elles peuvent exister,
» mais en ce qui me concerne, et d'après certains te'moignages, je suis
» convaincu que si l'on voit quelquefois des Ignames de Chine à la de-
» vantuie de Chevet et autres, elles proviennent de la Chine par les grands
» i)aqucbots des Messageries Maritimes. Ne'anmoins, je n'ai aucune
» raison de nier l'existence de semblables cultures, mais je n'eu ai
» jamais vu nulle part. »
» Ce doute ite'ratif et persistant sur l'existence de la culture cou-
rante des Ignames de Chine aux environs de Paris et sur \a 2^rovenance
de Cilles qui y sont vendues, émanant de la plume autorisée du direc-
teur d'un j-irdin botanique, du Pre'sident d'une Socie'te' d'horticul-
ture, d'un professeur à la Faculté, serait de nature à de'courager les
tentatives d'extension de cette culture ; ce doute vient directement à
rencontre des intentions formulées depuis longtemps et renouvelées
l)ien souvent par notre Société'; tout récemment, elle a attribue' une
prime pécuniaire importante pour la culture d'une espèce d'Igname,
le D. Vecaisneana, qui cependant ne présente qu'un intérêt secon-
daire ; de i)lus, elle a institué un concours avec une prime encore plus
o'ievée pour la production ou l'introduction d'une espèce ou variété
vraiment méritante.
» Je me crois donc autorisé à revenir sur cette question et à vous
exposer quelques faits qui, cette fois, je l'espère, convaincront
M. Heckel.
» .l'ai fait dernièrement une petite enquête auprès des producteurs
et des vendeurs de ce légume ; en voici le résultat. Tous les vendeurs
que j'ai consultés m'ont déclare qu'ils n'avaient jamais vu une Igname
venant de Chine. Je ne voudrais pas donner les noms et adresses do
ces commerçants, de peur d'être accusé do leur faire une réclame ; il
en est un cependant que je puis citer : c'est celui de notre collègue,
94 KEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
M. Ilédiard, puisqu il vous a fait hiea souvent des présentations de
cette plante, qui sont consignées dans notre Bulletin et dans celui de
la Société nationale d'horticulture. Les Ignames de Chine qu'il vend
en quantité considérable, proviennent toutes, sans exception, des cul-
tures parisiennes ; s'il est quelquefois en rapport au sujet de ce lu-
Ijcrcule avec des Chinois habitant Paris, c'est pour leur en vendre,
jamais pour leur en acheter.
» 11 en est de même de la maison Chevet que M. Ileokel cite dans
sa lettre : Je m en suis assuré.
» Quant aux maraîchers producteurs, je ne voudrais pas non plus
en donner une liste ; il en est un ce,jendant que je pourrais indiquer,
puisque sou nom figure dans le Bulletin de la Société d'horticulture,
comme pre'sentateur d'Ignames soit aux séances, soit aux expositions.
Vous savez d'ailleurs qu'un de no5 collègues les plus zélés cultive,
dans sa propriété des environs de Paris, et livre aux magasins de
comestibles, 'près d'un millier de tubercules par an pouvant peser
plus de 500 kilogs. ^•
» En dehors de ces producteurs et vendeurs de rhizomes destinés à
la consommation, l'Igname de Chine est encore cultivée dans un
grand nombre de potagers, comme il est facile de s'en convaincre par
ce qui suit.
" La maison Vilmorin — je puis bien la citer, puisque l'un de ses
chefs est précisément le i)résident de notre section de botanique et
des végétaux, à laquelle M. Hcckel nous prie de couimuniquer su
lettre — la maison Vilmorin vend annuellement à sa clientèle un mil-
lier de petites Ignames d'un an, sans compter les bulbilles. Les trente
à quarante marchands graiuiers parisiens en débitent également. Cha-
cune de ces petites Ignames plantée au printemps, produit à l'au-
tomne suivant un rhiz-mie de grosseur normale pour la consomma-
tion. Ces milliers de petites Ignames d'un an sont utilisées par les
jardiniers qui ne veulent i)as se donner la peine de produire leur plant:
mais d'autres, plus économes, élèvent eux-mêmes ce plant, au moyen
du semis des bulbilles. C'est ainsi que j'opère dans mon modeste pota-
ger où je viens d'arracher plus de deux cents Ignames de première et
de deuxième année.
» Pour me résumer, je puis ccriitler à M. Heckel, que ce légume
excellent, productif et rustique, est cultivé couramment aux environs de
Paris et vraisemblablement dans beaucoup d'autres parties de la
France et qu'il réussit parfaitement en pleine terre et sans aucun soin
spécial ; il n'a qu'un défaut, la tiop grande longueur de son rhizome,
défaut qui a été fort exagéré et exploité par certains jardinieis peu
travailleurs (que saint Fiacre me pardonne ce blasphème contre quel-
ques-uns des membres de sou honorable corporation).
>■ Si M. Heckel voulait bien me le permettre, je me forais un véri-
table plaisir de lui euvdver un ou deux tubercules venus dans mon jur-
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 95
din, aux environs de Paris, en pleine terre et sans plus de soin que
n'en réclame une pomme de terre.
» Ce dernier argument ad hominem, en passant par l'estomac de
mon honorable contradicteur, arriverait il plus facilement jusqu'à son
esprit ? »
— M. le marquis de Sinét}^ dit que M. le marquis Sé;^uiei%
qui fut longtemps notre conlrère, cultivait Tlgname de Chine,
qui venait paiiaitement bien chez lui.
— M. le Président ajoute que dans le potager de M. Jac-
quemart on cultivait également l'Igname sur une assez grande
échelle, et que cette racine alimentaire paraissait sur la table
de nutre confrère comme tous les autres légumes.
— M. Pichot signale à l'assemblée l'intérêt que présenterait
une enquête, avec chiffres à l'appui, sur les nombreux fruits
exotiques que nous voyons aujourd'hui à Paris chez les mar-
chands de comestibles et sur la part que la Société a pu
prendre dans le développement de ce commerce.
Pour le secrétaire des séances,
Jules Grisard,
Secrétaire du Comité de rédaction.
III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS.
Les Souris migratrices. — On a noie dans le sud-ouest de la
Russie un fait 1res extraordiuutre : les Souris ont disparu non seule-
ment des campafrues, mais encore des villes et des villages.
Le Kiew-Slowo rapporte qu'il y eut au printemps de l'anne'e der-
nière, dans celle région, une telle abondance de Souris que les habi-
lanls, ne parvenant pas à s'en préserver, éprouvèrent des pertes sé-
rieuses pour leurs récoltes. Mais, au printemps suivant, ces rongeurs
avaient déserte la contrée. Les nombreux trous pratiques par eux
dans les champs et les jardin-î témoignaient seulement de leur pas-
sage. *^-
Empoisonnement des Faisans par les feuilles de l'If. —
A diverses reprises ou avait constate dans d^s faisanderies d'Angle-
terre que les Oiseaux périssaient sans qu'on pût en déterminer la
cause. Récemment, l'on disséqua plusieurs de ces Faisans et l'on dé-
couvrit une forte irritation dans tout l'organe digestif et particulière-
ment dans le gésier. En examinant sous le micro.ecope les restes de
nour.-iture, on reconnut qu'ils avaient mangé une grande quantité de
feuilles d'If {Taxas baccata] et qu'ils en étaient moris empoisonnés.
On se préparait à annoncer au propriétaire de la faisanderie le ré-
sultat de l'autopsie, quand on reçut d'autres Faisans qui avaient été
trouvés morts près du même If que les premiers. Le même cas d'em-
poisonnement fut couslaté chez eux.
L'arbre portait des chatons femelles. Il paraîtrait donc que Vif
femelle possède seul une action mortelle sur les Faisans. De S.
Sur l'élevage des Abeilles dans l'Afrique centrale. —
Les Wakawironoas qui habitent Kabara, village situé dans le Ka%vi-
rondo, près du lac Victoria Nyanza, élèvent les Abeilles d'une façon
assez originale.
Sir J. Thompson trouva des ruches dans presque toutes les huttes.
La ruche se compose d'une bûche de bois creuse, fixée dans le mur
de l'habitation. Il existe une issue à l'extérieur pour les Abeilles. Mais
c'est à l'intérieur que l'indigène retire les rayons de miel. La fumée
épaisse qui remplit ordinairement la hutte donne au miel une cou-
leur noirâtre et lui communique un goût fort désagréable. Cet état de
choses n'inquiète nullement les Abeilles, et les Wakawironoas se ré-
galent de leur miel. De B.
U Gérant : Jules Grisard.
1. TRAVAUX ADRESSES A LA SOCIETE.
NOS ALLIES CONTRE LES SAUTERELLES
Par m. J. FOREST aîné.
La prospérité de notre Afrique du Nord est mise cruelle-
ment à l'épreuve par un fléau qui semble acclimaté et se
reproduit régulièrement depuis quelques années. Aujourd'hui
une des plus importantes questions pour l'avenir de la colo-
nisation est sans conteste celle qui assure l'agriculture contre
son ennemie la plus terrible « la Sauterelle » (1).
On a écrit sur ce débat de nombreux volumes, on a com-
pilé des in-quarto, on a discuté chimiquement, physiquement
et le résultat malheureusement obtenu a été insignifiant,
malgré le bon vouloir de chacun et malgré les sommes con-
sidérables dépensées à cet effet.
La pratique du procédé chypriote ol'flciellement adopté
durant ces trois dernières années, l'emploi des auxiliaires :
Champignons entomophytes, diffusion de Crapauds, nuages
asphyxiants, etc., etc., ont-ils satisfait aux espérances de
leurs inventeurs et aux besoins du pays ?. . .
Le Criquet, à chaque invasion et à quelque espèce qu'il
appartienne, fait table rase des récoltes, se joue des em-
bûches qu'on lui dresse, et des autodafés dont nombre des
siens sont victimes.
La recherche de moyens destructifs moins aléatoires s'im-
pose par la comparaison du maigre résultat défensif obtenu
en regard de l'importance des pertes en nature, dépenses en
argent pour appareils, etc. . ., travail pénible et excessif, non
rétribué généralement, imposé à l'armée, aux colons et sur-
tout à la population indigène.
Peut-être avons-nous trouvé, sinon le remède absolu, du
moins une atténuation dans le moyen que nous allons exposer
dans cette étude.
^1) Voir ïMistorique des invarions de Sauterelles et des moyens de défense,
par M. Kunckel d'Herculais, aide naturaliste au Muséum de Paris, l'ait au
Congrès d'Oran en 1888, el publié dans le Bulletin de l' Ascociation française
pour l'avancement det sciences.
5 Février 1893. 7
98 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
« La lutte la plus âpre que l'homme ait à soutenir contre
» la nature animée est sans contredit le combat incessant
). qu'il est obligé de livrer aux. innombrables et redoutables
» légions des insectes. L'insecte, dans les différentes .trans-
» formations de sa vie, est son grand ennemi, ennemi le plus
» souvent invisible, qui l'envahit mystérieusement, silencieu-
» sèment, de toute part, et monte à l'assaut de son œuvre avec
» une ténacité et une sûreté de tactique contre lesquelles,
» dans la plupart des cas, tous ses efforts sont vains. Une
). indestructible armée de petits êtres malfaisants, dont l'ef-
» frayante fécondité renouvelle sans cesse les rangs, ravage
)) ses récoltes, détruit ses bois de construction ou de chauf-
» fage, fait sécher sur pied les végétaux dont il se nourrit,
» tarit les richesses de ses vignobles, fait tomber en lam-
» beaux, en poussière, les vêtements dG^at il se couvre, les
y, riches étoffes dont il décore sa demeure, mine sourdement
» ses digues. »
a Contre de tels ennemis, l'homme, a-t-on dit, serait im-
» puissant sans l'oiseau. L'oiseau est l'auxiliaire précieux,
); rallié fidèle qui empêche le maître de la création de suc-
» comber dans cette lutte inégale (1). »
Voilà la question posée et bien posée par le distingué or-
nithologiste M. Magaud d'Aubusson, qui précise bien exac-
tement la situation résultant de la disparition et de la
destruction inintelligente de nombreuses espèces d'oiseaux
insectivores.
Eh bien, oui, notre moyen est bien simple : nous voulons
faire notre auxiliaire de cette légion d'oiseaux, pour com-
battre utilement les Sauterelles , et en débarrasser le sol de
l'Algérie.
Car la situation continue à être grave et si l'on ne trouve
un remède contre ce fléau, fléau se répétant régulièrement
depuis plusieurs années, leur exi)ansion dans le sud-ouest de
l'Europe en sera la conséquence naturelle. Elles traverseront
la Méditerranée par la Sicile et l'Espagne et côtoyant le ri-
vage elles tourneront les obstacles insurmontables à l'inva-
sion : les chaînes de montagnes des Pyrénées et des Alpes.
Les invasions par l'est suivent la vallée du Danube, la Russie
et la Silésie et sont arrêtées par le massif des Alpes. La haii-
(1) L. Ma{;;aud d'Aubusson, Bévue des sciences naturelles appliquées, 1890,
t. I,p. 404."
XOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTERELLES, 99
teiir des montagnes et le froid sont des obstacles insurmon-
tables à leur expansion.
Nous devons craindre leur acclimatation permanente en
Europe où elles compléteront désastreusement la collection
des ennemis de nos cultures.
L'Amérique du Sud, non plus, n'est pas épargnée- tout
récemment Mendoza (République Argentine), centre' d'un
vignoble important, a été ravagé par les Sauterelles venant
du sud. Toute la province a été couverte par des bandes
serrées d'une largeur de plus de 100 kilomètres qui n'ont
laissé ni une feuille, ni un grain. La province fait une perte
déplus de vingt-cinq millions de piastres; ce désastre n'est
pas fait pour encourager la création de nouveaux vignobles et
retardera de longtemps la production du vin, devant rivaliser
avec le vin européen, non réalisée à ce jour faute d'installa-
tions convenables soit : caves, matériel vinaire, bons pro-
cédés de fabrication, etc. . . , etc. . .
A quels oiseaux d'Afrique faut-il de préférence donner
cette mission purificatrice ? C'est ce que nous allons étudier
en décrivant les oiseaux plus particulièrement destructeurs
de Sauterelles dans la colonie du Cap de Bonne-Espérance,
contrée qui, sous bien des rapports, offre une grande analogie
avec notre Afrique septentrionale, comme climat et produc-
tions naturelles; nous citerons également quelques espèces
rendant les mêmes services dans les Savanes de l'Amérique
et dans les déserts de l'Australie.
L'ordre des passereaux nous fournit nombre d'auxiliaires
dont les plus importants sont : P les Alaudinés ; 2« les Stur-
nidés.
L LES ALAUDINÉS — LES ALOUETTES.
Les Alaudinés sont des oiseaux qui se plaisent dans les
lieux découverts et aussi partout où l'homme a porté la cul-
ture, c'est dans les champs défrichés qu'ils se tiennent t.m.
de préférence. Les diverses espèces se nourrissent de ver<.
de petites Chenilles lisses, d'œufs de fourmis et d'Araignées'
des œvfs cl des larves de SaiitcreUes, enfin, de tous les in-
sectes qu'elles rencontrent dans les champs ; elles man"ent
aussi des graines, mais seulement celles qui sont huileuses
et ne touchent point aux semences farineuses du moins •{
100 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
rétat de liberté. Elles ont toutes aussi, en général, une sorte
de chant quelconque plus ou moins agréable. Elles nichent à
terre, se vautrent dans la poussière et sont toutes plus ou
moins délicates à manger ; celles qui habitent les lieux in-
cultes ne valent pas celles qu'engraissent les plaines fertiles
de la Beauce et de toutes les contrées cultivées.
Sans doute, quelques espèces d'Alaudinés et peut-être la
plupart mangent parfois des graines, mais en général et le
plus habituellement, même dans les contrées les plus arides
de l'Afrique et de l'Asie, elles n'en restent pas moins insecti-
vores ; et si quelques-unes sont pourvues d'un bec fort et
robuste, c'est uniquement parce qu'elles ont aiïaire à de gros
insectes, et surtout que ces insectes gros ou petits, pour être
surpi'is et déterrés par elles, leur demandent les plus grands
efforts et le travail le plus opiniâtre et par suite un instru-
ment rostral en rapport avec ces difficultés. C'est efïecti •
vement un fait avéré que les espèces d'Alaudinés confinées
dans les déserts de l'Afrique n'en demeurent pas moins in-
sectivores malgré l'aridité du sol et l'absence de toute végé-
tation apparente. La preuve en est qu'elles savent fort bien
deviner les endroits du sol qui recèlent leur nourriture favo-
rite, et principalement les Curculionidés, qui se réfugient
dans ces souches ou racines plus nu moins végétales toujours
enfouies sous les sables qui les recouvrent et que l'instinct
"seul des animaux propres à ces contrées leur fait décou-
vrir (1). Ainsi, dit J. Terreaux, quant aux espèces propres à
l'Afrique : les Sirlis se trouvent toujours dans les régions
sablonneuses, les Mirafres dans celles dont le sol est ferru-
gineux ou métallifère et les Macronyx seuls dans les plaines
herbeuses où abonde la végétation.
L'Alouette est le musicien des champs, son joli ramage
est l'hymne d'allégresse qui devance le printemps et accom-
pagne le premier sourire de l'aurore; on l'entend dès les
beaux jours qui succèdent aux jours frais et sombres de l'hi-
ver, et ses accents sont les premiers qui frappent l'oreille du
cultivateur vigilant. Le chant matinal de l'Alouette était chez
les Grecs le signal auquel le moissonneur devait commencer
son travail, suspendu pendant la partie de la journée où les
feux du midi d'été imposent silence à l'oiseau, mais quand le
(1) D' Clienu, Encyclopédie d'hisloirc naturelle, oiseaux, \lh partie.
NOS ALLIES CONTRE LES SAUTERELLES. 101
.soleil s'abaisse vers l'iiorizon, elle remplit de nouveau les airs
de ses modulations variées et sonores; elle se tait encore
lorsque le ciel est couvert et le temps pluvieux; du reste,
<^lle chante pendant toute la belle saison (Gueneau de Mont-
beillard).
La plupart des naturalistes ont nié mal à propos que les
Alouettes lussent des oiseaux de passage ; mais si l'émigra-
tion des Alouettes ne peut être révoquée en doute, il est aussi
vrai de dire qu'elle n'est que partielle, et qu'une grande
quantité d'entre elles restent dans les pays qui les ont vues
naître. Quoique très fécondes, les Alouettes sont moins nom-
breuses de nos jours qu'elles ne l'étaient autrefois. L'on a
observé que la quantité d'Alouettes a sensiblement diminué de-
puis une cinquantaine d'années. Plusieurs causes concourent
à cette diminution. Les grands froids et surtout les neiges
abondantes dont la terre reste longtemps couverte font périr
une prodigieuse quantité d'Alouettes. Les oiseaux de proie
en détruisent aussi beaucoup en été; mais l'homme est ici,
comme en tout, le plus vorace, le plus acharné, ajoutons le
plus imprévoyant des destructeurs (par la fabrication indus-
trielle des pâtés de Chartres, de Pithiviers, etc., le bra-
connage nocturne à l'aide de filets traînants, etc., etc., etc.).
L'Alouette se vend en quantité innombrable aux halles de
Paris, sous le nom de Mauviette, durant toute la saison de
chasse ouverte, mais surtout à l'époque des grands froids,
l'hiver.
Nos législateurs mettront-ils un terme aux massacres d'in-
sectivores qui sont devenus une véritable industrie en France
et en Algérie ?
Nous relaterons brièvement les divers genres sans descrip-
tion plus spéciale, les mœurs de la famille entière étant sem-
blables avec la différence du milieu où vivra l'espèce par-
ticulière :
I. L'Alouette bateleuse {Megalophone apialus). — Par-
ticulièi*e au Cap de Bonne-Espérance, cette espèce qui offre
deux variétés se distingue de l'Alouette européenne par son
riche plumage agréablement bigarré (Verreaux).
II. L'Alouette calandrelle {Alauda brochydactyla). —
Habite la Provence, la Ciiampagno, les Pyrénées, le long delà
Méditerranée el presque tout le midi de l'Europe ; est très ré-
102 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
panclue depuis le Pruth jusqu'à la mer Caspienne (Degland).
III. L'Alouette du désert {Alauda déserta). — On trouve
cette espèce dans le sud de l'Europe, en Grèce, dans le midi
de l'Espagne, en Portugal et dans le nord de l'Afrique
(Degland).
IV. L'Alouette des champs [Alauda arvensls). — Se
trouve dans toute l'Europe et l'Afrique septentrionale, dans
les terres cultivées.
2^' GENRE. — Les Cochevis [Galerida).
Se distinguent de l'espèce précédente par la huppe ou crête
formée par les plumes cervicales allongées et érectiles.
1° Le Cochevis huppé [Galerida cristata). — Habite les
parties tempérées et méridionales de l'Europe ; commun et
sédentaire dans presque toute la France (Degland).
2" Le Cochevis lulu {Galerida arborea) (Brehm). — On
trouve cette espèce dans presque toutes les parties de l'Eu-
rope. Elle est répandue partout en France, est sédentaire
dans quelques contrées, comme les Landes et le département
du Var, n'est que de passage dans d'autres.
3« genre. — Calandre [Melanocorypha calanira).
On trouve cette espèce en Italie, en Sicile, en Sardaigne,
en Grèce et dans les parties les plus méridionales de la
France. Elle est également abondante dans la Russie méri-
dionale, partout dans les steppes (Degland).
Elle est remplacée dans l'Inde par le Mirafra Javanica. Ce
genre contient neuf espèces particulières à l'Asie, l'Afrique et
rOcéanie, et ont les mêmes mœurs que nos alouettes.
IL — LES STURNIDÉS.
Nous décrirons les trois espèces les plus connues et dont
l'acclimatation nous paraît le plus facile.
I. L'Etourneau commun (Slirmus vulgaris). — L'Etour-
neau est un oiseau voyageur ; il apparaît l'hiver dans le midi
de la France, l'Espagne, l'Italie, la Grèce et le Nord de l'A-
NOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTEHELLES. 103
Trique, cependant il niche dans les Pyrénées et dans la partie
méridionale des Alpes. Malgré les massacres prodigieux qu'on
a faits de cet utile oiseau en Italie et en Espagne où j'en ai vu
vendre par sacs pleins durant l'hiver, leur nombre ne semble
l>as décroître.
L'Etourneau mérite d'être protégé avec soin ; il rend d'é-
normes services à l'agriculture en détruisant les insectes, les
Vers, les Limaces, les Chenilles, les Sauterelles, etc.. En
Allemagne, depuis 1856 on est arrivé à faire reproduire en
liberté cet oiseau en installant des nids artificiels, et tous les
ans au printemps ces oiseaux reviennent régulièrement net-
toyer les campagnes. Leur destruction absolument interdite
est le témoignage de la reconnaissance publique des services
rendus à l'agriculture.
IL Les Martins-Pastor. Le Martin pastor {Pasfor ro-
seus). — Le Martin diffère peu physiquement de TEtour-
neau, mais il a les mêmes mœurs, son habitat est depuis le
sud-est de l'Europe à partir de la Hongrie, la plus grande
partie .de l'Asie centrale et méridionale jusqu'aux Indes.
Exactement la patrie du Pachytylus migratorius, le Criquet
l)èlerin.
De là il arrive assez régulièrement en Gi'èce, plus rarement
en Espagne, en France, en xlllemagne. Par contre, on le voit
tous les hivers dans le sud de l'Asie. Il ne paraît pas tous les
ans en égale quantité dans le pays du Bas-Danube et dans les
steppes de la Russie. Dans de certaines années on n'y voit
([ne des individus isolés; dans d'autres on rencontre des
troupes très nombreuses ; nous croyons que ces variations
sont subordonnées à la plus ou moins grande abondance de
Sauterelles, car le Martin rose est un destructeur d'acridiens
très important consommant des Sauterelles exclusivement à
la suite de leurs passages.
Nous trouvons en Amérique les remplaçants de notre
Etourneau européen dans le genre Sturnella (Vieillot), les
deux variétés sont :
1" Le Slunius Ludoviciana. Cet oiseau habite l'Amérique
du Nord, oîi il est nommé « Meadow lark » ; les Antilles et le
Mexique, où il est nommé « Savanero » ; il est remanpiable
par le plumage jaune de son abdomen, alors que le reste du-
plumage ressemble à celui de l'Alouette.
'lOi REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
2° Le Shirnus milUarifi ou Etourneau militaire ; particu-
lier à r Amérique méridionale, dont le plumage de l'abdomen
est rouge. Les deux variétés, sauf cette différence de coloris
abdominal, se ressemblent sensiblement et chacune, dans sa
patrie, rend les mêmes services que notre Etourneau euro-
péen.
L'espèce la plus voisine des Sturnus et du Pastor est celle
des Acridothères.
Iir. Le Martin triste de l'Inde (Acrldollicres i)'istù).
— Cet oiseau est le sujet d'une étude remarquable publiée
en 1889, dans V Algérie agricole (décembre 1889, 2' nu-
méro), par M. Ch. Rivière, complétée par l'étude du Martin
rose et du Martin triste, par M. Magaud d'Aubusson, dans
la Revue dea Sciences naUirelles appliquées (1890, I,
p. 404).
Les observations accordant au Martin triste un rôle très
important comme destructeur d'acridiens, qu'il mérite réel-
lement, doivent engager à persévérer dans les recherches des
voies et moyens pour utiliser cette qualité au profit de l'Al-
gérie.
Je rappellerai les essais d'acclimatation à Alger, tentés de
1867 à 1889, ayant abouti à un échec complet, essais non re-
nouvelés aujourd'hui. Ces échecs, attribués à la différence du
climat de l'Algérie avec celui de leur pays d'origine (ceux
importés à Alger provenaient de l'île Bourbon), pourraient,
je le ci'ois, être réparés. Pour cela, au lieu d'introduire di-
rectement en Algérie le Martin triste, son imi)ortation de-
vrait se faire dans notre Soudan français par le Sénégal et
le Congo. Ces oiseaux, qui, comme leurs congénères, sont
migrateurs, seront amenés à la suite des passages de saute-
relles, jusque sur le littoral algérien, et cette provende épui-
sée, leurs conditions d'existence habituelle ne pouvant être
satisfaites, retourneront dans l'intérieur de l'Afrique, qui de-
viendrait leur patrie définitive.
Les observations sur les migrations des oiseaux de l'Afrique
équatoriale et australe établissent généralement une direc-
tion de l'est à l'ouest et l'ice - versa, les migrations de
l'Afrique centrale vont au Nord. Il est donc possible d'ame-
ner l'existence d'un destructeur important de Sauterelles
dans l'intérieur du Soudan, dont l'aire d'expansion serait
NOS ALLIÉS CÙXTRE LES SAUTERELLES, 105
exactement celle des Sauterelles dans leurs pérégrinations du
nord au sud et de l'est à l'ouest.
Je ne crois pas que le Martin triste devienne jamais un
oiseau sédentaire en Algérie ; il ne se plaît, en réalité, que
dans les pays riches en eau et en végétaux de grande taille;
l'habitude de nicher sur de grands arbres et de percher dans
les roseaux des grands marais, ainsi que de boire et de se
baigner beaucoup, habitudes générales aux Sturnidés : Etour-
neaux, Martins tristes, pastors, seraient peu faciles à satis-
faire dans l'intérieur de l'Algérie, et au surplus durant l'été,
le manque de nourriture animale le rejetterait forcément sur
les plantations, ce qui le rendrait insupportable par ses dé-
gâts dans les vergers, vignobles, orangeries, etc., etc.
En admettant que l'importance de l'objectif « destruction
des Sauterelles » soit digne de la sollicitude des particuliers
et des pouvoirs publics, je souhaite la prise en considération
du vœu suivant : Transport d'un nombre assez important de
Martins tristes sur la côte occidentale d'Afrique et, à l'arrivée,
les lâcher par moitié, bien entendu à l'époque convenable,
où, en liberté, ils trouveraient leur nourriture; l'autre moitié
serait tenue en captivité et lâchée en temps opportun; après
étude des moyens propres pour leur propagation certaine.
L'Afrique centrale possédant une espèce voisine répandue
de l'est à l'ouest, celle des Lamprothornis ou Merles métal-
liques, il faudrait faire coïncider l'expansion en liberté des
Martins importés à l'époque de la présence des Merles métal-
liques sur la côte occidentale, après l'hivernage.
L'expérience pourrait se faire très facilement et contra-
dictoirement sur la côte orientale, elle se trouverait facilitée
])ar la proximité de Madagascar où l'on prendrait les Martins
tristes qui seraient mis en liberté à Obock, pour se répandre
dans l'Afrique équatoriale et centrale.
Les observations sur les trois espèces : Etourneau, Martin
rose, Martin triste établissent que l'acclimatation directe en
Algérie du Martin rose donnerait le moins de difficultés, étant
moins omnivore que le Martin triste et moins dangereux
pour les plantations; cet oiseau, originaire des steppes de
l'Asie, où il fait chaud autant que dans le Sahara et froid
plus que sur l'Atlas, supporterait facilement le climat al-
gérien.
Nous avons exposé les procédés devant amener l'acclima-
106 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
tation complète des Etourneaux, des Martins tristes et des
Mavtins pastors , T utilité de ces trois espèces d'oiseaux
n'aura pas besoin d'autres démonstrations.
Les trois grandes plaies de l'élevage au Cap de Bonne-
Espérance sont : les Sauterelles, les Termites et les Taons.
Ce dernier insecte est répandu dans tout le pays, dans les
plaines, sur les montagnes, au désert et dans les terres culti-
vées. Les animaux de transport particulièrement sont affligés
par cette plaie ; souvent ils en sont couverts de dimension
égale et même double à celle d'une Noisette. Il n'est pas rare
d'en trouver deux cents au moins sur le dos d'un Bœuf.
La nature prévoyante a mis le remède à côté du mal, en
permettant à de nombreuses espèces d'oiseaux d'en détruire
le plus possible. Il en est qui les recueillent par terre, les
déterrent dans le sol ou même sur le, dos des animaux, no-
tamment les Hirondelles, les Bergeronnettes, etc., etc., dé-
barrassant surtout les Moutons en suivant leurs troupeaux.
Durant l'hiver, des centaines de mille passereaux se nour-
rissent de Termites et de larves d'insectes. Les pachydermes,
les grands ruminants, trouvent assistance pour leur toilette
auprès des divers hérons gardebœuf, garzette que l'on trouve
toujours avec ces animaux.
Il est incontestable que tous les passereaux de tout ordre
et dimension contribuent à la destruction et restreignent le
développement des insectes nuisibles. Aussi, nous demandons
leur protection par une application rigoureuse des lois et rè-
glements sur la chasse des oiseaux, et que les enfants, à
récole, soient bien instruits de l'importance de la conserva-
tion des oiseaux utiles.
Au Cap de Bonne-Espérance, l'Européen ne pratique pas la
chasse des petits oiseaux, tout au plus au moment des ré-
coltes, les poursuivra-t-on, mais sans se servir d'armes à feu.
Les services rendus par la destruction des insectes nuisibles
font tolérer les légers dégâts qu'ils peuvent faire (1).
Les nègres dédaignent la chasse des petits oiseaux à l'ex-
ception de certaines espèces recherchées pour leur emploi
dans la mode, soit : les Merles métalliques, Évèques, Coucous
bronzés, Touracos, Sucriers, etc. . . et quelques petites es-
pèces envoyées vivantes en Europe pour l'ornement des vo-
[Vi D' E' Holub, Beitrcige ziir oniilholoyie Sud-Afnca. Wien, 1882.
NOS ALLIÉS CONTRE LES SAL'TERELLES. 107
lières ; généralement tout oiseau insectivore est protégé et
respecté par des lois ou par l'usage. Puisse cette leçon,
donnée par des nègres, servir à nos colons algériens !
Nous allons brièvement présenter les divers oiseaux des-
tructeurs de sauterelles en évitant l'amplification des descrip-
tions qu'on trouvera dans les traités spéciaux d'histoire
naturelle.
ORDRE DES RA.PACES.
I. La petite Crécerelle crécerine. {Tinminculus cea-
chris). — Cet oiseau est assez répandu dans l'Afrique septen-
trionale, dans les oasis du Sahara, sur les hauts plateaux et
sur le littoral près des habitations et des centres de popula-
tion. J'en ai vu des quantités importantes durant mon séjour
à Mazagan, Maroc (mars 1891). Je n'avais pas observé ces
charmants rapaces dans les autres ports du littoral de
l'Atlantique marocain. Cet oiseau est sédentaire à Mazagan.
II. Le Kobez vespéral. [Erypthropus vespertinus). —
Dans les steppes de la Russie et de l'Asie centrale, la Créce-
relle est remplacée par le Kobez qui s'y trouve en grandes
bandes. C"est un destructeur de sauterelles supérieur à la
petite crécerelle. Cet oiseau est migrateur : l'été en Europe,
l'hiver aux Indes, il serait facile d'en faire l'importation en
Algérie en profitant des relations régulières de Marseille ave<^
les ports de la mer Noire. Un autre petit rapace, l'Elanion
mélanoptère, rend les mêmes services en Syrie et en Egypte
où il est assez abondant.
III. La Bondrée apivore. [Pernis apivorus). — La Bon-
drée ai>ivore dans ses migrations du Nord de l'Afrique en
Europe où elle niche au printemps, est aussi un oiseau des-
tructeur de sauterelles, des œufs et des larves qu'elle déterre.
IV. La Buse vulgaire. {Bnteo vulgaris). — Tout le
monde connaît cet oiseau, mais son utilité incontestable n'est
pas généralement reconnue. C'est un destructeur de premier
ordre d'insectes, de rats, souris, reptiles, etc.. et ses mé-
faits à l'égard des cailles, perdreaux sont insignifiants, rela-
tivement aux grands services rendus. Sa destruction devrait
(Hre absolument interdite, et de fortes amendes puniraient
108 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
les destructeurs ; ce système réussit très bien dans les colo-
nies anglaises.
Cette espèce est représentée dans le Soudan et l'intérieur
de l'Afrique par :
V. La Buse des sauterelles. [Polioniis ruflpennis). —
Cet oiseau est particulier à l'intérieur de lAlrique et de
l)assage dans le Nord-Est de l'Afrique. Il arrive au commen-
cement de la saison des pluies dans les steppes du Soudan
oriental et y est alors très commun, par cette unique raison
(]uil y trouve une nourriture abondante. Dans ses mœurs le
Polioniis se rapproche de la buse et de la crécerelle. Il se
nourrit exclusivement de sauterelles.
VI. Le Serpentaire [Gy pogeramiiz ,serx)entarms) n'existe
ijue dans l'Afrique australe. Beaucoup de fermiers au Cap
le conservent apprivoisé et il rend d'énormes services comme
destructeur de serpents, de rats, de sauterelles.
On a essayé d'acclimater cet oiseau à la Martinique pour
détruire les serpents à fer de lance, le fléau de cette île ; le ser-
pentaire reptilivore aurait disparu de l'île, victime de l'igno-
rance des chasseurs.
Parmi les rapaces nocturnes la petite chevêche doit être
classée parmi les destructeurs de sauterelles.
VIL La Chevêche commune. [Athene nocliia). — Ce
petit hibou assez répandu en Algérie est un des oiseaux les
plus utiles. Sa nourriture consiste surtout en petits mammi-
fères, oiseaux et insectes. Il détruit des chauves-souris, des
musaraignes , des souris , des hannetons , des sauterelles,
etc.. . Mais les petits rongeurs forment son gibier principal.
Nous avons donc tout intérêt à protéger un oiseau aussi utile.
L'Italie est aujourd'hui le seul pays où on en élève encore
beaucoup dans un but d'utilité. i.es Italiens ont soin d'ar-
ranger sous les toits des endroits convenables, facilement
accessibles où ces oiseaux viennent nicher. On y prend alors
autant d'individus que l'on en a besoin et on laisse les autres
en repos.
Les Chevêches apprivoisées sont devenues en Italie de
véritables animaux domestiques ; on les laisse, les ailes cou-
pées, courir librement dans les maisons, les cours où elles
prennent les petits rongeurs ; on les met surtout dans les
NOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTERELLES. 109
jardins où elles détruisent les limaces et la vermine sans
causer le moindre dégât.
VIIT. Le petit Hibou terrestre. (Pholeoptynx). — Toutes
les steppes des deux Amériques sont habitées par de petits stri-
giens qui sont très voisins des chevêches ; leur particularité
consiste en ce qu'ils nichent dans des terriers. Leur nourri-
ture est celle des chevêches.
TX. Le Scops ou Petit duc. — Très répandu dans le
midi de l'Europe et le nord de l'Afrique, a les mêmes mœurs
que la Chevêche.
Pour ces rapaces nocturnes on devrait bien suivre l'exemple
de ce qui se fait en Allemagne. Partout il serait bon de ména-
ger des endroits où nicheraient les Effraies et les Chevêches.
Dans l'Allemagne du Nord, le pignon des granges présente
une ouverture pouvant donner passage à une Effraie. Cette
ouverture conduit dans une sorte de caisse, présentant à
droite et à gauche des endroits convenables pour nicher, la
lumière ne peut y pénétrer ; l'oiseau en entrant s'engage dans
un couloir d'environ un pied de long, puis, au-delà, il est
obligé de tourner soit à droite, soit à gauche pour entrer
dans son nid. Vers l'intérieur de la maison, la caisse est soli-
dement fermée, de façon à ce qu'on ne puisse venir troubler
les oiseaux.
Malgré le non classement de l'Effraie parmi les Insectivores,
nous appelons l'attention sur les services que rend cet
oiseau comme destructeur de rats, souris, etc.. en quan-
tité prodigieuse.
(A suivre.)
L'AVICULTURE CHEZ L'ELEVEUR
Par m. le marquis de BRISAY.
(suite ^.)
YI
Encore un cliché rétrospectif, mais indispensable à docu-
menter : la collection de Perruches de M. Rousse, à Fontenay-
le-Comte.
M. Rousse (Alfred; était compojiteur de musique. Il
caressait dolce et amoroso la clef de sol ; quand , s'étant
brouillé un jour avec son diapason, il chercha des distractions
ailleurs. Dans les communes de la petite maison qu'il habite, à
Fontenay, située en bon air et beau soleil, en un quartier
excentrique, la Commanderie, se trouvait un petit local
pouvant aussi bien être utilisé comme écurie, bûcher, salle de
bains ou salle de concerts. Lïdée lui vint d'en faire une
volière. La porte fut grillagée, Tintérieur sablé, plâtré à neuf
et muni de perchoirs. Ce nouveau logis à destination spéciale
reçut, comme habitants, un couple de Perruches Calopsittes.
lesquelles valaient encore 30 ou 40 francs la paire à cette
époque-là, c'est-à-dire vers 1875. C'était se donner à petit
prix une consolation contre les ingratitudes du métronome.
Mais, doué d'une sagesse — disons d'une mesure, qui allait
bientôt lui être profitable, M. Rousse voulait aller piano, pia-
nissimo, sachant qu'un début doit être mené moderato,
dans toute symphonie de composition nouvelle.
Les Calopsittes, jolies perruches de la Nouvelle-Hollande,
au plumage gris et blanc , avec queue noire et tête ornée
d'une huppe jaunâtre, joignent à l'originalité de leur parure
le grand mérite d'être prolifiques. Celles de M. Rousse meu-
blèrent si bien la maison que bientôt leur maître en vit
cascader dans la volière, comme jadis sur le clavecin, des
gammes ascendantes et chromatiques. Qu'il s'attendit ou non
à cette reproduction en triple croche, il s'en montra très satis-
(*) Voyez Revue, années 1891, 2° semestre, p. 479 ; 1892, 1" semestre, p. 520,
et 2" semestre, p. 498.
L'AVICULTURE CHEZ L'ELEVEUR. 111
l'ait. Il installa dès lors, en la même volière, nn orchestre de
Perruches ondulées. On sait que ces petites bêtes, si jolies, si
vives, jouent d'un gazouillement qui n'est pas désagréable.
Ce n'est pas du Méhul, ni du Saint-Saèns, mais cela jette une
note gaie dans un intérieur où l'archet a été mis non au
violon, mais au croc. Elles pullulèrent. L'Ondulée était alors
d'un élevage aussi facile que lucratif. Depuis, l'espèce, abâ-
tardie par la consanguinité, n'a plus donné que des sujets
difformes, nus et rachitiques, tout au plus bons à être croqués
parles chats; mais, quand M. Rousse l'exploita, il n'en était
pas de même. Tout allait allegrcllo.
Pour agrandir ce local harmonieux, M. Rousse fit cons-
truire un vaste tambour grillagé à petites mailles. Puis il en
partagea l'intérieur — c'était, je me le rappelle, une oran-
gerie — en deux sections, par une cloison perforée de quel-
ques trous de moyenne ouverture. Les petites Perruches,
voltigeant comme des arpèges, purent, par ces lucarnes,
circuler d'une section dans l'autre, ce que ne pouvaient faire
les plus grosses. Cette ingénieuse disposition permit de loger
ensemble quelques espèces de taille différente, qui ne se
nuisirent en rien : des Pennant, par exemple, et bientôt des
Aras, des Cacatoès, quand la collection commença à partir
en cadence.
En 1876 ou 71, M. Rousse fit édifier un clavier de volières.
Adossées au mur de clôture du jardin, elles faisaient face au
levant ; et, comme disposition intérieure, elles étaient aména-
gées avec une conception habile des instincts des oiseaux.
Ces volières étaient de deux tons différents. Le premier
modèle, de trois compartiments, comprenait un abri complet,
vitré sur la façade par moitié, l'autre moitié restant ouverte
avec la facilité d'être close par des paillassons au temps des
grands froids. Cet abri mesurait 2 mètres de profondeur, sur
3 mètres de largeur et 3'",25 de hauteur au long du mur du
fond. Ce premier modèle possédait également une partie à
air libre en prolongement de l'abri, mesurant 3 mètres de
profondeur, 3 mètres de largeur et 2 mètres de hauteur. Elle
était grillagée à mailles fines, gazonnée, plantée d'arbustes
et de salades sans cesse renouvelées. On pénétrait dans ces
compartiments par un petit corridor de service circulant
derrière les abris .
Tous ces détails sont bons à faire connaître, Tinstallation
1.2
hEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
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L'A VICULTUBE CHEZ L'ÉLEVEUR. 113
que nous déci-ivons ayant été un Yrai t3^pe d'une facture
spéciale, que devront imiter tous les exécutants désireux
d'éviter un couac.
Le second modèle comprenait six compartiments, dont
chacun possédait un abri complet, fermé entièrement par
une façade pleine à demi-hauteur du sol, éclairée dans la
partie supérieure par un vitrage percé de deux petites ouver-
tures carrées pour le passage des oiseaux. Cet abri mesurait
1 mètre de profondeur. En avant, sur une profondeur égale
de 1 mètre se trouvait un hangar ouvert en façade, mais à
toiture pleine en dessus et cbHure pleine sur les côtés.
Ensuite, venait la partie grillagée à air libre, de sorte que les
oiseaux avaient le choix constant du local où ils éprouvaient
le besoin de se tenir. S'il faisait froid, ils demeuraient à linté-
rieur, bien abrités des intempéries ; par un temps suppor-
table, ils se tenaient sous le hangar, où ils se trouvaient au
grand air, suffisamment garantis contre le soleil, le vent, la
]iluie, le gel. Ou bien, ils avaient le libre parcours de la
partie grillagée, prenant leurs ébats sous l'enveloppe du
réseau protecteur.
Chacun des six compartiments, ainsi disposés, mesurait
3"', 50 de profondeur sur 2 de largeur. Il n'y avait point de
couloir de dégagement. On y communiquait par des portes
pratiquées sur le flanc du hangar ; et, chaque abri fermé
était également muni d'une porte sur la façade.
Ces dispositions étaient admirablement comprises, et la
meilleure preuve des avantages qu'elles présentaient se
trouve dans les succès remarquables obtenus, dans l'élevage
(les Perruches, par notre ingénieux confrère.
M. Rousse put alors procéder à Vandante capricioso, qui
est le régal de l'amateur. Les installations étant prêtes, c'est
(le faire le choix et l'acquisition des espèces qu'on veut y
loger. Les Ondulées, les Calopsittes furent laissés dans cette
orangerie modifiée à leur intention, avec quelques gros psit-
lacidés. Dans les volières nouvelles, on voyait, en 1880, des
Omnicolores,Palliceps, Pennant, Nouvelle-Zélande, Croupion
rouge, Edwards, Swainson, Barraban, Caroline du Sud.
A l'arrivée des oiseaux, on usait, à leur égard, d'un mode
(l'installation particulièrement prudent. Ils étaient tenus
enfermés, durant une quinzaine de jours, dans l'abri entière-
ment clos du compartiuKMit qui leur était destiné. De nuMue,
5 Février 18i(3 8
114 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
pour le premier hiver qu'ils avaient à iVaiichir ; on les rete-
nait dans l'abri pendant toutes les nuits, ainsi qu'au cours
des jours très froids. Ainsi laits progressivement à la tempé-
rature de nos contrées, ces psittacidés devenaient d'une
rusticité extrême et, les années suivantes, tenaient brave-
ment la pédale à toutes les rigueurs du climat, sans en être
incommodés.
C'était là un très bon début sur la scène de l'acclimate-
ment, qui permit bientôt aux reproducteurs de ne pas faire
relâche. Mais ce fut surtout par le mode de l'alimentation que
M. Rousse parvint à conserver ses oiseaux et à les faire repro-
duire. Il exerçait en cela, comme dans l'autre chose, avec un
tact, et si vous voulez, un doigté rem^arquable. Sachant que
les Perruches se nourrissent presque exclusivement de gra-
minées fraîches, au paj'S d'origine, il variait leur ordinaire,
ajoutant aux graines l'herbe, les choux, les salades, le pis-
senlit, le séneçon, le mouron, des fruits divers frais et secs,
des légumes cuits tels que carottes et pommes de terre, du
pain au lait. Il leur distribuait, en été, le froment, l'avoine,
le millet, le maïs en épis verts et laiteux. Elles ne manquaient
jamais de verdure tendre, et, généralement, elles ne s'atta-
quaient à la suprême ressource des graines sèches, qu'après
avoir joué leur grand air sur cette verdure succulente, abon- '
damment distribuée.
Le mystère de leur retraite était aussi très favorable à la
reproduction. On leur offrait deux nids, accrochés au sommet
de Fabri fermé, un à chaque angle, de gros nids creusés
dans des troncs d'arbre, aussi des boites spacieuses, au
milieu desquelles, au fond, était pratiquée pour la pose des
œufs, une légère dépression concave. Elles y entassaient des
brindilles de bois déchiqueté, de manière à s'y faire une cou-
chette bé-molle.
Quant à la provenance de ses reproducteurs, M. Rousse
les prenait un peu partout ; mais il donnait la préférence à
Toiseau d'amateur, l'estimant préférable à l'oiseau d'importa-
tion. Il trouvait le premier tout acclimaté, surtout s'il était
né en France; mais, avait-il, sur ce sujet délicat, entièrement
raison? — Point d'orgue
Je n'ai pas oublié que lors de la visite que je lui fis, vers
1882, il me fit voir un couple de Pséphotes à croupion rouge,
dont il se réjouissait d'obtenir régulièrement deux petits tous
L'AVICULTURE CHEZ L'ÉLEVEUR. ,M5
les ans. C'étaient des sujets achetés chez un amateur qui les
avait vus naître. Deux petits tous les ans ! Mais j'avais alors
un couple de cette même espèce, qui me donnait réguliè-
rement, chaque année, deux nichées de cinq jeunes chacune,
tous très parfaitement élevés. II est vrai que c'étaient des
importés.
M. Rousse avait aussi des importés quelquefois, et comme
rien ne lui résistait, il en obtenait des familles entières.
An commencement de son élevage, les neuf variétés ins-
tallées dans les nouvelles volières ne firent pas florès. Les
Caroline et Barraband ne reproduisaient pas ; les Swainson
se contentaient de fréquenter la bûche, où elles faisaient en-
tendre des fioritures qui n'aboutissaient â rien. Les Palliceps,
les Edwards pondaient des œuls clairs ; les Nouvelle-Zélande
et les Omnicolores donnaient quelques petits. Le premier
beau succès qui fut obtenu vint d'un couple Pennant
M. Rousse l'avait formé, en 1879, d'un mâle âgé de 2 ans,'
acheté â un amateur, et d'une femelle venue de Londres,'
c'est-à-dire récemment importée d'Australie, son pays natal.'
Elle finissait sa mue d'adulte, ce qui prouvait qu'elle avait
été prise toute jeune, excellente condition pour reproduire.
— Dès le printemps de 1880 ce couple Pennant se mit â
l'œuvre ; le mâle témoignait encore quelque froideur, mais la
femelle, dont la bouillante ardeur allait crescendo, l''émous-
tillait â coups de bec et d'ailes, caresses particulières à ce
rnonde-là. Il céda, s'accoupla le 20 avril, et le 3 mai le pre-
mier œuf fut pondu. Il y eut cinq petits qui, poco a poco, at-
teignirent la taille d'adulte et firent honneur â leur extraction.
La reproduction, une fois commencée, se continua avec bi-io
les années suivantes, ce qui permit à M. Rousse de répandre
cette belle espèce â nombreux exemplaires.
En 1881, M. Rousse avait obtenu la reproduction du Lori
royal, dit Perruche à scapulaires, qu'il avait acheté â Voiron,
dans l'Isère. Cet oiseau splendide ne prolifie pas aisément.
Néanmoins il donna deux jeunes qui formèrent un couple,
dont la femelle pondit la première année, alors que cette
espèce n'est ordinairement adulte qu'à trois ans. Pendant
plusieurs années cette rei>roduction se renouvela comme la
précédente, et fut un des plus beaux succès du genre.
En 1882, M. Rousse avait éliminé de ses volièi-es les espèces
improductives, telles que la Barraband, la Caroline. Il les
M 6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
avait remplacées par des sujets nouveaux. Il obtint, cette
même année, la multiplication de la Perruche de Nanday,
orio-inaire de la Patagonie. C'est un assez bel oiseau, vert pre
ave'c la tête noire ; mais quel burleur ! quelle bête a caco-
i.honie ' On se demande comment le maestro, habitue a la
concordance des suaves mélodies, put supporter auprès de
lui la permanence d'instruments aussi discordants. Ces Per-
ruches font entendre, quand on les approche, tous les grin-
cements d'une scierie à vapeur. Il en eut pour la première
Ibis quatre jeunes. Puis, dès l'année suivante, il les fit bisser.
LeVardin d'Acclimatation de Paris s'en fournit chez lui ; et
,'ependant, c'est une espèce à laisser de côté, en raison du
misophone qu'elle porte dans son gosier.
Mais la plus intéressante reproduction obtenue par
M 'Rousse a été celle de la Perruche discolore de Latham,
un oiseau mignon, vert et rouge avec quelques taches jaune
d'or et si gracieux, si doux, doué d'un gazouillement si at-
l--iblè qu'on ne peut rien voir de plus attrayant. Pendant
rhiverde 1880 M. Rousse s'était procuré un couple de ces
iolies Perruches, à Londres, et l'avait installé dans une de
ses volières à clôture vitrée. En 1881, il ne remarqua aucune
velléité d'accouplement. En 1882, la femelle pondit trois œufs
qui donnèrent naissance à trois perruchons. L'élevage réussit
très bien et l'instinct du musicien battant en mesure, au mi-
lieu de cette nouvelle parti. . . ou parturition, il raconta que
. tout le temps que ces oiseaux sont restés au nid, ils tai-
saient entendre, lorsqu'on les regardait, un bruit de crécelle,
semblable à celui qui est particulier aux jeunes Platycerques
\près leur sortie du nid, ils font entendre partois un petit
chant se rapprochant beaucoup de celui du Loriot «. Ceci
était préférable.
Depuis lors, ce couple Discolore donna tous les ans des
ieunes • en 1883, une couvée de cinq ; en 1884, deux nichées,
l'une de trois, l'autre de quatre petits. Les générations nou-
velles laissées avec les auteurs de leurs jours, vivaient en
accord parfait. C'était un vrai plain-chant. Aussi M. Rousse
forma le projet de les réunir en société au temps des couvées,
dans le but de remplacer les Ondulées, qui déjà détonnaient
(l'une façon lamentable (produits nus).
Or donc en 1885, dès février, deux paires Discolores lu-
rent lâchées dans le même compartiment ; mais l'expérience
L'AVICULTURE CHEZ L'ÉLEVEUR. 117
laillit manquer par suite du décès d'un des mâles. Toutefois,
ce mallieur amena une curieuse découverte. Les deux le-
melles furent toutes deux fécondées par le mâle demeuré seul,
qui les visitait tour à tour dans leurs nids respectifs et leur
donnait, en aubade, quelques becquées de son déjeuner.
Elles menèrent à bien, l'une cinq, l'autre quatre perruclions,
qui furent, comme de coutume, élevés avec une grande fa-
cilité. Le problème était donc plus que résolu. La Discolore
de Latham vit et se reproduit en société avec l'ensemble
d'un orcliestre complet ; et il est vraiment fort regrettable
qu'elle soit d'importation si rare, car ce serait plaisir qu'elle
lut plus répandue ; et ce serait facile, étant aussi commune
en son pays natal , que chez nous l'Hirondelle, dont les
Anglais lui ont donné le nom.
Daussi brillants résultats semblaient devoir attacher
M. Rousse â l'élevage. Après avoir essayé un très grand
nombre de Perruches, et parmi les plus rares, la Stanley, la
Multicolore, la Ventre-Jaune, etc., il nous avait donné un
petit manuel assez instructif bien qu'un peu trop succinct —
d'aucuns disaient qu'il avait gardé par devers lui ses meilleures
notes — mais c'étaient sans doute des critiques jaloux. Son
livre contient réellement beaucoup de bonnes choses, sur-
tout en ce qui concerne l'installation et l'alimentation des
Perruches. Le public lui avait fait un excellent accueil. On
pouvait donc espérer qu'il était tout à fait des n(3tres, rivé
aux volières pour jamais ; et c'était une recrue dont nous
n'avions qu'à nous glorifier. — Tout à coup le disque a
tourné. M. Rousse a vendu ses oiseaux, mis le cadenas sur
ses cages... et il est retombé sur ses anciennes amours. Il
m'écrivit alors qu'il désertait l'élevage, pour se consacrer de
nouveau, et exclusivement, à sa chère musique. . .
Cette fugue rappelle le proverbe : Chassez le pas naturel,
il revient en galop !
Je prends la liberté de dire ici, en finissant, que je me suis
moi-même beaucoup occupé de Perruches.
C'est par le goût et l'étude de ces intéressants oiseaux,
pourtant bien fragiles, que j'ai fait mon premier pas, moi
aussi, sur le terrain glissant de l'élevage.
Seulement je n'ai pas voulu employer tous les soins minu-
tieux que M. Rousse mettait à l'installation et à l'entretien de
118 REVUE LES SCÎENXES NATUIiELLES APPLIQUÉES.
ces animaux. Aussi ii'ai-je pas réussi (l"une faron aussi géné-
j-aie. — Je me suis dit que racclimatement devait risquer
quelque chose, que l'éducation dans du coton ne faisait pas
des Perruches, et que si l'on voulait réellement acquérir ces
oiseaux australiens à nos climats, il fallait au moins leur en
faire goûter les avantages et les inconvénients. Consé-
quemnient j'ai repoussé le système des volières à triple tem-
pérature, et j'ai négligé le surcroît de verdure préconisé par
le maître. J'ai perdu beaucoup de sujets, mais j'en ai réussi
pas mal aussi, ce qui m'a donné peut-être un petit mérite de
plus. Dans tous les cas je ne m'en fais pas gloire, et je con-
seille aux débutants d'imiter M. Rousse et pas moi ; leurs
bourses certainement s'en trouveront moins allégées.
Le système de volière que j'avais adopté consistait en un
logis de deux pièces, je veux dire un abri couvert muni d'une
clôture facultative (A du plan), dont on usait seulement par
les très grands froids, et un jardin grillagé, sablé, planté d'un
arbre sec pour perchoir (B du plan). La nourriture consistait
en graines sèches, millet, alpiste, blé, parfois du tournesol ou
du chénevis (surtout pendant l'élevage des jeunes], maïs
bouilli, pâtée au lait, et comme verdure du séneçon fré-
quemment, de la laitue rarement, et des grappes de millet
vert le plus possible.
Quant aux reproducteurs, je les al toujours préférés d'im-
portation, et je me les procurais régulièrement chez Abra-
ham's, à Londres. L'expérience m'a démontré que j'avais
raison de m'en tenir à cette provenance, car si l'oiseau im-
]»orté doit subir une période d'acclimatement qu'on lui fait
fj-anchir très facilement avec des soins, il devient la seconde
année très robuste et très prolifique. Il est juste de dire que
ceux dont le tempérament a été éprouvé sérieusement par la
traversée, et toutes les misères qui l'accompagnent, périssent
invariablement, ce qui produit une sélection convenable;
mais, d'autre part, si les indigènes sont plus résistants à Li
captivité et aux intempéries du climat, ils sont beaucoup
moins reproducteurs étant déjà, par suite de leur origine,
légèrement dégénérés.
Pour donner un tableau d'ensemble et un résumé succinct,
substantiel toutefois, de mon petit élevage de Perruches, je
présente ici un plan de ce que furent les volières destinées à
ce genre d'oiseaux. En voulant bien y porter les yeux, on y
L'AVICULTUEE CHEZ L'ÉLEVEUR.
N.
119
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i20 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
trouvera des numéros qui vont être reportés ici en tète d'ali-
néas, et serviront à indiquer les compartiments dans lesquels
telles et telles espèces ont été retenues captives avec les
résultats qui en ont été obtenus.
1. 2. 3, Volière d'angle fort petite, environ 3 mètres de pro-
fondeur sur 5 mètres d'extension d'un mur à l'autre, dans la
partie la plus large. Au milieu, j'ai toujours eu des Ondulées.
Ce sont même les premières Perruches que j'aie possédées.
En général, c'était alors par elles qu'on débutait. Je n'en ai
jamais obtenu un très bon résultat. La reproduction était
faible quand les nouveau-nés étaient bien venus et bien em-
plumés. Mais dès qu'elle forçait, c'était comme une machine
déraillée. Les petits ne s'emplumaient pas, tombaient du nid
comme des saucisses, et les parents perdaient leurs grandes
plumes, queue et ailes, à la mue suivante. Il fallait tout donner
aux chats des voisins. J'ai dû, cinq ou six fois, renouveler la
race qui, belle et bonne au début, ne tardait pas à dégénérer
et à tomber à rien. Cet inconvénient se présente surtout avec
les indigènes. Les importés se tiennent mieux et plus long-
temps, puis finissent, les femelles surtout, par périr de même.
J'ai eu là aussi des Ondulées jaunes venues de Belgique. Elles ,'
ont reproduit une fois, puis les femelles, que j'ai négligé de
rentrer l'hiver, sont mortes sur leurs œufs à la ponte sui-
vante. Dans le n° 2, j'ai tenu longtemps ma perruche de pré-
dilection, l'Edwards; j'en ai eu beaucoup de petits, au moins
quarante en quatre ans. Un couple de jeunes avait été placé
dans le n'* 3 et donna également des petits, mais beaucoup
moins que les importés, leurs parents. Plus tard, ce n° 3 a logé
successivement des Croupion rouge, des Nouvelle-Zélande,
des Lucien, des Discolores, sans résultat appréciable.
4. Petite volière excellente, exposée au soleil levant et
munie d'un abri vitré entièrement sur chacun des deux côtés,
c'est-à-dire une serre. Longueur totale 5 mètres , largeur
2 mètres. J'y ai conservé plusieurs années un splendide couple
Perruche de Paradis, dont je n'ai eu que des accouplements.
Plus tard un couple Multicolore; la femelle a pondu et couvé
3 œufs clairs. Ensuite des Croupion rouge qui ont pullulé au
point d'en être gênants; des Edward's qui n'ont rien fait de
bon, et dont le mâle est mort atteint du même piquage que les
Ondulées. Ce sont les derniers Edward's que j'ai possédés
C'est une espèce finie; elle n'est plus importée et ne se repro-
L'AVICULTURE CHEZ L'ÉLEVEUR. ]i\
duit plus chez l'amateur. En dernier lieu, j'ai tenu dans cette
sorte de serre un couple de Discolores de Latham, avec les-
quelles j'ai obtenu un succès au moins égal à celui de
M. Rousse. Cette espèce, très douce, a quelque chose de per-
sonnellement attrayant comme l'Edward's ; son chant, sa la-
miliarité, sa fécondité, son joli plumage, la recommandent
largement. Comme l'Edward's, elle a complètement disparu.
5. Ceci est le premier compartiment d'un régime de volières
comprenant 6 locaux de grandeur analogue pour grandes per-
ruches. Le 5 et le 10 étaient â porte vitrée, les autres à baie
constamment ouverte, hiver comme été. Les 5 et 10 mesu-
raient 1 mètre 50 de largeur, les autres 2 mètres. La longueur
totale pour tous était 5 mètres, dont 2 à l'intérieur et 3 au
dehors. Au 5, j'ai tenu successivement plusieurs couples de
Swainson, dont un m'a donné une nichée de deux jeunes.
Stupidement j'ai voulu les déplacer, et dans la volière où je
les ai portés, ils ont péri en deux jours. Ensuite j'y ai mis un
couple Mélanure, dont je n'ai rien eu; ensuite un couple Pen-
nant qui n'a pas produit non plus. Au 6, j'ai possédé un couple
de Platycerques à Ventre jaune, assez rare oiseau qui n'a
rien d'éclatant et dont je me suis défait. Plus tard, j'y ai placé
des Pennant qui ont pondu et couvé des œufs inféconds ; plus
tard, des Perruches de Bauer qui n'ont pas montré de velléité
à se reproduire. Au 7, j'ai mis à plusieurs reprises des couples
de Barnard splendides. C'est une espèce assez difficile à accli-
mater et qui ne prolifle pas chez nous. Je n'en ai rien obtenu
non plus.
Au 8, des PalHceps ont niché â plusieurs reprises. Enfin,
fatiguée, la femelle mourut. Le vieux mâle s'éprit d'une
femelle Omnicolore qui logeait au 9, à côté de lui. Voyant
qu'il la courtisait et lui offrait la becquée â travers le grillage,
je la lui donnai. Leur reproduction fut assez curieuse, mais
d'un plumage moins éclatant que celui des parents, toutefois
dans les teintes gaies.
Au 9, après ces Omnicolores dont le mâle était mort sans
postérité, des Barraband furent logés qui donnèrent, â deux
ans d'installation, trois jeunes oiseaux. Ils furent parfaitement
élevés, et ce fait de reproduction n'est pas commun.
Au 10, il y eut des Jendaya ; plus tard, des Adélaïde;
ensuite, des Bonnet bleu ; puis des Ecaillées, qui ne donnèrent
ni les uns ni les autres aucune reproduction. Il faut croii^p
122 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
que ce sont là des espèces peu communes, et encore fort
peu essayées.
Nous passons au second régime des Yolières , celui (jui
s"ouvre à l'ouest, exposition assez mauvaise en général, et de
laquelle je n'eus ici qu'à me louer. Elle est privée du soleil le
matin, mais elle en jouit toute la journée et jusqu'au soir.
Elle reçoit les coups de vent du sud-ouest, mais elle est abritée
des bises glaciales de l'est, qui sont si fatigantes et si persis-
tantes en hiver.
Au n'5 11, un couple Nouvelle-Zélande donna quelques
jeunes, mais peu robustes, de croissance trop lente. Il fut
remplacé par un couple Omnicolore, venu de chez un amateur
(par exception), et qui, pendant cinq ans, m'a donné, chaque
saison, une nichée de trois petits. Ces Perruches, d'ailleurs
d'importation, étaient d'une beauté et d'un éclat remarqua-
l>les ; ce sont les meilleurs oiseaux, comme reproducteurs,
(jue j'aie jamais eus.
Au n» 12, j'ai logé à plusieurs reprises des Loris royaux,
sans en rien obtenir. Une femelle ardente recherchait le mâle
qui roulait des yeux effrayants à son approclie, mais ne
savait faire que ça. Elle pondit des œufs clairs sur le sommet
du tronc d'arbre qui lui était offert pour nid. Plus tard, un
couple Trichoglosse-Concinnus fut lâché dans cette volière
de grande dimension, et il y prenait de fols ébats. La femelle
pondit et couva trois œufs pendant plus d'un mois. Ils étaient
clairs.
Au 13, j'eus des Erythroptère?^, des jeunes d'abord que je
revendis peu après ; puis un beau couple d'adultes qui repro-
duisit dès la première année, faisant deux nichées de trois
jeunes chacune. C'est ce couple qui m'a valu les lauriers dont
la Société d'Acclimatation a bien voulu me couronner — pour
quelle pacifique conquête — en 1884. La seconde année, la
femelle pondit sur son nid, et non dedans ; je laissai les œufs
en les plaçant dans une boite plate, à fond garni de sciure.
Les petits vinrent, mais ils se jetèrent du haut de leur cin-
(juième étage et se rompirent le col sur le pavé. Ce bon et
excellent couple, vendu à M. Hurel, à Laigle, lui a rap-
porté plus de 2,000 francs , par la quantité de produits qu'il
a donnés et qui ont été très lucrativement placés. Je lui
repris, moi-même, un couple de jeunes. A trois ans, la femelle
L'AVICULTURE CHEZ L'ÉLEVEUR. 4 23
pondit et couva très assidûment quatre œufs que le mâle
n'avait pas fécondés.
Au 14, des Mélanures furent longtemps hébergées, superbes,
vives, gaies, en parfait état. Le mâle donnait ïa becquée à la
femelle. Celle-ci, après l'avoir prise, s'enfuyait misérable-
ment. Aucun résultat.
Au 15, successivement vécurent des Omnicolores mauvaises
qui muururent stériles, des Calopsittes qui nichèrent à
foison, des Nanday qui liurlaient au passage des gens et des
bétes, et que le vol d'une mouche iaisait tomber en épilepsie.
Je voulais les lâcher et les expédier à coups de fusil. J'eus la
chance d'en trouver preneur, huit jours après les avoir ache-
tées. Quel débarras! Enfin, dans ce 15, un splendide couple
Palliceps, composé d'un mâle indigène, né au Mans, et d'une
femelle importée, vécut cinq ou six ans et nicha dès la
seconde année. Il se montra d'une fécondité remarquable. Ses
<lcux nichées étaient, chaque fois, de cinq petits chacune ; et
le père nourrissait encore les aînés groupés sur l'arbre sec
qui leur servait de perchoir, quand déjà il portait a manger
aux nouveaux-nés qu'on entendait vagir ou créceller, selon
le terme euphonique de M. Rousse, sous les caresses de
leur mère, au fond du tronc creux qu'ils avaient pour ber-
ceau. Cette reproduction commençait dès les premiers jours
de février et ne s'arrêtait qu'à la mue, qui survient en
juillet. Cette grande espèce, si recommandable, avec l'Omni-
colore, l'Erythroptère, et parmi celles de taille moyenne, la
Calopsitte, la Croupion rouge, l'Edward's et la Discolore,
Ibrme le clan des Perruches australiennes qui se montrèrent
les plus prolifiques, dans la modeste installation dont je viens
de donner le cliché.
^ On excusera, j'espère, ce petit plaidoyer pro domo, qui a
l'air de venir là comme une guigne sur un banc d'huitres ;
mais, puisqu'il était question de Perruches en ce chapitre!
j'ai pensé qu'il pourrait m'ètre toléré de conter, en quelques
lignes, les efforts que j'ai faits pour la propagation de cette
variété ornithologique, et comment dame Nature m'en a
récompensé.
{A sii.ivre.)
LES BOIS INDUSTRIELS
INDIGÈNES ET EXOTIQUES
Par Jules GRISARD et Maximilien VANDEN-BERGHE.
{ SUITE*)
y
MELIA AZEDARAGH L.
Azédarach, Lilas des Indes.
Melia sempervirens Sw.
— Guineensis Louu.
— Cochinchinensis Roem.
— composita Benth. non Willd.
Afrique portugaise : Bomholo ia n'puto. Annamite (vulg.) : S/Ui dân. (Mand.) :
Chann mou. Hou Ik'n, Xûii lien, Yu-nion. Cochinchine : Faux camphrier.
Faux sycomore. Guadeloupe : Lilas du pays. Arbre saint, Arbre à chapelets.
Hindouslani : Bukain. Indes néerlandaises : Xakera, Kihera, Mmdi. Japon :
Senn-dan, Shen-lien, Sen-yoo-si. Mexique : Arbol paraiso, Lila, Piocha.
Paraiso morado. Paraguay et République Argentine : Paraiso ou Paradisier.
Sanscrit : Maha-nimb. Taiti : Ttra. Tamoul : Mâh'-vtmbou. Télenga : Turka
vepa. Venezuela : Alelî.
Arbre d'une hauteur de 12-15 mètres, sur un diamètre de
40 centimètres environ, dont la tige, droite et rameuse, est
recouverte d'une écorce vert -noirâtre extérieurement ;
feuilles imparipennées, composées de 9 folioles opposées,
ovales, aiguës, serretées, plus rarement incisées ou profon-
dément découpées, luisantes et un peu rugueuses.
Originaire des Indes orientales et de la Chine, TAzédarach
se rencontre aujourd'hui dans toutes les régions chaudes des
cinq parties du monde où il s'est parfaitement naturalisé.
Cette belle espèce, connue dans le midi de la France sous les
noms de « Sycomore, Cyrouenne, Laurier grec, Lilas de la
Perse, Lilas de la Chine», etc., est souvent cultivée dans les
jardins pour la beauté de ses fleurs et l'élégance de son
feuillage dense et d'un beau vert.
(*) Voyez Revue, années 1891, note p. 542; 1892, !"■ semestre, note p. 583,
et 2« semestre, note p. 517 ; et plus haut, p. 2S.
LES BOIS INDUSTlUtlLS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 125
Son bois, le plus souvent de couleur rouge clair, est quel-
quefois jaunâtre et légèrement veiné, plus rarement blan-
châtre. Solide, assez léger, souple et élastique, il est généra-
lement d'une texture assez fine et assez serrée pour recevoir
un beau poli; il résiste mal aux intempéries, mais se conserve
])articulièrement bien sous l'eau et n'est pas attaqué par les
termites. Propre à être utilisé dans quelques constructions,
on l'emploie surtout pour le cliarronnage; sa flexibilité le rend
excellent pour la confection des instruments aratoires, bran-
cards de charrettes, tables d'harmonie, luts pour le transport
des marchandises sèches et divers ustensiles d'économie do-
mestique. En Cochinchine, les marchands de bois le badi-
geonnent parfois avec de l'alcool camphré et le font passer
l)our du camphrier. A la Caroline, on le débite ordinairement
en planches utilisées pour la menuiserie et aux Indes néer-
landaises il est souvent employé pour la construction des
canaux ; la faible quantité de tanin qu'il contient le fait éga-
lement rechercher pour faire les roues batteuses des manu-
factures d'Indigo. Dans le midi de la France, l'arbre atteint
des dimensions suffisantes pour que son bois puisse être uti-
lisé avec avantage dans l'ébénisterie et la tabletterie. Sa den-
sité varie entre 0,545 et 0,886.
Toutes les parties de la plante sont amères et fortement
purgatives ; l'écorce de la racine, inscrite dans la pharmacie
des Etats-Unis, est considérée dans ce pays comme le meil-
leur des anthelmintiques.
MELIA DUBIA CaV.
Melia composita Willd.
— argentea Hans.
— l'obiista RoxB.
— superba Roxb.
Annamite vulgaire : Hâ». dân. Queensland : White Cedar.
Arbre d'une hauteur moyenne de 30 mètres sur un dia-
mètre de 1 mètre, à feuilles longuement pétiolées, impari-
bipennées, composées de 1-2 paires de folioles opposées, à
l>innules opposées entières ou finement crénelées, glabres
sur les deux faces.
Originaire de l'Asie méridionale, cette espèce se rencontre
126 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
en Cochinchine, dans l'Inde, le Concan et à Ceylan ; on la re-
garde aussi comme indigène au Queensland.
Son bois, de couleur rouge Lrun, veiné de rose A'ers le
cœur, est tendre, facile à travailler, mais d'une durée limitée
lorsqu'il est exposé aux intempéries. Très estimé pour l'ébë-
nisterie, sa flexibilité le fait également rechercher pour la
confection de brancards, avirons, etc.; on s'en sert aussi pour
la fabrication de quelques instruments de musique.
L'écorce et les feuilles sont données en décoction comme
vermifuges ; les vétérinaires les prescrivent parfois sous di-
verses formes contre les tranchées ou coliques des chevaux.
Les graines de cette espèce sont oléagineuses.
MELIA JAPONIGA Dox. Azédarach du Japon.
Japon : Sendan, Oori.
Arbre de taille moyenne, à feuilles bipennées, croissant
abondamment au Japon dans les terres sablonneuses culti-
vées du littoral, particulièrement au sud de Kiousiou, où il
atteint ses plus grandes dimensions, ainsi que dans l'Ile de
Nippon et aux environs de Yokoliama et Nangasaki .
Son bois, de couleur rouge brun, est tendre et léger; ses
couches annuelles sont larges et très visibles par suite de la
croissance rapide de l'arbre. Il ne résiste guère à une exposi-
tion prolongée à l'air, mais sa durée est suffisante pour qu'il
liuisse être utilisé dans les travaux intérieurs de menuiserie.
Dans l'île de Kiousiou, dit M. H. Dupont, les Japonais en font
des caisses de tambours ; ceux-ci sont toujours formés d'un
tronc d'arbre creusé intérieurement, dont on recouvre chaque
extrémité avec une i)eau rabattue et clouée.
Comme les diverses espèces appartenant à ce genre, l'Azé-
darach de Japon produit de nombreux bouquets de fleurs qui
rappellent assez le Lilas d'Europe, tant par leur couleur que
par leur parfimi doux et agréable.
Nous mentionnerons encore dans ce genre :
Le Melia Banibolo Welw mss. (Afrique portugaise : Bom-
hùlo.) C'est un grand et bel arbre forestier, à cime large et
dilatée, qui se rencontre assez fréquemment dans les posses-
sions portugaises de l'Afrique. Son bois, léger, assez résis-
tant et d'un travail facile, est employé dans son pays d'ori-
gine pour la fabrication d'objets variés utilisés dans l'économie
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 127
domestique. En outre, ce bois donne lieu à une industrie
spéciale et intéressante, localisée dans une partie du district
de Golondo Alto, et qui consiste dans la confection de petites
caisses qui sont l'objet d'un trafic assez lucratif pour ceux qui
exécutent ce genre de travail assez primitif.
OWENIA CERASIFOLIA F. Muell.
Colons anglais de l'Australie : Sioeet plum.
Petit arbre d'une hauteur moyenne de 10 mètres, sur un
diamètre de 25-40 centimètres, très ornemental, à feuilles
composées de 6-10 folioles obliquement ovales-oblongues,
obtuses, glabres en dessus, pubescentes en dessous, croissant
spontanément au Queensland.
Son bois, d'une belle couleur rouge foncé, agréablement
veiné, est dur, d'un grain fin et serré lui permettant de
prendre un très beau poli. Excellent pour les ouvrages de
tour, il convient aussi admirablement aux travaux d'ébénis-
terie et de tabletterie, et forme même, pour la colonie, un im-
portant article de commerce avec la Chine.
h'Owcnia venosaF. Muell. {Sour phcm des colons anglais)
est un arbre de dimensions moyennes, commun au Queens-
land dans les taillis des Brigalows, dans le district des Dar-
ling Downs. Son bois, rouge, dur, solide et très résistant, est
susceptible d'être utilisé avec avantage dans la construction
pour petites charpentes, solives, chevrons, etc., ainsi que
pour le charronnage, le tour et autres objets divers. Le fruit
contient une pulpe légèrement acide, saine, qui est mangée
avec plaisir par les indigènes.
SANDORIGUM INDIGUM Cav.
Mangoustan sauvage.
JHelia Koetjape Brown.
Sandoi'icum nervosum Bl.
— Ternatum Blango.
Trichilia nervosa Valh.
Anglais : Sandal-tree. Annamite : San dûn. Birmanie : Thitto. Javanais : Sonlol,
Kikatjapir. Malacca : Suntool outan. Malais : Kitjapi, Kctjapi. Sondanais :
Hen (ocl, Katjapie.
Bel arbre d'une hauteur de 25 mètres environ, sur .un dia-
mètre moyen de 00 centimètres, à feuilles alternes, longue-
128 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
ment pétiolées, composées de 2 à 3 folioles amples, ovales,
acumlnées, entières, lisses en dessus, tomenteuses en dessous.
Originaire des Indes orientales, on le rencontrti en Cocliin-
chine, à Penang, Siam, Malacca, Java, Bornéo, les Moluques,
Liiçon, etc., ainsi qu'aux îles Maurice et de la Réunion.
Son bois, d'un blanc olivâtre ou gris-brun, quelquefois très
joli, est très tendre, d'un grain moyen, assez résistant et ne
se fend pas en séchant. Employé quelquefois dans la construc-
tion et pour la fabrication des meubles, on le débite plus sou-
vent en madriers et en planches pour la menuiserie et la con-
fection des caisses d'emballage ; on en fait aussi des chaloupes
et des charrettes.
Le fruit, appelé Mangouste sauvage, est une baie charnue,
de la grosseur et de la forme d'une orange, marquée de côtes
larges, mais peu saillantes ; les graines sont entourées d'un
arille pulpeux, blanchâtre, fondant, fortement acide et géla-
tineux, d'une saveur légèrement alliacée, que l'on peut manger
cru, mais qui est peu estimé. Préparée en conserves avec du
sucre, cette pulpe sert à faire des gelées, des confitures et des
sirops astringents et très rafraîchissants, dont on fait usage
contre la diarrhée.
L'écorce de la racine est aromatique, stomachique et anti-
spasmodique; ses propriétés astringentes la font également
employer à Java, mélangée à l'écorce du Carapa obovata,
l>our combattre la leucorrhée.
Le Sandorîcum Harmandianum Laness. est un arbre
forestier de Cochinchine qui fournit un bois plus dense et
d'une durée plus longue que celui de l'espèce ci-dessus.
Le Santoe-hodie de Sumatra est une espèce indéterminée
du même genre, dont le bois est utilisé dans les constructions
indigènes.
SOYMIDA FEBRIFUGA A. Juss.
Cedrela febrifuga Roxb.
Htoietenia febrifuga Roxb.
— Soytnida Dunc.
— rubra Rottl.
Anglais : East ludian Mahogany. Bengali : Rohn, Rohm, Sohn.
Hindoustani : Rohuna,
Bel arbre d'une hauteur de 20 à 30 mètres dont le tronc est
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGENES ET EXOTIQUES. 129
recouvert d'une écorce rugueuse, épaisse, fibreuse, noirâtre
extérieurement, d'un rouge assez vif en dedans. Feuilles
alternes, composées ordinairement de six paires de folioles
ovales-oblongues, obtuses, lisses et luisantes.
Originaire de l'Asie, cette espèce croit assez abondamment
dans les forêts montagneuses des régions centrales et méri-
dionales de la péninsule indienne.
Son bois, d'un rouge éclatant, est solide, très durable,
incapable de jouer et de plier. Très estimé pour les construc-
tions, il convient admirablement aux travaux d'ébénisterie
et pour la confection des panneaux destinés à recevoir des
peintures à l'huile. Cette essence est fréquemment employée
dans l'Inde pour la sculpture des diverses figures placées dans
les pagodes. Ce bois, appelé Bastard cedar par les colons
anglais, constitue un article de commerce assez considérable
dans rinde et que l'on exporte aussi en Angleterre sous le
nom de Red-iuood de Coromandel.
L'écorce est inscrite dans la pharmacopée de l'Inde comme
tonique astringente; on la regarde comme utile dans les fièvres
intermittentes, la période avancée de la dysenterie et de la
diarrhée, ainsi que dans les cas de débilité générale. Son prin-
cipe actif est dû à une substance résineuse, presque incolore,
soluble dans l'alcool et l'éther, peu soluble dans l'eau, déter-
minée par Broughton. L'écorce de Soymida a été introduite
dans la pratique médicale des Européens sur les indications
de Roxburgh qui la préconisa comme succédané du Quinquina.
SWIETENIA MAHOGANY L.
Acajou à meubles, Mahogany, Cèdre des Antilles.
' Cedrus Mahogany Mill.
Allemand : Maha/joiiibaum. Amérique espagnole et Espaf^ne : Caoba. Anglais :
3Iahoga7iij trce. Hollandais : jMahônijbootn, Nieuivbladboom. Italiea : Acaju.
Jamaïque : Curlet mahotjanj/. Mexique : Rosadillo, Tepoimstli, Caobo, Zopi-
lotl, Zopiloquahwitl, TzopilothontecoMitL Portugais : Acajû.
Grand arbre d'une hauteur moyenne de 20 mètres, consi-
déré avec raison comme une des plus belles essences fores-
tières des régions tropicales; tronc droit et élevé, couvert
d'une écorce cendrée glabre et lisse, atteignant jusqu'à 3 mèires
et plus de diamètre à la base. Feuilles pennées, composées de
5 Février 1893. 9
130 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
8 folioles opposées, brièvement pétiolées, ovaUs -lancéolées,
acuminées, entières, obliques à la base, siibcoriaces, épaisses,
luisantes, d'un vert rougeâtre caractéristique.
Originaire des parties chaudes de l'Amérique, le Swietenia
Mahogany se rencontre aux Antilles, au Mexique, à la Flo-
ride, etc., où il se plaît surtout dans les terrains fermes, durs,
secs, rocailleux et même rocheux. Les arbres qui se déve-
loppent dans les sols humides, sur le bord des cours d'eau, ont
ime croissance plus rapide, mais ils fournissent un bois plus
tendre et moins bien veiné. Cette espèce croît toujours isolé-
ment au milieu des lianes et des autres essences et ne se ren-
contre jamais en groupes ni en bouquets.
L'Acajou, si célèbre par sa beauté et ses qualités, est un bois
rougeâtre d'une teinte claire, mais devenant très foncée et
même presque noire par une longue exposition à l'air; il n'est
pas rare de le trouver nuancé agréablement de veines fines
ou très larges, le plus souvent ondulées, ou encore semé de
taches rondes ou ovales dues à la présence dans le bois d'un
grand nombre de nœuds dont la couleur, tantôt sombre, tant(3t
claire, tranche sur la teinte du fond. Assez dur, d'une texture
compacte, d'un grain fin et très serré, l'Acajou est susceptible
du plus beau poli. Solide, tenace, presque incorruptible lors-
qu'il n'a pas à supporter des alternatives de sécheresse et
d'humidité, il constitue une des matières premières les plus
importantes utilisées dans l'industrie du meuble. Quoique son
emploi ait quelque peu diminué dans ces derniers temps, il
n'en reste pas moins un des bois les plus recherchés pour la
menuiserie de luxe, l'ébénisterie, la tabletterie et la marque-
terie. On l'emploie soit massif, soit en placage, pour recouvrir
des bois plus communs. Malgré sa solidité, l'Acajou se prête
mal à la sculpture et se casse assez facilement sous la gouge;
aussi doit-on se contenter d'exécuter des travaux assez large-
ment traités, car il serait pour ainsi dire presque impossible
d'obtenir avec ce bois les détails légers et délicats qui donnent
la valeur artistique aux meubles de style. Avant l'introduction
de l'art métallurgique dans l'architecture navale, l'Acajou
était largement utilisé par les Anglais et les Américains des
Etats-Unis pour la construction de leurs navires, mais c'est
encore avec ce bois que se font en partie les diverses embar-
cations de plaisance. En Angleterre, on s'en sert aussi pour
le montage des métiers à tisser, et en France pour la fabri-
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 131
cation des appareils électriques bien qu'il soit inférieur au
Teck et même au Noyer, sous le rapport des conditions de
conductibilité.
Les Acajous d'ébénisterie sont ordinairement classés, d'a-
près leur provenance, en Acajou de Haïti, de Honduras, de
Cuba, de Yucatan, de Cayenne et du Sénégal (1).
L'Acajou de Haïti est le plus estimé ; il est d'un rouge vif.
d'un grain fin et serré, et sa densité varie entre 0.750 et 0.950.'
Son prix élevé le fait réserver pour l'ébénisterie de luxe. Il
arrive en billes équarries sous le nom de Mlles canoiis, longues
de 2 mètres 50 à 3 mètres, sur 40 à 70 d'équarrissage.°Les
Mlles- fourchues livoyiemiewt de l'endroit où l'arbre se ramifie
en présentant des dessins variés ; leur bois est plus recherché
et se désigne sous le nom (['Acajou ronceux, ces billes sont
de plus faibles dimensions.
Les Acajous de toute provenance, appelés « Bois d'Acajou,
Acajou vrai, Bois de Mahogony, Mahononi, Mahogon, Mahony'
Bois d'Amaranthe, etc. (2), se qualifient dans le commerce
(1) Nous ferons remarquer à ce sujet que plusieurs de ces bois
portant commercialement le nom à' Acajou, n'appartiennent pas tou-
jours a la même espèce, mais bien quelquefois à des arbres de genres
différents. ^
i: Acajou du Honduras est fourni par une espèce indéterminée du
genre Swietenia ; c'est un des meilleurs après celui d'Haïti, mais il
est plus difficile à travailler. Ou le reconnaît à sa couleur rouge paie
qui ne brunit pas avec le temps. Son prix, relativement peu ëleve
permet de l'employer dans la marine.
V Acajou de Cuba vient de Pespéce; il est plus lourd que celui de
Ilaiti, mais ses fibres sont plas grosses et sa couleur moins belle
e.elui qui est importé en Europe est souvent vendu frauduleusement
romme bois de premier choix.
L'Acajou du Yucatan ayant pour origine une variété du S. Mahoaann
est une qualité inférieure offrant quelque analogie avec celle du Hon-
duras.
i: Acajou de Cayenne est le « Bois d'amaranlhe » attribué par Quel-
ques auteurs à un Cedrela, mais que nous croyons plutôt devoir repor-
ter au Sv-ietema. ^
lensit^'"'^'"' '''' ^'"'^"'^ "'' d'Afrique est le Caïlcedra (Aliai/a Seuega-
V Acajou a planches ou Acajou femelle est un bois rougeatre, léger
résineux et amer provenant de plusieurs espèces du ^^ome Cedrela
l^ Acajou ou CaôOano du Venezuela est une variété d'Acajou de qua-
lité inférieure que l'on emploie surtout pour planches et madriers.
(2) Le bois d'Amaranthe rouge de la Guyane ou Acajou de Cayenne,
132 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIO7EES.
d'après la disposition des veines ou des nodosités qui forment
à la surface les différents dessins auxquels ils doivent en
partie leur valeur et qui leur font donner les noms d'Acajou
uni, veiné, moiré, flambé, chenille, moucheté, tigré, rubané,
panaché, etc., qui en indiquent suffisamment l'aspect.
L'écorce de S. Mahogony est amère, astringente et tonique;
elle est usitée aux Antilles contre les ffèvres intermittentes
peu intenses.
Le Stoietenia Angolensis Welw. (Afrique portugaise : Qui-
baba da Quêta) est un arbre de grande taille et d'un fort dia-
mètre, croissant principalement sur les versants des monts
de Quêta. Son bois, de couleur rouge oa rougeâtre, de bonne
qualité, est encore peu connu et mériterait certainement d'at-
tirer l'attention des industriels et surtout des exploitants.
TRIGHILIA CATIGUA A. Juss.
Moschoxylon Catigua A. Juss.
— affilie A. Juss.
TrichiUa affinis A. Juss.
Brésil : Catiguà, Catagoâ. Paraguay : Caà-tigiiâ. République Argentine: Catigiiâ.
Arbre de dimensions moyennes dont le tronc acquiert en-
viron 50 centimètres de diamètre, à feuilles pennées, com-
posées de 5 à 7 folioles alternes, oblongues-elliptiques, lé-
gèrement inégales à la base , très répandu au Brésil , au
Paraguay- et à la République Argentine, surtout dans la pro-
vince des Missions.
Son bois, rouge, assez compact, solide, est employé tlans la
construction; sa flexibilité le fait également utiliser pour la
confection des brancards de charrettes.
L'écorce, appelée ylc/«ii^ au Brésil, est riche en tanin et
s'emploie surtout pour la teinture, à laquelle elle fournit des
nuances variant du jaune orangé intense au rouge et au violet.
est un bois lourd et ccympact, d'une belle couleur rouge uuiforme
devenant d'un brun rougeàlre après avoir été poli. On l'emploie
comme l'Acajou et pour les ouvrages de tour.
Le bois d'Amaranihe violet est une autre sorte commerciale de bois
et provient de plusieurs espèces du genre Copaïfera, du Brésil et de
la Guyane, dont nous aurons à nous occuper dans la famille des Lé-
gumineuses.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 133
FAMILLE DES OLAGINÉES.
Les Olacinées sont des arbres ou des arbrisseaux dressés,
quelquefois grimpants, rarement sous-frutescents, inermes
ou épineux, glabres ou munis de poils rares. Leurs feuilles
sont généralement alternes, simples, très entières, dépour-
vues de stipules, assez souvent lisses et coriaces.
Ces végétaux sont dispersés sur tous les points du globe,
entre les tropiques ; on en rencontre aussi dans l'Australie
extratropicale. Cette famille renferme peu de bois intéres-
sants, quelques espèces sont astringentes, mais d'un emploi
presque nul en médecine. Un petit nombre donnent des fruits
comestibles et des semences oléagineuses.
ANISOMALLON GLUSI-ffiFOLIUM H. Bn.
Arbre forestier à cime dense et à rameaux anguleux, dont
le tronc est recouvert d'une écorce blanche, lisse, mince
dans les jeunes arbres ; feuilles alternes, assez amples, ovales
allongées, acuminées, épaisses, coriaces, très luisantes en
dessus, finement ponctuées de noir en dessous.
Cette espèce, croissant spontanément dans les sols ferru-
gineux de la Nouvelle-Calédonie, fournit un bois blanc et
mou, se travaillant aisément, mais de mauvaise qualité et se
pourrissant rapidement ; son emploi principal ne consiste
guère qu'à fabriquer des caisses d'emballage et des planches
communes.
HEISTERIA COGGINEA Jacq.
Anglais : Partrid(je-vwod, Partridgc pea. Guadeloupe : Bois perdrix,
Bois de perdrix. Fois perdrix.
Arbre de petite taille , ne dépassant guère plus de
5-7 mètres, à feuilles elliptiques, oblongues, arrondies à la
base, croissant spontanément aux Antilles.
Son bois, d'un gris un peu brunâtre, parsemé d'une multi-
tude de petits points blanchâtres très apparents sur une
coupe transversale un peu oblique, est dur, compact, d'un
gris très fin lui permettant de recevoir un poli très brillant.
Convenant admirablement aux ouvrages de tabletterie et de
134- REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
marqueterie et autres petits travaux de luxe tels que la
confection des bois d'éventails, il présente tous les caractères
du Bois de pet^drix du commerce, fourni par plusieurs arbres
de la famille des Légumineuses, notamment par diverses
espèces du genre Andira.
Ses petits fruits charnus procurent une nourriture abon-
dante aux pigeons et autres oiseaux, d'oii son nom vulgaire
de « Pois perdrix ».
OLAX WIGHTIANA Wall.
Olax psittacorum Vahl.
Fissilia j^sittacoram Lamk.
Maurice et Réunion : Ecorce blanc. Bois de perroquet. Perroquet
à petites feuilles rouges.
Arbre de petites dimensions, à feuilles alternes, ovales,
oblongues ou lancéolées, entières, originaire des îles Masca-
reignes.
Son bois, blanchâtre, à grain moyen, est assez dur, très
flexible, mais cassant et peu résistant à l'humidité ; on s'en
sert le plus souvent pour mâts d'embarcations et aussi pour
quelques travaux abrités demandant peu de volume. Sa
densité, après une année de coupe, est de 0,688.
STROMBOSIA JAVANIGA Bl.
Sondanais : Kilicitjang, Kihatjang laiit, Kiketijiip, Koyop, Kilaoet.
Arbre d'une hauteur de 20 mètres environ, inerme, à
feuilles alternes, oblongues, acuminées, glabres et luisantes,
croissant naturellement à Java et dans les régions monta-
gneuses des autres îles de la Sonde.
Son bois, d'une densité moyenne et d'une texture fine et
assez compacte, est très durable, inattaquable par les termites
et résiste bien aux intempéries; il est peu sujet à se fendre
parce que sa dessiccation ne s'opère que très lentement. Les
insulaires s'en servent pour construire leurs habitations,
ainsi que pour faire des pieux et des pilotis d'une longue
conservation lorsqu'on a soin de ne pas écorcer la partie qui
doit être enterrée.
L'écorce est usitée dans la médecine indigène.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 135
XIMENIA AMERICANA L.
HeymassoU spinosa Aubl.
Ximenia muUiflora Jacq-
Amérique du Sud : Âlvarillo del campo. Anj^lais : False Santal-ioood. Angola :
Mvliinge. Annamite : Câi/ tao. Brésil : Ameixa ; le l'ruit : Ameixa-da-terra.
Congo (l'ruilj : Gangi. Cuba : Yaiia. Guadeloupe : Oranger des falaises, Pru-
nier êj'inettx. République Argentine : Albaricof/ne, Alharillo ou AhrihoqvAlla
del campo. Trinité : Sca side plum. Zambèze : Vmpeque.
Arbrisseau ou arbuste épineux, d'une hauteur de 2 mètres
environ, à feuilles alternes, entières, ovales - oblongues,
légèrement écliancrées ou mucronées au sommet.
Originaire des régions tropicales de l'Amérique, cette
espèce croît au Mexique, à la République Argentine, à la
Trinité, à la Floride, etc. ; on l'observe également en Cochin-
cliine, dans l'Inde, dans l'Australie et sur la côte occidentale
de l'Afrique, au Sénégal, au Congo, à Angola et au Zambèze.
Son bois, de très faibles dimensions, est jaunâtre, dur,
serré et odorant ; il offre une certaine analogie avec le Santal
auquel on le substitue quelquefois pour la fabrication de
menus objets d'ameublement généralement faits au tour.
Le fruit est un petit drupe oblong, de la grosseur d'une
prune, se composant d'un épicarpe jaune, mince, d'une
saveur amère et astringente , et d'une chair pulpeuse, d'un
goût acide et un peu âpre, mais non désagréable. Il possède
des propriétés purgatives marquées lorsqu'il est cru, aussi,
est-il plus recherché pour la confection de confitures, de
conserves à l'eau-de-vie et pour quelques articles de confi-
serie. Le noyau renferme une amande blanche, bonne à
manger et dont les nègres de l'Afrique retirent une huile
douce qu'ils utilisent comme aliment et conmie cosmétique.
L'écorce et la racine sont employées pour le tannage et la
teinture en brun clair ; les feuilles sont purgatives.
Le Ximenia Americana se recommande pour la plantation
des haies, tant par son feuillage élégant que par ses fleurs
qui possèdent une agréable odeur de girofle et d'oranger.
[A suivre.)
II. EXTRAITS DES PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ,
SÉANCE GÉNÉRALE DU 6 JANVIER 1893.
PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-IIILAIRE, PRÉSIDENT.
Le procès- verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Secrétaire procède au dépouillement de la corres-
pondance.
— MM. Bocquentin et Montillot adressent des remercie-
ments au sujet de leur récente admission dans la Société.
— M. E. Paillard demande à recevoir en cheptel divers
oiseaux aquatiques.
— M. Trempé écrit d'Hyères (Var), à M. le Président :
« Je croyais qu'il y avait une loi défendant la chasse aux petits
oiseaux? Je rencontre ici. en me promenant, beaucoup de chasseurs
qui, n'ayant pas d'autre gibier, il est vrai, ne font que la chasse de
ces aides de l'agriculture. Je vous ferai remarquer qu'un habitant m'a
dit qu'il y avait, dans la localité, huit cents permis réguliers et autant
chassant sans, cela sous toutes réserves.
» Comment se fait-il que M. le Préfet autorise celle chasse s'il y a
une loi qui la défende? »
— M. Bougère, d'Angers, demande quelle est l'origine du
Poulet Capucin ?
M. le Secrétaire fait observer, qu'à sa connaissance, du
moins, il n'existe pas de race galline ainsi dénommée.
— M. Froissard, de Douai, sollicite l'envoi de renseigne-
ments complémentaires sur le foin de fagots, dont a parlé la
Revue de décembre dernier.
Nous avons signalé à notre confrère un mémoire très
étendu publié par M. Ch. Girard, en 1892, dans les Annales
agronomiques.
— M. le comte de Galbert demande à prendre part à la ré-
partition des œufs de Truite saumonée, annoncée par la
Société, et il ajoute :
« J'ai, depuis trois jours, quatre mille petites Truites e'closes avec
un succès incroyable. Ma réussite de l'an dernier a e'té exception-
nelle et j'en espère une semblable cette anne'e.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 137
» D'ici deux ans, je serai, en mesure, non seulement de me re-
monter moi-même seul, mais encore de fournir aux personnes qui
en de'sireraient une certaine quantité d'œufs. »
— M. le Secrétaire rappelle que la mise en valeur des ter-
rains salés est une des questions qui occupe à juste titre notre
Société, et à maintes reprises elle a pu faire d'importantes
distributions de plantes halophiles, grâce au généreux con-
cours de M. le baron von Mueller,
Mais, jusqu'à ce jour, aucun travail d'ensemble na été fait
sur ces végétaux pourtant si intéressants.
L'un de nos collaborateurs, M. Vilbouclievitch, que l'im-
portance et la nouveauté du sujet avaient séduit, vient de
préparer pour notre Revue un mémoire dans lequel il a con-
signé le résultat de ses premières études. — Ce travail est
déposé sur le bureau.
— M. le Président annonce à l'assemblée que notre con-
frère, M. Vacher, a bien voulu offrir à la Société dix à douze
mille œufs embryonnés de Truite de l'Iton : ils seront mis à
la disposition des membres qui en feront la demande.
— M. Raveret-AVattel appelle l'attention de la Société sur
un récent rapport de M. Octave Péan, administrateur de
Sainte-Marie de Madagascar.
Ce rapport signale les importantes plantations de Caféier
faites par M. Deroux. Commencées sur une petite échelle et
augmentées graduellement, ces cultures occupent actuelle-
ment une étendue de 220 hectares, qui seront, dans quelque
temps, en plein rapport. Les succès obtenus par M. Deroux lui
ont valu des imitateurs et aujourd'hui le Caféier est cultivé
par un certain nombre de colons. — Renvoyé à l'examen de
la Commission des récompenses.
— M. le Président dépose sur le bureau un mémoire de
M. Ernest Bergman, secrétaire général adjoint de la Société
d'horticulture, sur les Orchidées de semis.
— M. J. Grisard donne lecture, au nom de M. d'IIamon-
ville, d'un rapport au Conseil général de Meurthe-et-xMoselle
sur la chasse aux petits oiseaux.
— A propos de cette communication, M. Pichot signale un
fait intéressant qui se passe en ce moment en Ecosse, où
l'cgne une invasion de Campagnols et de Mulots tellement
'138 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
considérable qu'elle est déyeniie une véritable inquiétude
pour les propriétaires fonciers. Le gouvernement lui-même
s'en est ému et des enquêtes qu'il a ordonnées est résulté une
singulière constatation. On se rappelle dans quelles gigan-
tesques proportions s'est reproduit le Lapin introduit en Aus-
tralie, il est devenu un fléau. Parmi les moyens employés
pour en réduire le nombre, le plus sage et le plus pratique a
paru être la destruction du Lapin par ses ennemis naturels.
De grandes quantités de Putois, Fouines, Hermines, Belettes,
etc., ont donc été demandées en Angleterre. Or, beaucoup de
propriétaires écossais prétendent que la multiplication des
Mulots a justement coïncidé avec ces exportations. Quoi qu'il
en soit le gouvernement anglais Tient d'envoyer une mission
en Grèce afin d'y recueillir le bacille du typhus qui sévit en
Tliessalie sur les Souris et les fait périr en grand nombre.
Il parait que ce typhus se développe avec une extrême rapi-
dité et qu'en peu de temps les Souris sont toutes atteintes et
viennent mourir à la surface du sol. Ce bacille a été cultivé
l'année dernière à l'établissement bactériologique d'Athènes
et de là on l'a répandu en Tliessalie en grande quantité, au
moyen de petits morceaux de pain trempés dans cette cul-
ture et répandus ensuite dans les champs infestés, le résultat
obtenu a été absolument concluant.
— M. Hédiard signale l'intérêt que présente la culture du
Cognassier de Chine {Cydonia Sinensis) en Algérie. Son
fruit très parfumé sert à faire des compotes et des confitures ;
notre confrère en a aussi obtenu une excellente liqueur ; une
pâte agréable est soumise à l'appréciation des membres pré-
sents.
L'Algérie pourrait, du reste, fournir un grand nombre
d'autres fruits exotiques, mais, jusqu'ici, on ne paraît pas
encore avoir suffisamment compris l'intérêt de ces cultures.
Cependant, la consommation qui s'en fait à Paris devient
d'année en année plus considérable. C'est ainsi que les
Cherimoyas qui, autrefois, étaient presque inconnus à Paris,
s'y rencontrent fréquemment; il est arrivé, cette année, deux
à trois mille de ces fruits ; les Bananes, qui se consommaient
peu, se vendent par milliers de régimes chaque année; la
Chayotte commence aussi à être très connue, c'est un excel-
lent légume très apprécié des créoles, etc.
PROCES -VERBAUX DES SÉANCES D£ LA SOCIÉTÉ. 139
Mais la question de production n'est pas tout, il y a encore
celle du transport. Il laut des soins minutieux pour que les
fruits arrivent en bon état de conservation.
Notre collègue veut bien promettre une note indiquant
l'importance de certains fruits exotiques et signaler le mode
d'emballage qui convient à chacun.
— M. Bertlioule fait une communication sur l'Olafs fjord
d'Islande.
— A cette occasion, M. Raveret-Wattel présente d'intéres-
santes observations sur les aptitudes que présentent certains
poissons d'eau salée à vivre en eau douce et réciproquement.
Pour le secrétaire des séances,
Jules Grisard,
Secrétaire du Comité de rédaction.
III. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER.
Les parcs à Daims de l'Angleterre.
Aucun pays du monde ne paraît plus favorable que la France à
l'e'levage du gibier, et cependant nous sommes oblige's de constater
chaque année la diminution de la faune sauvage qui pourrait être
une source de richesse et un appoint important dans l'alimentation
publique, si sa multiplication était savamment dirigée et soigneuse-
ment re'gle'e comme en Allemagne ou dans la Grande-Bretague. Les
transformations de l'agriculture et les progrès de la civilisation ren-
dent évidemment chaque jour plus difficiles les conditions d'existence
à l'e'lat libre du gibier, grand et petit, au milieu de noire re'seau de
voies ferre'es et de fils te'le'graphiques; mais pourquoi n'assurerait-on
pas, pendant qu'il en est temps encore, la conservation de nos espèces
sauvages par la cre'ation de re'serves dont les parcs à Daims de l'An-
gleterre sont de pre'cieux exemples. Là, dans des milieux favorables à
la reproduction, nos grands fauves pourraient prospe'rer, et, mis en
coupe re'glée, comme ils le sont en Angleterre et en Allemagne, nous
dispenser d'une partie du tribut que nous payons de ce fait à l'étran-
ger, tandis que, livrés à eux-mêmes, pourchasse's et tracassés de mille
manières, c'est à peine s'ils peuvent encore fournir aux plaisirs du
petit nombre des favorisés de la fortune.
Les parcs à Daims de l'Angleterre sont de très haute antiquité et
datent, pour un grand nombre, de la conquête normande. Ce sont de
vastes enclos de pâtis, de murs et de fossés qui furent dès l'origine des-
tine's à mettre le grand gibier à l'abri du braconnage et à le tenir cons-
tamment sous la main de son proprie'taire. Dans plusieurs on remarque
encore des traces de saut-de-loup permettant au gibier sauvage d'y
entrer, mais non pas d'en sortir. C'est au milieu de ces parcs que se
sont dresse'es les somptueuses habitations de l'aristocratie anglaise,
qui, essentiellement pratique même dans ses plaisirs, exploite aujour-
d'hui le fauve, qui s'y est multiplié, aussi industriellement que toute
autre production du sol. Les espèces qui trouvèrent d'abord un abri
dans les parcs furent nombreuses ; plusieurs ont disparu par l'élimina-
tion naturelle des types primitifs inconciliables avec la civilisation, et
on n'y rencontre guère plus aujourd'hui que le Daim et le Cerf. En
1867, M. Evelyn Shirley a publie' une intéressante histoire des princi-
paux parcs à Daims de l'Angleterre {Deer of deer parks), mais ce tra-
vail, qu'on ne trouve plus* que dans les collections de quelques biblio-
philes, vient d'être remis en lumière par M. Whitaker, qui a publie' à
son tour un catalogue raisonne' de ces enclos privilégiés {A descrip-
tive lisi of deer-parks and paddocks of England). La liste que publie
M. Whitaker est-elle complète? Peut-être pas, quoiqu'il ait consacré
plusieurs anne'es à son investigation ; mais toujours est-il qu'il nous
CHROiXlQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE -MER. 141
présenLe un catalogue de 395 parcs où les Daims et les Cerfs sont
entretenus en quantités variables, donnant au recensement un total
de 68,331 têtes do Daims et de 5,477 têtes de Cerfs.
Le comté d'York est do beaucoup celui où les parcs sont les plus
nombreux, quoique le Gloucestershire, le Staliordshire,- le Northam-
tonshire et le Sussex le suivent de près, et c'est dans le Susses que
nous trouvons la plus grande surface de sol enclos consacre' à l'e'levage
du fauve. Le plus grand parc de l'Angleterre est Savornake au mar-
quis d'Ailesbury, dans le Wiltshire, qui mesure 4,000 acres d'étendue;
il renferme un troupeau de 600 Daims et 120 Cerfs. Viennent ensuite:
Windsor à S. M. la Reine, 3,000 acres, 1,000 Daims, lÛO Cerfs; —
Knowslex, au comte de Derby, 2,600 acres clos de murs, dont 450
seulement sont aménagés pour contenir environ 200 Daims et
230 Cerfs ; — Eridge, dans le Sussex, au marquis d'Abergavenny, le
plus ancien parc de l'Angleterre, le seul qui soit mentionné dans le
Booms daij bool, comme contenant déjà des Daims ; il en nourrit 400
aujourd'hui et 100 Cerfs; — Duncombe park dans le Yorkshire, au
comte de Feversham, contient 320 Daims et 300 Cerfs sur une surface
de 2,240 acres ; — Blenheim, au duc de Marlborougb, dans l'Oxfordshire,
quoique mesurant 2,254 acres, ne possède qu'une barde de 40 Cerfs.
Les différentes espèces ou variétés de Daims et de Cerfs sont repré-
sentées dans les parcs anglais. L'espèce la plus commune, le Daim,
qui y paraît avoir étc introduite par les Romains, car le Daim n'est
pas un animal autochtone dans la Grande-Bretagne et il se trouve en-
core à l'état sauvage dans quelques forêts, comme la New-Forest, où
furent mis en liberté, sous Jacques F% des Cerfs importes de France.
Ces Daims sauvages et les Cerfs sauvages que l'on trouve dans
certaines localités, dans le Devon et Somerset, par exemple, où
M. Charles Basset estime leur nombre à 250, sans compter les Cerfs
des montagnes d'Ecosse, ne sont pas compris dans le recensement de
M. Whitaker. Dans les parcs qui nous occupent, plusieurs bardes sont
composées de Daims noirs ou foncés, à pelage uniforme dont on attri-
bue à tort l'importation de Norvège à Jacques D^''. Ce roi, grand im-
portateur de gibier et de chiens de chasse, fît venir, eu effet, de ces
Daims noirs en 1812. mais Leland, dans son Itinéraire de i33ô, signa-
lait déjà l'existence de cette variété'. Une autre espèce tachete'e, dc'si-
gnée sous li^ nom de racs de men'ie. aurait ëte importée de Manille, ou
môme selon quelques auteurs produite par des croisements avec des
Axis rapportés du Bengal, en 1742, par le capitaine Gough. ce qui
n'est guère croyable. Citons un troupeau de 130 Daims blancs que
nous trouvons dans Welbeck parc, au duc de Portland dont le trou-
peau de Daims ordinaires est de 360 têtes. Ce parc, dans le Nottingham-
shire, a 1,640 acres de surface et nourrit encore 130 Cerfs ordinaires
et 14 Cerfs blancs. Nous trouvons des Cerfs blancs dans Langley park,
dans le Buckinghamshire, à sir Robert Ilarvey, qui en possède :î5 tôles.
142 KEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Comme bien on pense, les parcs à Daims de l'Angleterre sont
admirablement disposés pour y tenter l'acclimatation des espèces
étrangères. L'Antilope du Cap, Canna ou Elan, a e'te' introduit à Tatton
park (Cbesliire), cbez lord Egerton, mais ne semble pas v avoir pros-
pe're'; les Kangurous ont été lâchés à Waddoncbase park (Buckin-
ghamsbire), à Leonardslee park (Susses); des Springbok d'Afrique,
des Wapiti d'Amérique, des Axis de l'Inde, sur différents autres
points. Il y a des Chèvres de Cashmir à Stowe park (Buckinghamsbire!,
à Ilampton (lîerefordsbire) et à Arundel P. (Sussex^; puis des Casoars
d'Australie dans sept parcs différents et non moins de 21 Nandous,
l'Autruche d'Ame'rique, dans d'autres propriétés. Mais l'acclimatation
qui semble avoir le mieux rc'ussi est celle du petit Cerf sika, du Japon
et de Formose, dont la venaison a déjà fait son apparition sur le
marché de Londres. M. Whitaker en a compté 248 têtes dans huit
parcs différents; le troupeau le plus important étant celui de Melbury
park dans le Dorsetshire, au comte de Ilchester. Il compte 80 tôles, et
ce parc, de 500 acres, contient en plus 200 Daims et 60 Cerfs ordi-
naires. Le troupeau de slkas de Ilursley park, à M. Baxendale, est en
pleine formation et comptera une centaine de têtes.
He'las ! l'ancienne race de Taureaux sauvages blancs à museau noir,
des descendants des fameux Urus [Bos prim>'geniu&) de Jules Ce'sar, ne
se trouve plus que sur deux points : Chillingham dans le Norlhum-
berland, au comte de Tankarville où nous en comptons 75 têtes, et
Chartley park, dans le Staffordshire, à lord Ferrers, où il y en a 40.
Mais nous avons été agréablement sur[)ris de de'couvrir une colonie de
Castors dans le Sussex, chez sir Edmund G. Loder. Son parc de
Leonardslee est un vrai jardin d'acclimatation, peuplé de Kangurous,
d'Antilopes de l'Inde, de Chevreuils, d'Axis et de Sikas.
Sur plusieurs points, les grands seigneurs anglais ont essaye' l'in-
troduction du Dindon sauvage d'Amérique, à Bickling P. et à
Holkam P. (Norfolk).
Les He'ronnières sont encore plus nombreuses que nous ne le pen-
sions. La pre'sence de ces éehassiers est signalée sur une quinzaine de
points, où leurs colonie?, de temps immémorial, continuent à construire
en paix, sur les arbres séculaires, des nids groupés comme ceux des
Corbeaux. Plusieurs de ces héronniéres comptent jusqu'à une cen-
taine de nids chaque saison. Les e'tangs et lacs, souvent compris dans
l'enceinte des parcs à Daims, sont en effet le refuge de sauvagines et
d'oiseaux d'eau de toutes espèces, et leur offrent pour nicher des
conditions toutes spe'ciales de tranquillité et de protection.
C'est ainsi que les parcs anglais contribuent non seulement à con-
server les espèces autochtones en les utilisant, mais encore aident à
l'introduction des animaux étrangers; ils y rencontrent tout ce qui
peut favoriser leur acclimatation en Europe.
{Le Chenil.) ■ Fauconnier.
lY. CHRONIQUE GENERALE ET FAITS DIVERS.
Capture d'un Marsouin dans la Solway (Ecosse). — Au
mois de septembre dernier, on a pris uu exemplaire de forte taille du
Belphimis (Grampus) gladiator Lagép. près d'Annam, dans la rivière
Sohvaj'. C'est le second cas d'apparition de cette espèce dans les eaux
e'ccssaises. De B.
Exportation des Grives et des Alouettes. — On signale le
commerce d'Alouettes et de Grives qui se pratique entre Brigiiton et
Paris pendant tout l'hiver. Ces oiseaux, pris au filet sur les dunes de
Brighton, sont expédiés chaque jour à Paris par douze à vingt paniers,
sans compter ceux qui se consomment en Angleterre. Le poids du
panier est d'environ 20 livres anglaises soit 9 kilos. G.
Concours de vitesse pour Pigeons entre Vienne-Berlin
et Berlin- Vienne. — D'après les MitfheHungen des OnUtholo-
gischeii Vereines, un concours de vitesse pour Pigeons voyagenrs doit
avoir lieu prochainement entre les deux capitales. A Berlin, les So-
ciétés colombophiles, Phœnix, Berolina et Comte Mollke s'y sont ins-
crites. A Vienne, on compte sur l'adhésion de la plupart des proprié-
taires de Pigeons et de la Société d'aviculture de Hudolfsheim. On
lâchera dans ces deux villes cinq à six cents Pigeons. L'expérience
promet d'être intéressante, car on ne peut prévoir les accidents atmos-
phériques qui peuvent retarder les voyageurs dans les deux sens. Les
lâchers seront contrôlés. De S.
Protection des Alligators en Floride. — Une loi vient d'in-
terdire pendant trois ans la chasse de ces Sauriens dans les lleuves de
la Floride. Car l'on constatait que le>; régions d'où on les exterminait
étaient bientôt envahies par les Rats qui dévastaient toutes les plan-
tations et obligeaient même des propriétaires à abandonner leurs
demeures. Les Alligators se nourrissant surtout de ces Rongeurs, on
pense que cette mesure arrêtera leurs ravages. De B.
Commerce des Poissons et des Mollusques en Angle-
terre. — On a débarqué sur les côtes anglo-galloises, pendant le
mois de janvier 1892, 331,292 cwt. de Poissons, représentant un poids
de 286,984 livres.
En janvier 1891, on estimait leurs arrivages à une valeur totale de
435,944 cwt , d'un poids de 364,689 livres.
Pour les coquillages, ils se chillrent, en janvier 1892, à 20,195 livres,
contre 24,151 livres en janvier 1891. De S.
V. BIBLIOGRAPHIE.
Les Orchidées de semis, par Ernest Bergman. Paris, 1892.
Au gre de l'auteur, ce travail a seulement pour objet de mettre
de l'ordre dans la nomenclature des hybrides obtenus, pendant les
trente dernières anne'es, par divers cultivateurs d'Orchide'es, par
la maison Veitch, de Londres, par M. Bleu, de Paris, et tant
d'autres personnes.
Aujourd'hui, la cre'ation des types hybrides n'est pas seulement
un passe-temps, un eflfort scientifique, elle est devenue une affaire
commerciale, car bon nombre de varie'le's créées sont aujourd'hui au
commerce, elles viennent prendre leur place sur les catalogues des
horticulteurs et dans les collections des amateurs et des jardins
botaniques.
La facilite avec laquelle s'opère la fécondation des végétaux rend
relativement aisé le gain des hj^brides, et, pour multiplier ces variéte's
nouvelles, on n'a pas besoin de recourir à des semis puisqu'il suffit
d'e'clatcr le pied mère pour avoir un autre exemplaire exactement
semblable à celui qui l'a fait naître.
Au point de vue de la notion de l'espèce, la cre'ation des variétés
hybrides a un intérêt de premier ordre, puisqu'on peut arriver à
constituer des types nouveaux qu'on peut vraiment conside'rer comme
de ve'ritables espèces, car elles ont leurs caractères propres, et se repro-
duisent ensuite par semis plus ou moins semblables à elles-mêmes. Ce
ne sont pas des résultats expérimentaux, plus ou moins dus au ha-
sard, comme ceux que nous obtenons avec les animaux, ce sont des
résultats pratiques aboutissant à des résultats commerciaux.
Ces re'flesions ne s'appliquent pas aux seules Orchidées, car, à côté
du catalogue descriptif publie' par M. Ernest Bergman, nous pourrions
donner la liste des hybrides parfaitement caracte'risés de'crits, nom-
me's, obtenus par le croisement d'espèces très nettement différentes
les unes des autres, prises dans des familles naturelles comme les
Rosacées, les Aroïdées, les Primulace'es, les Gesnériace'es.
On ne saurait s'émerveiller assez des re'sultats obtenus par le sa-
voir et l'adresse de ceux qui nous enrichissent ainsi de plantes nou-
velles en faisant des croisements ingénieux, on pourrait dire parfois
audacieux.
Est-ce à dire que tous les hybrides aient des mérites supérieurs à
ceux des plantes dont ils sortent ■? Ce serait une erreur de le croire,
naais le gain d'une belle varie'té re'compense de bien des déceptions,
et, au point de vue scientifique, l'étude de ces métis, qu'ils soient
beaux ou laids, présente un inle'rêt toujours e'gal. G. de G.
Le Gérant : Jules Grisard.
I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ.
REGNE ANIMAL
INFLUENCE DE LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE D'UN PAYS
SUR L'ACCLIMATEMENT DES ÉTRANGERS
Par m. K. GERMAIN,
Vétérinaire principal en retraite,
Membre honoraire de la Société d'Acclimatation.
La Revue des Sciences naturelles appliquées du 5 avril
1890 a inséré, sous ce titre, une note exposant, en substance,
qu'en Cochincliine française, région géologiquement pauvre en
éléments calcaires, les produits du sol ne peuvent fournir,
dans leur intégralité, les éléments de réparation des pertes
du système osseux aux êtres originaires des régions calcaires
de l'Europe et montrant, comme conséquence, l'indication du
chaulage des terrains afléctés à la culture maraîchère pour la
consommation des troupes et des résidents européens.
Cette note paraît devoir être utilement accentuée pour le
fond par l'Appendice suivant, où les analyses de M. Terreil
sont démonstratives de la pauvreté relative des produits du
sol en éléments calcaires, et où celles de M. Bobierre sont
probantes que le chaulage des terres rend riches, sous ce
rapport, les sols pauvres en ces éléments.
Enfin, en indiquant les règles du chaulage et par les obser-
vations qui suivent leur exposé, cet appendice montre la
question sous un jour intéressant, l'avenir à un point de
vue humanitaire digne d'être pris en considération pratique.
Si les Canaques de la Nouvelle-Calédonie sont des athlètes
et si nos troupes y jouissent d'un état sanitaire si remar-
quable, cela ne dépend pas seulement du climat, mais ou
peut penser que la richesse des aliments végétaux en élé-
ments calcaires y a une part importante.
20 Février 1893. «0
146
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Cette part peut être faite en Cocliincliine française pour
nos soldats et nos résidents par le cliaulage des terrains de
culture maraîchère et par l'exclusion de l'alimentation de
tout légume provenant de terrains non chaulés. — Je dis
légume, parce que certains fruits paraissent utiles : bananes,
mangues, mangoustans, papaj'es.
Il y a, pour cette opération, dépense et travail, mais on ne
saurait dépenser trop d'argent et de peine quand il s'agit
d'une moindre dépense de vies humaines.
Périgueux, le 28 janvier 1892.
APPENDICE.
ANALYSE DES CENDRES DU FOIN DE COCHINCHINE.
« Le tableau suivant contient la composition des cendres
» du foin de Cochinchine, et, comme point de comparaison,
» ^anal3^se des cendres du foin employé au Muséum d'his-
» toire naturelle de Paris et la composition des différentes
» cendres de foin analysées par M. Boussingault.
Résidu insoluble dans les
acides
Chlore
Acide sulfurique
Acide phosphorique
Acide carbonique
Potasse
Soude
Chaux
Magne'sie
Oxyde de fer et alumine .
Charbon
CENDRES
DU FOIN
DE
SAIGON.
CENDRES
DU FOIN
DU
MUSÉUM.
61.18
7.09
2.62
5.31
0.75
10.52 l
2.14
2.97
2.28
1.44
4.60
100.90
42.50
1.02
0.58
4.36
6.40
10.50
24.05
10.32
0.27
Traces.
100.00
CENDRES DE FOINS
ANALYSÉKS
PAR M. BOUSSINGAULT.
32.00
31.50
2.00
2.60
2.50
2.70
5.30
5.40
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7.30
24.00
23.50
18.00
17.90
7.00
7.20
»
0.90
»
»
90.80
99.00
47.17
3.10
2.28
7.81
9.49
8.81
20.58
»
0.75
»
99.99
RÈGXE AXDIAL. U7
» Ces analyses démontrent combien les cendres du foin de
» Saïgon sont pauvres en substance calcaire comparées aux
» cendres des foins dont les analyses sont données ici.
ANALYSE DES RÉSIDUS DU RIZ DE SAIGON.
« Ce riz n'est point décortiqué ; après la combustion, 11
» laisse 4,28 "/o de cendres dont voici la composition :
Résidu insoluble dan- les acides 74.10
Chlore 4 gg
Acide sulfurique 1 . 22
Acide phosphorique 1,06
Acide carbonique 3.92
Gliaux 1 25
Magne'sie 1 gg
Oxyde de fer et albumine traces
Potasse et soude 12. 10
Cliari)on traces
100.22
» Nous n'avons pu trouver d'analyse de riz non décor-
» tiqué pour mettre en regard de cette analyse, ce qui n'em-
» pèche pas de faire ressortir la très faible quantité de chaux
» contenue dans ces cendres. »
Les analyses ci-dessus ont été faites en 1869, par M. Ter-
reil, aide- naturaliste et chef des travaux chimiques au Mu-
séum d'histoire naturelle de Paris.
Les matériaux en avaient été rapportés de Cochinchine
comme éléments de démonstration. Celle-ci a été pleinement
faite par les analyses .
A l'appui de l'indication du chaulage intense des terrains
livrés à la culture maraîchère, la reproduction du tableau
suivant présente un réel intérêt.
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REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
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RÉGNE AXLMAL. 149
« Si l'on compare les chiffres qui expriment la composition
» du Grand ajonc [Ulex Europœus) dans les deux circons-
» tances bien définies, où il a été choisi, on voit que, dans
» cent parties de ce végétal, il y a 7,25 de parties solubles,
» lorsque son développement a eu lieu dans la lande, tan-
» dis que sous l'influence du chaulage et de la fumure, ce
» chiffre s'élève à 13,50. Cette différence est remarquable.
» L'acide phosphorique a peu varié contrairement à ce
» que j'eus supposé à priori, mais la chaux s'élève dans les
» cendres du Grand ajonc, et par le fait de la culture [chau-
» lage) de 0,30 à 9 %
» En faisant une moyenne des feuilles et du tronc du
» Pin que j'ai incinéré, on trouve :
Silice. Sels solubles. Chaux.
Cendres du Pin des landes de — —
Grandchamp, tronc et feuilles (arbre
de six ans environ) ; moyenne de
tro'S analyses de Pins faites par
MM. Malayuti et Durocher 7.9 24.50 12.50
Pin du Nord [strobus] et d'Ecosse
{si/lvestris) , provenant des alluvions
argilo-sableuses de la vallée de l'IUe,
près de Rennes 10.63 16.50 59.50
» La différence des chiffres représentant la chaux n'a rien
» qui puisse surprendre lorsqu'on réfléchit à la composition
« différente des terrains. Ce qui devrait plutôt éveiller l'at-
» tention, c'est l'aptitude extrêmement remarquable de di-
» verses plantes que j'ai analysées à extraire la chaux et
« l'acide phosphorique d'une lande siliceuse, dans le sol de
» laquelle l'analyse serait, le plus souvent, impuissante, non
» seulement à évaluer ces principes, mais encore à les révé-
') 1er qualitativement. »
Ces emprunts au savant travail de M. Bobierre touchent au
fond de ma note, mais pas plus dans ce travail que dans les
revues agronomiques, qui s'occupent de l'effet des amende-
ments sur la végétation, la question n'est envisagée au point
de vue du bien des consommateurs.
Il y a certainement un intérêt considérable à ce que des
études en ce sens soient entreprises.
11 n'est pas sans intérêt de faire ressortir qu'il ne faut voir
dans le sujet de ma note qu'un fait précis d'observation ri-
l'oO REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
goureiise, qui écarte toute considération générale ^ur l'ali-
mentation « suivant les espèces, les races et les climats » (1).
Les observations suivantes s'y appliquent plutôt :
« Quelle que soit la région que l'homme est appelé à liaM-
» ter en dehors de celle où il est né, où il s'est constitué, il
» n'3' vivra facilement qu'autant qu'il y trouvera dans l'ali-
>> mentation les éléments de son organisation dans la mesure
» exacte qui l'a laite.
» Là où il les trouvera en plus grande proportion, l'assimi-
» lation ne s'en produira en lui que dans la mesure nécessaire
» à la réparation des pertes de son économie et il vivra.
» Là où il les trouvera moindres, la réparation de ces
» pertes sera incomplète et des désordres de toute nature se
» produiront, menaçant son existence.
» Dans le cas qui m'occupe, le système osseux en est le
» siège ; j'en ai démontré la cause initiale.
» Cela revient à dire que tout être vivra, quelque part que
» ce soit, s'il y trouve les éléments d'entretien de son orga-
» nisation première.
» Les conditions climatériques sont au second plan pour la
» continuation de son existence.
» Si cette assertion est juste, elle montre l'indication d'ob-
» servations et de mesures prophylactiques d'un ordre par-
» ticulier
> Il est probable que si des analyses sérieuses étaient faites
» de toutes les substances alimentaires (végétales), des ré-
» gions coloniales d'un climat très différent du nôtre, elles
» montreraient des raisons de recommandation particulière
» pour certaines.
» Tel végétal, plut(U que tel autre, peut jouir de la propriété
» de contenir, en plus grande proportion, un élément consti-
» tuant utile à la conservation des étrangers (2). »
Tous les végétaux, en Cochinchine, manquent d'an élément
indispensable, que le chaulage des terrains de culture doit
leur donner.
Arcachon, le 25 mars 18â0.
(1) Observation produite dans la séance du o lévrier de la première section,
no du 20 mars 1889.
(2) Les alinéas guillemetés ci-dessus sont puisés dans les Considérations
d'ensemble du travail qui a paru dans le Recueil de Me'decine Yélénnaire en 1882,
sa rédaction datant de 1870.
RÈGNE ANIMAL. J\oi
EXTRAIT DE LA Mcdsou riisHqiie du X/X^" siècle
Sous la direction de Bailli/ de Merlieux.
« Des amendements calcaires. — Les principales subs-
tances comprises sous ce nom sont la chaux, la marne, les
plâtras et débris de démolition, les fahms ou substances
coquillères.
» Des divers moyens d'emx)loyer la chaux sur le sol. —
Trois procédés principaux sont en usage pour répandre la
chaux. Le premier, et le plus simple, celui que l'on emploie
dans la plupart des lieux où la chaux est à bon marché, la
culture peu avancée, la main-d'œuvre chère, consiste à
mettre la chaux immédiatement sur le sol par petits tas dis-
tants entre eux de 6 mètres, en moyenne, et contenant, sui-
vant les doses du chaulage, depuis 18 décimètres jusqu'à
36 décimètres cubes. Lorsque la chaux, par suite de son
exposition à l'air, est réduite en poussière, on la répand sur
le sol de manière qu'elle y soit exactement répartie.
» Le deuxième procédé diffère du premier en ce qu'on re-
couvre chaque tas d'une couche de terre de 0"',16 à 0™,33,
suivant la grosseur du tas, et qui équivaut à cinq ou six fois
le volume de la chaux éteinte. Lorsque la chaux commence à
se gonfler pour fuser, on remplit de terre les fentes et les
crevasses qui se font dans la terre de l'enveloppe, et lors-
qu'elle est réduite en poussière, on remanie chaque tas en
mélangeant la terre et la chaux. Si rien ne presse dans les
travaux, on recommence quinze jours après cette opération,
et après une troisième quinzaine on étend le tout sur le sol.
» Le troisième procédé, usité dans les pays les mieux cul-
tivés, lorsque la chaux est chère, et qui réunit tous les avan-
tages des chaulages , sans offrir aucun de leurs inconvé-
nients, consiste à faire des composts de chaux et de terre ou
terreau.
» Pour cela, on fait un premier lit de terre, terreau ou ga-
zon d'un pied d'épaisseur, d'une longueur double de sa lar-
geur ; on recoupe les mottes de terre ; on recouvre d'un lit de
chaux d'un hectolitre par 20 pieds, ou d'un tonneau par
45 pieds cubes de terre; sur cette chaux, on place un second
lit de terre, puis un second lit de chaux, et successivement un
troisième lit de terre et de chaux qu'on recouvre encore de
152 REVUE DES SCIENXES MATURELLES APPLIQUÉES. ^-
terre. Si la terre est humide et la chaux récente, huit à dix
jours suffisent pour l'user la chaux. On coupe alors et on.
mélange le compost : on le recoupe une seconde ibis avant
l'emploi, qu'on retarde autant que possible, parce que l'effet
sur le sol est d'autant plus puissant que le mélange est plus
ancien, plus parfait et surtout lorsqu'il aura été fait avec de
la terre contenant plus d'humus
» La chaux en compost ne nuit jamais au sol, elle porte
avec elle le surplus d'engrais que comporte le surplus du
produit. Les sols légers, graveleux ou sablonneux ne peuvent
jamais en être surchargés. Enfin, ce moyen semble le plus
suret le moins dispendieux d'appliquer la chaux au sol.
» Doses des chaidogcs. — Les doses varient avec les con-
sistances des sols. Elles doivent être faibles dans les sols lé-
gers et sablonneux ; elles peuvent, sans inconvénient, être
fortes dans les terrains argileux. La dose doit aussi varier
suivant que le sol est plus ou moins bien égoutté ; les faibles
doses dans les sols où les eaux ne s'écoulent pas facilement
sont peu sensibles, mais si la dose est forte et les labours
profonds, la chaux facilite l'écoulement et l'assainissement de
la terre.
» Conduite à tenir dans les sols chaulés. — Après avoir
doté le sol d'une grande fertilité, l'avoir mis dans le cas de
produire les récoltes les plus précieuses, il faut lui donner des
engrais en compensation des produits obtenus
» Quantité de chaux absorbée par la végétation. — Les
végétaux des sols calcaires, ou devenus tels par amende-
ment, renferment dans leurs cendres 50 "/o de carbonate
ou de phosphate de chaux.
» Engrais de mer, sable ou limon de mer, langues,
cendres de varech. — Tous ces divers amendements que la
mer offre à ses riverains sont à la fois calcaires et salins ;
leur effet est grand, mais ne se produit pas sur toutes les
nuances de terrain. Ces amendements stimulants n'agissent
pas sur les laisses de mer ni sur les sols qui lui doivent
leur formation depuis les temps modernes, mais principale-
ment sur les sols argilo-siliceux.
» Lorsque l'engrais de mer est sablonneux, il est aussi
actif, mais n'est pas aussi profitable que lorsqu'il est vaseux,
et qu'il contient des substances animales et végétales en dé-
composition : dans ce dernier état, c'est une espèce de com-
RÈGNE ANIMAL. 153
post de sable calcaire, de coquillages, d'herbes marines et de
sel ; c'est alors l'un des engrais les plus fortifiants que l'agri-
culture connaisse
» L'amélioration par l'engrais de mer ne devrait pas
se borner aux lieux voisins de ses bords ; la navigation des
rivières, au moyen de la marée, permet, sans doute, qu'on le
conduise, à peu de Irais, à une assez grande distance dans
l'intérieur des terres. La quantité nécessaire par hectare, 7 à
10 mètres cubes au plus, est relativement peu considérable.
