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Full text of "Revue des sciences naturelles appliques"

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REVUE 


DES 


SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES 


BULLETIN  BIMENSUEL 

DE    LA 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  D'ACCLIMATATION  DE  FRANGE 


VEaSArM-iS,    IMPRIMERIE    CERF    ET    G'°,    59,    RUE    DUPLESSIS- 


REVUE 


DES 


SCIEIGES  MTORELLES  UPPLIQUÉES 


BULLETIN  BIMENSUEL 

DE   LA 

SOCIETE  NATIONALE  D'ACCLIMATATION  DE  FRANCE 
Fondée  le  10  février  1854 

RECONNUE  ÉTABLISSEMENT  D'UTILITÉ  PUBLIQUE 

PAR    DKCRET   DU  26  FÉVRIER    1855 

SEW  voKi: 
1893  —  PREMIER  SEMESTRE 

QUARANTIÈME     ANNÉE 


PARIS 

AU    SIÈGE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

41,    RUE    DE    LILLE,    41 

1893 


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I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIÉTÉ  (*). 


LES  LÉPORIDES         '^''''^ 


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ET   LA   NOTION   DE    L'ESPÈCE«.^" '''•*■' 
Par  m.  Remy  SAINT- LOUP. 


Hic  jacet  lepus. 
I. 

Depuis  longtemps  déjà  les  personnes  qui  s'occupent  d'éle- 
vage prétendent  avoir  obtenu  le  croisement  fécond  de  l'espèce 
lièvre  avec  l'espèce  lapin  (1).  Les  premières  observations  en- 
registrées datent,  d'après  Amoretti,  de  1773;  mais  depuis 
cette  époque  le  produit  du  croisement  de  ces  espèces  a  été 
admis  par  les  uns  sous  le  nom  de  Léporide,  et  absolument 
contesté  par  d'autres.  En  lait,  l'animal  a  été  si  mal  défini  que 
l'on  a  présenté  au  public  dans  les  concours  agricoles,  des  la- 
pins de  choux  croisés  de  lapins  de  garenne,  d'autres  croisés 
de  lapins  Angora,  d'autres  enfin  simplement  sélectionnés  et 
tous  avec  l'étiquette  Léporide.  Or,  le  public  est  composé  de 
gens  instruits  et  d'ignorants,  les  uns  comme  les  autres  en- 
thousiastes ou  défiants  ;  l'avis  des  plus  prudents  a  prévalu  et 
du  même  coup  Léporides  authentiques  ou  simili  Léporides 
ont  été  renvoyés  au  fond  des  campagnes. 

Une  question  rejetée  n'est  pas  une  question  résolue,  et  la 
Société  nationale  d'Acclimatation  a  montré  .son  désir  d'obtenir 
des  éclaircissements  en  instituant  un  prix  spécial  destiné  à 
stimuler  les  éleveurs  pour  l'essai  de  la  production  des  Lé- 
porides. Or,  il  semble  que  les  expérimentateurs  se  divisent 
encore  en  deux  camps,  et  si  nous  les  supposions,  pour  un 
instant,  affranchis  des  exigences  de  la  politesse,  la  situation 

(*)  La  Société  ne  prend  sous  sa  responsal)ilité  aucune  des  opinions  émises 
'par  les  auteurs  «les  articles  insérés  dans  la  Revue. 
■  (1)  Jadis  •  espèce  »,  parce  que  j'admets  provisoirement  !e  terme  employé  par 
les   zoolo;iistes  sans   discuter   immédiatement   sa    valeur    et   par  une  sorte  de 
postulatum. 

1>  Janvier  18V3.  4 


2  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

serait  résumée  dans  le  dialogue  suivant  qu'ils  engageraient  : 

—  J'ai  essayé  d'obtenir  des  Léporides  et  j'ai  réussi. 

—  Et  moi,  j'ai  essayé  aussi,  non  pas  une  fois  mais  de  cent 
manières,  et  je  n'ai  rien  obtenu  ;  je  vous  tiens  pour  un  im- 
posteur. 

—  Je  TOUS  tiens  pour  un  maladroit  et  un  ignorant  ; 
autrement  vous  pourriez  montrer    des    Léporides    comme 

eelui-ci. 

—  Çà  un  Léporide  !  Mais  c'est  un  vulgaire  lapin. 

—  Mais  non,  vous  dis-je,  et  j'ai  des  témoins  de  mes  essais. 
Dabord  le  vieux  garde  qui  m'a  apporté  le  lièvre,  le  notaire 
qui  m'a  cédé  la  lapine,  mon  domestique,  tous  ont  pu  cons- 
tater le  succès.  Malheureusement  le  vieux  garde  vient  de 
mourir. 

—  Ih!  vraiment,  c'est  dommage,  mais  votre  notaire  n'avait 
pas  ses  lunettes,  votre  domestique  est  à  vos  gages  et  vous 
me  contez  des  sornettes  ;  enfin,  si  c'est  là  un  Léporide 
prouvez-le. 

Cette  invitation  à  prouver  l'aiithenticité  de  l'animal  au- 
trement que  par  des  alHrmations  qui  échappent  au  contrôle, 
place  la  question  sur  son  véritable  terrain.  Il  faut  donc  exa- 
miner l'animal  présenté  comme  un  Léporide  et  l'étudier  avec 
assez  de  soin  et  de  méthode  pour  mettre  en  lumière  des 
preuves  matérielles  de  sa  double  origine.  Procéder  autrement, 
e'est-à-dire  instituer  des  expériences  de  croisement  et  suivre 
leurs  résultats  ne  réalise  pas  un  progrès.  Si  en  effet  ces  ex- 
périences sont  négatives  les  critiques  pourront  toujours  dire 
que  les  conditions  d'essai  étaient  défectueuses,  si  elles  sont 
positives,  d'autres  critiques  ou  les  mêmes  auront  cent  ob- 
jections à  faire  et  ramèneront  l'expérimentateur  au  point  de 
départ  :  Prouvez  que  l'animal  que  vous  présentez  n'est  ni  un 
lapin  ni  un  lièvre,  qu'il  participe  à  la  fois  du  caractère  de 
l'un  et  de  l'autre,  alors  nous  admettrons  la  sincérité  de  vos 
dires. 

■  Il  faudrait,  en  effet,  que  le  produit  authentique  fût  réellement 
en  dehors  de  ces  conditions  pour  que  la  méthode  se  trouvât  en 
défaut;  mais  cette  hypothèse  ne  peut  être  soutenue  de  prime 
abord  et  nous  en  réservons  la  discussion  après  examen  des 
faits.  Le  mieux  est  donc  d'accepter  cette  méthode  et  de  ra- 
mener la  question  sur  le  terrain  d'anatomie  comparée,  qui, 
dans  tous  les  cas,  fournira  des  documents  instructifs. 


LES  LEPORIDES  ET  LA  NOTION'  DE  L'ESPÈCE.  3 

Le  problème  comprend  alors  les  propositions  suivantes  : 
"  En  admettant  à  priori  la  distinction  spécifique  du  lièvre  et 
du  lapin,  pouvons-nous  par  l'étude  anatomique  mettre  en  re- 
lief des  caractères  de  structure  dont  l'existence  viendra  con- 
firmer cette  distinction. 

Si  la  comparaison  ne  permet  pas  de  relever  des  différences 
de  structure  organique,  toute  étude  anatomique  du  Léporide 
devient  inutile.  Si  au  contraire  les  caractères  distinctifs  exis- 
tent entre  les  deux  espèces,  il  faut  aborder  l'étude  comparative 
d'une  part  entre  le  Léporide  et  le  lapin,  d'autre  part  entre  le 
Léporide  et  le  lièvre.  Alors  de  deux  choses  l'une  :  Ou  bien 
1°  l'animal  présenté  comme  le  produit  du  croisement  sera  ex- 
clusivement semblable  à  l'un  des  animaux  d'origine  et  nous 
dirons  qu'il  n'est  pas  un  Léporide  mais  simplement  un  lièvre 
ou  un  lapin,  ou  bien  2'  il  présentera  des  caractères  em- 
pruntés à  la  fois  au  lièvre  et  au  lapin  et  il  sera  considéré 
comme  authentique. 

Admettons  quant  à  présent  ces  deux  alternatives  auxquelles 
nous  ne  pouvons  échapper  en  acceptant  cette  donnée  que  le 
lièvre  et  le  lapin  sont  d'espèces  différentes.  11  sera  peut-être 
nécessaire  d'y  apporter  quelques  restrictions  après  l'exposé 
des  faits. 

Le  premier  point,  l'étude  comparative  du  lièvre  et  du  lapin, 
n'a  pas  été  traité  par  les  zoologistes  qui  se  sont  occupés  des 
hybrides  de  ces  animaux,  ni  même  par  les  anatomistes  qui  se 
sont  prononcés  à  ce  sujet  (1).  Broca  se  borne,  en  effet,  à  ad- 
mettre la  différence  spécifique  du  leims  timldus  (lièvre)  et  du 
lepus  cunlcidus  (lapin)  en  se  basant  sur  l'opposition  de  leurs 
instincts,  de  leurs  goûts,  de  leur  genre  de  vie,  mais  il  aflirme 
«  que  ces  animaux  diff'erent  beaucoup  moins  par  leurs  ca- 
»  ractères  anatomiques  que  beaucoup  d'animaux  réputés  de 
»  même  espèce  ».  D'un  autre  côté,  un  zooteclmicien  plus  at- 
taché aux  conditions  pratiques  qu'à  l'étude  de  laboratoire,  et 
dont  la  compétence  méritait  par  cela  même  une  sérieuse  con- 
sidération, M.  E.  Gayot  va  môme  i>lus  loin  que  Broca  dans 
son  affirmation.  Pour  M.  E.  Gayot  le  lièvre  et  le  lapin,  «  fort 

(1)  Le  travail  de  M.  Sansoa  publié  dans  les  Âdit.  des  Sciences  nal.,  1871, 
vol.  XV,  est  trou  iniluencé  par  la  conliancu  accordée  aux  expériences  de 
M.  Gayot,  et  d'ailleurs  M.  Sansoa  fait  porter  son  élude  sur  un  seul  Lièvre  et 
un  seul  Lapin,  de  sorte  que  les  poiuts  principaux  lui  oat  échappé.  Le  travail 
de  Matusius  ne  porte  que  sur  quatre  crânes  el  semble  manquer  de  didactique. 


4  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

»  rapprochés  run  de  l'autre  intérieurement  et  extérieurement, 
»  à  la  surlace  et  dans  les  profondeurs  de  l'organisme  pour 
»  qui  les  étudie  anatomiquement,  demeurent  autant  étran- 
»  gers  l'un  à  l'autre  par  les  mœurs.  » 

Ces  enseignements  appuyés  d'une  part  sur  la  grande  et  lé- 
gitime autorité  d'un  savant  érainent  comme  Broca,  d'autre 
part  sur  l'expérience  d'un  agronome  distingué  comme 
M.  E.  Gayot,  avaient  d'abord  découragé  mon  dessein  de  re- 
cherche. Mais  en  somme  la  formule  employée  par  Broca  était 
assez  vague  pour  laisser  place  à  l'investigation  précise.  Ad- 
mettre simplement  la  similitude  anatomique  du  lièvre  et  du 
lapin  c'était  en  bonne  logique  supprimer  leur  spécification 
zoologique  et  le  fait  de  l'union  féconde  de  ces  types  cesse 
d'avoir  l'intérêt  biologique  d'un  croisement. 

Il  n'existe,  en  effet,  et  grâce  aux  définitions  classiques  de 
l'espèce,  que  deux  manières  d'arriver  par  la  méthode  expé- 
rimentale, à  la  réunion  spécifique  d'animaux  pris  au  même 
stade  de  leur  évolution  individuelle.  La  première,  le  procédé 
physiologique  consiste  à  vérifier  si  les  animaux  à  étudier 
sont  capables  de  s'unir  et  de  donner  une  lignée  de  produits 
féconds. 

On  est  généralement  convenu  de  dire  que  dans  ce  cas  les 
types  considérés  sont  de  même  espèce.  II  s'en  suit  que  des 
individus  considérés  provisoirement  comme  de  même  espèce, 
c'est-à-dire  rangés  dans  les  classifications  zoologiques  sous 
ce  titre,  pourraient,  à  la  suite  d'expériences  démonstratives, 
être  catalogués  comme  des  espèces  différentes,  et  récipro- 
quement, des  individus  provisoirement  rangés  dans  la  même 
case,  sous  l'étiquette  espèce  pourraient  être  séparés.  Faire 
de  l'hybridité  la  pierre  de  touche  de  l'espèce,  ce  n'est  pas, 
comme  le  craignait  Broca,  sacrifier  la  zoologie  tout  entière, 
c'est  simplement  adopter  un  complément  de  classification 
capable  de  modifier  sur  quelques  points  les  arrangements  de 
zoologie  systématique. 

La  seconde  manière  d'arriver  au  classement  spécifique, 
juais  qui  s'applique  à  la  réunion  des  types  et  non, à  leur  sé- 
paration, consiste  à  vérifier  l'identité  de  structure  interne  et 
externe  des  animaux.  Cette  méthode  fournira  des  résultats 
qui  se  trouveront  soumis  à  la  définition  physiologique  de 
l'espèce  parce  que  aucun  fait  d'observation  n'est  venu  dé- 
montrer que  des  animaux  identiques  fussent  incapables  d'en- 


LES  LÉPORIDES  ET  LA  NOTION  DE  L'ESPÈCE.         5 

gendrer  des  individus  semblables  à  eux-mêmes.  C'est-à-dire 
que  si  l'examen  anatomique  du  lièvre  et  du  lapin  nous 
conduisait  à  les  considérer  comme  identiques,  nous  serions 
autorisés  à  les  déclarer  de  même  espèce  tandis  que  si  leur 
identité  est  négative  nous  ne  pouvons  en  rien  préjuger  de 
leurs  rapports  spécifiques  avant  rexi)érience  physiologique. 
Cet  exposé  est  nécessaire  pour  faire  comprendre  dans  quel 
engrenage  conduisent  les  définitions  actuelles  de  l'espèce,  et 
pour  permettre  plus  loin  la  discussion.  Nous  savons  aussi 
quelles  objections  pourraient  être  faites  à  l'emploi  du  mot 
identité  ou  du  qualificatif  «  identique  »,  qui  ne  sauraient 
avoir  ici  le  sens  i)récis  qu'ils  ont  en  mathématiques.  Nous 
entendons  cependant  que  ces  mots  auraient  toute  leur  valeur 
appliqués  dans  la  comparaison  des  animaux,  si  ces  comparai- 
sons étaient  faites  sur  les  moj-ennes  obtenues  par  l'étude  d'un 
nombre  indéfiniment  croissant  d'individus  ;  et,  en  pratique, 
il  suffira  que  le  nombre  des  individus  soit  assez  considérable 
pour  que  le  type  moyen  soit  défini. 

Ceci  posé,  et  après  avoir  constaté  que  la  dissertation  de 
Broca  est  bâtie  sans  un  examen  attentif  du  point  fonda- 
mental et  sur  une  distinction  spécifique  de  sens  commun  mais 
non  scientifique,  examinons  sur  quelles  bases  M.  E.  Gayot 
appuie  ses  aflfîrmations.  11  est  facile  de  reconnaître  qu'il  a 
trop  largement  interprété  certains  textes. 

En  effet,  M.  Gayot  écrit  :  «  Un  Léporide  fut  disséqué  par 
»  Richard  Owen,  qui  lui  découvrit  des  caractères  anatomiques 
»  de  nature  à  dissiper  tous  les  doutes  qu'on  aurait  pu  élever 
»  sur  son  origine.  »  Et  c'est  dans  l'ouvrage  de  Broca  que 
M.  Gayot  aurait  relevé  ce  passage.  Or,  Broca  est  loin  de 
s'être  exprimé  ainsi,  et  i)0ur  le  prouver  nous  n'avons  qu'à 
copier  (1)  ces  lignes  du  Mémoire  sur  VhyljruUté  :  «  La  fe- 
»  melle,  réputée  de  premier  sang,  qu'on  croyait  fille  du  lièvre 
»  et  de  la  lapine,  fut  envoyée,  après  sa  mort,  à  M.  Richard 
»  Owen,  qui  la  disséqua;  sa  taille  et  sa  couleur  étaient  celles 
»  du  lièvre,  mais  ses  membres  postérieurs  n'étaient  pas  i)lus 
»  longs  que  ceux  du  lapin.  La  longueur  de  son  intestin  grêle 
»  était  comme  chez  le  lièvre  tandis  que  le  cœcum  avait 
B  sept  pouces  de  moins  que  dans  cette  espèce,  et  le  gros  in- 
»  testin  un  pied  de  plus.  »  Cette  description  n'est  évidem- 

(1)  Brocn,  Recherches  sut-  l'hi/inditi''  animale,  éd.  1860,  page  370. 


6  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

ment  pas  de  nature  à  lever  tous  les  doutes  ;  Richard  OAven  a 
réservé  son  opinion  et  Broca  ajoute  un  peu  plus  loin  :  «  Cette 
observation  ne  pouvait  être  considérée  comme  décisive.  » 

Il  est  difficile  de  comprendre  comment,  lorsqu'il  s'agit  de  la 
discussion  d'un  sujet  délicat,  où  non  seulement  les  observa- 
tions relatées  peuvent  souvent  être  mises  en  doute,  mais  où 
les  rapports,  qui  paraissent  erronés,  doivent  être  soigneu- 
sement écartés,  M.  Gayot  n'ait  pas  évité  une  pareille  méprise. 

Nous  ne  pouvions  laisser  passer  cette  faute  d'interprétation 
(lui,  à  notre  grand  regret,  jette  le  discrédit  sur  la  dissertation 
de  M.  Gayot  et  nous  oblige  à  n'en  pas  accepter  sans  contrôle 
les  conclusions. 

En  résumé,  les  données  anciennes,  relatives  à  la  sépara- 
tion ou  la  réunion  spécifique  du  lièvre  et  du  lapin,  ne  sont 
précises  ni  au  point  de  vue  zoologique  ni  au  point  de  vue 
physiologique.  Il  convient  donc  de  procéder  à  la  comparaison 
anatomique  des  deux  types  et  à  établir  ensuite  sur  des  faits 
déterminés  les  arguments  relatifs  à  l'application  des  défini- 
tions de  l'espèce. 

II. 

^En  abordant  l'étude  comparée  du  lièvre  et  du  lapin,  il  était 
rationnel  de  relever  d'abord  les  dissemblances  extérieures  de 
couleur  et  de  forme.  Mais  il  suffit  d'un  coup  dœil  jeté  dans 
■  un  clapier  pour  constater  l'existence  des  pelages  les  plus 
variés  depuis  le  blanc  jusqu'au  noir,  avec  ou  sans  mélange 
de  teintes  rousses. 

Le  lapin  de  garenne  est  généralement  désigné  comme  de 
robe  grise  ;  en  réalité  sa  fourrure  est  formée  de  poils  dépour- 
vus de  pigments  qui  font  la  nuance  blanche,  de  poils  à  pig- 
ments roux  et  de  poils  à  pigments  noirs,  les  trois  colora- 
tions pouvant  être  réunies  sur  un  même  poil.  Suivant  que 
l'un  ou  l'autre  de  ces  pigments  domine  soit  dans  une  région 
du  corps,  soit  sur  tout  le  corps,  on  distingue  chez  les  lapins 
domestiques  :  les  albinos,  les  gris,  les  fauves,  les  noirs,  les 
tachetés.  Or,  chez  les  lièvres  la  coloration  et  la  structure  des 
poils  sont  les  mêmes  que  chez  le  lapin  de  garenne  et  chez  le 
lapin  de  choux.  Il  arrive  parfois  que  des  lapins  domestiques 
ont  le  pelage  si  semblable  à  celui  du  lièvre  quil  serait  impos- 
sible de  les  reconnaître  par  le  seul  examen  de  la  couleur. 


P\.      S=Lou.y.      d..'. 


8  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Chez  les  uns  comme  chez  les  autres  on  peut  distinguer  deux 
sortes  de  poils,  les  poils  simples  qui  paraissent  formés  d'une 
série  unique  de  cellules  (flg.  IV),  les  poils  complexes  qui  sem- 
blent formés  de  plusieurs  files  de  cellules  réunies  en  un  fais- 
ceau atténué  en  pointe  à  l'extrémité.  Nous  a])pellerons  ces 
formations  des  poils  composés,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'ils 
soient  constitués  par  des  poils  simples  agglutinés. 

La  seule  différence  que  l'on  puisse  constater  en  prenant  le 
la])in  de  garenne  comme  type  de  comparaison,  c'est  que  le 
lièvre  présente,  répandus  sur  presque  toute  la  lace  dorsale  de 
son  corps,  de  longs  poils  composés  assez  clair-semés  et  qui 
dépassent  la  fourrure  moyenne,  tandis  que  la  fourrure  est 
plus  également  nivelée  chez  le  garenne. 

Mais  cette  remarque  n'a  plus  aucun  intérêt  lorsque  la  com- 
paraison est  faite  avec  les  lapins  domestiques  dont  le  pelage 
est  tantôt  long  et  léger  comme  chez  l'angora,  tantôt  court  et 
rude  comme  chez  les  variétés  voisines  du  garenne.  Il  n'y  a 
donc  pas  lieu  de  s'arrêter  à  la  comparaison  des  robes,  et  d'une 
manière  générale  les  «caractères,  que  l'on  peut  noter  sur  l'as- 
pect des  pelages,  n'ont  pour  les  distinctions  spécifiques  qu'une 
valeur  très  secondaire. 

Il  reste  la  comparaison  des  formes  extérieures  ;  mais  cette 
comparaison  sera  beaucoup  plus  rigoureuse  si  nous  la  rendons 
corollaire  de  celle  des  squelettes.  On  dira  simplement  que 
d'une  manière  générale  le  lièvre  est  un  animal  plus  long  que 
le  lapin,  mais  la  formule  est  trop  vague.  Une  plus  grande  pré- 
cision est  nécessaire  dans  l'étude  des  proportions.  Un  Kob 
irlandais  est  moins  long  qu'un  trotteur  Oiloff',  leurs  formes 
extérieures  sont  différentes,  ce  qui  ne  les  empêche  pas  d'être 
tous  deux  des  chevaux. 

L'étude  du  squelette  s'accomplit  sur  des  pièces  solides, 
résistantes,  dont  la  forme  et  les  dimensions  peuvent  être  ana- 
lysées plus  rigoureusement  que  la  forme  et  les  dimensions  des 
organes  mous  et  flexibles. 

Le  crâne,  entre  autres  pièces  du  squelette,  est  la  plus  inté- 
ressante, à  cause  de  sa  complication  qui  met  en  évidence  à  la 
fois  un  plus  grand  nombre  de  points  remarquables.  Il  est  bien 
entendu  que  lorsque  nous  disons  un  crâne  ou  un  squelette  de 
lapin  ou  de  lièvre,  il  s'agit  soit  d'une  série  de  crânes  examinés 
pour  écarter  les  anomalies  capables  d'induire  en  erreur,  soit 
d'un  crâne  reconnu  normal  à  la  suite  de  l'étude  de  la  série. 


LES  LÉPORIDES  ET  LA  NOTION  DE  L'ESPÈCE.         9 

Nous  avons  dû  comparer  entre  eux  non  pas  un  squelette  de 
lièvre  et  un  squelette  de  lapin,  mais  une  série  de  pièces 
osseuses  homologues  appartenant  à  ces  deux  types  (1).  Cette 
nécessité  rendait  le  travail  plus  long  et  plus  difficile,  mais  elle 
ne  pouvait  être  éludée  dans  une  étude  laite  en  vue  de  résultats 
précis. 

III. 

Si  l'on  examine  comparativement  la  face  supérieure  d'un 
crâne  de  lièvre  et  d'un  crâne  de  lapin  [fig.  /),  on  ne  cons- 
tate à  première  vue  aucune  différence.  Comme  des  dissem- 
blances peuvent  échapper  à  cet  examen  superficiel,  il  con- 
vient d'employer  un  moyen  d'analyse  plus  précis,  d'opérer  des 
mesures.  Ces  mesures  ont  été  faites  et  sont  consignées  dans 
les  tableaux  inscrits  plus  bas.  L'examen  de  la  face  postérieure 
du  crâne  et  des  faces  latérales  ne  nous  a  pas  donné  de  résultat 
constant,  mais  celui  de  la  face  inférieure  permet  de  recon- 
naître, même  sans  mensuration,  un  caractère  différentiel  très 
net  qui  est  traduit,  en  outre,  par  les  chiffres.  Nous  sommes 
entraînés  ici  dans  des  détails  arides,  mais  indispensables  pour 
la  mise  en  évidence  des  faits  observés. 

Index  {fig.  I]  : 
abc    longueur  prise  de  l'apophyse  postérieure  de  l'occipital, 
à  la  ligne  de  suture  occipito-pariétale  ; 
c  d    longueur  de  la  ligne  de  suture  des  pariétaux  ; 
de    longueur  de  la  ligne  de  suture  des  os  frontaux  ; 
ef    longueur  de  la  ligne  de  suture  des  os  nasaux  ; 
op    largeur  des  pariétaux  au  niveau  de  la  suture  pariéto- 

frontale  ; 
q  r    largeur  des  frontaux  à  la  naissance  de  l'apophyse  sus- 

orbitaire  ; 
s  I    largeur  maxima  des  os  nasaux  ; 
a  /■    longueur  totale  rectilique  ; 

h  îi    largeur  de  la  tête,  arcades  zygomatiques  comi)riscs  ; 
X'u    lai'geur  de  la  fosse  postérieure  ou  palatine  ; 
y  z    largeur  de  la  fosse  aiitérieure  ou  intermaxillaire. 

(1)  La  partie  technique  de  ce  travail  a  é'.é  accomplie  en  jiartie  à  l'aide  de 
pièces  provenant  du  cabinet  d'analomio  comparée  du  Muséum,  au  laboratoire 
annexe  des  llautus-Etudes.  Sur  la  demande  de  M.  le  Président  de  la  Société 
d'Acclimatation,  ^L^L  Milne  Edwards  et  Uustalet  ont  bien  voulu,  par  l'examen 
des  pièces  disséquées  que  j'ai  présentées,  contrôler  l'exactitude  des  laits  relevés. 


-10 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉE?. 


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LES  LÉPORIDES  ET  LA  NÛTIOX  DE  L'ESPÈCE. 


11 


De  la  comparaison  de  ces  nombres  il  résulte  : 
Que  la  longueur  totale  de  la  tète  du  lapin  domestique  ne 
difïere  pas  de  celle  de  la  tête  du  lièvre.  Le  lapin  de  garenne, 
au  contraire,  a  la  tète  plus  courte,  mais  il  faut  tenir  compte 
de  la  taille  de  son  corps  qui  est  moindre.  Ces  remarques  s'ap- 
pliquent soit  à  la  longueur  rectilique,  soit  à  la  somme  des 
longueurs  prises  sur  la  ligne  courbe  des  sutures  médianes; 

Les  os  frontaux  et  pariétaux  sont  en  général  un  peu  plus 
courts  chez  le  lapin,  les  os  nasaux  étant  plus  longs  ; 

Les  os  frontaux  sont  relativement 
moins  larges  chez  le  lapin  que  chez  le. 
lièvre  ;  car  si  nous  mettons  en  regard 
dans  les  deux  séries  les  sommes  des  di- 
mensions op  +  'P'  -\-  st ,  nous  remar- 
quons que  le  nombre  de  millimètres  qui 
exprime  ces  sommes  reste  au-dessous  de 
5t)  pour  les  lapins  et  au-dessus  de  6U 
pour  les  lièvres. 

Il  faut  remarquer  aussi  que  dans  les 
deux  séries  la  largeur  op  est  constam-  \L 
ment  de  13  millimètres,  sauf  dans  le  cas  \^"^ 
d'un  lièvre  provenant  de  la  collection  de 
Gall  ;  nous  relevons  cette  anomalie,  qu'il 
n'y  a  pas  lieu  de  commenter  quant  à 
présent. 

Enfin,  —  et  ce  caractère  est  le  [ilus 
important  — ,  la  fosse  palatine  {pg.  o)  est 
toujours  chez  le  lièvre  sensiblement  de 
même  largeur  que  la  fosse  intermaxil- 
laire, tandis  que  chez  le  lapin  domes- 
tique [fuj.  4),  la  fosse  palatine  est  très  no- 
tablement plus  étroite  que  la  fosse  inter- 
maxillaire. Les  largeurs  sont,  en  outre, 
pour  l'une  et  l'autre  fosse  plus  considé- 
rables chez  le  lièvre. 

Notons  que  chez  le  lapin  de  garenne 
la  dilférence  de  lai'geur  des  deux  fosses 
est  moins  coiisidérable  que  chez  le  lapin 
domestique,  mais  la  somme  des  nombres 
qui  expriment  ces  dimensions  reste  au- 
dessous  de  la  même  somme  comptée  pour 


Fiç.  ^1. 


12  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

le  lapin  domestique.  Les  nombres  sont  de  la  forme  20  et  an- 
dessus  chez  le  lièvre,  de  la  l'orme  1.5  et  au-dessous  pour  le 
lapin.  Des  différentes  remarques  qui  précèdent,  ne  retenons 
que  la  principale,  sans  nous  attarder  à  signaler  des  observa- 
tions corrélatives  sur  la  disposition  des  sphénoïdes,  et  nous 
dirons  qu'il  est  toujours  facile  de  distinguer  un  crâne  de  lièvre 
d'un  crâne  de  lapin  au  simple  examen  de  la  face  inférieure  (1). 

Ces  faits,  absolument  palpables,  montrent  donc  déjà,  au 
moins  quand  il  s'agit  des  espèces  françaises,  que  des  différences 
de  structure  anatomique  existent,  qui  ne  permettent  pas  d'éta- 
blir la  réunion  spéciflque  du  lièvre  et  du  lapin  aux  termes  de 
la  définition  zoologique  de  l'espèce. 

Nous  pouvons,  dès  lors,  comparer  l'animal  qui  nous  est 
présenté  comme  un  léporide  aux  types  étudiés,  et,  procédant 
comme  précédemment  par  la  méthode  des  mensurations,  nous 
obtiendrons  les  nombres  consignés  ci-dessous  : 


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c  d.. 
d  e.. 
e  f.. 

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a  r.. 

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LÉPORIDE  X  (2). 


13 

17 
31 
36 

13 
23 

18 

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42 


97 


54 


5,5) 

8  ) 


13,5 


LÉPORIDK  Y. 


11 

14,5  I 

27 

24 


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12,5 

22  \   47,5 

13 

69 
35 


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11 


LÉPORIDE  Z. 


12 
16 

30 
34 

13 
23 
16 

80 
40 

5 

8 


92 


62 


13 


(1)  En  général,  les  apophyses  surorbilaires  sonl  plus  lar^jes  chez  le  Lièvre 
que  chez  le  Lapin,  leur  bord  libre  est  à  courbure  convexe  dans  le  premier  type, 
concave  dans  le  second,  mais  ce  caractère  ne  nous  paraît  pas  de  grande  impor- 
tance, il  n'est  notable  qu'à  litre  accessoire.  (Fig.  II,  apophyse  surorbilaire  chez 
le  Lièvre  ;  Fip;.  III,  apophyse  surorbitaire  chez  le  Lapin.  Planche  I.) 

(2)  Le  léporide  X  est  une  i'emelle  adulte  ;  Y  un  jeune  mâle  à^é  de  deux  mois  ; 
Z  un  léporide  âgé  d'environ  cinq  mois. 

Il  m'a  paru  inutile  d'exécuter  des  pesées  pour  avoir  des  termes  de  c  imparaison, 
l'état  de  réplélioa  des  animaux  ayant  une  trop  grande  part  pour  le  poids  des 
animaux  vivants,  et  d'autre  part  la  pesée  après  dissection  eiit  été  inexacte  aussi 
à  cause  des  pertes  de  sang  ou  à  cause  du  poids  des  substances  à  injection. 


LES  LÉPORIDES  ET  LA  XOTIOX  DE  L'ESPÈCE. 


13 


Les  animaux  dits  Léporides  qu'il  a  été  possible  d'étudier 
ne  sont,  comme  on  le  voit,  pas  très  nombreux  ;  cela  s'explique, 
étant  donnée  la  rareté  de  ces  spécimens  ;  aussi  l'examen  de 
l'exemplaire  B,  qui  est  un  animal  âgé  de  deux  mois,  ne  pou- 
vait-il être  négligé.  Les  écarts  de  dimensions  qu'il  présente 
avec  ses  congénères  s'expliquent  par  ce  lait  ;  ils  peuvent 
d'ailleurs  être  corrigés  jusqu'à  un  certain  point.  Si,  en  effet, 
nous  supposions  la  croissance  du  Léporide  Y  assez  avancée 
pour  que  la  somme  de  ses  longueurs  de  suture  atteignent  le 
nombre  97  qui  exprime  cette  quantité  pour  le  Léporide  adulte 
X,  nous  obtiendrions,  en  calculant  proportionnellement  la 
largeur  ^^-^—  +  13  =  56.  Soit  donc  une  largeur  de  0'",56, 
qui  se  rapproche  sensiblement  du  type  X.  Ce  calcul  est  d'au- 
tant plus  admissible  que  les  dimensions  en 
diamètre  du  crâne  d'un  jeune  mammilére 
sont  relativement  plus  grandes  que  chez  l'a- 
dulte, et,  par  conséquent,  le  nombre  56  n'est 
pas  trop  faible.  Ceci  posé,  si  nous  compa- 
rons les  résultats  des  mensurations,  nous 
voyons  qu'ici  encore  les  dimensions  du  crâne 
en  longueur  et  en  largeur  ne  présentent  rien 
de  particulier. 

Mais  les  largeurs  des  os  de  la  face  supé- 
rieure du  crâne  se  rapprochent  du  type 
lapin. 

Les  dimensions  relatives  des  fosses  pala- 
tines et  leurs  dimensions  absolues  sont  telles 
qu'elles  se  rapportent  au  type  lapin. 

Bref,  si  l'analyse  devait  se  borner  à  Vexamen  de  la  télé,  il 
faudrait  déclarer  que  l'animal  examiné  se  dislingue  aisé- 
ment dît  lièvre,  mais  non  pas  du  lapin.  Est-ce  à  dire  que 
l'on  doive  immédiatement  lui  refuser  le  titre  de  Léporide  et 
sans  continuer  plus  loin  la  recherche.  Non,  certes,  et  voici 
pourquoi.  Un  animal  hybride  ne  présente  pas  nécessairement 
dans  un  organe  quelconque  des  dispositions  intermédiaires  â 
celles  du  type  paternel  ou  du  type  maternel.  L'influence  pré- 
dominante de  l'un  ou  l'autre  des  types  parents  se  laisse  re- 
marquer exclusivement  dans  une  ou  plusieurs  régions  du 
corps  de  l'hybride,  sans  qu'il  y  ait  de  règle  fixe.  11  va  sans 
dire  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  des  caractères  sexuels.  Nous  de- 
vons donc  nous  attendre  à  trouver  non  pas  une  moyenne 


Fig. 


CRANES    d'après    PHOTOGRAPHIE. 
\.  Léporide.  -  2.  Garenne.  —  3.  Léporide  jeune.  —  4.  Lapin  domestique.  —  5.  Lièvre. 


LES  LÉPORIDES  ET  LA  XOTIOX  DE  L'ESPÈCE.         15 

anatomique  pour  chaque  organe,  mais  dans  l'ensemble  de 
l'organisme,  des  portions  semblables  aux  homologues  du  lièvre 
et  d'autres  semblables  aux  homologues  du  lapin.  On  admet, 
en  effet,  cet  enseignement  d'Isidore  GeofFroy-Saint-IIilaire  : 
«  Dans  le  croisement  de  deux  animaux  d'espèces  différentes 
le  produit  pourra  bien  ressembler  à  l'un  plus  qu'à  l'autre, 
mais  non  pas  exclusivement  à  l'un  d'eux.  » 

Les  mulets  et  les  bardeaux  sont  des  exemples  en  faveur  de 
ce  principe  ;  ces  animaux  présentent  des  caractères  qui  tien- 
nent à  la  fois  du  type  âne  et  du  type  cheval,  mais  non  pas 
exclusivement  de  l'un  des  types.  L'influence  du  père  prédo- 
minerait dans  ces  croisements  dans  la  forme  de  la  tète,  tandis 
que  dans  le  cas  des  Léporides  examinés  ici,  qui  sont  nés  d'une 
lapine,  nous  rencontrons  une  conformation  de  la  tête  abso- 
lument semblable  â  celle  de  la  mère.  Ce  serait  là,  semble-t-il, 
un  argument  de  plus  en  faveur  de  l'authenticité  du  Léporide 
en  question,  mais  nous  savons,  d'autre  part,  que  dans  d'autres 
cas  d'hy])ridité  observés  par  Buffon,  dans  le  croisement  du 
chien  et  de  la  louve,  la  tète  des  hyl)rides  ressemblait  tantôt  à 
l'un,  tantôt  à  l'autre  des  parents.  On  voit  donc  qu'il  faut  la 
plus  grande  prudence  avant  de  se  i)rononcer  dans  une  ques- 
tion hérissée  de  difficultés  et  que  le  résultat  tiré  de  l'étude 
du  crâne,  tout  en  demeurant  acquis,  ne  dispense  pas  de 
l'étude  des  autres  parties  du  squelette,  et  nous  devons  procé- 
der comme  précédemment  en  comparant  d'abord  le  lièvre  et 
le  lapin. 

{A  suivre.) 


VISITES  FAITES 

AUX  ÉTABLISSEMENTS    D'AVICULTURE 

Par  m.  mardis 


ÉLEVAGE  DE  M.  DEBEAUVAIS 

ÉLEVEUR-AMATEUR,  PASSAGE   DES  THERMOl'ÎLES,  49,  A  PARIS. 

Lorsque  l'on  pénètre  dans  la  propriété  de  M.  Debeauvais, 
on  se  demande  si  réellement  l'éleveur-amateiir,  dont  nous 
avons  admiré  les  beaux  sujets  dans  nos  derniers  concours, 
peut  avoir  chez  lui  cette  belle  collection. 

En  arrivant  dans  la  cour,  derrière  la  maison,  on  comprend 
le  système  employé  par  M.  Debeauvais  qui,  non  seulement 
est  un  aviculteur  distingué,  mais  est  encore  un  très  bon  cons- 
tructeur. 

H  a  superposé  dans  le  peu  d'emplacement  qu'il  occupe  un 
poulailler  à  trois  étages.  Rez-de-chaussée,  entre-sol  et  jire- 
mier  étage  avec  balcon  tout  au  pourtour  ;  le  tout  est  en 
charpente  avec  plancher  en  parquet  démontable  pour  faciliter 
le  nettoiement  de  chaque  compartiment. 

EEZ-DE-CHAUSSÉE. 

A  gauche,  en  entrant  :  Petite  cour  avec  sol  en  ciment. 

Quatre  compartiments  de  volailles  de  2'", 80  sur  2"^, 10  de 
largeur,  en  moyenne  et  1"\60  de  hauteur.  Chaque  comparti- 
ment se  compose  d'une  partie  grillagée  au  devant  de  l'",25 
sur  2'",  10,  partie  couverte  au  fond  de  même  largeur  sur  1"\G0 
de  profondeur,  dont  une  partie  en  poulailler,  en  planches, 
fermé  tout  au  pourtour,  de  0'n,80  de  largeur  sur  1"',60  de  lon- 
gueur. Ce  poulailler  est  muni  à  l'intérieur  de  trois  perchoirs 
mobiles  en  bois  plat,  deux  ou  trois  pondoirs  en  bois  avec 
couche  de  paille  ;  tout  au  pourtour  des  compartiments  et  de  la 
grande  volière  grillagée,  petits  murs  en  briques  de  0'",25 
d'épaisseur,  jointoyées  en  ciment  Portland. 

Pour  l'aération,  un  châssis  vitré,  pour  l'entrée  et  la  sortie 
des  volailles,  une  trappe  en  bois  ;  pour  le  nettoyage,  une 


VISITES  AUX  ÉTABLISSEMENTS  D'AVICULTURE.  17 

porte  en  bois  de  0"',60  sup  environ  1"^  de  hauteur,  le  sol  du 
poulailler  est  en  parquet  recouvert  d'une  couche  de  sable 
fin  ;  la  partie  grillag'ée,  au  devant,  est  en  terre  avec  forte 
couche  de  sable  fin.  Dans  la  partie  haute  de  chaque  poulail- 
ler, une  cabane  à  lapins  prise  dans  l'épaisseur  des  solives, 
avec  porte  grillagée  sur  le  devant.  Chaque  compartiment  a  sa 
porte  sur  la  larade  et,  de  plus,  une  porte  intérieure,  commu- 
niquant avec  le  compartiment  voisin,  pour,  au  besoin,  donner 
un  ou  deux  compartiments  aux  volailles,  suivant  les  besoins. 
Chaque  compartiment  est  blanchi  à  la  chaux  vive. 

1«'"  compartiment  :  1  coq,  3  poules,  race  Campine  dorée  ; 
!«■■  prix  au  concours  général  de  1892  ;  cabane  à  lapins,  race 
Lapins  communs . 

2°  compartiment  :  1  coq,  3  poules,  race  de  Langshan,  race 
Lapins  japonais,  1  mâle. 

3°  compartiment  :  1  coq.  3  poules,  race  Cochinchine  fauve; 
race  Lapins  japonais,  1  l'emelle. 

4«  compartiment  :  1  coq,  3  poules,  race  Cochinchine  blan- 
clie;  race  Lapins  argentés,  2  mâles  et  2  femelles  très  beaux. 

A  droite  : 

Grande  volière  grillagée  avec  partie  couverte  au  l'ond. 

Dans  cette  volière,  un  lot  de  Canards,  race  d'Aylesburj-, 
l*""  prix,  mâle  et  femelle,  au  dernier  concours  de  la  Société 
d'acclimatation,  2  Canes,  races  de  Pékin,  1  mâle  et  2  femelles. 
Oies  de  Guinée:  1  beau  mâle  Dindon  noir;  plusieurs  poules 
ordinaires  i)Our  les  couvées  ;  nombreuses  cabanes  à  lapins 
ilans  lesquelles  on  peut  admirer  de  beaux  couples  de  Lapins 
Béliers,  communs,  géants,  des  Flandi'es  et  argentés. 

Pour  les  Oies  et  les  Canards,  grand  bassin  en  ciment  avec 
eau  courante;  sol  de  la  volière,  pavage  en  bois  ;  sol  de  la  par- 
tie couverte,  terre  avec  sable  fin.  Cette  volière  est  très  bien 
agencée.  Pour  l'enlèvement  du  fumier  et  le  service  de  manu- 
tention du  grenier  à  fourrage,  porte  spéciale  donnant  sur 
la  cité  Bauer.  Entre  cette  volière  et  le  comi»artiment  ci- 
dessus,  passage  dallé  en  ciment  Portland  de  r",10  de  largeur, 
conduisant  à  la  cAté  Bauer. 

Entre  la  maison  et  cette  grande  volière,  coffre  à  grains  et 
réservoir  d'eau  de  Seine.        • 

Escalier  en  échelle  de  meunier  conduisant    au   premier 


elage. 


l)  Janvier  I8I1:!. 


18  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

ENTRE-SOL  : 

A  gauche  :  sur  la  partie  couverte  des  volières,  au  rez-de- 
chaussée,  quatre  compartiments  contenant  des  volailles, 
chacun  de  ces  compartiments  a  2"', 10  de  longueur,  sur  1"\60 
de  largeur  et  l"\bO  de  hauteur.  Plancher  en  bois  recouvert 
de  sable  fin  ,  poulailler  comme  celui  du  rez-de-chaussée, 
pondoirs,  perchoirs  dito.  L'entrée  de  ces  compartiments  se 
trouve  dans  la  partie  grillagée  du  compartiment  au  rez-de- 
chaussée  :  le  service  se  fait  à  l'aide  d'une  petite  échelle  ;  le 
devant  de  chaque  compartiment  est  grillagé  avec  porte  d'en- 
trée spéciale  et  porte  de  communication  entre  chaque  com- 
partiment. Le  dessus  est  en  planches  et  se  trouve  couvert 
par  le  plancher  haut  du  premier  étage  formant  volière  et 
terrasse. 

l'^'"  compartiment  :  1  coq,  3  poules,  race  Padoue  dorée. 

2®  compartiment  :  1  coq,  3  poules,  race  Padoue  argentée. 

3«  et  4^  compartiments  :  1  coq,  4  poules,  races  Padoue 
blanc. 

A  droite,  dans  la  grande  volière,  trois  compartiments 
comme  ceux  ci-dessus,  plus  un  compartiment  sous  escalier, 
avec  bassin  spécial,  servant  pour  un  lot  de  Canards  man- 
darins. 

l<=^  2«  et  3'^  compartiments  :  1  coq,  1  poule,  race  Padoue 
argentée. 

Compartiment  en  retour,  au  fond,  sur  cité  Bauer  :  1  coq, 
4  poules,  race  naine  Combattant  argentée. 

PREMIER    ÉTAGE. 

Six  compartiments  dont  trois  à  gauche  et  trois  en  retour 
au  fond  sur  cité  Bauer. 

Chaque  compartiment  est  en  bois ,  couverture  en  bois 
avec  papier  goudronné  sur  le  dessus  ;  au  devant,  grillage 
en  fer  avec  porte  spéciale  pour  chaque  compartiment  et 
porte  de  communication  entre  chaque  compartiment. 

Il  a  comme  dimensions  3"^  sur  2™  et  1"\85  de  hauteur  sur 
le  devant  et  l'",90  sur  le  derrière  ;  le  poulailler,  fermé  comme 
ceux  du  rez-de-chaussée,  a  l'",60  de  longueur  sur  0"\75  de 
largeur,  pondoir  et  perchoir,  comme  au  rez-de-chaussée.  Le 
sol  de  chaque  compartiment  est  en  parquet  recouvert  d'une 


YISITES  AUX  ETABLISSEMENTS  D'AVICULTURE.  19 

forte  couche  de  sable  fin.  Dans  trois  compartiments,  casier 
en  bois  pour  Pigeons. 

Dans  un  de  ces  compartiments  existe  un  pondoir  spécial, 
communiquant  avec  le  compartiment,  mais  entièrement  au- 
dehors,  ce  qui  permet  de  retirer  les  œufs  par  un  couvercle 
placé  au-dessus  du  pondoir  et  cela  sans  être  obligé  d'entrer 
dans  le  poulailler. 

1"  compartiment  :  1  coq,  2  poules,  race  Courtes-Pattes. 

2^  Compartiment  :  1  coq,  1  poule,  race  Cocliincliine  noire 
naine. 

3°  compartiment  :  1  coq,  4  poules,  race  Espagnole. 

4^  et  5*^  compartiments  :  1  coq,  4  poules,  race  Andalouse 
(beau  lot). 

6e  compartiment:  1  coq,  2  poules  Red  Cap  (beau  lot). 

Tout  au  pourtour  de  ces  compartiments,  en  retour  contre 
passage  et  contre  bâtiments  d'habitation  : 

Terrasse  avec  balcon  en  bois,  avec  jardinières  ornées  de 
fleurs. 