» Le flux et le reflux de la mer faciliteraient beau-
coup la main-d'œuvre ; le chargement se ferait à marée basse
sur la vase découverte et la marée haute emmènerait le
navire et son chargement. »
J'ai vu intérêt à la transcription de ces enseignements
agricoles pour dispenser des recherches, pour l'opération du
chaulage. d'une part, et, d'autre part, pour l'indication d'un
autre amendement calcaire, d'un effet puissant aussi.
Pour le chaulage des terrains de culture maraîchère, son
effet bienfaisant n'étant pas douteux, il serait d'un grand in-
térêt qu'il lut pratiqué pour tous les terrains actuellement
consacrés à ces cultures, en vue de l'approvisionnement des
marchés de Saïgon et des troupes dans les garnisons princi-
pales. Pour les troupes, il y aurait lieu que, partout où cela
est possible, des jardins potagers chaulés fussent créés pour
subvenir exclusivement aux besoins de leur alimentation pour
la partie végétale. Comme il y a des petits postes où la main-
d'œuvre pratique, où les terrains appropriés font défaut, il
serait bon qu'ils fussent approvisionnés par les jardins des
grandes garnisons, jardins étendus dans la mesure voulue.
Le résultat bienfaisant peut paraître non douteux, mais la
l)reuve expérimentale n'en présenterait i)as moins un grand
intérêt. Elle se peut par deux jardins contigus, l'un chaulé et
l'autre non chaulé, jardins d'une égale étendue, cultivés en
mêmes légumes, devant fournir à la consommation d'un
même nombre d'hommes, autant que possible exemi)ts de mu-
tations. Ces jardins devraient être situés de manière que le
chaulage de Tun ne puisse s'étendre sur l'autre par les infil-
trations pluviales.
■ Au bout d'un an, par exemple, la statistique sanitaire des
deux sections d'hommes éclairerait sur l'effet.
154 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Enfin., l'intérêt hygiénique de nos conserves végétales, de
nos légumes secs, de nos vins originaires des territoires cal-
caires de France est énorme là-bas, pour l'alimentation des
Européens, même les végétaux locaux s'améliorant par le
chaulage des terrains spécialisés à leur culture.
Celle de tous nos légumes deviendrait, sans doute, possible
sous l'influence de ce cliaulage, même celle de la Pomme de
terre probablement, dans les terrains légers consacrés aux
cultures industrielles, par les indigènes, dans la saison sèche,
terrains arrosables par des puits comme ceux du Go-viap,
par exemple, si je me souviens bien.
En tous cas, ce tubercule est remplacé, pour les troupes,
par les Patates ; pour celles-ci, elles devraient être deman-
dées, aussi, à des terrains chaulés.
Pourquoi nos troupes de Cochinchine française ne rece-
vraient-elles pas régulièrement des distributions de con-
serves végétales de France qui offrent, au point de vue qui
nous occupe, plus d'intérêt pour leur alimentation que les
conserves de viande ?
Périgueux possède de nombreuses fabriques de ces con-
serves, dont les éléments sont tirés de la région, dont le sol
est essentiellement calcaire.
D'informations prises dans la principale fabrique, il résulte
que l'Etat pourrait y assurer l'approvisionnement de ses
troupes dans des conditions invraisemblables de bon marché.
Par exemple, pour les petits Pois, pour les Haricots verts,
pour les Cèpes même, des boites d'un, de d'eux et de quatre
kilos ne reviendraient guère qu'à 0,25 le kilog. (renseigne-
ments émanant du chef de cette fabrique, qui a aussi donné
l'information que les Anglais et les Hollandais usent beaucoup
de ces conserves pour leurs troupes coloniales. Particularité
intéressante à noter, les Anglais s'approvisionnent en Péri-
gord par Bordeaux).
Il serait d'autant plus intéressant que le Gouvernement
français fit bénéficier ses troupes de Cochinchine française de
ces conserves foncièrement indiquées, qu'il n'en ressortirait
probablement qu'une très faible augmentation de dépense,
sinon une économie. Dans un kilo de conserves végétales, il
doit y avoir le repas de huit à dix hommes en tant que
légume.
Ces conserves pourraient être distribuées une ou deux fois
RÈrxNE ANIMAL. 155
par semaine, en rations normales, et constituer la part végé-
tale de l'alimentation pour les troupes en expédition.
Enfin, avant de terminer, je ne puis m'empèclier de signa-
ler la faiblesse de complexion des indigènes de la Basse-
Cochincliine, et, si je la rapproche de la stature athlétique et
de la force des populations des îles madréporiques de la
Polynésie, j'en dois conclure que la première est surtout due
à la faible proportion des principes calcaires dans l'alimenta-
tion végétale.
Quel magnifique objectif que la transformation physique
d'une population tout entière, surtout cette population étant
civilisée et intelligente!
Mais le chaulage de toutes les cultures alimentaires est im-
possible par suite de la rareté et de la cherté de son élément.
On peut, cependant, tendre à y arriver partiellement par le
large emploi des engrais de mer, dans tous les points oii ils
peuvent être portés par les cours d'eau ; le flux et le reflux de
la mer favorisant la récolte inépuisable aux embouchures
des rivières et l'apport aux terres cultivées abordables.
On peut se faire idée du bienfait : les rizières de la région
basse de la Cochinchine française voyant leur récolte aug-
mentée d'un tiers par exemple, le produit acquérant même
une valeur alimentaire supérieure.
S'il y a rêverie, jusqu'à un certain point, à exposer ces
dernières observations, on peut entrevoir que l'avenir en
permette l'application et, en tout cas, il ne peut qu'y avoir
avantage à faire connaître aux cultivateurs indigènes les
données de La Maison rustique sur les amendements du sol
et sur les engrais.
NOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTERELLES
Par m. J. FOREST aîné.
(suite *).
LES LÉVIROSTRES (Brehm).
Dans les nombreux groupes de Lévirostres nous remar-
quons les espèces utiles : les Guêpiers, les Rolliers et les Cou-
cous régulièrement de passage en Algérie.
I. Les Guêpiers. — Nous avons une variété de la nom-
breuse famille des Guêpiers qui est sédentaire dans le nord
de l'Afrique et se répand dans l'Europe méridionale.
Le Merops apiaster ou Guêpier vulgaire, le « Chasseur
d'Afrique w, des colons.
Cet oiseau est exclusivement insectivore. Toutefois il dé-
truira aussi bien les Abeilles que les Guêpes ; mais ce dégât
ne doit pas être une cause de proscription en Algérie, où l'a-
piculture est très peu développée.
Tous les Guêpiers sont des oiseaux excessivement paciliques
et sociables, nichant en communauté. Les falaises aux envi-
rons de Tanger en contiennent d'immenses colonies. Une par-
ticularité de ces oiseaux observée aussi pour la Glaréole : ils
mangent tous les insectes en régurgitant les ailes et les autres
parties cornées de leurs proies.
L'Egypte et la Syrie possèdent une espèce sédentaire beau-
coup plus petite; en Asie et en Malaisie se trouvent les géants
de l'espèce, les Guêpiers à fraise, huppés, le « Nyctiornis ».
L'Afrique orientale possède le Guêpier écarlate, oiseau su-
perbe qui arrive aussi dans ses migrations, mais en petit
nombre, jusque sur la côte occidentale. Les Guêpiers ont leur
représentant en Australie, le « Cosmerops », de plumage
aussi remarquable par la variété des couleurs que toutes les
espèces de l'ancien monde. Les Guêpiers généralement ne
supportent pas la captivité, il n'y a pas à songer à compléter
l'espèce existante en Algérie, par l'importation des autres
variétés.
[*) Voyez plus haut, page 97.
NOS ALLIES CONTRE LES SAUTERELLES. 157
IL Le Rollier vulgaire {Coracia garrulus) . — Cet oiseau
est assez répandu en Algérie ; sa nourriture consiste en in-
sectes de toute espèce et petits reptiles, notamment de co-
léoptères, de sauterelles, de vers, de petites grenouilles et
de lézards. 11 attrape aussi de temps en temps une souris ou
quelque jeune oiseau ; il est très friand de figues.
IIL Les Coucous. — P Le Coucou ordinaire {Cuculiis
canorus). Cet oiseau de passage en Algérie est un grand des-
tructeur de chenilles, de larves, d'insectes et de sauterelles.
2" Le Coucou sénégalais [Centroptiis Senegalensis). Cet
oiseau observé au Cap par Verreaux est un grand destructeur
de chenilles, de sauterelles, de vers, de souris, etc. . . Ce na-
turaliste a observé les deux autres espèces très fréquentes
au Cap.
IV. Le Goccystes Cafer, oiseau de très grande taille, et
le bijou de l'espèce.
Y. Le Chalcite vert doré [Chrysococcyx auratus). —
Cet oiseau, le plus petit des Coucous, est très employé dans la
mode et vient en assez grande quantité sur le marché de
Paris et de Londres, en provenance de l'Afrique équatoriale,
de la Guinée portugaise, de Sierra-Leone, du Gabon, etc. . .
« Au Cap, sa qualité de destructeur d'insectes et de saute-
» relies le protège et on ne le poursuit pas dans un but com-
» mercial. »
Les Coucous sont remplacés en Australie par le Scytrops,
oiseau de grande taille ayant les mœurs des Coucous. Dans
les savanes de l'Amérique du sud, le Coucou est remplacé par
l'Ani (Crotophaga); deux espèces, une grande et une plus
petite, de même plumage toutes deux.
GALLINACÉS.
Cette famille très nombreuse a des représentants particu-
liers à toutes les contrées du monde ; suivant les latitudes, le
mode de nourriture variera, mais ces oiseaux sont générale-
ment omnivores. Nous recommanderons la Pintade commune
le type le plus approprié au Nord de l'Afrique; il en existe
deux autres variétés dans l'Afrique orientale et australe,
qui ont les mêmes mœurs.
158 RKVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
I. La Pintade commune {Numida meleagris). — La Pin-
tade commune est l'espèce souche de notre Pintade domes-
tique et parait être propre à l'ouest de l'Afrique ; on la trouve
en grand nombre dans le Soudan central, à la Côte d'Or et
dans les îles du Cap-Vert.
II. La Pintade à casque [Numida mitrata), particulière
à l'Afrique australe, se trouve en bandes nombreuses autour
du Zambèze et dans la région des grands lacs,
III. La Pintade vulturine {Numida piilorhyncha) se
trouve en quantité dans le sud-est africain, sur le littoral de
la mer Rouge ; dans l'Abj-ssinie, elle est répandue dans toute
la contrée, dans les steppes, dans les bois, sur les montagnes.
Le régime des Pintades varie suivant les localités et les
saisons. Au printemps, lors des pluies, elles se nourrissent
principalement d'insectes, surtout de sauterelles. Plus tard,
elles mangent des baies, des feuilles, des bourgeons, des
pousses d'herbes, des graines de toute espèce.
Elles peuvent faire des dégâts dans les champs cultivés en
mangeant les jeunes pousses des plantes et en fouillant le sol.
En un instant, elles creusent un trou, mettent à nu les graines
en germination et les mangent. Pourtant, elles ne touchent
pas aux pommes de terre. Cette famille serait désirable
comme oiseaux de chasse, et sa diffusion en Algérie me
semble facile.
IV. Le Cupidon des prairies [Cupidonia Americana). —
Cet oiseau, très commun dans les prairies de l'Amérique
septentrionale, a les mêmes habitudes que nos Pintades. C'est
un destructeur de sauterelles de premier ordre et les natu-
ralistes américains, à ce titre, lui ont obtenu la protection
officielle. Depuis une cinquantaine d'années, une loi frappe
d'une amende de dix dollars quiconque tue un de ces oiseaux
hors la saison de la chasse qui est ouverte en octobre et en
novembre. Il est probable que cette loi a eu pour conséquence
une multiplication considérable des Cupidons dans certaines
localités, car, tous les hivers, il en arrive des quantités sur
les marchés et on peut parfois acheter des centaines- d'indivi-
dus vivants (Wilson, Audubon). Je ne doute pas que Faccli-
matation de cet oiseau soit possible dans la région des hauts
plateaux, il compléterait utilement la Pintade comme oiseau
de chasse et destructeur de sauterelles.
NOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTERELLE^. 159
y. Les Gangas ou Ptéroclinés. — Les Gangas vivent
uniquement dans les contrées chaudes de l'Afrique et leurs
représentants dans l'Asie et l'Europe orientale sont les
Syrrhaptes ; leur passage en Europe n'est qu'accidentel. Ce
sont des oiseaux tout particuliers aux déserts et aux steppes.
Ces oiseaux sont granivores, mais exclusivement destruc-
teurs de Sauterelles lorsque cette nourriture se présentera.
Dans le sud de l'Espagne, ils sont assez fréquents dans le
campo semblable à nos hauts-plateaux algériens, et ils se
nourrissent de graine d'Alfa et des insectes qu'ils y trou-
vent. L'aire de dispersion des Gangas s'étend sur une grande
partie de l'ancien continent.
^ VL Les Syrrhaptes [Sy7^rhaptes paradoxus). — Diffèrent
légèrement comme plumage et aspect physique des Gangas.
Leur habitat est toute l'Asie septentrionale et centrale, les
steppes de la Russie, la Hongrie et la Bulgarie, presque toute
la vallée du Danube. Cette espèce a les mêmes mœurs que les
Gangas.
VIL Les Perdrix. — Le nord de l'Afrique et le sud-
ouest de l'Europe possèdent la Perdrix rouge {Perdix
rubra). Cet oiseau habite les montagnes, surtout les parties
cultivées. L'Afrique du nord possède encore la Perdrix gam-
bra (Pei-dix pelrosa), plus particulière aux plaines? Ces
deux espèces granivores et insectivores doivent être classées
parmi les destructeurs de Sauterelles. L'Europe centrale et
occidentale possède l'espèce voisine, le Starne ou Perdrix
grise, l'Europe orientale et l'Asie ont la Perdrix grecque, qui
se trouve aussi dans la péninsule sinaïque.
Vm. Les Francolins iFrancolinus). — Cet oiseau a
presque totalement disparu de l'Europe et de l'Afrique sep-
tentrionale, mais existe dans les autres parties de l'Afrique.
On le trouve assez nombreux à Chypre, dans l'Asie-Mineure,
en Syrie, sur la côte sud de la mer Noire et dans le nord des
Indes. A les habitudes et les mœurs des perdrix.
IX. Le Colin de Virginie [Ortijx Virgimcmiis). —Le Colin
de Virginie, i)articulier aux montagnes Rocheuses des États-
Unis, peut surtout être comparé à notre Starne européen.
Son habitat est très variable, il préfère les champs, mais il
lui faut des buissons, d'épaisses haies où il puisse se réfugier;
160 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
on le trouve môme parfois au milieu des forêts. Dans le sud
des États-Unis, c'est un oiseau sédentaire ; dans le nord, un
oiseau voyageur. Le Colin de Virginie et le Cupidon sont les
deux oiseaux qui rendent des services inappréciables pour la
destruction des Acridiens.
Nous ajouterons à ces deux oiseaux américains, le Colin de
Californie [Lophortyx Californicus) , destructeur de Saute-
relles dans les déserts de TArizona et da Colorado.
X. La Caille [Orlux cotumix). — Cet oiseau a des repré-
sentants dans toutes les parties du monde, et l'espèce euro-
péenne, qui lui sert de type, se trouve dans la moitié du
globe. Leur régime est le même que celui des petits Galli-
nacés ; on peut dire cependant qu'il est plus animal que yé-
gétal. Chaque automne, chaque printemps, Ihomme en
détruit des centaines de mille et les eaux de la mer en en-
gloutissent au moins autant, sans oublier les rapaces de
toutes sortes qui leur font aussi une poursuite acharnée.
Nous rappellerons, pour mémoire, la polémique amusante
suscitée, en 1889, par la Chambre syndicale des restaura-
teurs parisiens à l'effet d'obtenir une dispense sur les lois et
règlements de chasse pour l'introduction des Cailles d'Egypte.
Pour la circonstance, on avait produit un type spécial « la
Caille d'Egypte », il a été reconnu que c'était notre Caille ha-
bituelle.
En Syrie, cet oiseau est en telle abondance au moment de
la poussée du blé, qu'il se laisse fouler aux pieds des Chevaux,
sans se déranger (1). Cela confirmerait la version de la Bible
relative à la sortie d'Egypte, durant laquelle les Hébreux
purent se nourrir de Cailles pendant quelque temps.
Nous croyons que la Caille est un destructeur d'Acridiens,
de valeur égale aux Colins de Virginie et de Californie, et
souhaitons que cette espèce, digne de sollicitude, soit quelque
peu protégée (les exploits cynégétiques de certains chas-
seurs en Algérie se chiffrent par une centaine de Cailles par
chasseur dans une matinée), et qu^l soit fait un essai sérieux
d'acclimatation de Colins qui pourront rester sédentaires en
Algérie et compléteront utilement le nombre d'acridothères,
dont l'acclimatation n'est pas particulièrement difficile.
(1) D' Lortel, La Sijrie d'aujourd'hui.
NOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTERELLES. -161
ÉCHASSIERS.
La grande famille des Échassiers nous fournira les auxi-
liaires les plus précieux, les plus redoutables dans la lutte
contre les Sauterelles, dans toutes les périodes de leur exis-
tence. Depuis le géant de l'espèce jusqu'aux infiniment
petits, tous, avec une ardeur égale, se nourriront exclusive-
ment de Sauterelles, lorsque ces insectes se trouveront en
abondance à leur portée.
I. Les Autruches [Struthio). Cet oiseau, dont la descrip-
tion est suffisamment connue, pourrait devenir, en Algérie,
un élément important de fortune publique. Il n'est pas encore
trop tard pour rivaliser avec nos concurrents les Anglais du
Cap de Bonne-Espérance, Australie, Nouvelle-Zélande, etc.,
etc. Le moyen pratique, non mystérieux, serait d'installer
quelques couples reproducteurs dans les oasis du Sahara ;
leur reproduction serait certaine, et pour éviter des pertes de
jeunes oiseaux par maladie ou autres causes, il faudra les
élever en demi-liberté. Notre objectif, dans cette étude, étant
surtout la recherche des meilleurs destructeurs de Saute-
relles, nous pouvons déclarer qu'il n'existe pas d'oiseaux qui,
plus que les Autruches, pourraient contribuer à faire dimi-
nuer, sinon arrêter le fléau des invasions de Sauterelles.
Durant ces deux dernières années, ce fléau s'étant répandu
jusqu'à Alger, il a été possible d'expérimenter in anima les
observations puisées dans les relations des voyageurs et na-
turalistes : Barth, Nachtigall, Rohlfs, Levaillant, Verreaux,
Holub, etc., etc.
L'expérience de consommation des Sauterelles a été faite
par des Autruches nées et élevées au Jardin d'Essai d'Alger ;
malgré la nouveauté de cette nourriture certainement in-
connue à ces oiseaux, leur instinct naturel les guidant, il ré-
sulta que les Sauterelles étaient préférées à leur nourriture
habituelle. M. Ch. Rivière a donné à ces expériences la con-
sécration de son contrôle scientifique, et aujourd'hui, il est
reconnu que l'Autruche est un destructeur d'Acridiens de
premier ordre.
L'Autruche dévore par jour plusieurs kilogrammes de Sau-
terelles à l'état d'insecte parfait ; le Criquet pèlerin {Pachy-
iylus migratorius) pond 80, 90, 95 œufs, jamais 100 ; 1'^-
20 Février 1893. Il
462 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
cridhim peregrinum en pond 80 à 90 ; le Stauronohis
Maroccanus en pond 30 à 40 et le Caloptenus spretus
dépasse rarement la trentaine (Hmickel d'Herculais) ; l'on
compte To œufs au centimètre cube. A El-Outaya, il a été
détruit, le 4 avril 1891, 36 mètres cubes ; le Yï avril 1891,
42 mètres cubes.
Il est facile de se rendre compte de l'énorme quantité re-
présentée par plusieurs kilogrammes de cet Acridien à l'état
de larve ou d'œuf, et cette destruction sera d'autant plus
appréciable, si l'on considère que ces deux premières phases
de leur existence correspondent à la production des Autru-
chons qui, dans le premier âge, doivent exclusivement se
nourrir des œufs et des larves de Sauterelles, très abondants
dans le Soudan désertique. Ces expériences établissent que
le résultat de la disparition des Autruches dans le Sahara a
contribué énormément à l'extension et à la diffusion des
Sauterelles et que l'équilibre de la nature ne se trouvera ré-
tabli dans le Sahara que lorsque les nombreuses Autruches,
qui y ont existé s'y retrouveront. Le rôle de l'homme sera
donc de réparer le mal qu'il s'est fait à lui-même par esprit
de lucre et de ce mea culpa pourront résulter deux grands
biens • atténuation du fléau des Sauterelles ; et une source de
richesse : production des plumes d'Autruches pour lesquelles
nous sommes tributaires des Anglais.
Dans la séance générale de la Société d'Acclimatation du
1er niai 1891, ces observations et projets concernant l'ele-
Tage des Autruches ont été soumis à sa haute approbation.
J'ai eu l'honneur d'obtenir son puissant patronage et j'en
remercie MM. les membres du bureau, et aussi nos collègues
MM Decroix et d'Esterno qui, spontanément pour la réus-
site de mes projets et leur prise en considération m'ont offert
leurs services.
M. Cambon, gouverneur général de l'Algérie, a accorde
son attention bienveillante à la communication que j'ai eu
l'honneur de lui faire en juin 1891, au sujet des Autruches
et des Sauterelles. J'avais fait l'offre de faire à mes frais la
démonstration pratique de ces études par l'installation dans
le Sahara d'un troupeau d'Autruches reproductrices, dont la
pro-éniture, essaimée dans toutes les oasis du sud algérien,
aurait pu nous aider dans la lutte contre les Sauterelles et
nous soustraire à l'obligation d'acheter des plumes au Cap.
NOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTERELLES. 16Î
Après de nombreuses recherches pour la création d'une
autrucherie, et ne trouvant rien de convenable en emplace-
ment privé, je me décidai à faire la demande de concession
partielle de la Smala d'El Outaya (1), actuellement « l'unique
emplacement favorable » dans le Sahara, comme sécurité
richesse en eau et desservi par le chemin de fer. Je pensais-
qu'il n'y aurait pas de grandes difficultés pour l'obtenir me
basant surtout sur le précédent de la concession Dufôuro-
dans le même territoire. "^
Les hautes recommandations de MM. les honorables séna-
teurs et députés amis de l'Algérie, de MM. de Quatrefages
Milne-Edwards, membres de l'Institut, directeurs du Mu-
séum de Paris, de la Société de Géographie, d'Acclimatation
de Pans, des Sociétés d'agriculture et Comice agricole
d'Alger, de Constantme, etc. . ., des Chambres de commerce
de Paris, Alger, Constantine, Philippeville, etc. . ., etc. . .,
pas plus que mes démarches personnelles n'ont amené de
solution favorable, et ma demande n'a pas été prise en consi-
dération. Qu'il me soit permis d'adresser mes remerciements
chaleureux à la presse algérienne et à tous ceux qui ont bien
voulu ra'accorder leur appui désintéressé. Puisse cet échec
être réparé par un mortel plus favorisé ou plus malin !
« L'avantage particulier de quelques Français, résultat de
leur initiative et de leurs créations, ne peut qu'augmenter le
patrimoine national. » L'opinion contraire n'aidera pas dans
la résolution du problème : reconstitution des troupeaux
d'Autruches en Algérie. Je souhaite qu'en haut lieu il soit
tenu compte de ces observations d'ordre général qui, en
d'autres pays, surtout chez nos rivaux en Angleterre,' en
Allemagne, obtiendraient toutes les faveurs officielles, ainsi
que l'appui des capitalistes clairvoyants.
La conclusion de cette note est que la reconstitution de
nombreux troupeaux d'Autruches serait incontestablement
un remède contre la propagation endémique des Sauterelles
et produirait des revenus importants par l'utilisation des
steppes du Sahara au profit du développement de la coloni-
sation et permettrait enfin la marche en avant du nord au
sud vers le Tchad et le Niger'. [A suivre.)
(1) El Outaya est une immense plaine cullivable, en partie irriguée, entre
Hatna et Biskra, deux places fortifiées, lieux de garnison importante.
INSECTES
QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES
HARICOTS, POIS, ETC. BLÉS, ORGES, ETC. FARINES
MOYENS DE DESTRUCTION (1)
Par m. DECAUX,
Membre de la Société Entomologique de France.
La question des insectes qui attaquent les substances ali-
mentaires dans les greniers et magasins a une importance
incalculable pour le monde entier. Elle a de tous temps pré-
occupé les économistes de tous les pays ; elle est de plus hu-
manitaire ; combien de malheureux affamés il serait possible
de soulager avec les millions d'hectolitres de graines alimen-
taires dévorées par les insectes chaque année?
Pour simplifier notre étude, nous la diviserons en deux
parties bien distinctes :
lo Les insectes qui attaquent les légumineuses : haricots,
pois, fèves, lentilles, etc.
2° Les insectes qui attaquent les céréales : blé, orge, seigle,
maïs, riz et les farines.
PREMIÈRE PARTIE.
Les insectes qui attaquent les légumineuses : hari-
cots, pois, fèves, lentilles, etc.
D'après la dernière Statistique du Ministère de l'Agricul-
ture, la France consacre 825,090 hectares à la culture des
légumineuses, qui ont produit 15,000,000 d'hectolitres de
graines d'une valeur d'environ quatre cents millions de
francs :
[\] Communication faite au Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne,
9 juin 1892. Réponse à la question 15 du programme.
L\SECTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 165
HECTARES. HECTOLITRES.
VALEUR.
Jardins 143,000
[ Fèves et fèveroUes. 154,000
Grande ) Haricots 102,000
culture, j Pois 61,000
f Lentilles 14,500
/"'*"^« \ 350,000
fourragère . )
2,450,000 95,000,000
3.000,000
1,620,000
1,100,000
221,000
60.000,000
49,000,000
30.000,000
6,630,000
6,000,000 125,000,000
L'Algérie emploie 95,000 hectares à la culture des légu-
mineuses, qui produisent 1,300,000 hectolitres de graines va-
lant environ 35,000,000 de Irancs.
Jardins
HECTARES.
9.500
48,000
25,000
6,300
1,200
4,600
HECTOLITRES.
160,000
615,000
355.000
■76,000
14,000
80,000
VALEUR.
5,000,000
Grande
[ Fèves et fèverc
) Haricots
lies.
13,000,000
13,000,000
culture
j Pois
2,500,000
Culture
( Lentilles
î
. . . .
480,000
1,700,000
fourragère .
)
La Tunisie produit pour 15 à 20,000,000 de francs de fèves,
haricots, etc.
L'extension énorme que l'on compte donner à la culture
de l'Olivier en Tuni.sie et en Algérie (1) augmentera forcé-
ment dans de grandes proportions la culture des légumi-
neuses, qui peut se faire en ligne, entre les oliviers.
Toutes les légumineuses : fèves , pois , haricots , len-
tilles, etc., de France, et du monde entier, sont dévorées par
des coléoptères de la famille des Briichus, dont la larve
ronge l'intérieur de la graine. Les dégâts causés par ces in-
sectes sont considérables ; en France, ils varient de 10 à 30
et 50 °/o selon les années; dans nos Colonies, ils atteignent
de 20 à 10 et 80 "/o, comme nous avons pu le constater, pour
des haricots provenant du Sénégal (80 o/o) (2) par B. ornaius;
de la Nouvelle-Calédonie, par B. irresectus (25 à 40 Vo) ;
(1) Decaux, L'Olivier, son avenir, etc. {Revue des Sciencus naturelles appU-
qui'es, n»' 11 à 13, 1892).
(2) Etude sur les insectes nuisibles, recueillis à l'Exposition universelle de
1889. Société des Agriculteurs de France, n<" 20 et 21 (1890!.
^66
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
•d'Algérie et de Tunisie, par B. irresectus (importé), 15 à
30 % ; t^u Tonkiii et d'Annam, par B. chinensis, 20 à 40 % ;
■des Indes françaises, par B. chinetisis, 20 à 40 % ; de la
Réunion, par B. phaseohis, 20 à 45 «/o ; des Antilles, par
B. irresectus, 20 à 40 %, etc.
Il ne faut pas se le dissimuler, le Briichiis est un ennemi
implacable; il n'existe pas un champ, dans le monde entier,
si petit qu'il soit, -voire même dans un jardin, une bande de
quelques mètres carrés, plantée en fèves, pois, ou autres légu-
mineuses, dont les graines soient exemptes de Bruchus.
Mœurs des bruchus en général.
Pour faciliter ma démonstration, je prends comme exemple
le Bruchus pisorum Boh. (figure 1), dont la larve bien con-
nue des ménagères, vit dans le pois, Pisum saiivum L. des
■environs de Paris.
C'est au commencement d'avril, lorsque les pois sont en
fleurs, que le B. pisorion Boh.
femelle vient déposer un œuf
dans la jeune gousse en for-
mation. La larve , aussitôt
éclose, choisit une graine, s'y
enfonce et se nourrit de la
partie interne , sans jamais
s'attaquer au hile. Ce parasite,
au lieu de nuire à la première
végétation de la graine, déter-
mine une irritation qui a pour
l'ésultat une exubérance de
sève qui permet au pois de se
■développer avantageusement et d'arriver à la maturité
presque toujours plus gros que les autres graines saines
contenues dans la même gousse. La larve arrive à son en-
tier développement un peu avant la maturité de la graine ;
avant de se métamorphoser en nymphe, elle creuse une ga-
lerie dans le pois jusqu'au péricarpe, qu'elle n'entame jamais,
puis elle se forme une coque avec les débris provenant de
son travail, qu'elle agglutine avec un mucus qu'elle dé-
gorge par la bouche ? L'insecte parfait reste enfermé dans
la graine et normalement ne doit sortir qu'au mois de mars
r p^ \ \'
Pig^ 1^ — Le Bruchus pisorum.
A. Insecte très grossi.
B. Une antenne très grossie.
C. Grandeur de l'insecte.
INSFXTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 167
de l'année suivante. Il est alors facile de comprendre com-
ment le cultivateur emporte avec sa semence l'ennemi qui
dévorera plus tard sa récolte. Le Briiehiis, parfaitement à
l'abri dans le pois, peut impunément braver l'humidité de la
légère couche de terre qui le recouvre, son instinct lui indi-
quera le moment précis où il doit percer sa prison et prendre
son vol pour accomplir la mission qui lui est échue de per-
pétuer son espèce.
J'espère avoir suffisamment démontré que l'insecte est
toujours enfermé dans la graine de pois, haricot, len-
tille, etc., au moment de la récolte. Supposons un instant
qu'il soit possible de déterminer tous les cultivateurs d'un
pays, ou seulement d'une contrée, à stériliser la petite quan-
tité de graines réservées pour la semence, immédiatement
après la récolte (comme il sera indiqué plus loin). Il est facile
de prévoir que les insectes qui doivent servir à la reproduc-
tion de l'espèce dans les champs, l'année suivante, seraient
détruits d'un seul coup, et qu'il ne resterait plus, au mois de
mars, que les Bruchus contenus dans les graines réservées
dans les magasins, pour la consommation du printemps,
c'est-à-dire très peu d'insectes susceptibles de prendre la
liberté et de regagner les champs cultivés.
Destruction.
Le produit à employer doit réunir plusieurs qualités indis-
pensables. Pour les graines comestibles, il est essentiel de ne
se servir que d'un produit ne laissant aucune mauvaise odeur
et ne pouvant en aucune faron nuire à la santé. Il faut encore
que la faculté germinative de la graine ne soit en rien alté-
rée, que ce produit soit bon marché et que son mode d'em-
ploi soit simple et facile.
Depuis l'année 1880 (1), où nous avons commencé nos re-
cherches avec l'aide et le concours de M. le docteur Charles
Decaux, nous avons fait de nombreuses expériences, en em-
ployant divers produits chimiques, l'étuve, la dessiccation des
graines, etc. Le sulfure de carbone nous a donné les meilleurs
résultats.
(1) Étude (Société des Agriculteurs de France) déjà citée.
168 revue des sciences naturelles appliquées.
Emploi du sulfure de carbone.
Ce procédé est basé sur la rapidité avec laquelle le sulfure
de carbone se Yolatise et dégage des vapeurs toxiques. Son
mode d'emploi consiste à enfermer les graines à stériliser
dans un tonneau cerclé en fer ou autre récipient susceptible
d'une fermeture aussi complète que possible. Dans mes essais,
j'ai employé le sulfure de carbone à la dose d'un millième,
c'est-à-dire un décilitre pour un hectolitre de graines. J'ai
laissé les graines en contact avec les vapeurs du sulfure de
carbone pendant 15 à 24 heures; mais je suis certain que la
quantité de liquide et le temps nécessaire pour tuer les in-
sectes peuvent être réduits.
Soins a prendre.
Les manipulations devront être faites à l'air libre, sous un
hangar couvert, pour éviter de respirer les vapeurs qui se
dégagent pendant l'opération, surtout lorsque l'on aura à
traiter de grandes quantités de graines à la fois. 11 faut éAiter
de s'approcher avec du feu des récipients contenant les
graines en traitement; les vapeurs du sulfure de carbone,
comme celles de l'éther, font explosion. Il n'est pas démon-
tré qu'en opérant à l'air libre, cette explosion soit à craindre ;
mais on ne saurait s'entourer de trop de précautions ; on fera
bien de prévenir l'ouvrier chargé des manipulations de ne
pas fumer et d'opérer le jour.
Le traitement terminé, les graines devront être ventilées
au van à manivelle (tarare) pour les aérer. Le sulfure de car-
bone est tellement volatil qu'il ne restera plus trace des va-
peurs après ce traitement. Nous nous sommes assuré que la
faculté germinative de la graine reste intacte après le trai-
tement.
En réalité, rien de plus facile, de plus simple et de plus
économique que ces manipulations : remplir un tonneau par
la bonde, avec un entonnoir (aux 9/10), avec la graine à stéri-
liser, y ajouter im décilitre de sulfure de carbone par hecto-
litre, bien boucher le tonneau, le remuer une ou deux fois,
pour bien mélanger la graine, et l'abandonner pendant 15 à
24 heures ; ensuite renverser la semence et la passer au ta-
rare, et c'est fini. La dépense est d'environ 5 à 10 centimes
par hectolitre.
INSECTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 169
RÉSUMÉ.
Nous avons vu par la statistique officielle, que la culture
en France des fèves, pois, etc., avait une valeur d'environ
400,000,000 de francs. Que la même culture, en Algérie et en
Tunisie rapportait plus de .50,000,000 de francs (nos colonies
doivent produire .50,000,000 ou 60,000,000 de francs), et que
les dégâts causés à ces excellentes graines, chaque année,
varient de 10 à 30 et 50 p. 100, c'est donc une perte réelle
de 50 à 70 millions de francs, chaque année, que nous font
subir les Bruchics, sans compter le dégoût que nous inspire
la larve dans les graines mangées vertes et les déjections
dans les graines sèches.
Nous pouvons affirmer la possibilité de détruire les Bni-
cliiis renfermés dans les graines, en employant le sulfure de
carbone, comme nous l'avons indiqué.
Le plus difficile, selon nous, est d'obtenir cette simple opé-
ration de tous les cultivateurs d'une même contrée ? Il existe
une loi en France qui rend obligatoire l'échenillage, l'échar-
donnage, etc. On pourrait donc exiger des agriculteurs la
.stérilisation de la petite quantité de fèves, pois et autres lé-
gumineuses réservées pour la semence, immédiatement après
la récolte? La chose en vaut la peine et mérite d'être dis-
cutée.
A défaut de l'application de la loi qui froisse toujours
quelque personne, il existe en France et en Algérie un assez
grand nombre d'Instituts agronomiques, d'Ecoles d'agricul-
ture, etc. Nous comptons sur les sentiments humanitaires
bien connus, et l'intelligente sollicitude pour les intérêts agri-
coles, de M. Tisserand, directeur au Ministère de l'Agricul-
ture, pour espérer qu'il voudra bien faire appliquer ce pro-
cédé, sans retard, dans ces Écoles, qui le feront connaître.
D'ici quelques années, les cultivateurs en reconaîtront l'avan-
tage, et, entraînés par l'exemple, ils feront d'eux-mêmes ce
que l'on supposait impossible d'obtenir.
Il en sera de même pour toutes nos colonies, où les hari-
cots et les fèves jouent un rôle très important pour la nour-
riture journalière des populations indigènes et dont la moitié,
ou les trois quarts de la récolte sont souvent dévorés par les
BriicJms.
170 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
DEUXIEME PARTIE.
Les insectes qui attaquent les céréales : blés, orges,
farines, etc.
La France est le pays qui consacre, proportionnellement,
la plus grande étendue de terre à la culture des céréales, en
général et spécialement du blé. La superficie totale de la
France est de 52,857,600 hectares.
En 1890, environ 15,000,000 d'hectares (14,807,000) ont été
cultivés en céréales. Sur ce nombre, 7,000,000 d'hectares
sont consacrés au froment ; le méteil accapare 300,000 hec-
tares ; Vavoine 4,000,000 d'hectares ; le seigle 1,500,000 hec-
tares ; Yorge environ 900,000 hectares ; le sa?'rasin 5 à
600,000 hectares ; le maïs autant.
Bien que nous produisions, chaque année, environ 275 mil-
lions d'hectolitres de grains, dont 107,000,000 d'hectolitres
de blé, en moyenne, nous sommes obligés de demander à
l'importation des céréales étrangères le complément de notre
consommation. C'est ainsi qu'en 1890 nous avons importé
environ 114,000,000 d'hectolitres de tons grains et de farines,
dont 18 à 20,000,000 d'hectolitres de blé.
Ces immenses productions de céréales : blés, orges, riz,
maïs, etc., d'une valeur déplus de S milliards de francs,
sont dévorées dans les greniers et magasins par plusieurs in-
sectes dont le plus nuisible est un coléoptère de la famille des
Charançons, le Calandra granaria Linné, pour les céréales
européennes, et le Calandra Oryzœ Linné, pour le riz,
maïs, et les blés venus d'Amérique ■ et
des Indes (quelquefois ces derniers sont
aussi attaqués par le C. granaria).
Calandra granaria Linné (fig. 2).
Longueur 2 1/2 à 4 1/2 millimètres,
allongé, d'un brun marron. Pronotum
garni de points oblongs, espacés. Elytres
concolores fortement striées, ponctuées.
Calandra Oryzae Linné 2 1/2 à 4 1/2
Fig. i'. — Le Calandra millimètres allongé, un peu oblong, d'un
granaria très grossi, iji'un marron : prouotum gariii de points
INSECTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 171
subaiTondis, serrés. Elytres crénelées, striées, avec deux
taches rousses sur chaque élytre.
Mœurs.
Les CALANDRA sont des ennemis qui, en général, ne
s'écartent guère des habitations, ils sont cachés dans les
entrepôts, dans les greniers, un peu partout où séjournent
longtemps des céréales ; ils ne s'emparent de la graine qu'a-
près la récolte.
En France, c'est vers la fin d'avril que les C. granaria
se recherchent pour s'accoupler, quelques jours après la fe-
melle s'enfonce dans le tas de blé (jamais nous n'en avons
trouvé sur les grains extérieurs), elle fait une piqûre à l'en-
veloppe du grain, qu'elle soulève avec son rostre ; sous cette
pellicule, elle pratique un trou elliptique, puis elle se re-
tourne et, à l'aide de son oviducte, elle dépose un seul œuf,
après quoi l'ouverture est bouchée par une sorte de gluten
de la couleur du blé. L'œuf a un demi-millimètre de long, il
est ovoïde, transparent. La larve arrivée à tout son dévelop-
pement est épaisse, charnue, sa taille est d'environ 2 milli-
mètres 1/2 de longueur sur 1 à 1 1/2 millimètre de largeur ;
elle se tient habituellement sur le côté, pliée en arc ; elle est
allongée, blanchâtre, molle; son corps est composé de neuf
anneaux, de consistance cornée ; sa tète est de couleur mar-
ron, ses mandibules sont fortes et armées de dents arrondies
et se terminent brusquement en pointe. Cette larve est privée
de pattes, elle se métamorphose en nymphe, reste dans cet
état huit à dix jours et se transforme en insecte parfait qui
perce le grain pour sortir. J'estime que la ponte entière
comporte de trente à quarante œufs. La larve se nourrit de
la partie farineuse du grain, sa croissance et ses métamor-
phoses exigent deux mois environ pour arriver de la ponte à
l'insecte parfait.
Lorsque, vers le mois d'octobre, la température descend et
tend à se rapprocher de 10 degrés centigrades, par un instinct
de prévoyance et de conservation, un grand nombre des C.
granaria, arrivés à leur état parfait, quittent les tas de
graines et vont se cacher dans les fentes des murs, des pai'-
quets, quelquefois des bois de charpentes, etc., pour y pas-
ser l'hiver dans un i)arfait état d'engourdissement.
172 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
Dans les climats tempérés, le C. gi^miaria a deux ou trois
générations par an ; mais dans les pays intertropicaux, il doit
se métamorphoser plus promptement et avoir quatre ou cinq
générations.
D'après un calcul de De Geer, un seul couple de C. grana-
ria, y compris les générations auxquelles il donne naissance,
peut avoir produit, au bout de l'année, 23,600 individus. Nos
expériences répétées plusieurs fois en vase recouvert d'une
toile métallique sont moins effrayantes ; après la troisième
génération le nombre des grains contaminés était d'environ
7,500 individus ; mais en continuant l'expérience jusqu'à la
fin de la seconde année, un bocal contenant un litre de blé,
dans lequel j'avais déposé un seul couple d'insectes, ne con-
tenait plus que quelques grains sains, presque tous les grains
avaient été dévorés. Cette expérience démontre suffisamment
l'utilité de ne pas laisser séjourner dans les greniers des tas
de grains pendant plusieurs années si l'on veut éviter un
désastre.
Expérience sur Vinfluence d'une température basse. —
Un bocal rempli de blé sain dans lequel j'ai enfermé cinq
couples de C. r/ranaria, au mois d'avril, a été descendu dans
une cave très sèche, dont la température varie entre 5° et 7°
centigrades. Après un an, j'ai retrouvé huit insectes vivants,
il m'a été impossible de découvrir une seule larve. Les in-
sectes étaient engourdis , je n'ai pas trouvé de parties de
grain rongées au fond du bocal, ce qui me fait supposer qu'ils
ont très peu mangé; si toutefois ils ne sont pas restés com-
plètement privés de nourriture.
Expérience sur sa résistance au froid. — Des C. grana-
ria ont été ex[)0sés toute une nuit dehors, par une tempéra-
ture de — 19° centigrades, ils ont très bien résisté et se sont
accouplés au printemps.
Résistance à la privation de nourriture. — J'ai enfermé
dix C. granaria dans autant de petits tubes séparés, recou-
verts de toile métallique. J'avais choisi ces insectes à mesure
des éclosions, du 15 au 20 août, et avant qu'ils se soient ac-
couplés ; j'ai pris la précaution de les tenir au grenier, mais
dans l'obscurité. Ils ont vécu : 4 exemplaires du* 20 août au
10 avril ; 3 exemplaires jusqu'à la fin d'avril ; 2 exemplaires
jusqu'au 10 mai et le dernier jusqu'au 24 mai.
INSECTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 173
Le C. granaria a une «épulsion marquée pour les odeurs.
Première expérience. — En 1884, j'ai rempli 20 vases
ouverts pouvant contenir chacun 2 litres de blé : dans 14 de
ces vases, j'ai introduit, au milieu, un tampon lait avec une
des plantes suivantes :
Les fleurs et feuilles de sarriette (Sahireia horleyisis).
— de camomille {Anthémis cotiild).
Les fleurs et feuilles d'absinthe (Artemisia aljsinthiwn).
— — de tanaisie [Tanacetum vulgare).
— — de lavande {Lavandula spica).
— — de menthe {Mentha piperi(a).
— — de thym [Thymus vulgaris).
— — d'hysope {Hysopiis officinalis).
~ — de vomariniRosmarinus officinalis).
Les feuilles sèches de tabac {Nicoliana tabacuni).
Les bulbes concassés et feuilles d'ail [Alliion savitum).
Les feuilles et graines de fenouil (Fœninulum vulgare).
Les fleurs de houblon (Humulus lupiilus).
Les 6 autres vases ne contenaient pas de mélange odorant.
Ces 20 vases ainsi préparés ont été disséminés dans le gre-
nier d'une maison que je savais fréquentée par le C. granaria,
et laissés une année entière sans y toucher. Aucun des vases
de blé contenant des plantes odoriférantes n'a été attaqué
par les insectes ; les 6 autres vases, laissés comme témoins,
en contenaient tous plus ou moins.
Deuxième expérience. — En 1885, j'ai placé dans l'inté-
rieur d'un tas de blé contenant 10 liectolitres, une douzaine
de tampons, formés de plantes différentes (indiquées plus
haut) ; le grenier contenait, en outre, 5 ou 6 autres tas de
blé, orge et seigle, qui se sont trouvés bien plus attaqués,
que le tas stérilisé. Cependant, je dois à la vérité de dire
que ce dernier n'est pas resté complètement indemne.
Des expériences qui précèdent, on peut conclure que, si les
odeurs ne font pas mourir les charançons, elles peuvent,
dans une certaine mesure, les éloigner des tas de graines que
l'on veut préserver.
Il nous a été démontré que, dans un grenier contenant di-
verses Céréales, l'orge était contaminée dans la i)lus forte
proportion et l'avoine, la moins attaquée. {A suivre.)
LA QUESTION DES « SALT-BUSHES »
Par m. Jean VILBOUCHEYITCH.
y-
Introduction. — Depuis une dizaine d'années, la Société
nationale d'Acclimatation de France reçoit presque tous les
ans d'Australie, du baron von Mueller, et à son tour distribue
dans le Midi, en Algérie et en Tunisie, des graines de di-
verses Salsolacées fourragères connues chez les colons aus-
traliens sous le nom coinmun de « Salt-buslies » — brous-
saille saline.
La Société nationale d'Agriculture a été aussi entretenue à
plusieurs reprises de ces intéressants végétaux, dont elle a
eu des graines, en 1882, par M. Grosjean, inspecteur de l'En-
seignement agricole, et M. le professeur Prillieux.
Des distributions de graines sont faites tous les ans à des
agriculteurs et acclimateurs habitant les régions salantes, par
le Directeur du Jardin de la villa Thuret, et les rapports
annuels de M. Ch. Naudin à M. le Ministre de l'Agriculture,
publiés dans le Bulletin du Ministère, font régulièrement
mention des observations relatives aux nombreux exem-
plaires cultivés à la villa Thuret même.
Des informations sur les « Salt-bushes », quelque peu fan-
taisistes, il faut le reconnaître, ont même pénétré dans les
journaux quotidiens. Malgré tant d'honneur, on chercherait
en vain, sans excepter la presse agricole, des détails précis
sur les résultats agricoles obtenus ; les données sur les « Salt-
bushes » en eux-mêmes, sur leur utilisation et leurs conditions
d'existence naturelles dans leur patrie, ne sont pas davantage
répandues, et, en général, le sujet ne paraît pas encore avoir
été considéré dans son ensemble, et, au point de vue des inté-
rêts pratiques de l'agriculture des terrains salants. Cette
lacune nous a frappé tout de suite quand nous avons com-
mencé la bibliographie des choses relatives à ces terrains, dont
quelques chapitres détachés ont été communiqués à différentes
reprises ici-même et ailleurs. Dès le début, nous avons donc
cherché à nous entourer sur la matière de renseignements
complets; nous avons, en effet, pu en recueillir quelques-uns,
par voie bibliographique, par correspondance et au cours de
LA QUESTION DES « SALT-BUSHES ». 175
deux tournées dans les régions salantes du Midi, en automne
de 1891 et au printemps de 1892; il en est résulté un petit
dossier, que M. le professeur Maxime Cornu a bien voulu
présenter à la Société nationale d'Agriculture qui l'a publié
in extenso (1).
Le désir de voir faire un historique de la question, expri-
mé par réminent Président de la Société nationale d'Acclima-
tation à l'occasion d'un récent envoi de graines de la part de
M. le baron von Mueller, a été le mobile immédiat de cette pu-
blication. Le présent mémoire résume ce que nous avons pu
apprendre de plus essentiel et donne les conclusions qui se
dégagent pour nous de la comparaison des différents témoi-
gnages. Nous le considérons aussi, et surtout, comme une
sorte de questionnaire adressé à la vaste publicité de la So-
ciété nationale d'Acclimatation, et nous espérons fermement
que des réponses nous récompenseront de notre peine.
Les « Salt-bushes » chez eux. — Une préface publiée
dans VlconograpJiy of Auslraliayi salsolaceoiis plants (2)
nous apprendra, sans autre préambule, comment la question
se pose en Australie même, et ce qui guide M. le baron von
Mueller dans son excellente activité en faveur de la propaga-
tion des « Salt-bushes » dans les autres pays.
« La famille des Salsolacées », écrit-il, « présente en Aus-
tralie une multitude de formes endémiques du plus haut inté-
rêt botanique, et comprend un nombre considérable de végé-
taux utiles, d'une importance de premier ordre dans l'écono-
mie du pays.
» 11 existe dans ce continent de vastes étendues, où les salt-
Tjushes constituent le gros de la végétation et où l'élevage du
bétail et des chevaux est basé principalement sur eux.
w Ce genre de nourriture s'est môme montré si particuliè-
rement profitable aux animaux que, déjà depuis de longues
années, les pays à salt-bushes [salt-busli-coiintry) ont acquis
dans le monde des éleveurs australiens une excellente répu-
tation, d'autant mieux justifiée que ces Salsolacées persistent
pendant toute la durée des périodes sèches les plus rigou-
reuses. Rien d'étonnant que, systématiquement détruites par
(1) Mtfmotres, 1802, et tirafres à part ; 40 pajçes.
(2) Paraissant depuis 1889 par décades de dix planches avec dénomination de
figures sans texte.
176 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
la pâture continuelle, elles finissent par se faire rares. Les
propriétaires des pâturages arriveront forcément à la nécessité
de reconstituer artificiellement la végétation des salt-bushes
par des semis méthodiques.
» D'ailleurs, déjà aujourd'hui beaucoup de fonds de pâturage
auraient bien pu être considérablement améliorés, si leurs
propriétaires le voulaient , par l'introduction de certaines
espèces particulièrement précieuses et qui y manquent.
» La tâche s'impose donc de se mettre à chercher parmi les
diverses Salsolacées de notre pays celles qui sont préférées
par les animaux et le mieux faites pour repeupler les terrains
appauvris par l'exploitation déraisonnée des éleveurs.
» C'est pour faciliter ces recherches et pour permettre de
faire un choix, que nous avons entrepris de présenter dans
un ouvrage spécial les figures de toutes nos espèces d'herbes
et arbrisseaux salsolacées.
» Nous ne devons pas ceci seulement à notre paj's, qui,
comme nous venons de l'exposer, y a réellement intérêt au
point de vue de la pratique agricole.
» Xous avons aussi contracté des obligations morales envers
les autres pays de l'univers auxquels nous, Australiens, em-
pruntons continuellement ce qu'ils possèdent de bon et d'utile
en fait de plantes. C'est le moins que nous les mettions à
même, en revanche, de profiter de nos trésors à nous. »
ÉnUMÉRATION des « SALT-BUSHES » D'AUSTRALIE. — NoUS
avons cherché à connaître par des sources australiennes les
noms botaniques, les conditions d'existence et la valeur agri-
cole des principaux « salt-bushes ». Nous n'avons trouvé,
sous ce rapport, que sur quelques espèces, dans les ouvrages
dont nous disposions (1), plus ou moins de détails d'ordre
pratique. Ces espèces sont :
(1) 1» Baroa von Mueller. Select extra tropical plants, etc. Edition indienne.
Calcutta, 1880.
2" Baron von Mueller et Ch. Naudin, Manuel de Vacclimateur, 1887.
30 Bentham et Mueller, Flora australiensis, vol. V, 1870.
40 Memorij on Bushes herbages and grasses, by M. -P. Vaile, scieatifically
classed by D' Schomburgk, petite notice imprimée dans le Officiai catalogue of
exhibits in South-Australian Court. Colonial and Indian exhibition, London,
1886. Adélaïde, 1886, pp. 47-48.
0° Diverses notices et rapports de M. Ch. Xaudin, mentionnés plus haut.
6" Dixon. On Salt-bushes, native fodder plants of New Sottth-Wales (in-8»,
1880 , travail d'environ dix pages, primitivement publié dans les Proceedings of
LA QUESTION DES « SALT-BUSIIES ». 177
Kochia villosa Lindley (« Cotton-biisli »).
— — var. humUis (« Bastard cottoii-
and salt-biish »).
Koclila villosa var. sedifoUa vonMueller («Blue-busli «)
Ainplex nummiUaria Lindley (« Oldmaii salt-bush «)
Alrlplex vesicarium Heward (« Poldawoo « ; « small
salt-bush »).
Atriiilex halimoïdes Lindley.
— holocarpa et Alriplex spongiosa von Mueller.
Un certain nombre d'autres espèces sont également citées
mais sans qu'on puisse voir où et comment elles viennent ni
ce qu'elles valent, notamment :
Kochia pyramidataBEmu. (« Blue-bush »).
Chenolea bicornis (« Cotton-bush »).
Alriplex cainpanulata. Be^h.
— semi'baccala. Br.
— Muelleri Benth.
Kochia eriantha von Mueller.
Il est curieux de constater que nos sources ne contiennent
pas de renseignements pratiques sur le Chenopodium nilra-
riaceicm MILLER (« Swamp salt-bush ,>),le seul « salt-bush «
d Australie comme nous le verrons, qui a été l'objet, dans
le Midi, d'un essai de quelque importance.
En général, les renseignements d'ordre agricole qu'on peut
puiser sur les « salt-buslies . dans leur patrie , dans les
sources australiennes et autres nommées plus haut, sont fort
incomplets et sont décidément insuffisants pour procéder
en connaissance de cause, à des cultures d'étude compara-
tive des différentes espèces, dans le Midi de la France ou
ailleurs.
Nous sommes convaincu, à priori, qu'il doit exister
encore d'autres descriptions sur lesquelles nous n'avons pas
eu la chance de mettre la main. Nous formulons en consé-
quence cette
P« Question. - Nous prions les lecteurs australiens delà
aevuc des Sciences naturelles appliquées de vouloir bien
/fli?/f f'\,°f/\ *'■ ,^' "^o' ^^P'"''"'' en partie dans le Manuel des culture,
jra/« de MM. Raoul et Sa^ot. Ce dernier livre contient aussi sur la ma-
tière quelques données personnelles à M. Raoul.
20 Février 1893. ^2
178 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
communiquer ou indiquer à la Société ce qu'ils connaissent
en fait de mémoires, notices ou autres documents traitant
des divers « salt-bushes » au point de vue géo-botanique et
agricole.
SÉLECTION A FAIRE. — En attendant, tâchons de profiter
du peu que nous connaissons par les sources déjà nommées.
La première conclusion qui se dégage de la lecture de ces
documents est celle-ci: que la plupart des végétaux dé-
nommés « salt-bushes » ne sont que des fourrages de pacages
et ne sont nullement faits pour payer une véritable culture,
en vue de coupes réglées.
Dans les écrits de M. le baron von Mueller et plus particu-
lièrement, dans ses lettres à la Société nationale d'Acclima-
tation, il n'est parlé, en réalité, le plus souvent que de repeu-
plements à effectuer par voie semi-naturelle et non de vraies
cultures à établir.
La préface, reproduite plus haut, nous semble conçue dans
le même sens.
Ce procédé a aussi, en effet, rendu à l'économie agricole,
notamment dans les colonies , quelques précieux services ;
l'excellent Manuel des cultures tropicales de MM. Sagot et
Raoul en contient, entre autres, quelques beaux exemples.
Mais nous ne croyons pas qu'on puisse beaucoup compter sur
lui, dans le Midi de la France et en Algérie, pour des plantes
australiennes qui auront à y soutenir, dans les conditions
naturelles, une concurrence, probablement -très difficile. Et
d'ailleurs, dans le Midi de la France au moins, les conditions
économiques générales sont telles que les milieux agricoles
ne voudront jamais s'y occuper d'un fourrage halophite exo-
tique autrement qu'avec l'espérance d'une culture régulière
et rémunératrice ; c'est une impression très nette que nous
avons rapportée de nos entretiens sur place avec de nom-
breux propriétaires et fermiers.
Il convient donc, pour des essais dans le Midi, de faire un
triage attentif des espèces, et de ne prendre comme point de
départ, que celles qui offrent dans leurs conditions naturelles
un développement végétal très considérable. Des salsolacées
de pacage, il y en a assez d'indigènes.
Autant qu'on peut juger par les documents précités, dont
nous avons d'ailleurs déjà fait remarquer l'insuffisance, et
LA QUESTIOX DES « SALT-BUSHES ». ^9
parles expériences d'introduction, sur lesquelles nous avons
pu trouver des renseignements (1), les espèces suivantes mé-
ritent seules, dans ces circonstances, notre attention ; dans le
cas, bien entendu, où les conditions climatériques leur se-
raient favorables :
En première ligne: VAtriplex nummularia et VA. halU
moïdes.
Moins: le Chenopodmm nitrariaceum.
Enfin, peut-être encore : le Kochia vUlosa.
Voyons un peu, pour chacune de ces quatre espèces ce
qu'elle représente, comment elle vient et les chances qu'il v
a de l'acclimater et de la faire entrer dans la pratique agri-
cole. ^
L'Atriplex nummularia (Lindley). _ La plus grande
espèce du genre actuellement connu, puisqu'elle atteint une
taille de 3 et 4 mètres, se rencontre, à partir du Queensland
a travers tout le désert et jusqu'en Victoria et l'Australie
méridionale. C'est un arbrisseau ramifié et touffu couvert
d'un abondant feuillage gris argenté qui lui donne un aspect
très singulier. Il vient de préférence sur les bords des cours
d eau et marécages.
Dans leur patrie, les arbrisseaux prennent, arrivés à une
certaine hauteur, la forme en parasol, à cause des bestiaux
qui broutent aussi haut qu'ils peuvent atteindre ; ils sont
tellement avides de ce fourrage qu'ils ont fini par presque
anéantir l'espèce, qui, d'ailleurs, ne paraît jamais avoir été
représentée très abondamment.
On prétend que les moutons qui se nourrissent des pousses
de VAtriplex nummularia, ne sont point atteints de la
douve (Disloma).
M. Naudin a donné à plusieurs reprises des nouvelles sur
« le ixnma Atriplex presque arborescent », qui fait sa joie à
la villa Thuret et auquel il donne, dans ses rapports, tantôt
ie nom iVAtriplex arborea, tantôt celui A'Atriplex num.-
mularia, tantôt celui i\'Airlplex halimoïdes ; l'espèce est
nlm ^^'; ^^r*^'"- ^f^'^' ^' ^^ ^'"^- «"'• 'l' -Acclimatation, 1883, pp. G77-681 •
billet, du Mtntsf. ,1e V Agriculture, 18S8, p. 48 ■ 1800 p. W.\ ■ 1891 d V.î;
l\lP;>-''ortkcBoardoriicgentsortLUni;L^^
Mac-Owan ^^' ^'"''' '^' ^^^^^ ^°"'' ^^^'^'^' ^^' «'vière, A. Leroy.
180 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
dioïque et l'individu unique de la villa Tliuret mâle. M. Nau-
din en est donc réduit à multiplier i)ar boutures , qui
prennent aisément, mais ne peuvent pas être introduites en
Algérie, à cause des règlements antiphylloxériques.
En Californie, où VAtriplex nummularia a été essayé sur
une petite échelle, depuis 1885, au Jardin du Collège agri-
cole, à Berkeley, par plusieurs correspondants du Collège
agricole, habitant des régions salantes, il a lait généralement
l'impression de pouvoir fournir une grande quantité de
fourrage vert succulent, d'un goût salin agréable, M. S. G.
Baker, Norwalk, Los Angelos County, décrivait, dans son
rai)port, ses exemplaires comme étant, généralement, des
toulîés, toujours vertes, de 3 pieds de haut et de 10 ineds de
circonférence ; MM. H, H. Gird, Fallbrook, San -Diego
County, a vu les siens devenir au bout de deux ans « d'é-
paisses touffes hautes de six pieds » .
Point important : Les communications des différents cor-
respondants du Collège, que nous avons citées in extenso
ailleurs, laissent entrevoir que, tout en se plaisant parfaite-
ment bien dans les sols imprégnés de salant Jusqu'à un certain
point, VAtriplex nummularia ne supporte guère le salant
très concentré. Le bétail de toute espèce s'est montré très
friand des pousses de VAtriplex nummularia chez certains
correspondants et a les nettement refusées chez d'autres, ce
qui arrive communément pour tous les nouveaux fourrages et
tient tant aux caprices individuels de tel ou autre animal qu'à
la nature de la nourriture habituelle servie au bétail dans
telle ou telle ferme.
Un correspondant, de Moro, San Luis, Obispo-County,
M. Riley, a consigné dans sa communication cette observa-
tion intéressante au point de vue pratique: « La plante »,
écrit-il, « me parait en général assez délicate et semble de-
voir être facilement abîmée par le bétail » .
La facilité du bouturage et marcottage, mentionnée par
M. Naudin, s'est confirmée également en Californie.
L'Atriplex iiALiMoÏDES (Lindley). — Serait répandu dans
la plus grande partie du désert intérieur de l'Austrahe, sou-
vent en compagnie de VAtriplex holocarpa, auquel il res-
semblerait beaucoup, comme port et valeur alimentaire. Ce
serait une herbe vivace ou un sons-arbrisseau procumbent
LA QUESTION DES « SALT-BUSHES ». 181
OU tli/ïus, d'ai)rès le « Flora Australiensls », « un des meil-
leurs salt-buslies de pacage d'après le « Select-Plants », « un
arbuste formant des touffes épaisses et hautes de deux à
trois mètres ». d'après M. Armand Leroy, qui Fa élevé de
graines à Oran et l'a vu « taillé bas, repousser des tiges
de plus d'un mètre, garnies de nombreuses feuilles larges
d'environ six centimètres » .
Nous n'insisterons pas davantage sur la contradiction de
ces diverses données dont l'insuffisance des renseignements
ne nous permet pas de présenter une explication.
. Une maison d'Italie avait mis à un moment dans le
commerce une variété horticole décorative CCAtriplex hali-
moïdes, caractérisée pgir un port pyramidal et atteignant,
autant que nous nous en souvenons d'après l'entrefilet du
« Gantenflora » où il en était question, la hauteur de 1 mètre
à r",50. La figure qui accompagnait la notice faisait bien
Itenser 'ciVAiriplea^haUniKS delà région méditerranéenne.
D'après le « Select-Plants » il existe en Australie de vastes
surfaces occupées exclusivement par VAlriplex vesicarium
et VAtriplex /mlimoïdes, à l'exclusion de toutes autres con-
génères.
D'après M. Leroy, la plante se reproduit aisément par
semis aussi bien que par bouturage ; mais ce dernier procédé
serait préférable, le semis étant moins rapide et « pouvant
donner des plantes dégénérées ».
Le Chenopodium nitrariaceum (von Mueller) n'est, nous
l'avons déjà dit, que simplement mentionné dans les sources
australiennes, sans autres détails. Il a cependant été beau-
couj» recommandé en France. Après avoir rencontré ce nom
dans toutes les communications et dans tous les articles de
journaux, j'ai été quelque peu désillusionné, je l'avoue, par la
lettre suivante, de M. Louis Reich,administrateur,du domaine
de Faraman :
«... Pour le moment, je crois être encore seul à avoir
essayé la culture ou plut(H l'acclimatation des sall-bushes en
Camargue. Je ne crois pas que le Chenopodium nitrariaceum
soit fauchable et utilisable comme fourrage sec. Son aspect
rappelle celui du Lycium harharitm; il se peut qu'en le fau-
chant ou le recéi)ant souvent le fourrage s'améliore; la plante
atteint son maximum de taille en trois ou quatre ans. Je crois
182 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
que notre sol ne convient pas à ces plantes et il serait inté-
ressant de savoir quelle est la nature des terrains que ces
salt-hushes préfèrent en Australie. Je pense que c'est l'hu-
midité des six mois d'octobre à avril, qui fait périr ici beau-
coup de ces plantes d'Australie. »
Il ne faudrait pas déduire de ces lignes que le Cli. nitraria-
ceum se soit refusé à végéter à Faraman. Après tout, il y est
venu assez bien.
Le terrain où M. Reicli avait semé les salt-bushes était argi-
leux, très salé et peu élevé au-dessus du niveau de la mer.
Les plantes occupaient au début la surface de quelques ares ;
au mois de mai 1892, je n'ai pas pu en trouver beaucoup.
D'après M. Reicli, les plantes auraient disparu d'elles-mêmes
peu à peu. Peut-être a-t-il eu tort de ne pas les couper
assez souvent. Le bétail n'en voulait pas. Nous avons vu,
à propos de VAtriplex nummidaria, qu'une pareille obser-
vation isolée ne suffit pas pour condamner une plante en tant
que fourrage. Dans une autre ferme, elle aurait peut-être été
dévorée avidement.
D'après la notice de M. Naudin, lue à la Société nationale
d'agriculture de France, en 1885 (séance du 23 décembre), le
Ch. nitrariaceimi , essaj^é par M. le général Loysel dans les
terrains salés de l'oasis de Ghardaïa, « aurait commencé à s'y
acclimater i»; à la villa Thuret, le Chenopodium niirariaceum
s'est montré « un grand arbrisseau, très ramifié, très feuillu,
résistant à toutes les sécheresses et se proi)ageant de lui-même
par ses graines tombées à terre », ce qui l'y rend même quel-
que peu envahissant, comme nous avons pu nous en assurer
de visu.
Le KocHiA viLLOSA (Lindley) se rencontre dans la plupart
des régions basses et salines de la zone de l'Australie qui
s^étend entre le 34° et le 27° ; un sol argileux , sur le bord
d'un cours d'eau, avec un bon sous-sol, lui conviendrait le
mieux; il croîtrait, cependant, souvent aussi dans les terrains
inondés. Dans les stations sèches, ses longues racines iraient
chercher de l'humidité dans le sol jusqu'à des profondeurs de
4 mètres ; ce qui donne à la plante la faculté de résister aux
sécheresses et chaleurs les plus extrêmes, même dans le climat
difficile de l'Afrique méridionale.
Cependant, les quelques essais de son acclimatement tentés
LA QUESTION DES « SALT-BUSHES ». 183
en Algérie et dans le Midi ne semblent pas avoir réussi.
M. Reicli a dû renoncer au Kochia dès le début. D'après
M. Rivière, il souffre lacilement dans sa jeunesse, pendant
l'hiver, de la pourriture du collet, maladie atteignant beau-
coup des végétaux venant d'Australie. M. Rivière a indiqué,
dans 1' « Algérie agricole » (1886, 15 déc), un procédé per-
mettant d'éviter ce mal, mais les empotages et transplanta-
tions assez compliqués qu'il comporte, nous semblent inappli-
cables en grande culture fourragère agricole; c'est, d'ailleurs,
l'opinion de M. Rivière, qui se prononce, en général, contre
les tentatives d'introduction des « salt-bushes « australiens.
Même, en admettant que le Kochia s'acclimaterait, il nous
semble douteux qu'il puisse payer les frais de culture ; nous
n'avons pas pu trouver, dans les sources australiennes, d'in-
dications nettes sur sa taille, qu'il serait imprudent de juger
sur les exemplaires, fatalement rabougris, des jardins bota-
niques, à sol dépourvu de sel, mais cette taille ne doit pas
être bien grande.
D'après les documents australiens, le Kochia villosa est un
bon fourrage pour les moutons et les bœufs, et tout spéciale-
ment recherché pour les chevaux.
Il est à remarquer que les renseignements sur les résultats
des essais d'introduction en Algérie et dans le Midi sont, pour
toutes les quatre espèces, tout à fait en disproportion, comme
nombre, avec la quantité considérable de distributions faites;
ce qui, malheureusement, est le sort de toutes les distri-
butions.
Cependant, en Amérique, — nous venons de le voir — on
sait bien se faire répondre dans ces cas. N'est-ce pas, par ha-
sard, parce que les correspondants des établissements améri-
cains sont toujours sûrs de voir leurs lettres publiées intégra-
lement les unes à la suite des autres et ainsi rendues utiles à
tout le monde?
IP Question : Quelles sont les i)ersonncs ayant semé ou
planté une espèce quelconque de « Salt-lîushes » australiens
en quantité sulllsante pour pouvoir dire (pielque chose par
expérience et en chiffres, sur leur exploitation et leur ren-
dement?
184 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
IIP Question : A-t-il été fait quelque expérience de cette
nature en Australie même?
Les Salt-Bushes indigènes. — Les envois réitérés de sal-
solacées exotiques ont eu pour résultat de fixer l'attention de
quelques hommes doués d'initiative, sur les bonnes salso-
lacées fourragères de nos pays. Parmi elles, il y en a une,
qui paraît mériter la plus sérieuse attention, comme culture
fourragère ; c'est
L'Atriplex halimus L. (« guetaf » de l'Algérie; « arroche
halyme », « pourprier de mer ou de Provence » ; « bleu » de
l'Aude ; « arse blanche ou d'Afrique » ou « tarque » des
Pyrénées-Orientales), que tous ceux qui ont visité les con-
trées maritimes connaissent pour l'avoir vu en bordures et
haies vives, très gracieuses quand elles sont bien taillées,
et sur lequel M. Ch. Rivière nous écrivait, en 1889, ceci :
«... J'ai toujours préconisé la culture de cette plante qui
me paraît être le meilleur type du genre, et qui, de plus, est
dans son milieu. Multiplication facile : boutures, éclats de
souche, etc.
» Mon beau-frère, M. Couput, directeur de la Bergerie na-
tionale de Montjebeur, située en pleine steppe, a même fait
des semis au semoir mécanique très bien réussis. Cependant
il ne faut pas livrer la jeune culture aux moutons et encore
moins aux chameaux ; elle doit être l'objet de coupes mé-
thodiques ...»
IV Question : Nous nous permettons de poser à ce sujet
à M. Couput ou aux personnes qui ont suivi l'exemple donné
par lui, ces questions : Quel est, exactement évalué, le ren-
dement ? Quelle quantité de semence faut-il mettre par hec-
tare ? Est-il possible de faire du foin •? Ceci est peu probable,
surtout avec un terrain salant qui rend les feuilles et tiges
encore particulièrement grasses. Dans ce cas, a-t-il été fait
des essais d'ensilage ?
VA . halimus ne doit pas pouvoir supporter énormément
de sel dans le sol : nous doutons aussi qu'il vienne bien dans
les terres compactes.
L'Halogeton sativus, annuel, cultivé jadis pour l'obtention
LA QUE&TIUN DES « SALT-UUSHES ». <ijS
de la soiule naturelle, a été recommandé comme culture
fourragère pour terrains salants, par MM. Trabut et Bat-
tandier (Algérie agricole, 1889, 15 déc). D'après ce que ces
Messieurs ont vu à l'état spontané, chaque touffe leur semble
pouvoir donner de 500 gr. à 2 kilos de fourrage frais. Y a-t-il
eu des cultures faites sur cette indication ?
Autres Salsolacées non-australiennes méritant d'être
ESSAYÉES en CULTURE FOURRAGÈRE. Nous nous demandons
s'il n'y aurait pas quelque chose à faire avec
L'Obione ou Atriplex portulacoides, sous-arbrisseau
très commun dans la région méditerranéenne (« fraoumo »
en provençal; «blanquette» et « soreille » en catalan), et
prospérant particulièrement dans les endroits franchement
salés, humides, et plus ou moins argileux ; cette plante ne
dépasse guère en hauteur, pour la plupart, 40 cent., mais elle
présente parfois une végétation si touffue de pousses feuillues
et tendres, que le rendement d'une coupe pourrait peut-être
se trouver considérable. Nous n'osons cependant pas insister.
Le « fraoumo » jouit de la réputation d'un fourrage très
nourrissant. On nous a signalé encore : certaine variété de
Chenopodîum album, le Salsola sclerantha F. et M., le
Chenopodium allissima Moc, le KocMa piibescens MoQum,
le K. Jndica FI. Br. Ind., VHaloxijlon multiflorum Bunge ;
mais nous n'en savons pas davantage sur les mérites écono-
miques de ces espèces.
Les salsolacées de toutes les régions doivent contenir bien
des exemples de bons et abondants fourrages. Notre incom-
pétence personnelle ne nous permet pas de citer des noms ;
mais nous sommes sûr qu'il y a là un domaine fructueux à
exploiter, et que sur les 550 salsolacées de notre globe il
s'en trouvera, en cherchant, encore bien des espèces dignes
d'être cultivées comme fourragères au plus grand avan-
tage de l'agriculture des terrains salants.
II. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ.
SÉANCE GÉNÉRALE DU 20 JANVIER 1893.
PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Président proclame les noms des membres récem-
ment admis par le Conseil :
MM. PRÉSENTATEURS.
( A. Berthoule.
Chirac (Georges), propriétaire, à Thiers ^^.^^_^^.^^ Renard.
(Puy-de-Dôme). ( ^ oustalet.
!A. Geoffroy Saint-Hilaire.
E Ro"er
MarqJ'is de Sinety.
iA. Berthoule.
A. GeoËfroy Saint-Hilaire.
D"" J Michon.
!A. Geoffroy Saint-Hilaire.
Jules Grisard.
D' Laboulbéne.
!A. Berthoule.
A. Geoffroy Saint-Hilaire.
E. Oustalet.
Lainsecq (comte René de), château de ( A. Berthoule.
Lavergne, à Bouliac, par Floirac fGi- < E. Roger.
rondei. ( Marquis de Sinély.
( A. Geoffroy Saint-Hilaire.
Martin (Antonin), propriétaire, rue Mar- ) ^ -^o"ec
silian, à Montpellier (Hérault). ( ^'^^^^.^ ^^ ^.^^^^^
! Jules Fallou.
A. Geoffroy Saint-Hilaire.
D'- Laboulbéne.
— M. le Secrétaire procède au dépouillement de la cor-
respondance.
— M. Decaux adresse des remerciements au sujet de sa
récente admission.
PROCES-VERBAUX DES SEANCES DE LA SOCIETE. 487
— Des demandes d'œiifs de Salmonidés sont adressées par
MM. Turner et le comte de Corberon.
— MM. le D"" Lafon et le comte de la Bédoyère font par-
venir des demandes de Cheptels.
— Des comptes-rendus de leurs Cheptels sont envoyés par
MM. le comte de la Bédoyère et Garnotel.
— M. de Confévron écrit de Flagey (Plante-Marne) :
« Voici un fait anormal qui peut avoir son intérêt pour la Société
d'Acclimatation. Quelques-uns de nos confrères, plus savants ou plus
avisés que nous, pourront peut-être en de'terminer les causes.
» Ordinairement, dans nos campagnes de la Haute-Marne, pendant
les rudes hivers, comme celui que nous subissons, alors que la terre
fortement gele'e est couverte d'une épaisse pelisse de neige, nous
voyons beaucoup d'oiseaux, de passage ou autres, qui se rapprochent
des habitations. Ce sont de nombreuses bandes de Corbeaux et de
Corneilles qui, croassant et tournoyant, s'abattent sur les routes ou
dans les champs où la terre est un peu à découvert. Dans les prés ou
les coteaux, sur le bord des ruisseaux qui près de leur source ont
fait fondre la neige, des Merles, Grives, Draines, Litornes et autres,
cherchent leur nourriture en nombreuse compagnie. Les Tarins, les Li-
nottes, les Verdiers, les Pinsons, les Chardonnerets, les Rouges-Gorges,
les Bouvreuils, etc., etc., se donnent rendez-vous dans nos jardins et
nos vergers. Les arbres de nos cours servent de perchoirs aux Me'-
sanges charbonnières, petites charbonnières et à longues queues. Nous
ne pouvons omettre de citer les gracieux Roitelets ni les Troglodytes
les plus mignons de nos oiseaux, les seuls qui l'hiver nous égaient de
leur chant. Quand nous aurons parle des Geais et des Pies qui sou-
vent cherchent noise à tout ce petit monde, nous aurons à peu prés
dressé la liste de nos compagnons habituels de l'hiver.
» Celte année, rien de tout cela, on ne voit pas d'oiseaux, pas de
Grives, pas de Pinsons, pas même de Corbeaux ou quelques rares
couples de la région, ce qui est très remarquable. La campagne est
morne et triste. Quelques Merles, quelques Mésanges, en petit nombre,
et c'est tout.
» D'où cela vieut-il? Est-ce que les oiseaux de la protection desquels
on s'occupe si peu efficacement sont en train de disparaître, ou faut-il
attribuer leur rareté à la rigueur de l'hiver, à une cause atmosphérique
ou autre ? »
— M. Beauchamp de Lhommaizé (Vienne) adresse une de-
mande de Vigne mexicaine.
— M. R. Bérenger, membre de l'Institut, sénateur, adresse
une note sur le Mûrier du Tonkin dont nous extrayons ce
qui suit :
488 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
« Le Mûrier du Toukin esl uu arbuste de moyenne grandeur. Si sa
feuille n'a ni les dimensions, ni peut-être quelques-unes des qualités
de celles du Mîirier cultivé en France, il a sur ce dernier, à divers
points de vue, de très se'rieux avantages.
» P II se reproduit très facilement par boutures ;
* 2'' Il atteint sou maximum de croissance en deux ans, trois ans
au plus ;
» 3° Il a peu de racines et peut facilement se planter en bordure
des champs, sans aucune perte de récoltes ;
» 4° La cueillette de ses feuilles peut se faire sans e'chelle ;
» 5° Il peut sans inconvénient être dépouillé plusieurs fois de ses
feuilles.
» Au cas où la sériciculture viendrait à se développer en Franco,
il permettrait de reconstituer en très peu de temps et presque sans dé-
penses, les plantations aujourd'hui disparues.
» 11 permettrait en outre d'e'lever les races polyvoltines, qui, en don-
nant au cultivateur le moyen de tripler le faible bénéfice actuellement
retiré de nos éducations uniques, l'encouragerait assurément à revenir
à la se'ricicullure.
» Ces races ont déjà ëtd à la vérité l'objet d'expériences et ont e'ie'
abandonne'es. Mais tout porte à croire que la cause principale de leur
insuccès a été' l'impossibilité' d'obtenir de nos Miîriers plusieurs re'-
coltes de feuilles. — S'il e'tait vrai que le Mûrier nouveau peut être
plusieurs fois de'pouillé, le problème serait peut-être sur le point d'être
re'solu.
» C'est cette expe'rience que M. Arnal désire être mis en situation
de poursuivre.
» Déjà, au cours de cette année, il a e'té en mesure de remettre à la
condition des soies de Lyon et au Ministère de l'AgricuUure dos
e'chanlillons de cocons et de soies obtenus en trois re'coUes suc-
cessives, qui n'ont pas été trouvés sans valeur. Mais ces essais faits
sur des quantités très minimes ne seront réellement de'monslratifs
qu'autant qu'il aura pu en obtenir la confîrmalion dans des éducations
normales. . . »
— M. le Président dépose sur le bureau la suite des études
de M. Marois sur les grands établissements d'aviculture (éle-
vage de MM. Voitellier frères, avec deux plans).
— M. le Secrétaire annonce une création à laquelle nous
ne saurions trop applaudir, celle d'un Institut et Musée colo-
nial à Marseille.
Cet établissement scientifique, placé sous la direction de
notre collègue M. Heckel, l'éminent professeur de la Faculté
des Sciences, aura pour but de faire connaître aux négociants
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 489
et industriels français les produits coloniaux et le parti qu'on
peut tirer de ces productions naturelles, soit végétales, soit
minérales.
L'Institut sera complété par un laboratoire d'études et
de recherches, dans lequel M. Heckel dirigera les travaux
botaniques, chimiques et de matière médicale, tandis que
M. Vasseur, également professeur à la Faculté des Sciences,
aura la direction des travaux minéralogiques et celle des
cartes géologiques de nos colonies ; M. Callot, professeur au
Lycée, remplira les fonctions de conservateur, et celles de
bibliothécaire seront confiées à M. Fleury, qui occupe ce
poste à la Faculté des Sciences.
Avec les savants distingués placés à sa tête, et le con-
cours assuré des médecins et des pharmaciens de la marine,
cet utile établissement est sans nul doute appelé à une pros-
périté et à une extension des plus rapides, et, par son but
pratique, il pourra rendre d'importants services.
M. le Secrétaire dépose en outre sur le bureau l'annuaire
de la station séricicole du Caucase.
— A cette occasion, M. Vilbouchevitch fait ses offres de
service pour la traduction des parties de cette publication qui
lui seraient signalées comme pouvant intéresser la Société.
— M. Raveret-Wattel fait hommage à la Société de quelques
exemplaires de sa conférence à la dernière exposition de la
Société d'Insectologie, sur les Insectes envisagés au point de
vue de la pisciculture.
— M. J. Grisard donne lecture, au nom de M. .1. Vilbou-
chevitch, d'un mémoire sur les Sall-bushes.
— M. le Président présente quelques observations sur la
résistance au froid de certains animaux du Jardin d'Accli-
matation. Puis il fait une communication sur le nouveau
Musée pratifjue (animaux et plantes) que le Jardin d'Accli-
matation organise en ce moment.
Pour le secrétaire des séances,
Jules Grisard,
Secrétaire du Comilé de rédaclion.
III. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER.
Le Riz noir de Birmanie.
Ce Riz, que l'on sème en avril et que l'on coupe en octobre, est
beaucoup plus nourrissant que le Riz ordinaire ou que le Riz noir du
Bengale que l'on cultive aussi à Chitlagong. Il devient particulière-
ment gluant en cuisant et prend une nuance pourpre. On en fait dos
puddings. Sa culture réclame très peu d'eau. On le mélange ge'néra-
lement avec le Riz blanc.
Un échantillon, envoyé au Jardin de Kew, fut analyse par le profes-
seur Cburch. La matière colorante se trouve dans l'épiderme. Elle est
identique à celle du raisin rouge, des baies noires, des feuilles du
hêtre brun et de beaucoup d'autres feuilles, de fleurs et de fruits. On
l'appelle gene'ralement Ounolino, Erythrophyline, Coleine ou Antho-
cyanine. Elle est reprësenlee par la formule : C" H" 0'".
Si l'on recouvre quelques grains de ce Riz noir d'un peu d'espril-de-
vin, la matière colorante se dissout et prend une belle couleur écarlate.
Voici l'analyse trouve'e par le professeur Ghurch, comparée aux
sortes de Riz blanc ordinaire de l'Inde :
CENTIÈMES.
RIZ NOIR. RIZ BLANC.
Eau 13,2 12,4
Albumine 9,2 7,3
Fe'cule sucroo 74,1 78,3
Huile 2,2. 0,6
Fibres 0,6 0,4
Cendres 0,7 0,6
Proportion nourrissaulo 1: 8,6 1: 10,8
Valeur nutritive 88,4 86,5
Le caractère le plus remarquable de celle sorte de Riz est la ri-
chesse extraordinaire en albumine et huile.
Quelques sortes de Riz du Japon , les plus estimes et les plus
gluants, contiennent de 1 i à 2 pour cent d'huile au lieu de 0,4 ou 0,5
pour cent, dans les Riz des Carolines, mais ils sont comparativemeut
pauvres en albumine.
C'est à celle richesse en albumine qu'il faut attribuer la valeur
nutritive du riz noir de Birmanie, qui contient aussi beaucoup plus
d'acide phosphorique.
CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER. 191
Culture du Café aux Philippines.
Le Cafë est cultivé aux Philippines par des Indiens, sous la direc-
tion d'Européens ou de Métis et il est probable que sa bonne qualité'
est due à l'exclusion des ouvriers chinois. On peut se demander ce
que serait cette qualité si l'on y apportait les soins qu'y prodiguent
les planteurs en d'autres colonies. C'est-à-dire que, contrairement à ce
qui se fait aux Philippines, on cueille le fruit lorsqu'il est bien mûr
et on le fait sécher h l'air bien sec.
En 1S50, la production était de 20,000 quintaux; en 1870, elle dé-
passait plus de 80,000 piculs dont 75,000 furent exportés.
L'année 1891, cette production était de 120,000 piculs; dans ce
chiffre la province de Batangas seule figure pour 85,496 piculs.
Le prix moyen est de 20 piastres le picul (1 picul = 62 1/4 kilogr.).
Ce prix varie beaucoup d'une année à l'autre ; en .1891 il e'tait de
37 piastres et l'année d'avant de 10 à J4 piastres. On estime que les
bénéfices des planteurs de Café s'élevaient à la somme de 2,400,000
piastres.
Des 120,000 piculs en 1891, 45,000 ont été exportes presque exclu-
sivement en Espagne. En 1890, l'exportation était de 75,000 piculs.
C'est une source très riche de revenus. Et pourtant la culture se fait
avec peu de soins. On en ressent les effets en beaucoup d'endroits.
11 est à craindre que, dans ces conditions, on ne puisse combattre
la concurrence des pays de l'Amérique du Sud, où l'on cultive le
Café' avec un soin extrême.
De plus, la plante souffre depuis quelques années d'un insecte
qui ronge les branches et les feuilles et n'épargne pas les fèves. Un
grand nombre de plantations ont été ainsi détruites et l'on n'a pris
aucune mesure contre cet animal, qui gagne du terrain tous les jours.
Les provinces de Batangas, Laguna et Tayabas, où l'on cultive le plus
de Café, sont contaminées.
C'est ici que l'on peut se rendre compte du peu de soins des indi-
gènes, qui ne s'inquiètent pas le moins du monde de cet olat de choses.
D' M. d'EsTREY.
IV. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS.
L'Etourneau et les Olives. — A Triesle, les Etourneaux hi-
vernent eu grand nombre. Vers le soir, on les aperçoit par vols consi-
dérables réunis sur les tours et les clochers où ils restent pendant la
nuit. Mais h l'aube, ces oiseaux gagnent les plantations d'Oliviers des
environs pour se nourrir des Olives miires. Ils mangent les fruits dans
leur entier; car on reconnaît même en ville, au pied des bâtiments
qui servent de stations, d'innombrables noj'aux d'Olives dans leurs
excréments. — L'Etourneau dévaste en hiver les plantations. De S.
Les Perles du Mexique. — Depuis quelque temps, les Perles
mexicaines priment lesPeiles orientales par leurs dimensions et par
leur e'clat ; leur faveur augmente de jour au jour. La plupart des mai-
sons princières en achètent. La provenance principale de ces magni-
fiques perles est La Paz, le chef-lieu de la Basse-Californie. De B.
Pèche du Hareng en Russie. — Les bancs de Harengs sont
surtout abondants à rextrémilé me'ridionale de l'île de Saghalien. On
expe'die ces poissons dans la Russie d'Europe. Malgré la distance qu'ils
doivent franchir, ils reviennent cependant moins cher que les Harengs
de l'e'tranger. L'impôt pour une livre de poisson indigène est de
25 kopeks, tandis qu'il est de 28 kopeks d'or pour le poisson étranger.
G.
Culture des Pêchers dans la Nouvelle-Angleterre --
M. J.-H. Haie cultive avec le plus grand succès les Pêchers dans la
Nouvelle-Angleterre. Dans le rapport sur les fruits de verger qu'il vient
d'adresser au département d'Agriculture du Massachuselt il signale
l'emploi dans sa culture de 1,200 livres d'os et de 400 à 800 livres de
muriatc de potasse par acre (4,0 i6 métrés carrés). De S.
Utilité des vases en grès à huile. — Les grands et beaux
vases dont on se sert pour transporter l'huile la plus fine d'Italie à
Londres trouvent leur emploi comme vases d'ornement dans les jar-
dins d'Angleterre. On y conserve diverses plantes, Myrtes, grands
Héliotropes, Orangers, que l'on peut transporter intégralement en serre
froide avant l'hiver. De S.
Le Gérant : Jules Grisard.
I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ.
NOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTERELLES
Par m. J. FOREST aîné,
(suite et fin *).
D'autres espèces d'oiseaux, dont nous décrirons les plus
remarquables, pourront contribuer dans cette œuvre de pré-
servation ; mais le ^^rand remède ne se produira que par des
perturbations atmosphériques, soit pluies et humidité durant
l'éclosion et l'état de larves, ou grands froids qui détruiraient
les œufs. Ces phénomènes sont accidentels dans le Soudan,
patrie de nos acridiens; souhaitons leur prochaine appa-
rition.
IL Les Nandous [Rhea). — Les Nandous sont les repré-
sentants, en Amérique, de l'Autruche; ils ont avec celle-ci de
très grands rapports de mœurs et d'organisation. Ces oi-
seaux sont herbivores et insectivores à l'état sauvage; en
domesticité, ils sont omnivores. Les Nandous supportent les
climats les plus extrêmes et leur introduction sur les hauts
plateaux algériens serait désirable, comme destructeurs de
Sauterelles et producteurs des plumes employées pour la
mode et la fabrication des plumeaux, dénommés faussement
plumeaux de Vautour.
Les Nandous et les Autruches sont représentés en Nou-
velle-Guinée par les Casoars dont il existe un exemplaire au
Jardin d'essai d'Alger ; mais les déserts de l'Australie sont
habités par l'Emeu dont le plumage a un emploi pour la mode,
alors que celui du Casoar n'en a pas. Ces deux espèces sont
omnivores.
ni. Les Outardes [Otis). — L'Amérique exceptée, on
trouve des Outardes dans toutes les parties du monde, mais
i») Voyez plus haut, pa{,'es 97 et loG.
j Mars 1893. 43
194 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
surtout en Afrique et en Asie ; ce sont, en effet, des oiseaux
des steppes. Leur genre de vie rappelle celui des Gallinacés ;
ces oiseaux se nourrissent en Europe, surtout de matières
végétales, les jeunes ne mangent que des insectes et périssent
quand ils n'en trouvent pas. Les observations faites par Ho-
lub au Cap établissent que les Sauterelles, les mille-pieds,
les reptiles sont leur principale nourriture l'été, et durant
l'hiver les termites et les reptiles.
Malgré les services que ces oiseaux rendent aux agricul-
teurs, l'excellence de leur chair les fait détruire par les
Boers qui les vendent sur le marché des exploitations dia-
mantifères depuis 10 schelling (12 fr. 50) jusqu'à une livre
(25 francs). Parmi les Otidés, diverses variétés pourraient
être domestiquées en Algérie.
TV. L'Outarde barbue {Otis tarda]. — Cette espèce, au-
trefois très répandue dans les plaines de l'Europe, se trouve
encore dans le sud de la Suède et au centre de la Russie,
ainsi que dans une grande partie de l'Asie ; en Afrique, elle
ne se montre que dans le nord-ouest en très petit nombre,
en quelque sorte isolément et seulement en hiver. Elle est
assez rare en Allemagne, très rare en France et en Espagne.
C'est en Hongrie, dans les steppes de la Russie et dans
l'Asie centrale qu'elle est la plus nombreuse.
L'Outarde barbue recherche les endroits où l'on cultive des
céréales, évite les grandes forêts où chaque buisson lui est
un obstacle.
V. La Canepetière {Tetrax campestris). — Cette espèce,
plus petite que l'Outarde, est connue en Algérie sous le nom
de Poule de Carthage. Elle a les mêmes mœurs que l'Outarde,
toutefois, elle n'est pas autant un oiseau de plaine ; elle
s'étabht aussi dans la montagne. En Espagne on la trouve
surtout dans les vignobles, les plaines ou sur le flanc des
montagnes. La Canepetière a un régime à la fois animal et
végétal ; cependant elle se nourrit principalement de vers,
d'insectes, surtout de Sauterelles, de larves, etc. Dans VOr-
nithologie européenne de Degland et L. Gerbe, Paris, 1867,
t. II, p. 102, se trouvent d'intéressantes observations sur l'é-
levage en captivité de cet oiseau. Nous les recommandons
aux futurs éleveurs de Canepetières en Algérie.
NOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTERELLES. 495
VI. La Grue de Paradis {Tetrapterijx iJaradisea). —
Cette belle variété d'écliassier est particulière aux plateaux
herbeux du centre et du nord de la colonie du Cap, du Nama-
qualand, du West-Griqualand, de l'État libre d'Orange, de la
partie centrale et méridionale du Transwaal, du sud du
Betschuanaland et du Kalahari. On le trouve aussi sur le lit-
toral, mais plus rarement. Ses séjours préférés sont les prai-
ries herbeuses, sans végétation arborescente. Nous avons
précisé l'habitat de cet oiseau qui est aussi celui de l'Autruche
en demi-liberté .
A l'état domestique, la Grue est omnivore ; cependant on
observe qu'elle préfère la viande hachée même aux insectes
qui, à leur tour, sont préférés à toute autre nourriture, y
compris pain et maïs. A letat sauvage, la nourriture delà
Grue de Paradis se compose de larves, de termites, de rep-
tiles, de mollusques, de poissons, etc., mais principalement
de Sauterelles. Elle mange aussi des grains, des graines et
des baies.
Il serait désirable que ce superbe oiseau fût introduit et
domestiqué en Algérie pour la destruction des animaux de
toutes sortes nuisibles aux cultures et que, à l'exemple des
fermiers du Cap, les mêmes résultats favorables fussent re-
cherchés par les fermiers algériens.
La Cigogne, le Héron pourpre sont aussi d'appréciables
destructeurs de Sauterelles.
Parmi les représentants de la famille des échassiers pré-
cieux pour la destruction des insectes ennemis de nos planta-
tions, nous citerons : l'CEdicnème criard, les Pluviers, les
Vanneaux, les Courtvite, les Glaréoles.
VIL La Glaréole [Glareola pratineola). — Lorsque les
Sauterelles font leur apparition dans l'Afrique australe, pres-
que tous les oiseaux se mettent à leur poursuite, les grands
rapaces, ainsi que les insectivores. Tous rivalisent dans la
destruction du terrible Acridien. Ce sont surtout les Glaréoles
qui en font les plus grands ravages ; il en arrive des bandes
innombrables alors que d'habitude cet oiseau n'est pas com-
nuui et ne se trouve qu'en petits groupes dans les plaines ma-
récageuses. La Glaréole se trouve de passage l'hiver et au
printemps sur les hauts-plateaux algériens. Nous souhaitons
sa paisible pi'opagation en Algérie; alors un destructeur de
196 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Sauterelles de premier ordre pourrait être classé au nombre
de ses oiseaux indigènes.
VITI. Le Chevalier à longue queue (Tringa Bartramici)^
— Ce petit écliassier remplace la Glaréole aux États-Unis
comme destructeur important d'Acridiens. La description
scientifique de cet écliassier est assez confuse, certains natu-
ralistes le désignent sous le nom d'Upland Plover, Aciiturus
Barh^amius \V, alors que dans Wilso7i''s American Oi ni-
ihologij, vol. II, p. 358, il est décrit sous le nom de Bartramis
Samlpiper {Tringa Bariramia) correspondant au Totanus
Bartramius de Temminck.
IX. Le G2irô.e-hcBMÏ {Ardea ttubidcus) . — Cet oiseau du
genre des Hérons et voisin des Aigrettes, était autrefois
très répandu dans l'ancien continent. Sa destruction intem-
pestive peut et doit être attribuée à Terreur de beaucoup
de gens, chasseurs par lucre, à la recherche des Aigrettes.
Cette erreur est doublement regrettable puisqu'elle nous
prive des services d'un oiseau supérieurement utile et que
sa valeur commerciale est insignifiante. L'erreur peut s'at-
tribuer à l'aspect général de l'oiseau dont le plumage est
d'une blancheur éclatante à l'exception de la couverture
occipitale dont les plumes à barbules flottantes de couleur
rousse Isabelle, à notre avis, sont causes du massacre. Cet
oiseau est l'ami des troupeaux de ruminants et autrefois
leurs lieux de pâture en contenaient des quantités, en rap-
port au nombre des ruminants. Il fait sa nourriture prin-
cipale des taons, des tiques qui s'attachent aux animaux et
des sauterelles. Dans l'Afrique australe, les Boers le nom-
ment « Spring-Haan-Vogel », oiseau à sauterelles. Cet oiseau
est essentiellement sociable et pacifique, et aime à vivre en
troupes de plusieurs centaines et se perche volontiers sur
les arbres. Il fréquente indistinctement le bord des eaux et
les plaines découvertes, quelquefois même les bois. Ses ha-
bitudes varient suivant les saisons et les lieux, et on le verra
souvent à l'afiïït au bord des cours d'eau ou des étangs,
comme tous les hérons.
Delegorgue, dans son Voyage de l'Afrique australe, nous
dit (1) : « Je le surpris plus fréquemment se tenant à petite
(1) Page 534, tome I.
NOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTERELLES. 197
» distance de la ligne de feu des incendies d'herbes sèches.
» Le feu ne l'effraie aucunement ; il saisissait dans leur vol
» indécis les Sauterelles asphyxiées ou les ramassait à la tom-
» bée tandis que le Milan planait au-dessus de lui, afin d'attra-
» per avec ses griffes et de happer celles qui gagnaient une
» région plus élevée. Dans la plaine, il aime le voisinage des
» bêtes à cornes, auxquelles il se mêle en se tenant à terre
» cherchant sur le sol des tiques détachées et gonflées de
» sang. Dans les bois, c'est aux Buffles qu'il s'adresse ; il se
M place sur leur dos sans que le quadrupède s'en effraie, et
» de son bec détache les tiques qui le couvrent. Le Buffle
» peut marcher et paître, ses mouvements ne gênent pas
» notre Héron. On conçoit facilement combien il est aisé de
» soupçonner la présence d'un Buffle lorsqu'à travers les
» hautes herbes l'on voit se mouvoir cette blancheur sup-
» portée à plusieurs pieds du sol. »
Les relations de divers explorateurs africains nous dé-
peignent le Garde-bœuf rendant les mêmes services à l'Elé-
phant. Livingstone, dans son exploration du Zambèze, vit des
Eléphants couverts de notre Garde-bœuf dans les marais du
Chiré. Baker, Voyage aux grands lacs de V Afrique orien-
tale, nous dit, page 371 : « Vers l'époque de l'année qui cor-
» respondra à notre automne, l'x^rdea (l'oiseau blanc des
» rizières de l'Inde) se rencontre partout vers le Tanganika,
» les étangs et leurs bords. Dans le Soudan, il a été observé
» partout et de préférence dans le voisinage des localités
» habitées par l'homme. (A.u nombre des dessins relatifs au
» dernier voyage du commandant Monteil, celui représen-
>^ tant l'entrée à Kouka, figure un arbre couvert de Garde-
» bœuf.) J'ai eu le vif plaisir de le voir au Maroc et toutes
» les observations décrites ont pu être confirmées. »
Ne pourrait-on pas spécialement en faveur de cet oiseau
très intéressant obtenir sa protection légale et encourager sa
reproduction. Comme valeur commerciale, il ne peut tenter
la cupidité ; pour la cuisine il n'offre aucune ressource. Pour
terminer, aux Indes, en Birmanie, sur la côte du Coromandel
il y a deux espèces voisines, l'une à plumes occipitales mar-
ron, l'autre, à iilumes jaune clair, plates, se rapprochant de
celles de A. egreita, mais non érectiles.Les oiseaux, en Asie,
rendent les services du Garde-bœuf, mais sont fortement
poursuivis. Leur dépouille vient régulièrement aux ventes
198
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
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NOS ALLIÉS CONTRE LES SAUTERELLES. 199
publiques des Docks de Londres ; l'aigrette de ces oiseaux
vaut de 2 à 5 sliellings l'once, et son emploi en mode est fort
délaissé. Il serait sage de les comprendre dans ces mesures
de protection de toute l'espèce.
\
Nous ajoutons à l'étude des oiseaux acridothères la carte
d'expansion du Pachyiylus migratorius , Criquet pèlerin
d'après F. -Th. Kœppen, publiée en 1871 dans Petennanu's,
MUtheilungen, en complément d'une note sur :
1. Caloptenus ifalicus, L., le grand fléau en Espagne, sud
de la France et l'Italie : il se répand plus au loin en Hon-
grie, Russie méridionale, atteint la Sibérie méridionale et
l'Algérie.
2. Caloptenus fémur ruhrum, de G. {Caloptp.nus spreitts),
dans l'Amérique du Nord, aux montagnes Rocheuses.
3. Acridium peregrinum, 01. {Pachyiylus migratorius),
le grand dévastateur en Algérie, s'étend jusqu'en Syrie,
Perse, Arabie, Europe orientale.
4. Pachytylus vastator, Lichtst, dans l'Afrique australe.
5. Stauronoius cruciatus, Charp. {Stauronotus Marocca-
nus), dans la Russie méridionale, l'Asie mineure. File de
Chypre et l'Algérie.
(C'est ce dernier qui paraît être sédentaire sur les hauts-
plateaux et sur l'Atlas),
La véritable patrie des Sauterelles de l'ancien monde, au-
trefois un mystère, est aujourd'hui dévoilée. Les investiga-
tions entreprises par ordre du gouvernement russe, en 1890,
dans le district du Kouban, ont prouvé que les îles de la
rivière Kouban, lieux bas et marécageux, situés entre son
embouchure dans la mer d'Azov, et les contreforts ouest du
Caucase, sont de colossaux nids de Criquets, où ces insectes
se multiplient avec une rapidité étonnante pour aller, de là,
faire leurs incursions dévastatrices dans les régions voisines
du Kouban, dans le sud de la Russie, quelquefois jusque
200 REVUE DKS SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
dans l'Europe centrale et occidentale. — Tant que les îles du
Bas-Kouban existeront dans cet état, 11 sera inutile de com-
battre ces insectes Yoraces ; aussi a-t-on formé le projet de
dessécher les lies au moyen d'un réseau de canaux de drai-
nage. A cet effet, une Commission fut envoyée sur les
lieux, au [irintemps de 1891, pour faire les études hydrogra-
phiques nécessaires et le devis des travaux indispensables.
Nous ignorons la suite donnée à ces projets de préservation
européenne.
***
L'Afrique centrale renferme un lac ou plutôt un immense
marais « le Tschad » (1), qui, d'après les observations de
Barth, Nachtigall et Rohlfs, etc., serait la patrie de VAcridiimi
peregrinwn ou Pachyhjlus ynigratoHus et du Stauronotus
criicialus ou S. Maroccanus , Sauterelles émigrant au nord.
Les immenses régions des grands lacs de l'Afrique équato-
riale sont la patrie du Pachytyliis vastator, et Œdipoda
migraioria, émigrant au sud.
Les prévisions humaines ne trouveront pas, de longtemps,
une limitation au fléau, dans ses lieux d'origine. Toutefois,
dans quelques siècles, lorsque ces immenses contrées seront
plus peuplées, par conséquent plus cultivées, les espaces
actuellement sauvages disparaîtront , sans doute , le fléau
également. La mouche Tsétsé, particulière aux régions sau-
vages, domaine des grands ruminants et des fauves, dispa-
raît dans les régions cultivées et exploitées par l'homme;
n'est-il pas permis d'espérer le même résultat pour les Sau-
terelles !
Les Africains n'ont pas de répugnance pour l'emploi ali-
mentaire des Sauterelles. Il n'y a même pas de prescription
religieuse les interdisant ni dans la Bible, ni dans le Koran.
J'étais fort surpris d'en voir manger comme friandise, à Mo-
gador, dans une maison juive, préparées à l'eau salée, les
pattes et ailes enlevées, complétant le thé vert obligatoire,
parfumé à la menthe, etc., sucré comme un sirop. Cela avait
l'air d'une Crevette grise ; je ne pus pas surmonter ma répu-
gnance à goûter ce nouvel aliment, malgré les invitations
(1) Description du lac Tschad. Algérie agricole, 1»' octobre 1891.
NOS ALLIES CONTRE LES SAUTERELLES. 201
réitérées de notre hôtesse. Les Arabes les mangent après les
avoir séchées au soleil et les conservent dans des silos. Les
Nègres de IWfriqiie centrale et équatoriale rôtissent les Sau-
terelles dans riiuile de palme et autre, après leur avoir arra-
ché les pattes et les cuisses. Ils trouvent fort à leur goût les
Sauterelles ainsi préparées.
David Livingstone [Explorations de l'Afrique australe)
rapporte que, dans les périodes de sécheresse, il fut souvent
très heureux d'accepter un plat de Sauterelles, qui sont,
pour les habitants de ces contrées, une véritable manne. C'est
au point que les docteurs ès-pluie font usage de leurs incan-
tations pour les attirer dans le pays. Elles ont un goût végé-
tal très prononcé qui varie suivant la plante dont elles ont
fait leur nourriture ; il y a une raison de physiologie pour
qu'on les mange avec du miel; grillées et réduites en poudre,
elles se conservent pendant plusieurs mois ; préparées de la
sorte et légèrement grillées, on ne peut pas dire qu'elles
soient mauvaises ; bouillies, elles sont détestables ; grillées,
il les préférait aux Crevettes. Néanmoins, il évitait d'en
manger toutes les fois que cela lui était possible.
Paris, juin 1892.
L'OLAFSFJORD D'ISLANDE'
Par m. Amédée BERTHOULE,
Secrétaire général de la Société.
A l'extrémité du monde habitable s'étend, perdue dans les
mers du nord, une île considérable par sa surface, mais d'une
désolante pauvreté ; la terre de glace, l'Islande. Durant les
mois d'hiver, la froide nuit ininterrompue la couvre de ses
voiles, et cjuand un pâle et timide soleil franchit de nouveau
la ligne de l'horizon, d'épaisses brumes se forment le plus
souvent, paralysent ses rayons bienfaisants.
L'Islande est le pays des grands contrastes : aux jours
sans fin succèdent périodiquement les longues nuits ; les vol-
cans et les glaciers, dans une lutte corps à corps et sans
repos, s'en disputent le sol ; auprès des champs arides, où
broutent de rares et maigres troupeaux, le domaine des eaux
regorge de sève et de vie.
Cette rare fécondité a pour principal effet d'attirer, chaque
année, dans ces parages, une nombreuse population étran-
gère. Danois, Norvégiens, Russes disputent ces richesses aux
insulaires: mais les plus aventureux sont encore les marins
français qui, sans même attendre la fin de l'hiver, se ris-
quent imprudemment sur leurs fragiles goélettes, dans ces
lieux inhospitaliers. Aussi bien n'est-il guère de campagne
qui ne soit marquée par de lamentables sinistres ; la dernière,
en particulier, a été désastreuse : sur 3,000 marins partis des
ports de Dunkerque, de Paimpol, de Saint-Brieuc, 140 ont
manqué à l'appel, enlevés par Pouragan.
Nos marins s'aventurent plus volontiers au large ; la pèche
dans les fjords qui échancrent les côtes serait sans dangers,
pourtant, et non moins productive ; mais elle ne peut être
pratiquée aussi librement, ni se prolonger aussi longtemps
qu'en pleine mer, par cette double raison que les espèces
migratrices ne s'y engagent qu'assez tard dans l'année, et
que, d'ailleurs, sous leur épais manteau de glace, ils restent
impraticables jusqu'à une époque très avancée de juillet.
(1) Compte-rendu sténographique d'une communication faite en séance gé-
nérale, le 17 février 1893.
L'OLAFSFJORD D'ISLANDE. 203
Cependant, lorsque les glaces ont dérivé, les eaux de l'in-
térieur offrent aux filets des ressources inépuisables ; les
poissons auxquels on s'attaque alors sont, avec le Saumon,
le Hareng et la Morue, la Morue principalement, car le Ha-
reng n'est guère utilisé que comme boette.
Parmi les plus remarquables de ces riches viviers natu-
rels, rOlaCsfjord mérite une attention toute particulière.
Cette vaste baie, située dans la partie nord-ouest de l'île
dans le district de Vlade, présente aujourd'hui une configu-
ration très différente de ce qu'elle fut jadis. C'était, il y a
plusieurs siècles, d'après d'anciens documents, un fjord lar-
gement ouvert sur la mer; plus tard, vraisemblablement par
suite de violents phénomènes sismiques, un seuil émergea
des flots, interrompant toute communication avec FOcéan, et
transformant cette anse en un lac complètement fermé.
Vers 1760, deux savants danois, Olafsen et Povelsen, au
cours d'un voyage d'exploration, furent conduits sur ses
rives. Ils consignèrent leurs observations dans un très cu-
rieux rapport que publia, en 1772, l'Académie des sciences
de Copenhague (1). Il ne sera pas sans intérêt d'en insérer
ici textuellement quelques lignes, qu'a bien voulu traduire
pour nous notre excellent confrère et ami M. Feddersen.
« L'Olafsfjord est un lac riche en poissons, qui n'est pas
seulement une grande merveille pour l'Islande, mais aussi
pour les royaumes (2) ; car on y trouve des poissons de mer
acclimatés dans l'eau douce : des Eglefins, des Morues, des
Raies, des Flétans, tous d'une grandeur médiocre.
» Ces poissons ont un goût doux et agréable, mais non
liourtant comme leurs congénères des eaux salées ; ils sont
péchés, le plus souvent, pendant le printemps. Les indigènes
pratiquent des trous dans la glace pour leurs lignes.
» Le lac a une lieue de longueur, et n'est séparé de la mer
que par une presqu'île de peu de largeur, et à travers celle-ci,
la rivière de la vallée, qui parcourt le lac, a forcé son embou-
chure dans la mei*.
» 11 est évident que le fjord, jadis, s'est étendu si loin dans
le pays, et que le lac, par l'eflet d'un tremblement de terre
ou par d'autres événements violents, fut, un jour, coupé ou
partagé en deux parties par la presqu'île déjà indiquée.
(1) Eggert Olafsen et Biarne Povelsen. — Reise ifrjennera Island-Soroï.
(2) Le Danemark et la Norvège étaient alors unis sous le môme sceptre.
204 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
» Les poissons de mer devinrent alors prisonniers, et par
la salure décroissante sous l'action de la rivière, ils se sont de
plus en plus accoutumés à l'eau douce. Tous ces poissons
sont aussi péchés dans la mer, ou dans le fjord voisin. »
Ces notes originales nous inspirèrent le désir de connaître
la constitution de ce même fjord de notre temps, et nous
avons pu satisfaire cette légitime curiosité , grâce à des
instructions qu a notre demande M. le Ministre de la marine
voulut bien transmettre à notre stationnaire en Islande, au
cours d'une des dernières campagnes de pêche.
M. le capitaine de vaisseau Littré, commandant le Châ-
teaiirenault, a pris la peine d'explorer le lac, d'en tracer le
dessin, de le sonder, et d'y faire quelques pèches avec une
précision et un soin dont ne saurions trop le remercier.
Vous remarquerez, dès l'abord, le changement notable qui
paraît s'être produit sur l'état ancien. Au lieu d'un lac com-
plètement fermé, déversant ses eaux douces par un étroit
émissaire infranchissable pour les espèces marines, le fjord
s'est rouvert en partie, et ses berges abaissées livrant l'accès
à la mer pendant les grandes marées, les eaux qui l'emplis-
sent sont mi-partie douces, mi-partie saumâtres.
Nous ne saurions mieux faire, d'ailleurs, que de repro-
duire la description du commandant Littré, pour le rappro-
cher du récit des savants danois :
« Le lac d'Olafsfjord peut avoir 2,000 mètres de longueur
sur 400 de largeur dans ses parties les plus larges ; il est
étranglé vers le miheu par deux deltas formés par des
grandes cascades qui s'y déversent. Cet endroit resserré peut
avoir 150 mètres de large.
» La plus grande profondeur de l'eau a été trouvée de
10"», 50, elle est dans la partie supérieure du lac. Les fonds,
dans cette partie, varient entre 10 mètres et 5 mètres, ils
diminuent régulièrement en s'approchant des berges et du
passage rétréci oi^i il n'y a plus que 4 mètres et 3 mètres.
Dans la partie inférieure, qui est rapprochée du fjord, les
bords ne dépassent pas 3 mètres, et s'en vont en diminuant
vers l'embouchure oii il n'y a plus que O^'.^ô.
» Dans la communication avec la mer, qui a 50 mètres de
large, il y a un petit chenal indiqué par des flèches, et dans
lequel une embarcation légère peut arriver à flot jusqu'à
50 mètres de la mer.
^Jiiv'teve
CdSCSLcLe.
CdSCàde
C^^câde ^^^^r. L ardeur
206 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
» A. cet endroit, elle est arrêtée par un barrage en galets
sur lequel il ne reste plus que 0-,10 d'eau à marée basse.
» La surface du lac, à ce moment, est alors soulevée de
1",50 environ au-dessus du niveau du fjord oii il débouche.
» A marée haute, le niveau commun se rétablit et sur le
barrage il y a environ 30 centimètres d'eau, c'est-à-dire suf-
fisamment pour permettre au poisson d'accéder du fjord au
lac. En 1881, des milliers de Harengs s'jMutroduisirent ainsi
et fournirent inopinément aux habitants une ressource à
laquelle ils étaient bien loin de s'attendre.
» Le 25 juillet, nous avons constaté qu'à marée haute, l'eau
avait monté de 0'",25 dans le lac.
» La langue de sable noir, qui sépare le fjord du lac, me-
sure 720 mètres à marée haute; elle doit être couverte
lorsque les vents soufflent du large avec violence, car nous
y avons trouvé des bois flottés, des racines d'herbes marines,
des coquilles qui ont dû y être laissés par la mer.
» Nous avons pris dans le lac une Truite et une Morue
assez fortes ; toutes les deux ressemblent complètement aux
poissons que nous avons précédemment péchés soit à la mer,
soit sur des rivières communiquant avec la mer.
» J'ai fait mettre ces poissons dans l'alcool, je tous les
adresserai, suivant vos ordres. Monsieur le Ministre, dès que
je serai arrivé à Cherbourg.
» Il en sera de même des bouteilles d'eau que nous avons
puisée aux profondeurs suivantes : 2™,50, 7"", 50, 10 mètres. »
Sans être redevenu un fjord, dans toute l'acception du
mot, l'Olafsfjord n'est donc plus, à proprement parler, un
lac. L'analyse de ses eaux, dont le commandant Littré a eu
l'extrême obligeance de nous rapporter de nombreux échan-
tillons, puisés dans différentes parties, et à des profondeurs
variables, en fournit la preuve manifeste. Il y a lutte entre
l'apport constant des rivières qui s"y jettent de tous côtés, et
celui de la mer, dont les puissantes vagues l'envahissent aux
grandes marées. Ces conditions physiques ne peuvent man-
quer de produire, à certains moments, de très brusques et
très notables modifications dans la composition chimique de
l'eau ; il semble, néanmoins, que le débit des torrents leur
maintienne encore la prépondérance.
D'après les analyses de notre savant ami, M. le D"" Hen-
neguv, l'eau recueillie dans l'intérieur de l'Olafsfjord , à
L'OLAFSFJÛRD D'ISLANDE. 207
2'", 50 de profondeur, offre une densité de 1,000. La densité de
l'eau prise par 10 mètres de fond est 1,011.
L'eau n° 1 est de l'eau douce pure, peut-être avec un den-
simètre extrêmement sensible, trouverait-on une différence
avec celle-ci; mais cette différence, assurément, serait très
légère. L'eau n" 2, d'après les tables de densité des solutions
de sel marin, renfermerait environ 1 gr. 75 p. % de sel (1).
La collection comprenait 21 bouteilles, dont une partie a
été envoyée au Muséum, avec l'ensemble des documents,
animaux et objets divers rapportés.
Il est curieux de connaître la faune qui peuple un tel mi-
lieu. Sans nous en donner la composition complète, les quel-
ques coups de senne jetés au passage par les marins du Châ-
teaurenauU nous en montrent l'étrangeté, puisqu'on voit
s'y maintenir l'une des espèces essentiellement marines,
reconnues, il y a plus d'un siècle, parles explorateurs danois,
la Morue.
Depuis quel temps vivaient-elles là ? S'y étaient-elles in-
troduites récemment, à la faveur de quelque violent raz de
mer? N'y vivaient-elles pas, au contraire, de longue date, et
n'avaient-elles pas subi cet acclimatement supposé par les
naturalistes cités plus haut ? ce sont autant de points obscurs
qu'il serait bien intéressant d'éclaircir.
Ce n'est pas, sans doute, qu'il puisse être jamais question
d'étendre à nos eaux douces l'habitat de la Morue, au moj-en
de reproductions artificielles. L'acquisition serait fâcheuse
au point de vue économique, car l'incroyable voracité de ce
poisson en ferait un commensal incommode autant que dan-
gereux pour les espèces plus précieuses qui peuplent nos
lacs ; il y vivrait d'abord à leurs dépens, et après les avoir
rapidement épuisées, s'y trouverait bientôt lui-même réduit
à la demi-ration. Mais, scientifiquement, les observations déjà
faites, ou encore à faire à l'Olafsfjord peuvent donner la
mesure de l'élasticité présentée par certains êtres au point de
vue des conditions de leur existence.
(1) Une solution de sel à 1 "/o a une densité de 1,007'2o, et une solution à
2 o/„ =r 1,0145, la densité étaut prise à 150 c.
208 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
OBSERVATIONS
A L'OCCASION DE LA COMMUNICATION PRÉCÉDENTE
Par m. RAVERET-WATTEL.
A l'occasion de la très intéressante communication faite
par M. le Secrétaire général, il n'est peut-être pas inutile de
rappeler, Messieurs, que certains poissons de mer présentent
une remarquable facilité d'adaptation au séjour en eau douce.
Le fait a été signalé, il y a longtemps déjà, par M. le docteur
Gillet de Grandmont, auquel une mission sur les côtes de
l'Océan avait été confiée par la Société. Le Mullet [Mugil
capito), des Blennies, etc., ont été tout particulièrement si-
gnalés à ce sujet par notre Collègue, qui a trouvé des alevins
de ces diverses espèces jusque dans l'eau, complètement
souillée de savon, d'un bassin servant de lavoir. Le Bar
{Làbrax lupus) peut être aussi mentionné comme s'en-
gageant très volontiers en rivière dans des eaux à peine
salées, ou même tout à fait douces. C'est ainsi qu'à Boulogne-
sur- Mer, par exemple, on voit fréquemment, en automne, des
bandes de jeunes Bars remonter la Liane jusqu'au Pont-Pit-
tendal, où ils paraissent rechercher le voisinage des bouches
d'eau chaude de l'usine à ciment. Divers Pleuronectes ont
des habitudes analogues ; mais l'espèce la plus remarquable
sous ce rapport est le Flet [Flesits ri(lga?ns), qui remonte
souvent dans les rivières jusqu'à 30 ou 40 kilomètres de la
mer.
D'un autre côté, certains poissons d'eau douce, et beaucoup
de Salmonidés en particulier, peuvent vivre et même pros-
pérer d'une façon tout à fait remarquable en eau saumâtre,
voire même en eau salée. Des observations très curieuses ont
été faites à ce sujet, sur la Truite et sur des poissons qui sem-
blaient fort peu préparés à un pareil changement de miheu.
Il s'agit de TOmble-Chevalier (Salmo vel Salvelinu.s iimUa)
d'Europe, et d'un autre Salvelin, le Salmo [Salvelinus) fon-
tlnalis de l'Amérique du Nord. L'Omble-Chevalier, qui est
A PROPOS DE L'OLAFSF.TORD D'ISLANDE. 209
surtout un habitant des lacs du centre et du nord de l'Europe,
modifie parfois notablement ses habitudes. Particulièrement
en Laponie, mais aussi dans des régions moins septentrionales,
en Suède, en Norvège, l'Omble-Chevalier se rencontre très
fréquemment dans les rivières, et il descend souvent dans les
eaux salées, où il passe une partie de son existence. Vers 1869
ou 1870, M. Hetting, de Christiania, a fait parvenir à notre
Société des Ombles-Chevaliers qui avaient été péchés en pleine
mer, sur la côte de Finmark. Dans les fleuves de cette con-
trée, rOmble-Chevalier présente les habitudes anadromes du
Saumon et de la Truite de mer, c'est-à-dire qu'il descend
chaque année, pour un temps plus ou moins long, à la mer,
où il prend un développement rapide, sans doute à cause de
la nourriture abondante qu'il y trouve. Le séjour en eau salée
exerce encore sur lui une autre influence : Sa coloration gé-
nérale se modifie ; il perd ses teintes propres, pour revêtir la
livrée .argentée particulière aux Salmonidés qui vont à la
mer. Mais, que des sujets ainsi modifiés se trouvent appelés
de nouveau à vivre uniquement en eau douce, et l'on voit
reparaître, au bout d'un certain temps, l'aspect primitif et les
couleurs de la livrée normale.
Des observations absolument semblables ont été faites, en
Amérique, sur le Sabno f07itinalis qui, dans les cours d'eau
aboutissant à la mer, gagne volontiers les eaux salées et
prend des habitudes anadromes, en subissant les mêmes mo-
difications de couleurs que celles observées en Europe sur
rOmble-Chevalier.
Mais il est un autre poisson qu'on s'attendrait, sans doute,
moins encore à s'accommoder du séjour en eau saumâtre et
qui, cependant, y prospère à merveille : c'est la Carpe, qui,
dans ce milieu anormal, prend un développement remar-
quable, ainsi que l'a tout particulièrement constaté M. le pro-
fesseur Rasch .
Il semble donc qu'on pourrait assez facilement arriver à
faire vivre bon nombre de poissons d'eau douce en eau salée
et réciproquement. Nous savons, du reste, que beaucoup
d'espèces passent alternativement leur existence dans les
eaux douces et dans les eaux salées. Parmi les poissons ana-
dromes, le Saumon est assurément un de ceux dont les habi-
tudes ont été le plus étudiées, et, cependant, il nous reste
beaucoup à apprendre sur son compte. Un fait assez remar-
5 Mars 1893. 14
210 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
quable, c'est que ce poisson, qui paraît avoir besoin de vivre
pendant un certain temps dans la mer pour acquérir tout son
développement, ne saurait accomplir, à toute époque de sa
vie, ces passages de l'eau douce dans l'eau salée. A l'aquarium
de Brighton (établissement qui avait été créé, tout d'abord,
dans un but de recherches scientifiques), on a fait, il y a une
vingtaine d'années, des observations assez curieuses à ce
sujet : Chacun sait que les jeunes Saumons portent, pendant
le premier âge, une livrée spéciale, qu'ils quittent, pour le
plus grand nombre, au bout d'une année, pour prendre une
robe argentée. De parrs, pour employer les appellations en
usage dans la Grande-Bretagne, ils deviennent des smolis. A
cet âge, les jeunes Saumons émigrent et descendent à la mer.
Eh bien, si avant qu'ils n'aient revêtu cette livrée argentée
spéciale, on les place, comme on l'a observé à Brighton, su-
bitement ou même peu à peu dans l'eau de mer, ils meurent
immédiatement ; il leur est impossible de supporter la salure
de l'eau. Mais si l'on attend le moment où commence à
s'effectuer la transformation en smolts, c'est-à-dire le moment
où ils commencent à prendre leurs reflets argentés, on peut,
sans qu'ils n'en souffrent nullement, les faire passer, même
brusquement, en eau salée ; ils supportent parfaitement le
changement de milieu, dont l'action se traduit uniquement
par une transformation plus rapide de l'aspect du poisson
que dans les conditions normales. Il y aurait un intérêt très
grand à multiplier, en les variant, des expériences de cette
nature, qui pourraient éclairer sur l'origine de certaines
espèces. Ainsi, il paraît probable que divers salmonidés ont
subi, à une époque plus ou moins éloignée de nous, des mo-
difications notables dans les conditions de leur existence :
telles espèces qui se rendaient autrefois périodiquement à la
mer, ont été, par suite des certains événements, de phéno-
mènes sismiques ou autres, mises dans l'impossibilité de le
faire, et elles ont accepté, en se modifiant plus ou moins, le
nouveau genre de vie qui leur était imposé.
INSECTES
QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES
HARICOTS, POIS, ETC. BLÉS, ORGES, ETC. FARINES
MOYENS DE DESTRUCTION
Par m. DECAUX,
Membre de la Société Entomologique de France.
(suite ET FIN *)
Procédés de destruction.
Nous avons vu que la culture française produisait environ
275,000,000 d'hectolitres de Céréales. Ces immenses quantités
de graines sont conservées presque en entier dans les gre-
niers des milliers de cultivateurs ruraux.
Les graines importées, 114,000,000 d'iiectoîitres, sont en
général déposées dans des magasins ou entrepôts contenant
des quantités variant de 1,000 à 20,000 hectolitres.
Pour simplifier les opérations, nous adopterons deux mé-
thodes : 1° pour les greniers des cultivateurs ruraux ; 2<» pour
les magasins et les grands entrepôts.
Dans les greniers ruraux.
Le moment le plus propice pour désinfecter un grenier est
du mois de juillet au mois de septembre. A cette époque, les
graines diverses de la récolte précédente sont réduites dans
de grandes proportions, il sera donc facile de stériliser à
peu de frais les graines restantes, sans en excepter le
moindre petit tas, par l'emploi du sulfure de Carbone en
vase clos, comme nous l'avons indiqué à la première partie.
Soins à donner aux greniers. — Aussitôt la stérilisation
(*) Voyez plus haut, p. 164.
212 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
des graines terminées, le grenier sera balayé avec soin (les
balayures devront être jetées au feu), puis on lavera les par-
quets ou carrelages, avec une solution de potasse assez forte ;
les murs seront badigeonnés dans toute leur étendue, avec
du coaltar additionné d'un peu de pétrole (5 à 10 0/0 en-
viron), on fera de même pour les bois de charpente, afin de
détruire les C. granaria réfugiés dans les fentes. A défaut
de coaltar, le badigeonnage à la chaux peut donner de bons
résultats, mais il est moins sur que le coaltar.
En résumé, il est possible et même facile d'empêcher les
immenses désastres causés aux Céréales par C. granaria
dans les greniers des cultivateurs ; qu'il me soit permis de le
lirouver par un exemple.
Au mois d'août 1882, je me trouvais dans une ferme assez
importante du département de la Somme ; (la récolte de blé
atteint 8 à 900 hectolitres, chaque année), le grenier est
vaste, bien aéré par des lucarnes percées dans le toit ;
m'étant approché d'un mont de blé, je le trouvai infesté de
C. grenaria, au point que certaines parties du tas semblaient
se mouvoir ; le grenier contenait en outre d'autres plus petits
tas de graines diverses, dont plusieurs provenaient de récoltes
antérieures. Ce grenier se trouvant dans d'excellentes con-
ditions pour tenter une expérience sérieuse, j'offris au cul-
tivateur de le débarrasser de ces coûteuses bestioles. Tous
les tas de Céréales diverses furent désinfectés par le sulfure
de Carbone, à l'aide du tonneau, comme il a été recom-
mandé ci-dessus. Pour le tas de blé, qui contenait environ
15 hectolitres, je résolus d'essayer la stérilisation sur place,
en faisant pénétrer en divers endroits du mont de blé un
litre de sulfure de Carbone, puis, avec l'aide du fermier,
nous avons recouvert le mont, aussi hermétiquement que
possible, avec une bâche de toile goudronnée pliée en double
et préparée à l'avance. Le lendemain, nous avons passé
tous les grains au van (tarare) et recueilli près de deux litres
de C. granaria, morts, ce qui suppose un nombre incalcu-
lable d'insectes.
Le poids d'un hectolitre de ce blé n'était plus que de 65 ki-
logrammes ; le même blé, au moment de la récolte, pesait
80 kilogrammes : c'est donc 15 kilos de farine que les insectes
avaient dévorés par hectolitre.
Le grenier fut balayé avec soin, le sol lavé avec une solu-
INSECTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 213
tion de potasse, les murs et la charpente badigeonnés à
la chaux. Cette dernière opération a été renouvelée chaque
année, en outre on évite de garder des graines plusieurs
années dans le grenier. Le C. granaria n'a plus reparu, au
grand profit du cultivateur.
Je ne conseille pas de traiter sur place les graines, comme
je l'ai fait, cela n'est pas prudent pour les personnes inex-
périmentées, il faut toujours opérer à l'air libre et. suivre
les recommandations déjà indiquées.
Pour démontrer au fermier que le blé, ainsi traité, ne pré-
sente aucun danger, au point de vue alimentaire, nous avons,
pendant deux jours, distribué des graines à satiété à de la
volaille enfermée dans une étable ; pas une béte n'a montré
la plus légère indisposition.
Dans les grands magasins et entrepôts contenant
de grandes quantités de graines
(1,000 A 20,000 HECTOLITRES).
Les Céréales importées et plus particulièrement les blés
d'Amérique et des Indes, sont presque toujours contaminées
(plus ou moins), à leur arrivée en France, soit qu'elles aient
été attaquées dans les entrepôts d'embarquement, soit, le
plus souvent, dans les paquebots qui les transportent.
Moyens de destruction.
Les nombreux systèmes, bien connus, de greniers où le
blé est remué sans cesse et ventilé mécaniquement, sont
coûteux et ne sont pas d'une efficacité absolue ; on m'assure
qu'ils ont été abandonnés par la Société des Magasins Géné-
raux et autres grands dépositaires de blés ? Cependant il est
à notre connaissance que la manutention militaire en fait
«ncore usage.
Procédé à basse iempcralure. — Nous avons multiplié
nos expériences sur l'influence continue d'une température
basse ; il nous a été démontré que le C. granaria ne pouvait
pas se re[)roduire à une temi)érature constante ne dépassant
pas + 5 à 6 degrés centigrades pendant toute l'année, et
qu'il ne commettait pas de dégâts.
214 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
S'il était possible de construire à bas prix des silos sou-
terrains, imperméables à l'humidité, ils donneraient de bons
résultats, parce que la température n'y dépasserait -h 5 à
6 centigrades, que du 15 juillet au 15 septembre, et qu'il se-
rait facile, sans de grandes dépenses, d'y envoyer de temps
en temps, un courant d'air glacé pour combattre Tefitet exté-
rieur de ces mois caniculaires ?
Procédé au sulfure de Carbone. — Le mode d'emploi du
sulfure de Carbone, en vase clos, qui nous a donné de si
bons résultats pour les greniers des cultivateurs, lorsqu'il ne
s'agit de traiter que des quantités de graines dépassant ra-
rement 100 hectolitres, est impraticable pour des magasins
renfermant plusieurs milliers d'hectolitres.
Procédé à l'acide sulfureux. — A la suite de nombreuses
expériences faites séparément et répétées en commun par
le Docteur Charles Decaux et moi, il nous a été démontré
qu'un bâton de soufre d'un kilogramme, coûtant vingt cen-
times, produisait, en le brûlant, l'acide sulfureux nécessaire
pour désinfecter siirement tout le blé contenu dans un local
fermé, d'une capacité de .33 à 35 mètres cubes, et qu'en re-
nouvelant l'opération deux fois par an, on pouvait conserver
impunément des graines deux et trois années, sans perte
aucune de la part des Calandra, Buialis cerealella (alucites),
Tinea granella, etc.
Nous ne saurions trop appeler l'attention de la ville de
Paris et de l'Administration de la Guerre sur l'importance de
ce procédé économique, en vue d'assurer la stérilisation des
immenses approvisionnements de céréales à créer (300,000
hectolitres de blé) pour assurer, en cas de guerre, l'alimen-
tation de la Capitale et de ses défenseurs.