La  construction  de  cet  étage  est  remarquable  par  sa  simpli- 
cité ;  l'organisation  qui  en  a  été  laite  par  l'amateur  est  irré- 
prochable et,  comme  je  le  dis  plus  haut,  à  première  vue  il  est 
impossible  de  se  figurer  que  dans  un  espace  d'environ  100 
mètres,  on  soit  arrivé  â  organiser  un  assemblage  de  compar- 
timents aussi  réussis.  Pas  d'odeur,  la  plus  grande  propreté 
règne  dans  l'établissement  ;  chaque  jour  la  cour  est  nettoyée 
à  grande  eau;  les  volières  nettoyées.  Cet  élevage  mérite 
d'être  visité,  surtout  à  cause  de  sa  disposition  dans  un  terrain 
aussi  restreint. 

Nourriture  des  volailles  :  Blé,  maïs,  sarrasin,  une  fois  par 
jour  ;  pain  mouillé  et  recoupette,  une  fois  par  jour. 

Nourriture  des  lapins  ;  Luzerne,  carotte,  regain. 

A  signaler  les  râteliers  pour  les  lapins,  barreaux  ronds  en 
gros  fils  de  fer,  augette  en  bois  doublé  en  zinc,  fixée  contre 
la  porte,  ce  qui  permet  de  soigner  les  lapins  sans  être  obligé 
d'ouvrir  le  compartiment. 

M.  Debeauvais  ex[»ose  dans  nos  concours  de  Paris  où  il  a 
déjà  remporté  nombreux  succès. 


UNE  VISITE 

A  L'ÉTABLISSEMENT  DE  PISCICULTURE 

DE  BESSEMONT,  près  villers-cotterets  (aisne) 
Par  m.  RA.VERET-WATTEL. 


Les  renseignements  fort  intéressants  donnés,  il  y  a  quel- 
que temps,  dans  notre  recueil,  sur  les  travaux  de  piscicul- 
ture entrepris  par  M.  de  Marcillac,  dans  le  département  de 
l'Aisne,  à  Bessemont,  près  Villers-Cotterets,  me  Taisaient 
beaucoup  désirer  voir  les  installations  réalisées  par  notre 
collègue,  et  j'ai  rapporté  d'une  récente  visite  à  Bessemont, 
outre  le  souvenir  d'une  réception  fort  aimable,  celui  de 
l'excellente  organisation  d'un  établissement  de  pisciculture 
très  intelligemment  dirigé. 

Dans  tout  élevage,  et  particulièrement  en  ce  qui  concerne 
la  pisciculture,  —  cette  industrie  relativement  si  nouvelle  où 
tout,  pour  ainsi  dire,  est  encore  à  étudier,  —  les  observations 
quotidiennes  faites  par  des  éducateurs  soigneux  et  attentifs 
présentent  un  véritable  intérêt,  et  tel  est  précisément  le  cas 
l)Our  ce  qui  se  fait  à  Bessemont,  où  l'élevaue  du  poisson  est 
pratiqué  d'une  façon  véritablement  industrielle. 

Disons  d'abord  que  l'établissement  est  fort  bien  partagé 
sous  le  rapport  de  l'alimentation  en  eau,  cette  condition 
essentielle  d'une  exploitation  piscicole  sérieuse.  Des  sources 
nombreuses  fournissent  en  abondance  une  eau  limpide, 
jraîclie,  à  température  à  i)eu  près  constante  et  qui,  sortant 
de  terrains  argilo-calcaires,  présente  précisément  des  condi- 
tions extrêmement  favorables  à  l'élevage  de  la  truite. 

Et  ici  se  place  déjà  une  observation  qui  mérite  d"ètre 
signalée.  Si  une  eau  calcaire,  même  légèrement  séléniteuse, 
c'est-à-dire  renfermant  non  seulement  du  carbonate  de 
chaux  mais  aussi  une  certaine  proportion  de  sulfate  de 
chaux,  si  une  telle  eau,  dis-je,  ne  déplaît  nullement  à  la 
truite,  qui  s'y  développe  même  plus  rapidement  que  dans 
une  eau  provenant  de  terrains  granitiques  ou  siliceux,  il  en 
est    tout  autrement  quand,  aux   éléments   calcaires,   vient 


ÉTABLISSEMENT  DE  FISCICLLTUUE  LE  BESSEMOXT.  iîl 

s'ajouter  un  peu  de  magnésie.  Une  eau  même  légèrement  ma- 
gnésienne ne  convient  guère  à  la  Truite,  qui  s'.y  développe 
mal,  comme  a  pu  le  constater  M.  de  Marcillac.  Une  des 
sources  qui  arrosent  sa  propriété  donne  une  eau  renfermant 
de  la  magnésie.  Eh  bien,  jamais,  dans  cette  eau,  les  alevins 
ne  se  développent  avec  la  même  vigueur,  avec  la  même  rapi- 
dité que  dans  les  eaux  voisines. 

Ce  qui  caractérise  particulièrement  l'exploitation  de  Besse- 
mont,  c'est  l'intelligente  économie  apportée  dans  les  installa- 
tions, où  l'on  s'est  attaché  à  bannir  tout  luxe  inutile,  à  éviter 
soigneusement  toute  dépense  superflue.  Le  laboratoire  d'éclo- 
sion  est  installé  tout  simplement  dans  un  ancien  poulailler 
couvert  en  chaume,  dont  l'aménagement,  réalisé  à  très  peu 
de  frais,  ne  laisse  cependant  rien  à  désirer.  Il  y  a  là  un 
excellent  exemple  à  mettre  sous  les  yeux  des  personnes  qui 
désirent,  elles  aussi,  faire  de  la  pisciculture,  et  qui  verront 
que  les  installations  dispendieuses  ne  sont  nullement  néces- 
saires, quand  elles  ne  sont  pas  même  beaucoup  plus  nui- 
sibles qu'utiles. 

Les  appareils  d'éclosion  employés  dans  ce  laboratoire  sont 
les  augettes  en  terre  cuite  du  système  Coste  légèrement  amé- 
liorées, telles  que  les.  livre  actuellement  la  maison  Leune. 
Ces  augettes  sont,  en  définitive,  d'un  fonctionnement  très 
satisfaisant  lorsque,  comme  à  Bessemont,  on  n'y  laisse  pas 
longtemps  séjourner  les  alevins  et  que,  presque  toujours 
bien  avant  la  résorption  de  la  vésicule  ombilicale,  on  les  fait 
passer  dans  des  bacs  d'élevage,  oii  ils  trouvent,  à  la  fois, 
l'espace  et  le  courant  qui  leur  sont  indispensables. 

Les  bacs  d'élevage  sont  de  petits  bassins  en  briques  et 
ciment,  ou  bien  encore  des  aquariums  en  verre  gaufré  avec 
ossature  en  fers  cornières,  qui  sont  d'une  construction  fort 
peu  coûteuse  et  dans  lesquels  les  alevins  trouvent  les  meil- 
leures conditions  hygiénic^ues  que  l'on  puisse  désirer. 

Les  alevins  une  fois  éclos  et  débarrassés  de  leur  poche 
ombilicale,  il  s'agit  de  pourvoir  à  leur  alimentation,  et  c'est 
là,  nous  le  savons,  la  grande  difficulté  de  la  pisciculture.  A 
Bessemont,  on  n'emi)loie  que  de  la  rate,  pour  première  nour- 
riture de  l'alevin  ;  de  la  rate  de  veau,  comme  étant  plus 
légère,  plus  délicate,  pour  le  tout  premier  âge  ;  puis  de  la 
rate  de  bœuf  ou  de  mouton  pour  l'alevin  un  peu  plus  déve- 
loppé. Contrairement  à  ce  qui  se  fait  dans  la  plupart  des  éta- 


22  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Glissements  où  l'on  emploie  le  même  genre  de  nouniture, 
eette  rate  n'est  jamais  donnée  que  cuite,  et  voici  comment 
on  procède  :  Pour  le  petit  poisson  qui  commence  à  peine  à 
manger,  on  fait  seulement  bouillir  la  rate  pendant  quelques 
instants,  puis  on  la  réduit  en  une  bouillie  fine,  soigneuse- 
ment débarrassée  de  toute  parcelle  de  la  membrane  exté- 
rieure qui,  même  finement  hachée,  présenterait  encore  des 
morceaux  trop  gros  pour  être  facilement  avalés.  Plus  tard, 
on  donne  la  rate  préparée  avec  moins  de  soin;  puis  enfin  on 
passe  à  l'emploi  de  la  viande  de  cheval,  d'abord  hachée 
menue,  puis  distribuée  en  morceaux  de  plus  en  plus  gros, 
au  fur  et  à  mesure  que  l'alevin  avance  en  âge. 

Un  principe  fidèlement  suivi  dans  l'établissement,  c'est  de 
toujours  nourrir  copieusement  le  poisson,  à  tout  âge.  Si  on 
le  laisse  pâtir  ou  même  si  simplement  on  ne  l'alimente  pas 
avec  assez  d'abondance,  son  développement  en  souffre  beau- 
coup ;  les  plus  gros  sujets  ne  tardent  pas  à  attaquer  les  pe- 
tits, et,  quand  une  fois  ils  ont  goûté  de  ce  régime,  ils  n'en 
veulent  plus  d'autre.  Aussi  voit-on  bient(3t  les  rangs  s'éclair- 
cir  d'une  façon  ruineuse  pour  l'élevage.  C'est  donc  faire 
preuve  d'une  sage  économie  que  de  savoir  dépenser  suffi- 
samment en  nourriture. 

Quand  les  alevins,  ayant  atteint  l'âge  de  trois  mois,  ont 
ainsi  franchi  la  période  la  plus  critique  de  leur  existence,  on 
les  fait  passer  dans  un  bassin  d'élevage,  1-ong  d'une  quaran- 
taine de  mètres  sur  4  ou  5  mètres  de  large,  bassin  qui,  vers 
son  extrémité  d'amont,  ne  présente  guère  que  15  centimètres 
d'eau,  mais  qui  va  s'approfondissant  en  pente  douce  et  régu- 
lière pour  atteindre  80  centimètres  ou  1  mètre  à  son  extré- 
mité aval.  C'est  naturellement  dans  la  partie  recouverte  seu- 
lement d'une  mince  nappe  d'eau  que  se  fait  le  lâcher  des 
alevins.   Ceux-ci,  au  fur  et    à  mesure  qu'ils  grandissent, 
gagnent  d'eux-mêmes  l'eau  de  plus  en  plus  profonde.  Une 
petite  vanne,  située  dans  la  partie  la  plus  creuse,  permet  de 
mettre  le  bassin  très  rapidement  à  sec  pour  le  pêcher.  La 
vanne  est,  en  effet,  formée  de  planchettes  horizontales  pla- 
cées les  unes  au-dessus  des  autres  et  maintenues  par  deux  rai- 
nures, dans  lesquelles  s'engagent  leurs  deux  extrémités.  En 
enlevant  ces  planchettes  une  à  une,  on  abaisse  peu  à  peu  le 
niveau  de  l'eau  dans  le  bassin,  jusqu'à  vider  complètement 
celui-ci,  en  obligeant  ainsi  les  alevins  à  en  sortir  pour  s'en- 


ÉTABLISSEMENT  DE  PISCICULTURE  DE  BESSEMÛXT.  23 

gager  dans  un  petit  canal  que  commande  la  vanne,  et  qui 
aboutit  ;i  une  sorte  de  réservoir,  où  tous  les  petits  poissons 
se  trouvent  hientôt  réunis  et  où  il  est  facile  de  les  prendre 
avec  une  épuisette.  Ce  système,  extrêmement  simple,  permet 
de  pécher  les  alevins  sans  les  exposer  à  la  moindre  blessure, 
de  ne  pas  en  oublier  un  seul  dans  le  bassin,  et  de  faciliter 
singulièrement  la  besogne  aux  ouvriers  employés  à  ce  tra- 
vail En  temps  ordinaire,  le  trop  plein  du  bassin  s'écoule  par 
le  petit  canal,  en  se  déversant  par  dessus  la  vanne.  Or,  pour 
éviter  que  des  alevins  ne  s'échappent  de  ce  côté,  on  y  a  placé 
une  grille  très  serrée,  sur  laquelle  s'applique,  d'ailleurs,  un 
châssis  garni  d'une  toile  métallique.  Détail  utile  à  noter  : 
cette  toile  métallique,  bien  qu'à  mailles  très  étroites,  doit 
être  formée  de  fils  d'une  certaine  grosseur.  Quand  les  fils 
sont  trop  fins,  les  alevins  peuvent  se  prendre  les  nageoires 
dans  les  mailles  et  s'y  blesser. 

Du  bassin  d'alevinage,  les  jeunes  Truites  passent  dans  un 
bassin  de  40  ares  qui,  lors  de  ma  visite  à  Bessemont,  renfer- 
mait 17,000  Truites  arc  en-ciel  ayant  à  peu  près  atteint  la 
taille  marchande.  Un  autre  étang,  de  90  ares,  venait  de  rece- 
voir 21,000  Truitelles  de  même  esi)èce.  Cet  étang  forme  un 
ruisselet  qui  alimente  une  petite  pièce  d'eau  de  1,800  mètres, 
lequel  renfermait  6,000  alevins.  Enfin,  un  dernier  étang, 
divisé  en  trois  sections,  est  réservé  aux  reproducteurs. 

Bien  que  de  création  encore  récente,  l'établissement  de 
Bessemont  est  déjà  en  mesure  de  livrer  à  la  consommation 
des  ({uantités  importantes  de  poisson,  qui  sont  dirigées, 
pres([ue  chaque  semaine,  sur  Paris,  où  un  dépôt  et  une  mai- 
son de  vente  ont  été  installés,  54,  rue  du  faubourg  Mont- 
martre. Le  poisson  y  est  généralement  expédié  vivant,  dans 
des  bidons  en  fer  blanc,  ce  qui  permet  de  le  vendre  à  un  prix 
plus  élevé.  En  moins  de  trois  mois,  15,000  Truites  ont  été 
ainsi  écoulées,  et  la  vente  eût  été  infiniment  plus  considé- 
rable, si  les  ressources  de  la  production  l'eussent  ]»ermis. 

Non  loin  des  étangs  à  Truites,  l'établissement  possède 
d'autres  bassins  réservés  aux  Carpes,  aux  Tanches  et  aux 
Perches,  dont  la  production,  encore  assez  restreinte,  tend  à 
se  développer.  Elle  viendra  ajouter  un  contingent  fort  api)ré- 
ciable  au  rendement  de  cette  forme  aquicole,  dont  les  pro- 
duits sont,  dès  maintenant,  très  rémunérateurs. 


Ux\   ÉTABLISSEMENT 

POUR  LA  SALAISON  DES  HARENGS 

EN  ECOSSE 
Par  Cath.  KRANTZ. 


Autant  on  a  étudié  la  question  du  Hareng  au  point  de  \'ue 
de  la  pèche  (du  diamètre  à  donner  aux  mailles  des  filets,  etc.), 
des  rapports  existant  ou  ayant  existé  entre  les  pêcheurs  et 
les  saleurs,  etc.,  autant  on  a  négligé  le  côté  :  salaison  et  em- 
ballage. Dans  le  présent  article,  nous  sommes  en  mesure  de 
donner  quelques  détails,  fort  incomplets  malheureusement, 
sur  un  des  meilleurs  établissements  de  salaison  appartenant 
à  M.  Cardnot  et  situé  à  Frasebourg. 

Cette  installation  fort  importante  est  de  création  récente. 
Ce  n'est  plus  une  espèce  de  cour  découverte  où  les  ouvriers 
sont  exposés  à  toutes  les  intempéries  et  où  ils  se  meuvent  au 
risque  de  se  casser  le  cou  sur  un  sol  gluant,  comme  on  en 
trouve  dans  la  plupart  des  établissements  similaires.  La  la- 
brique  de  Frasebourg  est  un  spacieux  bâtiment,  dont  le  sol 
est  revêtu  d'un  enduit  en  ciment,  dont  la  toiture  abrite  par- 
faitement le  personnel  et  dont  l'installation  offre  tout  le  con- 
fort que  comportent  les  conditions  du  travail.  L'eau  y  est 
conduite  partout  et,  en  général,  il  y  règne  une  propreté  re- 
marquable ;  l'éclairage  est  au  gaz  —  chose  rare  dans  les  éta- 
blissements voisins. 

Vers  dix  heures  du  soir,  le  travail  battant  son  plein,  on  a 
devant  soi  un  tableau  des  plus  vivants  et  des  plus  animés. 

600  krons  de  poissons,  qui  servent  à  remplir  un  millier 
de  tonneaux,  venaient  d'arriver  —  fort  en  retard  —  au  mo- 
ment où  l'auteur  visitait  l'établissement,  et  il  fallait  une  acti- 
vité extrême  pour  les  préparer  à  temps.  Aussi,  les  femmes, 
toutes  mises  proprement  et  même  avec  quelque  recherche, 
enlevaient-elles  rapidement  les  branchies  des  poissons.  Dans 
l'espace  de  quelques  minutes,  le  Hareng  fut  vidé,  examiné, 
trié  et   placé    dans  des  caisses  spéciales  selon  sa  qualité. 


LA  SALAISON'  DES  HARENGS  EX  ECOSSE.  25 

Quelques  instants  plus  tard,  on  emportait  ces  caisses  pour  le 
salage  du  Hareng  que  l'on  replaçait  ensuite  dans  des  ton- 
neaux. Le  sel  se  trouve  dans  des  tonnes,  à  la  cave,  afin  d'en 
avoir  sous  la  main  à  monter  aux  emballeurs  à  tout  instant. 

Les  tonneaux  vides  sont  gardés  dans  les  greniers  du  bâti- 
ment, d'où  on  les  descend  par  une  lucarne  au  fur  et  à  mesure 
des  besoins. 

Il  est  malaisé  de  déterminer  le  nombre  de  tonneaux  qui 
pourraient  être  préparés  à  la  fabrique,  si  elle  se  trouvait 
constamment  en  pleine  activité  ;  tout  dépend  du  temps  et  des 
arrivages  ;  nous  n'exagérons  cependant  pas  en  évaluant  à 
20,000  tonneaux  le  chiffre  atteint  pendant  la  saison  de  pèche. 
Cette  période  dure  huit  semaines,  et  lorsque  la  pèche  a  été 
bonne,  les  habitants  de  la  localité  gagnent  assez  pour  avoir 
du  pain  sur  la  planche  pendant  tout  l'hiver,  car  les  tonneliers 
et  autres  artisans  trouvent  du  travail  dans  les  préparatifs  de 
la  saison  suivante.  Tout  saleur  avisé  fait  de  grandes  provi- 
sions en  sel  et  en  tonneaux  pour  ne  pas  être  pris  au  dépourvu 
dans  le  cas  d'une  abondante  pèche  à  la  fin  de  la  saison,  ce 
qui  arrive  assez  souvent  et  peut  causer  des  dommages  impor- 
tants aux  industriels  imprévoyants,  ayant  déjà  à  ce  moment 
utilisé  tout  leur  matériel  et  toutes  leurs  munitions.  Il  y  a 
quelques  dizaines  d'années,  plusieurs  canots,  lourdement 
chargés  de  Harengs,  abordèrent  dans  une  des  villes  de  la  côte 
écossaise  du  nord-ouest.  La  saison  touchant  à  sa  fin,  il  fut 
impossible  aux  saleurs  de  se  procurer  du  sel,  faute  de  quoi  le 
poisson  allait  se  corrompre.  Un  des  pêcheurs,  pensant  qu'il 
serait  toujours  temps  de  l'offrir  aux  cultivateurs  comme  en- 
grais, se  décida  à  le  distribuer  gratis  pendant  qu'il  était  en- 
core mangeable,  aux  habitants  de  la  ville. 

Sans  doute,  un  fait  pareil  n'est  plus  possible  de  nos  jours  : 
grâce  au  télégraphe,  les  provisions  peuvent  être  renouvelées 
dans  le  plus  court  délai.  Cependant,  on  doit  avoir  chez  soi  du 
sel  plutôt  plus  que  moins.  La  fabrique  qui  nous  occupe,  a  sou- 
vent une  [»rovision  de  plusieurs  milliers  de  tonneaux  de  sel, 
représentant  jusqu'à  900  tonnes. 

Le  fonctionnement  d'un  établissement  de  ce  genre  est  plus 
comi)liqué  que  ne  le  pensent  les  gens  peu  au  courant  de  cette 
industrie.  L'hiver  et  le  printemps,  pendant  que  la  pêche  est 
interrompue,  on  ne  reste  pas  inactif,  on  s'occupe  de  l'entre- 
tien et  du  raccommodage  du  matériel. 


26  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

Les  tonneaux  sont  souvent  faits  avec  du  bois  importé  de 
Norvège.  Dans  ces  derniers  temps,  on  semblait  cependant 
disposé  à  remplacer  celui-ci  par  certaines  espèces  feuillues 
du  pays.  Les  cercles  de  bois,  qui  venaient  d'Angleterre,  sont 
aujourd'hui  souvent  commandés  à  Bordeaiioo;  les  cercles  en 
fer  qui  ont  commencé  à  s'introduire,  semblent  devoir  les  éli- 
miner entièrement  dans  un  avenir  prochain,  ce  qui  consti- 
tuera certainement  un  progrès. 

Le  sel  et  les  autres  munitions  doivent  être  préparés  d'a- 
vance, car,  à  l'arrivage  du  poisson,  chaque  minute  de  retard 
entraîne  des  pertes. 

Au  moment  de  l'opération,  les  tonneaux  sont  soigneuse- 
ment examinés  avant  d'être  remplis.  Les  tonneliers  les  fer- 
ment, et  tous  les  jours  jusqu'au  moment  de  renvoi,  les  visitent 
afin  de  s'assurer  s'il  ne  s'y  est  produit  aucune  fente  ;  s'il  y 
en  a,  on  les  bouche  immédiatement  et  le  tonneau  est  rempli 
de  nouveau  jusqu'aux  bords  avec  de  la  saumure. 

On  le  laisse  ainsi  pendant  dix  jours,  et  au  bout  de  ce  temps, 
il  est  placé  sur  des  sables  et  l'on  fait  écouler  la  saumure.  En- 
suite, chaque  tonneau  reçoit  à  la  place  un  nouveau  char- 
gement de  poissons  jusqu'à  ce  qu'il  soit  rempli  jusqu'aux 
bords  :  ces  poissons  supplémentaires  sont  pris  dans  les 
tonneaux  mêmes,  ce  qui  réduit  le  nombre  de  ces  derniers  de 
20  à  25  Vo. 

L'établissement  de  salaison  de  Frasebourg  marque  le  fond 
de  chaque  tonneau  de  son  timbre  et  de  différentes  lettres 
auxquelles  correspondent  les  significations  siiivantes  :  F. 
(fiiUs),  Hareng  de  mesure;  F.  M.  (Médium  fuUs),  poissons 
n'ayant  pas  la  longueur  juste;  S.  F.  (Small  fulls),  Hareng  de 
petite  mesure  ;  M.  (Matties),  petits  poissons,  S.  M.  (Small- 
matties),  menus  poissons. 

A  l'époque  de  la  forte  pèche,  la  fabrique  fonctionne  nuit  et 
jour  sans  aucune  interruption,  et  comme  ici,  à  la  plus  grande 
somme  de  travail  correspond  proportionnellement  le  plus  fort 
salaire,  tous  les  ouvriers  sont  actifs  et  gais,  du  commence- 
ment jusqu'à  la  fin  de  la  saison.  Bien  que  le  travail  demande 
une  tension  extrême  des  forces,  on  ne  constate  point  de  sur- 
menage. L'organisation  du  travail,  fort  bien  entendue,  laisse 
les  tonneliers,  les  emballeurs  et  les  autres  ouvriers  livrés  à 
eux-mêmes  et,  à  en  juger  par  leur  aspect  indépendant  et  cou- 
rageux, ils  s'en  trouvent  fort  bien. 


LA   SALAISON  DES  IIARFATtS  EN  ECOSSE.  27 

L'administration  se  montre  soucieuse  des  conditions  hygié- 
niques où  se  trouvent  placées  les  femmes  qu'elle  emploie.  Elles 
travaillent  dans  une  espèce  de  vaste  baraque,  d'ailleurs  fort 
bien  aménagée,  pourvue  du  «onfort  dont  elles  sont  privées 
dans  leurs  cabanes  du  littoral  de  l'est,  d'où  elles  arrivent 
à  la  fabrique. 

Souvent,  une  femme  gagne  jusqu'à  10  sliillings  par  jour. 
A  la  fin  de  la  saison,  "chacune  a  fait  des  économies  qu'elle 
rapporte  à  son  ménage. 

Les  frais  du  transport  de  Frasebourg  dans  les  ports  de  la 
mer  Baltique  :  Stettin,  Danzig,  Konigsberg,  Liban  et  Riga  où 
le  Hareng  salé  est  exporté,  sont  de  1  shilling  3  pence  à 
1  sh.  9  p.  par  tonneau  qui  pèse  plus  de  trois  quintaux  ;  en  re- 
vanche, pour  envoyer  le  Hareng  à  Manchester,  Birmingham 
et  autres  centres  commerciaux  de  l'Angleterre,  on  paie  3  sh. 
par  quintal  et,  en  outre,  9  sh.  par  tonneau,  ce  qui  entrave 
sérieusement  le  débit  de  ce  côté.  L'impôt  sur  le  poisson  vivant 
est  encore  plus  élevé,  ce  qui  constitue  une  lourde  charge 
pour  l'industrie  du  poisson  et  un  obstacle  pour  son  dévelop- 
pement progressif. 


LES    BOIS    INDUSTRIELS 

INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES 
Par  Jules  GRISâRD  et  Maximilien  VANDEN-BERGHE. 

(  SUITE  *  ) 


CEDRELA  FISSILIS  Vell. 

Cedrela  Brasiliensis  A.  Juss. 

Anglais  :  Acajou-wood.  BiésW  :  Cedro  hranco,  Cedro  vermelho,  Cidrodo  Brazil, 
Cedro  da  Bahia.  Paraguay  :  Cedro  blanco,  Cedro  macho,  Cedro  Colorado. 
République  Argentine  :   Cedro  macho,  Cedrela,  Cedro  jaspeado,  Tantalo. 

Grand  arbre  atteignant  jusqu'à  30  mètres  de  hauteur  sur 
un  diamètre  de  2-3  mètres,  quelquelois  plus,  à  feuilles 
pennées,  composées  de  9-12  paires  de  folioles,  subsessiles, 
opposées,  oblongues-lancéolées,  glabres  à  la  face  supérieure, 
yelutino-tomenteuses  en  dessous. 

Originaire  de  l'Amérique  méridionale,  cette  espèce  croît 
au  Brésil,  au  Paraguay  et  à  la  République  Argentine  où  elle 
est  surtout  abondante  dans  les  provinces  des  Missions. 

Son  bois,  léger,  odorant,  durable  et  facile  à  travailler,  est 
excellent  pour  la  menuiserie,  la  sculpture  et  l'ébénisterie  ; 
entre  autres  usages,  il  sert  à  la  fabrication  des  boites  à  ci- 
gares, ainsi  que  pour  rames,  lattes,  etc.  Les  Brésiliens  l'uti- 
lisent également  pour  leurs  constructions  civiles  et  navales. 

Sa  densité  varie  de  0,505  à  0,658. 

Le  tronc  laisse  exsuder  une  grande  quantité  de  gomme  et 
un  peu  de  résine. 

Son  écorce  est  employée  pour  la  préparation  des  peaux. 

Les  Cedro  rosa  et  Mtata  des  Brésiliens  ne  sont  vraisem- 
blablement que  des  variétés  de  cette  espèce. 

(*)  Voyez  Revue,  années  1891,  note  p.  542;  1892,  !"■  semestre,  note  p.  583, 
et  2«  semestre,  noie  p.  517. 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  29 

GEDRELA.  ODORATA  L.     Gédrel  odorant, 
Acajou  femelle,  Acajou  à  planches,  Faux  acajou,  Cédra. 

Amérique  espan;iiole  :  Calro.  Anjçlais  :  Cédai-,  Cuba  cédai-  "-ood,  Bastard  cedar, 
(Jigaf-hox-mood.  AnliUes  (colons)  :  Acajou  ccdrel,  Acajou  amer.  Acajou 
du  pays.  Cèdre  de  Cuba,  Cèdre  de  la  Barbade,  Cèdre  de  la  Jamaïque.  Cuba  : 
Cailcédra.  Mexique  :  Caltcedra,  Cedro  de  la  Habana,  Cedro  macho.  Véuézuéla  ; 
Cedro  amargo. 

Grand  et  bel  arbre  d'une  hauteur  de  20-25  mètres,  sur  mi 
diamètre  variant  entre  80  centimètres  et  2  mètres  et  plus,  à 
feuilles  pennées,  très  longues,  composées  de  8-10  paires  de 
folioles  opposées,  lancéolées,  aiguës,  entières,  glabres. 

Originaire  de  l'Amérique  méridionale,  on  le  rencontre  sur- 
tout aux  Antilles,  au  Brésil,  au  Salvador,  au  Mexique,  etc., 
dans  les  plaines  et  sur  le  versant  des  collines.  D'une  crois- 
sance plus  rapide  que  l'Acajou  à  meubles,  il  est  aussi  moins 
délicat  sur  le  choix  du  terrain,  bien  qu'il  préfère  un  sol  per- 
méable et  léger,  où  il  acquiert  ses  plus  grandes  dimensions 
vers  la  quarantième  année  ;  à  i)artir  de  ce  moment  il  ne  se 
développe  plus  que  faiblement. 

L'aubier  est  peu  épais  ;  le  bois,  de  couleur  rougeâtre  ou 
très  légèrement  brun  rougeâtre  presque  uniforme,  est  tendre, 
]>oreux,  très  léger  et  d'une  texture  homogène.  Ses  vaisseaux, 
gros  et  ouverts,  surtout  vers  les  couches  d'accroissement  qui 
sont  larges  et  apparentes,  sont  gorgés  d'une  matière  rési- 
neuse brune  ;  les  rayons  médullaires  sont  nombreux  et  nette- 
ment marqués.  Il  ne  se  crevasse  pas  en  séchant,  se  travaille 
aisément  dans  tous  les  sens,  mais  n'est  guère  susceptible 
d'être  poli.  Le  seul  défaut  qu'on  puisse  lui  reprocher,  c'est 
de  manquer  un  peu  d'élasticité  et  de  se  briser  assez  facile- 
ment sous  une  pression  peu  considérable,  au  moins  lorsqu'il 
est  en  planches  minces.  Son  odeur  aromatique  et  sa  saveur 
amère,  un  i)eu  poivrée,  le  rendent  inattaquable  par  les  in- 
sectes. En  Amérique,  le  Cédrel  est  un  des  bois  les  plus  esti- 
més et  s'emploie  à  divers  usages,  suivant  les  localités  où  il 
est  exploité.  Au  Brésil,  il  est  recherché  pour  les  construc- 
tions, au  Venezuela  pour  l'ébénisterie  et  un  grand  nombre 
d'autres  travaux  industriels.  Dans  nos  colonies,  oii  il  atteint 
même  toujours  un  prix  assez  élevé,  l'Acajou  à  planches  est 
l)lus  particulièrement  utilisé  pour  faire  des  embarcations 
très  légères  pouvant  soutenir  de  lourdes  charges  sur  l'eau  et 


30  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

pour  bordages  de  navires  ;  on  l'emploie  également  pour  fabri- 
quer les  caisses  à  sucre  et  la  partie  intérieure  des  meubles, 
parce  que  les  termites  ne  peuvent  le  percer  pour  s'y  intro- 
duire et  attaquer  les  objets  qui  y  sont  enfermés,  à  cause  du 
principe  amer  qu'il  contient  et  qui  est  commun  à  presque 
tous  les  arbres  du  genre.  C'est  encore  avec  ce  bois  que  l'on 
fait  les  boîtes  à  cigares  qui  nous  viennent  de  Manille  et  de  la 
Havane.  L'Acajou  femelle  est  peu  importé  en  France,  mais 
les  Anglais  en  reçoivent  de  grandes  quantités  dont  ils  se  ser- 
vent à  une  foule  d'usages.  On  le  trouve  dans  le  commerce  en 
billes  de  mêmes  dimensions  que  l'Acajou  de  Honduras,  mais 
d'un  diamètre  un  peu  plus  faible.  Sa  densité  moyenne  est  de 
0  540. 

L'écorce,  d'une  odeur  fétide  et  insupportable,  passe  pour 
fébrifuge  et  laisse  écouler  un  suc  gommo-résineux,  de  cou- 
leur rouge  foncé,  en  partie  soluble  dans  l'eau,  qui  sert  à 
Cuba  pour  l'engommage  des  cbapeaux. 

Le  fruit  est  une  petite  capsule  ligneuse  exhalant  une  odeur 
alliacée,  désagréable,  qui  se  communique  à  la  chair  des  per- 
roquets qui  s'en  nourrissent. 

La  variété  Ceclro  liemhra,  de  Cuba,  ne  diffère  de  l'espèce 
que  par  la  couleur  un  peu  plus  foncée  de  son  bois  qui  sert 
aux  mêmes  usages 

GEDRELA  SINENSIS  A.  Juss. 

Ailanthus  jlavescens  Carr. 
Toona  Sinensis  Roem. 

Anglais  :  Cigar-hox-wood.  Chine  :  Hii'nifi  Un  moti.  Pc  mou.  Japon  :  Chianchin, 

Tchaiichin. 

Arbre  forestier  d'une  hauteur  de  15-20  mètres  dont  le 
tronc,  recouvert  d'une  écorce  rugueuse  et  exfoliée,  atteint 
environ  1  mètre  de  diamètre  ;  feuilles  imparipennées,  à 
folioles  ovales  oblongues,  acuminées,  bordées  de  dents  en 
scie,  courtes  et  espacées,  d'un  vert  sombre  sur  la  face  supé- 
rieure, plus  pâles  et  glaucescentes  en  dessous. 

Originaire  de  la  Chine,  cette  espèce  est  donnée,  avec 
doute,  par  Franchet  et  Savatier,  comme  spontanée  au  Japon; 
elle  a  été  introduite  assez  récemment  au  Muséum  par  les 
soins  de  MM.  de  Geofroy,  alors  Ministre  de  France  à  Pékin, 
et  Eug.  Simon,  chargé  d'une  mission  agricole. 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  31 

Son  bois,  appelé  «  Acajou  de  Chine  »,  est  ronge  ou  rou- 
geâtre  et  diffère  peu,  par  ses  qualités,  du  Cèdre  de  Singa- 
pooro  [Cedrela  Toona).  Employé  surtout  pour  la  confection 
des  boites  à  cigares,  il  est  utilisé  par  les  Japonais  pour  la 
fabrication  de  meubles,  tables,  chaussures  de  bois  et  autres 
objets  d'économie  domestique. 

Les  diverses  parties  de  cette  plante  possèdent  une  saveur 
rappelant  celle  de  l'ail  et  de  l'ognon,  qui  les  fait  entrer  comme 
condiments  dans  la  préparation  de  certains  mets  chinois. 

Le  Cedrela  Sinensis  est  un  fort  bel  arbre,  parfaitement 
rustique,  dont  nous  recommandons  la  culture. 

CEDRELA  TOONA  RoxB. 
Cédrel  rouge,  Cèdre  de  Singapoore,  Bois  de  Toon. 

Cedrela  australis  F.  Muell. 
—       febrifaga  Forsten. 
Toona  ciliata  Roem. 

Australie  'colons)  :  Red  Cedar.  Benfiali,  Hindoiislani  et  Tamoul  :  Toon,  Tood. 
Birman  :  Th' it-lia- do .  Bombay  :  Kooruk.  Canara  :  Tunda.  Javanais  et  Malais  : 
Soerlicn-meira,  Soeren-poeti.  Sanscrit  :  T/'.nna,  Toona,  Koovemka,  Cnvcraca. 
Tamoul  :  Malayapoo-toon-marum. 

Arbre  magnifique,  d'une  hauteur  de  50-GO  mètres  sur  un 
diamètre  moyen  de  1  mètre,  mais  atteignant  parfois  jusqu'à 
2  et  3  mètres.  Feuilles  imparipennées,  à  folioles  nombreuses, 
ovales-lancéolées,  acuminées,  un  peu  dentelées,  glauques  sur 
la  face  supérieure,  blanches  ou  blanchâtres  en  dessous. 

Originaire  du  Bengale  et  du  Pégou,  cette  belle  espèce  est 
commune  dans  les  jungles  du  Mysore  et  de  Salem,  au  Népaul, 
au  Sikkira  et  dans  les  monts  Niighiris.  On  la  rencontre  aussi 
dans  les  régions  montagneuses  de  Java,  à  Sumatra,  aux  Phi- 
lippines, aux  Moluques,  ainsi  qu'en  Australie  dans  la  Nou- 
velle-Galles du  Sud  et  le  Queensland,  oii  elle  croît  dans  les 
taillis,  le  long  de  la  côte  et  quelquefois  dans  l'intérieur  en 
s'étçndant  à  des  distances  considérables. 

Son  bois,  d'une  belle  teinte  rouge  ou  rougeâtre,  selon  les 
provenances,  fibreux,  à  grain  fin,  serré  mais  peu  homogène, 
est  flexible,  facile  à  travailler  et  à  polir,  inattaquable  par  les 
termites  et  bon  pour  tous  les  travaux  demandant  de  la  lé- 
gèreté et  une  longue  durée.  Dans  l'Inde,  ce  bois  est  particu- 
lièrement recherché  pour  la  construction  et  la  charpente.  On 


32  KEVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

l'emploie  beaucoup  dans  la  menuiserie  fine,  Fébénisterie,  le 
tour,  la  fabrication  des  pianos,  etc.  Les  longues  et  fortes 
branches  donnent,  à  leur  intersection  avec  le  tronc,  de  ma- 
gnifiques pièces  ondulées  offrant  une  grande  analogie  avec 
l'Acajou,  très  estimées  pour  les  beaux  placages.  Les  Malais 
se  servent  de  cette  espèce  pour  laire  des  caisses  d'emballage, 
des  panneaux  de  voitures,  des  poulies,  des  rouets,  etc.  Le 
bois  de  Toon  constitue  un  article  commercial  important  dans 
l'Australie  et  dans  l'Inde,  tant  pour  l'industrie  locale  que 
pour  l'exportation  ;  il  est  connu  dans  le  commerce  indien 
sous  le  nom  de  Bois  de  Chittarjong. 

L'écorce,  résineuse  et  astringente,  est  administrée  avec 
succès  dans  les  cas  de  dysenterie,  après  la  période  inflam- 
matoire, et  dans  les  diarrhées  causées  par  l'atonie  des  fibres 
musculaires.  Dans  l'Inde  on  l'emploie  également  en  infusion, 
conjointement  avec  VAcorus  calamus,  dans  les  lièvres  bi- 
lieuses et  épidémiques  graves.  Cette  écorce,  associée  aux 
graines  pulvérisées  du  Cœsalpinia  Bonduc,  est  considérée 
comme  un  bon  fébrifuge.  Elle  est  encore  utilisée  dans  le  tan- 
nage des  cuirs  auxquels  elle  communique  une  teinte  pourprée. 

Les  fleurs  possèdent  une  odeur  agréable  de  miel  frais  ;  elles 
renferment  une  matière  colorante  jaune  usitée  dans  la  tein- 
tui'e  des  étoffes  de  coton  écru,  mais  elle  n'est  pas  très  solide. 
Les  naturels  du  Mysore  produisent  avec  ces  fleurs,  mélangées 
à  celles  de  carthame,  une  belle  couleur  rouge  connue  dans 
le  pays  sous  le  nom  de  Gidinary. 

CHLOROXYLON    SWIETENIA    DC. 
Bois  satiné  de  l'Inde. 

Sioieûenia  chloroxylon  Roxb. 

Anfrlais    :    Satin-wood ,    Zantc-vjood,   Cynpalais    :    Booroota-gass. 
Iluidouslani  ;  Be/ira.  Tamoul  :  Mudtidad.  Télen^'a  :  Billu, 


■"o^ 


Arbre  de  grande  taille,  à  feuilles  abruptipennées,  com- 
posées de  folioles  nombreuses,  entières,  insymétriques  à  la 
base,  obtuses  au  sommet,  originaire  des  régions  monta- 
gneuses de  l'Inde  orientale. 

Son  bois,  d'une  belle  couleur  jaune,  prenant  de  magnifiques 
reflets  soyeux  et  satinés  lorsqu'il  est  poli,  est  lourd,  dur,  d'un 
grain  serré  et  très  fin.  Il  offre  la  plus  grande  ressemblance 


LES  BUIS   INDUSTRIELS  INDIGENES  ET  EXOTIQUES.  33 

avec  le  «  Bois  d'Hispanille  »,  mais  il  est  inodore  et,  d'après 
Guibourt,  sa  coupe  perpendiculaire  à  l'axe  présente,  à  la 
loupe,  des  lignes  radiaires  continues,  très  serrées,  ne  conte- 
nant généralement  entre  elles  qu'une  rangée  de  petits  points 
blanchâtres,  disposés  par  petits  groupes  interrompus.  Très 
estimé  des  ébénistes,  des  tablettiers  et  des  miroitiers  euro- 
péens pour  sa  finesse  et  la  beauté  de  sa  nuance,  ce  bois  n'est 
guère  employé  dans  l'Inde  que  pour  la  confection  d'instru- 
ments agricoles.  Il  est  l'objet  d'un  conmierce  assez  important 
en  Angleterre,  d'où  il  est  importé  directement  de  rinde  sous 
le  nom  de  «  East  indian  Salin- wood  ou  Yello\v  Satin-wood  » 
et,  plus  rarement,  de  Bois  cV Atlas. 

L'écorce  du  tronc  et  des  grosses  branches  laisse  exsuder 
une  oléo-résine  aromatique,  regardée  comme  tonique  et  anti- 
rhumatismale  par  les  Hindous.  Cette  résine  étant  séchée, 
est  souvent  substituée  au  Dammar  pour  la  fabrication  des 
vernis. 

M.  Ch.  Naudin  recommande  la  culture  de  cet  arbre  comme 
pouvant  être  d'un  grand  produit,  mais  là  seulement  où  le 
climat  et  la  nature  du  sol  le  rendraient  possible  :  une  tempé- 
rature de  18"  étant  le  minimum  de  chaleur  requise  pour  en 
assurer  le  succès. 

CHUKRASIA.  TABULA.RIS  A.  Juss.  Cèdre  bâtard. 

Plagiotaxis  chickrassia  Wall. 
Svnetenia  chickrassia  Roxb. 

—  trilocularis  Dox. 

—  villosa  Wali,. 

Bengali  :  Chickrasi/,  Chiikrassi.  Cynpalais  :  Hoolanghik-riass.  Tamoul  :  Aij.a'j 
marom,  Pal-crouki-patW.  Télenpa  :  Madagari  vcmhu. 

Un  dos  plus  beaux  et  des  plus  grands  arbres  de  la  i)énin- 
sule  indienne,  qui  acquiert  un  développement  extraordi- 
naire dans  les  terrains  qui  lui  sont  favorables  ;  branches  très 
longues  et  très  grosses  s'étendant  latéralement  à  une  grande 
distance  du  tronc,  mais  très  cassantes  et  peu  ramifiées. 
Feuilles  alternes,  pennées,  composées  de  5-8  paires  de  folioles 
larges,  ovales-oblongues,  glabres  et  coriaces. 

Originaire  de  la  Cochinchine,  de  iAIalacca  et  de  l'Inde, 
cette  espèce  est  surtout  commune  dans  les  forets  du  Malabar, 
du  Concan  et  à  Ceylan. 

5  Janvier  1893.  3 


34  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQL'ÉES. 

Son  bois,  d'une  belle  nuance  rougeâtre  assez  yive,  dur, 
lourd,  d'une  texture  fine  et  serrée,  est  excellent  pour  toutes 
les  constructions  ;  on  le  recherche  également  pour  le  tour,  la 
menuiserie  de  luxe,  la  sculpture  et  l'ébénisterie ,  surtout 
comme  placage.  C'est  d'ailleurs  un  des  «  Bois  de  Chittagong  » 
du  commerce  anglais. 

Du  tronc  de  cet  arbre  découle,  ]tar  les  fissures  et  les  cre- 
vasses qui  se  produisent  naturellement  dans  l'écorce,  un  suc 
d'un  brun  rougeâtre  qui  se  durcit  à  l'air  et  prend  la  consis- 
tance d'une  gomme  très  foncée,  semblable  à  celle  du  Butea 
frondosa. 

Son  écorce,  âpre,  non  amère  mais  fortement  astringente, 
est  utilisée  dans  l'Inde  pour  calmer  les  maux  de  dents  et  raf- 
fermir les  gencives  ;  en  Cochinchine,  les  médecins  indigènes 
l'emploient  comme  antidiarrhéique. 

Les  fleurs  donnent  une  teinture  jaune  ou  rouge. 

Le  Chuhrasia  velutina  Rœm.  (C.  Nimmonii  Graham.  ; 
C.  taljularis  IIierx.  ;  Swietema  velutina  Wall.)  est  une 
espèce  voisine  croissant  naturellement  dans  les  forêts  de  la 
Cochinchine.  Quoique  de  plus  petites  dimensions,  le  bois  offre 
des  qualités  analogues  à  celui  du  C.  tabiUaris  et  peut  servir 
aux  mêmes  usages. 

DYSOXYLON  BAILLONI  Pieurk. 

Epichai'is  Bailloni  Pierre. 
Annamite  :    Saddii,  Kmer  ;  SJau-phnô/ii. 

Grand  et  bel  arbre  forestier  dont  le  tronc,  droit,  élancé, 
atteint  une  hauteur  de  L5-18  mètres  sous  branches,  sur  un 
diamètre  de  1  mètre  et  plus.  Feuilles  alternes,  composées 
de  huit  paires  de  folioles  oblongues-acuminées,  un  peu  ar- 
rondies au  sommet,  atténuées  à  la  base,  glabres  et  glandu- 
leuses, ponctuées  en  dessous. 

Assez  rare  en  Cochinchine,  cette  espèce  se  rencontre 
assez  abondamment  au  Cambodge,  surtout  dans  les  régions 
montagneuses. 

L'aubier  est  assez  épais  et  plus  pâle  que  le  bois  ;  celui  ci. 
de  couleur  rougeâtre  ou  brun  rougeâtre,  est  odorant,  dur  et 
assez  lourd  ;  son  grain  est  fin  et  égal  et  ses  fibres  longues  et 
droites.  D'un  travail  facile,  peu  sujet  à  se  fendre  en  séchant 


Les  iiois  IiNBustIiiels  indI(;è>jes  eî  exotiques.  38 

il  se  conserve  bien  partout  et  peut  durer  cinquante  ans  et 
plus  dans  les  constructions  à  l'air.  Excellent  pour  le  tour  et 
le  cliarronnage,  c'est  un  beau  bois  d'ébénisterie  et  de  me- 
nuiserie fine.  Les  Annamites  en  font  des  coffrets,  des  boites 
à  bétel,  ainsi  que  des  bahuts  et  des  meubles,  parce  que  les 
vêtements  qu'on  y  enferme  contractent  en  peu  de  temps  une 
odeur  légère  mais  agréable  de  santal. 

C'est  encore  une  des  essences  recherchées  par  les  indi- 
gènes de  distinction,  pour  laire  leurs  cercueils  qu'ils  placent 
dans  la  partie  la  plus  apparente  de  leur  habitation.  —  Sa 
densité  moyenne  est  de  0,790. 

DYSOXYLON  LESSERTIANUM  Benth. 

Di/soxijlon  Ujugum  Seem. 
Epicharis  Lesserùiana  C.  DC 
Hartighsea  Les&ertiaiia  A.  Juss. 
Trichilia  quinquevalvis  Pangh.  et  Sebek'j  . 

Nouvelle-Calédonie  (colons)  :  Bois  moucheté. 

Arbre  d'une  hauteur  de  10  mètres  environ,  à  cime  arrondie, 
légère  et  d'un  beau  vert,  dont  le  tronc  est  recouvert  d'une 
écorce  mince,  grisâtre,  légèrement  l'ugueuse,  exhalant  une 
odeur  alliacée.  Feuilles  alternes,  bipennées,  composées  de 
2-4  paires  de  folioles  opposées,  ovales,  aiguës  aux  deux 
extrémités. 

Indigène  à  la  Nouvelle-Calédonie,  cette  espèice  croit  parti- 
culièrement sur  les  coteaux  et  dans  les  plaines  des  bords  de 
la  mer. 

Son  bois,  blanc  ou  jaunâtre,  est  d'une  texture  assez  fine  et 
serrée  ;  le  cœur,  de  couleur  rouge,  se  développant  irréguliè- 
rement et  englobant  de  grandes  loupes  jaunes,  finit  par  en- 
vahir tout  le  bois  qui  est  alors  entièrement  rouge  et  parsemé 
de  nombreuses  mouchetures  ovales,  qui  produisent  un  effet 
très  bizarre  lorsque  ce  bois  est  verni. 

MM.  Pancher  et  Sebert  pensent  que  cette  formation  est 
due  à  une  maladie  i)articulière  de  l'arbre,  la  pourriture 
sèche  commençant  généralement  à  se  montrer  au  moment 
de  l'apparition  des  loupes.  Le  bois  moucheté  de  la  Nouvelle- 
Calédonie  peut  être  utilisé  avec  avantage  dans  l'ébéni-sterie, 
notamment  pour  le  placage. 


36  REVUE  LES  SCIENCES  NATURELLES  ArPLIQUÉES. 

DYSOXYLON  LOUREIRI  Pierre. 

Spickaris  Loureiri  Pierre. 
Santalum  album  Lour. 

Anuamile  :  Hiiinh-dân,  Hv.inh-diiOiig,  Bach-dan, 

Grand  arbre  d'une  hauteur  de  30  mètres  environ,  dont  le 
tronc,  droit  et  rarement  creux  est  recouvert  d'une  écorce 
blanchâtre  on  grisâtre.  Feuilles  alternes,  composées  de  14-20 
folioles  opposées  ou  subalternes,  pétiolulées,  oblongues,  acu- 
minées  ou  cuspidées. 

Originaire  de  Tlndo-Chine  et  de  la  Malaisie,  cette  espèce 
est  assez  rare  en  Cochinchine  quoique  existant  isolément 
dans  toutes  les  Ibrêts,  on  la  rencontre  surtout  dans  la  région 
de  Song-Lu  et  à  Nuy-Dinh,  dans  la  province  de  Bien-hoa. 

Son  bois,  d'un  jaune  orangé  clair,  nn  pen  foncé  et  même 
quelquefois  rougeâtre  vers  le  centre,  est  parsemé  de  belles 
veines  un  peu  ondulées.  Ses  rayons  médullaires  sont  sinueux 
et  très  rapprochés,  c'est-à-dire  qu'on  en  compte  quatre  dans 
l'intervalle  d'un  millimètre.  Ces  rayons  médullaires  sont  sé- 
parés par  de  larges  ponctuations  ou  vaisseaux  et  des  fibres 
ligneuses  très  longues.  D'un  grain  serré  et  homogène, 
presque  incorruptible,  mais  difficile  à  travailler  et  surtout  à 
clouer,  il  subit  aussi  Finfluence  des  températures  élevées  et 
se  fend  lorsqu'il  est  employé  avant  sa  parfaite  dessiccation, 
aussi,  faut-il  avoir  soin  de  le  laisser  vieillir  deux  ans  après 
l'abatage  avant  de  le  débiter.  C'est  un  bon  bois  d"ébénisterie 
et  de  menuiserie  fine,  dont  le  vernis  rehausse  encore  agréa- 
blement le  coloris.  Les  Annamites  en  font  surtout  des  cer- 
cueils de  luxe,  des  meubles,  des  incrustations,  etc.  Le  bois 
des  vieux  arbres  exhale  une  odeur  assez  prononcée  de  santal. 
Cette  odeur,  qui  est  presque  nulle  sans  Taction  du  frottement 
ou  du  feu,  est  beaucoup  plus  accentuée  dans  les  arbres  où  le 
cœur  est  d'une  nuance  plus  foncée.  Les  indigènes  en  retirent 
aussi  une  huile  essentielle,  analogue  à  l'essence  de  santal, 
qu'ils  utilisent  fréquemment  en  médecine.  Suivant  'M.  Pierre, 
ce  bois  se  trouve  dans  tous  les  bazars  de  1  Indo-Chine  sous 
forme  d'éclats  d'une  épaisseur  variable  et  longs  de  15  à 
30  centimètres.  En  cet  état,  il  est  brûlé  comme  parfum  dans 
les  temples  pendant  les  cérémonies  religieuses  ;  on  l'emploie 
également  à  des  préparations  pharmaceutiques. 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  37 

FLINDERSIA  AMBOINENSIS  PoiR.  Bois  d'Amboine. 

Arhor  radulifera   Rumph. 
Amboine  :  Cajii  Baroedan. 

Arbre  élevé,  à  feuilles  alternes,  composées  de  3-4  paires  de 
folioles  opposées,  lancéolées,  aiguës  à  la  base,  acuminées  au 
sommet,  originaire  de  Céram  et  d'Amboine. 

C'est  peut-être  à  cet  arbre,  ou  même  aussi,  et  avec  plus  de 
certitude,  aune  espèce  voisine  non  encore  déterminée  du  genre 
FUndersia,  qu'il  faut  attribuer  l'origine  du  fameux  Bois  cV A  m- 
boine  qui  nous  vient  des  Moluques.  Cette  essence  est  une  des 
plus  rares  et  des  plus  chères  que  l'on  connaisse,  car  son  prix, 
qui  valut  à  un  moment  le  chiffre  énorme  de  4,000  francs  les 
100  kilogrammes,  atteint  encore  de  nos  jours  celui  de  12  à 
13  francs  le  kilogramme. 

Tel  qu'on  le  trouve  dans  le  commerce,  le  Bois  d'Amboine 
est  d'une  belle  couleur  rouge  assez  semblable  à  celle  de 
l'acajou  ronceux,  mais  nuancée  de  veines  fines  rapprochées 
et  très  ondulées  variant  du  blanc  rosé  au  jaune  orangé  qui 
forment  des  dessins  capricieux  et  enchevêtrés.  D'un  grain 
très  fin,  compact  mais  léger,  ce  bois  est  solide,  liant  et  fa- 
cile à  travailler  avec  de  petits  outils;  c'est  plutôt  un  bois 
de  marqueterie  et  de  tabletterie  que  d'ébénisterie  propre- 
ment dite.  Aussi,  ne  l'emploie-t-on  guère  qu'en  placages 
très  minces  et  en  filets,  pour  ornements  et  incrustations  de 
meubles  de  luxe,  pianos,  pendules,  albums  riches,  etc.,  oi^i 
il  produit  un  très  bel  effet,  surtout  lorsqu'il  est  encadré 
d'un  filet  d'ébène.  A  Birmingham,  on  fabrique  avec  le  Bois 
d'Amboine  un  genre  de  tabatière  de  luxe  dite  «  Tabatière 
anglaise  ».  Ce  petit  objet  est  presque  toujours  de  bon  goût, 
solide,  mais  d'un  i)rix  très  élevé,  tant  à  cause  de  la  valeur  du 
bois  lui-même,  que  par  les  ornements  d'or  ou  d'argent  que 
l'on  y  adapte.  Les  loupes  ou  excrois-sances  qui  se  développent 
sur  le  tronc  constituent  la  partie  la  plus  précieuse  et  la  i)lus 
recherchée  pour  les  travaux  d'art;  on  la  trouve  dans  le  com- 
merce sous  forme  de  feuilles  de  placage  de  très  faible  épais- 
seur. 

Malgré  la  finesse,  la  beauté  et  le  coloris  du  Bois  d'Amboine, 
nous  rappelons  que  notre  Orme  commun  produit  quelquefois 
une  variété  de  loupe  frisée  et  soyeuse  off'rant  la  plus  grande 


38  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

ressemblance  avec  lui,  et  dont  elle  ne  diffère  que  par  une 
texture  un  peu  moins  fine  et  une  densité  un  peu  supérieure. 
Toutefois,  faut-il  encore  ajouter  que  des  yeux  exercés  peuvent 
seuls  en  saisir  ces  différences. 

FLINDERSIA  AUSTRALIE  R.  Br. 

Anglais  :  Citlkedm-wood.  Queensland  :  FUndosa,  Basp  pod. 

Un  des  plus  beaux  et  des  plus  grands  arbres  forestiers  de 
l'Australie,  dont  le  tronc,  revêtu  d'une  écorce  écailleuse  et 
rugueuse  d'un  brun  sombre  atteint  30-40  mètres  de  liauteur 
et  souvent  plus,  sur  un  diamètre  dépassant  quelquefois 
2  mètres  à  la  base. 

Indigène  dans  la  Nouvelle-Galles  du  Sud  et  au  Queensland, 
cette  espèce  est  très  répandue  dans  les  districts  septentrio- 
naux sur  le  bord  des  cours  d'eau. 

Son  bois  est  dur  et  serré,  fort  et  durable  ;  il  se  contracte 
peu  en  séchant  et  ne  rouille  pas  le  fer.  Excellent  pour  char- 
pentes, traverses  de  chemins  de  fer,  il  est  très  estimé  des 
colons  et  largement  employé  à  divers  usages,  notanmient 
pour  la  tonnellerie.  Toutefois,  sa  dureté  et  la  difficulté  qu'on 
éprouve  à  le  scier,  font  qu'il  est  assez  peu  recherché  des 
marchands  de  bois. 

Le  F.  australis,  qui  rivalise  de  grandeur  et  de  beauté  avec 
V Araucaria  Cunningliarai,  mériterait  d'être  introduit  dans 
nos  colonies  intertropicales  ;  peut-être  même  réussirait-il, 
d'après  M.  Ch.  Naudin,  dans  le  nord  de  l'Afrique.  Sa  crois- 
sance est  d'ailleurs  assez  rapide  quand  il  est  en  bon  sol  et 
sous  un  climat  favorable. 

FLINDERSIA  FOURNIERI  Paxch.  et  Sebert. 
Nouvelle-Calédonie  :  Mauoiic', 

Arbre  de  haute  futaie,  très  élevé  et  d'un  fort  diamètre,  dont 
le  tronc  est  recouvert  d'une  écorce  noirâtre,  assez  mince, 
finement  fendillée.  Feuilles  alternes,  paripennées,  composées 
de  2  paires  de  folioles  opposées,  courtement  pétiolulées, 
obovales-allongées,  obtuses  à  la  base,  légèrement  échancrées 
au  sommet,  coriaces,  luisantes  en  dessus. 

Originaire  de  la  Nouvelle-Calédonie,  cette  espèce  est  assez 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  39 

commune  dans  les  forêts  élevées  de  la  baie  du  Sud,  où  elle 
croit  dans  les  sols  ferrugineux. 

L'aubier  est  jaunâtre  et  d'une  épaisseur  assez  grande;  le 
bois,  roiigeâtre,  fibreux,  à  pores  allongés,  est  solide,  liant  et 
facile  à  travailler;  son  grain  est  fin  et  lisse.  D'une  densité 
moj'enne  et  paraissant  de  bonne  conservation,  ce  bois  est 
susceptible  d'être  utilisé  dans  la  construction,  pour  la  char- 
pente et  la  menuiserie.  Sa  densité  moyenne  est  de  0.751. 

Citons  encore  comme  espèces  intéressantes  de  l'Australie  : 
Le  Flindcrsia  Bennettiana  F.  Muell.  [F.  anstralis  F. 
MuELL.).  Queensland  :  Bogum-Bogum.  Grand  arbre  d'une 
hauteur  moj'enne  de  25  mètres,  sur  un  diamètre  de  60  centi- 
mètres environ ,  croissant  naturellement  au  Queensland  et 
dans  la  Nouvelle-Galles  du  Sud.  Cette  espèce,  une  des  plus 
ornementales  du  genre  par  son  port  majestueux  et  la  beauté 
de  son  feuillage,  fournit  un  bois  dont  la  valeur  industrielle 
est  la  même  que  celle  des  autres  Flindcrsia  australiens. 

Le  Flindersia  Oxlcyana  F.  Muell.  [Oxleyana  xantlioxyla 
A.  CuNN,).  Queensland  :  LigM  YcUow-u'OOd.  Bel  arbre  d'une 
hauteur  de  25  à  30  mètres,  sur  un  diamètre  de  1  mètre  et 
plus,  croissant  dans  la  Nouvelle-Galles  du  Sud  et  au  Queens- 
land, dans  les  taillis  qui  bordent  la  côte.  Son  bois,  d'une  belle 
couleur  jaune  clair,  fort,  durable  et  d'une  texture  fine,  est  ex- 
cellent pour  la  menuiserie  d'art  et,  l'ébénisterie,  surtout  comme 
placage;  ses  qualités  le  font  également  emploj^er  dans  la  cons- 
truction des  embarcations  et  à  une  foule  d'autres  usages.  Ce 
bois  est  connu  dans  le  commerce  anglais  sous  le  nom  de  «  Bois 
jaune  de  l'Australie  »  [Austrcdian  Yellow-ivood). 

GUAREA  TRIGHILIOIDES  L.  Gouaré. 

Guarea  Auhletii  k.  Juss. 

—  purgans  A.  St-Mil. 

—  Sv-arlzii  DC. 

—  Hurinamensis  Mio. 
Trichilia  Guara  Auhl. 

Antilles  et  Guyane  :  Bois  lalle,  Bois  //  balles.  Pistolet,  Bois piatolet,  Bois  rouge 
(le  Haint-Domingue,  Brésil  :  Jitô,  Giltl.  Colombie  :  Gnanco  blanco,  Mestizo. 
Cuba  :  Yamâo,  Gouare.  Jamaïque  :  Miislt-wood.  République  Argentine  : 
Cdinboata,  Pao  de  Sabao.  'N'énézuéla  :  Trompillo,  Trompito. 

Arbre  de  10  à  15  mètres  de  hauteur,  à  feuilles  abrupti- 


/lO  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

pennées,  composées  de  folioles  ovales,  elliptiques,  acuminées, 
glabres,  croissant  naturellement  aux  Antilles,  à  la  Guyane, 
au  Brésil,  à  la  République  Argentine,  en  Colombie  et  au 
Venezuela. 

Son  bois,  de  couleur  ordinairement  rouge  ou  rougeâtre,  est 
d'une  dureté  et  d'une  densité  plus  ou  moins  grande,  selon  les 
conditions  dans  lesquelles  l'arbre  s'est  développé.  Ses  fibres 
longues  et  droites  lui  donnent  une  assez  grande  élasticité  et 
le  rendent  d'un  travail  lacile;  inattaquable  par  les  insectes  à 
cause  de  la  résine  amère  qu'il  renferme  dans  ses  vaisseaux,  il 
est  cependant  d'une  conservation  médiocre  et  on  ne  le  débite 
guère  qu'en  planches  pour  les  travaux  intérieurs^  Toutefois, 
celui  qui  provient  du  Brésil  est  considéré  comme  assez  résis- 
tant pour  être  utilisé  dans  les  constructions  civiles  et  na- 
vales. A  Cuba,  il  est  surtout  employé  pour  cadres  de  portes 
et  fenêtres,  palissades,  pieux  de  clôture,  etc.  —  Sa  densité 
moyenne  est  de  0.500. 

Le  nom  vulgaire  de  c  Bois  balle  »  donné  en  Amérique  à 
cet  arbre,  lui  vient  de  la  forme  ronde  de  ses  l'ruits  ;  on  en 
rencontre  également  de  pyriformes  assez  semblables  à  une 
petite  toupie,  d'où  le  nom  de  Trompillo  qu'il  porte  au 
Venezuela. 

Le  suc  laiteux,  amer,  résineux  et  aussi  vénéneux  qui  dé- 
coule de  l'écorce  de  la  racine  du  Guarea  triclillioUes  et 
autres  espèces  voisines,  constitue  un  puissant  purgatif, 
auquel  Martius  accorde  une  action  spéciale  et  même  abortive 
sur  l'utérus. 

La  décoction  possède  les  mêmes  propriétés  émétiques,  an- 
tlielmintiques  et  emménagogues,  mais  atténuées.  L'écorce 
de  la  tige  passe  pour  fébrifuge  aux  Antilles.  Les  feuilles  ser- 
vent à  l'alimentation  des  vaches  et  des  chevaux  et  les  fruits 
sont  donnés  aux  porcs. 

Le  Guarea  Perroltcliana  A.  Juss.  [G.  Perj-oltclii  Griseb.). 
Petit  arbre  à  feuilles  alternes,  pennées,  à  folioles  elliptiques, 
oblongues  et  glabres,  qui  porte  également  le  nom  vulgaire 
de  c<  Bois  pistolet  «  à  la  Guadeloupe,  fournit  un  bois  à  la  fois 
dense  et  élastique,  à  odeur  musquée,  que  l'on  emploie  dans  la 
charpente  et  la  menuiserie  d'intérieur.  Comme  la  i)lupart  des 
arbres  de  cette  famille,  il  renferme  une  résine  amère  qui  le 
rend  inattaquable  par  les  Xylophages. 
Le  suc  de  l'écorce  est  un  purgatif  et  un  violent  émétique. 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  -jl 

KHAYA  SENEGALENSIS   A.  Juss. 
Gailcédra  du  Sénégal. 

Sv-ietenia  Senegalensis  Dksrouss. 
Anglais  :  Afrie.vi  ou  Ganibia  Mahojany.     Sénégal  :  Ctulcedi-a.  (Yoloffs  :   Cail], 

Grand  et  bel  arbre  d'une  hauteur  de  25  à  35  mètres,  sur  un 
diamètre  de  1  mètre  environ  et  souvent  plus,  tronc  recouvert 
d'une  écorce  assez  épaisse  d'un  gris  blanchâtre  extérieure- 
ment, rougeâtre  et  fibreuse  en  dedans.  Feuilles  alternes,  pai'i- 
pennées,  composées  de  l'olioles  opposées,  ovales,  oblongues, 
entières,  ondulées,  aiguës,  coriaces. 

Originaire  de  la  côte  occidentale  de  l'ACrique,  cette  espèce 
est  surtout  commune  dans  les  forêts  voisines  des  rives  de  la 
Gambie. 

Son  bois,  de  couleur  rougeâtre,  quelquefois  rouge-brun, 
est  lourd,  dur  et  d'un  grain  serré;  il  se  conserve  bien  dans 
l'eau  en  raison  du  principe  résineux  qu'il  renferme,  mais  il  se 
fend  très  facilement,  si  l'on  n'a  pas  le  soin  de  le  laisser  se 
dessécher  lentement  à  l'ombre.  Excellent  pour  la  construction 
et  la  charpente,  on  s'en  sert  surtout,  en  Europe,  pour  l'ébé- 
nisterie,  la  menuiserie  et  la  tabletterie.  Le  Caïlcédra  offre  une 
grande  analogie  avec  l'acajou  à  meubles,  mais  dont  il  se  dis- 
tingue par  une  dureté  plus  grande  qui  le  rend  même  assez 
difhcile  à  travailler;  de  plus,  il  garde  mal  le  poli  et  présente 
souvent  une  teinte  vineuse  peu  agréable.  Cette  essence  donne 
lieu  à  un  commerce  assez  important  au  Sénégal,  où  on  connaît 
deux  variétés  de  bois.  La  plus  estimée  est  celle  qui  se  rap- 
proche le  plus  de  l'acajou  de  Haïti.  Ces  bois  nous  arrivent  en 
billes  de  fortes  dimensions  à  peine  dégrossies,  sous  les  noms 
de  «  Bois  de  Caïlcédra,  Acajou  d'Afrique  ou  du  Sénégal  ». 
Quoique  employé  dans  les  mômes  conditions  que  l'acajou  des 
Antilles,  il  est  beaucoup  moins  estimé.  Les  nègres  en  font  des 
l)irogues  solides  et  durables. 

Les  indigènes  de  la  côte  d'Afrique  substituent  l'écorce  du 
Caïlcédra  au  quinquina,  mais  comme  tonique  amer  et  astrin- 
gent, ce  qui  lui  fait  donner  quelquefois  le  nom  de  Quinquina 
du  Séncgal.  Caventou  a  retiré  de  cette  écorce  une  matière 
résinoïde,  amère,  neutre  aux  réactifs,  la  Callcédrine ,  consi- 
dérée comme  le  principe  actif.  Sa  richesse  en  tanin  fait  égale- 


42  UEVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  Al'PLlQUEES. 

ment  reclierclier  cette  écorce  poiu'le  tannage  des  cuirs.  Enfin, 
du  tronc  exsude  une  gomme  douée  de  propriétés  lebrifuges. 
Le  Khaya  anUioilieca  C.  DC.  (Gcœretia  antliotheca  Welw) 
est  une  espèce  voisine  croissant  dans  les  possessions  portu- 
gaises de  l'Afrique,  où  elle  est  désignée  sous  le  nom  de  «  Qui- 
baba  de  Mussengue  ».  Son  bois,  d'excellente  qualité  et  de 
grandes  dimensions,  peut  être  utilisé  ayantageuseraent  dans 
la  construction  et  autres  genres  de  travaux.  L'écorce  de  cette 
espèce  passe  pour  posséder  des  propriétés  éminemment  fébri- 
fuges. 

LANSIUM  DOMESTICUM  Rumph. 

Lansium  Javanicum  Roem. 

Java  :  Lanseh,  Langsep  (var.  :  Biedjietan,  Bicsictan).  Malais  :  Boekne,  Diihu. 
Soudanais  (var.  :  Kokosan  o\i  Kohossan,  Pidjictaii  on  Pissieian],  Sumatra: 
Zniisjce. 

Arbre  à  feuilles  alternes,  imparipennées,  à  folioles  oppo- 
sées, oblongues-elliptiques,  à  base  aigué  légèrement  inégale, 
sommet  terminé  en  pointe  longue,  entières,  glabres. 

Originaire  de  l'archipel  indien,  cette  espèce  et  ses  variétés 
sont  ordinairement  cultivées  comme  des  arbres  fruitiers  aux 
îles  de  la  Sonde,  ainsi  qu'à  Java  et  à  Sumatra. 

Son  bois,  dur,  fort  et  joli,  sans  être  considéré  comme  bois 
d'œuvre  proprement  dit,  est  assez  recherché  des  indigènes 
qui  en  font  des  mortiers  et  des  pilons  pour  décortiquer  le  riz, 
des  manches  d'outils,  des  fourreaux  de  kriss,  etc. 

L'écorce,  finement  pulvérisée,  est  employée  en  friction  par 
les  Malais  pour  adoucir  la  peau  au  sortir  du  bain. 

Le  fruit  est  un  petit  drupe  ovoïde,  jaune,  de  la  grosseur 
d'un  œuf  de  pigeon,  à  péricarpe  très  amer,  renfermant  une 
pulpe  transparente,  d'un  govit  agréable,  facile  à  digérer,  d'une 
saveur  plus  ou  moins  acide,  suivant  les  variétés.  Avant  matu- 
rité, la  cliair  de  ce  fruit  contient  un  suc  laiteux  et  amer  qui 
teint  les  mains  en  noir. 

Une  espèce  indéterminée  de  ce  genre,  connue  â  Bangka 
sous  le  nom  de  Lansat  oelan,  donne  un  bois  de  bonne  qualité 
employé  dans  la  charpente. 

[A  suivre.) 


II.  CHRONIQUE  DES  COLONIES  ET  DES  PAYS  D'OUTRE-MER. 


Création  d'une  chambre  consultative  d  agriculture 

en  Tunisie, 

Monsieur  le  Président, 

Alix  termes  d'un  arrête  de  M.  le  Ministre  Résident  f;:('neral,  en  date 
du  19  mars  1892,  dont  vous  avez  déjà  eu,  sans  doute,  connaissance 
par  la  voie  de  la  presse,  il  a  été  crée'  en  Tunisie  une  Chambre  consul- 
tative d'agriculture,  destinée  à  être  la  représentation  directe,  auprès 
du  Gouvernement,  des  intérêts  agricoles  français  dans  la  Régence. 

Cette  Chamlire,  composée  de  douze  membres  titulaires,  élus  par  un 
collège  électoral,  comprenant  tous  les  agriculteurs  de  la  Colonie 
française,  a  procède  récemment  à  la  constitution  de  son  bureau,  et 
elle  considère  comme  un  de  ses  premiers  devoirs  d'en  adresser  la  no- 
tification officielle  à  votre  Société. 

Ainsi  que  l'indique  son  titre,  la  nouvelle  Chambre  a  pour  mission 
spéciale  d'éclairer  de  ses  lumières  et  de  ses  conseils  le  Gouvernement 
du  Protectorat  dans  l'étude  des  diverses  questions  agricoles  sur  les- 
quelles il  juge  utile  de  la  consulter. 

Mais  là  ne  se  borne  pas  son  rôle. 

Aux  termes  de  l'arrête'  qui  règle  ses  attributions,  il  lui  appartient, 
on  outre,  de  présenter,  proprio  motu,  ses  vues  et  ses  appréciations  per- 
sonnelles sur  tous  les  points  qui  touchent  plus  ou  moins  directement 
aux  intc'rôls  de  l'agriculture  tunisienne  et  qui  lui  paraîtront  de  nature 
à  éveiller  rallentiou  et  la  sollicitude  du  Gouvernement. 

En  un  mot,  une  large  part  d'initiative  et  d'autorité  lui  est  réserve'c 
dans  la  pro'paration  et  la  présentation  des  divers  projets  qu'il  y  aura 
lieu  de  soumettre  à  la  sanction  du  Gouvernement. 

Enfin,  il  est  de  toute  évidence  que  par  le  seul  fait  de  son  origine 
élective,  la  nouvelle  Chambre  devient  l'organe  et  le  défenseur  naturel 
des  inte'rôts  agricoles  de  la  colonie  tout  entière,  et  qu'elle  aura  qua- 
lité et  autorité  suffisantes  pour  faire  parvenir  et,  au  besoin,  faire  pré- 
valoir en  haut  lieu  les  vœux,  les  aspirations  et  les  réclamations  légi- 
times de  la  colonie  agricole. 

Ce  rôle  constitue  une  lourde  tache,  et  la  Chambre  consultative 
d'agriculture  de  Tunisie  sent  combien  il  est  nécessaire  que,  pour  la 
remplir,  elle  s'entoure  de  tous  les  e'iéments  d'information  et  d'investi- 
gation. 

Ces  éléments,  elle  ne  saurait  les  trouver  plus  sûrement  qu'auprès 
des  nombreuses  Socie'to's  agricoles  qui,  tant  en  France  qu'en  Algérie 
et  aux  Colonies,  jouissent  d'une  notoriété  de  savoir  et  d'expérience 
incontestée,  et  qui,  par  de  sages  conseils,  des  études  approfondies  et 
une  longue  suite  de    travaux,  eu  un  mot,  par  un  de'vouement  iufali- 


44  REVUE  DES  SCIENCES  xNATURELLES  APPLIQUÉES. 

gable,  onl  si  puissammeul  conlribuc  au  développement  de  la  richesse 
agricole  dans  les  différentes  régions  de  noire  pairie. 

C'est  là,  Monsieur  le  Président,  une  des  considérations  qui  ont  fait 
désirer  à  notre  Chambre  de  se  mettre  en  rapport  immédiat  avec  la 
Sociélé  à  la  têle  de  laquelle  vous  êtes  placé,  et  à  réclamer  de  son 
obligeance  l'envoi  non  seulement  de  ses  bulletins  officiels,  mais  de  tous 
les  documents  qui  lui  paraîtraient  présenter  quelque  intérêt  pour 
notre  Compagnie. 

La  Tunisie  est  aujourd'hui,  on  peut  le  dire,  une  terre  française  et 
aucune  des  questions  qui  touchent  de  près  h  son  existence  et  à  son 
avenir  ne  saurait  rester  indifférente  aux  yeux  de  tous  ceux  qui,  soit 
en  France,  soit  en  Algérie,  ont  quelque  souci  du  développement  et  do 
la  prospérité  de  notre  domaine  colonial. 

C'est  donc  rendre  un  service  signale  à  tous  les  habilants  de  la 
métropole  que  de  leur  faire  connaître  ce  beau  pays,  de  leur  en  de'voi- 
1er  les  innombrables  ressources,  de  les  lenir  au  courant  des  progrès 
qui  s'y  réalisent  chaque  jour,  et,  en  leur  empruntant  quelques-uns  de 
leurs  procédés  de  culture,  de  les  associer  ainsi  de  loin  au  succès  de 
l'œuvre  de  colonisation  entreprise  dans  celle  partie  de  nos  possessions 
africaines. 

C'est  vous  dire,  Monsieur  le  Président,  que  la  Chambre  consuUativc 
d'agriculture  de  Tunisie  se  fera  un  devoir  de  vous  communiquer  régu- 
lièrement les  bulletins  et  autres  documents  constatant  la  marche  de 
ses  travaux  ;  et  qu'en  outre  elle  se  met  entièrement  à  votre  disposi- 
tion pour  tous  les  rcnseignemenis  que  vous  jugeriez  utile  de  lui  de- 
mander, tant  au  nom  de  votre  Sociélé  qu'au  nom  de  tous  ceux  qui 
s'intéressent  au  développement   et  à  l'avenir  de  la  Tunisie  française. 

Veuillez  agréer,    Monsieur  le   Président,    les  assurances    de   notre 
considération  la  plus  distinguée. 
Tunis,  le  14  novembre  1892. 

Le  Secrétaire,  Le  Vice- Président, 

DUMONT.  y^^  DE   L'ESPINASSE-LaNGEUR. 


m.  CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS. 


Oiseaux  qui  peuvent  se  passer  d'eau.  —  On  a  noie  en 
première  lifrne  les  Pélrels.  Ces  voiliers  se'journent  une  grande  partie 
de  l'année  en  pleine  mer;  ce  n'est  qu'à  l'époque  de  la  reproduction  ou 
après  de  violentes  tempêtes  qu'ils  s'e'tablissent  ou  viennent  se  reposer 
sur  les  côtes.  Or  les  Oiseaux  ne  font  jamais  usage  de  l'eau  salée. 

Les  Perroquets,  à  l'étal  libre,  boivent  peu.  Ils  se  contcnlcnl  souvent 
de  l'eau  que  contient  leur  nourriture  essentiellement  végétale  et  com- 
posée de  fruits,  de  noix,  de  bulbes  et  de  divers  le'gumes.  —  Le  re'- 
gime  du  Nestor  de  la  Nouvelle-Zélande  est  maintenant  différent,  car  ce 
Perroquet  a  pris  la  singulière  habitude  de  fondre  sur  les  troupeaux  de 
Moutons  pour  se  nourrir  de  leur  graisse.  Autrefois,  l'espcce  recher- 
chait les  mômes  aliments  que  les  autres  Psittacide's.  On  a  vu  des  Per- 
roquets caplifs  qui  se  sont  passes  longtemps  d'eau.  A  Regenfs  Park 
de  Londres,  on  en  observa  un  pendant  plusieurs  anne'es,  qui  ne  bu- 
vait   pas. 

On  sait  encore  que  les  Autruches  restent  plus  d'un  mois  sans  prendre 
d'eau.  Les  Arabes  affirment  qu'elles  n'en  font  jamais  usage.      De  B. 

Nouvelle  nourriture  pour  les  Oiseaux  insectivores.  — 

Un  collaborateur  de  la  Monatsschvift  indique  un  procédé  nouveau  qui 
remplacerait  avanlagcusement  les  Vers  de  farine  et  les  œufs  de  Four- 
mis. On  se  procure  le  corps  de  n'importe  quel  animal,  un  Renard,  un 
Chai  ou  un  Geai.  On  l'c^xpose  quelque  temps  au  soleil,  aux  atteintes 
des  Mouches,  surtout  de  la  grande  Mouche  bleue  de  la  viande  [CalU- 
phora  vomitoria  L  )  et  de  la  Mouche  métallique  {Lucilia  Cœ&ar  L.).  En- 
suite on  le  place  sur  une  planche  qui  repose  dans  un  récipient  garni 
de  terre  le'gèrc  ;  quand  les  larves  en  sortiront  pour  se  changer  en 
pupcs  (chrysalides),  elles  se  trouveront  enfermées.  De  cette  façon, 
on  peut  obtenir  des  centaines,  môme  des  centaines  de  milliers  de  pupcs 
que  les  Oiseaux  de  cage  reclicrchent  avidement. 

Les  Mouches  que  l'on  capture  en  masse  dans  les  <■*  verres  à  Mouches» 
oH'reul  du  danger  cl  ont  parfois  empoisonne  des  Oiseaux.  Au  contraire, 
les  pupes  dont  nous  parlons  pourront  être  distribuées  en  toute  se'curité. 

De  s. 

Produits  des  alligators.  —  La  peau  de  l'Alligator  se  paie  cher, 
car  cel  animal  devient  rare.  Une  do'poullle  en  bon  état  vaut  une  di- 
zaine de  dollars  (52  fiancs). 

Ce  cuir  a  l'immense  avantage  d'être  absolument  imperméable.  De- 
puis peu,  on  fabrique  avec  les  parties  des  pattes,  oii  les  ongles  sont 
attaches,  des  portefeuilles  et  des  sacs  à  main.  Quant  aux  dents,  elles 


46  lŒVUË  DES  SClKNGES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

sonL  d'un  ivoire  excellent,  et  servent  à  faire  des  bijoux,  des  bre- 
loques, etc...  Sous  la  mâchoire  de  l'animal,  ou  trouve  des  glandes 
d'où  l'on  retire  du  musc  qui,  s'il  n'est  pas  de  première  qualité',  est 
utilisé  comme  base  pour  la  composition  de  certains  parfums.  De  la 
graisse  des  Alligators  on  extrait  une  hailc  :  on  croit  même  qu'elle  pos- 
sède des  qualités  médicinales.  G. 


Les  Faucons  messagers.  —  Un  lieutenant  russe,  M.  Smoïlolî, 
vient  de  roussir,  paraît-il.  à  dresser  des  Faucons  pour  porter  des  de- 
pêches.  Comparés  aux  Pigeons,  ces  Oiseaux  présentent  plusieurs 
avantages  :  le  Pigeon  peut  franchir  aisément  100  lieues  avec  une  vi- 
tesse moyenne  de  8  à  10  lieues  par  heure,  en  parcourant  environ  1  ki- 
lomètre par  minute.  Le  maximum  de  vitesse  que  l'on  a  note  chez  lui 
est  de  15  lieues  à  l'heure,  dans  un  espace  de  15  heures  de  temps.  Mais 
cette  vitesse  peut  être  considérée  comme  rare.  Chez  les  Faucons,  au 
contraire,  elle  est  moyenne.  Dans  son  intéressant  volume  la  Faucon- 
nerie au  moyen-âge  et  dans  les  temps  mofhrnes,  M.  d'Aubusson  en  cite 
plusieurs  exemples,  entre  autres  celui  d'un  Faucon  qui,  envoyé  des 
Canaries  au  duc  de  Lermp,  en  Espagne,  revint  de  l'Andalousie  à  Téne'- 
riffe  en  IG  heures,  en  parcourant  250  lieues.  Il  avait  fait  15  lieues  à 
Pheure.  Ce  même  chiflfre  peut  être  pris  comme  vitesse  ordinaire  chez 
les  Rapaces. 

Nous  rappelons  que,  dans  la  colombophilie,  on  se  sert  d'appareils  de 
photographie  microscopique  qui  pennetlenl  de  rc'unir  sur  une  mince 
pellicule  jusqu'à  500,000  dépêches,  pesant  ensemble  à  peine  un  demi- 
gramme,  dont  on  charge  un  seul  Pigeon.  Ce  procède'  serait  applicable 
aux  Oiseaux  de  proie.  11  va  sans  dire  que  le  Pigeon  pourrait  transporter 
un  plus  gros  poids.  Mais  il  est  douteux  que  l'on  arrive  à  le  charger  de 
plus  de  1,600  grammes  sans  que  son  vol  soit  gêne  ou  considérable- 
ment ralenti.  Or  M.  Smoïloff  a  tenté,  avec  succès,  l'expérience  sur  les 
Faucons  qui  supportent  aisément  le  poids  de  4  livres  russes,  soit 
1,G40  grammes;   la  rapidité   de   leur  vol   n'est  point   diminuée. 

A  plusieurs  égards,  le  Faucon  prime  le  Pigeon  voyageur.  11  ren- 
contre moins  de  dangers  pendaut  sa  route  et  devient  rarement  victime 
d'un  Rapace  plus  fort  que  lui.  En  outre,  il  supporte  mieux  les  acci- 
dents atmosphériques. 

Avec  les  Faucons,  on  ne  se  heurte  pas  aux  grandes  difficultés  qu'of- 
frent dans  le  même  emploi  les  Hirondelles.  En  effet,  la  délicatesse  de 
l'Hirondelle,  les  complications  qui  accompagnent  son  dressage,  et  sur- 
tout son  service  qui  est  nécessairement  restreint  aux  régions  dont  la 
température  est  constamment  tempérée,  ne  permettent  pas  de  croire 
que  son  usage  devienne  un  jour  rationnel  et  général. 

Quant  au  dressage  des  Abeilles,  leur  utilité  à  cet  égard  n'est  point 
démontrée. 


CUBONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS.  47 

Les  anciens  ont  dresse'  encore  un  autre  Oiseau  :  le  Corbeau.  D'après 
Ellien,  Marrés  roi  d'Egypte,  possédait  une  Corneille  fort  bien  dressée 
qui  portait  'promptement  des  lettres  dans  les  directions  qu'on  lui  indi- 
quait. Quand  elle  mourut,  Marres  fit  élever  un  tombeau  pour  honorer 
sa  mémoire.  ^^  S. 


Fécondité  de  quelques  Poissons  de  mer.  —  Dans  VAimual 
Report  of  the  Fisherij  Board  for  Scotlaiid,  le  D''  Wem.yss  Fullon  cons- 
tate (pron  a  observé  plus  de  cent  exemples  affirmant  la  grande  fe'con- 
ditc  des  Poissons  marins.  On  a  évalué  le  nombre  des  œufs  pour  trente- 
neuf  espèces  déjà.  Ce  nombre  varie  beaucoup  suivant  la  taille  et  l'âge 
des  sujets.  Mais,  de  tous  les  Poissons,  la  Lingue  {Molva  vulgaris)  produit 
la  plus  grande  quantité  d'œufs  ;  pour  les  individus,  moyens  et  grands, 
on  en  compte  ordinairement  de  vingt  à  trente  millions. 

La  Lyre  {Trlgla  lyra)  ne  produit  que  quelques  centaines  d'œufs. 
Chez  cette  espèce,  le  mâle  en  prend  soin  et  il  les  place  dans  une  poche 
située  vers  sou  abdomen. 

La  Morue  {Morrhua  vulgaris)  a  de  deux  ou  trois  jusqu'à  sept  ou  huit 
millions  d'œufs. 

L'Eglefin  {Gadus  œgiefirius)  en  produit  environ  deux  ou  trois  cent 
mille,  môme  un  million. 

Le  Merlan  noir  {Gadus  virens)  en  a  quatre,  cinq,  sept  ou  huit  mil- 
lions. 

Chez  le  Hareng  {Clupea  harengus)  leur  nombre  s'élève  de  vingt  à  cin- 
quante mille;  sur  seize  sujets  qui  ont  été  examinés,  la  moyenne  du 
nombre  des  œufs  dépassait  trente  mille.  Jusqu'ici,  on  n'admettait  pas 
une  pareille  fe'condité  cher,  cette  espèce. 

Le  'iurbot  {Rhombiis  maximus)  est  aussi  très  fécond.  Il  produit  de- 
puis trois  ou  quatre  jusqu'à  neuf  ou  dix  millions  d'œufs. 

Moins  productive  est  la  Limande  [Pleuronectes  limauda)  qui  pond  de 
trente  à  soixante  mille  œufs. 

Proportionnellement  à  sa  taille  le  Flet  commun  [Pleuronectes  flesus) 
produit  plus  que  tous  les  autres  ;  le  nombre  de  ses  œufs  est  de  cinq 
cent  mille  ou  un  million  et  demi. 

La  Sole  {Solea  vulgaris)  est  très  productive,  mais,  comme  pour  beau- 
coup d'autres  espèces,  on  n'a  pas  encore  évalué  la  quantité  de  ses 
œufs.  1>K  ^^ 

Sebastichtys  menalops  [Black  bass).  —  Dans  le  nord  de  l'Alle- 
magne, on  revient  de  l'enthousiasme  sur  racclimatation  de  ce  Pois- 
son d'Amérique.  On  a  reconnu  qu'il  était  d'une  grande  voracité  et 
dangereux  pour  les  autres  espèces.  En  outre,  sa  chair  n'est  guère 
fine.  Ses  seuls  avantages  sont  la  facilité  de  sa  culture  et  l'amuse- 
ment de  sa  poche  par  le  harpon.  G. 


48  REVUE  DES   SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Œufs  de  Crocodile.  —  L'explorateur  Vôltzkow  découvrit  sur  les 
rives  du  Wagogona  de  véritables  nids  de  Crocodiles.  Les  plantes 
étaient  arrachées  sur  une  longueur  de  plusieurs  pas  et  les  œufs  se  trou- 
vaient déposés  dans  quatre  creux  distants  les  uns  des  autres.  L'anima  ^ 
fait  plusieurs  pontes  successives  chaque  jour  dans  un  trou  différent. 
Deux  mois  plus  lard,  c'est-à-dire  à  l'entrée  de  la  période  des  grandes 
pluies,  les  œufs  sont  c'clos. 

On  sait  que  le  Crocodile  se  reproduit  une  fois  dans  l'année,  vers  la 
fin  de  janvier  ou  au  commencement  de  fe'vrier.  Ses  œufs  ont  une  co- 
quille e'paissc  et  dure,  de  forme  ovale;  ils  mesurent  sur  leurs  axes 
environ  8  cenlimèlres  sur  5. 

les  indigènes  les  récollent  pour  les  vendre  comme  curiosité'  aux 
vojageurs.  On  a  bien  affirmé  qu'ils  entrent  parfois  dans  l'alimenla- 
tiou  des  peuplades,  mais  jusqu'ici  ce  renseignement  n'a  pas  été 
confirmé.  De  S. 

Champagne  russe.  —  Ouverte  eu  1890,  la  fabrique  de  Cham- 
pagne d'Odessa  a  préparé,  en  1891,  250,000  bouteilles  de  vin  de 
Champagne  sous  le  nom  d'  <(  Excelsicr  »,  d'une  valeur  de  500,000 
roubles.  Elle  a  employé  à  celte  fabrication  34,000  ve'dros  de  vin  de 
Bessarabie.  Elle  occupe  53  ouvriers  dont  les  salaires  varient  de  80 
copecks  h  1  rouble.  Les  bénéfices  se  sont  élevés  à  49,729  r.  90.  dont 
40,000  ont  été  distribués  eu  dividende  aux  actionnaires,  soit  10  % 
par  action  de  100  roubles.  E.  Pingaud, 

Consul  de  France. 

Une  nouvelle  variété  de  Canne  à  sucre.  —  Le.  Keiv  Bul- 
letin nous  fait  connaître  une  nouvelle  varie'te'  de  Canne  à  sucre,  que 
l'on  aurait  découverte  dans  le  Haut-Niger  (Afrique  centrale).  Il  la 
de'crit  comme  une  variété  gigantesque,  ayant  une  grande  richesse 
saccharine  et  ses  semis,  bien  développés,  permettent  de  la  reproduire 
facilement.  On  croit,  cependant,  que  ce  végétal  n'est  pas  du  tout  une 
Canne  à  sucre,  mais  bien  le  Sorglium  vulgare  de  la  Guinée,  que  l'on 
trouve  partoiit  en  Afrique  et  qui  produit  un  sirop  très  utile  dont  on 
essaie  déjà,  depuis  quelque  temps,  aux  États-Unis,  à  tirer  du  sucre 
en  grains.  Si  celle  plante  a  des  mérites  particuliers,  nous  y  revien- 
drons; mais,  pour  le  moment,  elle  ne  présente  aucun  intérêt  pour  le 
planteur  des  tropiques.  D""  M.  d'E. 


Le  Gérant  :  Jules  Gmsard. 


I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIÉTÉ. 


LES  LEPORIDES 

ET   LA   NOTION   DE   L'ESPÈCE 
Par  m.  Remy  SAINT-LOUP. 

(suite  et  fin  *) 


A  première  vue,  entre  un  squelette  de  lièvre  et  un  squelette 
de  lapin,  nous  constatons  une  différence  de  taille.  Toutefois 
cette  dissemblance  n'est  intéressante  que  définie  par  les 
mensurations  qui  permettent  de  mettre  en  relief,  non  seule- 
ment la  longueur  absolue  d'un  fémur  de  lièvre  et  la  longueur 
absolue  d'un  fémur  de  lapin,  mais  les  dimensions  de  ces  os 
relativement  au  squelette  de  l'animal  ou  à  une  autre  pièce  du 
même  squelette.  La  comparaison  des  dimensions  absolues 
est,  en  elïét,  influencée  par  les  conditions  d'âge  et  de  race  et 
donnerait  des  résultats  moins  clairs  et  moins  précis  sans 
l'étude  des  proportions.  Ainsi  nous  trouvons,  par  exemple  : 

FÉMUR.         TÊTE.     HUMÉRUS. 

Liùvrp 125  89  93 

—  122  9(5  100 

—  120  94  98 

Garenne 80  TS  60 

—      •79  ^9  59 

Lapin  domestique 90  90  "75 

—  —         95  94  70 

—  —         92  94  12 

—  —         91  93  72 

Ldporide  Y 70  70  52 

—  / 80  81  62 

—  1888(1: 91  91  68 

(♦)  Voyez  plus  haut,  page  1,  Pour  éliminer  les  discussions  de  nomenclature, 
je  ferai  remarquer  que  le  terme  «  fosse  palatine  •  peut  corresponJre  au  terme 
•  fosse  nasale  •  de  certains  anatomistes,  et  que  le  larme  t  fosse  intermaxillaire  i 
pourrait  être  remplacé  par  «  trou  incisif  liypertrophié  ». 

(1)  Nous  avons  reporté  ici  les  dimensions  du  Léporidc  18S8  dont  il  sera  ques- 
tion plus  loin,  ce  rapprochement  ayant  pour  but  de  faciliter  la  comparaison  des 
nombres. 

20  Janvier  1893.  i 


50  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Or,  nous  pouvons  exprimer  de  la  manière  suivante  les  ré- 
sultats obtenus,  résultats  qui  sont  d'ailleurs  inscrits  par  les 
mesures  relevées  : 

Lapin  :  La  longueur  de  l'humérus  est  toujours  moindre 
que  la  longueur  de  la  tète,  prise  de  l'extrémité  pos- 
térieure de  l'occipital  à  l'extrémité  antérieure  des  os 
incisifs. 