Sur un emplacement sec et bien exposé (au midi, de préfé-
rence), il serait facile de construire, avec peu de frais, des
magasins légers, en pierre ou en bois, ayant 8 mètres de long,
sur 6 mètres de large et 5 mètres de hauteur ; la partie essen-
tielle consiste à recouvrir les parois intérieures, sol, murs et
voûtes, d'une couche de béton, d'environ cinq centimètres
d'épaisseur, de façon aies rendre imperméables. On laisserait
une seule ouverture ou porte pour y emmagasiner environ
2,000 lijectolitres de graines ; pour empêcher les graines d'obs-
truer l'ouverture, on peut disposer une barrière en tôle légère
INSECTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 215
pour les retenir. Le magasin rempli, on placerait, dans l'es-
pace resté libre, devant la porte, un fourneau en tôle d'une
forme spéciale, rempli de soufre en canon (brisé en très petits
morceaux); puis on fermerait la porte du magasin, le plus
hermétiquement possible. A l'aide d'un fort soufflet placé à
l'extérieur, et communiquant avec le fourneau par un tube,
on envoie un puissant courant d'air qui accélère la combustion
du soufre et chasse les vapeurs sulfureuses dans toutes les
parties du magasin.
Par économie de construction, rien n'empêche d'établir des
magasins contigus et doubles en profondeur, en les divisant de
façon à obtenir une capacité de 240 mètres cubes pour chacun,
capacité suffisante pour contenir 2,000 hectolitres de graines
et qu'on peut désinfecter sûrement avec 8 à 10 kilos de soufre ;
soit une dépense de un franc soixante centimes à deux francs
à répéter deux fois par an, si les graines doivent être conser-
vées en magasin plusieurs années, ou chaque fois que l'on
ouvrira le magasin pour retirer une partie de la provision.
L'emploi de ces magasins dans nos colonies rendrait des
services inappréciables pour la conservation des approvi-
sionnements de céréales, riz, maïs, etc., dévorés chaque an-
née dans des proportions considérables.
Enfin, ces magasins donneraient d'excellents résultats pour
conserver les approvisionnements militaires dans les places
fortes.
A défaut de constructions neuves, nous espérons que nos
ingénieurs trouveront moyen de transformer, à peu de frais,
les magasins existant déjà, en les appropriant pour ce nou-
veau mode de conservation, d'une immunité incontestable,
et pour ainsi dire sans frais ?
On obtiendrait également la conservation des graines dans
ces magasins neufs ou transformés, en employant :
1» L'acide carbonigite agissant comme atmosphère irres-
pirable (Les siphons d'acide carbonique liquéfié sont très
commodes pour produire ce gaz en grande quantité) ;
2° Le sulfure de carbone à très petite dose, soit 20 litres de
sulfure de carbone par magasin contenant 2,000 hectolitres.
Mode d'emploi. — Pour retarder la volatilisation, on laisse-
rait le sulfure de carbone dans des bouteilles contenant un
litre et bouchées avec un tampon d'ouate ; ces 20 bouteilles
216 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
disséminées dans toutes les parties du magasin, on fermerait
la porte aussi hermétiquement que possible. Par ce moyen
nous avons obtenu une vaporisation lente et continuelle pen-
dant vingt à trente jours.
Ce procédé est basé sur de nombreuses observations, qui
nous ont démontré que les insectes peuvent s'abstenir de res-
pirer pendant quelque temps, ce qui leur permet de résister
dans un milieu d'émanations toxiques très puissant, mais de
peu de durée ; tandis qu'ils meurent sûrement en employant
le même toxique très faible, lorsqu'ils sont forcés de séjourner
longtemps dans ce milieu.
M. Balland, pharmacien-major au laboratoire de l'Inten-
dance (1), a examiné des farines laissées dans un magasin
traité à l'acide sulfureux à la dose de 60 grammes par mètre
cube pendant 36 heures; ce savant a reconnu que le gluten,
sous l'action de la sulfuration, se désagrège, perd sa cohésion
et devient impropre à la panification; par diverses expé-
riences, il démontre que le gluten est simplement modifié,
mais non détruit: qu'il conserve, par suite, toutes ses proprié-
tés nutritives et que le biscuit sans sel ni levain, préparé ex-
clusivement avec la farine sulfurée, offre tous les caractères
d'une bonne fabrication, et que rien ne peut faire supposer,
physiquement ou chimiquement, que le gluten a été désagrégé
par la sulfuration.
S'il était reconnu, par la suite, que la sulfuration peut avoir
les mêmes inconvénients sur le blé, il faudrait remplacer l'acide
sulfureux par l'acide carbonique ou le sulfure de carbone,
comme il a été dit, pour la conservation du blé seulement ;
les autres graines : riz, maïs, avoine, etc., biscuit de troupe,
n'ayant rien à craindre de la sulfuration.
Dans l'état actuel de nos entrepôts, on peut diminuer les
dégâts d'une façon notable :
lo En badigeonnant les murs des magasins au goudron pé-
trole, lessivant les parquets, etc., chaque année, comme il a
été dit.
2° En disposant un tas d'orge, d'un hectolitre ou deux,
comme piège, près des monts de blé, et en remuant ces der-
(1 : De l'action de l'acide sulfureux sur les farines [Revue du service de l'Inten-
dance »Mî7t^fl«/f, juillet 1890).
INSECTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 217
niers deux ou trois lois chaque année (l'''" mai, l*"" juillet et
15 août; les Charançons se réfugient dans le tas d'orge, il est
alors facile de les détruire en traitant ce dernier par le pro-
cédé au sulfure de carbone {en vase clos).
3° En employant les tampons de plantes à odeur forte citées
ci-dessus et laissant le tas d'orge comme piège à désinfecter,
trois ou quatre fois de mai à septembre.
Les céréales sont encore attaquées, dans les greniers et en-
pôts, par :
L'Alucite {Dutalis Cerealella, Dur.).
La Teigne des grains [Tbiea granella, Linné).
L'ALUCITE (Butalis Cerealella, Dup.).
Longueur 5 à 6 millimètres, couleur gris-cendré, antennes
simples filiformes ; les ailes sont couchées sur le dos et paral-
lèles au plan de position. Les supérieures briqueté-pâle; les
inférieures sont cendrées et frangées à leur bord interne.
Mœurs.
Le papillon apparaît en juillet, s'accouple le soir, au coucher
du soleil, sur les épis de blé, de seigle, d'orge ou d'avoine. La
femelle pond un seul œuf sur la pointe du grain, entre les
écailles ou balles qui l'enveloppent ; elle dépose 1 à 20 œufs
sur l'épi qu'elle a choisi et continue sur d'autres épis jusqu'à
l'épuisement de sa ponte. Ces œufs sont rouges, très petits ; ils
éclosent au bout de quelques jours.
La petite chenille se tient d'abord cachée dans le sillon du
grain et se recouvre d'une très fine toile de soie, puis elle perce
le grain et engage sa tête dans le trou ; elle mange la farine et
approfondit son excavation dans laquelle elle est bientôt ca-
îhée. Le petit trou, par lequel elle est entrée, est bouché par
ses excréments. Lorsqu'elle a pris tout son accroissement, elle
la 6 millimètres de longueur, elle est cylindrique, blanche, sa
jtéte est un peu brune, elle est pourvue de seize pattes; avant
Ide se chrysalider, elle ronge et prépare à l'intérieur du grain
[le trou par lequel sortira le papillon.
Le temps nécessaire i)Our ses évolutions, depuis l'œuf jus-
[qu'à la sortie du papillon, exige de trente à quarante jours,
[selon la température. Les chenilles nées sur les épis passent,
218 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
en général, l'hiver dans la graine, sons forme de chrysalides,
et sont ainsi amenées dans les greniers après le battage. Fin
avril, le papillon sort, s'accouple et pond sur les grains con-
servés dans le grenier. Si l'année est chaude, il peut y avoir
deux générations dans les greniers ; si elle est froide, il n'y a
qu'une génération; en ce cas, les papillons nés de la généra-
tion d'avril s'envolent par les fenêtres et vont gagner la cam-
pagne.
Destruction.
Nous ne connaissons pas de moyens simples pour détruire
cet insecte, sur les épis des céréales avant la ponte.
On peut recommander de faire battre les' blés, le plus
promptement possible après la récolte, pour écraser les
petites chenilles, avant leur entrée complète dans l'intérieur
du grain.
Dans les greniers. — Le traitement au sulfure de carbone,
en vase clos, comme il a été recommandé ci-dessus, détruira
sûrement VAlucite.
Le passage des grains au four ou à l'étuve chauffée à
+ 40 à .50 centigrades pendant une heure, donnera également
de bons résultats; malheureusement ce procédé est assez
coûteux.
L'emploi des magasins, traités à l'acide sulfureux arrêtera
les dégâts. — L'Alucite résiste moins aux divers traitements
que les Calandra (1).
TINEA GRANELLA (Linné).
Longueur 5 à 6 millimètres, d'un cendré obscur, les ailes
supérieures sont grises ou cendrées, irrégulièrement tachées
et ponctuées de brun ; les inférieures sont entièrement noi-
râtres.
(1) Nous avons trouvé une petite mouche à quatre ailes, parasite de l'Alucite
de la famille des Chalculites, . . indéterminée? Longueur 2 à 3 millimètres,
vert bronzé, abdomen de la longueur du thorax et de la tête réunis, légèrement
conique, ailes hyalines. Heureux les cultivateurs qui rencontreront celte mouche
qu'il ne faut pas détruire; dans leurs greniers, elle se chargera de détruire
l'Alucite en déposant ses œufs dans le corps des chenilles de celle-ci.
ixskctes qui attaquent les substances alimentaires. 2-19
Mœurs.
Le papillon lait son apparition dans les greniers au com-
mencement de juillet, il pond sur les tas de blé ; aussitôt
après 1 eclosion, la petite chenille se tient à la surface des tas
de blé ou de seigle, et lie ensemble, avec des fils de soie, plu-
sieurs grains entre lesquels elle se cacbe ; elle attaque le
grain le plus à sa portée, le perce à un bout et en mange la
farine, elle entame ensuite un autre grain et parvient à son
entier développement vers la fin d'août. Elle a alors 6 milli-
mètres de long, elle est cylindrique, blanchâtre, le premier
segment porte en dessus une grande tache d'un fauve pâle et
les autres des points verruqueux de chacun desquels sort un
poil ; elle est pourvue de seize pattes.
Lorsque la Teigne est abondante, il n'est pas rare de voir
tous les grains situés à la surface d'un tas de blé liés les uns
aux autres et former un tapis de un ou deux centimètres
d'épaisseur qu'on peut lever d'une seule pièce ou par lam-
beaux.
Les auteurs ne sont pas d'accord sur le lieu qu'elle choisit
pour se métamorphoser ; les uns ont constaté qu'elle reste
dans le grain qu'elle a vidé, d'autres, qu'elle monte le long
des murs des greniers et entre dans les fissures ; d'après nos
observations personnelles, elles quittent en masse les tas de
blé, et vont se métamorphoser dans les crevasses des murs et
les fentes des charpentes, oii elles passent l'hiver à l'état de
chn'salides. Le papillon éclôt au mois de juin.
Moyens de destruction.
Le plus sûr moyen est de désinfecter les tas de blé, par le
procédé au sulfure de carbone, en vase clos, comme il a été
dit (1" au 10 août).
On peut également, dans la première quinzaine d'août, ba-
digeonner les murs du grenier avec le coaltar pétrole ; aus-
sitôt cette opération terminée, on remuera les tas de blé
contaminés à la pelle, en déchirant et désunissant les fils qui
les couvrent ; les chenilles s'enfuiront et grimperont le long
des murs oîi.elles resteront engluées.
220 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Farines dans les entrepots.
Les approvisionnements de farine sont très souvent souillés
par la chenille d'un papillon Ephesiia Knehniella (Zeller),
qu'on suppose venu d'Amérique (Caroline du Nord, Mexique
et du Chili), avec les farines, et signalé en Europe pour la
première fois en 1879, dans le Stettiner entomologische Zei-
tung, par Zeller. Les Américains prétendent, de leur côté, que
ce papillon avait été signalé en France, dès 1840, comme
faisant de sérieux dégâts dans les approvisionnements de blé
et qu'il aurait été importé en Amérique par les Européens ; il
est de toute évidence que les savants américains ont fait
confusion entre E. Knehniella et d'autres microlépidoptères
Tinea granella, Bulalis Cerealella, etc., qui s'attaquent au
blé, tandis que jusqu'ici E. Knehniella vit de préférence dans
la farine.
Sa première apparition en France a été signalée par Mau-
rice Girard, qui l'avait reçu de Narbonne avec des farines.
(Société Entomologique de France. Séance du 8 mai 1884),
Depuis il s'est multiplié à l'infini.
EPHESTIA KUEHNIELLA (Zeller) {Fig. o.)
Envergure 20 à S'Z'"", ailes supérieures grises à petits points
blancs ; ailes inférieures blanchâtres. Chenille blanc rosé,
avec la tête d'un brun roux. p]lle se change en une chrysalide
fauve, dans un léger cocon de soie.
Mœurs (1).
La ponte d'une femelle comporte 200 à 250 œufs, très petits,
ovoïdes, transparents, fortement aplatis, le petit bout est un
tiers moins gros que l'autre bout. Si on ouvre le corps d'une
femelle, on constate que tous les œufs ne sont pas arrivés à
maturité en même temps, ceci explique pourquoi le papillon
prolonge sa ponte pendant environ 5 à 7 jours.
(1) Nous devons à l'oblifçeance de M. le D' Charles Decaux, médecin militaire,
qui a étudié avec beaucoup de soin les mœurs de E. Kuehniella, pour chercher
à combattre ses ravages, la plus grande partie de nos renseif^nements. Nous
sommes heureux de l'en remercier.
INSFXTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 221
La contamination a lien de trois manières :
1° Les œufs sont pondus directement sur la farine con-
servée en tas ;
2" Sur les sacs contenant de la farine ; dans ce cas, 3 ou 4
jours après sa naissance, la chenille pénètre dans le sac en
rongeant la toile du sac avec ses mandibules, cornées, très
Fifj. s.
A Bphestia Kîcekiiiella, ailes déployées (grossi 3 fois).
B — ailes repliées —
C Chenille adulte —
D Chrysalide mise à nu —
E — dans son cocon ouvert —
puissantes ; au besoin la nature l'a pourvue d'une sécrétion,
qui lui permet de ramollir le tissu et lui facilite la besogne.
3° Dans les angles des magasins, partout où 'le papillon
trouve un amas de poussières farineuses.
Aussitôt née, la chenille forme dans la farine des galeries
tubulaires de soie, ressemblant un peu à des toiles d'arai-
222 KEVUK DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
gnées ; ces toiles agglutinent la farine et lui donnent un as-
pect répugnant; d'un autre côté, les excréments retenus dans
ces fils peuvent se détacher dans les manipulations et se
mélanger à la farine, ce qui donnera un goût désagréable au
pain.
Dans les magasins, le papillon éclôt en juin et juillet ; on
le trouve encore en novembre et décembre ; les éclosions de
juin sont beaucoup plus considérables que celles d'automne.
Depuis quelques années E. Kuehniella (Zeller) s'est ré-
pandu et multiplié d'une façon désastreuse chez les minotiers ;
on estime que 15 à 20,000 moulins sont infestés en France.
Les moulins mus par la vapeur sont plus particulièrement
éprouvés ; cette espèce, trouvant dans ces derniers une tem-
pérature constante descendant rarement au-dessous de + 12°
centigrades en hiver et pouvant s'élever dans certaines par-
ties du moulin jusqu'à 25° et 30" centigrades, peut se déve-
lopper avec la plus grande facilité, elle se reproduit indéfi-
niment par une succession de générations ; les accouplements
et les pontes ont lieu à toute époque. Nous avons remarqué
que toutes les chenilles d'une même ponte n'arrivent pas
adultes en même temps, et qu'il peut exister plusieurs mois
d'intervalle entre l'éclosion du premier et du dernier pa-
pillon. Dans les conditions les plus favorables, il faut compter
65 à 70 jours, entre la ponte et l'éclosion du papillon ; Tétat
de chrysalide dure au minimum un mois. On peut estimer
que dans les moulins à vapeur E. Kuehniella peut avoir
environ 4 à 5 générations en une année.
«
Destruction.
A V état de chenilles. — M. le D'" Ch. Decaux a expérimenté
divers procédés pour détruire E. Kuehniella ; le plus simple
et le plus pratique consiste à tamiser ou à bluter la farine
contaminée, pour enlever : les œufs, les chenilles, les nym-
phes et leurs toiles, qu'on détruit par le feu ou l'eau bouil-
lante (dans ce dernier cas on peut faire de la colle avec la
farine qui se dépose au fond du récipient). Pour faire cette
opération, on peut employer le blutoir n" 70, sans craindre de
voir échapper les œufs avec la farine.
Les sacs ayant contenu de la farine infestée devront être
passés à l'eau bouillante ou à l'étuve à 120° pendant 20 mi-
INSECTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 223
nutes pour être sûr de tuer les œufs du papillon. On ob-
tiendra un bon résultat avec le sulfure de carbone, en les
empilant dans une caisse en fer blanc ou autre récipient,
ayant une fermeture hermétique ; la dose nécessaire est d'un
demi-litre par mètre cube, en laissant séjourner les sacs pen-
dant une nuit (12 heures). Par prudence, cette manipulation
devra être faite sous un hangar à l'air libre, comme il a été
dit à la première partie.
On a préconisé l'emploi d'acide sulfureux et l'étuvage de
la farine, pour détruire les chenilles ; ces procédés doivent
être prohibés, ils empêchent la panification, en transformant
le gluten de la farine.
Le i')apillon et les locaux infestes. — On ne saurait trop
recommander le nettoyage minutieux des moulins, de visiter
les angles où les poussières s'accumulent ; de badigeonner les
murs des magasins, les piliers de soutien, les plafonds dans
toute leur étendue, avec du coaltar additionné d'un peu de
pétrole, 5 à 10 % environ ; de laver les parquets avec une
forte solution de potasse d'Amérique. De cette façon on dé-
truira les chenilles et les papillons cachés dans les fentes et
crevasses. Il arrive souvent que les papillons grimpent après
les murs pour s'accoupler ; ils se trouveront arrêtés et
asphyxiés par le coaltar pétrole. Ce procédé doit être renou-
velé lorsque le goudron est sec, ou trop encrassé par les
poussières du moulin.
Il arrive trop souvent que des papillons déposent leurs
œufs dans les blutoirs, en ce cas, les jeunes chenilles percent
la soie de nombreux trous et causent de réels dégâts ; dès
qu'on s'aperroit de la présence des chenilles, il faut nettoyer
le blutoir avec soin, le passer à l'eau bouillante, ou, si l'on
préfère au sulfure de carbone en vase clos, ou à l'étuve
comme il a été dit.
M. Maurice Girard a préconisé la naphtaline, ou la poudre
insecticide de Vicat, projetée sur les toiles pour détruire les
chenilles. Ce procédé n'a pas donné le résultat qu'on en atten-
dait, les chenilles ont résisté.
Nos expériences ont démontré que la poudre extrêmement
fine (non falsifiée) de fleurs de Pyrèthre du Caucase, produit
d'excellents effets contre le papillon et les chenilles. On peut
la projeter avec un souffiet (en dose minime), 2 ou 3 grammes
224 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
par mètre cube, sur chaque sac, les murs et les plafonds des
chambres à farine, de blutage, partout où on voit voler des
papillons ; il nous a paru que l'odeur seule de la poudre de
Pyrèthre suffit pour faire périr le papillon ; peut-être bien
aussi, cette poudre fine et légère, dont une grande partie
reste en suspension dans l'air, est-elle la cause de cette
mort ?
Pour n'avoir pas à démonter les blutoirs contaminés on
pourrait ajouter à la poudre de Pyrèthre 1 pour % de nico-
tine, ou 1 pour % de sublimé corrosif, les chenilles péri-
ront sûrement. La nicotine et le sublimé sont des poisons
violents, il faut avoir soin de brosser et nettoyer minutieu-
sement les blutoirs après l'opération.
Pièges.
On obtiendra un bon résultat en disséminant (pendues aux
mnrs des magasins et surtout des moulins) des planches en-
duites d'une solution épaisse de miel, de mélasse, de glucose
du commerce, en un mot, d'une matière sucrée et visqueuse,
les papillons attirés s'y englueront et périront.
La lampe à feu nu donne d'assez bons résultats, mais elle
doit être proscrite comme dangereuse dans un moulin.
Nous avons la certitude, qu'en employant ces divers pro-
cédés aussi souvent que possible, on parviendra à arrêter la
multiplication exagérée de ce papillon et à le réduire dans
des proportions infimes.
RÉSUMÉ.
Nous savons, par la statistique, que la culture des céréales
en France produit environ 275,000,000 d'hectolitres en
moyenne chaque année, et que l'importation nous fournit
114,000,000 d'hectolitres, représentant ensemble une valeur
de plus de 5 milliards de francs !
Nous avons consulté de nombreux auteurs, ils estiment la
perte causée aux céréales par les insectes de 3 à 8 0/0 de la
consommation totale. Selon nous, ces chiffres paraissent heu-
reusement exagérés ; nous estimons que la perte réelle atteint
de 1 à 1 1/2 0/0, ce qui représenterait la somme énorme de
50 à 70,000,000 de francs?
INSECTES QUI ATTAQUENT LES SUBSTANCES ALIMENTAIRES. 225
Pour les légumineuses : fèves, pois, etc., nous avons vu
que les dégâts pouvaient être estimés 50 à 70,000,000 de
francs ?
Soit un ensemble de 100 à 140,000,000 de francs.
Nous ne saurions trop le répéter, nous avons la conviction
qu'en appliquant les procédés de destruction que nous avons
indiqués, et qui sont basés sur vingt années d'observations
et d'expériences pratiques :
1° On supprimera immédiatement les dégâts causés aux
diverses céréales dans les greniers de fermes ; nous espérons
Ï8i\oiv prouvé par un exemple.
2" Qu'il n'y aura plus de pertes, dans les grands entrepôts,
si l'on adopte le procède à l'acide sulfureux dans des maga-
sins appropriés.
Qu'on peut diminuer les dégâts dans de grandes propor-
tions, en suivant nos recommandations pour les entrepôts,
tels qu'ils existent aujourd'hui.
Enfin pour les légumineuses : fèves, pois, haricots, etc.,
nous avons démontré qu'il ne doit plus y avoir de dégâts en
stérilisant les semences.
Nous formons le vœu que M. le Ministre de l'Agriculture
engage toutes les Ecoles d'Agriculture de France et d'Algérie
à stériliser leurs semences de légumineuses comme il a été
indiqué ; il n'est pas douteux que les cultivateurs ne tarde-
ront pas à suivre ce bon exemple. Dès lors, ces excellents
légumes nous arriveront sains, avec toute leur saveur, au
grand profit de l'hygiène et de l'économie.
5 Mars 1893. <i>
II. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ.
SÉANCE GÉNÉRALE DU 3 FÉVRIER 1893.
PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-IIILAIRE, PRÉSIDENT.
Le procès- verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Président proclame les noms des membres récemment
admis par le Conseil :
-„, PRÉSENTATEURS.
MM.
( A. Geoffroy Saint-Hilaire.
Bouts (Louis), docteur en médecine, | p_^^p.^jj^j^
11 Us, avenue de la Révolte, à Neuilly. j ^ ^^^^^^
!A. Geoffroy Saint-Hilaire.
Raveret-Wattel.
Marquis de Sinéty.
!J. de Claybrooke.
J. Grisard.
Raveret-Wattel.
M. le Secrétaire procède au dépouillement de la corres-
pondance.
— MM. le D^ Ridreau et Joseph Hébert adressent des re-
merciements au sujet de leur récente admission.
_ MM. L. Fatin, E. Wiet et Laborde demandent à rece-
voir divers oiseaux en cheptel.
— M. Raveret-Wattel écrit à M. le Secrétaire général :
« Malgré le froid intense qui sévissait alors, l'envoi d'œufs de Truite
que la Société a bien voulu faire à la station aquicole du Nid de Ver-
dier est arrivé dans de bonnes conditions. Un emballage soigne les
avait préservés de la gelée en route.
» Tout paraissait donc aller fort bien au début. Malheureusement ces
œufs me semblent provenir de sujets qui n'avaient pas atteint une
suffisante maturité sexuelle. L'évolution embryonnaire marche assez
mal, et je n'augure rien de très bon des alevins qui commencent à
éclore. Je ne manquerai pas de vous tenir au courant du résultat
final. »
— M. Jean Vilbouchevitch adresse à M. le Président la
note suivante :
« Je tiens à vous signaler la domestication du Maral [Cervus alM-
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 227
rosh'us] dans rarrondissement Verkhneoudinsk du territoire Transbaï-
cahen et les arrondissements Marunslc et Biysk, du gouvernement
Tomsk; cet élevage d'un nouveau genre se fait pour les ramures
vendues aux Chinois comme drogue, à raison de 15 roubles (le rouble
vaut de 2 fr. 50 à 4 fr.) la livre russe (450 grammes env.). L'arron-
dissement de Verkhneoudinsk en exporte en Chine, à lui seul pour
nne valeur totale de 30,000 roubles par an. En outre. le Maral fournit
un excellent duvet, comparable, dit-on, à celui de l'ëdredon- sa chair
S'p'f T''"'';;on ''• '^'''°'''" ' "''''''''^ dans V Agriculteur, de
Samt-Petersbourg (1892, n» 32), un calcul, naturellement sujet à cau-
tion comme tous les calculs de ce genre, d'après lequel le profit net
s élèverait jusqu à 150 roubles par tête et par an. Le prix marchand
dun Maral adulte est, dans le pays : 70 à 80 roubles par tête de fe-
melle; 100 à 150 roubles par tête de mtlle.
'l^n'lf "' ^''''''*''' "^^ l'arrondissement de Bijsk possèdent déjà jus-
qu à 50 Marais chacun.
» Les ramures ne sont récoltées, naturellement, que sur les mâles
Le premier produit est obtenu au mois de juin de la deuxième année
de la vie du Maral : c'est 5 à 6 livres russes ; le produit delà 3e année
est de 12 livres russes environ; celui de la 4°, 15; celui de la 5«, 20
Le produit augmente ainsi d'année en année jusqu'à la 10' ou 12=
année de la vie de l'animal, où il atteint 50 à 60 livres par an. A partir
de la 18e-20« année le produit se met à diminuer. Il est rare qu'un
Maral vive plus de trente ans. -
» M. Lissovski se demande si les ramures du Renne ne se prête-
raient pas à la préparation de la même drogue. Les ramures sont en-
levées, a la scie, au moment où elles ont atteint le maximum de la
grandeur qui correspond à l'ûge de l'animal, mais que leur consis-
tance est encore tendre et l'intérieur sanguinolant. D'habitude, on
enlevé les ramures le 20 juin; après quoi on les fait bouillir dans du
the-brique ou dans de l'eau salée; on les sèche à l'ombre dans un
endroit bien aerë, exposé au vent ; c'est sous cette forme qu'elles se
vendent. ^
» La figure donnée dans VAgriadieur est empruntée à la source
commune de toutes les illustrations concernant les objets de l'Asie
centrale — dans Prjevalski.
» Les individus sauvages, vivant en liberté, deviennent de plus en
plus rares, à cause de la destruction impitoyable de l'espèce par les
chasseurs de ramures de Maral. Par contre, l'élevage artificiel de ce
cerf prend de plus en plus d'extension. »
— M. le D'- Wiet écrit de Reims à M. le Président :
« Mon coui)le de Kangurous supporte très bien la température ri-
goureuse que nous subissons.
» Je crois augmenter leur résislance en leur donnant, en dehors de
228 , REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
leur nourriture ordinaire, à chacun une tasse de lait chaud, dont ils
sont très friands, le matin, et, le soir, une bonne ration d'avoine qu'ils
mangent également avec grand plaisir. »
— M. le baron d'Yvoire écrit à M. le Secrétaire général :
« Pourriez-vous savoir si la Société a déjà eu l'occasion de s'occu-
per de l'acclimatation, dans les lacs ou rivières de France, d'un certain
Crabe qui est très abondant en Italie, dans le grand réservoir du lac
d'Albanon et dans certains affluents du P(3?
» Elisée Reclus, dans sa Géographie universelle, tome P', pages 440
et 441, prétend que c'est un animal marin qui s'est peu à peu habitué
à vivre en eau douce.
» Je regrette de n'avoir pu étudier ce Crabe pendant les hivers que ,
j'ai passés à Rome; mais j'en ignorais l'existence ou, du moins, je ne
me suis pas douté que ce Crabe pouvait avoir été péché dans de l'eau
douce. 11 me semble que son acclimatation pourrait compenser un peu
la regrettable diminution qui se fait remarquer partout dans les eaux
où pullulaient autrefois les écrevisses.
» Je ne suis pas en situation de me procurer maintenant quelques
Crabes pour essayer de les introduire dans nos lacs et cours d'eau.
Mais les relations de la Société doivent rendre cette acquisition facile,
si l'essai n'a pas été déjà vainement tenté. »
— M. le D"" Heckel, directeur du Musée et de l'Institut bo-
tanico-géologique de Marseille, écrit à M. le Secrétaire :
« Je viens de lire, dans le dernier Bulletin de la Société nationale
d'Acclimatation, la réponse de M. Cbappellier à ma lettre sur la cul-
ture, aux environs de Paris, de VIgname de Chine. J'ai été heureux d'j
voir la preuve de l'existence de cette culture auprès de la capitale,
mais mou contradicteur n'a pas pu prouver que ce tubercule, comme il
l'avançait, est cultivé couramment dans le Midi. Sur ce point seulement
j'avais pu être très alfirmatif, en ce qui concerne Paris et sa banlieue
je n'émettais que des doutes qui sont aujourd'hui dissipés après les
preuves de M. Chappellier. Il en est une que j'accepte plus particu-
lièrement : c'est l'envoi, que me propose mon contradicteur, de deux
tubercules de sa récolte. Je recevrai avec plaisir son envoi pour le
•soumettre à la première réunion de notre Société d'horticulture. Je ne
doute pas que cet exemple et ces résultats ne servent puissamment
à stimuler le zèle de nos horticulteurs méridionaux pour reprendre
cette culture. Ce sera le principal avantage qui se dégagera de notre
discussion courtoise et, si je l'obtiens, ni M. Chappellier ni moi n'au-
rons à regretter de l'avoir engagée. »
— M. Portanier annonce l'envoi d'un ouvrage sur les
Principales races canines qu'il désire voir soumettre à la
Commission des Récompenses.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 229
— M'"e la -vicomtesse de Boislandry adresse dans le même
but : V élevage pratique du Lapin, traité de toutes les races.
— M. Raveret-Wattel dépose sur le Bureau uiie note sur
un nouveau système d'échelle à Saumons.
— A propos de la communication de M. Vilbouchevitcli sur
Be Maral, M. le Président fait remarquer que le nom scien-
tifique de cette espèce est Cervus Maral et il ajoute qu'il
n'y a aucune espèce de rapport entre les bois de ce Cerf et
•ceux du Renne, par conséquent la substitution proposée par
M. Lissovski ne saurait se faire. Les bois du Maral sont plus
lourds, la matière en est plus dense, plus serrée, il n'y a
•donc pas à se flatter de tirer un produit analogue des bois
de Renne.
Quant au duvet, il est en efïet une source importante de
revenu et sa production peut pour ainsi dire être réglée ; sui-
vant que l'animal habite des régions plus ou moins chaudes,
il fournit plus ou moins de duvet. Il est donc certain que si
on transporte le Maral, originaire du nord de la Perse, dans
des pays encore plus septentrionaux, on arrivera à une pro-
duction plus intense, ce qui représentera une certaine valeur;
ce duvet est, en effet, de belle qualité et peut rendre de réels
services.
Le Maral a été importé à diverses reprises et il a multiplié
fréquemment au Muséum ; les produits ont été vendus pour
repeuplement et ont dû faire souche dans nos bois.
M. le Président dépose ensuite sur le Bureau une lettre de
M. Huet fils qui, à propos de la communication de M. d'Ha-
monville, insiste vivement pour que la question sur la pro-
tection due aux petits oiseaux soit prise en considération par
la Société.
— M. Decaux présente d'intéressantes observations pra-
tiques sur les insectes qui attaquent les substances alimen-
taires dans les greniers et les magasins.
— M. de Schaeck donne lecture, au nom de M. Mégnin, de
la première partie d'un important Mémoire sur nos Chiens de
iierger.
Pour le secrétaire des séances,
Jules Gbisard,
Secrétaire du Comité de rédaction.
III. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS.
Ire SECTION (MAMMIFERES).
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE 1892.
PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENT.
La section procède à la nomination de son bureau pour 1893.
Sont élus : MM.
Decroix, président ;
Mégnin, vice-président ;
Mailles , secrétaire ;
J. de Claybrooke, vice-secrétaire .
M. Mailles est, en outre, de'signe' pcrur remplir les fonctions de Rap-
porteur de la section auprès de la Commission des re'compenses.
Une note de M. Lesbre, sur les Léporides, donne lieu à une discus-
sion dont les conclusions sont conformes à celles du mémoire de notre
collègue, M. Remy Saint-Loup.
La Section exprime de nouveau le vœu qu'une place soit re'servée
aux Chèvres dans les concours agricoles, et que des prix leur soient
donnés, comme cela se fait déjà en Angleterre. Dans ce but, il y au-
rait lieu de faire une démarche auprès du Ministre de l'Agriculture.
M. Decroix rappelle qu'au début de l'occupation algérienne, les
Chevaux arabes n'e'taient pas ferrés. La ferrure ne commença à être
appliquée qu'après l'établissement des premières routes, vers 1840-45,
et alors la cavalerie ne ferrait guère que les pieds de devant. Au mo-
ment où un grand nombre de cavaliers étaient re'unis, près d'Alger,
pour une fantasia, notre collègue a pu examiner les pieds d'un grand
nombre de Chevaux ; il a constaté que ces pieds n'étant pas ferrés,
conservaient leur dimension normale jusque dans l'âge le plus avance,
tandis qu'en France, où la ferrure est appliquée même avant ITige
adulte, la plupart des Chevaux ont les pieds de'formés prématurément.
De là, l'encastelure, les bleimes, les seimes, inconnues chez les
Arabes. Les maréchaux ont la malheureuse habitude de parer la four-
chette qui devait, au contraire, rester intacte et servir de soutien, et
cela est si vrai qu'une industrie s'est établie pour fournir des four-
chettes artificielles en caoutchouc.
M. Decroix critique l'usage adopté par la remonte militaire d'a-
cheter les Chevaux trop jeunes, c'est-à-dire à 3 ans 1/2. Ces Chevaux
sont envoyés dans les dépôts et remontes où ils se trouvent dans
des conditions moins favorables que chez les cultivateurs ou un tra-
vail léger augmente leur force et leur énergie. 11 y aurait avantage
COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 231
pour l'État à n'acheter que des Chevaux faits de cinq ou même six
ans, en les payant plus chers.
On aurait, en efifet, des Chevaux complètement adultes et on e'vite
rait les pertes qui se produisent entre l'époque de l'achat et l'âge au'
quel un Cheval peut être utilise'. Dans tous les cas, on ne devrait pas
ferrer les Chevaux avant l'âge de 4 à 5 ans. Un Cheval de 3 ans ne
doit pas travailler plus que l'usure normale du pied. D'après des rele-
vés qu'a faits M. Decroix, les Chevaux achetés, de 3 à 4 ans, ne font
pas un aussi long service que les Chevaux achete's à 5 ou 6 ans, et
ils reviennent à remplir un prix beaucoup plus e'ievé.
M. Rathelot fait remarquer que la partie brûlée empêche le déve-
loppement de la corne vive.
M. Decroix dit qu'à une certaine e'poque on avait préconisé le sys-
tème de ferrer à froid, mais qu'il avait plus d'inconvénients que
d'avantages ; on a donc an y renoncer. Les brûlures du pied sont,
d'ailleurs, extrêmement rares.
M. Ralhelot demande le renvoi à la Commission des récompenses
du me'moire de M. Remy Saint-Loup.
Pour le Secrétaire,
Jules Grisard.
4<^ SECTION (INSECTES).
SÉANCE DU 17 JANVIER 1893.
PRÉSIDENCE DE M. JONQUOY.
M. le Secrétaire lit une lettre de M. Fallou qui s'excuse de ne pou-
voir assister à la séance. Il remercie ses collègues de l'avoir renomme'
Président depuis sept années, et en raison de l'e'tat de sa santé', les
prie de vouloir bien lui donner un successeur.
La Section, à l'unanimité, décide de conserver M. Fallou comme
Président et désire lui témoigner ainsi sa gratitude pour tout le de-
vouement dont il a toujours fait preuve envers elle.
La Section procède au renouvellement de son bureau, dont les di-
vers membres sont maintenus, et qui se trouve, par suite, composé
comme suit :
Président, M. Fallou.
Vice- préside Ht, M. Mégnin.
Hecrélaire, M. Clément.
Vice-secrétaire, M. Sédillot.
Rapporteur de la Commission des récompenses, M. Fallou.
232 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Lecture est donnée d'une lettre de M. Arnal sur le Mûrier du Tonkin
et les races de Vers à soie polyvoltines e'ievées avec ses feuilles.
Une discussion s'engage à ce propos sur les diverses soies, entre
autres celle du Bombyx de l'Allante, dont on observe ge'néralement
plusieurs géne'rations dans l'année, trois, quand la tempe'rature est fa-
vorable.
M. Cle'ment fait remarquer que les Chenilles provenant de la der-
nière génération n'arrivent pas toujours à leur complet développe-
ment, et que, sans cela, l'espèce déjà très commune, et qui se multi-
plie si facilement deviendrait un véritable fléau.
M. Decaux appelle l'attention de ses collègues sur la Noctuelle des
moissons.
Les moyens de destruction conseillés jusqu'à ce jour et indiqués
par M. Blanchard, consistaient dans le roulement, la recherche des
œufs et le ramassage des chrysalides. Ils ne sont pas applicables en
grand et ne produisent que des re'sultats insuffisants. Notre collègue
a fait des essais comparatifs et a obtenu de bien meilleurs résultats
en employant des chiSons de laine, des déchets d'e'toupe ou même de
la paille mélange's avec 10 ° o de pe'trole. Ces mélanges s'emploient à
raison de 30 k. par are et constituent d'excellents engrais, surtout
les chiffons de laine, dont la décomposition dure six à sept ans.
M. Decaux fait remarquer que les mœurs de ce Papillon sont encore
peu connues, et il annonce qu'il compte publier prochainement un
mémoire sur ce sujet dans notre Bulletin.
Le Secrétaire,
A.-L. Clément.
5« SECTION (VEGETAUX).
SÉANCE DU 24 JANVIER 1893.
PRÉSIDENCE DE M. PAUL CHAPPELLIER.
M. le Secrétaire donne lecture d'une lettre par laquelle M. Paillieux
fait connaître qu'en raison de son grand âge et de sa santé, il se voit
dans la nécessite' de donner sa démission de vice-président de la Sec-
tion des végétaux.
M. le Président, se faisant l'interprète de la Section, exprime tous
ses regrets de voir notre de'voue' confrère prendre cette re'solufion.
Pendant de longues années, M. Paillieux, grâce à ses relations e'ten-
dues dans toutes les parties du monde, faisait à presque toutes nos
COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 233
séances des distributions gracieuses de graines qu'il recevait de ses
correspondants et toujours une noie inte'ressante accompagnait ces
dons répe'te's. Notre confrère avait ainsi su donner à la Section une
vie, une activité' qui sera difficilement surpassée. Le Conseil d'admi-
nistration a offert à M. Paillieux le titre de membre honoraire du Con-
seil, c'est un juste témoignage de la gratitude de la Socie'té pour les
longs et si dc'voués services rendus à notre cause.
La section procède à la nomination de son bureau et du De'Iégue' à
la Commission des récompenses. Sont de'signés pour remplir ces
fonctions :
Président, M. Henry de Vilmorin ;
Vice-Président, M . P. Chappellier ;
Secrétaire, M. Jules Grisard;
Vice- Secrétaire, M. Soubies ;
Délégué aux Récompenses, M. le D'' Mène.
M. le Secrétaire distribue, entre les membres pre'sents, une variété'
d'Ail remarquable par la grosseur de ses bulbes; l'envoi en est dîi à
M. Brierre, de Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée')^
M. J. Grisard dépose sur le Bureau : P un volume ayant pour titre :
Manuel pratique des cultures tropicales, par MM. Sagot et E. Raoul;
2" la cinquième e'dilion de Y Art de greffer, par M. Charles Baltet.
A propos du premier de ces ouvrages, M. Chappellier fait remarquer
que le Manuel signale (p. 66) des variétés nombreuses d'Ignames de
Chine à tubercules gros et courts.
II serait des plus intéressants de pouvoir se procurer ces varie'tés, et
M. Raoul rendrait un roel service aux cultivateurs et amateurs eu leur
procurant des indications plus pre'cises qui permettraient d'entrer en
possession de ces précieux tubercules à forme arrondie et d'une ex-
traction facile.
Le Manuel ajoute que ce n'est qu'après quatre ou cinq ans de cul-
ture qu'une bulbille peut donner un pied de force passable.
C'est une erreur qu'il importe de rectifier, la multiplication par bul-
billes est beaucoup plus rapide, et M. Chappellier pre'sente un pied de
première année qui, déjà d'une certaine force, donnera à l'automne
prochain un beau tubercule. On pe.ut encore planter au printemps les
collets des Ignames ayant déjà été' ulilise'es pour le service de la cui-
sine (voyez plus loin la noie de M. Chappellier).
Quant à l'Igname de Decaisne qui a été recommandée ici même à
diverses reprises, M. le Pre'sident estime qu'elle ne mérite pas les
éloges qu'on en a faits ; elle est à peine mangeable et son produit est
à peu près nul. Toute son utilild se bornerait à servir à des essais
d'hybridation.
M. Ilédiard entretient la Section des Ignames qui sont le plus géné-
ralement consommées à Paris. Le Dioscorea alata appelé Igname por-
234 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
tugaise, puis l'Igname dite de Guine'e et enfin l'Igname digitée ou
Couscouche. Cette dernière serait la plus intéressante h acclimater
pour notre climat parisien; sa chair fine est très agre'able.
Notre confrère parle ensuite de la Chayotte iSechncm edule) qui
pousse admirablement en Alge'rie. Non seulement elle produit im fruit
très apprécie' des Cre'oles, mais sa racine elle-même offre un mets
agre'able .
M. le Secre'taire signale un article important sur l'Arbre à laque
{Rhus vernicifera) publié, en français, dans le Kolonial Muséum de
Haarlem.
C'est un petit arbre du Ne'paul et du Japon où il est l'objet d'une
culture raisonnée. Cette espèce est assez rustique ; on la rencontre dans
l'Himalaya jusqii'à une altitude de 2,C00 mètres. La laque si renommée
est fournie par la sève. Les fruits donnent aussi de la cire ; mais il
est préférable de ne pas exploiter l'arbre à ce point de vue, si l'on
veut obtenir une plus grande production de laque.
M. Chappellier présente quelques observations sur les vignes améri-
caines. MM. Rathelot, Decaux et Fallou prennent part à la discussion
que cette question soulève.
M. Rathelot présente à la Section des branches de vigne sur les-
quelles des rameaux de seconde pousse, produits après la taille, ont
donné des raisins qui ont mûri. Ce fait assez rare est dû aux chaleurs
exceptionnelles que nous avons eues à la fin de l'été dernier.
Le Secrétaire,
Jules Grisard.
IV. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS.
Du renouvellement de la corne chez le Rhinocéros
unicornis (L.) de l'Inde. — La chute des bois chez certains Rumi-
nants à cornes caduques, les Cerfs, constitue un phénomène qui a été
constate' par les plus anciens naturalistes. On sait que chez ces ani-
maux, les cornes, formées d'une substance osseuse, se remplacent
chaque anne'e.
Plus récemment, M. Barlett e'tudia le même fait sur des Cariacous
ame'ricaius conservés au Jardin de la Société zoologique de Londres.
Le mémoire de M. W. Marshall, publié dans le Zoologische Oarten (1),
traite de ce sujet en détail. En parlant de Ja corne du Rhinoce'ros,
l'auteur nous assure qu'elle ne se remplace jamais. M. Marshall cite
cependant des observations de Blyth d'après lesquelles l'animal arrivé
à un certain âge la perd.
Des observations nouvelles (2), releve'es par M. le D' Wunderlich,
Directeur du .Jardin Zoologique de Cologne, font supposer que ce Pa-
chyderme change régulièrement de corne à des époques e'ioignées les
unes des autres.
En 1880, au commencement de l'année, le Rhinocéros unicorne mâle
du Jardin de Berlin perdit sa corne ; il s'ensuivit une hémorragie con-
sidérable. Une corne nouvelle se développa lentement ; elle tomba à
son tour en automne 1891. A cette époque, la femelle perdait aussi la
sienne.
Dans le Jardin de Cologne, le même l'ait se produisit en 1880 chez
un Rhinocéros unicorne. Mais, au printemps de 1888, la corne e'tait
entièrement remplace'e ; l'animal s'en servait pour se jeter avec vigueur
contre son enclos. Un jour, le 3 février 1891, sa corne se brisa à sa
base pendant cet exercice ; il n'y eut pas d'hémorragie. Le Pachyderme
ne conserva pas longtemps la marque de la rupture. Un mois ai)rès, la
cicatrice était recouverte d'une peau solide et élastique et l'on vit ap-
paraître une nouvelle corne qui, en juillet 1892, atteignait déjà prés
do 10 centimètres en longueur. M. Wunderlich pense que, dans une
dizaine d'anne'cs, le Rhinocéros la renouvellera.
Le fait constaté sur l'exemplaire de la Me'nagerie de Cologne prou-
verait que la caducité n'a pas lieu seulement chez l'animal très âge'.
Car ce Rhinocéros arriva au Jardin en 1872, à l'âge de deux ans en-
viron. Dans l'espace de vingt années il a donc renouvelé deux fois
sa corne.
Il serait intéressant de rechercher si ce phénomène se pre'sente chez
(1) 1891, XXXII, p. 163.
(2) Publiées dans la Festschrift zum siebenzigsten Gebiirtstage Rudolf Leuc-
karts. Leipsick, 18'J2.
236 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
d'autres Rhinocéros des Indes, le Rh. sondaicus, Desm., ceux à deux
cornes Rhinocéros lasiotis Sel. et Rh. sumatrensis Cuv., et chez les
espèces africaines, ou s'il est particulier à l'Unicorne.
Dans tous les cas, l'Unicorne e'tant la seule espèce de son genre qui
habite nos possessions d'Asie, on pourrait peut-être mettre à profit
ces notions pour l'élever en plus grand nombre. La valeur des produits
multiples tirés de cet animal, surtout celle de la corne, rendrait proba-
blement l'entreprise rémunératrice.
Dans la Suite de la relation du premier voyage des Hollandais aux
Indes, nous lisons (p. 57) à propos des Rhinocéros : « Leurs cornes,
leurs dents, leurs ongles, leur chair, leur peau, leur sang, leurs
excréments et même leur eau, tout en est estime' et recherché par les
Indiens qui y trouvent des remèdes pour diverses maladies. »
M. le D"" Ilarmand a publié, dans la Revue des sciences naturelles ai)-
piiquées (1), des renseignements curieux sur les grands Mammifères
de rindo-Chine. Nous y relevons le passage suivant : « le Rhinocéros
se chasse pour sa peau, sa chair et surtout sa corne, qui se vend
excessivement cher, beaucoup plus cher qu'en France même. Elle
sert à fabriquer des médecines et des coupes précieuses auxquelles on
attribue toutes sortes de vertus imaginaires. » de S.
Croisement de Tisserins en captivité {Hyphantomis textor
Gray, mâle avec E. vitellinus Fsch. et IIartl.). — On a vu des
Oiseaux exotiques s'accoupler en cage avec des espèces indigènes et
produire des me'tis. Le Canari se croise souvent avec le Chardon-
neret, le Tarin ou le Linot. On a parfois noté des cas d'hybridation
entre des Oiseaux indigènes, comme le Bouvreuil avec le Chardon-
neret. Enfin, on en observe entre deux espèces exotiques. Un exemple
nouveau vient s'ajouter à cette dernière cate'gorie.
M. Sauermann élève depuis quelque temps ensemble deux espèces
de Ploce'ides ou Tisserins ; l'un est le Tisserin à tête noire {Hyphan-
tornis textor Gray) qui habite l'ouest de l'Afrique; l'autre est le
Tisserin jaune d'oeuf {H. vitellinus Fsch. et Hartl.) originaire de l'A-
frique centrale. Il en obtint, en 1890, plusieurs métis. Cependant le
mâle et la femelle de chaque espèce étaient repre'sente's dans la cage.
En 1891, M. Sauermann observa de nouvelles hybridations. A ce
moment, il se procura un second mule de Tisserin à tête noire qui
s'accoupla à son tour avec la femelle du Tisserin jaune. Il en re'sulta
deux pontes successives, l'une produite par l'ancien mSle de l'année
préce'dente, l'autre par le nouveau. Ce cas paraît surtout extraordinaire
quand on tient compte des différences de taille entre les deux espèces.
Y! H. textor a les dimensions de notre Etourneau; 1'^. vitellinus est de
(1) 1881, p. Lxxiii.
CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 237
la taille du Moineau. On se demande pourquoi chaque espèce de Tis-
serin n'a pas plutôt niche'.
Proce'demment, l'écrivain des Mittheilungen de Vienne avait commu-
niqué des observations analogues sur une espèce le « Bec de corail »
[Quelea sanç/uiniroslris Bp.) qui se croisa, en cage, avec le Moineau de
Swainson {Pyrgita Stoainsomi Bp.).
Au sujet des deux Tisserins, M. Sauermann nous donne encore les
de'tails suivants : l'incubation dura de douze à treize jours ; les jeunes
sortirent du nid au vingtième jour, soit plus d'un mois après la ponte.
A cette e'poque, ils étaient déjà plus forts que la femelle du Tisserin
jaune. Malheureusement sur les douze hybrides, nés dans l'espace de
deux ans, il ne s'y trouvait aucune femelle. Par leur forme, ces pro-
duits se rapprochent du Tisserin à tête noire, mâle, mais ils sont plus
petits. Tous ceux nés en 1890 prirent, l'année suivante, la môme livre'e
complète. Leur chant se rapproche de celui du Tisserin à tête noire,
mais il est beaucoup plus doux. Il n'a aucune ressemblance avec le
chant du Tisserin jaune d'œuf. de B.
Protection des Oiseaux à la Nouvelle-Zélande. — Depuis
quelque temps on s'occupait dans la Nouvelle-Zélande et en Angle-
terre des mesures à prendre pour protéger certains Oiseaux néo-
zélandais qui deviennent rares. L'on cite deux sortes de Traquets, le
Miro australis Sparrm, désigné sous le nom de Tautamoai par les Maori,
et le Mii'o albifrons Gm. ; V Heterolocha aaUirostns Gould ou Huia des
Maori qui est voisin des Paradisiers et des Sturnopastors; dans le
groupe des Perroquets, le fameux Slrigops liahroptilm Gray, aux habi-
tudes souterraines, et le Cijanorham finis Novœ-Zealandiœ Sparrm. (1) ;
enfin les Aptéryx {Apteri/x australs Shaw ou Kiioi et Apt. Otoeni
Gould) et quelques autres espèces.
Sur la proposition du Gouverneur de la Nouvelle-Zélande S. E.
lord Anslow, un de'cret interdit maintenant la chasse et la capture de
ces Oiseaux. En outre, on a décidé d'en prendre un certain nombre
dans la Nouvelle-Zélande et les îles adjacentes pour les lâcher dans
d'autres régions qui leur seront réservées. On a choisi au nord l'île
d'Hauturu et au sud celle de la Résolution.
Les chefs des Maori ont appuyé' ces mesures de protection. VHete-
rolocha ou Huia fut toujours leur Oiseau pre'fe'ré. Ils chantent ses
louanges, s'ornent la tête de ses grandes plumes. Une de leurs Hapit
ou tribu tire son nom de l'espèce : Vgati Huia. On raconte que le
Gouverneur baptisa son fils du nom de Huia. Un jour, il se rendit à
Otaki pour présider une assemblée des principaux chefs Maori. L'un
d'eux lui tint ce langage : « Oh ! Gouverneur, empêche les blancs de
» tuer notre Oiseau favori, pour que ton fils, une fois grand, puisse
» encore admirer ce bel Oiseau dont il a reçu le prénom. » G.
(1) Cette espèce reproduit facilement dans les volières d'Europe.
238 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Pisciculture en Australie et aux États-Unis. — L'on sait
que, dans les questions de pêche, il serait désirable que les éléments
de destruction et de reproduction se fissent e'quilibre. D'après
M. Buckland, sur 1000 œufs de Poissons qui sont abandonnés à leur
condition de nature, un seul roussit, c'est-à-dire produit un Poisson
qui atteint son développement complet. La culture artificielle reme'die
beaucoup à cet état de choses. Les Saumons et les Truites en sont
principalement l'objet. Dans la Nouvelle-Zélande, en 1868, on com-
mença par utiliser seulement 800 œufs, et, aujourd'hui, les cours d'eau
sont riches en Truites. En 1874, on lâcha quelques alevins dans le
Conneclicut, où le Saumon avait disparu depuis près d'un siècle.
Quatre ans plus tard, quelques centaines de Saumons y furent pris, et
leur poids variait de dix à quinze livres anglaises. Ces dernières an-
nées, l'on s'est occupé de repeupler le Sacramento, et la pêche dans
ce fleuve a été' plus que double'e. Il y a deux ans, on a introduit dans
le lac Vyrnwy des ialevins de Truite. Dans la dernière saison, on y
pécha 4,000 Truites et l'on constata une augmentation double dans
leur poids; au lieu d'une livre de croissance moyenne normale, elles
en pesaient deux et davantage. De S.
Culture de l'Igname. — Dans la dernière réunion de la section
des végétaux, M. Chappellier, après s'être associé aux e'ioges qui, de
tous côtés, ont accueilli l'ouvrage remarquable de MM. Sagot et
Raoul sur les cultures coloniales, a appelé' en ces termes l'attention
de la Section sur le passage suivant de cet ouvrage :
« En tout pays, dans le sol le meilleur, il faut quatre ou cinq ans de
» pépinière, sans arrachage des tubercules, pour qu'un jeune plant
» grêle soit devenu un plant robuste et capable d'un beau dévelop-
» pement. »
Cette perspective d'une culture préparatoire de quatre ou cinq ans
serait vraiment décourageante ; heureiisement que si ce long délai est
nécessaire dans les pays intertropicaux, il n'en est pas ainsi en tous
pays, notamment sous nos climats tempe're's.
Je mets, en efifet, sous vos yeux, de jeunes tubercules issus de bul-
billes seme'es au printemps dernier, et qui, mis en terre en avril pro-
chain, donneront, six mois après, un très bon produit. Donc, deux an-
nées, au plus, pour obtenir une re'colte normale.
Ces jeunes tubercules sont, d'ailleurs, beaucoup plus gros que lès
plus gros Salsifis, et pourraient, au besoin, être déjà livrés à la con-
sommation.
Cette culture annuelle par le semis des bulbilles serait-elle un
moyen bizarre de remplir le desideratum de notre Société? — La grosse
difficulté de l'arrachage aurait disparu, puisque ces tubercules ne sont
pas plus longs que des Salsifis.
CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 239
Mais le semis des bulbilles n'est qu'un procédé accessoire et excep-
tionnel. Voici, en eflfet, comment on procède le plus souvent :
Avant de livrer un tubercule à la cuisine, on en enlève la tête, c'est-
à-dire la portion supérieure, effilée, longue d'environ 20 centimètres.
Cette tête, plante'e au printemps, donne, sis mois après, un légume
pareil à celui dont elle a e'té détache'e. On renouvelle cette opération
tous les ans.
Ce procédé est, en somme, très analogue à celui usité pour la
pomme de terre. Pour cette dernière plante, lorsque vous arrachez une
touffe composée, je suppose, de dix tubercules, vous en consommez
neuf et vous en conservez un pour la plantation de l'année suivante.
De même pour l'Igname, vous consommez la partie infe'rieure et forte-
ment renflée qui constitue plus des neuf dixièmes du volume total, et
vous conservez la tête pour la plantation de l'année suivante.
En résumé, avec le procédé exceptionnel du semis des bulbilles, deux
années sont nécessaires pour l'obtention d'un tubercule de volume
normal ; mais, avec le procédé usuel — la plantation de la tête —
une seule année suffit.
Il est bien entendu que mon observation ne concerne pas les pays
intertropicaux et qu'elle a trait seulement à nos climats tempérés, no-
tamment aux environs de Paris et au centre de la France.
Si je me suis permis de vous soumettre cette observation, c'est sur-
tout en vue de la publication probable d'une deuxième édition que le
mérite exceptionnel de l'ouvrage de MM. Sagot et Raoul ne manquera
pas de nécessiter prochainement.
Le ('. Mock Orange » à petites feuilles {Philadelphus micro-
phyllus). — On cultive beaucoup cette plante mexicaine dans les jar-
dins d'Angleterre. Cet arbuste est de petite taille, aussi convient-il de
le planter le long des allées. Ses feuilles ressemblent à celles du Myrte,
mais elles sont plus petites. Quand ses branches sont fleuries, elles
descendent jusqu'au sol et embaument l'air à plusieurs métrés de dis-
tance. Le feuillage forme un très joli fond aux fleurs })lauches. Le
MocJi Orange est robuste; dans les comtés du nord, on le garde en
pleine terre pendant tout l'hiver. de B.
V. BIBLIOGRAPHIE.
Zoologie. — Traité élémentaire d'histoire naturelle^ par L. Gérardin,
professeur aux écoles Turgot et Monge. — Un volume in-S" de
450 pages avec 500 figures dans le texte. Librairie J.-B. Baillière et
fils, 19, rue Hautefouille (près du boulevard Saint-Germain), à Paris.
Prix, broche', 5 francs.
La Zoologie de M. Léon Gérardin s'adresse aux jeunes gens qui
sortent des lyce'es et qui vont aborder les e'iudes spéciales (Ecoles
nationales d'agriculture. Institut agronomique, Ecoles ve'tërinaires,
Ecoles de pharmacie, Faculté' de me'decine) ou les e'tudes supe'rieures
(licence es sciences naturelles).
Ce livre constitue un manuel général pouvant servir de base com-
mune à toutes ces études ; il peut en même temps rendre service aux
professeurs de l'enseignement secondaire qui y trouveront réunis les
e'iéments ne'cessaires à la préparation de leurs leçons.
Sous une forme condense'e, M. Le'on Gérardin a re'sumé les grands
traite's classiques et aussi les cours donnés par les principaux profes-
seurs de l'enseignement supe'rieur ; qu'il nous suffise de citer :
MM. GiARD, Yves Delage, J. Chatin, Pruvot, de la Faculté des
sciences ; MM. Edmond Périer, G. Pouchet, Beauregard, du Mu-
séum d'Histoire naturelle, et Re'my Périer, Mathias Du val, et Raph.
Blanchard, de la Faculté de me'decine; Guignard, de l'Ecole de
pharmacie; Henneguy, du Collège de France; Paul Regnard, de
l'Institut agronomique; Sicard (de Lyon), G. Moquin -Tandon (de
Toulouse), P. GiROD (de Clermont-Ferrand), Joubin (de Rennes), etc.
L'auteur a choisi la méthode analytique ; il a adopte' comme cadre
la Zoologie pure, négligeant volontairement les théories et les doc-
trines synthétiques déplace'es dans un traité e'iémentaire. L'ouvrage
contient en outre les éléments de la physiologie, de l'histologie et de
l'embryologie.
Chaque chapitre est termine' par des indications pratiques sur la
recherche, la préparation et la conservation des animaux. Les figures
instructives sche'matiques ou réelles, ont été multipliées à dessein,
pour mener rapidement l'élève à la connaissance des principaux
types. Enfin, de nombreux tableaux synoptiques d'embranchements,
d'ordres, de clisses, permettent aux élèves de revoir et de se graver
dans la mémoire les de'tails de la classification. G. de G.
Le Gérant : Jdles Grisard.
I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ.
LES CHIENS DE BERGER
Par m. p. MÉGNIN.
Lorsqu'il y a sept on huit ans, je réunissais les matériaux
pour une histoire coni])lète des races de Chiens, je constatai
que, si les auteurs cynégétiques avaient assez clairement dé-
crit les différentes races de Cliiens de chasse, courants ou
d'arrêt, par contre, la jjIus grande contradiction régnait
entre les auteurs naturalistes ou zootechniciens qui avaient
parlé des Chiens de herger.
Deiiuis Buffon, les naturalistes ne connaissent qu'un Chien
de berg-er, qui est ainsi décrit dans la traduction française
de Brehm, un des ouvrages les plus récents :
^( Caractères. — Cette race se distingue par une taille
moyenne, un poil grossier disposé par mèches longues partout
le corps, excepté à la tête et sur les pattes ; sa robe est sou-
vent noire ou noirâtre, avec du jaune de rouille au museau,
autour des yeux et aux jambes ; la queue, lorsqu'elle n'a pas
été mutilée dans le premier âge, est garnie de longs poils, sur-
tout à la face inférieure. L'animal la porte horizontale ou
pendante. (A l'appui de cette description, l'auteur donne la
figure d'un Chien de berger dans lequel il est facile de recon-
naître le Chien que nous avons nommé depuis : vieux Chien
de berger français ou Chien de Beauce).
» Aptitude et emploi. — Cet animal est remarquable par
sa sagacité ; ses dispositions à garder les troupeaux parais-
sent innées et héréditaires.
» Au bout de fort peu de temps, il connaît chaque signe,
chaque regard du berger, et remi)lit avec une patience, une
obéissance rares les tâches qu'il lui impose. 11 en est qui
comprennent toutes les paroles. Un observateui- «ligne de foi
2C Mars IS'JS. 16
242 REVUE DES SCIENCES NATUHELLES APPLIQUÉES.
m'a assuré avoir enteiidn recommander à son Chien de res-
pecter les champs de colza; le Chien parut hésiter un mo-
ment, il n'avait, probablement, jamais entendu ce mot ;
seigle, blé, orge, avoine, prairie, champ, c'était là choses
connues, mais le colza ! Il fit le tour du troupeau, examina
chaque champ l'un après l'autre et s'arrêta devant celui dont
la récolte lui était inconnue ; ce devait ttre là le champ de
colza et ce l'était, en efïet, »
Le traducteur de Brehm continue :
« Le Chien de Berger offre plusieurs variétés.
» En France, on distingue comme telles :
» Les Chiens de B>-ie, caractérisés par leur pelage long et
soyeux (!) généralement de couleur fauve et Isabelle. Ces
Chiens étaient autrefois (') très en renom. » (Les mots à la
suite desquels nous avons placé des points d'exclamation
prouvent que l'auteur ne connaissait pas les chiens de Brie.
II cite encore comme variété française) :
» Les Chiens toucheurs de Bœufs, à formes fortes et mas-
sives à poil noir et rude. C'est à eux que, dans certaines con-
trées de la France et de l'ilngleterre, la surveillance des trou-
peaux et surtout leur conduite sont entièrement aban-
données. Ces Chiens sont des auxiliaires précieux, car ils
empêchent les bœufs de s'égarer hors de la route, ifs accé-
lèrent leur marche et maintiennent le bon ordre dans les pas-
sages difficiles. »
Enfin il décrit encore et figure assez exactement le Chien de
berger d'Ecosse, ou Colley ; mais ce qu'il dit du Chien de
berger anglais prouve qu'il ne le connaît pas du tout.
Les zootechniciens, représentés par M. Sanson, ne parlent
que du Chien de Brie comme Chien de berger :
« Je parle, bien entendu, dit-il, de l'élite de la fonction du
Chien de berger aux aptitudes cultivées par une éducation
que j'appellerai de famille, à la fois douce et sévère, soumis
au maître dont il est le meilleur ami, le plus fidèle compa-
gnon, dont il prévient les désirs et les ordres avec une intel-
ligence et un dévouement dont l'humanité ne lui donne
l'exemple que bien rarement, hélas ! je parle, en un mot, du
Chien de Brie, dont la race est vouée de temps immémorial à
cette fonction devenue pour elle un véritable héritage.
(M. Sanson ne décrit pas ce Chien, mais il en donne une
excellente figure en reproduisant, d'après de Penne, le por-
LZS CHIENS DE BERGER. SiS
trait de Charmante, chienne de berj^er de la Brie, prix
d'honneur à l'Exposition universelle des races canines en
1863.)
Quant à dire qu'elle est connue cZe temps immé>norial,te\\e
que nous la connaissons, c'est une erreur, car il n'y a pas
cinquante ans qu'elle existe. Ce qu'on appelait autrefois C/iie)i
de Brie, et ce que beaucoup d'auteurs appellent encore de ce
nom, c'est le vieux Chien gaulois ou de Beauce.
« On rencontre de ces Chiens-là, continue M. Sanson, sur
tous les points de la France. Partout ils répondent au nom de
Laljrie, qui a été conservé à leur famille, comme une sorte
de titre de noblesse. Ils apportent en naissant l'aptitude au
métier. Ils naissent gardiens de troupeaux comme on nait
rôtisseur. Les autres, les Mâtins, peuvent le devenir par une
éducation soignée ; eux se dressent tout seuls. »
Comme on voit, M. Sanson ne connaît pas le vieux Chien
de berger français, ou Chien de Beauce ; il ne connaît pas
davantage le Chien du Languedoc, ou de la Crau, qui accom-
pagne les troupeaux transhumants dans leurs pérégrinations
périodiques dans les Pyrénées ou dans les Alpes, dont nous
parlerons plus loin, et qui ont autant .d'aptitude à leur mé-
tier que le Chien de Brie.
Si les Chiens de berger sont bien connus au point de vue
de leur intelligence et de leurs qualités morales, nous venons
de montrer qu'ils le sont encore peu au point de vue des ca-
ractères et de la diversité de leur race. C'est ce qui nous a
engagé à combler cette lacune.
Nous avons commencé l'étude des races de Chiens de ber-
ger, dès 1887, et nous l'avons poursuivie dans différents ar-
ticles parus dans Y Eleveur jusqu'à ces derniers tem^is. Nous
allons résumer nos études dans le présent travail.
Origine des chiens de berger. — La première question
que nous nous sommes posée est celle de l'origine des Chiens
de berger.
Pour Bufibn, le Chien de berger est le représentant le plus
voisin du type primitif, c'est le vrai Chien de la nature, celui
qu'on doit regarder comme la souche de l'espèce entière.
Si la première partie de cette proposition est vraie, la
seconde l'est beaucoup moins. En eflèt, il est parfaitement
démontré aujourd'hui, pour les naturalistes modernes, que
2i4
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
nos nom])reiises races de Chiens ont eu plusieurs souches
primitives et que le rôle que Buffon taisait jouer aux climats
est beaucoup trop considérable; personne ne croit plus,
comme il le disait, « que le Mâtin qui, au nord, se métamor-
phose en grand Danois devient un Lévrier au midi ».
Fig. 4. — Cràue de Loup. A Profil. B Face supérieure.
C Dent carnassière iui'érieure.
Il Y a eu au moins trois souches sauvages de nos Chiens
domestiques : une d'Europe, représentée par le Chien fossile,
ou Chien des tourbières ; une d'Asie, représentée encore au-
jourd'hui par le Chien du Tliibet, et une d'Afrique, représen-
LES CUIENS DE BEKllER.
245
tée probablement par le Lévrier sauvage d'Abyssinie dont on
a fait le type du penre Simenia (c'était du moins l'opinion de
Paul Gervais). Et ces trois types sont parfaitement distincts
des espèces des genres Lupus et Vulpes dont certains auteurs
ont voulu aussi faire descendre nos Chiens.
Il suffit, du reste, pour le démontrer, de comparer les
crânes de ces différentes espèces ou types.
Nous représentons dans la figure 1 ci-contre un crâne de
Fiff. 2. — Crâne de Chacal.
Loup vu de face et de profil, dessiné d'après nature, comme,
du reste, toutes les figures qui vont suivre (1). — Nous cons-
tatons que le front est plat et que la ligne du nez à la crête
occipitale est à peu près droite, sans dépression inter-occu-
laire (cassure du nez) ; que les apophyses orbitaires du fron-
tal n'ont pas de saillie en hauteur et sont très étroites latéra-
lement; que les arcades zygomatiques sont très écartées en
arrière et dessinent les deux brandies d'un V et que le trou
de l'oreille est bien au-dessus du niveau de la ligne dentaire.
Ce sont ces caractères crâniens qui donnent à la tète du
(11 Nous possédons une collection de crânes des races Ijpes des Chiens do-
mestiques qui nous ont servi de modèles ; les dessins des'canidés sauva-es ont
été pris sur des pièces du Muséum. " '^
246
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Loup sa forme conique, son front plat, sans saillie, ses yeux
obliques, enfin cette physionomie bestiale et féroce si diffé-
rente de la physionomie intelligente et du regard franc et
droit du Chien de berger, le plus rapproché du type sau-
vage.
Le crâne du Chacal [fig . 2) ressemble à celui du Loup, il a
seulement la crête occipitale un peu moins saillante et les
arcades zygomatiques moins écartées.
i'ïy.
Crâne de Lévrier du Soudan.
Le crâne du Lévrier d'Abyssinie ne se distingue guère de
celui du Chacal que par des dimensions plus grandes et une
ligne frontale un peu ondulée [pg. o). Le crâne d'un Lévrier
scJiUmghi en diffère par des saillies orbitaires plus pronon-
cées, bien que moins saillantes que celles du crâne de nos
chiens d'Europe et par une dépression inter-oculaire qui est
un principe de cassure du nez.
Le crâne du Renard {fig. 4) a le front encore plus plat que
celui des Loups (Loup commun, ou Chacal), mais le trou de
LES CHIENS DE BERCtER.
247
l'oreille se rapproche plus de la ligne des dents et l'ensemble
des arcades zygomatiques dessine un U et non un V.
Le crâne de Dingo {fig. S) représente exactement celui du
Chien des tourbières [Canis paticstris, Rutimeyer) de l'époque
préhistorique, comme nous avons pu le constater en faisant
la comparaison pièces en main; la saillie de son Iront et
surtout de ses apophyses orbitaires, aussi bien en largeur
qu'en hauteur, le distingue nettement des espèces précédentes,
bien que ses .arcades zygomatiques aient un peu de tendance,
Fiff. i.
Crâne de Ueuard.
comme celles du Loup, à former un V. La distance de l'orbite
aux incisives est aussi bien plus courte que chez le Loup et
le Renard, et le trou de l'oreille est bien plus bas que chez le
premier. Les différences sont cai)itales, et il n'est pas possible
de rattacher le Chien, ni au Loup, ni au Chacal, ni au Re-
nard. Il appartient bien à un genre différent de ceux de ces
derniers, genre qui a pour principal caractère la saillie et les
dimensions plus grandes des apophyses orbitaires, caractère
qu'on ne peut i)as attribuer à l'influence de la domestication,
et que présentent toutes plus ou moins les espèces du genre
Caiiis sauvages ou domestiques et qui leur donne une phy-
sionomie si différente de celle des Loups.
248
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Le crâne représenté figure 3 appartenait à nn représentant
«le l'ancienne race des Lévriers d'Orient dont les Grecs se
servaient à la chasse aux grands fauves, concurremment
avec plusieurs autres races de Chiens, existe encore dans le
Kordolan. C'est de ce dernier pays que venait le Chien qui
nous a fourni cette pièce.
Nous voyons que ce crâne est aussi long que celui du
Loup, mais il est bien plus étroit en largeur et en hauteur, et
puis la ligne frontale, au heu d'être presque droite de l'ou-
Yerture nasale à la saillie occipitale, forme une ligne ondulée
Fig.
Crâne de BinffO^ semblable au crâne du Chien des lour'uières.
au milieu du front et s'incline en arrière ; le front est, par
suite, plus saillant et plus large que chez le Loup, quoiqu'il le
soit moins que chez le Dingo dont il diffère aussi par, la lon-
gueur et par le peu de saillie de sa crête sagittale et de l'apo-
physe orbitaire. Le Lévrier a donc des caractères crâniens
différents de ceux du Loup.
Comme crâne du type asiatique de Chien du centre de
l'Asie, nous représentons {fig. 6] celui d'un beau|Dogue à poil
ras, originaire de Russie, où il avait été acheté 3,000 francs
par M'"« de la H . . . et qui est mort du diabète dans notre in-
firmerie. C'est le plus typique de tous ceux que nous avons
pu examiner et représente pour nous l'ancien Dogue^des
Cimbres qui était le gardien de leurs camp>^, ou des Assj'-
riens du temps d'Assurhimpal V, employé par ce'.prince à
la chasse aux chevaux sauvages, comme le montrent des
LES CHIENS DE BERGER,
249
has-reliefs de son palais de Koiiyendjik et dont nous pos-
sédons deux bonnes photographies. — Nous en donnons le
décalque ci-contre [fig. 7). — On voit que le crâne {ftg. 6) est
remarquable par la saillie du front, et surtout des a[)ophyses
sourcillières et par la brièveté de l'espace qui sépare l'ou-
Fifj. G. — Crfine do Dof^ue de Russie.
A Profil. B Face supéiieiire. C Dent carnassière inl'érieure.
a Incisives, c Canine. /'/// Fausses molaires, ca Carnassière, m Muiaires.
verturo nasale de l'orbite ; mais il a le trou auriculaire placé
plus haut que chez le Dingo, les arcades zygoniatiques plus
arrondies que chez le Loup, enfin il a une paire de molaires
de plus que chez les autres Chiens, la dernière de l'arcade
supérieure, et qui est tuberculeuse comme les deux précé-
dentes, ce qui lui lait trois paires de tuberculeuses en haut et
230
KEVIIE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
deux en bas. Tous ces caractères en font encore une espèce
bien distincte.
o
o
(M
s
<
2.
S'
C3
<
'l
n
Tous les autres crânes de Chiens que nous avons examinés
se rattachent plus "jdw moins directement aux trois types
LES CHIENS DE BERfrER. 2o'l
spécifiques que nons venons de décrire et de figurer, ou sont
le résultat de combinaisons de deux ou plusieurs d"entre eux,
ou même avec le Loup qui donne avec les différentes espèces
canines des produits féconds ; à moins qu'ils ne soient du
type aberrant du Bouledogue, du Basset ou des petits Chiens
d'appartement à tête ronde due à des arrêts de déve-
loppement et qui sont de véritables dégénérés.
On voit donc que nous avons raison d'admettre trois es-
pèces-types de Chiens qui ont été l'origine et le point de
départ des nombreuses races que nous voyons actuellement,
qui ont apparu successivement et qui se créent même encore
de nos jours, comme certaines races de Bassets. (Voyez
Y Eleveur des 15 et 29 janvier 1893.)
Ces trois types spécifiques sont :
1° Le Chien des tourbières ou fossile [Canis palustris)
dont dérivent directement le Chien de berger, le Braque et
l'Épagneul, forcément rapprochés par la similitude de leurs
crânes et par suite tous les Chiens d'arrêt.
2° Le Lévrier {Canis celer), originaire du nord-est de
l'Afrique et de l'Asie mineure, souche des difî'érentes races
de Lévriers et qui, par son croisement avec l'espèce pré-
cédente, a donné le groupe des Chiens courants; ceux-ci avec
addition de sang de loup — croisement que pratiquaient fré-
quemment les Graulois — ont donné les Mâtins qui établissent
la transition entre les Chiens de chasse et les Dogues.
3" Le Dogue {Canis molossus), ramené d'Assyrie par les
Grecs qui en fournissaient les cirques de Rome, venu aussi
du nord et du centre de l'Asie avec les différentes hordes de
Barbares et en dernier lieu avec les Huns à qui ils servaient
comme aux Cimbres de gardes de camp. Il est représenté
encore par le Dogue du Thibet et est la souche des différents
Dogues, russes, danois, allemands, anglais, français, espa-
gnols, et des Chiens de montagne, puis de la race aberrante
des Bouledogues.
A ces trois espèces, il y en a une quatrième à ajouter : celle
du Terre-neuve, introduite en Europe au milieu du siècle
dernier.
Toutes les races de Chiens, répéterons-nous, dérivent de
ces quatre espèces soit directement, soit de leur mélange, soit
de produits primitifs ou secondaires dégénérés.
252 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Domestication. — Le Chien sauvage, qui a été la souche
du Chien de berger, a été domestiqué à une époque extrê-
mement reculée ; la preuve en a été donnée par Rutimeyer,
de Bâle, et rapportée ainsi qu'il suit dans les Leçons sur
ïhomme, de Karl Vogt :
« Le plus ancien animal domestique connu jusqu'à présent
est, sans aucun doute, le Chien dont on a trouvé les restes,
tant dans les Kjenncimœdclwg (restes de cuisine des peuples
primitifs du Danemark) que dans les habitations lacustres
de l'âge de la pierre, découvertes en Suisse.
» Ce Chien ancien appartenait, d'après Rutimeyer, à une
race constante jusque dans ses moindres détails, de taille
moyenne, d'une conformation légère et élégante, à boîte crâ-
nienne spacieuse et arrondie, à orbites grandes, à museau
court, peu pointu, à mâchoires médiocres dont les dents for-
ment une série régulière. Ce Chien, qu'on peut nommer
Chien des tourbières [Canis palustris], ressemble, par la
grandeur, l'étroitesse des membres et la faiblesse des at-
taches musculaires, entièrement à l'Épagneul et au Chien
d'arrêt à poil ras, et paraît, par la largeur et la voussure de
son crâne, avoir fourni le modèle de i'Épagneul, et par ses
contours extérieurs et la longueur du crâne, celui du Chien
courant. Ce Chien de l'âge de pierre est entièrement distinct,
comme espèce, du Loup et du Chacal, que certains ont voulu
considérer comme les ancêtres du Chien actuel, et comme il
a apparu aussi bien en Danemark qu'en Suisse, il n'y a
aucun doute que cette espèce, propre à l'Europe, fut soumise
par l'homme et utilisée par lui, dès Torigine, pour la chasse,
et, plus tard, pour la garde de la maison et du bétail. Ruti-
meyer cite à l'appui de cette opinion la circonstance que l'on
ne rencontre que rarement des os brisés pour l'extraction de
la moelle (comme cela se remarque pour les ossements de
tous les autres animaux servant à la nourriture) ; que pour
la plupart les crânes des Chiens sont bien conservés et
appartiennent à de vieux animaux, d'où il conclut avec jus-
tesse que le Chien a pu servir de nourriture exception-
nellement, en cas de besoin, mais pas habituellement et qu'on
lui laissait atteindre un âge avancé avant de le tuer pour
s'en nourrir.
» Plus tard, à l'époque des métaux, on voit apparaître, soit
en Danemark, soit en Suisse, des races de Chiens plus grandes
LES CHIENS DE BERGER. 253
et pins fortes, se rapprochant par leurs mâchoires beaucoup
plus du Dogue que du Chien des tourbières et qui paraissent
avoir été introduites du dehors.
» La constance des caractères du Chien des tourbières, la
concordance complète des restes qu'on a trouvés dans diffé-
rents endroits, la distinction spécifique évidente d'avec le
Loup, le Chacal et le Renard, prouvent clairement la justesse
d'une assertion fondée d'ailleurs sur d'autres motifs, et d'a-
près laquelle les nombreuses races actuelles de Chiens ne se-
raient point le résultat des modifications d'une seule espèce,
mais bien celui des mélanges multipliés d'espèces voisines
entre elles. »
Le Chien ne fut d'abord qu'un parasite de l'homme, vivant
des restes de sa chasse. En effet, quand l'homme de l'âge de
la pierre, avait tué un des gros gibiers qu'il poursuivait avec
ses armes de silex, Auroch, Renne ou Cheval sauvage, il ne
l'emportait pas tout entier dans sa hutte ou dans sa grotte ;
il détachait les parties qui contenaient les morceaux: de
choix, les membres avec les os à moelle, la cervelle, etc., et
abandonnait le reste qui devenait la proie des bandes de
Chiens sauvages, comme on le voit encore dans les pays
orientaux.
Peu à peu le Chien s'associa plus intimement à l'homme,
|et, comme tout animal qui vit en société obéit par instinct à
un chef de bande, il finit par reconnaître l'homme pour son
[chef et à se regarder comme faisant partie de la société ou
[famille qui obéissait à ce dernier ; il se considéra comme co-
propriétaire de la hutte ou de la caverne, ayant le devoir de
jla défendre contre tout intrus, bipède ou quadrupède, et
d'aider son chef à la chasse de ces derniers.
Quand l'homme reconnut la nécessité de se créer une ré-
iserve de gibier, en parquant dans des coins de prairie des
groupes déjeunes animaux des espèces qu'il chassait, — ce
qui fut l'origine de la vie pastorale, — le Chien fut naturelle-
ment le gardien de ces parcs, tout en conservant ses autres
fonctions.
Ce n'est que bien des siècles après ces temps i)rimitifs que
s'opéra la spécialisation des différents emplois auxquels nous
voyons le Chien affecté. Pendant les temps héroïques de la
Grèce antique, cette spécialisation n'existait pas encore, ainsi
ique le prouve la fable d'Ovide sur le chasseur Actéon : Sa
2'ii REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
meute, qui le dévora quand Diane l'eut métamorphosé en
cerf, et dont l'auteur indique la composition en désignant
chaque Chien par son nom, accompagné le plus souvent de la
désignation de son origine, de ses caractères saillants et de
son emploi, comprenait des Lévriers, des Chiens à nez très
fin, des Molosses, des métis de loup, et des Chiens de berger
a qui avaient suivi les troupeaux ».
Sous Columelle, un des agronomes latins dont les écrits
nous sont restés, et qui vivait au siècle d'Auguste, la spécia-
lisation en question commençait à se faire, car il nous parle
de trois espèces de Chiens employés dans les fermes de son
temps : un Chien pour la garde delà métairie et des hommes.
un Chien pour la garde des troupeaux et un Chien de chasse.
Jusqu'à la Révolution française, le Chien de berger est
resté exclusivement le protecteur, le défenseur des trou-
peaux contre les Loups ; ce n'est qu'après l'extrême division
de la propriété qu'il est devenu l'inteHigent conducteur, le
protecteur sagace des récoltes que nous connaissons ; et
encore seulement dans les pays débarrassés de carnassiers
comme la Grande-Bretagne, ou ceux où ils sont devenus
rares, comme les plaines de la France, de la Belgique et
du nord de l'Allemagne. Partout ailleurs il est encore à peu
près exclusivement leur défenseur.
Nous allons maintenant aborder l'étude des races de Chiens
de berger signalées dans les difî'érentes contrées de l'Europe.
[A suivre.)
VISITES FAITES
AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE
Par m. mardis
ÉLEVAGE DE M. J.-J. LEJEUNE
AUX ESSABTS-LK-BOI (SE1NE-ET-0ISE).
Il ne m'a jamais été donné de voir nn élevage aussi com-
plet que celui de M. Lejeune, par sa situation, la grandeur de
ses parquets couverts et grillagés, le bien-être des volailles ;
en un mot, cet établissement est le rêve auquel chaque avi-
culteur doit aspirer.
Figurez-vous une très vaste prairie, avec grands arbres,
taillis, pièces d'eau, exposition au soleil, de l'air, de la lu-
mière, de l'ombre à volonté dans le cas de forte chaleur,
abris spacieux en hiver, la partie couverte des poulaillers
étant fermée en cas de besoin par de grandes toiles et des
paillassons. Pour la gent frileuse un grand couvoir chauâe;
enfin je ne puis mieux exprimer ma pensée qu'en disant:
C'est beau, très beau, très commode, bien agencé et il n'est
pas possible en France de trouver un élevage mieux installé.
On comprend difficilement que cet intéressant élevage n'ait
pas encore été visité d'une faron officielle, car l'aviculture
entre pour beaucoup dans le rendement de notre pays et elle
appelle a elle, pour la soutenir dans la lutte contre les pro-
duits étrangers, la bienveillance des représentants de notre
pays.
DESCRIPTION DE l'ÉI.KVAGE.
En entrant sur le point culminant de la propriété, les écu-
ries et les communs, à la suite le pavillon du garde-chef fai-
sandier. Ce pavillon sera détaillé après l'élevage.
A droite contre le mur de clôture : quatre volières chacune
de 7 mètres de longueur sur 2'". 55 de largeur et 2"',35 réduit
de hauteur. Ces quatre volières sont adossées à un mur de
clôtui'e en meulière ; la face de ces volières est griUagée avec
2i)6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
porte à un vantail sur le devant ; couvertes en bois et recou-
vertes sur le dessus en zinc. Le sol de ces cabanes est en
terre avec sable fin à volonté. Dans chacune de ces volières,
un poulailler de 2 mètres x i"\20 et l'",70 de hauteur avec
porte pour l'entrée et la sortie des volailles ; perchoirs plats
en bois, trous d'aération, le plancher en bois est mobile se
démontant à volonté, ainsi que les perchoirs ; ce poulailler
est à 0'",';5 du sol, laissant en dessous un endroit où les vo-
lailles vont taire leur poudrette. En été, pour protéger les
volailles contre la forte chaleur et la pluie, une toile de tente
se développant à volonté et cachant entièrement la façade de
chaque volière. En hiver, cette toile protège contre la neige
et le froid. Elle est doublée par des paillassons en paille,
l'e volière: 1 coq, 4 poules, race Crèvecœur, noire.
2® • — 1 coq, 4 poules, race Campine, argentée ; Pi-
geons Culbutants.
3^ — 1 coq, 3 poules, race Padoue, argentée.
4^ — 1 coq, 5 poules, race de la Flèche.
Dans cette volière seulement, M. Lejeune a fait ouvrir une
baie dans le mur, permettant aux volailles de prendre leurs
ébats dans un pré situé contre la partie occupée par les Oies
et Canards et aj'ant environ 300 mètres superficiels avec
verdure, arbres, etc.
La séparation entre chaque volière est en grillage avec
feuille de zinc partant du sol de la cabane sur une hauteur de
0'",80, recouvrant le bas de chaque séparation. Précaution
excellente pour empêcher les coqs de se voir et de se battre
et par conséquent de s'abimer la crête.
En retour contre ce mur :
4 grandes volières dont trois semblables.
Détail d'une volière : Un grillage tout au pourtour, porte
sur la face sur route et porte de communication intérieure
entre chaque compartiment.
Le bas de chaque séparation entre les compartiments est
recouvert d'une feuille en zinc de 0"%80 de hauteur sur toute
la longueur pour les coqs.
La partie grillagée a vingt-deux mètres de longueur sur
sept mètres de largeur. Le sol est en verdure : prairie natu-
relle avec grands arbres.
Au fond, poulailler couvert de 3 mètres de largeur sur
1 mètres. Ce poulailler couvert peut se diviser en deux com-
' VISITES AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE.
257
20 Mars 1893.
17
2ii8i REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
partiments ; il est en bois, couvert en bois avec zinc sur le
dessus ; le devant est grillagé avec porte de communication
en grillage, avec contre-poids pour la fermeture, séparation
entre les poulaillers en bois.
Le bas du poulailler couvert est à environ 0"%70 du sol ; le
plancher en bois est mobile ainsi que les perchoirs ; le sol du
poulailler est en terre avec sable fin à volonté. Le devant du
poulailler est fermé par une toile de tente comme les com-
partiments ci-dessus.
1'^ volière : 1 coq, 2 poules, race Combattants indiens ;
Pigeons Hirondelles et Pies blanc et rouge.
2'' — 1 coq, 4 poules, race Andalouse noire.
3e — Idem. Idem.
4" — 1 coq, 6 poules, race Andalouse bleue et Pi-
geons Bisets.
Description de la 4" volière :
La volière au devant semblable à celle ci-dessus. Poulailler
couvert divisé en six compartiments au rez-de-chaussée et
à l'entre-sol en deux; la partie réservée pour le poulailler
volailles montant jusqu'à la toiture. Partie couverte de 7"', 15
de longueur sur 3 mètres de largeur. Le premier compar-
timent pour les volailles a 2'", 05 de largeur sur 1 mètre et
2"\ 13 réduit de hauteur ; le 2' compartiment pour gros pi-
geons a 2"^, 50 X 1 mètre et quatre compartiments à la suite
pour petits pigeons, de 0'",65 x 1 mètre X 0"i,90 de hauteur.
Au-dessus de ces derniers compartiments, deux comparti-
ments pour gros pigeons, de 2'", 50 x 1 mètre xO"', 90 de hau-
teur. Les planchers sont en bois démontables ainsi que les
perchoirs. Le devant est en grillage avec porte communiquant
dans chaque compartiment. La porte du poulailler des poules
est en bois, pleine avec contrepoids en fonte pour la fermeture.
Ces diverses cabanes sont toujours en surélévation du sol
de 0"\'75 de hauteur.
Sol en sable fin, fermeture du poulailler couvert en gril-
lage, avec toile de tente pour la pluie, le soleil et le froid.
Couvoir chauffé pour l'hiver.
Construction en maçonnerie de briques couverte en ar-
doises.
Petite pièce en entrant renfermant un appareil de chauffage
avec réservoir d'eau bouillante se déversant dans une cana-
lisation spéciale régnant tout au pourtour du couvoir.
VISITES AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE. 259
Ce coiivoir a 13"^, 40 de longueur sur 4 mètres de largeur,
non compris la pièce de chauffage qui a 4 mètres x S"», 60.
Ce couvoir est divisé en six compartiments d'élevage de
chacun l'",25 x 2 mètres et l'",60 de hauteur. Chaque com-
partiment a une porte spéciale sur le derrière et sur le devant
un châssis vitré donnant accès sur la pelouse au devant du
couvoir. Au-dessus, châssis vitré pour éclairer le couvoir.
Les jeunes élèves contenus dans chaque compartiment et
leurs mères peuvent, si bon leur semble, rester dans la partie
chauffée ou sortir au dehors suivant leur bon plaisir. Ce cou-
voir ne sert que dans les temps froids.
Il n'est pas fait emploi de couveuses artificielles ; les cou-
vées sont obtenues au moyen de dindes ou poules et la réus-
site est prodigieuse. Le sol du couvoir est du sable fin,
couche très épaisse.
En ce moment, le couvoir est occupé par une très belle col-
lection de Pigeons Romains bleus, Cravatés, etc.
En contre-bas de chaque séparation des compartiments,
feuille en zinc.
A la suite du couvoir :
Une volière et un poulailler semblable à la 4" volière ci-
dessus avant couvoir.
1 coq, 5 poules, race du Mans, ce compartiment actuel-
lement occupé par une belle couvée de Canards.
Pigeons, race Montauban, blanche, Mondains, Culbutants,
Polonais.
A la suite, 8 volières semblables.
Détail d'une partie grillagée : largeur 10">,15 sur 22 mètres
de longueur; zinc en contre-bas de la séparation de chaque
compartiment sur une hauteur de 0'",80. Porte sur le devant
et porte communiquant entre chaque compartiment avec
contre-poids en fer pour la fermeture. Sol en prairie natu-
relle avec ombrage de grands pommiers. Au fond contre-mur,
partie couverte de 2"', GO de largeur sur 10"', 15, couverte en
ardoises, sol en sable fin, toile de tente fermant la partie
grillagée au devant, porte d'entrée sur le devant de la partie
couverte.
La partie couverte au fond est divisée en neuf compar-
timents à rez-de-chaussée, deux de 2 mètres x 1 mètre, pou-
lailler à la suite de 2'", 10 x 1 mètre et de 2'",30 de hauteur;
à la suite six compartiments d'une longueur totale de 4"», 05
260 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
sur 1 mètre de largeur ; au-dessus de ces compartiments,
sauf dans la partie occupée par le poulailler qui monte jusqu'à
la couverture, quatre grands compartiments pour coqs ou
grosse race de pigeons. Ces compartiments sont toujours à
0°",'75 en contre-haut du sol. Sol de la partie couverte en sable
fin de forte épaisseur.
Les planchers sont toujours mobiles pour faciliter le net-
toyage et les perchoirs sont plats et mobiles.
l^"" parquet : 1 coq, 3 poules, race Campine, dorée. Pigeons
Pies, Alouettes, Gazzis, Romains fauves.
2« parquet : 1 coq, 3 poules, race Hambourg, argentée,
Pigeons Romains rouges. Dindons blancs.
3e parquet : 1 coq, 5 poules, race Dorking, argentée, Pigeons
Bisets de Rouen, Polonais noirs, Romains bleus, Carriers noirs.
4« parquet : 1 coq, 5 poules, race Dorking, argentée, Pigeons
Queue-de-Paon blancs, Romains bleus et fauves.
5"^ parquet : 1 coq, 3 poules, race Dorking, argentée, Pigeons
Capucins, rouges, noirs, Montauban, noirs et papillotes.
6" parquet : 1 coq, 3 poules, race de Langshan, Pigeons
Tambour de Boukharie.
7^ parquet : 1 coq, 3 poules, race Brahma, herminée. Pi-
geons Capucins, Boukharie blancs.
8« parquet : 1 coq, 4 poules, race Brahma, herminée, Pi-
geons Hirondelles de Saxe.
Au devant d'un de ces compartiments, M. Lejeune avait
commencé une galerie couverte devant circuler tout autour
de son élevage, pour faciliter la visite des volières en cas de
mauvais temps ou de froid, mais comme cela entraînait
une dépense considérable et que le nombre de visiteurs ne
répond pas à ce luxe de promenoir couvert, M. Lejeune y a
renoncé. D'ailleurs, ce promenoir aurait entraîné une partie
de vitrage considérable qui aurait plutôt nui à la ventilation
et à l'aération du compartiment couvert au fond de chaque
volière.
Au fond, habitation du deuxième garde.
A gauche de cette habitation : 24 parquets de coqs destinés
à y mettre seuls, pendant quelques jours, les coqs destinés
aux concours ou aux expositions.
Détails d'un compartiment pour tous :
Partie grillagée de 8 mètres x 1"\60, au fond, partie cou-
verte de 3 mètres X 1"\60, sur une hauteur de 2 mètres. La
VISITES AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE. 261
partie couverte est en bois, couverture en zinc, porte de
communication entre chaque parquet fermant avec contre-
poids. Sol de la partie grillagée en prairie naturelle ; sol de
la partie couverte, sable fin en contre-bas des séparations,
zinc sur une hauteur de 0"%80. Comme les grandes volières,
la partie couverte au besoin est fermée sur le devant, pour
empêcher la pluie ou la neige, par une toile de tente.
Au devant, parquets de coqs et contre-potager :
Grands parquets grillagés tout au pourtour avec porte
particulière pour chacun ; sur le C(3té séparant chaque par-
quet, zinc ou paillasson sur une hauteur de O^jSO. Le sol est
en prairie naturelle, arbres, arbrisseaux, taillis. Cabane en
bois forme chalet, posée sur dés en pierre ou briques, sol en
sable fin et tout au pourtour couverte en zinc ou papier gou-
dronné, perchoirs plats en bois, démontables. Cheminée d'aé-
ration en zinc dans la couverture, système du propriétaire.
Trappe grillagée sur les côtés pour l'aération, porte à un
vantail sur le devant pour la sortie et rentrée des volailles.
Parquet au devant : coqs.
Deux parquets de chacun 1 coq, 3 poules race Combattant.
Contre-potager, trois parquets :
l*"" parquet : 1 coq, 4 poules, race Cochinchine fauve.
2« parquet : 1 coq, 3 poules, race Bresse noire.
3^ parquet : 1 coq, 3 poules, race Dorking argentée.
En partant de l'habitation du deuxième garde, en longeant
la route à droite allant vers le pavillon du garde-chef, partie
boisée forme circulaire.
Cinq parquets de volailles :
Grillage en fil de fer tout au pourtour avec porte de com-
munication pour chacun ; sol en prairie naturelle, bois et
taillis, séparation en zinc ou en paille sur 0">,80 de hauteur
entre cliaquc compartiment : cabanes comme celle détaillée
ci-dessus.
!«■■ parquet: 1 coq, 2 poules, race Cochinchine perdrix.
2« parquet : 1 coq, 2 poules, race Cochinchine perdrix.
3« parquet : 1 coq, 3 poules, race Brahma herminée.
4" parquet : 1 coq, 3 poules, race Doi'king argentée.
.5« parquet : 1 coq, 3 poules, race Cochinchine fauve.
A la suite, même côté, après allée : trois parquets de
])Ptites poules.
Grillage en fil de fer tout au pourtour, avec porte spéciale,
262 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES
sol en prairie, taillis, séparation en zinc. Cabane en bois de
0™,70 sur 0"\85 et 1 mètre de hauteur avec plancher en bois
démontable et perchoirs plats surélevés de 0"',70. Ces ca-
banes sont, posées sur briques. Le dessous de la cabane et
partie au pourtour sont en sable fin. Ces cabanes sont cou-
vertes en papier goudronné. Le dessous de la cabane sert aux
volatiles pour faire leur poudrette et en cas de pluie pour les
mettre à l'abri. Ces cabanes sont pourvues de cheminées
d'aération.
1er parquet : 1 coq, 4 poules, race Java, noire.
2® parquet : 1 coq, 4 poules, race Java, noire.
3e parquet : 1 coq, 3 poules, race Combattant, argenté.
A la suite :
Elevage spécial de Dindons et Dindes dans une partie boi-
sée d'une dimension extraordinaire, environ 22 mètres sur
22 mètres au moins. Comme abris pour les élèves, cabane en
rustique et paille, faite avec des branches d'arbres, couverte
en paille.
A la suite de l'élevage spécial, huit parquets semblables.
Détail d'un parquet :
Grande volièVe grillagée tout au pourtour avec zinc ou
paille en bas de chaque séparation : arbres verts, sol en
gazon, cabanes en bois de l'",25 x 1"%65 et de 2"',30 de hau-
teur, compris partie entre sol et plancher de la cabane qui a
0'",70 de hauteur, cheminée d'aération en zinc, trappe d'ou-
verture recouverte en grillage sur les côtés, porte pleine en
bois sur la face, parquet et perchoirs en bois mobile, couver-
ture en bois et papier goudronné, sous la cabane partie cou-
verte pour la poudrette des volailles, sol en sable fin.
Chaque volière a une surface d'environ 120 mètres à
150 mètres.
l*"" parquet : 1 coq, 6 poules, race de Houdan.
2'^ parquet : 1 coq, 3 poules, race de Leghorn, dorée.
3e parquet : 1 coq, 3 poules, race Courtes-pattes.
4^ parquet : 1 coq, 2 poules. Dindon bronzé.
5^ parquet : 1 coq, 4 poules, race Langshan.
6", 7^ et 8'' parquets : 1 coq, 4 poules, race Langshan.
En face les communs contre route, trois parquets pour les
volailles.
Sol gazon, grillage au pourtour en fil de fer, boite d'éle-
vage de 0"\75 de largeur sur In^jSo de longueur, divisée en
VISITES AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE. 263
deux compartiments, celui du fond pour la mère et celui du
devant pour les poussins, avec facilité de se répandre sur le
gazon au devant.
A droite, conmiun dans une partie boisée :
Parquet de Dindons sauvages, arbre de haute futaie, tail-
lis, etc., d'une superficie d'environ 1,500 à 2,000 mètres, n-
touré tout au pourtour par un grillage en fer.
Derrière, écurie, pavillon du garde-chef.
Parquet des Oies, Canards et Cj'gnes.
1" Derrière le chalet, six parquets pour les canards :
Volière pourtour en grillage avec porte de communication
entre chaque parquet, sol en gazon aboutissant d'un côté à
une pièce d'eau, de l'autre à un poulailler couvert.
Le poulailler couvert est en bois tout au pourtour, sol en
terre recouvert de paille de 2'", 65 de largeur et 1"\95 de hau-
teur moyenne, fermé sur le devant en bois avec porte à un
vantail et châssis vitré de six carreaux au-dessus, couvert
sur le dessus en ardoises.
1", 2^ et 3^ parquets : Canards Mignons gris.
4^ parquet : Cygnes blancs.
5« et 6« parquets : Canards de Rouen.
Parquets sur la pelouse :
Deux parquets : Oies de Toulouse.
Trois parquets : Oies de Guinée.
Trois parquets : Oies ordinaires.
Deux parquets : Canards de Barbarie, blancs et bronzés.
Un parquet : Canards Cayuga. /
Trois parquets : Canards de Pékin.
Un parquet : Canards de Duclair.
Un parquet : Canards Tadornes.
Chacun de ces parquets a environ 100 mètres de superficie;
-e sol est en gazon, entouré d'une clôture en grillage en fil
de fer.
Cabane en bois de 1"',30 x l"s85 et 1"\25 de hauteur;
couverture en bois et sur le dessus papier goudronné. Porte
en bois avec trous d'aération pour chaque cabane ; sol en
terre avec sable fin.
Grand bassin pour les Canards, Oies, Cygnes, avec eau
courante où tous les volatiles prennent leurs ébats chacun
à leur tour, car chaque parquet est distinct pour éviter les
264 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
croisements et les mélanges de races. Vaste prairie, entourée
sur trois côtés de bois de haute futaie.
Entre les volières, au devant des communs et chalet d'ha-
bitation du garde -chef, vaste prairie avec partie boisée,
bordée de chaque côté par une route, une pièce d'eau avec
pont rustique sur le parcours de cette prairie. Route carros-
sable tout au pourtour. Arbres, massifs de verdure, en un
mot ce qui est nécessaire pour rendre un élevage parfait, où
l'on reconnaît non seulement le propriétaire distingué, mais
encore l'aviculteur amateur ayant présidé à l'installation et à
la confection de ces beaux parquets, car lui seul en a fait le
plan et l'installation et, permettez moi de le dire, il a travaillé
en maître. D'ailleurs, chacun est à même de juger ce bel
établissement, situé à environ vingt minutes de la gare des
Essarts-le-Roi. Chacun y recevra, acheteur ou visiteur, le
meilleur accueil.
.J'ai fait observer à M. Lejeune que, pour un établissement
aussi complet, il aurait été désirable de voir à chaque parquet
un tableau fournissant au visiteur les renseignements sur la
race des pigeons, canards, oies, dindons contenus dans
chaque volière. Ce à quoi il m'a été répondu que ce n'était
pas un oubli, mais que chaque visiteur étant toujours accom-
pagné par le faisandier, celui-ci supplée aux renseignements
en se mettant à la disposition de chacun pour répondre à
toute question. Malgré cela, j'insiste encore à nouveau pour
des tableaux indicateurs contenant la race, la provenance,
l'origine, le rapport de chaque volaille contenue dans le
parquet, car cela engage souvent le visiteur, voulant acheter
et ne sachant au juste la race à laquelle il doit s'arrêter, à
faire des points de comparaison et à choisir suivant son goût,
ponte, finesse de chair ou beauté du sujet.
Pour les compartiments pour l'hiver, je me demande aussi
si, par suite de la situation de l'élevage sur ce haut plateau,
la toile étendue au devant de chaque parquet suffit à protéger
les volatiles et pigeons contre la rigueur du froid, car si
l'emplacement est splendide en été, en revanche, l'hiver, le
froid doit être très vif et la toile n'est qu'un faible préser-
vatif contre lui.
Les cabanes en bois dans les parquets contre-route en
venant de chez le deuxième garde, sont en hiver ou en cas
de pluie trop petites pour le nombre de volatiles, surtout en
VISITES AUX ETABLISSEMENTS D'AVICULTURE. 265
comparaison des volières parallèles où là il y a tout le con-
fortable. Il faudrait au moins un parcours couvert tout au
pourtour de la cabane en bois et garantissant les volailles
contre le mauvais temps, la cabane fermée formant centre.
Pour les Oies, Canards et Cygnes, les cabanes en bois dans
les parquets sont beaucoup trop étroites pour le nombre des
volatiles.
Le couvoir, en été, est placé sous le sol du rez-de-chaussée
du garde ; les volatiles sont dans des paniers fermés pour
couver. Cette pièce, par moments, par suite du nombre des
habitants, pèche un peu par l'aération, car, au lever et au
coucher des sujets renfermés dans cette pièce fermée, il s'en
dégage parfois une odeur désagréable. Je préfère voir les
nombreuses Canes couvant leurs œufs en plein air, l'une
sous un fagot, l'autre dans un buisson, dans un trou de mur.
Cela est très original, et l'on voit â l'éclosion des bandes de
jeunes Canards débouchant de partout et venant prendre
leurs ébats dans la grande pièce d'eau sur la pelouse. Rien
n'est curieux comme de voir des Dindes ou des Poules ayant
couvé Oies ou Canards s'alarmer, battre des ailes, faire mille
sauts autour de la pièce d'eau en voyant leurs enfants se
mettre à l'eau. J'ai même vu une Poule qui, tourmentée de
voir ses petits sur l'eau et ne pas accourir â son appel, se
jeter â l'eau pour les faire revenir. Heureusement qu'il y a
toujours quelqu'un pour les surveiller. Pour éviter cette
ardeur de la mère, on l'enferme dans un parquet grillagé et
couvert et l'on ménage dans un des côtés une petite ouver-
ture pour que les élèves puissent se baigner. En ce moment,
on peut voir sur la pièce d'eau environ 100 petits Canards et
Oies de tout âge prendre leurs ébats et, dans les volières,
sans compter ceux existant dans les fermes appartenant au
propriétaire, on peut compter environ 150 à 200 élèves de
toutes races. Poules et Dindons. Le chalet en bois, formant le
centre de l'élevage en entrant, est occupé au sous-sol, en
été, par des couveuses, au premier étage, par le logement du
garde-chef, M. Broutechoux et par le bureau particulier de
M. Lejeune, où sont rangés de nombreux prix d'honneur et
médailles remportés par l'élevage ; au deuxième étage, deux
chambres à coucher et salle de travail du propriétaire ,
balcon formant galerie au pourtour du chalet.
Au-dessus, grand belvédère d'où l'on jouit d'un coup d'œil
266 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
féerique sur cette belle plaine vallonnée et surtout sur les
magnifiques bois entourant la propriété des Essarts. Les
parois extérieures du chalet sont recouvertes par les plaques
des concours, décoration très originale et, dans très peu de
temps, la place manquant, il faudra rehausser le chalet ou en
faire faire un autre pour les nouveaux prix à acquérir.
Garenne.
La Garenne est une propriété appartenant à M. Lejeune,
située sur le haut de la côte, en face de la maison d'habi-
tation, de l'autre côté de la vallée. Cette propriété, com-
plètement entourée de murs, renferme les diverses races
de Lapins.
Dans des tonneaux, dans des paniers, dans des boites
d'élevage, dans des cabanes en bois, en plein air, dans des
celliers, sous les auvents, dans le jardin, partout, vous ne
voyez que lapins.
Béliers de toutes nuances, Géants des Flandres ; Lapins
communs, Lapins argentés. Lapins russes, Léporides (exact),
Lajdns angoras. Lapins japonais.
J'ai compté :
Lapins béliers: 6 de diverses couleurs; femelles clUo, 13;
jeunes béliers, 25.
Lapins angoras bleus et blancs : mâles, 2 ; femelles, 4 ;
jeunes, 10.
Géants des Flandres : mâles, 5 ; femelles, 6 ; jeunes, 30.
Lapins argentés : mâles, 2 ; femelles, 7 ; jeunes, 54.
Lapins russes : 1 mâle, 2 femelles et 4 jeunes.
Lapins ordinaires : 2 mâles ; 4 femelles ; 10 jeunes.
Il faut voir le bien-être de ces animaux, l'organisation, les
bons soins, la propreté. Cet élevage est dirigé par la mère de
M. Broutechoux, qui y apporte du soin et du dévouement.
Nourriture des animaux.
Volailles : le matin, 1 jour de l'avoine ; 1 jour du maïs,
sarrasin, orge ou blé ; le soir, pâtée farine d'orge et son,
verdure, salade, etc.
Oies et Canards : Pâtée farine d'orge.
Pigeons : Pois jarras et maïs.
VISITES AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE. 267
Jeunes volailles : ortie pilée, laitue, jaune d'œufs, pâtée de
riz cuit, mie de pain, millet.
Lapins : matin, son et avoine ; midi, herbe ; soir, herbe. En
hiver, carotte blanche, son, avoine, pommes de terre cuites à
l'eau. En été, pas d'eau ; en hiver, de l'eau tiède.
Il n'est pas fait emploi de couveuses artificielles.
L'élevage de M. Lejeune est un enseignement pour tous et
nous en conseillons la visite à toute personne ayant le goût
de l'aviculture. Quand on vient de le parcourir, on est
renseigné sur les soins à donner aux animaux, sur l'espace
nécessaire à fournir à chaque lot pour le voir se reproduire,
en un mot, on a vu le dessus du panier de l'élevage au point
de vue de l'installation, du confortable et de la bonne organi-
sation.
Pour la beauté des sujets, il y en a de remarquables, mais
pour les juger il faut attendre une époque plus favorable, les
jeunes élèves et la mue faite, c'est-à-dire septembre ou
octobre. Ce jugement ne peut être fait que par les soins d'une
Commission et non par un simple amateur.
J'engage chacun à visiter ce bel établissement, unique en
France comme grandeur, et, chacun en sortant, emportera
un bon souvenir au point de vue de l'art avicole.
LES BOIS INDUSTRIELS
INDIGÈNES ET EXOTIQUES
Par Jules GRISARD et Maximilien VANDEN-BERGHE.
( SUITE * )
FAMILLE DES ILIGINEES.
Cette petite famille, qui comprend quatre genres et environ
cent quatre-vingts espèces, se compose d'arbres ou d'arbris-
seaux toujours verts, à feuilles opposées ou alternes, le plus
souvent raides et coriaces, glabres et luisantes, entières ou
bordées de dents épineuses, dépourvues de stipules.
Répandues sur presque tous les points du globe, sans être
très nombreuses nulle part, les Ilicinées sont plus rares dans
l'Asie tropicale et en Europe que partout ailleurs.
Diverses espèces du genre Ilex renferment un principe
amer qui les a fait préconiser comme fébrifuges et diapho-
rétiques ; d'autres sont légèrement astringentes et regardées
comme toniques, diurétiques et sudorifiques; plusieurs sont
stimulantes et possèdent en même temps des propriétés pur-
gatives et vomitives. C'est à cette famille qu'appartient le
Maté ou thé du Paraguay dont l'emploi des feuilles en infu-
sions théiformes est d'un usage très répandu dans toute
l'Amérique méridionale, et tend même à s'introduire peu à
peu en Europe.
ILEX AQUIFOLIUM L. Houx commun.
Aquifolium Ilex Sgop. Ilex ferox Ait.
— spinosum G.ertn. — variegata Hort.
Allemand : Hulse, Stechpalme. Anj^lais : Holly, Petty-iohin. Arabe : Aoud
eck-chouk. Danois : Sti/ipalme. Espagnol : Acebo. Hollandais : Hulstboom,
Huhenboom. Italien : Agrifoglio, Alloro spinoso. Japonais : Chiragni. Ka-
byle : Irsel, Iguersel. Polonais : Ostokrzen. Portugais : Azevinho, Agrifolia.
Russe ; Ostrolistmk, Viazogeld.
Grand arbrisseau toujours vert, très rameux, d'une hau-
(*) Voyez Revue, années 1891, note p. 542; 1892, \°' semestre, note p. 583,
et 2* semestre, note p, 517 ; et plus haut, p. 28 et 124.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGENES ET EXOTIQUES. 269
teur de 4-5 mètres, mais atteignant, dans des conditions favo-
rables, une élévation de 10 mètres environ, recouvert d'une
écorce lisse et verte sur les jeunes rameaux, d'un gris cendré,
puis ensuite noirâtre sur les branches et la tige. Feuilles per-
sistantes, alternes, ovales-aiguës ou ovales-oblongues, on-
dulées, épaisses, coriaces, luisantes et d'un beau vert foncé en
dessus, plus pâles en dessous, à lobes aigus épineux, déjetés
alternativement en dehors et en dedans, stipules nulles.
Indigène dans toutes les contrées de l'Europe et au nord
de l'Afrique, le Houx commun croît principalement dans les
forêts des pays montagneux. Il est souvent cultivé en bou-
quets et en massifs dans les parcs et les jardins d'agrément,
et sert aussi à faire des haies presque infranchissables, d'un
aspect assez pittoresque.
Son bois, d'un blanc mat, quelquefois d'un blanc verdâtre,
est légèrement teinté de brun rougeâtre ou noirâtre vers le
cœur, mais seulement dans les vieux arbres. Ses couches an-
nuelles sont reconnaissables sous l'aspect d'une ligne claire,
ses rayons médullaires sont fins et assez visibles ; on observe
aussi souvent sur la coupe longitudinale des mailles bril-
lantes, fines, très apparentes. Lourd, très dur et d'une grande
ténacité, le Houx est d'une texture homogène, extrêmement
fine et serrée, qui lui permet de prendre un poli brillant qui
lui donne l'apparence de l'ivoire. Ce bois se déjette beaucou})
et se réduit fortement par la dessiccation, aussi, doit-on
avoir soin de ne le débiter que lorsqu'il est entièrement sec,
et de ne pas l'exposer aux rayons du soleil qui altèrent sa
blancheur et lui font perdre ainsi une partie de son prix mar-
chand. Il est désigné dans le commerce sous les noms de
« Bois de Houx » ou de « Bois franc » et l'arbre lui-même
sous ceux de « Alquifoux, Aigrefoux, Gréou, Housson, Par-
don, Meslier épineux », etc. Utilisé en ébénisterie comme
bois plein et pour le placage, on s'en sert aussi en marque-
terie pour filets et incrustations, en tabletterie pour cases de
damiers et d'écliiquiers de luxe, pour coffrets, boites à gants
et à bijoux, ainsi que pour un grand nombre d'autres objets
de fantaisie. Les couteliers en tirent un excellent pai'ti parce
qu'il se teint facilement en noir, ce qui le fait ressembler à
de l'ébène. On l'emploie également pour confectionner des
cannes, des manches de parapluies et d'ombrelles, etc. Excel-
lent pour le tour, les pièces de petite mécanique et les instru-
270 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
ments d'agriculture, c'est encore un bois de charpente et de
menuiserie, lorsque les dimensions de l'arbre i^ermettent de
le débiter en planches et en madriers. Les branches sont
flexibles et résistantes; on en fait surtout des manches de
louet et des houssines pour battre les vêtements.
Le Houx vit plusieurs siècles, mais croit lentement. Comme
la reprise du plant s'opère diflîcilement, on le reproduit de
graines semées aussit(3t après leur maturité, en terre légère,
couverte d'un peu de mousse ou de feuilles, lorsqu'il a pris
un certain développement. Tous les terrains lui sont favo-
rables, pourvu qu'ils ne soient pas trop humides, et il peut
alors supporter les froids les plus rigoureux. Cette espèce
comprend un grand nombre de variétés différant entre elles
par la forme de leurs feuilles et la couleur de leurs fruits.
Ces variétés sont ordinairement greff"ées sur l'espèce.
Les diverses parties du Houx possèdent une saveur amère,
mais les feuilles seules peuvent encore olfrir quelque intérêt
au point de vue médical.
ILEX LAXIFLORA Lamk.
Ilex opaca Ait.
Arbre de 10-15 mètres, à feuilles ovales, aiguës, épineuses,
glabres, planes, moins luisantes que celles du Houx commun
et d'un vert sombre, croissant en Floride, en Louisiane et les
états du midi des États-Unis jusqu'en Pensylvanie.
Le bois de cette espèce ressemble beaucoup à celui de
notre Houx d'Europe. Comme lui, il est pesant, compact,
brun vers le cœur et à aubier d'une grande blancheur. Son
grain, qui est très fin et très serré, le rend très propre aux
ouvrages de tour. Dans l'Amérique du Nord, suivant Loise-
leur-Deslongchamps, les ébénistes l'emploient pour faire les
fllets et les écussons dont ils décorent les meubles de bois
d'acajou. Comme il prend très bien la couleur noire, ils s'en
servent aussi, teint en cette couleur, pour remplacer Tébène.
ILEX SEBERTII Panch.
Petit arbre d'une hauteur de 10 mètres environ, dont le
tronc, élancé et d'un faible diamètre, est recouvert d'une
écorce blanchâtre, un peu rugueuse d'une épaisseur moyenne.
LES BOIS INDUSTRIELS INDICENES ET EXOTIQUES. 271
Feuilles alternes, éparses, ovales ou arrondies, épaisses, co-
riaces, luisantes et d'un beau vert foncé en dessus.
Originaire de la Nouvelle-Calédonie, cette espèce croit
dans les sols ferrugineux, sous les hautes futaies. Elle fournit
un bois d'un blanc un peu jaunâtre, lourd, dur, d'un travail
facile, d'une bonne conservation, mais se déjetant assez faci-
lement par la dessiccation; on le débite ordinairement en
planches pour la menuiserie, bien qu'il convienne également
pour le tour et divers autres objets.
Mentionnons encore dans ce genre les espèces suivantes
appartenant au Japon :
Ilex crenata Thunb [Inu tsuge, Lioiitsougné), arbuste ou
petit arbre assez semblable au Buis par son port, ses dimen-
sions et ses feuilles, croissant, assez fréquemment, dans les
régions montagneuses des îles Kiousiou, de Nippon et de
Yeso, où il se rencontre de préférence dans les terres argilo-
sableuses et les argiles rocheuses. Son bois, blanc, assez dur,
d'une densité mo5'enne et d'une texture fine, se rapproche un
peu du Buis, mais il lui est inférieur sous le rapport des qua-
lités. Les Japonais s'en servent principalement pour le tour
et pour la gravure des ouvrages soignés demandant un grand
tirage. Les cendres de ce bois, mélangées à la pierre blanche
de Kaseda, sont utilisées pour glacer les faïences. Cette es-
pèce a été introduite en Europe par Thunberg.
Ilex intégra Thunb. (Inu tsuge, Mochi, Mochinohi). Arbre
de taille moyenne, croissant naturellement sur les collines
et dans les vallées des îles de Kiusiu et de Nippon, prin-
cipalement dans les provinces de Sagami, d'Awa, de Kii,
de Satsuma, de Yamoto, etc. Son bois, blanchâtre et d'une
texture assez grossière, est utilisé pour la confection des
meubles, objets tournés et autres. Cette espèce est la plus
recherchée des Japonais pour la préparation de la glu.
Ilex Intifolia Thunb [Mochi noki, Araragni, Tarayo,
Taraitt;. Arbre d'une hauteur de 15 mètres environ, à feuilles
larges, épaisses, coriaces, luisantes, que l'on rencontre à
l'état sauvage dans les régions élevées de Kiusiu et de
Nippon, particulièrement sur le mont Iwaja et les montagnes
d'Abakone. Cette espèce est souvent cultivée dans les jardins
pour son port ornemental et la beauté de son feuillage. Son
bois, blanc ou blanchâtre, dur, serré, homogène, est em-
272 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
ployé pour la fabrication des petits objets tournés de second
choix ; les Japonais en font aussi des éventails et des ba-
guettes à manger. L'écorce est utilisée pour la préparation
de la glu.
Ilex Olclhami Miq. {Nanamenohi, Siroki). Arbre de pe-
tites dimensions , croissant spontanément dans plusieurs
provinces de l'île Kiusiu et surtout aux environs de Na-
gasaki. Son bois est utilisé pour la fabrication de divers
petits objets.
Ilex rotiinda Thunb. {Kuroganemochi). Arbre d'une
hauteur de 18 mètres environ, dont le bois, blanc, assez
dur et serré, est employé pour la confection de petits meu-
bles, pour le tour, etc. Cette espèce fournit également de
la glu.
Une espèce brésilienne, VIlex Macoucoua Pers. [Macucû,
des Brésiliens), est un arbre d'une hauteur de 10 mètres en-
viron, abondant au Para et surtout dans les forêts de la
province des Amazones, dans les terrains secs; son bois,
blanchâtre et très résineux, est employé dans les travaux
intérieurs et sert à faire des torches. Les fruits servent à
préparer une teinture que l'on obtient en râpant les baies et
en faisant macérer la pâte dans de l'eau, pendant deux jours;
on filtre alors le liquide et on s'en sert pour teindre en
rouge les calebasses et les objets en bois, en les laissant
quelque temps en contact. Ces objets acquièrent ensuite une
couleur noire lorsqu'on les expose aux émanations ammo-
niacales.
Citons, enfin, de la presqu'île de Malacca et de Java Vilex
cymosa Bl., « Munseera », petit arbre qui fournit un bois
blanc sale, à grain moyen, tendre, se gerçant légèrement à
la dessiccation, et VIlex macropJiylla Wall. (/. Wallichii
Steud.) « Pasak Lenga » de Malacca, petit arbre, dont le bois
rouge foncé, terne, à grain fin et très dur, est employé à
faire des chevilles pour les constructions navales.
FAMILLE DES GELASTRINEES.
Les Célastrinées sont des arbres, plus souvent des arbris-
seaux parfois épineux ou grimpants ; leurs feuilles sont
opposées ou alternes, simples, entières ou dentées, ordinal-
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 273
rement coriaces, pourvues de stipules caduques très petites,
parfois nulles.
Ces plantes sont répandues sur toute la surface du globe,
sauf dans les régions froides ; elles sont surtout fréquentes
entre les tropiques, qu'elles dépassent rarement ; elles crois-
sent peu dans les régions tempérées.
L'écorce et les feuilles de plusieurs espèces sont souvent
riches en principe amer et astringent, ordinairement uni à
des substances acres, purgatives ou vomitives, quelquefois
légèrement stimulantes, rarement utilisées en médecine. Les
Célastrinées fournissent, en général, des bois d'excellente
qualité, mais de faibles dimensions.
Les Celastrus sont des végétaux souvent grimpants qui
produisent un bel effet, soit en bouquets dans les jardins, soit
pour couvrir des murs ou des berceaux. Quelques-unes de ces
plantes peuvent être cultivées en plein air dans les sols frais
et profonds ; d'autres demandent la serre d'orangerie.
CELASTRUS FOURNIERI Panch. et Sebert.
Petit arbre d'une hauteur de 10 mètres sur un diamètre de
30 centimètres environ, dont le tronc, terminé par une cime
dense et diffuse, est recouverte d'une écorce brunâtre; feuilles
alternes, subopposées vers le sommet des ramules, lancéo-
lées ou ovales-arrondies, crénelées à la partie supérieure,
d'un vert pâle et luisant en dessus.
Originaire des coteaux boisés de la Nouvelle-Calédonie, où
elle croit surtout dans les sols argilo-schisteux, cette espèce
fournit un beau et bon bois, dur, d'une texture fine et serrée,
excellent pour le tour et un grand nombre d'autres usages.
Les principales espèces ligneuses utiles sont les suivantes :
Celastrus aciiminatus L. (Gap (colons anglais) : Silk Bark,
(Hollandais) : Zybast). Cet arbre, que l'on suppose contenir
de la gutta-percha f?), donne un bois dur et serré, employé à
divers travaux de tour et d'ébénisterie, ainsi qu'à la confec-
tion d'instruments de musique.
Celastrus dispermus F. Muell. Très petit arbre glabre, à
feuilles alternes elliptiques ou obovales-oblongues. Son bois,
à grain fin et prenant un beau poh", est susceptible d'être
utilisé pour confectionner de menus objets de fantaisie.
2U Mars 1893. 48
274 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Celastrus ellivticus Thunb. (Cap : Kamassie). Cette espèce
africaine fournit un bois jaunâtre, très fin, paraissant pos-
séder toutes les qualités pour les travaux de gravure et d'im-
pression. Une petite quantité de ce bois fut importé autrefois
à Londres, mais il n'obtint guère la faveur des marchands ;
tout en tenant compte des défectuosités qui ont pu se produire
parmi les échantillons, il ne faut oublier les préjugés du
marché, toujours un peu récalcitrant à la nouveauté.
Celastrus wululatus Lamk. {Senacia undulata Lamk.).
Cette espèce, du Cap et des îles Mascareignes, est connue
sous les noms de « Joli cœur, Bois de joli cœur. Bois de
merle, Manguier marron ». Son bois, blanc et solide, est
propre à la petite construction. A Maurice, les nègres em-
ploient la racine pulvérisée contre la gonorrhée.
Celastrus rliomUfolius Eckl. et Zeyh. Originaire de la
colonie du Cap où elle porte le nom de « Pendoorn » cette
espèce produit un bois fin et serré, recherché pour le tour et
la lutherie, flûtes, clarinettes, hautbois, etc.
ELiEODENDRON CROCEUM DC. Bois d'or du Cap,
Olivetier jaune.
Ilex crocea Thunb.
Bhamnus Capensis Spreng.
Crocoxylon exceîsum Egkl. et Zeyh.
Cafre : Umkuîu Umbovani. Cap et Natal (Anglais) : Safron wood.
(Holland.) : Saffraanhout.
Arbre toujours vert, à feuilles elliptiques, coriaces, bordées
de dentelures aristées, originaire du Cap de Bonne-Espé-
rance.
Son bois est légèrement rougeâtre, dur, lourd, dune texture
fine et serrée ; très résistant à la rupture et d'une longue
conservation, il est très recherché pour la construction des
canots ainsi que pour divers travaux de menuiserie. Sa flexi-
bilité le rend excellent pour la confection des jantes de roues
et autres pièces pour la fabrication des chariots.
L'écorce possède des propriétés astringentes énergiques
qui en font une des meilleures matières tannantes de la
colonie du Cap ; on l'emploie également en teinture. l^Écorce
de Saffraan est couverte intérieurement d'une sorte d'enduit
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 275
résineux jaunâtre et jouit, dans le pays, d'une grande répu-
tation comme remède contre les piqûres de serpents.
ELiEODENDRON ORIENTALE JaCQ.
Aralia Chabrieri A. Van Gkert.
Ulceodeiidron ladiciun G.iiRXN.
Rubentia olivina Gmel.
— Mauritiana Desf.
Maurice : Bois olive, Bois d'olive, Nourroiic. Réunion : Bois rouge, Rourje
oriental, Ronge à petites feuilles, Ronge blanc à grandes feuilles (var.).
Grand arbre à tronc droit, d'un diamètre de 50 centimètres
environ, à ieuilles opposées, linéaires-lancéolées et ponctuées
sur les jeunes rameaux, ovales et entières sur les rameaux
adultes.
Originaire des îles Maurice et de la Réunion, cette espèce
croit communément dans toutes les parties de notre colonie,
où on la rencontre sur les montagnes élevées, jusqu'à la
limite des neiges.
Son bois est rouge, à grain uni, non veiné, marqué de
quelques petites taches d'une nuance plus foncée; dur et
assez dense, d'une raideur au-dessus de la moyenne, il offre
le défaut de se fendre assez facilement lorsqu'on le débite en
planches un peu minces, et d'être d'une conservation limitée,
du moins à la Réunion. A Maurice, cette essence passe pour
être durable et assez élastique. On l'emploie généralement
dans les constructions pour charpentes, solives, etc. Les indi-
gènes du littoral en font surtout des pirogues. Sa cassure est
sèche et très courte ; sa densité, après une année de coupe,
est de 0,731.
Cette espèce est regardée, comme possédant des propriétés
adoucissantes, utiles dans les affections de poitrine.
Elœodendron arboreion Panch. et Sebert. Arbre d'une
hauteur de 15 mètres environ, sur un diamètre de près d'un
demi-mètre, â feuilles opposées, ovales-arrondies, crénelées,
coriaces et luisantes. Cette espèce, qui croît spontanément â
la Nouvelle-Calédonie sur les bords des eaux saumâtres qui
avoisinent le littoral, fournit un bois d'excellente qualité,
propre à divers usages.
Elœodendron australe Vent. [Porlenschlagia australis
Tratt. ; P. inlegrifolia Tratt. ; Elœodendron inlegrifolium
276 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
G. Don). Arbre d'une hauteur de 8-12 mètres sur un dia-
mètre de 20-30 centimètres, à feuilles opposées, ovales ou
oblougues-lancéolées, croissant au Pégou, à Rangoon, au
Queensland et dans la Nouvelle-Galles du Sud. Son bois,
connu des Anglais de l'Australie sous le nom à' Olive-ioood,
est blanc, agréablement veiné, dur et d'une texture serrée;
on l'emploie surtout pour le tour et l'ébénisterie.
Elœodendron glaucum Pers. {Celastrus glaucus Vahl.,
Mangifera glauca Rottb., Schrehe^'^a aWens Retz., Se7iacia
glauca Lâmk.) Arbre de taille moyenne, soit une hauteur de
20 mètres environ, sur un diamètre de 40 centimètres et plus,
à feuilles opposées, pourvues de petites stipules caduques.
Cette espèce, originaire de l'Inde continentale, de Ceylan et
des forêts de la Cochinchine, donne un bois rougeâtre ou
brun rougeâtre, à grain fln et serré, d'un travail facile, se
polissant aisément et d'une longue durée, pouvant être utilisé
avantageusement pour les travaux d'ébénisterie et autres,
Elœodendron Roxhurghii Wright, et Arn. (Neerija di-
chotoma Roxb., Rhamnus Nerija Spr.) Tamoul : Neeriya.
Petit arbre très rameux, à feuilles opposées, quelquefois
alternes, ovales-oblongues, serretées, lisses, se rencontrant
dans diverses régions de l'Asie tropicale, surtout dans la pé-
ninsule indienne. Comme ses congénères, cette espèce fournit
un bois excellent, mais depetites dimensions, convenant très
bien pour le tour. L'écorce passe pour un poison violent.
Dans l'Inde, ses propriétés fortement astringentes la font
utiliser pour panser les blessures et les brûlures. Les feuilles,
séchées et pulvérisées, sont usitées comme sternutatoire; les
médecins indiens les ordonnent aussi en fumigations pour
combattre certains accidents nerveux, notamment l'hystérie.
EVONYMUS EUROP-fflUS L. Fusain d'Europe.
Jivonpnus vulgaris Mill.
Allemand : Spindelbanm . Anglais : Dog wood, Spindle tree, Prick wood.
Bohême : Bicslen. Espagnol : Boneiero. Hollandais : Papenhont, Papenhoed,
Spilboom. Italien : Fusaggine, Silio. Portugais : Evongmo, Zaragafoa. K\isse :
Bercshlet ou Vcrescled.
Charmant arbrisseau, dont la tige, très ramifiée et recou-
verte d'une écorce lisse, verdâtre, puis d'un gris cendré clair,
atteint une hauteur de 4-5 mètres sur un diamètre de
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 277
8-10 centimètres ; feuilles opposées, simples, oblongues ou
ovales-oblongues, acuminées, finement dentelées, glabres,
lisses, subcoriaces, luisantes et d'un beau vert en dessus,
accompagnées de deux stipules petites et caduques.
Indigène dans toutes les contrées de l'Europe, le Fusain
croit communément dans toutes les forêts, dans les haies, etc.,
dans tous les terrains et à toutes les expositions. Il est très
souvent cultivé comme plante d'ornement dans les parcs et
les jardins, soit en bordure, soit en massifs.
Son bois est d'un jaune blanc très pur; d'une contexture très
fine, il ressemble beaucoup au buis; ses couches d'accroisse-
ment sont marquées par des lignes claires. Dur, mais cassant,
assez léger, à fibres longues et tenaces, le Fusain se travaille
aisément et se fend difficilement ; malgré ses dimensions assez
faibles, il constitue une matière première d'un usage très
répandu dans nos régions. Convenant admirablement pour le
tour, on l'emploie aussi avec avantage dans la tabletterie et
la lutherie, ainsi que pour un grand nombre d'autres petits
travaux de fantaisie, parfois sculptés, parmi lesquels nous
citerons les fuseaux, règles, lardoires, curedents, aiguilles à
tricot, chevilles de cordonniers, touches de pianos, tuyaux
de pipes, cages pour les oiseaux, etc. Les horlogers s'en
servent quelquefois pour nettoyer les trous dans lesquels
roule l'extrémité des pivots. Ce bois donne un charbon
extrêmement léger utilisé dans la fabrication de la poudre de
chasse. Les rameaux carbonisés dans un petit tube de fer
qu'on fait rougir, fournissent aux dessinateurs les petits
bâtons de charbons droits et cylindriques, légers et très
tendres, connus dans le commerce sous le nom de fusains.