Lièvre  :  La  longueur  de  l'iiumérus  est  toujours  supérieure  à 
celle  de  la  tête. 

Lapin  :  La  longueur  du  fémur  est  très  voisine  de  celle  de  la 
tète  avec  une  différence  qui  est  quelquefois  de  1  ou  2 
millimètres  en  faveur  de  la  tète.  Le  rapport  est  sen- 
siblement 1. 

Lièvre  :  La  longueur  du  fémur  est  de  beaucoup  supérieure  à 
celle  de  la  tète.  Le  rapport  est,  en  moyenne,  1,33, 
soit  A  en  plus. 

La  colonne  vertébrale  est  aussi  plus  courte  chez  le  lapin 
que  chez  le  lièvre  et,  d'une  manière  générale,  tous  les  os  de 
lapin  sont  relativement  plus  courts  et  plus  gros  que  leurs 
homologues  chez  le  lièvre.  Nous  avions  déjà  pu  remarquer  un 
rapport  semblable  en  comparant,  dans  les  deux  types,  la  lon- 
gueur des  pariétaux  et  des  frontaux. 

Comme  déjà  nous  l'avons  fait  lorsqu'il  s'est  agi  de  l'étude 
du  crâne,  retenons  ici,  parmi  les  difïérences  notées,  celle  qui 
est  la  plus  marquée,  savoir  :  la  longueur  du  fémur  comparée 
à  celle  de  la  tète  est,  chez  le  lièvre,  supérieure  du  tiers  ou 
environ  du  tiers  ;  cette  même  longueur  est,  chez  le  lapin, 
sensiblement  égale  à  celle  de  la  tète  ;  et  examinons  le  squelette 
du  Léporide. 

Chez  l'échantillon  Y,  Léporide  âgé  de  deux  mois,  la  lon- 
gueur du  fémur,  70"^"\  est  égale  à  celle  de  la  tète.  Nous  se- 
rions donc  conduits,  par  ce  fait,  à  ranger  l'animal  dans  le  type 
lapin.  Mais  il  faut  ici  apporter  une  restriction  à  cause  de  l'âge 
de  l'animal,  les  membres  n'ajant  pas  encore  atteint  leur  dé- 
veloppement et  le  calcul  de  leur  longueur  à  l'état  adulte 
n'étant  pas  possible. 

L'échantillon  Z  a  présenté  des  longueurs  de  fémur  si  voi- 
sines de  celles  de  la  tète  que  son  classement  dans  le  type 
lapin  ne  fait,  à  ce  point  de  vue,  aucun  doute. 


LES  LÉPORIDES  ET  LA  XOTIOX  DE  L'ESPÈCE.         SI 

Quant  à  récliantillon  X,  je  n'ai  eu  en  ma  possession  que  la 
tète  (1). 

Les  autres  caractères  tirés  de  l'étude  du  squelette  du  Lépo- 
ride  et  analogues  à  ceux  que  nous  avons  notés  pour  les  types 
lapin  et  lièvre,  rentrent  aussi  dans  le  type  lapin. 

Jusqu'ici  toutes  les  remarques  que  nous  avons  pu  faire  sont 
de  nature  à  faire  rejeter  l'authenticité  des  Léporides  exami- 
nés. Mais  nous  avons  voulu  pousser  plus  loin  l'examen  et. 
procéder  â  la  comparaison  des  viscères. 

L'aspect  du  tube  digestif  est  le  même  chez  le  lièvre  et  chez 
le  lapin.  Les  mesures  montrent  principalement  que  le  cœcum 
est  la  portion  du  tube  digestif  qui  mérite  d'être  comparée. 

Nous  trouvons,  en  effet,  par  exemple  : 

Lièvre  : 

Intestin  grêle  mesuré  du  pylore  à  l'ampoule 
du  cœcum,  après  dissociation  des  attaches 
mésentériques 3"», 76 

Cœcum  mesuré  de  l'ampoule  â  l'extrémité 
.  fermée 0"',62 

Intestin  terminal  mesuré  de  l'ampoule  à 
l'ouverture  anale l'",72 

Garenne  : 

Intestin  grêle 3"', 56 

Cœcum 0»>,36 

Intestin  terminal 0'",96 

Lapin  domestique  : 

Intestin  grêle 3'",'70 

Cœcum 0"',40 

Intestin  terminal l'",50 

LÉPORIDE  : 

Intestin  grêle 3'», '20 

Cœcum 0'"  ,42 

Intestin  terminal 1"",30 

Il  ré'^ulte  de  ces  mensurations  que  les  dimensions  du  tube 
digestif  du  Léporide  sont  comprises  entre  celles  du  lapin  de  ga- 

(I)  Ud  quatrième  échantillon  que  j"ai  pu  mesurer  tout  récemment  a  présenté 
aussi  des  longueurs  égales  pour  la  lèlc  et  le  fémur. 


52  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

renne  et  celles  du  lapin  de  choux.  Ce  qui  distingue  le  mieux  le 
lièvre  et  le  lapin  est  la  dimension  du  cœcum  notablement  plus 
grand  chez  le  premier.  L'autopsie  pratiquée  par  Owen  prend 
en  même  temps,  à  notre  avis,  une  signification  plus  précise. 
Owen  a  trouvé,  en  effet,  «  l'intestin  grêle  comme  chez  le 
lièvre  »,  et  nous  voyons  que  l'intestin  grêle  est  de  même  chez 
le  garenne  et  le  lapin  de  choux;  il  a  trouvé  le  cœcum  court, 
c'est  un  caractère  du  lapin,  et  le  gros  intestin  dont  il  parle 
dépasse  la  dimension  ordinaire  du  gros  intestin  de  lièvre,  mais 
se  rencontre  aussi  chez  le  lapin  de  choux.  L'animal  d'Owen 
n'était  donc  pas  plus  un  Léporide  que  ceux  dont  il  est  ques- 
tion ici  et  qui  rentrent  encore,  par  l'étude  des  viscères,  dans 
le  type  lapin. 

Si  maintenant  nous  passons  à  l'examen  du  cœur  et  des 
vaisseaux  aortiques  à  leur  naissance,  nous  remarquons  : 
Chez  le  lièvre,  d'une  manière  générale,  les  deux  carotides 
naissent  très  proches  l'une  de  l'autre  sur  le  tronc  brachio- 
céphalique  droit.  L'artère  brachiale  avec  les  deux  carotides 
l'orme  [Fig.  Li)  une  fourche  à  trois  branches  dont  le  manche 
est  représenté  par  l'artère  brachio-céphaliqne  qui,  chez  les 
sujets  adultes,  est  simple  sur  une  longueur  d'environ  8  millim. 

Chez  le  lapin,  la  carotide  gauche  est  plus  rapprochée  de  la 
crosse  aortique  et  de  la  brachiale  gauche  [Fig.  Le-Lg).  On 
peut  donc  distinguer  un  tronc  brachio-céphalique  primitif 
qui  donne  naissance  à  la  carotide  gauche,  puis  un  tronc  bra- 
chio-céphalique droit  qui  donne  naissance  à  la  carotide  droite. 

Ces  dispositions  s'accentuent  encore  chez  le  lapin  domes- 
tique, et  nous  trouvons  chez  le  Léporide  la  disposition  du 
type  garenne  et  du  lapin  domestique  [Fig.Le-Lg)et  [Fig.  Le). 
On  peut  discuter  la  valeur  des  caractères  tirés  de  l'examen 
des  origines  aortiques  à  cause  des  anomalies  fréquentes  qui 
se  présentent  dans  une  même  espèce,  mais  à  titre  accessoire 
ces  observations  ne  sont  pas  négligeables,  quand  surtout  elles 
conduisent  à  des  conclusions  de  même  sens  que  les  précé- 
dentes. Dans  tous  les  cas,  l'examen  des  origines  aortiques 
pratiqué  exclusivement  ne  suffirait  pas  pour  décider  qu'un 
animal  à  forme  Léporide  (1)  est  issu  du  lièvre. 

(1)  On  remarquera  que  dans  loulc  celle  dissertation  j'ai  accepté  le  terme 
Léporide  pour  désigner  Thybride  et  pour  me  conformer  à  l'usage,  mais  j'avoue 
que  ce  terme  est  mauvais  et  qu"il  s'applique  ea  zoologie  à  un  groupe  d'a- 
nimaux. 


LES  LÉPORIDES  ET  LA  NOTIOX  DE  L'ESPÈCE.        53 

De  toutes  ces  remarques,  de  celles  aussi  qui  concernent  les 
.organes  de  la  yie  de  relation,  il  ressort  que  les  animaux  qui 
nous  ont  été  présentés  comme  des  Léporides  ont  :  1°  aussi 
hien  par  Vaspect  extérieur  que  pour  la  siruclure  interne 
semblables  au  lapin  ;  2"  qu'il  nous  a  été  impossible  de  dé- 
couvrir, dans  leur  organisme,  aucune  trace  des  caractères 
distinct!' fs  appartenant  an  lièvre. 

En  d'autres  termes,  au  point  de  vue  anatomique,  ces  ani- 
maux sont  des  lapins  et  pas  autre  cliose. 

A  un  point  de  yue  plus  général,  au  point  de  vue  biologique, 
cette  conclusion  négative  n'est  pas  exempte  de  critiques. 
Nous  avons  dit  au  commencement,  que  les  trois  cas  prévus 
et  formulés  pour  un  exposé  plus  net  de  la  méthode  de  re- 
cherche, souffraient  des  restrictions;  il  faut,  en  toute  impar- 
tialité et  pour  ne  pas  établir  sans  appel  la  négation  de  l'au- 
thenticité des  animaux  soumis  à  l'enquête  par  un  éleveur  qui 
parait  absolument  honorable  et  sincère,  fournir  spontané- 
ment, après  le  réquisitoire,  les  arguments  de  la  défense. 

Nous  sommes  partis  de  ce  principe  que  le  lièvre  et  le  lapin 
sont  deux  espèces  différentes;  nous  avons  admis,  avec  les 
observateurs,  les  savants  les  plus  autorisés,  que  les  hybrides 
présentent  des  caractères  appartenant  aux  deux  types  créa- 
teurs. Si  la  seconde  de  ces  propositions  s'impose  parce  (ju'elle 
résulte  des  faits  de  l'expérience,  la  première  soufïVe  contes- 
tation, malgré  les  naturalistes  classificateurs,  malgré  aussi 
l'opinion  de  Broca  qui,  dans  ces  questions,  s'est  bien  sou- 
vent laissé  entraîner  par  le  parti  pris.  La  distinction  spéci- 
fique zoologique  est  toujours  conventionnelle;  à  part  les  types 
éloignés,  comme  la  tortue  et  le  tatou,  le  cheval  et  le  rat,  la 
distinction  est  souvent  une  question  d'appréciation  person- 
nelle sans  critérium  défini  et  absolu.  On  peut  éclaircir  un  cas 
douteux  en  concluant  à  l'identité  spécifique,  on  ne  peut  ja- 
mais, dans  un  cas  semblable,  conclure  à  la  séparation  ;  la  no- 
tion vraie,  la  notion  philosophique  de  la  distinction  spécifique 
n'a  de  sanction  que  dans  le  fait  de  la  séparation  d'origine.  Si, 
remontant  à  travers  les  âges,  nous  i)ouvions  prouver  que  les 
premiers  ancêtres  du  lièvre  et  les  premiers  ancêtres  du  lapin 
ont  été  créés  séparément  de  toutes  pièces,  nous  dirions  avec 
exactitude  qu'ils  sont  d'espèces  difierentes,  autrement  non, 
puisque  le  seul  argument  sérieux  contradictoire  serait  tiré  de 
leur  anti[)athie  physiologique,  et  que  cette  antipathie  est  pré- 


54  REVUE  DES  SCIENCES  NATUUELLES  APPLIQUÉES. 

Gisement  discutée.  Les  arguments  tirés  de  la  zoologie  systé- 
matique sont  ici  très  iaibles,  car  on  pourrait  répondre  à  ceux- 
qui  séparent  spécifiquement  lièvre  et  lapin  en  raison  de  leur 
hostilité  réciproque,  qu'il  arrive  de  rencontrer  des  cochons 
d'Inde  de  variétés  difïérentes  absolument  hostiles;  à  ceux  qui 
auraient  à  Taire  valoir  un  des  arguments  de  Broca,  «  les 
oreilles  du  lièvre  sont  plus  longues  que  celles  du  lapin  »,  nous 
indiquerions  une  visite  dans  une  exposition  agricole  quel- 
conque ;  à  ceux  enfin  qui  invoqueraient  les  caractères  anato- 
mlques  mis  en  relief  dans  l'étude  actuelle,  il  suffirait  de  faire 
remarquer  que  dans  l'espèce  galline  la  poule  de  Houdan  ou 
la  poule  dite  de  Padoue,  ont  la  boite  crânienne  si  différente  de 
la  boite  crânienne  d'une  poule  de  Bresse  ou  de  Cocliinchine, 
que  la  distinction  anatomique  ne  fait  pas  de  doute.  Pourtant 
il  ne  s'agit  là  que  de  deux  races  et  non  de  deux  espèces. 

Si,  par  conséquent,  en  dehors  de  toute  notion  des  expé- 
riences physiologiques,  la  distinction  espèce  lièvre,  espèce 
lapin  ne  s'impose  pas,  nous  pouvons  accepter  l'hypothèse 
que  nous  sommes  en  présence  de  deux  races,  et  alors  les 
conclusions  anatomiques  cessent  d'être  décisives. 

Je  dis,  en  dehors  des  expériences  de  croisement,  car  dans 
le  cas  actuel  que  prouvent-elles  ?  Les  unes,  celles  d'Amo- 
retti,  celles  dont  parle  M.  Gleichen,  celles  dont  parle  Richard 
Thursfield,  Owen,  John  Bachman,  les  essais  de  M.  Roux  con- 
firmés par  Broca,  les  expériences  de  M.  Gayot  sont  affirma- 
tives, les  autres,  celles  de  Buffon,  celles  qui  furent  plus  tard 
exécutées  au  Jardin  d'Acclimatation  du  Bois  de  Boulogne 
avec  une  persistance  digne  d'éloges,  celles  de  MM.  Milne- 
Edwards  et  Huet  au  Muséum  sont  négatives  (1).  Il  n'y  a  rien 
à  conclure  de  tous  ces  résultats  contradictoires  parce  que 
l'enquête  sérieuse  est  absolument  inabordable  matériellement 
et  surtout  moralement.  P^xaminons  seulement,  pour  préciser 
les  données  du  problème  actuel,  ce  que  dit  M.  Lamy,  l'expé- 
rimentateur en  cause,  l'agronome  distingué  auquel  nous 
devons  non  seulement  les  animaux  étudiés  mais  encore  de 
nombreux  renseignements.  En  résumé,  M.  Lamy  dit  ceci  : 
«  J'affirme  que  mes  Léporides  sont  nés  d'une  lapine  isolée 
dès  son  jeune  âge  et  accouplée  à  un  lièvre  pris  dans  les  bois, 

(I)  Une  tentative  prolongée  depuis  une  dizaine  d'années  dans  d'excellentes 
coudiiions  et  dont  M.  Sauvinet,  assistant  au  Muséum,  a  pu  suivre  les  phases, 
est  également  restée  sans  succès. 


LES  LÉPORIDES  ET  LA  NOTION  DE  L'ESPÈCE.        55 

que  les  produits  de  cette  première  union  ont  été  accouplés 
entre  eux,  et  que  ces  produits  ou  leurs  descendants  absolu- 
ment indemnes  de  toute  nouvelle  adjonction  de  sang  de 
lièvre  ou  de  sang  de  lapin,  se  propagent  chez  moi  depuis 
plusieurs  années.  »  Je  dois  dire  par  parenthèse  que  M.  Lamy 
n'a  pas  réuni  dans  ses  clapiers  le  lièvre  et  la  lapine,  il  a  reçu 
en  pi'ésent  ou  acheté  les  Léporides  nés  de  cette  union  que, 
pour  un  instant,  nous  allons  admettre.  Si  le  lièvre  et  le  lapin 
sont  deux  races  différentes,  il  peut  très  bien  y  avoir  eu  dans 
la  constitution  des  métis  prédominance  de  l'influence  de  la 
lapine  ;  un  certain  nombre  de  faits  relatés  dans  l'histoire  du 
métissage  permettent  d'accepter  cette  hypothèse.  Or,  M.  Lamy 
était  absolument  incapable  d'établir  parmi  ses  Léporides  une 
sélection  ayant  pour  effet  d'exclure  les  animaux  à  fosse  pa- 
latine étroite,  et  l'influence  du  type  lapin  a  très  bien  pu 
devenir  presque  exclusive  chez  les  animaux  de  deuxième  ou 
troisième  génération  ;  les  animaux  que  j'ai  disséqués  sont  de 
ces  générations. 

Comment  écarter  cette  hypothèse  en  vertu  de  laquelle 
l'union  féconde  ayant  eu  lieu  lors  du  croisement,  les  Lépo- 
rides examinés  auraient  cependant  l'aspect  et  la  structure  du 
Lapin  ?  En  examinant  les  métis  de  première  génération  et  en 
découvrant  parmi  eux  un  échantillon  du  type  lièvre,  car 
dans  l'union  de  deux  races,  si  certains  individus  peuvent 
avoir  les  caractères  de  la  race  du  maie,  d'autres  doivent 
avoir  ceux  de  la  race  de  la  femelle.  J'ai  donc  demandé  à 
M.  Lamy  un  Léporide  de  première  génération,  et  le  seul  indi- 
vidu encore  existant  m'a  été  envoyé.  M.  Lamy  a  demandé 
que  le  jugement  définitif  fût  prononcé  d'après  l'étude  de  cet 
échantillon,  et  j'ai  accepté  très  volontiers  cette  manière  de 
clore  la  discussion. 

Or,  le  Léporide  de  première  génération  a  présenté  comme 
les  autres  une  fosse  palatine  étroite  et  une  fosse  intermaxil- 
lairo  sensiblement  plus  large.  4,5  millimètres  pour  la  pre- 
mière, 9  pour  la  seconde. 

Le  fémur  était  de  même  longueur  que  la  tête,  91  milli- 
mètres. 

L'humérus,  68  millimètres. 

Les  origines  aortiques  étaient  disposées  comme  chez  le 
lapin  de  garenne,  le  cœcum  d'une  longueur  de  42  centimètres 
est  semblable  à  celui  du  Lapin. 


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03 


LES  LÉPORIDES  ET  LA  NOTION  DE  L'ESPÈCE.  57 

Quant  aux  caractères  extérieurs  pelage,  forme,  allure,  ils 
étaient  de  nature  à  ne  soulever  le  doute  qu'avec  une  extrême 
bonne  volonté.  Bref,  cet  échantillon,  comme  tous  les  autres, 
rentre  dans  le  type  lapin,  il  n'est  pas  possible  d'y  constater 
de  traces  du  type  lièvre,  et  aussi  bien  dans  l'hypothèse  de  la 
distinction  spécifique  des  deux  types  que  dans  l'hypothèse  de 
leur  distinction  à  titre  de  races,  nous  ne  pouvons  considérer 
les  Léporides  de  M.  Lamy  comme  autre  chose  que  des  lapins. 
Si  je  devais  leur  attribrier  une  origine  en  raison  de  particu- 
larités secondaires,  je  dirais  qu'ils  semblent  provenir  du  croi- 
sement de  lapins  de  garenne  avec  une  race  domestique  assez 
volumineuse  et  d'un  pelage  souple.  Ils  sont  une  fort  belle 
race,  plus  agréable  au  goût  que  le  lapin  de  choux  ;  la  chair 
est  semblable  pour  la  couleur  à  celle  da  lapin  de  garenne.  Le 
régime  alimentaire  et  les  soins  d'hygiène  et  de  propreté 
évitent  l'odeur  désagréable  du  clapier,  mais  toutes  ces  qua- 
lités, qui  ont  certainement  une  grande  valeur  au  point  de  vue 
pratique,  ne  sont  pas  suffisantes  pour  modifier  les  conclu- 
sions de  l'analyse  scientifique. 

Les  faits  exposés  ici  pourront  servir  de  guide  pour  de 
nouveaux  examens,  et  les  Léporides  à  venir  seront  classés 
sans  qu'il  soit  besoin  du  travail  préliminaire  que  j'ai  dû 
faire  pour  établir  les  bases  de  la  comparaison.  Les  éleveurs 
pourront  eux-mêmes,  en  suivant  cette  méthode,  se  rendre 
compte  de  l'identité  des  animaux  qui  leur  seraient  offerts 
comme  des  Léporides.  C'est  là  le  résultat  le  plus  positif  de 
cette  courte  dissertation;  car,  relativement  à  la  notion  de 
l'espèce,  l'authenticité  rejetée  ou  prouvée  du  Léporide  n'a- 
joute aucune  solution  aux  problèmes  du  transformisme.  Il 
est  intéressant  de  rappeler  que  des  distinctions  s})écifiques 
créées  par  les  zoologistes  avec  leurs  définitions  et  leurs  ap- 
préciations, n'ont  pas  une  valeur  absolue  et  peuvent  être 
niées  par  les  physiologistes  avec  d'autres  définitions  et  des 
expériences;  mais  rien  n'est  venu  montrer  que  des  types  ani- 
maux que  zoologistes  et  physiologistes  eussent,  d'un  commun 
accord,  considérés  comme  de  même  espèce,  il  y  a  deux  ou  trois 
mille  ans,  soient  aujourd'hui  représentés  par  des  desccnchuits 
d'espèces  différentes.  Vax  d'autres  termes,  si  d'un  mariage  de 
deux  lapins,  nous  pouvions  obtenir  des  lièvres  et  des  lapins 
aussi  peu  sympathiques  les  uns  aux  autres  qu'ils  semblent 
jusqu'ici  se  montrer,  l'idée  de  l'espèce  prendrait  de  la  préci- 


58  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

sion,  et  le  transformisme  aurait  une  belle  démonstration  de 
ses  théories.  Je  m'empresse  d'ajouter  que  je  ne  suis  pas  le 
premier  à'  poser  le  problème  sous  cette  forme,  mais  il  ne  me 
paraît  pas  inutile  de  répéter  ce  qui  est  bien  pensé. 

La  question  des  Léporides  de  M.  Lamy  une  fois  tranchée 
et  avec  une  conclusion  plus  catégorique  que  celle  fournie  par 
M.  Sanson(l),  pour  les  Léporides  de  M.  Gayot,  il  reste  ce- 
pendant une  forme  d'interrogation  à  signaler. 

Nous  avons  disséqué  quatre  Léporides.  Les  trois  premiers, 
de  troisième  ou  quatrième  génération,  sont  exclusivement  du 
type  lapin,  le  quatrième,  de  première  génération,  est  encore 
exclusivement  du  type  lapin  et,  comme  je  l'ai  déjà  dit, 
M.  Lamy  a  déclaré  accepter  les  conclusions  à  formuler  après 
examen  de  ce  quatrième  échantillon.  La  question  qui  se  pose 
est  celle-ci  :  «  Dans  le  croisement  de  deux  races,  peut-il  ar- 
river que  les  descendants  aient  exclusivement  les  caractères 
d'un  des  types  croisés  au  moins  pendant  une  série  de  géné- 
rations ?  »  Les  exemples  classiques,  ceux  qui  sont  le  résultat 
des  expériences  de  I.  GeofFroy-Saint-Hilaire,  de  Flourens 
permettent  de  répondre  négativement,  mais  si  l'on  admet 
que  le  mélange  des  caractères  spécifiques  ne  s'accomplit  pas 
suivant  des  règles  fixes,  et  ceci  en  vertu  de  faits  d'expérience, 
il  n'est  pas  permis  de  rejeter  absolument  la  question  pré- 
cédente. 

C'est  pour  cette  raison  que  je  prie  M.  Lamy  de  croiser  avec 
le  lièvre  les  animaux  qu'il  regarde  comme  des  Léporides, 
car  l'aptitude  des  Léporides  à  prendre  dans  ce  croisement, 
les  caractères  du  lièvre  parait  a  priori  devoir  être  plus  grande 
que  celle  des  Lapins  pur  sang.  L'expérience  serait  entière- 
ment intéressante,  elle  mérite  d'être  faite,  car  du  même  coup 
M.  Lamy  nous  obligerait  à  revenir  sur  notre  jugement  ac- 
tuel, et  démontrerait  un  fait  encore  ignoré  dans  l'histoire  des 
phénomènes  biologiques. 

Il  serait  prématuré  de  commenter  une  pareille  démonstra- 
tion ;  en  attendant,  nous  sommes  obligés,  à  moins  de  mépri- 
ser toute  science  acquise  et  toute  méthode,  de  nier  l'existence 
des  Léporides. 

J'avoue,  s'il  m'est  permis  de  donner  mon  opinion  person- 
nelle, que  c'est  à  regret  que  je  nie,  car  je  ne  trouve  qu'une  ex- 

(1)  Sanson,  Ann.  Se.  nat.,  1871-1 872,  t.  XV. 


LES  LEPORIDES  ET  LA  NOTION  DE  L'ESPÈCE.        59 

plication  à  l'antipathie  physiologique  du  lièvre  et  du  lapin  ;  leur 
incompatibilité  d'humeur,  et  la  formule  est  prise  dans  toute 
son  acception,  serait  en  rapport  avec  leur  différence  d'odeur 
spécifique.  La  nature  des  sécrétions  glandulaires  et  spéciale- 
ment des  glandes  odoriférantes  diffère,  et  ces  propriétés, 
qu'en  chimie  on  appellerait  organoleptiques,  sont  sans  doute 
en  rapport  avec  la  qualité  des  humeurs  des  animaux.  Parler 
des  humeurs  dans  ce  sens,  c'est  ressusciter  un  vieux  mot 
fort  à  la  mode  dans  la  médecine  des  siècles  qui  précèdent 
le  nôtre,  mais  qu'il  faut  employer  ici,  puisque  nous  n'en  avons 
pas  de  meilleur.  En  quelle  manière,  par  les  propriétés  chi- 
miques de  leurs  humeurs,  des  animaux  en  apparence  sem- 
blables s'éloignent-ils  les  uns  des  autres,  en  quel  principe  de 
l'humeur  réside  la  cause  indéterminée,  différentielle?  Ce  sont 
là  des  inconnues  du  problème  de  la  formation  des  espèces.  Il 
semblerait  que  ces  notions  obscures,  appuyées  cependant  sur 
l'observation  doivent  trouver  des  éclaircissements  par  les 
sciences  bactériologiques. 

L'étude  de  l'inoculation  d'un  même  microbe  dans  des  mi- 
lieux vivants,  dans  des  humeurs  différentes,  ne  montre-t-elle 
pas  les  réactions  spéciales  de  ces  humeurs,  et  ne  serons- 
nous  pas  conduits  à  accepter,  dans  la  suite,  une  définition 
de  l'espèce  comprenant  la  différenciation  spécifique  des 
humeurs . 

M.  le  professeur  Chauveau  a  montré  qu'un  microbe  patho- 
gène ne  produit  pas  les  mêmes  effets  sur  le  mouton  d'Algérie 
et  sur  le  mouton  de  France  ;  il  y  aurait  donc  là  deux  hu- 
meurs différentes  dans  une  même  espèce  animale,  et  à  plus 
forte  raison  serions-nous  conduits  à  admettre  des  différences 
plus  accentuées  chez  des  animaux  d'espèces  différentes.  Il 
n'y  a  dans  cette  digression  au  sujet  des  Léporides  que  l'es- 
quisse d'une  idée,  qui  comporterait  déjà  et  sans  autres  don- 
nées que  les  faits  acquis  de  sérieux  développements;  mais 
nous  ne  présentons  ici  ces  hypothèses  que  pour  bien  montrer 
en  regard  de  la  science  faite  qui  détermine  l'opinion  sur  l'é- 
tude d'une  question,  l'éventualité  de  données  nouvelles  ca- 
pables d'élargir  les  motifs  de  discussion. 


LA  CHASSE  AUX  PETITS  OISEAUX 

Par  m.  le  baron  d'HAMONVILLE. 
Vœu  du  Conseil  général  de   Meurthe-et-Moselle. 


La  petite  chasse,  ou  tendue  aux  raquettes  destinée  à 
prendre  les  petits  oiseaux  en  septembre  et  octobre,  est  pra- 
tiquée dans  notre  ancienne  province  de  Lorraine  depuis  un 
temps  immémorial;  il  faut  donc  lutter  contre  de  vieilles  ha- 
bitudes, passées  dans  les  mœurs,  pour  arriver  à  modifier  ce 
déplorable  état  des  choses. 

Toutefois,  l'opinion  publique  commence  à  s'émouvoir  gran- 
dement de  la  disparition  graduelle  des  petits  oiseaux,  de 
l'augmentation  des  insectes  nuisibles,  et  demande  que  des 
mesures  sérieuses  soient  prises  pour  remédier  à  ce  fléau  qui 
devient  de  jour  en  jour  plus  menaçant. 

Le  Conseil  général  de  Meurthe-et-Moselle  s'est  ému  à  son 
tour  et  vient  tout  récemment  d'émettre  à  ce  sujet  un  vœu 
fortement  motivé. 

Chargé,  comme  rapporteur  de  la  Commission  d'agriculture 
et  des  beaux-arts,  de  traiter  la  question  et  de  présenter  au 
Conseil  général  des  conclusions  conformes,  j'ai  été  assez 
heureux  pour  les  voir  adoptées  unanimement. 

La  question  ayant  un  intérêt  général  et  les  conclusions  de 
la  commission  étant  seules  reproduites  intégralement  dans 
notre  Recueil  administratif  qui  n'a,  d'ailleurs,  aucune  publi- 
cité, d'accord  avec  notre  honorable  président,  M.  A.  GeofFroy- 
Saint-Hilaire,  j'ai  cru  utile  de  mettre  sous  les  yeux  des  lec- 
teurs de  la  Revue  des  Sciences  naturelles  appliquées  la 
délibération  du  Conseil  général  de  Meurthe-et-Moselle.  Aidé 
par  mes  notes  et  mes  souvenirs,  j'ai  pu  reconstituer  à  peu 
près  complètement  mon  plaidoyer  en  faveur  des  petits 
oiseaux.  En  outre,  j'ai  pensé  bien  faire  en  reproduisant  toute 
la  délibération  et  en  lui  laissant  autant  que  possible  sa  physio- 
nomie propre. 


LA  CHASSl-;  AUX  PETITS  OISEAUX.  61 

SÉANCE  DU  25  AOUT  1892. 

Le  Président.  —  La  parole  est  à  M.  d'Hamonville,  rappor- 
teur de  la  Commission  d'agriculture,  pour  les  vœux  des  Con- 
seils d'arrondissement. 

M.  d'Hamonville.  —  Les  vœux  de  nos  Conseils  d'arrondis- 
sejnent,  demandant  la  suppression  de  la  petite  chasse,  sont 
rédigés  de  diverses  manières  ;  nous  les  ramènerons  à  une  for- 
mule unique  dont  la  Commission  vous  propose  l'adoption; 
mais  en  raison  du  renouvellement  périodique  de  cette  ques- 
tion, elle  m'a  chargé  de  la  traiter  à  fond,  afin  d'arriver  à  des 
résolutions  nettes  qui  nous  éviteront,  pour  l'avenir,  des  dis- 
cussions nouvelles  et  nous  procureront  en  somme  une  écono- 
mie de  temps. 

Vous  savez  tous,  Messieurs,  que  des  plaintes  s'élèvent  de 
tous  côtés  sur  la  disparition  des  petits  oiseaux  dont  les  Con- 
seils d'arrondissement,  comme  les  comices  agricoles,  recon- 
naissent l'utilité  ;  aussi,  demandent-ils  unanimement  la  sup- 
pression de  la  petite  chasse.  Les  journaux  des  diverses  opi- 
nions, les  revues  scientifiques  et  autres,  tout  comme  les 
simples  particuliers,  s'inquiètent  de  la  diminution  de  ces  pe- 
tits êtres,  et  de  l'augmentation  des  insectes  nuisibles.  Cet  état 
d'opinion  vous  indique  clairement  l'importance  de  cette 
question  au  point  de  vue  agricole,  et  vous  fait  un  devoir  de 
l'étudier  sans  parti  pris,  et  d'une  façon  complète. 

Il  y  a  vingt  ans,  dans  cette  même  enceinte,  j'avais  essayé 
de  l'aborder;  mais  l'opinion  n'était  point  faite  encore  et  jeus 
contre  moi  la  grande  majorité  de  mes  collègues.  Cependant, 
je  fis  quelques  prosélytes,  parmi  lesquels  je  citerai  M.  Chevan- 
dier  de  Valdrôme  (1),  qui  disait  :  «  Ne  mangeons  plus  de  pe- 
tits oiseaux,  si  nous  ne  voulons  pas  être  mangés  par  les  in- 
sectes. »  Pourtant,  à  cette  époque,  pas  plus  qu'aujourd'hui, 
je  ne  prétendais  que  tous  les  oiseaux  mangent  des  insectes 
nuisibles,  et  je  me  contentais  d'affirmer,  d'une  façon  générale, 
que  la  grande  masse  des  petits  oiseaux,  les  seuls  dont  je  vou- 
lais m'occuper,  en  détruit  incontestablement  un  grand  nombre 
et  nous  rend  ainsi  les  plus  grands  services.  N'en  est-il  pas  en- 
core de  même  aujourd'hui  ?  A  cette  é[)oque  aussi,  on  me  fai- 
sait une  objection  qu'on  peut  renouveler;  la  voici  :  Les  ten- 

(1)  Ancien  ministre  sous  l'empire. 


63  REVUE  DES  SCIENXES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

dues  donnent  du  profit  à  bon  nombre  de  gens  (jui  ne  pourraient 
abandonner  sans  grand  dommage  une  industrie  qui  les  fait 
vivre.  Cet  argument,  Messieurs,  me  laisse  absolument  froid  : 
remarquez,  en  effet,  que  la  petite  chasse  se  prépare  dès  le 
15  août,  et  se  pratique  en  septembre  et  en  octobre,  à  une 
époque  où  partout  dans  les  campagnes  on  se  plaint  du  manque 
de  bras  pour  faire  les  moissons,  rentrer  les  légumes  de  toute 
sorte  et  opérer  les  vendanges.  Non,  la  petite  chasse  n'est  pas 
une  industrie  ;  et  laissez-moi  ajouter,  puisque  je  le  crois, 
c'est  le  plus  souvent  une  école,  sinon  un  prétexte,  de  bracon- 
nage. Mais,  si  ce  n'est  pas  une  industrie,  c'est  un  plaisir,  me 
dira-t-on,  et  je  vais  encore  heurter  ici  les  idées  de  notre  col- 
lègue, M.  Volland,  qui  va  nous  dire  :  «  On  va  à  la  campagne 
pour  se  distraire  et  y  vivre  en  liberté  :  on  veut  chasser,  pê- 
cher, on  veut  tendre,  on  le  fait,  et  on  revient  heureux.  » 
Malheureusement,  aujourd'hui,  la  réglementation  se  trouve  à 
la  campagne  comme  à  la  ville,  et  il  iaudrait,  pour  satisfaire 
les  idées  de  notre  collègue,  prendre  conseil  de  Jules  Verne, 
se  réfugier  dans  une  ile  déserte  pour  y  jouir  de  la  liberté  qui 
ne  se  trouve  plus  nulle  part,  si  ce  n'est  au  fond  du  cœur.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  est  certain  qu'il  se  produit  actuellement  dans 
les  esprits  un  mouvement  considérable  en  faveur  des  petits 
oiseaux  dont  je  me  constitue  le  défenseur.  Ce  n'est  pas  sans 
motif  évidemment,  et  il  faut  en  conclure  que  dans  l'opinion 
publique  on  a  commencé  à  sentir  que  l'oiseau  joue  un  grand 
rôle  dans  la  nature. 

Eh  bien  !  étudions  ce  rôle,  voyons-en  les  avantages  et  lès 
inconvénients. 

Entrons  ensemble  à  la  Faculté  des  sciences  dans  les  gale- 
ries ornithologiques  dont  notre  président,  M.  Bichat  (1),  nous 
fera  assurément  les  honneurs  avec  sa  gracieuseté  habituelle  ; 
prenons  un  spécimen  et  étudions-le. 

'Voyez  d'abord  ce  bec  et  ces  pieds  cornés,  insensibles  à 
toutes  les  intempéries,  et  même  à  la  douleur,  touchez  ces 
plumes  moelleuses,  élastiques,  imbriquées,  qui  mettent  son 
propriétaire  à  l'abri  du  chaud  et  du  froid,  et  qu'il  sait  impré- 
gner d'une  graisse  spéciale  qui  les  rend  imperméables  ;  voyez 
ces  rectrices  caudales  que  l'oiseau  peut  replier  ou  étaler  en 
tout  sens,  et  qui  constituent  le  plus  puissant  des  gouvernails; 

[1)  Doyen  de  la  Faculté  des  sciences. 


LA  CHASSE  AUX  PETITS  OISEAUX.  63 

cette  peau  mince,  résistante,  attachée  au  corps  par  un  réseau 
d'aponévroses,  ménage  les  cavités  aériennes  qui  doivent  di- 
minuer le  poids  spécifique  du  voyageur  aérien  ;  voyez  ces 
ailes  dont  la  forme  varie  dans  chaque  genre  selon  les  besoins 
et  les  aptitudes  du  voilier;  donnez  encore  un  coup  d'œil  à 
cette  charpente  solide,  légère,  toujours  modifiée  selon  les 
besoins  ;  appréciez  enfin  la  l'orme  gracieuse,  élégante  de  ce 
bijou  de  la  nature,  et  dites-moi  si  le  Créateur  eût  apporté 
tant  de  soins  à  former  ce  petit  être,  s'il  n'avait  pas  un  grand 
rôle  à  remplir. 

C'est,  qu'en  effet,  cette  machine  vivante  doit  se  diriger  par 
tous  les  temps  et  sans  délai  partout  où  elle  est  nécessaire, 
non  pour  apporter  la  mauvaise,  mais  la  bonne  nouvelle.  C'est 
pour  combattre  pour  nous  que  les  petits  oiseaux  se  transpor- 
tent au  plus  vite  vers  les  lieux  où  nous  avons  besoin  de  leur 
secours,  et  c'est  en  masse  que  nous  les  trouvons  là  où  l'in- 
secte pullule,  tandis  qu'ils  disparaissent  dès  que  celui-ci  de- 
vient rare. 

Ce  que  je  viens  de  vous  dire,  Messieurs,  ne  vous  paraît-il 
pas  rationnel?  et  ne  pensez-vous  pas,  comme  moi,  que  la 
Providence  a  assigné  un  grand  rôle  aux  oiseaux  ?  Ce  sont  des 
éliminateurs  chargés,  non  de  détruire,  mais  de  pondérer  la 
multiplication  trop  souvent  renouvelée  d'une  foule  de  bes- 
tioles nuisibles  ;  sans  eux,  nous  serions  envahis,  débordés, 
par  ces  infiniment  petits,  contre  lesquels  Thomme,  avec  toute 
sa  science,  est  absolument  impuissant.  Ce  sont,  en  outre,  des 
disséminateurs  de  la  vie  végétale  et  même  animale,  car  ils 
apportent  avec  eux,  un  peu  partout,  des  organismes  vivants 
et  concourent  ainsi  à  l'harmonie  générale. 

Ceci  dit,  d'une  faron  générale,  je  vais  traiter  la  question 
plus  en  détail,  toujours  très  brièvement  d'ailleurs,  et  vous 
citer  quelques  exemples,  j)our  vous  faire  comprendre  com- 
ment les  ornithologistes  procèdent  pour  déduire  scientifique- 
ment le  rôle  utile  ou  nuisible  des  espèces  qu'ils  veulent 
étudier. 

Vous  connaissez  les  Campagnols,  tous  les  cultivateurs, 
M.  Brice  vous  le  dira,  se  i)laignent  du  tort  considérable 
qu'ils  causent  parfois  à  leurs  récoltes.  Eh  bien  I  quand  il  y  a 
quelque  part  une  invasion  de  ces  petits  rongeurs,  allez  vous 
promener  sur  le  théâtre  de  leurs  tristes  exploits,  cherchez 
leurs  galeries  souterraines,  et  bientôt  vous  verrez  s'élever 


64  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

SOUS  VOS  pieds  comme  une  apparition,  un  oiseau  étrange,  qui 
était  rasé  à  terre.  C'est  un  Hibou  brachyote,  que  la  nature  a 
pourvu  de  rémiges  amples,  à  barbules  égales,  sans  crochet, 
de  sorte  qu'il  peut  voler  sans  l'aire  le  moindre  bruit,  qui  atti- 
rerait l'attention  des  rongeurs  dont  il  est  le  destructeur  at- 
titré. Partout  où  les  colonies  de  Campagnols  prospèrent,  vous 
trouverez  le  Brachyote  en  nombre  suffisant  pour  enrayer  la 
multiplication  de  ce  petit  mammifère,  et  quand  ils  disparaî- 
tront, l'oiseau  disparaîtra  à  son  tour.  Ne  voilà-t-il  pas,  Mes- 
sieurs, un  oiseau  très  utile  ? 

Prenons  un  autre  exemple,  dans  le  même  ordre,  pour  vous 
montrer  la  grande  réserve  qu'il  faut  apporter  avant  de  for- 
muler une  opinion  sur  l'utilité  plus  ou  moins  grande  d'une 

espèce. 

L'EflVaye.  que  les  campagnards  clouaient  autrefois  à  la 
porte  de  leurs  granges,  sans  doute  pour  la  remercier  des 
services  qu'elle  leur  rend,  est  aussi  un  rapace  utile.  Dans  son 
aire  et  près  de  ses  petits,  j'ai  trouvé  souvent  huit,  dix  et  jus- 
qu'à quatorze  rongeurs,  mulots,  souris,  campagnols;  en 
outre,  cette  chouette,  comme  ses  congénères,  après  avoir  di- 
géré les  chairs  de  ces  petits  mammifères,  rejette  les  résidus, 
poils  et  os,  sous  forme  de  boulettes  que  Ion  trouve  abondam- 
ment à  terre  près  du  lieu  qu'elle  habite  et  qui  prouvent,  sans 
contestation  possible,  le  grand  bien  que  ce  rapace  nous  fait. 
Cependant,  on  a  découvert,  depuis  quelques  années,  que 
l'Effraye  tue,  en  les  laissant  surplace,  et  sans  les  manger,  par 
un  besoin  inexpliqué  de  meurtre,  la  Musaraigne,  que  nous 
considérons  comme  un  animal  utile  parce  qu'elle  est  insec- 
tivore. 

L'Effraye,  bien  que  très  utile,  l'est  donc  moins  que  le  Bra- 
chyote, et  vous  voyez,  par  cet  exemple,  combien  il  faut  se 
montrer  réservé  dans  ses  appréciations. 

Je  pourrais  multiplier  ces  exemples,  mais,  pour  abréger,  je 
me  contenterai  d'énoncer  le  genre  de  nourriture  de  nos  pe- 
tites espèces,  de  celles  dont  nous  avons  à  nous  occuper 
auiourd'hui. 

C'est  non  seulement  par  l'observation  dans  la  nature,  mais 
surtout  par  l'observation  directe  sur  les  sujets  en  cause, 
en  examinant  les  résidus  contenus  dans  leur  estomac,  que 
l'on  peut  se  prononcer  en  parfaite  connaissance  de  cause. 
C'est  ce  que  font  beaucoup  d'ornithologistes  et,  pour  ma  part, 


LA  GlIASSE  AUX  PETITS  OISEAUX.  65 

je  n'ai  jamais  manqué  de  l'aire  cette  constatation  au  scalpel 
sur  tous  les  oiseaux  qui  me  sont  passés  par  les  mains,  c'est- 
à-dire  sur  des  centaines  ou  plutôt  des  milliers.  C'est  en  m'ap- 
puyant  sur  des  données  rigoureuses,  que  je  puis  vous  assurer 
qu'il  n'y  a  presque  pas  de  petits  oiseaux  nuisibles.  Le  Martin- 
Pêcheur  se  nourrit  d'alevin  de  poisson,  les  Bouvreuils  ébour- 
geonnent  les  arbres,  les  Gros-Becs  détruisent  beaucoup  de 
semences  et  de  noyaux  ;  mais,  en  dehors  de  ceux-ci,  je  ne 
vois  pas  d'espèce  que  l'on  puisse  classer  nuisibles.  Les  Moi- 
neaux font  grand  tort  aux  cerises  précoces  et  aux  champs  de 
blé,  lors  de  la  maturité  ;  mais  ils  mangent  beaucoup  de  che- 
nilles et  de  hannetons,  et,  comme  tous  les  petits  oiseaux, 
nourrissent  exclusivement  leurs  petits  avec  des  insectes,  car 
cette  nourriture  animale  azotée  est  absolument  indispensable 
à  leur  croissance.  Le  Moineau,  d'ailleurs,  ne  donne  pas  dans 
les  pièges,  et  il  suffit,  comme  j'ai  pu  m'en  convaincre,  par 
moi-même,  de  modérer  sa  multiplication  au  printemps  par 
quelques  coups  de  fusil  pour  qu'il  ne  nous  cause  plus  de  dom- 
mage appréciable. 

Mais  voyons  les  autres  : 

Les  Pics  font  spécialement  la  guerre  aux  insectes  xylo- 
phages,  ces  terribles  destructeurs  des  forêts. 