Ceux qui proviennent des morceaux de bois refendus sont
souvent recourbés ou rompus. Le Fusain et son bois sont
connus en France sous un grand nombre de noms vulgaires
tels que « Garais, Bonnet de prêtre, Bonnet carré, Bois de
lardoire ou à lardoire, Bois loustau, Bois carré », etc.
Plusieurs parties de cette plante, l'écorce, les feuilles et
les fruits, possèdent des propriétés éméto-cathartiques, et
peuvent même occasionner une violente inflammation du
tube digestif (1).
(1) Le fruit de l'Evonymus Europceus est une pclile capsule globu-
leuse, déprimée, marque'e de 3-5 cotes saillantes, prenant une couleur
278 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Il conyient encore de citer dans ce genre les espèces sui-
vantes :
Evonymus alalus Sieb. etZucc. (Celastrus alaiiis Thu'sb.)
Japon : Nichihigni. Arbuste ou petit arbre à rameaux dressés
et à feuilles glabres, acuminécs, dentées en scie, croissant
spontanément au Japon dans les îles de Kiusiu, de Nippon
et de Yeso, près de Nangasaki, de Miako et d'Hakodate,
commun dans la province d'Idzu. Le bois, assez dur et serré,
peut être utilisé pour la confection de menus objets. L'écorce
est usitée dans la médecine japonaise contre les inflammations
et les affections syphilitiques.
Ei'onijyims fimbriatus Wall. {Lophopelahim fimhriatum
WiGHT.) Espèce des Indes orientales à feuilles persistantes,
ovales, aiguës, dentelées, dont le bois, assez dur surtout vers
le centre, se pourrit rapidement lorsqu'il est exposé aux
intempéries.
Evonymus Hamiltonianus Wall. (Cochinchine : Xoay.)
d'un rouge vif à la maturité ; il renferme quelques graines hlancbaires
enveloppe'es dans un arille rouge orangé.
Ces fruits, très recherchés naguère pour la teinture en jaune, sont
encore quelquefois utilisés dans les campagnes pour guérir la gale des
animaux domestiques en les faisant infuser dans du vinaigre. Quoique
d'un usage assez restreint a\i point de vue industriel, les graines et
leur arille sont surtout intéressantes sous le rapport de leur composi-
tion chimique e'tudiée assez re'cemment par M. Lepage. Les graines
seules, séchéea à l'air libre, contiennent de la gomme, des matières
protéiques, du sucre incristallisable, un principe amer, etc. ; elles
renferment en outre 41,r)0 " o d'une huile fixe, fluide, d'une couleur
jaune tirant sur le brun, presque insoluble dans l'alcool, et supportant
jusqu'à — 10 degrés sans se congeler; sa densité est de 0,921. Celte
huile donne avec la soude caustique un savon dur propre aux usages
domestiques, et produit sur les Chiens un effet légèrement purgatif.
Employe'e pour l'éclairage, surtout en Allemagne, elle produit une
lumière vive et belle. Quelques auteurs la disent bonne,pour l'alimen-
tation, quoique posse'dant une odeur particulière et une saveur qui
rappelle un peu celle de la plante. Le rendement est d'environ un
litre par 10 litres de graines. Quant aux arilles, M. Lepage en a extrait
environ 25 »/o d'une huile grasse, d'une belle couleur rouge, présen-
tant une consistance gélatineuse à — 11 degrés.
Le principe amer ou Evonymine a pu elre obtenu sous forme de
cristaux solubles dans l'alcool, d'une saveur amère et désagréable.
Le tanin des graines colore en vert les sels de sesquioxyde de fer.
Enfin, M. Kubel a retiré du canibium un principe ternaire isomère
avec la mannite et qui en diffère par sa structure cristalline et sou
point de fusion: c'est VEvoni/mite.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈxNES ET EXOTIQUES. 279
Arbrisseau dont la tige, haute de quelques mètres, est recou-
verte d'une écorce blanche; ses feuilles sont amples, lan-
céolées et finement dentelées. Originaire du Népaul et de la
Cochinchine, cette espèce se rencontre également au Japon,
dans les régions montagneuses des environs de Nangasaki,
sur le mont Fuzi-Yama, dans la province d'Owari, etc. Son
bois, d'un gris blanchâtre, assez dur et serré, parait bon pour
le tour.
Evonymus Japonicus Thunb. (Japon : MasaM, Marrouha-
masaki.) Arbre de petite taille ou arbuste toufï'a dans les
cultures, à feuilles persistantes, ovales, obtuses, un peu
coriaces, d'un vert gai, croissant naturellement dans les
montagnes de l'Himalaja et au Japon, sur le littoral de la
principauté de Fizen, aux environs de Nangasaki, Yoko-
hama, etc. Son bois offre les mêmes qualités que celui de la
plupart des espèces de ce genre, et peut servir à fabriquer
divers petits objets d'économie domestique. Cette espèce, la
plus ornementale du genre, comprend un grand nombre de
variétés se distinguant par leur aspect et la couleur de leur
feuillage vert, jaune ou panaché.
Evonymus Javanicus Bl. Arbuste de 4-6 mètres de hau-
teur, â feuilles persistantes, opposées, stipulées, croissant
naturellement dans les forêts de Java et de la Cochinchine.
Son bois, d'un gris brun, d'une texture homogène et très
fine, est propre à divers petits travaux d'ébénisterie.
Evonymus Sieboldiamis Bl. (Japon : Mojume, Mayoïimi.)
Cette espèce, originaire de la Chine et du Japon, se rencontre
surtout dans les forêts montagneuses de l'île de Kiusiu, sur
le mont Fuzi-Yama, dans les vallées du Mont Homan-Dake,
dans la province de Shinano et dans l'île de Yeso. Son bois,
d'un blanc jaunâtre, à grain serré, est employé par les Japo-
nais pour confectionner de petits meubles, notamment des
cadres sculptés ; les Chinois l'utilisent surtout pour faire des
sabots.
[A suivre.)
II. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SEANCES DE LA SOCIÉTÉ,
Faletan ( Henri de ) , propriétaire ,
Fismes (Marne).
SEANCE GENERALE DU 18 FEVRIER 1893.
PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT.
Le procès- verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Président proclame les noms des membres récem-
ment admis par le Conseil :
MM. PRÉSENTATEURS.
Jules Grisard
C. Raveret-Wattel.
Choppin (Albert), ancien professeur, di- ( A. Berthoule.
recteur au ministère de l'Intérieur, 29, < A. Geoffroy Saint-Hilaire.
rue de Londres, à Paris. { Comte de Puyfoutaine.
A. Geoffroy Saint-Hilaire.
E. Leroy.
E. Roger.
Trabut (le docteur), professeur de la r D'' Le Fort.
Faculté de médecine, rue Desfontaines, < Marquis de Sine'ty.
à Alger. ( De Vilmorin.
, , . . . , f A. Berthoule.
Terminarias (Léo-Justin), propriétaire, a \ y , p • j
Brantôme (Dordogne). / ,, • j o- '*
^ ^ ' [ Marquis de Sinety.
— M. le Secrétaire procède au dépouillement de la cor-
respondance.
— MM. Joseph Hébert et Bidault adressent des demandes
de Cheptels.
— M. Decaux adresse la note suivante à M. le Président :
« Au sujet de la communication faite à la dernière se'ance par
M. Pichot, concernant une invasion de Campagnols et de Mulots en
Ecosse et à de'faut du précieux bacille du typhus qui se'vit sur les Sou-
ris de la Grèce, nous pensons devoir indiquer un moyen simple, qui
nous a donne' un plein succès, dans l'arrondissement de Cambrai, il y
a quinze ou seize ans, pour combattre une invasion analogue.
» A l'aide d'un plantoir à colza (pieu rond garni de fer, de 8 à 10
centimètres de diamètre), on perce des trous lisses de 35 à 40 centi-
mètres de profondeur dans les terres les plus envahies : luzernes,
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 281
trèfles, blés, etc. (2 à 300 trous à l'hectare); ces bestioles sortent à la
nuit, tombent dans les trous et ne peuvent plus s'e'chapper.
» Chaque jour le fermier visite les trous avec une fourchette en fer
emmanchée au bout d'un bâton et embroche les Mulots ; ce procède' a
permis de détruire jusqu'à 10,000 individus à l'hectare en une quin-
zaine de jours et d'arrêter la propagation de ces rongeurs. »
— M. Ramelet accuse réception et remercie des œufs de
Truite qu'il a reçus de la Société. Arrivés pendant les grands
froids ces œufs étaient presque tous gelés et notre confrère
a peu d'espoir de conserver les quelques sujets qui en pro-
viendront.
— M. J. Vilbouclievitch communique une lettre de M. Al-
phonse de Candolle qui le remercie de l'envoi qu'il lui a fait
de la note sur le Saxaoul publiée dans la Revue en collabo-
ration avec M. J. Grisard et il ajoute :
« Je n'ai rien appris sur le Saxaoul, dont vous pouvez avoir main-
tenant des graines par les ingénieurs qui travaillent aux chemins de
fer dans le Turkestan. Il me paraît avoir peu d'avenir, à cause de sa
difficulté' à germer et de la lenteur de sa croissance. »
Les auteurs sont très heureux de se trouver en com-
munauté d'idées avec l'illustre savant; sa manière de voir est
absolument conforme aux faits avancés dans le mémoire
précité.
— M. Arn. Leroy écrit d'Oran à M. le Président :
« J'ai l'honneur de vous remercier de l'envoi que vous avez bien
voulu me faire des brochures de MM. Grisard et Vilbouchevitch sur
le Saxaoul et les plantes halophites, brochures que j'ai lues avec in-
térêt.
» Ainsi que l'énoncent les auteurs, j'ai obtenu le Saxaoul en 1887.
N'ayant eu que peu de graines à ma disposition, je n'ai pu faire qu'un
essai restreint dans un sol argilo-calcaire, contenant un peu de sable.
Les quelques plants que j'ai, n'étant pas, probablement, dans les con-
ditions voulues, poussent lentement et n'ont guère que 50 centimètres
de hauteur, quoique les troncs aient de 3 à 4 centimètres de circonle-
rence à la base.
» Je ne possède plus que deux touffes de cette plante, un ouvrier
ayant eu la maladresse d'arracher, l'hiver dernier, des boutures enra-
cinées qu'il avait prises pour du bois sec.
» Ayant passé l'été' de 1892 en France, je n'ai pu ve'rifier si mes
plants de 1887 ont fleuri ; je surveillerai le fait cette année, et si j'ob-
tiens des graines, Je m'empresserai de vous en informer.
282 REVUE DES SCIENCES NATURLLLES APPLIQUÉES.
» En ce qui concerne les salsolacées d'Australie, j'ai cultivé avec
sncc'es V A (riplex halimoïdes, arbuste vigoureux, à feuillage e'pais, —
VAtriplex spongiocarpa, plante de 28 centimètres environ, donnant
beaucoup de graines, mais pe'rissant chaque hiver — un autre Âtriplex
de même nature que le pre'ce'dent, et dont je ne connais pas le nom
et n'ai plus de graines, — le Kochia villosa que j'ai conservé, plu-
sieurs années, et qui se reproduisait, de lui-même, par graines.
» J'ai donné beaucoup de graines de ces plantes, mais il ne m'a pas
encore été possible de conuaîlre les résultats obtenus par les per-
sonnes qui en ont fait l'essai. »
— M. Mac Owan, botaniste du gouvernement à Cap-Town,
écrit à M. le Président pour le remercier d'un envoi analogue
et il ajoute :
« Nous avons ici, dans la colonie du Cap de Bonne-Espe'rance, beau-
coup d'endroits où la terre est plus ou moins salée, soit par le chlo-
rure de sodium, soit par le chlorure de magnésium, avec accompa-
gnement en petite quantité de sulfate de soude ou de chaux, on les
nomme « Brak ground ». Les espèces fourragères propres à ces en-
droits sont : Atrlplex halimus L. var. Capensis, Kochia pubescens MoQ.,
Caroxylod salsola Thuxb., Tetragoniasp., Glinus sp., Galenia et Exomis
oxyrioides Fenzl.
» A Van Wyk's Yley, où existe un grand réservoir formé par le
Gouvernement pour l'exploitation de quelques milliards d'hectares de
terres arides, mais fertiles en elles-mêmes, mon ami, M. Alston, dans
ces deux dernières années, s'est mis avec enthousiasme à répandre
partout des semences de VAtriplex nummularia Lindl., qu'il a fait
croître en quantité dans les terres arrosées par le dit Vley. J'attends
de lui un rapport circonstancié sur ses essais, essais faits sans aucun
encouragement officiel et sans subvention. Nous n'avons que trop peu
de ces hommes-là.
» Si le petit opuscule que je vous envoie peut avoir de l'intérêt pour
voire Société, je vous autorise bien volontiers à en publier la traduc-
tion en tout ou partie.
» Je vous adresserai un exemplaire du travail de M. Alston lorsqu'il
sera paru. »
— M. Burky, de Longpraz (Suisse), adresse un compte-
rendu de ses cultures de Ramie, Igname et Pitcli-Pin.
— En réponse à une demande faite par la Société, M. Dam-[
mann, de Teduccio (Italie), écrit à M. le Président :
« Nous nous empressons de vous dire que bien qu'il soit exact que
nous avons introduit la nouvelle vigne du Mexique, Cissus Mexicana,
jusqu'à présent les tubercules n'ont pas donné un bon résultat, et nous
n'avons pas encore réussi à l'acclimater chez nous.
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 283
» Nous regrettons donc infiniment de ne pas pouvoir vous fournir
ni plant ni boutures, mais en automne nous croyons pouvoir vous
envoyer des graines. »
— M. VilboïKîhevitch fait la communication suivante:
« L'année dernière, la Société a e'té entretenue par M. le professeur
Maxime Cornu et par moi-même, du Kendyr [Apocynum Sibiricum),
plante du Turkestan que l'on s'efforce beaucoup, dans ces derniers
temps, en Russie, de mettre en culture régulière, pour sa fibre, douée
d'une finesse et en môme temps d'une résistance des plus remar-
quables. Des périodiques russes et des lettres particulières m'ap-
portent sur ce vége'tal un nouveau détail qui rejouira les agriculteurs
français de certaines régions du Midi et ceux de l'Afrique.
■> Notamment, un de ces documents (1) confirme une supposition
que j'avais émise en me basant sur quelques signes indirects, à savoir
que le Kendyr est une plante halophite.
» Les sols où il croît spontanément sont salants, et ceci dans une
forte mesure.
/' Il a aussi parfaitement réussi en culture dans un sol que le signa-
lement de sa vége'tation spontane'e [Salsola davifolia, S. soda, Haloc-
nemon Caspicum), m'autorise à qualifier de très imprégné (2j ; sur un
vrai •" takyr » ( « sansouire » des Provençaux, » salobre » des Cata-
lans, « tcbaklak » des Tartares de Crimée).
» Aucune de nos plantes agricoles ordinaires n'y aurait jamais
poussé, excepte' peut-èlre, et encore ! la betterave, l'asperge et le riz.
» Or, le Kendyr s'y est développé si bien, que des rejets de racine
plantes au printemps de 1884 (la multiplication par graines est peu
recommandable, paraît-il) devinrent à la fin de la saison de fortes
touffes de 1"',80, dont il fut extrait environ 16 % de filasse par rap-
port au poids brut des tiges récoltées en novembre. A côté, sur une
parcelle de terre de loess, n'offrant point de symptômes apparents de
salure, les touffes de Kendyr s'élevèrent encore plus haut, mais de-
vinrent en même temps si ligneuses qu'il fallut renoncer à l'idée d'en
extraire de la filasse ; ce qui amène l'auteur de la communication cilcc
à douter de la possibilité même d'une culture profitable du Kendyr
dans des sols non salants.
» Si je ne me trompe, le Kendyr, qui a la faculté de supporter le
salant à hautes doses, joint encore celle de subir sans dommage les
(1) Gazette agricole, 1893, n« 3.
(2) La végétation sponlanée d'un terrain est un excellent terme de compa-
raison pour juger du degré de sa slérililé par le fait du salant ; on a tort, à mon
avis, de ne pas l'indiquer assez souvent; je me suis expliqué plus longuement
sur ce point dans un mémoire présenté par les bons soins de M. J. Poisson,
assistant au Muséum, à la session extraordinaire de la Société de BoUnique,
tenue à Biskra, en avril 1802.
284 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
eaux stagnantes des pluies hivernales ; les agriculteurs, qui exercent
dans les régions salantes, sauront appre'cier l'avantage de cette der-
nière adaptation, car, dans la presque totalité des cas, ces re'gions sont
à peu près dépourvues de drainage naturel.
» Depuis trois ans, j'ai indique' ici-même de'jà un certain nombre
de végétaux utiles de terrains salants ; mais les produits de la plupart
d'entre eux n'ont guère de valeur marchande.
» Je considère que, pour une fois que nous tenons un produit réelle-
ment commercial, comme l'est la filasse de Kendyr, il faut y faire
bien attention. »
— Il est déposé sur le Bureau un numéro des comptes-
rendus de la Société helvétique des Sciences naturelles ren-
fermant deux notes de notre confrère, M. Goll, l'une sur la
faune du Maroc, l'autre sur une nouvelle forme de Corégone.
— M. le professeur Maxime Coi^nu présente à l'Assemblée
un plant de Solanum betaceum portant des fruits encore
incomplètement mûrs, mais dont les graines peuvent néan-
moins servir à la reproduction. Notre confi^ère donne d'inté-
ressants détails sur la culture et les emplois de cette plante
dont il met gracieusement les fruits à la disposition de la
Société.
M. le Président remercie M. Cornu de cette présentation.
Les graines qu'il veut bien nous offrir seront envoj-ées à ceux
de nos correspondants qui se trouvent dans les conditions
voulues pour cultiver cette plante avec succès.
— M. Hédiard présente des petits citrons obtenus par
M. Fontaine, de Blidah, de fruits venant de la Martinique, où
on les désigne sous le nom de citrons galets ; ces petits
fruits sont très parfumés et très juteux.
Un autre gain de M. Fontaine est également présenté par
M. Hédiard, c'est une petite Mandarine du Cambodge, de la
grosseur d'une Mirabelle. Le mérite de cette petite Orange
est de pouvoir être préparée en entier par le confiseur de la
même manière que le Phy salis. Son succès a été très grand
et notre confrère n'a pu suffire aux demandes qu'il a reçues
de ce fruit. Rien n'est plus joli que l'arbuste chargé de ces
petites Mandarines qu'on a pu admirer au concours agricole.
— M. Mégnin fait une communication sur nos Chiens de
berger et présente de nombreuses figures des différentes
races.
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 285
— A propos des Chiens à queue rudimentaire dont a parlé
notre confrère, M. le M'* de Sinéty rappelle l'existence, à l'île
de Man, de Chats qui naissent avec une queue très courte.
— M. Cornu a vu l'un de ces Chats chez M. Baker, bota-
niste au Jardin de Kew; c'est une race particulière qui se
reproduit ainsi et qui est bien connue en Angleterre.
— M. Pichot ajoute que la variété du Chat à queue courte
se trouve répandue un peu partout. Il y 'a au Japon notam-
ment une race assez curieuse qui joint à cette anomalie des
oreilles tombantes et un peu cassées.
— M. le vicomte de Potiche demande si le Chien de berger
allemand, dont a parlé M. Mégnin, n'est pas aussi dressé en
même temps à la chasse à l'homme?
— M. Mégnin répond que la traduction de Beckmann qu'il
a vue ne parle pas de ce dressage, mais il y a en Hongrie un
Chien de berger, excessivement fort qui, certainement, pour-
rait faire la chasse à l'homme au besoin.
— M. Pichot pense qu'il s'agit des Chiens de Leonberg, ou
d'un type s'en rapprochant, que quelques grands éleveurs en
Allemagne dressent à attaquer l'homme.
— M, Chazal confirme ce qu'a dit M. Mégnin au sujet des
Chiens de douars et des Lévriers. En Afrique, le Lévrier n'est
pas considéré comme un Chien ; il est regardé par les Arabes
comme une race absolument différente, une race noble qui vit
sous la tente.
— M. Remy Saint-Loup demande à M. Mégnin si l'absence
de cassure nasale chez le Lévrier ne lui paraît pas constituer
un type intermédiaire entre la forme du Chien proprement
dit et la forme du Loup.
— M. Mégnin dit que presque tous les Chiens ont la cas-
sure à peu près au môme degré et qu'il n'y a que le Lévrier
qui s'en écarte. Le Chien courant l'a moins marquée ; mais il
paraît être un produit mixte. Les Gaulois, comme tête de
meute, tenaient beaucoup à avoir un métis de Loup et toutes
les Chiennes en chasse étaient attachées dans la forêt, on
était sûr qu'elles étaient couvertes par des Loups, et les
sujets qui provenaient de ces unions étaient très prisés.
— M. le Président fait observer que M. Mégnin laisse sup-
286 RliVUE DES SCIENCES NATURELLES APl'LIQUÉES.
poser que nos races actuelles descendent plus ou moins di-
rectement d'un certain nombre de types, ancêtres de nos
Chiens modernes. N'est-il pas plus juste de croire que
l'homme a mis à profit, pour son usage, certaines mons-
truosités qu'il a su rendre héréditaires et que les différentes
races ne sont pas la suite naturelle d'espèces primitives qu'il
n'a eu qu'à entretenir ?
— M. Mégnin répond que, dans sa communication, il n'a eu
en vue que les types d'où lui paraissent descendre les Chiens
de berger, tandis qu'il y a une foule d'autres races qui sont en
effet les produits d'accidents que l'homme a su fixer ; cette
étude fera l'objet d'une autre conférence.
Pour le secrétaire des séances,
Jules Grisard,
Secrétaire du Comité de rédaction.
m. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS.
Le marché d'Ivoire à Londres. — Au mois de janvier der-
nier on a vendu 17,000 kilos d'Ivoire, dont 1,000 provenant des Indes
Orientales, 500 d'Egypte, et 15,500 de la côte occidentale d'Afrique.
Le 28 de ce mois on en gardait en réserve dans les docks 180,000
kilos. En 1892, à la môme époque, on en avait 174,000 kilos. De S.
Alouettes introduites d'Angleterre dans la République
Argentine. — Sur une centaine d'Alouettes {A . arvensis) que
le Re'sident anglais à Buenos-Ayres a fait venir re'cemment de Lon-
dres, une vingtaine a surve'cu au voyage. On les lâcha dans un champ
d'orge récemment fauche'. « Quelques gazouillements, ajoute le cor-
» respondant du Laud and Water, te'moignérent de leur bonheur d'avoir
» recouvré la liberté ; mais, peut-être à cause de leur longue capti-
» vite', aucune ne prit son vol vers le ciel. Si, comme il est probable.
» leur faculté procro'atrice est excitée par la chaleur et le soleil,
» nous en verrons bientôt prospérer quelques couve'es. » G.
Pêche des Phoques et des Baleines — A Dundee, on hâte
les préparatifs pour la pêche des Phoques à Terre-Neuve et celle des
Baleines au Groenland. On enverra à Terre-Neuve trois navires de
pêche : YAurora, la Terra-Nova, VEsquimau. De B.
Remède contre les mucosités des poissons dans les
étangs. — Un moyen bien simple de débarrasser les poissons des
« champignons » a été' essayé dernièrement par l'e'tablissement de
pisciculture de Heidelberg. Il consiste à introduire dans l'eau des
branches fraîches de Pin sylvestre, mesurant deux ou trois mètres,
dont les rameaux reposent sur le fond, et dont les tiges sont fixées sur
les bords de l'e'tang.Le poisson vient s'y frotter, il est bientôt nettoyé'.
Dans les viviers entourés de murs, on place les branches en faisceaux.
De s.
Introduction du Lavaret dans le lac de Freyberg —
5,000 Lavarets [Coregonus Wartmanni (Heck. & Knerr.) ont été lâchés
dans le lac de Freyberg (Saxe), à Oberstdorf. Ce lac, mesurant
20 hectares en superficie, ne posse'dait jusqu'ici aucun Coregone.
De B.
IV. BIBLIOGRAPHIE.
Les plantes potagères et îa culture maraîchère, par
M. Eru. Berger, chef des cultures au fleuriste de la ville de
Bordeaux. — 1 vol. in-16 de 400 pages, avec 64 figures, cartonné
{Bibliothèque des connaissances utiles). Librairie J.-B. Baillière et fils,
■J9, rue Hautefeuille, à Paris, 4 francs.
Les ouvrages traitant de la culture maraîchère pratique ne sont pas
très nombreux ; au moins, ceux qui, écrits par des hommes du métier,
peuvent être consultes avec avantage. Les uns, les bons, coûtent cher ;
les autres sont incomplets, trop anciens ou e'crits spe'cialement pour
certaines contrées.
Le livre de M. Berger comble cette lacune.
Ce travail, conçu sur un plan nouveau, peut aussi bien être consulte
par l'Amateur que par le Jardinier : chacun y trouvera des renseigne-
ments qui rintéresseront.
L'auteur n'a fait ressortir que le côté pratique des cultures, ce qu'il
est nécessaire de connaître pour arriver à bien faire.
Après avoir donné des idées générales sur la création et l'installa-
tion à peu de frais d'un jardin maraîcher, il donne pour chaque
plante :
1° VOrigine ; 2° la Culture de j^leine terre et la Culture de primeurs
sur couches et sous châssis, appropriées aux difiérents climats ; 3° la
description des meilleures variétés à cultiver ; 4° les Graines, les
moyens pratiques de les récolter, de les conserver, leur dure'e germi-
native; 5° les Maladies et Animaux nuisibles, les meilleurs moyens
pour les détruire; 6° les Usages et les Propriétés économiques et ali-
mentaires des plantes.
Une dernière partie comprend un calendrier des semis et plantations
à faire pendant les douze mois de l'anne'e.
L'ouvrage est orné de 64 figures qui donnent l'aspect des espèces
de'crites et permettent de les reconnaître plus facilement.
Toutes les plantes, même toutes les variéte's mentionnées, ont e'te'
cultivées, expérimentées et étudie'es par l'auteur avec le plus grand
soin. Eu suivant exactement ses indications de culture, qui sont le
fruit d'observations se'rieuses et sûres, on obtiendra de bons résultats.
G. DE G.
Le Gérant : Jules Grisard.
I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ.
LES CHIENS DE BERGER
Par m. p. MÉGNIN.
(SL'ITE *.)
§ 1. — Les Chiens de berger français.
Nous avons, en France, au moins quatre races de chiens de
berger : le vieux chien de berger Irançais que nous avons
nommé Chien de Beauce, le Chien de Brie, le Chien dit
Languedoc et le Chien des Alpes ou des Pyrénées.
Nous dirons d'abord que la distinction que l'on lait entre
le Chien de berger et le Chien de bouvier, ou de toucheur de
bœufs, ne comporte pas une distinction de race, mais sim-
plement une distinction de taille et d'emploi : ce sont les
plus grands et les plus forts de chaque race dont on fait des
chiens de bouviers.
Chien de la Bcauce ou Ancien Chien de berger gaulois.
— Ce chien, dont l'origine remonte aux temps préhistori-
ques, se rencontre encore dans beaucoup de régions de la
France, comme l'Anjou, le Maine, l'Ile-de-France et surtout
la Beauce. Cependant, le Chien de Brie est en voie de le
sui)planter presque partout, surtout dans les pays oti l'on
élève ^jarticuliérement les races de moutons perfectionnées
et où les cultures industrielles sont le plus pratiquées et ont
le plus besoin d'être protégées contre la dent des troupeaux.
C'est que l'ancien chien de berger, qui, pendant des siècles, a
été surtout le défenseur des troupeaux contre les loups, n'a
pas, au même degré, la sagacité merveilleuse du chien de
Brie pour la conduite des troupeaux au milieu de récoltes à
protéger, et puis il a plus souvent la dent dure à l'égard de
(*) Voyez plus haut, p, 241.
;; Avril 1803. 49
290 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
ses sujets. Enfin, les bergers Ini reprochent d'être moins
résistant aux mouches pendant les grandes chaleurs et de
rechercher plus souvent l'ombrage des buissons et le far
nienie que le chien de Bine.
Notre vieux chien de berger a l'aspect sauvage et l'abord
rude, mais en y regardant de près on découvre en lui de la
sveltesse et même de l'élégance, et avec des soins il peut
devenir un vrai chien de salon comme le montre le sujet
dont nous donnons le portrait et comme l'est devenu son
confrère écossais « le colley » avec lequel il a beaucoup
d'analogie et qui évidemment dérive de la même souche. Il
est de taille moyenne et bien proportionné ; sa tête, qui n'est
pas trop grosse, parait un peu allongée, mais si le museau
parait un i)eu étroit, le Iront est larj;e et spacieux, ce qui
prouve l'intelligence ; ses yeux sont petits, roux-jaunâtre et
ses oreilles droites et courtes. Ses membres et ses pieds sont
robustes et bien laits. Son corps est couvert d'un poil rude et
fourni, de couleur noire ou gris brun mélangé en dessus, gris
clair ou fauve en dessous et en dedans des membres et
souvent avec du blanc aux fesses. Ce poil, abondant sur le
corps et surtout en arrière des membres et â la queue qui est
très touffue, est naturellement ras à la tête et à l'extrémité
des membres.
Nous donnons [fig . S), comme un magnifique spécimen de
la race des chiens de berger de Beauce et d'a\)rès une pho-
tographie, le portrait d'un chien de cette race. Fido, apparte-
nant à M. d'Heudières, châtelain du Bois-David, dans l'Eure.
Ce chien est de grande taille, il mesure 66 centimètres au
garrot ; il est d'une belle couleur noire aile-de-corbeau avec
les extrémités feu pâle mouchées de noir ; sur chaque sourcil,
il a une petite tache ronde de même couleur orangée — il est,
ce que les anciens Teneurs appelaient quatrœill'^. — Ce sont
les couleurs du Setter-Gordon, et aussi celles de beaucoup de
Collies ; par le fait, c'est un Colley colossal par sa confor-
mation, la couleur, la longueur et la distribution du poil,
et parle volume du panache caudal. Il démontre excellem-
ment la parenté étroite qui existe entre notre vieux chien
gaulois et le chien de berger écossais, et nous verrons q)ie
cette parenté ne s'arrête pas là et que le chien de berger
belge et même certains chiens de berger allemands rappel-
lent complètement notre chien de berger de Beauce.
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<« Si- /
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S
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fcc
292 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
Voici les proportions de ce beau chien :
Hauteur de l'e'paule 0'n,66
Distance du bout du nez à l'origine de la queue. 1",10
Longueur de la queue (sans poil) 0"',37
Longueur de la tôle, du bout du nez à la nuque. 0'",27
Tour de la tête, en arrière des yeux 0'",48
Tour du museau au milieu du cbaufrein 0'",27
Tour de la poitrine, près du coude 0"\75
Tour du ventre, en arriére des côtes 0'",59
Tour de l'avant-bras, prés du coude 0^,21
Poids du Chien : 31 kilogr.
Le Chien de Brie. — Beaucoup d'auteurs regardent notre
chien de berger de Brie actuel comme très ancien ; cer-
tains même disent que son origine se perd dans la nuit des
temps. C'est une erreui* et qui est due à ce que beaucoup
de personnes et même de naturalistes confondent, sous le
nom de Chien de Brie, l'ancien chien de berger dont nous
venons de parler et le Chien de Brie actuel ; pour beaucoup
le nom de La Brie, de Briard, est un terme générique
qu'on applique à tout Chien de berger indigène indistincte-
ment. Cette confusion doit cesser.
Le Chien de Brie actuel est très distinct du précédent et
ressemble à un barbet à oreilles droites. De fait, il résulte
du croisement du vieux Chien de Beauce avec le barbet,
croisement qu'on jugea nécessaire, lorsque, vers le commen-
cement du siècle, on reconnut que le njle du Chien de berger
devait changer et qu'au lieu d'un simple protecteur de trou-
peaux, il devait devenir surtout un protecteur des récoltes.
On chercha à augmenter son intelligence par l'infusion du
sang du barbet reconnu pour être le plus intelligent de tous
les chiens et on obtint ainsi un chien qui fait l'admiration de
tous ceux qui le voient travailler. C'est de lui que
M. Menault, inspecteur de l'agriculture, a dit : « Le Chien de
berger (îst le premier ministre du berger ; il exécute tous ses
ordres, il maintient le troupeau dans la légalité ; il rappelle
les délinquants à l'ordre, avertit de la voix-celui-ci, mord
celui-là qui l'a mérité. Il est tout à la fois ministre, préfet de
police et garde-champêtre. Pour remplir tant de fonctions, il
faut qu'il' soit intelligent. »
C'est encore au Chien de Brie que peut s'appliquer mot
LES CHIENS LE BERGER.
»93
pour mot, ce que notre confrère de Bruxelles, M. Reul, a dit
du bon chien de berger en général :
« Le Chien de berger est remarquable par sa sagacité. Ses
dispositions à garder les troupeaux paraissent innées : elles
sont héréditaires. Au bout de fort peu de temps, il connaît
Fig. !). — Faro, chien de berp;er de Brie à M. Maillard, berger communal
à Boves (Somme).
chaque signe, chaque regard du berger et remplit avec une
patience, une obéissance rare, les tâches qu'il lui impose. Il en
est qui 'comprennent toutes les paroles. « Un observateur
digne de foi m'a assuré, rapporte Brehm, avoir entendu un
294 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
berger recommander â son chien de faire respecter les cliamps
de colza ; le chien parut hésiter nn moment, il n'avait proba-
blement jamais entendu ce mot; seigle, blé, orge, avoine,
prairie, champ, c'était là choses connues, mais le colza ! Que
l'aire? Il fit le tour du troupean, examina chaque champ
J'un après l'autre et s'arrêta devant celui dont la récolte lui
était inconnue : ce devait être là le champ de colza ; et ce
l'était en effet. »
Le Chien de Brie a les mêmes proportions que le Chien de
Beauce tout en étant généralement un peu plus petit; comme
lui il a les oreilles courtes et droites, mais il en diffère par son
pelage long et laineux en grandes mèches, qui couvre aussi
bien la face où il forme des sourcils épais et proéminents,
moustaches et barbiches et les extrémités que le reste du
corps comme cliez son ancêtre le Barbet ; ce pelage est géné-
ralement gris ardoisé foncé, noir mal teint, ou gris fauve plus
ou moins clair.
On lui rogne souvent la queue, ce qui est un tort, car c'est
un balancier nécessaire aux grandes allures : des expériences
ont prouvé en effet que, des Chiens de berger courant sur une
étroite chaussée, ceux qui étaient privés de queue tombaient
souvent dans le fossé, ce qui n'arrivait pas aux autres. Du
reste, cette ancienne habitude, qui avait sa raison d'être autre-
fois, lorsque les Chiens de berger étaient souvent aux prises
avec les Loups, est maintenant un anachronisme.
Comme type de cette race, nous donnons [fig. 9) le por-
trait de Faro, Chien de Brie à M. Maillard, berger communal
à Boves; ce Chien, de couleur gris fauve terreux, a les propor-
tions suivantes :
Hauteur du parrot 0'",65
Longueur du corps, du bout du nez à l'origine de
la queue l'",03
Longueur de la queue 0'",40
Longueur de la tête, du bout du nez à la nuque. 0"\30
Tour de la tête, en arrière des yeux 0"',41:
Tour du museau, au milieu 0'",25
Tour de la poitrine 0'",78
Tour'du ventre 0">,61
Nous donnons aussi le portrait de Papillon [f\ g . 10), Chien
de la même race, mais d'une forte taille, car il mesure 0'",'70
''.^
m
296 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
au g-arrot, et, à cause de cela, il peut être considéré comme
un modèle de Chien de bouvier.
Le Chien de T^erger du Languedoc. — « Dans la région de
la Garonne, écrivait M. de Brévan dans le Journal d'Agri-
culture pratique de 1886, il existe une race de Chiens de
berger très répandue, différant totalement des autres comme
aspect et naturel. Ce sont des Chiens plus vigoureux, au poil
rude, lauve foncé, à fortes mâchoires qui évidemment dou-
blent leur rôle de celui de protecteur. En ceci ils se rappro-
chent des grands Chiens de montagne des Alpes et des Pyré-
nées. »
Le Chien de berger du Languedoc [ftg- ^i) est un véri-
table mâtin à poil rude de griffon, aussi bien Chien de garde
de la ferme que Chien de garde des troupeaux. Transporté
dans le nord, on y a renoncé pour la conduite des Moutons,
il est trop brutal, méchant et surtout sournois.
Dans les régions du Pas-de-Calais où l'on fabrique de la
toile, on l'emploie, dans les blanchisseries, pour garder les
pièces étalées dans les prairies et c'est un rude gardien. i
Dans l'est, en Lorraine, on l'emi)loie à garder les Cochons,
ou comme mâtin pour la chasse du Sanglier qu'on tue à l'é-
pieu quand il est coiffé par ces terribles chiens.
Chims des Alpes, des Pyrénées ou de la Camargue. « Le
Chien des Alpes, dit Brehm, que l'on connaît aussi sous le
nom de Chien des Pyrénées, Chien de la Camargue, a le poil
dur, presque laineux, frisé dans le jeune âge, blanc et taché
de larges plaques noires ; il est de haute taille, court et mus-
clé ; il a les doigts largement palmés, la tète large, déve-
loppée, les oreilles assez pointues et tombantes, le museau
long carré, et de grands yeux bleus, saillants, annonçant l'in-
telligence, la douceur, l'intrépidité.
« Aptitude (i emploi. — Ce Chien est le défenseur des
troupeaux ; on entoure son cou d'un fort collier hérissé de
pointes qui lui sert d'armure quand il livre combat aux
Loups.
» Le Chien des Alpes, le Chien des Grisons et le Chien loup
italien ne sont probablement que des variétés d'une même
race. »
o
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TS
fcC
J
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298 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Et nous ajouterons : le Chien des Pyrénées n'est qu'une
variété de la race du Languedoc ; et l'un ou l'autre, suivant
les circonstances, sont employés indifféremment à accompa-
gner les immenses troupeaux de moutons qui, chaque année,
comme en Espagne, vont passer l'été sur les montagnes et
redescendent l'hiver dans les plaines.
Il est nécessaire que les chiens des troupeaux transhu-
mants soient plus forts, plus puissants que les chiens de Brie,
car ils ont surtout à défendre les animaux qu'ils conduisent,
soit contre les attaques des Loups, ou même contre celles des
Ours, qui existent encore dans les Alpes et dans les Pyrénées.
Malgré notre richesse en honnes et belles races de chiens
bergers, nous n'avons pas encore, comme en Angleterre et en
Belgique, de clubs s'occupant de leur amélioration ; il est
vrai qu'ils s'en passent facilement et que les principaux inté-
ressés, les bergers, savent très bien perfectionner leurs races
en faisant, comme nous l'avons dit, de la sélection sans le
savoir, en recherchant pour leurs chiennes eïi folie des mâles
de grande réputation, fallùt-il faire des dix ou quinze lieues
pour les trouver.
Pourquoi ces auxiliaires si utiles de l'agriculture ne figu-
rent-ils pas encore dans les concours agricoles, généraux ou
régionaux? Tout ce que l'administration de l'agriculture a
fait pour eux jusqu'à présent, c'est l'octroi de quelques mé-
dailles, qui leur sont distribuées aux expositions canines,
organisées par des sociétés particulières.
Un comice agricole, un seul, celui de Rouen, vient cepen-
dant, à l'instigation d'un de ses membres, M. Emmanuel
Boulet, manufacturier à Elbeuf, de les admettre dans ses
concours. Espérons que son exemple sera suivi.
[A suivre.)
L'AVICULTURE CHEZ L'ELEVEUR
Par m. le marquis de BRISAY.
( SUITE *)
VII
A la Trémissinière, près Nantes, on voit des choses assez
curieuses. C'est d'abord ce que les personnes un peu exal-
tées appellent un site enchanteur. L'Erdre y forme un petit
étang, et puis, se resserrant en amont, elle offre ses deux
rives à l'appui des culées d'un pont qui unit le l'aubourg de
Rennes à celui de Carquel'ou. Sur l'eau calme et verdâtre
fleurissent les nénuphars, se dressent les joncs flexibles, et,
parmi cette végétation aquatique, bordant, les prairies aux
berges desqueUes ils s'amarrent, des bateaux de blanchis-
seuses résonnent au son du battoir de Virginie, entremêlé
des chansons d'un Coupeau quelconque. 11 y a là quelque
chose de champêtre qui repose du bruit de la grande ville.
C'est agreste et, en même temps, civihsé par le passage d'un
grand boulevard à trottoirs de granit plantés de platanes.
C'est un lieu charmant, où la résidence est très agréable. Au
midi s étage, au-dessus de la rivière, un coteau fort bien
percé de rues tirées au cordeau, le long desquelles se dresse
(•à et là une élégante villa, entourée de son parc, et plus loin
la maisonnette couverte en tuiles rouges qu'liabitent un ma-
raîcher, ou des lavandières constamment occupées à étendre
du linge au soleil.
Au milieu d'un jardin anglais, soigneusement planté de
conifères, arbustes et divers plants, massifs de rosiers et
autres bibelots horticoles, est assis le chalet de M. Martin(^au,
dont la porte s''ouvre gracieusement à notre appel.
En entrant, entre les arbres verts déjà forts, on remarque,
par places très bien choisies, des régimes de volières qui em-
pruntent à l'entourage ombragé qui les sépare les unes des
(*) Voyez Hevue, années 1891 , 2' semestre, p. 479 ; 1892, 1" semestre, p. TylO,
et 2" semestre, p. 498.
300 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
autres, le mérite de ne pas présenter nn aspect trop tech-
nique, c'est un ensemble pittoresque et bien compris.
La laisanderie de M. Martineau n'a pas été créée en un Jour.
Elle n'est pas le résultat d'une fantaisie momentanée et coû-
teuse, comme il en est pour tant d'autres. Son propriétaire a
voulu en faire moins une installation de luxe qu'un objet de
rapport. C'est donc lentement, et d'une façon progressive,
qu'elle a été montée, s'augmentant chaque année de compar-
timents nouveaux et de nouveaux pensionnaires ; selon le
rendement de l'année précédente et le bénéfice acquis sur la
vente des sujets élevés, des volières étaient ajoutées aux vo-
lières et des oiseaux non encore possédés y étaient introduits.
C'est cette progression lente et raisonnée, cette croissance
constante de l'élevage qui fait l'intérêt de notre visite ici re-
latée, et permet de présenter aux jeunes aviculteurs la faisan-
derie de la Trémissinière comme un modèle du genre, utile
à étudier et avantageux à reproduire.
Au début de la carrière — pardon de ce style pompeux —
M. Martineau s'est contenté d'un groupe de huit volières
juxtaposées les unes aux autres, formant un bloc à comparti-
ments égaux. Toutes construites sur le même plan, elles pré-
sentent un coup d'œil agréable par leur structure en bois
peint en blanc et recouvert de grillage en fil de fer. C'est ce
groupe que nous apercevons en face la maison, et très près
du logis du maître. L'exposition est nord, mais elle est
adoucie par un rideau d'arbres qui reflètent et répercutent
les rayons du soleil, tout en s'opposant, pendant l'hiver, au
filtrage des bises froides. Chaque compartiment a son abri
couvert, large de 3 mètres, profond de 2 mètres seulement.
En avant s'étend le parquet mesurant 6 mètres de long sur
3 de large. Des châssis vitrés ferment la partie supérieure de
l'abri, laissant libre une ouverture de 1"', 50 jusqu'au sol. La
toiture est en bois recouvert de feuilles de zinc ; le sol bien
sablé, tenu très propre, est planté de quelques fusains.
C'est là que M. Martineau a logé et entretenu ses premiers
reproducteurs. 11 a commencé, comme tout le monde peut-
être, par les Faisans doré et argenté. Il en trouva l'élevage
si facile qu'il déclare lui-même que ces iaisandeaux-là ve-
naient chez lui « comme des poulets ». Dès la première année
il obtint cinquante-quatre élèves. C'était un beau succès,
bien fait pour l'encourager à persévérer et à poursuivre. Des
L'AVICULTURE CHEZ L'ÉLEVEUR. 301
Lady Amlierst furent donc acquis. Ces magnifiques oiseaux
étaient encore cotés un prix fort : 150 francs la paire.
Mais l'installation leur parut si bonne, les soins prodigués si
parfaits et si constants, qu'ils donnèrent aussit(3t des produits.
Quinze jeunes furent très aisément élevés, exactement comme
les Dorés, avec la pâtée de mie de pain, bœuf cuit et salade,
le tout haché, mélangé d'œufs durs et de quelques larves de
fourmis. D'année en année, la reproduction de cette espèce
fut constante jusqu'à ce jour où nous trouvons encore quel-
ques jeunes Amherst suivant la poule qui les a couvés.
Une autre espèce vient aussitôt après : l'Euplocome de
Swinhoë, bel oiseau au plumage splendide, aux mœurs inté-
ressantes, à la vie facile, pour lequel M. Martineau dit
avoir toujours eu une prédilection particulière. Il la base
surtout sur ce que l'espèce est rustique, peu sujette aux ma-
ladies qui affligent ordinairement les autres faisans, telles
que diphtérie, diarrhée, rachitisme, pattes torses ; les jeunes
sont faciles à élever et viennent très vite. Pendant l'espace
de quatre ou cinq ans une centaine de ces jeunes ont été
produits sans qu'on en vit périr autrement qu'acci-
dentellement. Aussi, après une telle expérience, peut-on dé-
clarer le Swinhoë tout à fait recommandable, surtout dans
l'ouest.
A la suite du Swinhoë, et dans les mêmes conditions de
réussite, se placent les Euplocomes de Raynaud, dont nous
voj^ons un très joli couple dans un des compartiments de la
petite volière. Oiseau peu sauvage, facile à apprivoiser comme
à élever, et peu sujet aux maladies du jeune âge. Depuis
quatre ans, M, Martineau produit régulièrement de jeunes
sujets de cette espèce, à laquelle il accorde presque autant
d'estime qu'au Swinhoë, et dont le joli plumage chiné et
vermiculé lui rappelle, en certaines parties, la livrée si re-
marquable du Prélat.
La comparaison est faite, car, dans le compartiment voisin,
voici un très beau couple d'Euplocome Prélat, l'écennuent
importé, et arrivé depuis trois mois de Marseille. Il est en si
bel état qu'on le croirait en volière dei)uis deux ans. Ce sont
des sujets qui paraissent adultes. Souhaitons à notre collègue
autant de succès avec eux qu'avec leurs congénères précé-
demment passés en revue, bien que la reproduction dans cette
espèce soit tellement rare, qu'on en cite fort peu d'exemples.
302 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
En descendant nn peu plus bas dans le jardin de M. Mar-
tineau, nous accédons à une seconde terrasse, où se déve-
loppe un régime de volières plus nouveau, construites sur le
même plan et dans les mêmes conditions que les précédentes,
mais dans de plus grandes proportions. Je compte douze
compartiments de 5 mètres de large sur 12 de profondeur,
abri ouvert à toit bas, parquet bien sablé de gros gravier, et
planté de conifères nains. Le grillage est à mailles fines, ce
qui permet d'y loger des pensionnaires de très petite taille,
avec de plus gros. Nous trouvons ici un exemple du système
excellent pratiqué par notre collègue, et qu'il préconise d'ail-
leurs avec raison, comme un des plus pratiques et des plus
avantageux. Cbaque compartiment contient un couple de
gros gallinacés, un couple de Pigeons ou colombes exotiques
et un couple de petits oiseaux étrangers. Cette réunion est si
inoffeusive pour cbaque espèce ainsi assortie, que chacune se
reproduit à l'aise sans s'inquiéter en quoi que ce soit du
voisin. Approchons-nous, examinons chaque volière en dé-
tail.
Voici d'abord des Lophopliores. Ils ont été donnés en
cheptel par la Société, en 1887. Dès la première année, la
poule a pondu cinq œufs, dont quatre fécondés. Il y a eu
quatre éclosions, et trois jeunes ont été élevés. Remarquez que
ce fait s'est produit très peu de temps après l'installation des
sujets envoyés, puisque ces trois jeunes Lophophores datent
de 1887. Ordinairement ces capricieux oiseaux prennent une
année entière pour connaître les êtres, et ne se décident à
fonder famille qu'après s'être familiarisés avec l'endroit.
En 1888, il y eut six élèves sur sept œufs pondus et six éclo-
sions. En 1889, cinq jeunes sur six œufs pondus, le sixième
œuf ayant été cassé. C'était donc un succès à peu près com-
plet. Malheureusement la femelle devint goutteuse et périt. Il
fallut la remplacer, et alors apparut l'un des obstacles les plus
graves à franchir dans l'alliance des Lophophores ; l'incompa-
tibilité réciproque des deux conjoints.
Le coq tua proprement la nouvelle poule qu'on lui passait .
Pourquoi '? Il ne préférait pourtant pas le veuvage, la stéri-
lité. . . assurément, mai's habitué à la précédente, qu'il aimait
sans doute, il se refusait à connaître la seconde. C'est idiot,
mais c'est tout à fait Lophophore. Enfin, on lui donna une
troisième femme, — et c'est un sacrifice, car on n'a pas une
I
L'AVICULTURE CHEZ L'ELEVEUR. 303
conjointe de cette espèce à moins de 200 francs, et elle n'ap-
porte pas de dot. Il se mit à la maltraiter aussi, on la lui
retira. Elle est là, dans le compartiment juxtaposé, prudem-
ment séparée de Barbe bleue par un épais et solide grillage.
Au printemps, quand le sultan cherche à lui passer le mou-
choir, on entr'ouvre la ])orte de communication, on le laisse
approcher de la belle. S'il s;accouple, tout est pour le mieux ;
s'il la bat, on la lui enlève. Jusqu'à présent cette tactique
habile n'a produit rien de bon. En 1890 et en 1891, des œufs
ont été pondus, mais clairs ; en conséquence, pas de jeunes
sujets élevés.
Les Tragopans, que nous voyons ensuite, et qui sont ici
depuis deux ans, n'ont i)as donné de résultats très heui-eux.
En 1890, le couple Temminck a produit des œufs fécondés,
sei)t poussins sont nés, et quatre seulement ont pu être menés
à bien. Quant aux Satyres, ces magnifiques oiseaux rouge et
noir qu'on admire toujours, même au milieu des plus belles
espèces, il n'a pu encore en être élevé qu'un seul jeune. Cette
année, tous les jeunes Satyres ont péri. L'élève de cette es-
pèce, qui semble plus délicate que la précédente, présente une
difficulté contre laquelle il est fort difficile de réagir. Les
poussins viennent bien pendant les quinze premiers jours,
puis ils se montrent tristes et languissants, perdent leur vi-
vacité et cessent de manger, après avoir fait preuve, iieudant
les i)remiers temps, d'un appétit glouton. C'est à cette voi'a-
cité excessive que M. Martineau attribue en grande partie les
maladies qui les frappent, et auxquelles ils succombent. A
l'autopsie, on constate que les jeunes, qui ont montré cette
tendance, ont tous le foie malade. Il est vrai de dire qu'ils
sont élevées ici en volière, par conséquent privés d'exercice,
d'herbe et d'insectes, choses très nécessaires à leur éiliica-
tion. Le Tragopan est, de toutes les espèces de gallinacés de
volière, celle qui a le plus besoin d'exercice et de liberté jjour
grandir.
Dans le compartiment que j'ai maintenant sous les yeux,
je remarque deux ou trois belles poules Vénérées, ])as de co(i.
C'est dommage, une si belle variété de phasianide!. . . Si in-
téressante, si facile à élever !. . . — Détrompez-vous, me dit
M. Martineau, j'y ai renoncé par découragement, vous voyez
là mes derniers produits, je me suis défait du reste.
« Je me suis lancé dans l'élevage du Vénéré, il y a six
304 REVUE DES SCIENCES I^ATURELLES APPLIQUÉES.
années déjà, — c'est M. Martineavi qui parle, — avec un
excellent couple que m'avait cédé M. Boucher de la Ville-
jossy, de Nantes. Là ont commencé mes déboires. Les jeunes
se montraient délicats, beaucoup succombaient à la diarrhée,
leurs pattes tournaient...; bref, les deux tiers au moins
périssaient dans la première quinzaine de leur naissance.
Mais, je dois dire qu'à partir de cette époque, ceux qui
avaient survécu se développaient avec une rapidité extraor-
dinaire : à six semaines ils étaient sauvés, et presque aussi
forts que père et mère. Cette remarque, je la ferai également
au sujet du Faisan d'Elliot, auquel nous passons maintenant,
et dont la croissance est aussi très rapide — passée la pre-
mière quinzaine. »
Guidé par le maître de céans, j'admire, alors, un superbe
coq EUiot, d'une taille remarquable, la tète haute, le col
allongé, la queue longue et relevée sur le sol, qui cherche, en
nous voyant approcher, à se dissimuler avec ses deux poules,
derrière un petit massif de buis et d'aucubas. Mais le maître
l'appelle : ko, ko ! et lui offre quelques miettes de pain. Le
bel ami ne se fait pas prier , il vient jusqu'au grillage, pen-
dant que je me retire de quelques pas.
Ah ! le bel oiseau, le magistral Faisan, il a tout pour lui, la
taille, le plumage, le port, la santé, la rusticité. Comme il
forme un genre spécial, aussi magnifique que recherché, et
l'un des derniers importés du centre de la Chine, nous nous
étendrons un peu sur son compte, et nous apprendrons de
l'un des éleveurs de France les plus habiles à le produire,
quelques détails utiles et quelques renseignements sûrs, au
sujet de son éducation, laquelle exige des soins particuliers.
Ce Faisan, découvert en 1872, par M. Swinhoë, dans la
province de Tche-Kiang, a été rencontré. Tannée suivante,
dans le Fokien, par le Père David, qui en rapporta un sujet
mâle vivant au Jardin des Plantes. Bien qu'il eût alors huit
mois de captivité, le jeune drôle se montrait encore très sau-
vage. Les Chinois, qui considèrent l'Elliot comme un oiseau
rare le nomment Poule des lieux secs, car ils ne le trouvent
jamais sur les sols humides, point important à considérer pour
l'acclimatement d"un animal, que les vents et les grandes
pluies semblent éprouver en captivité. C'est AVilliam Jam-
rack qui importa, en 1883, la première paire de Faisans
Elliot. Elle fut acquise, au prix de 3,000 francs, par M. Rodo-
L'AVICULTURE CHEZ L'ELEVEUR. 305
canaclii, pour sa faisanderie d'Andilly. Il en obtint la repro-
duction dès l'année suivante, et répandit aussitôt l'espèce
par l'entremise du Jardin d'Acclimatation de Paris. La re-
production d'un côté, et de l'autre l'importation marchèrent
si bien, qu'en 1888 l'espèce n'était plus cotée que 250 francs
la paire. Elle en vaut aujourd'hui 120, chez l'éleveur.
Comme plumage, l'Elliot l'emporte sur tous les autres Fai-
sans. Comme allure et mœurs, il ressemble beaucoup au Vé-
néré. A ce titre, il présente certains défauts, il est sauvage,
féroce (quelques sujets) pour les poules qui sont impitoyable-
ment mises à mort, si elles se refusent aux exigences d'accou-
plement du coq. Il est même très difficile et périlleux d'intro-
duire une poule nouvelle dans un parquet ; les autres poules
l'attaquent aussi bien que le coq, et l'on n'est à l'abri de toute
' bataille et massacre qu'en maintenant ensemble des sujets
élevés dans une même nichée.
La ponte est très hâtive, ce qui est un inconvénient dans
les hivers froids et prolongés, car alors les œufs sont clairs,
ou les petits meurent en naissant. Autrement et en temps
ordinaire, l'espèce est très féconde; chaque poule donne de
15 à 18 œufs qui sont tous bons, et qu'il est nécessaire de
mettre en incubation le plus tôt possible, car c'est dans cette
espèce principalement que se présentent les cas fréquents de
poussins morts dans la coquille, au moment de l'éclosion, ce
qui provient uni([uement d'une incuibation retardée . Les
petits, lorsqu'ils viennent au jour, se montrent susceptibles
au froid et à l'humidité. Ils dénotent aussi une sauvagerie
inhérente à l'espèce, ne reconnaissent pas la poule qui les a
couvés, dont les gloussements et les allures semblent les
effrayer tout d'abord, et à laquelle ils ne s'habituent qu'après
une épreuve de plusieurs heures.
« C'est pour parer, dans la mesure du possible, à cet incon-
vénient, me dit M. Martineau, que j'ai adopté la petite boite
d'élevage vitrée sur le dessus, sans laquelle je considère
comme impossible l'élève de l'Elliot. Cet appareil est composé
comme suit :
A. Boite à laire couver mesurant 0"',35 de longueur, sur
idem lai'gour, s'adaptant à la boite d'élevage au moyen de
crochets.
B. Boite d'élevage se composant de: 1° Une caisse avec
plancher mesurant 1 mètre de longueur sur 0'",65 de lar-
5 Avril 18V3, 20
306
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
geiir, comprenant un grand compartiment qui communique
avec la boite à couver où se tiennent la poule et les poussins,
et un compartiment plus petit destiné à recevoir la pâtée, où
les poussins seuls peuvent pénétrer ; — 2" un couvert gril-
lagé ; — 3° un couvert vitré s'élevant à volonté sur char-
nières ; — 4° une trappe sur le devant donnant communica-
tion dans le parc mobile.
C. Parc mobile en grillage, mesurant 1^,70 de long sur
1 mètre de large, s'adaptant à la boite d'élevage, et destiné à
donner plus d'espace aux élèves, lorsque le temps le permet,
à partir du 6° jour qui suit la naissance. Ce parc est suffisant
pendant les 15 premiers jours ; après quoi, si le temps est
beau, on soulève au moyen d'une pierre l'une des extrémités
pour que les jeunes puissent s'échapper en dessous en toute
liberté, sans permettre l'issue à la poule qui doit rester cap-
tive pour rappeler les poussins. Ce n'est qu a l'âge de un
mois que poule et poussins sont mis en volière pour y achever
leur éducation.
« Voici maintenant comment, dès le début, je me sers de cet
ustensile. Après avoir laissé les nouveaux-nés sous la poule
pendant le temps réglementaire, je transporte poule et petits
dans la boite qui a servi à l'incubation, et sans les déranger
aucunement, près de la boîte d'élevage à laquelle elle s'adapte
exactement. Cette boîte a été placée au soleil, ou si le temps
est froid, dans une pièce chauffée, et je m'assure qu'à l'inté-
rieur la température est bien montée à 25 degrés. Cette
constatation laite j'ouvre la porte de communication des deux
boîtes juxtaposées, et je m'éloigne de manière à voir, sans
être vu, et à suivre ce qui va se passer.
L'AVICULTURE CUEZ L'ÉLEVEUR. 307
» Au bout de quelques instants la poule sort, et les jeunes,
les uns après les autres, pénètrent dans le parquet vitré. Mais
alors il se produit, chez ces derniers, une alerte, une déban-
dade effrayante. Terrorisés sans doute par l'aspect encore in-
connu des choses d'ici-bas, celles du moins qui se trouvent, en
assez petit nombre, enfermées dans les quatre planches qui les
entourent, ils se jettent tète baissée contre les parois, cher-
chant une issue pour fuir, et n'en trouvant pas, courent en tous
sens, se culbutent, sautent, tombent à la renverse, se relèvent
pour courir encore, affolés, et se tapir, meurtris et désem-
parés, dans les coins de l'ustensile, sans écouter les appels
désespérés de la mère, qui semblent, au contraire, être la
cause de leur panique. Ce manège, cette danse macabre dure
quelquefois une heure et plus, et serait assurément la cause
du trépas de tous, si la chaleur intérieure de la boite ne sup-
pléait à celle de la poule et ne maintenait les poussins en état
de vigueur suffisante. Enfin, les pauvres petits, essoufflés par
l'exercice prodigieux auquel ils se sont livrés, n'en pouvant
plus, commencent à se calmer et à prêter l'oreille aux appels
de la mère. Ils comprennent que là est le repos et le bien-être.
Ils se rapprochent peu à peu, se traînent vers celle-ci, et
finissent par se blottir tous sous son aile.
» Alors un grand pas est fait. Les jietits Faisans connais-
sent le giron qui entretient leur force et leur chaleur. Couvés
une première fois par la mère adoptive, ils reviendront sous
elle chaque fois que le besoin du repos se fera sentir, ou à peu
près.
» Les petits EUiots commencent à s'humaniser. Le troi-
sième jour est écoulé, et toute crainte peut être bannie dès
[lors au sujet de leur primitive sauvagerie. Mais un autre in-
convénient apparaît : les digestions mauvaises, la dysen-
terie. Pour y obvier, il ne faut pas donner à boire dans les
premiers jours. Au cinquième seulement, je commence à
donner de l'eau rougie. Comme nourriture il n'y a pas, pour
eux, plus de difficulté qu'avec les autres espèces : la pâtée aux
œufs durs et quelques asticots leur suffisent. Un peu de grains
écrasés, millet, chènevis, froment, sont aussi une bonne chose.
,Ils ne dédaignent pas non plus les larves de fourmis. »
C'est en 1889 que M. Marf.ineau a reçu, du Jardin d'Accli-
mation, ses reproducteurs EUiot. La première année, sur
quinze œufs pondus, et quinze éclos, cinq jeunes seulement
308 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
furent élevés, car il n'avait pas encore confectionné sa boite
d'élevage. En 1890, onze jeunes ont été menés à bien sur
vingt éclosions ; mais, en 1891, le résultat a été moins bon.
Sur trente-quatre œufs, donnés par deux poules, douze jeunes
seulement ont été élevés. La température très froide en avril
et en mai a fait échouer toutes les premières couvées.
J'ai dit que M. Martineau avait l'excellente habitude de
loger, avec ses Faisans, un couple de colombes ou pigeons, et
un couple Passereaux ou Perruches dans chaque comparti-
ment. C'est ainsi que je remarque des Colombes Diamant et
des Tranquilles, qui reproduisent régulièrement, il y en a
toute une famille ; de très jolies petites Colombes écaillées,
provenant de chez M. Delaurier et nées chez lui, mais jus-
qu'à présent stériles ; des Perruches Edward's qui ont pondu
des œufs clairs ; des Diamants Mandarins et d'Australie qui
réussissent parfaitement. Cette année, 26 jeunes Diamants à
Gouttelettes, d'Australie, ont été élevés par deux couples de
sujets adultes ; un des deux couples a produit 15 jeunes. Aucun
soin particulier n'est nécessaire à cette charmante espèce.
Elle se nourrit principalement avec du millet en grappe et du
mouron blanc. Par contre, voici deux couples de Gould qui
n'ont rien donné, et des Psittaculaires qui pondent, couvent
et ne conduisent jamais dehors du nid leurs petits. Il est
vraisemblable qu'ils les mangent.
M. Martineau est un grand amateur de pigeons, et j'en vois
beaucoup chez lui, des beaux et des rares. Dans un grand
pigeonnier placé en haut du jardin, se trouve un grand
nombre de sujets ordinaires. Satins, Capucins, Lune, Gazzis
de Modène, Pies, Tambour de Dresde ; mais, entassés par es-
pèces différentes, ces oiseaux se disputent sans cesse, et ne
font presque rien. Séparément logés, comme je l'ai dit plus
haut, les variétés les plus recherchées donnent jusqu'à 6 ou
7 couples par an.
Cet ajouté ne nuit en rien aux autres oiseaux, et est très
avantageux au produit de la faisanderie.
Dans ces dispositions se trouvent :
1" Un couple Queue-de-Paon .d'Ecosse blanc, de race très
pure, dont les parents ont été payés 200 francs.
■ 2° Un couple Queue-de-Paon bleu, très beau également et
de grande valeur.
L'AVICULTURE CHEZ L'ÉLEVEUR. 309
3° Un couple Mookees noir, espèce indienne d'impor-
tation récente. Le plumage est entièrement noir, sauf le
dessus de la tète et les deux dernières rémiges des ailes qui
sont de nuance blanche. C'est un oiseau trembleur comme le
Queue-de-Paon.
4° Un couple Mookees brun qui teinte en chocolat ce que
les précédents ont noir.
5° Un couple de petits Tumblers almond tricolores très
réussis,
6» Un couple Damascènes blancs barré noir sur les ailes et
à l'extrémité de la queue.
Enfin de beaux Capucins anglais des variétés rouge, cha-
mois et blanche unicolore.
Un élevage en aussi bonne voie de prospérité ne peut que
s'accroître. Aussi, M. Martineau vient-il de faire construire,
en bonne exposition un nouveau groupe de volières, dont le
confortable est encore mieux compris, s'il est possible, que
chez les précédentes. C'est d'abord une grande volière expo-
sée au midi, comprenant quatorze compartiments de 7-", 50 de
long, sur 2"\70 de large chacun. Au fond de chaque parquet
existe une partie complètement close, de 6 mètres carrés
environ, avec porte vitrée sur le devant. Cette volière sera
uniquement consacrée à l'élevage.
C'est ensuite une autre volière, exposée au sud-ouest, com-
prenant sept compartiments de l'^,bO de long chacun, sur
S*", 50 de large. Celle-ci sera destinée aux poules des espèces
couveuses que toute faisanderie doit posséder en quantité
suffisante, et aux jeunes faisans de deux mois, récemment
sevrés. De même que les parquets de reproducteurs, ces vo-
lières contiendront, dans chaque compartiment, des Pigeons,
des Colombes, des Diamants, dont la présence ne nuit en
rien aux gros pensionnaires, et égaie l'établissement en meu-
blant très bien les parties supérieures du parquet grillagé.
C'est ce système agréable, et utile aussi, qu'on ne saurait
trop conseiller aux éleveurs de mettre en pratique. Il consti-
tue la réelle mise en rapport d'une faisanderie bien montée.
{A Sîtivre.)
LA PECHE
DANS LES EAUX DU BASSIN DE LA MER D'ARAL
Par Cath. KRANTZ.
Il nous a semblé d'une intéressante actualité d'esquisser
l'état d'une industrie naturelle dans un de ces pays transcas-
piens, qui sont appelés à de si profondes transformations,
par suite de la construction du chemin de fer récemment
inauguré. Nous avons pu le faire grâce aux renseignements
que publie le Journal de pêche de Pétershourg .
Les eaux du bassin de l'Aral, pauvres, en général, en
grosses espèces, sont cependant habitées par l'Esturgeon,
dont la pêche a une certaine importance commerciale. Parmi
les autres espèces de moins forte taille, les plus abondants
sont la Carpe, le Silure, le Sandre, deux variétés du Chabot
(meunier), la Brème, le Gardon, le Rason, le Chabot de ri-
vière ; le Brochet et la Perche sont peu nombreux. La « Cha-
maïa », — une variété de Hareng commun — entre souvent
dans l'Amou-Daria, mais n'y est point prisée.
Les engins ordinaires de la pêche sont, dans les rivières,
les filets flottants et les hameçons, et les filets fixes dans la
mer. Les fleuves Amou et Syr, étant excessivement rapides
et leurs rocailleux rivages, coupés â pic, il est impossible
de se servir de filets pour la pêche dans ces eaux. Cet engin
n'est utilisé que pour pêcher de menus poissons dans les lacs
et sur la plage. Enfin, comme ustensiles de pêche plus parti-
culiers au pays, nous mentionnerons la bordigue, la « kers »
— un cadre triangulaire auquel est fixé un sac en filet, — la
trouble, le harpon.
La pêche de l'Esturgeon a lieu pendant les mois de juin,
juillet et août. Les poissons, péchés au harpon, sont salés
immédiatement et conservés dans des glacières jusqu'en au-
tomne, tandis que les Esturgeons, pris dans des filets fixes
ou fiottants, sont transportés dans des viviers, formés par
une haie de pieux et de fagots, dans la rivière même.
LA PÈCHE DANS LES EAUX DU BASSIN DE LA MER D'ARAL. 3H
Aux embouchures du Syr, une grande partie de ces pois-
sons attendent l'automne dans les viviers; à cette époque,
on les repêche, et on les dirige sur Orenbourg, frais ou légè-
rement salés. Au contraire, ce genre d'élevage ne réussit
guère dans le delta de l'Amou-Daria où les Esturgeons, pla-
cés dans des viviers, périssent, en été, d'une maladie de peau
particulière. — Le poisson, emballé dans des nattes, est
transporté à dos de chameau, à Orenbourg principalement
et dans de moins grandes proportions, à Taschkent. Ce
voyage demandant vingt à vingt-cinq journées, la saumure
s'écoule et le poisson, qui arrive altéré, est fort peu prisé
sur les lieux de débit. Le mauvais état de conservation des
salaisons tient, en partie, à l'emploi du sel amer du pays.
Seuls, les poissons provenant du bas Syr sont expédiés
pendant tout l'hiver et se conservent d'une façon satisfai-
sante.
D'ailleurs, par la route à caravanes de Khiva, conduisant
du bas Amou à Orenbourg, en passant par le fort Ternira,
toute communication cesse vers la moitié du mois d'octobre,
de terribles bourrasques (Bourann) interdisant l'accès dans
la partie nord de la steppe. Le poisson gelé ne peut donc pas
être transporté par cette voie.
Les menus poissons, qui ne trouvent guère de débit, sont
péchés dans des proportions insignifiantes. Les pays en aval
du Syr sont seuls à exporter à Orsk des Carpes et des Sandres
glacés (jusqu'à 12,000 pouds par an. Le poud = 14 kilogr.
environ), tandis que 16,000 pouds de Carpes et de Silure fraî-
chement salés, provenant du bas Amou, prennent le chemin
de Boukhara. Dans l'intérieur de l'oasis de Khiva, on con-
somme environ 32,000 pouds de petits poissons, et, au total,
le produit de la pêche de menus poissons dans le bas Amou
et le bas Syr atteint 60,000 pouds.
Il a été récolté, en 1885, dans le bas Syr et sur la plage
voisine, 15,000 pièces de gros poisson (« poisson rouge », se-
lon l'expression russe), et 23,000 dans la partie du fleuve
Amou, à partir de la ville de Pôtro-Alexandrovsk, et en tout
38,500 grosses pièces. Enfin, si, en chiffres ronds, nous ad-
mettons 40,000 poissons et si nous traduisons ce chiffre en
pouds, à raison de 25 livres le poisson préparé, nous arrivons
à 25,000 pouds, c'est-à-dire cinq fois et demi moins que l'on
ne pêche de gros poissons dans l'Oural seul. En outre, la
312 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
pêche de gros poissons n'offre guère de chances d'accroisse-
ment, car l'exploitation de ces eaux est menée d'une façon
très intense au moyen des engins défendus tels que les filets
flottants, le harpon, les bordigues barrant les rivières, etc.
Le peu d'abondance des grosses espèces dans la mer d'Aral,
doit d'ailleurs être attribué à la faible salure de son eau. La
mer d'Aral , continuant à se dessaler, cette circonstance
doit amener, dans un avenir peu éloigné, l'extinction com-
plète de l'espèce Esturgeon, qui vit de mollusques marins.
La situation est plus favorable en ce qui concerne les es-
pèces de taille moins considérable. Les eaux du bassin de
l'Aral servent d'un véritable vivier, surtout pour les Carpes
et les Silures, mais toute cette richesse reste improductive —
et cet état de choses ne peut changer qu'avec l'amélioration
des voies de communication. Il n^ a pas lieu de s'attendre
à un progrès quelconque dans ce sens, du moins pour un
avenir prochain, en ce qui concerne les communications avec
Orenbourg, Orks ou Irghize ; au contraire, le pays est relié
au moyen de la vapeur, avec le Turkestan du Sud, les pays
transcaspiens et Boukhara. Le chemin de fer transcaspien
a déjà réuni les parties navigables de l'Amou-Daria avec
Merv et Askhabad. La navigation à vapeur des embouchures
de l'Amou ira rejoindre la ligne de ce chemin de fer. Ainsi
donc, tous les centres de population, ci-dessus énumérés,
formeront autant de marchés ouverts au débit des produits
de poissons de l'Aral. Si, jusqu'à ce jour, le poisson n'était
expédié que dans des proportions minimes à Taschkent et à
Merv, cela tient surtout à la nécessité où l'on était réduit de
transporter par caravanes, — moyen d'expédition aussi dé-
fectueux que coûteux. Le poisson, arrivant aux lieux de des-
tination en mauvais état, n'était guère d'un débit facile parmi
la population indigène.
Tous ces inconvénients sont appelés à disparaître avec le
nouveau chemin de fer, qui doit provoquer, en outre, un
afllux de l'immigration russe. D'un autre côté, nous le répé-
tons, le commerce de l'Esturgeon, dirigé sur Orenbourg, n'a
aucun avenir devant lui : le poisson, après un séjour de
vingt à vingt-cinq jours sur le dos d'un chameau, perd une
bonne moitié de sa valeur. Si donc, comme tout le fait
croire, l'exportation prend la direction esquissée, l'Esturgeon
ne devra pas être pris dans l'Amou au-dessous de Houkous,
LA PÈCHE DANS LES EAUX DU BASSLN DE LA MER D'ARAL. 313
car c'est seulement en amont de cette localité que l'on réus-
sit à élever les poissons dans des viviers, tout l'été. Aux
premières gelées, il pourra être expédié, par eau, frais ou
légèrement salé, jusqu'à la gare de Tscliardjaï.
Une autre circonstance, qui semble devoir favoriser
l'orientation du commerce dans cette direction, est la con-
gélation tardive de l'Amou-Daria qui, grâce à son courant
très rapide, n'est prise que longtemps après les premières
grandes gelées.
Le total général de la pèche an-nuelle dans les eaux du
bassin de la mer d'Aral peut être évalué à 305,000 roubles.
L'Etat, qui prélève jusqu'à 5 7o en divers impôts et droits",
devrait avoir à toucher, de ce chef, 15 à 25,000 roubles. En
fait, la somme perçue ne dépasse guère 8 à 9,000 roubles; s'il
fallait entretenir une police coûtant 30,000 roubles de trai-
tement, il y aurait eu déficit. Le système d'affermage de la
pêche par lots ne paraît pas non plus applicable dans ce
pays, où tout le contingent des pêcheurs est représenté par
des peuplades à moitié sauvages de Karakalpaks et de Kir-
ghizes. C'est sous la forme de patente que l'impôt semble de-
voir être adopté.
NOTE
SUR
LA TOMATE EN ARBRE
{CYPHOMâNDRA BETACEA Sexdt.)
Par m. Maxime CORNU.
J'ai riionneiir de placer sous les yeux de la Société un pied
Yivant d'une Solanée à fruits comestibles qui mériterait d'être
propagée dans les paj's chauds. C'est la Morelle à feuilles de
betterave, Solanum betaceum Cav. Cyphomandra betacea
Sendt. qui porte des groupes de fruits rouges , ayant la
forme et presque la grosseur d'un œuf de poule.
Ces fruits sont comestibles ; ils peuvent, comme ceux de la
Tomate, être consommés à l'état de cuisson, ou frais ; mais
dans ce dernier état seulement lorsqu'ils sont parfaitement
mûrs; ils sont rafraîchissants et même laxatifs, d'un goût
agréable qu'on a comparé à celui de l'Abricot. Ils constituent
même un dépuratif puissant, dit-on.
La plante est originaire de l'Amérique tropicale. Elle est
cultivée, dit-on, fréquemment dans les jardins au Brésil, et
dans les régions plus septentrionales et plus méridionales ; on
la nomme « Tomate de la Paz », ce qui indique suffisamment
l'emploi du fruit.
Le pied qui est placé sous vos yeux provient des cultures
du Muséum d'histoire naturelle ; il porte dix fruits mûrs ;
nous avons eu un certain nombre d'autres plantes moins
belles et moins fructifères que celle-ci.
Depuis plusieurs années j'ai fait mon possible pour la ré-
pandre dans nos colonies ; j'en ai envoyé dans la plupart de
celles qui pouvaient en tirer profit ; mais je n'ai pas obtenu
de nouvelles des essais qui ont dû être faits.
J'en ai adressé à divers correspondants de l'Afrique occi-
dentale, Sénégal, Soudan, Gabon, Congo ; j'en ai envoyé à la
Réunion, en Nouvelle-Calédonie, à Saigon ; mais dans beau-
NOTE SUR LA TOMATE EN ARBRE. 315
coup de cas le changement de résidence et les mille causes de
destruction ou de défaillance ont empêché les résultats d'être
obtenus ou peut-être seulement de les signaler.
11 est bon, je crois, d'insister encore sur cette curieuse
plante qui peut être utilisée et rendre de réels services dans
les pays chauds.
Les graines sont nombreuses, la fructification très rapide,
il y a tout lieu de croire que si l'on y apporte quelques soins la
diffusion sera très possible.
Le CypJiomandra peut être obtenu de graines. On fait le
semis en janvier ou février en serre chaude comme pour les
autres Solanum ; on repique les jeunes plantes qu'on garde
en godets, successivement de plus en plus grands, jusqu'au
milieu de mai, époque à laquelle on les confie au sol.
On les place dans une terre très riche, à bonne exposition.
Il vaut mieux les cultiver sur couche ; les jeunes plantes font
alors de rapides progrès, mais ce n'est pas la première année
qu'on peut avoir en général des fleurs et des fruits ; c'est
seulement la seconde année.
Les jeunes fruits sont ovoïdes, un peu fusiformes, verts et
grossissent plus ou moins vite. Quand ils ont atteint la gros-
seur normale, ils sont striés de blanc et de vert ; ils ne per-
dent cette couleur que successivement et se colorent en
rouge vermillon sale, puis en vermillon vif; à la maturité
complète ils tournent un peu au jaune orange. Quand ils ne
sont pas très mûrs, ils sont encore fermes et durs ; ils peu-
vent se transporter aisément : leur goût n'est pas agréable
chez nous. Ils ne paraissent acquérir leur saveur véritable
qu'à la maturité complète, que nous ne connaissons guère,
et sous le climat des tropiques. Le D'" Morris, l'habile direc-
teur adjoint des jardins royaux de Kew, recommande de
laisser mûrir complètement le fruit sur l'arbre.
Quand il est bien mûr, il peut être consommé à l'état na-
turel ; soit cuit, comme la Tomate, en confitures et en mar-
melades.
Dans les pays chauds, à la fin de la première année, on
voit la i)lante se dépouiller plus ou moins de ses feuilles sui-
vant que la saison est plus ou moins sèche. Mais le tronc ne
UKîurt pas. 11 en est de même dans la région de l'oi'anger.
Sous le climat de Paris, la plante n'est pas rustique et il faut
lui appliquer le traitement qui lui convient.
346 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Si la plante n'a pas fructifié et si l'on ne tient pas à lui voir
poursuivre sa végétation, on peut, pour la conserver jusqu'à
l'année suivante, la relever en motte avant les gelées et Thi-
verner en serre froide ou en orangerie près de la lumière.
Les feuilles tombent, un certain nombre de rameaux trop
tendres périssent et se dessèchent, mais la plante continue à
rester parfaitement vivante, surtout si l'on a épargné les
racines et bien conservé la motte.
Au premier printemps on met le Cyphomandra en végé-
tation à l'aide de la ciialeur et, sur les plantes de seconde
année, la floraison s'établit bien plus rapidement.
Quand le Cyphomandra provient d'un semis, il peut
s'élever à 1"\80, se ramifier; il ressemble à un petit arbre
souvent mal fait, ses branches assez irrégulièrement placées ;
il fleurit un peu difficilement, à moins que la plante n'ait
trois ou quatre années et quelle n'ait point été dérangée:
les semis conduisent lentement à la fructification,
Il y a un autre moyen de propagation, qui est plus simple
et qui donne une mise à fruits plus rapide, c'est le boutu-
rage.
On emploie un pied qui a été hiverné, qui est resté en
végétation en serre chaude, ou bien qui, après un repos, a été
poussé activement au premier printemps et se met à
pousser.
Le bouturage se fait en serre chaude avec de jeunes
rameaux pourvus d'un talon ; la formation du bourrelet et la
naissance des racines est assez rapide; on obtient alors de
jeunes plantes à végétation bien plus lente, qui restent plus
naines et portent rapidement de nombreuses fleurs. C'est la
méthode employée pour la culture des Tomates forcées et qui
peut donner des résultats excellents.
Il vaut mieux encore faire le bouturage à la fin de l'été ou
septembre, sous cloche, à froid ; l'enracinement se fait assez
facilement et réussit bien ; on hiverne en serre tempérée et
la floraison se produit à coup sûr l'été suivant.
Quand la saison froide arrive, il est possible de relever la
plante comme nous l'avons dit, de la placer dans la serre
froide en pot ou en caissette. Si on la porte dans une serre
chaude, le résultat est différent.
Ainsi traitée et avec précaution, la plante continue à
végéter; la transition se fait sans qu'elle souff"re trop, les
NOTE SUR LA TOMATE EN ARBRE. 347
fruits continuent à se développer et même à mûrir. On a
dans la serre chaude ou tempérée chaude un arbuste qui est
très ornemental.
La plante qui est mise sous vos yeux a été traitée de cette
manière : elle a porté 10 fruits, plusieurs sont déjà tombés.
Elle provient d'une bouture faite au mois de sep-
tembre 1891 ; elle a été cultivée sur couche et relevée à
l'automne ; placée enfin en serre tempérée chaude où elle a
mûri ses fruits, lentement d'ailleurs.
Dans la région de l'oranger, le Cyphomandra est rus-
tique ; il fleurit et porte de nombreux fruits ; nos plantes
proviennent d'un fruit des environs d'Alger ; chez M. le
Chevalier Hanbury, à la frontière italienne, dans l'admirable
jardin de la Mortola, près de Vintimille, j'ai vu en avril 1889
un pied haut de 2'" et couvert de baies nombreuses.
Mais ce n'est pas dans ce climat que le Cyphomandra est
appelé à rendre des services, c'est sûrement dans les régions
tropicales dont la saison sèche est nettement caractérisée,
c'est là qu'il convient de le répandre et de le cultiver.
On trouvera une excellente notice sur ce fruit, dans le
Bidlelm des Jardins Royaux, de Kew (n° XIII, 1887) ;
l'habile directeur de CL't établissement, M. le D"" Th. Dyer, a
très largement répandu la plante dans les colonies anglaises
et il cite à ce propos de nombreuses correspondances attes-
tant la valeur considérable qu'on attribue à cette espèce.
Il y a bien longtemps qu'elle a été décrite et figurée par
Cavanille, Icon. T. VI, n° 599, PI. 5-24 (1801) ; mais quoique
cultivée assez fréquemment, parait-il, dans l'extrême sud de
l'Europe, à Madère et aux Canaries, elle était peu connue
dans le nord ; c'est la Revue horticole qui la signala d'une
manière spéciale à l'attention des horticulteurs, 1880, p. 150,
où se trouve une belle planche — avec des fruits un peu trop
fusiformes.
Un article assez court de M. Alliaume, jardinier-chef de
riiôpital militaire de Vincennes, signale les qualités de cette
espèce, ainsi que la manière pratique de la cultiver sous notre
climat ; Tannée suivante, M. Carrière, p. 670, donne une
figure nouvelle également très élégante, où la forme parait
trop ovoïde. La couleur orangée chez certains fruits et jaune
chez les autres jjourrait tenir non pas à une difierence de
variété, comme il le pense, mais peut-être à une difierence
318 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
de maturité. Sur des fruits très mûrs la couleur rouge semble
laire place à ime teinte plus orangée.
La plante est cultivée désormais dans les jardins bota-
niques un peu complets ; c'est là qu'on est sûr de la retou-
ver ; ces jardins sont des sortes d'archives oîi les espèces
« botaniques » sont conservées et cultivées malgré l'oubli qui
les entoure après une célébrité éphémère ; cette célébrité et
cet oubli sont souvent aussi immérités l'un que l'autre.
Nous mettons le Ct/phomandra betacea en distribution
depuis bon nombre d'années, dans notre Index seminum.
Les premières graines m'ont été remises par M. Paul Mares,
vice-président de la Société d'agriculture d'Alger. La plante
avait été cultivée chez lui par un jardinier mahonais, qui
était friand de ces fruits et en avait fait quelques semis. Un
fruit unique me fut remis en 1884. La même année, déjeunes
plantes figurèrent comme plantes à feuillage dans les par-
terres, et depuis lors elle y fut conservée plutôt pour ses
fruits que pour son feuillage.
On peut la voir chaque année au Muséum d'histoire natu-
relle dans le Jardin d'hiver, pendant presque toute l'année,
portant des fleurs ou des fruits qui attirent l'œil par leur cou-
leur et leur volume.
Dans la serre tempérée chaude, la végétation est continue,
les fleurs se succèdent à des intervalles plus ou moins rap-
prochés et on a des fruits à divers états sur la même plante
pendant le cours de l'année.
Il est probable que sous les tropiques il doit en être de
même et la floraison ne, doit pas être restreinte à une seule et
unique époque.
Le bois de la plante est mou et léger ; l'écorce est long-
temps herbacée ; les feuilles sont elliptiques, velues, d'une
couleur vert jaunâtre dans la jeunesse qui devient sombre
quand la plante est très vigoureuse.
Leur forme est elliptique, lancéolée, cordiforme à la base,
quand elles sont peu développées, quand elles appartiennent
à une plante en pleine végétation, elles sont diversement
ondulées sur les bords et acquièrent une longueur bien plus
considérable. Quand on les froisse elles exhalent une odeur
vireuse.
La ramification est irrégulière, les rameaux très nerveux
s'étalent dans divers sens ; c'est sur ces rameaux que naissent
NOTE SUR LA TOMATE EN ARBRE. 319
des pédoncules floraux, dont les branches se bifurquent ou se
superposent. Les fleurs sont pâles, lilacées. Les fruits qui leur
succèdent pendent élégamment à l'extrémité de pédoncules
grêles.
Le Cyphomanclra a été indiqué dans la Revue horticole
comme plante à développement rapide pouvant servir à
l'ornement par son feuillage ; les feuilles sont, en eff'et, assez
larges, d'une couleur un peu diflerente de celle des autres
végétaux, mais il en est une foule d'espèces plus avanta-
geuses. L'emploi que nous avons tenté à plusieurs reprises
n'a pas donné de résultats satisfaisants, et nous avons fini
par la rejeter de nos parterres.
L'un des inconvénients qu'elle présente, c'est que les
feuilles se couvrent d'une multitude de pucerons contre les-
quels il faut lutter sans relâche, par exemple à l'aide du jus
de tabac, et qui nuisent beaucoup à la végétation.
Dans les pays chauds, le Cypiiomandra devra être cultivé
comme un arbuste utile et il mérite comme tel de recevoir
la difl'usion la plus étendue ; il ne constituera pas une acqui-
sition de premier ordre, mais il grossira la liste des végé-
taux appelés à prendre place dans les plantations où l'on
veut voir du nouveau et varier un peu l'ordinaire des tables
dont le service est trop monotone.
II. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ.
SEANCE GENERALE DU 3 MARS 1893.
PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE SINÉTY, VICE-PRÉSIDENT
PUIS DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Président proclame les noms des membres récem-
ment admis par le Conseil :
MM. PRÉSENTATEURS.
FossEY (baron Enguerraad Mathieu de), [ A. Berlhoulc.
professeur , à la Madeleine d'Evreux } D'' Laboulbéne.
(Eure). ( Marquis de Sine'ly.
Germain (Edouard- Victor), commis ré- f , _
. , ^ ■ . ,^ - A, . ^ ■ \ A. Berlhoule.
daclcur a la Caisse des Dépôts et Consi- ) , , ,
ir> nr ^ • X ,vT -M \ D"" Laboulbéne.
ijnations, 19, rue Montrosier, a Neuilly J „ .
^ . , ( Romam.
(Seine). \
HOFFER ( Paul- Arsène), négociant, 65, \ ^ „, „ . ^-r.. .
j XT -n X xT -Il ^o • \ S ^- Geofifroy Saint-Hilaire.
avenue de Neuillv, à Neuilly Seine). i ^ ,. ,.
(G. Mathias.
Imbert (Albert), administrateur judiciaire T Dieu.
au tribunal civil de la Seine, 17, rue < Pilastre.
Bonaparte, à Paris. ( Marquis de Sine'ty.
Struch (Ernesl), receveur particulier des ( J. de Claybrooke.
finances en retraite, 3, rue Saint-James, | A. Geoffroy Saint-Hilaire.
à Neuilly (Seine). ( E. Wuirion.
— M. le Secrétaire procède au dépouillement de la cor-
respondance.
— MM. Paul Boulineau, baron E. de Fossev et B' H. Bouts
adressent des remerciements au sujet de leur récente admis-
sion dans la Société.
— MM. Fournier-Sarlovèze, Rathelotet E. Dubard-Brenot
accusent réception et remercient de l'envoi qui leur a été lait
d'œuis de Truite saumonée.
— M. Raveret-Wattel remercie d'un envoi analogue et
ajoute :
« Je saisis celte occasion pour vous donner des nouvelles de l'envoi
qui nous a été fait l'an passé. Il vous souvient peut-être que ces œufs
nous donnèrent beaucoup d'alevins atteints de la maladie de la vcsi-
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 321
cule. Les pertes furent, par suite, nombreuses. Mais les sujets que
nous avons pu sauver sont maintenant, comme la plupart de nos
Truitelles d'un an, des poissons de 10 à 15 centimètres de longueur,
ce qui constitue un développement très satisfaisant. Rate fraîche et
sang cuit de la maison Voitellier, pendant le premier âge, puis mou
de bœuf et viande de cheval, telle est la nourriture de nos Truitelles
qui trouvent, en outre, des Gammarus à foison dans nos cressonnières
d'alevinage ; d'où leur croissance rapide. Ces Yearlings nous reviennent
à 6 centimes pièce, environ. Or, on ne trouverait pas à se les procurer
dans le commerce à moins de 20 ou 25 centimes, même en les ache-
tant par grandes quantités ; l'écart de prix est donc très beau. Ce sont
cos poissons, vigoureux et bien en état de se défendre, que nous
allons verser dans les cours d'eau du de'partement, où ils re'ussiront
mieux, je l'espère, que de frêles alevins venant tout juste de re'sorber
leur vésicule vitelline. »
— M. A. Délavai écrit de Saint-Max par Nancy :
« J'aurais dû vous rendre compte plus tôt des résultats de mon
cheptel de « Perruches omnicolores ». S'ils avaient été' heureux, je
n'aurais pas manqué de le faire, malheureusement elles n'ont rien
produit, bien que leur assiduité' à tenir le nid m'ait laissé longtemps
l'espoir de les voir réussir.
» Aurai-je deux femelles?. . Je le saurai à la prochaine mue.
» Je suis e'merveille' de la façon dont elles ont supporté la longue
période de froid que nous venons de traverser, dans une volière en
plein air, couverte en partie mais non vitre'e. La température s'est
abaissée souvent au-dessous de 26'' sans remonter au-dessus de IS"» ou
20°. Les Omnicolores n'ont pas perdu de leur gaîté.
» Pendant la première nuit, le froid est arrivé par surprise accom-
pagne' d'un grand vent. J'attribue surtout au vent la perte d'une
vingtaine de mes Ondulées et des Madagascar; 14 Ondulées ont sur-
vécu — le lendemain j'ai fait installer des paillassons, laissant cepen-
dant une partie ouverte. Et à partir de ce jour, maigre' l'abaissement
encore plus oonsido'rable de la tempërature, plus une seule n'est morte.
» Voilà donc un brevet de rusticité' accordé aux Omnicolores. »
— M. H. Goll, de Lausanne, adresse un mémoire, le Capra
Hispanica.
— M. Vilbouclievitcli écrit à M. le Président :
« Je tiens à vous signaler le Medkago satioa var. Turkestanica, sur
lequel les journaux russes apportent des renseignements très curieux.
Je suis convaincu que l'essai de celte le'gumineuse, parallèlement avec
les Luzernes françaises ordinaires, pre'senterait le plus haut intérêt agri-
cole. 11 y a longtemps qu'on cherche en France îi bien connaître les
variéte's de Luzerne spéciales aux re'gions arides de l'Asie Russe. La
ii Avril 1893. 21
322 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
station d'essai des semences du Ministère de l'Agriculture s'inle'resse
très vivement à la chose ; mais je crois que la Société nationale d'Ac-
climatation de France a seule des relations assez étendues en Russie
pour pouvoir obtenir des graines en quantités suffisantes pour cette
saison même déjà. Je m'empresse de vous communiquer, Monsieur le
Président, l'information que je viens d'exposer, afin que la Société
aie le temps de se faire venir des graines avant le printemps. »
— M. le Secrétaire général fait connaître que la Société a
reçu récemment 25 ou 30,000 œufs embryonnés de Truite
saumonée qui ont été répartis entre ceux de nos collègues
qui en avaient fait la demande. Ces envois sont arrivés par-
tout dans d'excellentes conditions et sans perte aucune. Voici
les noms des Sociétaires qui ont reçu des œufs :
MM. Rivoiron, D'' Laborde, Fournier-Sarlovèze, Ramelet,
Denizet, Dubard-Brenot, comte de Galbert, comte de Mont-
bron, Rathelot et Raveret-Wattel.
— M. le Président annonce à l'assemblée que le Jardin
d'Acclimatation inaugurera samedi 4 courant le palais d'hiver
qui vient d'être récemment construit. Il donne des détails sur
les divers services qu'il comporte et dépose sur le bureau un
certain nombre de cartes d'invitations pour cette cérémonie.
— M. de Claybrooke fait une communication sur les engins
de chasse et de pêche du nouveau musée du Jardin d'Accli-
matation.
— M. J. Grisard donne lecture d'une note de notre col-
lègue M. Lataste, secrétaire général de la Société scientifique
du Chili, sur les Lapins domestiques vivant en liberté dans
l'îlot de l'étang de Cauquenes.
— M. Remy Saint-Loup présente quelques observations qui
seront reproduites à la suite du mémoire de M. Lataste.
— M. le Secrétaire général entretient l'assemblée de la
situation satisfaisante de nos laboratoires de pisciculture de
l'Aude.
— Au cours de la séance MM. Decaux, J. Decroix, J. Fal-
lou, Mailles et Rathelot, réunis en commission, ont procédé
au dépouillement des votes pour la nomination du bureau et
des membres du conseil sortants.
Le nombre des votants était de 315.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 323
Voici les cliifFres obtenus par chacun des candidats :
Président : M. A. Geoffroy Saint-Hilaire 313
Vice-présidents : MM. D'' L. Le Fort 314
Marquis de Sinéty 312
Léon Vaillant 313
H. de Vilmorin 314
Secrétaire général : M. Am. Bertlioule 301
Secrétaires: MM. Ed. Roger [intérieur) 315
Raveret-Wattel [conseil].. 311
Remy St-Loup [séances). . . 314
P. A. Picliot [étranger]... 315
Membres du Conseil : MM. St-Yves Ménard ... 315
D-- J. Michon 315
Ed. Perrier 314
Cte de Puyfontaine. 315
En conséquence sont élus pour 1893 :
Président ; M. A. Geoffroy Saint-Hilaire.
Vice-présidents : MM. D"- L. Le Fort, marquis de Sinéty,
L. Vaillant. H. de Vilmorin.
Secrétaires: MM. Ed. Roger [intérieur), Raveret-Wattel
[conseil), Remy Saint-Loup [séances), P. A, Picliot
[étranger] .
Membres du Co)iseil : MM. St-Yves Ménard, D-' J. Mi-
chon, Ed. Perrier, comte de Puyfontaine.
— Il est déposé sur le bureau, de la part de l'auteur, M. le
D^ Trabut :
Rapport à M. le Gouverneur général de l'Algérie sur les
études de botanique agricole entreprises en 1892 et sur le'
programme des recherches pour 1893.
La Chayotte [Seclmim edule). Plusieurs exemplaires.
Pour le secrétaire des séances,
Jules Grisard,
Secrétaire du Comité de rédaction.
m. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS.
3« SECTION (AQUICULTURE),
SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1893.
PRÉSIDENCE DE M. MÉGNIN.
M. E. Perrin et M. le baron de Guerne s'excusent de ne pouvoir
assister à la réunion.
M. le Secrétaire général rend compte d'une visite qu'il vient de faire
aux laboratoires crées par la Société dans le de'partement de l'Aude.
L'installation matérielle est aujourd'hui parfaite ; le nombre des in-
cubations en fonctionnement est assez grand pour suffire à tous les
besoins. D'autre part, sur les instances de la Socie'té, le service des
Ponts et Chaussées a construit de grands viviers mesurant 10 mètres
de longueur sur 6 de largeur, qu'alimentent abondamment des sources
d'eau vive d'un de'bit considérable. 14 à 1500 jeunes sujets de deux
ans y sont installe's, et tout porte à croire que, grâce à une géne'reuse
alimentation, ils seront assez développés pour donner une ponte abon-
dante dès la saison prochaine.
En outre, la Commission fe'déralc des États-Unis, dont les pre'cieux
envois ont été interrompus pendant ces deux dernières années, nous
donne l'espoir qu'ils seront repris en 1893.
En conséquence, tout nous permet d'espérer que la prochaine cam-
pagne sera marque'e par une très grande activité, et que notre entre-
prise avancera sensiblement vers le but que nous nous sommes
propose' d'atteindre.
Lecture est donnée d'une note sur une utilisation nouvelle des œufs
de serpents pour la production d'une huile médicinale. La capture do
ces animaux n'est pas sans pre'senter de graves dangers pour ceux qui
les recherchent. M. Mégnin indique, à ce propos, comme remède sou-
verain à ces redoutables accidents l'usage du permenganate de po-
tasse ou de l'acide chromique à la dose de 1 %• L'injection, de la so-
lution dans un temps rapproche' de celui de la morsure, au moyen
de la seringue de Pravaz, assure une immunité à peu près complète.
A. B.
4e SECTION (INSECTES).
SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1893.
PRÉSIDENCE DE M. J. PALLOU.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. Berthoule demande quelques renseignements au sujet d'un
COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 323
insecte qui attaque les jeunes semis de Pitch-Pin, au point d'avoir fait
échouer tous les essais d'introduction qu'il a tentes de ce conifère.
Un seul de ces insectes a pu être pris par lui et communiqué au
docteur Laboulbène ; il appartient à l'ordre des diptères.
M. Berthoule cite ensuite un fait des plus intéressants, l'apparition
d'un puceron attaquant, en Auvergne, les choux de Bruxelles.
Ce légume était complètement inconnu dans les régions où notre
collègue l'introduisit par graine, et le puceron qui l'attaqua bientôt
n'avait jamais été vu auparavant dans ces mêmes localités.
•M. Berthoule appelle ensuite l'attention des membres de la section
sur les ravages causés eu 1892 par des Chenilles de Psyché. Il les a
observées en Auvergne à différentes reprises et des envois de four-
reaux ont été' faits de divers pays au docteur Brocchi et au docteur
Ilenneguj^.
M. Fallou qui en a reçu communication a réussi à en faire l'e'duca-
tion, et a constate avec surprise, qu'il s'agissait d'une espèce encore
rare dans les collections, le Psyché Atra Est».
Notre collègue donne quelques détails sur les mœurs des Psychés
et en fait passer sous les yeux de ses collègues une intéressante col-
lection. 11 se propose de faire pour la Socie'té un travail accompagné
de figures sur ce sujet.
On a proconisé comme moyen de destruction le chaulage. M. Fallou
pense que le ramassage au râteau doit donner aussi des résultats
satisfaisants.
M. Decaux présente à la section des rameaux de Buis attaqués par
le Cecidomya Bnxi. Les larves contenues dans les feuilles ont supporté
sans périr les froids rigoureux de l'hiver, elles se portent actuellement
parfaitement bien. Notre collègue pense que cet insecte a deux ge'ne'-
rations par an. Il ajoute que les Roitelets savent parfaitement trouver
les larves du Cecidomya dans les feuilles du Buis.
Le Seci'éiaire^
A.-L. Clément.
5e SECTION (VEGETAUX).
SÉANCE DU 28 FÉVRIER 1893.
PRÉSIDENCE UE M. PAUL CHAPPELLIER, VICE-PRÉSIDENT.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Président s'excuse de ne pouvoir assister à la séance.
M. Chappellier présente la photographie de deux jeunes ignames de
forme sphe'rique provenant de ses semis ainsi que d'une tige florifère
qui porte à la fois des fleurs mïïles et des fleurs femelles.
326 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
M. le Secrétaire de'pose sur le Bureau et donne lecture d'une note de
M. le D"" Trabul, publiée par le service botanique du gouvernement
gênerai de l'Algérie, sur la Chayotte.
Cette communication donne lieu à plusieurs remarques intéressantes
de la part de M. Hédiard qui indique les diverses manières dont on
peut préparer la Chayotte. Ce légume ne possède pas de goût spécial
par lui-même, ce qui fait qu'il s'assimile parfaitement celui des sauces
auxquelles on l'accommode. En dehors de ses fruits il donne encore lieu
à une production de petits tubercules qui se mangent aux colonies.
A la Réunion, la Chayotte croît presque à l'état sauvage et y est
vivace ; on l'y nomme Chouchoute.
M. le Secre'taire fait connaître à la section que la Socie'te' vient de
recevoir un nouvel envoi de graines de Pitch-pin et de Tulipier, et
donne lecture d'une note sur chacun de ces deux arbres.
M. le Secrétaire général rappelle qu'à trois reprises diffe'rentes la
Société a distribué des graines de Pitch-pin et qu'aucun compte rendu
de culture ne lui a été adressé. Il a voulu se rendre compte par lui-
même de la valeur des graines et en a semé eu Auvergne et à Fon-
tenay près Paris ; la germination a été très abondante, mais ces graines
sont longues à lever. Les sujets obtenus en Auvergne ont prospéré,
mais à Paris ils ont tous été coupés au collet par les insectes.
En résumé les graines distribuées étaient bonnes et M. le Secrétaire
"•énéral exprime l'espoir que nos Collègues mettront tous leurs soins
à leur culture, et rendront compte des résultats obtenus quels qu'ils
soient.
A cette occasion une discussion s'engage sur la plantation des
Pins à laquelle prennent part MM. Berthoule, Decaux et Chappellier.
A propos du Pitch-pin, M. Vilbouchevitch fait remarquer que s'il
vient bien dans les terrains salés ce sera le seul du genre Pinus.
D'autres poussent bien dans les dunes même très proches de la mer,
mais aucun ne végète véritablement en sol salant. Pour se rendre
compte de l'exactitude de ce fait, il serait bon de faire une enquête
qui ferait connaître quelles sont les plantes qui l'accompagnent habi-
tuellement. Cette flore permettrait de le cultiver chez nous dans des
conditions analogues.
M. le Secrétaire présente des haricots noirs du Mexique et donne
quelques détails sur la façon de les apprêter dans son pays d'o-
ligine.
M. Hédiard dit que cette variété est excellente ; elle est naine et
son parchemin est très fort. Ce Haricot n'a pas l'inconvénient de
noircir les sauces comme le noir de Belgique.
Le Secrétaire,
Jules Grisard.
COMPTES RENDUS DES SEANCES DES SECTIONS. W
2e SECTION (OISEAUX).
SÉANCE DU 14 MARS 1893.
PRÉSIDENCE DE M. MAGAUD d'aUBUSSON, PRÉSIDENT.
M. Fallou demande si M. Mathias a déposé son rapport sur la pro-
tection à accorder aux oiseaux.
Ce rapport n'a pas été encore déposé.
M. le Président, dans le cours d'un voyage scientifique qu'il a fîiit
cet hiver sur les côtes françaises de la Méditerranée, a remarqué sur
les marchés d'Hyères, d'Antibes, de Nice et de Menton une grande
quantité de Traquets motteux (Saxicola œnanthe). Ces oiseaux très gras
vers la fin de l'été oui, en effet, une chair exquise, et lorsqu'ils émigrent
ou ne manque pas de les comprendre, avec d'autres espèces du même
groupe, telles que le Traquet slapazin [Saxicola stapazina) et le Traquet
oreillard {Saxicola aurita], dans les hécatombes que l'on fait dans le
midi de la France de presque tous les petits oiseaux. Le Stapazin et
l'Oreillard, ce dernier surtout, se rencontrent moins commune'ment.
Mais le Motteux, à son double passage au printemps et à l'automne,
est excessivement abondant sur les côtes de la Méditerranée oîi on en
fait des massacres d'autant plus regrettables que cet oiseau détruit un
grand nombre de larves, de chenilles, de petits coléoptères dangereux.
M. Magaud d'Aubusson prend occasion delà constatation qu'il vient
d'indiquer pour signaler les services e'minents que rendent les oiseaux
des genres Traquet et Tarier, et les recommander tout spécialement à
l'attention des agriculteurs et des personnes qui s'intéressent à la pro-
tection si désirable et si nécessaire des oiseaux.
Tous les Traquets, en effet, sont presque exclusivement insectivores
ot dans certaines circonstances baccivores. Mais c'est l'insecte qui do-
mine dans leur alimentation : coléoptères, sauterelles, mouches, larves,
chenilles, papillons, etc., qu'ils saisissent à la course ou en volant.
Ces oiseaux se recommandent encore par leur plumage dont les cou-
leurs et leur distribution sont assez heureuses et par leur chaut dont
la simplicité n'exclut pasl'agre'ment, etqui est même rempli de charme
et de me'lodie chez plusieurs espèces. Ils y joignent, surtout les Ta-
riers, un grand talent d'imitation, reproduisant avec habileté le chant
des autres oiseaux qui vivent dans leur voisinage, fauvettes, pinsons,
bouvreuils, etc.
Par contre, les Traquets sont farouches, sauvages et querelleurs. Ils
sont d'humeur peu sociable, et, s'ils se re'unissent par troupes vers la
fin de l'été pour émigrer, le lien qui les unit n'est pas fort étroit, et on
les voit toujours dispersés dans un assez grand espace. Dans la belle
saison si deux couples s'établissent près l'un de l'autre, ce sont entre
eux des querelles continuelles.
328
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
Les Traquets nichent à terre, au pied des arbrisseaux ou des plantes
touffues, au milieu des herbes ou des amas de pierre, dans le sable et
quelquefois dans des creux de rochers ou des trous de murailles.
Ces oiseaux ne supportent pas la captivité. Au bout de quelques
jours, ils deviennent tristes et meurent à moins que, dans un transport de
sauvagerie et de désespoir d'avoir perdu la liberté, ils ne se brisent la
tête contre les barreaux de leur cage. On a vu cependant, dit-on, des
Tariers vulgaires {Pratincola rubetra)^ vivre plusieurs années en cage
et chanter. M. Magaud d'Aubusson ne se porte pas garant de l'exacti-
tude parfaite de ces assertions ; dans tous les cas, il considère ces faits
comme devant être fort rares, s'ils sont vrais.
Les Traquets vivent dans les lieux incultes, pierreux, sur les mon-
tagnes arides, d'où ils descendent, vers la fin de l'été, dans les terres
labourées. Ils aiment à se percher sur des points culminants, plante
éleve'e, branche nue de buisson ou d'arbuste, pierre, motte de terre,
aspérité bien saillante d'un rocher.
Leur vol est court, bas et filé.
Les Tariers diffèrent un peu des Traquets proprement dits par les
mœurs. Aux pays arides, ils préfèrent les plaines cultivées, les prairies
et les pâturages. Comme les Traquets, ils aiment à se percher sur les
cimes des arbustes et des plantes herbacées. Leur chair est moins
estimée.
Après avoir donne' ces renseignements généraux sur ce groupe im-
portant d'insectivores, M. Magaud d'Aubusson soumet à la section des
exemplaires de différentes espèces de Traquets européens et exotiques
rapportes par lui de ses voyages.
1° Le Traquet motteux, espèce bien connue dans nos campagnes,
oiseau vif et agile, toujours en mouvement, insociable et prudent, que
l'on voit dans les champs sur une pierre ou une motte, le corps droit,
hochant sans cesse la queue ou sautillant sur le sol avec rapidité.
2° Une espèce très voisine rapportée de l'Afrique orientale, le Tra-
qaet sauteur iSaxicola saUatrixK
2P Le Traquet Stapazin, au plumage roux et à la gorge noire, assez
répandu dans le Midi de la France.
4*^ Le Traquet oreillard, roussâtre avec les côtés de la tête d'un noir
profond; jolie espèce que l'on rencontre également dans le Midi de la
France, mais en moins grand nombre que l'espèce pre'ce'dente.
5*^ Le Traquet leucoméle [Saxtcola leucomela), qui habite l'Europe
orientale et l'Asie occidentale.
6° Le Traquet deuil (Haxicola /«^e«s), forme africaine de l'espèce pré-
ce'denle, dont elle ne paraît se distinguer que par une taille plus forte
et la couleur plus rousse des sous-caudales. Rapporte' d'Egypte. Très
abondant aux environs du Caire.
"7° Le Traquet rieur [Saxtcola leucura). Celte belle espèce, noire avec
le croupion et une partie de la queue blancs, vit sur les montagnes nue^
COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS. 329
et rocailleuses. On le trouve dans le Midi de la France où il est séden-
taire, sur les Pyre'nées, les hautes et basses Alpes. Les exemplaires
pre'sente's ont e'té rapportés d'Afrique.
8° Le Traquet à calotte blanche {Saxixola leucopigia), très belle espèce
noire à reflets violace's, avec la tête et la queue blanches. Rapportée
d'Egypte. Vit très solitairement dans les rochers les plus arides de la
chaîne lybique, sur les parois e'ieve'es des ouadis. Farouche, difficile à
approcher, peu commune dans les ouadis des massifs du Mokattam et
de Thoura, où ont e'té tués les exemplaires présentés. Plus commune
dans la Haute-Egypte, la Nubie et surtout l'Abyssinie. Détruit les
sauterelles.
9° Le Traquet moine [Saxicola Monacha). Rapporte' de la Ilaute-
Égypte. Espèce de taille assez forte. Très farouche. De'truit les saute-
relles.
10" Le Tarier vulgaire {Pratmcola rubetra), commun en France.
Mange des sauterelles, des larves, des chenilles, des mouches, de petits
coléoptères.
11° Tarier rubicole {Pratùicola rubicola). Mœurs et genre de nourri-
ture du précédent. Commun surtout dans le Midi de la France, comme
le Tarier vulgaire est plus abondant dans le Nord.
M. Decaux donne des de'tails sur la position du nid du Tarier vul-
gaire, place' souvent au revers d'un talus, recouvert et presque dissi-
mulé par la mousse.
M. le Président réclame une protection très se'rieuse pour ces
insectivores.
On les prend aux gluaux dans le Midi; à la raquette dans l'Ouest et
le Nord, d'après M. Decaux.
M. Decaux signale la multiplication des Autruches comme un moyen
d'aider à la destruction des sauterelles en Afrique.
L'Étourneau et la Caille de'truisent aussi beaucoup de sauterelles.
M. Decaux recommande aussi le Crapaud qu'il voudrait voir multi-
plier en Algérie. On lui a objecte' le manque d'eau dans certaines loca-
lités, elle est ne'cessaire pour le Têtard. En Algérie, il commence à
pleuvoir vers la fin de décembre, et les mares se conservent jusqu'en
fe'vrier.
M. Mégnin dit que les Romains savaient, en Afrique, recueillir l'eau
par des travaux dont les traces existent encore. Il serait question de
refaire les e'tangs des Romains.
M. Decroix dit que, dans les provinces d'Oran et de Constanliue, il
existe de nombreux vestiges de ces travaux.
xM. Decaux dit que l'Alouette est très friande d'œufs de sauterelles
et de jeunes larves de criquets. La Caille, do son côte', eu de'truit des
quantités.
M. Fallou constate la diminution croissante des oiseaux insectivores,
et cependant leur concours est indispensaiilc. Notre collègue présente
330 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
une boîte contenant les débris des Hannetons détruits dans son jardin
par un couple de Fauvettes à tête noire et un couple de Me'sanges.
M. Cretté de Palluel fait remarquer que l'on de'truit surtout les petits
oiseaux dans les pays où manque le gibier. Le meilleur moyen de pro-
téger les insectivores serait de repeupler la France en Perdrix, en
Faisans et en Lièvres. Chasser est pour l'homme une sorte de besoin ;
lorsqu'il ne peut pas tirer sur des perdrix ou des faisans, il tire sur
des traquets et des rouges-gorges. On commence, du reste, à s'occuper
en grand de la culture du gibier pour re'pandre dans les chasses.
M. Decaux fait observer que la méthode employée pour les assole-
ments et l'usage des prairies artificielles ont porté un coup terrible au
gibier plume.
M. Fallou fait remarquer que Ton abat maintenant beaucoup plus
souvent qu'autrefois tout arbre où l'on reconnaît un trou. C'est e'ioi-
gner un grand nombre d'oiseaux insectivores qui nichent dans les
trous des arbres.
On peut y supple'er au moyen de nids artificiels. M. Decaux en a
fait l'expe'rience pour les Étourneaux auxquels il a oSert des espèces de
boîtes placées au faîte de peupliers, et ils les ont adoptées très facile-
ment. En Allemagne, du reste, ce moyen est employé depuis longtemps
et a parfaitement réussi.
M. Decaux signale le Coucou comme un grand destructeur de che-
nilles velues. M. le Président observe qu'il a disséqué des Coucous
dont l'estomac était comme feutré T^av l'agglome'ration de ces poils .sur
les parois.
M. le Pre'sident termine la se'ance en signalant le fait suivant qu'il a
lu dans une revue : Un lieutenant de l'armée russe serait parvenu ù
dresser des Faucons pour porter des de'pêches. Cette éducation lui pa-
raît si difficile lorsqu'on connaît les mœurs et les habitudes du Faucon,
qu'il considère comme très inte'ressant de se renseigner sur le mode de
dressage auprès de l'officier russe qui en est l'inventeur et dont on a
cité le nom : M. Smoïlotf. Ce fait, dans tous les cas, doit bien sur-
prendre toutes les personnes qui se sont occupées de fauconnerie.
Pour le Secrétaire,
I. JONQUOY.
IV. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS.
Chevaux australiens et hongrois aux Indes orientales.
— Le consul gênerai d'Autriche-Hongrie à Bombay signale dans son
rapport de 1892 la nécessite d'introduire le Cheval hongrois aux Indes.
On y reçoit des Chevaux d'Australie, de Perse et d'Arabie. Jusqu'ici
ces deux derniers pays avaient le monopole, car les riches propriétaires
de l'Inde emploient uniquement des betes de sang arabe pour leurs
montures et leurs attelages. Depuis quelque temps, l'Australie expédie
ses Chevaux pour les besoins de l'armée, des tramways, etc. ; des
navires d'une construction particulière en amènent jusqu'à 500 ou GOO
par voyage. Ces animaux sont bien plus forts que le petit Cheval arabe
et coiitent moins cher ; aux Indes, on les paye environ 600 roupies par
tête (1,400 francs).
Mais on constate que le Cheval australien est difficile à gouverner ;
en outre, il supporte mal le climat. La compagnie des tramways de
Bombay s'en sert ; elle doit souvent interrompre son service pendant
l'été, entre onze et quatre heures ; malgré leurs harnachements spé-
ciaux, les Chevaux tomberaient d'apoplexie. Il paraît certain que le
Cheval hongrois remplacerait avantageusement l'australien.
{Fremden Blatt.) De S.
Création d'un parc à Gerfs à Genève. — On s'occupe actuelle-
ment d'installer un parc pour les Cerfs, Daims |et Chamois dans le
domaine Revilliod prés de Genève. 11 leur offrira un pavillon rustique
demi-circulaire d'où rayonneront cinq enclos. Dans l'enclos des Cha-
mois on installera une rocaille, une pièce d'eau, etc.. Cette création
est due à l'initiative de l'Association des intérêts de Genève.
DeB.
Les poulaillers ambulants. — Les fermiers ne laissent pas
volontiers leurs Poules sortir de la basse-cour, sous prétexte qu'elles
font du mal dans les jardins, en y picorant les débris de plantes, les
graines ou les insectes dont elles se nourrissent. Dans la plupart des
cas, ils ont raison.
Cependant, si l'on examine, au mois de mai, les champs et les
prés, on y remarquera une quantité prodigieuse de vers, d'insectes,
de chenilles; un aussi grand nombre vit sous terre, souvent à une
faible profondeur. A l'époque des récoltes, on constatera que beau-
coup de grains et de graines, de mauvaises herbes restent sur les
champs. Enfin, plus tard, si l'on suit le labourage, on verra que la
charrue met à de'couvert une foule de vers et larves rampantes. Tous
ces animaux sont les fléaux de l'agriculture. On a songe' à en tirer
profit pour l'élevage des volailles. D'abord, il paraissait nécessaire de
332 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
les élever sur les champs mêmes. Autrement, les Poules, que l'on y
transporterait en char, le matin, ne se laisseraient pas facilement
saisir dans la soirée. En les poursuivant, on risquerait de les effrayer ;
cela nuirait h leurs fonctions de pondeuse et à leur chair. En outre,
ces déplacements seraient trop compliqués.
Un propriétaire de Neuhans, M. Schirmer, s'est avisé d'un autre
moyen. Il s'est procuré une ancienne voiture de poste, qui servait au
transport des paquets. Il l'a transformée en poste à Poules. Des quatre
Poules couveuses qui y furent installées, il obtint bientôt une cin-
quantaine de poussins. — Il y a avantage à ce qu'ils soient à peu
près du même âge. Ces Poussins restèrent, les premiers jours, dans
la voiture où on les nourrissait. Ensuite, on disposa, près de la porte,
un plancher oblique pour faciliter leurs alle'es et venues.
Au bout d'une semaine, les Poulets furent habitués à leur nouveau
poulailler ; on emmena la voiture d'abord dans un pacage, puis, dans
un champ de Trèfle où elle y resta. L'expérience réussissait, car les
oiseaux semblaient s'y plaire et prospéraient. Quelques Corneilles en-
levaient avec audace la provende qu'on distribuait aux volailles ; on
s'en aperçut è temps et l'on y reme'dia. Il n'est pas nécessaire de l'aire
couver toutes les Poules dans le char; quand quelques-unes sont ha-
bitue'es à y rentrer re'gulièrement, on pourra leur en adjoindre d'autres
qui les suivront ; la bande ne se dispersera pas.
Jusqu'au moment des rc'colles, on conduisit la « posie ù Poules »
dans les champs de Trèfle et de Luzerne, de Pommes de terre ou de
Raves. Les volailles cherchaient leur nourriture ; vers le soir, on ré-
pandait quelques grains dans le char pour les y attirer. En cas de
mauvais temps, on en introduisait une certaine provision.
Quand on commença les récoltes, la « poste à Poules » fut mene'e
sur les chaumes où la pûture était abondante. Au moment des la-
bours, les Poules suivaient la charrue et prenaient les graines, les
Vers et les Insectes qu'elles découvraient. On les y laissa en plein air
jusqu'en novembre; elles rentrèrent à la basse-cour, fortifiées et
en parfaite santé'. On dut alors les habituer peu à peu au poulailler
ordinaire, autrement elles se fussent cachées dans tous les coins.
On les garda dans une l'table chauffée ; elles commencèrent bientôt
à pondre.
En suivant cette me'thode, notre éleveur de Neuhans engraissa des
chapons qu'il vendit à des prix élevés. Les connaisseurs trouvèrent
que leur chair possédait plus de fumet que celle de la volaille de
basse-cour et rappelait le goût du gibier.
M. Schirmer fît d'abord ses essais sur un petit nombre, comme nous
venons de le voir. La construction de son char est simple : on ame'-
nage une porte sur l'un des grands côte's du poulailler; l'autre côte',
que l'on recouvre pour empêcher la violence du courant d'air, possède
des ouvertures de dix centimètres. Le toit est formé de toile imper-
CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVEUS. 333
méable. On place des perchoirs dans l'iulérieur. Cent à cent vingt
Poules peuvent être là renfermées. Notre éleveur se propose, l'an
prochain, d'ajouter un e'tage à sa « poste à Poules », qui pourra con-
tenir plus de 200 volailles, et de construire deux autres vi^agons
semblables. Une personne suffira pour surveiller ses 600 Poules.
Pendant la saison dernière, ces Poules ont rendu des services dans
les champs, en éliminant surtout un grand nombre de Chenilles grises
et de Coléoptères fossoyeurs. Enfin, derrière la charrue, elles recher-
chaient avec avidité les larves de Hanneton (Vers blancs) et toute sorte
d'insectes. De S.
Sans vouloir diminuer en rien le mérite de M. Schirmer, nous rap-
pellerons que, dès 1867, notre confrère M. Giot préconisait déjà l'em-
ploi des Poules pour la destruction des insectes en plein champ. Nos
lecteurs trouveront, à cette date, dans le Bulletin de la Socie'té, p. 42,
une note sur Le Poulailler roulant, avec figure. {Rédaction.)
Produits accessoires du Houx. — Les feuilles de Houx, inu-
sitées aujourd'hui en médecine, ont e'te pre'conisëes pendant longtemps
comme remède dans un grand nombre de maladies. Plusieurs prati-
ciens, entre autres le D"" Rousseau, ont tente' leur réhabilitation comme
agent thérapeutique et, après de nombreuses expériences faites dans
les hôpitaux, n'ont pas hésité à leur attribuer des propriétés antifébriles
égales et même supérieures à celles du Quinquina.
D'après l'analyse de Lassaigne, ces feuilles se composent chimique-
ment de cire, de gomme, de chlorophylle, de sels minéraux et d'une
substance amère, neutre. M. Deleschamps a donné le nom d'Ilicine à
une matière cristalline, d'un jaune brunâtre et d'une saveur très
amère, qui a été recommandée comme un médicament très puissant
contre les fièvres intermittentes. Toutefois, d'après quelques auteurs,
l'ilicine ne constituerait qu'une partie du principe actif. La matière
colorante ou Iloxanthine a été extraite par Moldenhanes sous forme
de cristaux aciculaires, d'un jaune très pâle, inodores et insipides,
teignant en jaune les étoffes mordancées aux sels de fer et à l'alu-
mine.
Dans quelques campagnes de l'Allemagne, les feuilles de Houx
sont séchées au soleil et employées comme succédané du thé
chinois.
On retire de la partie intérieure de la tige, au moyen de la tritura-
tion et de la décoction concentrée, une substance particulière connue
sous le nom de Glu. Cette matière se trouve dans le commerce sous
forme d'une masse pâteuse, d'un gris verdâtro, visqueuse, collante,
filante et d'une ténacité proverbiale. Sa saveur est amère et son
odeur rappelle un peu celle de l'huile de lin. L'air la dessèche un peu
et lui donne une couleur brune. La Glu est insoluble dans l'eau.
334 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
mais elle se dissout dans l'etber et les alcalis; les acides la ramollis-
sent et la dissolvent partiellement. Ce produit singulier, connu de
tous les temps et chez tous les peuples, uc semble jamais avoir eu
d'autre application que celle que nous lui connaissons tous, c'est-à-
dire de prendre des oiseaux au moj-en de petites baguettes enduites
de cette substance.
Le Japon est un des pays où la fabrication de la Glu [Mochi des
Japonais) se pratique sur une grande e'cbelle et constitue un article
important de trafic. Les moyens rae'caniques de fabrication employe's
par les Japonais pour l'extraction de cette substance, lui donnent une
supériorité incontestable sur celle que l'on pre'pare en Europe par les
procéde's ordinaires de décomposition. La meilleure qualité' est blan-
châtre, exempte d'écorce, très visqueuse et d'une consistance granu-
leuse ; elle conserve toutes ses propriétés pendant plusieurs années.
Le marché principal de ce produit est Osaka, qui le reçoit surtout des
provinces de Yamoto, Kii, Tosa et Awa. Les Japonais font grand
usage de la Glu, non seulement pour capturer de petits oiseaux, mais
encore pour saisir les Rats, les Mouches, les Moustiques, etc., ainsi
que pour chasser les Canards sauvages et autres oiseaux aquatiques.
Suivant M. IL Dupont, les médecins l'emploient également contre les
maux d'yeux, les douleurs d'entrailles, pour panser les contusions,
les blessures et pour fabriquer des sortes d'emplâtres.
Les fruits sont de petites baies rouges, inodores, mais d'une saveur
acre, composées d'acides organiques, de sucre et de pectine ; on les
regarde comme un purgatif violent. Les graines séchées et torre'fiées
ont été' essaye'es, avec quelque succès, dit-on, comme succédané du
Café' pendant les guerres de l'Empire, époque à laquelle cette pré-
cieuse rubiace'e était devenue rare et très chère. J. G.
Colonie allemande de Cameroun. — On cultive partout, dans
cette colonie, le Caoutchouc. C'est le plant du Brésil que l'on a adopté,
et qui a l'air de bien réussir.
Le Bois d'ébéne pousse surtout dans le haut Mango. Le commerce
se montre très satisfait des bois exportés, qui se vendent bien et à de
bons prix.
Le Cacao vient bien dans les montagnes et est très estimé. Il est
tant soit peu ferrugineux. Bon nombre de nègres se livrent à cette cul-
ture et leurs plantations ont bonne apparence.
Les essais de Café Libéria ont donné de bons résultats dans le dis-
trict Victoria. On essaie aussi le Café arabe ; à la fin de cette anne'eon
en aura la première récolte. Dans les montagnes du Cameroun on trouve
plusieurs sortes de Cafés sauvages. Ces montagnes, avec leur couche
profonde d'humus, de terre volcanique, ont indubitablement un grand
avenir pour cette culture.
Pour la culture du Tabac on n'est pas encore tîxé. Les expériences
CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 535
faites n'ont pas été très satisfaisantes, mais il faut dire qu'aucun des
planteurs du Cameroun ne connaît cette culture.
Le gouvernement continue ses essais de toutes sortes au Jardin bo-
tanique de Victoria, qui a e'té agrandi considérablement eu 1892. Ou
y cultive les plantes tropicales de toutes sortes et surtout le Café, le
Cacao et la Gomme.
La culture de la Vanille n'est pas non plus perdue de vue au Came-
roun. Les plants de février dernier ont en quelques endroits déjà
5 pieds de haut.
Prochainement, nous donnerons des renseignements sur les cultures
des possessions allemandes dans l'Afrique orientale où les plantations
marchent également avec une grande activité'. M. d'D.
Floraison du « Victoria regia » à Vienne. — Les visiteurs
affluent dans le beau parc de Schônbrunn, près de Vienne, pour con-
templer un fait inte'ressant.
Le 9 novembre dernier, le Victoria regia e'talait sa seconde fleur ;
une troisième s'ouvrira prochainement.
On a renverse' l'une des onze feuilles qui ornent cette plante pour
montrer mieux la remarquable structure de sa face infe'rieure. Le ren-
flement de ses nervures atteint deux pouces d'e'paisseur et donne à la
feuille une résistance extraordinaire. Avec la plus grande, on vient de
renouveler l'expérience en la chargeant de briques d'un poids total de
32 kilos. Ce ne fut qu'au 33° kilo que la feuille commença à céder
dans sou milieu.
On sait que le Victoria royal appartient au groupe des Nymphe'acées.
Il est originaire des grands fleuves du Brésil et de la Guyane. Ses
graines nourrissantes sont connues sous le nom de Mais d'eau. G.
Fibres de Sida. — Ces fibres sont à la fois plus fines et plus
fortes que celle du Jute, et conviennent par conséquent pour des fabri-
cations plus fines. Cette matière mérite l'attention des filaleurs de
chanvre. On peut cultiver le Sida avec succès là où la culture du Jute
est impossible. EUere'ussirait surtout dans le sud de l'Inde ou de l'Indo-
Chine plutôt que dans les contrées humides du Bengale. Il paraît qu'il
eu existe cinq espèces, mais les expériences ont porte jusqu'à présent
exclusivement sur la varie'té Sida rhomboldea. Le major Ilannay de
l'Assam fut le premier qui, en 1853, fixa l'attention du commerce sur
cette plante et il est étonnant que, malgré les nombreux avis favorables
relatifs au Sida, on n'ait fait jusqu'à présent aucune tentative pour le
cultiver sur une vaste échelle. La culture n'est pas difficile et sa valeur
commerciale paraît être très grande.
Une des causes qui ont fait négliger cette culture est que, peu après
la découverte du major Ilannay, l'attention des fabricants à Calcutta
fut attire'e sur la fabrication du Jute eu concurrence avec Dunda, de
336
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
sorte que pendant quarante ans le Sida fut oublié. En 1880, le gouver-
nement de Bengale envoya de nouveau à la Société d'agriculture des
Indes des e'chantillons de Sida qu'il avait reçus de Balibar. M. Cogs-
well, homme pratique très compe'tent, fit sur cet article deux rapports
très favorables. La fibre, dit-il, a une nuance très claire et brillante,
elle est forte, fine et ronde et se laisse admirablement filer. Comparée
au Jute, elle est relativement riche en celluloïd. Le D"" Wort parle
également du Sida et en fait un grand éloge. La plante pousse à l'e'tat
sauvage dans le district de Nellore (Indes). On pourrait la cultiver à
peu de frais. M. d'E.
Utilité de deux Palmiers américains {Chamœrops Palmetto
MiCHX. et Ortodoxa oleracea Mart.). — Le bois du Palmetto est re-
cherché depuis longtemps dans les constructions, vu sa grande résis-
tance contre les attaques des Tarets. En outre, l'on pre'pare avec ses
fibres textiles du papier végétal. Le Milivanker Hevold annonce qu'on
fabrique maintenant avec les fibres extraites de ses racines des brosses
bonnes surtout pour étriller les chevaux. Une seule machine peut pro-
duire 36,000 brosses par jour. Les feuilles fraîches servent à rem-
bourrer les matelas et les coussins. Cette industrie en a cre'é une
autre. On pave les rues de Jacksonviile [Floride) avec le bois du Pal-
miste. Les feuilles de ces deux arbres servent encore à fabriquer des
e'ventails et des chapeaux de paille, objets très appre'ciés des étrangers
qui séjournent en hiver dans la Floride. Ces produits sont principa-
lement vendus sur le continent. Le reste est exporte' en Angleterre.
De s. .
Des clous dans les arbres. — VAgrïcuUurit de la Floride dit
qu'en enfonçant des clous dans les arbres fruitiers, on prévient ces
arbres et leurs fruits de l'attaque des vers. Le Fruit trade journal, de
New-York, confirme ce fait et ajoute qu'il faut l'attribuer à l'oxy-
dation du fer par le suc de l'arbre qui se développe, de l'ammo-
niaque qui pénétre dans toutes les parties de l'arbre. Il conseille
d'enfoncer une demi-douzaine de clous dans chaque arbre. Le succès
est certain. M. d'E.
Le Gérant : Jules Grisard.'
I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIii,TE.
LES CHIENS DE BERGER
Par m. p. MÉGNIN.
(suite *.)
§ 2. — Les Chiens de berger anglais.
Dans les Iles-Britanniques il y a deux races de Chiens de
berger : le vieux Chien de berger sans queue, et le Chien de
berger écossais, le Colley.
Le vieux Chien de 'berger anglais sans queue. [The old
english bobtaU Sheepdog). — Ce Chien {fig. 12) ressemble un
peu à notre cliien de Brie tout en ayant le poil plus grossier,
plus hirsute et il naît sans queue : une ancienne loi anglaise
exemptait de la taxe tout Chien de berger qui n'avait pas de
queue et on la leur coupait toujours ; par suite de cette muti-
lation pratiquée pendant des siècles, cet organe a disparu et
les chiens de cette race naissent aujourd'hui sans queue.
Jonathan Franklin raconte, dans sa Vie des Animaux, com-
ment on pratiquait autrefois cette opération : quand l'animal
était encore jeune, les bergers extra3'aient avec les dents l'os
qui l'orme la racine de cet appendice !... Le lait est que c'est
un excellent moyen d'éviter les hémorrhagies qui sont inévi-
tablement la conséquence d'une opération semblable laite
avec l'instrument tranchant.