Leur  utilité,  d'ailleurs,  a  été  absolument  démontrée  par 
l'abbé  Vincelot  dans  une  polémique  fameuse  avec  le  comte  de 
Baracé  ;  le  Torcol  est  le  fourmilier  par  excellence,  sa  langue 
très  longue,  est  attachée  à  l'arrière  de  la  tête  par  des  muscles 
puissants,  extensibles  presque  à  volonté  ;  elle  est  enduite 
d'une  salive  gluante,  en  sorte  que  l'oiseau  n'a  qu'à  la  darder 
dans  une  fourmilière  pour  la  retirer  couverte  de  l'insecte 
qu'il  avale  avec  délices  :  vous  savez.  Messieurs,  qu'on  ne  peut 
discuter  des  goûts  ni  des  couleurs  ;  le  Grimpereau,  cette  mi- 
gnonne et  infatigable  créature,  parcourt  en  tous  sens  les 
troncs  des  arbres  pour  y  chercher  les  larves  qui  composent 
exclusivement  son  ordinaire  ;  les  Pinsons,  les  Verdiers,  les 
Bruants,  les  Linots  consomment  quantités  de  chenilles,  de 
mouches,  et  si,  parfois,  ils  s'oublient  sur  les  semences  des 
jardiniers,  ils  détruisent  aussi  de  mauvaises  graines,  par 
exemple,  le  Chardonneret  qui,  sans  arrêté  de  M.  le  Préfet, 
échardonne  en  conscience  ;  les  Alouettes,  ces  chantres  de 
l'air,  mangent  des  charançons  en  quantité  ;  les  Pijjits,  les 
Bergeronnettes,  s'attaquent  aux  moucherons,  aux  Altises  et 

20  Janvier  1893.  5 


66  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

aux  insectes  parasites  de  nos  troupeaux,  et  la  Bergeronnette 
printanière  est  spéciale  pour  l'élimination  des  petits  Orthop- 
tères ;  les  Turdidés,  qui  comprennent  les  Rouges-Gorges,  les 
Rouges-Queues,  les  Traquets,  les  Rossignols,  les  Fauvettes, 
sont  montés  sur  de  longs  tarses  qui  leur  permettent  d'opérer 
leur  chasse  à  terre,  où  ils  capturent  sans  pitié  les  Limaces, 
les  Hélices,  les  Lombrics,  les  larves  et,  en  général,  tous  les 
insectes.  Ils  sont  aussi  un  peu  haccivores,  et  ne  dédaignent 
pas,  à  une  certaine  époque,  la  fraise  et  la  groseille,  mais 
n'est-ce  point  là  un  léger  salaire  qu'ils  ont.  Dieu  merci,  bien 
mérité.  Les  Becs-fins  aquatiques  agissent  de  même  sur  les 
eaux  qu'ils  liabitent  en  faisant  la  chasse  aux  Névroptères, 
Libellules  et  aux  mouches  aquatiques;  les  Pouillots,  les  Roi- 
telets savent  trouver  sur  les  arbres,  qu'ils  parcourent  en  tous 
sens,  les  plus  petits  insectes.  Les  Mésanges  les  imitent  de 
leur  mieux;  les  Coucous  s'adressent  aux  Chenilles  velues 
qu'ils  trouvent  délicieuses  ;  les  Engoulevents,  au  vol  crépus- 
culaire, gobent  les  Phalènes  nocturnes  par  centaines,  tandis 
que  les  Gobe-Mouches,  tout  comme  les  Hirondelles,  cher- 
chent leur  nourriture  dans  l'air  qu'ils  purgent  d'une  foule  de 
moucherons  insupportables.  Laissez-moi  tous  faire  part,  au 
sujet  des  premiers,  d'une  ol)servation  toute  récente.  Il  3'  a 
deux  ans,  un  couple  de  Gobe-Mouches  vint  établir  son  nid 
dans  un  treillage  de  mon  jardin,  à  quelques  mètres  de  ma 
collection  de  rosiers.  Ces  derniers  étaient  très  abîmés  par  des 
chenilles  de  deux  espèces,  l'une  verte  sans  tache,  l'autre 
plus  pâle,  liserée  de  jaune,  avec  le  ventre  blanc  ponctué  de 
noir.  Or,  mes  Gobe-Mouches  se  posaient  souvent  en  vedette 
sur  mes  tuteurs,  et  j'ai  pu  constater  que,  depuis  ce  moment, 
ils  détruisaient  les  chenilles  avec  tant  de  zèle  qu'ils  les  firent 
presque  entièrement  disparaître.  Vous  jugez  s'ils  sont  deve- 
nus mes  amis. 

Vous  le  voyez.  Messieurs,  par  cette  courte  énumération, 
quand  nous  venons  vous  dire  :  Voilà  des  êtres  utiles  qui 
jouent  un  grand  rôle  dans  l'harmonie  de  la  nature,  nous 
avançons  une  vérité  indiscutable  que  l'on  ne  peut  sérieuse- 
ment nier. 

Mais,  on  m'objectera  peut-être  que  les  oiseaux  constituent 
une  ressource  alimentaire  que  l'on  ne  doit  pas  laisser  perdre. 
Une  ressource  !  Messieurs,  eh  bien,  voici  la  réponse.  Un 
ornithologiste    consciencieux,    universellement  connu,   feu 


LA  CHASSE  AUX  PETITS  OISEAUX.  67 

M.  Lesciiyer,  a  eu  la  patience  de  faire  des  pesées  rigoureuses 
du  poids  net  de  chair  que  peut  donner  chaque  oiseau.  Voici 
quelques-uns  de  ces  chiffres.  Un  Roitelet  donne  4  gr.  1/2;  un 
Gobe-mouches  noir,  5  grammes  ;  un  Rouge-queue,  5  gr.  1/2; 
un  Rossignol,  6  grammes;  voyez-yoïis  avec  ces  quelques 
chiffres  ce  qu'il  faudrait  d'oiseaux  pour  un  seul  repas  d'un 
homme  adulte  ;  laissons  donc  cet  argument  et  convenons  qu'il 
ne  s'agit  ici  que  d'une  gourmandise  coupable. 

Ce  qui  est  surtout  déplorable,  c'est  l'autorisation  des  procé- 
dés de  chasse  qui  permettent  de  capturer  les  petits  oiseaux, 
par  grandes  quantités  à  la  fois,  comme  notre  tendue  de  Lor- 
raine, et  c'est  surtout  contre  ce  genre  de  capture  que  se  sont 
prononcées  les  Sociétés  agricoles  et  scientifiques,  particuliè- 
rement les  congrès  ornithologiques  de  Vienne  et  de  Budapest 
qui  ont  été  unanimes  à  reconnaître  que,  dans  tous  les  pays,  on 
devrait  s'efforcer  d'arriver  à  proscrire,  d'une  façon  complète, 
la  capture  en  masse.  Ces  congrès,  vous  le  savez  peut-être, 
ont  constitué  un  comité  permanent  et  international,  dont  la 
tâche  est  de  traiter  toutes  les  questions  ornithologiques  dont 
l'une  des  plus  im})ortantes  est  celle  de  la  protection  à  accor- 
der aux  petits  oiseaux.  Ce  comité,  où  sont  représentées 
toutes  les  nations  du  globe,  a  actuellement  pour  président 
M.  E.  Oustalet,  assistant  de  zoologie  au  Muséum,  et  pour  tré- 
sorier votre  serviteur.  Eh  bien  !  quand  une  Société,  composée 
desavants  et  de  spécialistes  de  tous  les  pays,  vient  vous  dire  : 
On  doit  proscrire  absolument  la  capture  en  masse,  pouvez- 
vous  hésiter? 

Vous  savez  en  quoi  consiste  notre  tendue  aux  raquettes. 
Une  baguette  pliée  faisant  ressort  est  maintenue  par  une 
double  ficelle,  dont  un  nœud  soutient  horizontalement  une 
petite  branciie  appelée  vulgairement  :  cabille.  L'oiseau  vient 
sans  défiance  se  poser  sur  ce  perchoir  improvisé  qui  s'abat 
le  laissant  pris  par  les  pattes.  La  malheureuse  victime  se  dé- 
bat, se  brise  les  membres  et  meurt  après  une  longue  agonie 
qui  doit  être  pour  elle  une  éternité.  J'ai  été  tendeur  dans  mon 
jeune  temps  moi  aussi. . . 

M.  VoLLAND.  —  Un  le  voit  bien.  {Rires.) 

M.  d'Hamonville.  —  Eh  bien  !  je  vous  avoue  que  je  n'ai 
jamais  étoufl'é  un  de  mes  petits  captifs  sans  un  sentiment  pé- 
nible. Permettre  à  vos  enfants  de  pratiquer  cette  chasse,  de 
se  réjouir  des  souffrances  de  ces  petits  êtres  est  mauvais, 


68  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

c'est  leur  enseigner  la  cruauté.  Ne  vaut-il  pas  mieux  les  me- 
ner dans  les  champs  et  dans  les  bois  pour  développer  leurs 
forces  et  leur  intelligence,  en  leur  apprenant  à  lire  dans  le 
grand  livre  de  la  nature,  ouvert  à  tous,  et  à  respecter  la  vie 
des  animaux  dont  nous  n'avons  pas  le  droit  de  disposer  sans 
nécessité. 

J'ai  encore  deux  observations  à  vous  présenter  à  propos  de 
notre  tendue  ;  la  première,  c'est  que  l'on  n'y  capture  que  des 
Insectivores  ou  à  peu  près,  c'est-à-dire  les  oiseaux  que  nous 
considérons  comme  les  plus  utiles;  la  seconde,  c'est  qu'elle  est 
absolument  illégale,  et  voici  pourquoi  :  le  paragraphe  1  de 
l'article  9  de  la  loi  du  3  mai  1844  porte  :  «  Que  les  Préfets 
»  prendront  des  arrêtés  pour  déterminer  le  mode  de  chasse 
»  aux  oiseaux  de  passage. . .  »  Or,  comment  pouvez-vous 
distinguer  les  oiseaux  de  passage  de  ceux  du  pays  ?  Comment 
pouvez-vous  reconnaître,  par  exemple,  le  Rouge-gorge  qui 
vient  de  Hollande  de  celui  qui  est  né  à  Laxou  (1  ;.  Quel  est  le 
Préfet,  quel  est  le  tendeur  capable  de  faire  cette  distinction  ? 
Vous  voyez  donc  que  les  autorisations  de  tendre  vont  à  ren- 
contre de  la  loi 

Je  ne  veux  point  vous  parler,  Messieurs,  des  tendues  aux 
lignettes  qui  se  font  dans  l'ouest,  de  celles  au  brai  pratiquées 
dans  les  Vosges,  de  tous  les  pièges  utilisés  dans  le  midi,  ni 
même  du  procédé  des  Marseillais  qui,  en  quelques  secondes, 
foudroient  par  l'électricité  dix  mille  Hirondelles;  car  je  ne 
veux  pas  abuser  de  vos  instants  et  de  votre  attention,  mais 
je  dois,  en  terminant,  vous  rappeler  la  destruction  d'oiseaux 
que  les  dénicheurs  font  encore  en  beaucoup  d'endroits  mal 
surveillés,  et  surtout  les  fusillades  en  temps  de  neige  qui  ne 
nous  laissent  plus  un  oiseau  sédentaire.  N'est-il  pas  néces- 
saire dans  ces  deux  derniers  cas  de  réclamer  l'exécution  et  le 
respect  de  la  loi  ? 

En  résumé,  il  y  a  dans  la  nature  une  harmonie  parfaite 
dont  les  oiseaux  ne  sont  pas  l'un  des  facteurs  les  moins  utiles; 
prenons  garde  de  la  rompre,  nous  en  serions  les  premières 
victimes.  Aimons,  protégeons  ces  petits  êtres  ailés;  rappelons- 
nous  leurs  services,  leur  charme.  Qui  de  nous  ne  sent  l'ani- 
mation, la  vie  qu'ils  apportent  partout  avec  eux,  dans  les 
champs,  dans  les  bois,  dans  les  jardins  où  nous  savourons 

(1)  Petit  villaf^e  de  la  banlieue  de  Nancy. 


LA  CHASSE  AUX  PETITS   OISEAUX.  69 

leurs  gais  concerts.  Que  de  fois,  dans  la  nuit,  le  malade  sur 
sa  couche  a  oublié  un  moment  ses  douleurs  en  écoutant,  ravi, 
la  longue  ballade  du  Rossignol,  le  chantre  de  l'amour  !  Mais, 
me  direz-vous,  vous  oubliez  la  science  pour  faire  du  senti- 
ment. Non,  Messieurs,  le  sentiment  n'exclut  pas  le  raisonne- 
ment, il  doit,  au  contraire,  marcher  de  pair  avec  la  science, 
parfois  un  peu  sèche,  qu'il  est  chargé  d'embellir.  Est-ce  qu'un 
peintre,  un  architecte  peuvent  produire  une  œuvre  complète 
sans  le  sentiment  de  l'art?  Est-ce  qu'il  n'y  a  pas  de  senti- 
ment dans  tout  ce  qui  est  vraiment  grand,  vraiment  beau  '? 
dans  le  patriotisme,  dans  la  foi.  Dans  la  foi  qui  «  soulève  les 
montagnes  »,  pour  me  servir  d'une  expression  biblique;  dans 
la  foi  sans  laquelle  nous  ne  sommes  rien,  et  nous  ne  pou- 
vons rien. 

En  conséquence.  Messieurs,  votre  commission,  s'inspirant 
des  principes  que  je  viens  d'analyser  et,  à  l'unanimité,  vous 
propose  d'adopter  les  considérants  du  vœu  dont  je  vais  vous 
donner  lecture  : 

Considérant  que  des  plaintes  nombreuses  s'élèvent  de  tous 
les  côtés  du  département,  particulièrement  au  sein  des 
comices  et  des  conseils  d'arrondissemant,  sur  la  diminution 
progressive  et  trop  rapide  des  petits  oiseaux  utiles  à  l'agri- 
culture, et  sur  l'augmentation  effrayante  des  espèces  ani- 
males nuisibles,  dont  les  premiers  sont  chargés  de  modérer  la 
trop  grande  multiplication; 

Considérant  que  le  seul  moyen  de  rétablir  l'équilibre  serait 
de  surveiller  très  sérieusement  les  dénicheurs  de  profession, 
les  braconniers  en  temps  de  neige  et  de  ne  plus  autoriser  les 
tendues  de  raquettes,  bois  fendu  ou  brai,  lignettes,  filets  de 
jour  et  surtout  de  nuit,  destruction  par  décharges  électrique^, 
en  un  mot,  tous  les  procédés  de  capture  en  masse  ; 

Considérant  qu'au  moment  des  tendues  il  est  impossible  de 
distinguer  les  petits  oiseaux  de  passage  de  leurs  congénères 
nés  dans  le  pays  et  que  Ton  nomme  sédentaires.  Que,  con- 
séquemment,  l'art.  9,  §  l"  de  la  loi  du  3  mai  1844  ne  peut  être 
appliqué  par  les  Préfets  sans  aller  contre  le  but  protecteur  de 
la  loi  ; 

Considérant  que  les  mesures  qui  s'imposent  ne  peuvent 
être  efficaces  que  si  elles  sont  générales  et  communes  à  tous 
les  départements  de  la  France  et  de  l'Algérie. 


70  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

Émet  le  vœu  : 

1°  Que  le  §  !«'•  de  l'art.  9  de  la  loi  du  3  mai  1844  sur  la 
police  de  la  chasse  soit  supprimé  par  une  loi  dans  le  plus  bref 
délai  possible  ; 

2°  Que  le  Gouvernement  veuille  bien,  dès  à  présent,  recom- 
mander à  tous  les  Préfets  de  ne  plus  prendre  d'arrêté  pour 
autoriser  la  capture  en  masse  des  petits  oiseaux,  suivant  les 
modes  indiqués  aux  considérants  ; 

3°  Qu'il  veuille  bien  aussi  appeler  l'attention  des  fonction- 
naires spéciaux,  Conservateurs,  Maires,  Procureurs  et  autres 
pour  obtenir  une  stricte  observation  de  la  loi,  en  ce  qui 
concerne  le  dénichage  et  la  chasse  de  ces  petits  êtres  en 
temps  de  neige  et,  en  même  temps,  stimuler  le  zèle  de  tous 
les  agents,  gendarmes,  gardes  et  autres,  pour  empêcher  ces 
déplorables  destructions  d'oiseaux  utiles. 

M.  Jacquemin.  —  Je  demande,  à  titre  d'amendement  aux 
conclusions  de  la  commission,  que  la  chasse  aux  petits 
oiseaux  soit  absolument  interdite  dans  notre  département  à 
partir  de  l'ouverture  de  la  chasse  en  1893. 

M.  LE  Président.  ;—  Je  mets  aux  voix  l'amendement  de 
M.  Jacquemin. 

Il  est  repoussé. 

Je  mets  aux  voix  les  conclusions  de  la  commission  : 

Elles  sont  adoptées  à  l'unanimité. 

M.  Denis  (1).  —  Je  demande,  qu'en  raison  de  l'importance 
du  vœu,  il  soit  directement  transmis  au  Ministre  par  M.  le 
Président  du  Conseil  général. 

Adopté. 

(1)  Président  de  la  Commission  d'agriculture. 


LA  PECHE  DE  LA  SARDINE  D'ESTHONIE 

A  RÉ  VAL  ET  AU  PORT-BALTIQUE 
Par   m.    VIENKOFF. 


Ce  sont  principalement  les  «  Ostasches  »,  les  originaires 
de  la  ville  d'Ostasclikoff,  gonvernement  de  Tver,  qui  vien- 
nent se  livrer  à  la  pèche  de  la  Sardine  à  Ré  val  ;  cependant, 
un  certain  nombre  d'habitants  de  Réval  s'en  occupent  égale- 
ment. Ils  peuplent  un  quartier  particulier  de  la  ville,  situé 
sur  la  plage,  et  que  les  Estes  appellent  «  Kala  randa  »,  c'est- 
à-dire  halle  au  poisson,  et  les  Allemands  —  Fischgraben 
«  fosse  à  poisson  »;  la  côte,  par  ses  pentes  abruptes,  semble, 
en  effet,  justifier  ce  nom  de  «  fosse  ».  C'est  dans  ce  quartier 
que  les  paysans  des  environs  apportent  leur  pèche  et  les  in- 
dustriels du  lac  Tschoudskoë  leurs  marchandises  salées  et  fu- 
mées. La  halle  au  poisson  est  aussi  un  centre  du  commerce 
de  tous  les  accessoires  de  pèche,  depuis  les  gants  de  peau  pour 
tirer  le  filet  de  l'eau,  jusqu'aux  bateaux  et  filets  de  pêche. 

Tous  ces  objets  sont  fabriqués  par  les  artisans  de  Tver  et 
sont  apportés  à  Réval  par  les  pécheurs  d'Ostasclikoff  qui  se 
font  de  beaux  bénéfices  en  les  revendant  sur  place. 

Le  filet  vaut  200-220  roubles,  le  même  avec  deux  canots  à 
rames,  les  ancres,  les  câbles  et  le  kaftan  de  peau  est  payé 
400  roubles  environ.  Les  canots  servent  huit  à  dix  ans,  le 
kaftan  est  usé  en  "cinq-sept  ans,  les  câbles  en  trois  ans;  quant 
aux  filets,  ils  doivent  être  renouvelés  tous  les  ans;  les  vieux 
sont  revendus  à  des  paysans  pour  des  prix  variant  de  30  à 
80  roubles,  suivant  l'état  et  la  qualité.  La  pêche  de  la  Sardine 
d'Esthonie  commence  au  début  du  printemps  et  se  poursuit 
jusqu'à  la  fin  de  l'automne  ;  la  Sardine  prise  pendant  l'été  et 
le  printemps  est  maigre  et  petite  et,  par  suite,  est  moins  pri- 
sée que  celle  d'automne,  qui  est  grosse  et  grasse  et  sert  à  des 
préparations  de  choix.  La  Sardine  précoce  se  vend  au  même 
prix  que  la  Sardelle,  et  est  achetée  en  grande  quantité  par 
des  paysans  estes  qui  la  salent  pour  leur  consommation 
ménagère  de  l'hiver. 

Une  mesure  «  kilmat  »  tenant  un  demi-tchétvérik  (1  tchétvé- 


72  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

pil^  =  2,621  décalitres)  de  Sardnelles  vaut  30  kopeks  au 
printemps,  20  k.  en  été;  l'automne,  le  prix  monte  jusqu'à 
80  k.,  1  rouble,  tandis  que  la  Sardine  d'Esthonie  Yaut,  à  cette 
époque,  jusqu'à  5  roubles  la  mesure. 

C'est  surtout  en  automne,  avec  l'arrivée  des  temps  froids, 
que  le  quartier  aux  poissons  s'anime.  Les  marchands  cher- 
chant à  s'approvisionner  en  Sardines  s'agitent  fiévreusement, 
se  pressant  à  qui  arrivera  le  premier  aux  canots  rentrant  de 
la  mer.  Entourant  le  pêcheur,  ils  enchérissent  l'un  sur 
l'autre  et  se  disputent  la  marchandise.  Beaucoup  de  ces  né- 
gociants même  se  rendent  à  d'assez  fortes  distances  en  de- 
hors de  la  ville,  à  la  rencontre  des  paysans  des  villages  voi- 
sins auxquels  ils  achètent  la  pèche  avant  le  marché. 

Une  mesure  de  Sardines  d'Esthonie  fournit  du  poisson  pour 
10  pots  de  verre  ou  boîtes  de  fer  blanc  ;  la  boîte  de  Sardines 
d'automne  revient  ainsi,  sans  compter  l'assaisonnement  et  la 
main-d'œuvre,  à  50  k,  La  vaisselle,  les  frais  de  l'emballage 
dans  des  pots,  l'assaisonnement  aux  épices  (y  entrent  surtout, 
le  sel,  le  poivre,  les  feuilles  de  laurier,  le  cardamome,  la 
marjolaine  et  le  gingembre),  et  l'emballage  coûtent  12-17  k. 
par  boîte.   Certains  industriels  falsifient   la    Sardine   en  y 
ajoutant  de  la  Sardelle  et  même  du  Bresling  (Sardine  suédoise 
salée  vendue  à  des  prix  excessivement  bas) .  Les  connaisseurs 
n'ont  pourtant  pas  de  peine  à  distinguer  une  Sardine  d'une 
Sardelle,  cette  dernière  ayant  la  tête  plus  grosse,  de  grands 
yeux  et  le  ventre  lisse,  tandis  que  la  vraie  Sardine  a  la  tête 
étroite  et  de  petits  yeux.  Mais  le  signe  distinctif  auquel  on  ne 
peut  pas  se  tromper  est  que  l'abdomen  de  la  Sardelle  semble 
au  toucher  hérissé  de  dents  à  l'intérieur,  ce  que  l'on  sent  très 
nettement  lorsqu'on  passe  le  doigt  de  la  queue  à  la  tête. 

Il  est  presque  impossible  d'évaluer,  même  approximative- 
ment, la  quantité  de  poisson  qui  est  prise  annuellement  à 
Réval,  les  marchands  en  font  un  secret  soigneusement  gardé; 
cependant,  nous  pouvons  citer  quelques  cas  particuliers;  par 
exemple,  un  industriel  a  préparé,  en  1887,  200,000  boites  ou 
pots  de  Sardines,  mais  cette  quantité  doit  être  considérée 
comme  exceptionnelle.  Ordinairement,  on  en  fabrique  bien 
moins  et,  quelquefois,  il  n'y  a  que  3-4,000  boîtes  pour  chaque 
maison.  Les  maisons  suivantes  se  livrent  au  commerce  de  la 
Sardine  à  Réval  :  MM.  N.  Malakhoff",  L.  Malakhott',  F.  Malak- 
holf,  A.  Kostine,  veuve  Kostine,  A.  Sevens,  Matisen,  Less- 


LA  PÊCHE  DE  LA  SARDLNE  D'ESTHONIE.  73 

mann,  Mérékuhl,  Wilhelm,  Betty  et  Sonmatikoff.  La  Sardine 
est  expédiée  surtout  à  Saint-Pétersbourg,  à  Moscou,  à  Var- 
sovie et  à  Riga  ;  on  en  exporte  aussi,  bien  que  dans  des  pro- 
portions insignifiantes,  à  l'étranger. 

La  pèche  de  la  Sardine  l'ournit  aussi  des  mojens  d'exis- 
tence à  une  partie  de  la  population  indigente  de  la  ville.  Des 
ouvriers-pêcheurs  sont  engagés  moyennant  100-125  roubles 
l'été,  ou  bien  reçoivent,  pour  prix  de  leur  travail,  la  moitié 
de  ce  qu'amène  chaque  coup  de  filet.  Le  patron  est  tenu  de 
fournir,  à  chacun  des  quatre  ouvriers  occupés  à  un  filet,  une 
paire  de  bottes  et  une  paire  de  gants  en  forte  peau  pour  tirer 
le  filet  de  l'eau;  le  chef  de  l'équipe  a,  en  outre,  iO-15  roubles. 
Les  ouvrières,  en  emballant  jusqu'à  300  boites  par  jour, 
gagnent  3  roubles  par  jour,  mais  ce  travail  n'a  lieu  que  pen- 
dant 2-3  semaines. 

Au  Port-Baltique,  petite  ville  de  900  âmes,  à  45  verstes 
de  Réval,  dans  la  direction  sud -est,  il  y  avait,  en  1887, 
28  filets  travaillant  à  la  pèche  de  la  Sardine. 

Chaque  filet  produisait,  en  moyenne  : 

En  1884 650  mesures,  valant  450  roubles 

1885.... 
1886..  . 
1887.... 

En  1886,  les  industriels  du  Port-Baltique  ont  vendu  en  tout 
80,000  boîtes  de  Sardines  d'Esthonie,  en  1887,  55,000,  en  y 
comprenant  la  Sardine  de  printemps,  d'été  et  d'automne. 

Les  marchands  et  le  public  avaient  longtemps  eu  de  la  pré- 
vention contre  la  Sardine  du  Port-Baltique,  de  sorte  que  les 
industriels  de  ce  pays  se  voyaient  obligés  de  la  vendre  sous 
le  nom  de  Sardine  de  Réval.  Tout  récemment  seulement,  on 
a  vu  apparaître  dans  le  commerce,  de  la  Sardine  portant  sur 
l'étiquette  l'indication  de  son  véritable  lieu  de  provenance. 
Le  premier  pas  dans  cette  voie  appartient  à  la  maison  0. 
Reichhardt,  dont  l'exemple  fut  suivi  par  M.  Sevens  et  autres. 

En  dehors  de  ces  grandes  maisons,  dix  industriels  locaux  se 
livrent  également  au  salage  de  la  Sardine  au  Port-Baltique; 
mais  ils  ne  s'occupent  que  de  la  Sardine  d'été,  de  qualité  infé- 
rieure, et  de  la  Sardelle  qu'ils  font  écouler  à  Arensberg,  à 
Hapsal,  à  Dorpat,  à  Pernolf  et  dans  les  autres  villes  du  pays. 


700 

— 

— 

600 

700 

— 

— 

500 

550 

— 

— 

500 

LE  COMMERCE  DU  THE 

ENTRE    LA    CHINE    ET    LA    RUSSIE 
Par  m.  TCHERNIGOFF. 


Le  projet  de  la  construction  d'un  chemin  de  fer  Pékin- 
centre  de  Chine  a  donné  un  regain  d'actualité  au  commerce 
de  ce  pays.  Dans  le  présent  article,  nous  nous  arrêterons 
spécialement  sur  le  commerce  entre  la  Chine  et  la  Russie, 
deux  pays  qui  confinent  sur  une  étendue  de  plus  de  8,000 
verstes.  Cette  dernière  circonstance  semblerait  devoir  assurer 
à  la  Russie  une  suprématie  naturelle  dans  le  commerce  exté- 
rieur du  Céleste  Empire,  mais  en  réalité,  dans  le  chiffre  de  300 
millions  de  roubles  métalliques  qui  représentent  le  total  des 
transactions  internationales  de  ce  dernier  pays,  l'Angleterre 
entre  pour  75  %,  la  France  et  l'Allemagne  viennent  ensuite, 
et  enfin  la  Russie  en  dernier  lieu.  Les  principaux  marchés  où 
se  débitent  les  produits  russes  sont  la  Mongolie  (2,000,000 
roubles),  le  Tarbagataï  et  l'Ili  (1,500,000  roubles],  c'est-à- 
dire  qu'il  y  a  en  moyenne  une  dépense  de  30  kopecks  par  tète 
d'habitant  en  marchandises  russes.  D'autre  part,  le  commerce 
de  transit  par  le  nord  de  la  Chine,  la  Mongolie  et  Kiakhta 
donne  le  chilfre  de  20  millions.  Les  quatre  cinquièmes  de  cette 
somme  proviennent  du  commerce  de  Thé. 

Lorsqu'à  la  suite  de  l'expédition  anglo-française  de  1860, 
le  gouvernement  du  Bogdikhan  se  vit  obligé  d'ouvrir  à  l'in- 
térieur du  pays  de  nouveaux  marchés  d'échange  interna- 
tional, le  commerce  russe  de  Thé  fut  organisé  définitivement, 
n  se  concentre  dans  les  points  suivants  :  Khan-koou,  Fou- 
tchéou,  Chang-haï  et  Kiang-si  dont  les  trois  premiers,  situés 
en  plein  pays  de  la  culture  du  Théier,  sont  considérés  comme 
centres  du  commerce  de  Thé  en  général.  Le  marché  de  Fou- 
tchéou  fournit  du  Thé  surtout  pour  l'x^mérique  et  l'Europe 
occidentale,  tandis  que  le  commerce  russe  s'approvisionne  à 
Khan-koou.  Kiang-si  qui  jouait  un  rôle  considérable  dans 
le  transit  à  l'époque  où  le  commerce  de  Thé  avec  la  Russie  se 


LE  COMMERCE  DU  Tmî  EXTRE  LA  CHINE  ET  LA  RUSSIE,  75 

faisait  surtout  par  caravanes,  perd  chaque  jour  de  son  impor- 
tance, avec  le  développement  du  transport  par  mer. 

Il  existe  actuellement  cinq  maisons  principales  russes  pour 
le  commerce  de  Thé  à  Khan-koou  et  Fou-tchéou  où  se 
trouvent  leurs  hureaux,  entrepôts  et  usines  à  vapeur  pour  la 
fabrication  du  Thé  en  briquettes.  Tout  en  faisant  des  affaires 
pour  leur  propre  compte,  ces  maisons  jouent  surtout  le  rôle 
d'intermédiaires  entre  les  maisons  de  commerce  de  la  Russie 
et  les  Chinois  cultivateurs  du  Théier.  Bien  que  le  nombre 
des  représentants  russes  soit  inférieur  à  celui  des  autres 
étrangers,  ceux-là  forment  néanmoins  l'élément  prépondérant 
dans  le  commerce,  ce  qui  tient  à  la  consommation  de  ce  pro- 
duit, plus  considérable  en  Russie.  Ici,  nous  noterons  en  pas- 
sant que  les  plantations  de  l'arbre  à  Thé  que,  suivant  une 
opinion  répandue,  des  maisons  de  conmierce  de  Moscou 
entretiendraient  en  Chine,  n'existent  qu'à  l'état  de  mythe. 
Il  y  eut,  il  est  vrai,  une  tentative  de  ce  genre  qui  a  échoué 
piteusement  et  ne  semble  pas  devoir  se  renouveler  de  sitôt. 
La  récolte  des  feuilles  et  leur  manipulation  étaient  et  sont 
entièrement  dans  les  mains  des  Chinois  qui  possèdent  un 
nombre  extrêmement  considérable  de  fabriques.  D'ailleurs, 
suivant  les  fluctuations  du  marché,  elles  se  multiplient  ou 
disparaissent  avec  une  grande  spontanéité;  en  voici  quelques 
exemples.  Dans  les  quatre  provinces  où  le  Théier  est  cultivé  : 
Kiang-si,  Han-kao,  Khou-béi  et  Khounagne,  il  existait,  en 
1887,  650  fabriques  de  cette  nature,  mais  en  1888,  il  n'y  en 
restait  plus  que  466,  tandis  qu'une  année  plus  tard,  leur 
nombre  se  relevait  jusqu'à  700,  une  seule  localité  (Ning-tchéou) 
en  possédait  alors  jusqu'à  190. 

Dans  ces  fabriques,  les  feuilles  du  Théier,  après  triage  et 
après  avoir  été  tamisées,  grillées,  séchées  et  subi  d'autres 
manipulations  encore,  deviennent  du  Tlié  noir  ou  vert.  La 
qualité  du  Thé,  son  arôme  tient  à  l'état  du  temps  et  surtout 
à  l'époque  où  la  récolte  a  pu  être  faite.  Les  meilleurs  Thés 
sont  récoltés  au  mois  d'avril,  les  produits  de  la  cueillette  de 
maiet  de  juin  leur  en  cèdent  beaucoup.  Les  débris  du  tami- 
sage de  Thé  noir  ou  vert  livrés  au  commerce  sous  le  nom  de 
«  khansian  »,  sont  pressurés  dans  les  fabriques  russes  de 
Khan-koou  et  Fou-tchéou  et  forment  ce  qu'on  appelle  en 
Russie  «  du  Thé  en  briquettes  ».  Les  Thés  noirs  sont  vendus 
surtout  aux  négociants  européens.   Toutes  les  espèces  qui 


76  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

figurent  au  marché  de  Khan-koou  sont  désignées  sous  la 
dénomination  de  «  Kin-kiang  »  et  de  «  Khan-koou  ».  Le 
premier  provient  des  provinces  Kiang-si  et  Han-kao  et 
arrive  par  le  Kin-kiang,  le  dernier  doit  son  nom  à  la  douane 
de  Khan-koou. 

Les  quelques  renseignements  suivants  sur  l'état  du  marché 
de  Khan-koou  qui  est  le  principal  fournisseur  en  Thé  de  la 
Russie,  suffiront  pour  donner  une  idée  de  l'importance  et  des 
particularités  de  ce  commerce.  La  saison  qui  s'ouvre  à  Khan- 
koou  dans  les  premiers  jours  du   mois  de  mai,  aussitôt  la 
récolte  d'avril  terminée,  apporte  dans  la  ville  une  très  grande 
animation.  Sur  le  Yang-tse-kiang,  de  nombreux  bateaux,  ve- 
nus pour  chercher  leurs  chargements,  attendent  sous  voiles, 
tandis  que  des  flottilles  entières  de  «  djoux  )-  arrivent  tous  les 
jours  apportant  du  Thé.  C'est  le  moment  où  les  Européens 
apparaissent  en  masse  dans  le  pays  dont  les  banques  et  autres 
établissements  de  crédit  et  de  commerce  se  livrent  alors  à 
une  activité  fébrile.  Tout  le    monde  travaille  à  qui  mieux 
mieux;  mais  ce  sont  les  «  tétester  »  —  experts  en  thé  —  qui 
sont  les  plus  occupés.  Ces  spécialistes  jouent,  par  leur  con- 
naissance approfondie   du   Thé,    un  rôle   d'une  importance 
prépondérante  dans  le  commerce  de  ce  produit  ;  une  erreur 
d'appréciation  peut  en  effet  quelquefois,  non  seulement  cau- 
ser des   préjudices   matériels   considérables  à  une  maison, 
mais  encore  ruiner  sa  réputation,  détruire  la  confiance  en 
son  produit.  Aussi,  certaines   maisons   de  commerce  russes 
ont-elles   deux  et  trois  «  tétesters  »   dont  les  plus  réputés 
ont  jusqu'à  15,000  roubles  de  traitement  ainsi  que  le  loyer 
et  l'entretien,  pour  les  trois  mois  de  travail  effectif  pendant 
la  saison. 

L'emballage,  qui  cependant  pour  les  qualités  supérieures 
de  Thé  dont  on  apprécie  surtout  la  finesse,  l'arôme,  exige 
des  précautions  assez  compliquées,  ne  se  fait  que  quelques 
jours  avant  l'expédition,  car  les  transactions  ne  se  décident 
qu'au  dernier  moment,  les  vendeurs  et  les  acheteurs  attendant 
toujours  des  prix  avantageux.  Aussi,  le  cours  du  Thé  varie- 
t-il  d'une  façon  extrême.  Le  tout  vient  se  compliquer  par  la 
diversité  des  unités  monétaires  en  usage  dans  le  pays,  et  la 
multiplicité  des  unités  de  poids  et  de  mesure  :  les  dollars, 
les  livres  steriing,  les  shillings,  les  pences,  les  roubles,   les 


LE  COMMERCE  DU  THÉ  ENTRE  LA  CHINE  ET  LA  RUSSIE.  77 

lan,  les  fine,  les  piculs  et  ghines,  les  caisses,  demi-caisses, 
tonnes,  etc.,  etc. 

Voici  quel  a  été  l'état  du  marché  pendant  les  dernières  sai- 
sons à  partir  de  1889,  d'après  des  renseignements  authentiques 
que  nous  tenons  d'un  des  négociants  russes  les  plus  notables. 
La  brillante  saison  de  1888  à  Klian-koou  a  déterminé  un 
grand  nombre  de  spéculateurs  à  y  venir  pour  la  saison  sui- 
vante. Des  capitaux  considérables  turent  engagés  pour  l'or- 
ganisation des  fabriques, etc.,  mais  un  mauvais  temps  survenu 
à  l'époque  critique  de  la  récolte  des  feuilles  et  de  la  prépara- 
tion des  qualités  supérieures,  a  ruiné  toutes  les  espérances 
en  détruisant  et  en  abîmant  le  feuillage  du  Théier. 

En  résultat,  il  y  eut  pénurie  de  qualités  supérieures  sur  le 
marché,  et  les  prix  se  sont  maintenus  très  élevés.  Des  Thés  à 
l'odeur  de  fumée  ou  altérés  d'une  autre  façon  prédominaient. 
La  saison  fut  si  mallieureuse  que  de  nombreux  Chinois 
vivant  du  commerce  des  Thés  se  virent  obligés  de  renoncer 
à  la  pré[)aration  des  sortes  inférieures.  Les  hauts  prix  payés 
pour  les  Thés  de  première  qualité  ne  les  dédommageaient 
point,  vu  le  prix  de  revient  haussé  considérablement  grâce  à 
la  concurrence  dans  l'achat.  De  petits  industriels  furent  com- 
plètement ruinés,  et  les  autres  se  trouvaient  bien  embar- 
rassés quant  à  la  direction  à  donner  à  leurs  exploitations  à 
l'avenir.  Les  établissements  de  crédit  locaux  ne  prêtaient 
point  sur  les  Thés. 

Mais,  dans  la  saison  de  1890,  les  négociants  demeurés  sur 
le  marché  eurent  lieu  de  se  rattraiier,  au  grand  préjudice 
des  acheteurs  européens.  Avant  l'ouverture  de  la  saison,  on 
croyait  généralement  que  la  diminution  du  nombre  des  fabri- 
cants rendrait  la  concurrence  moins  âpre,  dans  l'achat  de  la 
feuille  sur  la  montagne.  On  escomptait  donc  la  baisse  des 
Thés,  les  commandes  anglaises  devant,  en  outre,  selon  les 
prévisions,  diminuer  dans  des  proportions  notables.  Le 
marché  de  Thés,  à  Londres,  se  trouvait  dans  un  état  com- 
plet d'abattement.  Mais  des  commandes  extrêmement  imi)or- 
tantes  venues  de  Russie  bouleversèrent  toutes  les  prévisions, 
et,  déjouant  tous  ces  calculs,  firent  monter  la  concurrence  à 
des  proportions  invraisemblables.  En  1890,  le  Thé  était 
acheté  aux  producteurs  à  des  ]irix  ({u'il  n'avait  jamais  at- 
teints. La  première  journée  de  l'ouverture,  les  prix  se  sont 
maintenus  au  niveau  de  ceux  de  1889,  mais  dès  le  second 


78  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

jour,  croyant  de  ne  pouvoir  s'approvisionner  en  qualités 
supérieures,  les  commissionnaires  le  laissèrent  voir,  ce  que 
les  Chinois  s'empressèrent  de  mettre  à  profit  en  élevant 
les  prix  jusqu'à  12-20  roubles  métalliques  par  «  picul  » 
(145  livres  russes).  En  résumé,  eu  égard  à  leur  qualité,  les 
Thés  supérieurs  furent  payés  15  7o  plus  cher  qu'en  1889.  Le 
marché  comprenait  869,336  demi- caisses,  165,592  demi- 
caisses  de  plus  qu'en  1889.  Les  prix  des  meilleurs  Thés  de  la 
deuxième  récolte  ne  furent  point  inférieurs  à  ceux  de  1889; 
les  Thés  des  qualités  moyennes  et  inférieures  furent  vendus 
30  %  meilleur  marché,  mais  leur  qualité  laissait  fort  à  dé- 
sirer ;  il  y  en  avait  78,000  caisses  en  tout,  sur  le  marché.  Les 
Thés  de  la  troisième  récolte  (20,956  caisses]  étaient  achetés  à 
des  prix  fort  bas,  et  ils  étaient  supérieurs  à  ceux  de  la  saison 
précédente.  En  général,  la  saison  de  1890  se  caractérisait  par 
l'absence  presque  complète  des  Thés  brûlés  ou  à  l'odeur  de 
brillé,  quelques  ballots  de  Thé  ainsi  altéré  perdirent,  par  la 
suite,  ce  fumet  désagréable,  mais,  d'autre  part,  leur  arôme, 
très  pur  au  début,  s'altérait  et  s'éventait  même,  plus  tard. 
Cela  -fut  attribué  à  l'hiver  trop  clément,  sans  pluies  de 
1889-90. 

Continuons  maintenant  Tétude  du  marché  de  Khan-koou 
spécialement.  D'une  façon  générale,  on  doit  remarquer  que 
l'olfre  diminue  sensiblement  depuis  ces  dernières  années.  En 
voici  quelques  exemples  :  en  1886,  il  y  eut  sur  le  marché 
1,316,234  demi-caisses  (une  demi-caisse  contient  60  à  65 
livres  russes)  ;  en  1887,  1,272,659;  en  1888,  1,128,172;  en 
1889,  1,106,817,  et  en  1890,968,409  seulement.  En  dehors 
d'autres  raisons,  cette  diminution  de  la  culture  tient  surtout 
à  l'énorme  production  des  Thés  du  Ceylan  et  des  Indes  qui 
ont  envahi  le  marché  anglais.  En  1890,  819,019  demi-caisses 
furent  vendues  à  Khan-koou  aux  Russes  et  aux  autres 
étrangers  (le  Thé  invendu  fut  réexpédié  à  Chang-haï)  ;  de  ce 
nombre,  544,019  demi-caisses  furent  acquises  pour  le  compte 
des  commerçants  russes  et  275,000  seulement  pour  l'Angle- 
terre et  l'Amérique.  Comparés  à  la  saison  de  1889,  ces  chiffres 
sont  en  progrès  de  55,619  demi-caisses  pour  la  Russie  et  en 
diminution  de  92,490  demi-caisses  pour  l'Angleterre  et  l'Amé- 
rique. Parmi  les  maisons  russes  MM.  Tokamakoff,  Molotkotf, 
Moltchanofl"  et  Petchatnotf  sont  les  acheteurs  les  plus  im- 
portants (135,000   demi-caisses,    chaque    maison).   La    plus 


LE  COMMERCE  DU  THE  EXTRK  LA  CHINE  ET  LA  RUSSIE.  79 

grande  partie  des  Thés  (22  millions  et  demi  de  livres  an- 
glaises) est  expédiée  par  voie  de  mer,  sur  Odessa.  100,550 
ballots  seulement,  en  diminution  de  17,968  ballots  sur  1880, 
furent  envoyés  par  caravanes  par  Kiang-si  et  la  Mongolie, 
Quant  aux  Thés  noirs,  une  quantité  égale  à  celle  de  la  saison 
de  1S89  en  l'ut  dirigée  par  l'Amour. 

Les  renseignements  que  nous  venons  de  communiquer  se 
rapportent  presque  exclusivement  aux  Thés  supérieurs  ; 
quant  au  Thé  en  briquettes,  on  commence  sa  fabrication  en 
automne  et  elle  dure  tout  l'hiver.  Le  commerce  de  «  Khan- 
sian  »  (débris  de  Thé)  qui  sert  à  sa  fabrication,  se  poursuit 
tout  l'année. 

Nous  devons  noter  en  ce  qui  concerne  les  Thés  noirs  qu'en 
dehors  des  variations  extrêmes  dans  les  cours  à  Londres,  la 
pénurie  relative  de  ces  qualités  et  l'abondance  de  Thés  infé- 
rieurs tiennent  à  l'accroissement  considérable  de  la  demande 
en  sortes  de  première  récolte  venue  de  Russie  et  d'Angle- 
terre et  que  l'état  actuel  des  cultures  ne  permet  point  de 
satisfaire. 

En  terminant,  nous  tenons  à  mentionner  que,  depuis  ces 
dernières  années,  les  commandes  de  Thé  provenant  des 
maisons  de  commerce  russes  sont  exécutées  par  des  repré- 
sentants étrangers.  La  chose  tend  à  se  généraliser,  et  il  y  a 
lieu  pour  les  Russes  de  craindre  un  évincement,  bien  mérité, 
d'ailleurs. 


II.  EXTRAITS  DES  PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIETE. 


SÉANCE  GÉNÉRALE  DU  23  DÉCEMBRE  1892. 

PRÉSIDENCE    DE    M.    A.   GEOFFROY    SAINT-IIILAIRE,    PRÉSIDENT. 

M.  le  Président  ouvre  la  session  par  l'allocution  sui- 
vante : 

Messieurs, 

Nous  ouvrons  aujourd'hui  la  40°  session  des  séances  de  la 
Société  nationale  d'Acclimatation,  car  notre  association  a  été 
l'ondée  le  10  février  1854. 

Laissez-moi  constater  la  continuité  de  l'effort  donné  iiar 
nos  fondateurs  et  par  ceux  qui  sont  venus,  pendant  cette 
longue  suite  d'années,  apporter  leur  concours  à  l'œuvre  en- 
treprise, œuvre  féconde  et  généreuse  en  vérité,  car  elle  tend, 
vous  le  savez,  à  donner  aux  divers  pays  les  richesses  natu- 
relles qu'ils  ne  possèdent  pas,  à  étudier  et  à  faire  connaître 
toutes  les  ressources  que  l'homme  peut  tirer  des  animaux  et 
des  plantes.  Nous  avons  ici  à  provoquer  et  à  soutenir  toutes 
les  tentatives  ayant  pour  objet  les  applications  pratiques 
et  utiles  des  sciences  naturelles,  celles  qui  constituent  des 
progrès  économiques  importants  par  leurs  conséquences  aussi 
bien  que  les  essais  dont  l'utilité  pratique  apparaît  seulement 
dans  un  avenir  lointain.  On  pourrait  résumer  le  but  d'une 
association  comme  la  nôtre  en  quatre  mots  :  Etudier,  intro- 
duire, améliorer,  vulgariser. 

Quel  vaste  programme,  Messieurs  !  Pour  être  rempli,  il  a 
besoin  du  concours  du  savant  qui  étudie  les  êtres  vivants  et 
fait  connaître  leurs  besoins  et  les  conditions  de  leur  existence 
normale,  du  navigateur  qui  les  importe,  du  praticien  qui 
les  expérimente,  les  observe  et  cherche  à  les  multiplier,  de 
l'écrivain  pratique  qui  instruit  le  i)ublic  des  avantages  et  des 
inconvénients  de  l'espèce  à  l'étude. 

Pour  accomplir  cette  tâche  complexe,  notre  Société  doit 
donc  réunir  des  membres  dont  les  aptitudes  et  les  occupa- 
tions soient  diverses.  Il  nous  faut  des  naturalistes,  des  navi- 
gateurs, des  agriculteurs,  des  horticulteurs,  des  grands  pro- 
priétaires et  enfin,  des  membres,  pouvant,  la  plume  à  la  main, 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.       8\ 

initier  aux  résultats  obtenus,  aux  succès,  aussi  bien  qu'aux 
-échecs . 

La  Société  a  perdu  au  cours  de  l'année  1892,  quelques-uns 
4e  ses  plus  précieux  collaborateurs  ;  nous  avons  à  regretter  : 

MM.  Alexis, 

le  baron  de  Bernon, 

Paul  Gavelius. 

Gabriel  Eynard, 

Faulcon  de  la  Goudalie, 

le  baron  de  Fourment, 

le  marquis  d'Hervey  de  Saint-Denys. 

Prosper  Gnry, 

Frédéric  Jacquemart , 

Kestner, 

Louis  Kralik, 

Henri  Lallemand, 

Le  Barbier, 

Maingot, 

Philibert  Marquis, 

le  D""  Maupoint, 

Léon  Mercier, 

De  Quatretages, 

le  marquis  de  Roccagiovine, 

le  duc  de  Trévise. 

Permettez-moi,  Messieurs,  de  vous  parler  de  quelques-uns 
de  ces  membres  regrettés. 