Ce Chien, comme notre Chien de Brie, est d'une sagacité
admirable : il gouverne son troupeau avec un ordi-e parlait,
dit l'auteur que nous venons de citer, il connaît chaque
mouton confié à ses soins ; aussi, lorsque l'ensemble de son
troupeau se trouve démembré par les ventes, il ramène avec
wwii cei'titude imperturbable tout individu qui a (piitté sa
section pour en suivre une autre.
(*) Voyez plus haut, p. 241 et iS'.l,
'2U Avril 18V3. 22
338 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Le Colley {Chien de berger écossais) [fîg. 15) fait depuis
longtemps rornement des expositions canines, et, à cause de
sa beauté, est autant chien de luxe que d'utilité ; il est cepen-
dant tout aussi intelligent que le précédent et susceptible de
rendre les mêmes services.
Les caractères d'un beau Colley sont les suivants, d'après
les points fixés par le CoUie-Club de Londres, fondé en 1885.
Le Colley a le crâne large, plat, et le museau long et effilé,
la mâchoire supérieure dépassant un peu l'inférieure; les
yeux, en forme d'amande, sont très écartés et obliques ; la
peau de la tète est ])ien lisse et les commissures des lèvres ne
sont pas tonibantes. Les oreilles, très petites, rejetées habi-
tuellement en arrière et noyées dans la collerette, se relèvent
à moitié lorsque l'attention du chien est éveillée.
Le cou est fort, musclé et arqué ; les épaules longues, obli-
ques et minces au garrot ; la poitrine profonde, étroite en
avant, mais vaste en arrière. Le dos est horizontal ; les reins
larges et courts, harpes et puissants ; les hanches larges et
un peu avalées. La queue longue, portée basse avec la pointe
relevée.
Les membres sont bien d'aplomb , les paturons un peu
longs et minces, et les doigts bien arqués et secs.
Le pelage est fourni et très épais, à poils aussi longs que
possible surtout à l'encolure où ils doivent faire collerette ;
à la tète et aux pattes le poil est presque ras. Le poil du dos
et des flancs est un peu rude, mais celui du dessous est très
fourré et moelleux. Il forme festons en arrière des avant-bras
et culotte en arrière des cuisses.
Il y a une variété à poil ras qui, quoique moins nombreuse.
a autant de mérite et est aussi appréciée que celle à poils
longs {/ig. i4).
Les couleurs les plus recherchées c'est la robe dlack and
tan, c'est-à-dire noir en dessus et fauve orangé en dessous
aux extrémités et à la face interne des membres, avec du
blanc au poitrail formant quelquefois collier ; la robe sable
and ivhite, c'est-à-dire fauve plus ou moins clair en dessus
et blanche en dessous, est aussi recherchée.
Le Colley a les formes bien symétriques et est assez haut
sur jambe ; il mesure au garrot 22 à 24 pouces (50 à 55 centi-
mètres), ses mouvements sont dégagés et gracieux.
Les défauts à éviter sont : une tète conformée sur le type
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340 REVUE DES SCIEx\CES NATURELLES APPLIQUÉES.
de celle du lévrier qui lui donnerait une physionomie stupide ;
on doit aussi éviter le type du Setter, de grands yeux ronds et
des oreilles longues et pendantes.
Les Collies transportés dans le sud de l'Afrique sont deve-
nus très promptement d'une habileté remarquable à la garde
des Autruches dont on élève de grands troupeaux dans la
colonie du Cap. Les Autruches, terribles pour les animaux
et même pour l'homme pendant la saison de la reproduction,
restent très soumises aux Collies, se réunissent en troupeaux
comme les Moutons et n'essayent jamais de se révolter.
§ 3. — Chiens de berger belges.
Nos voisins de Belgique ont commencé depuis deux ans à
s'occuper sérieusement de leurs Chiens de berger ; un club
s'est formé pour en établir les points caractéristiques et
veiller à leur amélioration en organisant des épreuves sur le
terrain et des expositions.
Pour fixer les caractères des Chiens de berger belges, le
club en question a fait un appel à leurs possesseurs ; 117 su-
jets ont été réunis et examinés ; on a choisi les plus beaux,
et, de l'ensemble des caractères les plus remarquables, des
types ont été établis pour servir à juger tous les autres.
Jusqu'à présent le club du Chien de berger belge admet
qu'il n'existe qu'une race pour la Belgique, race qui com-
prend trois variétés distinctes, par la nature et la longueur
du poil.
Les caractères généraux et spéciaux de la race sont les
•suivants : a'spect général dénotant un animal intelligent soli-
dement bâti, rustique et ayant des aptitudes naturelles pour
la garde des troupeaux et des propriétés.
Conformation : Tète longue à museau pointu, à crâne
large, mais plat, à oreilles petites et droites, à cassure du nez
modérée, à yeux intelligents de couleur brunâtre. Cou cylin-
drique peu allongé. Ligne du dos horizontale large et pui-
sante. Queue (quand elle existe, car elle peut manquer plus
ou moins naturellement ou artiflciellement; basse au repos,
relevée en sabre en action. PoUrinc étroite en avant, mais
profonde. Vciiire à développement moyen. Epaule longue et
oblique. Membres à avant-bras et jambes longs, bien mus-
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342 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
clés et bien d'aplomb. Pied rond en patte de chat. Taille :
53 centimètres en moyenne.
RoT)e très variée : noire, noir mal teint, brun, brun bronzé,
gris sale, jaune terreux, etc.
Poil toujours abondant, serré, formant par ses caractères
trois variétés :
A. Variété à poil long : poil long et lisse sur toute la sur-
face du corps excepté à la tète, à la face externe des oreilles
et à l'extrémité des membres où il est rare ; il est plus long
au cou où il forme collerette ; en arrière des membres où il
forme franges en avant et culottes en arrière, et à la queue
où il constitue un beau panache.
B. Variété à poil dur : le poil n'est plus lisse, mais dur,
ébouriffé et à peu près également demi-long partout, même
à la tête où il forme sourcils, moustache et barbiche comme
chez les Griffons.
C. Variété à poil ras : ici le poil est court partout, cepen-
dant un peu plus long au cou, aux fesses et à la queue.
Nous donnons le portrait d'un type de cette race dessiné
par notre confrère M. Van der Snickt [fig. lo).
§ 4. — Les Chiens de berger 'allemands.
Les Chiens de berger allemands ont été décrits et figurés
par Ludwig Beckmann dans le journal le Himd en janvier
1891 [fig. 16). Une traduction en français de ce travail a paru
dans le journal Chasse et Pêche, de Bruxelles, et c'est d'après
cette traduction que nous allons résumer les caractères du
Chien de berger allemand. Louis Beckmann n'admet, comme
en Belgique, qu'une race de Chien de berger allemand, avec
trois variétés constituées par des différences de longueur et
de nature du poil.
Le Chien de berger allemand a des formes et un caractère
dans le maintien et les allures qui dénotent un croisement
avec le Lévrier ; il a le museau très pointu et le nez saillant
surplombant les lèvres qui sont fines et minces, les oreilles
pointues et droites; la cassure du nez peu prononcée; le front
plat et s'élargissant à la base ; les j-eux plutôt petits et
obliques, mais vifs et expressifs ; cou de longueur moyenne
et arqué ; poitrine étroite en avant mais fortement descen-
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344 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
due ; ventre levreté ; dos horizontal ; reins arqués larges et
puissants ; croupe avalée et courte ; queue descendant au-
dessous du jarret se relevant en sabre dans l'excitation
(quelquefois écourtée, naturellement ou artificiellement) ;
épaules longues et obliques ; membres antérieurs bien
d'aplomb ; cuisses larges, plates ; jambes longues ; jarrets
bien développés ; canons courts ; pieds petits et ronds à sole
dure et à ongles résistants.
Couleur de la rode : noire, gris de 1er, gris- cendré, rousse ;
unicolore ou tachée, sur fond plus clair ou blanc.
Pelage constituant par sa nature et sa longueur trois va-
riétés, comme chez le chien de berger belge : 1" Variété à poil
long ; 2' variété à poil ras, et 3° variété à poil dur. C'est
la riremière variété qui est griffonne, c'est-à-dire dont la
tête est aussi couverte de poils formant d'épais sourcils, des
moustaches et des barbiches ; le poil, qui est soyeux, tombe
de cha {ue côté de la tète et du corps en formant une hgne de
part;^^-e qui s'étend de la tête au bout de la queue. Les pattes
portent an poil assez court presque ras.
La taille du Chien de berger allemand varie considérable-
ment suivant la qualité du terrain : dans les vastes pâturages
incultes se trouvent de plus grands Chiens que dans, les
terres cultivées composées de petites parcelles, où l'on a
ordinairement de petits Chiens vifs et remuants.
§ 5. — Les Chiens de berger russes et hongrois.
Nous connaissons une race de Chien de berger russe par
une note et une gravure communiquées par M. Lang au
Chenil et que nous reproduisons ci-après {fig. 17). Sans
doute, il y a d'autres races dans l'immense empire moscovite.
Celle-ci ressemble à un énorme Chien de Brie :
« Les Chiens de la race Afscharka à laquelle appartient
l'animal représenté dans le numéro de ce jour sont d'une
taille variable. Courageux pour défendre les moutons contre
les Loups et agiles pour diriger les innombrables troupeaux
confiés à leur garde, très intelligents, ces Chiens sont fort
estimés des grands propriétaires fermiers, des contrées
méridionales de la Crimée et de la Bessarabie, etc.
« La robe de l'Afscharka présente différentes nuances :
346 REVUE DES SClEiNCES NATURELLES APPLIQUÉES.
parfois gris bleu, parfois aussi, blanche mélangée de tâches
grises ou fauves. La fourrure est très épaisse et forme des
mèches qui se feutrent si le Chien n'est pas tenu proprement.
Lorsque l'animal est peigné et entretenu avec soin, il est
d'un aspect agréable et son intelligence vive en fait un
précieux compagnon.
« Après avoir vu les Gollies et les Chiens de berger fran-
çais jouir d'une grande vogue parmi les amateurs, peut-être
verrons-nous un jour les Aftscharka bénéficier de la même
laveur. Ce serait justice, car ce sont de beaux animaux, de
précieux auxiliaires pour la garde, d'agréables et fidèles
compagnons. »
ï)'nn autre côté, M. Arthur Zecha, dans le Der Hund du
22 janvier 1885, donne les renseignements suivants sur les
Chiens de berger russes :
« Dans les steppes de la Russie les champs cultivés n'exis-
tent pas, donc il n'est pas besoin de Chiens pour les défendre
contre la dent des troupeaux. Dans ce pays, le devoir du
Cliien de berger consiste à protéger ses brebis contre les loups
et autres bètes sauvages.
» Le Chien de berger russe, connu aussi sous le nom de
Chien d'ours ou pincher russe, est celui qu'on emploie le plus
souvent; on le retrouve quelquefois sous ce dernier nom dans
d'autres parties de l'Europe où il a été introduit récemment.
A l'exposition canine de Vienne de 1884, on a remarqué trois
de ces Chiens, dont un noir, appartenant au prince Rudolf. Il
est probable que ces Chiens descendent du dogue du Thibet
avec lequel ils ont beaucoup de ressemblance. »
Le même auteur donne les renseignements suivants sur le
Chien de berger hongrois :
« Dans son pays il est connu sous le nom de Chien Juliasz
(Chien-berger); il est très grand, couvert de poils laineux, et
aussi courageux que docile. Sans lui, les énormes troupeaux
qui paissent sur les plaines hongroises seraient sans défense
contre les loups encore redoutables dans ce pays.
» Malheur au voyageur qui s'aventure près d'une bergerie,
car il sera inévitablement mis en lambeaux si le berger n'ar-
rive pas à temps pour rappeler son Chien Juhasz ! Ces Chiens
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348 • KKVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
sont la propriété des bergers; il est dans leur intérêt de
veiller à ce qu'ils soient de race pure et de les dresser avec
soin afin de trouver en eux un compagnon fidèle et utile. Un
croisement avec d'autres races serait difficile, presque impos-
sible, vu la vie isolée qu'ils mènent, été comme hiver, sur la
Pursta et l'habitude qu'ils ont de déchirer tout autre Chien
qui les approche.
» Un Chien bien dressé est nécessaire au berger [Judasz],
mais aussi au propriétaire, car un mauvais chien qui effraie
ou qui chasse les animaux inutilement d'un endroit à l'autre,
peut causer de grands malheurs, tandis qu'un bon Chien, qui
comprend bien ses devoirs, doit empêcher les troupeaux de
courir sur les champs cultivés en se promenant de long en
large à côté d'eux, au commandement. Il doit les précéder et
les forcer ainsi à paître lentement ; il doit savoir les rassem-
bler, les chasser devant lui, courant tantôt à droite, tantôt à
gauche ; bref, il doit comprendre chaque parole, chaque signe
de son maître et lui obéir promptement. Deux de ces Chiens
sufllsent pour garder un troupeau de 800 à 1,000 moutons.
» D'autres bergers se servent d'une race de Pincliers
appelés BulU, petits et d'une laideur révoltante; ils surpassent
les Chiens-loups en docilité, mais ils ne sont d'aucune utilité
contre le vol.
» Le Chien-loup est très sauvage avec tout Chien étranger,
même avec ceux de sa race, à la première rencontre; mais
une fois habitués les uns avec les autres, ils deviennent bons
camarades. En 1883, on a vu à Tordo, dans le comitat To-
rontal, un Chien-loup rester trois semaines auprès d'un cama-
rade qu'il venait de perdre. On voit que ces chiens ne man-
quent pas de cœur malgré leur sauvagerie. Ces Chiens sont
nourris de matières exclusivement animales, soit de moutons
morts, soit de chevaux dépouillés et vendus par les bohémiens
pour quelques kreutzers. Il est regrettable qu'on ait si rare-
ment l'occasion de voir la vraie race de ces Chiens dans les
pays occidentaux ; ils étaient très mal représentés à l'Expo-
sition de Vienne de 1884 ; deux de ces Chiens mâles y figu-
raient seuls. Pour finir, je me permettrai de conseiller à
tous ceux qui possèdent une bergerie ou une maison dans
un lieu désert, de se procurer un Chien-loup hongrois. Gardé
par un de ces animaux, le propriétaire peut dormir en
toute tranquillité. »
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350 REVUE LE6 SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
§ 6. — Chiens de berger italiens.
Enfin, pour terminer cette étude sur les Chiens de berger
européens, citons encore les courtes lignes suivantes que
nous lisons dans le' journal italien le Sporto ilustrato du
18 février dernier, et qui constituent tous les renseignements
que nous ayons pu réunir sur les chiens de berger de l'autre
côté des Alpes.
« Nous aussi, en Italie, nous devrions instituer des con-
cours d'épreuve en pleins champs {field-triale) et des exposi-
tions spéciales pour Chiens de berger et de garde, car, comme
notre voisine la France, nous avons aussi de bonnes races ;
entre autres une très belle race que possède Fingénieur
Rossi, de Sondrio, et qu'il appelle Leonherg (c'est-à-dire
Lions de montagne). Ces chiens sont extrêmement fidèles et
gardiens extraordinaires ; ils ont le poil laineux, long, lui-
sant et blanc, et il y en a qui ont le museau et les oreilles
noires. Ils souffrent assez de la chaleur, et un vr^ii bonheur
pour eux, c'est, en hiver, de se rouler dans la neige. »
[La fin au prochain nwnêro.)
LES MERLES METALLIQUES
LAMPROTORNID.E
Par m. FOREST aîné.
Les Merles métalliques, dans diverses contrées de l'Afrique^
remplacent les Étourneaux. Leur limite extrême au Nord se
trouve au Sénégal; l'Afrique orientale possède plusieurs
espèces qui poussent leurs migrations â l'Ouest jusqu'à
l'Atlantique. Les descriptions du Soudan égyptien et de
l'Abyssinie des naturalistes Brelim, Heuglin, d'Arnaud, etc.,
établissent que ces oiseaux s'y trouvent en petites compa-
gnies, jusqu'à une altitude de 1,300 mètres; Le Vaillant les
trouvait au Cap de Bonne-Espérance par bandes de trois à
quatre mille individus, notamment le Lumpr^oiornis bicolor
et L. pJiocnicopterus.
Quelque srenseignements pris auprès de M. de Rochebrune,
assistant au Muséum, me permettent de confirmer les ob-
servations du naturaliste allemand Hartret (I), sur le carac-
tère sénégalien très caractérisé de la faune ornithologique du
pays Haoussas. Il trouva, en particulier, nombre d'oiseaux
du nord-est africain, entre autres le LamprocoUus chvyso-
r/aster.M Dybowski a rencontré des Merles métalliques dans
tout son parcours vers le Ghari.
Cette famille a les mœurs des Sturnidés, ils ont le croas-
sement des Corbeaux, d'une clef qui grince dans une serrure.
D'habitude, ces oiseaux vivent sur le sol, tout à fait à la
façon des Pies, et les espèces à queue longue, portent à
terre, comme les Pies, leur superbe queue métallique relevée;
perchés, la queue est rabattue. Ils nichent dans les trous
d'arbre ou dans les ravins des terres éboulées, et suivent les
troupeaux pour chercher leur nourriture dans les excréments
(1) Membre de la mission Staudinj^er portant les présents de l'empereur d'Aï-
lemaf^ne au schérif de Sokol«>-, qui »v»ient été promis par les explorateurs
Rohlfs et Flégel.
3o2 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
des bestiaux. Outre les vers qu'ils y cherchent, ils se nour-
rissent de fruits, de graines, d'insectes, de petits mollusques,
exceptionnellement de charogne; ils sont très friands de
larves et de sauterelles, et se posent sur le dos des bœufs et
des quadrupèdes sauvages pour manger les poux et les taons ;
ils recherchent avec avidité toutes sortes de baies dont une,
entre autres, appelée par les Hottentots Goirée, très commune
vers la rivière Gamtoos, ce qui, probablement, y attire ces
oiseaux en si grande quantité (Le Vaillant).
Toutes les espèces ont un plumage brillant et superbe qui
est cause d'une nombreuse destruction de ces oiseaux recher-
chés pour l'ornement des chapeaux de nos élégantes. En 1865,
les premiers Merles métalliques vivants furent apportés en
Europe; depuis cette époque ils figurent assez régulièrement
dans divers jardins zoologiques. Il nous paraît que ces
Oiseaux, particulièrement favorisés par la nature, pourraient
avantageusement enrichir la faune ornithologique algérienne,
si pauvre, d'ailleurs, sous le rapport utilitaire et économique.
Leur acclimatation n'offre pas de difficultés particulières,
puisque les altitudes élevées de l'Abyssinie leur conviennent.
Nous croyons que ces oiseaux pourraient trouver en Algérie
les divers climats qu'ils recherchent et qui sont ceux de leur
patrie. Pendant l'été, les parties boisées de l'Atlas et de
l'Aourès, sur les hauts-plateaux et le littoral, leur convien-
draient fort bien ; pendant la saison froide ils se réfugieront
dans les parties abritées des montagnes et dans les oasis,
dont ils augmenteraient le charme et les attraits.
Leur.s migrations sous l'Equateur, de l'Est à l'Ouest, se pro-
duisent de Juillet à Septembre, époque à laquelle on les trouve
en Guinée et au Congo.
Leur importation en Algérie serait facilitée par les services
de navigation régulière entre la côte occidentale d'Afrique et
Marseille : pendant la traversée en mer, le régime en capti-
vité leur convenant, pour éviter le déchet de route, serait :
eau douce à discrétion, œufs de fourmis mêlés à des raisins
secs, figues coupées menu, et même de la viande cuite ha-
chée menu.
En maintenant une grande propreté dans leurs cages, il est
permis de croire au succès de l'entreprise pleine d'avenir, car
n'oublions pas que la dépouille d'un Lamprotornis a une va-
leur qui n'est pas à dédaigner.
LES MERLES MÉTALLIQUES. 353
Nous décrirons sommairement cinq yariétés bien remar-
quables :
1° Le Juida cuivré [Lamprotornis œneus), PI. VII, B.
(lu Bocage. — Ce superbe oiseau se trouve dans l'Afrique
équatoriale. Heugiin a trouvé le Juida jusqu'à l'altitude de
1,300 mètres au-dessus du niveau de la mer (15 déc. 1852,
rivière Rahad, Abyssinie). Cette variété se distingue par sa
longue queue métallique en écran, semblable à celle de nos
Pies, dont il a les mêmes mouvements. Les planches coloriées
de Brelim et de B. du Bocage sont très réussies et donnent
bien l'aspect de cet oiseau et des suivants.
2° Le Merle du Gabon [Lamprotornis superdus). — Cet
oiseau est de la taille et de la forme d'un Merle de nos con-
trées. Son plumage est le plus richement coloré de toute la
famille. Il est très commun dans l'Abj^ssinie et près du Nil
Blanc. Il vient en septembre au Congo et en Sénégambie.
3° Le Merle vert {Lamprocolius acuticaudics), PL YI,
B. du Bocage. — Cette espèce habite l'Afrique centrale depuis
l'Abyssinie jusqu'en Sénégambie ; c'est l'espèce la plus com-
mune, le vert-bronze et bleu- acier sont les dominants de
son coloris. Il est de passage au Sénégal après l'hivernage.
4° Le Spréo bicolor [Lamprotornis chrysog aster). — Les
oiseaux de cette espèce sont très communs au Cap de Bonne-
Espérance et dans toute la colonie où ils sont connus sous le
nom deWUgat-Spremv. On les trouve toujours à terre parmi
les troupeaux. Ils volent en troupes quelquefois de plus de
trois à quatre mille individus, et nichent sur les habitations,
dans les trous d'un mur ou sous les toits, entre les poutres, et
souvent dans les granges ; dans les déserts ils placent leurs
nids dans des trous en terre, avec les Martinets et les Guê-
piers, ou dans des trous d'arbres, comme les Pies. Dans le
temps de la maturité du raisin, ils font beaucoup de dégâts
dans les vignes; ils sont très délicats à manger dans cette
saison. Le ramage du Spréo ressemble à celui de notre Etour-
neau. (Le Vaillant.)
ô" Le Merle Évêque [Pholidanges leucogaslrr). — Se
distingue des divers Merles métalliques par son plumage d'un
violet pourpre à redets bleu d'acier, les plumes de la base du
20 Avril 1893. 23
354 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
COU, du dos et du croupion, marquées près de l'extrémité d'une
taclie transversale bleue et terminées de violet-pourpre, poi-
trine et abdomen blancs. Chez la femelle, les plumes des par-
ties supérieures sont brunes bordées de roux pâle. Le jeune
en premier plumage ressemble à la femelle. C'est sur le dos,
le croupion et les ailes que commencent à se montrer les pre-
mières plumes d'un violet pourpre du plumage parfait.
Ce superbe oiseau habite le centre de l'Afrique et atteint
dans ses migrations l'Ouest de l'Arabie. Il est répandu dans
les forêts arrosées de; cours deau, les bois clairsemés des
steppes et les plateaux des montagnes où il niche dans les
rochers; dans la plaine il niche dans les buissons touffus. Le
Congo possède une espèce différant légèrement, le PhoUdauges
Verreauxii : on le trouve dans les possessions portugaises
d'Angola, dans l'intérieur de Benguella et sur les bords du
Cunène. Andersson et Chapman la rencontrèrent dans le pays
des Damaras et dans la région des Lacs. Au Nord du Zaïre,
MM. Falkenstein (1) et Lucan l'ont recueillie à Landana Chin-
chonxo, sur la côte de Loango. Brehm a observé la Merle
Évêque en Abyssinie, sur les montagnes de Habesch, à l'alti-
tude de 3,500 mètres au-dessus du niveau de la mer; il y niche
en juin-juillet. Il le rencontra généralement par famille de
six à vingt individus et, après l'époque de la pariade, en nom-
breuses bandes. Les deux PJwlidauges leucogasger et Ver-
reauxii ont été trouvés à Rustenberg (Transvaal) par Th.
Ayres (Ibis (5), vol. 4, p. 282, 298). Le Ph. Verreauxii se
trouve en mai le long de la rivière Gambie et disparaît en
juin, se retire alors à l'Est jusque Natal. Cet oiseau a les
mœurs et se nourrit comme les Lamprotornidés,
(1) Loango Expédition D' Falkenstein,
LES TRAVAUX
DE
NOS LABORATOIRES DE L'AUDE '''
Par m. Amédée BERTHOULE,
Secrétaire général.
Avant d'exposer la situation actuelle de nos laboratoires
de l'Aude, que j'ai eu l'occasion de visiter, en janvier der-
nier, il n'est peut-être pas hors de propos de faire un rapide
retour en arrière, en nous reportant à la dernière commu-
nication dont ils ont fait l'objet en séance générale.
Vers le milieu de l'hiver 1891, nous avions eu, s'il vous en
souvient, la bonne fortune de recevoir, dans les conditions
les plus favorables, un envoi de près de 100,000 œufs de
Salmo Quinnat. C'était un nouveau don de la Commission
fédérale des États-Unis, envers laquelle nous avons contracté
une très ancienne dette de reconnaissance. L'expédition avait
été entourée de tels soins, la traversée fut si heureuse, qu'à
l'arrivée, les pertes subies, pendant le long voyage de l'ouest
Amérique en France, étaient absolument insigniliantes et ne
s'élevaient pas au delà de5à6 7„, ce qui ne s'était encore
jamais produit. Les éclosions se poursuivirent également
bien, sans mortalité anormale ; les alevins se montrèrent
vigoureux, et au bout de quelques semaines, nos laboratoires
étaient peuplés d'une colonie très nombreuse, alerte et
pleine de santé. Outre les derniers venus, on y comptait
plusieurs centaines d'individus des deux générations précé-
dentes, conservés en vue de la reproduction artificielle qu'on
pouvait en attendre.
Entre temps, les laboratoires avaient été dotés d'un complé-
ment de matériel ami)lement suffisant pour faire face dans
l'avenir à des incubations si importantes qu'elles fussent.
D'autre part, en même temps qu'on donnait aux jeunes tous
M) Compte rendu sténographique d'une communication faite en séance géné-
rale le 3 mars 18'J3.
356 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
les soins désirables, le service des Ponts et chaussées s'occu-
pait d'assurer le libre passage du poisson sur tout le cours du
fleuve.
L'Aude est un torrent capricieux, toujours rapide dans sa
partie supérieure, sujet à des crues subites autant que redou-
tables, et coupé de chutes difficiles à franchir. Il était essen-
tiel, pour rendre possibles les migrations des nouveaux hôtes
de ses eaux, de pourvoir chaque barrage d'échelles convena-
blement aménagées. Oh a utilisé pour cela les anciens trous
de flottage, autrefois appropriés pour la circulation du bois,
mais depuis un certain temps sans intérêt par suite de la
disparition des forêts, ou de la création de scieries hydrau-
liques dans les hautes vallées. Trente- deux échelles fonc-
tionnent actuellement de Quillan à l'embouchure du fleuve.
Enfin, pour atteindre l'objectif que nous nous étions pro-
posé dès le début, il fallait creuser des viviers assez spacieux
pour y entretenir en permanence un certain nombre de
sujets reproducteurs. En eff'et, pour être complète, l'expé-
rience d'acclimatation entreprise ne devait pas se borner à
l'éclosion des œufs à demander à l'Amérique, ces arrivages
étant toujours incertains et entourés de difficultés; son
succès dépendait bien plus encore de la production de généra-
tions obtenues sur place ; c'est pourquoi nous n'avions cessé
de demanderinstamment l'établissement de bassins suffisants
pour conduire nos Saumons jusqu'à leur quatrième ou cin-
quième année.
Les choses n'allèrent pas, malheureusement, aussi vite que
nous le désirions. Des difficultés de diverse nature entravè-
rent ces travaux, qui ne purent être achevés en temps voulu.
Après deux années, nos jeunes se trouvaient encore
entassés dans des réservoirs beaucoup trop petits pour leur
nombre et pour leur âge : ils y étaient gênés et exposés aux
accidents et aux épidémies si fréquents en cas pareil. Ce
n'est qu'au commencement de l'année dernière qu'on put les
mettre plus au large dans les nouveaux bassins. La petite
colonie comprenait à ce moment 138 sujets de 1888, mesurant
0'",30 à 0"',40 de longueur ; 565 de 0"\15 à 0"',25, provenant des
éclosions suivantes, et 1982 de la dernière génération (1891) ;
ceux-ci étaient maintenus dans les petits bassins de Gesse.
Dès l'automne de 1891, on avait sous la main un nombre
considérable de beaux poissons parfaitement adultes, qui
LES TRAVAUX DE NOS LABORATOIRES DE L'ALDE. 357
promettaient une ponte prochaine ; mais des circonstances
multiples retardèrent la récolte jusque fin octobre, et au
moment oii on allait enfin pouvoir y procéder, toute l'atten-
tion du service en fut de nouveau détournée par de fâcheux
événements. Des inondations, telles qu'il n'y en avait jamais
eu, de mémoire d'homme, désolèrent le pays ; la rivière subi-
tement débordée roulait ses eaux furieuses, causant sur son
passage d'énormes désastres. Le personnel des Ponts et
chaussées s'absorba dans la lutte contre le torrent, et l'hiver
se passa à réparer les ruines qu'il avait causées.
Le printemps venu, il était trop tard pour penser aux
récoltes d'œufs. Les prisonniers avaient souffert de leur
claustration prolongée dans une prison dans laquelle ils
n'avaient pas pu eflféctuer leur ponte, et se trouvaient par
suite dans des conditions détestables. Aussi bien, une cruelle
mortalité ne tarda- t-elle pas à sévir dans leurs rangs : « Ils
ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. »
Les premières chaleurs eurent raison des plus résistants,
et bientôt il ne restait plus que de rares survivants de cette
colonie naguère si prospère ; encore étaient-ils eux-mêmes
anémiés et atteints de langueur. En quelques semaines, toutes
les espérances se trouvaient irrévocablement anéanties.
Quatre sujets me furent adressés, mais un peu tard, le
mal était alors sans remède. L'examen de ces dépouilles lais-
sait voir le funeste envahissement du Saprolegnia ; il per-
mettait aussi de conclure sans hésitation que, parmi les
causes de mort, la principale était le défaut de ponte. Ces
pauvres animaux avaient dû rester chargés de leurs œufs
dont la résorption ne s'était pas faite; leur décomposition
interne avait amené fatalement une inflammation mortelle.
Le bien sort quelquefois, dit-on, de l'excès du mal. Tout
me porte à espérer qu'il en sera ainsi pour notre grande et
belle entreprise. De telles épreuves sont toujours fertiles en
utiles enseignements.
Depuis ces mauvais jours, les viviers ont été complètement
achevés et l'entrée de l'eau y a été heureusement modifiée.
Ils sont au nombre de deux, conniris dans un espace clos de
murs élevés qui les abritent contre les maraudeurs. Chacun
d'eux mesure 10 mètres de longueur, sur T à 8 mètres de
large et l'",50 à 2 mètres de creux. Le fond est bétonné, les
parois sont en glacis, gazonnées à leur partie supérieure. Tls
338 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
sont alimentés par les eaux d'une magnifique source, qui sort
du rocher à quelque cinquante mètres de là. Cette source, soi-
gneusement captée, est reçue dans un bac collecteur, sorte de
cliâteau-d'eau, sur lequel est branchée une double conduite
en tuyaux de 0™,10 de diamètre intérieur. Les tuyaux se
relèvent en siphon dans les viviers, et l'eau en jaillit avec
force de façon à assurer l'aération de la masse. Une toiture
sur charpente recouvre un tiers environ des réservoirs ,
formant pour le poisson abri contre le soleil, d'ailleurs peu
redoutable dans ces fonds de gorges où il ne pénètre guère
que quelques heures durant, au milieu de l'été.
Cette installation, parfaitement comprise, est voisine du
laboratoire de Gesse, sur la rive gauche de l'Aude dans
laquelle se déverse le trop plein des eaux ; elle occupe un
terrain acquis en toute propriété à cette fin par l'adminis-
tration.
En somme, on peut tenir désormais pour complet l'amé-
nagement des laboratoires ; notre entreprise va donc entrer
dans sa phase la plus intéressante et la plus active.
La population des viviers se compose d'environ 1,500 indi-
vidus des éclosions de 1891, tout le surplus des incubations
de cette année- là ayant été mis en liberté dans la rivière;
ils paraissent, d'ailleurs, se plaire dans ses eaux, car on en
capture fréquemment, trop fréquemment même, sur tout son
cours; pendant notre voyage, on nous en a signalé deux, du
poids de 3 kilogrammes l'un, qui s'étaient laissés prendre en
franchissant la dernière échelle d'aval, par conséquent, au
moment où ils allaient gagner la mer. Ils n'étaient pas seuls,
assurément, à accomplir cette migration ; espérons qu'on les
verra bientôt effectuer le voyage de retour.
L'alimentation des pensionnaires de Gesse se composait
précédemment de mous de veau, de bœuf ou de mouton, avec
lesquels on hachait du hareng ; mais le prix d'achat, auquel
s'ajoutaient les frais de transport de Carcassonne, constituait
une dépense excessive, que le budget restreint des labora-
toires ne pouvait pas permettre de supporter longtemps (1).
(I) D'après une note de M. Albouy, conducteur des ponts et chaussées, notre
très zélé collaborateur, la dépense mensuelle se décomposait ainsi : 4Î2 kil.
mous de mouton à 0 Ir. 50 = 206 l'r. ; 15 kil. mous de veau à 0 Ir. 80 = 12 fr. ;
16 kil. mous de bœuf à 0 fr. 70 = 11 fr. 20; transport, 34 fr. 10. Total —
263 fr. 30.
LES TRAVAUX DE NOS LABORATOIRES DE L'AUDE. 351
Nous avons insisté pour qu'on adoptât la viande de cheval,
dont le prix de revient et la salaison en barils sont à très bon
marché, et qui, si on prend soin de choisir les meilleurs
morceaux, constitue une nourriture parfaitement saine et
beaucoup plus substantielle. Les poissons s'y font en peu de
temps et s'en trouvent très bien. Au surplus, l'expérience a
été faite dans tous les grands établissements d'élevage, avec
des résultats aujourd'hui absolument acquis. Il y aura, de ce
chef, une économie considérable, sans le moindre dommage à
redouter pour la culture.
Les gardes-pèche ou cantonniers préposés aux laboratoires
sont soigneux, assidus et très au courant des diverses mani-
pulations intérieures ; par une sage prévoyance, M. l'Ingé-
nieur en chef a voulu également qu'ils se fissent la main in
anima vili, sur de simples truites de rivière, pour les fécon-
dations artificielles. Ils y ont pleinement réussi. Nous avons
même, pendant notre séjour à Gesse, recueilli sous leurs
yeux les œufs d'une femelle de S. Quinnat, la seule qui fût
à maturité. A cet égard, ils ont donc l'acquit nécessaire pour
les opérations et les travaux subséquents.
Il est, dès à présent, permis de prévoir que la campagne
prochaine sera féconde. Les 1,500 sujets actuellement en
stabulation seront, à l'automne, en bonne forme pour effectuer
une première ponte, qui, si elle peut être faite normalement,
donnera des produits abondants. Ces produits auront une
grande valeur pour nous, car ils proviendront de sujets
ayant déjà réalisé un degré d'acclimatement dans nos eaux.
D'autre part, M. le colonel Mac Donald, l'éminent commis-
saire fédéral, dans une lettre qu'il nous faisait l'honneur de
nous écrire, à la date du 6 janvier dernier, nous donne
l'espoir qu'il nous sera adressé avant la fin de cette année,
une expédition d'œufs de Californie. Nous ne saurions trop
nous réjouir de l'annonce de cette nouvelle largesse si pré-
cieuse pour le succès de nos travaux, et nous en exprimons
à l'avance notre gratitude à la généreuse commission des
pêcheries.
La visite que je viens de faire à Quillan et à Gesse n'avait
pas seulement pour but de juger de l'aménagement des labo-
ratoires , de l'état de leurs travaux et de leur situation
présente, elle devait, en outre, montrer l'intérêt soutenu
que notre a.ssociation attache à la bonne conduite et à la
360 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
suite des opérations qui y sont pratiquées. Nous ne croyons
pas nous abuser en en tirant les meilleurs augures.
Je ne saurais mieux faire, en terminant ce rapide compte
rendu, que de vous citer les dernières paroles adressées par
M. l'Ingénieur en chef à ses subordonnés , comme lui sincère-
ment dévoués à notre œuvre, car elles montrent, d'une ma-
nière manifeste, tout l'intérêt qu'il y prend : «... Consi-
dérez, Messieurs, que ce à quoi j'attache le plus d'importance
dans votre service, ce sont les travaux des laboratoires de
Gesse et de Quillan, travaillez donc en conséquence. . . »
Une direction ainsi donnée ne peut manquer d'être féconde.
Rien n'est plus propre, en vérité, à effacer la fâcheuse impres-
sion des pertes regrettables subies l'an dernier, et à nous
inspirer pour l'avenir pleine confiance dans le succès d'une
entreprise qui, par son objet même et par sa portée écono-
mique, est une entreprise véritablement nationale.
COMPTE RENDU
DE SES
CULTURES D'IGNAMES ET DE STAGHYS
Par m. Paul CHAPPELLIER.
Séance du 25 décemlre 4892..
Stachys. — A l'une des séances de mars 1892, je vous ai
présenté une nouvelle espèce de Stachys que je venais de
recevoir de la Floride, sur laquelle l'expéditeur ne m'avait
donné aucun renseignement. Ayant cultivé cette plante, je
puis aujourd'hui, en vous la présentant de nouveau, vous
fournir quelques détails à son sujet.
La végétation a été très faible, tiges d'à peine 20 centi-
mètres de hauteur, tandis que celles des Stachys chinois
atteignent 50 à 60 centimètres au moins. J'attribuai d'abord
cette faiblesse de végétation à ce fait que les tubercules
m'étaient parvenus dans une saison tardive et qu'ils avaient
pu souffrir d'une assez longue exposition à l'air, comme cela
a lieu pour toutes les espèces de Stachys à rhizomes ; aussi,
je m'attendais à n'obtenir à l'arrachage qu'une bien faible
récolte ; j'ai été agréablement surpris, en trouvant au con-
traire à chaque pied des tubercules en grand nombre et
d'une grosseur exceptionnelle, comme vous pouvez en juger
par les spécimens que je dépose sur le Bureau. Ainsi, avec
une faible végétation aérienne, production abondante de très
gros rhizomes souterrains, donc, succès complet de ce côté.
Malheureusement la dégustation a donné ua résultat beau-
coup moins favorable que la culture ; la saveur est âpre et
sauvage. Pour essayer de corriger ce défaut, j'ai fait cuire
les tubercules à deux eaux successives, après les avoir divi-
sés en plusieurs morceaux en long ou en travers. Ainsi pré-
parés, ils sont mangeables, mais ils ne constituent pas un
légume vraiment comestible qui mérite d'être livré l\ la con-
sommation.
Est-ce une raison pour l'abandonner ? Je ne le [)cnse pas.
D'abord il ne faut pas <niblier que ce Stachys était encore.
362
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
il y a six mois, à l'état sauvage dans sa station d'origine ;
fiuelqiies années de culture ne pourraient- elles adoucir
l'âpreté de sa saveur comme cela a eu
lieu pour d'autres légumes? Puis il a
fleuri dès cette année malgré sa plan-
tation tardive, et il est probable qu'a-
vec une culture plus régulière, il fleu-
rira abondamment et donnera des
graines dont le semis produira vrai-
semblablement des variétés améliorées.
Enfin ce sera un sujet précieux à
faire intervenir dans l'hybridation avec
ses congénères, le Tuberifera, qui est
de trop laible volume, et manque un
peu de goût, et le Palustris qui est à
peine tubérifié, même celui de la va-
riété de Noyon.
Ce n'est donc pas aux maraîchers,
ni aux propriétaires, que je recom-
mande dès aujourd'hui le Fboridana,
mais seulement aux chercheurs, aux
semeurs, aux hybridateurs.
Ignames. — Je persévère dans mes
tentatives de création d'une variété à
tubercules courts.
L'année 1892 m'a donné près de 500
graines de bonne apparence et une cin-
quantaine de jeunes tubercules prove-
nant de graines récoltées en 1891. La
plupart de ces tubercules retournent,
comme il fallait s'y attendre, au type
lusiforme ; une dizaine seulement que
je dépose sur le Bureau, ont une forme
bien moins allongée ; mais je ne me fais
i,^i^.,/._jea..es tubercule, pas beaucoup d'illusious à leur égard,
d'Ignames issus d'un se- gâchant par expérience que cette forme
" raccourcie spéciale à la première année
qui suit le semis pourra bien s'allonger
dès l'été prochain. C'est ce qui est arrivé aux cinq jeunes se-
mis de 1891 que je vous avais présentés le 8 janvier 1892.
mis de 1892, réduits aux
deux tiers.
Fig. i. — Tige d'Igname mâle portant en même temps des fleurs mâles
et des fruits, grandeur naturelle.
364 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Toutefois, parmi les 10 que je mets sous vos yeux, il en est
deux (fig-. 1, page 362), sur lesquels j'appelle votre attention
et qui me semblent mériter une mention spéciale en raison de
leur forme presque spliérique bien caractérisée. Je ne puis
m'empêclier de fonder un certain espoir sur ces deux sujets ;
je vous dirai dans un an si cette espérance s'est réalisée ou
si elle a été déçue.
Avant de terminer, permettez-moi de vous signaler une
particularité qui pourra, je l'espère, vous intéresser.
On sait que l'Igname est une plante dioïque, c'est-à-dire
que, parmi ses pieds, les uns ne produisent que des fleurs
mâles, et les autres que des fleurs femelles. Or. j'ai trouvé
cette année, sur un pied mâle, un épi portant en même temps
des fleurs mâles et des fleurs femelles, et ces dernières ont
donné naissance à des fruits parfaitement conformés, que je
mets sous vos yeux (fig. 2, page 363). Je ne crois pas que
cette anomalie ait jamais été signalée sur l'Igname.
Elle présente donc un certain intérêt, non seulement au
point de vue botanique, mais encore au point de vue pra-
tique. En eff'et, si ces capsules renferment des graines fer-
tiles, ne peut- on espérer que les individus qui sortiront de
ces graines soient hermaphrodites ou au moins polygames?
N'a-t-on pas dit que les fleurs de l'Igname ne deviennent
purement femelles que par suite de l'avortement des éta-
mines ? Si l'Igname, au lieu de ne donner que des fleurs uni-
sexuées dioïques, devenait hermaphrodite ou polygame, cette
transformation supprimerait ou réduirait de beaucoup la
difficulté de la fécondation artificielle, amènerait une produc-
tion naturelle et abondante de graines, et rendrait plus facile
la réalisation du desideratum de notre Société : création
d'une variété à tubercules courts et de facile arrachage.
On peut dire encore que cette modification importante —
fleurs hermaphrodites remplaçant des fleurs unisexuées
dioïques, — constituerait au plus haut degré l'ébranlement de
la stabilité. On sait que cet ébranlement est l'une des condi-
tions qui favorisent le plus la tendance des plantes à produire
des variétés.
RENSEIGNEMENTS
SUR
DES PLANTES DE TERRAINS SALANTS
SALT-BUSHES, KENDYR, LUZERNE DU TURKESTAN
MELITOLUS DI:NTAT0B, etc.
ftXÏRAIT DUNE LETTRE ADRESSÉE A M. LE PRESIDENT
PAR M. Jean VILBOUGHEVITCH.
L'enquête sur les Sall-bushes, que la Société a bien voulu
ni'aider à organiser, continue à amener des renseignements
variés. Voici c|eux lettres de M. J.-J. Bosc, propriétaire
camargois et directeur du Bas-Rhùne, journal agricole heb-
domadaire paraissant à Nîmes. Elles répondent à une ques-
tion que j'avais directement posée : à savoir qu'on me nommât
les agriculteurs du Midi ayant essayé de cultiver les Salt-
dushes; je n'avais pu obtenir par moi-même qu'un seul témoi-
gnage, celui de notre collègue, M. Louis Reich, dont les appré-
ciations ont été publiées dans la notice-questionnaire. Je laisse
la parole à M. Bosc :
/"-" Lettre : « J'ai moi-même essayé dans ma proprie'té de Laforêt des
Salt-biishes dont les graines m'avaient été cnvoye'es par M. Naudin ;
quelques plantes s'étaient bien développées dans le jardin, et au prin-
temps dernier, j'en avais transplanté une certaine quantité dans un
terrain contenant une certaine proportion de sel. La sécheresse de l'e'te'
leur avait beaucoup nui et je crains fort que l'hiver rigoureux ne les
ait complètement détruites. Je n'ai pas du reste grande confiance dans
la valeur de celte plante comme fourrage. . .
» Votre note sur le Peuplier de l'Euphrate que je viens de par-
courir m'a particulièrement intéressé. Si cet arbre s'acclimatait dans
notre pays et pouvait ve'géler dans nos sols salés un peu secs, il ren-
drait d'immenses services. Dans le cas où vous auriez des graines ou
des boutures de diverses plantes, je me mets volnnlicis à votre dispo-
sition pour les essais à faire. . .
366 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
» Ma propriété de Laforêt contient des sols de nature bien difife'-
rente : argilo-calcaire, silice-calcaire et argilo-siliceux, bien sains
dans certaines parties, légèrement salés dans d'autres qui pourraient
convenir pour des essais.
2'^ Lettre : « Au sujet des Salt-bushes , c'est le Chenopodiurn nitrariaceum
que M. Naudin m'avait adressé. Les premières graines qu'il m'avait
envoyées pendant Ihiver 1891 étaient déjà anciennes; sur environ
15 grammes je n'ai eu qu'environ 40 à 50 plantes. La première année
la pousse a atteint sur une seule tige environ ()^,2ô de hauteur. L
l'automne 1892 celles de ces plantes qui étaient restées en place dans
le jardin potager de ma propriété' de Laforêt avaient atteint environ
G™, 50 el s'étaient très ramifiées, la tige devenue ligneuse était très
dure même sur les petites ramifications ; chaque plante avait environ
0'",25 de circonférence. Elles ont parfaitement graine. J'avais au
printemps 1892 transplanté la moitié de ces plantes dans un terrain
dont une partie était un peu salée. Après avoir repris, ces plantes
ont beaucoup souffert de la sécheresse ; une ]}artie s'était séche'e, les
tig3S de quelques-unes jusqu'au ras de terre.
» A la suite des froids de cet hiver tous les Salt-bushes qui étaient
restés verts, aussi bien dans le jardin qu'en plein champ, ont jauni ;
j'espère ne'anmoins qu'ils repousseront au printemps.
» Au mois de janvier 1892, étant à Nice, j'allai voir M. Naudin qui
me remit de la graine récolte'e par lui en 1891, que j'ai semé', au prin-
temps. La réussite n'a pas été' meilleure que mes semis de 1891, les
plantes qui ont atteint à peu près la même dimension se sont jaunies
également cet hiver. Notre hiver a e'te' excessivement sec et si les
Salt-bushes ont souffert du froid ils n'ont pas eu à souSrir de l'hu-
midité. »
II
Vous TOUS souvenez que M. Mac-0^van, botaniste du gou-
vernement du Cap de Bonne-Espérance, a répondu à notre
questionnaire par l'envoi d'un travail imprimé sur les plantes
fourragères spontanées de la colonie en général.
C'est un tirage à part d'une impression faite en 1887 dans le
South African AgriculturisVs Almanach, et c'est la tr(3isième
édition, augmentée, d'un rapport présenté par M. Mac-Owan,
en 1817, à une « Commission gouvernementale pour l'examen
des Causes de la dégradation des pâturages et des maladies
du bétail ». Cette destination spéciale se reconnaît bien dans
tous les passages du mémoire; elle ne lui en donne, d'ailleurs,
qu'encore plus de mérite; je me borne, pour le moment, à
ENQUÊTE SUR LES PLANTES DES TERRALXS SALANTS. 367
VOUS donner la traduction du passage annoté d'un trait rouge
par Fauteur et qui répond aux questions posées au sujet
des Salt-bushes :
« V Atriplex Halimus L. var. Capensis, le « Vaal Bosjc » des Boërs,
couvre des surfaces considérables de sol, impre'gné de « soda » (1) ;
géne'ralement elle est entremêlée d'autres plantes et arbustes d'une
valeur fourragère analogue, parmi lesquelles on remarque des Kochia
pubescens Moq., Oaroxijlon salsola Thunb., Tetragonia arbusmila Fenzl.,
Exoniis axyrioiies Fenzl., et diverses espèces de Giinus et de Ga~
lenia. Toutes ces plantes sont broutées par les bestiaux, mais ceux-
ci ne les appre'cient pas toutes de même ; je viens de les onume'rer
précisément dans l'ordre de la pre'fo'rence que les bestiaux leur
témoignent. De toutes ces plantes, le « Vaal Bosje -> est la seule qui
se prêle à une propagation rapide. A l'eucontre de ses compagnons,
cet arbuste fournit des graines que l'on n'a point de peine a re'colter,
qui conservent longtemps leur faculté' germinative et germent vi;e.
Pour ce qui est de la dégradation par excès de pacage « overtocking »,
je constate que les Moutons causent infiniment moins de tort au
« Vaal-Bosje » que les Chèvres ; ces dernières ont la fâcheuse habi-
tude de pie'tiner les rameaux late'raux pour atteindre les pousses
parliculièremeut tendres du sommet ; or, les Salsolace'es arbustives
sont géne'ralement fragiles, et un semblable piétinement leur cause
plus de dommage que ne l'aurait fait le broutage proprement dit le
plus féroce. VAtriplex Halimus var. Capensis est un fourrage particu-
lièrement utile pour changer de nourriture les Moutons et Autruches,
qui accusent des signes d'infection par les parasites intestinaux. Il v
aurait à ménager ses stations naturelles, et à le propager artificiel-
lement par le semis sur des surfaces suffisantes, partout où il existe
dans la colonie des terrains salants « bra]\' grounds ».
» M. le baron Ferd. von Mueller, de Melbourne, a eu l'obligeance
de m'envoyer, à plusieurs reprises, des graines ii' A triplex nummiilaria
Lindl., A cinerea Poir., Kochia seclifoUa F. Muell. et d'autres « Salt-
bushes » australiens ; aucun ne vaut notre Atriplex indigène, mais je
ne doute point qu'ils s'adapteraient parfaitement à notre sol et à notre
climat. M. Garwood Alston, à Van Wyic's Vley, va d'ailleurs en tenter
l'expe'rience sur sa vaste concession de terrains alcalins.
» Tous les intervalles entre les pieds d'Atriplex sont géne'ralement
comblés par diverses espèces de Mesemhrianthemum : M. geniculi-
floi'um L, undi/lorum L., communément utilisé pour robleution de
;1) L'auleur entendrait-il dire « sodium i simplement, ou « carbonate de
sodium • ? Le point présente une importance considérable; voj'ez mon iiiétr.ojix»
« sur l'étude géo-botanique des terrains salants >. Bulletin de la Suci<'l<f bota-
nique de France, l. X.XX1X, 1892. Session extraordinaire en Algérie.
368 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
cendres à savon (carbonate de soude\ M. crystaïlinum L., et M.angu-
latum Thunb., reconnaissables aux papilles miroitantes qui couvrent
les feuilles et tiges. Les deux dernières espèces doivent pC)Uvoir rendre
de bons services en temps de se'cheresse, en raison du jus aqueux dont
elles sont gorgées, et qui n'est point salé et astringent comme celui
des M. edule L. (,T'Goukum) et M. acinaciforme L. (T'Gouna), mais
insipide. Pendant que j'y suis, je ferai observer qu'elles sont aussi
excellentes comme herbes potagères ; elles valent mieux que l'Épi-
nard ordinaire des jardins, et autant que le Tetragronia expansa Murr.
de la Nouvelle-Zélande.
» Il va de soi, que les végétations de Salt-bushes ayant servi de par-
cours et, pour ainsi dire, d'inlîrmerie, à des troupeaux atteints de vers
intestinaux, devraient toujoiirs sans de'lai être coupe'es ras de terre,
seche'es et brûlées ; on de'truirait ainsi les larves évacue'es par les
bêtes dans leurs déjections, en même temps qu'on aurait un béne'fice
accessoire par le fait du carbonate de soude obtenu.
» Il y a encore d'autres Mesenibrianthemum croissant en société, sur
de vastes superficies de « carroid flats » (le « Carro » est le de'sert du
Cap) ne présentant pas de caractère net de terrains salants, et qui
constituent une excellente pâture ; le M. fioribundum Haw., remar-
quable par ses spleudides fleurs de couleur pourpre, et le M. obllquum
Haw., méritent sous ce rapport une attention particulière ; leur succu-
lence les rend spécialement convenables pour les Brebis pendant la
période de lactation. 11 serait cependant difficile de propager artificiel-
lement ces Me&embriantltemum, car les capsules ne sont pas commodes
à récolter. Si on voulait tout de même faire quelque chose pour favo-
riser leur vége'tation, le proce'dé le plus e'conomique consisterait à
combattre dans les stations naturelles le Bulbine aspodeloides Kth. et le
Chysocoma tenuifolia, Berg., plantes complètement inutiles et qui leur
y disputent le terrain d'une façon intole'rable, et deviennent tout à
fait envahissantes à mesure qu'augmente l'encombrement des pâturages
par le be'tail.
» Naturellement, il faudrait aussi laisser ensuite les pâturages en
repos pendant la durée de la floraison et de la fructification des
Mesembrianthernum. Je ne vois cependant pas pourquoi on n'adjoindrait
pas à ces derniers artificiellement, le Pentzia virgata Less., dont les
mérites sont expose's ailleurs et qui vient souvent même spontanément
très bien ensemble avec les « succulentes » en question.»
Dans une autre partie de son mémoire, M. Mac-Owan fait
mention de la résistance relative au salant, que manifeste, sur
certains points du territoire, le Portulacaria afra Jacq.,
le « Spek-boom » des Boërs, une plante fourragère arbores-
cente de la plus haute valeur et dont l'éminent Government's
Botanist du Cap préconise, en des termes enthousiastes, la
ENQUÊTE SUR LES PLANTES DES TERRAL\S SALANTS. 369
propagation artificielle. Cependant, si j'ai bien compris le
texte de M. Mac-Owan, il n'y aurait pas, contrairement à
ce qui en est dit dans le Mamtel de M. Naudin, à songer à
introduire cette espèce dans le Midi ou dans l'Afrique septen-
trionale; le Portulacaria en question étant particulier à la
partie de la colonie du Cap, qui se rapproche déjà de la zone
tropicale, c'est-à-dire caractérisée par une saison humide coïn-
cidant avec le maximum des chaleurs. Les individus, élevés
au Jardin botanique de Cape-Town, ont bien atteint un beau
développement, mais ne fleurissent pas. D'autres colonies
irançaises pourront probablement utiliser davantage cette re-
marquable plante; par exemple, le Sénégal, où il doit y
avoir des terrains saumâtres en tout analogues à ceux dont
M. Mac-Owan fait mention à propos des stations naturelles
du Porlidacaria dans la colonie du Cap.
Les quelques extraits que je viens de donner de l'opuscule
de M. Mac-Owan peuvent vous servir d'illustration de la va-
riété et du caractère éminemment pratique des observations
qui s'y trouvent réunies. Le résumé plus complet, que je
ne tarderai pas à vous présenter, intéressera sûrement les
lecteurs de la Revue et rendra même, je crois, des ser-
vices immédiats à ceux d'eux qui ont des intérêts person-
nels engagés dans des régions pastorales à climat chaud
et aride.
IIL
J'ai aussi à vous communiquer quelques faits nouveaux
au sujet du Kendyr.
D'abord j'ai reçu, par l'intermédiaire de la Société, de
M. Mignon, de Sainte-Lucie, Hyères (Var),la lettre que voici :
« .Monsieur, j'ai lu dans le numéro G de la Revue des sciences natu-
relles apjHlqiKies le très curieux article que vous avez fait paraître sur
le Kendyr {Ayocyaum Hibirlcum).
» Entoure' de terrains salants de dillerontes natures, je serais très
l)ien placé pour faire ou faire faire une expérience.
» Je vous serais donc très o))ligé de me dire oii je pourrais avoir
-^oit des graines, soit des boutures. »
.Te vous avoue, je ne me doutais pas qu'il existait des ter-
2u Avril 1893. 24
370 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
rains salants dans le Var. J'en avais même cherché, en 1891,
sans en rencontrer. Je suis content de pouvoir vous montrer
par cet exemple combien les terrains salants sont beaucoup
plus répandus en France qu'on ne le pense.
En ce qui concerne la demande de graines, j'ai pu la satis-
faire moi-même, grâce à un petit paquet reçu de M. Diakow,
directeur du champ d'expériences subventionné de Poltava,
Russie. J'en ai fait parvenir d'autres à MM. le prof. Cornu, de
Vilmorin, Charles Rivière, Hilgard, et à la direction de l'Ins-
titut botanique de Montpellier, et il m'en est encore resté une
petite pincée que je tiens à la disposition de nos collègues.
L'envoi de M. Diakow était accompagné de quelques ren-
seignements sur la culture du Kendyr, qui offrent un intérêt
immédiat. Voici la traduction de la lettre :
« Le * Kendyr » ou <■■ Tourka » a ete' introduit par mon pre'déces-
seur au champ d'expe'rience de Poltava en 1887 ; le semis fut fait
d'une part en des pots qui furent gardés dans la maison : d'autre part
sur couclies.
» Les graines seme'es dans les pots et gardées en chambre ont bien
germe au bout de six jours, mais les jeunes plantules ont bientôt péri:
il paraît que c'est surtout le manque d'éclairage qui leur a nui.
» Le semis en pots, placés sur couches réussit mieux ; il fut fait le
19 avril (vieux style ; par conse'quent le 7 mai français) ; les premières
plantules se montrèrent le 27 du même mois. Vers la mi-mai, elles
furent repiquées des pots dans le terreau de la couche même ; le
3 juin, elles avaient atteint la taille de 0'",15 environ, c'est à ce mo-
ment que fut faite la transplantation en terre franche, à demeure.
L'endroit choisi à cet effet se trouve au fond d'une dépression, sur le
bord d'une rigole d'assèchement ; le sol y est humide, mais point
marécageux. Comme soins culturaux, le Kendyr n'a eu, dans cette
première année, qu'un le'ger binage à la main. Vers la fin de l'au-
tomne, la taille des touffes était de 0™,60 ; les tiges se desséchèrent et
périrent, mais repoussèrent l'année suivante avec une nouvelle vi-
gueur et atteignirent la hauteur de plus d'un mètre ; en 1889, la taille
atteinte fut enfin de près de r",50; les touffes acquirent aussi une
ampleur considérable. C'est cette année-là qu'il y eut pour la pre-
mière fois floraison (vers le 14 juillet, vieux style ; le 26 juillet en
date française) ; mais les graines n'eurent pas le temps de miirir. Ce
n'est que le 10 septembre (vieux style] 1890 que l'on put récolter les
premières graines (en fort petite quantité). Depuis, les touffes fleu-
rissent et grainent régulièrement et de plus en plus abondamment.
» Les graines fraîches sont brun-clair; il en germe à 30-35° C, 90
à 95 °/o.
EN-QUÊTE SCR LES PLANTES DES. TERRAINS SALANTS. 371
» En 1892, c'est-à-dire à leur cinquième année, les Eendyrs produi-
sirent des tiges de IMO à 1^.50, mais il y en eut qui mesuraient jus-
qu'à 1™,85. ''
» Leur grosseur a été, en moyenne, celle d'une forte plume d'oie
(a la base), mais il y en eut aussi de bien plus grosses. Les rhizomes
qui perpétuent la plante d'une saison à l'autre, sont très développés et
gros de 0-,013 et davantage. Ces rhizomes sont très vivaces; ils peu-
vent bien servir à la multiplication artificielle (1).
»Le semis ne pourra guère être fait sur place; les graines sont trop
petites; Il faut semer dans des pots ou dans des caisses, comme cela se
fait pour les choux ou le tabac, et repiquer ensuite.
» xNous avons pu comparer la végétation de quelques touffes plan-
tées dans un endroit plus élevé avec celles des bas-fonds • les pre-
mières sont loin de végéter aussi bien que les dernières; le' manque
d'humidité y est probablement pour beaucoup; mais la compacité
plus grande du terrain doit y entrer pour quelque chose ; il serait
naturel que ces plantes, qui vivent principalement par le rhizome
exigeassent un sol meuble, léger. '
» Nous n'avons pas encore eu l'occasion de nous livrer à l'extraction
de la fibre, notre culture étant de trop peu d'étendue; mais la récolte
doit pouvoir être énorme, puisque nous obtenons sur une surface de
4 mètres 1/2 carrés, environ six bottes de tiges, la circonférence de
chaque botte étant de O^^jSO à l'",10 environ.
» Puisque vous voulez vous charger de faire étudier en France, par
des hommes compétents, les meilleurs procédés d'extraction de la
filasse, je vais adresser à la Société nationale un fagot de tiges de
notre récolte.
» Nous n'avons pas encore essayé de cultiver le Kendyr en terrain
salant, mais je vais profiter de votre indication et la chose sera essayée
cette année. . . »
IV.
Je suis aussi en état de vous présenter des détails plus pré-
cis sur la Youngjà ou Luzerne du Turkestan, que je
TOUS ai déjà rapidement signalée dans une séance précé-
dente ; je les ai puisés dans un article de M. Tcherno-
glasov (2).
(1) Par ce moyen l'on pourra probablement aussi obtenir, dès la première
saison, des tiges de taille normale; un petit dessin, joint à la lellre de M. Dia-
kow, fait penser que le rhizome porte des bourgeons assez rapprochés les
uns des aitres. Evidemment, chaque bourgeon peut reproduire l'individu.
^2) Gazette agricole (en russe; Saint-Pétersbourg, 1893. N» 7j.
372 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
La Luzerne est généralement cultivée dans la plupart des
régions salantes et désertiques du globe, où seulement on
fait de l'agriculture: en Egypte, au Sahara, en Californie,
dans l'Asie centrale, etc., etc.
Ce n'est pas aux membres de la Société d'Acclimatation
que nous allons apprendre du nouveau en leur disant l'im-
portance primordiale que la culture de la Luzerne présente
dans les terrains salants delà Provence et du Roussillon.
Dans ces conditions, il est singulier que l'on n'ait pas encore
songé à examiner comparativement les nombreuses variétés
de la Luzerne cultivée, pour voir si telle ou autre variété
locale ne se montrerait pas plus résistante que le reste de
l'espèce, au salant et à la sécheresse. C'est qu'en effet, la Lu-
zerne [Medicago saliva) varie comme pas une autre plante;
chaque pays en possède un type particulier. Celle du Turkes-
tan [M. saliva var. Turhestanica] présenterait des adapta-
tions biologiques toutes spéciales : stomates enfoncées et
protégées par d'épais poils, tomentum abondant, excrétions
minérales sur diverses parties de la %nante et, comme ré-
sultat de ces multiples précautions, une évaporation foliacée
considérablement inférieure à celle de la Luzerne française
(comparaison faite avec l'évaporimètre de Richard).
Essayée dans Toasis de Merv (Asie centrale russe) côte à
côte avec la Luzerne du pays, la Luzerne française s'est mon-
trée tout à fait inférieure comme productivité ; ses exigences
au point de vue de l'arrosage se sont trouvées bien plus diffi-
ciles à satisfaire; son enracinement, plus grêle et moins pro-
fond, son développement végétal moindre. Ces différences se
voient très bien sur la photographie qui accompagne l'article.
A toutes ces qualités le Medicago saliva var. Turhestanica
joindrait, d'après M. Tchernoglasov, une adaptation particu-
lière au salant.
Nous pensons qu'il serait nécessaire de faire dans le Midi
quelques essais bien organisés avec cette variété' de Luzerne'
si remarquable qu'on nous signale. Il serait téméraire de
promettre que la luzerne duTurkestan conservera, effective-
ment, dans le midi de la France, la supériorité sur sa sœur
française, telle qu'elle a été constatée dans sa patrie, au Tur-
- kestan ; le contraire pourrait même parfaitement arriver.
'Nous croyons cependant que lorsqu'il s'agit d'une plante
dune aussi haute et générale importance économique que la
ENQUÊTE SUR LES PLANTES DES TERRAINS SALANTS. 373
Luzerne, il ne faudrait jamais négliger rien de ce qui peut
seulement être supposé devoir apporter le moindre perfec-
tionnement. Si l'essai aboutit à un résultat négatif, on en sera
pour ses frais; d'habitude ceux-ci ne sont déjà pas si grands.
En ce qui concerne plus particulièrement la résistance au
salant, l'expérience comparative devrait être faite dans une
luzernière, où la Luzerne vient mal pour cause d'excès de
salure, mais où elle vient encore tout de même; vouloir faire
venir la luzerne du Turkestan dans un terrain imprégné de
salant, au point de ne plus pouvoir porter de la Luzerne indi-
gène, serait peut-être un peu trop lui demander du premier
coup, même en supposant que l'observation de M. Tcherno-
glasov soit juste.
En même temps que l'on expérimentera la variété turkesta-
nienne, il ne serait point déplacé, à notre avis, pendant qu'on
y est, de passer en revue aussi les variétés locales cultivées
en terre salante au Sahara, en Egypte et ailleurs.
M. Hilgard a trouvé dans la ligure que vous voyez ici,
de la Luzerne turkestanienne, beaucoup de ressemblance
avec celle cultivée en Californie et qui vient, à ce qu'il parait,
du Chili.
Je vous signale, en même temps, une autre plante fourra-
gère halophite russe :
Le Melilotus dentatus; c'est une espèce de Mélilot spéciale
aux sols salants, bien humides au printemps ; elle vient fré-
quemment en compagnie de V Aster T/ipolium, commun dans
les terrains salants du midi de la France. C'est le meilleur des
Mélilots, au point de vue de la valeur fourragère, le seul qui
n'ait pas ce parfum trop fort qui caractérise les Mélilots et
les rend en partie inutilisables pour les animaux; c'est aussi
le plus tendre des Mélilots. L'espèce est répandue un peu par-
tout à travers l'Europe. Elle paraît, cependant, manquer en
France. En Russie elle est fréquente et y a été aussi recom-
mandée pour la culture sur les terrains salants (par M. Pavlo-
vitch) sans que cependant de i)areilles cultures paraissent
avoir été tentées en Russie. J'ai vu un jour dans la steppe de
Crimée (cercle Dnieprovski, domaine Bekhteri, i)ropriété de
374 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
M. KoulikoYski) une prairie naturelle (spontanée) de Melilolus
dentatus, d'une beauté remarquable ; or, on était au mois
d'août, dans une période de sécheresse désolante, et les
feuilles, les tiges, toutes les parties des Mélilots étaient cou-
vertes d'excrétions salines qui miroitaient au soleil. Le seul
inconvénient de la plante est de n'être que bisannuelle; par-
fois même elle meurt déjà à la première année, si elle a pu
fleurir et grainer. Peut-être des coupes régulières et répétées,
en empêchant la floraison, prolongeraient-elles la durée de
notre Mélilot.
M. le professeur Louis Grandeau a reçu dernièrement un
peu de graines de Melilotus dentaius de M. Bataline, le nou-
veau directeur du Jardin botanique de Saint-Pétersbourg.
Malheureusement elles germent très difficilement, comme
cela arrive encore souvent pour les légumineuses des pays
secs en général.
II. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SEANCES DE LA SOCIÉTÉ.
SÉANCE GENERALE DU 17 MARS 1893.
PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-IIILAIRE, PRÉSIDENT.
Le procès- verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Président demande à M. Remy Saint-Loup de vouloir
bien venir prendre place au Bureau, en qualité de Secrétaire
des séances.
M. Remy Saint-Loup remercie la Société de la flatteuse
distinction qu'elle lui a accordée en le nommant Secrétaire
des séances, et termine ainsi une courte allocution :
« Vous avez apprécié, Messieurs, le zèle et le dévouement
de mon prédécesseur; je ne me risque pas à faire son éloge,
parce que je ne pourrais établir son mérite sans blesser sa
modestie. M. le docteur Saint- Yves Ménard, débordé par les
soins de ses nombreuses occupations, a cru devoir renoncer
à remplir les fonctions de Secrétaire, et ceci me fait supposer
que ces fonctions sont absorbantes. Aussi, Messieurs, je ne
vous promets pas merveille, mais je puis vous assurer de ma
bonne volonté. »
M. le Président proclame les noms des membres récemment
admis par le Conseil :
MM. PRÉSENTATEURS.
BoNTOux (Nosky), 18, rue de la Faisan-
derie, à Paris.
Damagney, propriétaire, 21, rue des Pois-
sonniers, à Neuilly (Seine).
A. Geoffroy Saint-Hilaire.
A. Porte.
E. Wuirion.
Caroly.
J. de Claybrooke.
E. Wuirion.
^ //-1, , A • ,. * , , ,.. ( J- de Claybrooke.
EiSLER (Charles , aviculteur, plateau d A- \ . „ ,^ „ . ,^., .
,„ . . ^. N A. Geotfroy Saint-Hilaire.
vron (Seine-et Oise). 1
Lajeune (Pierre-Marcel), propriétaire, 75,
avenue de Neuilly, à Neuilly (Seine).
Lambert (baron de), propriétaire, à Don-
nemarie-en-Montois (Seine-ct-Oise).
Naudin.
A. Berthoule.
Dieu.
Gaudisson.
A. Berthoule.
Darien.
Voitellier.
376 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
MM. PRÉSENTATEURS.
, „^ , ( A. Berthoule.
ViLBOUCHEViTCH .Jean), o2, rue des i , ^, .
{ J. Grisard.
Ecoles, à Pans. I r^ -r, . ^t7 .. i
' ( C. Raveret-Wattel.
M. le Secrétaire procède au dépouillement de la corres-
pondance :
— M. J. Vilbouchevitch adresse des remerciements au sujet
de sa récente admission dans la Société.
— Des remerciements sont adressés, d'autre part, par
MM. Martel-Houzet, Debreuil, Garnotel, Laborde, pour les
cheptels qui leur sont confiés par la Société.
— M. Germain, de Périgueux, qui a reçu des Yokohama
en cheptel, demande si des renseignements peuvent lui être
donnés relativement au régime particulièrement convenable
à ces oiseaux. La question est renvoj-ée à la Section spé-
ciale.
— M. le Président a reçu de M. Mairet, faisandier de
M. Rodocanachi, au château d'Andill}, l'information sui-
vante :
« M. Delaurier, d'Angoulême, vous fait savoir quïl avait
élevé' chez lui, l'anne'e dernière, quatre jeunes Argus.
» M. Rodocanachi a été moins heureux. En 1891, nous en avons
élevé une paire -, les oiseaux ont atteint aujourd'hui toute leur
grosseur, et j'ai l'espoir qu'ils reproduiront cette année. Le mâle a déjà
le chant d'un adulte, et la femelle est magnifique.
» L'anne'e dernière, nous n'avons e'ieve' qu'un jeune, du sexe mâle ;
en somme, cela fait trois sujets. Les palmes reviennent à M. De-
laurier »
— M. le D-" Lecler, â Rouillac, nous écrit que ses essais de
culture d'Igname n'ont pas donné de résultat satisfaisant
dans les sols calcaires. Dans les terrains siliceux, au con-
traire, les récoltes sont fort belles trois ans après la plan-
tation des bulbilles. M. Lecler demande un pied femelle
d'Igname et un Bambou carré.
— Une lettre de M. Fontaine signale l'action de vers ou de
larves parasites des bourgeons du Poirier. Les arbres atteints
présentent le même aspect que ceux qui ont profondément
souffert de la gelée pendant l'hiver; toutes les espèces de Poi-
riers ne sont pas également attaquées.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 377
— Des demandes de graines sont adressées par MM. De-
nizet et D^" Wiet.
— M. Cil. Bezanson adresse une demande d'œufs de Sau-
mon de Californie.
— M. Raveret-Wattel communique la lettre suivante,
adressée par M. Vidon, de l'établissement de pisciculture de
Bessemont, près Villers-Cotterets (Aisne), appartenant à
M. de Marcillac :
« Il paraît que ma communication relative aux Truites her-
maphrodites a rencontre' des incre'dules. J'ai cependant, au printemps
dernier, récolté des œufs de ces Truites ; ils étaient encore en incu-
bation lors de votre visite à Bessemont et ils ont aussi bien réussi
que d'autres oeufs. Je soutiens avoir des truites qui donnent h la fois
des œufs et de la laitance, laitance toutefois, qui brûle en moins d'une
minute, les œufs avec lesquels on la recueille. On doit procéder
imme'diatement à un lavage énergique de ces œufs, pour les fécon-
der ensuite avec la moitié' de la laitance d'un bon maie. On fait un
nouveau lavage complet, sous le robinet d'une fontaine , puis on
arrose encore avec la laitance d'un deuxième .mâle, pour assurer la
fe'condation, à laquelle on ne saurait, du reste, apporter trop de soins.
Il importe de bien assortir les sujets, de les choisir même, autant que
possible, de même couleur. Faute des pre'cautions ne'cessaires, quan-
tité' des œufs embryonne's que livre le commerce e'closent mal, ou
donnent des alevins qui ne vivent guère. Tout d'abord, ils semblent
bien constitués ; mais au bout d'un mois, quelquefois de 6 ou 7 semaines,
on les voit tous pe'rir successivement. Des précautions, que certaines
personnes considéreraient peut-être comme trop minutieuses, sont in-
dispensables pour éviter de semblables perles. Un lavage bien fait
des œufs, après la fe'condation, est surtout important si l'on ne veut
pas s'exposer à de graves mécomptes. Et encore, maigre' tous ces
soins, ne re'ussit-on pas toujours. La pisciculture est une œuvre de
soins et de patience.
» En 1885 ou 1886, j'ai lu dans les journaux qu'on avait jelé dans
la Seine, à l'embouchure de la Marne, 17,000 alevins de Saumon
quinnat. Il y a deux ans, le journal le Chenil annonçait qu'on venait
de pêcher dans la Seine-Inférieure 5 ou 6 Saumons quinnat de je ne
sais plus quel poids. Enfin, le Petii Parisien du 7 janvier dernier
rendait compte de la pêche faite récemment à Nemours de Saumons
de 3 ans pesant six livres. Il est triste de voir qu'on ne prend en-
core que quelques Saumons çà et là, par hasard, quand on a verse' des
milliers d'alevins dans la Marne et dans la Seine. J'estime qu'il serait
de beaucoup pre'fe'rable de les placer dans un petit ruisseau, en les y
retenant au moyen de barrages, de les y nourrir copieusement pen-
L
378 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
dant quelques mois, puis de les laisser gagner le fleuve à leur guise.
Je crois qu'en proce'danf ainsi, on obtiendrait une re'ussite certaine ;
tandis que, mettre en grande eau de trop jeunes alevins, c'est travailler
en peu près en pure perte. Presque tous ces petits poissons ne tardent
pas à périr de faim, pour le plus souvent ; et voilà pourquoi on en re-
trouve si peu. Vous avez pu voir combien l'élevage se fait bien dans
nos petits bassins, d'où le poisson passe en étang quand il a pris le dé-
veloppement voulu, pour être remplace', l'an d'après, par de nouveaux
alevins, et ainsi de suite. On proportionne les dimensions des viviers
à la grosseur du poisson, et, dans ces conditions, les pertes sont nulles
et le développement rapide.
» Permettez-moi de vous dire aussi un mot de nos Quinnats, dont
j'ai été, à un moment, si satisfait. La première année, nos e'ièves ont
fait merveille ; ils étaient très gros pour leur âge. La deuxième
année, ils ont peu grossi. Eu octobre de la troisième anne'e, je les ai
pêche's. 0 surprise! pas d'œafs, pas de laitance. Au lieu de faire une
récolte de quelques milliers d'œufs, comme je m'y attendais, je trouve
une centaine d'alevins, métis de Saumon et de Truite, cinq mâles de
Truite arc-en-ciel ayant franchi la grille de se'paratiou et pe'ne'tre' dans
notre bassin à Saumons. Rien de plus joli que ces. alevins (qui ont
aujourd'hui 7 ou 8 mois] avec leur petit ruban rouge sur toute la
longueur du corps. Je les ai mis avec nos alevins d'irideus de race
pure. Que sont-ils devenus ? Je le saurai au moment de la pêche du
bassin.
» Pour en revenir au Quinnat, si c'est un beau et bon poisson,
amusant par ses bonds continuels hors de l'eau, il est trop aisé à
pêcher, mordant facilement à la ligne, sans crainte du danger. Sur
le marché, il n'aura jamais, en raison de sa couleur blanche, le prix
de la Truite. Il semble, d'ailleurs, trop de'licat pour le transport,
même à petite distance. Mais il est charmant pour les pièces d'eau,
dans un parc, à cause de sa familiarité' et de ses culbutes à la surface
de l'eau. Il se plaît avec la Truite arc-en-ciel, qui remue la vase et
pourchasse les insectes, dont il s'empare à merveille. *
M. Raveret-Wattel ajoute que les faits d'hermaphrodisme
auxquels il est fait allusion dans la première partie de cette
lettre présentent un certain intérêt. Si quelques détails sont
un peu obscurs et demandent des renseignements complé-
mentaires, les observations faites sur ce point méritent tou-
tefois d'être suivies avec attention.
L'hermaphrodisme est un cas assez rare chez les poissons,
et cependant on en cite des exemples, particulièrement dans
la famille des Percides, chez les Perches ordinaires et aussi
chez quelques espèces marines de la même famille, les Ser-
i
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 379
rans. On en cite également des exemples clans la famille des
Salmonidés, et en particulier chez les Truites.
M. Andrews, qui a créé à Guildford, dans le comté de
Surrey, une importante ferme aquicole, possédait une Truite
hermaphrodite qui, pendant deux années successives, lui a
donné des produits.
Ce qui fait le côté particulièrement remarquablQ de cet her-
maphrodisme, c'est que cette Truite fécondait elle-même ses
œufs. La Truite étant venue à périr, M. Andrews l'a offerte
au Musée du Collège royal des chirurgiens de Londres, où
elle a été, de la part de ^l. le professeur Stewart, l'objet
d'une étude publiée avec planches dans le journal de la Société
linnéenne de Londres.
— M. Raveret-Wattel fait, en outre, une communication
sur les essais d'empoissonnement tentés dans le bassin de
l'Allier, communication qui sera publiée. M. le Président de-
mande le renvoi du travail d'analy.se de ces essais à la Com-
mission des récompenses.
— M. Vacher rapporte les observations suivantes : Plu-
sieurs milliers d'œufs de Truite ont été fécondés le 22 fé-
vrier et dès le 11 mars ils étaient parfaitement embryonnés.
L'eau était à la température de "7" centigrades. Ce fait est
absolument étrange, car ordinairement l'éclosion n'a lieu
qu'au bout de 42, 45, 48 jours. M. Vacher a observé aussi,
à l'occasion de ses travaux de pisciculture pratique, qu'un
grand nombre de mâles de Truites étaient stériles.
M. Dareste demande si ces mâles stériles ont été étudiés
spécialement ; M. Vacher déclare que cette étude n'est pas de
sa compétence, mais il fournira volontiers des spécimens à
M. Dareste.
D'après M. Raveret-Wattel la stérilité a été constatée chez
les femelles dans plusieurs établissements de pisciculture,
mais à sa connaissance aucun fait de stérilité des mâles n'au-
rait jusqu'ici été relaté.
— M. J. Grisard donne lecture d'un travail de M. Decaux,
sur la Cheimaiobia Brumata.
A la suite de cette lecture, M. Fallou demande à rappeler
qu'il a lui-même fourni de nombreux documents à M. De-
caux pour ce mémoire. Il y a longtemps, ajoute M. Fallou,
que les moyens de destruction préconisés par M. Decaux
380 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
sont connus, et la destruction peut être obtenue par des
procédés moins compliqués.
M. le B' Laboulbène dit qu'en effet des moyens très simples
déjà indiqués par M. Fallou dans une note manuscrite, sont
efficaces; il serait bon que cette note lut publiée dans la
Revue des Sciences naturelles appliquées.
— M. Hédiard présente à la Société une Igname de petite
dimension, originaire de la Martinique et de la Guadeloupe.
Cette Igname pourrait être cultivée avantageusement en Al-
gérie. Notre collègue présente aussi des Haricots noirs du
Mexique, dont la culture réassit aux environs de Paris. Il
tiendra ces graines à la disposition de ceux des membres de
la Société qui voudraient étendre ces essais d'acclimatation.
— M. le Président, avant de lever la séance, rappelle la
récente inauguration du Palais d'Hiver au Jardin zoologique
du Bois de Boulogne. Cet événement ne peut manquer d'inté-
resser la Société d'Acclimatation aussi bien en raison de l'im-
portance et du charme de la cérémonie qu'en raison de
l'utilité de l'établissement pour l'instruction pratique et
rendue agréable.
La salle principale du Palais d'Hiver sera mise à la dispo-
sition de la section d'Aviculture de la Société d'Acclimatation
pour sa prochaine exposition.
Cette exposition s'annonce comme devant être extrême-
ment brillante.
Le Secrétaire des séances,
Remy Saint-Loup.
III. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS.
r
5e SECTION (VEGETAUX).
SÉANCE DU 11 AVRIL 1893.
PRÉSIDENCE DE M. P. CHAPPELLIER, VICE-PRÉSIDENT.
Le procès-verbal de la séance pre'cédente est lu et adopté.
A cette occasion M. le Président fait remarquer que le nom de
PUdi pin (Pin résineux) est appliqué à plusieurs espèces de conifères,
notamment aux Pliim rigida des États-Unis du nord et australis des
États du sud ainsi qu'à VAbies Douglasii des Étals du nord-ouest.
M. Dosne demande à la Société' si elle pourrait lui procurer des
semences de Castanea pumila et de Quercus chinquapin pour un essai à
tenter dans les Corbières de l'Aude.
M. de Vilmorin dit qu'il se fera un plaisir d'oflfrir des graines de ces
végétaux à l'automne prochain. Puis il dépose sur le bureau une ré-
cente publication ayant pour titre: Les plantes de grande culture.
M. le Secrétaire donne lecture d'une lettre de notre collègue
M. Sicre qui met à la disposition de la Société un certain nombre de
boîtes de poudre insecticide de Pyrèllire pure.
Les membres pre'sents acceptent de vouloir bien faire des essais de
ce produit et de rendre compte des résultats qu'ils en obtiendront.
M. Paillieux rappelle qu'il y a deux ans il a reçu de la Société d'Ac-
climatation de Moscou un certain nombre de graines de plantes du
Pamir et du Kaschgar.
L'un des sachets, qui portait l'inscription Osumê, renfermait deux
varie'tés de salades; l'une, la romaine gigogne, ainsi nomme'e par notre
confrère à cause de la production abondante de bourgeons qui en-
tourent ses tiges ; l'autre, la romaine asperge. Cette dernière est une
plante très distincte et ne ressemble à aucune autre romaine ; elle ne
forme pas de pomme et monte promptement. Ce sont ses liges grosses
et renfle'es qu'on utilise lorsqu'elles ont environ Qn^jSO de hauteur.
Cuite et accommodée au jus ou à la crème elle fournit un bon légume.
Notre confrère distribue des graines de cette intéressante variété.
M. Vilbouchevitcb re'sumc verbalement les premiers re'sultats de
l'enquôle entreprise sous les auspices de la Socie'te' sur les plantes des
tenains salants.
M. Ilediard présente des haricots du Transvaal qui ollreut une
grande ressemblance avec la variété' qui porte son nom, mais qui sont
remplis de larves de Bruchus, tandis que le haricot Hediard eu a été
jusqu'à prc'sent indemne.
M. le Président offre à ses collègues : 1° des pommes de terre demi-
haiives Heine des Polden ; 2o des graines de navet rouge du Cache-
mire ; 3° des graines de giroflée jaune parisienne 1res hiUive.
Le Secrétaire, Jules Grisard.
IV. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTETS.
Académie des Sciences. — On lira avec intérêt l'extrait sui-
vant des observations présentées à l'Académie des sciences par
M. Laboulbène sur un moyen de pre'server les jeunes végétaux contre
les attaques des insectes :
Les Vers gris, ou Chenilles de diverses espèces d'Àçrofis, sont ex-
trêmement nuisibles aux vége'taux de grande culture et des jardins
potagers. Pour combattre leurs ravages, on peut employer, suivant
les conseils de M. Emile Blanchard, les semis et la plantation faite
de bonne heure ; le roulage, le plombage du sol, sur une profondeur
de plusieurs centimètres, est très utile ; les Chenilles ne peuvent que
difficilement se mouvoir sur une terre durcie, plus tard les chrysa-
lides sont empêchées de remonter pour l'éclosion.
A ces moyens on peut ajouter remploi, en arrosements, des de'coc-
tions de plantes renfermant des alcaloïdes énergiques. Ces derniers
ont la propriété' de s'oxyder rapidement, d'e'prouver des transforma-
tions mole'culaires et de ne pas persister à l'état toxique, soit sur la
plante à préserver, soit dans le sol, tandis que les poisons mine'raux
offrent, au maximum, ce dernier inconve'nient.
On sait que beaucoup de Renonculace'es vertes sont dangereuses
pour les bestiaux qui les mangent, mêle'es à l'herbe des prairies,
tandis que desséche'es elles peuvent être consomme'es sans péril, à
l'état de fourrage. Les mace'rations, les décoctions de parties vertes
ou de graines des végétaux renfermant des alcaloïdes, poisons éner-
giques, pourraient donc rendre de grands services, en arrosements sur
les jeunes betteraves et autres plantes récemment levées, contre les
Vers gris et les diverses larves dévastatrices.
« Mes expériences varie'es, répe'tées, dit M. Laboulbène, m'ont paru
probantes et elles ont été faites en grande partie avec les tiges et les
feuilles du Delphinium graiidiflorum vivace, ainsi qu'avec les semences
des D. graiidiflorum et D. ÂJœds. Je ne doute pas que celles du D.
stapliysagria ne soient encore plus énergiques.
» J'estime donc que les alcaloïdes végétaux peuvent rendre à l'a-
griculture et à l'horticulture de grands services par la macération ou
la décoction des plantes et graines qui les renferment. Les mace'rations
constituent le proce'de' le plus simple, le plus pratique; peut-être faut-
il rendre les solutions plus énergiques en les acidulant, pour dissoudre
le plus possible des alcaloïdes toxiques.
» Enfin, les Renonculacées telles que les Delphiniion ne sont pas les
seules auxquelles on peut avoir recours, mais aussi les Aconits et en-
core les Datura, la Belladone, la Jusquiame, etc. Il y a là, en réalité,
une mine à exploiter avec utilité pour l'agriculture et l'horticulture. »
V. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS.
Cas d'albinisme chez le Hérisson. — Les Hérissons blancs
sont rares. M. Rowland Ward vient d"en trouver un près de Henley,
sur la Tamise. Cet exemplaire est caracte'risé par le museau, les yeux
et les pattes normalement roses; par les piquants du sommet du dos
de couleur brun-jaunâtre. Mais le reste du corps est très clair; la
poitrine et les flancs sont d'un blanc pur. De S.
Gibier exotique acclimaté en Bohême. — Dans les domaines
de Konopichst, appartenant à l'arcbiduc François-Ferdinand d'Esté, on
a tué, pendant la saison dernière, 2 Mouflons, 35 Dindons, Pintades
et Paons sauvages. Dans ceux du prince de Schwarzenbeig, à Frauen-
berg, on a tiré 10 Mouflons et, à Wiltingau, 19 Dindons. De B.
Un train arrêté par des Antilopes. — On e'crit de Spokake
(Washington) que l'express du Nord a rencontré, prés de Black-Foot
(Montana], un troupeau composé d'une centaine d'Antilopes, dont sept
furent e'crasées. Le train dut stopper ; la collision ayant causé une
avarie à la machine, on chercha une autre locomotive pour continuer
la route. De S.
Présence d'une pierre dans l'estomac d'un Cheval. —
M. H. Ramsbolham rapporte dans le Zoologist qu'il a trouvé dans l'es-
tomac d'un vieux Cheval que l'on venait d'abattre, une pierre arrondie
mesurant près de quatorze pouces de diamètre, et d'un poids de trois
livres (anglaises). L'animal était âge de vingt-quatre ans. Son pro-
priétaire le garda pendant seize ans durant lesquels il ne cessa pas de
travailler. Quelques mois avant sa fin, il souffrit d'une constipation,
cause'e probablement par l'obstacle du caillou. Mais il s'en était com-
plètement remis. G-
Commerce du café au Guatemala. — La culture du café se
développe dans le Guatemala. Elle y a été introduite par les Jésuites
en 1770. Ce ne fut qu'en 1835 qu'on entreprit des plantations ré-
gulières. Depuis trente ans à peine l'exportation a commence'. Do 1861
à 1870, elle s'élevait à 11,000 livres. Dix années plus lard, en 1891, la
république en exporta i)Our 52,000 livres d'une valeur de 54,634,925
francs ; mais il faut y ajouter 7,000 livres qui furent consommées
dans le pays. La culture du cale réussit surtout entre 500 et 1,500
mètres d'altitude. Les meilleures qualités sont dirigées sur Ham-
bourg; les autres sont envoye'es à San Francisco et en Anglolerre.
De B.
VI. BIBLIOGRAPHIE.
L'Aquarium d'eau douce et ses habitants, animaux et
végétaux, par Henri Coupin, licencie es sciences naturelles et
es sciences physiques, préparateur d'histologie zoologique à la
Sorbonne. — 1 volume in-16 de 320 pages avec 228 figures, de la
Bibliothèque des Connaissances utiles. Cartonne', 4 francs. — Librairie
J.-B. Baillière et fils, 19, rue Hautefeuille, Paris.
'L'Aquarium. — L'Eau et son aération. — Les Plantes dans l'Aqua-
rium. — Chasse et transport des Animaux. — L'étude des Animaux.
— Les Protozoaires. — Les Cœlente're's. — Les Spongiaires. — Les
Vers. — Les Crustacés et les Insectes. — Les Mollusques. — Les Ba-
traciens et les Reptiles.
Ce livre s'adresse aux jeunes naturalistes et aux gens du monde
qui s'intéressent aux choses de la Nature. Prenant un sujet, en ap-
parence un peu spécial, mais en re'alité très vaste, l'auteur s'est ef-
forcé de montrer que, sans grandes connaissances scientifiques
préalables, et en ne se servant presque jamais du microscope, on
peut faire, avec le plus simple des aquariums, une multitude d'obser-
vations aussi varie'es qu'intéressantes.
Il indique les moyens de re'colte, do conservation, d'étude de quel-
ques-uns des types, animaux et végétaux, pris ge'ne'ralement parmi
les plus communs et qui habitent nos fleuves, nos rivières, nos lacs,
nos étangs et même de la plus modeste mare.
L'e'tude des animaux vivants, envisage's dans leurs mœurs, leur
biologie et leur e'volution, est, à notre avis, un peu délaissée par les
amateurs. C'est un aperçu sur cet horizon que M. Coupin a voulu
donner ; après l'avoir lu, on sera bien convaincu qu'un aquarium
n'est pas seulement un « répicient pour élever des poissons rouges »,
mais que, dans des mains même inexpérimentées, il peut devenir un
sujet d'études des plus instructifs et des plus attrayants.
Pour la re'daction des chapitres, il a surtout fait appel à ses obser-
vations personnelles et à ses souvenirs.
Pour rehausser la valeur du texte, il a donné plusieurs extraits des
auteurs les plus compétents qui se sont occupés de la question, tels
que Trembley, Re'aumur, Lëou Dufour, Ed. Perrier, Vaillant, etc.
Enfin il a multiplié les figures autant qu'il était possible de le faire;
c'est là un point que les lecleurs apprécieront tout particulièrement.
G. DE G.
Le Gérant : Jules Grisard.
I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ.
LES CHIENS DE BERGER
Par m. p. MÉGNIN.
(suite et fin *.]
Dressage du chien de berger.
a On ne saurait donner trop de soin, — a dit Magne (1), —
à dresser les Chiens de berger, à les accoutumer à faire la
sentinelle, à tenir le troupeau convenablement massé et sur-
tout à ne pas effrayer les moutons et à ne pas les mordre.
» Pour les dresser, il faut les prendre jeunes et employer
beaucoup de persévérance, des caresses, des friandises et
au besoin des châtiments. Il faut surtout leur donner
l'exemple d'un cliien bien dressé.
» Les premières fois qu'on les commet contre un mouton,
il faut être à côté d'eux et les surveiller attentivement; s'ils
ont l'air de vouloir mordre, on les saisit et on les corrige;
on doit laisser pendre une ficelle à leur cou afin de pouvoir
les arrêter plus promptement.
» Au moyen de cette corde on peut même les corriger, leur
faire sentir qu'ils ont mal fait.
» Si on a des Chiens précieux à cause de leur activité et
de leur intelligence, mais qui ont malheureusement le défaut
d'être un peu méchants et de mordre les bêtes à laine, il faut
les museler ou mieux leur briser les dents canines. » — Un
berger de notre connaissance nous disait qu'il est préférable
d'émousser seulement ces dents en en brisant la pointe qu'on
lime ensuite.
D'après Villeroy (2i on distingue les chiens de berger en
coureurs et en pointeurs.
(*1 Voyez plus haut, p. 241, 289 et 337.
(1) Mapne, Hyairne vûc'riiiaire apjiiiqiiée.
(2) Villeroj, Manuel de Vcleveur dex b''tes à laine.
5 Mai 1893. 23
386 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
« Le coureur, dit-il, est un chien ardent, allant et revenant
sur ses pas, et courant continuellement sur les côtés du
troupeau. Si le troupeau pâture sur un champ vide, près
d'un autre champ qui lui est interdit, le coureur ne cesse de
parcourir la ligne que les bêtes ne peuvent pas franchir . Et
cependant il inspire peu de crainte aux hôtes, qui souvent,
immédiatement après qu'il est passé, vont brouter le fmiit
défendu. Les coureurs s'imposent une fatigue extraordinaire
à laquelle ils ne résistent pas longtemps, et ils ne comptent
pas parmi les bons chiens de berger.
» Ije pointeur, au contraire, est couché aux pieds du berger
ou dans la raie de champ, que les bêtes ne peuvent dépasser.
Les yeux à demi fermés il a l'air de sommeiller. Mais que le
berger prononce son nom et lui fasse un signe, ou qu'il voie
une bête dépasser la limite du champ abandonné au pâtu-
rage, alors il s'élance comme une flèche et les délinquants
sont promptement remis à l'ordre. Ces Chiens se font res-
pecter sans tourmenter inutilement les bêtes : ils se fatiguent
beaucoup moins que les précédents, durent plus longtemps
et sont certainement les meilleurs. Leur intelligence est vrai-
ment admirable, et souvent je m'étonne en voyant comme
ils comprennent un mot, un signe de la main ou seulement
de la tête, ou un coup de sifflet du berger.
» Quand on voit le berger, calme et immobile, appuyé sur
sa houlette, ajoute Villeroy, et près de lui son Chien, la tête
haute, l'œil animé, l'oreille tendue, attendant un signe ou un
mot, prêt à s'élancer pour obéir à l'ordre de son maître ;
alors on admire cet empire de l'homme, qui a fait son esclave
de l'animal le plus intelligent, pour arriver, par son aide, à
soumettre ou à dompter les autres animaux. »
Le célèbre Charles Darwin, dans une expédition scienti-
fique dans l'Amérique du sud, a vu et entendu raconter
comment on dresse les Chiens de berger, et le rapporte
ainsi : « Pendant mon séjour dans une estancia (ferme) à
Montevideo, j'éprouvai une agréable surprise en entendant
raconter et en suivant de près le mode d'éducation adopté
pour les Chiens de berger du pays. Il est fort ordinaire de ren-
contrer là-bas d'immenses troupeaux de moutons qui, éloi-
gnés d'une dizaine de kilomètres des habitations, ne sont pas
même accompagnés d'un berger-homme, et dont la garde
est confiée à un ou deux Chiens. Je métonnai souvent de
»
LES CIIIEXS DE BERGER. 387
l'attachement mutuel des Chiens et des moutons, mais on
peut dire littéralement que cet attachement prend naissance
à la mamelle.
» Le système d'éducation consiste à séparer de bonne
heure le jeune chien de sa mère et à l'habituer au troupeau
dont il aura la garde future. Trois ou quatre fois par jour on
fait têter une brebis au jeune animal, puis on le dépose sur
une couchette de laine. Jamais on ne lui permet de commu-
niquer avec un chien étrang-er ou avec les autres membres
de sa famille. On lui fait subir en outre la castration, de
sorte que, arrivé à l'âge adulte, il a à peine le sentiment
de l'existence de son espèce. Il résulte de cette éducation
que l'animal ne témoigne pas le moindre désir d'abandonner
le troupeau, et, de même qu'un chien défend son maître, il
prend la défense des moutons menacés . Lorsqu'on s'approche
d'un troupeau le chien s'avance en aboyant, et, à ce signa-
lement, tous les moutons se réunissent et s'abritent derrière
lui . Ces chiens savent aussi fort bien ramener le soir, à une
certaine heure, le troupeau à la bergerie.
» Leur plus grand défaut, tant qu'ils sont jeunes, est de
vouloir jouer avec les moutons, et de ne laisser aucun repos
à celui de leurs pauvres subordonnés qui devient l'objet de
leur passe-temps.
» Chaque jour le chien de berger se rend à l'habitation de
son maître afin d'y prendre sa ration de viande, et, aussitôt
qu'on la lui a donnée, il s'échappe, la queue entre les jambes
parce que les autres Chiens de la maison le considèrent
comme un étranger et le harcèlent ; le moindre roquet le
poursuit et cherche à le mordre. Mais, du moment où il a
rejoint son troupeau, il s'arrête, fait volte-face, se met à
aboyer et ses poursuivants décampent aussitôt. Les Chiens
sauvages se hasardent rarement et seulement qijand ils sont
poussés par la faim, à attaquer les moutons gardés par des
bergers aussi fidèles. »
' o"-
Les sheep-dogs-trials.
Nous empruntons à notre confrère M. le Professeur Reul,
de Bruxelles, dans le livre duquel nous avons trouvé les
citations qui précèdent, les renseignements suivants sur les
Epreuves sur le ici rain des Chiens de berger qui servent à
388 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
classer ces animaux non plus d'après la somme de leurs
beautés physiques, mais bien d'après leur degré d'aptitude au
service.
Les Sheep-dogs-Trials des Chiens de berger correspondent
absolument aux Field- Trials des Chiens d'arrêt. C'est dans
les montagnes de l'Ecosse, dans les Highlands, que les Sheep-
dogs-Trials ont pris naissance, voici comment : Il y a bien
des années, écrit M. Samson dans The Lice Stor-h journal,
la comtesse de Beeturd mit en avant l'idée de fonder une so-
ciété pour améliorer encore les aptitudes déjà si remar-
quables du Colley. Celui-là seul qui connaît les sites sauvages
des montagnes dans les comtés du nord de l'Ecosse est à
même d'apprécier l'utilité de ces fidèles auxiliaires des pro-
priétaires de troupeaux. Les moutons de races aborigènes,
ISlack-Faccd, Chevlot, Hardwicks et leurs croisements, vi-
vent en liberté sur ces immenses territoires incultes et non
clôturés ; aussi, sans le concours de l'intelligent Colley,
serait-il de toute impossibilité aux fermiers de rassembler
leurs troupeaux disséminés dans la montagne. Le Colley leur
est d'une indispensable nécessité. L'époque de la tonte étant
arrivée, ce sont les Chiens qui se chargent d'aller chercher
dans les pâturages abruptes les moutons qu'il s'agit de
dépouiller de leur toison. Une ancienne habitude veut que
les fermiers écossais s'entr'aident mutuellement pour mener
cette besogne à bonne fin ; un certain jour, déterminé long-
temps d'avance, est fixé pour opérer la tonte des moutons,
dans chaque ferme, et ce jour-là les fermiers de plusieurs
lieues à la ronde arrivent avec leurs hommes, tous se mettent
à tondre, chacun rivalisant d'adresse et de célérité.
Ces réunions, d'antique origine, entretiennent des relations
de bonne amitié entre voisins sont l'occasion de fêtes cham-
pêtres, qui rappellent les fer rades de la Camargue ; le chef
de l'exploitation où se pratique la tonte se charge de nourrir
et de rafraîchir ses aides d'un jour, et la journée de travail
se termine généralement par des danses entre jeunes et des
parties de cartes entre vieux.
Le Colley, qui durant toute la journée a dépensé une
somme énorme d'intelligence, d'habileté, reçoit-il, lui aussi,
sa part du gâteau ? C'est probable.
Dans tous les cas l'idée de la comtesse de Beeturd ren-
contra de nombreux adhérents parmi les principaux proprié-
LES CHIEXS DE BERGER. 389
taires des comtés du nord et il y a déjà plusieurs années que
la Northern Counties association organise alternativement
des Trials dans le Gumberland, le Lancasliire, le Yorksliire,
le Westmoreland, etc. Le promoteur des premières épreuves
de Chiens de berger est M. Thomson, de Sclattys. Les ré-
compenses aux lauréats de ces épreuves consistent en des
prix importants et en des coupes d'argent.
C'est ainsi que les Collies ont appris à faire la démonstra-
tion publique de leurs qualités, et que leur réputation s'est
étendue dans le monde entier.
Voici en quoi consiste les Sheep-dogs-Trials écossais :
Chaque concurrent doit aller chercher dans la montagne
ou plutôt sur le versant d'une colline à pente inclinée du
côté des spectateurs, les trois brebis qu'on y a lâchées à son
intention et hors de sa vue ; il doit les pousser devant lui à
environ 800 mètres de là, en 10 à lo minutes, en les faisant
passer par dessus des talus, à travers des haies vives, ou
des barrières dans lesquelles ont été pratiquées d'étroites ou-
vertures, entre des claies placées parallèlement, etc., pour
finir par les faire entrer dans un parc établi près des specta-
teurs. . . et sans doute des parieurs, car, dans le Royaume-
Uni, tout sport s'accompagne de pari.
La durée de chaque épreuve se trouve limitée, mais, outre
le temps, les juges doivent envisager surtout la façon dont
le Chien s'est comporté pendant toute la durée du travail
iuiposé. Voici, d'après \q Stoch-Keepcr, comment le juge de
ces concours répartit habituellement son total de 100 points :
40 — Se diriger directement vers le but et trouver les
Moutons ; se tenir à distance du troupeau; obéir au
coup de sifflet et faire de la bonne besogne sur la
montagne; décrii-e de bons cercles, etc., là oîi le
Chien n'est pas sous la surveillance de son maître.
10 — Faire passer les Montons par dessus les talus, les
murs et par les portes de clôture.
10 — Par les premiers obstacles et entre les poteaux.
10 — Entre les claies placées parallèlement.
10 — Entre les seconds poteaux et les drapeaux.
10 — Faire entrer les Moutons dans le parc.
10 — Le temps employé pour effectuer le travail.
100
390 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
On peut yarier les épreuYes, mais elles restent toujours
intéressantes parce qu'elles donnent lieu à une foule d'inci-
dents qui mettent le public en belle humeur. Elles sont inof-
lensives, car aucun animal n'en souffre ; elles sont utiles au
plus haut point, pour obtenir d'excellents Chiens de berger.
C'est au CoUie-cliib bruxellois et au Club du Chien de
berger belge que revient l'honneur d'avoir importé ce genre
de sport sur le continent.
Les premières épreuves de Chiens de berger au travail ont
eu lieu dans les vastes prairies de la Société des Marchés
et Abattoirs de Cureghem, les P' et 2 mai 1892 ; elles ont
parfaitement réussi et vivement intéressé les spectateurs ;
vingt-deux concurrents, presque tous de race belge, se sont
présentés au poteau. Les épreuves se courant en plaine, une
piste immense et parsemée d'obstacles avait été tracée à tra-
vers la prairie. Voici, au surplus, quelles étaient les condi-
tions du programme.
Chaque Chien devra conduire 10 Moutons qu'il prendra dès
leur sortie de l'enclos et viendra les parquer près du public en
leur faisant exactement suivre tout le parcours d'une piste
en S, de 200 mètres de longueur d'une largeur variant de
6 à 8 mètres comprise entre deux sillons tracée à la chaiTue
dans le gazon Le berger devra marclier devant le petit trou-
peau ; il ne pourra intervenir que pour donner des ordres à
son Chien.
Les Moutons doivent passer entre des poteaux et des dra-
peaux, traverser un étroit pont de bois, gravir un talus, fran-
chir un ruisselet, etc., avant d'être introduits par une petite
porte, dans l'enclos qui servira de terminus.
Le maximum de temps accordé à chaque Chien pour ac-
complir tout le trajet, avec sa petite bande de Moutons, est
de dix minutes ; s'il dépasse ce laps de temps, il est mis hors
concours (1).
Le maximum de points accordé par le jury est de 100.
Chaque fois que le Chien laissera sortir un Mouton de la
piste, il perdra un point; pour deux Moutons ou plus, il per-
dra 2 points.
Tout Chien qui mordrait un Mouton au membre antérieur
(1) L'expérience nous a appris que ce temps est beaucoup trop long pour la
plupart des bous Chiens. Certains de nos concurrents onl, en etlet, accompli le
trajet en 3 minutes, voir même en 2 1/2 minutes.
LES CUIEXS DE BERGER. 391
on à l'oreille, perdrait 5 points; celui qui le saisirait à la
gorge perdrait 10 points.
Tout Chien qui aboierait pendant la durée de son travail
perdrait 5 à 10 points, selon la persistance qu'il mettrait à
donner de la voix.
Pour tout le reste (irrégularités dans la marche, cercles ex-
centriques, etc., le jury appréciera comme il l'entendra.
Les Chiens trop mo)'dants seront immédiatement mis hors
concours.
La plupart des concurrents ont t'ait preuve de beaucoup
d'intelligence et d'une bien grande aptitude à la direction des
tron[)eaux lors du Sheep-dog-Trial de Cureghem. Et cepen-
dant les bergers n'avaient pu procéder à la moindre répéti-
tion avant le concours, attendu que beaucoup ignoraient les
dispositions de la {)iste et jusqu'à la nature du travail qui
allait leur être demandé.
L'on devrait vulgariser le plus possible ce genre de sport,
qui n'offre aucun danger, qui est intéressant et utile tout à la
fois et nous voudrions le voir inscrit au programme de toute
solennité agricole de quelque importance.
En 1893, les SIk ep-dogs-irials de Belgique auront lieu à
Spa, selon toute prévision, à l'occasion de l'Exposition canine
de la Société royale Saint-Hubert, le 7 ou le 8 août.
UNE NOUVELLE ECHELLE A SAUMONS
SYSTÈME HOCKIN
Par m. RAYERET-WATTEL.
La question des échelles à Saumons présente une très grande
importance au point de vue du repeuplement des cours d'eau ;
aussi s'occupe-t-on constamment, soit d'améliorer, de per-
fectionner les systèmes d'échelles déjà connus et utilisés,
soit d'en trouver de nouveaux, fonctionnant d'une façon plus
satisfaisante que ceux actuellement en usage.
Chacun sait que le but auquel on tend dans la construction
d'une échelle à Saumons c'est de fournir aux poissons migra-
teurs un passage toujours aisément praticable lorsque Fétat
de la rivière peut inciter ces poissons à remonter. Toute
échelle qui ne répond pas complètement à cette condition
ne peut être considérée comme vraiment satisfaisante. Une
bonne échelle doit être de facile accès et se trouver en con-
venable situation pour attirer le poisson. Il faut qu'elle ne
soit pas d'une construction coûteuse ; enfin, qu'elle n'exige
pas de fréquentes réparations et qu'elle ne dépense qu'une
faible quantité d'eau pour fonctionner. Or, il est certain que,
jusqu'à ce jour, peu d'échelles ont satisfait complètement à
ces divers desiderata : Ici, la pente de l'échelle est trop forte
et, par suite, la violence du courant gêne la remonte du
poisson. Là, c'est l'emplacement qui a été mal choisi, de sorte
que le poisson s'y présente peu ou pas du tout. Ailleurs,
c'est l'alimentation en eau qui n'est pas assurée d'une façon
permanente, ou bien encore ce sont les crues et les glaces
qui causent fréquemment des avaries, mettent l'échelle hors
de service et nécessitent de continuelles et coûteuses répara-
tions.
Lors d'un récent voyage en Amérique, M. Guthrie Smith,
vice-président du Fishery Board for Scotland, a eu occa-
sion de voir un nouveau système d'échelle à Saumons qui l'a
frappé par sa simplicité et qui, par son mode de construc-
tion, parait s'affranchir d'une grande partie des inconvé-
UNE NOUVELLE ECHELLE A SAUMONS 393
nients signalés ci-dessus. L'inventeur de cette échelle est
M. Robert Hockin, l'un des inspecteurs des pêches de la
Nouvelle-Ecosse. Cette échelle, brevetée au Canada et aux.
Etats-Unis, a déjà reçu de très flatteuses approbations, no-
tamment celle de M. Samuel Wilmot, surintendant de la pis-
ciculture au Canada, et celle de M. le colonel Marshall Me
Donald, commissaire fédéral des pêcheries des Etats-Unis,
qui est un juge d'une si haute compétence en pareille ma-
tière.
Comme je l'ai indiqué dans un précédent travail sur les
échelles à Saumons (1), une foule de systèmes très différents
ont été imaginés pour frayer un passage au poisson : plans
inclinés, échelles à gradins, couloirs en zig-zag, etc., et cer-
tains d'entre eux ont été employés avec plus ou moins de
succès sur divers points, tant en Europe qu'en Amérique.
Mais il est rare cependant que leur application ne laisse pas,
pour une raison ou une autre, quelque chose à désirer.
D'après M. Guthrie Smith, l'invention de M. Hockin offri-
rait des avantages qui lui donneraient la supériorité sur
tous les types mis en essai jusqu'à ce jour. Le principal de
ces avantages résiderait dans la position qu'occupe l'oriflce
d'alimentation de l'échelle. L'eau ne peut jamais faire défaut
(ce qui est considéré comme un point important), car cet
orifice se trouve situé bien au-dessous du niveau que l'eau
atteint dans le bief supérieur, en amont du barrage que doit
franchir le poisson. Dans un très grand nombre d'éclielles,
l'alimentation a lieu au moyen d'une entaille faite dans hi
crête du barrage; de sorte que si le niveau de l'eau vient
à descendre au-dessous de cette crête, la veine liquide qui
doit se déverser par l'échelle cesse de couler et l'appareil de-
vient inutile. Cet inconvénient, évidemment, n'est pas à
ci'aindre avec l'échelle Hockin, dont nous allons faire con-
naître le dispositif ; mais peut-être pourrait-on se demander
si, en raison même du niveau auquel se trouve l'orifice
d'amont, des apports de sable ou de vase, en temps de crues,
ne sei'aient pas susceptibles d'obstruer cet orifice et d'arrêter
le fonctionnement de l'appareil.
Voici la description que l'inventeur lui-même donne de
son système : Considérant, dit M, Hockin, que le défaut prin-
(1) Les poissons miqrateitrs et les échelles à Saumons {Bulletin, 1884. p. 14,
321 , 326 el 636.
394 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
cipal des échelles actuellement en usage, c'est d'être alimen-
tées par le haut, et jugeant qu'il serait très avantageux d'en
établir une qui fût alimentée par dessous, j'instituai, l'hiver
dernier, une série d'expériences tendant à résoudre le pro-
blème, et j'ai réussi à trouver un dispositif qui me parait
fournir une solution bien simple de la question. C'est, en
somme, une ouverture qui, pratiquée à la base du barrage,
donne passage à un courant dont la vitesse se trouve si atté •
nuée qu'un poisson peut le remonter aisément et passer
sans difficulté, en nageant, du bief d'aval dans le bief
d'amont. L'appareil qui permet d'obtenir ce résultat consiste
en une série de compartiments ayant leur radier à peu près
horizontal, et dont les bajoyers ainsi que les cloisons trans-
Fiij. I. — Coupe dune échelle Hockiu.
versâtes, distantes entre elles d'environ quatre pieds (l'",:50),
s'élèvent de la base de la digue ou barrage, jusqu'au-dessus
du plan d"eau (voir la fig^ire 1). Ces compartiments commu-
niquent entre eux, ainsi qu'avec le bief d'amont et celui
daval, par des ouvertures ménagées à peu près à une même
hauteur et sur un même alignement, pour rendre le passage
plus facile au poisson. Le niveau de l'eau va en baissant de
compartiment en compartiment, depuis le premier (c'est-à-
dire celui où se trouve l'orifice supérieur du passage) jus-
qu'au dernier, et la veine liquide qui s'échappe par la der-
nière ouverture, sous une couche d'eau d'environ deux pieds
(0'",60) présente si peu de vitesse que le poisson peut la re-
TNE NOUVELLE ÉCHELLE A SAUMONS
39o
monter avec une parfaite aisance. Nous avons ainsi une
échelle qui, sans atteindre une grande longueur ^28 ou 32
pieds] peut suffire pour tout barrage de hauteur ordinaire.
>«*«ij •••■»••»
»«»■>»•■»•*<
■«■■•■■■«»•«■!
t»»»m»mm»9mmé
A
Fig, ^. _ Coupe schémalique d'une échelle Hockin, au barrage de Cumminger,
Les ligDCS ponctuées indiquent la hauteur de l'eau dans les divers
compartiments de l'échelle.
A Niveau de l'eau dans le bief d'amont, contre le barrage. — B Niveau de Feau
dans le biei' d'aval. — G Ontice d'amont de l'échelle. — D Orifice d'aval.
Le passage se trouvant S07is l'eau, ne peut être gêné par
les glaces et, par la disposition de ses cloisons transversales
de quatre pieds en quatre pieds, la construction présente une
(
A
f
^
(
\ i '
1 -"'''
)_^- — — ' — ^
B
. ^.-J-"^
Fig. J. — Coupe schématique d'une échelle Hockin, au barrage de Doyle,
à Tidniss.
Les lignes ponctuées iudiquent le niveau de l'eau dans les divers
compartiments de l'échelle.
Les lettres A et B donnent les mêmes indications que dans la figure %.
solidité très grande. Les crues n'y déterminent pas de cou-
rant torrentueux susceptible d'occasionner des avaries. Les
396 HEVUK DES SCIENCES NATURELLES API-LIQUÉES.
ouvertures étant submergées ne peuvent pas être obstruées
l)ar les corps flottants, faciles, d'ailleurs, à enlever s'il s'en
engageait dans les compartiments. Ce qu'il y a peut-être de
plus important, c'est que le système fonctionne quelle que
soit la hauteur de Teau en amont du barrage. L'avantage
apparaît surtout si l'on songe qu'une échelle à poissons n'est
jamais regardée d'un bon œil par l'usinier qui utilise le bar-
rage, parce qu'il y voit une cause d'amoindrissement de la
force motrice dont il dispose. Or, dans l'échelle de mon in-
vention, si réduite est la vitesse du courant que la dépense
en eau se trouve très restreinte, et qu'elle ne représente
qu'une perte absolument insignifiante par rapport au débit
do la rivière. »
La figure II présente le schéma d'une échelle Ilockin éta-
blie au barrage de Cummingers, comté de Guysboro (Nou-
velle-Ecosse}.
La figure III donne également une coupe schématique de
l'échelle construite au barrage de Doyles, à Tydniss, comté
de Cuniberland (N. E.).
SUR LES VEGETAUX
QUI PRODUISENT
LE BEURRE ET LE PALN D' « O'DIKA »
DU GABON -CONGO
ET
SUR LES ARBRES PRODUCTEURS DE LA GRATNE
ET DU BEURRE DE « CAY-CAY ■>
DE COCHINCHINE ET DU CAMBODGE
VALEUR COMPARÉS DE CES DKl'X IMiODUITS
Par m. le D^ Edouard HECKEL,
Processeur à la Faculté des Science? de Marsdilo.
Si les nègres du Soudan, dans les hantes vallées d;i llr.:!!-
Nigei- et dans la région du Congo franrais (vers 4" de lat. N.],
savent préparer pour leurs besoins alimentaires la graisse
fournie parles semonces du Ce ou Kariié (11, les Pahouins
du Gabon, moins industrieux, utilisent journellement, pour
leurs apprêts culinaires, une pâte solide et grasse tout à la
l'ois, qu'ils nomment O' Dilia. Elle est laite des graines tor-
réfiées de V Irvliiyia (jabo lensis Bâillon, végétal propre à
l'Afrique tropicale.
Ce produit a déjà excité la curiosité de quelques chercheurs
jiotamment de O'Rorke (-2) ; plus tard, Bâillon en a repris
l'examen surtout au point de vue de ses origines végétales.
Ce savant, qui s'est appesanti sur la question botanique [^],
mais sans donner une figure de cet important végétal, a
cependant ajouté aux données de O'Rorke quelques rensei-
gnements nouveaux. Sa description l.'otanique, quoique dé-
taillée, avait aussi besoin d'être complétée.
(1) Voir pour la préparation de ce beurre, sa cjrapoiiliuu cliijii>|uc cl son
emploi industriel en France, ir.oti article iulilulé Sur nit arhre pnditrte<ir <lc
(lutta et de corjjs {jras, dans le juuraal La Salti,c Je G. Tissundicr, ISSii.
(2) Note sur le pain de Diha, Rep'.rtoiic de /.hainiarie, l'évntr IS.iK.
(3) Études sur Iherb er du Gabon du mus('e des co'.o lics françaises ';Adauso-
r.ia, t. Vil, p. 248).
398 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Il m'a paru intéressant de revenir sur cette étude pour la
parfaire, autant qu'il était en mon pouvoir, tant au point de
vue botanique qu'économique. Il était aussi nécessaire, au
double point de vue de la science pure et de ses applications
bromatologiques et industrielles, de comparer le beurre et
le pain à'O'DiUa aux produits similaires nommés Cay-Cay,
fournis par des végétaux congénères de VOba [h^vingla ga-
'bonensis), mais indigènes de la Cocliinchine et du Cambodge.
I
HISTORIQUE.
Les Pahouins du Gabon emploient pour leur nourriture
quatre aliments gras différents tirés des végétaux :
1° Le O'dikâ, 2° Le N'javé [Badlonella toxisperma Pierre),
3° le NouNEGOu [Tieghcmella? Jollyana Pierre), 4° I'Owala
{Pentacleilwa macrophylla Bentliam).
Je me suis déjà occupé de cette dernière semence (1) et je
crois en avoir montré tous les avantages comme graine indus-
trielle d'une très grande valeur pour la stéarinerie. Les autres,
on le verra, car je compte m'en occuper en leur temps, ont
une importance égale : je veux parler du N'javé et du Nou-
NEGOU. Entre les plantes à matières grasses de cette région,
je traiterai aujourd'hui seulement de VOba.
CHAPITRE I.
BEURRE ET PAIN DE O'DIKA.
En langage M'pongué , l'arbre (Irvingia gàbonensis) qui
fournit les graines avec lesquelles on fabrique le pain de
O'Diha ('2), s'appelle Oba et son fruit Iba: en langage Pahouin
(1) Sur les (/raines de I'Owala [Répertoire de pharmacie, décembre 1892).
(2) M. le professeur Marchand [Anacardiacées , 105] dit à propos du 3Iangi-
fera Africana Oliv. [Fegimanra Africana Pierre) : « 11 ne nous paraît pas im-
possible d'admettre que cette plante fournisse une partie du pain de Dika, car,
au dire des voyageurs, beaucoup de fruits aux semences oléagineuses portent
ce nom à'Ola. Or, le M. Africana est dans ce cas. » Il m'a été impossible de
contrôler celte prévision, n'aj'ant pas pu, jusquici, me procurer les graines du
Fegimanra africana. Mais je sais sûrement que les graines à'Oioala sont cou-
ramment mêlées à celles de VOba vrai pour la fabrication du pain à'O'Dika,
qui, de ce fait, se trouve enrichi de 20 % en matières albuminoïdes.
LE BEURRE ET LE PAIX D'O'DIKA, DU GABON-CONGO. 399
(dialecto Mazonmin] l'arbre s'appelle Endogo et le fruit Dogo,
mais la dernière syllabe est presque muette et forme une
sorte d'expiration difficilement appréciable pour une oreille
européenne. Le pain de O'Dika est appelé en pahouin
N'Dogu comme le fruit de l'arbre.
Habitat. —Description. — h'Oba [frvingia gaboneusis)
qui abonde dans les forets de l'intérieur du Gabon est un grand
arbre qui atteint 25 à 30 mètres de hauteur (d'après
M. Gouyon) ; c'est par conséquent un des grands végétaux
qui dominent la brousse et forment la voûte supérieure des
bois. En dehors du bassin de l'Ogooué, VOba, d'après les notes
que vent bien me transmettre M. Fondère, chef d'explora-
tion du Congo, se trouve dans la vallée du Niari-Quillou,
disséminé au milieu de la foret de Mayomha. Il disparaît à la
sortie de cette forêt, et on ne le retrouve plus dans les plaines
des environs des postes de Loadina et de Bonenza, mais il
reparaît dans le bassin du Congo, dans la vallée du Djoné^
affluent du Congo qui coule non loin de Brazzaville. Dans
rOuB.ANGHi, on le trouve depuis le confluent de cette rivière
jusqu'à 4°, 30' lat. Nord, c'est-à-dire jusqu'au poste de Dangid
au pied des rapides de Zongho (1). Au-dessus, pays de plaines,
VOba disparaît, la végétation change absolument (2). Dans la
(1) D'après les inllorescences de VOba que j'ai reçues du Conpo (par
feu Pierre, Directeur du jardin de Libreville, au retour d'un voyajie à Loançroj,
jincliiie à croire que l'espèce dominante, dans cette région, serait VIrvinjta
Siiiithii Ilook. f.; c'est, du reste, là, l'opinion de Smith, qui indique celte es-
pèce dans le Conf^o, tandis que Barter la signale dans le Ni^er. Je rappelle
ici que celte espèce ne se dill'érenoie de {'Iroin(jia gabonensis que par des ca-
ractères peu marqués dont le plus important est celui d'un embryon albumi-
neux (lan«! la foraine. Par ailleurs, l'ia forme des feuilles très coriaces, ovales
elliptiques, arromiies à la base avec un sinus étroit et cordifortne à l'insertion
du pétiole ; 2° les inflorescences axillaires ou terminales en irrappcs paniculées
éf^alautou dépassant la lonjjueur des feuilles, les pédoncules lloraux insérés un
à un le lon^ de l'axe floral tandis qu'ils sont rassemblés par ri ou 0 dans V Ir-
vingm g/ibiDiensis ; 3» le style de la loni^ueur de l'ovaire, constituent des
caractères do::t la constance me paraît fort douteuse. On trouve, du reste, des
états intermédiaires entre la manière d'être à.'Irviii(jia gabonensis et celle d'7.
Smithii.
[T] D'iiprès MM. Grisard et Vanden-Berghe {Les bois industriels exotiques.
Ri-vue des scienres naturelles applir/it^cs, n» 21, 5 novembre 1892, p. 429-430),
Vlrvi'ifjifi Gabonensis remonterait sur le littoral de l'Afrique tropicale, depuis
le (xabon jusqu'à Sierra-Leoue. D'un autre côté, mon zélé correspondant
M. Autran, de Libreville, m'écrit que ce véffétal se trouve au Dahomey, d'où
la firaine serait exportée par la maison Mantes frères, de Marseille, Ces reusei-
"nemenls semblent coulJrmulifs l'un de l'autre.
400 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
forêt de Mayomha, les indigènes préparent et consomment
ÏO'Dika : cette pratique ne se retrouve plus que dans les
tribus anthropophages Bonjos qui occupent les deux rives de
rOubanghi, entre 1° et 3'^ de lat. Nord. Ailleurs, sur le
Congo, ils se servent du fruit, mais sans recourir à la prépa-
ration spéciale qui en transforme la graine en pain de O'Diha.
O'Rorke dit, d'après Aubry-Lecomte, que ce végétal est
connu sur la côte depuis Sierra-Leone jusqu'au Gabon. Oliver
[Flora of trop. Africa, t. I, p. 314) cite les localités sui-
vantes pour ce végétal : Ile des Princes (Barter, Mann); Ri-
vières, Muni et Cameroon {Mann]. La variété tewàfolia de ce
végétal, établie par Hooker fils [Linn. Tran'<actions 23-167),
a les feuilles faiblement coriaces ou submembraneuses, large-
ment elliptiques, obtuses ou courtement et largement apicu-
lées. Le style est grêle et allongé comme dans le type. Une
seule localité est indiquée par Oliver [Flor-a of trop. Africa,
I, p. 314), c'est Abbcokida (Irving). C'est cette même variété
que Barter ai>pelle le Mango sauvage des indigènes de Sierra-
Leone: je serais porté à croire, d'après quelques spécimens que
j'ai eus entre les mains, qu'elle règne mêlée au type et quelque-
lois dominante sur toute la C(3te occidentale d'Afrique située
au-dessus de l'équateur, c'est-à-dire depuis Sierra-Leone jus-
qu'au Gabon. Au-dessous de l'équateur, c'est-à-dire dans le
Congo, nous avons vu que, vraisemblablement, VOha des in-
digènes de cette région est constitué par Y Irving ia Smithii
Hooker fils.
Voici la description de la plante du Gabon : Irvingia gabo-
ncnsis :
Dans les régions qui constituent son habitat connu, VOba est un bel
arbre ayant l'aspect de notre chèuc De son tronc se dégagent des
blanches longues, étalées, peu rameuses. Les rameaux sont, comme
elles, recouverts d'une écorce grisùlre (1), avec les extrémite's verles,
strie'es irrégulièrement selon la longueur. Les stipules supra-axillaires
qui appartiennent à la dernière feuille se comportent ici comme dans
Icu? les Irvingia, de la même façon que dans les Artocarpe'es, et
enveloppent toute la portion cxirême du jeune rameau, jusqu'au jour
(1) € Le bois, d'une dureté et d'une densité moyennes, d'une texture assez
. fine et serrée, est susceptible de poli et peut être employé à divers travaux,
. mais comme l'arbre, par les fruits qu4l produit, rend de plus grands services
. aux indigènes, ceux-ci préierent le conserver et exploiter d'autres essences
• pour leurs besoins économiques. » (Grisard et Vanden-Berghe, loc. cit.)
LE BEURRE ET LE PAIN D'Û'DIKA, DU GABON- CONGO. 401
où elles se détacheront à peu près circulairement par leur base, pour
dégager les feuilles suivantes. Les feuilles, dont le pétiole est assez
court (1/2 centimètre environ), sont très variables de taille (voir flg. 1);
elles ont souvent 1 décimètre de longueur sur 5 centimètres de lar-
geur ; mais il y en a dont les dimensions sont doubles. Leur forme est
ovale ou elliptique-aiguë, à sommet brièvement acuminé dans un grand
nombre de cas. Leur base est plus souvent atténuée en coin qu'arron
die et fréquemment insymétrique, l'une des deux moitiés présentant
une tendance à former une sorte d'auricule peu prononcée. Lisses et
brillantes en dessus, quand elles sont fraîches, plus ternes en dessous,
minces et sèches, même quand elles sont vivantes, elles possèdent
une belle teinte d'un vert sombre. Leurs nervures pennées, formant un
réseau assez délicat, sont surtout visibles et proéminentes à la face
inférieure, où elles présentent une teinte blanchâtre. Les inflorescences
situées h l'aisselle des feuilles, et en grappes simples ou rameuses de
c//mes pauciflores (fîg. 1 et fig. 3) sont plus courtes ordinairement que les
feuilles.
Les axes sont grêles, noirâtres sur la plante sèche, renflés cà et là
au niveau des divisions. Ce végétal fleurit au Gabon-Congo plusieurs
fois par an. La récolte se fait surtout en novembre et en décembre (1).
Les fleurs normalement tétramères présentent, sur un court récep-
tacle convexe, un calice gamosépale à quatre divisions plus ou moins
profondes, obtuses et arrondies au sommet, et dont la préjloraison est
valvaire { fig. 2 A). Les pétales blanchâtres ou d'un jaune pâle et
légèrement verdâtre sont libres, caducs et imbriqués dans la préflorai-
son. L'androcée est diplostémoné : avec quatre pétales on observe
huit élamines, dont quatre oppositipétales sont longtemps plus courtes
que les quatre autres. Leurs filets sont corrugués dans le bouton et
leurs anthères biloculaires sont orhiculaires ou elliptiques et d'abord
introrses (lig. 2, C et D). L'insertion des étamines se fait en dehors
de la base d'un disque hypogyne qui présente huit sillons ou encoches
correspondant aux filets étaminaux ; ce disque est à l'état frais d'une
belle couleur jaune citron. L'ovaire est atténué en un style à tète
sligmalifère très peu prononcée, qui est plus court que Vovaire : ce style
est accrescent (fig. 4). IL'ovaire renferme un seul ovule dans chacune de
ses deux loges. Cet ovule, incomplètement anatrope, est suspendu à
l'âge adulte avec le microphile dirigé en haut et en dehors.
Le fruit de l'Oba (fig. 4) est une drupe verte de la force d'un œuf de
(1) Celte récolte est des plus faciles, cependant l'incurie des nègres est telle
qu'une immense quantité des semences est laissée sur le sol où les rats très
communs dans les forêts du Gabon, s'en montrent si friands, qu'au bout de
quelques jours tous les noyaux sont ouverts et les amandes dévorées par ces
rongeurs. Ces noyaux sont, du reste, moins résistants que ceux de l'I. O'.iveri
et de \'l. Mahyana de Cociiinchine et du Cambodge, qui sont aussi brises par
certains animaux pour en dévorer l'amande.
0 Mai 1893. 26
i02 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
cygne, recouverte d'un mésocarpe pulpeux et filandreux : de saveur
tére'benthacée analogue à celle du Mangot (fruit du Mangifera
indica sauvage), mais plus prouonce'e encore (1). L'endocarpe osseux
Fiy. I . — Rauieau lleuri A'Irvingia Gabontnsis [Oôa) 1/4.
p{(f^ 2. — A, bouton floral à demi ouvert 16/1 ; 13, fleur ouverte coupée longi-
ludinalement 16/1; C, fleur grossie pour montrer l'ovaire, son disque et une
étamine 32/1 ; D, élamine grossie 3i/l.
Fiff. 3. — lotlorescence de jeunes fruits 1/4.
Fig. 4. — Fruit mûr 1/4.
(1) C'est cette particularité qui a valu à la plante son nom primitif de Man-
gifera gabonensis, donné fautivement par A'jbry-Lejomle ; pour une raison
LE BEURRE ET LE PAIN D'O'DIKA, DU CxABON- CONGO.
403
forme un noyau allonge et plat, filandreux à la surface, plus ou moins
-allongé, amygdaliforme ou irrégulièrement ovale (fig. 7), comprime'
^vec une paroi ligneuse assez dure, épaisse. Lorsqu'on fend ce noyau
suivant ses bords, on voit quelquefois, qu'outre une vaste cavité' qui
ndenlique, les colons du Gabon appellent VOha du nom de Manguier sauvage,
de môme que les colons anglais de la côte occidentale d'Afrique appellent l'/r-
vingia Barteri Hook Qls, qui ne semble être qu'une forme de l'Oba, du nom
■de Wild-Mattgo.
404
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
contient la praine, il renferme une loge ste'rile, étroite, en forme de
croissant, parallèle à la surface convexe d'un des bords du noyau et
quelquefois réduite à une sorte de fissure linéaire et arquée extrême-
ment peu prononce'e (fig. 5, Is). La graine est à peu prés aussi de la
même forme que celle de l'Amandier, mais plus grosse, lisse, luisante
à la surface. Le te'gument séminal est double ; à V extérieur et le long du
raplié, se voient des fibres qui s épanouissent en faisceaux digités, transver-
saux entre V endocarpe et le spermoderme et forment comme des griffes de
renforcement sur les points d'insertion de la graine au placenta (fîg. 6, g).