Avant  tous,  je  veux  nommer  notre  honoré  vice-président, 
l'illustre  M.  de  Quatrefages,  sur  la  tombe  duquel  j'ai  eu  l'hon- 
neur, en  janvier  dernier,  d'apporter  les  regrets  et  les  hom- 
mages de  notre  association.  J'ai  dit  alors  qu'à  la  mort  de 
Drouyn  de  Lhuys  et  à  la  mort  de  Bouley,  nos  regrettés  prési- 
■dents,  M.  de  Quatrefages  avait  été  vivement  sollicité  d'accep- 
ter les  fonctions  de  président  de  la  Société  nationale  d'Accli- 
matation. Il  résista  à  nos  instances  :  «  Je  désire  rester  l'un 
des  vice-présidents  de  la  Société,  disait-il,  car  je  ne  saurais 
accepter  un  poste  que.  faute  de  loisirs,  je  ne  remplirais  pas 
€omme  il  convient.  Vous  connaissez  mon  zèle  pour  la  Société 
d'Acclimatation,  soyez  sûrs  qu'il  ne  faillira  pas.  »  Vous  savez, 
Messieurs,  que  M.  de  Quatrefages  n'a  pas  manqué  à  cette 
promesse,  car  vous  l'avez  vu,  jusqu'à  la  lin  de  sa  vie,  assidu 

20  Janvier  1893.  g 


82  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

à  nos  réunions  et  prenant  part  avec  empressement  à  no:?^ 
discussions.  Nous  garderons  chèrement  le  souvenir  de  ce  col- 
lègue éminent  qui,  devenu  membre  de  l'association  dès  sa 
fondation  (1854),  lui  a  été  fidèle  sa  vie  entière,  et  lui  prèta^ 
en  toutes  circonstances,  un  concours  actif  et  dévoué.  Le  re- 
cueil de  nos  publications  l'atteste. 

La  Société  ressent  très  vivement  la  perte  qu'elle  a  faite 
dans  la  personne  de  notre  ancien  vice-président,  M.  Frédéric 
Jacquemart.  Il  fut,  avec  Isidore  Geoffroy-Saint-Hilaire,  le 
comte  d'Eprémesnil,  Antoine  Passy,  le  baron  de  Montgomery, 
Eugène  Dupin,  notre  vice-président  le  marquis  de  Sinéty, 
notre  excellent  collègue  le  marquis  de  Selve,  un  des  fonda- 
teurs de  notre  association  ;  il  lui  donna  le  concours  le  plus 
utile,  le  plus  ardent  et  s'occupa  de  l'administration  financière 
de  la  Société  avec  un  soin  parfait,  avec  un  imperturbable 
zèle,  de  1857  à  1879.  Avec  sa  haute  compétence,  pendant 
vingt  deux  ans,  il  voulut  bien  accepter  d'être  le  rapporteur 
de  votre  commission  des  finances. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  dans  l'ordre  administratif  que 
M.  Frédéric  Jacquemart  rendit  des  services  à  la  Société.  Il 
donna  son  concours  à  toutes  les  questions  étudiées  par  notre 
association.  Passer  en  revue  les  communications  qu'il  fit,  le.'^ 
rapports  qu'il  présenta  serait  en  quelque  sorte  revivre  les 
années  écoulées  et  raconter  l'histoire  de  quelques-unes  des 
tentatives  faites  par  notre  association. 

Dès  1854,  justement  préoccupé  de  l'intérêt  qu'il  y  aurait  à 
introduire  en  France  le  Ver  à  soie  du  chêne,  notre  collègue 
fit  les  premières  démarches  aujjrès  de  M.  de  Montigny,  alors 
Consul  général  de  France  en  Chine,  et  auprès  des  KR.  PP. 
des  Missions  étrangères,  en  vue  d'obtenir,  par  leur  inter- 
médiaire, les  cocons  ou  graines  nécessaires.  Il  dirigea  lui- 
même  des  éducations  du  nouveau  séricigène  et,  à  diverses 
reprises,  rendit  compte  devant  vous  des  résultats  obtenus.  Vai 
1864,  notamment,  dans  un  rapport  étendu  resté  un  modèle 
du  genre,  M.  Jacquemart  vous  faisait  connaître  dans  tous 
leurs  détails,  les  procédés  d'élevage  suivis  par  trente  de  nos 
collègues. 

Les  premiers  renseignements  sur  les  cultures  de  plusieurs 
végétaux  chinois  récemment  introduits ,  Ortie  de  Chine  , 
Igname,  Lo-za,  nous  ont  été  également  donnés  par  notre 
collègue. 


PKOCÈS- VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.       83. 

Lorsqu'il  s'agit  de  créer  le  Jardin  zoologique  d'Acclima- 
tation, M.  F.  Jacquemart  fut  chargé  de  rédiger  un  rapport 
étendu  sur  le  projet.  Il  donna  le  plus  utile  concours  à  la 
création  de  cette  nouvelle  Société  dont  il  présida  pendant 
longtemps  le  Conseil  d'administration. 

Ses  études  sur  le  Mouton  prolifique  de  Chine  sont  encore 
présentes  à  la  mémoire  de  tous. 

En  1865,  grâce  à  la  généreuse  intervention  de  M.  Léon 
Roches,  alors  ministre  de  France  au  Japon,  la  Société  put 
mettre  à  la  disposition  des  sériciculteurs  plusieurs  milliers 
d'onces  d'excellente  graine  de  Vers  à  soie  du  mûrier;  c'est 
encore  M.  Jacquemart  qui  prit  la  lourde  responsabilité  de 
leur  répartition  et,  dans  un  rapport  remarquable,  il  nous  a 
fait  connaître  toutes  les  phases  de  cette  importante  opération. 

Nous  lui  devons  aussi  un  excellent  rapport  sur  le  projet 
d'introduction  des  Alpacas  et  Vigognes  en  France.  Et  lorsque 
plus  tard,  suite  fut  donnée  à  ses  conclusions,  c'est  à  M.  Jac- 
quemart que  les  premiers  sujets  furent  confiés.  Arrivés  cou- 
verts de  gale,  dans  le  plus  pitoyable  état,  notre  collègue  sut 
prescrire  les  soins  méticuleux  et  raisonnes  qui  purent  ra- 
mener ces  animaux  à  la  santé. 

Notre  collègue  fut  un  des  premiers  agriculteurs  qui  s'oc- 
cupèrent du  dressage  de  l'Yak  au  labour  et,  en  1866,  il  rece- 
vait un  prix  de  la  Société,  jiour  cet  objet. 

M.  Frédéric  Jacquemart  fut  ici  un  des  ouvriers  de  la  pre- 
mière heure,  et  son  nom  restera  attaché  à  la  fondation  de 
notre  Société  à  laquelle  il  prodigua  pendant  de  longues  an- 
nées un  zèle  des  plus  utiles. 

Je  veux  encore.  Messieurs,  vous  citer  le  nom  de  M.  Louis 
Kralik,  le  collaborateur  dévoué  de  notre  regretté  vice-pré- 
sident Ernest  Casson.  Botaniste  éminent,  M.  Louis  Kralik  a 
étudié  avec  supériorité  la  flore  barbaresque  et  laisse  un  nom 
justement  honoré  dans  la  science. 

Je  ne  saurais  omettre  d'arrêter  nos  souvenirs.  Messieurs, 
sur  le  nom  de  M.  le  marquis  d'PIervey  de  Saint-Denys,  que 
nous  avons  perdu  cette  année  et  qui  fut  un  membre  distingué 
de  notre  association.  Ses  travaux  relatifs  à  l'agriculture  clij- 
noise  sont  très  justement  estimés,  et  notre  recueil  contient 
plusieurs  communications  intéressantes  sur  les  expériences 
d'acclimatation  qu'il  poursuivait. 

Il  faut  songer,  Messieurs,  à  combler  les  vides  qui  se  sont 


84  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APrLlQUÉES. 

laits  sur  la  liste  des  membres  de  notre  Société.  Nous  avons 
perdu  de  précieux,  d'excellents  collaborateurs,  amenez-nous 
des  jeunes.  Que  ces  recrues,  prenant  exemple  sur  les  regrettés 
collègues  que  je  vous  ai  nommés,  apportent  à  la  Société  un 
zèle  soutenu  et  le  désir  de  travailler  avec  nous. 

Cultiver  la  science,  en  cliercber  les  applications,  essayer 
d'augmenter  les  ressources  que  l'espèce  humaine  peut  tirer 
des  êtres  organisés,  introduire  des  espèces,  améliorer  les 
races,  vulgariser  les  bonnes  méthodes,  en  un  mot,  se  rendre 
])ratiquement  utile,  quel  but  plus  noble  et  plus  intéressant  ! 

—  Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  générale  ayant 
été  adopté  par  le  Conseil,  conformément  au  règlement,  il  n'en 
est  pas  donné  lecture. 

—  M.  le  Président  proclame  les  noms  des  membres  récem- 
ment admis  par  le  Conseil  : 

MM.  PRÉSENTATEURS. 

(  Casartelli. 
BELLOT  (Jules),   négociant,  34,   rue  5^' )  ^,  q.^q,^^  saïnt-miahe. 
gonzac,  à  Cognac.  (  j    ^^.^^^^ 

[  A.  Berlhoule. 
Bidault  (Émilien),  notaire,  à  Louhans.      j  A.  Geoflfroy  Saint-Hilaire. 

(   Comte  de  Puyfoutaine. 

ij.  de  Claybrooke. 
A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
A    Porte 

(  A.  Berlhoule. 
BOULINEAU    (Paul),   6,    rae    Mansart,    à  K.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 

P*"^-  (  Marquis  de  Sinëty 

,  (A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 

Chartres   (S.  A.  R.  M^''  le  duc  de;,   2-,       ^    Milue-Edwards. 
rue  Jean-Goujon,  à  Paris.  (  ^    Qustalet. 

Dklmas   (Léonce),    e'ieveur-aviculteur ,   a\ 
Muids  (Eure).  ) 

.       ,  ^     (  A.  Berthoule. 

CORBERON   (comte  Marc  de),   château  de  )  ^^^^.^^  ^^  Corberon. 
Troissereux,  par  Beauvais  (Oisej.  (  ^^^^^^^.^  ^^  ^.^.^^^ 

(A.  Berlhoule. 
DuBKUJEAUD,  rédacteur  de  l'-È'cffiorte  Pans,  \    .    ^,  .       , 
'  <  J.  Grisard. 

3,  rue  d'Eprémesnil,  à  Chatou.  i  Poinlelet. 


J.  de  Claybrooke. 

Lejeune. 

Raveret-Watlel. 


PROCÈS- VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.       85 

MM.  PRÉSENTATEURS. 

,,     .  ,  ^„   , .    (  J-  de  ClaA^brooke. 

DUPRE,   inspecteur   d  Académie,  136  ois,  \    ,     „      ~       „   .   ,  .,.,  . 

,     ,,     .,,      ,  ,.     .,,  '{  A.  Geoffroy  Samt-Hilaire. 

avenue  de  Neuilly,  a  >jeuillv.  I  ^    ^      . 

■^  "  (  E.  Perrier. 

.     „  ,,^      ,  .,         (  A.  Berlhoule. 

JuDic  (Georges),  3,   rue    dEpremesnil,    à  \   ,    ^  . 
„,  <  J.  Grisard. 

Chatou.  ) 

(  Pomtelet. 

Maupassant    (comte    de),    propriétaire,  t  J.  de  Claybrooke. 

château     de     Clermont-sur-Loire,    par  <  A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
Oudon  (Loire-Infe'rieure).  (  Pointelet. 

MoNTiLLOT,  attache'  à  la  préfecture  de  la  [  A.  Berlhoule. 
Seine,   TS,   avenue   de   la   Re'publique,  <  E.  Oustalet. 
Grand-Monlrouge.  (  Comte  de  Puyfontaine. 


^      -         /r,        ^    ,,„   ,        .        „      .  ,^    i  A.  Geoffroy  Saint-Hilaire 
Orléans  (S.  A.  R.  M^"  le  prince  Henri  d'),  \   ,    ,,.,       ^^ 

27,  rue  Jean-Goujon,  à  Paris.  / 


RiDREAU   (D''  Achille),  me'decin  militaire 
en  retraite,  à  Bauge'  (Maine-et-Loire). 

RivoiRE   (Victor),    propriétaire,    50,    rue 
Breteuil,  à  Marseille. 

RosENSTEEL  (F.-C),  propriétaire,  26,  rue 
Saint-Germain,  à  Chatou. 


A.  Milne-Edwards. 

E.  Oustalet. 

A.  Berthoule. 

A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 

D""  Laboulbène. 

A.  Berthoule. 

A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 

De  Saint-Quentin. 

A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 

J.  Grisard. 

Pointelet. 


r>  '  ,T    -P   Tir    •  N       i,i-  •  i  r,   •      (  J-  <^e  Claybrooke. 

Rouille  L -F. -Marie),  publiciste,  au  Bois- \  ,    ^  .       ; 

,,.,_,  i  J.  Grisard. 

Marjac,  à  Fouras.  f  ^   ^  „,       , 

l  C.  Raveret-Wattel. 

—  M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  corres- 
pondance : 

Des  remerciements,  au  sujet  de  leur  récente  admission  dans 
la  Société,  sont  adressés  par  S.  A.  R.  Mgr  le  duc  de  Chartres, 
S.  A.  R.  Mgr  le  prince  Henri  d'Orléans  et  M,  Jules  Bellot. 

—  M,  A.  Plugues  remercie  la  Société  de  l'envoi  qui  lui  a 
été  fait  d'un  couple  de  Lapins  argentés. 

—  M.  F.  Le  Sage  adresse  des  remerciements  pour  les 
graines  à.' Halimodendron  ai-genteion  qu'il  a  reçues  et  fait 
connaître  qu'il  tiendra  la  Société  au  courant  des  résultats  de 
son  essai  de  culture. 

—  Des  demandes  de  graines  sont  faites  par  MM.  Paul 
Skouzès,  D""  Laumonicr  et  Flaunet. 


8Ç  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

—  Des  demandes  de  cheptels  sont  adressées  par  MM.  E. 
Leroy,  D''  Ridreau,  G.  Delanne,  Zeiller,  P.  Desmoulins, 
D-"  Lecler,  M.  Barbier,  E.  Viéville,  D''  Wiet,  H.  Le  Moyne, 
Martel -Houzet,  F.  de  Carpentier,  D--  Laumonier,  Lacger- 
Mavès,  Grevin,  Follie,  H.  Goll,  Hardret,  E.  Godry,  Garno- 
tel,  de  Moutrol,  L.  Bonvalot,  P.  Castel,  Lagarrigues,  R.  Ger- 
main, G.  Jullien,  Silliol,  Arm.  Leroy,  Violot  de  Béer,  R.  de 
la  Villehervé,  C.  de  Kervenoaël,  Ch.  Debreuil,  Tourchot, 
P.  Martineau  et  la  Société  royale  d'acclimatation  de  Liège. 

—  M.  Arbillot,  instituteur  à  Chalindrey  (Haute-Marne), 
adresse  le  résultat  de  ses  observations  sur  les  brouillards  de 
mars  et  les  gelées  de  mai. 

,  —  M.  Sharland  écrit  de  La  Fontaine,  près  Tours,  à  M.  le 
Président  : 

«  Mon  petit  Singe  qui  a  cinq  semaines  va  bien.  Mon  Mandrill  que 
j'ai  depuis  mai  1888  est  le  plus  grand  que  j'aie  jamais  vu.  Cela  ne  dit 
pas  cependant  qu'il  n'y  en  ait  pas  de  plus  grands  dans  les  ménageries. 
J'ai  aussi  un  Mangabe.y  depuis  juin  1887  ;  il  a  passe'  tous  les  hivers 
à  tair  libre  ;  depuis  deux  ans  je  rentre  le  Mandrill  dans  une  écurie 
non  chauffée.  Les  Anis  {Crotophaga  minor)  que  vous  m'avez  envoyé'? 
sont  très  beaux.  Toujours  à  l'air  libre  ;  ils  rentrent  dans  leur  abri  le 
soir  et  quand  il  fait  mauvais  temps.  Je  crois  qu'ils  passeront  l'hiver 
dans  ces  conditions. 

»  Un  des  Flammants  de  Mexique  est  mort  quelques  jours  après  son 
arrive'e  ;  l'autre  est  très  beau  ;  il  se  tient  presque  toujours  dans  l'eau, 
mais  rentre  seul  le  soir  s'il  fait  froid.  » 

—  M.  le  baron  Louis  d'Hamonyille  adresse  un  mémoire 
relatif  au  vœu  du  Conseil  général  de  Meurthe-et-Moselle  sur 
la  protection  à  accorder  aux  petits  oiseaux. 

—  M.  Jules  Bellot  écrit  de  Cognac  à  M.  le  Président  : 

«  J'ai  eu  la  joie  de  voir  naître  en  juillet  dernier  trois  Bnlbuls  à 
joues  rouges.  C'est  la  première  fois,  je  crois,  que  cette  espèce  se  re- 
produit en  captivité'. 

»  La  volière  où  sont  ces  oiseaux  n'est  pas  fort  grande,  elle  ne 
mesure  que  5  mètres  de  long  sur  2"^80  de  large  ;  la  hauteur  est  de 
2  mètres  seulement. 

»  Le  fond,  dans  toute  la  longueur,  est  couvert  sur  une  largeur  de 
1™,20  ;  le  restant  est  à  l'air  libre.  Un  ruisseau  d'eau  courante  la  par- 
court dans  toute  sa  longueur. 

»  L'hiver,  toute  la  partie  libre  se  ferme  par  des  châssis  et  des  portes 
vitrées. 

»  Vous  voyez  que  ce  n'est   pas  un  palais,  surtout  que  ladite  volière 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉAXCES  BE  LA  SOCIÉTÉ.  87 

ne  contient  pas  seulement  que  ce  coui)le  de  lîulbuls  ;  ils  s'y  trouvent 
«n  nombreuse  compagnie  ;  plus  de  cent  oiseaux  sont  avec  eux,  depuis 
Je  Venire-orange  jusqu'aux  Merles  bronze's. 

>>  Ne  croyez  pas  que  les  Bulbuls  seuls  se  soient  reproduits  avec 
tant  de  voisins;  non,  j'ai  obtenu  cette  aune'e  4  niche'es  de  Cardinaux 
rouges,  12  petits  Cardinaux  gris,  1  couvée  de  Mandarins,  1  couvée  do 
Moineaux  du  Japon  ,  2  couvées  de  Diamants  Gould  ,  1  de  Joues- 
orange.  Quant  aux  Amadiaes  à  collier  et  les  Bec-de-plomb,  je  ne  puis 
préciser  le  nombre  de   nichées. 

»  Si  je  vous  donne  ces  détails,  c'est  pour  vous  montrer  les  résultats 
obtenus  sans  avoir  eu  recours  à  la  chambre  d'hiver  (ils  sont  tous  en- 
trés ici  au  printemps  91)  et  surtout  avoir  vu  se  reproduire  des  espèces 
bien  différentes  sans  multiplier  les  cages  d'e'levage. 

»  Mais  revenons  à  mes  Bulbuls  à  joues  rouges.  Comme  presque 
tous  mes  oiseaux,  ils  préfèrent  aux  boîte.*  et  aux  nids  artificiels  les 
arbres  ;  seulement  les  trois  pontes  qu'ils  firent  lurent  faites  dans  des 
nids  abandonnés,  ce  qui  provoqua  dos  disputes  avec  les  anciens  pro- 
priétaires. 

»  La  première  fois,  les  œufs  furent  mangés  par  les  Queues  de  vi- 
naigre, on  les  mit  à  la  porte..  .  à  la  seconde  fois  je  vis  une  Domini- 
caine qui  dégustait  les  œufs,  deuxième  expulsion  . .  Enfin  le  3  juillet 
mes  Bulbuls  pondirent  une  troisième  fois.  Ils  adoptèrent  un  nid  aban- 
donné par  les  Cardinaux  gris,  ils  y  ajoutèrent  quelques  brindilles  de 
pai>ier,  pour  avoir  l'air  d'y  tiavailler.  Ils  y  déposèrent  trois  œufs  un 
peu  moins  gros  que  ceux  du  Cardinal  rouge,  d'un  blanc  teinté  de  rose 
avec  des  taches  lie  de  vin. .  .  Comme  c'est  un  oiseau  très  craintif  et 
qu'il  quittait  le  nid  chaque  fois  qu'il  voyait  quelqu'un,  même  de  loin, 
je  mis  un  store  de  son  côté.  Le  14  juillet  on  vint  m'annoncer  que  les 
Bulbuls  mangeaient  leurs  œufs  !  Entrer  dans  la  volière  fut  vite  fait  ; 
mais  ma  surprise  fut  bien  agréable  de  voir  un  petit  de  né  et  l'autre 
qui  sortait  de  la  coquille.  Le  troisième  naquit  le  lendemain,  ce  qui 
porte  à  onze  jours  la  durée  de  l'incubation. 

»  Comme  nourriture  je  leur  donnai,  comme  aux  Cardinaux,  des  vers 
<Je  farine,  des  œufs  de  fourmis;  ils  avaient  à  leur  disposition  fruits, 
soupe  au  lait,  pâtée,  etc.  ;  mais  ce  qu'ils  pre'féraient,  c'était  les  saute- 
relles; ils  en  faisaient  une  telle  consommation  qu'on  parvenait  à  peine 
à  pouvoir  les  satisfaire. 

V  Le  27  août,  ils  sortirent  du  nid,  presque  sans  plumes.  Les  parents 
continuèrent  très  longtemps  à  les  nourrir.  Ils  n'ont  la  tache  rouge  à  la 
joue  que  de  la  semaine  dernière;  elle  était  seulement  indique'e  par  une 
marque  de  nuance  marron.  » 

—  M.  le  baron  Le  Pelletier  écrit  du  château  Salvert 
(Maine-et-Loire),  en  date  dti  6  novembre,  à  M.  le  Directeur  du 
Jardin  zoolojiiquo  d'Acclimatation  : 


88  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

«  Je  vous  enverrai,  comme  échantillon,  un  couple  de  Dindons- 
bronze's.Vous  pourrez  vous  rendre  compte  par  vous-même  que  ces 
oiseaux  sont  en  parfaite  santé  quoique  vivant  en  liberté  et  nullement 
nouiris.  C'est  donc  un  oiseau  de  chasse  et  appelé^  à  faire  un  tableau 
en  battue.  J'en  possède  actuellement  au  moins  une  centaine  et  ils  ne 
m'ont  pas  coûté  un  centime  d'e'levagc  et  de  nourriture.  »  , 

—  M.  Dlierse  adresse,  pour  le  concours,  un  manuscrit 
ayant  pour  titre  :  Monographie  des  Phasianidés. 

M.  Daguin  demande  également  à  prendre  part  au 'concours; 
ouvert  par  la  Société  et  envoie  diverses  brochures  et  un  ma- 
nuscrit intéressant  les  poissons  et  la  pisciculture. 

—  M.  le  baron  d'Yvoire  adresse  un  extrait  d'un  ouvrage 
de  M.  Hue  :  Vempire  chinois,  sur  le  Tsou-no-dze  ou  Polyi>e 
à  vinaigre. 

—  M.  Schuster,  bourgmestre  à  Fribourg-en-Bavière,  fait  con- 
naître qu'il  ne  pourra,  à  son  regret,  faire  à  la  Société  l'envoi 
d'œuf  de  Truite  Arc-en-Ciel,  qui  lui  avait  été  demandé. 

—  M.  le  baron  von  Mueller  écrit  à  M.  le  Président  : 

«  Par  ce  courrier,  je  vous  envoie  des  graines  fraîches  d'£ucalyplusr 
de  la  sorte  dont  on  distille  la  précieuse  mallee-oil.  Ces  espèces  pous- 
sent dans  les  déserts  de  sable  :  elles  pourraient  donc  être  particulière- 
ment utiles  pour  les  re'gions  prive'es  d'eau  de  l'Algérie.  Les  graines  de 
Casuarina  glauca,  var.  deserticola,  peuvent  être  aussi  semées  dans  les 
endroits  secs  de  l'intérieur  de  l'Afrique  seplenlrionale. 

*  Peut-être,  s'il  m'est  permis  de  donner  mon  avis,  pourrait-on  en- 
voyer une  partie  de  ces  graines,  ainsi  que  de  celles  de  «  Salt-bushs  » 
à  la  Société  d'Acclimatation  d'Alger.  J'ai  l'honneur  d'être  membre 
honoraire  de  cette  Société  depuis  de  nombreuses  années,  mais  je  lui 
ai  rarement  envoyé  des  graines,  donnant  toujours  la  préférence  à  la 
grande  Société  nationale  de  Paris,  qui  saura  bien  faire  parvenir  on 
lieu  opportun  les  graines  destinées  au  climat  algérien. 

2-  Je  continuerai  à  vous  envoyer  des  graines  d'arbres  et  autres^ 
plantes,  afin  qu'on  puisse  les  employer  pour  le  Sahara. 

»  Je  vous  envoie  aussi  des  graines  d'Eucali/plus  maculata,  espèce 
qui  fournit  le  bois  le  plus  élastique  de  tous  les  Eucalyptus;  mais  elles 
ne  pousseraient  pas  dans  des  terrains  arides,  car  on  ne  les  rencontre  à 
l'état  naturel  que  dans  le«  forêts  humides. 

»  Voudriez-vous  consigner  les  résultais  des  expériences  tentées- 
avec  ces  graines  dans  la  Bévue  des  Sciences  naturelles^  que  je  suis- 
heureux  de  recevoir  régulièrement  ? 

—  M.  le  docteur  Heckel,  professeur  à  la  Faculté  de.^ 
sciences  de  Marseille,  écrit  à  M.  le  Président  : 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  89 

«  Je  vous  serais  très  obligé  de  vouloir  bien  communiquer  à  la 
section  de  botanique  de  la  Société'  l'étonnement  agréable  que  m'a 
cause'  la  lettre  d'un  de  nos  sociétaires  faisant  connaître,  à  la  suite  de 
mon  article  sur  le  Dioscorea  bulbifera,  l'existence  de  la  culture  des 
Ignames  soit  dans  le  midi  de  la  France,  soit  aux  environs  de  Paris. 
J'ai  voulu  cependant,  avant  de  répoudre,  faire  une  enquête  appro- 
fondie pour  m'assurer  si  réellement  il  y  avait  autre  cbose  que  des 
espe'rances  (émises  dans  mes  prévisions),  au  point  de  vue  de  la  cul- 
ture possible  du  Dioscorea  batatas  dans  le  midi  de  la  France  et  en 
Algérie.  Cette  enquête  m'a  donné  les  résultais  que  voici: 

»  On  n'a  jamais  cultivé  daus  le  midi  de  la  France,  d'une  façon 
suivie,  l'Igname  de  Chine:  quelques  tentatives  ont  été  faites  et  on  a 
diî  y  renoncer  à  cause  de  la  nécessite'  d'employer  spécialement  à  celle 
culture  des  terrains  très  ameublis.  Il  y  a  longtemps  que  cette  culture 
est  abandonnée  de'tinitivement  après  des  essais  infructueux.  C'est  là 
ce  qui  re'sultc  de  la  consultation  des  membres  les  plus  compe'tents  et 
les  plus  anciens  de  la  Société'  d'horticulture  et  de  botanique  du  Rhône, 
que  je  préside,  et  de  la  Socle'le'  d'agriculture. 

»  En  Alge'rie,  mômes  résultats  négatifs;  j'en  ai  l'assurance  de 
M.  Kiviérc,  directeur  du  jardin  d'essai. 

»  Quant  aux  cultures  des  environs  de  Paris  elles  peuvent  exister, 
mais  en  ce  qui  me  concerne  et  d'après  certains  témoignages,  je  suis 
convaincu  que  si  l'on  voit  quelquefois  des  Ignames  de  Chine  à  la 
devanture  de  Chevet  et  autres,  elles  proviennent  de  la  Chine  par  les 
grands  paquebots  des  Messageries  Maritimes.  Néanmoins,  je  n'ai 
aucune  raison  de  nier  l'existence  de  semblables  cultures,  mais  je  n'en 
ai  jamais  vu  nulle  part. 

»  Pour  vider  celte  question  du  Dioscorea  bulbifera,  nos  collègues 
apprendront  sans  doute  avec  quelque  satisfaction  que  la  Société 
impériale  d'acclimatation  avait  fait  distribuer  des  tubercules  de  cette 
plante,  vers  1868,  ainsi  que  je  crois  en  trouver  la  preuve  dans  l'entre- 
filet suivant,  que  je  tire  du  Cosmos,  19  mai  1869,  sous  le  litre  de 
POMME  DE  TEKRE  AÉRIENNE:  «  On  voit  en  cc  moment,  dans  une  serre 
»  froide  du  jardin  de  la  ville  de  Toulon,  un  pied  de  Dioscorea  alata  (1), 
»  ou  pomme  de  terre  aérienne,  ayant  plusieurs  tubercules,  parfai- 
»  tement  développés  vers  les  tiges  supo'rieures  ;  le  jardinier-chef, 
»  M.  Auzende,  espère  qu'à  l'arrachage  il  trouvera  aussi  des  tubor- 
»  cules;  ce  serait  donc  un  double  avantage.  Maintenant,  ce  le'gume 
»  est-il  bon  ?  Voilà  une  grande  question.  Dans  lous  les  cas,  il  est 
»  très  original  et  nous  ne  pouvons  qu'encourager  M.  Auzende  dans 
»  ses  essais.  Cet  Igname  provient  d'un  envoi  fail  par  la  Société'  impé- 
»  riale  d'acclimalalion.  » 

»  Je  crois  avoir  répondu  par  mon  travail. aux  questions  que  le  Co5?mo5 

(1;  C'est  là  évidemment  une  erreur  de  déterminaliou,  il  s'agit  bien  du  D.  bul- 
bifera, car  celle  espèce  est  la  seule  Igname  qui  porte  des  bulbes  aériennes. 


90  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

posait  il  y  a  viiifrl-qualre  aus.  Il  serait  intéressant  de  reohercber  dans 
les  bulletins  de  la  Société  nationale  d'Acclimatation  d'où  lui  venaient 
les  tubercules  de  D.  bulbifera,  que  la  Société  fit  distribuer  et  à  quelle 
anne'e  correspond  cette  distribution.  Cette  recherche  sera  facile  dans  les 
archives  de  la  Société.  » 

—  M.  le  docteur  Lanmonier  annonce  qu'il  a  fait  renvoi  de 
différentes  espèces  de  Bambous,  provenant  de  son  cheptel,  à 
ceux  de  nos  collègues  qui  lui  avaient  été  désignés  par  la  So- 
ciété. —  Remerciements. 

—  M.  A.  Roussin  écrit  à  M.  le  Secrétaire  général  : 

«  11  convient  que  je  rende  compte  à  la  Société  d'Acclimatation  de 
ma  culture  des  pommes  de  terre  Richler's  Imperator,  provenant  de 
votre  distribution  do  1890.  Voici  ce  que  j"ai  à  vous  dire  : 

»  L'envoi  de  la  Société,  2  kilos  environ,  a  produit,  la  troisième 
année,  soit  celte  année-ci,  8,300  kilos,  récolte  de  0  hect.  28  ares. 

»  La  culture,  faite  dans  un  sol  lé^'cr  du  Finislère,  avec  dti  fumier  de 
ferme,  sans  calcai7-e  ni  phosphates,  a  donné  un  rendement  de 
:îO,000  kilos  à  l'hectare. 

»  Sans  les  gelées  tardives  de  ce  prinlcmps,  qui  ont  affaibli  un 
certain  nombre  de  plants  et  même  détruit  complètement  quelques-uns 
d'entre  eux  dont  les  emplacements  sont  restes  vides,  le  rendement  cîit 
atteint  quelques  milliers  de  kilogrammes  de  plus. 

»  Je  signale  l'espèce  dans  la  région  et  en  fais  quelques  distri- 
butions. ^> 

—  M.  Brierre,  de  Saint  Hilaire-de-Riez  (Vendée),  fait 
hommage  d'un  certain  nombre  de  bulbes  dAil  remar- 
quables par  leur  gros.seur.  —  Remerciements. 

—  Le  R.  P.  Camboué  écint  de  Tananarive  à  M.  le  Secré- 
taire général  : 

«  Je  vous  adresse,  en  même  temps  que  ces  lignes,  en  deux  paquets 
postaux  (échantillons),  quelques  spécimens  de  «  Tavolo  ».  Celle 
Taccacée,  peut-être  Tacca  pin-iatifida  Forst.  ou  voisine,  provient  des 
hauteurs  centrales  et  tempérées  de  Llmerina.  Voilà  pourquoi  je  vous  en 
envoie  quelques  tubercules  pour  la  Société  d'Acclimatation.  Il  y  aura 
peut-être  aussi  plus  de  chance  de  rc'ussile. 

»  Nos  Malgaches  prisent  fort  le  Tavolo,  riche  en  fécule,  dont  ils 
retirent  une  espèce  de  arrôw-root,  qui  se  vend  bien  sur  le  marché  de 
Tananarive.  » 

—  M.  Cliatot  écrit  de  Saint-Germain- du-Bois  (Saône-et- 
Loire),  à  M.  le  Président  : 

«  Depuis  quelques   années  déjà,  la  Société  d'Acclimatation  en  ge'- 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  91 

néral,  et  voire   serviteur   en  particulier,   s'occupent  de  la  culture  du 
Stachys. 

»  Je  vous  ai  adresse'  l'an  dernier  une  petite  note,  que  vous  avez 
reproduite  dans  la  Revue,  contenant  un  re'sume'  de  mes  observations 
sur  la  culture  de  celte  plante. 

»  J'ai  lu,  dans  l'un  des  derniers  nume'ros,  que  M.  Cbappellier  re- 
commande un  Stachys  indigrue,  qui  n"os(  qu'une  variété  du  Stachys 
palustris. 

»  Je  veux  aussi  vous  faire  part  d'une  trouvaille  : 

»  Ily  a  environ  un  mois  ou  six  semaines,  en  traversant  un  champ  fraî- 
chement labouré  sur  le  terriloiie  de  la  commune  de  Bouhans  (Saône- 
et-Loirc',  j'ai  rencontré  un  tubercule  de  Stachys,  qui  m'a  paru  bien  plus 
gros  et  plus  renfle  que  le  Stachys  palustris;  —  serait-ce  le  même  que 
celui  dont  parle  M.  Chappelliur?  S'il  vient  à  point,  ce  que  j'ai  tout  lieu 
de  croire,  je  vous  en  adresserai  quelque  échantillon  lorsqu'il  sera  venu, 
afin  de  le  délerminer. 

»  Si  ce  Stachys  avait  quelque  utilité,  ce  serait  une  bonne  fortune. 

»  Le  terrain  dans  lequel  je  l'ai  trouvé  est  l'opposé  de  celui  qui  con- 
vient au  tuhei'ifera.  C'est  un  sol  argileux,  compact,  contenant  un  peu 
de  marne  à  l'état  de  granules. 

»  J'ai  re'colte'  une  certaine  quantité'  de  graines  de  Cryptotœnia  Ca- 
nadensis,  que  je  mets  gracieusement  à  votre  d>:si)osition,  si  cela  peut 
vous  être  agréable. 

»  Je  suis  assez  satisfait  de  celte  plante  qui  se  consomme  à  la  façon 
des  épinards,  et  qui  a  supporté  sans  en  soutTrir  l'hiver  1890-1891. 

»  En  1890,  la  Socie'Lé  m'a  remis  en  cheptel  quelques  pieds  de  Bam- 
l/usa  flexuosa;  l'hiver  m'en  a  de'truit  deux  pieds,  près  desquels  on  a 
passé  quelquefois  pendant  cet  hiver.  Les  autres,  que  je  croyais  aussi 
perdu,  ont  énorme'ment  soulïert  ;  ils  ont  pousse'  pendant  tout  l'e'te'  der- 
nier avec  une  lenteur  de'sespérante.  Cette  anne'e,  ils  semblent  vouloir 
partir  avec  plus  de  vigueur. 

»  J'ai  aussi  deux  pieds  de  Simouii  qui  végètent  et  ont  plus  soufifert 
que  les  premiers.  » 

—  Des  comptes  -  rendus  de  cheptels  sont  adressés  par 
MM.  E.  Viéville,  L.  Fatin,  H.  Le  Moyne,  Dherse,  comte  de 
Mondion,  D""  J.-J.  Lafon,  Martel-Houzel,  Plontz,  baron  P. 
de  Bourgoinfi',  E.  Paillard,  C.  de  Kervénoaël,  Achille  Olry, 
de  Confevron,  Paul  Blanchon  et  Cyi)rien  Girerd. 

—  A  l'occasion  de  la  correspondance,  M.  Décrois,  rappelle 
qu'au  printemps  dernier  il  a  appelé  l'attention  de  la  Société 
sur  les  ravages  causés  en  Algérie  par  les  Sauterelles.  A  cette 
époque,  il  avait  été  chargé  par  la  Société  d'écrire  à  la  Société 
d'agriculture  d'Alger  pour  avoir  son  appréciation  sur  l'appa- 


92  HEVUE  DES  SCIENCKS  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

reil  imaginé  par  M.  Durand.  Sa  lettre  est  malheureusement 
re.stée  sans  réponse  et  notre  confrère  s'en  étonne. 

M.  Decroix  dépose  ensuite  sur  le  bureau  deux  brochure.s 
ayant  pour  titre  :  Le  fléau  des  sauterelles  en  Algérie  et  les 
moyens  de  les  combattre,  publié  par  le  Comice  agricole 
de  Médéa,  et  Rapxjort  de  la  commission  instiluée  pour  étu- 
dier le  nouvel  apijareil  Durand  destiné  à  la  destruction  des 
criquets,  publié  par  le  Syndicat  départemental  de  défense 
contre  le  phylloxéra  (Département  d'Alger).  —  Ce  rapport  est 
absolument  favorable  au  système  Durand. 

—  Sur  la  demande  de  M.  le  Président,  M.  Durand  qui,  par 
hasard,  assiste  à  la  séance,  fait  une  intéressante  communica- 
tion qui  sera  reproduite  ultérieurement  dans  la  Revue. 

—  M.  Pichot  fait  connaître  qu'il  a  reçAi  récemment  la  visite 
de  M.  Sivell,  de  Chicago,  chargé  par  les  éleveurs  de  son  pays 
de  recueillir  des  documents  sur  la  gallinoculture  en  Europe. 

Notre  confrère,  qui  a  été  l'un  des  premiers  à  introduire  en 
France  une  volaille  aujourd'hui  fort  répandue,  la  Langshan, 
a  reçu  de  ce  collègue  américain  les  statuts  et  comptes- rendus 
d'un  club  fondé  aux  Etats-Unis,  spécialement  pour  l'élevage 
de  cette  race,  de  façon  que  les  types  soient  parfaitement  étu- 
diés et  qu'il  n'y  ait  plus  d'hésitations  dans  la  manière  de  les 
juger  dans  les  concours. 

M.  Pichot  dépose  sur  le  bureau  l'Annuaire  de  ce  club  pour 
1891,  la  troisième  année  de  son  existence:  il  renferme  plu- 
sieurs bons  dessins  ;  un  type  présente  à  peu  près  le  plumage 
de  la  poule  de  Houdan,  il  y  en  a  en  outre  de  blancs,  de  bleus, 
de  gris,  etc. 

Notre  confrère  présente  ensuite  quelques  spécimens  de 
plumes  d'une  race  américaine  très  en  vogue  dans  ce  pays,  la 
Wyandotte.  Une  variété  dite  «  violette  »  à  cause  de  la  bor- 
dure dont  la  teinte  approche  de  cette  couleur,  est  d'un 
charmant  effet  ;  on  compte,  du  reste,  huit  ou  dix  variétés  de 
cette  race  aux  Etats-Unis. 

—  M.  Remy  Saint-Loup  fait  une  communication  sur  le 
Léporide  et  la  notion  de  l'espèce. 

Notre  confrère  rappelle  que  le  manuscrit  de  ce  travail  a  été 
déposé  il  y  a  un  mois  et  qu'il  est  antérieur,  par  conséquent,  à 
une  note  présentée  récemment  à  l'Académie  des  sciences,  sur 
un  sujet  analogue. 


PROCES-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  L.\  SOCIÉTÉ.  93 

—  M.  P.  Chappellier  rend  compte  de  ses  cultures  d'Ignames 
et  de  Stacliys  et  présente,  à  l'occasion  de  la  correspondance, 
les  observations  suivantes  : 

«  Vous  venez  d'entendre  la  lecture  d'une  lettre  de  M.  Heckel,  dan5? 
laquelle  il  est  question  de  l'Igname  de  Chine  ;  de'jà,  au  cours  d'une 
savante  e'iude  sur  le  Dioscorea  bulbifera,  insérée  dans  le  Bulletin  de 
mars  dernier,  p.  268,  M.  Heckel  avait  écrit  : 

»  Parmi  les  tubercules,  dits  Ignames,  les  plus  utilisés  et  les  plus  re- 
commandables  sont  ceux  du  Dioscorea  batatas  de  la  Chine,  intro- 
duit dans  nos  colonies  tropicales,  et  qui  jjourraienl  vraisemblablement 
être  cultivés  avec  succès  dans  le  midi  de  la  France  et  eu  Algérie. 

»  Dans  le  Bulletin  du  20  avril  suivant,  p  433,  je  faisais  observer  à 
M.  Heckel  que  son  vœu  était  réalisé  depuis  longtemps. 

'>  Cette  note  n'a  pas  convaincu  M.  Heckel.  En  effet,  il  y  répond 
dans  les  termes  suivants  dans  la  lettre  qui  vient  de  vous  être  lue  : 

«  Quant  aux  cultures  des  environs  de  Paris,  elles  peuvent  exister, 
»  mais  en  ce  qui  me  concerne,  et  d'après  certains  te'moignages,  je  suis 
»  convaincu  que  si  l'on  voit  quelquefois  des  Ignames  de  Chine  à  la  de- 
»  vantuie  de  Chevet  et  autres,  elles  proviennent  de  la  Chine  par  les  grands 
»  i)aqucbots  des  Messageries  Maritimes.  Ne'anmoins,  je  n'ai  aucune 
»  raison  de  nier  l'existence  de  semblables  cultures,  mais  je  n'eu  ai 
»  jamais  vu  nulle  part.  » 

»  Ce  doute  ite'ratif  et  persistant  sur  l'existence  de  la  culture  cou- 
rante des  Ignames  de  Chine  aux  environs  de  Paris  et  sur  \a  2^rovenance 
de  Cilles  qui  y  sont  vendues,  émanant  de  la  plume  autorisée  du  direc- 
teur d'un  j-irdin  botanique,  du  Pre'sident  d'une  Socie'te'  d'horticul- 
ture, d'un  professeur  à  la  Faculté,  serait  de  nature  à  de'courager  les 
tentatives  d'extension  de  cette  culture  ;  ce  doute  vient  directement  à 
rencontre  des  intentions  formulées  depuis  longtemps  et  renouvelées 
l)ien  souvent  par  notre  Société';  tout  récemment,  elle  a  attribue'  une 
prime  pécuniaire  importante  pour  la  culture  d'une  espèce  d'Igname, 
le  D.  Vecaisneana,  qui  cependant  ne  présente  qu'un  intérêt  secon- 
daire ;  de  i)lus,  elle  a  institué  un  concours  avec  une  prime  encore  plus 
o'ievée  pour  la  production  ou  l'introduction  d'une  espèce  ou  variété 
vraiment  méritante. 

»  Je  me  crois  donc  autorisé  à  revenir  sur  cette  question  et  à  vous 
exposer  quelques  faits  qui,  cette  fois,  je  l'espère,  convaincront 
M.  Heckel. 

»  .l'ai  fait  dernièrement  une  petite  enquête  auprès  des  producteurs 
et  des  vendeurs  de  ce  légume  ;  en  voici  le  résultat.  Tous  les  vendeurs 
que  j'ai  consultés  m'ont  déclare  qu'ils  n'avaient  jamais  vu  une  Igname 
venant  de  Chine.  Je  ne  voudrais  pas  donner  les  noms  et  adresses  do 
ces  commerçants,  de  peur  d'être  accusé  do  leur  faire  une  réclame  ;  il 
en  est  un  cependant   que  je  puis  citer  :   c'est  celui  de  notre  collègue, 


94  KEVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

M.  Ilédiard,  puisqu  il  vous  a  fait  hiea  souvent  des  présentations  de 
cette  plante,  qui  sont  consignées  dans  notre  Bulletin  et  dans  celui  de 
la  Société  nationale  d'horticulture.  Les  Ignames  de  Chine  qu'il  vend 
en  quantité  considérable,  proviennent  toutes,  sans  exception,  des  cul- 
tures parisiennes  ;  s'il  est  quelquefois  en  rapport  au  sujet  de  ce  lu- 
Ijcrcule  avec  des  Chinois  habitant  Paris,  c'est  pour  leur  en  vendre, 
jamais  pour  leur  en  acheter. 

»  11  en  est  de  même  de  la  maison  Chevet  que  M.  Ileokel  cite  dans 
sa  lettre  :  Je  m  en  suis  assuré. 

»  Quant  aux  maraîchers  producteurs,  je  ne  voudrais  pas  non  plus 
en  donner  une  liste  ;  il  en  est  un  ce,jendant  que  je  pourrais  indiquer, 
puisque  sou  nom  figure  dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'horticulture, 
comme  pre'sentateur  d'Ignames  soit  aux  séances,  soit  aux  expositions. 
Vous  savez  d'ailleurs  qu'un  de  no5  collègues  les  plus  zélés  cultive, 
dans  sa  propriété  des  environs  de  Paris,  et  livre  aux  magasins  de 
comestibles,  'près  d'un  millier  de  tubercules  par  an  pouvant  peser 
plus  de  500  kilogs.  ^• 

»  En  dehors  de  ces  producteurs  et  vendeurs  de  rhizomes  destinés  à 
la  consommation,  l'Igname  de  Chine  est  encore  cultivée  dans  un 
grand  nombre  de  potagers,  comme  il  est  facile  de  s'en  convaincre  par 
ce  qui  suit. 

"  La  maison  Vilmorin  —  je  puis  bien  la  citer,  puisque  l'un  de  ses 
chefs  est  précisément  le  i)résident  de  notre  section  de  botanique  et 
des  végétaux,  à  laquelle  M.  Hcckel  nous  prie  de  couimuniquer  su 
lettre  —  la  maison  Vilmorin  vend  annuellement  à  sa  clientèle  un  mil- 
lier de  petites  Ignames  d'un  an,  sans  compter  les  bulbilles.  Les  trente 
à  quarante  marchands  graiuiers  parisiens  en  débitent  également.  Cha- 
cune de  ces  petites  Ignames  plantée  au  printemps,  produit  à  l'au- 
tomne suivant  un  rhiz-mie  de  grosseur  normale  pour  la  consomma- 
tion. Ces  milliers  de  petites  Ignames  d'un  an  sont  utilisées  par  les 
jardiniers  qui  ne  veulent  i)as  se  donner  la  peine  de  produire  leur  plant: 
mais  d'autres,  plus  économes,  élèvent  eux-mêmes  ce  plant,  au  moyen 
du  semis  des  bulbilles.  C'est  ainsi  que  j'opère  dans  mon  modeste  pota- 
ger où  je  viens  d'arracher  plus  de  deux  cents  Ignames  de  première  et 
de  deuxième  année. 

»  Pour  me  résumer,  je  puis  ccriitler  à  M.  Heckel,  que  ce  légume 
excellent,  productif  et  rustique,  est  cultivé  couramment  aux  environs  de 
Paris  et  vraisemblablement  dans  beaucoup  d'autres  parties  de  la 
France  et  qu'il  réussit  parfaitement  en  pleine  terre  et  sans  aucun  soin 
spécial  ;  il  n'a  qu'un  défaut,  la  tiop  grande  longueur  de  son  rhizome, 
défaut  qui  a  été  fort  exagéré  et  exploité  par  certains  jardinieis  peu 
travailleurs  (que  saint  Fiacre  me  pardonne  ce  blasphème  contre  quel- 
ques-uns des  membres  de  sou  honorable  corporation). 