L'embryon épais et charnu blanc e'burne', pre'sente deux gros coty-
lédons gras et de légère saveur amère applique's l'un contre l'autre
A
'sn .-
/jn...Jt
Im
/«.__
cm
/m .
Fig. S. — Coupe langenlielle de Vlrvingia gahoncii.sis (embrj'oii].
Fig. 9. — Lacune à mucilage de V Irvingia galonensis.
(fig. 5, c). La radicule cylindroconique est cacliée dans une sorte de
canal formé par les espèces d'auricules que pre'sente la base des coty-
le'dons (fig. 5, b). Le sommet de la radicule, très brièvement apiculé,
se voit seul dans l'ouverture extérieure et circulaire de ce canal.
L'embryon est de'pourvu d'endosperme (1).
Une coupe de l'embryon (cotylédons) m'a offert la constitu-
[1) Je me suis borné à reproduire ici, en la complétant, pour ce qui touche
aux fleurs, à l'inllorescence et à la graine, la description, par ailleurs, fort
exacte, de M. Bâillon [loc. cit.). Les parties ajoutées ou rectifiées sont en ita-
liques.
LE BEURRE ET LE PAL\ D'û'ûIKA, DU GABON -CONGO. 405
tion suivante : au-dessous de l'épiderme à cellules "vides
{fig. 8, ép) règne un parenchyme de cellules grasses [fig. 8,
p g] interrompu fréquemment par des lacunes mucilagineuses
[fig. 8, l m) qui régnent dans toute son épaisseur. Ces lacunes
qui sont de nature essentiellement léissogènes, ainsi qu'on
peut le voir (Jlg. 9, l m), se retrouvent, du reste, dans les
Fig. 10.
Fragment d'aspect amygdaloïde d'un pain de O'Dika.
feuilles et dans la tige de ce végétal. Elles donnent un pro-
duit gommeux qui se confond chimiquement avec Varabine.
Les corps gras renfermés dans les cellules du parenchyme
cotylédonaire sont formés non de globules, mais de masses
d'une forme variable entourées de granules graisseux. Les
cellules en sont i)leines.
La graine seule sert à préparer VO'DUia (pain), de la
manière suivante : on brise les noyaux, les graines sont
broyées dans un mortier, puis jetées dans une marmite préa-
406 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
lablement garnie à l'intérieur de feuilles de bananier. Sous
l'influence d'un feu lent et doux, la fusion du corps gras se
produit, puis la substance refroidie se prend en une masse
assez analogue au benjoin amijgdaloïde [fig. 10), tachetée de-
Fig. H. — Panier indigène renfermant un pain cylindrique de O'Dika»
brun et de blanc. Elle est d'un gris brun, onctueuse au tou-
cher, d'odeur intermédiaire entre le cacao torréfié et
l'amande grillée ; sa saveur est agréable, légèrement amère
comme la graine fraîche, d'une astringence analogue à celle
du cacao. Ce rapprochement est frappant ; toutefois, ce
LE BEURRE ET LE PAIN D'O'DIKA, DU GABON -CONGO.
407
produit n'a pas l'arôme agréable du cacao (1). C'est cette
similitude qui a porté M. O'Rorke à en faire une espèce de
chocolat (qu'il a nommé Chocolat des pauvres), en y joignant
du sucre et des aromates.
Les nègres du Gabon donnent à VO'Diha la forme d'un
pain cylindrique qu'ils enferment dans une enveloppe très
solide et très résistante faite de nervures de palmier. Chaque
pain mesure 0'",35 de haut sur 0'",35 de diamètre à la circon-
férence de la base ; sa valeur vénale est d'environ 15 francs
pour un poids de 6 kilogr. {voir fîg. 11). Mais les Gabonais
conservent encore les graines d'O&a d'une autre façon et
sans faire intervenir la torréfaction. Après avoir séparé les
deux cotylédons qui les cons-
tituent, ils les enfilent en cha-
pelet et les pendent dans leurs
cases [fig. 12) où ils se dessè-
chent bientôt et ne tardent
pas à être piqués des vers.
Ces chapelets leur servent
pour leurs apprêts culinaires;
ils en détachent une à une,
suivant leurs besoins , les
graines grasses nécessaires à
leur alimentation journalière,
sans se préoccuper de savoir
si ces semences sont intactes
ou piquées ; les Gabonais n'y
regardent pas de si près.
Toutefois, il faut remarquer
que les Pahouins , qui em-
ploient couramment le pain
de O'Diha associé à difle-
rents mets, notamment aux
bananes cuites, tiennent à
avoir cette matière grasse
aussi exempte que possible
de parasites animaux. Dans
ce but, ils soumettent les gros Fig. H. — Chapelet de graines d'Oba.
(1) Nous verrons bientôt que la composition chimique de ce produit ne rap-
pelle en rien celle du cacao, ni dans son corps gras, ni dans la conslilutiou
(le son amande.
408 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
pains dont nous avons parlé, à l'action de la fumée, et, pour
cela, ils les suspendent, durant plusieurs mois, au faîte inté-
rieur de leurs habitations où s'accumule la fumée de tout le
feu qui s'allume dans leurs cases pour les divers besoins
domestiques. Ces cases sont, bien entendu , dépourvues de
toute cheminée.
Nous allons donner maintenant les recherches que M. le
professeur Schlagdenhauften a faites, sur ma demande, tou-
chant la composition chimique de ce pain de O'Dika [l).
Jusqu'ici, aucun travail de ce genre n'avait été entrepris ; on
ne s'était occupé que du corps gras sous le nom impropre de
beurre de Dika qu'il faut rectifier en O'Dika. Il était cepen-
dant d'un haut intérêt de connaître dans quelle mesure ce
produit est nutritif,
A. — Pain d'O'Dika.
1. Traitement à Vélher de pétrole. — La matière est
traitée dans un appareil à extraction continue par de l'éther
de pétrole bouillant à 60°. On opère sur 20 grammes et l'on
arrête l'opération au bout de six heures. Le liquide jaune,
évaporé au bain-marie, abandonne un corps gras d'une
odeur spéciale, fusible aux environs de 40°. Le rendement
est de 72 % ; il peut même aller jusqu'à 85 % suivant la
façon dont on opère. En n'épuisant que le gâteau brut, on
n'atteint que la limite inférieure; mais quand, après cette
première opération, on pulvérise les graines restées entières
ou grossièrement concassées seulement, pour les soumettre à
nouveau à un deuxième traitement, on arrive à en retirer
encore jusqu'à 13 % de corps gras, ce qui élève le rendement
à 85 %.
2. Traitement à V alcool. — Le liquide alcoolique, obtenu à
la suite d'un traitement analogue au précédent, est brun
foncé et présente une légère odeur d'empyreume. Il contient
du glucose, du tannin et un peu de résine. Soit :
Glucose, tannin, matière aœére 2,40
Re'sine 0,55
Poids de l'extrait alcoolique 2,95
(1 Cette composition chimique se confond évidemment avec celle des graines
qui composent VO^Dika.
LE BEURRE ET LE PAIN D'O'DIKA, DU GABOX-CONGO. 409
3. Traitement à l'eau. — En faisant bouillir le résidu des
opérations précédentes avec de Teau, on dissout un peu de
matière gommeuse, soit 0,623 ^o- L'extrait aqueux fournit
0,257 % de cendres blanches, par conséquent, on obtient par
ce traitement :
Matières gommeuses 0.623
Cendres 0,257
Poids de l'extrait aqueux 0,880
4. Recherche des matières albuminoîdes. — L'incinéra-
tion du résidu avec un peu de sodium donne un résidu qui,
convenablement traité par le mélange de sels ferroso-fer-
riques, fournit un précipité bleu qui indique la nature azotée
de la matière, en admettant que cet azote soit sous forme de
principe protéique, on obtient son poids en multipliant la
quantité d'azote trouvé par 6,25. Le dosage à la chaux
effectué d'après la méthode de AVill et Varentrapp nous a
fourni pour le poids des matières albuminoîdes 10"\857.
5. Incinération. — En incinérant la poudre, on obtient le
poids des sels fixes qui est de 3,7375 %.
En ajoutant ce nombre à ceux que nous venons d'indiquer
ci-dessus, c'est-à-dire au poids des produits extraits à l'aide
de l'éther de pétrole, de l'alcool et de l'eau et à celui des
matières albuminoîdes, obtenues par calcul d'après le dosage
à la chaux et en retranchant la somme de 100, on trouve,
comme différence, le poids du ligneux et de la cellulose. Nous
pouvons donc d'après ces données établir comme suit la
composition du pain de O'Dlha :
Corps gras (acides laurique et myristique) . 72 gr. 15 Sol. dans éther de
péiiole.
Glucose, tanniu et matière amère 2 40 1 ^^^^ ^^^^ ^^^^^^ _
Re'siue 0 55 )
Matières gommeuse.s 0 (523 ) g^j_ j^^, ^.^^^^
Cendres 0 257 \
Matières albuminoîdes 10 857
Cendres 3 7375
Ligneux et cellulose (dillorence) S) 4255
100 g r. ...
Nous allons examiner d'une manière spéciale les divers
410 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
produits obtenus successivement par l'action de nos dissol-
vants.
B. — Produit extrait par Véther de pétrole. {Corps gras).
Il fond à 41^,6 et se prend de nouveau en masse à 34^8. Il
possède une odeur spéciale beaucoup plus prononcée à chaud
qu'à froid. A l'état liquide, il est jaune orangé, mais, fondu
et sec, il présente une teinte gris-jaunâtre.
Il est entièrement soluble dans trois fois son volume
d'acétone et dans vingt-cinq fois son volume d"alcool à 90°.
Ces solutions laissent déposer après refroidissement des
aiguilles très fines qu'on peut obtenir d'un blanc de neige à
la suite de plusieurs cristallisations répétées.
Il se dissout aisément dans le chloroforme, l'éther et le
sulfure de carbone. A l'état solide ou en solution chlorofor-
mique, il ne se colore pas au contact de l'acide sulfurique
concentré.
A la température du bain-marie, on voit se produire une
teinte orange. L'acide sulfurique concentré additionné d'une
trace de chlorure ferrique, fait apparaître une couleur bleue
qui ne vire pas au ponceau et exclut par conséquent la
présence probable de la cholestérine. Des essais directs
effectués en vue d'y retrouver ce composé n'ont amené
d'ailleurs que des résultats négatifs.
Le corps gras est aisément saponifiable par la potasse ou
la soude alcoolique à la température du main-marie. Il suffit
de quelques minutes de contact pour arriver à la formation
du savon.
En opérant sur 300 grammes de matière nous avons pré-
paré la combinaison potassique qui, dissoute dans l'eau et
traitée par de l'acide clilorhydrique en excès, nous a fourni
un gâteau assez volumineux d'acides gras. Après les lavages
nécessaires pour éliminer l'excès d'acide et de chlorure alca-
lin, nous avons obtenu un produit presque blanc, fusible vers
40°, complètement sec. L'alcool à 90° à chaud dissout parfai-
tement ce mélange et abandonne après refroidissement des
cristaux aiguillés fusibles à 37'',4.
Pour connaître la nature de la composition de ce mélange,
nous ajoutons à la solution alcoolique une solution alcoolique
d'acétate de magnésie et procédons ainsi à des précipitations
LE BEURRE ET LE PAIN D'O'DIKA, DU GABON-CONGO- 4M
fractionnées successives. Les précipités sont jetés séparément
sur filtre, lavés à l'alcool, puis décomposés par l'acide chlo-
rhydrique. Les acides gras correspondants sont soumis à des
cristallisations répétées dans l'alcool, et l'on obtient finale-
ment, à la suite de ces diverses opérations, deux produits
dont l'un cristallise à 43" et l'autre à 53",5.
Ce sont, d'après les indications des aut-eurs, les points très
voisins de la fusibilité des acides laurique et r.iyristiqne.
Les autres précipités magnésiens décomposés de la même
façon par l'acide chlorhydrique fournissant des acides gras
dont le point de fusion est intermédiaire entre ces derniers,
ne doivent être considérés que comme des mélanges. Nous
admettons donc que les acides gras du beurre de O'Dîka sont
constitués par de Vacide laurlqiie et de Vaclde myrislique,
et, si d'autre part, nous nous appuyons sur les travaux de
Heintz (1) et de Oudemanns (2), dont les noms font autorité
dans la technique des corps gras, nous pouvons affirmer sans
crainte d'être démenti que ces deux acides lai(riqi(e et my-
7^istiqiie se trouvent à peu près à parts égales dans ce
beurre. Nous croyons pouvoir affirmer, en outre, l'absence
complète (Voléine dans ce produit, d'abord en raison de la
production d'un mélange qui n'est ni liquide ni même buty-
reux, extrait du gâteau des acides gras, et ensuite à cause
de l'impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvé de
préparer un savon plombique soluble dans l'éther. Les acides
gras du beurre de Dika ne renferment donc pas d'acide
oléique et sont uniquement formés d'acides laurique et
myristique.
C. — Produits extraits par Valcool.
Nous obtenons, comme nous l'avons indiqué plus haut, un
mélange de divers i»rincipes faciles à déceler par les réactifs
chimiques, mais dont les caractères organo-leptiques sont
d'autant moins aisés à reconnaître que la solution aqueuse
présente une réaction franchement acide au tournesol.
L'acidité est-elle due au tannin ou à un acide particulier?
Nous serions tenté d'admettre cette dernière hy[)othèse et
(1) Annales de Pogg., xc, p. 137.
(2) Répertoire de chimie appliq., 18C0, p. 390.
*'I2 hEVUE DES tiClENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
d'attribuer la présence de cet acide à un produit pyrogené
formé lors de la préparation du pain. D'ailleurs il doit se
former et il se forme en réalité, par suite de la température
élevée à laquelle on porte le mélange des graisses, un pro-
duit spécial qui ne peut provenir que de l'altération de la
matière protéique y contenue. Ce produit, mal défini, ne
constituant pas une entité chimique, mais pouvant le devenir
dans certaines conditions de température, donne à la solution
aqueuse une saveur légèrement amère et se comporte, à
l'égard des réactifs, comme les ptomaïnes. Il précipite, en
effet, au contact des iodio^es doubles et du cyanoferride
ferrique.
Une expérience comparative faite avec des amandes
douces nous fournit un résultat absolument identique. Mêmes
précipités avec Yiodure iodnré de potassium, avec Viodure
de mercure et de potassium, Viodure de bismidh et de 'po-
tassium et formation de bleu de Prusse avec le cyanure
rouge additionné de chlorure ferrique.
Faudrait-il conclure de là que les extraits alcooliques ou,
ce qui revient au même, les liquides provenant du traitement
par l'eau du pain (YO'Diha ou des amandes grillées, soient
toxiques en raison de la minime quantité de composé aAa-
logue aux ptomaïnes dont nous venons de déceler la pré-
sence ? Nous ne le pensons pas, car l'immunité complète de
la matière alimentaire si répandue chez les Pahouins, jointe
à celle des gâteaux nommés petits-fours par nos pâtissiers,
j)rouve bien qu'il n'en est rien.
Il se dégage cependant de cette discussion une question à
examiner de plus près et à trouver les conditions de tempé-
rature qui coïncident avec le rendement maximum du com-
posé à fonction alcaloïdique dont nous venons de signaler
l'existence dans les amandes grillées de VOba.
Ce sera l'objet d'une étude spéciale et d'un caractère géné-
ral, qui ne serait pas ici à sa place.
D. — Produit extrait par l'eau.
La matière gommeuse que l'on obtient après traitement
par l'eau de la poudre épuisée par l'alcool ne présente rien de
particulier. La solution précipite par Valcool, le chlorure
ferrique et V acétate triplombique et jouit, par conséquent,
LE BEURRE ET LE PAIN D'O'DIKA, LU CtABON COXPrO. 41 3
des propriétés générales de la gomme arabique [araMne). Ce
produit est fourni par les lacunes à mucilage dont tout le
tissu parenchymateux de la graine est rempli.
En résumé, le gâteau de O'Diha est un aliment complet
composé comme il suit : les quatre cinquièmes sont consti-
tués par des corps gras, glycérides des acides Uiurique
et myrisHqiie, 10 %, de principes albuminoïdes, une petite
quantité de sucre et d'autres éléments qu'on retrouve en
général dans les graines alimentaires.
Il résulte nettement de cette analyse que le pain de VO'Dika
est une matière nutritive appréciable. Dès lors, s'il est vrai,
comme le laissent pressentir certains auteurs, notamment
O'Rorke [loc. cit.), que ce produit est employé pour adulté-
rer le cacao dans la labrication du chocolat, il ne faut pas
s'en inquiéter outre mesure au point de vue de la santé pu-
blique. Cette fraude serait plus supportable que celle qui con-
sisterait (comme le pratiquent, dit-on, certains industriels
pour la préparation de chocolats inférieurs) à mêler au cacao
des tourteaux d'amandes ou d'arachides, des noisettes, de la
farine de fève, de la stéarine, etc., etc J'ajoute qu'en
raison du degTé de fusibilité du corps gras de ÏOVJika, si rap-
proché de celui du cacao, cette fraude, au moins dans les
mélanges adultérins où la proportion iVO'Dika ne serait pas
trop élevée, resterait fort difficile à'reconnaitre. Voici com-
ment s'exprime O'Rorke au sujet de son chocolat des pau-
vres qu'il eut l'idée de préparer avec le pain (ÏO^Dika seule-
ment. « La ressemblance du pain de Dika avec le cacao m'a
» donné l'idée d'en fabriquer du chocolat avec le ^ucre et un
» aromate. Le résultat est certainement encourageant. Ce
» chocolat préparé au lait, à la façon ordinaire, a été goûté
» avec plaisir par les personnes non prévenues Le pain
» de Dilia, d'après son premier importateur Aubry-Lecomte,
» peut valoir au Gabon de GOàlS centimes le kilogramme (1). »
Nous avons vu que le cor[)s gras de ÏO'Bika y existe en
quantité appréciable ; ijidnstrieliement on peut aisément,
par la pression ou i)ar le traitement au sulfure de cai-bone,
(1) Ce renseignement ne conconie pas avec celui que m'a fourni (eu Pierre,
dircclcur du Jardin d'essai de Lil)ruville, qui voulut bien in'ac(|uérir un pain
do 6 kilofi;. (celui dont j'ai donné la ligure), et qui le paya un lusil <le Irailc de
la valeur de 15 francs. A ce prix, le kilo de pain de Dika revient à plus de
2 Irancs. Mais, pour les besoins industriels, il suffirait d'aclieier la f,'raine en
nature non manipulée, (jui serait évidemment d'un prix bien inférieur.
4<4 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
en obtenir de 48 à 10 % de la graine privée de son endo-
carpe ou 18 à 21 °/o de la graine pourvue de cette enveloppe
coriace. Ainsi extrait, ce corps se présente sous l'aspect
d'une masse d'un blanc teinté, rappelant un peu le beurre de
cacao, moins l'odeur particulière à ce dernier corps. Lecomte,
agrégé à la Faculté de médecine de Paris, en a fait une étude
d'application pratique en fabricant avec ce corps un très
beau savon à base de soude ; il a fabriqué aussi de la bougie.
J'ai moi-même donné à essayer ce produit dans la grande
usine à stéarinerie de MM. Fournier à Marseille ; il a été em-
ployé comparativement avec le produit similaire provenant
de YIrvingia Oliven Pierre 'de Cochinchine), appelé beurre
de Ca'y Cay. Voici le résultat de cet essai industriel :
BEURRES DIRVINGIÂ.
Irviiigia Oliven Pierre, de la Cochinchine et du Cambodge.
Rendement en huile parle sulfure de carbone
sur la graine non décortique'e 12,80 °/o
Rendement en huile par le sulfure de carbone
sur la graine décortiquée 61 »
Saponificalion-déchet 10 »
Rendement en glyce'rine H "
Rendement en stéarine de saponification 8i,97
Fusion des acides gras de saponification .... 35<^,50
Fusion sle'ariue 36'^, 50
Irvingia gabonensis II. Bâillon, du Gabon-Congo.
Rendement en huile par le sulfure de carbone
sur la graine non de'cortique'e 21 » °/o
Rendement en huile par le sulfure de carbone
sur la graine décortique'e 48 »
Saponification-de'chet 10 »
Rendement en glycérine 10,80
Rendement en stéarine de saponification. . . . 82,53
Fusion des acides gras de saponification 39'^ »
Fusion stéarine 38°, 50
La comparaison des chiffres ci-dessus montre la presque
complète identité qui existe entre le corps gras fourni par
les deux graines iVl}^vmgia, au point de vue de l'emploi en
stéarinerie. Ces deux huiles concrètes présentent la parti-
LE BEURRE ET LE PAIN D'O'DIKA, DU GABON-CONGO. 415
■CLilarité d'avoir des acides gras à point de fusion peu élevé,
bien qu'elles soient à l'état neutre d'une consistance solide
accentuée.
Les acides gras de saponification pressés donnent une
stéarine dont la fusibilité est sensiblement la même que celle
des acides gras avant pression, ce qui indique une composi-
tion particulière pour ces huiles, composition presque homo-
gène, puisque l'élimination des acides gras liquides n'a point,
par la pression, changé sensiblement la fusibilité de la ma-
tière avant pression ; tandis que les huiles, en général, don-
nent toujours une différence plus ou moins grande entre le
point de fusion des acides gras et celui de la stéarine corres-
pondante. Le déchet de 10 % à la saponification confirme
encore cette composition spéciale du beurre des Irvingia,
puisque le déchet théorique est de 5 %. Cet excédent de dé-
chet indique qu'il entre dans la composition de cette huile
des acides gras solubles, tels que l'acide buti/rique, Vacide
caiirylique et caproïque qui sont éliminés à la saponification.
Ce déchet anormal rapproche les huiles (ï Irvingia de l'huile
de Coco, qui donne aussi un déchet élevé à la saponification.
On trouve aussi, au point de vue physique, un rapprochement
entre ces deux huiles, dans l'odeur qui est identique de part
•et d'autre.
Le beurre de O'Diha (Gabon) pourrait donc être employé
sinon par l'industrie de la stéarinerie, du moins, avec grand
avantage, par celle de la fabrication des savons ; les expé-
riences de Lecomte l'établissent nettement. D'autre part, la
parfumerie et la pharmacie pourraient en faire un large em-
ploi pour les pommades à grain lisse, cold-cream, cérals
odoriférants et translucides , cosmétiques fins, etc En
J858, MM. Mazurier (du Havre) proposaient, d'après O'Rorke.
le beurre pur de O'Diha tout préparé au prix de 1 fr. .50 le
kilog. Ce prix pourrait être moindre encore aujourd'hui, en
raison de la plus grande facilité des approvisionnements en
matière première (1). D'après Bâillon, « MM. Gellé frères, à
(1) A ceUe époque, notre colonie du Gabon, seul point où l'on i)ùt su pro-
curer des frraines d'Oba, était isolée sur la côte occidentale d'Afrique, sans coiii-
municalious périodiques avec la France, et sans voie de pénétraiioa dans les
régions intérieures boisées où le végétal producteur abonde. Aujourd'hui, il n'en
est plus ainsi: le Gabon et le Congo français ue forment plus qu'une immense
possession, et des lignes de paquebots, parlant de Marseille, visitent réguliè-
416 REVUE DES SCIEN'CES NAÏUKELLES APPLIQUÉES,
» Paris, Pilastre à Rouen, ont proposé, avec MM. Mazurier,
» d'employer cette matière grasse â plusieurs usages indus-
» triels ; on en a préparé une substance analogue à la siéa-
» rine, des parfumeries fines, des cérats, des savons à 'ba>>c
» de soude. « La pharmacie pourrait trouver grand avantage
à substituer au beurre de cacao notre substance un peu moins
fusible que ce dernier corps, pour la préparation des sup-
positoires médicamenteux (glycérocones, etc.) ; ceux qu'on
prépare actuellement, à enveloppe de beurre de Cacao, étant
d'un prix très élevé. En dehors de sa moindre valeur vénale,
le beurre de O'Diha aurait, sur le beurre de cacao, la supé-
riorité de se travailler plus facilement â la machine à fabri-
quer les cônes de suppositoires, et de ne pas fondre dans
les doigts de la personne qui doit en assurer l'emploi.
On se demande comment, avec des applications si multiples,
si variées et si importantes, sans compter la facilité de se le
procurer en abondance dans nos immenses possessions ac-
tuelles de l'Afrique tropicale (Gabon, Congo français et Congo
belge), ce produit de haute valeur n'est pas devenu encore
d'emploi usuel dans notre industrie européenne. Serait-il
bien téméraire d'espérer que cette modeste étude ne restera
pas étrangère à la diffusion, dans un avenir prochain, de la
graine de VOha jusqu'ici méconnue dans sa valeur, tant
comme substance alimentaire que comme matière grasse '?
L'espèce principale qui donne VO'Dika devrait, est-il besoin
de l'ajouter, être propagée dans nos colonies françaises tro-
picales, la reproduction par les graines étant absolument
assurée , à la condition qu'elles soient aussi fraîches que
possible.
{A suivre).
rement, une fois par mois, notre nouvelle colonie d'Afrique tropicale, faisant
escale à Libreville (capitale du Gabon] et à Loango (dans le ConRo),
II. EXTRAITS DES PROCES-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ.
SÉANCE GÉNÉRALE DU 7 AVRIL 1893.
PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Président prononce l'allocution suivante :
« Messieurs, la Société apprendra avec émotion que le Conseil a été
dans la triste nécessite d'accepter la démission de M. Berthoule, notre
Secrétaire géne'ral.
» Je crois être l'interprète de tous en rappelant en quelques mots
le bien que M. Berthoule a fait, en particulier à nos publications.
C'est, en effet, Me.'^sieurs, au moment où M. Berthoule a pris le poste
très occupant de Secrétaire général, que nous avons juge à propos de
transformer le Bulletin mensuel de la Société nationale d'Acclimatation
on Revue des Sc'enccs naturelles appliquées, paraissant deux fois par
mois. Sous l'impulsion de M. Berthoule, ce recueil a pris l'importance
que vous savez et a pu obtenir, en très peu de temps, dans le monde
des publications scientifiques, une place assez considérable.
» M. Berthoule n'est pas un collègue perdu pour nous. Son cœur
est toujours avec la Socie'lé d'Acclimatation. Ce que nous perdons,
c'est son concours effectif, c'est son concours quotidien en quelque
sorte, et nous conserverons un souvenir excellent du temps et des
efforts qu'il a consacrés à notre association. »
M. le Président proclame les noms des membres récem-
ment admis par le Conseil :
PRESENTATEURS.
J. Grisard.
Vacher.
L. Vaillant.
MM.
Bey (Paul), aviculteur, 20, rue de Londres, \
à Paris. j
r. /T 1 ^ <. 1 • .1 , 1 A. Geoffroy Saint-IIilaire.
Gilbert (Jules), labncanl de crayons, a \ ^ ''
^. , / . , v 1 G. Mathias.
Givct (Ardcnjes). /
V Comte de Puyfontaine.
Kunsti.er, professeur à la Faculté' des ,' A. Geoffroy Saint-IIilairc.
sciences, IJl, cours Viclor-llugo, à| Comte de l'uyfonlaiue.
Bordeaux. ( L. Vaillant.
Lk Feuvre, directeur de la Quinta Nor-
mal d'Agriculture, à Santiago Chili .
5 Mai 13V3.
A. Geoffroy Saiul-IIilairc
Uavcret-Wallcl.
L. ^'ailliHll.
'o'Jj
(
Teil (baron Pierre-Marie du); 4, rue Mon-
sieur, à Paris.
418 REVUE DES SCIENCES NATURELLES Al'FLlQUÉES.
MM. PRÉSENTATEURS.
PiNEr, (Auguste-Amédéc-Joseph), proprio'- ( A. Gcoffroj^ Saiat-Hilaire.
taire, au château d'Haussemagae, par | E. Roger.
Conches (Eure). ' Marquis de Sine'ty.
_, /T-. j- j T-i .\ T 10 ( J- ^<^ Claybrooke.
Sandoz (Ferdmand-Ernest), 113, avenue )
,^. . -T ■ i^ ■ 1 ^- Geoffroy Samt-Hilaire.
Viclor-Hugo, a Pans. /
E. Wuirion.
A. Berlhoule.
E. Roger.
Marquis de Sinély.
— La Société est informée de la perte d'un de nos collè-
gues : celle de M. Jean-Josepli Lafon, qui était un des
membres les plus anciens de la Société et un des chepte-
liers les plus consciencieux que nous ayons eus dans le
courant de ces dix ou douze dernières années. M. Laibn ré-
pondait très exactement à toutes les questions qui lui étaient
posées et rendait compte exactement de ce qu'il avait observé
chez lui. Nous perdons en lui un collaborateur des plus
utiles.
— M. le Secrétaire procède au dépouillement de la corres-
pondance.
Remerciements pour envois de cheptels de la part de
MM. Arn. Leroj-, sous-inspecteur des Domaines, Le Mojne,
Sassere, Silhol, .1. Hébert et Gust. Delanney.
— M. Tourchot, d'Ottawa (Haut-Canada), écrit :
« Nous avons eu un hiver exceptionnellement long, trois mois
de froids, sans interruption; mon élevage a été' cruellement e'prouvé ;
j'ai perdu 4 femelles et 2 mâles Faisans dore's, 1 femelle Lady, 1 mâle
et 2 femelles Perdrix grises, 1 mâle Faisan argenté (mais ce sujet e'tait
défectueux) ; sans compter Pigeons, Coucous de Bretagne, Combat-
tants et autres.
» Tous mes Faisans sont hivernes dans une bâtisse divisée en par-
quets, bâtisse à trois e'tages. — J'ai fait poser deux poêles ; je ne
chauS"e ordinairement qu'avec un seul, mais pour nos gros froids ;
— 30*^ c, 35° c. et même 41° c, il faut absolument chauffer les deux.
» Mon maximum de température est + 10° c; le plus froid — 2° ou
— 3°, l'eau n'a jamais gelé que superficiellement.
» Il est à remarquer la résistance des Colins de Californie eu com-
paraison de nos Perdrix grises d'Europe placées dans les mêmes
conditions.
» Je dois ajouter que mes Faisans ont de la terre à discre'tion, de
PROCÈS-VEBBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 419
la lumière, et un système d'aération ; exposition au levant-midi-cou-
chant. J'ai assez de succès avec les Pintades. — J'en donnerai une
explication dans ma prochaine correspondance; seulement la consé-
quence de l'hivernage force fait que la ponte est tardive et que,
comme conséquence, les petits sont trop jeunes et trop faibles pour
supporter l'hivernage. »
M. le Secrétaire fait remarquer que cette lettre est intéres-
sante en raison des observations qu'elle contient sur l'action
dn froid. Il rappelle qu'à plusieurs reprises, notamment de la
part de M, Milne - Edwards , directeur du Muséum, et de
M Geoffroy Saint-Hilaire, des communications nous ont été
faites sur l'action que peut avoir le froid sur les animaux
pendant les hivers rigoureux. Il sera intéressant de réunir
toutes ces notions et d'en tirer des observations générales.
— M. Forest aîné adresse une communication sur les
Merles métalliques qui habitent l'Afrique et qui ont des
mœurs assez semblables à celles des Pies de nos pays. M. Fo-
rest demande qu'on fasse des essais pour acclimater les
Merles métalliques en Algérie. La valeur marchande de ces
oiseaux est, paraît-il, très considérable, à cause de l'éclat et
du brillant de leur plumage.
— Nous avons reçu de M. Louis Rouillé une monographie
de la race des Langshan. Cette monographie est conçue dans
un esprit excellent. Mais il ne faudrait peut-être pas en faire
lui éloge sans réserve, à cause de certaines tendances à intro-
duire dans la nomenclature généralement employée en agri-
culture, des termes un peu savants, si savants qu'on n'arrive
l>as toujours à les comprendixs même avec l'habitude de la
terminologie scientifique. 11 faut reconnaître d'ailleurs que
les descriptions sont très exactes, et qu'en outre des planches
liarfaitement gravées et qui semblent très consciencieuse-
ment dessinées accompagnent l'ouvrage.
— M. Lefèvre, dans une lettre à M. le Président, rend
compte d'une visite à l'établissement de pisciculture de M. de
Marcillac. Cette lettre fournit un nouveau témoignage en
faveur de la soigneuse direction donnée à cet établissement.
— M. Kunstler, professeur à la Faculté des Sciences de
Jîordeaux, écrit :
« Veuillez me permettre de vous annoncer qu'il a cte' fonde à
Bordeaux une Société de pisciculture, dont le but est parallèle à
420 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
l'un de ceux que vous poursuivez depuis si longtemps et avec tant
de succès.
» J'ai vu que vous faisiez des distributions d'œufs et d'alevins,
auxquelles nous désirons vivement prendre part, pour les disse'miner
dans nos eaux du sud-ouest. »
A cette lettre sont jointes plusieurs brochures. L'une est
l'exposé des statuts de cette Société de pisciculture; les
autres comprennent les discours qui ont été prononcés, tant
pour expliquer le rôle de cette Société que pour indiquer aux
personnes qui voudraient en l'aire partie, les conditions à
remplir.
— Des demandes d'œufs embryonnés de Truite Arc-en-
Ciel sont adressées par MM. D'' Léo Laborde, Raveret-Wattel. '
directeur de l'établissement de pisciculture du Nid de Verdier
(Seine-Inférieure), Ch. Bezanson, J. Ramelet, Ad. Jacque-
mart, VejTassat et la Société d'horticulture de la Sarthe.
— Nous avons de M. Rocha Peixoto l'envoi d'un opuscule
où il traite des stations d'aquiculture, plutôt au point de vue
des observations scientifiques qu'au point de vue pratique ;
le catalogue de l'Exposition universelle de Chicago, pro-
gramme, règlement et informations générales à l'usage des
exposants, et surtout celui relatif à la pisciculture.
— Une communication d'un autre caractère nous est en-
voyée par le Père Gamboué, de Madagascar. Cette communi-
cation est relative aux essais de viticulture qui ont été faits
â Madagascar. On se trouve là dans des conditions extrê-
mement défavorables à la culture du raisin, mais le Père
Camboué nous rend compte des difficultés rencontrées et des
efforts soutenus qui ont permis un succès relatif.
— Parmi les communications intéressant la botanique, il y
en a une très importante de M. Vilbouchevitch, qui continue
l'enquête ordonnée par la Société d'Acclimatation relative-
ment aux Salt-huslies .
— M. Brierre, de Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée), écrit à
M. le Président :
« Les Haricots envoye's des jardins de la mission russe lors de la
jirise de Pékin, se sont de moins en moins reproduits identiquement
et ont fini par se confondre avec nos anciens. Ci-joint un colis de plu-
sieurs kilos pour ceux de nos honorables collègues qui de'sireraieut en
semer au printemps 1893 »
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 421
Cette lettre est intéressante parce qu'elle Indique une es-
pèce de graine exotique qui a fini par fournir des produits
qui se sont confondus avec les races existantes, soit sous l'in-
fluence des croisements , soit sous les influences climaté-
riques.
— Brochure de M. Sébastiani de Mantoue contenant une
étude sur l'influence du froid sur les végétaux. Cette étude
parait assez sérieuse pour que la Société en donne sinon
la traduction au moins l'analjse.
— M. Denizet, président du Syndicat des agriculteurs du
Loiret, adresse une demande de Pitcli-pin et faire connaître
que les œufs de Truite, que la Société lui a adressés, sont
arrivés en boii état et ont été répartis entre cinq de ses
collègues.
— M. Fallou soumet à la Société une brochure qui lui a
été offerte par l'auteur, M. E. Lecœur, sur le Ciiématobie
hiémale. C'est un résumé de ce qui a été fait depuis un siècle
en vue de détruire cet insecte.
— M. Vilbouchevitch lit une communication sur les sta-
tions agricoles et d'acclimatation en Californie et termine en
disant que M. Hilgard l'a prié d'informer l'assistance qu'il
serait heureux de pouvoir donner des renseignements plus
précis à tous ceux qui le désireraient, sur des points
spéciaux.
— M. le Président donne la parole à M. le commandant
Vannetelle, pour une communication sur les filets considérés
comme engins de pèche et leur emploi.
Le Secrétaire des séances,
Remy Saint-Loup.
III. COMPTES RENDUS DES SEANCES DES SECTIONS.
l'-e SECTION (MAMMIFERES).
SÉANCE DU 17 AVRIL 1893.
PRÉSIDENCE DE M. DEGROIX, PRÉSIDENT.
La section émet le vœu que la Socie'lé recueille des renseignemenls
sur les meilleures races de Chèvres laitières et les vulgarise.
La section e'met aussi le vœu que les Chèvres soient admises dans
les concours régionaux et qu'on s'occupe de leur amélioration
comme de celle des autres animaux domestiques.
A propos d'un écho de journal lu par un membre et dans lequel il
est dit qu'en Tasmanie on vient de découvrii une maladie très conta-
gieuse sur les Lapins et consistant en une vraie tuberculose du foie,
M. Mégnin rappelle qu'il a étudie' cette maladie, il y a quelques an-
ne'es déjà, et qu'il l'a de'crite dans un mémoire publie' dans la Revue
des sciences aaturelles appliquées sous le nom de plitliisle coccUUeane du
foie du Lapin.
M. Mégnin donne des détails sur la Maléine, substance très en
vogue en ce moment et dont l'inoculation permet d'établir le diagnos-
tic de la morve latente, c'est-à-dire sans signe exte'rieur.
C'est une préparation analogue à la Tiiberculine, résultant d'une cul-
ture de baciles morveux et qui, inoculée sous la peau, donne une
fièvre spéciale, appréciable au thermomètre, aux Chevaux qui sont
morveux, tandis qu'elle ne produit aucun effet sur ceux qui ne le sont
pas.
C'est par son moyen que tout récemment, dans un dépôt de transi-
tion pour les jeunes chevaux de l'armée, celui de Montoire, on a pu
reconnaître l'existence de la morve chez un grand nombre de ces che-
vaux, qui ont été par suite abattus et on a ainsi lait disparaître la
maladie.
A propos de ce de'pôt de transition où l'on réunit des jeunes Che-
vaux de trois à quatre ans, qui sont versés ensuite dans les re'gimenls
à fâge de cinq ans, M. Decroix tient à déclarer, qu'à son avis, la cre'a-
tion de ces de'pôts est une mauvaise mesure.
Pour le seci'étaij'e absent,
P. MÉGNIN.
IV. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER.
La production de Sucre dans la République argentine.
La culture de la Canne à sucre et des industries qui s'y rattachent
ont pris, depuis quelques anne'es, un développement considérable dans
la République argentine, ce qu'il faut attribuer surtout à l'amélioration
des machines et rétablissement des chemins de fer qui rendent les
transports plus faciles.
Autrefois, on eraplovait des cylindres en bois pour e'craser la Canne
et en fait do moteurs on avait des bœufs, ou des mules ; ce proce'de'
permettait d'en extraire à peine la moitié' du jus. Aujourd'hui on a
des cylindres en fer qui donnent 60 à 80 % de rendement. Le résidu,
en sortant du moulin, est complètement sec et sert de combustible.
Les fabriques ont un outillage des plus modernes et produisent du
sucre brut pour la raffinerie et de la cassonade pour l'épicerie. Elles
ont toutes des triples effets, des turbines, etc., choses qui manquent
encore dans bien des plantations tropicales.
La dilTusion a été dernièrement adoptée dans quelques-unes de ces
entreprises. Ce système, généralement en usage dans presque toutes
les fabriques de sucre de betteraves, paraît devoir se généraliser ici.
Pour le travail de la Canne à sucre, il a eu quelque peine à se faire
adopter parce que son installation est beaucoup plus coûteuse et qu'il
demande énorme'menl de combustible.
Dans plusieurs fabriques, on a des machines françaises parce que
les fabricants français accordent toutes facilités de paiement aux pro-
priétaires des usines. Il y a quelques années, on a augmenté les droits
d'entrée sur les sucres importe's, ce qui a mis les fabricants complète-
ment à leur aise.
A Tucuman, il s'est vendu aussi beaucoup de machines allemandes,
mais elles ne peuvent pas lutter contre les machines anglaises, qui
sont même supérieures à celles de France au point de vue de la soli-
dité et de la force. Alais ces dernières sont préfe'rablos pour leur sim-
plicité' et la douceur du travail
La province de Tucuman produit le plus de sucre ; viennent ensuite
Santiago del Estero, Salta, Corrientes et Missiones.
La Canne est renouvelée tous les dix ou quinze ans et toujours soi-
gneusement irriguée.
Chaque fabricant cultive une certaine quantité' de Canne et on
achète, en outre, des plantations voisines. La récolte commence en
mai ou juin et dure jusqu'en août et septembre. Le rendement varie
de 8(1 à 100 tonnes par 4 1/4 d'acre, selon la saison et l'ilge des
])lants. Le rendement en jus varie de 70 à 85 ^,'o. On calcule que 100
tonnes de Cannes donnent de 6 îi 7 °jo de sucre brut au moyen de la
turbine. La première molasse que l'on obtient est bouillie et l'on ré-
424
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
pète ce proce'de' deux à trois fois. Finalement, le re'sidu est distillé de
sorte que les 100 tonnes de Cannes donnent environ 100 litres d'alcool
de 38° à 42° Cartier.
Il est difficile d'indiquer exactement la quantité de sucre produite
dans la République, mais ou peut en avoir une idée approximative par
les quantités transportées par le chemin de fer de Tucuman qui se
chiËfrent par 41,835 tonnes en 1891, contre 25,000 en 1880. La con-
sommation locale n'est pas comprise dans ce chiffre.
Tout récemment, il s'est établi une grande raffinerie à Rosario, sur
le Parana, qui raffine 20 à 25,000 tonnes de sucre par an.
C'est seulement dans ces derniers temps que le sucre du Tucu-
man a e'té introduit dans les provinces de la côte. Aujourd'hui, il lutte
avec succès contre les sucres importés. Une loi récente frappe les fa-
briques de sucre d'un droit de proprie'te'.
Cette taxe donne, pour les 36 fabriques existantes, un revenu de
77 millions et demi de francs.
L'importation des sucres étrangers s'est élevée pendant les sept der-
nières anne'es, à :
ANNEES.
1886.
1887.
1888.
1889.
1890.
1891.
1892.
. IMPORTÉES.
RECOLTES
DANS LE PAYS
18.200
30 000
22.900
30.000
19.400
35.000
34.500
40 000
•29.500
... 35.000
12.800
42.000
. —
51.000
Si la production indigène continue à augmenter, les importations de
sucre de l'e'tranger ne tarderont pas à cesser complètement.
Le droit d'entrée sur les sucres raffine's est de 456 fr. 25 la tonne ;
sur les sucres bruis, il est de 355 francs.
D"" IL Meyners d'Estrey.
V. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS.
Le Coccidium oviforme chez les Lapins d'Australie. —
Lo Courrier de Taamanie signale la découverte d'une maladie chez les
Lapins de Melton «t Mowbray que l'on pourrait chercher à propager
pour détruire ces Rongeurs. M. A. Page avait remarque que les Lapins
de ses domaines se montraient lents d'allures; il en fil capturer une
trentaine qu'il envoya à x\L Archibald Park, medecin-véterinaire du
Gouvernement. M. Park reconnut chez eux les .symptômes du Coccidium
ov' forme, analogue au cancer de l'homme. Clans (1) donne, d'après
Leuckart, des dessins de cet endo-parasite qui nous montrent les
diverses phases de la formation des spores. Or, dans ces localités, celte
maladie se de'clare de la même manière que dans les régions boisées
où on l'a constatée en premier lieu; cette Coccidie apparaît sous la
forme de nodules plus ou moins nombreux, atteignant la grosseur
d'une noisette, qui se développent dans le foie de l'animal ; il en
meurt généralement.
En ce moment où cette affection sévit à l'elat d'e'pidcmic dans un
giand nombre de garennes, il est bien rare qu'un Lapin y échappe.
Ue s.
Protection du gibier en Pennsylvanie. — Dans une réunion
tenue ro'cemmeat à Ilarrisbourg, les chasseurs pcnnsylvaniens ont dé-
cidé do demander au gouvernement des États-Unis de réviser certaines
lois sur la chasse des gibiers à poil et à plume. On espère obtenir la
m.ôme date d'ouverture pour les diffe'rentcs ro'gions. En outre, l'on
introduira en Pennsylvanie des Faisans de Mongolie [Phasianus mon-
golicu^ Brandt.) et des Cupidons des prairies [Cupidouia americana
Reich.); ce Tétras habite déjà une grande partie des Étals-Unis, de-
puis l'est des Montagnes Rocheuses jusqu'aux lacs, au Kentucky et
au golfe du Mexique. La chasse de ces deux espèces sera interdite
pendant deux ans. Dr. B.
Sur des Oiseaux néozélandais qui disparaissent. —
La Revue des Sciences naturelles appliquées renseignait dernièrement ses
lecteurs sur les mesures que le Gouverneur de la Nouvelle-Ze'lande
vient de prendre pour protéger cerlains Oiseaux indigènes. Laiilcnr
de cette notice (2) cite pl'jsieurs espèces qui sont principalement
visées, n conviendrait cependant d'ajouter à celte liste : un Corvidé,
Strulhidea cinerea Gould, et une sorte de Merle, Turnagra crassirostris
G. M., espèces que Sir James Hector observa (18()3'' en grand nombnj
(1) Zoologie (1884), p. l'.t.ï, fig. 196.
(2) RevM, 1893, I, 237.
426 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
sur la côte occidentale; elles sont devenues très rares. Quant au
Turnagra Bectori Bull., on doit le couside'rer comme éteint.
D'entre les MellipLages, VAnthornis nielanura Sparrm. ou Macomaco,
autrefois commun partout, se montre encore dans le Sud ; mais il a
totalement disparu des régions du Nord.
La Poffonorw's cùicta Dubus, ou Tiora des indigèwes, abondait il y
a trente ans dans la province de Wellington ; aujourd'hui on ne la
rencontre plus sur le continent ; elle est confine'e en petit nombre
sur lîle d'Hauturu (golfe d'Hauraki). ~ VOrdionz/x albiciUa Less. a
subi le même sort que l'espèce pre'cédente. On suppose que le No-
tnrnis Manlelli Owen, Poule d'eau de forte taille, subsiste dans l'île
de la Résolution. Trois exemplaires de cette rare espèce ont été re-
cueillis jusqu'ici à la Nouvelle-Ze'lande ; deux sont conserve's au
Musée National, la troisième au Muso'e de Dresde. Le spécimen que
le British Muséum reçut en 1849 de M. W. Mantell fut capture iiar
des chasseurs de Phoques à Duck Cove (Résolution). Les Maoris
trouvèrent le même oiseau sur l'île du Secrétaire en face de Deas-
Covc, dans la baie de Thomson : enfin, un autre fut tué, en 1881, par
des chasseurs de Lapins près du lac Te Anau.
De nos jours, l'habitat des Aptéryx est très restreint. L'espèce du
Nord {Aptéryx Bulleri) se rencontre seulement dans les hauteurs
boisées de Pirouzia et Wanganni. Celle du Sud {A. austraUs Shaw)
vil dans quelques coins des côtes occidentales. Les Aptéryx maxima
Verr. et Haastl sont aussi devenues très rare=! dans les bois élevés de
rî'.c Steward. VApterix Oiceiii Gould, qui existait par milliers il
y a quelques anne'es, a été surtout détruit par les petits animaux
carnassiers, par les Chats sauvages et par les Chiens. Les collection-
neurs de minéraux vécurent parfois exclusivement de la chair de ces
Oi-eaux. G.
Jaseurs à Paris. — On remarquait dernièrement, sur le marché
d'Oiseaux à la Cité, quatre Jaseurs en cage.
Cette espèce, dont le Chenil a signale dans deux de ses derniers
numéros l'invasion re'cente en Angleterre, se reproduit dans les ré-
gions du cercle arctique. Elle apparaît accidentellement dans nos
contrées, en vols parfois considérables. De S.
L'élevage des Faisans [Phasianus colcJtiais) sur les « Neil-
gherry Hills » (chaîne des Montagnes Bleues, Inde). —
A Kuhutty, où l'on élève les Faisans, on a obtenu, d'avril à juil-
let 1892, 500 œufs, dont la plupart furent clairs. Cependant soixanie
jeunes ont grandi. Le climat de Kuhutty ayant été jugé trop chaud
pour les Faisans, on en a transporté à Oolocamund, où l'air est plus
vif et la température plus froide. On a l'intention de répandre ce beau
gibier dans les Montagnes Bleues. De B.
CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 427
Consommation du gibier à plumes et du poisson à
Paris. — Les Halles avaient reçu en 1891, de France :
300,000 Perdreaux, 98,000 Faisans, 20,000 Bécasses, 145,000 Cailles
et 200,000 Alouettes.
De l'étranger: 400,000 Perdreaux et 1,100,000 Alouettes.
La statistique pour 1892 n'est pas encore définitivement arrêtée,
mais on pense que ses résultats ne le céderont en rien à ceux de l'an-
née dernière. Nous rappellerons, comme point do comparaison, qu'en
1879, les arrivages se montaient à : 397,000 Perdreaux, 54,000 Fai-
sans, 46,000 Bécasses, 29.000 Bécassines et 1,600,000 Alouettes. Mais
à cette e'poque, on réunissait les ventes du gibier de provenance na-
tionale avec celles du gibier étranger.
La consommation du poisson dans la capitale nous oflfre aussi des
chiffres élevés. En 1890, Paris a consommé 20,435,257 kilogrammes de
poisson commun, ne payant pas de droits d'octroi; 1,986,442 kilo-
grammes de poissons de luxe de la deuxième catégorie, payant
21 francs par 100 kilos, et 2,189,618 kilogrammes de poissons de luxe
de la première cate'gorie, payant 40 fr. 20 par 100 kilos. En outre,
Paris a consommé, pendant la même anne'e, 5,882,580 kilogrammes de
moules et de coquillages
« C'est sur Paris, ajoute VÉvénemeiit, que sont dirigés tous les beaux
» poissons péchés dans les eaux françaises. Et, ce n'est pas un para-
» doxe de dire qu'on ne peut pas manger un Turbot, un Saumon dans
» nos ports de mer, sans le faire venir de Paris. » G.
Culture du Saumon en Bohême. — Les nouvelles sont assez
salislaisanles. M. Jaroschka, forestier de Herrnskrelscben, obtint
86,000 œufs fécondés et M. Haab de Schrôbersdorf sur la Wot-
tawa en reçut 40,000. A Schiittenhofen et Obrislwi la forte crue des
eaux a beaucoup nui aux essais de repeuplement.
La Société de pêche de Berlin envoya en Bohême 400,000 Saumons
du Rhin |)rovenant de l'eUablissemont de M C Schuster à Fribourg
(Bade) et 200,000 de celui de Seewiese près Gmûndcn (Bavière). Le
premier envoi éprouva une perte de 5.526 œufs ; le second en perdit
4,597. Ou a réparti le reste dans onze établissements situés prés de
l'embouchure de l'Elbe et de la Moldau. En mai, on a pu lâcher un
très grand nombre d'alevins dans les régions suivantes :
163.634 alevins dans la Woltawa pré- de Schiittenhofen , et 59,<556
près de Schrôbersdorf ; 45,040 dans les aflluenls de ce cours d'eau à
Zaluz et 19,471 prés de Slraschilz ; 29,012 dans les alfluenls do 1»?
Volynka et de la Wottava îi Zalesi ; 8,319 dans les petites rivières
qui se de'verscut à Kellue, 57,370 à Tusset et 19,025 à Eleouorenhain.
Ou eu a mis une forte quantité dans lo bassin de TElbe ; 148,898 à
Nekor (Wilde Adier) et 148.339 à Gabel (Slille Adlerj.
Près de Rok'tniz, M. Ezcr, maître Ibreslier, cultiva pour son propre
428 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
compte 17,308 alevins qu'il répartit dans les affluents de la Wilde
Adler.
En re'sumé, nous arrivons au total de 710,132 alevins, mesurant en
raovenue trente railliraèlres de taille qui ont éle' distribués dans tout
le bassin des deux plus grands fleuves de Bohême, l'Elbe et la Moldau.
Un lait digne d'intérêt, c'est la capture au printemps dernier d'un
Saumon prés de Gabel (Stilie Adler). De mémoire d'homme on n'en
avait signale' dans cette localité'. Récemment on en pécha une cen-
taine dans la Wotlawa en aval de Schiittenhofen.
Si ces données sont encourageantes, l'avenir ne l'est pas. On craint
surtout que les fabriques de cellulose, augmentant de jour en jour
dans la forêt de Bohême, ne rendent bientôt l'existence des Saumons
dans les rivières impossible. De S.
Capture d'un grand Esturgeon. — Le 22 décembre dernier,
les pêcheurs du Danube prirent près de G^ongyo (district de Raab)
un Esturgeon [Ac>,penser sturio) de forte taille qu'ils amenèrent vivant
à Vienne. 11 pesait 8 quintaux. La de'pouille de cet exemplaire,
mesurant 3^,30 en longueur, figure aujourd'hui dans le muse'e de
Vienne. C'est le plus grand poisson qui remonte les cours d'eau
d'Europe ; il nous arrive généralement de la mer Caspienne ou de la
mer Noire. De B,
L'huile extraite d œufs de Serpents. — Dans le Connecticut,
et principalement près de Hambourg, on chaise les Crotales ou « Ser-
pents à sonnettes » pour l'huile qu'on retire de leurs œufs. Les Amé-
ricains s'en servent contre le rhumatisme et la neurologie. Une once
coiite de 25 à 30 dollars (125 à 150 francs). Le i^hasseur de Crotales est
armé d'une sorte de lance, dont l'extre'mite' porte une lame acére'e, à
l'aide de laquelle il excite l'animal et lui tranche la tête quand il se
dresse devant lui. Puis il lui ouvre le ventre pour prendre les œufs
(quand le Serpent en possède) et il les fait cuire dans de l'eau pendant
quelque temps. La matière huileuse vient à la surface; on la recueille,
puis on l'introduit dans un alambic pour la débarrasser de l'eau qu'elle
pourrait encore contenir. Une fois filtrée à travers de la toile fine, on la
met en flacons. Cette huile a l'aspect de la vaseline; appliquée à l'e'tat
pur sur la peau, elle détermine une inflammation. Aussi s'en sert-on à
l'état atténue'. Elle est très recherchée. Il en re'sulte que les Crotales
diminuent dans la contrée et que les chasseurs s'apprêtent à gagner
d'autres régions pour continuer leur métier. G.
VI. BIBLIOGRAPHIE.
Les Plantes industrielles, par Gustave Heuzé, Tome F'' : Plantes
textiles ou filamenteuses, de s'parterle, de vannerie et à carder. Un vu-
lume in-12. — Libraire agricole de la Maison rustique, 26, r:ie
Jacob, Paris.
L'ouvrage que nous annonçons est la troisième édition d'un travail
du plus haut inte'ret pour tous ceux qui s'occupent de l'applicalion
des sciences naturelles.
Les espèces botaniques décrites dans ce volume sont très nom-
breuses ; elles comprennent les plantes annuelles ou vivaces cultive'es
en France et à l'e'tranger pour l'utilisation des fibres textiles contenues
dans la tige, les feuilles ou les capsules de ces végétaux.
Le plan suivi par l'auteur est simple, mais conçu méthodiquement.
Nous pensons donner une ide'e assez exacte de ce livre en suivant au
hasard un des chapitres consacrés à chacun des textiles indigènes ou
exotiques :
Nous trouvons tout d'abord un excellent résumé historique, des no-
tions claires et précises de culture, choix du terrain, semis, engrui>
nécessaires, soins d'entretien, etc. A cette partie se rattachent égale-
ment les maladies de la plante elle-même, l'étude des animaux ou
insectes nuisibles à son de'veloppement.
La partie technique renferme tout ce qu'il est indispensable de
connaître sur la récolte des parties exploitées, les opérations de rouis-
sage et de filage des fibres, leurs applications industrielles, rapports
divers des produits, pertes et déchets causés par les opérations méca-
niques, commerce des filasses, etc.
Nous voyons traiter successivement dans le même ordre d'exposi-
tion : le Lin, le Chanvre, le Sunn, le Colon, la Ramie, la Ketmie, le
Phormium, le Chanvre Pitte d'Amérique, l'Abaca, les fibres de Yucca,
d'Ananas, de Palmiers, etc., etc.
Les principales plantes de sparlerie, de vannerie et papyrifércs men-
tionoées dans la deuxième partie sont : l'Alfa, le Sparte, les Bambous,
roseaux, joncs et rotins, l'Osier, etc.; les écorces de Tilleul cl de Bou-
leau sont aussi étudiées sous le rapport des produits filamenteux de
leurs couches libériennes.
Tel qu'il est présenté, le livre de M. Gustave Ilcuzé est un de ceux
que nous voudrions voir entre les mains de tous ceux qui, ii un titre
quelconque, s'intéressent à l'('tude des productions agricoles et de
leur utilisation dans l'industrie. M. \'.-\\.
LISTE
DES
PRINCIPAUX OUVRAGES FRANÇAIS ET ÉTRANGERS
TRAITANT DES
ANIMAUX DE BASSE-COUR
I
OUVRAGES FRANÇAIS
BÉNION (Ad,). — Traité de. l'élevage et des maladies des anlmauv et
oiseaux de basse-cour et des oiseaux d'agrément. — 1 vol. in- 18, avec
nombreuses figures, cartonné à l'anglaise. Paris, Asselin et Hou-
zeaii, 1873, 1 vol. in-18, 500 p. (T francs).
BENOIT l'C.-L.). — La vraie ïiianière d'élever., de multiplier et d'en-
graisser les Oies, moyen de se faire 3,000 francs de rente. — Paris, Le
Bailly, 1885, in 18 de 36 p. avec figures.
BERN DE BOISLANDRY (M'"'^' la vicomtesse du). — Élevage pratique
des Lapins. Traite' de toutes les races. — Paris, Roussel, imprimerie
d'Auteuil, in-8°, 59 pages, fig.
BILLIARD (J.). — Notes sur l'élevage des Autruches et f incubation arti-
ficielle des œufs. — Montpellier, Htimelin, 1883, in-8°, 8 p.
BLA.NCHÉRE (H. de la). — Basse-cour, Pigeons et Lapins. — Figures.
BOIS. — Nouvel art d'' élever et de multiplier les Pigeons de colombier et
de volière à la ville et à la campagne. — Paris, Le Bailly, 1883, in-12
de 3G p.
BOITARD et CORBIÉ. — Les Pigeons de volière et de colombier. —
Paris, 1824. 238 p. in-8'\ avec figures colorie'es.
— 3Ionograp)hie des Pigeons domestiques. — Paris, 1824.
BOUCtIEREAUX (A,). — Le petit guide de l'éleveur. Faisans, Poules,
Oies, Dindons, Pigeons, Canards ordinaires et de luxe, Lapins, etc.
1877, 108 p. in-18, 60 figures.
BREIIM. — Les Oiseaux (e'd. fr. par X. Gerbe). Voy. Gallinacés., Pigeons.
BUCHOZ. — Traité économique et physique des oiseaux de basse-cour. —
Paris, Lacombe, 1877, in-12, xxvi-312 p.
CIIAPUIS (F.). — Le pigeon voyageur. — Verviers, 1876, 242 p. in-12.
OUVRAGES TRAITANT DES ANIMAUX DE BASSE -COUR. 431
CHOUIPPE (D'A.). — Motifs et exposé sommaire d'une classification des
races gallines . — [Bulletin de la, Société d'Acclimatation, sept. 1858.)
DARESTE. — Influence des basses températures sur le développement de
V embryon de la Poule. — 1865, 1 plaquette in-8°.
— Sur le développement de l'embryon de la Poule à des températures
relativement basses {Mémoires de la Société des sciences de Lille,
3e série, t. II, p. 291, 1865).
— Sur les moyens de s'assurer de la fécondation des œufs de galli-
nace's [Bulletin de la Société d'Acclimatation, t. IX, 1862, p. 933).
— Sur les caractères qui distinguent !a cicalricule fe'conde de la cica-
tricule inféconde {Comptes rendus, t. LIX, p, 255, 1861).
— Sur les œufs clairs {Bulletin de la Société d' Acclimatation, 3° série
t. III, no 1. 1876.)
— Sur quelques faits relatifs à la nutrition de l'embryon dans l'œuf
de la Poule [Comptes rendus, t. LXXXIII, p. 836, 18*6).
— Sur la suspension des phénomènes de la vie dans l'embryon de la
Poule [Com.ptes rendus, t. LXXXVI, p. 723, 1878, et t. LXXXVII,
p. 1043, 1878).
— Sur le développement de vége'talions cryptogamiques à l'exteVieur
et à l'intérieur des œufs de Poule [Comptes rendus, t. CXIV, p. 46,
1882).
— Sur la production des monstres dans l'œuf de la Poule par l'effet
de t'incubation tardive {Comptes rendus, t. XCV, p. 254, 1882, et
t. XCVI, p. 444, 1883).
— Sur la pr(jducliou des monstruosités par îes secousses imprimées
aux œufs de Poule {Comptes rendus, t. XCVI, p. 511, 1883).
— Sur l'incubation des œufs de Poule dans l'air confine' et sur le rôle
de la ventilation dans l'évolution embryonnaire [Comptes rendus,
t. XCVIII, p. 924, 1884).
— Sur le rôle physiologique du retournement dos œuts pendant Tln-
cul)ation {Comptes rendus, t. C, p 834, 1885).
— Sur l'influence des secousses sur le germe de l'œuf de la Poule,
pendant la période qui sépare la ponte de la mise en incubation
{Comptes rendus, t. CI, p. 813, 1885).
— Sur quelques faits relatifs à l'incubation artilîcielle {Revue des
Sciences naturelles appliquées, \^. 169, 1889).
— Etudes expérimentales .'^ur l'incuhalion [Bulletin de la Société d'Ac-
climatation^ 3*^ série, t. X, p. 137, 1883, et 4" série, t. I, p. 1,
1881).
— De'lerminalion des conditions physiologiques cl physiques de l'évo-
lution normale de l'embryon de la Poule. — Mémoire présenté le
1<) août 1886 à l'Association française pour l'avancemeul di;s si^ionces
(Congrès de Nancy, Comptes rendus de la 16° section, p. 553).
432 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
DIIKHSE (A.)- — Manuel d'élevage, suivi d'une monographie des Pba-
sianidés. ~ Chez Tauleur, à Longueval (A.isne), in-18.
DUMONT. — L'art d'élever les Poules, Poulardes et Chapons. — Paris,
Blanc, iu-32, 15 p.
— Éducation (De 1') des volailles {au point de vue des proff.ts). — Nîmes,
Roger et Laporte, 1877, 32 p. iu-S».
ÉLEVEUR (L')- — Journal hebdomadaire illustré de zootechnie, d'accli-
matation, de chasse, etc. — Réd. en chef, M. Pierre Mégnin, lauréat
de rinstitut. — A consaller une série d'articles parus depuis 1885
et dont la liste suit :
18S5. — Autruches, leur élevage, p. 31, 211.
— Aviculture, par P. Mégnin, p. 401, 414, 439, 473, 496, 568, 594.
— Canard Mandarin (Le), par M. d'H., p. 157.
— Coq Phénix du Japon, p. 109.
— Dindon (Le), par M. d'il., p. 313.
^- Incubation artificielle en Annam, p. 82.
— Maladies des oiseaux (Correspondance', par E Bouvet, p. 127.
— Pigeons voyageurs, par M. d'H., jk 97.
— Pigeons du Yorkand, p. 421.
— Poule, gale des pattes, traitement du D'' Regnord, p. 165.
— Poule huppée, conjouctivitd spéciale, par Bouvet, p. 152.
— Poule, obstruction du jabot, ope'ralion, guérison, p. 163.
— Poule Padoue herminée, par M. d'H., p. 445.
— Poussins, jeunes oiseaux, rhumatisme et goultc, par Bouvet,
p. 165.
— Tuberculose et diphtérie chez les Gallinacés, par Cornil et Mé-
gnin, p. 5, 18, 30, 42, 64, 77 et 78.
— Tuberculose, nouveaux cas de transmission de l'homme à la Poule.
— Volailles françaises (Échec aux), p. 10.
— Volailles, nourriture (^trad. de l'anglais), p. 346.
— Volailles, grandes races asiatiques, nourriture qui leur convient,
p. 118.
— Volailles, races propres à être élcve'es en parquet, p. 417.
1886. Aviculture [suite), par P. Mégnin, p. 4, 16,54, 67, 77, 163, 185.
— Canard d'Aylesbury, par Benoist, p. 546.
— Canard de Barbarie, par Benoist, p. 544.
— Canard (Quelques mots de l'e'levage du), par G. M., p. 222.
(i. suivre.)
Le Gérant : Jules Grisard.
I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ.
LES
STATIONS AGRICOLES ET D'AGCLIMATATIOiN
EN CALIFORNIE
Par m. E. W. HILGARD,
Professeur au Collège agricole de Berkeley, près San-Fraacisco,
directeur des stations agronomiques de Californie.
Les Stations agricoles de l'état de Californie sont toutes
essentiellement chargées des études d'acclimatation; pour
plusieurs d'entre elles ce sont même ces travaux qui viennent
en première ligne.
Pour en comprendre l'organisation il faut se rendre compte,
d'abord, des grandes dimensions et de l'extrême diversité des
climats de cet Etat, qui du reste ne comprend pas dans ses
limites la péninsule de la Basse-Californie, qui appartient
au Mexique. Ce grand territoire, dont la longueur (parallèle
à la côte de l'Océan et au sud de la latitude de Rome) est de
1,100 kilomètres, la largeur moyenne de 330 kilomètres,
présente donc une superficie de près de 400,000 kilomètres
carrés, ce qui équivaut aux 4/5"^ du territoire de la France.
Avec de telles dimensions on comprend que « le climat de
la Californie » doit être très varié ; la topographie y ajoute
encore de puissantes influences modificatrices. La frontière
de l'est est longée par la haute chaîne de la Sierra Nevada,
qui présente une pente douce à l'ouest, mais à l'est, un
escarpement au pied duquel s'étend le grand plateau inté-
rieur de Nevada. A partir de l'altitude de 1,100 mètres envi-
ron la Sierra est boisée d'abondants et excellents conifères,
jusqu'à la région des neiges; la partie basse de la pente, à
l'ouest (les Foothills) est une région autant minière (lu'agri-
cole, où se produit une grande partie des meilleurs fruits de
l'Etat, surtout pour l'exportation. C'est dans cette région
qu'a été établie l'une des plus importantes stations culturales.
20 Mai 1893. 28
434 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
Le long de la côte du Pacifique il y a une bande de 100
kilom. de largeur de montagnes dont peu excèdent l'altitude
de 1,000 mètres ; ce sont pour la plupart de courtes chaînes
disposées en deux ou trois rangées presque parallèles à la
côte; donnant lieu à l'écoulement des eaux, et partant à l'em-
bouchure des vallées, dans la direction nord-ouest. Au sud
la Sierra et les montagnes de la côte se réunissent en for-
mant les monts Tehachipi et plus loin la Sierra Madré, au
sud de laquelle est située la partie subtropicale par excel-
lence de l'Etat — la « Californie du Sud », dont la métropole
est Los Angeles, et où se produisent les neuf dixièmes des
oranges exportées. Ici encore il a fallu établir une station
spéciale d'acclimatation.
Mais le trait caractéristique et le plus important de la Cali-
fornie, en matière d'agriculture, c'est la grande vallée cen-
trale qui s'étend entre la bande de montagnes de la côte et la
Sierra Nevada, sur une longueur de 650 kilom. avec une
largeur d'environ 100 kilomètres. C'est la neuvième partie de
ce grand Etat; une énorme plaine alluviale avec des sols
d'une fertilité extraordinaire. Autrefois c'était le fond du
bassin d'un grand lac d'eau douce, dont les eaux s'écoulaient
alors par la baie de Monterey, tandis qu'actuellement l'eau
s'écoule par la « Porte d'Or » près de la ville de San Fran-
cisco. Du côté nord c'est le fleuve de Sacramento qui porte
les eaux de la Sierra; au sud, c'est le San Joaquin qui en fait
autant, car les eaux des montagnes de la côte ne coulent pas
du côté de la vallée. Les deux fleuves se réunissent vers le
milieu (nord-sud) de la vallée, et puis entrent dans la mer
par la baie de San Francisco. 11 va sans dire que ces deux
fleuves sont nourris en chemin par de nombreuses rivières
grandes et petites ; celles-ci avant de sortir de la Sierra, sont
des torrents de montagne, dont les eaux peuvent se recueillir
à des altitudes suffisantes pour l'irrigation, non seulement de
la vallée, mais encore de la basse Sierra elle-même.
La plus grande partie de la vallée centrale requiert l'irriga-
tion pour la culture régulière. Il est vrai qu'on y produit, sur-
tout dans la partie nord dite « du Sacramento », de grandes
récoltes de blé sans irrigation. Cela tient à ce que. dans ce
qu'il est convenu d'appeler le climat Franciscain, les pluies
tombent toutes de novembre à mai. C'est la période de la vé-
gétation, car il y a à peine quelques gelées dans cette saison ;
LES STATIONS AaRICOLES ET D'ACCLIMATATION EN CALIFORNIE. 435
la moisson a lieu en mai et en juin. De mai à novembre il
n'y a pas de pluies; et l'air est très chaud et très sec. Mais
personne ne s'en plaint parce que tout le système ao-ricole
s'est conformé à ce régime. On croirait que les arbres frui-
tiers des climats tempérés de l'Europe n'en feraient pas
autant; néanmoins, la pratique a démontré que dans des sols
bien profonds, presque tous se trouvent bien et y produisent
d'abondantes récoltes dont les produits sont d'une douceur
et d'un arôme particuliers.
Mais si cela est vrai pour la vallée du Sacramento et les
vallées de la côte, il en est autrement dans la partie sud
c'est-à-dire dans la vallée du San Joaquin, où la précipitation
annuelle descend jusqu'à 100 millimètres et quelquefois
encore moins. Là, c'est l'irrigation seule qui permet de faire
et de maintenir des cultures utiles ; mais avec l'irrigation
nous nous trouvons en face d'une fertilité surprenante.
C'est là encore qu'a dû être établie une des premières sta-
tions d'acclimatation, et c'est là aussi que l'on rencontre le
phénomène caractéristique de toutes les régions arides les
terrains chargés plus ou moins de sels alcalins. Ces terres,
d'une richesse intrinsèque extrême, opposent cependant des
difficultés toutes spéciales à la culture. Le sol y contient non
seulement des sels neutres, comme ceux des terrains marins
dits salés en France, mais encore, le carbonate de sonde y
prédomine largement. Ce sel, beaucoup plus nuisible encore
que le sel marin, doit être détruit avant tout. J'ai imaginé
pour cela le remède chimique du plâtrage, lequel convertit en
sulfate neutre et presque inerte le carbonate de soude cor-
rosif; ceci met fréquemment fin à toute difficulté. Les expé-
riences à cet égard se sont faites d'abord à la station de
Tularé ; mais à présent la pratique de ce simple procédé s'est
faite générale; elle a rendu à la culture beaucoup de terres
qui avaient été négligées de tout temps, et d'autres, qu'on
avait été forcé précédemment d'abandonner après quelques
années de culture. C'est d'une grande imi)ortance dans ce
pays de terres énormément productives, qui de pins ont la
prérogative spéciale de la production la plus avantageuse du
raisin sec, marchandise dans laquelle le pays l'ait une con-
currence très sérieuse à l'Espagne. En 1892, la récolte des
raisins secs a presque égalé l'importation annuelle de raisins,
telle qu'elle se faisait aux Etats-Unis des ports d'Espagne,
436 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
avant que cette industrie ne fût développée en Californie. De
plus, la prune d'xlgen, l'abricot, la pêche, la poire, l'amande,
la figue et bien d'autres fruits, et dans la grande culture les
blés, la luzerne, la ramie, le coton, etc., réussissent admira-
blement. Pour toutes ces cultures, l'étude des meilleures
variétés et méthodes est poursuivie avec énergie à la station
de Tulare.
Dans la vallée du Sacramento, il n'a encore été établi
aucune station, faute de fonds disponibles.
Quant à la côte, et à sa bande de montagnes, il y faudrait
au moins trois stations culturales pour que tous les climats
fussent représentés. Il en a été établi une dans la partie
supérieure de l'importante vallée du Salinas ; le climat y est
presque aussi sec que celui de la grande vallée l'est à Tulare,
mais avec de fortes oscillations journalières de température,
dues à l'altitude élevée (500 m.).
Mais le climat de la côte même est encore tout à fait diffé-
rent. Les vents alises du sud-ouest et le courant d'eau froide
d'Alaska qui longe la côte , concourent à produire une
température qui varie peu d'un bout de l'année à l'autre, et
en même temps des brumes persistantes. Dans les mois de
juillet et d'août, ces brumes sont parfois si froides qu'à San-
Francisco, les vêtements et le chauffage d'hiver deviennent
de rigueur. Ce climat constitue donc un contraste bien
brusque avec la chaleur et la sécheresse intenses de la
grande vallée , qui n'est cependant qu'à moins de deux
heures de chemin de fer. La station centrale à Berkeley, au
siège de l'Université de l'Etat, est celle qui représente le
climat de la côte. C'est là que se font, en outre, les travaux
scientifiques et administratifs pour toutes les stations, aussi
bien que pour l'Institut agronomique de l'Etat. C'est là aussi
que se publient les bulletins au moins mensuels, et les rap-
ports annuels sur toutes les expériences faites.
Mais nos expériences d'acclimatation ne sont pas res-
treintes aux stations mêmes, qui sont trop peu nombreuses
pour satisfaire aux exigences du public agricole. Nous sus-
citons tous les ans la collaboration d un grand nombre de
propriétaires intelligents, auxquels nous offrons le choix d'un
nombre limité d'espèces de plantes culturales, soit complète-
ment nouvelles dans le pays, soit pas encore établies dans
toutes lès régions où leur culture nous semble promettre de
LES STATIONS AGRICOLES ET D'ACCLIMATATION EN CALIFORNIE. 437
bons résultats. Ces offres se font par la voie d'un bulletin
spécial dit des distributions, qui donne la liste générale des
graines, boutures ou plantes vivaces disponibles, avec des
détails sur la provenance, l'utilité et la culture de chaque
espèce ou variété. L'expérience nous a démontré que ce qui
s'acquiert sans peine est peu apprécié par celui qui le reçoit ;
guidés par ceci nous faisons payer le coût d'emballage par les
postulants, et nous leur imposons carrément l'obligation de
nous faire des rapports, soit des succès, soit des insuccès,
et nous leur rappelons leur engagement par carte postale
en temps utile. Il y en a naturellement qui ne répondent pas
surtout en cas d'insuccès; cela nous sert cependant aussi
comme témoignage : qu'aucun résultat éclatant ni positif, ni
négatif n'a été obtenu. Car les réels échecs, nos correspon-
dants ne manquent jamais de nous les annoncer avec une sorte
de satisfaction. Nous avons réuni par ces procédés un grand
nombre de rapports de cultures très importants, dont la dis-
cussion nous a convaincus soit de l'utilité, soit de l'inutilité
de donner suite à telles ou telles expériences. Dans l'hiver
de 1890-91, nous avons distribué 11,200 colis à 514 postu-
lants.
Quant aux ressources financières de notre système, il faut
dire que les terres et les bâtiments des stations culturales
ont été fournis par des souscriptions régionales bénévoles ;
les frais de culture et d'administration sont couverts par une
dotation spéciale de 75,000 francs par an, faite à cette fin,
par le gouvernement des Etats-Unis à chacun des états de
l'Union américaine, en 1888. Les frais de la station centrale
à Berkeley et de l'Institut agronomique sont à la charge de
l'Université de l'Etat (1).
(1) On trouvera dans les comptes rendus de la Société de géographie de
Berlin, 1893, une carte pluviale de la Californie, sur laquelle les stations diri-
gées par M. Ililfjard sont portées.
Le Bulletin de la Société nationale d' Agriailture de France de celte année
contient une autre communication du même auteur qui donne des détails sur
les terrains salants et alcalins de la Californie, dont l'étude constitue une spé-
cialité de la station du Tulare. J. V.
L'AVICULTURE CHEZ L'ELEVEUR
Par m. le marquis de BRISAY.
{ SUITE*)
VIII
L'établissement créé par M. Ollivry , à la Chapelle-sur-
Erdre (Loire-Inférieure), n'est pas aussi considérable que
ceux que nous venons de passer en revue ; mais il se recom-
mande par le choix des sujets y contenus. L'éclectisme le
plus raffiné préside à l'introduction des pensionnaires chez
M. Ollivry ; il ne s'y glisse pas un Faisan vulgaire, pas même
un Euplocome ; le common people des volières n'a point sa
place ici.
Dans le premier parquet que l'on trouve sur la gauche, en
pénétrant dans la propriété, on remarque un couple de Lo-
phophores et un couple de Colombes tigrées du Sénégal, tout
ce qu'il y a de plus sélect. Un conifère se dresse au milieu du
carré, sur un gazon que les Lophophores piochent et retour-
nent à leur aise, pendant que dans les ramures aux panaches
ombreux, roucoulent les Pigeons au manteau de satin, ponc-
tué d'étincelles blanches, en gonflant leurs collerettes rouge-
feu. Ces pigeons, — Roussards au Sénégal et Ramiers du
désert — sont nés en France (c'est moi qui les ai cédés à
M. Ollivry, et leurs parentâ m'ont donné en six ans plus de
quinze couples de leurs jeunes), mais ils ne semblent pas dis-
posés à se reproduire. Depuis trois ans on n'en a rien obtenu,
et je crois que cette belle espèce, si désirable à propager,
présente généralement, dans les sujets indigènes, cet incon-
vénient.
Les Lophophores se comportent bien. Depuis cinq ans, sept
ou huit jeunes ont été élevés chaque saison. Cette année, sur
deux couples reproducteurs, quatorze ont été menés à bien.
(*) Voyez Bévue, années 1891, 2' semestre, p. 479 ; 1892, 2» semestre, p. 498»
et plus haut, p. 299.
L'AVICULTURK CHEZ L'ÉLEVEUR. 439
L'élevage de cette espèce réussit mieux en liberté qu'en
captivité Dans les premiers jours qui suivent la naissance,
on les tient enfermés dans la boîte d'élevage; au huitième, si
le temps le permet, on ouvre la boite sur la pelouse, et vogue
la galère ; la poule conduit ses poussins à la recherche des
insectes, à l'herbe, etc., puis les rentre pour le souper et
pour la nuit. Ainsi menée, cette espèce, réputée délicate, s'est
toujours montrée très rustique, et de tous les Faisans, la plus
facile à réussir. Ce n'est qu'après le sevrage, quand les oi-
seaux déjà très gros commencent à s'émanciper et prennent
leur vol par dessus les murs de la propriété, qu'on les re-
prend le soir au bercail et qu'on réduit leurs velléités d'indé-
pendance en leur coupant les plumes d'une aile, d'abord,
puis en les cloîtrant en volière, après la mue.
Le compartiment voisin des Lophophores contient des Pin-
tades couronnées de Verreaux. Ces gallinacés africains ont été
élevés en France. Ils proviennent de la faisanderie de Gai-
manche, près Caen. Ce sont des sujets jeunes encore et qui
continuent à se montrer déhcats. Leur croissance s'achève
bien avec des soins ; mais il faut les rendre carnivores, leur
offrir des languettes de chair crue et sanguinolente, qu'ils
avalent précipitamment, en les prenant pour des lombrics
enluminés. C'est le régime hématique si favorable aux ané-
miés. Une fois parvenues à l'âge adulte , les Pintades se
nourrissent de graines et d'herbe, comme de simples i)Oulets.
Nous passons de suite aux Tragopans. M. Ollivry est de
tous les amateurs que j'ai rencontrés, celui qui obtient le plus
beau et le plus constant succès avec ces oiseaux remar-
quables. Voici un très beau couple Cabot à sa seconde année,
en couleurs, et qui promet une prochaine reproduction; cet
oiseau attire l'attention par ses taches brun-rouge sur fond
abricoté, et par sa face en peau d'orange. On sait la grande
difficulté de conserver les importés. Ceux-ci sont nés en Bel-
gique et se montrent enchantés de vivre. Voilà ensuite le
Temminck dont plusieurs générations se sont reproduites ici,
et pour lesquels on a toujours employé le procédé en liberté
appliqué aux Lophoi)hores. Vient enfin le Satyre, que sa déli-
catesse, même adulte, a fait si rare à présent dans toutes les
faisanderies. Quel splendide oiseau que ce Tragopan ! Unifor-
mément rouge vi(, comme un beau coucher de soleil, tout
diamanté de points blancs entourés d'un liseré noir. C'est un
440 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
éblouissement ! Et comme plumage il vaut tous les Lopho-
phores. Il se conserve bien et s'élève parfaitement à la Cha-
pelle. Depuis sept ans qu'il est ici, une moyenne de douze
jeunes a été produite et menée à bien chaque année. En 1889,
deux couples reproducteurs ont donné seize jeunes ; en 1890
les mêmes en ont produit quinze, dont l'éducation a été facile,
en liberté, avec l'ordinaire des faisans : mie de pain et œufs
avec persil haché, asticots et vers de farine qui sont utiles
surtout aux Tragopans Satyres, puis les graines ordinaires,
le mil, le chènevis, le maïs, d'abord concassées, puis entières.
Un couple de Tragopans de Blyth a donné huit œufs ce prin-
temps, pour la première fois. Cinq étaient fécondés, et les
petits sont nés, mais si faibles qu'ils n'ont vécu que quelques
jours. C'est un essai à reprendre.
L'élevage du Tragopan a été généralement moins brillant
cette année (1891) que l'année dernière. Cependant la saison
avait bien débuté! beaucoup d'œufs et beaucoup d'éclosions.
Mais l'extrême humidité du printemps, succédant à l'hiver
tardif et froid, a été pernicieuse. L'élevage pratiqué en liberté
est parfait dans une saison chaude, mais il devient désastreux
en temps pluvieux. Alors, si la poule n'est pas extrêmement
douce, patiente et familière, la couvée est bien compromise ;
beaucoup de mères, en effet, abusent de la liberté qui leur est
accordée, couchent sur les arbres, abritent mal leurs petits,
dès le matin les traînent dans l'herbe mouillée, ou même,
comme cela a été signalé souvent à la Chapelle, sous la pluie,
tombant en brume épaisse et froide. Il résulte de cet incon-
vénient que sur douze Satyres éclos, cette année, quatre
seulement ont été élevés, tous de la même couvée, ce qui
prouvç bien que la conduite de la poule est pour beaucoup
dans la réussite ou l'insuccès de cette éducation.
Depuis deux ans, M. Ollivry tient le faisan de Wallich,
vulgarisé par M. Maillard ; le couple a reproduit dès la pre-
mière année. Sept jeunes ont été menés à bien. Cette saison,
bien que médiocre, en a produit dix-sept. L'oiseau est des
plus faciles à élever, malgré son naturel sauvage. On en
ferait un bon faisan de chasse. C'est là sa seule utilité, car
comme beauté, il laisse à désirer, ce qui le fera abandonner
promptement par les amateurs, qui lui préféreront toujours,
à bon droit, l'EUiot ou le Vénéré.
Dans la grande volière, où nous remarquons tous ces
L'AVICULTURE CHEZ L'ÉLEVEUR. 444
splendides animaux, M. Ollivry conserve aussi un heureux
choix de Colombes exotiques. Il a élevé — il est peut-être le
seul en France, — des Colombi-gallines à tête bleue, de la
Martinique. Il a aussi des Poignardées qui lui donnent des
produits, et je vois un jeune à peine sevré, tournant autour
des parents qui l'ont nourri, pour en obtenir encore une bec-
quée. Le lait n'est pas unique, mais il n'est pas commun non
plus. Le plus ordinairement, cette variété s'accouple, pond,
couve assidûment pendant quelques jours, et abandonne ses
deux œufs — très souvent il n'y en a qu'un — pour refaire
un nouveau nid et une autre ponte.
Les Grivelées, ces gros Pigeons-poules d'Australie, dont
l'envie vous prend, en les voyant, de tenir l'une d'elles à la
fourchette; familières et douces, et toutes dodelinantes dans
leur parquet sablé, autant qu'elles semblent devoir être suc-
culentes dans l'assiette, assises sur une barde de lard, réus-
sissent très parfaitement à la Chapelle. Combien d'amateurs,
et des plus sérieux, ont essayé d'en produire sans y parvenir!
Là, elles vont toutes seules ; elles pondent, couvent et nour-
rissent, c'est un plaisir. Elles donnent deux ou trois paires
d'élèves par an. Les rigueurs de l'hiver ne les préoccupent
en rien. Dès janvier l'amour les réchauffe et leur fait braver
les frimas. Sur la neige et par les rafales, jusqu'en mai sous
un soleil printanier, elles procèdent au grand travail pour
lequel tout être au monde est créé. Avec ces bonnes et gras-
souillettes bestioles, logent, s'agitent et pullulent d'infini-
tésimales Tourterelles, des Colombes Diamant de la gros-
seur d'un moineau, une foultitude de petits amours pigeon-
nants, aux yeux rouges, entourant la volière d'une guirlande
de nids, grands comme le creux de la main, où des généra-
tions quasi-spontanées poussent à la vapeur. Et là, surtout,
on signale l'heureuse étoile qui préside à tout l'élevage du
cher confrère. Partout ailleurs deux mâles Diamant ne peu-
vent se supporter ensemble , ne cessent de se battre, de
s'entre-déchirer . . . chez lui plus de vingt colombes de cette
espèce si jalouse, vivent en commun, mâles et femelles, et
nichent et élèvent, et renichent, avec la plus admirable cor-
dialité.
M. Ollivry sait échelonner son goût des volatiles en des-
cendant des plus grands aux plus petits. Dans un coin <le son
parc, il entretient un couple de Nandous, sorte de cavalerie
4^2 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
numide qui charge à fond de train, et se trouve arrêtée par
le plus petit obstacle, un léger grillage d'un mètre de haut.
Dans un enclos voisin, se prélassent deux belles Grues cou-
ronnées, au manteau gris perle, à l'aigrette dorée, à la dé-
marche noble, le plus bel ornement d'une pelouse, ici très à
l'aise, et comme les Nandous, enfermées dans le plus mince
réseau. Ces Grues ont pondu. La femelle a couvé ses deux
œufs pendant quatre ou cinq jours, puis un beau matin,
pendant qu'elle était allée paître, le mâle inquiet les a
brisés. C'est dans ce parquet qu'a été construite, dans
une position agréable et ombragée , une volière rustique
longue de dix mètres environ, large de quatre, possédant
un abri ouvert par devant et couvert de chaume. Elle
recèle un couple de jeunes Argus, né en Anjou, et vendu
par M. Roflay qui, paraît-il, les aurait élevés chez lui, à Sau-
mur. Ces oiseaux ont dix-huit mois et sont loin d'avoir
atteint leur taille. Ils ne seront adultes qu'à trois ans. Leur
plumage n'est pas encore caractérisé. Ils semblent doués
d'une santé robuste, et leur rusticité permet de croire qu'ils
supi)orteront bien un hiver moyen. Ils ont subi déjà une tem-
pérature de 7 degrés au-dessous de 0 sans paraître en souffrir.
Dans un bassin voisin du potager s'ébattent sur une eau
sinueuse et peu profonde, entre des touffes de bambous, des
Sarcelles à ailes bleues faisant bon méaage avec des poissons
rouges. Dans un enclos voisin, arrosé par la même rivière,
sont deux Cygnes à col noir, provenant du -Croisic, et de-
meurés jusqu'à ce jour inféconds.
En compagnie des Tragopans, parmi les thuyas et les
fusains ombrageant les parquets de la grande volière, vivent,
comme en un pâquis d'Adélaïde, des Passereaux minuscules
au merveilleux plumage. Il y a plusieurs variétés de Dia-
mants, dont chacune est logée en un compartiment différent,
mais représentée par plusieurs sujets de la même espèce
vivant ensemble, dans les meilleurs termes. Je reconnais le
Moucheté, le Psittaculaire, le Pape de prairie, le Gould, le
Mirabilis, le Masqué.
Rien de plus attrayant, dans cette grande volière si bien
aménagée et plantée, que cette petite population, au cos-
tume éclatant et varié, aux mœurs intéressantes, aux allures
vives et gracieuses, se supportant sans dispute, sans plumes
volantes, en un bel espace, rustique au point de passer la
L'AVICULTURE CHEZ L'ÉLEVEUR. 443
pins grande partie de l'hiver — sauf le temps des fortes ge-
lées — au dehors, et qui se reproduit là comme en pleine
liberté. Car c'est encore un des points les plus importants à
signaler dans l'élevage de M. Ollivry ; après les Tragopans,
après les Colombes, voici les Diamants qui reproduisent comme
des champignons. On ne trouve nulle part ailleurs, l'exemple
d'une réussite aussi générale. Sans parler du Moucheté, dont
la reproduction est assez vulgaire, que dire du Masqué (Ama-
ranthe à masque) connu depuis quatre ans à peine, et dont
je vois le nid, au milieu d'une brousse, formé de feuilles,
plumes et coton amoncelés. La femelle a pondu cinq œufs.
C'est bien la première fois que ce fait est signalé en Europe.
Malheureusement ils n'ont point été couvés. Il y a plus de
quatre ans que M. Ollivry élève avec succès le Diamant psit-
taculaire, de la Nouvelle-Calédonie, dont la reproduction
a été obtenue pour la première fois, à Beaujardin, en 1882
ou 1883. Un couple, venu de Beaujardin, après la mort de
M'"^ Cornély, a donné une quantité prodigieuse de petits,
couvés et élevés sur un fusain, dans un gros nid formant
une informe masse herbeuse, ayant, comme celui du Roi-
telet, une ouverture sur le côté. L'incubation est très rapide,
la croissance plus lente ; les petits ont en naissant, et portent
encore à la sortie du nid, trois petites verrues bleues de
chaque côté du bec. Ils s'élèvent parfaitement avec le millet
en grappe, le mouron, la pâtée d'insectivores en petite quan-
tité. Ce sont les parents qui président à leur éducation d'un
bout à l'autre. Le PaU'on n'a qu'à les regarder faire, et avoir
soin que les provisions ne manquent pas.
Le Diamant de Gould avait déjà été reproduit comme le
précédent chez M. Cornély à Beaujardin, mais notre collègue
M. Ollivry est le premier amateur qui ait fait, sur ce genre
de passereau, une étude aussi complète que suivie. Les ré-
sultats obtenus intéressent même l'histoire naturelle, en ce
sens qu'ils confirment un fait encore à peine indiqué. Mac-
gillivray avait prétendu, avec raison, que le genre d'oiseaux
dédié à Gould ne se divisait pas en deux variétés, qu'il for-
mait une seule et même famille, représentant des sujets dont
la tête subissait une coloration diflérente. Mais comme la
rareté de cet oiseau n'avait pas permis de l'observer atten-
tivement, il fut décrété, lors de l'importation assez nombreuse
qui en fut faite, il y a quelques années, qu'il y avait lieu d é-
444 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
tablir une distinction entre l'oiseau à tête noire, sous le nom
de Diamant de Gould, et l'oiseau à tête rouge, qu'on dé-
nomma Diamant Mirabilis. Ce fut une erreur. La découverte
qu'a faite M. Ollivry, dans son élevage de Diamants de Gould,
confirme entièrement l'opinion émise par l'explorateur
australien. Les deux prétendues variétés ne forment qu'une
seule et même espèce, et l'on doit être amené à reconnaître
que le type originaire est l'oiseau à tête rouge, dont celui à
tête noire n'est qu'une dégénérescence.
Il y a trois ans que M. Ollivry possède un couple de
Gould provenant de Belgique, et un couple Mii'abilis acheté
chez Casartelli à Bordeaux. Il est donc bien établi que ces
quatre oiseaux sont d'origine très différente, et n'ont aucun
rapport entre eux. Depuis lors, vingt-cinq jeunes Gould à
tête noire, ont été élevés à la Chapelle et tous ont présenté
la coloration identique du père et de la mère. Quant aux
Mirabilis à tête rouge, la même constance de plumage n'a
pas été signalée. Sur 8 jeunes élevés la première année, 5
avaient la tête rouge, et 3 l'avaient noire. La seconde année
sur une seule nichée de 5 petits, il y eut 4 tête rouge et
I tête noire. Enfin cette année, sur 12 jeunes JNIirabilis me-
nés à bien, 8 ont la tête garnie de plumes rouges, et les 4
autres l'ont entièrement noire. L'expérience est concluante.
II était toutefois intéressant de la compléter en obtenant la
reproduction des Mirabilis, nés à la Chapelle, et d'étudier
la coloration de leurs jeunes. M. Ollivry l'a fait. lia mis à
part un couple de Mirabilis à tête noire, né en 1890, de ses
tête rouge, et il en a obtenu, cette année, 5 petits qui tous
ont la tête noire comme les Diamants de Gould.
De cette expérience, qui ne manque pas d'intérêt, on doit
donc conclure :
1° Que le Gould et le Mirabilis ne sont qu'un même oiseau.
2" Que le Mirabilis est le type pur, ce qui se reconnaît à sa
taille plus forte, à sa queue plus longue ; et que le Gould est
un dégénéré du Mirabilis, ce qui apparaît à sa taille moindre
et à sa queue écourtée. La coloration du premier est plus vive
et il engendre du Gould, tandis qu'il n'a pas été signalé jus-
qu'à présent qu'un couple Gould ait produit du Mirabilis.
L'élevage de ces remarquables oiseaux, les plus beaux
passereaux granivores du globe, est assez facile, en ce sens
qu'il va tout seul une fois commencé, sans soins ou nourri-
L'AVICULTURE CHEZ L'ÉLEVEUR. 445
ture particulière ; millet en grappe et mouron blanc sont
indispensables. Mais il arrive souvent que des reproducteurs
délicats, fatigués par les premiers soins, dévorent leurs petits
vers le huitième jour, pour réparer leurs forces épuisées. Et ils
se remettent à pondre, à couver, puis à manger encore leurs
produits, cela sept ou huit fois en saison, ce qui est mons-
trueux. Et il n'y a aucun moyen de les en empêcher, et ils
meurent à la peine, ce qui est une juste punition pour leurs
méfaits. Autre inconvénient: ils nichent tard, ne commencent
à pondre qu'en juillet — ils muent en juin — de sorte que
le temps de l'incubation et les 25 jours que les petits passent
au nid mènent aux nuits froides, qui sont parfois la cause
de la mort des jeunes. La seconde couvée est surtout éprou-
vée sous ce rapport, et, pour plus de sûreté, il est bon de la
rentrer, dès que les petits sont sortis du nid, dans de bonnes
cages, en serre, où l'éducation s'achève au mieux. Il y a
une certaine analogie entre cette espèce de passereau et le
Diamant Psittaculaire, bien que l'apparence soit très diffé-
rente : les jeunes Gould et Mirabilis naissent avec deux pe-
tites verrues jaunes de chaque côté du bec. Nous avons dit
que les Psittaculaires en portaient trois bleues. Tels sont les
moyens de séduction de ces petits animaux au berceau. L'é-
levage de 1892, à La Chapelle, a produit 25 Lophophores,
1 Tragopans satyres, 1 Demoiselle de Numidie, 5 Mirabilis.
Maintenant que dire du pays où les Australiens les plus
nouvellement débarqués se comportent si vaillemmant ? Ja-
mais trop de louanges. La Chapelle est sur la rive droite de
l'Erdre, une rivière sans courant, dont l'onde étale, par
places, en d'immenses étangs dissimulant ses bords, pour se
resserrer plus loin — tel un étroit canal de halage — entre
les collines verdoyantes, hérissées de parcs, de chalets, de
clochers, de manoirs. Au milieu de cette villégiature char-
mante, le cottage de M. Ollivry, ouvert d'un amical accueil,
est un point à noter pour l'éleveur qui veut s'instruii-e au
contact d'une expérience intelligente et heureuse (1).
[A suivre.)
(1) Je liens à rappeler que, parmi ses succès les plus remarquables, M. Olli-
vry compte la reproduclioa du ïanj^ara septicolore, obtenue eu 1888, à la
Chapelle, dans les conditious que j'ai relatées eu détail, à la page 274 de moD
volume d'aviculture : Dans nos volières.
DES FILETS
CONSIDÉRÉS COMME ENGINS DE PÊCHE
ET DE LEUR EMPLOI
Par m. le commandant L. YANNETELLE.
L'invention des filets remonte à une époque immémoriale ;
les plus anciens monuments, les reliques des populations
disparues en font foi.
Des lianes entrelacées auront suffi d'abord à la fabrication
des filets, puis, le progrès aidant, on aura assemblé, avec plus
d'industrie, les fils de diverses matières textiles, et le filet a
été tout trouvé dans ses éléments fondamentaux.
La confection des mailles régulières, l'appropriation des
diverses formes et espèces d'engins, suivant les besoins et les
lieux, découlent comme une conséquence nécessaire de cette
première donnée.
De nos jours, le tissage des filets, soit à la main, soit à la
mécanique, est arrivé à sa dernière perfection, mais nous
devons cependant ajouter que très peu de pécheurs, surtout
les pêcheurs amateurs, savent tisser eux-mêmes, leurs filets et
nous dirons que presque tous les pêcheurs de profession et
même les fabricants ne confectionnent leurs filets que par
routine et obtiennent ainsi des engins qui pèchent mal.
On pêche aux filets à la mer comme en rivière ; nous allons
d'abord traiter des filets en eau douce, nous réservant de
parler plus tard de ceux employés à la mer quoique cependant
la plupart des filets employés en rivière servent aussi à la
pêche en mer sous des noms différents
Les filets de pêche en eau douce, d'après leur nature et
l'usage auquel ils sont destinés, peuvent se diviser en deux
catégories : les uns ont besoin, pour remplir leur ofl^ce, de la
présence et de l'action immédiate du pêcheur : on les appelle
filets de main ; les autres, abandonnés dans l'eau pendant un
temps plus ou moins long, accomplissent d'eux-mêmes leur
DES FILETS CONSIDÉRÉS COiDIE ENGINS DE PÈCHE. 4 i7
destination et n'exigent l'intervention du pêclieur que pour
être placés et retirés à de certains intervalles ; on les désigne
sous le nom de filels sédentaires ou dormants.
Dans la première classe se placent Vépcrvier, le gile ou
épervier de traîne, l'échiquier, la balance à écrevisses, la
truble, la senne et le tramail, ce dernier participant, à un
certain degré, du caractère propre à chacune des deux
classes, car le tramail se traîne ou peut rester sédentaire à
l'eau.
Dans la seconde classe se rangent le vet^veiix et ses variétés
qui sont : la louve ou verveux à ailes, le tambour, le tam-
bour à ailes, le vervotin à écrevisses et la nasse qui est faite
ou en osier ou en fil de fer galvanisé. En parlant de chacun
de ces filets, je vous en présenterai un spécimen en réduction
miniature, mais à une échelle exacte se rapportant parfaite-
ment au filet lui-même, dans ses dimensions normales et
mathématiquement établi et tissé selon ma méthode.
De l'épervier (1).
L'é2)ervier se lançant à la main et dit épervier de jet, de
tous les filets de pèche est celui qui exige, du pêcheur, le
plus de pratique pour être bien lancé, mais, c'est celui qui lui
procure le plus d'agréments.
Il est composé d'une nappe plate circulaire qu'une longue
corde, fixée au centre, relève en forme de C(3ne au bas duquel
est un large ourlet, relevé dans l'intérieur par des coi'delettes
placées de distance en distance et de différentes longueurs
suivant le diamètre de l'épervier. — Le bord du filet, relevé
en ourlet, est garni d'un chapelet de balles de i)lomb, nmdes
ou en forme d'ohves, monté sur une corde à laquelle viennent
se rattacher les cordelettes qui relèvent le bord du filet dans
l'intérieur et forment les bourses. — Cette conle, nuinie de
ses plombs, se nomme la plombée ou couronne des balles ; la
partie de l'épervier qui va de la plombée au sommet du cône
[\) Épervier de jet, de 410 mailles aux bourses, à la maille de 0"',031
aux bourses, a vaut r>"',53 de diamèlre à l'allache des bourses ut 5", 7:^
de diamèlre à la couronne dos balles.
Ce filet est composé de 15 cylindres formant 142 tours, comprenaul
eux-mêmes 36,558 mailles.
448 hEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
s'appelle la coiffe et la longue corde qui est attachée au
sommet de la coiffe se nomme corde de jet ; elle porte à son
extrémité une boucle destinée à former un nœud coulant
autour du poignet gauche du pêcheur.
Il y a deux laçons de pêcher à l'épervier, l'une en le jetant
de la rive ou d'un bateau, l'autre en le traînant.
Avant de jeter l'épervier, il faut le parer ^ opération qui
consiste (après avoir assujetti la corde au poignet gauche
par un nœud coulant) à saisir, de la main gauche, le
filet rassemblé , à 70 centimètres environ de la corde
•plombée, pour, avec la main droite, développer succes-
sivement les bourses afin de s'assurer qu'il n'y a pas de
plombs accrochés dans les cordelettes, et retirer les pierres,
herbes, branches, etc., et tout ce qui pourrait empêcher le
filet d'être convenablement lancé et déployé.
L'épervier ainsi paré, on tend la coiffe, on saisit le filet
rassemblé, dans la main gauche, à 60 centimètres environ des
plombs, en ayant soin de laisser ceux-ci à terre, puis, par un
mouvement de va et vient, exécuté par la main droite, cette
main replie, dans la main gauche, la coiff'e et la corde sur
elles-mêmes par longueurs de 40 à 45 centimètres environ,
en commençant parle filet d'abord, la corde ensuite et non,
comme le font, à tort, certains pêcheurs, en roulant d'abord
la corde de jet dans la main gauche. Cela fait, on soulève le
tout de la main gauche qu'on porte à la hauteur de la poi-
trine, on prend de la main droite vers la gauche du filet ras-
, semblé le quart environ du filet qu'on place au-dessus du
coude sur le bras gauche horizontalement tendu et non sur
l'épaule, comme l'enseignent certains auteurs, parce que cette
portion du filet étant placée sur l'épaule, fait que l'épervier
tombe toujours à l'eau en deux fois, ce qui n'arrive pas lors-
qu'elle est placée sur le bras ; on saisit ensuite, de la main
droite, le petit doigt touchant la corde plombée, la portion du
filet simple tournée vers la poitrine, on en prend ?a moitié
dans cette main, laissant le surplus dans la main Tranche
pendre devant soi et, ainsi préparé, on s'ap}»roche de l'en-
droit où on veut lancer l'épervier, avec précaution et sans
bruit ; on s'eff'ace fortement à gauche, l'épaule droite en
avant, puis, prenant son élan, on fait tourner subitement le
corps de gauche à droite en lançant les bras en avant et en
lâchant, en même temps, des deux mains, tout l'épervier, en
DES FILETS CONSIDÉRÉS COMiME ENGINS DE PÊCHE. 449
ayant soin que le petit doigt de la main droite développe le
filet en l'arrondissant lorsqu'il se déploie. Si ce mouvement
des deux bras et de l'épaule a été bien exécuté, l'épervier
tombe à l'eau comme une nappe circulaire, la corde de jet en
occupant le centre.
Le filet lancé et arrivé au fond de l'eau, on tire légèrement
sur la corde de jet ce qui fait tendre les cordelettes, ouvrir
les bourses et permet au poisson de s'y introduire, puis on
relève lentement l'épervier en tirant successivement à droite
et à gauche pour rassembler les plombs et, lorsqu'ils sont
réunis (ce qui se distingue facilement), on sort promptement
l'épervier et on le dépose sur la rive.
On déploie alors successivement les bourses en soulevant
les plombs, on retire les pierres, branches, etc., etc., qui peu-
vent s'y trouver, on s'empare du poisson, on lave l'épervier
s'il contient de la vase, on le tord et on continue la pèche en
le parant et le lançant comme il vient d'être expliqué.
On peut aussi jeter l'épervier étant en bateau, il faut pour
cela être accompagné d'une personne chargée de diriger la na-
celle sur le point où on veut lancer le filet et de le maintenir
en place pour permettre au pêcheur de relever convenable-
ment et facilement son épervier. — Dans l'un et l'autre cas, il
faut que le pêcheur soit vêtu, autant que possible, d'un pan-
talon et d'une vareuse en grosse laine ou en caoutchouc,
surtout sans agrafes ni boutons susceptibles de s'accrocher
aux mailles, car il pourrait être entraîné à l'eau en même
temps que le filet.
Les endroits les plus convenables pour y jeter l'épervier
sont : les anses, les abords des remous, les têtes des courants
peu rapides et en général tous les endroits où il n'y a pas
plus de deux ou trois mètres de profondeur, mais avant tout,
si on veut surprendre et prendre le poisson, il est indispen-
sable de garder le plus grand silence, soit en marchant sur la
rive soit en manœuvrant le bateau.
On peut aussi attirer le poisson en amorçant sur les diffé-
rentes places où on doit lancer l'épervier.
Avant de pêcher et pour s'habituer h lancer l'épervier, on
peut le jeter quelquefois sur une prairie ou sur tout autre
terrain bien uni, mais le meilleur apprentissage sera toujours
celui que le i)êcheur fera en jetant ré[)('rvier à la rivière, de
la rive d'abord et ensuite du bateau.
20 Mai 1893. 29
450 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Du gile ou épervier de traîne (1).
Le gile est un épervier de pins grandes dimensions que
les éperviers ordinaires, beaucoup plus lourd de fil, plus
chargé de plomb et ne pouvant, pour ces motifs, être lancé à
la main. On l'emploie dans les grandes rivières ainsi que dans
les fleuves, et la pêche se fait, à l'aide d'une barque, de la ma-
nière suivante :
Il faut être au moins deux personnes ; le rameur n'a d'au-
tres fonctions que de maintenir la nacelle dérivant en travers
et perpendiculairement à l'axe du courant; le pêcheur ac-
croche à deux chevilles fichées à un mètre environ de chaque
extrémité de la barque, sur le bord d'amont, une partie de la
corde plombée qui restera tendue entre ces deux chevilles,
puis il jette le surplus du filet à l'eau, la coiffe du gile restant
soutenue, au moyen de la corde centrale, attachée à son poi-
gnet, mais qu'il tient à la main. Dans cette position, la plus
grande partie du filet est à leau, les plombs traînant sur le fond,
pendant que la nacelle descend, poussée par le courant, mais
maintenue en travers et surtout dirigée, sans bruit, par le
rameur.
Le gile ainsi tendu, la barque parcourera deux ou trois
cents mètres, ou même moins, si le pêcheur qui soutient la
corde centrale est prévenu par une secousse d'un poisson don-
nant dans le filet; alors, à un signal que celui-ci fait à son
rameur, aussi promptement que possible, tous les deux dé -
gagent la corde plombée des chevilles qui la retiennent et,
ensemble, la laissent tomber à l'eau où les plombs gagnent le
fond, puis, le filet est fermé, retiré et remonté dans la barque
comme pour un épervier ordinaire.
De l'échiquier (2).
L'échiquier, qui porte aussi et suivant les localités, les dif-
(1) Épervier de tratne ou Gile, de 900 mailles aux bourses, à la
maille de 0"\031 aux bourses, ayant 8'", 70 de diamètre à l'attache des
bourses et 9"\95 de diamètre à la couronne des balles.
Ce filet est composé de 17 cylindres formant 254 tours et comprenant
eux-mêmes 132,884 mailles.
(2) Échiquier pour pêcher à la main. Ce filet a environ 2™,50 de
DES FILETS CONSIDÉRÉS COMME ENGINS DE PÉCIIE. 451
rérents noms de : carreau, carrelet, carré, calen, étiquet,
furet et veninron, est un filet de forme carrée, 'formant
poche et monté sur deux courbes attachées en croix faites en
bois léger et élastique dont la longueur est proportionnée et à
la grandeur du filet et à la profondeur des eaux dans les-
quelles on est appelé à pécher.
La pêche à l'échiquier se fait de diverses manières, soit
avec des grands échiquiers établis à demeure et qu'on relève
au moyen d'une poulie ou d'une bascule, la perche qui sup-
porte le filet étant d'une longueur proportionnée à l'endroit
de la rive où a été installée la pêcherie; soit encore en bateau,
le système de poulie ou de bascule étant solidement établi à
l'arrière; mais le mode de pêche à l'échiquier le plus générale-
ment employé dans nos fleuves et rivières, se fait à la main
avec des filets de dimensions moyennes, pouvant être facile-
ment manœuvres par le pêcheur qui, ne restant pas en place,
pourra tendre son filet de la rive, mais en évitant de pêcher
<lans des eaux ayant plus de deux mètres de profondeur, en
recherchant de préférence les endroits oiiil existe des remous
ou, encore, à l'entrée d'une arche de pont, enfin dans tout en-
droit où on sait que les poissons ont l'habitude de séjourner.
Pour pêcher à la main, l'échiquier, monté sur ses courbes,
est porté par une forte gaule qui sert à le manœuvrer et de 4
à 5 mètres de longueur, suivant que l'on est appelé à pêcher
dans des endroits plus ou moins écartés de la rive. On pose le
filet à l'eau, en faisant le moins de bruit possible, mais en
appuyant légèrement la gaule sur les courbes pour faire des-
cendre l'échiquier jusqu'à ce qu'on sente, à la main, que les
extrémités des courbes reposent également sur le sol, au fond
de l'eau. On laisse le filet à l'eau pendant un quart d'heure
environ et on le relève en se plaçant à cheval sur la gaule que
l'on saisit des deux mains, le plus loin possible du corps pour,
en se renversant en arrière, en pliant les jarrets, faire bas-
cule et sortir le filet de l'eau sans secousses et sans bruit, afin
de pouvoir poser l'échiquier une ou deux fois au même en-
côlé, il osl compose de 6 carres fornlanl 490 tours, compreuanl eux-
mêmes 19,630 mailles.
La maille dansée fond du filcl esL de O^.OIS.
L'ccliiiiuicr type plus grand et ai)polp' hunier, pour la poche en nier,
a 4 mèlres environ de côLé, il est compose' de 8 carres, formant 29 nappes
de (500 tours, comprenant eux-mOmes *.>,.V7:? mailles.
452 REVUE DES SCIENXES NATURELLES APPLIQUÉES.
droit avec chance de succès. Cette pèche à l'échiquier, à la
main, se fait également en bateau, sur les bancs de sable, où
l'eau est peu profonde et où le pêcheur attire le goujon et
autre fretin au moyen d'un bouloir à l'aide duquel il trouble
l'eau en remuant le sable un peu au-dessus du filet. Lorsque
les eaux sont troublées par une crue et en bonne saison, la
pêche à l'écliiquier est toujours fructueuse.
De la balance à écrevlsse.
La balance pour la pêche à Técrevisse est un petit filet en
forme de poche, comme pour l'échiquier, mais rond et monté
sur un cercle en fil de fer de 5 â 6 millimètres de diamètre.
On fixe au cercle trois ficelles qui se réunissent ensemble â
40 centimètres au-dessus de la balance et donnent â l'appareil
la figure de l'instrument d'où vient son nom; une quatrième
ficelle de l'^,50 envii'r)n relie les trois autres par un nœud
coulant â une baguette en bois, de la grosseur du doigt et dont
l'extrémité opposée est taillée en pointe afin de pouvoir être
facilement et horizontalement enfoncée dans le sol de la rive
où l'on pêche.
La pêche aux écrevisses se fait le plus favorablement depuis
le mois de juin jusqu'aux premières gelées et pendant 3 ou
4- heures après le coucher du soleil, car c'est plutôt la nuit que
l'écrevisse sort des trous qu'elle se creuse dans les berges et
qu'elle quitte peu dans la journée. 11 faut, pour pêcher fruc-
tueusement avec la balance, en tendre une quinzaine â la fois,
en les distançant de 10 à 12 mètres l'une de l'autre, en ayant
soin que le cercle de fer repose à plat sur le fond et de piquer
en terre la baguette, de manière que la corde de suspension
et les cordelettes soient légèrement tendues. On amorce cha-
que balance en attachant au centre du filet, comme appât, de
la viande fraîche légèrement frottée avec de l'assa-fétida,
mais, ce qui est préférable, c'est un morceau de morue ou de
îiareng saur.
(1) Balance à ëcrevisse?, à la maille de 0"',015, ayant 44 centimètres
de diamètre. Ce filet compose d'une nappe carrée et de 5 cylindres,
formant 48 louis, comprenant eux-mêmes 1,892 mailles.
DES FILETS CONSIDÉRÉS COMME ENGINS DE PÈCHE. 435
De la truble (1).
La irnUe ou trouble, qui porte encore différents noms sui-
Tant les localités, quels que soient ses dimensions et le but au-
quel on le destine, est un filet en forme de poche ou chausse
et se montant le plus ordinairement sur une courbe en bois,
dont la grosseur est proportionnée à la dimension du filet.
Sur cette courbe, légère et pliée en demi-cercle, on engage,
par le dernier tour des mailles, comme un rideau sur une
tringle, environ les deux tiers du filet, et, dans la partie res-
tante, on passe une corde grosse comme le doigt qui, attachée
aux deux extrémités de la courbe, en maintient la courbure,
et, dans cette situation, le demi-cercle de bois figure un arc
tendu par la corde sectrice. Puis, les mailles étant cousues en
surjet, aussi bien sur la courbe que sur la corde du diamètre,
on assujettit sur la courbe une fourche dont les deux branches
sont légèrement plus longues que la flèche et dont la longueur
totale, y compris le manche, est de 4 à 5 mètres ; fourche dont
les extrémités des branches sont solidement attachées au dia-
mètre en corde et la partie supérieure au centre de la courbe
en bois, au moj'en d'une ficelle de grosseur suffisante.
On fait la pêche à la truble, en eau douce, de plusieurs
manières :
1° Lorsque les eaux sont troublées par une crue et que le
poisson s'approche des rives où le courant est moins rapide,
le pêcheur projeté son filet aussi loin qu'il peut devant lui,
l'enfonce en le maintenant sur le fond pour l'attirer à lui
vers la rive, le sortir de l'eau, en retirer le poisson prison-
nier et jeter un autre coup un peu plus loin, mais toujours en
remontant le courant de la rivière. On pêche aussi très fruc-
tueusement sur les parties basses des prairies envahies i)ar
les eaux d'une crue, où on prend toujours beaucoup de me-
nus poissons qui recherchent ces endroits et, souvent aussi,
de la Perche et du Brochet qui viennent y chasser.
2° Pour pêcher d'une seconde manière, il faut être au
moins deux pêcheurs et mieux encore trois. Celui qui porte
(1) Truble à la maille de 0"',015, ayant : 3'n.55 de profondeur,
6 métrés de circonférence, composée de 1 nappe carrée, 5 cyliadres,
no tours, comprenant eux-mêmes 28,720 mailles.
454 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
le filet le place à l'eau, soit -vis-à-vis des racines d'arbres
comme il s'en rencontre souvent sons les rives de certains
cours d'eau, soit contre des touffes d'herbes ou de roseaux,
soit contre tout antre endroit de la rive où on suppose des
remises à poissons, et il le maintient au fond et bien parallè-
lement à l'endroit que l'on veut bloquer.
Les deux autres pécheurs, munis d'un bouloir {longue
perche à Vexlrémilé de laquelle est clouée une planchette
ou mieux encore, à cause de sa flexibilité, une semelle de
vieille chaussure) battent l'eau à droite et à gauche de la
truble, en dirigeant les coups vers l'entrée du filet pour y
chasser le poisson ; le pécheur, qui tient la truble, saisit le
moment où les derniers cou[)S de bouloir sont donnés contre
le filet, pour le relever promptement et en retirer le poisson
qui s'y trouve pris.
3° Il y a une troisième manière de pécher à la truble qui
demande aussi deux pécheurs et ne se pratique que dans la
saison des chaleurs et sur des endroits guéables. Le pécheur
qui porte la truble reste sur la rive et place son filet, l'orifice
tournée à l'amont du courant, en travers et le plus près pos-
sible de la rive ; l'autre pêcheur se met à l'eau à 15 ou 20
mètres plus haut que l'endroit où le filet est posé et, à l'aide
du bouloir, il bat fortement sous les racines de la rive, dans
les roseaux, les herbes et dans tous autres endroits où le
poisson peut se tenir caché, en descendant vers le premier
pêcheur qui, lorsqu'il est rejoint par son camarade, relève le
filet, en retire le poisson et recommence un nouveau coup à
quelques mètres plus haut que l'endroit où le deuxième pê-
cheur s'est mis à l'eau pour déloger le poisson de ses remises.
Je ne parlerai pas de l'épuisette qui est en réalité une truble
de très petite dimension et qui n'est pas considérée comme
un engin destiné à prendre le poisson, mais à aider le pêcheur
à la ligne, à envelopper et à porter à terre un poisson qui,
pris à l'hameçon, pourrait briser la ligne à laquelle il est
accroché.
De la senne (1).
Presque tous les auteurs ayant traité de la pêche aux filets
(1) Senne, à la maille de 0'",31, ayant 27 mètres de longueur à
DES FILETS CONSIDÉRÉS COMME ENGINS DE PÈCHE. 455
disent, en parlant de la senne, que ce grand engin de pêche
est toiijouy^s un filet en tiappe simple, ayant plus de longueur
que de chute ; nous ne sommes pas de cet avis et nous dirons
que ce genre de filet, pour bien pêcher et capturer sûrement
le poisson, doit, au contraire, être toujours composé de trois
parties bien distinctes. Une grande poche formant le milieu
du filet et deux nappes ou bras reliés à cette poche sur les
côtés de son entrée.
On donne à ce filet une longueur de nappes proportionnée
à l'étendue des eaux dans lesquelles on est appelé à pêcher
et, dans les grandes rivières, dans les fleuves et à la mer, on
emploie des sennes ayant 50 et 60 mètres de longueur de
nappes sans compter le diamètre de la poche.
Povu' pêcher à la senne on se sert d'une barque sans
laquelle on serait très embarrassé, et il faut être au moins
six pêcheurs, quatre pour tirer sur le filet et deux pour diri-
ger le bateau pendant la pêche. On prépare le filet en le
pliant sur un des bords de la nacelle et on fait choix, autant
que possible, sur l'une ou l'autre rive, d'un endroit en pente
régulière et douce, oii on puisse y rassembler et y tirer faci-
lement le filet à terre. Quatre des six pêcheurs montent dans
la nacelle pendant que les deux autres restent à terre avec
un des bras du filet ; les deux hommes chargés du bateau le
dirigent vers la rive opposée pendant que les deux autres
jettent le filet à l'eau, en le dépliant avec attention pour
qu'il ne s'accroche pas au bateau. Quand la nacelle a gagné
la rive opposée, quatre des pêcheurs, les deux descendus du
bateau et les deux restés sur la rive du point de départ,
tirent sur chaque bras du filet et le traînent en remontant la
rivière pendant que les deux pêcheurs restés dans le bateau
se sont placés derrière le filet, pour en suivre les mouve-
ments, s'assurer qu'il marche bien, pour le décrocher s'il
venait à être arrêté par une racine, une grosse pierre ou par
toute autre chose, enfin pour veiller et remédier aux acci-
dents qui pourraient survenir.
Quand le filet a été traîné pendant un certain temps, les
deux pêcheurs qui sont descendus du bateau y remontent en
chaque bras (soil 54 mèlrcs), sur 3 mèlres de hauteur, avec poche de
6 mètres de profondeur et G mètres de diamètre ii l'ouverture.
Ce filet comprend, dans son ensemble, 1,536 tours et 141,544 mailles.
456 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
gardant le bras du filet sur lequel ils ont tiré et ils repassent
sur la rive de départ, le bateau décrivant une ligne circulaire
que suit le filet, pour rejoindre les deux autres pêcheurs
restés sur cette rive où le filet doit être retiré de l'eau.
Quand on tire le filet de Teau il faut veiller à le tirer éga-
lement sur chaque bras pour que le poisson se rende dans la
poche, et nous dirons qu'il est toujours utile d'être muni de
bouloirs pour battre les rives, afin d'en déloger le poisson
qui s'y cache et le pousser dans le filet, opération faite à
l'aide du bateau et par les pêcheurs qui le montent.
Du tramail (1).
Ce filet tire son nom de ce qu'il est composé de trois nappes
de mailles [trois mailles) superposées les unes aux autres; les
deux nappes extérieures , qui se nomment alignées , sont
faites en mailles carrées assez grandes pour laisser facilement
passer les poissons de toutes grosseurs ; la nappe intérieure,
qui se nomme la flue parce qu'elle est destinée à rester flot-
tante entre les deux autres, est faite en mailles en losange
assez petites pour empêcher le poisson de les traverser, et,
comme cette toile doit former des poches ou bourses, à tra-
vers les mailles de l'aumée opposée, où le poisson vient s'em-
barrasser et s'emprisonner, elle se fait généralement une fois
et demie plus longue et plus large que les aumées. Ce genre
de filet se fait de toutes dimensions, suivant les cours d'eau
où l'on est appelé à pêcher; il est garni de lingots de plomb
sur l'un des grands côtés du parallélogramme et de disques de
liège au côté opposé, ce qui, grâce au plomb qui l'entraîne par
le bas et au liège qui le retient en haut, lui fait prendre dans
l'eau une position verticale et barrer le passage à tout
poisson qui viendra se bourser dans ses plis.
La pêche au tramail, dans les fleuves et dans les rivières,
se fait de la même manière, et, suivant la largeur du cours
d'eau, avec ou sans bateau. Dans les fleuves ainsi que dans les
grandes rivières, trois bateaux sont nécessaires; deux pour
(1) Tramail, de 9 mètres de longueur sur 4 métrés de hauteur,
maille carre'e de 0'°,15 de côte', aux aumées et à la maille en losange
de 0"^,024, à la flue. Il est composé, aumées et flue réunies, de
718 tours et de 134 532 mailles.
DES FILETS COXSIDÉRÉS COMME ENaiNS DE PÊCHE. 457
maintenir, à chacune de ses extrémités, le fliet tendu per-
pendiculairement dans l'eau afin de barrer ainsi une partie de
la rivière égale à la longueur du filet, l'autre bateau servant
aux pêcheurs pour, à l'aide de bouloirs, battre la rivière au
milieu et sur ses rives, ^ déloger le poisson et le faire fuir
vers le tramail où il passe facilement à travers les grandes
mailles des aumées pour rencontrer la nappe flottante de la
flue qui cède sous sa pression et forme une poche ou bourse,
à travers une des mailles de l'aumée opposée, et dans laquelle
il reste enveloppé et complètement emprisonné.
Dans les petites rivières et quand le tramail est assez long
pour en barrer entièrement le cours, on ne se sert pas de
bateau; on attache chacune des deux extrémités du filet
contre chaque rive, et, les pêcheurs, remontant la rivière, à
100 ou 150 mètres de l'endroit où le filet est tendu, battent
les berges au moyen des bouloirs pour faire fuir les poissons
vers le tramail. On emploie également le tramail, pour en-
tourer les abords des crosnes, sous les racines, sous les
berges et autour de tout endroit qui, servant de remise au
poisson, peut être enveloppé par le filet et où le bouloir peut
remplir son office en en délogeant les poissons qui s'y ca-
chent.
Du verveux (1).
Le verveux est un filet cjdindrique de la classe des filets
(1) Verveux à enire'e circulaire et à 2 goulets, à la maille de C^.OIS.
45 centimètres de diamètre daus le corps du verveux, l'",60 d*^ à l'entrée.
4 mètres environ de longueur de la tête à la queue.
Il est composé de 35 cylindres formant 254 tours, comprenant eux-
mêmes 13,322 mailles.
Verveux à un seul goulet (même maille), 2''\20 environ de la tête à
la queue, même diamètre que les précédents et il est composé de
24 cylindres, formant 158 tours, comprenant eux-mêmes 8,292 mailles.
Verveux à ailes, comme le verveux à 2 goulets, et en plus 2"", 50
environ de longueur des ailes, ce qui ^ui donne près de 7 mètres de lu
queue à l'extrémité des ailes. Il est composé de 34 cylindres formant
avec les ailes 412 tours, comprenant eux-mêmes 16,486 mailles.
Vervuliu à e'crevisses, à la maille de 0"',015. 1 mètre environ de
longueur de la lête à la queue. Il est compose' de 20 cylindres formant
93 tours, comprenant eux-mêmes 2,79i mailles.
Tambour, maille de 0'°,013, même diamètre que le premier verveux.
458 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
sédentaires et dans rintérieiir duquel il existe un ou deux
goulets empêchant le poisson d'en sortir lorsqu'il y est entré.
Le verveux est composé de plusieurs parties : Centrée,
le corps de tête, le corps de queue, la queue, le goultt de
tête, le goulet de queue et les cerceaux qui servent à main-
tenir le filet dans sa forme cylindrique.
Il existe plusieurs variétés du verveux.
1" Le verveux à un seul goulet, filet qui pêche mal, et
dont on se sert beaucoup en Seine, probablement, peut-être,,
parce qu'il coûte meilleur marché que :
2° Le verveux à deux goulets, le seul pratique, pouvant
être placé partout, et péchant bien, monté sur entrée circu-
laire, ou demi-circulaire.
3° Le verveux à ailes ou louve, variété du verveux à l'en-
trée duquel il est ajouté deux nappes en filet, appelées ailes
et qui servent à barrer le plus d'espacé possible dans les
eaux où l'on pèche pour diriger le poisson vers l'entrée du
verveux.
4° Le tambour, sorte de verveux à deux entrées monté
aussi sur cerceaux maintenus solidement entre eux par trois
barres de bois longitudinales. A chacune des entrées existe
un goulet semblablement tendu comme le goulet de queue du
verveux à deux goulets. On emploie le tambour dans les
étangs où aucun courant ne porte le poisson à suivre une
route déterminée.
5° Le vervotin à écrevisses, petit verveux à un goulet,
spécialement employé à la pêche aux écrevisses et qui a, sur
la balance, dont nous avons parlé, l'avantage de rester tendu
le jour comme la nuit pendant un laps de temps de plusieurs
heures.
On pose généralement les verveux, qu'ils soient à un ou
deux goulets, à entrée circulaire ou demi- circulaire ou à
ailes, le long des rives et aux endroits les plus propices au
passage du poisson, qu'on peut d'ailleurs y attirer aussi en
mettant un appât quelconque dans le corps de queue du filet,
surtout du tourteau de chénevis.
environ 2 mètres de longueur. Il est composé de 20 cylindres, formant
160 tours, comprenant eux-mêmes 8,204 mailles.
Tambour à ailes, maille de O^.OIS, même diamètre, longueur 2'",îîO.
Composé de 30 cylindres, formant 390 tours, comprenant eux-mêmes
6,860 mailles.
DES FILETS CONSIDÉRÉS COMME ENGINS DE PÈCHE. 439
Pour poser convenablement im verveiix, on fera, à la
corde de la queue, une boucle dans laquelle on assujettira
solidement une perche rendue pointue, à la serpe, par le
gros bout et assez longue pour que, étant enfoncée dans le
sol, de 30 à 40 centimètres, elle dépasse d'au moins un mètre
la surface de l'eau. On fixera aussi et au moyen des petites
ficelles qui s'y trouvent, une autre perche semblable, au cer-
ceau d'entrée, puis, à l'aide d'un maillet, on enfoncera d'abord
la perche de queue, de telle sorte que le filet, poussé par le
courant, ne puisse la déraciner du sol ; on enfoncera ensuite
et aussi solidement la perche de l'entrée, mais en ayant soin
de veiller à ce que le verveux soit bien tendu, qu'il soit exac-
tement placé dans la direction du courant, s'il y en a, et que
le cerceau d'entrée repose sur le fond.
En général, on se sert d'une barque ou d'un bateau de
pêcheur pour poser les verveux, à la rivière, en prenant la
précaution de tenir les perches assez écartées de la rive pour
que les maraudeurs ne puissent y atteindre.
Les verveux sont habituellement relevés après vingt-quatre
heures de pose et, avant d'être replacés, ils doivent être par-
faitement lavés et nettoyés, si on veut éviter leur prompte
destruction par la pourriture du fil (1).
{V Fabrication et emploi des filets de pêche, par le commandant L.
Vannetelle. — Bernard Tignol, éditeur, 53 bis, quai des Grands-
Augustins.
SUR LES VEGETAUX
QUI PRODUISENT
LE BEURRE ET LE PALM D' « O'DIKA »
DU GABON -CONGO
ET
SUR LES ARBRES PRODUCTEURS DE LA GRAINE
ET DU BEURRE DE « CAY-CAY »
DE COCHINCHINE ET DU CAMBODGE
VALEUR COMPARÉE DE CES DEUX PRODUITS
Par m. le D' Edouard HECKEL,
Professeur à la Faculté des Sciences de Marseille.
(suite et fin *.)
CHAPITRE IL
BEURRE DE CAY-CAY.
Le beurre de Cay-Cay est le pendant asiatique du beurre
d'O'Dika africain. Il est fourni par un végélal congénère de
celui qui donne le produit dont je viens de faire l'examen dé-
taillé. Dans ces conditions, il n'était pas possible de séparer
l'examen de l'un de l'étude de l'autre : le rapprochement s'im-
posait en raison des origines végétales congénères de ces
deux produits. Il était intéressant en outre, comme je l'ai dit
déjà, de connaître les similitudes ou les différences de com-
position qui séparent ou unissent ces deux produits.
Irvingia Oliveri. Pierre (en annamite vulgaire, Cay-Cày ;
Mand, Afôc-rô«^ ; Cambodge, Châm-Bâc).
1.' Irvingia Oliveri Pierre et V Irvingia Malayana Oliver,
sont les deux seuls végétaux connus comme producteurs du
beurre de Cay-Cay.
Le premier est un grand et bel arbre forestier d'une hau-
(*) Voyez plus haut, page 397.
LE BEURRE ET LE PAIN D'O'DIKA, DU GABON-CONGO. 461
teur de 30 à 35 mètres environ sur un diamètre moyen de
1 mètre, mais mesurant souvent jusqu'à 2"\50 à la base(l).
Son tronc droit et élancé est terminé par des rameaux nom-
breux garnis d'un feuillage touffu : l'écorce est grisâtre,
verruqueuse, parsemée de taches jaunâtres dues à l'exfolia-
tion de sa partie superficielle (périderme). Les jeunes rameaux
présentent une teinte rougeâtre et çà et là quelques lenti-
celles. Cette écorce est amère et riche en principes astrin-
gents.
Feuilles alternes, simples, entières, coriaces et glabres, courtement
pétiolées, ovales allongées, arrondies ou subcorde'es à la base, le'gére-
ment acumine'es au sommet. A teinte vert pâle ou un peu glauque, à
nervure médiane saillante sur la face supérieure, ces feuilles sont
munies de dix à onze petites côtes de chaque côte', distinctes sur les
deux faces, reliées par des nervures et des côtes éleve'es, les pre-
mières transversales, les secondes parallèles aux petites côtes.