>■  Si  M.  Heckel  voulait  bien  me  le  permettre,  je  me  forais  un  véri- 
table plaisir  de  lui  euvdver  un  ou  deux  tubercules  venus  dans  mon  jur- 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  95 

din,  aux  environs  de  Paris,  en  pleine  terre  et  sans  plus  de  soin  que 
n'en  réclame  une  pomme  de  terre. 

»  Ce  dernier  argument  ad  hominem,  en  passant  par  l'estomac  de 
mon  honorable  contradicteur,  arriverait  il  plus  facilement  jusqu'à  son 
esprit  ?  » 

—  M.  le  marquis  de  Sinét}^  dit  que  M.  le  marquis  Sé;^uiei% 
qui  fut  longtemps  notre  conlrère,  cultivait  Tlgname  de  Chine, 
qui  venait  paiiaitement  bien  chez  lui. 

—  M.  le  Président  ajoute  que  dans  le  potager  de  M.  Jac- 
quemart on  cultivait  également  l'Igname  sur  une  assez  grande 
échelle,  et  que  cette  racine  alimentaire  paraissait  sur  la  table 
de  nutre  confrère  comme  tous  les  autres  légumes. 

—  M.  Pichot  signale  à  l'assemblée  l'intérêt  que  présenterait 
une  enquête,  avec  chiffres  à  l'appui,  sur  les  nombreux  fruits 
exotiques  que  nous  voyons  aujourd'hui  à  Paris  chez  les  mar- 
chands de  comestibles  et  sur  la  part  que  la  Société  a  pu 
prendre  dans  le  développement  de  ce  commerce. 

Pour  le  secrétaire  des  séances, 

Jules  Grisard, 
Secrétaire  du  Comité  de  rédaction. 


III.  CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS. 


Les  Souris  migratrices.  —  On  a  noie  dans  le  sud-ouest  de  la 
Russie  un  fait  1res  extraordiuutre  :  les  Souris  ont  disparu  non  seule- 
ment des  campafrues,  mais  encore  des  villes  et  des  villages. 

Le  Kiew-Slowo  rapporte  qu'il  y  eut  au  printemps  de  l'anne'e  der- 
nière, dans  celle  région,  une  telle  abondance  de  Souris  que  les  habi- 
lanls,  ne  parvenant  pas  à  s'en  préserver,  éprouvèrent  des  pertes  sé- 
rieuses pour  leurs  récoltes.  Mais,  au  printemps  suivant,  ces  rongeurs 
avaient  déserte  la  contrée.  Les  nombreux  trous  pratiques  par  eux 
dans  les  champs  et  les  jardin-î  témoignaient  seulement  de  leur  pas- 
sage. *^- 

Empoisonnement  des  Faisans  par  les  feuilles  de  l'If.  — 

A  diverses  reprises  ou  avait  constate  dans  d^s  faisanderies  d'Angle- 
terre que  les  Oiseaux  périssaient  sans  qu'on  pût  en  déterminer  la 
cause.  Récemment,  l'on  disséqua  plusieurs  de  ces  Faisans  et  l'on  dé- 
couvrit une  forte  irritation  dans  tout  l'organe  digestif  et  particulière- 
ment dans  le  gésier.  En  examinant  sous  le  micro.ecope  les  restes  de 
nour.-iture,  on  reconnut  qu'ils  avaient  mangé  une  grande  quantité  de 
feuilles  d'If  {Taxas  baccata]  et  qu'ils  en  étaient  moris  empoisonnés. 

On  se  préparait  à  annoncer  au  propriétaire  de  la  faisanderie  le  ré- 
sultat de  l'autopsie,  quand  on  reçut  d'autres  Faisans  qui  avaient  été 
trouvés  morts  près  du  même  If  que  les  premiers.  Le  même  cas  d'em- 
poisonnement fut  couslaté  chez  eux. 

L'arbre  portait  des  chatons  femelles.  Il  paraîtrait  donc  que  Vif 
femelle  possède  seul  une  action  mortelle  sur  les  Faisans.  De  S. 

Sur  l'élevage  des  Abeilles    dans  l'Afrique  centrale.  — 

Les  Wakawironoas  qui  habitent  Kabara,  village  situé  dans  le  Ka%vi- 
rondo,  près  du  lac  Victoria  Nyanza,  élèvent  les  Abeilles  d'une  façon 
assez  originale. 

Sir  J.  Thompson  trouva  des  ruches  dans  presque  toutes  les  huttes. 
La  ruche  se  compose  d'une  bûche  de  bois  creuse,  fixée  dans  le  mur 
de  l'habitation.  Il  existe  une  issue  à  l'extérieur  pour  les  Abeilles.  Mais 
c'est  à  l'intérieur  que  l'indigène  retire  les  rayons  de  miel.  La  fumée 
épaisse  qui  remplit  ordinairement  la  hutte  donne  au  miel  une  cou- 
leur noirâtre  et  lui  communique  un  goût  fort  désagréable.  Cet  état  de 
choses  n'inquiète  nullement  les  Abeilles,  et  les  Wakawironoas  se  ré- 
galent de  leur  miel.  De  B. 


U  Gérant  :  Jules  Grisard. 


1.  TRAVAUX  ADRESSES  A  LA  SOCIETE. 


NOS  ALLIES  CONTRE  LES  SAUTERELLES 

Par  m.  J.  FOREST  aîné. 


La  prospérité  de  notre  Afrique  du  Nord  est  mise  cruelle- 
ment à  l'épreuve  par  un  fléau  qui  semble  acclimaté  et  se 
reproduit  régulièrement  depuis  quelques  années.  Aujourd'hui 
une  des  plus  importantes  questions  pour  l'avenir  de  la  colo- 
nisation est  sans  conteste  celle  qui  assure  l'agriculture  contre 
son  ennemie  la  plus  terrible  «  la  Sauterelle  »  (1). 

On  a  écrit  sur  ce  débat  de  nombreux  volumes,  on  a  com- 
pilé des  in-quarto,  on  a  discuté  chimiquement,  physiquement 
et  le  résultat  malheureusement  obtenu  a  été  insignifiant, 
malgré  le  bon  vouloir  de  chacun  et  malgré  les  sommes  con- 
sidérables dépensées  à  cet  effet. 

La  pratique  du  procédé  chypriote  ol'flciellement  adopté 
durant  ces  trois  dernières  années,  l'emploi  des  auxiliaires  : 
Champignons  entomophytes,  diffusion  de  Crapauds,  nuages 
asphyxiants,  etc.,  etc.,  ont-ils  satisfait  aux  espérances  de 
leurs  inventeurs  et  aux  besoins  du  pays  ?. . . 

Le  Criquet,  à  chaque  invasion  et  à  quelque  espèce  qu'il 
appartienne,  fait  table  rase  des  récoltes,  se  joue  des  em- 
bûches qu'on  lui  dresse,  et  des  autodafés  dont  nombre  des 
siens  sont  victimes. 

La  recherche  de  moyens  destructifs  moins  aléatoires  s'im- 
pose par  la  comparaison  du  maigre  résultat  défensif  obtenu 
en  regard  de  l'importance  des  pertes  en  nature,  dépenses  en 
argent  pour  appareils,  etc. . .,  travail  pénible  et  excessif,  non 
rétribué  généralement,  imposé  à  l'armée,  aux  colons  et  sur- 
tout à  la  population  indigène. 

Peut-être  avons-nous  trouvé,  sinon  le  remède  absolu,  du 
moins  une  atténuation  dans  le  moyen  que  nous  allons  exposer 
dans  cette  étude. 

^1)  Voir  ïMistorique  des  invarions  de  Sauterelles  et  des  moyens  de  défense, 
par  M.  Kunckel  d'Herculais,  aide  naturaliste  au  Muséum  de  Paris,  l'ait  au 
Congrès  d'Oran  en  1888,  el  publié  dans  le  Bulletin  de  l' Ascociation  française 
pour  l'avancement  det  sciences. 

5  Février  1893.  7 


98  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

«  La  lutte  la  plus  âpre  que  l'homme  ait  à  soutenir  contre 
»  la  nature  animée  est  sans  contredit  le  combat  incessant 
).  qu'il  est  obligé  de  livrer  aux.  innombrables  et  redoutables 
»  légions  des  insectes.  L'insecte,  dans  les  différentes .trans- 
»  formations  de  sa  vie,  est  son  grand  ennemi,  ennemi  le  plus 
»  souvent  invisible,  qui  l'envahit  mystérieusement,  silencieu- 
»  sèment,  de  toute  part,  et  monte  à  l'assaut  de  son  œuvre  avec 
»  une  ténacité  et  une  sûreté  de  tactique  contre  lesquelles, 
»  dans  la  plupart  des  cas,  tous  ses  efforts  sont  vains.  Une 
).  indestructible  armée  de  petits  êtres  malfaisants,  dont  l'ef- 
»  frayante  fécondité  renouvelle  sans  cesse  les  rangs,  ravage 
))  ses  récoltes,  détruit  ses  bois  de  construction  ou  de  chauf- 
»  fage,  fait  sécher  sur  pied  les  végétaux  dont  il  se  nourrit, 
»  tarit  les  richesses  de  ses  vignobles,  fait  tomber  en  lam- 
»  beaux,  en  poussière,  les  vêtements  dG^at  il  se  couvre,  les 
y,  riches  étoffes  dont  il  décore  sa  demeure,  mine  sourdement 
»  ses  digues.  » 

a  Contre  de  tels  ennemis,  l'homme,  a-t-on  dit,  serait  im- 
»  puissant  sans  l'oiseau.  L'oiseau  est  l'auxiliaire  précieux, 
);  rallié  fidèle  qui  empêche  le  maître  de  la  création  de  suc- 
»  comber  dans  cette  lutte  inégale  (1).  » 

Voilà  la  question  posée  et  bien  posée  par  le  distingué  or- 
nithologiste M.  Magaud  d'Aubusson,  qui  précise  bien  exac- 
tement la  situation  résultant  de  la  disparition  et  de  la 
destruction  inintelligente  de  nombreuses  espèces  d'oiseaux 
insectivores. 

Eh  bien,  oui,  notre  moyen  est  bien  simple  :  nous  voulons 
faire  notre  auxiliaire  de  cette  légion  d'oiseaux,  pour  com- 
battre utilement  les  Sauterelles ,  et  en  débarrasser  le  sol  de 
l'Algérie. 

Car  la  situation  continue  à  être  grave  et  si  l'on  ne  trouve 
un  remède  contre  ce  fléau,  fléau  se  répétant  régulièrement 
depuis  plusieurs  années,  leur  exi)ansion  dans  le  sud-ouest  de 
l'Europe  en  sera  la  conséquence  naturelle.  Elles  traverseront 
la  Méditerranée  par  la  Sicile  et  l'Espagne  et  côtoyant  le  ri- 
vage elles  tourneront  les  obstacles  insurmontables  à  l'inva- 
sion :  les  chaînes  de  montagnes  des  Pyrénées  et  des  Alpes. 
Les  invasions  par  l'est  suivent  la  vallée  du  Danube,  la  Russie 
et  la  Silésie  et  sont  arrêtées  par  le  massif  des  Alpes.  La  haii- 

(1)  L.  Ma{;;aud  d'Aubusson,  Bévue  des  sciences  naturelles  appliquées,  1890, 
t.  I,p.  404." 


XOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAUTERELLES,  99 

teiir  des  montagnes  et  le  froid  sont  des  obstacles  insurmon- 
tables à  leur  expansion. 

Nous  devons  craindre  leur  acclimatation  permanente  en 
Europe  où  elles  compléteront  désastreusement  la  collection 
des  ennemis  de  nos  cultures. 

L'Amérique  du  Sud,  non  plus,  n'est  pas  épargnée-  tout 
récemment  Mendoza  (République  Argentine),  centre'  d'un 
vignoble  important,  a  été  ravagé  par  les  Sauterelles  venant 
du  sud.  Toute  la  province  a  été  couverte  par  des  bandes 
serrées  d'une  largeur  de  plus  de  100  kilomètres  qui  n'ont 
laissé  ni  une  feuille,  ni  un  grain.  La  province  fait  une  perte 
déplus  de  vingt-cinq  millions  de  piastres;  ce  désastre  n'est 
pas  fait  pour  encourager  la  création  de  nouveaux  vignobles  et 
retardera  de  longtemps  la  production  du  vin,  devant  rivaliser 
avec  le  vin  européen,  non  réalisée  à  ce  jour  faute  d'installa- 
tions convenables  soit  :  caves,  matériel  vinaire,  bons  pro- 
cédés de  fabrication,  etc. . . ,  etc. . . 

A  quels  oiseaux  d'Afrique  faut-il  de  préférence  donner 
cette  mission  purificatrice  ?  C'est  ce  que  nous  allons  étudier 
en  décrivant  les  oiseaux  plus  particulièrement  destructeurs 
de  Sauterelles  dans  la  colonie  du  Cap  de  Bonne-Espérance, 
contrée  qui,  sous  bien  des  rapports,  offre  une  grande  analogie 
avec  notre  Afrique  septentrionale,  comme  climat  et  produc- 
tions naturelles;  nous  citerons  également  quelques  espèces 
rendant  les  mêmes  services  dans  les  Savanes  de  l'Amérique 
et  dans  les  déserts  de  l'Australie. 

L'ordre  des  passereaux  nous  fournit  nombre  d'auxiliaires 
dont  les  plus  importants  sont  :  P  les  Alaudinés  ;  2«  les  Stur- 
nidés. 

L  LES  ALAUDINÉS  —  LES  ALOUETTES. 

Les  Alaudinés  sont  des  oiseaux  qui  se  plaisent  dans  les 
lieux  découverts  et  aussi  partout  où  l'homme  a  porté  la  cul- 
ture, c'est  dans  les  champs  défrichés  qu'ils  se  tiennent  t.m. 
de  préférence.  Les  diverses  espèces  se  nourrissent  de  ver<. 
de  petites  Chenilles  lisses,  d'œufs  de  fourmis  et  d'Araignées' 
des  œvfs  cl  des  larves  de  SaiitcreUes,  enfin,  de  tous  les  in- 
sectes qu'elles  rencontrent  dans  les  champs  ;  elles  man"ent 
aussi  des  graines,  mais  seulement  celles  qui  sont  huileuses 
et  ne  touchent  point  aux  semences  farineuses  du  moins  •{ 


100  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

rétat  de  liberté.  Elles  ont  toutes  aussi,  en  général,  une  sorte 
de  chant  quelconque  plus  ou  moins  agréable.  Elles  nichent  à 
terre,  se  vautrent  dans  la  poussière  et  sont  toutes  plus  ou 
moins  délicates  à  manger  ;  celles  qui  habitent  les  lieux  in- 
cultes ne  valent  pas  celles  qu'engraissent  les  plaines  fertiles 
de  la  Beauce  et  de  toutes  les  contrées  cultivées. 

Sans  doute,  quelques  espèces  d'Alaudinés  et  peut-être  la 
plupart  mangent  parfois  des  graines,  mais  en  général  et  le 
plus  habituellement,  même  dans  les  contrées  les  plus  arides 
de  l'Afrique  et  de  l'Asie,  elles  n'en  restent  pas  moins  insecti- 
vores ;  et  si  quelques-unes  sont  pourvues  d'un  bec  fort  et 
robuste,  c'est  uniquement  parce  qu'elles  ont  aiïaire  à  de  gros 
insectes,  et  surtout  que  ces  insectes  gros  ou  petits,  pour  être 
surpi'is  et  déterrés  par  elles,  leur  demandent  les  plus  grands 
efforts  et  le  travail  le  plus  opiniâtre  et  par  suite  un  instru- 
ment rostral  en  rapport  avec  ces  difficultés.  C'est  efïecti  • 
vement  un  fait  avéré  que  les  espèces  d'Alaudinés  confinées 
dans  les  déserts  de  l'Afrique  n'en  demeurent  pas  moins  in- 
sectivores malgré  l'aridité  du  sol  et  l'absence  de  toute  végé- 
tation apparente.  La  preuve  en  est  qu'elles  savent  fort  bien 
deviner  les  endroits  du  sol  qui  recèlent  leur  nourriture  favo- 
rite, et  principalement  les  Curculionidés,  qui  se  réfugient 
dans  ces  souches  ou  racines  plus  nu  moins  végétales  toujours 
enfouies  sous  les  sables  qui  les  recouvrent  et  que  l'instinct 
"seul  des  animaux  propres  à  ces  contrées  leur  fait  décou- 
vrir (1).  Ainsi,  dit  J.  Terreaux,  quant  aux  espèces  propres  à 
l'Afrique  :  les  Sirlis  se  trouvent  toujours  dans  les  régions 
sablonneuses,  les  Mirafres  dans  celles  dont  le  sol  est  ferru- 
gineux ou  métallifère  et  les  Macronyx  seuls  dans  les  plaines 
herbeuses  où  abonde  la  végétation. 

L'Alouette  est  le  musicien  des  champs,  son  joli  ramage 
est  l'hymne  d'allégresse  qui  devance  le  printemps  et  accom- 
pagne le  premier  sourire  de  l'aurore;  on  l'entend  dès  les 
beaux  jours  qui  succèdent  aux  jours  frais  et  sombres  de  l'hi- 
ver, et  ses  accents  sont  les  premiers  qui  frappent  l'oreille  du 
cultivateur  vigilant.  Le  chant  matinal  de  l'Alouette  était  chez 
les  Grecs  le  signal  auquel  le  moissonneur  devait  commencer 
son  travail,  suspendu  pendant  la  partie  de  la  journée  où  les 
feux  du  midi  d'été  imposent  silence  à  l'oiseau,  mais  quand  le 

(1)  D' Clienu,  Encyclopédie  d'hisloirc  naturelle,  oiseaux,  \lh  partie. 


NOS  ALLIES  CONTRE  LES  SAUTERELLES.         101 

.soleil  s'abaisse  vers  l'iiorizon,  elle  remplit  de  nouveau  les  airs 
de  ses  modulations  variées  et  sonores;  elle  se  tait  encore 
lorsque  le  ciel  est  couvert  et  le  temps  pluvieux;  du  reste, 
<^lle  chante  pendant  toute  la  belle  saison  (Gueneau  de  Mont- 
beillard). 

La  plupart  des  naturalistes  ont  nié  mal  à  propos  que  les 
Alouettes  lussent  des  oiseaux  de  passage  ;  mais  si  l'émigra- 
tion des  Alouettes  ne  peut  être  révoquée  en  doute,  il  est  aussi 
vrai  de  dire  qu'elle  n'est  que  partielle,  et  qu'une  grande 
quantité  d'entre  elles  restent  dans  les  pays  qui  les  ont  vues 
naître.  Quoique  très  fécondes,  les  Alouettes  sont  moins  nom- 
breuses de  nos  jours  qu'elles  ne  l'étaient  autrefois.  L'on  a 
observé  que  la  quantité  d'Alouettes  a  sensiblement  diminué  de- 
puis une  cinquantaine  d'années.  Plusieurs  causes  concourent 
à  cette  diminution.  Les  grands  froids  et  surtout  les  neiges 
abondantes  dont  la  terre  reste  longtemps  couverte  font  périr 
une  prodigieuse  quantité  d'Alouettes.  Les  oiseaux  de  proie 
en  détruisent  aussi  beaucoup  en  été;  mais  l'homme  est  ici, 
comme  en  tout,  le  plus  vorace,  le  plus  acharné,  ajoutons  le 
plus  imprévoyant  des  destructeurs  (par  la  fabrication  indus- 
trielle des  pâtés  de  Chartres,  de  Pithiviers,  etc.,  le  bra- 
connage nocturne  à  l'aide  de  filets  traînants,  etc.,  etc.,  etc.). 
L'Alouette  se  vend  en  quantité  innombrable  aux  halles  de 
Paris,  sous  le  nom  de  Mauviette,  durant  toute  la  saison  de 
chasse  ouverte,  mais  surtout  à  l'époque  des  grands  froids, 
l'hiver. 

Nos  législateurs  mettront-ils  un  terme  aux  massacres  d'in- 
sectivores qui  sont  devenus  une  véritable  industrie  en  France 
et  en  Algérie  ? 

Nous  relaterons  brièvement  les  divers  genres  sans  descrip- 
tion plus  spéciale,  les  mœurs  de  la  famille  entière  étant  sem- 
blables avec  la  différence  du  milieu  où  vivra  l'espèce  par- 
ticulière : 

I.  L'Alouette  bateleuse  {Megalophone  apialus).  —  Par- 
ticulièi*e  au  Cap  de  Bonne-Espérance,  cette  espèce  qui  offre 
deux  variétés  se  distingue  de  l'Alouette  européenne  par  son 
riche  plumage  agréablement  bigarré  (Verreaux). 

II.  L'Alouette  calandrelle  {Alauda  brochydactyla).  — 
Habite  la  Provence,  la  Ciiampagno,  les  Pyrénées,  le  long  delà 
Méditerranée  el  presque  tout  le  midi  de  l'Europe  ;  est  très  ré- 


102  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

panclue  depuis  le  Pruth  jusqu'à  la  mer  Caspienne  (Degland). 

III.  L'Alouette  du  désert  {Alauda  déserta).  —  On  trouve 
cette  espèce  dans  le  sud  de  l'Europe,  en  Grèce,  dans  le  midi 
de  l'Espagne,  en  Portugal  et  dans  le  nord  de  l'Afrique 
(Degland). 

IV.  L'Alouette  des  champs  [Alauda  arvensls).  —  Se 
trouve  dans  toute  l'Europe  et  l'Afrique  septentrionale,  dans 
les  terres  cultivées. 

2^'  GENRE.  —  Les  Cochevis   [Galerida). 

Se  distinguent  de  l'espèce  précédente  par  la  huppe  ou  crête 
formée  par  les  plumes  cervicales  allongées  et  érectiles. 

1°  Le  Cochevis  huppé  [Galerida  cristata).  —  Habite  les 
parties  tempérées  et  méridionales  de  l'Europe  ;  commun  et 
sédentaire  dans  presque  toute  la  France  (Degland). 

2"  Le  Cochevis  lulu  {Galerida  arborea)  (Brehm).  —  On 
trouve  cette  espèce  dans  presque  toutes  les  parties  de  l'Eu- 
rope. Elle  est  répandue  partout  en  France,  est  sédentaire 
dans  quelques  contrées,  comme  les  Landes  et  le  département 
du  Var,  n'est  que  de  passage  dans  d'autres. 

3«  genre.  —  Calandre   [Melanocorypha  calanira). 

On  trouve  cette  espèce  en  Italie,  en  Sicile,  en  Sardaigne, 
en  Grèce  et  dans  les  parties  les  plus  méridionales  de  la 
France.  Elle  est  également  abondante  dans  la  Russie  méri- 
dionale, partout  dans  les  steppes  (Degland). 

Elle  est  remplacée  dans  l'Inde  par  le  Mirafra  Javanica.  Ce 
genre  contient  neuf  espèces  particulières  à  l'Asie,  l'Afrique  et 
rOcéanie,  et  ont  les  mêmes  mœurs  que  nos  alouettes. 

IL  —  LES  STURNIDÉS. 

Nous  décrirons  les  trois  espèces  les  plus  connues  et  dont 
l'acclimatation  nous  paraît  le  plus  facile. 

I.  L'Etourneau  commun  (Slirmus  vulgaris).  —  L'Etour- 
neau  est  un  oiseau  voyageur  ;  il  apparaît  l'hiver  dans  le  midi 
de  la  France,  l'Espagne,  l'Italie,  la  Grèce  et  le  Nord  de  l'A- 


NOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAUTEHELLES.  103 

Trique,  cependant  il  niche  dans  les  Pyrénées  et  dans  la  partie 
méridionale  des  Alpes.  Malgré  les  massacres  prodigieux  qu'on 
a  faits  de  cet  utile  oiseau  en  Italie  et  en  Espagne  où  j'en  ai  vu 
vendre  par  sacs  pleins  durant  l'hiver,  leur  nombre  ne  semble 
l>as  décroître. 

L'Etourneau  mérite  d'être  protégé  avec  soin  ;  il  rend  d'é- 
normes services  à  l'agriculture  en  détruisant  les  insectes,  les 
Vers,  les  Limaces,  les  Chenilles,  les  Sauterelles,  etc..  En 
Allemagne,  depuis  1856  on  est  arrivé  à  faire  reproduire  en 
liberté  cet  oiseau  en  installant  des  nids  artificiels,  et  tous  les 
ans  au  printemps  ces  oiseaux  reviennent  régulièrement  net- 
toyer les  campagnes.  Leur  destruction  absolument  interdite 
est  le  témoignage  de  la  reconnaissance  publique  des  services 
rendus  à  l'agriculture. 

IL  Les  Martins-Pastor.  Le  Martin  pastor  {Pasfor  ro- 
seus).  —  Le  Martin  diffère  peu  physiquement  de  TEtour- 
neau,  mais  il  a  les  mêmes  mœurs,  son  habitat  est  depuis  le 
sud-est  de  l'Europe  à  partir  de  la  Hongrie,  la  plus  grande 
partie  .de  l'Asie  centrale  et  méridionale  jusqu'aux  Indes. 
Exactement  la  patrie  du  Pachytylus  migratorius,  le  Criquet 
l)èlerin. 

De  là  il  arrive  assez  régulièrement  en  Gi'èce,  plus  rarement 
en  Espagne,  en  France,  en  xlllemagne.  Par  contre,  on  le  voit 
tous  les  hivers  dans  le  sud  de  l'Asie.  Il  ne  paraît  pas  tous  les 
ans  en  égale  quantité  dans  le  pays  du  Bas-Danube  et  dans  les 
steppes  de  la  Russie.  Dans  de  certaines  années  on  n'y  voit 
([ne  des  individus  isolés;  dans  d'autres  on  rencontre  des 
troupes  très  nombreuses  ;  nous  croyons  que  ces  variations 
sont  subordonnées  à  la  plus  ou  moins  grande  abondance  de 
Sauterelles,  car  le  Martin  rose  est  un  destructeur  d'acridiens 
très  important  consommant  des  Sauterelles  exclusivement  à 
la  suite  de  leurs  passages. 

Nous  trouvons  en  Amérique  les  remplaçants  de  notre 
Etourneau  européen  dans  le  genre  Sturnella  (Vieillot),  les 
deux  variétés  sont  : 

1"  Le  Slunius  Ludoviciana.  Cet  oiseau  habite  l'Amérique 
du  Nord,  oîi  il  est  nommé  «  Meadow  lark  »  ;  les  Antilles  et  le 
Mexique,  où  il  est  nommé  «  Savanero  »  ;  il  est  remanpiable 
par  le  plumage  jaune  de  son  abdomen,  alors  que  le  reste  du- 
plumage  ressemble  à  celui  de  l'Alouette. 


'lOi  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

2°  Le  Shirnus  milUarifi  ou  Etourneau  militaire  ;  particu- 
lier à  r Amérique  méridionale,  dont  le  plumage  de  l'abdomen 
est  rouge.  Les  deux  variétés,  sauf  cette  différence  de  coloris 
abdominal,  se  ressemblent  sensiblement  et  chacune,  dans  sa 
patrie,  rend  les  mêmes  services  que  notre  Etourneau  euro- 
péen. 

L'espèce  la  plus  voisine  des  Sturnus  et  du  Pastor  est  celle 
des  Acridothères. 

Iir.  Le  Martin  triste  de  l'Inde  (Acrldollicres  i)'istù). 
—  Cet  oiseau  est  le  sujet  d'une  étude  remarquable  publiée 
en  1889,  dans  V Algérie  agricole  (décembre  1889,  2'  nu- 
méro), par  M.  Ch.  Rivière,  complétée  par  l'étude  du  Martin 
rose  et  du  Martin  triste,  par  M.  Magaud  d'Aubusson,  dans 
la  Revue  dea  Sciences  naUirelles  appliquées  (1890,  I, 
p.  404). 

Les  observations  accordant  au  Martin  triste  un  rôle  très 
important  comme  destructeur  d'acridiens,  qu'il  mérite  réel- 
lement, doivent  engager  à  persévérer  dans  les  recherches  des 
voies  et  moyens  pour  utiliser  cette  qualité  au  profit  de  l'Al- 
gérie. 

Je  rappellerai  les  essais  d'acclimatation  à  Alger,  tentés  de 
1867  à  1889,  ayant  abouti  à  un  échec  complet,  essais  non  re- 
nouvelés aujourd'hui.  Ces  échecs,  attribués  à  la  différence  du 
climat  de  l'Algérie  avec  celui  de  leur  pays  d'origine  (ceux 
importés  à  Alger  provenaient  de  l'île  Bourbon),  pourraient, 
je  le  ci'ois,  être  réparés.  Pour  cela,  au  lieu  d'introduire  di- 
rectement en  Algérie  le  Martin  triste,  son  imi)ortation  de- 
vrait se  faire  dans  notre  Soudan  français  par  le  Sénégal  et 
le  Congo.  Ces  oiseaux,  qui,  comme  leurs  congénères,  sont 
migrateurs,  seront  amenés  à  la  suite  des  passages  de  saute- 
relles, jusque  sur  le  littoral  algérien,  et  cette  provende  épui- 
sée, leurs  conditions  d'existence  habituelle  ne  pouvant  être 
satisfaites,  retourneront  dans  l'intérieur  de  l'Afrique,  qui  de- 
viendrait leur  patrie  définitive. 

Les  observations  sur  les  migrations  des  oiseaux  de  l'Afrique 
équatoriale  et  australe  établissent  généralement  une  direc- 
tion de  l'est  à  l'ouest  et  l'ice  -  versa,  les  migrations  de 
l'Afrique  centrale  vont  au  Nord.  Il  est  donc  possible  d'ame- 
ner l'existence  d'un  destructeur  important  de  Sauterelles 
dans  l'intérieur  du  Soudan,   dont  l'aire  d'expansion  serait 


NOS  ALLIÉS  CÙXTRE  LES  SAUTERELLES,         105 

exactement  celle  des  Sauterelles  dans  leurs  pérégrinations  du 
nord  au  sud  et  de  l'est  à  l'ouest. 

Je  ne  crois  pas  que  le  Martin  triste  devienne  jamais  un 
oiseau  sédentaire  en  Algérie  ;  il  ne  se  plaît,  en  réalité,  que 
dans  les  pays  riches  en  eau  et  en  végétaux  de  grande  taille; 
l'habitude  de  nicher  sur  de  grands  arbres  et  de  percher  dans 
les  roseaux  des  grands  marais,  ainsi  que  de  boire  et  de  se 
baigner  beaucoup,  habitudes  générales  aux  Sturnidés  :  Etour- 
neaux,  Martins  tristes,  pastors,  seraient  peu  faciles  à  satis- 
faire dans  l'intérieur  de  l'Algérie,  et  au  surplus  durant  l'été, 
le  manque  de  nourriture  animale  le  rejetterait  forcément  sur 
les  plantations,  ce  qui  le  rendrait  insupportable  par  ses  dé- 
gâts dans  les  vergers,  vignobles,  orangeries,  etc.,  etc. 

En  admettant  que  l'importance  de  l'objectif  «  destruction 
des  Sauterelles  »  soit  digne  de  la  sollicitude  des  particuliers 
et  des  pouvoirs  publics,  je  souhaite  la  prise  en  considération 
du  vœu  suivant  :  Transport  d'un  nombre  assez  important  de 
Martins  tristes  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique  et,  à  l'arrivée, 
les  lâcher  par  moitié,  bien  entendu  à  l'époque  convenable, 
où,  en  liberté,  ils  trouveraient  leur  nourriture;  l'autre  moitié 
serait  tenue  en  captivité  et  lâchée  en  temps  opportun;  après 
étude  des  moyens  propres  pour  leur  propagation  certaine. 

L'Afrique  centrale  possédant  une  espèce  voisine  répandue 
de  l'est  à  l'ouest,  celle  des  Lamprothornis  ou  Merles  métal- 
liques, il  faudrait  faire  coïncider  l'expansion  en  liberté  des 
Martins  importés  à  l'époque  de  la  présence  des  Merles  métal- 
liques sur  la  côte  occidentale,  après  l'hivernage. 

L'expérience  pourrait  se  faire  très  facilement  et  contra- 
dictoirement  sur  la  côte  orientale,  elle  se  trouverait  facilitée 
])ar  la  proximité  de  Madagascar  où  l'on  prendrait  les  Martins 
tristes  qui  seraient  mis  en  liberté  à  Obock,  pour  se  répandre 
dans  l'Afrique  équatoriale  et  centrale. 

Les  observations  sur  les  trois  espèces  :  Etourneau,  Martin 
rose,  Martin  triste  établissent  que  l'acclimatation  directe  en 
Algérie  du  Martin  rose  donnerait  le  moins  de  difficultés,  étant 
moins  omnivore  que  le  Martin  triste  et  moins  dangereux 
pour  les  plantations;  cet  oiseau,  originaire  des  steppes  de 
l'Asie,  où  il  fait  chaud  autant  que  dans  le  Sahara  et  froid 
plus  que  sur  l'Atlas,  supporterait  facilement  le  climat  al- 
gérien. 

Nous  avons  exposé  les  procédés  devant  amener  l'acclima- 


106  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

tation  complète  des  Etourneaux,  des  Martins  tristes  et  des 
Mavtins  pastors ,  T utilité  de  ces  trois  espèces  d'oiseaux 
n'aura  pas  besoin  d'autres  démonstrations. 

Les  trois  grandes  plaies  de  l'élevage  au  Cap  de  Bonne- 
Espérance  sont  :  les  Sauterelles,  les  Termites  et  les  Taons. 
Ce  dernier  insecte  est  répandu  dans  tout  le  pays,  dans  les 
plaines,  sur  les  montagnes,  au  désert  et  dans  les  terres  culti- 
vées. Les  animaux  de  transport  particulièrement  sont  affligés 
par  cette  plaie  ;  souvent  ils  en  sont  couverts  de  dimension 
égale  et  même  double  à  celle  d'une  Noisette.  Il  n'est  pas  rare 
d'en  trouver  deux  cents  au  moins  sur  le  dos  d'un  Bœuf. 

La  nature  prévoyante  a  mis  le  remède  à  côté  du  mal,  en 
permettant  à  de  nombreuses  espèces  d'oiseaux  d'en  détruire 
le  plus  possible.  Il  en  est  qui  les  recueillent  par  terre,  les 
déterrent  dans  le  sol  ou  même  sur  le,  dos  des  animaux,  no- 
tamment les  Hirondelles,  les  Bergeronnettes,  etc.,  etc.,  dé- 
barrassant surtout  les  Moutons  en  suivant  leurs  troupeaux. 
Durant  l'hiver,  des  centaines  de  mille  passereaux  se  nour- 
rissent de  Termites  et  de  larves  d'insectes.  Les  pachydermes, 
les  grands  ruminants,  trouvent  assistance  pour  leur  toilette 
auprès  des  divers  hérons  gardebœuf,  garzette  que  l'on  trouve 
toujours  avec  ces  animaux. 

Il  est  incontestable  que  tous  les  passereaux  de  tout  ordre 
et  dimension  contribuent  à  la  destruction  et  restreignent  le 
développement  des  insectes  nuisibles.  Aussi,  nous  demandons 
leur  protection  par  une  application  rigoureuse  des  lois  et  rè- 
glements sur  la  chasse  des  oiseaux,  et  que  les  enfants,  à 
récole,  soient  bien  instruits  de  l'importance  de  la  conserva- 
tion des  oiseaux  utiles. 

Au  Cap  de  Bonne-Espérance,  l'Européen  ne  pratique  pas  la 
chasse  des  petits  oiseaux,  tout  au  plus  au  moment  des  ré- 
coltes, les  poursuivra-t-on,  mais  sans  se  servir  d'armes  à  feu. 
Les  services  rendus  par  la  destruction  des  insectes  nuisibles 
font  tolérer  les  légers  dégâts  qu'ils  peuvent  faire  (1). 

Les  nègres  dédaignent  la  chasse  des  petits  oiseaux  à  l'ex- 
ception de  certaines  espèces  recherchées  pour  leur  emploi 
dans  la  mode,  soit  :  les  Merles  métalliques,  Évèques,  Coucous 
bronzés,  Touracos,  Sucriers,  etc. . .  et  quelques  petites  es- 
pèces envoyées  vivantes  en  Europe  pour  l'ornement  des  vo- 

[Vi  D'  E'  Holub,  Beitrcige  ziir  oniilholoyie  Sud-Afnca.  Wien,  1882. 


NOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAL'TERELLES.  107 

lières  ;  généralement  tout  oiseau  insectivore  est  protégé  et 
respecté  par  des  lois  ou  par  l'usage.  Puisse  cette  leçon, 
donnée  par  des  nègres,  servir  à  nos  colons  algériens  ! 

Nous  allons  brièvement  présenter  les  divers  oiseaux  des- 
tructeurs de  sauterelles  en  évitant  l'amplification  des  descrip- 
tions qu'on  trouvera  dans  les  traités  spéciaux  d'histoire 
naturelle. 


ORDRE  DES  RA.PACES. 

I.  La  petite  Crécerelle  crécerine.  {Tinminculus  cea- 
chris).  —  Cet  oiseau  est  assez  répandu  dans  l'Afrique  septen- 
trionale, dans  les  oasis  du  Sahara,  sur  les  hauts  plateaux  et 
sur  le  littoral  près  des  habitations  et  des  centres  de  popula- 
tion. J'en  ai  vu  des  quantités  importantes  durant  mon  séjour 
à  Mazagan,  Maroc  (mars  1891).  Je  n'avais  pas  observé  ces 
charmants  rapaces  dans  les  autres  ports  du  littoral  de 
l'Atlantique  marocain.  Cet  oiseau  est  sédentaire  à  Mazagan. 

II.  Le  Kobez  vespéral.  [Erypthropus  vespertinus).  — 
Dans  les  steppes  de  la  Russie  et  de  l'Asie  centrale,  la  Créce- 
relle est  remplacée  par  le  Kobez  qui  s'y  trouve  en  grandes 
bandes.  C"est  un  destructeur  de  sauterelles  supérieur  à  la 
petite  crécerelle.  Cet  oiseau  est  migrateur  :  l'été  en  Europe, 
l'hiver  aux  Indes,  il  serait  facile  d'en  faire  l'importation  en 
Algérie  en  profitant  des  relations  régulières  de  Marseille  ave<^ 
les  ports  de  la  mer  Noire.  Un  autre  petit  rapace,  l'Elanion 
mélanoptère,  rend  les  mêmes  services  en  Syrie  et  en  Egypte 
où  il  est  assez  abondant. 

III.  La  Bondrée  apivore.  [Pernis  apivorus).  —  La  Bon- 
drée  ai>ivore  dans  ses  migrations  du  Nord  de  l'Afrique  en 
Europe  où  elle  niche  au  printemps,  est  aussi  un  oiseau  des- 
tructeur de  sauterelles,  des  œufs  et  des  larves  qu'elle  déterre. 

IV.  La  Buse  vulgaire.  {Bnteo  vulgaris).  —  Tout  le 
monde  connaît  cet  oiseau,  mais  son  utilité  incontestable  n'est 
pas  généralement  reconnue.  C'est  un  destructeur  de  premier 
ordre  d'insectes,  de  rats,  souris,  reptiles,  etc..  et  ses  mé- 
faits à  l'égard  des  cailles,  perdreaux  sont  insignifiants,  rela- 
tivement aux  grands  services  rendus.  Sa  destruction  devrait 
(Hre  absolument  interdite,  et  de  fortes  amendes   puniraient 


108  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

les  destructeurs  ;  ce  système  réussit  très  bien  dans  les  colo- 
nies anglaises. 

Cette  espèce  est  représentée  dans  le  Soudan  et  l'intérieur 
de  l'Afrique  par  : 

V.  La  Buse  des  sauterelles.  [Polioniis  ruflpennis).  — 
Cet  oiseau  est  particulier  à  l'intérieur  de  lAlrique  et  de 
l)assage  dans  le  Nord-Est  de  l'Afrique.  Il  arrive  au  commen- 
cement de  la  saison  des  pluies  dans  les  steppes  du  Soudan 
oriental  et  y  est  alors  très  commun,  par  cette  unique  raison 
(]uil  y  trouve  une  nourriture  abondante.  Dans  ses  mœurs  le 
Polioniis  se  rapproche  de  la  buse  et  de  la  crécerelle.  Il  se 
nourrit  exclusivement  de  sauterelles. 

VI.  Le  Serpentaire  [Gy pogeramiiz  ,serx)entarms)  n'existe 
ijue  dans  l'Afrique  australe.  Beaucoup  de  fermiers  au  Cap 
le  conservent  apprivoisé  et  il  rend  d'énormes  services  comme 
destructeur  de  serpents,  de  rats,  de  sauterelles. 

On  a  essayé  d'acclimater  cet  oiseau  à  la  Martinique  pour 
détruire  les  serpents  à  fer  de  lance,  le  fléau  de  cette  île  ;  le  ser- 
pentaire reptilivore  aurait  disparu  de  l'île,  victime  de  l'igno- 
rance des  chasseurs. 

Parmi  les  rapaces  nocturnes  la  petite  chevêche  doit  être 
classée  parmi  les  destructeurs  de  sauterelles. 

VIL  La  Chevêche  commune.  [Athene  nocliia).  —  Ce 
petit  hibou  assez  répandu  en  Algérie  est  un  des  oiseaux  les 
plus  utiles.  Sa  nourriture  consiste  surtout  en  petits  mammi- 
fères, oiseaux  et  insectes.  Il  détruit  des  chauves-souris,  des 
musaraignes ,  des  souris  ,  des  hannetons  ,  des  sauterelles, 
etc.. .  Mais  les  petits  rongeurs  forment  son  gibier  principal. 
Nous  avons  donc  tout  intérêt  à  protéger  un  oiseau  aussi  utile. 

L'Italie  est  aujourd'hui  le  seul  pays  où  on  en  élève  encore 
beaucoup  dans  un  but  d'utilité.  i.es  Italiens  ont  soin  d'ar- 
ranger sous  les  toits  des  endroits  convenables,  facilement 
accessibles  où  ces  oiseaux  viennent  nicher.  On  y  prend  alors 
autant  d'individus  que  l'on  en  a  besoin  et  on  laisse  les  autres 
en  repos. 

Les  Chevêches  apprivoisées  sont  devenues  en  Italie  de 
véritables  animaux  domestiques  ;  on  les  laisse,  les  ailes  cou- 
pées, courir  librement  dans  les  maisons,  les  cours  où  elles 
prennent  les  petits  rongeurs  ;  on  les  met  surtout  dans  les 


NOS  ALLIÉS   CONTRE  LES  SAUTERELLES.         109 

jardins  où  elles  détruisent  les  limaces  et  la  vermine  sans 
causer  le  moindre  dégât. 

VIIT.  Le  petit  Hibou  terrestre.  (Pholeoptynx).  —  Toutes 
les  steppes  des  deux  Amériques  sont  habitées  par  de  petits  stri- 
giens  qui  sont  très  voisins  des  chevêches  ;  leur  particularité 
consiste  en  ce  qu'ils  nichent  dans  des  terriers.  Leur  nourri- 
ture est  celle  des  chevêches. 

TX.  Le  Scops  ou  Petit  duc.  —  Très  répandu  dans  le 
midi  de  l'Europe  et  le  nord  de  l'Afrique,  a  les  mêmes  mœurs 
que  la  Chevêche. 

Pour  ces  rapaces  nocturnes  on  devrait  bien  suivre  l'exemple 
de  ce  qui  se  fait  en  Allemagne.  Partout  il  serait  bon  de  ména- 
ger des  endroits  où  nicheraient  les  Effraies  et  les  Chevêches. 
Dans  l'Allemagne  du  Nord,  le  pignon  des  granges  présente 
une  ouverture  pouvant  donner  passage  à  une  Effraie.  Cette 
ouverture  conduit  dans  une  sorte  de  caisse,  présentant  à 
droite  et  à  gauche  des  endroits  convenables  pour  nicher,  la 
lumière  ne  peut  y  pénétrer  ;  l'oiseau  en  entrant  s'engage  dans 
un  couloir  d'environ  un  pied  de  long,  puis,  au-delà,  il  est 
obligé  de  tourner  soit  à  droite,  soit  à  gauche  pour  entrer 
dans  son  nid.  Vers  l'intérieur  de  la  maison,  la  caisse  est  soli- 
dement fermée,  de  façon  à  ce  qu'on  ne  puisse  venir  troubler 
les  oiseaux. 

Malgré  le  non  classement  de  l'Effraie  parmi  les  Insectivores, 
nous  appelons  l'attention  sur  les  services  que  rend  cet 
oiseau  comme  destructeur  de  rats,  souris,  etc..  en  quan- 
tité prodigieuse. 

(A  suivre.) 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ELEVEUR 

Par  m.  le  marquis  de  BRISAY. 

(suite  ^.) 


YI 


Encore  un  cliché  rétrospectif,  mais  indispensable  à  docu- 
menter :  la  collection  de  Perruches  de  M.  Rousse,  à  Fontenay- 
le-Comte. 

M.  Rousse  (Alfred;  était  compojiteur  de  musique.  Il 
caressait  dolce  et  amoroso  la  clef  de  sol  ;  quand ,  s'étant 
brouillé  un  jour  avec  son  diapason,  il  chercha  des  distractions 
ailleurs.  Dans  les  communes  de  la  petite  maison  qu'il  habite,  à 
Fontenay,  située  en  bon  air  et  beau  soleil,  en  un  quartier 
excentrique,  la  Commanderie,  se  trouvait  un  petit  local 
pouvant  aussi  bien  être  utilisé  comme  écurie,  bûcher,  salle  de 
bains  ou  salle  de  concerts.  Lïdée  lui  vint  d'en  faire  une 
volière.  La  porte  fut  grillagée,  Tintérieur  sablé,  plâtré  à  neuf 
et  muni  de  perchoirs.  Ce  nouveau  logis  à  destination  spéciale 
reçut,  comme  habitants,  un  couple  de  Perruches  Calopsittes. 
lesquelles  valaient  encore  30  ou  40  francs  la  paire  à  cette 
époque-là,  c'est-à-dire  vers  1875.  C'était  se  donner  à  petit 
prix  une  consolation  contre  les  ingratitudes  du  métronome. 
Mais,  doué  d'une  sagesse  —  disons  d'une  mesure,  qui  allait 
bientôt  lui  être  profitable,  M.  Rousse  voulait  aller  piano, pia- 
nissimo, sachant  qu'un  début  doit  être  mené  moderato, 
dans  toute  symphonie  de  composition  nouvelle. 