Les nervures late'rales se détachent de la nervure me'diane, se diri-
gent vers les bords en s'incurvant vers le sommet et se re'unissant
l'une à l'autre de manière à former une sorte de nervure marginale
ondule'e h h millimètres environ du bord. Les feuilles des arbres éle-
vés ont une longueur de 5 centimètres environ, leur sommet est légère-
ment obtus Ici, comme dans tous les Irvingia, le bourgeon terminal
est enveloppé dans une sorte de spathe, en forme de capuchon, cons-
tituée par les stipules extra-axillaires de la dernière feuille qui se sont
soudées de la même façon que celles des Arlocarpe'es et enveloppent
toute la portion extrême du jeune rameau, jusqu'au jour où elles se
détacheront à peu prés circulairement par la base, ne laissant sur
Taxe d'autre vestige qu'une cicatrice circulaire. L'arbre fleurit en
mars ou en avril. Inflorescences axillaires en grappes simples ou
ramifiées plus courtes ou de même longueur que les feuilles, en
moyennes à 6 centimètres de longueur : elles sont différentes de celles
de VIrvingia gabonensis. Les pédicelles floraux pourvus à la base d'une
(1) Son boi?, de couleur jaune très pâle, assez joli étant verni, est d'une tex-
ture fine, 1res serrée, à Cbres longues el légèrement contournées. Dur, lourd,
coriace, dillicile à travailler, il se pourrit dil'ticilement et n'est pas attaqué par
les insectes. Contrairement à l'assertion de Mottloy, cette essence ne résisterait
pas aux ravages des tarets. C'est, du moins, la conviction des Annamites. Sa
densité approximative est de 0,960. Lorsque le bois n'est pas creux (et il l'est
souvent), il peut être employé pour la charpente, le charronnage, la menuiserie,
la conleclion des herses, rouleaux el autres instrumenta en usage dens les tra-
vaux des champs. Les Annamites n'en l'ont guère que des tJloaLCS de casec
dse pilotis el dilférenles pièces de leurs embarcations. [Le: lois industricis et
exotiques, par Grisard et Vauden-Berghe, Revue des sciences naturelles appli-
quées, n» 21 , 5 novembre 1892.)
462
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
bractée et mesurant 1/4 de millimëlres portent des fleurs petites, ver-
dûti'es. Le calice est forme' de cinq se'pales à limbes obtus (mesurant
1 1/2 ou 1 1/5 de millimètre) qui sont membraneux : les pétales de
2 3/4 mm. sont concaves. Les étamines ine'gales ont des filets subulés,
longs de 1 à 2 millimélres. Les anthères, au nombre de dix, insérées à
la base du disque, sont ovales, e'margine'es ; le disque (de 1/2 milli-
mètre sur 1 millimètre) est entier et pourvu de légers sillons qu'on voit
plus accentués sur Vlrvingla gabonensis. Le style dressé (1/5 de milli-
mètre), tronqué, est deux fois plus court que l'ovaire. Le stigmate est
très petit. L'ovaire est à deux loges uniovulées, à ovules semi ana-
tropes. Le fruit a 45 millimètres de long sur 27 millimètres de large, sa
face comprime'e n'a que 15 millimètres de diamètre. La pulpe de son
B
..,./-t»
'•«!• CiX
Fig. 45. — Fruits à'irvingia Oliveri dépouillés de leur sarcocarpe.
épicarpe et sarcocarpe est juteuse avec un goût légèrement amer, ce
qui ne l'empêche pas d'être recherchée par certains animaux (Cervi-
dés). L'endocarpe est épais de 2 millimètres et envoie de nombreuses
fibres à travers le sarcocarpe, sa surface interne est lisse et vernissée.
Le spermoderme est coriace et n'a pas plus d'un 1/2 millimètre
d'épaisseur. Les cotyle'dons sont à peine plan -convexe et de 5 milli-
mètres d'épaisseur environ (1).
Le fruit, sur lequel il faut revenir, est une drupe de forme ovoïde,
comprime'e, à peine atte'nuée et obtuse au sommet, grosse comme un
œuf de pigeon, à me'socarpe fibreux et à endocarpe lignifie', osseux. A
sa maturité' complète, le fruit est jaune. Au moment de la récolte, lors-
que l'épicarpe a e'té de'lruil, le fruit re'duit à son endocarpe a la forme
et la grosseur d'une amande de petite dimension ; sa surface est grise
et comme veloutée (fig. 13, A]. Cette apparence est due à la persis-
tance des fibres qui traversent le mésocarpe après la destruction du
parenchyme sarcocarpique. La coque fendue présente souvent, comme
(1) Leur goût est agréable et rappelle tout à fait celui des amandes d; Vlf-
vingia gabonensis ,■ elles laissent une arrière-saveur de très légère amsrtuma
comme ces dernières, elles sont mucilagineuses.
LE BEURRE ET LE PAIN D'O'DIKA, DU GABON -CONGO.
463
le fruit de Vlrvlngia gabonensis, la trace d'une deuxième loge avortée
(fig. 13, C). L'unique loge présente une graine revêtue d'un spermo-
derme brun marron, lisse et cassant, le raptié s'e'panouit aussi laté-
ralement sur le spermoderme en griffes transversales (fig.45, ^). Quel-
quefois il y a deux graines, une dans chaque loge. Ce spermoderme
est formé de deux enveloppes dont la plus interne subéreuse est sil-
lonnée par des faisceaux blanchâtres et transversaux. L'embryon
charnu est formé de deux cotylédons appliqués l'un contre l'autre
(fig. 13 C, c) : la radicule minime est cachée au sommet de la graine
Fig. U.
Fig. 13.
■L
^^nx
■ /
^Jm^
Fig, 44. — Coupe transversale d'un cotylédon à''Lvingia Olioeri :
Im, lacune mucilagiaeuse ; cg, cellules grasses.
Fig. 1S. — Coupe transversale très grossie d'une lacune à mucilage Im entourée
de cellules grasses cg.
et à la base des cotylédons (fig. 13 C, b) qui présentent en cet endroit
une dépression pour la loger, mais pas d'auricules comme dans 1'//'-
vingia gabonensis : ivâces d'albumen jaune grisâtre dans la graine mure.
Si on fait une coupe à travers ces cotylédons, on trouve,
comme dans Irvingia gabonensis, un parenchyme interrompu
par des lacunes mucilagineuses de nature leissogène (fig. 14
et 15 bn). M. Vignoli (1), pharmacien de la marine, a indiqué
(1) Le Cay-Cay ou Irvingia Oliveri (Thèse de l'Ecole supérieure de Phar-
macie de Montpellier, 1886). PI. 1,
464 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
les mêmes organes dans les feuilles (pétioles) et l'écorce, il les
a désignées sons le nom de réservoirs à gomme, mais il ne les
a pas cherchés dans l'embn'On. M. Pierre, dans son beau tra-
yail sur la Flore forestière de CoGhincliiue (PI. 263), au texte
duquel je fais de nombreux emprunts pour cette descrip-
tion, ne les signale pas non plus. Ils sont suffisamment
caractéristiques et par la gomme [aradine) produite et par
leur forme, pour permettre de reconnaître un mélange de
cacao et de Cay-Cay.
Originaire du sud de l'Indo-Chine dont elle constitue une
des plus belles essences forestières, cette espèce se rencontre
dans VAssain, au Laos, au Cambodge, à PhuQuoc et en
Cochinchine où elle est surtout abondante à Baria, à Long-
ay, Tramban et dans la légion boisée qui entoure le Nid-
ba-den près de Tay-Ninh, tout en croissant disséminée et
commune dans les clairières et sur la lisière des forêts (1).
L'Jrvwgia Malayana Oliver (en annamite Cay-Cay \ en
Kmer, Kramoon Cham-bâc ; en Malacca, Mirlaug), arbre
de 15 à 20 mètres de haut (2), donne aussi par ses graines du
beurre de Cay-Cay (3). Il se confond presque , d'après
M, Pierre (4) avec Vlrvingia Oliveri, en a le faciès et
en diffère par les caractères suivants : « Feuilles un peu plus
» petites, pédicelles sans bractéole, disque non lobé et à
» parois à peine sillonnées, enfin fruit plus petit (5). »
{1] Voici comment M. Pierre [FI. for. de Coch. PI. 263) justifie la fréquence
de ce vélépal dans les clairières : « Deux causes expliquent celte l'réquence.
» Son bois est très coriace, très difficile à couper et ses jrraines sont alimen-
» taires. 11 est donc toujours conservé dans les défrichements. Son amande a
• un goût afrréable même pour l'Européen, c'est une réserve excellente pour les
• populations forestières qui ne connaissent ou ne peuvent pratiquer que la
» jachère. »
(2) Bois de couleur chamois pâle, tirant sur le jaune, dur, à forain fin et
ne se «jeiçaût pas tn se séchant, employé pour fabriquer des manches de Kriss
(Giifard et Vand> D-Berfjhe, Les bois exotiques, Ice. cit.). M. Pierre dit que ce
bois peut être comparé à celui du Mangrftra indica et à celui du Bouea, qu'il
est très difficile à trdvaiiler, qu'il n'est utilisé que pour des auf^es et des pilotis
dans les terrains humides.
(3) Cette {graine, comme celle de l'espèce précédente, renferme de la matière
crasse, mais en quantité moindre.
(4) Pierie, Flore forestière de Coekinchine {loc. cit.).
(5) Celle espèce a été décrite, pour la première fois, par Oliver dans FI.
Brit. Ind. Hookfr fils, I, p. 522. Plus tard, M. Pierre, directeur du Jardin
botanique de Saifion, l'avait nommée 7. Harmandiana (du nom de son collec-
teur ->-. iHuiTiian.) dans les cultures du Jardin botanique de Saigon (i886) ;
plus lard tùcoie, a ajant pas pub.ié r:fpice, M. Pierre rc;c rrut que c'était
LE BEURRE ET LE PAL\ D'Û'ÛIKA, DU GABON -CONGO. 465
Ce végétal, moins répandu que /. Oliveri en Basse-Cochin-
chine et au Cambodge, habite surtout dans la province de
Compong-Xoai (Cambodge), d'après Harmand (1).
Voici la diagnose de cette espèce telle que la donne
M. Pierre (2) :
« Feuilles ovales lancéolées ou ovales oblongues arrondies
» à la base, terminées en une pointe subaiguë, glabres, mu-
» nies de vingt-quatre petites C(3tes reliées par des nervures
» transversales subparallèles et des veines aréolées. Fleurs
» disposées en grappes axillaires assez courtes ; entièrement
» glabres, munies à la base d'une bractée et d'une bractéole.
» Disque capuliforme à cinq lobes arrondis et courts termi-
» nant cinq C(3tes longitudinales (3) , parallèles et élevées,
» Fruit sphérique, comprimé, arrondi aux deux extrémités
» contenant une à deux loges monospermes. »
En voici maintenant la description d'après le même auteur :
« Arbre de 15-20 mètres. Rameaux grêles portant des traces stipu-
» laires. Stipules géminées longues de 22 millimètres. Pétiole long de
» 12 à 15 millimètres. Limbe long de 11 à 12 centimètres, large à la
» base de 6 centimètres. Grappes à peine compose'es ou simples,
» longues de 4 à 5 centimètres. Pédoncule long de 1 centimètre 1/2.
» Sépales obove's longs de 1 millimètre 1/4. Pétales longs de 2 milli-
» mètres 3/4. ELamines 10 millimètres, les alternes un peu plus
» courtes, à filets longs de 2 millimètres 1/2 à 3 millimètres, tordus.
» Anthères ovales, basifixes, un peu émarginées. Disque long de
» 1 millimètre formant gynophore à la base, très concave et portant
» un ovaire à deux loges ovule'es. Le style est tordu et se termine par
» un stigmate pelté et concave au centre. L'ovule est inse'ré un peu au-
» dessus du milieu de la loge. Il a le microphyle extérieur et supère.
^> Le fruit a 57 à 62 millimètres de longueur et 34 millimètres de lar-
» geur. Sa face transversale n'a que 17 millimètres. L'épicarpe est
» mou, le sarcocarpe est traverse' par des productions fibrovasculaires
celle fie la Flore de l'Inde, éditée en 1875. Entre temps, M. de Lanessan l'avait
signalée sous le nom de /. Harmandiana Pierre, dans ses Plantes utiles des
colonies françaises, p. 3U6, en 1886. En 1890, M. Pierre a publié la description
magistrale de celte espèce et d'/. Oliveri Pierre, accompagnée d'une magnifique
planche très détaillée, dans son bel ouvrage en cours de publication sur la
Flore forestière de Cochinchine (O. Doin, éditeur).
(1) M. Pierre [loc. cit.) inclinerait à croire qu'il existe à Bornéo, d'après
l'exemplaire sans iructification provenant de cette île qui figure au musée de
Leyile. Cette question est à élucider.
(2) Pierre, Flore forestière de Cochinchine, pi. 263.
(3J La figure de M. Pierre [loc. cit.] porte non pas un disque à 5 lobes, mais
à D) lobes terminant 10 côtes verticales.
20 Mai 1893. 30
466 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
» de l'endocarpe exactement comme dans le Mangifera indica et le
» Bouea, genres avec lesquels cette plante a beaucoup d'affinités.
» L'endocarpe a 2 millimètres 1/2 à 3 millimètres d'épaisseur. 11 est
» vernisse' en dedans. Le te'gument est coriace et n'a pas plus d'un 1/2
» millimètre d'e'paisseur. Il adhère à un albumen à peu près aussi
» épais. Les cotylédons sont chacun épais de 3 millimètres et à peine
» plan convexes (1). La radicule est supère et courte. »
« Cette espèce contiendrait beaucoup moins de matière
» grasse que 1. Oliveri : mais je n'ai point vérifié ce point,
» n'ayant jamais pu avoir des graines. D'après les indigènes
» ses amandes sont, comme celles de cette dernière espèce,
» très agréables à manger ; elles sont aussi utilisées pour la
>j fabrication des bougies. »
Le bois, d'après Pierre, serait employé comme celui de
1'/. Oliveri. Une note de Mottley à Kew affirme que cette
essence est à l'épreuve du taret : d'après M. Pierre ce n'est
pas l'avis des indigènes pour le Cay-Cay.
RÉCOLTE DES FRUITS. — Nous allous faire maintenant l'his-
torique de la récolte, de l'emploi des fruits et de l'extraction
des corps gras par les indigènes en ce qui touche à Vlrvingia
Oliveri. Nous suivrons ici les indications fournies par M. Vi-
gnoli (2) et prises sur les lieux mêmes par cet auteur :
« L'arbre fleurissant de février à avril, les fruits ont at-
» teint leur maturité complète de fin juillet à octobre. Ils se
» détachent alors des rameaux et se répandent sur le sol où
» les Annamites viennent les rassembler en tas. Ils les aban-
» donnent ainsi sur les lieux mêmes pendant deux mois, pour
» laisser les parties molles se détruire, et ce n'est qu'en oc-
*> tobre que la récolte est faite. Les fruits de Cay-Cay sont
» alors transportés dans les habitations et exposés aux
» rayons du soleil pour hâter leur dessiccation.
» Nous ferons remarquer ici que certains animaux, tels
» que : Singes, Comans, Sangliers, Comings, encore assez
» nombreux dans les forêts de la Cocliinchine , sont très
(1) 11 est probable, sans que je puisse l'affirmer toutefois, n'ayant jamais eu
les graines, qu'on trouve dans cette plante les mêmes lacunes à mucilage que j'ai
signalées dans les cotylédons de sa voisine I. Oliveri. M. Pierre est muet sur
ces organes dont il signale la présence, comme je l'ai dit, dans les pét'.oles et
l'écorce de l'7. Oliveri.
(2) Le Cay-Cay, etc., p. 36 et suivantes.
LE BEURRE ET LE PALH D'O'ÛIKA, DU GABON-CONGO. 467
» friands des amandes du Cay - Cay qu'ils arrivent très
" bien à avoir malgré la dureté des téguments qui les en-
» veloppent. De l'abandon qui leur est fait de ces fruits
» pendant deux mois, doit donc résulter une perte sensible
» dans la récolte.
» Extraction du corps gras. — Les fruits secs sont ou-
» verts à l'aide d'un fort couteau [Cai-ruà), et les amandes
» qui en sont extraites sont d'abord exposées au soleil pen-
» dant quelque temps , puis broyées dans un mortier. La
» pulpe ainsi obtenue est passée dans des tamis en bambou
» tressé (don), soumise ensuite à des procédés de liquéfaction
» et d'expression dont il nous faut donner ici quelques dé-
» tails. Nous verrons, en effet, par cet exposé, que les pro-
» cédés d'extraction , actuellement employés par les indi-
» gènes, laissent perdre une grande partie du corps gras.
» Liquéfaction. — Dans une marmite, aux deux tiers
» remplie d'eau et posée sur un trépied, on place une autre
» marmite dont le fond en bambou, finement tressé, n'arrive
» pas jusqu'à la surface de l'eau. C'est dans cette deuxième
» qu'est mise la pulpe des amandes de Cay-Cay. L'orifice
» étant hermétiquement clos, on porte l'eau à une tempéra-
» ture élevée, en évitant toutefois de déterminer son ébulli-
» tion.
') Lorsque la pulpe, suffisamment pénétrée par la vapeur
» d'eau, est devenue une pâte gluante, on la sort et on l'en-
'> veloppe dans une natte en paille de riz ; ou bien encore,
» prenant une gerbe de paille de riz, on lie solidement une
» des extrémités, écartant alors les brins de paille par leurs
» parties libres, on place entre eux la pâte de Cay-Cay ; puis,
» rassemblant la paille au-dessus du produit, on ficelle le
» faisceau par l'autre extrémité de façon à bien emprisonner
» la substance.
» Expression. — La presse, à l'action de laquelle doivent
» être soumis les pains de matière grasse ainsi préparés, se
» compose d'un tronc d'arbre percé transversalement d'un
» orifice carré de 30 centimètres de côté environ, communi-
» quant dans la partie centrale avec une longue cavité cylin-
» drique dirigée dans le sens même de l'axe et à diamètre
» moindre que celui de la cavité transvei'sale. C'est dans
468 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
» cette cavité cylindrique que Ton engage les boules de ma-
» tière grasse.
» Lorsque l'appareil est garni, on applique, contre la boule
» la plus rapprochée de la cavité transversale et carrée, une
» ou plusieurs rondelles de bois du diamètre de la cavité
» cylindrique, et entre ces rondelles et l'autre paroi de la
» cavité transversale , on fait avancer à grands coups de
» maillet un long coin en bois. La matière liquide exprimée
» tombe dans une rigole qui longe la cavité cylindrique, et
» sort par une ouverture pratiquée dans la partie la plus dé-
>j clive de l'appareil.
» Lorsque le coin a produit tout son effet, on le sort ; on
» ajoute de nouvelles rondelles de bois et l'opération est re-
» commencée ; ainsi de suite jusqu'à ce que le coin refuse
» d'entrer. A ce moment, on sort le tout ; la pâte est broyée
» de nouveau, soumise à l'action de la vapeur d'eau, puis ex-
» primée comme il a été dit plus haut. Cette dernière opéra -
» tion est renouvelée encore une fois, après quoi les tour-
» teaux sont mis de côté. Ils servent ensuite, soit à faire du
» feu ou de l'engrais, soit à nourrir les bestiaux (1).
.) Rendement. — Dans un rapport, en date du 27 no-
» vembre 1884, adressé à M. le Secrétaire Général de Saïgon
» par M. Lacan, administrateur de Tay-Ninh, nous trouvons
» le passage suivant : « Pour obtenir un pain de cire de
» % kilos il faut deux Gia ou 50 kilos de noix, qui donnent
» 10 kilos d'amandes. Ces proportions ne sont pas rigoureu-
» sèment exactes, elles dépendent, en effet, de la qualité de
» l'amande et de sa manipulation. »
Les procédés employés par les indigènes ne leur permet-
traient donc d'extraire que 20 % de matière grasse. Or, nous
avons vu dans le tableau comparé de l'emploi des deux
beurres ^'Irinngia pour la fabrication des bougies, que les
amandes sèches de Cay-Cay contiennent 61 % de corps
gras, ce qui semblerait indiquer une perte de 41 °/o. En
réalité cette perte n'est que de 31 %, si nous tenons compte
dans nos calculs de l'état plus avancé de dessiccation, dans
lequel se trouvaient les amandes qui ont servi au dosage
(1) L'aaalyse chimique de ces graines nous renseignera, plus loin, sur leur
valeur nutritive, elle démontre que ce tourteau est beaucoup plus riche (du
double environ) en azote que celui à'O^Dika.
LE BEUME ET LE PAIN D'O'DIKA, DU GABON -CONGO. 469
de la matière grasse, clans l'essai industriel fait au sulfure
de carbone. Les indigènes perdent donc plus de la moitié
du produit.
Le corps gras ainsi obtenu est employé à la fabrication de
bougies d'un commerce restreint dont la paire vaut 20 cen-
times. La flamme de ces bougies est plus brillante que celle
de nos chandelles, moins que celle des bougies ; elle n'émet
aucune odeur désagréable.
On trouve le plus souvent le beurre de Cay-Cay sous la
forme d'un cône tronqué du poids de 2 k., 500 environ (1). 11
est d'un jaune grisâtre, onctueux au toucher et d'une odeur
particulière, qu'une élévation de température rend forte et
désagréable.
Voici, d'après les recherches du professeur Schlagden-
hauffen, faites sur ma demande, l'analyse des graines d'Irvin-
gia Oliveri dépouillées de leur endocarpe osseux :
Matière grasse 73,60
Sucres 1,25
Mat. alb. sol 0,40
Mat. alb. ios. 18,35
Sels fixes 3,45
Cellulose, gomme et tannin 2,95
100,00
La de'terraination de ces divers principes a e'té faite de la manière
suivante :
Les graines pulve'risées ont été épuisées par l'élher de pétrole dans
un appareil à déplacement continu, à chaud. La solution pe'lrolique a
été' évaporée au bain-marie pendant le temps nécessaire jusqu'à dis-
parition complète du dissolvant. Le poids du résidu a été de 73,60.
Quand on exprime les graines à la presse, le tourteau qui en re'sulte
renferme encore 33,33 0/0 de corps gras que l'élher de pétrole enlève
très facilement.
La matière épuisée cède à l'eau une faible proportion de sucre
1,25 0/0, 0.40 seulement de matières albuminoïdes et du mucilage
gommeux [arabiné).
Le re'sidu, soit 24,75 0/0, a e'te' divise' en deux parties : l'une a servi
au dosage des matières albuminoïdes insolubles par le proce'de' à la
(1) J'ai reçu de Cochinchine des pains de \ k. 500 environ qui avaient la
forme propre aux pains de camphre du commerce, c'est-à-dire de véritables ca-
iotles sphériques.
470 REVUE DES SClEiNCES NATURELLES APPLIQUÉES.
chaux. La quantité d'ammoniaque mise en liberté, absorbée par un
volume déterminé d'acide sulfurique 1/5 normal, a permis de calculer
le poids des matières prote'iques, soit 18,35 0/0.
L'autre a fourni, après incinération, 3,45 0/0 de sels fixes.
En reprenant le résidu par l'eau, on décèle Is présence des chlo-
rures, de sulfates et de carbonates de potasse et de soude. Dans la
partie insoluble, se trouvent principalement des sulfates, carbonates et
phosphates de chaux.
Il n'existe point de lithine dans les cendres.
La cellulose a e'té obtenue par différence, en ne retranchant du poids
total 21,475, celui delà matière prote'ique et des sels fixes.
La petite quantité de tannin qui accompagne la cellulose ne provient
pas du pèrisperme. La graine ne renferme pas de matière amylace'e.
Comme on le voit par cette analyse, la graine (ïlrvingia
Oliveri reconnaît une composition très rapprochée de celle
dV. gahonensis; la quantité de corps gras est à peu près
équivalente dans les deux graines, et, dans la première,
les matières protéiques y sont à peu près en quantité égale
aussi, ce qui implique le même degré de valeur nutritive.
Les autres éléments composants sont équivalents de part et
d'autre. Il n'en est pas ainsi avec le beurre de O'Dika (1).
Mais les affinités entre ces deux plantes sont poussées plus
loin et se retrouvent jusque dans la composition chimique du
corps gras similaire qui caractérise les deux graines. Il ré-
sulte, en effet, des études de M. le professeur Schlagdenhauf-
fen que la matière grasse du Cay-Cay est formée par les
acides myristique et laurique comme celle de VOdiha. La
ressemblance entre deux espèces, si éloignées par leur habitat
et si rapprochées morphologiquement, est, comme on le voit,
poussée très loin. Ce fait démontre jusqu'à quelles hmites
peut être fructueusement poursuivie la recherche des affi-
nités entre les espèces. C'est une voie féconde à élargir.
La similitude entre les deux produits des Irvingia du
Gabon et de Cochinchine est donc complète, mais on peut en
poursuivre la preuve jusque dans la composition chimique
des cendres de la graine.
Voici cette analyse faite par M. Schlagdenhauffen, à ma
demande :
(1) L'analyse des graines û' Irvingia Oliveri, qui vient d'être faite par
M. Schlagdenhauffen, établil uellement que le beurre à'O'Dika n'est pas com-
posé exclusivement avec ces graines : la différence de composition est trop
grande.
LE BEURRE ET LE PAL\ D'Û'DIKA DU GABON -CONGO. 471
ANALYSE COMPARATIVE
DES
CENDRES DE LA GHALNE WIRVINGIA OLIVEUI ET D'7. GABONENSIS
POIDS DKS CKNDRES o/o-
ESPÈCES VÉGÉTALES. ENDOCARPE (l)
COTYLEDONS AVEC
LEUR SPEBMODERME.
7. Oliver i 1,028 (2) 1,958 (3)
7. gabomnsis 1,413 (2) 2,922 (3)
(^) Il est remarquable de voir que cet endocarpe osseux (surtout dans I. OU-
veri où il est très dur) renferme, dans les deux cas, environ moitié moins de
cendres que Tamande : c'est le contraire qu'on aurait pu supposer à priori.
■Quant à la dill'érence de poids entre les cendres des coques et des amandes dans
les deux graines, elle tient à la différence de poids des graines et à leur gros-
seur dissemblable. Les graines d'7. Oliveri sont bien plus petites que celles
d'7. gabonensis. Mais la composition chimique de ces graines est identique de
part et d'autre, bien que les végétaux croissent sur des terrains de nature toute
différente physiquement et chimiquement.
(2) Ces cendres renferment : silice, soude, potasse, pas de lithine.
(3) Ces cendres renferment les mêmes éléments chimiques.
II. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ,
SEANCE GENERALE DU 21 AVRIL 1893.
PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté
M. le Président proclame l'admission de
M. PRÉSENTATEURS.
KuNSTLER, professeur à la Faculté des
,, . , , 1 j , o • '. - 1 À. Geoffroy Salnt-Hilaire,
sciences, secrétaire g-eneral de la Société ; ^ , "
, . . ,. , ., T7- . TT 1 Comte de Puyfoiitaiue.
de pisciculture, 141, cours Victor-Hugo, ^ ^ t-.-h l
à Bordeaux.
'^^°' ( L. Vaillant.
— M. le Secrétaire procède au dépouillement de la corres-
pondance :
— Des remerciements sont adressés à la Société par M. le
Dr Wiet pour un cheptel d'Agoutis et par M. Tourchot pour
un cheptel de Faisans,
— La correspondance adressée par M. Tourchot complète
les renseignements déjà fournis par notre collègue au sujet
de ses essais d'acclimatation de divers oiseaux au Canada. La
rigueur du climat semble taire un sérieux obstacle à la repro-
duction des Faisans et notre correspondant demande aux
membres de la Société, expérimentés dans cette question
d'élevage, de vouloir bien lui adresser quelques conseils.
Les questions seront renvoj^ées à la section spéciale.
— M. Garnotel informe M. le Président de la remise au
Jardin d'acclimatation d'une femelle de Canard carolin ; le
mâle est mort subitement.
— M. le D"- Morel écrit de Téhéran à M. le Président :
« J'ai rhoDneur de vous informer que je serais fort heureux, pen-
dant mon séjour en Perse, de pouvoir contribuer, dans la faible me-
sure de mes moyens a l'œuvre que votre Société' a poursuivie en
France avec tant de gloire et de succès.
» Je dois prochainement entreprendre un voyage dans les monta-
gnes de l'Elbourz, jusqu'au littoral Caspien, et je me mets entière-
ment à votre disposition pour tout ce qui pourrait inte'resser votre
Société. »
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 473
Dans la même lettre, M. le D"" Morel demande quelques
échantillons de graines iVAttacus Cynthia vera et de Attn-
cus arrmdia. Bonne note est prise de cette demande relati-
vement au Bombyx Cynthia, mais VAr^Hnclia n'existe plus
dans la culture européenne.
— M. P. Dosne, qui s'intéresse aussi à la culture des vers
à soie, désirerait, pour cette saison encore, posséder quel-
ques graines de Bombyx de l'Ailante et du Bombyx du
Chêne.
— M. H. Gâté demande quel est, à notre point de vue, le
meilleur traité de sériciculture. Plusieurs traités pourraient
être indiqués à M. Gâté, et, notamment, celui de M. Maillot,
qui est un des plus récents : Leçons sur le Ver à soie du
Mûrier. Le même correspondant demande si des Chèvres
de Numidie pourraient lui être envoyées en cheptel. Il nous
informe qu'il élève tous les ans des Chèvres du pays (Ille-et-
Vilaine), mais comme rendement en lait elles laisseraient
beaucoup à désirer.
— M. Vidon, de l'établissement de pisciculture de Besse-
mont, par Villers-Gotterets (Aisne j, l'ait connaître qu'il sera
prochainement en mesure de faire à la Société un premier
envoi d'œufs de Truite Arc-en-Ciel.
Une deuxième lettre annonce l'envoi de 8,000 œufs em-
bryonnés.
Dans une troisième lettre, annonce est faite d'un envoi de
7,500 œufs.
Ces œufs ont été répartis entre ceux de nos collègues qui
nous en avaient fait la demande : MM. Jacquemart-Ponsin,
Rathelot, Rivoiron, D-^ Laborde, Ramelet, Plontz, Berthoule,
Raveret-Wattel, D"" Wiet, Dubard, Fournier-Sarlovèze,
comte de Galbert, Ragot, la Société linnéenne du Nord de la
France, agrégée à notre Société, et le Jardin d'acclimatation
du Bois de Boulogne.
— Des remerciements- pour des envois d'œufs de Truite
sont adressés par MM. Lefebvre, Ramelet et Jacquemai-t-
Ponsin.
— Dans la correspondance relative aux végétaux nous
trouvons une lettre de M. Michel Baronnet, ingénieur civil
à Gabès (Tunisie). Les graines qu'il a reçues de la Société
474 KKVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
ont été semées et M. Baronnet nous tiendra au courant des
résultats obtenus.
— M. Gros, instituteur à Carcassonne, a l'intention de ten-
ter l'acclimatation dans la Corbière occidentale de deux ar-
brisseaux originaires de l'Amérique, le Cliéne Chincapin et le
Châtaignier nain. Il demande à la Société de vouloir bien,
sil se peut, lui confier des graines. — M. de Vilmorin a l'o-
bligeance de promettre des échantillons.
— Nous recevons de M. A. Sicre les renseignements sui-
vants :
« Si l'on examine les poudres de Pyrèlhre, delivre'es parle commerce,
on constate quelquefois qu'elles contiennent des matières végétales
ou mine'rales n'ayant aucune relation avec la fleur de Pyrèlhre, mais
ce cas est assez rare ; le plus souvent l'examen ne dévoile aucune
sophistication, et c'est à la mauvaise qualité' des fleurs qu'il faut at-
tiihuer le peu d'efficacité de la poudre.
» On distingue dans le commerce deux variétés de fleurs de Py-
réllire: Les fleurs violettes et les fleurs jaunes. Les fleurs violettes ne
donnent qu'une poudre peu active et le mélange de leur poudre avec
la poudre de fleur jaune est considéré comme une ve'ritable falsifica-
tion. Les fleurs jaunes sont beaucoup plus actives, mais leur énergie
est très variable et dépend de l'époque de la floraison, durant laquelle
la fleur a été' cueillie, les fleurs récoltées après épanouissement ayant
perdu la majeure partie de leur principe toxique. »
M. Sicre joint à cette communication quelques boîtes de
poudre de Pyrèthre préparée par ses soins et dont il désire
taire examiner l'efficacité.
— M. A. Roussin transmet un extrait du Journal des Cha-
r entes sur la Cousoude rugueuse du Caucase, plante fourra-
gère dont les journaux agricoles se sont beaucoup occupés
depuis une dizaine d'années.
— M. de Vilmorin offre à la Société son livre sur les
Plantes de grande culture. C'est un ouvrage écrit avec beau-
coup de précision et qui pourra être consulté utilement.
Un autre livre est.adressé par M. Coupin, intitulé : X Aqua-
rium d'eau douce. Ce livre nous rappelle un autre petit ou--
vrage qui a été publié sous le même titre, il y a quelques an-
nées, et que toutes les personnes s'occupant d'aquiculture
ont connu. Le livre de M. Coupin est un peu plus technique
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 475
et contient des renseignements scientifiques plus circons-
tanciés.
Nous recevons en même temps un livre du docteur Troues-
sart ayant pour titre : An bord de la mer. C'est d'abord une
étude géologique extrêmement simplifiée, intéressante et mise
à la portée des personnes qui n'ont pas le loisir de faire
d'études spéciales. A la suite de l'étude géologique vient l'his-
toire des plantes qu'on rencontre au bord de la mer, et enfin
une description ordonnée des animaux qu'on peut récolter en
se promenant sur les plages. C'est donc un ouvrage qui inté-
resse toutes les personnes qui s'occupent de sciences natu-
relles élémentaires.
— M. le Président prend la parole en ces termes :
« Je voudrais. Messieurs, attirer voire attention sur les services
que peuvent rendre les commerçants qui, tout en poursuivant l'objet
de leur négoce, sont, en fait, les collaborateurs les plus utiles des
établissements zoologiques qui ont eu vue les progrés de la science et
l'élude des animaux. De tout temps, les navigateurs, les capitaines
ont importe' des animaux et des plantes avec l'arrière-pensée, très na-
turelle d'ailleurs, de les vendre à l'arrivée le plus cher possible.
» Mais, dans le courant de ces trente dernières anne'es, ce mouve-
ment a pris un caractère spécial, et on peut dire que le principal pro-
moteur de ce mouvement a été le roi Victor-Emmanuel. Ce souverain
avait couslilué dans le parc de la Mandria, qui ne réunit pas moins
de 3,000 hectares de surface clos de murs, un parc de chasse des
plus intéressants, dans lequel, à un moment donné, il a voulu avoir
à l'état de liberté, les Cerfs de l'Amérique du nord, les grands
"Wapiti que vous connaissez tous, que vous pouvez voir au Jardin ; il
a voulu avoir l'Antilope Nylgau de l'Inde ; et un certain nombre
d'autres animaux qui étaient, à ce momcnl-là l'objet de son atten-
tion et de sa prédilection. Ces résultats ont été obtenus assez rapide-
ment grâce aux moyens dont disposait le roi, et j'ai pu voir, dans le
parc de la Mandria, des troupeaux d'Antilopes Nylgaux. Il y en avait,
à l'époque où je cheminais dans ce parc, 250 à 300, vivant à l'état de
liberté. Dans une autre partie de cet immense enclos se trouvaient des
hordes très nombreuses et très importantes de Cerfs Wapiti.
» A un autre moment, quand le roi eut créé le jardin zoologique de
Turin, il fallut importer des Tigres, des Lions, des Léopards, des Pan-
thères, des Jaguars, et le roi envoya différents officiers de sa maison
dans divers pays, pour chercher les animaux qu'il avait le désir de
se procurer. Sur ces entrefaites, il entra en relations avec un Italien
nommé Casanova, qui était, à cette époque, un dompteur forain et qui
se transportait d'une ville dans l'autre en exhibant une ménagerie-
476 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
L'homme était intelligent, il intéressa le roi, qui le commandita pour
aller, en Nubie, cbercher des Éléphants, des Girafes, etc. Casanova
fit, pendant plusieurs années, une série d'expéditions qui enrichirent
d'abord les ménageries et les parcs de son maître, mais bientôt ces im-
portations devinrent trop abondantes pour que le roi pût, à lui seul,
être le client de Casanova ; il vendit alors dans diffe'rentes me'nageries
de l'Europe, dans difTérents jardins zoologiques, l'excès de ses apports.
L'exemple donné par Casanova fut suivi. Plusieurs marchands, et en
particulier, M. Hagenbeck, de Hambourg, suivirent cette voie et mon-
tèrent à leur tour des expéditions annuelles. Les explorateurs allaient
s'installer à Kassala, et, prenant cette ville comme le centre de chasse,
s'éloignaient à plusieurs journées pour chercher le gibier dont ils
avaient besoin, en vue des apports d'animaux vivants à faire aux me'-
nageries. Bientôt après, M. Reiche, d'\lreld, eu Allemagne, suivit la
même voie et monta des expéditions dans le même pays, de telle sorte
que ces efforts combines amenèrent une abondance relative- des ani-
maux les plus divers de la Haute-Nubie, de l'Abyssinie- Et, en effet, à
ce moment, pour un prix relativement très modique, on se procurait
une Girafe, un Rhinoce'ros, une Antilope Caama, etc. Les temps sont
bien changes. Le Mahdi intervint, Kassaka devint une ville perdue au
point de vue de la chasse, les expéditions cessèrent absolument et le
mouvement se de'tourna. M. Reiche, qui avait fait plusieurs expé-
ditions très intéressantes dans la Haute-Nubie, eu entreprit de non
moins fructueuses dans l'Afrique australe, et, depuis un certain nombre
d'années, périodiquement, il importe des Zèbres, des Antilopes de
toutes sortes, des Grues, enfin les différents animaux qui peuplent ces
lointaines régions.
» C'est à l'occasion d'un de ces arrivages que je prends la parole pour
vous en signaler l'inte'rêt. Le dernier convoi de M. Reiche ne comprenait
pas moins de 25 Zèbres de Burchell, c'est-à-dire des Dauw, un certain
nombre de Gnous bleus, plusieurs Gnous ordinaires, des Antilopes
Caamas, des Grues de Paradis- En même temps, nous avons vu arri-
ver, ces temps derniers, une importation très intéressante d'animaux de
l'Himalaya. Le Jardin d'Acclimatation, en particulier, s'est enrichi,
ces jours-ci, de deux Muscs, le Chevrotain-Musc, qui donne cette ma-
tière si précieuse qui est, comme vous savez, le véhicule et le fixatif de
tous les parfums et vaut à peu prés trois fois le poids de l'or. Cela vous
fait comprendre avec quelle ardeur la chasse est faite à ces malheu-
reux animaux. Le Jardin d'Acclimatation a fait emplette d'une paire
de ces curieux animaux, que vous verrez dans nos parcs.
» De la même source, nous avons pu acquérir un animal extrême-
ment rare que, pour ma part, je n'avais pas vu vivant jusqu'à présent :
c'est leThar. Le Thar n'est ni Chèvre ni Mouton- C'est un animal qui
fait le passage d'un groupe à l'autre, dont les cornes offrent un aspect
particulier, d'un médiocre développement, mais dont la forme, le ca-
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 477
ractère sont tout à fait remarquables. Cet animal a tout l'avant-train
chargé d'une immense toison, d'une crinière qu'un naturaliste, un peu
poète peut-être, compare à celle du lion. Le Musc et le Thar sont origi-
naires des plus hautes montagnes de l'Himalaya. De ces mêmes ré-
gions on vient de faire l'importation, en même temps, comme chaque
année à peu près, de Lophophores et de Tragopans de Ilasting. Vous
connaissez tous maintenant ces beaux oiseaux à plumage rouge ocellé
de blanc ou de blanc - bleuté, qui ont d'abord e'ie' importés de
Chine; parmi ces espèces, celle des Tragopans de Hasting est reste'e la
plus rare de toutes. Son plumage est noir rehaussé de rouge ; c'est un
des plus beaux oiseaux qu'on puisse voir. Vous en pourrez admirer la
magnificence dans les galeries du Muséum, où un grand nombre de ces
sujets sont naturalisés et plus faciles à examiner que ceux qui sont
dans les volières. Je vous signale aussi, dans ces importations des
montagnes de l'Inde, le Pucrasia, cet intéressant Faisan que nous n'a-
vons pas encore réussi à multiplier d'une façon satisfaisante. Ce serait
certainement un fort beau gibier pour les pentes des Alpes et des Py-
réne'es, où il re'ussirait plutôt que dans nos chasses de plaine. »
— M. Lesèble lit, au nom de M. de Bellerive, un mémoii'e
sur les Chiens dans V armée.
A la suite de cette lecture quelques échanges de vues sont
faits par plusieurs membres de la Société sur l'utilisation
militaire du Chien.
M. Mégnin dit que le Chien de Beauce lui pai^aît devoir être
employé avec autant de succès que le Co]le3^ Il ne pense pas
que les Chiens puissent être utilisés en campagne pour l'atte-
lage, mais seulement pour le service des avant-postes. « Si
les Allemands et les Anglais ont pensé au Chien pour trans-
porter les blessés, c'est qu'ils n'ont pas le cacolet, ils n'ont
pas le Mulet. Je crois que le Mulet est rare en Angleterre et en
Allemagne. Nous avons en France un excellent mode de
transport pour les blessés : le cacolet à un ou deux hommes
qui sont portés par des Mulets. J'ai vu fonctionner ces caco-
lets en 1870 et je sais les services immenses qu'ils rendent,
services tels que je ne crois pas que le Chien puisse y sup-
pléer. »
M. le Président demande si réellement, au point de vue du
transport des dépêches et des munitions, le Chien de guerre
est d'une utilisation pratique. Le Chien dépaysé, obligé de
parcourir un terrain nouveau pour se rendre en un point i^dé-
déterminé, saura-t-il s'orienter comme dans les cas bien con-
nus du retour au domicile fixe.
478 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
M. Lesèble fait observer qu'en fait les Chiens de contre-
bandiers qui savent ruser avec les douaniers et les éviter ne
sont habiles à ce manège que parce qu'ils connaissent le point
où ils doivent revenir,
M. Pichot désirerait qu'à l'appui de la discussion on
apportât un fait précis, une expérience sérieuse.
.M. Remy Saint-Loup appuie cette manière de voir; il
pense que c'est à l'occasion des grandes manœuvres que la
question devrait être pratiquement étudiée et qu'alors seule-
ment nous pourrions connaître l'utilité du Chien, tant pour le
transport des dépêches que pour la recherche des blessés.
M. Mégnin ne pense pas que le Chien puisse servir à autre
chose qu'à garder les sentinelles pendant la nuit. Mais cela
non seulement si cette sentinelle lui est connue, mais si elle
appartient au régiment auquel le Chien est habitué.
M. Vaillant fait observer que, s'il en est ainsi, l'animal con-
naissant son régiment peut servira porter des munitions aux
postes avancés.
Les questions relatives à l'utilisation du Chien en cam-
pagne restent donc pendantes, il serait à désirer que des ex-
périences déjà commencées autrefois par un officier du 32«
de ligne, M. Jupin, fussent continuées et encouragées.
— M. Grisard lit une communication de M. le professeur
Heckel sur « le beurre et le pain d'O'Dika, du Gabon ».
Le Secrétaire des séances,
Remy Saint-Loup.
III. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DES SECTIONS.
4e SECTION (INSECTES).
SÉANCE DU 28 AVRIL 1893.
La séance est ouverte à quatre heures sous la présidence de
M. Jonquoy, M. Jules Fallou s'étant excuse' par lettre de ne pouvoir
venir.
Le procès-verbal de la pre'cédeute séance est lu et adopte.
M. Fallou envoie un intéressant travail sur les mœurs et les méta-
morphoses du Molytes coronatiis, charançon nuisible aux carottes-
Notre collègue a publie' ses premières observations sur cet insecte
en 1882 et ce n'est qu'en 1892 qu'il a pu parvenir à en observer l'évo-
lution complète.
La larve sort de l'œuf en mai et juin et acquiert tout son dévelop-
pement en octobre et novembre.
Elle s'enfonce alors en terre à 10 ou 20 centimètres de profondeur,
s'y façonne une loge dans laquelle elle se transforme en nymphe.
L'insecte parfait éclot aux mois de juillet et aoîit, passe l'hiver eu
terre et reparaît au printemps, époque à laquelle a lieu la ponte-
Les carottes attaque'es ne contiennent ge'néralemeut qu'une larve.
Comme moyen de destruction, M. Fallou conseille l'arrachage prc'-
coce, suivi d'un labour profond de 20 centimètres.
Il faut ensuite surveiller attentivement les carottes récoltées, elles
peuvent contenir de jeunes larves qui se développeront plus tard Q).
Le Secrétaire,
A.-L. Clément.
(1) Voir Revue des Sciences naturelles appliquées, 1889, page 63. Note el
figure.
IV. BIBLIOGRAPHIE.
Chez les Oiseaux, par M. E. Leroy. — Paris, librairie Firmin-
Didol et C'^, 1893, in-40, norabrenses gravures. Prix : 5 francs.
Sous ce titre, la maison Firmin-Didot vient de faire paraître un
volume à la fois intéressant, instructif et très original, dû à la plume
de M. E. Leroy.
Ce sont des études très ressemblantes. C'est l'Ornithologie ve'cue et
raconte'e sous une forme attachante, anecdotique et humoristique.
Rien ne saurait, au surplus, donner une plus juste idée du point de
vue de l'auteur que la reproduction suivante de la pre'face du livre.
« Nous coudoyons tous les jours des masses de gens, bipèdes eux
aussi, mais vêtus de plumes, avec lesquels le hasard des rencontres
nous met à chaque instant nez. . . à bec.
» La corporation embrasse tout un monde : travailleurs, artistes,
chasseurs, pêcheurs, gens d'épe'e, messagers, clowns, vélocipe'distes,
etc., etc., que nous pouvons nous attacher à titre de serviteurs, ou
même élever au rang de camarades. Mais elle renferme aussi, helas !
pas mal d'individus très mal famés : des braconniers, des maraudeurs,
et autres gibiers de potence, auxquels on ne saurait serrer la patte
sans se compromettre, ni gratter l'occiput sans se faire mettre à
l'index.
» II y a chez eux des incompris à réhabiliter, des faux bonshommes
à démasquer; des couples que nous pourrions prendre pour modèles
des vertus de famille, et des mères de'nalurées qui abandonnent leurs
enfants.
» Pour nous mettre à même de nous comporter vis-à-vis de chacun
d'eux, en connaissance de cause, je viens vous proposer de jeter un
coup d'oeil par dessus le mur de la vie privée des types les plus
connus, de les observer, de les filer à l'occasion, de les surprendre sur
le fait ; et ainsi nous pourrons nous faire une opinion à peu près rai-
sonnable au sujet de la valeur re'elle de tous ces gens-là : Rapaces,
Grimpeurs, Échassiers, Palmipèdes, Passereaux, Gallinacés, Colom-
bide's, en un mot, de toutes les classes de la socie'te'. »
Le volume, imprime' sur papier fort et dont l'édition a été' soigne'e
comme tout ce qui sort de la maison Firmin-Didot, est splendidement
illustre' de dessins dus au crayon de MM. Riou, Bellecroix, Bodmer,
Bogaërt, Mahlet, etc., etc. Il se de'veloppe en près de 300 pages, de la
lecture desquelles vous sortez très amusé et aussi complètement que
possible au courant de la classification, des mœurs, des originalite's
de tout ce monde emplumé qui partage avec nous les destine'es du
globe habité. G. de G.
Le Gérant : Jules Grisard.
I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ.
LES CHIENS DANS L'ARMEE
Pak m. du BELLEHIVE.
En noti'e temps, où l'utilité du Chien pour le service de
l'armée semble être démontrée, il nous parait intéressant de
résumer les données pratiques de son emploi.
Un peintre animalier très connu. M. Jean Bungartz, étudie
cette question depuis nombre d'années et il la développe
dans deux brochures 1) qui viennent de paraître. C'est dans
la seconde dont le titre est : Le Chien mi serrice de la Croix-
Rouge, que nous trouvons une application nouvelle de son
di-essage.
L'histoire nous api)rend que le Chien fut d'abord dressé
plutôt pour attaquer les ennemis que pour servir son camp.
Aujourd'hui, on 1 y élève pour diflei'ents usages : la garde, le
service déclaireur et des avant-postes, la transmission des
nouvelles ; la recherche et le transport des morts ou des
blessés.
Cei)endant, les Grecs et les Romains l'ont utilisé pour en-
voyer des messages. La dépêche, écrite sur parchemin, éîait
introduite dans un morceau de viande, i)uis présentée à l'ani-
mal qui l'avalait. Quand il parvenait à sa destination, on le
tuait pour retrouver le message dans son corps. Les Romains
ont surtout i)ratiqué cette mode barbare. D'après Pline, les
Castabalences et les habitants de Colophon s'en servaient
en temps de guerre, comme éclairours, et les chevaliers d.-
Rhodes en avaient dans leurs avant-postes ; un Chien, pour
le moins, accompagnait chaque patrouille. Au moyen âge,
Henri Vil d'Angleterre envoya au roi Charles L"" des ren-
forts qui consistaient en quatre mille soldats et quatre mille
Chiens.
Pendant le siège de Valence, les Chiens de l'armée Iran-
(1) Der Krieffshuntl ttinl seine D'-:ssin- el I)t Ilunl im Disist les .othen
Kreuzes, Leipzij^, 1892.
5 Juiu 1893. :il
.iS2 KEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
çaise se rencontrèrent a\ec ceux- des troupes espagnoles;
une lutte acharnée s'en suivit et beaucoup lurent égorgés
jtar leurs adversaires. On raconte que le roi Charles apos-
tropha un jour ses soldats en ces termes : c Je compte que
vous serez aussi courageux que vos Chiens. »
Bonaparte, dans sa campagne d'Italie, emmena plusieurs
de ces animaux. On continua à les employer aux colonies
Irançaises. De même, dans les Indes hollandaises, il arrive
que le service télégraphique est interrompu. On y remédie
au moyen de Chiens, en attachant les dépèches à leur collier.
On cite l'exemple suivant,: Kota-Kadja est éloigné de six
lieues de Pakan-Krœng-Tjoet ; les Chiens i)arcourent facile-
ment cette distance en dix minutes. Cela ]^ei)résente une vi-
tesse moyenne de six cents mètres par minute.
1. — Service des ambulances.
Dans une réunion récente de la délégation autrichienne
des ambulances, M. le prof. Billroth, conseiller aulique à
Vienne, relevait le lait qu"à l'avenir, les canii)s seront tou-
jours i)lus éloignés les uns des autres, si l'on tient compte de
la portée toujours plus considérable des armes à l'eu. lùi ad-
mettant que chacun des brancards doive faire seulement 400
jias de plus, on i)révoit que leur service sera retardé, sinon
interrompu. Si l'on hésite à multiplier le nombre des ambu-
lances ou des jiorteurs, c'est. uniquement par crainte de sur-
chai'ger le train de campagne, \ussi. l'emiiloi du Chien i)Our
cet usage semble tout indiqué.
Notre auteur nous décrit la construction, d'ailleurs très
simple, du char où on l'attelle. Il se compose de deux parties :
1" la civière, 2" le train du chai'iot. La civière, qui est divisée
au milieu, est assez large pour recevoir deux blessés. Les
l)aroissont recouvertes de toile; à chaque extrémité, l'on fixe
deux poignées pour faciliter le transport. Inutile d'ajouter
que d'excellents ressorts la soutiennent. Le chai* est peu dis-
tant du sol ; ses roues sont faites en aciei' mince. On y attelle
un seul Chien. L'expérience prouve qu'il peut franchir une
distance de mille pas en l'espace d'une heure et faire environ
(h'x voyages sans se reposer. Deux hommes sont là pour le
suivre ; l'un dirige le Chien et l'autre suit à l'arrière pour
aider à sa niarche, s'il y a quelque pente à gravir.
LES CHIENS DANS L'ARMÉE. 483
Un point important est le choix d'une race qui soit la
mieux approitriée. Les Chiens aux allures lourdes comme le
Mastiff, le Dogu€ allemand, le Terre-Neuve et le Saint-Ber-
nard sont à rejeter. Le Spitz, qui est très utile dans d'autres
emplois, n"est pas assez fort pour ce genre de service. Quant
au Caniche, il ne supporterait probablement pas les fatigues'
de la guerre; son poil, trop laineux, ne supporterait pas
riiumidité.
Les essais de dressage de Chiens de chasse n'ont pas
réussi. Pour servir en campagne, l'animal devra posséder des
qualités indispensables : obéissance parlaite, attachement à
son chef de service, vigilance, persévérance, résistance ; son
intelligence devra être développée. Or, ces qualiîés se trou-
vent réunies chez le Scolcli Colley ou Chien de berger de race
écossaise. D'autres Chiens de berger pourraient peut-être s'a-
dapter à cet usage. Le « Scotch colley » reste, néanmoins, le
type le plus parfait de son genre ; il représente une des
formes ancestrales.
Le Colley vit sur les hauts plateaux marécageux de l'E-
cosse. Dans cette région où les bergers sont peu nombreux,
on lui confie souvent la garde de très grands troupeaux.
Gr<àce à son extrême vigilance la perte d'une tête de bétail est
rare. Habitué à rester toute l'année en plein air, il possède
une vigueur extraordinaire. Ses os sont forts; ses muscles
d'acier; les plantes de ses pattes sont aussi dures que du
cuir.
On ne peut pas en juger d'après les spécimens que nous
voyons parfois dans nos expositions et qui sont souvent dégé-
nérés. Carie « Colley « est apprécié comme Chien de luxe.
Mais la race typique se reconnaîtra aux caractères suivants :
sa tête est allongée, le museau est étroit, le nez bien déve-
loppé ; les oreilles courtes sont sensiblement dressées, mais
elles s'abaissent par devant ; le cou est allongé, arqué ; les
épaules peu proéminentes sont obliques ; la poitrine est large;
le dos est large et musculeux; les pattes antérieures, arron-
dies, sont bien droites ; les ongles sont très recourbés.
La queue développée est dirigée en bas.
Le pelage du « Colley « varie en couleurs; il est générale-
ment noir, niais le pourtour des yeux, les joues, le museau et
les i)attes sont marqués par du rouge jaunâtre ; la tête porte
des taches l)lnnrlies. Le collier et les pattes sont aussi blancs.
484 UEVUK DES sClENCESi NATURELLE» APPLIQUÉES.
On rencontre encore des individus chez lesquels le poil est
tacheté de gris, de brun ou de gris noirâtre.
Il existe une autre race à poil ras, le Smoolh coat"d
Colley, dont le poil est très serré. Tout porte à croire qu'elle
se prêterait encore mieux aux services de l'armée. Malheu-
reusement, elle est extrêmement rare dans nos pays.
M. P. Mégnin dans son ouvrage Le Chieu (p 85) nous
donne la description du « Scotch colle}', qui atteint de 21 à
24 pouces de taille. Les volumes de MM. Stonehenge : the D nj
in health and disease (p. 119:, Hugh Dalziel : British Dogs
(pp. 195, 206), Vero Schaw : the illustrated Booh of the
Dog fp. 8i) contiennent des renseignements détaillés sur
cette race, ainsi que les portraits de ses variétés.
Le mode d'attelage de notre Chien n'est pas compliqué. On
l'habitue d'abord à son harnais. On s'assure qu'il peut traîner
lacilement pendant plusieurs heures une charge de 5 kilos.
Son collier, large d'environ cinq centimètres, est fait de cuir
léger mais résistant ; on y fixe un anneau où passeront les
courroies. De chaque côté, des boucles servent aux courroies
des sacs. Ceux-ci faits en toile imperméable se trouvent
réunis par une sangle. Une autre courroie les retient au dos.
Les .sacs ont deux compartiments. L'un contiendra une pro-
vision de nourriture concentrée pour l'animal. Celle-ci se com-
pose de 2 kilos et demi de biscuits spéciaux qu'on pourra
lui donner dans de l'eau ; mais secs , le Chien les mangera
aussi. Cette mesure suffira amplement à le nourrir pendant
deux jours.
Dans le second compartiment on placera les pharmacies et
leurs accessoires. Ces sacs sont naturellement marqués de la
croix rouge sur un fond blanc.
L'attirail comprend encore deux objets très utiles : a) la
couverture pour le Chien ; faite de toile épaisse, elle mesurera
un mètre de longueur sur soixante centimètres de lai'geur ;
&) la lanterne que l'on fixera au harnais.
Le Chien des ambulances réclame pendant son dressage
certains soins. En été, on peut le laisser dans son chenil dé-
couvert. Mais en hiver, il est nécessaire de lui aménager un
abri avec de la paille sèche.
Son poil doit être nettoyé ; à cet effet on se servira de
quelques gouttes de térébenthine qui le préservent en même
temps des parasites.
Lt,S CHJENS DANS L'ARMÉK. //8o
A rordiiiaire on le nourrit de gâteaux préparés avec des
fibres de viande (1) qu'on lui donne secs on trempés. Ce ré-
gime parait lui convenir. On peut aussi varier sa nourriture
avec de la soupe, des légumes, des pommes de terre, etc. On
recommande de donner du lait aux Chiots et de multiplier
leur ration. Quant aux adultes, une soupe à midi suffira pen-
dant rété ; en hiver, on la leur distribuera matin et soir.
Jusqu'ici on s'égarait dans le choix des races et l'on man-
quait de système dans le dressage. On s'est demandé si Ton
avancerait plus rapidement en obtenant le concours d'ama-
teurs et de Sociétés cynologiques, comme cela a lieu pour la
colombophilie. L'élevage et le dressage des Chiens infir-
miers pourraient être confiés à des Sociétés ou à des particu-
liers. Mais quant aux emplois du camp on ne doit pas y
songer. Le matériel et l'entretien seraient trop onéreux pour
un grand nombre et l'on n'obtiendrait jamais, sous le rapport
du dressage, les vrais Chiens militaires.
Pour le choix des produits, une question non moins im-
portante se pose ici. Prendra-t-on des mâles ou des fe-
melles ?
On devine aisément les inconvénients que cela pourrait
avoir si les mâles d'une armée passaient dans les rangs oppo-
sés. Si l'on se sert seulement de Chiennes, on s'en verrait privé
dans les moments où elles seraient le plus u iles. En prati-
quant la castration des mâles on surmontera cette difficulté.
Les premières règles du dressage du Chien de guerre sont
les mêmes que dans l'élevage du Chien de chasse. Dès l'âge
de six mois, on habituera le Chiot à obéir, à revenir à l'appel.
Tl faut un certain temps pour y arriver. En appuyant avec la
main sur son train de derrière, on lui appi'endra plus facile-
ment à s'asseoir. Au commandement « couche », il devra se
coucher en plaçant sa tète entre ses pattes de devant. Inutile
d'ajouter que la persévérance, la patience, le calme, l'obser-
vation et l'amour de sa vocation sont les qualités du dres-
seur. ]1 doit connaître à fond la nature de son élève.
Dans le service des ambulances, le Chien donne des si-
gnaux d'appel. On lui apprfMidi-a donc à aboyer au comman-
dement. Vers l'âge d'un an, quand ce dressage préliminaire
est terminé, notre élève entrera dans la vraie phase mili-
(1, Celle compoBilion a été trouvée par M. Spratt. Elle contient de la fa-
rine d'os, des filamenis de viande, du seigle et diverses épices.
480 KEVUK DES ^ClE.NGEt; iNAi LllKLLES APPLIQUEES.
taire. Pour cela, le dresseur doit avoir un compagnon qui si-
mulera un blessé. En tenant d'abord l'animal en laisse, il se
dirigera vers son compagnon couché à une certaine distance .
Au déparf, on excitera la curiosité de l'animal en lui répé-
tant " cherche ». Quand le Chien aura retrouvé le blessé et
aboyé auprès de lui, on recommencera l'expérience en lâ-
chant l'animal. On travaillera d'abord sur un terrain plat,
découvert, ensuite dans une région accidentée. On augmen-
tera les distances. On dissimulera le pseudo -blessé dans les
ravins, on le recouvrira de branches. Enfin on rendra la
recherche du Chien toujours plus difficile. Puis on le mettra
en présence de nombreux blessés.
II. — Service de la garde du camp, des patrouilles
ET DES dépèches.
Nous avons mentionné dans la Revue (1) plusieurs races
que l'on a essayé de dresser pour ces différents usages. Ce-
pendant, on reconnaît que c'est le Scotch Colley qui s'y prête
le mieux.
Dans ce genre de service, le Chien exige encore un certain
équipement. Son collier, marqué du numéro du régiment
auquel il appartient, est en cuir large d'environ cinq centi-
mètres et se ferme au moyen d'une boucle. Si on l'emploie
aux avant-postes, on le munira d'une ou deux sacoches qui
contiendront quelques cartouches de réserve, des remèdes,
enfin une provision de biscuits concentrés dont nous avons
parlé à propos des ambulances. S'il est destiné au transport
des dépêches, on attachera à son collier un sac de dix à
quinze centimètres de longueur avec fermeture de sûreté.
La couverture et la lanterne sont encore indispensables.
Les animaux ainsi équipés devront vivre dans le camp et
accompagner les exercices. On a reconnu qu'une marche de
huit heures ne les fatiguait nullement.
L'habileté du dresseur se traduira bientôt en succès. Les
l)remiers enseignements sont, en général, vite compris par
l'animal. Au commandement « halte » il s'arrêtera dans sa
course. Quand on lui dira « attention » ou simplement sf, sf,
il restera en éveil. Il est plus difficile de l'habituer à ne pas
(1) 1892. I, p. 604.
LES CHIEXS DAXS L'AU.MÉE. 487
aboyer. Dans ûe'i circonstances dan'reronses le Chien de
guerre doit se taire on tout an plus nuinitester sa vigilance
par de sourds grognements. Son rôle de sentinelle consiste à
épier l'ennenii et tout ce qui l'ii semble suspect. Par ses al-
lures, il en instriiit son maître.
Il est utile de lui apprendre à distinguer les uniroi-mos des
troupes opposées. ;Mais, de nuit, cette précaution deviendrait
inutile. Dans ce cas, son r<)le est plus restreint; son odorat
seul peut le guider. Or, c"est précisément la nuit que sa
garde est indispensable.
Son maître devra le dresser au crépuscule. Pour cela il
l)rendra un compère en lui indiquant les manœuvres à suivre.
Quand ce dernier aura disparu, le dresseur en avertira son.
Chien en lui criant : attention. Puis il le fera chercher en
évitant le moindre aboiement.
L'emploi des Chiens dans le service des dépèches oftVe en-
core des avantages incontestables en vitesse et en sùri'té. Ces
animaux surmontent les difficultés du terrain et économisent
voitures et cavaliers. Leur dressage est assez comi)liqué.
Pour y arriver, deux personnes se placent à environ cent
pas l'une de l'autre. Le Chien envoyé à tour de rôle par son
maître ou par le compagnon de celui-ci devra atteindre le
but. On augmente graduellement la distance à franchir.
Quand on est à mille pas, il est nécessaire de laisser l'animal
reprendre haleine. Ce dressage se pratique d'abord en plaine
découverte, a lieu plus tard sur un terrain accidenté, boisé,
avec des haies ou des fossés que le Chien traversera. Aucun
obstacle ne devra l'arrêter dans .sa course.
SUR LES MONSTRUOSITÉS
DU CYPRIN DORÉ DE LA CHINE
ET LA REPRODUCTION AU MUSÉUM DE LA VARIÉTÉ
DITE TÉLESCOPE
Pah m. Lkon vaillant,
Prolessiir au Muséum.
Les modifications moiistriieiises que peuvent offrir les pois-
sons n'ont pas d'exenijjle pins frappant que celui présenté
par le Cyprin doré rîe la Chine (Carassius aurains, Lixné),
vulgairement connu en France sous le nom de Poisson rouge,
l'espèce sans contredit la plus connue et la mieux étudiée
sous ce rapport.
Le lait fut constaté dès l'origine de leur importation en
Europe au commencement du xviiit^ siècle, d'après l'histo-
rique de la question donné par Valenciennes, auquel je me
])orne ici à renvoyer (1), et l'iconographie la plus complète de
ces différentes monstruosités est encore la peinture chinoise
sur rouleau, donnée en 1772 par les Missionnaires au ministre
secrétaire d'Etat, Bertin, laquelle a servi pour le travail, par
malheur inachevé, de Martinet et Sauvigny (2). Ce rouleau,
actuellement conservé à la bibliothèque du Muséum d'his-
toire naturelle, était accompagné d'une notice, analysée par
Valenciennes, dans laquelle les Missionnaires indiquent les
jirincipales variétés admises en Chine, avec les noms qu'on
leur applique en ce pays.
D'après les détails donnés, les qualités qu'on recherche
sont dénatures diverses. Tantôt il s'agit de modifications plus
ou moins bizarres de la forme, telle est YŒuf de Cane à
corps raccourci, Y Œil de Di^agon dans lequel le globe ocu-
(1) Cuvier et Valenciennes, Hi.^toiie des Poissons, t. XVI, p. lOS et suiv..
1842.
(2) Marlinet et Sauvigny, Histoire naturelle fl's Dorades de la Chine, in-fol.,
3C pi., 24 pages, 1780.
LE CYPRIN DORE DE LA CHINE. isy
laire devenu proéminent sort en quelque sorte <le l'orbite.
D'autres fois ce sont des colorations particulières, telle est la
variété dite Nymphe, dans laquelle la robe est tendre et
irisée, celle dite le Lettré dont le corps porte des maculations
rappelant l'écriture chinoise, cette dernière serait obtenue,
dit-on, artificiellement par une opération spéciale faite an
tégument. Enfin des variétés sont basées sur des habitude'^
biologiques, dont quelques-unes d'ailleurs pourraient bien
être en rapport avec des modifications anatomiques défi-
nies, tel est le Dormeur, ainsi nommé parce qu'il se tient de
préférence au fond de l'eau, ne sont-ce pas les individus chez
lesquels Valenciennes a constaté la présence d'une vessie
natatoire anormale réduite à la poche antérieure? Citons
encore parmi les variétés éthologiques le Cahrioleuv qui
« est dans l'habitude de sauter fréquemment au-dessus de
l'eau, obliquement comme le font d'ailleurs nos Carpes (1) ».
Ces faits montrent assez l'attention prêtée par les peuples
de l'Extrême-Orient à l'élevage de ces poissons et aux modi-
fications que la culture peut leur imprimer.
Bien qu'aujourd'hui en Europe, nou.s ayons vu à différentes
reprises arriver quelques-unes de ces variétés domestiques,
plusieurs nous sont encore inconnues, et dans nos musées, où
-les spécimens sont nombreux, il n'est possible d'avoir égard
qu'aux modifications anatomiques ou mieux morphologiques,
puisque seules elles demeurent appréciables et fournissent
des caractères positifs pour classer ces anomalies.
C'est la méthode qu'a suivie M. Gunther dans son catalogue
des poissons du British Muséum (t. VII, p. 33, 1868) en grou-
pant les différentes variétés de la manière suivante :
1° Forme du corps et nageoires normales ;
2° Colonne vertébrale déformée, nageoires parfaites ;
3° Dorsale réduite à un rayon dentelé et quelques rayons
mous ; les autres nageoires normales ;
4° Dorsale réduite comme dimension, épine anale double ;
5° Dorsale manquant; les autres nageoires parfaites ;
6° Caudale tri ou quadrilobée; dor.sale présente;
7« Caudale tri ou quadrilobée ; dorsale nulle ; yeux
normaux ;
(1) Cuvier et Valenciennes, loc. cit., p. Ilîi.
490 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
8» Caudale, trilobée; dorsale nulle; yeux très grands, sail-
lants.
Ces divisions répondent-elles à toutes les anomalies anato-
miques observées et possibles, certainement non, et cette
disposition, acceptable lorsqu'il s'agit de faire connaître les
individus que renferme une collection donnée, devient insuf-
fisante si on veut l'appliquer à l'universalité des cas. Elle
présente de plus, dans la pratique, l'inconvénient de ne pas
se prêter aux intercalations, que le progrès de nos connais-
sances rendrait nécessaires, et lorsqu'un type nouveau vient
à se rencontrer, on est dans l'obligation, s'il est intermé-
diaire, de changer complètement la notation des groupes, ce
qui peut amener des confusions.
Quoique la question n'ait en somme qu'une importance
secondaire, puisqu'il s'agit là de groupes mal définis, ou, plus
justement, indéfinissables par leur essence même en dehors
des règles normales de la nature, il parait cependant possible
davoir une base meilleure en adoptant la méthode introduite
par Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dans son ouvrage juste-
ment célèbre de Tératologie, c'est-à-dire en appliquant aux
groupes des noms résumant les principales anomalies, qui
caractérisent les êtres réunis dans chacun d'eux.
En laissant de côté, comme cela vient d'être dit, les altéra-
tions éthologiques et celles qui concernent les changements
de coloration, n'ayant par suite égard qu'aux variations mor-
phologiques proprement dites, on reconnaît que les modifi-
cations portent principalement : 1" sur la forme générale du
corps ; 2" sur les nageoires ; '3° sur l'organe visuel.
Les premières sont de deux sortes. Dans le cas le plus fré-
quent le tronc se raccourcit suivant l'axe longitudinal et
s'élargit transversalement prenant une forme plus ou moins
globuleuse {Sphérosomië). D'autrefois la modification porte
sur la dii-ection de la colonne vertébrale et le dos, au lieu de
présenter une courbe régulière, est. en quelque sorte, angu-
leux produisant une véritable gibbosité [Cijpliosomié).
Les monstruosités, qui dépendent des nageoires pouvant
atïècter chacune d'elles, sont par cela même nombreuses, mais
n'atteignent pas au même degré, ni avec la même fréquence
chaque sorte de ces organes. D'une manière générale on peut
poser en principe, que les nageoires impaires (Epiptère,
LE CYPRIN LOIŒ LE LA CHINE. 491
llypoptère, Uroptère) sont plus profondément et plus ordi-
nairement modifiées que les nageoires paires {Pleuropes,
Catopes).
Les seules modifications à signaler pour la nageoire dorsale
sont, pourrait on dire, dégénérescentes. Le nombre des
rayons diminue et la dimension de l'organe s'amoindrit [Mei-
é/'ipiérie), dans certains cas cela peut aller jusqu'à dispari-
tion complète [Anépiptérie] ; cette monstruosié ne paraît pas
excessivement rare, cependant elle a été jusqu'ici peu vue en
Europe.
La nageoire anale ne manque jamais, mais elle se modifie
en se dédoublant d'une manière plus ou moins complète dans
le plan vertical [DipllLypoidérie). Cette division peut être
partielle et porte alors sur l'épine dure, qui, divisée, forme
une sorte de gouttière antérieure, le reste de la nageoire
étant simple [Mérodiplhyfioptérie) ; plus souvent elle est
totale, la nageoire se trouvant sur toute son étendue partagée
en deux lames indépendantes, l'une droite, l'autre gauche
( Paniadipl/typoptérie).
La nageoire caudale est celle qui subit les modifications les
plus frappantes. Parfois il se produit à la partie supérieure
une sorte de duplicature de l'organe, le bord libre, au lieu
dètre tout à fait supérieur, s'infléchissant sur le côté par une
sorte de reploiement de la nageoire en ce point [Piychuro-
plérié). Cotte monstruosité, qui n'avait pas que je sache été
encore signalée, n'a pas d'ailleurs l'importance de celle, plus
fréquente, qui résulte, comme pour la nageoire anale, du dé-
doublement [Dlpluroptérie). Celui-ci est également partiel
ou complet [Mérodiplnroptàrie et Pantadipluroptérie) . Le
dédoublement s'effèctuant de bas en haut, le bord supérieur
subsiste parfois, mais si la fissure l'entame et le fait dispa-
raître, la queue, étalée, se divise en lobes, donnant lieu à une
monstruosité d'un aspect assez spécial pour mériter d'être
considérée comme distincte (Loplncroptérie).
La dipluroptérie peut exister sans qu'il y ait diplhypop-
térie, mais la condition inverse n'a jamais été signalée
jusqu'ici, du moins je n'en trouve aucune mention faite par
les auteurs et je ne l'ai pas observée.
Quant aux nageoires paires, les seules modifications sont,
pourrait -on dire, accrescentes et portent sur leur élon-
'^3Ltion{. \Jac)Opodie), qui peut devenir considérable, jusqu'à
492 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
transformer ces organe? en sortes de panaches flottants.
Enfin pour les yeux, leur Yokime peut augmenter dans de
telles proportions, qu'ils deviennent proéminents sur les cOtés
de la tète [Exophthaimie). Il est à noter que, d'après nos
observations, cette monstruosité ne serait pas primitive, les
petits ont toujours au début les yeux régulièrement déve-
loppés et c'est avec l'âge que ces organes deviennent sail-
lants. Dans certains cas la difformité peut être unilatérale.
Des phénomènes de coloration du tégument me paraissent
être corrélatifs de cette exo[)hthalmie.
Le Cyprin doré, le fait est connu depuis Baster (1), ne revêt
que tardivement, quand il doit les prendre, les brillantes cou-
leurs de l'adulte. A l'état jeune sa coloration, d'un vert olive
ou mordorée, rappelle celle de la Carpe et de bon nombre
d'autres Cyprins. Toutefois on a pu constater dans nos éle-
vages que les individus exophthalmiques ont à un certain
moment une coloration sombre, noir bleuâtre, avec une ap-
parence pruineuse, en sorte qu'ils tranchent sur les animaux
de la même génération pourvus d'yeux normalement déve-
loppés. Les recherches de M. le professeur Pouchet relatives
aux changements de couleurs des poissons, ayant montré
une liaison entre l'intégrité de l'organe visuel et la possibilité
de ces changements, n'est-il pas permis de penser que la
différence d'aspect des deux sortes de petits Cyprins dé-
pend de la différence de constitution de l'organe visuel, carie
D*" Georges Camuset (2) a prouvé que des altérations patholo-
giques très sensibles accompagnent cette anomalie.
Sur certains individus, on vient de le voir, l'œil d'un côté
est proéminent, tandis que celui du côté opposé reste normal,
dans ce cas ce dernier parait avoir la prépondérance, la
coloration étant alors celle des petits à organe visuel régu-
lièrement développé.
L'exophthalmie se produisant, comme je l'ai dit plus
haut, alors que les poissons ont acquis une certaine taille, au
moins 2 à 3 centimètres, il s'ensuit qu'au début tous les
jeunes sont uniformément et normalement colorés. D'autre
part, lorsque les Carassins dorés de Chine de la variété Téles-
cope sont parvenus à l'état adulte leur coloration est aussi
(1) Cuvier et Valenciennes, loc. cit., p. 105, 1842.
12) Comptes rendus des sifances de l'Acadc'mie des Sciences, tome LXXVIII,
, p. 198, Séance du 19 janvier 1874.
LE CYPRIN DORÉ DE LA L'HLN'E. 493
diversifiée, aussi brillante, que dans la variété domestique
ordinaire, mais ces teintes si riches sont dues à des modifica-
tions de la peau, assimilables plutôt à une sorte d'albinisme,
c'est-à-dire à la disparition plus ou moins complète des pig-
ments et des cliromoblastes normaux. Il y aurait là une suite
de recherches spéciales à faire sur la structure de la peau
dans ces différents états, recherches ({ue je me contente de
signaler, me bornant ici à l'exposition des faits morpholo-
giques.
Pour fixer les idées sur les considérations précédentes, je
donnerai le tableau suivant qui résume cet exposé dans ses
traits généraux :
^ ( irlobuleux Sphérosomic .
Corps ' .^, ^ , .
( gibbeuK Cyphosoinic.
, „ .1 réduite Meiépiptérie.
l Dorsale „ ....
l ( nulle Anepipteric.
impaires. ) Anale dédoublée Diplhypopteric.
/ [ replie'e Ptychuroptc'iie.
Nageoires <( \ Caudale < dédoublée Dipluroptérie.
( lobée Lophuroplerie.
paires prolonj^ées Macropodie.
Yeux proe'mineuts Exophlhalmie.
Il ne faut pas attacher à ces considérations systématiques
et surtout à cette nomenclature une importance exagérée.
Pour ce qui est dps premières, la monstruosité étant, par es-
sence, une affaire de degré, il serait puéril de regarder les
distinctions établies, comme nettement limitées, elles ne peu-
vent servir, en quelque sorte, que d'étiquettes pour grouper
d'une manière plus ou moins heureuse les cas qui, dans l'ex-
trême variété, présentent entre eux plus de ressemblance
qu'avec les cas voisins. D'ordinaire, d'ailleurs, plusieurs de
ces difformités coexistent sur un même individu. Ainsi dans la
variété connue, depuis Lacôpède, sous le nom de Télescope
et qu'on peut regarder comme un exemitle de monstruosité
des plus compliquées chez le Cyprin doré, à la sphérosomie se
joint la pantadipluroptérie , la lophuroptérie et l'exoph-
thalmie (1). La nomenclature formulée dans le tableau ci-
(1] Voir une ligure, d'après Lacépède, donnée dans : Lcj Poissons d'aqujfium
[Remte des Sciences naturelles applijuifes, 1S92, 1" seoiestre, p. 470).
494 RfVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
dessus est proposée, comme susceptible de iaciliter dans les
descriptions l'exposé des laits en permettant de les i>réciser.
Valenciennes a, depuis longtemps, signalé la tendance que
montrent les Cyprins dorés monstrueux à revenir au type
normal dans nos climats. « On est arrivé, dit-il, à ce lait
curieux dans l'étude philosophique des espèces, que peu à peu
la forme primitive que la nature a créée pour cette Dorade a
repris, par la force plastique de son développement, son type
originaire » (1). Toutefois aucune observation n'a été faite à
cette époque ou depuis pour précise,r la marche de ce retour
à rétat normal. Or, il m'a paru qu'il se faisait avec une rapi-
dité singulière et que ce n'est pas avec lenteur comme le dit
l'auteur précité, mais en quelque sorte brusquement. C'est au
moins ce que tendent à montrer des expériences entreprises
à la ménagerie des Reptiles du Muséum et dont il me reste
à parler.
Les premières observations furent, en quelque sorte, in-
volontairement faites sur des animaux abandonnés à eux-
mêmes.
En 1885, M. G. Beauvais rapportait de Singapour à la mé-
nagerie du Muséum, six Carassiu's auratus appartenant plus
ou moins à la variété dite Télescope. Pendant quatre ou cinq
années, ces animaux, placés dans un des bacs de la salle des
Aquariums, pondirent à différentes reprises, mais les édu-
cations, abandonnées à elles-mêmes, marchaient assez mal
et c'est par hasard que quelques-uns des petits arrivaient
à bien.
Remarquant, d'autre part, que des Poissons rouges ordi-
naires se multipliaient, sans soin aucun, avec la plus extrême
facilité dans les bassins extérieurs des parcs où Ton place
des Tortues pendant la belle saison, et que leur progéniture
s'y développait en abondance, je pensai à y placer nos repro-
ducteurs monstrueux, ce qui fut fait au printemps de 1801.
Il ne restait plus alors qu'un seul des exemplaires ijrimitiis
et l'un des moins parfaits au point de vue de la monstruo-
sité étant bien sphérosome, mais avec exophthalmie incom-
plète et la queue simple, puis, des générations successives,
un Individu de la première ponte ayant à peu près l'apparence
(1) Cuvier el ^'ale i.Icuulï, loc. cit., p. 12u.
LE CyPlUN DORÉ DE LA CU'A'E. 495
du précédent sauf une diplnroptérie prononcée, cinq autres
individus de la seconde, à peu près semblables à celui-ci,
enfin un de la troisième, mais ayant la queue moins déformée.
Ces huit poissons, dont les sexes respectifs n'ont pu être
exactement déterminés, furent pris comme reproducteurs.
Nous avions encore deux autres individus provenant de ces
différentes pontes, dont un aj^ant fait absolument retour à la
forme normale, ils furent laissés à part. On voit ttjutefois que
la forme typique était déjà retrouvée.
Dans ces conditions nouvelles la reproduction s'effectua
parlaitement et l'on vit bientôt un grand nombre de jeunes.
La plupart, malheureusement, disparurent ayant peut-être
été entraînés dans le trop-plein béant du bassin ou dévorés
])ar les parents, plutôt encore par des Tortues d'eau douce
laissées dans le parc, ou, enfin, détruits par quelques-unes
des mille causes, qui contrarient toujours plus ou moins ces
sortes d'éducations. Quoi qu'il en soit, au mois d'octok'e,
on put recueillir 23 petits. Sept d'entre eux se montrèrent
spliérosomes, 2 en même temps dipluroptères, mais sur les
5 autres la queue était simple; on a noté également sur un de
ces exemplaires la tendance marquée à tourner sur lui-même
pour se tenir au repos le ventre en l'air. Chez le reste des
sujets, l'aijparence était à peu près ou tout à fait normale,
3 présentant une légère diplnroptérie, 4 exophthalmes avec
la caudale simple, mais les 9 derniers n'offrant aucune ano-
malie bien sensible.
Ces expériences étaient, comme on le voit, plutôt prépara-
toires et, tout en confirnumt nos pi'évisious, c'est-à-dire la
tendance de ces monstres à retourner rapidement au type
l)rimitif, ne fournissaient que des données approchées sur la
marche du phénomène, car les reproducteurs ne pouvaient
être regardés comme suffisamment bien choisis et le nombre
réduit des nouveaux individus ne permettait pas d'être suffi-
samment à l'abri de graves ei'r<'urs sur la proportionn;ilifé des
sujets modifiés en retour.
Pour obtenir des résultats [)his pi'écis, j'ai recommencé,
l'année suivante, l'expérience en la conduisant d'une manière
lilus méthodique. On s'est d'abord procuré, i)ar l'intermédiaire
de M. .](Minet. un couple de ces poissons présentant ce (judii
jieut regarder connue monstruosité extrême. Fis avaient, en
effet, l'un et Tautn-, le coi-fis globuleux, la nngf'oirc ;iti;il(^ d(''-
4!»(j UL\UE DES SCIENCES ^NATURELLES APPLIQUÉES.
doublée complètement, la caudale également dédoublée en to-
talité et de plus quadrilobée. enfin, les yeux saillants. Le
bassin dans lequel on devait les placer, lut vidé complè-
tement, nettoyé, et resta quelque temps à sec, pour être
certain de n'y laisser subsister aucun des poissons, qui l'a-
vaient occu[)é précédemment On eut la précaution de retirer
toutes les Tortues d'eau douce, Emydes, Cistudes, etc., lais-
sant dans le parc les Tortues mauritaniques seulement,
espèce terrestre de petite taille, plutôt herbivore et qui, en
tout cas, n'attaque pas les poissons.
M. Desguez, commis de la ménagerie, qui suivait ces expé-
riences avec son zèle ordinaire, vit, pendant quelque temps, le
couple de Cyprins télescopes nager çà et là sans se recher-
cher, puis on n'en aperçut plus qu'un, la femelle, le mâle
avait disparu. Il fut heureusement possible de s'en procurer
un autre, qui vint remplacer le premier.
La chaleur augmentant avec le cours de la belle saison, les
animaux parurent prendre plus d'activité et bientôt, en effet,
eut lieu une première ponte, car le 27 juin, se montrè-
rent une multitude de petits très actifs, qu'on voyait se
chauffer- au soleil, sur le bord incliné du bassin et poursuivre
avec vivacité les animalcules dont ils faisaient leur nour-
riture.
On préleva, à cette époque (2S juin 1892), une demi-dou-
zaine de ces poissons pour un examen préparatoire. Leur
longueur variait de O-^.UlO à 0'",012 ; la forme du corps
et la saillie des yeux étaient sensiblement les mêmes chez
tous, on n'observa de variation, mais très appréciable, que
dans les nageoires impaires Trois d'entre eux étaient à la fois
diplhypoptères et diplui-optères, cette dernière anomalie allant
jusqu'à la division de la caudale en lobes: deux avec l'anale
régulièrement conformée, présentaient la caudale modifiée
des précédents; le dernier, enfin, n'avait pour toute difîbrmité
qu'une caudale à bord supérieur simplement replié (ptjxhu-
roptérie). A cette période du développement, les écailles ne
sont pas encore déveloi)pées et la coloration, il est à peine
besoin de le dire, était chez tous uniforme.
Le restant des individus fut laissé dans le bassin où ils con-
tinuèrent à se développer, formant une population des plus
remuantes et des plus vigoureuses ; il est vrai que la chaleur
et la continuité du beau temps, qui caractérisèrent cette an-
LE CYPRIN DORÉ DE LA CHINE. 497
née, fut particulièrement favorable à ces animaux. Il dut y
avoir une seconde ponte, car à un moment on vit apparaître
des individus de très petite taille au milieu des précédents ;
peu de temps après il devint impossible de les distinguer de
ceux de la première génération.
Au mois d'octobre une pêche générale fut effectuée et l'on
recueillit 117 individus. Le nombre en aurait dû être certai-
nement beaucoup plus considérable , mais sans parler de
quatre exemplaires donnés au mois d'août à M. le professeur
Sabatier de Montpellier, plusieurs des causes indiquées pré-
cédemment en avaient fait disparaître une certaine quantité.
Ces in Cyprins furent examinés un à un et répartis par
sortes, en ayant particulièrement égard à la disposition de
l'anale et de la caudale.
Le premier groupe comprend les individus rappelant le type
des parents, c'est-à-dire ayant' l'anale double et la caudale
entièrement divisée, étalée. Il renferme 36 sujets, tous sphé-
rosomes et la plupart exophthalmiques, quatre seulement
faisant exception pour ce dernier point.
Le second groupe est formé des individus ayant l'anale
simple, mais la caudale, entièrement divisée, étalée comme
chez les précédents. Quant à l'anale il est bon de remar-
quer que, pour ne pas multiplier par trop les divisions, on a
compris ici quelques individus, deux ou trois, ayant bien cette
nageoire simple dans sa portion molle, mais avec l'épine dure
antérieure divisée (mérodiplhypoptérie). Ce gTou[)e est de
beaucoup le plus nombreux, on y compte 63 individus. Le
corps est encore globuleux; quelques sujets n'ont pas les
yeux saillants, mais, normalement à fleur de tète.
Enfin dans un troisième groupe sont placés les individus
avec l'anale et la caudale simples. Ici encore je fais entrer un
certain nombre de sujets chez lesquels le bord supérieur de la
caudale se replie formant duplicature (ptychuroptérie). Ces
animaux sont au nombre de 18, le corps tend à s'allonger, les
yeux sur trois d'entre eux ne sont pas saillants, nous trouvons
donc là des sujets les uns se rapprochant beaucoup du type
normal, d'autres le redonnant d'une manière complète.
Ainsi dès une première génération obtenue de sujets choisis,
la tendance à la forme originelle se manifeste avec une incon-
testable énergie, car un tiers à peine, 31 "/o, reproduisent en
totalité les caractères anormaux des parents. Le plus grand
D Juin 181-3. 32
498 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
nombre, soit 54 0/0, la moitié si l'on veut, tout en conservant
quelques-unes des particularités anormales, la queue divisée
et étalée, ont cependant déjà l'anale simple. Enfin, le reste,
15 0/0, environ le sixième ou le septième du nombre total,
perdent plus ou moins complètement, peut-on dire, les carac-
tères monstrueux des parents pour reprendre l'apparence du
type primitif.
Il n'est donc guère douteux que, par une sélection con-
venable, c'est-â-dire en employant pour la reproduction,
comme nous comptons le faire, les sujets du dernier groupe,
la forme originelle ne devienne de beaucoup prédominante
et que dès la deuxième ou troisième génération, le type
primitif seul soit reproduit.
UN NOUVEAU FLÉAU
DE NOTRE RICHESSE POMOLOGIQUE
LA CIIEIMATOBIA BRUMATA (Duponchel)
MOYENS RATIONNELS DE DESTRUCTION j
Par m. DECaUX,
Membre de la Société eulomologique de France,
Depuis cinq ou six ans, et probablement plus longtemps,
les Pommiers à cidre et ceux des jardins et des pépinières du
département du Calvados et pays voisins, sont attaqués par
un Papillon de la lamille des nocturnes, de la tribu des pha-
lénites, du genre (1) CheimatoMa.
La CHEIMATOBIA BRUMATA, Dup., est beaucoup plus
nuisible aux Pommiers q\\Q'VAnthonome.
Les agriculteurs de la Normandie, de la Bretagne et de la
Picardie, cultivant le Pommier à cidre, effrayés à juste titre
de ce nouveau fléau, ont émis le vœu (Assemblée de la Société
des agriculteurs de France, février 1893) que le transport des
jeunes Pommiers provenant des pays infestés par la Cheima-
toMa, soit prohibé pour empêcher la propagation de cet in-
secte. Nous ferons connaître, plus loin, l'insuffisance de cette
mesure.
Description de l'insecte.
Pajiillon mâle [flg. 1 a). —Long. 12 millimètres, envergure
22 à 25 millimètres, gris, antennes ciliées, moins longues que
le corps; tète et corselet d'un gris brun ; abdomen d'un gris
jaunâtre; ailes supérieures d'un gris roussâtre, traversées
(1) Il a passé dans divers genres et s'est appelé : Geometra brumnta (Linni';\
Phalœna bi:umata (Latr.), l'Iialœiia hijehialis (DEuiiiiii.), Acidalia bnniiata
(Treits.).
500 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
par quatre petites lignes d'une teinte pins Ibncée, légèrement
dentées en scie ; ailes inierienres gris-roiissâtre, un peu plus
pâle, avec l'apparence de deux petites raies obscures.
Papillon feimdleifig. 1 &). — Long. 12 millimètres, d'un gris
noirâtre, avec le corps épais et raccourci, aptère ou" plutôt
n'ayant que deux très petits moignons d'ailes grisâtres, mar-
i a. Ckeimatobia hiumata mâle. — -/ h. Femelle. — 7 r. Clienille. — 1 d. Chry-
^ i salide. — -/ c. Femelle enj^'luee. — / /; Cocons parasites sur la Cheuille
jTroEsie.
.2 a. Gcometra defvliaiia mâle. — ^ h. Ftmelle.
qués d'une petite raie noire ; pattes longues, annelées" de
blanc et de noir et munies d'épines.
Clienille [fig. i c). — Long. 12 à 15 millimètres, vert pâle ou
vert blanchâtre, portant sur son dos des raies longitudinales
blanches^ trois de chaque côté de la ligne dorsale, qui est
d'un vert un peu pins l'oncé que le reste, elle n'a que dix
pattes, six en devant sous les trois premiers segments, deux
UN NOUVEAU FLEAU LE NOTRE RICHESSE POMOLOGIQUE. 501
sur le dixième segment et deux à l'extrémité de son corps. On
les désigne sous le nom d'arpenteuses, parce qu'en marchant
elles semblent mesurer l'espace, en y appliquant la longueur
de leur corps.
t
Historique.
Dès 1777, la Ch. brimiata (Dur.) a été signalée en Suède,
par Esper (Die Sclwietterlinge in abdildimgen nach der
naiur., Erlanger 1777, V. 1794, supp. Hs 1804).
Ce savant professeur fait connaître les immenses dégâts
causés par la Chenille, aux forêts de Chênes des environs
d'Erlanger; il recommande en octobre de placer autour des
arbres une bande rendue gluante, avec du goudron de Nor-
vège, qu'on renouvelle chaque fois qu'elle se dessèche; par ce
procédé, il aurait arrêté 28,000,000 de femelles qui restèrent
empêtrées sur les bandes gluantes.
En 1785, un entomologiste parisien, Buc'hoz (Histoire
des insectes, p. 315, éditée chez Guillot, rue Saint-Jacques)
rapporte au sujet de la ChewiatoMa « on peut enduire tout
» le tour du tronc, à la largeur de deux pouces avec une ma-
» tière gluante et visqueuse ; lorsqu'elles veulent se tramer
» (les chenilles et les femelles) sur cette barrière, leur pattes
» s'y attachent, et elles ne peuvent plus avancer; alors il
» faut avoir soin de visiter l'arbre de temps en temps, afin
» d'ôter les insectes qui sont pris au piège qu'on leur a tendu
» pour les écraser ; si on les laissait, leur corps servirait de
» planche à d'autres pour traverser la barrière sans s'en-
» gluer. »
Le même savant recommande de faire brûler sous les
arbres, de la paille mouillée en y ajoutant un peu de soufre,
la fumée très épaisse qui monte dans l'arbre étourdit les
Chenilles qui tombent i)ar terre, il faut les écraser tout de
suite, autrement, dès qu'elles seraient revenues de cet état
elles regagneraient les arbres.
M. Briiand d'Uzelle [Catalogue systématique des Lépidop-
tères, Besançon, 1845) conseille également de placer des an-
neaux gluants autour des arbres, pour empêcher les chenilles
et les femelles de monter aux arbres.
M. Delacourt {Essai sur tes insectes qui attaquent les
arbres fruitiers, 1850) fait bien connaître les mœurs de la
502 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Clieimatobia et préconise les tandes gluantes pour empêcher
les femelles de monter aux arbres.
M. Goureau, dans son excellent ouvrage : Des insectes
nuisibles aux arWes fruitiers, etc., 1862, signale plusieurs
insectes qui vivent en parasites aux dépens des chenilles de
Ch. hrumata, nous en parlerons plus loin.
Il appelle l'attention sur une maladie de la chenille Cheima-
tobia, qui lui paraît plus grave.
a Elles nourrissent dans leur corps un ver de la grosseur
» d'un fil, long de 4 à 5 centimètres, ressemblant exactement
» à un morceau de chanterelle de violon pour la grosseur, la
» couleur et la consistance. Ces Vers intestinaux, du genre
» FUaria, arrivent à toute leur croissance vers le com-
» mencement de juin et sortent du corps des chenilles par
» l'anus, ce qui indique qu'ils se tiennent dans le tube intes-
» tinal. »
Il ne nous a pas été donné de pouvoir vérifier cette obser-
vation pour cette espèce ; mais nous avons déjà trouvé des
Vers semblables dans plusieurs autres espèces de chenilles.
M. le D"" Boisduval (Essai sur Ventomologie horticole,
1866) confirme ce qui a été dit par ses prédécesseurs : sur
la ponte en novembre d'environ 250 œufs, déposés par la
femelle par petits groupes de 4 à 6 œufs à la base des bour-
geons, etc. . .
Comme on le voit, tous les auteurs, depuis Esper {17'77),
ont préconisé les bandes gluantes pour détruire. Ch. bru-
mata sans ajouter aucun autre procédé. Nous allons voir, en
étudiant plus intimement les mœurs, que les bandes gluantes,
tout en donnant d'excellents résultats, ne suffisent pas dans
le cas d'une forte invasion de Cheimaiobia.
Dans une brochure, Le Pommier, ses principaux ennemis
(Ceuille des jeunes naturalistes, juillet et août 1892), nous
avons déjà exposé succinctement les mœurs et les divers
moyens à employer pour détruire Ch. brumala. Nous nous
proposons, dans cette étude, de compléter ce travail par de
nouvelles observations personnelles.
Mœurs.
La Cheimatobia b^mmata (Dup.) est un Papillon crépus-
culaire n'ayant qu'une génération par an. La ponte a lieu du
TJX NOUVEAU FLÉAU DE NOTRE RICHESSE POMOLOGIQUE. o03
24 octobre au 6 ou 8 décembre. La femelle, qui n'a que des
moignons d'ailes impropres au yoI , grimpe avec la plus
grande facilité après le tronc des arbres ; après l'accouple-
ment qui a lieu sur le Pommier, elle gagne les parties les plus
élevées pour y déposer ses œufs par petits paquets de 2 à 6
œufs, à la base des boutons à fleurs, des boutons à feuilles et
sur les lichens qui végètent sur Pécorce des jeunes pousses
de deux ans; ces œufs, à peine visibles à l'œil nu, sont d'un
gris verdâtre, et la femelle en pond 200 à 250 ; elle les assu-
jettit au moyen d'une gomme qui se dessèche et que les pluies
ne peuvent plus dissoudre ; ils peuvent résister aux froids les
plus rigoureux. Il n'est pas rare, en Suède, de voir, en hiver,
la température s'abaisser à 28" ou 30 centigrades au-dessous
de zéro, les œufs de CheimatoUa n'en ont jamais souffert.
Les éclosions de femelles et la ponte sur l'arbre se prolon-
gent pendant environ 40 à 45 jours, elles commencent géné-
ralement vers le 24 ou le 28 octobre et se terminent vers le
5 au 10 décembre ; la grande montée des femelles a lieu du
2 au 28 novembre.
On comprend sans peine, que par une soirée douce, la
montée est beaucoui) plus importante que par un temps froid
au-dessous de zéro degré. Cependant nous avons observé
qu'une gelée de 6 à 8° centigrades ne tue pas les Papillons
éclos de la veille, ils restent engourdis, cachés dans les
herbes ; qu'en outre , il y a très peu de montée avec de la
gelée.
Les œufs commencent à éclore au printemps, vers le mi-
lieu d'avril, selon la température, l'éclosion peut se continuer
chaque jour jusqu'au 10 mai.
En naissant, la Chenille attaipie les extrémités encore
tendres des bourgeons qui vont s'épanouir, bientôt elle s'en-
fonce dans le bouton et s'y installe, mais que ces boutons
doivent donner des fleurs ou des feuilles, elle prend presque
toujours la précaution d'en lier l'extrémité avec un fil de
soie pour empêcher que les écailles, en s'épanouissant, ne la
laissent sans abri. Lorsque les pétales commencent à s'allon-
ger, les Chenilles s'installent dans la corolle qu'elles rongent
jusqu'au réceptacle qui i)orte les organes de la fécondation, il
est évident que les fleurs ainsi mutilées ne se nouent pas et
ne donnent pas de fruit. Si quchpie fruit vient à se nouer,
elles le recherchent avec encore plus d'avidité et le dévorent
o04 KEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
entièrement, à l'exception de la queue. Lorsque cette nour-
riture Tient à leur manquer, elles se rejettent sur les feuilles
les plus tendres ; vers le 15 au 20 mai, elles ont de 10 à 12 mil-
limètres de longueur. Lorsqu'elles sont nombreuses, l'arbre
est bientôt dépouillé. Les arbres ainsi dénudés de verdure
paraissent avoir été brûlés par la flamme, il n'est pas rare
d'en voir mourir dès la première année. En tout cas, ces
arbres demandent plusieurs années de soins pour se refaire
et donnent rarement des fruits l'année suivante; si les feuilles
sont dévorées plusieurs années de suite, l'arbre ne tarde pas
à périr.
Dans les pépinières, les Chenilles mettent les jeunes arbres
dans un état pitoyable, dès que l'arbre est dépouillé, elles se
hâtent de l'abandonner pour en attaquer un autre à leur por-
tée ; si elles n'en trouvent point, elles se laissent pendre à un
fil qui les conduit à terre, où souvent elles meurent de faim,
sans pouvoir se chrjsalider.
Vers le 5 au 10 juin, la Chenille, arrivée à son entier déve-
loppement, quitte l'arbre au crépuscule, pénètre en terre à la
profondeur de 6 à 10 centimètres, ou se blottit sous une
pierre, sous une motte de terre, pour opérer sa transforma-
tion en nymphe dans un cocon qu'elle forme en agglutinant
autour d'elle des parcelles de terre. La chrysalide est longue
d'environ un centimètre et est d'un brun clair.
La Chrysalide reste en terre sous cette forme jusque vers
le 20 octobre, époque où commencent les premières éclosions
de Papillons.
Remarques importantes.
En 1872, nous avons eu à lutter contre un envahissement
de CTieimatoMa brimiaia , dans le département du Nord
(Beaurain). Les Pommiers et les Poiriers des jardins et des
vergers furent dépouillés de leurs feuilles et de leurs fruits,
plusieurs arbres moururent.
Après avoir consulté les auteurs dont il a été parlé ci-des-
sus, vers le 20 octobre, je fis appliquer sur le tronc des
arbres des bandes de fort papier, de 20 centimètres de large,
recouvertes d'un mélange par parties égales : de goudron de
Norvège et d'huile commune, ou de coaltar et huile dans les
mêmes proportions ; un nombre considérable de femelles fu-
UX NOUVEAU FLÉAU DE NOTRE RICHESSE POMOLOGTQUE. 50o
rent arrêtées (12 à 1800 pour certains arbres), en outre, une
• quantité innombrable d'insectes de divers ordres s'engluaient
chaque jour, soit en volant, soit en grimpant ou en descen-
dant de l'arbre.
Nous avons constaté :
1° Que le vent desséchait le mélange gluant et lui enlevait
ses qualités poisseuses après trois à cinq jours, qu'il lallait
donc renouveler ce mélange au moins tous les cinq jours.
2° Que le froid au-dessous de zéro degré durcissait le mé-
lange gluant et diminuait son action préservatrice.
3" Que lorsque beaucoup d'insectes étaient englués sur la
bande, si l'on ne prenait pas soin de la nettoyer et de remettre
une nouvelle couche de mélange, un certain nombre de fe-
melles trouvaient moyen de franchir le piège en passant par
dessus les insectes englués.
4° Qu'il suffisait de 50 à 100 femelles ayant franchi le piège,
pour voir l'arbre envahi au printemps par 10,000 à 20,00()
chenilles.
5° Mais, ce qui est beaucoup plus grave et complique les
difficultés pour arrêter ce fléau, c'est la possibilité pour cette
chenille, de vivre sur une quantité d'espèces d'arbres et d'ar-
brisseaux, nous l'avons trouvée sur :
Le pommier, le poii'ier, l'orme, le marronnier, le chêne, le
frêne, le tilleul, etc., les haies d'aubépine et même sur les ro-
siers d'une corbeille, qu'elles ont dépouillés de leurs feuilles
en quelques jours.
^ Les vergers étant entourés de haies et d'arbres divers, il y a
là un foyer d'infection qu'il est impossible de combattre avec
les anneaux gluants. Nous ferons connaître plus loin les pro-
cédés que nous avons adjoints et qui nous ont permis de faire
disparaître ce fléau en quelques années.
Contamination.
Des observations qui précèdent, il est facile de comprendre
qu'il ne suffit jias d'interdire le transport dea jeunes pom-
miers provenant de i)ays contaminés par la Cheimalobia
brumata pour empêcher la propagation du mal; pour être lo-
gique, il faudrait aussi prohiber le transport de presque toutes
les espèces d'arbres, aubépines, rosiers, etc.
Normalement la contamination se fait de proche en proche.
506 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
un peu par les chenilles et beaucoup par le papillon femelle.
Il nous a été donné d'observer en novembre, vers 10 heures
du soir, dans le Bois de Boulogne, sur la lanterne d'un bec de
gaz, placé sur la route longeant la Seine, en lace le champ
d'entraînement, un certain nombre de J et $ de CheimatoMa
brumata, les uns accrochés après la lanterne, d'autres grim-
pant après la colonne, et enfin, quelques accouplements tom-
bés à terre. Cette partie du bois étant dénudée à part quelques
grands peupliers, j'ai tout lieu de croire que ces femelles pro-
venaient du château de Bagatelle situé à 4 à 500 mètres de
ce bec de gaz.
Quant à l'hj-pothèse que les femelles accouplées sont em-
portées au vol par les mâles, cela me paraît impossible, j'ai
toujours vu la femelle traînant le mâle, soit sur les branches,
soit par terre ou sur le tronc de l'arbre.
Moyens de destruction.
Le papillon femelle de la Ch. brwnata n'ayant que des ailes
impropres au vol, il faut l'empêcher de monter pondre sur les
arbres, partout où cela sera possible, avec les bandes gluantes.
Après de nombreux essais, nous avons simplifié la manière
d'attacher la bande, en supprimant les ficelles, et obtenu un
mélange poisseux bien supérieur à ceux que nous avions em-
ployés en 1873.
1° Bandes gluantes. — Du 23 octobre au 8 décembre, on
devra placer des bandes de fort papier de 20 centimètres de
large et d'une longueur appropriée à la grosseur des arbres
de façon à ce qu'elles se croisent d'environ 10 centimètres, la
partie à croiser sera enduite du mélange gluant et en fera un
anneau bien ajusté sur l'arbre, sans avoir à employer de fi-
celles. On placera ces bandes sur les arbres, à peu près à égale
distance entre le sol et les premières branches et on les i^ecou-
vrira de l'un des mélanges suivants :
1er mélange : Coaltar — une partie, glycérine non rectifiée,
— une partie.
2« mélange : Goudron de Norvège — une partie, glycérine
non rectifiée, — une partie.
Ces mélanges conservent leur viscosité pendant huit à dix
jours et quelquefois plus longtemps.
Pour empêcher le mélange de couler sur l'arbre, on fera
TJN NOUVEAU FLÉAU DE NOTRE RICHESSE POMOLOGIQUE. 507
bien de disposer un petit lien de foin au bas de la bande, c'est
un nouvel obstacle, pour empêcher la femelle d'arriver jus-
qu'aux branches.
On peut remplacer la glycérine par de l'huile de poisson
qui est meilleur marché, mais ce mélange se dessèche bien
plus vite (quatre à cinq jours). En tous cas, il estmdispensable
de s'assurer souvent du degré de viscosité, et regarnir les
bandes pour les entretenir toujours gluantes et propres pen-
dant toute la période d'éclosion : du 23 octobre au 8 décembre,
c'est-à-dire pendant quarante-cinq jours.
2" Les mêmes bandes gluantes placées autour des arbres,
du 10 mai au 10 juin, pourront engluer les chenilles tombées
des arbres et qui grimpent après le tronc pour arriver aux
branches.
3^ Schmidberger, savant allemand, assure qu'il a obtenu un
« succès complet au moyen d'une caisse sans fond, en planches
» grossières d'un pied de haut, enfermant la tige de l'arbre.
» On l'enfonce en terre à une profondeur de 3 centimètres,
» après avoir cloué le quatrième côté resté libre pour pouvoir
» la passer autour du tronc. Sur le bord supérieur, on attache
» une petite tringle de bois de 8 à 10 centimètres de large,
» formant corniche tout autour. On barbouille fortement le
» dessous de coaltar. Cette boîte restera en place du 20 octobre
» au 15 décembre, elle empêchera sûrement les papillons fe-
» melles de monter à l'arbre. »
Nous avons expérimenté ce piège pour deux pommiers, en
remplaçant la corniche en bois enduite de coaltar, qui se des-
sèche promptement et qu'il faut entretenir gluante, avec les
mêmes soins que les bandes gluantes, par une lame en zinc,
lisse, de5 à 8 centimètres, légèrement inclinée en gouttière. Le
succès a été complet. Ces pièges, remisés après les éclosions,
se conservent longtemps et peuvent être établis à bas prix.
Malgré certains avantages de ces boites, qui, une fois en
place, n'exigent aucune surveillance de l'agriculteur, nous
leur préférons le vieux système des bandes gluantes bien sur-
veillées, qui retiennent i)risonnières et font périr les femelles
engluées ; tandis que les boites préservent les arbres en em-
pêchant les femelles de franchir la bande de zinc, mais les
papillons, après des essais infructueux, peuvent toujours aller
perpétuer leur espèce sur d'autres arbres moins bien pré-
servés et augmenter le fléau.
508 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
4° Destruction des œufs. — Pendant Thiver, du 15 décem-
bre au 15 février, on devra badigeonner les pommiers et
autres arbres qu'on suppose contaminés avec un lait de chaux
fort. A la fin de février, on enlèvera avec soin les lichens
végétant sur les jeunes branches, de une à trois années, avec
une brosse dure; nous savons que les lichens renferment une
partie des œufs de Ch. bnimata; tous ces résidus devront être
détruits par le feu.
5° Destruction des chrysalides. — Du 20 juin au 20 oc-
tobre, la chrysalide se trouve enfoncée en terre à une prol'on-
deur de 6 à 10 centimètres. Dans les parties cultivables, les
jardins, les pépinières, le long des haies (sous les pommiers
des vergers s'il est possible), on devra labourer souvent pour
ramener les chrysalides à la surface du sol où elles seront
dévorées par les oiseaux ou détruites par la sécheresse.
6° Destruction des chenilles en semant sous les arbres, au
mois de mai (10 au 15), un mélange, par portions égales, de
suie de cheminée et de cendres de bois ou de tourbe. Ce pro-
cédé de destruction est basé sur les nombreuses observations
faites par nous, qui ont démontré que toute larve ou chenille
envelo'ppée par ce mélange est prise de convulsions et ne
tarde pas à périr. Or, pour entrer en terre, les larves devront
traverser d'abord la légère couche de suie et cendres et péri-
ront sûrement. Pour les pâture^, on éloignera le bétail des
parties traitées du 10 mai au 15 juin.
"7° En fumant les jardins, les pépinières et les pâtures, avec
des chiffons de laines ou des déchets de coton, des étoupes
imbibés de 8 à 10 % de pétrole, ou des chiffons imprégnés de
pétrole provenant de l'essuyage des machines et de la lam-
pisterie des compagnies de chemins de fer et enfouis dans la
proportion de 3,000 kilos à l'hectare. Des expériences renou-
velées plusieurs fois nous ont démontré qu'aucune larve d'in-
secte : chenilles, vers hlancs, vers gris, courtilières, etc., ne
pouvait vivre dans le voisinage immédiat de ce foyer continu
d'émanations infectes pendant des années.
8" Destruction en développant les ennemis naturels. —
En introduisant dans les jardins et les vergers deux à trois
Crapauds par are de superficie. Le Crapaud commence sa
chasse aussitôt après le coucher du soleil et la continue toute
la nuit; il dévore chaque jour un nombre incalculable de che-
nilles, de charançons, limaces et autres insectes nocturnes
UN NOUVEAU FLÉAU DE NOTRE RICHESSE POMOLOGIQUE. 509
des plus nuisibles. La chenille de Ch. hrumaia, soit qu'elle
tombe de l'arbre, soit qu'elle descende pour se métamor-
phoser, ne peut échapper à sa voracité. En outre, il a
une prédilection pour le papillon femelle qu'il avale à mesure
des éclosions en octobre et novembre, lorsque la température
reste douce; malheureusement le IVoid l'engourdit souvent
Yers le 15 novembre. C'est grâce à ce précieux auxiliaire que
je suis parvenu à arrêter l'extension de la Cheimatobia dans
le Nord, en 1873. J'ai indiqué le moyen de le multiplier, sans
frais, à l'infini (1).
9° En protégeant les petits oiseaux insectivores et en cher-
chant à les fixer dans les vergers, en leur disposant des nids
artificiels. L'arpenteuse "verte est une des chenilles que les
oiseaux recherchent de préférence aux autres pour la nour-
riture de leurs petits; nous avons suivi un couple de mé-
sanges charbonnières : chacun d'eux porte à ses petits une
chenille toutes les deux à trois minutes; il devient facile
d'apprécier l'immense quantité qu'elles détruisent et tout
l'intérêt que nous avons à protéger d'aussi utiles auxiliaires.
En attirant les étourneaux à proximité des vergers, en pla-
çant au haut des grands arbres (i)eupliers, etc ) des nids
artificiels (boites de bois de 35 à 40 centimètres de long sur
16 centimètres de large et de hauteur, ayant à l'un des bouts
un trou suffisant pour le passage de l'oiseau. Comme les
étourneaux cherchent avant tout à mettre leurs nids à l'abri
des oiseaux de proie, ils s'installent volontiers dans ces
demeures qui les protègent, or, les petits sont nourris, d'a-
près nos observations, presque exclusivement de chenilles
des Cheimatobia et Gcometra defuliaria. Cl.
10" Parasites naturels de la clienille. — Nous avons obtenu
l'éclosion d'un petit liyménoptère de la famille des clinl itilens
qui vit dans le corps de la chenille; nous le déterminerons
plus tard, il est probablement inédit? Longueur : 1 1/2 à 'Z'^/"";
corps, tête et corselet vert foncé, pattes testacées-jaunâtres,
ailes hyalines. La larve se transforme dans un petit cocon
qu'elle fixe sur la chenille infestée. iFlg. I f.)
M. Goureau, déjà cité, fait connaître deux autres parasites
vivant de la même manière.
(1) Decaux, Les Acridiens, etc. [Revue des Sciences naturelles apjili//u(fcs
novembre 1801).
510 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Microgaster sessilis (N. d. E.). Long. 3 mil., noir,
assez luisant, antennes épaisses, sétacées plus longues que
le corps, noires; tête et thorax noirs; abdomen lisse, noir;
pattes noires avec l'articulation des cuisses et des tibias
blanchâtre; les ailes sont hyalines à stigma épais, très
noirs.
L'insecte parfait s'échappe de la chenille au commencement
de juin.
Un Diptère, Masicera flavicans (Goureau). Long. 4 mil.,
noire, antennes noires, yeux écartés, face d'un gris jaunâtre,
bande frontale noire, thorax noir à raies grises, abdomen
presque cylindrique, avec de larges bandes à reflets gris,
pattes noires, ailes hyalines, jaunâtres à la base à nervures
noires.
Ce diptère se change en pupe dans la chrysalide et sort
sous la forme de mouche dès le mois d'avril.
Moins heureux que pour les parasites de l'Anthonome (1),
nous ne voyons pas la possibilité pratique de multiplier ces
ennemis de Ch.l>rumala\ cependant, nous avons cru devoir
les faire connaître afin que les agriculteurs ne les détruisent
pas.
GEOMETRA DEFOLIARIA (Cl.) [Fig. 2 a).
Les mœurs de cette espèce ont une grande ressemblance
avec celles de Ch. hmmata; aussi ces espèces sont-elles pres-
que toujours confondues par les agriculteurs.
Sa chenille, à l'état adulte, se distingue à sa couleur rou-
geâtre, avec deux lignes latérales jaune-soufre; elle entre en
terre à la fin de mai pour s'y transformer en une nymphe
d'un rouge-brunâtre. Le papillon se montre en novembre.
Le mâle est une fois plus gros que celui de Ch. brumaia. La
femelle [fig. 2 b), aussi plus grosse, est tout à fait dépourvue
d'ailes, elle monte sur les arbres à la même époque que la pré-
cédente, elle dépose ses œufs sur les branches.
Destruction. Elle devra être combattue par les mêmes
moyens que Chcimatobia brmnata.
[\] Decaax, Les Ennemis du Pommiei\ etc.' [Feuille desjcuii'S Naturalistes,
juillet el août 1892).
un nouveau fléau de notre richesse pomologique. km
Conclusions.
L'étude intime des mœurs de Ch. brianatanousi a démontré
que cet insecte pouvait vivre et se propager sur un grand
nombre d'espèces d'arbres et d'arbrisseaux de nos vergers et
de nos jardins, où la pose des bandes gluantes est impraticable.
D'après les résultats Tournis par les expériences que nous
avons entreprises jusqu'à ce jour, nous pouvons assurer les
agriculteurs des pays infestés par la Ch. drimiata et la Geo-
meira defoliaria qu'ils feront disparaître sûrement ces
insectes, en deux ou trois années, en employant concurrem-
ment les bandes gluantes avec les divers procédés que nous
avons indiqués, et cela sans dépenses spéciales.
La suie, les chiffons pétroles sont des engrais qui peuvent
remplacer ceux qu'on serait obligé d'employer pour rendre de
la vigueur aux arbres ; les labours, les crapauds, les nids arti-
ficiels pour les oiseaux ne demandent que des soins.
Nous ne saurions trop le répéter, l'emploi des bandes
gluantes autour des pommiers pourra sauver quelques
pommes, mais ce procédé est insuffisant pour arrêter la pro-
pagation qui se fait par les haies et les autres arbres ; c'est le
fléau à perpétuité et la ruine de l'industrie cidrière si on
n'agit pas sans perdre une minute.
LES BOIS INDUSTRIELS
INDIGÈNES ET EXOTIQUES
Par Jules GRISARD et Maximilien VANDEN-BERGHE.
( SUITE*)
KURRIMIA ROBUSTA KuRZ.
Annamite vulgaire: Snaï. Cambodge : Sdei/. Cochinchine : La loa.
Arbre d'une hauteur de 35 mètres environ, sur un diamètre
de 60-80 centimètres, à feuilles alternes, entières, coriaces,
penninerves, pourvues de stipules caduques, croissant assez
communément dans les ibrêts de la Cochinchine et du Cam-
bodge.
Cette espèce, ainsi que d'autres du même genre croissant
dans les mêmes localités, fournissent un bois d'une belle
nuance brune, rouge ou violacée, d'une densité au moins
égale à celle de l'eau, très dur et d'une texture analogue au
Trâc [DaWergia). Excellents pour tous les travaux d'ébénis-
terie. ces bois sont recherchés des Annamites pour faire des
meubles et les piliers d'habitations riches, ainsi que pour la
confection des cylindres servant à broyer les cannes à sucre.
Nous mentionnerons encore, parmi les Célastrinées, les
espèces suivantes :
Cassine Capensis L. {Maurocenia Capensis Mill. ; M.
phyllirœa Mill.) Cette espèce, connue des colons du Cap
sous le nom de « Hottentot cherry tree », donne un bois uti-
lisé pour la fabrication des meubles. Le Cassine Colpoon
Thunb. (.C. sphœrocarpa Cels. ; Econymus Colpoon L.) est
une autre espèce, également originaire du Cap, où elle porte
le nom de « Lepelhout ». Son bois est employé pour l'ébé-
nisterie et la marqueterie. Le Cassine Maurocenia L. {Mauro-
(*) Voyez Kevue, années 1891, note p. 542; 1892, l'' semestre, note p. 583,
ei 2« semestre, note p. 517 ; et plus haut, p. 28, 124 et 2(iS.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 313
cenia frangularla Mill.), des mêmes localités, fournit un
beau bois jaune, veiné de brun, emplo3'é pour la (abrication
des instruments de musique.
Denhamia pittosporoides F. Muell. Petit arbre élancé,
d'une hauteur de 8-10 mètres sur un diamètre de 15-20 centi-
mètres, à feuilles alternes lancéolées, croissant au Queens-
land, sur les lisières des taillis. Son bois dur et à grain fin,
est susceptible de poli.
Denhamia obscura Meiss. {D. xantosperma F. Muell.,
D. lieterophylla F. Muell., Leitcocarpon obscurwn A. Rjch.) .
Arbre de petites dimensions à feuilles alternes, oblongues,
lancéolées, croissant dans les taillis du Queensland et de
North Australia. Son bois, solide et d'un grain fin, peut être
utilisé pour le tour et la confection de menus objets.
Goupia glabra AuBL. (? G. tomentosa Xvbl., Glossope-
talum glabriim Schreb.). Petit arbre à feuilles alternes, pé-
tiolées, entières, coriaces, glabres, accompagnées de deux
stipules très petites et caduques, croissant naturellement à
la Guyane. Son bois, blanc et peu compact, est employé par
les indigènes pour la construction de leurs pirogues. Cette
espèce se prescrit quelquefois comme remède astringent
dans les cas d'inflammations et d'ophtalmies.
Maytenus Boaria ^iohm. [CelasLrus Maylemis Willd.,
Senacia Maytemis Wjlld. , Boaria Molinœ DC). Arbre de
dimensions assez fortes, à feuillage persistant, croissant
spontanément dans les régions méridionales du Chili. Son
bois, d'une dureté excessive, est propre à divers travaux
exigeant de la résistance. Ses feuilles sont utilisées en mé-
decine comme purgatives et fébrifuges ; elles constituent, en
outre, une nourriture passable pour les bestiaux, lorsque les
fourrages ordinaires font défaut en hiver et pendant les
grandes .sécheresses de l'été. C'est une espèce dont M Ch.
Naudin pro[)Ose la culture dans le sud de l'Europe.
Moya spinosa Griseb. (République argentine : Molle
negro ou blanco). Arbuste ou petit arbre croissant assez
communément à la Réi)ublique argentine, dans la province
de Jujuy. Son bois est utilisé pour la fabrication de menus
objets.
Pterocelastrus rostratus Meiss. {Celastnis i^ostratus
Thunb.). Cet arbre, croissant dans les forêts de la colonie du
Gap, où il est désigné sous le nom de « Witpeer » ou « White
y Juin 18y3. 33
514 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
pear », fournit im bois que l'on utilise le plus souvent pour
les travaux de charronnage. Celui du Pterocelaslrns typicus
Meiss. {Asterocarpns typicus Eckl. et Zeyh., Celastrus
pterocarpus DC, est plus particulièrement recherché pour
la fabrication du charbon de bois. Cette espèce est appelée
« Spekboom » par les colons hollandais du Cap. Enfin, le
Pterocelastrus variadUis appelé « Kirsch bout » ou « Kcrse
bout » donne un bois que nous supposons de bonne qualité,
dont les usages sont indéterminés.
Siphonodon australe Bentii. Grand et bel arbre d'une
hauteur de 20 mètres et plus sur un diamètre de 60 centi-
mètres environ, à branches tortueuses, peu étendues, for-
mant au sommet une cime peu compacte et gracieuse. Ori-
ginaire du Queensland, où elle croît assez fréquemment,
notamment dans les massifs de Rockhampton, cette espèce
donne un bois jaunâtre, serré, propre à de nombreux usages.
Ses fruits, jaunâtres, de la grosseur d'une prune, sont re-
cherchés des Kangurous qui en sont très friands.
Le Siplionodon celastrvs Griff, originaire de la Cochin-
chine, est un arbre de 15 mètres de hauteur environ sur un
diamètre de 15-30 centimètres, à feuilles alternes, serretées,
stipulées, dont le bois, lourd et jaunâtre, est peu utilisé.
FAMILLE DES RHAMNEES.
Cette famille comprend de petits arbres, des arbrisseaux ou
des sous-arbrisseaux, le plus souvent dressés, mais parfois
grimpants, quelquefois spinescents. Leurs feuilles sont géné-
ralement alternes, très rarement opposées ou subopposées,
simples, entières ou dentées, souvent coriaces, munies de
deux petites stipules caduques ou persistantes et épineuses.
Les espèces se rencontrent dans les régions modérément
chaudes des deux mondes; elles sont rares sous la zone
torride.
Les Rhamnées se rapprochent des Célastrinées par leurs
propriétés amères, acres, astringentes, quelquefois émol-
lientes, suivant les espèces ou les parties employées. Les
végétaux de cette famille fournissent des médicaments éva-
cuants ou toniques et fébrifuges. Les Rha^nmts sont fréquem-
ment riches en matières colorantes dont plusieurs sont uti-
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 515
lisées dans les arts : Tel est le « Vert de Chine » fourni par
les R. utllls et cMorophorus. Les Zizypims donnent des
fruits alimentaires usités en médecine comme adoucissants.
ALPHITONIA EXGELSA Reiss.
Colubrina excelsa Fenzl.
Queensland : Mountain Ash.
Bel arbre d'une hauteur de 25-30 mètres sur un diamètre
de 60 centimètres en moyenne, à feuilles alternes, variant
de largement ovales ou presque orbiculaires et très obtuses,
à ovales ou lancéolées et aiguës et acuminées, coriaces,
glabres ou légèrement blanches dessus, blanches ou rarement
ferrugineuses en dessous.
Originaire de l'Australie, cette espèce croît dans la Nou-
velle-Galles du Sud et au Queensland où elle est surtout
abondante dans les forêts et les taillis de la côte et de
l'intérieur.
Son bois, à grain fin, est dur et d'une longue conservation;
susceptible de prendre un beau poli, il conviendrait à un
grand nombre de travaux, mais il est encore peu exploité.
ALPHITONIA SIZYPHOIDES ReisS.
Pomaderris sizyphoîdes Hook..
Tuïii '. Toi.
Arbre d'une hauteur moyenne de 8-10 mètres sur un
diamètre de 40 centimètres environ, à cime large, plane, à
rameaux cotonneux. Feuilles alternes, ovales, entières,
coriaces, vertes et luisantes en dessus, blanchâtres et tomen-
teuses en dessous.
Originaire de l'Océanie, cet arbre croit à la Nouvelle-Calé-
donie, à Taïti et dans diverses îles de la Polynésie.
Son bois, d'un gris violacé, est dur, liant, solide, à fibres
droites et serrées; il exhale étant frais une odeur balsamique
analogue à celle du peui)lier d'Europe. D'un travail facile et
se conservant bien, on remploie ordinairement pour l'ébénis-
terie et la menuiserie Wna; la belle teinte rougeàtre qu'il
prend étant verni et ses rellets jaunâtres lui donnent l'aspect
de l'acajou pâle. Sa densité moyenne est de 0,843.
516 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Le tronc est revêtu d'une écorce d'un rouge foncé, lisse,
aromatique, composée de feuillets minces et serrés; les Taï-
tiens l'utilisent en lotions pour combattre les affections cuta-
nées, notamment l'eczéma chronique, et une maladie nommée
Tane, qui est une variété de pityriasis siégeant à la partie
supérieure du dos.
BERGHEMIA FOURNIERI Panch. et Sebert.
Petit arbre d'une hauteur de 5-7 mètres sur un diamètre
de 15 centimètres environ, à cime allongée, dense et diffuse,
dont la tige est recouverte d'une écorce assez épaisse, très
rugueuse, d'un gris cendré extérieurement. Feuilles alternes,
petites, lancéolées, crénelées, à nervures saillantes. Commun
sur les coteaux pierreux de la Nouvelle-Calédonie.
Cet arbre fournit un bois rouge veiné, à grain fin, d'une
grande dureté. Très joli étant verni, il peut être utilisé pour
l'ébénisterie et les petits travaux de menuiserie demandant
de la solidité et de l'élégance. L'aubier est jaune et peu épais
dans les vieux arbres.
HOVENIA DULCIS Thunb.
Hovenia acerba Lindl.
— inœqualis DC.
Anglais : Japanesc Raisin-tree. Chine : Onân tsé hj, Tchè kin (se, Xy tchaâ.
Japou : Kemponashi, Kemponasi, Ki kou, Kin kori. Népaul : Mun-kokoski.
Arbre d'une hauteur moyenne de 15 mètres sur un diamètre
de 60 centimètres et plus, à feuilles alternes, ovales, aiguës
au sommet, obliques à la base, finement dentées sur les bords.
Originaire du Népaul, de la Chine et du Japon, cette espèce
se rencontre dans le voisinage des habitations dans les iles
de Kiusiu et de Nippon ; son aire d'habitat, au Japon, pa-
raît être au nord du Fuzy-Yama. VH. didcis a été introduit
en Europe par Thunberg ; il réussit très bien en Algérie et
mûrit même ses graines dans le midi de la France. Cet arbre
affectionne particulièrement les terrains argilo-sableux assez
compacts.
Son bois, d'une nuance fauve foncé, rouge brunâtre et
quelquefois d'un rouge franc, est léger, d'une texture fine et
assez homogène ; ses vaisseaux sont nombreux et condensés,
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 517
surtout dans la zone de printemps de chaque couche annuelle.
On le déhite ordinan^ement en madriers et en planches de
dimensions assez fortes. Une petite quantité de ce bois, qui
est apporté de Tokio, est réservée à la confection des meubles
de luxe et atteint même un prix assez élevé dans le com-
merce local; c'est de plus un excellent bois de menuiserie et
de tour. Les Japonais en font aussi des peignes, des encriers
et divers autres petits objets domestiques.
L'écorce est prescrite par les médecins du Japon pour com-
battre les affections intestinales .
Comme dans bien des cas, nous rappellerons que le parfum
désigné dans le commerce sous le nom de Hovenia est une
composition odoriférante n'ayant aucun rapport avec la
plante du Japon.
RHAMNUS ALAlTERNUS L. Nerprun alaterae.
Alateriius Pk//lica Mill.
Bhainnus Hispanicus Hortul.
Allemand : Inimergrân. Anjlais : Barren Pi-ivct. Arabe : Amlilèce, Safir.
Arbrisseau toujours vert, d'une hauteur de 3-5 mètres, mais
pouvant acquérir les dimensions d'un arbre de troisième
grandeur dans les terrains fertiles; feuilles alternes, ovales
ou elliptiques, dentées, coriaces, glabres, lisses et luisantes.
Originaire du midi de l'Europe et du nord de l'Afrique, cette
espèce croit naturellement sur les coteaux arides du sud de
la France ; on la rencontre également dans toutes les forêts
du nord de la Tunisie, surtout dans les régions montagneuses
de la Khroumirie. La beauté de son feuillage fait souvent
cultiver le Nerprun alaterne dans les parcs et les bosquets
d'hiver.
L'aubier est jaune et son bois, à l'état parfait, de couleur
brun rougeàtre; lourd, homogène, d'un grain très fin, ce bois
est sujet à se tourmenter et à se gercer. Convenant très bien
aux ouvrages de tour et de marqueterie, il est également
tiliiisé pour de menus travaux d'ébénisterie de luxe; on en
fait aussi des échalas excellents qui olfrent une durée aussi
longue que ceux de chêne. Il est vendu dans le commerce
sous les noms de « Bois de Nerprun, de Noirprun, de Bourg
épine «, etc.
ol8 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Les feuilles sont astringentes et usitées en infusions comme
gargarismes. L'écorce de la tige contient nne matière colo-
rante et ses baies sont purgatives.
RHAMNUS FRANGULA L. Bourdaine.
Frangiila almis Mill.
■ — vulgaris Rchbch.
Allemand : Fawlhaum. Anglais : Bog wood, Black Aider.
Arbrisseau d'une hauteur de 3-4 mètres, dont la tige est
recouverte d'une écorce subéreuse gris-noirâtre extérieure-
ment, lisse et d'un brun jaunâtre en dedans. Feuilles alternes,
ovales, acuminées, entières, glabres, à nervures parallèles,
nombreuses, un peu saillantes.
Indigène dans les régions tempérées de l'Europe, la Bour-
daine est très répandue dans toutes les forêts de la France,
les haies, les buissons, où elle se plaît de préférence dans les
terrains frais et humides.
La Bourdaine, appelée aussi communément Baurgène^
Pouverne ou Aune 7ioir, fournit un bois blanchâtre à la péri-
phérie et rougeâtre au centre, qui prend une teinte d'un
rouge assez vif sur les vieux sujets. Tendre, flexible et d'une
densité assez faible (0,600), ce bois n'offre aucun intérêt
industriel, mais il produit un charbon très léger particulière-
ment estimé pour la fabrication de la poudre. Les jeunes
tiges, souples et faciles à diviser en lanières, sont recher-
chées pour la vannerie.
L'écorce fraîche possède une odeur faible et une saveur
douceâtre et uii peu amère, nullement désagréable ; elle pos-
sède alors des propriétés éméto-cathartiques qui deviennent
laxatives et purgatives après la dessiccation. L'écorce de
Bourdaine a été proposée en France comme succédané de la
Cascara sagrada de Californie qui provient du Rha^nmis
Purshiana DC ; elle est d'ailleurs inscrite à ce titre dans la
pharmacopée anglaise.
Rhaimiiis glandulosa Ait. (Canaries : Sanguino). Arbre de
haute futaie, à feuillage d'un vert brillant, donnant un beau
et bon bois de couleur rouge, employé dans l'ébénisterie de
luxe.
Le Granadillo du Paraguay, espèce indéterminée du genre
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 519
Rhamnus, est un arbre de petite dimension, d'un diamètre de
0'",20 environ, dont le bois assez léger, est employé dans la
construction et l'ébénisterie.
Le Guaiavirai, Rhamnée du Paraguay, dont le bois, d'un
diamètre de O'^jSO, est utilisé pour la charpente et le chaul-
fage.
ZIZYPHUS JUJUBA Lamk. Jujubier de l'Inde.
Bhamnus jujuba L.
Zizyphus Mauritiana Wall.
— Sororia Schult.
— trinervia a Roth.
Afrique portugaise : Maceira brava. Bengali : Kul, Kool, Budree, Narihelee
Jiool. Hindouslani : Baijr, Bcr, Bier, Beri, Jharheri, Bir, Unab, Nazuc.
Inde (colons) : Ber trce. Malais : Bidara. Maurice : Masson. Réunion : Pru-
iiier fcinclle. Sanscrit : KoU liurkhunda, Vadari. Tamoul : Carcnkouva-
marom, Elandei Elandap-pazham, Ilendcn-marom^ llandampajam. Telenga :
Bengha, Reyghoo.
Arbre de moyenne grandeur, très ramifié, portant des
branches longues et flexibles s'étendant horizontalement et
armées d'aiguillons crochus; leuilles obliquement ovales ou
obtuses-lancéolées, dentées au sommet, Hsses, d'un blanc
tomenteux en dessous, à trois nervures longitudinales.
Originaire de la Chine, de l'Inde et de l'Australie orientale,
cette espèce se rencontre également à l'état sauvage dans
l'Afrique tropicale, notamment dans les possessions portu-
gaises.
Son bois, de couleur brune, à grain serré, est bon pour le
tour et certains travaux de menuiserie ; on s'en sert aussi
assez communément i»our confectionner des outils d'agricul-
ture.
Les feuilles nourrissent le ver à soie Tussah très répandu
dans l'Inde.
Le fruit est un drupe globuleux ou ovoïde, de la grosseur
d'une prune, à épicarpe lisse, coriace, rouge ou jaune à la
maturité. Dans l'Inde, ce fruit est estimé de toutes les classes
de la population, malgré sa saveur un ])eu styptique.
L'amande est oléagineuse.
D'après Ainslie, la racine est prescrite contre quelques
fièvres, en décoction avec plusieurs semences chaudes.
JJ20 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
ZIZYPHUS LOTUS Lamk.
Jujubier sauvage, Lotos, Lotier, Lotus des anciens.
Rhamnus Lotus L.
Zizi/pfius satlva G-ertn.
— sylv^.stris Mill.
! 'Arabe (Tunisie €t Tripolilaine : Sada, Sedcr, Sedeur, Sedra ou Cedia, Sidra
Seedra des An;^lais). Kabyle : Thaziougart.
Arbrisseau touffu de 3-4 mètres de hauteur sur un dia-
•mètre maximum de 8-10 centimètres, à rameaux glabres,
flexueux, horizontaux; feuilles alternes, petites, presque ses-
siles, ovales ou elliptiques, oblongues, obtuses, finement cré-
nelées, trinerviées, glabres, un peu rudes; stipules épineuses,
inégales, caduques, souvent avortées. Écorce brune, profon-
dément gercée et écailleuse, ressemblant beaucoup à celle
des Pins.
Indigène du nord de l'Afrique, on rencontre cette espèce
depuis l'Egypte jusqu'au Maroc; elle est très répandue sur les
coteaux de la Tunisie où elle constitue même un obstacle
sérieux à la culture.
Son bois, d'un rouge vif semblable à celui de l'Acajou
vieux, très dur, compact, homogène, susceptible d'un très
beau poli, conviendrait certainement pour travaux de tour
et de marqueterie, mais il a été peu employé jusqu'à ce jour,
sans doute à cause de ses dimensions restreintes. Sa densité,
supérieure à celle du Chêne, est de 1.090. 11 fournit un excel-
lent chauffage et son charbon est très estimé. Son aubier est
jaune ou rougeâtre pâle.
Ses racines sont traçantes et très longues, généralement
beaucoup plus grosses que le sujet qui les a produites; elles
sont d'une extraction facile et donnent un volume de très
bon bois de feu, qui dépasse souvent toute prévision.
La disposition à drageonner de ce jujubier est très remar-
quable, disent MM. Reynard et de Dianous, et le plus souvent
l'abord de cet arbrisseau est rendu presque impossible par
l'entourage serré des drageons épineux qu'il a produits. C'est
grâce à cette disposition que les jeunes pousses peuvent
échapper à la dent des chameaux qui les recherchent avec
avidité. Il se reproduit non seulement de drageons, mais
. aussi de graines et avec la plus grande facilité.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 521
Le fruit est subglobuleux ou légèrement ovoïde, presque
sessile, jaune ou roussâtre, de la grosseur d'une cerise,
d'une saveur douce et sucrée. Les nomades le mangent frais
et lorsqu'il est très sec ils font avec la pulpe une espèce de
farine qui, délayée dans un peu d'eau, leur fournit un ali-
ment peu substantiel, mais assez IVéquemment employé. Il
servait, et sert même encore, à préparer une boisson fer-
mentée obtenue en faisant macérer la pulpe dans l'eau.
Il est possible que ce fruit soit le Lotos ou Lotus des an-
ciens, mais alors il serait loin de mériter son antique réputa-
tion et les recherches récentes de M. Edouard Blanc sem-
blent du reste infirmer ce dire.
ZIZYPHUS SPINA-GHRISTI Willd.
Rhamnus Nabeca Forsk. non L.
— spina-Chrisii L.
Zizi/phus Africana Mill.
— Napeca Lamk.
Arabe (Tunisie et Tripolitaine : Nahk, Nebga. Le fruit : Ncbik.
Espèce arborescente de grande taille, pouvant atteindre
jusqu'à 20-25 mètres de hauteur sur un diamètre de 3 à 3'", 50,
à cime dense et touffue; rameaux allongés, glabres, à écorce
blanchâtre; feuilles alternes, ovales, à base arrondie ou sub-
cordiforme, aiguës ou obtuses au sommet, à bords subserre-
tés, coriaces, glabres ou légèrement pubescentes à leur face
inférieure près des nervures, ces dernières au nombre de
trois, saillantes, convergentes à leurs deux extrémités: sti-
pules épineuses de plusieurs centimètres de longueur, sou-
vent souples et peu lignifiées (1).
Originaire de la Palestine, de la Perse, de l'Arabie et du
nord de l'Afrique, cette espèce se trouve en Egypte, en Nubie,
en Abyssinie, en Tunisie, etc.
Son bois très dui*, compact, lourd et d'un grain uniforme
est, à l'état parfait, d'un rouge marron foncé; les couches
annuelles sont peu distinctes. Sur ce fond, de nombreuses
(1) Les jeunes rameaux armes de longues épines pre'seulcnt, lorsqu'ils
sont entrelacés, l'aspect que les peintres et les sculpteurs donnent à la
couronne du Christ, c'est celte ressemblance qui a valu à cet arbre sou
nom spécifique.
522 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
petites taches arrondies se détachent en jaune pâle; elles sont
formées par un tissu fibreux qui entoure de gros vaisseaux
isolés, égaux et épars dans toute l'épaisseur de la couche an-
nuelle. Il n'a pas de rayons médullaires visibles à l'œil nu.
C'est un bois d'ébénisterie de premier ordre. Au centre se
trouve une moelle assez volumineuse et persistante. L'aubier
assez épais, est d'un blanc rougeâtre et très distinct du bois
parlait.
Le fruit est un drupe ovale-globuleux qui ressemble à une
petite pomme, il est comestible et possède une saveur douce
et agréable. Ces fruits i)Oussent en grand nombre le long des
rameaux. De couleur jaune à maturité ils deviennent rapide-
ment brunâtres, c'est dans cet état et lorsqu'ils sont blets
qu'on les consomme.
En Tunisie, dans les oasis à sol argilo-sablonneux, légers,
frais, profonds et bien arrosés, la croissance de cet arbre est
généralement rapide.
M. Edouard Blanc, auquel nous empruntons les détails qui
précèdent, n'hésite pas à reconnaître dans cette espèce le
Lotus des anciens, attribué jusqu'alors, par la plupart des
auteurs au Zizyplms lotus, et nous devons ajouter que les
raisons qu'il fait valoir en faveur de sa thèse nous paraissent
des plus convaincantes.
ZIZYPHUS VULGARIS Lamk.
Bhamnus Zizi/phus L.
Zizyphus jujiiba Mill. non Lamk.
— sativa Duham.
Japon : Natsoiimé, Natstime, Tunisie : Anneb.
Petit arbre d'une hauteur de 10 mètres environ, dont le
tronc, droit et cylindrique ou parfois tortueux, est recouvert
d'une écorce brune ; feuilles alternes, ovales-lancéolées, cré-
nelées, glabres et luisantes , pourvues de trois nervures
longitudinales saillantes.
Originaire de l'Orient, surtout de la Syrie, cette espèce se
rencontre aussi à l'état sauvage dans les régions septen-
trionales de l'Inde, où elle croît jusqu'à une altitude de 2,000
mètres. Le Jujubier commun est cultivé depuis la plus haute
antiquité sur tout le littoral de la Méditerranée et s'est même
naturalisé sur divers points.
LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 323
Son Lois, rouge ou rougeâtre, est dur, serré et d'une tex-
ture compacte ; on l'emploie quelquefois en ébénisterie sous le
nom d' Acajou dC Afrique parce qu'il reçoit Lien le poli, mais
c'est surtout un excellent Lois de tour pouvant, aussi être
ntilisé pour un grand noniLre de menus travaux.
Ses fruits, appelés jujubes, sont les plus estimés du
genre,
ZIZYPHUS XYLOPYRUS Willd.
Rhammis xylopyrus Retz.
Hindoustani : Ghont. Tamoul : Kattou-ilenden-marom. Télenga : Goti^ Gotti.
ArLre de dimensions assez fortes dans les terrains fertiles,
mais ne dépassant guère la taille d'un arLrisseaii dans les
terrains arides, à feuilles pétiolées, oLliquement cordiformes,
dentées sur les Lords, croissant dans les forêts et partout sur
la côte de Coromandel.
Le Lois, de couleur jaune orangé, est très dur et d'une
texture flne ; il est très estimé des indigènes pour un grand
nomLre d'usages à cause de sa longue conservation. Sa Lelle
couleur et son grain serré le rendent propre à divers travaux
de tour et d'éLénisterie.
Les feuilles sont recherchées volontiers par les animaux
domestiques.
Le fruit, d'un vert jaunâtre à la maturité, à pulpe fade et
peu agréaLle, est mangé par les natifs, ainsi que l'amande qui
est enfermée dans un noj^au très dur, à surface irrégulière
[A suivre.)
II. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ.
SÉANCE GÉNÉRALE DU 5 MAI 1893.
PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE SINÉTY, VICE-PRÉSIDENT.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Président proclame l'admission dans la Société de
M. PRÉSENTATEURS.
, . ( A. Geoffroy Sainl-IIilaire.
Bourbon (Henri), docteur en médecine, ) .^ , „. ,. ,
^' < Raveret-Waltel.
127 bis, rue du Ranelaiib, à Pans. J ^, • j o.- -.
' ( Marquis de Sinety.
— M. le Président lait ensuite connaître les pertes que la
Société vient de faire dans la personne de MM. Jacques
Bigot, Edouard de Glatignj^ et Adrien Bourgarel.
— M. le Secrétaire procède au dépouillement de la corres-
pondance :
M. le Président, retenu par une indisposition, s'excuse de
ne pouvoir assister à la séance.
— Lettre de M. Ern. Leroj' annonçant l'envoi de son ou-
vrage intitulé : Chez les oiseaux. C'est un ibrt beau volume,
illustré de nombreuses gravures ; écrit dans un style facile et
bonhomme qui en rendra la lecture agréable, cet ouvrage est
à la portée de tous.
— M. Brunet signale à la Société la note présentée récem-
ment à l'Académie des Sciences par M. Emile Blanchard au
nom de M. Daguin sur l'acclimatation en France de nouveaux,
salmonidés. On avait jeté, en janvier 1891, des saumons
Quinnat provenant de l'aquarium du Trocadéro, dans le réser-
voir de la Liez, situé sous Langres. Ces poissons ont prospéré.
On en a poché ayant 16 centimètres de long et 35 centimètres.
On en a trouvé un du poids de 2,500 grammes. M. Daguin ap-
pelle aussi l'attention sur un poisson jusqu'alors inconnu en
France, également découvert dans le réservoir de la Liez.
M. Jousset de Bellesme, consulté, a reconnu dans ce poisson le
Coregonns claj^eoides, espèce localisée dans les lacs d'Angle-
terre et d'Ecosse. D'où vient ce i)oisson ? Il est vraisemblable
qu'il a été introduit dans le réservoir, sans qu'on s'en doute,
PROCÈS-'VERBAUX LES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 323
au moment de l'empoissonnement du réservoir. En tout cas,
le Corégone paraît acquis aujourd'hui à la faune française. On
en a pris déjà dix-sept de 500 à 700 grammes. C'est un résultat
qui a son importance, car ce poisson a la chair excellente.
— Des remerciements pour les œufs de Truite Arc-en-Ciel
qu'ils ont reçus sont adressés par MM. le comte de Galbert,
Fournier-Sarlovèze, D-" Wiet, Dubard et Rivoiron.
— M. G. de Guérard appelle l'attention de la Société, à pro-
pos d'un récent article de La Nature, sur les nouvelles mé-
thodes d'apiculture. Dans cette note, trop succincte au gré de
notre confrère, M. Ch. Derosne, vice-président delà fédéra-
tion des apiculteurs français, fait ressortir l'avantage de l'éle-
vage des Abeilles en rayons artificiels. Il signale un procédé
intéressant qui n'est pas employé en France : Lorsque les
châssis sont remplis de miel, l'apiculteur les fait passer dans
une sorte d'essoreuse où l'action de la force centrifuge dé-
gage les cellules sans que le pollen et les poussières viennent
altérer la pureté du miel.
— M. Baronnet, ingénieur à la C'*^ française du Sud tunisien,
adresse de Gabès la lettre suivante :
« Les graines que vous m'avez données à mon départ de Paris,
elles ont toutes levé maintenant sauf les CallUris.
» Voici d'ailleurs, si cela peut intéresser la Socie'le', exactement les
dates des semis et celles de la première apparition de la plante.
DATES DES
DATES DES SEMIS- -
iroa POUSSES.
Eucalyptus incrassata 12 mars. 6 avril.
iÂ. \'ixv. dumosu . id. id.
id. maculala id. 1°'' avril.
id. corynocalijx id . 26 mars.
id. citriodora id. 7 avril.
Acacia Neio-Houth-Wales id. P"" avril.
Atriplex nummulan'um id. 3 avril.
id. hemibaccatum id. 27 mars.
id. halimoides id. id.
id. Muelleri id. 14 avril.
Casuariiia glauca id. 15 avril.
Acacia pi/cuantha id. 9 avril.
» M. Cornu m'avait donne' des graines d'IJalimodeiidroii argenleum.
J"ai, suivant ce que m'avait recommandé M. Vilbouchevitch, forte-
ment c'cbaudë ces graines qui ont très bien germé. Seme'os le 12 mars,
n26 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
elles donnaient leurs premières pousses 15 jours après le semis. Les
premières feuilles de cet arbrisseau sont excessivement délicates.
» Je vous signalerai comme croissant avec vigueur (il ne s'agit,
bien entendu, que de semis en pots jusqu'à pre'sent) l'acacia inde'ter-
miné du Kem-South-Wales .
» Les graines de Solanum betaceum n'ont pas encore donne' de re'-
sultat ; — il faut dire qu'il n'a pas fait chaud ici encore, — ce qui
doit vous surprendre. Car, depuis 40 jours que je suis à l'Oued-Melali
sauf deux jours de sirocco (vont d'ouest) qui ont active' un peu la ve'-
gétalion, tout le reste du temps, nous n'avons eu que des brises de
mer faibles et assez froides.
» Je vais vous adresser un échantillon de chacune des deux espèces
de Taniarix que Ton trouve ici. L'une est à fleur blanchâtre, l'autre à
fleur rouge-vineux. Ces arbrisseaux poussent avec vigueur dans les
terrains sale's ; ils atteignent au bout de quatre à cinq ans jusqu'à 5 à
6 mètres de hauteur : ils se reproduisent naturellement de semences
avec une telle abondance que dans des terrains salés (terres de lebiia)
que possède la compagnie, oii il y avait quelques Tamarix il y a sept
à cinq ans, il en existe déjà 5 à (5,000 qui y ont pousse' naturelle-
ment. Les Arabes donnent ici au Tamarix le nom de Tarfâa. Chose
curieuse à noter : la rosée recueillie sur les branches de Tamarix est
très sale'e , elle donne un fort précipité avec l'azotate d'argent.
— M. Edmond Faucheur, président du Comité linier du nord
de la France, signale à l'attention de la Commission des ré-
compenses les travaux de M. Jean Dalle. — Renvoi à la com-
mission spéciale.
— M. Lepingleux-Deshajes demande à être compris dans
toutes les répartitions de graines faites par la Société.
M. le Secrétaire lait remarquer que les semences dont la
Société peut disposer sont généralement reçues en petites
quantités et qu'elles ne suffiraient même pas à donner satis-
faction aux demandes des membres qui se font inscrire pour
toutes les distributions. Il ne peut donc être répondu qu'aux
demandes ayant un objet spécial.
— M. Rattel, pharmacien, à Amiens, écrit à M. le Prési-
dent :
« La Socie'té d'Acclimatation de France a bien voulu me demander,
en 1890, par l'entremise de M. Ferrand, correspondant de l'Institut,
quelques notes sur les hortillonnages d'Amiens.
» Ce modeste opuscule, qui vous a été dédie', m'a fait faire une
ample moisson de vues, de plans, repre'seutant ces pittoresque jar-
dinages et ces braves maraîchers avec leurs bateaux, leurs outils.
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. K27
leurs habits de travail, l'antique costume de leurs aïeux. Les meil-
leurs peintres et les premiers aquarellistes d'Amiens se sont plu à re-
pre'senler cette Venise horticole sillonnée par ces infatigables tra-
vailleurs. (J'ai recueilli aussi les outils et des costumes).
» Celte collection m'a e'tc demandée pour le Trocadéro, mais elle
ne doit avoir d'autre destination, à mon avis, que le Jardin d'Accli-
matation, sous les yeux de ceux qui l'ont fait naître.
>> Le Président de la Société d'Acclimatation de France, en accep-
tant de donner asile à celte collection, montrerait à tous les visiteurs
du Jardin qu'ils peuvent transformer en superbes cultures maraîchères
les terrains qui se trouvent dans les mêmes conditions que les marais
de la Somme.
» Je ne désire, pour l'heure, ni donner, ni vendre cette collection
d'un nouveau genre, mais si un jour je m'en défais, ce sera pour
l'offrir à M. Geoffro^'-Saint-Hilaire.
» Dans l'espoir qu'il pourrait vous être agréable de placer à côté
de plantes et d'animaux exotiques un spe'cimen d'un coin de la France,
inconnu, oublie', et d'une population robuste et infatigable qui a con-
servé depuis huit siècles les mêmes mœurs, le même costume, le
même langage, se mariant dans la même corporation et dans les mêmes
hortillonnages, dans cet espoir, j'attends vos ordres pour vous adres-
ser le re'sultat de quelques années de patience. »
— M. Ratlielot accuse réception de l'envoi d'œufs de Truite
Arc-en-Ciel qui lui a été adressé par la Société.
— M. A.-W. Fabre lait parvenir divers numéros de L'Indé-
pendant de Cochinchine qu'il dirige et dans lesquels il a repro-
duit le mémoire de M. Germain sur l'inlluence de la constitu-
tion géologique d'un pays sur l'acclimatement des étrangers.
— M. Rouiller lait une communication sur l'incuhation arti-
ficielle.
A cette occasion M. le D'' Dareste présente quelques obser-
vations sur les excellents résultats qu'on peut obtenir avec de
petits ap[)areils de laboratoire, dont la température est rendue
très régulière ; notre conlrère ne s'est occu-pé d'incubation
artificielle qu'au point de vue scientifique, il est vrai, mais il
est persuadé qu'on peut arriver dans ces conditions à DO et
même 95 " o d'éclosions. Ces résultats ne seraient ])eut-être
pas possi])les avec les couveuses dont on se sert dans une
exploitation industrielle.
Le Secrétaire des séances,
Hi:my Saint-Loup.
m. BIBLIOGRAPHIE.
Les Plantes industrielies, par Guslave Heuzé, Tomo 20 : Plantes
oléagineuses, tinctoriales , saponifères, tannifères et salifères. — Li- ^
brairie agricole de la Maifsoa rustique, 26, rue Jacob, à Paris.
Le plan suivi par l'auteur pour ce volume est le même que celui
qu'il a adopte' pour ses Plantes textiles, c'est-à-dire que chaque cha-
pitre comprend les parties suivantes : synonymie scientifique, noms
vulgaires, historique, culture, parasites et maladies de la plante, uti-
lisation des produits, transactions commerciales.
M. G. Heuzo' divise les piaules oléagineuses en trois grandes
classes : P Les plantes herbacées annuelles : Navette et Colza d'hiver,
Julienne, etc. ; 2*^ Les plantes herbacées bisannuelles : Œillette, Ara-
chide, Sésame, Madia, Ramtil, Cameliue, Navette et Colza de prin-
temps, Radis ole'ifére, etc.; 3° Les végétaux ligneux^ comprenant à leur
tour les arbres à huile appartenant à l'Europe, à l'Afrique et à l'Asie,
tels que : l'Arganier du Maroc, le Bancoulier des Moluques, le Mar-
gousier de l'Inde, le Ben aîlo' et aptère, etc. ; les arbres à matière
grasse concrète originaires des pays chauds : lUipe et Mowha, Man-
goustan, Gluttier à arbre à suif, Cirier de la Louisiane, Palmiers à
cire du Bre'sil, Muscadier à suif, etc.
La seconde partie de l'ouvrage est réserve'e à l'e'tude des proprie'tés
saponifères du Savonnier des Antilles ; la troisième comprend l'e'nu-
mération des vo'ge'taux utilisés pour les produits colorants qu'ils ren-
ferment dans leurs diverses parties.
Nous trouvons alors, dans les plantes à principe colorant jaune : la
Gaude, le Safran, l'Epine-vinette, le Nerprun, IcCurcuma, la Gomme-
gutte, etc. ; dans les plantes à principe tinctorial bleu : le Pastel, le
Tournesol, l'Indigotier, le Persicaire et les plantes indigènes ; dans
celles où le principe colorant est rouge, nous voyous : la Garance,
le Saya-ver, le Carthamc, le Rocou, etc. Quelques vo'ge'taux four-
nissent aussi des matières colorantes vertes.
La quatrième partie comprend les plantes que leur richesse en tanin
fait employer pour la pre'paration des cuirs, le mordançage des étoffes
destinées à la teinture, la fabrication de l'encre, etc.
Enfin, un chapitre spécial est consacré à l'e'tude de la Soude com-
mune {Salsola Soda L.), petite plante dicolyle'done de la famille des
Chénopodées qui donne à l'industrie le Carbonate de soude pour la
fabrication du verre et du savon.
Nous ne reviendrons pas ici sur l'intérôt qu'offre le livre de M. G.
Heuze'; toutefois, disons que nous espe'rons bientôt voir l'ouvrage
complet entre les mains de tous les agriculteurs et des industriels.
M. V.-B.
Le Gérant : Joles Grisard.
I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ.
A PROPOS DE LAPINS DOMESTIQUES
VIVANT EN LIBERTÉ
DANS L'ILOT DE L'ÉTANG DE CAUQUENES (COLCHAGUA)
Par Fernand LATASTE (*).
I. Position de la question.
Quoique, selon toute apparence, elle ait été instituée dans
un but purement cynégétique et culinaire, il se poursuit ac-
tuellement, clans rilot de l'étang de Cauquenes (Colchagua),
une expérience qui me parait présenter quelque intérêt scien-
tifique, et sur laquelle je désire arrêter un instant votre at-
tention.
Que deviennent nos animaux domestiques, quand ils sont
rendus à la liberté, dans des conditions compatibles avec la
conservation de leiir existence ? Telle est la question que tend
à éclairer la susdite expérience, et que nous allons sommai-
rement étudier à ce propos, non pas dans toute sa généralité,
— cela nous mènerait bien loin! — mais dans le cas particu-
lier du Lapin, sujet de cette expérience
A p?Hori, trois solutions distinctes et même contradic-
toires se présentent à l'esprit comme également possibles.
Première solution. — Aussitôt soustrait au clapier et à la
main de l'éleveur, le Lapin domestique modifierait ses carac-
tères zootaxiques et se mettrait à converger vers la formation
d'une espèce distincte, adaptée au nouveau milieu.
Deuxième solution. — Il se hâterait, au contraire, de Caire
retour au type sauvage originel.
Troisième solution. — Ou bien encore, réduisant ses va-
riations au minimum, il conserverait, à la fois, les carac-
{*) Extrait partiel dos Actes iJe la Hock't<' scieiitifiijue du Chili, t. II (1892).
2' livraison.
20 Juin 1893. 34
530 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
tères primitifs de l'espèce et la plupart de ceux qu'il avait ac-
quis à l'état de domestication.
Nous allons examiner successivement chacune de ces trois
hypothèses.
II. Examen des hypothèses.
1. Formation d'une espèce nouvelle.
Vous connaissez tous la fameuse légende des Lapins de
Porto Santo, que Darwin a rendus célèhres et que ses parti-
sans aiment à citer comme exemple décisif à l'appui de leur
thèse : elle a sa place marquée dans toute conférence sur l'o-
rigine et la transformation des espèces.
« En Tannée 1419, dit Haeckel, quelques Lapins, nés, à
bord d'un navire, d'un Lapin espagnol domestique, furent
déposés sur l'île de Porto Santo, près de Madère. Comme l'île
était dépourvue d'animaux de proie, ces Rongeurs se multi-
plièrent en peu de temps, et d'une façon si extraordinaire,
qu'ils devinrent une vraie calamité, et même amenèrent la
suppression d'une colonie établie dans cette localité. Encore
aujourd'hui, ils habitent l'ile en grand nombre; mais, dans
l'espace de 450 ans, ils ont formé une variété toute spéciale,
ou, si l'on veut, une bomie espèce, caractérisée par une
couleur toute particulière, une forme qui se rapproche de
celle du Rat, des habitudes noctambules-, et une sauvagerie
extraordinaire. Mais le plus important, c'est que cette nou-
velle espèce, dénommée par moi Lepus Huxleyi, ne se croise
plus avec le Lapin européen dont elle descend, et ne produit
avec lui aucun métis bâtard ou hybride (1).
Malheureusement, suivant l'expression que j'ai précédem-
ment employée, et malgré l'air de conviction profonde avec
lequel il nous est raconté, ce récit doit être regardé comme
une simple légende.
Notons d'abord que nous ne savons pas exactement à
quelle date l'ile de Poto Santo fut abordée par le navigateur
portugais qui y aurait introduit nos Lapins domestiques, en
y lâchant une Lapine avec ses Lapereaux : Darwin hésite
entre les années 1418 et 1419, et il cite en note l'année 1420 ;
Haeckel s'est tiré d'embarras en prenant la moyenne!
(1) Haeckel, Histoire de la création des êtres organises d'ajirès les lois natu-
relles, Paris, 1874, p. 130.
A PROPOS DE LAPINS DOMESTIQUES VIVANT EN LIBERTÉ. 531
En outre, comme j'ai eu Toccasion de le faire remarquer
ailleurs, « l'espèce de Porto Santo vit aussi dans les lies Sal-
vages; j'en possède un crâne de cette provenance, recueilli,
le 5 août 1882, par M. d'Albertis, et donné par M. le M'^ Do-
n'a. Aurait -on aussi lâché des Lapins domestiques dans cet
archipel, et leur progéniture aurait-elle subi exactement les
mêmes modifications que celle de leurs voisins de Porto
Santo (1)? »
<i Enfin, à l'époque où , dit-on , le navigateur Gonzalès
Zarco lâcha sa Lapine à Porto-Santo, cette île n'était décou-
verte que depuis cinq ou six ans, et, vraisemblablement, n'a-
vait pas été soigneusement explorée : il est donc assez natu-
rel qu'on n'ait pas pris garde, alors, aux Lapins autochtones
qui la peuplaient et qui, quelques années plus tard, quand on
y eut créé des établissements, manifestèrent leur abondance
par des dommages causés aux colons (2). »
Cette explication si simple est d'autant plus vraisemblable,
que le Lapin en question , au témoignage de Darwin et
d'Haeckel, est plus timide encore et plus nocturne que le
Lapin sauvage du continent.
En somme, le Lapin des îles Madère et Salvages a toute
l'apparence d'une espèce insulaire, propre à la région qu'il
habite, et rien ne prouve qu'il n'y soit pas autochtone.
Or, on n'a jamais allégué aucun autre exemple de forma-
tion d'espèce nouvelle de Lapin par retour à l'état sauvage
du Lapin domestique.
Rejetons donc, comme dépourvue de toute base positive,
l'hypothèse d'une telle néoformation, et passons à l'examen
de l'hypothèse suivante.
2. Retour au type iirimitif.
Depuis Buffon, qui usait de ce principe comme d'un crité-
rium pour rechercher les caractères de la forme souche de
nos diverses races de Chiens, on admet très généralement
que nos espèces domestiques font retour au type primitif,
dès qu'elles sont rendues aux conditions naturelles : cette
croyance est presque un article de foi pour les partisans de
la fixité de l'espèce, et, d'autre part, elle est assez facilement
(■1) F. Lalaste, L' Naturaliste, 15 mai 1883, p. 269.
(2) F. Latasle, iOid.
332 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
acceptée, sauf en certains cas particuliers, même par les
transformistes
A priori, d'ailleurs, elle me semble assez invraisemblable.
A quelque point de vue que je me place, en effet, j'ai peine à
concevoir cette restitutio in integriim, cet effacement com-
plet des traces du passé, ce cheminement en sens inverse à
travers tous les dédales de la voie précédemment suivie, que
suppose rigoureusement le retour à un t3-pe primitif. Un tel
phénomène, bien différent de ce que nous appelons régres-
sion ou rx'lrogradcdion dans la vie des tissus on des orga-
nismes, serait absolument sans analogue dans l'histoire des
êtres organisés.
La réalité de ce retour est, cependant, comme je le disais,
très couramment admise, du moins dans le cas du Lapin, soit
par la masse du public, soit même par les zoologistes.
« Le Lapin domestique provient du Lapin sauvage , dit
Brehm : celui-ci se laisse apprivoiser très facilement ; celui-
là, en quelques mois, redevient complètement sauvage, et
ses petits ont la couleur des Lapins de garenne (1).
Darwin lui-même croit à ce retour, du moins en Europe et
sauf exception pour certaines races domestiques particu-
lières : « En Europe, dit-il, lorsqu'on met en liberté des La-
pins de diverses couleurs et qu'on les replace ainsi dans leurs
conditions naturelles, ils reviennent généralement à leur
couleur grise primitive ; ce phénomène peut être dii, en par-
tie, à la tendance qu'ont tous les animaux croisés, comme
nous l'avons drjà fait o'bserver, à faire retour à Leur état
primordial. Mais cette tendance ne l'emporte pas toujours ;
ainsi les Lapins gris argenté, conservés en garenne, restent
ce qu'ils sont, bien qu'ils vivent presque à l'état de nature. . .
Lorsque les Lapins redeviennent sauvages dans les pays
étrangers, dans de nouvelles conditions dexistence, ils n^^
font pas toujours retour à la couleur primitive (2) ».
Quant à la distinction, si judicieusement notée par Dar-
win, entre les cas de retour et ceux de non-retour au type
primitif, suivant que les Lapins domestiques sont rendus à
la liberté dans Tintérieur ou en dehors de l'aire occupée par
(1) A. E. Brehm, La rie des animaux iUv.iin'e, éd. française, Mammifères,
t. I. p. 238.
(2] Ch. Darwin, loc. cit., p. 1-22-1-23.
A PROPOS DE LAPINS DOMESTIQUES VIVANT EN LIBERTÉ 533
Tespèce sauvage, nous verrons tout à l'heure qu'une diver-
gence aussi extraordinaire est purement apparente, et que
les phénomènes observés dans les deux cas sont susceptibles
d'une explication fort simple
En m'adressant des crânes de Lapins sauvages que je
lui avais demandés et en s'excusant du retard apporté à leur
envoi, un de mes correspondants m'écrivait de Valence (Es-
pagne), en décembre 1883 : « J'ai voulu attendre l'ouverture
de la chasse à l'intérieur du pays; car, par ici, les enclos sont
souvent repeuplés à Vaide de Lapins domestiques. »
Un autre de mes correspondants m'écrivait, cette fois de
Belgique, en 1884 : « Le Lapin sauvage [mais je suppose que
c'est un croisement du Lapin sauvage avec le Lapin domes-
tique) est très commun dans les dunes de Newport à Os-
tende : c'est par centaines qu'on en tue. »
Or, tous les nombreux Lapins sauvages que j'ai eus entre
les mains et que j'ai examinés, reçus de ces deux correspon-
dants ou d'autres et provenant des localités les plus variées,
ne m'ont jamais montré aucun passage, aucun achemine-
ment vers nos races domestiques.
Quoique d'ordre purement négatif, cette observation me
semble suffisamment décisive ; car le retour au tjpe sau-
vage, s'il avait lieu, serait nécessairement fréquent dans les
pays d'Europe, oîi les Lapins sauvages et domestiques sont
également abondants et où les derniers s'élèvent dans un état
de demi-liberté ; et la fréquence de ce retour multiplierait
les formes intermédiaires, dont le nombre ne manquerait pas
de s'accroître encore par le métissage. Comment pourrait-
on concilier, avec l'absence de ces intermédiaires, la réalité
d'un tel retour?
En somme, de même que celle de la convergence vers
un type spécifique nouveau, l'hypothèse du retour vers le type
originel, en ce qui concerne le Lapin domestique, ne repose
sur aucune observation positive et doit être éliminée.
Nous nous trouvons, sur ce point, tout à fait d'accord avec
P. Gervais : « Ce qui est certain, dit cet auteur, c'est que le
Lai)in domestique était autrefois beaucoup moins répandu
qu'il ne l'est aujourd'hui. Les voyageurs européens l'ont
porté dans la plupart des pays où ils se sont établis, et, dans
quelques endroits, les animaux de cette espèce, ayant été
abandonnés à eux-mêmes, se sont considérablement multi-
534 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
plies et sont devenus sauvages, sans prendre toutefois les ca-
ractères de notre Lapin de garenne (1). »
3. Consei-'vation des principaux caractères de la race
domestique.
Reste la troisième et dernière hypothèse, à savoir que le
Lapin domestique, remis en liberté, conserve, à la fois, ses
caractères spécifiques et la plupart de ses caractères de race
domestique.
Cette hypothèse est rendue déjà très vraisemblable par
l'exclusion des deux autres ; en outre, si Ton veut bien se
reporter à diverses citations qui ont déjà trouvé place dans
cette note, on verra qu'elle est pleinement conciliable avec
l'opinion de Buffon, qu'elle est admise dans la majorité des
cas par Darwin, et qu'elle est particulièrement soutenue par
Gervais ; enfin, l'expérience en cours à Cauquenes tend à la
vérifier, et sa vérification est complétée, comme nous le ver-
rons, par une série d'autres expériences.
Mais il est temps de dire ce qu'est cette expérience de
Cauquenes, point de départ de la présente note.
Ayant appris qu'il y avait des Lapins dans l'îlot de l'étang de
Cauquenes, où ils avaient été introduits depuis un certain
nombre d'années, et ayant aussitôt manifesté le désir de les
voir chez eux et d'en rapporter quelques dépouilles, nne partie
de chasse fut organisée dans ce but. Elle eut lieu le 24 janvier
de cette année. Elle me permit de constater, comme d'ail-
leurs je m'y attendais, que lesdits Lapins étaient d'origine do-
mestique, et présentaient nettement, dans la robe, dans la
taille, dans la forme, toutes les marques de cette origine. Je
rapportai un de ces Lapins, une femelle adulte, dont le crâne,
qui fait aujourd'hui partie de ma collection, comparé à de;
séries de crânes de Lapin domestiq^ie commun et de Lapin sau
vage d'Europe et d'Algérie, se montre, par les dimensions et
la structure, tout à fait semblable aux crânes du premier, tan-
dis qu'il diffère considérablement de ceux du second. Quant à
la robe de cette femelle, elle était gris fauve, rappelant celle
du Lièvre ; d'ailleurs, bien que cette robe gris fauve m'ait
paru la plus commune parmi les douze à quinze Lapins que
(1) P. Gçr\-B.\s, Histoire naturelle des Mammifères, t. I, 1S34, p. 280.
.S
A PROPOS DE LAPIXS DOMESTIQUES VIVANT EN LIBERTÉ. S35
j'ai pu apercevoir sur l'îlot, j'en ai vu aussi de noires et de
jaunâtres.
Ainsi, dans ce cas, on n'observe ni variations vers un type
nouveau, ni retour vers le type du Lapin sauvage {Lepus CU'
niciilus) : les caractères du Lapin domestique {Lepus dômes-
ticus) sont parfaitement conservés.
C'est seulement au point de vue psychologique, qu'il est
permis de dire que ces animaux sont redevenus sauvages. Ils
ont en effet les allures de Lapins sauvages, comme eux con-
naissant le danger, se sauvant du chasseur, et se construi-
sant des terriers dans lesquels s'écoule une partie de leur
existence. Au dire du garde-chasse, qui leur apporte de temps
à autre un supplément de. nourriture, leur nombre dépassait,
à l'époque de ma visite, celui que pouvait nourrir la super-
ficie de l'îlot ; et, cependant, comme je l'ai dit, je n'ai pu en
apercevoir au plus qu'une quinzaine, et je n'ai réussi à en
tuer qu'un seul!
Quoi qu'il en soit, pour juger de la valeur de l'expérience
que je viens de relater, il importait de savoir depuis com-
bien de temps elle durait. M. le D'" Luis Espejo, V. a bien
voulu se charger d'écrire à ce sujet à M. Olegario Soto, pro-
priétaire de la hacienda de Cauquenes, et il en a reçu, datée
du 2 février 1892, la réponse dont j'extrais ce qui nous in-
téresse ici :
« Il y a huit ans, répond M. Olegario Soto, qu'on a lâché
des Lapins dans l'ilot de l'étang; mais, en 1888, les eaux
ayant beaucoup baissé, les Renards, les Oiseaux de proie et,
je crois, aussi les Serpents, les détruisirent presque complè-
tement ; je ne pense pas qu'il en restât plus de trois ou quatre
dans Filot, quand, la môme année, un de mes frères y fit lâ-
cher quelques nouveaux couples ; c'est de ceux-ci que pro-
viennent les Lapins qui s'y voient actuellement.
» Ces Lapins étaient de la race grise, commune en France
et en Angleterre .• on a toujours eu soin de choisir cette li-
vrée protectrice, à cause des Oiseaux de proie. »
Malheureusement, on le voit, l'expérience ne date encore
que de trois ou quatre ans : dans ces conditions, malgré la
rapidité avec laquelle se succèdent les générations de Lapins,
elle ne saurait avoir une grande portée : il faudrait la pro-
longer des années encore, avant d'en pouvoir tirer des con-
clusions solides.
536 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Mais, depuis qu'elle a attiré mon attention, je me suis
aperçu que nous n'avions pas besoin d'attendre ses résultats,
d'autres expériences s'étant déjà faites, dans des conditions
analogues, sur différents points de l'Amérique.
« A la Jamaïque, dit Darv^in, les Lapins redevenus sau-
vages, affectent, dit-on, une teinte ardoisée, largement sau-
poudrée de blanc sur le cou, les épaules et le dos, et tournant
au blanc bleuâtre sous le poitrail et l'abdomen. . . Depuis bien
des années, il y a des Lapins redevenus sauvages dans les
îles Falkland; ils sont abondants dans certains endroits, mais
ne se répandent pas beaucoup. La plupart affectent la cou-
leur grise ordinaire ; quelques-uns, d'après l'amiral Sulivan,
présentent la couleur du Lièvre ; beaucoup sont noirs et ont
souvent sur la face des marques sj'métriques blanches.
M. Lesson a décrit, en conséquence, la variété noire comme
une espèce distincte, sous le nom de L. magellanicus, erreur
que j'ai déjà relevée ailleurs. Les pêcheurs de Phoques ont
récemment approvisionné de Lapins quelques petits îlots
extérieurs du groupe des îles Falkland, et l'amiral Sulivan
m'apprend que, sur l'un d'eux, Peble-Islet, les Lapins af-
fectent pour la plupart la couleur du Lièvre, tandis que,
sur un autre, Rabbit-Islet, la plupart ont revêtu une couleur
bleuâtre qu'on ne voit nulle part ailleurs. On ignore quelle
était la couleur des Lapins qu'on a autrefois lâchés dans ces
petites îles (1), »
Ces observations nous permettent de conclure.
IIL Conclusion.
En somme, remis à l'état de liberté, on n'a jamais vu le
Lapin domestique, Lepus domeslicus, ni former une espèce
nouvelle, ni se confondre avec le Lapin sauvage, Lepus cu-
nîculv.s; mais, dans tous les cas bien constatés, on l'a vu
maintenir son autonomie et conserver ses caractères zoo-
taxiques propres.
Je suis porté à croire que cette conclusion, justifiée ici
dans le cas du Lapin, pourrait être généralisée et s'appliquer
au cas de tous nos animaux domestiques.
(1) Darwin, Ice. cit., p. 123.
SUR LES MODIFICATIONS DE L'ESPECE
Par m. Remy SAINT-LOUP.
Le mémoire de M. Lataste, sur les Lapins de l'étang de
Caiiquenes, nous fournit des renseignements intéressants,
relate un fait précis, mais, comme l'auteur le dit lui-même,
« malheureusement l'expérience en cours ne date que de trois
ou quatre ans; elle ne saurait avoir une grande portée : il
faudrait la prolonger des années encore avant de pouvoir
tirer des conclusions solides ». La discussion des trois hypo-
thèses faites par M. Lataste, relativement aux modifications
ou à la permanence d'une espèce domestique rendue à la
liberté, ne saurait donc, par suite, trouver des arguments
dans l'expérience relatée, et le problème reste posé. Examinons
cependant ces hypothèses :
1° Formation d'une espèce nouvelle.
M. Lataste rejette cette hypothèse en traitant de légende
riiistoire des Lapins de Porto-Santo, rendus célèbres par
Darwin. Cette histoire ne lui paraît pas recevable parce que
l'espèce de Porto-Santo vit aussi dans les îles Salvages. Je ne
vois pas comment cet argument est décisif; pour qu'il ait
quelque valeur il faudrait pouvoir assurer que, depuis le
xv« siècle jusqu'à nos jours, aucun transport d'animaux n'ait
pu se faire dans la région. Laissons cependant ce point et
répétons avec M. Lataste qu'on n'a jamais allégué aucun
autre exemple de formation d'espèce nouvelle par retour à
l'état sauvage du Lapin domestique.
2" Retour au type primitif.
Ici nous partageons absolument la manière de voir de
M. Lataste. Imaginer qu'un animal domestique rendu à la
liberté retourne au type primitif est incompatible avec tout
ce que nous connaissons des lois biologiques. Dabord qu'est-
ce que le type primitif? Est-ce le type sauvage qui ressemble
le plus au tj'pe domestique? Rien ne le prouve, car, en admet-
tant la communauté d'origine des deux types, ils peuvent
différer autant l'un que l'autre du modèle primitif.
Pour faire revenir un animal au type ancestral, il faudrait
538 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES.
que nous puissions faire tourner la terre à l'envers. C'est clil-
ticile, et les physiciens prétendent que la chose aurait des
inconvénients.
Quelques auteurs ont imaginé de considérer le Lapin sau-
vage, le Lapin de garenne comme l'ancêtre de nos Lapins
domestiques. Cette hypothèse toute gratuite, admise par
Darwin sans démonstration et contre l'opinion de Gervais,
est aujourd'hui acceptée par tout le monde. Cela ne yeut pas
dire qu'elle soit exacte. La transformation d'un Lapin domes-
tique en Lapin de garenne ne prouverait donc pas à mon
avis le retour au type primitif mais simplement ceci que les
Lapins de garenne de certaines régions pourraient bien être
des Lapins domestiques autrefois et mis en liberté dans les
champs.
3° Conservation des principaux caractères de la race
domestique.
Ici, M. Lataste nous cite l'expérience de l'étang de Cau-
quenes; elle est jugée. Mais la formule même de l'hypothèse
nous rapproche de cette autre formule, formation d'une espèce
nouvelle. S'il y a conservation des principaux caractères, il
y a donc des modifications de caractères secondaires? et si la
permanence n'est pas intégrale, pourquoi ces modifications
secondaires n'atteindraient-elles pas la valeur spécifique? Il
est inutile d'étendre cette discussion, qui nous entraînerait
dans tout le verbiage déjà dépensé pour définir l'espèce. Nous
inscrivons seulement nos réflexions et M. Lataste, certai-
nement, ne verra pas ici une attaque, mais des objections
laites surtout pour aboutir à une solution nette de questions
très difficiles.
Nous dirons, en manière de conclusion, que des animaux
domestiques rendus à la liberté ne semblent pas se modifier
rapidement, mais nous ne savons nullement quel temps et
quelles circonstances sont nécessaires pour qu'ils se trans-
forment en une espèce nouvelle. La véritable question est là :
je souhaite que, dans quelques années, M. Lataste vienne
nous dire que les Lapins des iles Cauquenes, maintenus rigou-
reusement de pure race, ne se croisent plus avec les Lapins
domestiques dont ils sont issus; il donnerait un argument
sérieux à l'hypothèse que je soutiens : celle de la formation
d'espèces nouvelles.
VISITES FAITES
AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE
Par m. mardis.
ELEVAGE
MAISON DE COMMERCE ET FERME AGRICOLE
DE MM. VOITELLIER FRÈRES,
ANCIENNE ROUTE DE PARIS A ROUEN, A LIMAY,
CANTON DE MANTES (SE1NE-ET-0ISE).
L'établissement de MM. Voitellier se compose de trois
parties bien distinctes, que je Yais avoir riionneur de pré-
senter l'une après l'autre.
I. Fabrication, maison de vente et habitation.
Cette première partie se trouve à gauche de la route de
Rouen en venant de Mantes.
Elle se compose, en entrant, du bureau particulier de
MM. Voitellier et du bureau administratif. A la suite se
trouve le couvoir.
Le couvoir se compose de 22 appareils alimentés par une
canalisation d'eau chaude, greffée sur une chaudière en fer,
reposant sur un immense fourneau en briques.
Ce fourneau se trouve dans une petite pièce à part située
contre le couvoir au fond. Contre le mur au fond du couvoir
face à la cour, se trouvent placées les plaques indicatrices
des récompenses obtenues par la maison. Le sol du couvoir
est recouvert de sable fin.
A la suite du couvoir sont situés le bâtiment de la fabrica-
tion, l'atelier de cliarronnage, menuiserie, scierie mécanique,
tournage, serrurerie et chaudronnerie, etc. Dans l'atelier se
trouve un manège à chevaux servant à faire mouvoir une
machine à découper les bois, à les dresser, à les raboter, à
faire marcher les tours.
Au-dessus de cet atelier, au 1°'' étage, se trouve l'atelier de
540
REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
peinture et de grillagerie. Un pont jeté au-dessus de la cour
relie cet atelier à un magasin à droite où se trouvent en
dépôt des grilles en fer, des couveuses, éleveuses, cabanes
et divers instruments avicoles.
A la suite de l'atelier de chaudronnerie, se trouve l'atelier
des emballages, après lequel est situé un chenil couvert pour
les chiens et un promenoir entouré d'une grille.
Au fond de la cour, à droite contre le mur, on voit les pre-
mières cabanes datant de l'ouverture de l'établissement de
MM.^Voitellier en 1872, se composant de 25 compartiments
de 3.00 X 1.00, contenant des volailles de diverses races. Le
service de ces cabanes se fait par un petit couloir couvert,
comme cela existe dans notre Concours général.
La partie du fond est à deux étages et le fond est grillagé.
VISITES AUX ETABLISSEMENTS D'AVICULTUBE. o4l
Quoique anciennes de date, ces cabanes sont très com-
modes.
Dans la cour, devant le chenil, des Canards de Rouen et
quelques volailles.
L'écurie se trouve à la suite et peut contenir 12 chevaux :
ce nombre est occupé dans l'établissement et ses dépen-
dances.
Au-dessus de l'écurie, remise avec pigeonnier.
Maison d'habitation. avec jardin au-devant.
La maison de commerce, de fabrication et les dépendances
de rétablissement de MM, Voitelher occupent chaque jour,
en dehors des patrons qui, comme les employés, sont occupés
du matin au soir, des commis, faisandiers, menuisiers, char-
rons, tourneurs, serruriers, plombiers, charretiers, garçons,
etc. au nombre de cinquante environ, car on fabrique tout
dans l'établissement : Le bois arrive en madriers, on le
débite, on le taille, on le rabote, et il sort de l'établissement
en appareil, soit vendu, soit prêt à être vendu.
La plus grande activité règne dans cette maison.
IL Aviculture, Horticulture, Agrément.
La deuxième partie est située à droite de la route, en face
de la fabrication.
On voit, à droite et à gauche, contre le mur sur rue et en
retour contre le mur mitoyen à gauche, de grandes volières,
divisées en trois compartiments sur la hauteur.
Ces volières sont divisées en compartiments renfermant
chacun et isolément, soit un coq, une poule, un lapin, une
paire de pigeons et formant un total de 195 niches séparées.
Chaque amateur désirant une volaille peut choisir ce qu'il
désire et, comme on dit, faire son lot. Ces volières servent
aussi à MM. Voitellier à mettre les volailles destinées aux
concours.
En entrant à gauche en retour, on trouve la vacherie peu-
plée de vaches race bretonne, et de trois taureaux de m(''mo
race. Cette vacherie est très bien installée.
Dans le jardin, nombreuses allées peuplées de chaque cùté
de massifs, d'arbres fruitiers et nombreuses collections de
parcs et jjarquets de systèmes différents et de la fabrication
de la maison. Chacun de ces parquets renferme une race de
oi2 lŒVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
volaille différente , destinée , comme les yolières contre la
route, à être vendue et livrée aux amateurs venant visiter
l'établissement.
Dans une partie, à gauche de ce jardin , on trouve une
pièce d'eau pour le service des oies et des canards.
Je signale aux amateurs une très belle et nombreuse collec-
tion de Canards de Rouen et Oies de Toulouse.
Parmi les volÉtilles, il faudrait, pour être juste et sincère,
signaler l'ensemble de la collection et en particulier les types
des races Dorking, Cochincliine fauve et perdrix, Wyandotte,
Brahma hermine et perdrix, Malais, Langshan, petites poules
Houdan, Fléchois, Barbézieux, Hambourg, Campine, Leghorn
et de beaux lots de Mantes. Mais là n'est pas le clou de ces
volailles de Mantes dont nous avons vu déjà de beaux spéci-
mens dans nos concours.
Pour la partie de parquet, chacun de nous connaît déjà les
différentes installations de la maison Voitellier; nous avons
vu dans ce jardin les types les plus variés et mis à la portée
de la bourse de chacun. Chaque visiteur peut, en venant
voir l'établissement, s'en retourner en emportant facilement
avec lui le poulailler qu'il aura choisi pour y loger la race
de volaille qu'il aurait chez lui ou qu'il achèterait à ces
Messieurs.
Lorsque l'on voit la composition de ces parquets divers, on
n'est pas étonné des brillants succès remportés par la maison
Voitellier dans les Concours français et étrangers. Il y a
chez eux de quoi garnir facilement un Concours agricole et
presque un Concours général de Paris.
L'eau coule sans interruption dans des bacs et des bassins
pour le service des volailles canards et oies, etc. Des sources
nombreuses existent sur le territoire de la commune et vien-
nent dans l'établissement.
Comme jardin potager et fruitier, il doit y avoir là, en été,
un agréable séjour et un rapport excellent comme récolte de
fruits. Je fais abstraction des légumes.
La plupart, pour ne pas dire toutes les cabanes existantes
dans ce parc étant mobiles, c'est-à-dire transportables et pou-
vant se changer de place à chaque instant, le sol des cabanes
est celui du jardin. Chaque parquet se compose d'une cabane
servant d'abri et de poulailler et est fermé au pourtour par
des panneaux mobiles en grillage, système de la maison Voi-
\
-S^S^SI-
544 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
tellier, se démontant et se remontant à volonté, selon les
besoins.
La gente volaille, oies, canards, lapins, pigeons, dindons
est chez elle dans ce beau jardin.
Aussi de tous côtés on entend célébrer, par des cocorico, la
joie des habitants de ces lieux.
III. Elevage, aviculture, agriculture.
La ferme.
A environ quarante minutes à pied de l'établissement, sur
le territoire de la commune voisine de Limay, MM. Voitellier
sont locataires d'une belle ferme carrée avec 50 à 60 hectares
de culture au pourtour. Elle porte le nom de « Ferme du
Vicêlier ».
Les terres de culture se composent de : partie destinée à
l'herbage pour les élèves de la race bovine, race bretonne ;
partie pour l'élevage avicole ; partie pour la grosse culture,
et une autre partie pour la culture maraîchère. A citer
surtout un immense champ de choux et fosse d'asperges. Il
faut voir les volailles se régaler avec les choux provenant de
cette pièce de terre.
La ferme se compose de bâtiments formant un carré par-
fait; à droite de la porte d'entrée se trouve une ancienne
vacherie pour les vaches bretonnes ; en retour à droite est
située la grange de batterie, le poulailler. . . et quel poulail-
ler ! Figurez-vous une immense voûte en pierre, peuplée
intérieurement de cent à cent cinquante volailles de la race
de Mantes, composées de deux et trois générations reprodui-
'sant exactement le même type, le même plumage, la même
forme et s'améliorant comme régularité de jour en jour et
cela, grâce au coup d'œil des maîtres, créateurs de cette belle
variété. Je n'avais jamais vu que dans nos concours et en
très petite quantité cette volaille ; aussi suis-je resté stupéfait
lorsque M. Henri Voitellier m'a conduit à ce poulailler et
lorsqu'il m'a été donné de contempler dans la cour de cette
grande ferme un ensemble de volailles race de Mantes. Le
coup d'œil est superbe et je regrette de ne pas avoir été
accompagné par quelques collègues, qui, j'en suis certain, se
seraient joints à moi pour féliciter MM. Voitellier.
Au fond, en face de la porte d'entrée, sont les granges et
VISITES AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE. 545
remises et en retour se trouve la maison du fermier et de la
fermière, chargés spécialement de la ferme. A la suite est
située l'écurie et une nouvelle étable en construction pour les
vaches bretonnes. Après l'écurie on trouve la bergerie et la
porte d'entrée.
Il existe sous un hangar au dehors les machines les plus
nouvelles, comme charrue, bineuse, herseuse, faucheuse,
semoir, etc.
Dans la cour de la ferme, il existe un conduit d'eau cou-
rante alimentant un bassin, abreuvoir et dépendances. Dans
ce bassin, des lots remarquables d'Oies de Toulouse et de
Canards de Rouen prennent leurs ébats.
La tenue de cette ferme est admirable ; il y règne la plus
grande propreté et l'on reconnaît que l'œil des maîtres y
exerce souvent sa surveillance. Les terres de la ferme sont
aussi remarquables par leurs ensemencements, leur propreté
et leur tenue. Si le rapport n'est pas satisfaisant — ce dont
je doute — on ne pourra pas l'imputer à la négligence des
fermiers, car aucun soin n'est épargné. On peut dire que la
ferme est le digne complément de l'établissement Voitellier.
C'est à la ferme, au printemps, que se font les élèves: les
couvées se font à l'établissement; quant à l'élevage, il a lieu
à la ferme et dans les grands et magnifiques parquets existant
au pourtour des bâtiments.
Il ne s'y fait pas que l'élevage avicole, mais encore l'éle-
vage de l'espèce bovine, race bretonne, spécialité de la
maison, dans de très beaux pâturages situés contre la ferme
et sur la Seine, dans une île située entre les deux bras.
A partir du printemps de fort beaux troupeaux de vaches
et génisses bretonnes se rendent aux pâturages.
Il existe aussi, en dehors de cette ferme, entre la maison
d'habitation et cette dernière, une ancienne carrière à sable
destinée à l'élevage du gibier et surtout de la volaille. Dans
cette carrière se trouve une maison d'habitation servant de
logement au garde-chasse et au dresseur des chiens du chenil
de MM. Voitellier, connue sous le nom de Chenil de
l'Aviculteur.
Il y a dans la maison Voitellier frères : l'Industriel, le
Commerçant, rAvicuiteur et l'Agriculteur; chacune de ces
l)arties est remplie avec un zèle, une connaissance et un
soin particulier.
20 .Juin 1893. 35
546 REVUE DES SCIENXES NATURELLES APPLIQUÉES.
Avec quelle bonliomie, l'aîné, Paul Voitellier, cache sous
une apparence modeste — trop modeste — les facultés d'un
homme hors ligne, car il est le créateur des diverses indus-
tries et inventions de la maison. Quel coup d'œil et en même
temps quelle modestie lorsqu'on lui parle, s'effaçant toujours
aussitôt qu'on le questionne, trouvant toujours ce qu'il a
lait tout naturel.
Il ne se vantera pas, lui, le patriote, des services rendus à
la patrie lors de la guerre de 1870, pendant que son jeune
frère combattait à l'armée de la Loire, alors qu'il était meu-
nier et que, grâce à lui, grâce à son énergie et malgré l'en-
nemi, occupant les environ de Paris, il conduisait les voitures
destinées à l'alimentation de Saint-Germain.
Et comment cette conduite était-elle faite, car les ponts-
sur la Seine n'existaient plus ? M. Paul Voitellier transportait
sur des barques, d'une rive à l'autre, les sacs de farine, les
chevaux traversaient la Seine à la nage et l'approvisionne-
ment arrivait à destination.
Qui a amené à Paris pour le ravitaillement le premier ba-
teau de farine ? le modeste Paul Voitellier. Qu'a-t-il gagné à
ce beau dévouement patriotique laissé sans récompense '? La
perte de son capital, ce premier bateau ayant été coulé en
Seine par les soldats de la Commune et l'approvisionnement
de la ville de Saint-Germain ayant été soldé au fournisseur
en argent allemand ; le cliange de cette monnaie, après la
guerre étant très élevé, fut pour lui encore une perte beau-
coup trop sensible.
Voilà, Messieurs, le portrait de l'un des deux propriétaires.
Le deuxième propriétaire de l'établissement, que nous con-
naissons mieux, est M. Henri Voitellier, Vice-Président de
de notre section d'Aviculture pratique.
Chacun de nous, Messieurs, a été quelque peu en relations
avec M. Henri Voitellier, soit dans notre section d'Avicul-
ture, soit dans nos concours généraux et concours agricoles,
soit dans nos concours de Société.
J'ai été moi-même, pendant nombre d'années, dans les con-
cours, le concurrent plus ou moi us heureux de M. Voitellier,
mais jamais, je puis le dire, je n'ai eu aucune plainte de sa
l)art ; toujours, s'il y avait discussion, la discussion était
courtoise, polie, agréable.
Lorsque j'ai eu l'honneur d'être choisi par le Ministère
VISITES AUX ÉTABLISSEMENTS D'AVICULTURE. 517
comme membre du Jury j'ai eu à Juger les produits de la mai-
son : j'ai retrouvé encore en M. Voitellier l'homme du monde
ayant toujours l'abord aimable et gracieux, content de ce
qu'on lui accorde et ne vous témoignant jamais le moindre
mécontentement.
Comme Vice-Président de notre section, chacun n'a qu'à
se louer de ses rapports avec lui.
Nos voisins les Belges l'ont si bien jugé que cette année,
en deux mois, il a eu l'honneur d'être choisi, seul comme
juré Français, trois fois pour juger les concours et exposi-
tions de nos voisins.
M. Henri Voitellier joint aux qualité d'homme du monde
celles d'agriculteur, d'aviculteur et de journaliste distingué.
Il dirige depuis une douzaine d'années le journal V Aviculteur
avec un esprit, une netteté dans ses appréciations, qui font
que ce journal est très lu dans nos diverses écoles agricoles
et à l'Institut agronomique.
En un mot, M. Henri Voitellier est le digne frère de
M. Paul Voitellier et son alter ego.
Je signale aussi un ancien aviculteur, M. J. Martin, et le
faisandier chef, M. Adrien Marchand, collaborateurs distin-
gués de la maison Voitellier.
Je me résume : La maison Voitellier frères mérite d'être
visitée dans ses trois i)arties, chacune très intéressante, et
répithète de marchands qu'on leur donne souvent est fausse,
car il suffît d'avoir vu leur établissement pour reconnaître en
eux des inventeurs, des commerçants, des aviculteurs, des
agriculteurs et des producteurs. A chacun de faire comme
moi : Allez visiter l'établissement avant de le juger.
La maison Voitellier frères a remporté, depuis sa créa-
tion en IS'72 jusqu'à ce jour, dans les divers concours des
gouvernements français et étrangers, concours et exposi-
tions de Sociétés, plus de 1200 récompenses, dont plusieurs
])rix d'honneur et deux médailles d'or à l'Exposition Univer-
selle de 1889.
LA VIGNE A MADAGASCAR
Par le R. p. CAMBOUÉ,
Missionnaire de la Compagnie de Jésus à Tananarive.
Un des membres de la mission catholique de Tananarive
jjubliait naguère une note relative à la culture de la Vigne
en Imérina, province centrale de Madagascar. « La culture
de la Vigne, y disait-il, rencontre ici trois obstacles considé-
rables : le premier c'est le terrain. La plus grande partie du
sol de rimérina consiste en terres argileuses extrêmement
compactes et presque imperméables. Elles demanderaient,
pour devenir capables de recevoir la Vigne, beaucoup de
travail et une quantité considérable de chaux, dont le pays
est presque dépourvu.
» Le second obstacle consiste dans le manque de pluies
opportunes. Ici, on passe régulièrement chaque année six ou
sept mois sans pluies, sous un soleil encore ardent ; une telle
sécheresse est funeste à la Vigne. De plus, les pluies des au-
tres mois viennent à contre-temps ; elles commencent quand
elles devraient finir : à la saison où le raisin, presque à ma-
turité, demande un temps sec, on a des pluies continuelles
qui lui enlèvent ses bonnes qualités, quand elles ne le pour-
rissent pas (1).
» Le troisième obstacle est une chaleur continuelle qui ne
permet pas à la sève de se reposer. Nous avons vu, non
seulement des grappes mûres et de petites grappes vertes sur
le même cep, mais dans la même grappe des grains tout à
fait mûrs et d'autres encore tout petits et tout verts. Cette
chaleur n'est pas assez forte cependant pour faire produire à
la vigne deux récoltes par an comme dans les pays plus
chauds. Mais néanmoins il y a si peu d'hiver dans l'Imérina,
(1; Dans la répion centrale de Madafrascar, Tannée se divise en deux saisons
principales, la saison sèche et la saison pluvieuse. Celte dernière commence
vers novembre pour se terminer vers avril. P- C.
LA VIGNE A >L\DAGASCAR. 549
que la Vigne est en végétation à peu près toute l'année ;
aussi, lorsqu'arrive le printemps, non seulement elle est
lente à repousser, mais ses pousses sont maigres, les fruits
peu nombreux, souvent chétifs, parfois avortés. C'est alors,
au printemps, que la pluie serait nécessaire, et il n'y en a
point
» Quels sont les résultats obtenus jusqu'ici ? — M. La-
borde, dont il faut toujours parler lorsqu'il s'agit d'efforts
tentés pour développer à Madagascar l'agriculture ou l'indus-
trie, cultiva jadis des plants de vigne de diverses espèces. Il
put à cette époque, grâce à la faveur de la reine Ranava-
lona I, choisir un terrain et une exposition favorables ; aussi
fit-il bient(3t goûter à ses amis des Muscats d'un fort bon
goût et quelques bouteilles d'un vin qui fut assez apprécié,
même en Europe. Malheureusement ses plants furent envahis
par l'oïdium Vannée même où ce fléau fit son apparition en
France ; dès lors ils commencèrent à dépérir. Lorsque
M. Laborde dut se retirer, des Malgaches, alléchés par le
prix exorbitant qu'ils avaient parfois tiré de quelques
grappes de raisin, se mirent à cultiver chez eux la vigne ;
mais, faute de soins intelligents, ces essais ne donnèrent
généralement que d'assez minces résultats. D'ailleurs les
Malgaches, pressés de jouir de leurs produits de peur d'être
volés, et peu délicats en fait de fruits, cueillaient d'ordinaire
et vendaient le raisin longtemps avant sa maturité.
» Les Missionnaires français ont aussi essayé de cultiver
quelques plants de Vigne importés d'Europe ; il s'agissait
pour eux d'un point capital, d'avoir du vin véritable pour le
Saint Sacrifice. Mais ils ne pouvaient guère choisir le terrain,
ni l'exposition qu'il eût fallu à la Vigne. Néanmoins plusieurs
d'entre eux ont adossé une treille à leur logis, ont planté
quelques ceps devant leur porte. Une petite campagne, dans
un terrain si renommé pour son aridité que les Malgaches
l'appellent « Amholokandrina » (cheveux sur le front), —
parce qu'il était aussi dépourvu de verdure que le front de
cheveux — , leur a aussi permis de cultiver à grands frais un
petit carré de vigne. Les résultats n'ont pas toujours répondu
au travail ni aux dépenses, ni surtout aux désirs des cultiva-
teurs. Cependant, en dépit des conditions défavorables et de
l'oïdium, on a pu arriver à faire une petite quantité d'un vin
ooO REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES,
assez médiocre, mais avec lequel on peut, du moins, dire la
Sainte-Messe en toute assurance (1).
» Plusieurs Malgaches, qui pouvaient disposer de meil-
leurs terrains, et à qui les Missionnaires ont fourni des
plants et enseigné la manière de les cultiver et de les tailler,
ont obtenu d'assez bons résultats ; mais ils se bornent au
raisin de table ; encore le cueillent-ils presque vert. Les
plants qui ont le mieux réussi sont les plants américains.
» Vu ces faits, et les obstacles énumérés ci-dessus, ii pa-
raît difficile que le plateau d'Imérina puisse faire un pays
vignoble. Mais il semble qu'on pourrait, sans trop de diffi-
(^ultés, surtout si l'on avait la faculté de choisir des terrains
appropriés à cette culture, se procurer du raisin de table, et
fabriquer un vin dont la provenance du moins serait hors de
doute (I). »
(1) Au sujet de Tenvoi que je lis à ia Société d'un échantillon de ce vin, eu
1888, M. le Secrétaire général m'écrivit : — t Le vin maljjache est arrivé ici
en parfait état de conservation : en votre nom je lai présenté à notre Conseil
qui l'a dégusté avec la plus grande attention. Ce nouveau produit de — Mada-
gascar — est pour nous d'un haut intérêt; à en juger par lui on peut espérer.
avec des soins de culture et de vinification, obtenir des crûs de la meilleure
qualité. Recevez nos félicitations sur ces premiers essais, et nos plus vifs en-
couragements. » P. C
(2) Cfr. : Resaka, revue mensuelle, u» 102 yCultnre de la Vigne sur le pla-
teau d'Imérina, par le R. P. Pierre Campenon S. J.), Antananorivo, 1882. —
11 ne sera peut-être pas sans intérêt de reproduire ici l'extrait suivant d'une
lettre envoyée à la même revue au sujet de 1 article du R. P. Campeuon:
« Vous avez publié, au mois de juin, dans le Resaka, une élude sur la cul-
ture de la Vigne. Sans contredire les assertions de l'auteur de l'article, il me
semble que, mov'ennant quelques additions, on peut arriver à des conclusions
moins alarmantes pour les amateurs, même dans l'Imerina. Si les essais, ten-
tés jusqu'à ce jour, n'ont pas donné des résultais satisfaisants, ne m'est-il pas
permis de croire que, entrepris d'après des idées préconçues^ ou n'a pas assez
consulté les circonstances géologiques, phj'siques et climatériques de l'ile.
» Examinons brièvement les conditions qui nous paraissent indispensables au
succès attendu.
> La Vigne est de toutes les plantes celle qui est le plus sensible à lactiou
des causes extérieures. Il faut donc savoir se rendre compte des circonstances
iavorables ou défavorables pour arriver à un produit certain et abondant.
L'exposition et la nature du sol, qui varient selou la latitude el l'altitude,
doivent avant tout attirer l'attention.
• En général, la Vigne aime les lianes des coteaux et les pentes médiocrement
inclinées. Elle redoute les sommets trop exposés aux vents et les lieux bas et
humides. LIne bonne exposition et des abris naturels modifient la condition du
climat.
> La Vigne s'accommode de tous les terrains, convenablement exposés et situés
dans un climat favorable, quelle que soit d'ailleurs leur composition élémen-
taire; mais tous ne sont pas également propices à sa production. Les terrains
sablonneux, secs, caillouteux, vo.caniques, sont ceux où la Vigne prospère le
LA VIGNE A MADAGASCAR. 531
Ce résultat serait peut-être plus facile encore à atteindre
(faisait remarquer, en terminant, l'auteur de la note), si,
comme on l'assure, il se trouve à Madagascar une Vigne qui
croit spontanément dans les forêts. Ce serait un plant à
essayer.
Qu'il existe une vraie Yigne ( Vitis) croissant sur le sol de
la grande lie africaine, outre celles d'importation ou d'intro-
duction récente, cela semble ne plus faire de doute aujour-
d'hui.
Parmi les — « Herbes remarquables h Madagascar sem-
blables à celles de France » E. de Flacourt citait déjà au
dix-septième siècle, — « la Vigne véritable apportée pre-
» mièrement dupais A Iflssac h par moa ordre
» La Vigne du pais d'Alfisach est vraye Vigne ; il y en a par-
w tout le païs ; j'en ay planté au Fort-Dauphin où dans peu
» de temps, l'on en fera du vin en bonne quantité : pourveu
» que l'on continue à en cultiver. Elle fructifie fort, et j'en
mieux, au moins pour la qualité des vins, — Les terres grasses, humides ou
subslantieiles donnent des produits abondants, mais médiocres en qualité. —
Les terrains ar^riieux, compacts et imperméables doivent être considérés comme
les moins propres à cette culture.
• Ces principes posés, à quelles conditions le sol de Madagascar se prêtera-
l-il à un résultat plus ou moins satisfaisant. Etablissons d'abord une dilFérence
entre les so's de la côte et ceux du plateau central,
» Sur la côte nul doute que la Vigne, cultivée dans les conditions voulues,
ne soit susceptible d'un bon rendement. Le sol est un sable végétal, conser-
vant suffisamment l'humidité. Pour l'abriter contre les fortes brises, il ne
manque pas de vallées, dès qu'on s'enfonce dans les terres ; et dans la plaine,
des arbres nombreux lui font un bon rempart.
» Pour la soustraire aux ardeurs du soleil, ou plutôt au rayonnement du sol,
la vigne doit être établie en vigne haute ou, comme Ton dit, en hautain. Cette
élévation préserve le l'ruit des rayons rétléchis par le sable et des éclaboussures
produites par les fortes pluies. C'est en procédant ainsi que, dans les bas, on
obtient de beaux et nombreux raisins, et qu'un propriétaire à Tamatave a
pu faire du vin. Il ne faut pas craindre de la laisser monter haut. J'ai vu une
treille vigoureuse, de belle venue, donner beaucoup de fruits; mais ils parve-
naient rarement à une maturité complète. Ayant besoin de remplacer les sup-
ports, le jardinier les éleva de 0"',50 à O^jGO. Depuis lors, la mêms vigne est
plus productive et la maturation plus régulière.
• Cette condition d'élévation paraît donc essentielle.
» Dans le plateau de l'Imerlna, la réussite est plus problématique, à cause de
la nature du terrain et des inlluences climatériques. Cependant une exposition,
convenablement abritée, permet d'espérer un résultat satisfaisant. Il y a des
vallées nombreuses, qui ne sont pas dépourvues de bonne terre. Leur disposi-
tion offre des abris naturels, et des conditions telles qu'on peut les désirer. Leur
pente laisse s'écouler les eaux des grandes pluies, et conserve assez d'humidité
pour nourrir les plîinls. Nous avons une preuve de ce fait en cette végétation
552 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
» ay mangé le premier raisin au mois de Janvier de l'an
» 1655 (1). »
Des voyageurs ou explorateurs modernes ont rencontré et
signalé la Vigne croissant sur divers autres points de Mada-
gascar. D'ailleurs, les indigènes semblent distinguer eux-
mêmes la Vigne récemment introduite dans le pays par les
Européens de celle qui y croit spontanément. Ils appellent la
première Voalobobazaha (Vigne des Blancs), tandis qu'ils
donnent à l'autre le nom de Voalobokagasy (Vigne des Mal-
gaches).
Cette Vigne Voalodohagasy constitue-t-elle une espèce
particulière indigène, ou bien a-t-elle été elle-même introduite
dans la grande île africaine à une époque plus ou moins
éloignée ? Il ne serait point surprenant que ladite Vigne
provînt de plants importés ou introduits à Madagascar par
les premiers colons de l'île.
M, Naudin, l'éminent directeur de la villa Tliuret, à qui j'ai
si vigoureuse, qui se développe dans les fossés, creusés autour des tokotany (en-
clos) en guise de fortification.
» On peut aussi utiliser les creux des roches où il se rencontre des détri-
tus. Nous sommes dans une latitude où l'altitude n'est point un obstacle au dé-
veloppement de la Vigne.
» Quoique la Vigne haute présente plus de chances de réussite, il n"est pas
nécessaire de la laisser monter aussi haut que dans les bas. Si Ton veut essayer
de la vigne basse, qu'on laisse le pied principal atteindre au moins la hauteur
de O^jô.T. Le tailler plus bas et surtout ras de terre, c'est le condamner, sinon à
la stérilité, du moins à n'avoir jamais des fruits complètement mûrs.
■ Les chaleurs dans llmerina n'étant pas assez fortes pour faire produire,
comme sur la côte, deux récoltes par an, il faudra fixer la taille de manière à
obtenir le raisin à l'époque la plus opportune. La récoite en octobre est la plus
naturelle. Cependant, dans- cet hémisphère, la taille en novembre, pour récol-
ter en mars ou en avril, offre certaines conditions de réussite. La pousse aurait
pour elle les pluies de l'hivernage, et, au moment de la maturation, le soleil
serait encore assez fort pour faire mûrir le raisin.
• Si enfin on désire ne récolter que des raisins pour la table, il faut planter
la Vigne contre les murs de clôture, qui lui serviront d'abri et de support, et
qui, par la rétlexion de la chaleur, augmenteront l'action du soleil.
» En donnant ici notre opinion, nous n'avons pas la prétention d'exclure
tout autre système. Nous nous trouvons dans une région où les essais sont à
faire. Nous signalons seulement les conditions qui nous paraissent les plus favo-
rables à la réussite. Après tout, faut-il s'attendre à un succès infaillible? Sou-
venons-nous que chaque contrée de l'Europe a sa manière de cultiver; et telle
méthode qui réussit fort bien en un lieu, n'a aucune chance de réussite dans
un autre. L'expérience seule doit en fixer le choix. >
(F. C. Resaka, n" 104.)
(1) Hiitoire de la grande isle Madagascar, composée par le sieur de Flacourt,
directeur général de la Compagnie Irançaise de l'Orient et commandant pour
Sa Majesté dans ladite isle et islcs adjacentes. — Paris, 1661, chap. xxxvi.
LA VKtNE a MADArTASCAR. 553
envoyé des spécimens de Voalobohagasy, m'écrivait naguère,
au sujet de cette Vigne : — « J'ai reçu, et je tiens à vous en
faire mes remerciements, les graines de cette intéressante
espèce de Vigne de Madagascar que vous avez eu la bonne
idée de m'adresser. J'en ai tout de suite semé quelques-unes,
et je distribue le reste à divers acclimateurs d'Algérie qui s'y
intéressent tout comme moi. Mais trouvera-t-elle dans nos
climats la chaleur nécessaire à son développement ? That is
tlie question. J'espère cependant que le Sud-Algérien lui
conviendra.
« Une région qui me paraît devoir convenir entre toutes,
pour les plantes de Madagascar, est la Nouvelle-Calédonie
et il est vraisemblable que votre nouvelle Vigne, surtout
améliorée par la culture, y rendrait des services. Il y aurait,
le Gouvernement aidant, quelque chose à faire de ce côté-là.
Cela viendra peut-être.
« En attendant il est bon que cette grande île de Mada-
gascar, presque un petit continent, soit explorée au point de
vue de ses productions naturelles, et pour y faire des décou-
vertes utiles à la science et à l'industrie, il n'est rien tel que
d'y habiter à demeure. C'est le rôle des missionnaires mieux
placés que personne pour rendre ces services. »
Quelque temps après, M. Naudin m'apprenait que les graines
de Voalobokagasy n'avaient point levé chez lui, mais qu'un
de ses amis, acclimateur à Oran, avait été plus heureux. —
« La nouvelle Vigne, disait-il, a bien réussi entre ses mains
et il doit m'en envoyer des -sarments à bouture. Est-ce bien
une espèce nouvelle ou une variété de la Vigne d'Europe qui
se sera naturalisée spontanément à Madagascar? Ce sera une
question à examiner. »
D'autre part, M. Alfred Grandidier, le savant membre de
l'Institut dont on sait la compétence en tout ce qui concerne
Madagascar, m'écrivait au sujet du Voaloholiagasy : « Je
ne veux pas tarder à vous apprendre la bonne arrivée de vos
spécimens de Vigne Il n'est pas douteux que c'est le vrai
Yilis vinifera, notre Vigne d'Europe (variété très voisine
•duFrankenthal). C'est là un fait curieux. »
Durant un séjour de quelques mois à l'ile de la Réunion,
j'ai eu dernièrement la bonne fortune de rencontrer à Saint-
Denis M. Marchai, un des colons les plus expérimentés de
Madagascar, hal)itant la région de Fort-Daui)liin depuis plu-
d"J4 ■ REVUE DES SCIEN'CES NATURELLES APPLIQUÉES.
sieurs années. L'ayant interrogé au sujet du « païs Alfissacli »
cVoù E. de Flacourt dit avoir fait venir la Vigne, M. Marchai
me répondit riu'il y avait vers le Nord de Fort-Dauphin, dans
la région de l'Ambolo, près des Zafimahery, un endroit
appelé par les « Antanosy a Aïpissaha, et par les « Hova »
Ahipisaka, où des ruines d'un ancien établissement de Blancs
existeraient encore. M. Marchai m'affirma avoir reçu lui-
même des plants de Vigne provenant de cet endroit. Il est
donc probable que VAÏpissaka des « Antanosy » ou Ahipisaka
des « Hova » n'est autre que le « païs Alflssach » de E. de
Flacourt, où des Blancs établis avant lui à Madagascar avaient
introduit et cultiSé la Vigne.
Quoi qu"il en soit, il m'a paru utile, au point de vue pra-
tique, de l'aire quelques essais dans le but de me rendre
compte du vin que peut donner le Voalobokagasy . Je n'ai
malheureusement pu opérer que sur une fort petite quantité
de fruits, difficiles â se procurer en bonne maturité chez les
Malgaches. Malgré les conditions défavorables de la récolte
du raisin et des procédés de vinification, j'ai obtenu un vin
fort passable.
En même temps que cette note j'envoie à la Sociale un
minuscule échantillon dudit vin. J'y joins également la photo-
graphie, prise sur nature, d'une grappe de Voalobokagasy . •
Au moment où j'écris ces lignes, l'un de nos confrères, le
R. P. Landes, s'occupe d'une petite plantation de Voalûboka-
gasy sur un terrain de la Mission catholique de Tananarive.
L'avenir nous dira si le cépage réalise les espérances qu'il fait
concevoir.
II. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ.
SEANCE GENERALE DU 19 MAI 1893.
PRÉSIDENCE DE M. A. GEOFFROY SAINT-ilILAIRE, PRÉSIDENT.
Le procès-verbal de la .séance précédente est lu et adopté.
M. le Président proclame les noms des membres récemmenj:
admis par le Conseil d'administration :
MM. PRÉSENTATEURS.
A. Geoffroy Sainl-Hilaire.
Delamardelle (baron), ;20, boulevard
d'Inkermann, à Paris.
G. Raverel-Wattel.
Marquis de Sine'ty.
!A. Geoffroy Saint-Hilaire.
G. Mathias.
-r, c -,.1 T ^„r.
Remy bamt-Loup.
( A. Geoffroy Saint-Hilaire.
RoGHÉ (docteur Georgesj, 20, avenue des ) „ p, , ,^.
Gobelins, à Paris. r t tr -n ,
{ L. Vaillant.
M. le Secrétaire procède au dépouillement de la corres-
pondance :
— M. Arn. Leroy écrit d'Oran à M. le Président :
« Les Râles d'Australie que la Socie'te' a bien voulu m'accorder en
cheptel, il y a prés de deux mois, ne paraissent pas souffrir du cban-
"emeut. Ils manpent bien et sont fort vifs ; leur nourriture consiste
en viande bouillie (bœuf ou cœur), coupe'e en menus moiceaux, mé-
lange'e d'un peu de millet et chénevis ; ils mangent volontiers les
vers de terre et petits insectes, mais ne loucbcnt pas aux grosses sau-
terelles du pays. »
— M. le Comte de Saint-Innocent adresse un compte
rendu de son cheptel de Lapins russes et M. Martel-Houzet
de ses cheptels de Canards â bec rouge et Faisans vénérés,
— M. J. Gurlies-Savard lait connaître â la Société que,
depuis nombre d'années, il s'est occupé de contnMer ce qu'il
pouvait y avoir de vrai dans la concordance des brouillards
de mars avec les gelées de mai.
Le résultat de ses observations a été négatif et ces concor-
dances lui ont paru tout à t'ait accidentelles.
556 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
M. le Secrétaire rappelle, qu'il y a une vingtaine d'années,
la Société fit procéder à une enquête de même nature ; les
conclusions du rapport présenté alors étaient conformes à
celles de notre correspondant.
— M. le Secrétaire signale un cas de fécondité assez
curieux qui s'est récemment produit au Jardin d'essai du
Hamma. M. Cli. Rivière, son directeur, l'annonce en ces
termes, dsnisV Algérie agricole.
• « Une belle chèvre maltaise, fécondée par un bouc d'Angora, a
donne' naissance à ù'ois petits, bien conformés, vigoureux et d'excel-
lente constitution.
» Les chevrettes vont être conservées afin de suivre de près le re'sul-
tat de ce croisement au point de vue laitier.
» On reproche à la race d'Angora la limitation de ses faculte's lacti-
fères, on reconnaît que son lait est d'excellente qualité'. D'autre part,
la race maltaise est bonne laitière : le croisement ne peut donc qu'être
très heureux.
» Nous rapprocherons ces résultais de ceux déjà obtenus dans des
conditions analogues. »
— M. Max. du Mont demande si la Société ne jugerait pas
utile de s'occuper à nouveau des séricigènes exotiques dont
l'éducation lui paraît à peu près abandonnée en France.
Les espèces américaines et indiennes avaient cependant
donné des résultats encourageants comme en font foi les
notes publiées dans le Bulletin par MM. Fallou, Clément,
Wailly et autres.
— Le Jardin d'Acclimatation nous transmet la note sui-
vante qui montre combien est rustique la Truite arc-en-ciel
que la Société d'Acclimatation s'efforce de répandre dans nos
eaux françaises :
« Le Jardin a expédié, le 2 février 1893, à M. Fournial, à Trans
(Var), 100 Truites arc-en-ciel qui, au moment de l'expe'dition, pesaient
de 20 à 30 grammes. L'expe'dition a été faite dans un bidon en fer-
blanc, d'une contenance maximum de 80 litres.
» Ces Truites sont arrivées en bon état, malgré un trajet de 1,005
kilomètres, d'une durée de 25 à 26 heures au moins.
» Parties par le train de 11 h. 15 du matin, elles arrivaient à Mar-
seille le lendemain à 6 heures du matin, et ne pouvaient arriver à
Trans (Var) qu'à 12 h. 46, au plus tôt.
» Au Jardin, on nourrit ces Salmonidés avec de la rate hachée.
M. Fournial les nourrit avec des Vairons, pris à la bouteille, coupe's
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 557
d'abord, puis entiers. Il les voit grossir à vue d'oeil et est émerveillé
de leur rapide croissance. »
M. Fournial se propose de tenter prochainement une
nouvelle expérience ; à cette époque de Tannée où la tempé-
rature est plus élevée les risques de transport seront encore
plus grands.
— M. le comte de Galbert, secrétaire général de la So-
ciété horticole dauphinoise, écrit à M. le Président :
« Permettez-moi d'appeler l'attention de la Société d'Acclimatation
sur la de'cision prise par les Socie'te's des touristes du Dauphiné et
Horticole dauphinoise, re'unies pour la cre'ation, à Champrousse (1,800
mètres d'altitude), d'un jardin alpin.
» Ce jardin, conçu dans le genre de la Linna-a et de la Daphnjea,
sera installe' dés cette anne'e, les travaux devant commencer le l^"" juin
et tout étant pre'vu pour que les plantations de 5 à 600 espèces soient
faites avant le 15 du même mois.
» Nous vous serions reconnaissants aussi de citer dans la Revue le
vœu e'mis par le Conseil départemental de l'Isère, et nous espérons
que la Société d'Acclimatation voudra bien, de son côté, nous venir
en aide par l'envoi de plantes à acclimater. Nous pourrons en recevoir
et les soigner d'une façon complète dès le 15 juin. »
Voici le texte de la proposition présentée par M. le comte
de Galbert :
» Considérant que la création d'un jardin alpin à Champrousse pré-
sente pour l'agriculture et l'horticulture, aussi bien que pour la science
botanique, les plus grands avantages ;
'> Que ce jardin, qui sera un véritable refuge pour les espèces rares
menacées de disparition complète, propagera en même temps les va-
riétés remarquables par leur beauté ou leur valeur médicale ; qu'il
protégera la flore alpine ;
* Considérant que des expériences agricoles y seront faites sur une
échelle relativement vaste, pour l'acclimatation des variétés les plus
recommandables des pays froids ou de haute altitude ;
» Que l'agriculture pourra ainsi en bénéficier notablement ;
» Approuve la création de cette station alpine, organisée par la So-
ciété des Touristes du Dauphiné, en collaboration avec la Société Hor-
ticole Dauphinoise, et sera heureux de voir le Ministère de l'Agricul-
ture et le Conseil général de l'Isère la comprendre, à l'avenir, dans les
œuvres utiles auxquelles ils donnent leur appui. »
— M. G. de Guérard appelle l'attention de la Société sur
l'intérêt que présenterait la culture du Ginseng (pii fournit
.>^8 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
une drogue très en faveur auprès des Chinois qui la paient
au poids de l'or.
M. le Secrétaire fait remarquer que si cette plante n'a pas
produit en Europe les effets merveilleux qu'on lui attribue
dans l'Extrême-Orient, elle possède néanmoins des proprié-
tés toniques et stimulantes réelles, et, à ce titre, elle méri-
terait d'être tirée de l'oubli où on la laisse. Le Ginseng est
le Panax quinquefoiium des botanistes.
— M. Jules Cloquet écrit d'Alger à M. le Président :
« J'espérais pouvoir vous donner, celte année, le résultat des essais
de 1892, dans la région de Lamartine, sur la culture du « Mash de
Mésopotamie ». J'ai quitté Orle'ansville, il y a un an, et je n'ai pu les
suivre de visu. J'avais écrit, le mois dernier, à l'administrateur de
Lamartine, en le priant de me communiquer les résultats de celte
dernière anne'e ; je n'ai pas encore reçu de re'ponse :
» J'ai la crainte que la grande se'cberosse, dont a souffert toute la
plaine du Cheliff, ait détruit le résultat de nos efforts des anne'es pré-
cédentes et les espc'ranccs que nous fondions pour l'avenir sur cette
plante. »
— M. le Président dépose sur le bureau un ouvrage de
M. Oustalet ayant pour titre : La Protection des oiseaux.
D.ms ce volume, notre collègue a re'sumé tout ce que nous savons
sur la question de protection des Oiseaux. Il a discuté, avec sa haute
compc'tence d'ornithologiste et de savant éminenl, le pour et la contre
sur toutes les espèces qui sont considére'es comme méritant d'être
protege'es. Le Moineau naturellement tient dans ce livre une place
assez importante, car nous savons que c'est, parmi les oiseaux à pro-
te'gcr, un des plus discutes. M. Oustalet plaide en faveur du moineau,
mais il ne va pas jusqu'à admettre sa trop grande multiplication,
pour lequel, comme en toute chose, d'ailleurs, l'excès devient un
de'faut. Ce livre est d'autant plus intéressant que, sortant de la plume
d'un naturaliste autorisé, il ne contient que des notions absolument
certaines, absolument sûres dans lesquelles le lecteur peut avoir une
coinpléte confiance.
— A l'occasion de la correspondance , M. le Président
' signale une naissance obtenue au Jardin d'Acclimatation qui
jirésente un certain intérêt : c'est celle de jeunes Casoars
d'Australie.
« Ce n'est pas le fait de la naissance de ces oiseaux en lui-même
qui mérite l'atlention, dit M. le Président, puisque, chaque anne'e,
régulièrement, le couple d'animaux qui vivent dans les parc5 du
PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 559
Jardin d'Acclimatation donne naissance à un certain nombre de
jeunes, mais bien ce que nous avons été à même d'observer cette
année, avec plus de rigueur que d'ordinaire, la façon dont le mâle
se comportait. Vous savez que l'incubation des œufs de ces gros
oiseaux dure ordinairement de 56 à 57 jours. La température ayant
été' beaucoup plus e'ieve'o dans le courant du mois qui vient de s'e-
couler que d'ordinaire, la dure'e de l'incubation s'est trouvée réduite
à 52 et 53 jours. C'est là un abrègement de délai inléressant à
observer. On nous avait souvent dit, et nous avions nous-même
observe' que, pendant toute la durée de celte longue incubation de 56
à 57 jours, le maie, qui seul couve d'ailleurs, ne se levait pas. Mais
il était assez difficile de l'affirmer. Mais, cette fois, nous avons entoure'
le couveur d'un certain nombre de moyens d'observer ses mouvements
et, en effet, pendant toute la durée de l'incubation, il ne s'est pas
levé'-, pendant le môme temps il n'a pas mange; pendant le même'
temps il n'a pas déféqué. Je vous demande pardon d'entrer dans ces
détails naturalistes, mais il est très intéressant de constater que c'est
seulement le lendemain de l'éclosion des jeunes que Tanimal a vide
son cloaque; il a rendu immédiatement une grande quantité d'un li-
quide verdàtre qui a été aussitôt absorbé par les jeunes éclos com-
plètement. Il re'sulle de ces observations des faits extrêmement pré-
cis : le jeilne de l'animal, sa persove'rancc à tenir le nid, et enfin
le fait final, qui est très curieux à noter.
» Ces observations ont été rcc leillics bien des fois au Muse'um,
mais pas avec cette précision. Je me rappelle, que dans mon enfance,
le faisandier affirmait que l'incubation des Casoars durait 63 jours,
ce qui est une erreur ; il ajoutait certainement à la durée de l'in-
cubation celte période tâtonnante des premiers jours au Jardin
d'Acclimatation, il ne peut y avoir de confusion puisque les œufs sont
tous retire's jusqu'à ce que la ponte soit terminée- Nous ne laissions
pas les œufs au nid, car les gele'cs pouvaient survenir; et dans ce cas,
nos œufs auraient été perdus. Depuis quinze ans de'jà, on sacrifie les
quatre premiers œufs, on les marque, et tous les œufs po>lc'rieurs
sont retirés cbaque jour, et, quand la ponte est tcrmine'c, on les
confie au mSle qui les prend et ne s'en se'parc plus. C'est pour cela
que nous avons de si bons résultats. »
— M. le professeur Léon Vaillant lait une communication
sur la reproduction du poisson télescope au Muséum.
— M. Forest aîné donne lecture d'une note sur l' Autru-
che et la colonisation en Algérie.
— ^I. le Président prononce en ces termes la clôture de la
session :
« Celle séance est la dernière de la 40° session de la Socie'té d'Ac-
climalalion. Nous allons donc nous sc^)arer pour nous réunir de nou-
360 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
veau dans le courant du mois de décembre prochain. Cette anne'e,
par suite de circonstances absolument inde'pendantes de notre bonne
volonté', la Commission des récompenses n'a pas pu fonctionner. Mais
nous n'entendons pas qu'il on soit de même pour l'anne'e prochaine, et
nous avons déjà adressé à la plupart des sociétés scientifiques qui se
pre'occupent de questions analogues à celles qu'on traite dans cette en-
ceinte, des circulaires pour leur demander de signaler à notre atten-
tion les publications, les travaux pratiques qui seraient de nature à
me'riter nos récompenses.
Vous allez, Messieurs, pendant nos longues vacances, aller vivre à
la campagne, par conséquent, vous serez à même d'apprécier les
efforts, de vous rendre compte des résultats obtenus par les per
sonnes qui se préoccupent d'horticulture, d'acclimatation, d'e'levage,
de basse-cour, etc. Faites provision de documents pour nous signaler,
à la rentrée, les faits qui vous paraîtraient dignes de me'riter les en-
couragements de la Société, soit sous forme de prix, soit sous forme
de médailles. »
Pour le secrétaire des séances,
Jules Grisard,
Secrétaire du Comité de rédaction.
III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS.
Pêche de la Baleine dans les mers de l'Amérique du
Nord. — D'après la statistique officielle émanant de Washington, les
résultats de la pêche aux Baleines furent me'diocres en 1889. Ces
Ce'tacés deviennent de plus en plus sauvages; en outre, ils diminuent
par suite de l'emploi des navires à vapeur dans leur chasse. Le rapport
compte aussi les Phoques et les Loutres.
Dans cette année, 101 navires (dont 11 à vapeur), jaugeant ensemble
22,600 tonneaux, prirent part à la campagne. Le produit total atteint
1,834,551 dollars [9,172,755 francs); nous y notons 124,983 dollars
(724,915 francs) pour la vente des Loutres cl des Phoques à fourrures.
Cela représente une diminution de 33,5 sur 1880. L'on compte, pour
cette saison, 3,513 pêcheurs dont 60 % sont des Américains et 23 °/o
des Portugais. La mer de Behring et les eaux arctiques furent parcou-
rues par 42 bateaux; l'océan Atlantique par 20; les mers d'Okhotsk
et du Jopon par 9; l'océan Pacifique par 8 ; enfin l'océan Indien par 6.
On a capturé 780 animaux dont 109 Baleines proprement dites,
527 Cachalots, 121 Boioheads, et 23 animaux appartenant à des groupes
différents. De S.
Sur le mode de transport des Jacots [PsUtacus erithacus L.)
par mer. — Il est bien rare qu'un paquebot abandonne l'Afrique
occidentale sans emporter en Europe des Perroquets cendre's. Oiseaux
accliûaatés et très répandus chez nous. Parfois, il s'en trouve plu-
sieurs centaines sur un seul bâtiment. Dans les comptoirs du Congo
français, en particulier à Majumba, on les élève pour les vendre aux
équipages et aux passagers des navires qui touchent à la côte. Les
matelots de l'étranger achètent les Jacots en grand nombre pour s'en
défaire, avec profit, à Hambourg.
Souvent, la vie renfermée à bord, le manque d'eau fraîche, le régime
qui consiste généralement en pain dur, biscuits, conserves, ch'Jncvis
et autres graines oléagineuses, détermine des maladies chez ces Perro-
quets ; beaucoup pe'rissent pendant le trajet. Car, si cette espèce est
robuste, elle exige cependant plus de soins. On recommande de la
tenir autant que possible à l'air, en évitant les transitions de tempé-
rature, de lui donner des graines farineuses, du ble', du mais, et de
mettre à sa portée de l'eau non distillée, l'acide carbonique qu'elle
contient facilitant la digestion. A l'arrivée, on modifiera lentement
ce genre d'alimentation. Le chéncvis agissant différemment sous notre
climat pourra être distribué, surtout en hiver; mais il ne devra pas
former la base de la nourriture.
Un bel exemple de longévité, d'après Levaillanl, est celui d'un
Jacol qui vécut en cage pendant 75 ans. G.
20 Juin 1893. 36
562 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
La culture des Salmonidés à Natal (Colonie du Cap). —
En 1890. on reçut les premiers œufs de Salmonidés à Natal. On cul-
tiva 75,000 œufs de Truite de rivière (Salmo (ario) et autant de celle
de Lochleven (S. cœcifer). La première espèce manqua complètement.
La Truite de Lochleven re'ussit un peu mieux ; sur 15,000 œufs éclos,
on a pu lâcher 1,500 alevins, en lots de 500, dans les rivières Mooli,
Bushmann et Unngeni. L'anne'e suivante, on e'ieva les mêmes espèces
et, en plus, 10,000 de Truite américaine {S. fontinalis) et 20,000 œufs
de Saumon commun (iS'. salar). S. fontinalis donna des résultats mé-
diocres ; la plupart des œufs furent perdus. Sur deux cents alevins,
une trentaine seulement fut placée dans un petit cours d'eau de Kar-
kloof ; quant aux S. fario et S- cœcifer., les re'sultats de culture ne dif-
fèrent pas sensiblement de ceux obtenus pendant l'année pre'ce'dente.
1,500 alevins furent introduits dans l'Umgeni, l'Umkomanzi, le Mooi,
le Bushmann, l'Umsindusi, l'Umooti et quelques autres cours d'eau de
la région.
En 1892, qui est donc la troisième anne'e d'expériences, on cultivait
à Natal 180,000 œufs. De B.
Les Graines jaunes. — Sous la dénomination de Graines jaunes,
on comprend dans le commerce les fruits des diverses espèces de Ner-
pruns croissant abondamment dans le Midi de la France, en Espagne,
en Grèce, et surtout en Turquie, en Perse et dans l'Asie-Minourc.
Ces fruits, cueillis avant leur entière maturité, sont de petites baies
ge'ne'ralement subglobuleuses d'un vert foncé, noirâtres ou jaunâtres.
Leur saveur est amère et leur odeur désagre'able.
La décoction des Graines jaunes donne une couleur d'un brun-
verdâtre que les alcalis font passer à l'orangé, les sels de cuivre au
vert-clair et les sels de fer au vert-olive. L'alun e'claircit la tcinle sans
la modifier.
Le principe colorant des Nerpruns est dîi à un glucoside, la Rhatn-
négine de Lefort qui n'est autre que la Xanthorhamnine de Licbermann
et Horman. Cette substance cristallise en aiguilles jaunes d'aspect
soyeux, inodores, solubles dans l'eau et les liquides alcalins, presque
insolubles dans l'alcool froid et l'élher-Les acides dilue's la de'doublent
en Rhamnétine et en Isodulcite.
Les Graines jaunes fournissent une matière colorante jaune très
belle, mais peu solide, que l'on utilise pour la teinture des laines et
des cotons, notamment des indiennes. Par son mélange avec le bleu,
on obtient un vert magnifique dont la nuance se rapproche du vert de
Chine.
Ce produit tinctorial ne donne des couleurs fraîches et vives qu'au-
tant que les décoctions ont été re'cemment préparées. En vieillissant,
ces décoctions deviennent grasses et filantes; elles s'altèrent d'autant
plus vite qu'elles sont plus concentre'es. Toutefois, cet inconve'nient
CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 563
peut être évité en grande partie si on a le soin d'ajouter quelques noix
de Galles avant de faire la décoction des graines.
Au lieu de ce procède' ordinairement en usage, on a propose' d'ex-
traire le principe colorant au moyen de l'alcool à 50 degre's et à chaud.
En ope'rant ainsi, on obtient une dissolution d'un brun-jaunâtre qui,
par la concentration, donne une matière brune très soluble dans l'eau.
Cette matière dissoute dans de l'eau bouillante et mordancée à l'alun,
produit un bain de teinture très facile à doser et comparable aux meil-
leures de'coctions ; cette pre'paration offre en outre l'avantage de ne
rien perdre de son principe colorant par le repos.
Le Siil de grain est une sorte de laque jaune employe'e en peinture,
obtenue en faisant bouillir les Graines du Levant ou de Turquie avec
du blanc de céruse ; elle est en général peu solide. Le Stil de grain de
Hollande est plus beau et moins fugace que celui de France.
Le vert appelé improprement Vert de vessie, parce qu'il est d'usage
de le renfermer dans de petites vessies, se fait également avec les
fruits de Rhamnus. On cueille les baies lorsqu'elles sont parfaitement
mûres et on en exprime le suc à la presse, il est visqueux et noir. On
laisse évaporer à petit feu et on y ajoute un peu d'alun de roche dis-
sous dans l'eau et de l'eau de chaux. Cette couleur doit avoir la
consistance du miel; on croit qu'elle était connue des anciens.
Les Graines jaunes portent dans le commerce le nom de leur pays
d'origine ou de celui qui les expédie : Telles sont les « Graines d'Avi-
gnon, de Perse, du Levant, de Valachie », etc. La graine d'Avignon,
fournie par le Nerprun des teinturiers [Rhamnus infectorius), est la
moins estimée: celle qui est la plus recherchée pour sa richesse en
matière colorante est la Graine de Perse produite par les Rhamnus
saxatilis et amygdalinus.
Disons de plus pour finir, que c'est encore avec les fruits et surtout
avec l'e'corce des Rhamnus utilis et chlorophorus que les Chinois pre'-
parent la laque de'signe'e sous le nom de Lo-Kao, mais plus connue en
Europe sous le nom de Vert de Chine et de Lo-za. Cotte couleur, sus-
ceptible d'être nuancée selon le goût du teinturier, est remarquable par
l'e'clat qu'elle prend à la lumière artificielle. Nous rappellerons aussi
que le Verl de Chine a été l'objet de nombreuses études à \A Société'
d'Acclimatation tant sous le rapport de la culture des plantes qui le
produi^^ent. qu'au point de vue des applications industrielles qu'il peut
recevoir dans notre pays et qu'un prix de 500 francs, non encore
de'cerne', est fonde' par la dite Société pour l'utilisation du Lo-za par
l'industrie française. M. V.-B.
TABLE ALPHABETIQUE DES AUTEURS
MENTIONNES DANS CE VOLUME.
Baronnet. Naturalisation de végé-
taux en Tunisie, 523.
Bellerive (de). Oiseaux qui peuvent
se passer d'eou, 45.
— Fécondité de quelques poissons
de mer, 47 .
— Elevage des Abeilles dans l'Afri-
que centrale, 96.
— Capture d'un Marsouin, 143.
— Protection des Alligators en Flo-
ride, 143.
— Les perles du Mexique, 102.
— Croisement de Tisserin en capti-
vilé, 236.
— Le Mock Orange à petites feuilles,
239.
— Pêche des Phoques etdesBaleines,
287.
— Introduction du Lavaret dans le
lac de Freyberg, 287.
— Création d'un parc à Cerf à Ge-
nève, 331.
— Gibier exotique acclimaté en Bo-
hême, 383 .
— Commerce du café au Guatemala,
383.
— Protection du gibier en Pensylva-
nie, 423.
— L'élevage des Faisans dans les
Neilgherry, 426.
— Capture d'un grand Esturgeon,
428.
^ Les Chiens dans l'armée, 481.
— La culture des Salmonidés à
Natal, 362.
Bellot (Jules). Reproduction de
Bulbuls, 86.
Bekenger (R.). Le Mûrier du Toii-
kin, 188.
Berthoule (Amédée). L'Olaf^jord
d'Islande. 202.
— EtablisscKients de pisciculture de
l'Aude, 324.
— Les insectes en Auvergne, 325.
— Les travaux de nos laboratoires
de l'Aude, 333.
— Compte-rendu des sauces des sec-
tions :
13 février 1893, 324.
Bibliographie des ouvrages traitant
des animaux de basse-cour, 430.
Brierbe. Haricots de Chine, 420.
Bbisay (marquis de). L'aviculture
chez l'éleveur, 110, 299. 438.
Cambol-é (le R. P.). Taccacée de
Madagascar, 90.
— La Vigne à Madagascar, 548.
CANDOLLE(Alph. de). Surlc Saxaoui,
281.
Chambre consultative d'agriculture eu
Tunisie, 43.
Chappeli.ieh. Observations diverses
sur les Ignames, 93, 233, 238.
— Compte rendu de ses cultures
d'Ignames et de Stachys, 361.
Chatot. Cultures diverses, 90.
Clément (A.-L.). Compte rendu des
séances des sections :
17 janvier 1893, 231.
21 février 1893, 324.
28 avril 1893, 479.
Cloql'et (Jules). Mash de Mésopo-
tamie en Algé.'ie, 538.
TABLE ALPHABETIQUE DES AUTEURS.
565
CoNFÉVRON (de). Disparition des
oiseaux, 187.
Cornu (Maxime). Note sur la To-
mate en arbre, 314.
DAGurN. Acclimatation de nouveaux
Salmonidés, lr2'i .
Dammann. Vigne du Mexique, 28-2.
Decaux. Insectes qui attaquent les
substances alimentaires, 164,
210.
— Insectes nuisibles. 232, 325.
— CampagQols et Mulots, 280.
— La Cheimatohia brumata, 499.
Decroix. Les Chevaux et la fer-
rure, 230.
Delaval (a.). Cheptel de Perruches
omnicolores, 321.
Fallou. Sur le Molytes coronattis,
479.
Fauconnier. Les parcs à Daims en
Angleterre, 140.
Forest aîné (J.). Nos alliés contre
les Sauterelles, 97, 156, 193.
FouBNiAL. — • Truite Arc-en-Ciel ,
556.
— Les Merles métalliques, 351.
Gabor. Produits des Alligators, 45.
— Sebasiichtys melanops, 47.
— Les Souris migratrices, 96.
— Exportation des Grives et des
Alouettes, 1 43 .
— Pêche du Hareng en Russie, 192.
— Protection des oiseaux à la Nou-
velle-Zélande. 237.
— Alouettes introduites dans la Ré-
publique argentine, 2S7.
— Floraison du Victoria regia à
Vienne, 33.5.
— Présence d'une pierre dans l'esto-
mac d'un cheval, 3S3.
— Les oiseaux néozélandais qui dis-
paraissent, 425.
— Consommation du gibier à plumes
et du Poisson à Paris, 427.
— L'huile extraite d'œufs de Ser-
pents, 42 S .
— Sur le mode de transport des
Jacots par mer, 361.
Galhert (Comte de). Truite en Dau-
phiné, 136.
Galbert (Comte de). Jardin alpin de
Champrousse, 557.
Geoffroy Saint-Hilairk (Alb). Al-
locution prononcée à la séance
de rentrée en session, 80.
— Sur le Cerf Maral, 229.
— Le commerce des animaux, 475.
— Rôle du mâle Casoar pendant l'in-
cubation, 558.
— Clôture de la session, 558.
Germain (R.). Influence de la cons-
titution géologique sur l'accli-
matement, 145.
Grisard (Jules). Procès-verbaux des
séancas générales de la Société '.
23 décembre 1892, 80.
6 janvier 1893, 136.
20 janvier 1893, 186.
3 février 1893, 226.
17 février 1893, 280.
3 mars 1893, 320.
19 mai 1893, 555.
— Comptes rendus des séances des
sections :
27 décembre 1892, 230.
24 janvier 1893, 232.
28 février 1893, 325.
17 mars 1893, 381.
— Institut et musée colonial de Mar-
seille, 188.
— L'arbre à laque du Japon, 23 4.
— Produits accessoires du Houx ,
333.
— et Vanden-Berghe. Les bois in-
dustriels indigènes et exotiques,
28, 124, 268, 512.
Guérard (G. de). Les Orchidées de
semis, par Ernest Bergman,
144.
— Zoologie. Traité élémentaire d'his-
toire naturelle, par L. Gérar-
din, 240.
— Les plantes potagères et la •culture
maraîchère, par Ern. Berger,
288.
— L'aquarium d'eau douce et ses
habitants, animaux et végétaux,
par Henri Coupin, a84.
— Chez les oiseaux, par M. E. Le-
roy, 480.
566 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES
- Culture du
GuÉBARD (G. de)- •
Ginsenfî, 557.
GunLiEs-SâVARD (J.)- Brouillards de
mars et gelées de mai, 555.
Hamonville (baron v) . — La chasse
aux petits oiseaux, 60.
Heckel. Cultures d'Ignames, 89,
2-28.
— Sur les végétaux qui produisent le
beurre et le pain d'O'Dika et le
beurre de Cay-Cay, 397, 460.
Hédiard. Fruits et légumes exoti-
ques, 138,233,284, 326,381.
HiLGARD (E.-W.). Les stations agri-
coles et d'acclimatation en Cali-
fornie, 433.
JoNQUOY (J-)' Compte rendu des
séances des sections :
14 mars 1803, 327.
Kbantz (Cath.). Un établissement
pour la salaison des Harengs
en Ecosse, 2 4.
— La pèche dans les eaux de la mer
d'Aral, 310.
KuNSTEB. Société de pisciculture de
Bordeaux, 420.
Laeoulbène (D')- Destruction des
insectes nuisibles, 382.
Lataste (Fernand). A propos de
Lapins domestiques vivant en
liberté dans l'îlot de l'étang de
Cauquenes (Chili), 520.
Le Pelletier (baron). Dindon bronzé
en liberté, 88.
Leroy (Arn.). Plantes halophites,
281.
— Râles d'Australie, 555.
Mac Owan. Plantes halophites du
Cap, 282.
Magaud d'Aubusson. Sur les Tra-
quets, 327.
Mairet. Elevage d'Argus, 376.
Marois. Visites faites aux établisse-
ments d'aviculture, 16, 255,
530.
Megnin (P.). Les Chiens de berger,
241,289, 337, 385.
■— Sur la Maléine, 422.
— Comptes rendus des se'auces des sec-
tions :
17 avril 1803, 422.
MetneRs d'Estuey (D'"). Une nou-
velle variété de Canne à sucre,
48.
— Le riz noir Je Birmanie, 100.
— Culture du Café aux Philippines,
101.
— Colonie allemande de Cameroun,
334,
— Fibres de Sida, 335.
— Des clous dans les arbres, 336.
— Production du sucre dans la Ré-
publique Argentine, 423.
Mobel (D'). Offres de services pour
la Perse, 472.
Mueller (baron F. vo^^). Végétaux
australiens, 88.
Paillieux. Végétaux alimentaires,
381.
PicnoT. Volaille de Langshan, 02.
— Invasion de Campagnols en Ecosse,
137.
PiNGAUD (E.j. Champagne russe, 48.
Rattel, Horlillonnages d'Amiens,
520.
Raveret-Wattel. Une visite à l'éta-
blissement de pisciculture do
Bessemont, 20.
— A propos de l'Olafsfjord d'Is-
lande, 208.
— Pisciculture, 226, 320-
— Truites hermaphrodites, 378.
— Une nouvelle échelle à Saumons,
302.
Rivière (Ch.). Croisement de Chèvre
maltaise et de Bouc Angora,
556.
Roussin (A.). Pommes de terre,
Ritcher's impera^or, 90.
Saint-Loup (Remy). Les Léporides
et la notion de l'espèce, 1, 40.
— Procis-verlavx des séances fje'iié-
rales de la Société -.
17 mars 1803, 375.
7 avril 1803, 417.
21 avril 1803, 472.
5 mai 1803, 52 4.
TABLE ALPHABETIQUE DES AUTEURS.
567
Saint-Loup (Remy). — Sur les modi-
fications de l'espèce, 537.
ScHAECK (de). Nouvelle nourriture
pour les oiseaux insectivores , 45 •
— Les Faucons messagers, 46.
— Œufs de Crocodile, 48-
— Empoisonnement des Faisans par
les feuilles d'If, 96.
— Concours de vitesse pour Pigeons
voyageurs, 143-
— Commerce de Poissons et Mollus-
ques en Angleterre, 143.
— L'Étourneau et les Olives, 192.
— Culture des pêches dans la Nou-
velle-Angleterre, 192.
— Utilité des vases en grès à huile,
10-2.
— Renouvellement de la corne chez
les Rhinocéros, 233.
— Pisciculture en Australie et aux
Etats-Unis, 238.
— Le marché d'ivoire à Londres, 287.
— Remède contre les mucosités des
poissons, 287 .
— Chevaux australiens et hongrois,
aux Indes Orientales, 331.
— Les poulaillers ambulants, 331.
— Utilité de deux Palmiers, 336.
— Cas d'albinisme chez le Hérisson,
383.
— Un train arrêté par des Antilopes,
383.
— Le Coccidium oviforme chez les
Lapins d'Australie, 42o.
— Jaseurs à Paris, 426.
— Culture du Saumon en Bohême,
427.
— Pêche de la Baleine dans les mers
de l'Amérique du Nord, 361.
Sharland. Elevage en Touraine,
86.
SiGRE. Poudre de Pyrèlhre, 47 4.
TcHERNiGOFF. Le Commerce du thé
entre la Cbine et la Russie, 74.
TouRCHOT. Elevage au Canada, 418.
Trempé. Chasse aux petits oiseaux,
136.
Vacher. Pisciculture, 379.
Vaillant (Léon). Sur les monstruo-
sités du Cyprin doré de la
Chine et la reproduction au
Muséum de la variété dite Téles-
cope^
488.
Vanden— Berghe (Maximilien). Les
plantes industrielles , par Gus-
tave Heuzé, 429, 328.
— Les graines jaunes, 362.
Voyei. aîissi Grisard.
Vannetelle (Le commandant L.).
Des filets comme engins de
pêche et de leur emploi, 446.
ViDON. Truites hermaphrodites, 377.
ViENKOFF. La pêche de la Sardine
d'Estonie, 71.
ViLBOUGHEViTGH (Jean). La question
des Sait bushes, 174.
— Domesticatioa du Maral, 226.
— Sur le Kendyr, 283.
— La Luzerne du Turkestan, 321.
— A propos du Pitch-Pin, 326.
— Renseignements sur les plantes
des terrains salants, 363.
WiET (D''). Cheptel de Kangurous,
227.
YvoiRE (baron d'). Sur un crabe ita-
lien, 228.
FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX
MENTIONNES DANS CE VOLUME.
GENERALITES.
Aviculture, 16-10, 110-123, 233-267, 299-309, 418-419, 438-445,
339-547.
Commerce des animaux, 473-477.
Filets de pêche, 446-430.
Gibier, 423, 427.
Hermaphrodisme chez les poissons, 577-379.
Insectes, 164-173, 211-223, 324-325.
Ivoire, 287.
Oiseaux, 43, 329-330, 424-425, 480.
— (Nourriture), 43.
— (Protection), t'-U-7u. 136, 187, 237.
Pêche, 143, 310-313.
Perles, i02.
Pisciculture, 20-23, 238, 324, 333-360, 419-420.
Poissons, 47, 208-210. 287.
Poulaillers ambulants, 331.
Abeille, 96, 323.
Agrotis, 382.
Alligator, 4.3-46, 143.
Alouette, 09-102, 143, 287.
Alucite, 217-218.
Antilope, 383.
Argus, 376.
Autruche, 161 163.
Baleine, 361.
Bondrée apivore. 107.
Bruchns, 166-169.
Bulbul, 86-87.
Buse, 107-108.
Caille, 160.
Calandre, 102, 170 173.
CaDepetière, 194.
Casoar, 337-338.
Cerf, 331.
Chalcite, 137.
Chat, 283.
Cheimatobia hrtimata, 499-311.
Cheval, 230-231, 331, 383, 422.
Chevalier, 196.
Chevêche, 108-109.
Chèvre, 336.
Cliien, 241-234, 284-286, 289-298.
337-330, 383-391, 477-478, 481-
487.
Coccidie, 423.
Coccystes Cafer, 137.
Cochevis, 102.
ColiQ de Virginie, 159-160-
Coucou, 157.
Crabe, 228.
INIiEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX.
569
Crécerelle, 107.
Crocodile, 48.
Cupidon des prairies, lo8.
Cyprin doré, 488-498.
Daim, 140-142.
Dindon, 88.
Ilphestia KuehnieUa, 'JiO-i^S.
Esturgeon, 428.
Etourueau, 102-103.
Faisan, 96, 426.
Faucon, 46-47.
Francolin, 159.
Ganga, lo9.
Garde-bœuf, 196-199.
Geometra defoliaria, olO.
Glaréole, 195.
Grive, 143.
Grue, 195.
Guêpier, 156.
Hareng, 24-27, 192.
Hérisson, 383 .
Hibou, 109.
Jacot, 561.
Jaseur, 426.
Kangurou, 227-228.
Kobez vespéral, 107.
Langshan (volaille), 92.
Lapin, 425, 529-538. Voyez aussi
Léporide.
I.avaret, 287.
Léporide, 1-15, 49-59.
Maral. 226-227, 229.
Marsouin, 143.
Martin pastor, 10 '.-104.
— triste, 104-107.
Masicera flavicans, 510.
Merle, 351-354.
Microgaster sessilis, 510.
Mohjtes coronatus, 479-
Mulot, 137-138, 280-281.
Nandou, 193.
Noctuelle, 232.
Outarde, 193-194.
Perdrix, 159.
Perruche, 321.
Petit Duc, 109.
Pigeon, 143.
Pintade, 158.
Psyché, 325.
Râle d'AustralJp, 555.
Rhinocéros, 235-236. »
Rollier, 157.
Sardine, 71-73.
Saumon, 377-378, 392-396, 427-
428, 524-525, 562.
Sauterelle, 97-109, 199-201.
Scups, 109.
Sebastichys melanops, 47.
Serpent à sonnettes, 428.
Serpentaire, 108.
Singe, 86.
Souris, 96.
Syrrhapte, 159.
Tinea ymnrlla, 218-219.
Tisserin, 236.
Traquet, 327-329.
Truite, 136-137,226, 320-321, 377,
556-557.
Ver gris, 382.
FIN DE L INDEX ALPHABETIQUE DES ANIMAUX.
INDEX ALPHABETIQUE DES VÉGÉTAUX
MENTIONNES DANS CE VOLUME.
GENERALITES.
Beurre de Cay-Cay et d'Odika, 397-416, 460-471.
Champagne russe, 49.
Jardin alpin de Champroussp, .jo7.
HortiUonnages, 526-527.
Pain d'Odika, 408-414.
Salt-bushes, 174-185.
Végétaux, 88, 334-335, 336, 381, 525.
Acajou, 29-30, 129-132.
Arbre à laque, 234-
Alphitonia, 515-516.
Atriplex, 179-181, 184, 185,
367.
Azédarach, 12'4-125, 126-127.
Bambou, 91.
Berchemia Foitrnieri, 516.
Bois d'Amboine, 37-38.
— d'or du Cap, 274-275.
— satiné de l'Inde, 32-33.
— de Toon, 31 -32.
Bourdaine, 518-519.
Caféier, 191, 383.
Caïlcedra, 41-42.
Caune à sucre, 48, 423-424.
Cassiiie, 512-513.
Cèdre bâtard, 33-34.
Cedrela, 28-32.
Celastrus, 273-274.
Chamarops pahnetto, 336.
Chayolte, 326-
Chenopodiiim, 181-182, 366.
Chloroxylon Sioleteiiia, 32-33.
ïrasia, 33-
Cissus Mexicana, 282-283.
Cyphomaiidra hetaaa, 314-319.
Denhamia, 513.
Dioscorea, 89-90, 93-95.
Dijsoxylon, 34-36.
Elreodendron, 27 4-276.
Hvonymus, 276-279.
Flindersia, 37-39.
Fusain, 276-279.
Ginseng, 557-558 .
Gouaré, 39-40.
Goupia glahra, 513.
Guarea, 39-40.
Halogeton, 184-185,
Haricot, 420.
Houx, 268-270, 333-334.
Hovenia dulcis, 516-517.
If, 96.
Igname, 89-90, 93-95,
234, 238-239, 362-364.
Ilex, 268-272.
Jrvingia, 397-416, 460-471
Jujubier, 519-523.
Kendyr, 283-284, 369-371.
Khaya, 41-42.
•TOO
INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX.
Ô7I
Kocliia villosa, 182-183.
Kurrumia robusia, 512.
Lansiuiii doi,iesticiim, 42.
Lilas des Indes, 124-125.
Luzerne du Turkeslan, 3'? 1-322,
373.
Mahogany, 120-132.
Mandarinier du Cambodge, 284.
Mangoustan sauvage, 127-128.
Mash, 558.
Mat/tenus Boaria, 513.
Medkafio, 321-322.
Melia, 124-127.
Meïilotus dentatiis, 373-374.
JleseiiibriaiUhemum, 3 G 7-3 68.
Mock Orange, 239.
Mojja spinosa, 513.
Mûrier du Tonkin, 188.
Nerprun, 517-518, 562-5(53.
Olivelier jaune, 274-275.
71-
Olivier, 192.
Orchidées, 144.
Ornodoxa oleracsa.
330.
Owenia, 127.
Pocher, 102.
Peuplier, 365.
Philadelphis, 239.
Pitch-pin, 326.
Pomme de terre, 90.
Portulacaria afra, 368-369.
Pterocelastrus, 513-514.
Pyrèthre, 474 .
Rhanmus, 517-519.
Rhus vernicifera^ 234.
Riz noir, 190.
Sandoricum, 127-128.
Saxaoul, 281,
Sida rhomioidea, 335-336.
Siphonodon, 514.
Solarium hetaceiim, 314-319.
Soi/mida febrifn/ja, 128-120.
Stachjs, 90-01, 361-362.
Sinietenia, 129-132.
Tacra, 90.
Tamarix, 526.
Thé, 74-79.
Tomate en arbre, 314-319.
Trirhilia catir/ua, 132.
Vigne, 548-554.
Victoria regia, 335.
Ximenia Americana, 135.
Ziajphus, 510-523.
FIN DE l'index ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX.
TABLE DES MATIERES
GENERALITES.
Création d'une chambre consultative d'agriculture en Tunisie 43 .
R. Germain. — Influence de la constitution géologique sur racclima-
tement ■! *"J
De Schaeck. — Utilité des vases en grès à huile 192
De Bellerive. — Les Perles au Mexique 192
De Schaeck. — Le marché d'ivoire à Londres 287
D'' Meyners d'Estbey. — Colonie allemande de Cameroun 334
De Bellerive. — Gibier exotique acclimaté en Bohême 383
Le même. — Protection du gibier en Pensylvanie 425
Gaeor. — Consommation du gibier à plumes et du poisson à Paris. . . 427
E.-W. HiLGABD. — Les stations agricoles et d'acclimatation en Cali-
fornie ^•*'*
Commandant L. Vannetelle. — Des filets et de leur emploi 446
PREMIÈRE SECTION. — MAMMIFÈRES.
Remy Saint-Loup. — Les Léporides et la notion de l'espèce 1, 49
Gabor- — Les Souris migratrices 96
Fauconnier. — Les parcs à Daims de l'Angleterre 140
De Bellerive. — Capture d'un Marsouin dans la Solway 143
De Schaeck. — Du renouvellement de la corne chez le Rhinocéros uni-
cornis de l'Inde -•'•'
P. Mégmn. — Les Chiens de berger 241, 289, 337, 385
De Schaeck. — Chevaux australiens et hongrois aux Indes orien-
tales •^•^^
De Bellerive. — Création d'un parc à Cerfs à Genève 331
De Schaeck. — Cas d'albinisme chez le Héiisson 383
Le même. — Un train arrêté par des Antilopes 383
Gabor. — Présence d'une pierre dans l'estomac d'un Cheval 383
De Schaeck. — Le Coccidivm oviforme chez les Lapins d'.Australie. . . 425
De Bellerive. — Les Chiens dans l'armée 481
Fernand Lataste. — A propos de Lapins domestiques vivant en liberté
dans l'îlot de l'étang de Cauquenes (Chili ' 529
Remy Saint-Loup. — Sur les modifications de l'espèce 537
De Schaeck. — Pêche de la Baleine dans les mers de l'Amérique du
Nord ^61
TABLE DES MATIÈRES DU PREMIER SEMESTRE. 573
DEUXIEME SECTION. — OISEA.UX.
Marois. — Visites faites aux établissements d'aviculture. . . IG, 2j!i, 539
De Bellehive. — Oiseaux qui peuvent se passer d'eau 43
De Schaeck. — Nouvelle nourriture pour les oiseaux insectivores. . . 45
Le même. — Les Faucons messagers 46
Baron d'Hamon ville. — La chasse aux petits oiseaux 60
De Schaeck:. — Empoisonnement des Faisans par les feuilles de l'If. 96
J. FoREST aîné. — Nos alliés contre les Sauterelles 07, l.'JG, 193
Marquis de Brisay. — L'aviculture chez l'éleveu-- Ilij, 299, 438
Gabor. — Exporiation des Grives et des Alouetles 143
De Scuaech. — Concours de vitesse pour Pigeons voyageurs 143
Le mêiiie. — L'Etourneau et les Olives 192
De Bellerive. — Croisement de Tisserins en captivité 236
Gaeor. — Protection des oiseaux à la Nouvelle-Zélande 237
Le mfnie. — Alouettes introduites dans la République argentine 287
De Schaeck. — Les poulaillers ambulants 331
J. Forest aîné. — Les Merles métalliques 331
Gabor. — Sur des oiseaux néo-zélandais qui disparaissent 423
De Schaeck. — Jaseurs à Paris 426
De Bellerive. — Elevage des Faisans dans les Neilgherry 426
Gabor. — Sur le mode de transport des Jacots par mer 561
TROISIÈME SECTION. — POISSONS, CRUSTACÉS
MOLLUSQUES, ETC.
Raveret-Wattel. — Une visite à l'établissement de pisciculture do
Bessemont (Aisne) 20
Cath. Krantz. — Un établissement pour la salaison des Harengs en
Ecosse 2 4
Gabor. — Produits des Alligators 43
De Bellerive. — Fécondité de quelques poissons de mer 47
Gabor- — Sebastichti/s meiialops ^7
Dii Schaeck. — Œafs de Crocodile ^8
ViBNKoFF. — La pêche de la Sardine d'Eslhonie 71
De Bellerive. — Protection des Alligators en Flo.iile 143
De Schaeck. — Commerce des poissons et des mollusques en Angle-
terre l'i't
Gaboh. — Pêche du Hareng en Russie
De Schaeck. — Pisciculture en Australie et aux Etals-Unis 238
De Bellerive. — Pêche des Phoques et des Baleines 287
De Schaeck. — Remède contre les mucosités des poissons 287
Du liELLERivE. — Inlroducliou du Lavaret dans le lac de Freyberg . . . 287
Cath. Krantz. — La pêche dans les eaux du bassin de la mer d Aral. 3lO
Ainélée Bertiioule. — Les travaux de nos laboratoires de l'Aude. . . . 333
Raveret-Wattel. — Une nouvelle échelle à Saumons 392
De Schaeck. — Culture du Saumon en Bohême ''«27
De Bellerive. — Capture d'un grand Esturgeon 428
.->
574 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.
Gabor. — L'huile extraite d'œufs de Serpents 42S
Professeur Léon Vaillant. — Sur les monstruosités du Cyprin doré de
la Chine et la reproduction au Muséum de la variété dite Télescope,. 488
QUATRIÈME SECTION. — INSECTES.
DeBellerive. — Sur l'élevage des Abeilles dans l'Afrique centrale. 00
Decaux. — Insectes qui atta juent les substances alimentaires.. . 164, 211
Le mânie. — Un nouveau tléau de notre richesse pomologique. La Chei-
matobia brumata 499
De Bellerive. — La culture des Salmonidés à Isalal 562
CINQUIÈME SECTION. — VEGETAUX.
J. Grisard et Maximilien Vanden-Berghe. — Les bois industriels indigènes
et exotiques 28, 124, 268, 312
E P:ngaud. — Champagne russe 48
D'' Meyners d'Estrey. — Une nouvelle variété de Canne à sucre... 48
Tchernigoff- — Le commerce du Thé entre la Chine et la Russie. . . 74
De Schaeck. — Empoisonnement des Faisans par les feuilles d'If. . . 96
Jean Vilbouchevitch. — La qu>^stion des Sait Bushes 174
D'' Meyners b'Estrey. — Le Riz noir de Birmanie 190
Le même. — Culture du Caféier aux Philippines 191
De Schaeck. — Culture des Pêchers dans la Nouvelle-Angleterre ... 192
Am. Berthoule. — L'Olafsfjord d'Islande 202
Ravf.ret-Wattel. — Observations à propos de la communication
précédente 208
Chappellier. — Culture de l'Igname 238
De Bellerive. — Le Mock orange à petites feuilles 239
Maxime Cornu. — Note sur la Tomate en arbre 314
Jules Grisard. — Produits accessoires du Houx 333
Gabor. — Floraison du Victoria regia à Vienne 333
D'' Meyners d'Estrey. — Fibres de Sida 333
Le même. — Des clous dans les arbres 336
De Schaeck. — Utilité de deux Palmiers américains 336
Paul Chappellieh. — Compte rendu de ses cultures d'Ignames et de
Stachys. 361
Jean Vilbouchevitch. — Renseignements sur des plantes de terrains
salants 36.J
De Bellerive. — Commerce du Café au Guatemala 383
D'' Edouard Heckel. — Sur les végétaux qui produisent le beurre et
le pain d'O'Dika et sur les arbres producteurs de beurre de Cay-
Cay 397, 460
D'' Meyners d'Estrey. — La production du sucre dans la Répu-
blique Argentine 423
Le R. P. Camboué. — La Vigne à Madagascar 348
Max. Vaxden-Bergue. — Les graines jaunes 362
TABLE DES MATIÈRES DU PREMIER SEMESTRE.
o/o
EXTRAITS DES PROCES-VERBAUX DES SEANCES
DE LA SOCIETE.
Séances
GÉNÉRALES.
Séance
du
•23 décembre 189-2.
80
Séance du
—
6 janvier 1893 . . .
13G
—
—
20 —
186
—
—
3 f.Hrier 1893 . . .
226
—
—
17 —
280
—
—
3 mars — ...
320
7 avril 1893,
21 —
5 mai 1893 ,
19 —
1^'° section. — Mammifères-
Séance du 27 décembre 1892. 230
— 17 avril 1893 422
2° section. — Oiseaux-
Séance du 14 mars 1893. . . . 327
3" section. — Poissons, crustacés, etc-
Siance du 1.5 février 1893.. . 324
Séances des Sections.
4'' section.
Insecl
es.
Séance du 17 janvier 1893. .
— 21 février — . .
— 28 avril — . .
•6^ section. — Vé'gétaux-
Séqnce du 24 janvier 1893 . .
— 28 février — . .
— 1 1 avril — . .
37:;
417
473
231
324
479
232
325
381
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES.
Académie des Sciences 382
BIBLIOGRAPHIE.
Les Orchidées de semis, par Ernest Bergman 1 44
Zoolopie. — Traité élértientaire d'histoire naturelle, par L. Gerardin.. 240
Les plantes potagères et la culture maraîchère, par Ern. Berger 288
L'aquarium d'eau douce et ses habitant?, animaux et vépélaux. par
Henri Coupin 384
Les plantes industiielle.-;, par Gustave Heuzé 429, :')28
Bibliographie d'ouvrages sur les animaux de basse-cour 430
Chez les oiseau.x, par M. E- Li:roy 480
FIN" DE LA TABLE DES MATIERES.
TABLE DES GRAVURES
Boîie d'éîevage de M. Marti-
neau 30G
Bntchus pisorum 160
Calandra granaria 17 J
Chapelet de graines dOba . . . . 407
Cheimatobia hru-nata oUU
Chien de berger allemaad .... 3 i7
— — anglais sans
queue 330
— — de Beauce. . . . 291
— — belge 3 4 j
— — de Brie 203
— — de Langiiedoc. 207
— — russe 3 40
— de bouvier de Brie 20'j
— CoU;y 3 il
— — à poil cour 34)
Crâne de Chacal 2 4'i
— Dingo 24S
— '■ Dogue lie Uussie ... 240
— Lapin 7. 11. 1 j
— Léporide 13, 1 î
— Lévrier du Soudan. . 2 iG
— Lièvre 11, 14
— Loup 2 44
— Renard 2 47
Dogue assyrien 2.">i)
Echelle à Saumon syslème
Ilockin 30 4, 30".
JUphestia Kuehiiiella 221
Geometi'j defoliaria oUO
Igname mâle portant des ileurs
et des fruits 363
Ignames rondes provenant de
semis 362
Iningia Gahoiiensis 402, 4U3
— — (coupe de
l'embryon) 404
— OliveA (fruits) 462
— — ■ (coupe d'un co-
tj'léioii. . . . 463
LéporiJes de M. Lamy 56
Oiafsfjord d'Islande. .". 202
Pain d"Okika 40:;
— (panier à; 406
Perruche.-ie de M. Rousse. ... 110
Plan de l'élevage de M Le-
jeune 2o7
Pian de rétablissement d'avi-
culture de MM. Voitellier
frères 340, 343
Volières de M. Rousse 112
FIN DE LA TABLE DES GRAVURES.
Le Gérant : Jules Grisard.
VERSAILLES, lurnaizniE ctir.F et c""', 59, rub duple^sis.
New York Botanical Garden Librar
3 5185 00259 9254
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