Les  Calopsittes,  jolies  perruches  de  la  Nouvelle-Hollande, 
au  plumage  gris  et  blanc  ,  avec  queue  noire  et  tête  ornée 
d'une  huppe  jaunâtre,  joignent  à  l'originalité  de  leur  parure 
le  grand  mérite  d'être  prolifiques.  Celles  de  M.  Rousse  meu- 
blèrent si  bien  la  maison  que  bientôt  leur  maître  en  vit 
cascader  dans  la  volière,  comme  jadis  sur  le  clavecin,  des 
gammes  ascendantes  et  chromatiques.  Qu'il  s'attendit  ou  non 
à  cette  reproduction  en  triple  croche,  il  s'en  montra  très  satis- 

(*)  Voyez  Revue,  années  1891,  2°  semestre,  p.  479  ;  1892,  1"  semestre,  p.  520, 
et  2"  semestre,  p.  498. 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ELEVEUR.  111 

l'ait.  Il  installa  dès  lors,  en  la  même  volière,  nn  orchestre  de 
Perruches  ondulées.  On  sait  que  ces  petites  bêtes,  si  jolies,  si 
vives,  jouent  d'un  gazouillement  qui  n'est  pas  désagréable. 
Ce  n'est  pas  du  Méhul,  ni  du  Saint-Saèns,  mais  cela  jette  une 
note  gaie  dans  un  intérieur  où  l'archet  a  été  mis  non  au 
violon,  mais  au  croc.  Elles  pullulèrent.  L'Ondulée  était  alors 
d'un  élevage  aussi  facile  que  lucratif.  Depuis,  l'espèce,  abâ- 
tardie par  la  consanguinité,  n'a  plus  donné  que  des  sujets 
difformes,  nus  et  rachitiques,  tout  au  plus  bons  à  être  croqués 
parles  chats;  mais,  quand  M.  Rousse  l'exploita,  il  n'en  était 
pas  de  même.  Tout  allait  allegrcllo. 

Pour  agrandir  ce  local  harmonieux,  M.  Rousse  fit  cons- 
truire un  vaste  tambour  grillagé  à  petites  mailles.  Puis  il  en 
partagea  l'intérieur  —  c'était,  je  me  le  rappelle,  une  oran- 
gerie —  en  deux  sections,  par  une  cloison  perforée  de  quel- 
ques trous  de  moyenne  ouverture.  Les  petites  Perruches, 
voltigeant  comme  des  arpèges,  purent,  par  ces  lucarnes, 
circuler  d'une  section  dans  l'autre,  ce  que  ne  pouvaient  faire 
les  plus  grosses.  Cette  ingénieuse  disposition  permit  de  loger 
ensemble  quelques  espèces  de  taille  différente,  qui  ne  se 
nuisirent  en  rien  :  des  Pennant,  par  exemple,  et  bientôt  des 
Aras,  des  Cacatoès,  quand  la  collection  commença  à  partir 
en  cadence. 

En  1876  ou  71,  M.  Rousse  fit  édifier  un  clavier  de  volières. 
Adossées  au  mur  de  clôture  du  jardin,  elles  faisaient  face  au 
levant  ;  et,  comme  disposition  intérieure,  elles  étaient  aména- 
gées avec  une  conception  habile  des  instincts  des  oiseaux. 
Ces  volières  étaient  de  deux  tons  différents.  Le  premier 
modèle,  de  trois  compartiments,  comprenait  un  abri  complet, 
vitré  sur  la  façade  par  moitié,  l'autre  moitié  restant  ouverte 
avec  la  facilité  d'être  close  par  des  paillassons  au  temps  des 
grands  froids.  Cet  abri  mesurait  2  mètres  de  profondeur,  sur 
3  mètres  de  largeur  et  3'",25  de  hauteur  au  long  du  mur  du 
fond.  Ce  premier  modèle  possédait  également  une  partie  à 
air  libre  en  prolongement  de  l'abri,  mesurant  3  mètres  de 
profondeur,  3  mètres  de  largeur  et  2  mètres  de  hauteur.  Elle 
était  grillagée  à  mailles  fines,  gazonnée,  plantée  d'arbustes 
et  de  salades  sans  cesse  renouvelées.  On  pénétrait  dans  ces 
compartiments  par  un  petit  corridor  de  service  circulant 
derrière  les  abris . 

Tous  ces  détails  sont  bons  à  faire  connaître,  Tinstallation 


1.2 


hEVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


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L'A VICULTUBE  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  113 

que  nous  déci-ivons  ayant  été  un  Yrai  t3^pe  d'une  facture 
spéciale,  que  devront  imiter  tous  les  exécutants  désireux 
d'éviter  un  couac. 

Le  second  modèle  comprenait  six  compartiments,  dont 
chacun  possédait  un  abri  complet,  fermé  entièrement  par 
une  façade  pleine  à  demi-hauteur  du  sol,  éclairée  dans  la 
partie  supérieure  par  un  vitrage  percé  de  deux  petites  ouver- 
tures carrées  pour  le  passage  des  oiseaux.  Cet  abri  mesurait 
1  mètre  de  profondeur.  En  avant,  sur  une  profondeur  égale 
de  1  mètre  se  trouvait  un  hangar  ouvert  en  façade,  mais  à 
toiture  pleine  en  dessus  et  cbHure  pleine  sur  les  côtés. 
Ensuite,  venait  la  partie  grillagée  à  air  libre,  de  sorte  que  les 
oiseaux  avaient  le  choix  constant  du  local  où  ils  éprouvaient 
le  besoin  de  se  tenir.  S'il  faisait  froid,  ils  demeuraient  à  linté- 
rieur,  bien  abrités  des  intempéries  ;  par  un  temps  suppor- 
table, ils  se  tenaient  sous  le  hangar,  où  ils  se  trouvaient  au 
grand  air,  suffisamment  garantis  contre  le  soleil,  le  vent,  la 
]iluie,  le  gel.  Ou  bien,  ils  avaient  le  libre  parcours  de  la 
partie  grillagée,  prenant  leurs  ébats  sous  l'enveloppe  du 
réseau  protecteur. 

Chacun  des  six  compartiments,  ainsi  disposés,  mesurait 
3"', 50  de  profondeur  sur  2  de  largeur.  Il  n'y  avait  point  de 
couloir  de  dégagement.  On  y  communiquait  par  des  portes 
pratiquées  sur  le  flanc  du  hangar  ;  et,  chaque  abri  fermé 
était  également  muni  d'une  porte  sur  la  façade. 

Ces  dispositions  étaient  admirablement  comprises,  et  la 
meilleure  preuve  des  avantages  qu'elles  présentaient  se 
trouve  dans  les  succès  remarquables  obtenus,  dans  l'élevage 
(les  Perruches,  par  notre  ingénieux  confrère. 

M.  Rousse  put  alors  procéder  à  Vandante  capricioso,  qui 
est  le  régal  de  l'amateur.  Les  installations  étant  prêtes,  c'est 
(le  faire  le  choix  et  l'acquisition  des  espèces  qu'on  veut  y 
loger.  Les  Ondulées,  les  Calopsittes  furent  laissés  dans  cette 
orangerie  modifiée  à  leur  intention,  avec  quelques  gros  psit- 
lacidés.  Dans  les  volières  nouvelles,  on  voyait,  en  1880,  des 
Omnicolores,Palliceps,  Pennant,  Nouvelle-Zélande,  Croupion 
rouge,  Edwards,  Swainson,  Barraban,  Caroline  du  Sud. 

A  l'arrivée  des  oiseaux,  on  usait,  à  leur  égard,  d'un  mode 
(l'installation  particulièrement  prudent.  Ils  étaient  tenus 
enfermés,  durant  une  quinzaine  de  jours,  dans  l'abri  entière- 
ment clos  du  compartiuKMit  qui  leur  était  destiné.  De  nuMue, 

5   Février   18i(3  8 


114  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

pour  le  premier  hiver  qu'ils  avaient  à  iVaiichir  ;  on  les  rete- 
nait dans  l'abri  pendant  toutes  les  nuits,  ainsi  qu'au  cours 
des  jours  très  froids.  Ainsi  laits  progressivement  à  la  tempé- 
rature de  nos  contrées,  ces  psittacidés  devenaient  d'une 
rusticité  extrême  et,  les  années  suivantes,  tenaient  brave- 
ment la  pédale  à  toutes  les  rigueurs  du  climat,  sans  en  être 
incommodés. 

C'était  là  un  très  bon  début  sur  la  scène  de  l'acclimate- 
ment, qui  permit  bientôt  aux  reproducteurs  de  ne  pas  faire 
relâche.  Mais  ce  fut  surtout  par  le  mode  de  l'alimentation  que 
M.  Rousse  parvint  à  conserver  ses  oiseaux  et  à  les  faire  repro- 
duire. Il  exerçait  en  cela,  comme  dans  l'autre  chose,  avec  un 
tact,  et  si  vous  voulez,  un  doigté  rem^arquable.  Sachant  que 
les  Perruches  se  nourrissent  presque  exclusivement  de  gra- 
minées fraîches,  au  paj'S  d'origine,  il  variait  leur  ordinaire, 
ajoutant  aux  graines  l'herbe,  les  choux,  les  salades,  le  pis- 
senlit, le  séneçon,  le  mouron,  des  fruits  divers  frais  et  secs, 
des  légumes  cuits  tels  que  carottes  et  pommes  de  terre,  du 
pain  au  lait.  Il  leur  distribuait,  en  été,  le  froment,  l'avoine, 
le  millet,  le  maïs  en  épis  verts  et  laiteux.  Elles  ne  manquaient 
jamais  de  verdure  tendre,  et,  généralement,  elles  ne  s'atta- 
quaient à  la  suprême  ressource  des  graines  sèches,  qu'après 
avoir  joué  leur  grand  air  sur  cette  verdure  succulente,  abon-  ' 
damment  distribuée. 

Le  mystère  de  leur  retraite  était  aussi  très  favorable  à  la 
reproduction.  On  leur  offrait  deux  nids,  accrochés  au  sommet 
de  Fabri  fermé,  un  à  chaque  angle,  de  gros  nids  creusés 
dans  des  troncs  d'arbre,  aussi  des  boites  spacieuses,  au 
milieu  desquelles,  au  fond,  était  pratiquée  pour  la  pose  des 
œufs,  une  légère  dépression  concave.  Elles  y  entassaient  des 
brindilles  de  bois  déchiqueté,  de  manière  à  s'y  faire  une  cou- 
chette bé-molle. 

Quant  à  la  provenance  de  ses  reproducteurs,  M.  Rousse 
les  prenait  un  peu  partout  ;  mais  il  donnait  la  préférence  à 
Toiseau  d'amateur,  l'estimant  préférable  à  l'oiseau  d'importa- 
tion. Il  trouvait  le  premier  tout  acclimaté,  surtout  s'il  était 
né  en  France;  mais,  avait-il,  sur  ce  sujet  délicat,  entièrement 

raison?  —  Point  d'orgue 

Je  n'ai  pas  oublié  que  lors  de  la  visite  que  je  lui  fis,  vers 
1882,  il  me  fit  voir  un  couple  de  Pséphotes  à  croupion  rouge, 
dont  il  se  réjouissait  d'obtenir  régulièrement  deux  petits  tous 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  ,M5 

les  ans.  C'étaient  des  sujets  achetés  chez  un  amateur  qui  les 
avait  vus  naître.  Deux  petits  tous  les  ans  !  Mais  j'avais  alors 
un  couple  de  cette  même  espèce,  qui  me  donnait  réguliè- 
rement, chaque  année,  deux  nichées  de  cinq  jeunes  chacune, 
tous  très  parfaitement  élevés.  II  est  vrai  que  c'étaient  des 
importés. 

M.  Rousse  avait  aussi  des  importés  quelquefois,   et  comme 
rien  ne  lui  résistait,  il  en  obtenait  des  familles  entières. 

An  commencement  de  son  élevage,  les  neuf  variétés  ins- 
tallées dans  les  nouvelles  volières  ne  firent  pas  florès.  Les 
Caroline  et  Barraband  ne  reproduisaient  pas  ;  les  Swainson 
se  contentaient  de  fréquenter  la  bûche,  où  elles  faisaient  en- 
tendre des  fioritures  qui  n'aboutissaient  â  rien.  Les  Palliceps, 
les  Edwards  pondaient  des  œuls  clairs  ;  les  Nouvelle-Zélande 
et  les  Omnicolores  donnaient  quelques  petits.  Le  premier 
beau  succès  qui  fut  obtenu  vint  d'un  couple  Pennant 
M.  Rousse  l'avait  formé,  en  1879,  d'un  mâle  âgé  de  2  ans,' 
acheté  â  un  amateur,  et  d'une  femelle  venue  de  Londres,' 
c'est-à-dire  récemment  importée  d'Australie,  son  pays  natal.' 
Elle  finissait  sa  mue  d'adulte,  ce  qui  prouvait  qu'elle  avait 
été  prise  toute  jeune,  excellente  condition  pour  reproduire. 
—  Dès  le  printemps  de  1880  ce  couple  Pennant  se  mit  â 
l'œuvre  ;  le  mâle  témoignait  encore  quelque  froideur,  mais  la 
femelle,  dont  la  bouillante  ardeur  allait  crescendo,  l''émous- 
tillait  â  coups  de  bec  et  d'ailes,  caresses  particulières  à  ce 
rnonde-là.  Il  céda,  s'accoupla  le  20  avril,  et  le  3  mai  le  pre- 
mier œuf  fut  pondu.  Il  y  eut  cinq  petits  qui,  poco  a  poco,  at- 
teignirent la  taille  d'adulte  et  firent  honneur  â  leur  extraction. 
La  reproduction,  une  fois  commencée,  se  continua  avec  bi-io 
les  années  suivantes,  ce  qui  permit  à  M.  Rousse  de  répandre 
cette  belle  espèce  â  nombreux  exemplaires. 

En  1881,  M.  Rousse  avait  obtenu  la  reproduction  du  Lori 
royal,  dit  Perruche  à  scapulaires,  qu'il  avait  acheté  â  Voiron, 
dans  l'Isère.  Cet  oiseau  splendide  ne  prolifie  pas  aisément. 
Néanmoins  il  donna  deux  jeunes  qui  formèrent  un  couple, 
dont  la  femelle  pondit  la  première  année,  alors  que  cette 
espèce  n'est  ordinairement  adulte  qu'à  trois  ans.  Pendant 
plusieurs  années  cette  rei>roduction  se  renouvela  comme  la 
précédente,  et  fut  un  des  plus  beaux  succès  du  genre. 

En  1882,  M.  Rousse  avait  éliminé  de  ses  volièi-es  les  espèces 
improductives,  telles  que  la  Barraband,   la  Caroline.    Il  les 


M  6  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

avait  remplacées  par  des  sujets  nouveaux.  Il  obtint,  cette 
même  année,  la  multiplication  de  la  Perruche  de  Nanday, 
orio-inaire  de  la  Patagonie.  C'est  un  assez  bel  oiseau,  vert  pre 
ave'c  la  tête  noire  ;  mais  quel  burleur  !  quelle  bête  a  caco- 
i.honie  '  On  se  demande  comment  le  maestro,  habitue  a  la 
concordance  des  suaves  mélodies,  put  supporter  auprès  de 
lui  la  permanence  d'instruments  aussi  discordants.  Ces  Per- 
ruches font  entendre,  quand  on  les  approche,  tous  les  grin- 
cements d'une  scierie  à  vapeur.  Il  en  eut  pour  la  première 
Ibis  quatre  jeunes.  Puis,  dès  l'année  suivante,  il  les  fit  bisser. 
LeVardin  d'Acclimatation  de  Paris  s'en  fournit  chez  lui  ;  et 
,'ependant,  c'est  une  espèce  à  laisser  de  côté,  en  raison  du 
misophone  qu'elle  porte  dans  son  gosier. 

Mais    la    plus    intéressante     reproduction    obtenue    par 
M 'Rousse  a  été  celle  de  la  Perruche  discolore  de  Latham, 
un  oiseau  mignon,  vert  et  rouge  avec  quelques  taches  jaune 
d'or  et  si  gracieux,  si  doux,  doué  d'un  gazouillement  si  at- 
l--iblè  qu'on  ne  peut    rien   voir  de  plus  attrayant.   Pendant 
rhiverde  1880  M.  Rousse  s'était  procuré  un  couple  de  ces 
iolies  Perruches,  à  Londres,  et  l'avait  installé  dans  une  de 
ses  volières  à  clôture  vitrée.  En  1881,  il  ne  remarqua  aucune 
velléité  d'accouplement.  En  1882,  la  femelle  pondit  trois  œufs 
qui  donnèrent  naissance  à  trois  perruchons.  L'élevage  réussit 
très  bien    et  l'instinct  du  musicien  battant  en  mesure,  au  mi- 
lieu de  cette  nouvelle  parti. . .  ou  parturition,  il  raconta  que 
.  tout  le  temps  que  ces  oiseaux  sont  restés  au  nid,  ils   tai- 
saient entendre,  lorsqu'on  les  regardait,  un  bruit  de  crécelle, 
semblable  à  celui  qui  est  particulier  aux  jeunes  Platycerques 
\près  leur  sortie  du  nid,  ils  font  entendre  partois  un  petit 
chant  se  rapprochant  beaucoup  de  celui  du  Loriot  «.  Ceci 

était  préférable. 

Depuis  lors,  ce  couple  Discolore  donna  tous  les  ans  des 
ieunes  •  en  1883,  une  couvée  de  cinq  ;  en  1884,  deux  nichées, 
l'une  de  trois,  l'autre  de  quatre  petits.  Les  générations  nou- 
velles laissées  avec  les  auteurs  de  leurs  jours,  vivaient  en 
accord  parfait.  C'était  un  vrai  plain-chant.  Aussi  M.  Rousse 
forma  le  projet  de  les  réunir  en  société  au  temps  des  couvées, 
dans  le  but  de  remplacer  les  Ondulées,  qui  déjà  détonnaient 
(l'une  façon  lamentable  (produits  nus). 

Or  donc  en  1885,  dès  février,  deux  paires  Discolores  lu- 
rent lâchées  dans  le  même  compartiment  ;  mais  l'expérience 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  117 

laillit  manquer  par  suite  du  décès  d'un  des  mâles.  Toutefois, 
ce  mallieur  amena  une  curieuse  découverte.  Les  deux  le- 
melles  furent  toutes  deux  fécondées  par  le  mâle  demeuré  seul, 
qui  les  visitait  tour  à  tour  dans  leurs  nids  respectifs  et  leur 
donnait,  en  aubade,  quelques  becquées  de  son  déjeuner. 
Elles  menèrent  à  bien,  l'une  cinq,  l'autre  quatre  perruclions, 
qui  furent,  comme  de  coutume,  élevés  avec  une  grande  fa- 
cilité. Le  problème  était  donc  plus  que  résolu.  La  Discolore 
de  Latham  vit  et  se  reproduit  en  société  avec  l'ensemble 
d'un  orcliestre  complet  ;  et  il  est  vraiment  fort  regrettable 
qu'elle  soit  d'importation  si  rare,  car  ce  serait  plaisir  qu'elle 
lut  plus  répandue  ;  et  ce  serait  facile,  étant  aussi  commune 
en  son  pays  natal ,  que  chez  nous  l'Hirondelle,  dont  les 
Anglais  lui  ont  donné  le  nom. 

Daussi  brillants  résultats  semblaient  devoir  attacher 
M.  Rousse  â  l'élevage.  Après  avoir  essayé  un  très  grand 
nombre  de  Perruches,  et  parmi  les  plus  rares,  la  Stanley,  la 
Multicolore,  la  Ventre-Jaune,  etc.,  il  nous  avait  donné  un 
petit  manuel  assez  instructif  bien  qu'un  peu  trop  succinct  — 
d'aucuns  disaient  qu'il  avait  gardé  par  devers  lui  ses  meilleures 
notes  —  mais  c'étaient  sans  doute  des  critiques  jaloux.  Son 
livre  contient  réellement  beaucoup  de  bonnes  choses,  sur- 
tout en  ce  qui  concerne  l'installation  et  l'alimentation  des 
Perruches.  Le  public  lui  avait  fait  un  excellent  accueil.  On 
pouvait  donc  espérer  qu'il  était  tout  à  fait  des  n(3tres,  rivé 
aux  volières  pour  jamais  ;  et  c'était  une  recrue  dont  nous 
n'avions  qu'à  nous  glorifier.  —  Tout  à  coup  le  disque  a 
tourné.  M.  Rousse  a  vendu  ses  oiseaux,  mis  le  cadenas  sur 
ses  cages...  et  il  est  retombé  sur  ses  anciennes  amours.  Il 
m'écrivit  alors  qu'il  désertait  l'élevage,  pour  se  consacrer  de 
nouveau,  et  exclusivement,  à  sa  chère  musique. . . 

Cette  fugue  rappelle  le  proverbe  :  Chassez  le  pas  naturel, 
il  revient  en  galop  ! 

Je  prends  la  liberté  de  dire  ici,  en  finissant,  que  je  me  suis 
moi-même  beaucoup  occupé  de  Perruches. 

C'est  par  le  goût  et  l'étude  de  ces  intéressants  oiseaux, 
pourtant  bien  fragiles,  que  j'ai  fait  mon  premier  pas,  moi 
aussi,  sur  le  terrain  glissant  de  l'élevage. 

Seulement  je  n'ai  pas  voulu  employer  tous  les  soins  minu- 
tieux que  M.  Rousse  mettait  à  l'installation  et  à  l'entretien  de 


118  REVUE  LES  SCÎENXES  NATUIiELLES  APPLIQUÉES. 

ces  animaux.  Aussi  ii'ai-je  pas  réussi  (l"une  faron  aussi  géné- 
j-aie.  —  Je  me  suis  dit  que  racclimatement  devait  risquer 
quelque  chose,  que  l'éducation  dans  du  coton  ne  faisait  pas 
des  Perruches,  et  que  si  l'on  voulait  réellement  acquérir  ces 
oiseaux  australiens  à  nos  climats,  il  fallait  au  moins  leur  en 
faire  goûter  les  avantages  et  les  inconvénients.  Consé- 
quemnient  j'ai  repoussé  le  système  des  volières  à  triple  tem- 
pérature, et  j'ai  négligé  le  surcroît  de  verdure  préconisé  par 
le  maître.  J'ai  perdu  beaucoup  de  sujets,  mais  j'en  ai  réussi 
pas  mal  aussi,  ce  qui  m'a  donné  peut-être  un  petit  mérite  de 
plus.  Dans  tous  les  cas  je  ne  m'en  fais  pas  gloire,  et  je  con- 
seille aux  débutants  d'imiter  M.  Rousse  et  pas  moi  ;  leurs 
bourses  certainement  s'en  trouveront  moins  allégées. 

Le  système  de  volière  que  j'avais  adopté  consistait  en  un 
logis  de  deux  pièces,  je  veux  dire  un  abri  couvert  muni  d'une 
clôture  facultative  (A  du  plan),  dont  on  usait  seulement  par 
les  très  grands  froids,  et  un  jardin  grillagé,  sablé,  planté  d'un 
arbre  sec  pour  perchoir  (B  du  plan).  La  nourriture  consistait 
en  graines  sèches,  millet,  alpiste,  blé,  parfois  du  tournesol  ou 
du  chénevis  (surtout  pendant  l'élevage  des  jeunes],  maïs 
bouilli,  pâtée  au  lait,  et  comme  verdure  du  séneçon  fré- 
quemment, de  la  laitue  rarement,  et  des  grappes  de  millet 
vert  le  plus  possible. 

Quant  aux  reproducteurs,  je  les  al  toujours  préférés  d'im- 
portation, et  je  me  les  procurais  régulièrement  chez  Abra- 
ham's,  à  Londres.  L'expérience  m'a  démontré  que  j'avais 
raison  de  m'en  tenir  à  cette  provenance,  car  si  l'oiseau  im- 
]»orté  doit  subir  une  période  d'acclimatement  qu'on  lui  fait 
fj-anchir  très  facilement  avec  des  soins,  il  devient  la  seconde 
année  très  robuste  et  très  prolifique.  Il  est  juste  de  dire  que 
ceux  dont  le  tempérament  a  été  éprouvé  sérieusement  par  la 
traversée,  et  toutes  les  misères  qui  l'accompagnent,  périssent 
invariablement,  ce  qui  produit  une  sélection  convenable; 
mais,  d'autre  part,  si  les  indigènes  sont  plus  résistants  à  Li 
captivité  et  aux  intempéries  du  climat,  ils  sont  beaucoup 
moins  reproducteurs  étant  déjà,  par  suite  de  leur  origine, 
légèrement  dégénérés. 

Pour  donner  un  tableau  d'ensemble  et  un  résumé  succinct, 
substantiel  toutefois,  de  mon  petit  élevage  de  Perruches,  je 
présente  ici  un  plan  de  ce  que  furent  les  volières  destinées  à 
ce  genre  d'oiseaux.  En  voulant  bien  y  porter  les  yeux,  on  y 


L'AVICULTUEE  CHEZ  L'ÉLEVEUR. 
N. 


119 


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i20  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

trouvera  des  numéros  qui  vont  être  reportés  ici  en  tète  d'ali- 
néas, et  serviront  à  indiquer  les  compartiments  dans  lesquels 
telles  et  telles  espèces  ont  été  retenues  captives  avec  les 
résultats  qui  en  ont  été  obtenus. 

1.  2.  3,  Volière  d'angle  fort  petite,  environ  3  mètres  de  pro- 
fondeur sur  5  mètres  d'extension  d'un  mur  à  l'autre,  dans  la 
partie  la  plus  large.  Au  milieu,  j'ai  toujours  eu  des  Ondulées. 
Ce  sont  même  les  premières  Perruches  que  j'aie  possédées. 
En  général,  c'était  alors  par  elles  qu'on  débutait.  Je  n'en  ai 
jamais  obtenu  un  très  bon  résultat.  La  reproduction  était 
faible  quand  les  nouveau-nés  étaient  bien  venus  et  bien  em- 
plumés.  Mais  dès  qu'elle  forçait,  c'était  comme  une  machine 
déraillée.  Les  petits  ne  s'emplumaient  pas,  tombaient  du  nid 
comme  des  saucisses,  et  les  parents  perdaient  leurs  grandes 
plumes,  queue  et  ailes,  à  la  mue  suivante.  Il  fallait  tout  donner 
aux  chats  des  voisins.  J'ai  dû,  cinq  ou  six  fois,  renouveler  la 
race  qui,  belle  et  bonne  au  début,  ne  tardait  pas  à  dégénérer 
et  à  tomber  à  rien.  Cet  inconvénient  se  présente  surtout  avec 
les  indigènes.  Les  importés  se  tiennent  mieux  et  plus  long- 
temps, puis  finissent,  les  femelles  surtout,  par  périr  de  même. 
J'ai  eu  là  aussi  des  Ondulées  jaunes  venues  de  Belgique.  Elles ,' 
ont  reproduit  une  fois,  puis  les  femelles,  que  j'ai  négligé  de 
rentrer  l'hiver,  sont  mortes  sur  leurs  œufs  à  la  ponte  sui- 
vante. Dans  le  n°  2,  j'ai  tenu  longtemps  ma  perruche  de  pré- 
dilection, l'Edwards;  j'en  ai  eu  beaucoup  de  petits,  au  moins 
quarante  en  quatre  ans.  Un  couple  de  jeunes  avait  été  placé 
dans  le  n'*  3  et  donna  également  des  petits,  mais  beaucoup 
moins  que  les  importés,  leurs  parents.  Plus  tard,  ce  n°  3  a  logé 
successivement  des  Croupion  rouge,  des  Nouvelle-Zélande, 
des  Lucien,  des  Discolores,  sans  résultat  appréciable. 

4.  Petite  volière  excellente,  exposée  au  soleil  levant  et 
munie  d'un  abri  vitré  entièrement  sur  chacun  des  deux  côtés, 
c'est-à-dire  une  serre.  Longueur  totale  5  mètres  ,  largeur 

2  mètres.  J'y  ai  conservé  plusieurs  années  un  splendide  couple 
Perruche  de  Paradis,  dont  je  n'ai  eu  que  des  accouplements. 
Plus  tard  un  couple  Multicolore;  la  femelle  a  pondu  et  couvé 

3  œufs  clairs.  Ensuite  des  Croupion  rouge  qui  ont  pullulé  au 
point  d'en  être  gênants;  des  Edward's  qui  n'ont  rien  fait  de 
bon,  et  dont  le  mâle  est  mort  atteint  du  même  piquage  que  les 
Ondulées.  Ce  sont  les  derniers  Edward's  que  j'ai  possédés 
C'est  une  espèce  finie;  elle  n'est  plus  importée  et  ne  se  repro- 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  ]i\ 

duit  plus  chez  l'amateur.  En  dernier  lieu,  j'ai  tenu  dans  cette 
sorte  de  serre  un  couple  de  Discolores  de  Latham,  avec  les- 
quelles j'ai    obtenu   un    succès  au  moins   égal  à   celui    de 
M.  Rousse.  Cette  espèce,  très  douce,  a  quelque  chose  de  per- 
sonnellement attrayant  comme  l'Edward's  ;  son  chant,  sa  la- 
miliarité,  sa  fécondité,  son  joli  plumage,  la  recommandent 
largement.  Comme  l'Edward's,  elle  a  complètement  disparu. 
5.  Ceci  est  le  premier  compartiment  d'un  régime  de  volières 
comprenant  6  locaux  de  grandeur  analogue  pour  grandes  per- 
ruches. Le  5  et  le  10  étaient  â  porte  vitrée,  les  autres  à  baie 
constamment  ouverte,  hiver  comme  été.  Les  5  et  10  mesu- 
raient 1  mètre  50  de  largeur,  les  autres  2  mètres.  La  longueur 
totale  pour  tous  était  5  mètres,  dont  2  à  l'intérieur  et  3  au 
dehors.  Au  5,  j'ai  tenu  successivement  plusieurs  couples  de 
Swainson,  dont  un  m'a  donné  une  nichée  de  deux  jeunes. 
Stupidement  j'ai  voulu  les  déplacer,  et  dans  la  volière  où  je 
les  ai  portés,  ils  ont  péri  en  deux  jours.  Ensuite  j'y  ai  mis  un 
couple  Mélanure,  dont  je  n'ai  rien  eu;  ensuite  un  couple  Pen- 
nant  qui  n'a  pas  produit  non  plus.  Au  6,  j'ai  possédé  un  couple 
de  Platycerques  à  Ventre  jaune,  assez   rare  oiseau  qui  n'a 
rien  d'éclatant  et  dont  je  me  suis  défait.  Plus  tard,  j'y  ai  placé 
des  Pennant  qui  ont  pondu  et  couvé  des  œufs  inféconds  ;  plus 
tard,  des  Perruches  de  Bauer  qui  n'ont  pas  montré  de  velléité 
à  se  reproduire.  Au  7,  j'ai  mis  à  plusieurs  reprises  des  couples 
de  Barnard  splendides.  C'est  une  espèce  assez  difficile  à  accli- 
mater et  qui  ne  prolifle  pas  chez  nous.  Je  n'en  ai  rien  obtenu 
non  plus. 

Au  8,  des  PalHceps  ont  niché  â  plusieurs  reprises.  Enfin, 
fatiguée,  la  femelle  mourut.  Le  vieux  mâle  s'éprit  d'une 
femelle  Omnicolore  qui  logeait  au  9,  à  côté  de  lui.  Voyant 
qu'il  la  courtisait  et  lui  offrait  la  becquée  â  travers  le  grillage, 
je  la  lui  donnai.  Leur  reproduction  fut  assez  curieuse,  mais 
d'un  plumage  moins  éclatant  que  celui  des  parents,  toutefois 
dans  les  teintes  gaies. 

Au  9,  après  ces  Omnicolores  dont  le  mâle  était  mort  sans 
postérité,  des  Barraband  furent  logés  qui  donnèrent,  â  deux 
ans  d'installation,  trois  jeunes  oiseaux.  Ils  furent  parfaitement 
élevés,  et  ce  fait  de  reproduction  n'est  pas  commun. 

Au  10,  il  y  eut  des  Jendaya  ;  plus  tard,  des  Adélaïde; 
ensuite,  des  Bonnet  bleu  ;  puis  des  Ecaillées,  qui  ne  donnèrent 
ni  les  uns  ni  les  autres  aucune  reproduction.  Il  faut  croii^p 


122  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

que  ce  sont  là  des  espèces  peu  communes,  et  encore  fort 
peu  essayées. 

Nous  passons  au  second  régime  des  Yolières ,  celui  (jui 
s"ouvre  à  l'ouest,  exposition  assez  mauvaise  en  général,  et  de 
laquelle  je  n'eus  ici  qu'à  me  louer.  Elle  est  privée  du  soleil  le 
matin,  mais  elle  en  jouit  toute  la  journée  et  jusqu'au  soir. 
Elle  reçoit  les  coups  de  vent  du  sud-ouest,  mais  elle  est  abritée 
des  bises  glaciales  de  l'est,  qui  sont  si  fatigantes  et  si  persis- 
tantes en  hiver. 

Au  n'5  11,  un  couple  Nouvelle-Zélande  donna  quelques 
jeunes,  mais  peu  robustes,  de  croissance  trop  lente.  Il  fut 
remplacé  par  un  couple  Omnicolore,  venu  de  chez  un  amateur 
(par  exception),  et  qui,  pendant  cinq  ans,  m'a  donné,  chaque 
saison,  une  nichée  de  trois  petits.  Ces  Perruches,  d'ailleurs 
d'importation,  étaient  d'une  beauté  et  d'un  éclat  remarqua- 
l>les  ;  ce  sont  les  meilleurs  oiseaux,  comme  reproducteurs, 
(jue  j'aie  jamais  eus. 

Au  n»  12,  j'ai  logé  à  plusieurs  reprises  des  Loris  royaux, 
sans  en  rien  obtenir.  Une  femelle  ardente  recherchait  le  mâle 
qui  roulait  des  yeux  effrayants  à  son  approclie,  mais  ne 
savait  faire  que  ça.  Elle  pondit  des  œufs  clairs  sur  le  sommet 
du  tronc  d'arbre  qui  lui  était  offert  pour  nid.  Plus  tard,  un 
couple  Trichoglosse-Concinnus  fut  lâché  dans  cette  volière 
de  grande  dimension,  et  il  y  prenait  de  fols  ébats.  La  femelle 
pondit  et  couva  trois  œufs  pendant  plus  d'un  mois.  Ils  étaient 
clairs. 

Au  13,  j'eus  des  Erythroptère?^,  des  jeunes  d'abord  que  je 
revendis  peu  après  ;  puis  un  beau  couple  d'adultes  qui  repro- 
duisit dès  la  première  année,  faisant  deux  nichées  de  trois 
jeunes  chacune.  C'est  ce  couple  qui  m'a  valu  les  lauriers  dont 
la  Société  d'Acclimatation  a  bien  voulu  me  couronner  — pour 
quelle  pacifique  conquête  —  en  1884.  La  seconde  année,  la 
femelle  pondit  sur  son  nid,  et  non  dedans  ;  je  laissai  les  œufs 
en  les  plaçant  dans  une  boite  plate,  à  fond  garni  de  sciure. 
Les  petits  vinrent,  mais  ils  se  jetèrent  du  haut  de  leur  cin- 
(juième  étage  et  se  rompirent  le  col  sur  le  pavé.  Ce  bon  et 
excellent  couple,  vendu  à  M.  Hurel,  à  Laigle,  lui  a  rap- 
porté plus  de  2,000  francs ,  par  la  quantité  de  produits  qu'il 
a  donnés  et  qui  ont  été  très  lucrativement  placés.  Je  lui 
repris,  moi-même,  un  couple  de  jeunes.  A  trois  ans,  la  femelle 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  4  23 

pondit  et  couva  très  assidûment  quatre  œufs  que  le  mâle 
n'avait  pas  fécondés. 

Au  14,  des  Mélanures  furent  longtemps  hébergées,  superbes, 
vives,  gaies,  en  parfait  état.  Le  mâle  donnait  ïa  becquée  à  la 
femelle.  Celle-ci,  après  l'avoir  prise,  s'enfuyait  misérable- 
ment. Aucun  résultat. 

Au  15,  successivement  vécurent  des  Omnicolores  mauvaises 
qui    muururent    stériles,    des    Calopsittes   qui  nichèrent  à 
foison,  des  Nanday  qui  liurlaient  au  passage  des  gens  et  des 
bétes,  et  que  le  vol  d'une  mouche  iaisait  tomber  en  épilepsie. 
Je  voulais  les  lâcher  et  les  expédier  à  coups  de  fusil.  J'eus  la 
chance  d'en  trouver  preneur,  huit  jours  après  les  avoir  ache- 
tées. Quel  débarras!  Enfin,  dans  ce  15,  un  splendide  couple 
Palliceps,  composé  d'un  mâle  indigène,  né  au  Mans,  et  d'une 
femelle  importée,   vécut    cinq  ou   six  ans   et  nicha  dès  la 
seconde  année.  Il  se  montra  d'une  fécondité  remarquable.  Ses 
<lcux  nichées  étaient,  chaque  fois,  de  cinq  petits  chacune  ;  et 
le  père  nourrissait  encore  les  aînés  groupés  sur  l'arbre  sec 
qui  leur  servait  de  perchoir,  quand  déjà  il  portait  a  manger 
aux  nouveaux-nés  qu'on  entendait  vagir  ou  créceller,  selon 
le  terme  euphonique  de  M.   Rousse,   sous  les  caresses  de 
leur  mère,  au  fond  du  tronc  creux  qu'ils  avaient  pour  ber- 
ceau.  Cette  reproduction  commençait  dès  les  premiers  jours 
de  février  et   ne  s'arrêtait  qu'à  la   mue,  qui    survient  en 
juillet.  Cette  grande  espèce,  si  recommandable,  avec  l'Omni- 
colore,  l'Erythroptère,  et  parmi  celles  de  taille  moyenne,  la 
Calopsitte,  la  Croupion  rouge,  l'Edward's  et   la  Discolore, 
Ibrme  le  clan  des  Perruches  australiennes  qui  se  montrèrent 
les  plus  prolifiques,  dans  la  modeste  installation  dont  je  viens 
de  donner  le  cliché. 

^  On  excusera,  j'espère,  ce  petit  plaidoyer  pro  domo,  qui  a 
l'air  de  venir  là  comme  une  guigne  sur  un  banc  d'huitres  ; 
mais,  puisqu'il  était  question  de  Perruches  en  ce  chapitre! 
j'ai  pensé  qu'il  pourrait  m'ètre  toléré  de  conter,  en  quelques 
lignes,  les  efforts  que  j'ai  faits  pour  la  propagation  de  cette 
variété  ornithologique,  et  comment  dame  Nature  m'en  a 
récompensé. 

{A  sii.ivre.) 


LES    BOIS    INDUSTRIELS 

INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES 
Par  Jules  GRISARD  et  Maximilien  VANDEN-BERGHE. 

{  SUITE*) 


y 


MELIA  AZEDARAGH  L. 
Azédarach,    Lilas   des   Indes. 

Melia  sempervirens  Sw. 

—  Guineensis  Louu. 

—  Cochinchinensis  Roem. 

—  composita  Benth.  non  Willd. 

Afrique  portugaise  :  Bomholo  ia  n'puto.  Annamite  (vulg.)  :  S/Ui  dân.  (Mand.)  : 
Chann  mou.  Hou  Ik'n,  Xûii  lien,  Yu-nion.  Cochinchine  :  Faux  camphrier. 
Faux  sycomore.  Guadeloupe  :  Lilas  du  pays.  Arbre  saint,  Arbre  à  chapelets. 
Hindouslani  :  Bukain.  Indes  néerlandaises  :  Xakera,  Kihera,  Mmdi.  Japon  : 
Senn-dan,  Shen-lien,  Sen-yoo-si.  Mexique  :  Arbol  paraiso,  Lila,  Piocha. 
Paraiso  morado.  Paraguay  et  République  Argentine  :  Paraiso  ou  Paradisier. 
Sanscrit  :  Maha-nimb.  Taiti  :  Ttra.  Tamoul  :  Mâh'-vtmbou.  Télenga  :  Turka 
vepa.  Venezuela  :  Alelî. 

Arbre  d'une  hauteur  de  12-15  mètres,  sur  un  diamètre  de 
40  centimètres  environ,  dont  la  tige,  droite  et  rameuse,  est 
recouverte  d'une  écorce  vert -noirâtre  extérieurement  ; 
feuilles  imparipennées,  composées  de  9  folioles  opposées, 
ovales,  aiguës,  serretées,  plus  rarement  incisées  ou  profon- 
dément découpées,  luisantes  et  un  peu  rugueuses. 

Originaire  des  Indes  orientales  et  de  la  Chine,  TAzédarach 
se  rencontre  aujourd'hui  dans  toutes  les  régions  chaudes  des 
cinq  parties  du  monde  où  il  s'est  parfaitement  naturalisé. 
Cette  belle  espèce,  connue  dans  le  midi  de  la  France  sous  les 
noms  de  «  Sycomore,  Cyrouenne,  Laurier  grec,  Lilas  de  la 
Perse,  Lilas  de  la  Chine»,  etc.,  est  souvent  cultivée  dans  les 
jardins  pour  la  beauté  de  ses  fleurs  et  l'élégance  de  son 
feuillage  dense  et  d'un  beau  vert. 

(*)  Voyez  Revue,  années  1891,  note  p.  542;  1892,  !"■  semestre,  note  p.  583, 
et  2«  semestre,  note  p.  517  ;  et  plus  haut,  p.  2S. 


LES  BOIS   INDUSTlUtlLS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  125 

Son  bois,  le  plus  souvent  de  couleur  rouge  clair,  est  quel- 
quefois jaunâtre  et  légèrement  veiné,  plus  rarement  blan- 
châtre. Solide,  assez  léger,  souple  et  élastique,  il  est  généra- 
lement d'une  texture  assez  fine  et  assez  serrée  pour  recevoir 
un  beau  poli;  il  résiste  mal  aux  intempéries,  mais  se  conserve 
])articulièrement  bien  sous  l'eau  et  n'est  pas  attaqué  par  les 
termites.  Propre  à  être  utilisé  dans  quelques  constructions, 
on  l'emploie  surtout  pour  le  cliarronnage;  sa  flexibilité  le  rend 
excellent  pour  la  confection  des  instruments  aratoires,  bran- 
cards de  charrettes,  tables  d'harmonie,  luts  pour  le  transport 
des  marchandises  sèches  et  divers  ustensiles  d'économie  do- 
mestique. En  Cochinchine,  les  marchands  de  bois  le  badi- 
geonnent parfois  avec  de  l'alcool  camphré  et  le  font  passer 
l)our  du  camphrier.  A  la  Caroline,  on  le  débite  ordinairement 
en  planches  utilisées  pour  la  menuiserie  et  aux  Indes  néer- 
landaises il  est  souvent  employé  pour  la  construction  des 
canaux  ;  la  faible  quantité  de  tanin  qu'il  contient  le  fait  éga- 
lement rechercher  pour  faire  les  roues  batteuses  des  manu- 
factures d'Indigo.  Dans  le  midi  de  la  France,  l'arbre  atteint 
des  dimensions  suffisantes  pour  que  son  bois  puisse  être  uti- 
lisé avec  avantage  dans  l'ébénisterie  et  la  tabletterie.  Sa  den- 
sité varie  entre  0,545  et  0,886. 

Toutes  les  parties  de  la  plante  sont  amères  et  fortement 
purgatives  ;  l'écorce  de  la  racine,  inscrite  dans  la  pharmacie 
des  Etats-Unis,  est  considérée  dans  ce  pays  comme  le  meil- 
leur des  anthelmintiques. 

MELIA  DUBIA  CaV. 

Melia  composita  Willd. 

—  argentea  Hans. 

—  l'obiista  RoxB. 

—  superba  Roxb. 

Annamite  vulgaire  :  Hâ».  dân.  Queensland  :    White  Cedar. 

Arbre  d'une  hauteur  moyenne  de  30  mètres  sur  un  dia- 
mètre de  1  mètre,  à  feuilles  longuement  pétiolées,  impari- 
bipennées,  composées  de  1-2  paires  de  folioles  opposées,  à 
l>innules  opposées  entières  ou  finement  crénelées,  glabres 
sur  les  deux  faces. 

Originaire  de  l'Asie  méridionale,  cette  espèce  se  rencontre 


126  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

en  Cochinchine,  dans  l'Inde,  le  Concan  et  à  Ceylan  ;  on  la  re- 
garde aussi  comme  indigène  au  Queensland. 

Son  bois,  de  couleur  rouge  Lrun,  veiné  de  rose  A'ers  le 
cœur,  est  tendre,  facile  à  travailler,  mais  d'une  durée  limitée 
lorsqu'il  est  exposé  aux  intempéries.  Très  estimé  pour  l'ébë- 
nisterie,  sa  flexibilité  le  fait  également  rechercher  pour  la 
confection  de  brancards,  avirons,  etc.;  on  s'en  sert  aussi  pour 
la  fabrication  de  quelques  instruments  de  musique. 

L'écorce  et  les  feuilles  sont  données  en  décoction  comme 
vermifuges  ;  les  vétérinaires  les  prescrivent  parfois  sous  di- 
verses formes  contre  les  tranchées  ou  coliques  des  chevaux. 

Les  graines  de  cette  espèce  sont  oléagineuses. 

MELIA  JAPONIGA  Dox.  Azédarach  du  Japon. 

Japon  :  Sendan,  Oori. 

Arbre  de  taille  moyenne,  à  feuilles  bipennées,  croissant 
abondamment  au  Japon  dans  les  terres  sablonneuses  culti- 
vées du  littoral,  particulièrement  au  sud  de  Kiousiou,  où  il 
atteint  ses  plus  grandes  dimensions,  ainsi  que  dans  l'Ile  de 
Nippon  et  aux  environs  de  Yokoliama  et  Nangasaki . 

Son  bois,  de  couleur  rouge  brun,  est  tendre  et  léger;  ses 
couches  annuelles  sont  larges  et  très  visibles  par  suite  de  la 
croissance  rapide  de  l'arbre.  Il  ne  résiste  guère  à  une  exposi- 
tion prolongée  à  l'air,  mais  sa  durée  est  suffisante  pour  qu'il 
liuisse  être  utilisé  dans  les  travaux  intérieurs  de  menuiserie. 
Dans  l'île  de  Kiousiou,  dit  M.  H.  Dupont,  les  Japonais  en  font 
des  caisses  de  tambours  ;  ceux-ci  sont  toujours  formés  d'un 
tronc  d'arbre  creusé  intérieurement,  dont  on  recouvre  chaque 
extrémité  avec  une  i)eau  rabattue  et  clouée. 

Comme  les  diverses  espèces  appartenant  à  ce  genre,  l'Azé- 
darach  de  Japon  produit  de  nombreux  bouquets  de  fleurs  qui 
rappellent  assez  le  Lilas  d'Europe,  tant  par  leur  couleur  que 
par  leur  parfimi  doux  et  agréable. 

Nous  mentionnerons  encore  dans  ce  genre  : 

Le  Melia  Banibolo  Welw  mss.  (Afrique  portugaise  :  Bom- 
hùlo.)  C'est  un  grand  et  bel  arbre  forestier,  à  cime  large  et 
dilatée,  qui  se  rencontre  assez  fréquemment  dans  les  posses- 
sions portugaises  de  l'Afrique.  Son  bois,  léger,  assez  résis- 
tant et  d'un  travail  facile,  est  employé  dans  son  pays  d'ori- 
gine pour  la  fabrication  d'objets  variés  utilisés  dans  l'économie 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  127 

domestique.  En  outre,  ce  bois  donne  lieu  à  une  industrie 
spéciale  et  intéressante,  localisée  dans  une  partie  du  district 
de  Golondo  Alto,  et  qui  consiste  dans  la  confection  de  petites 
caisses  qui  sont  l'objet  d'un  trafic  assez  lucratif  pour  ceux  qui 
exécutent  ce  genre  de  travail  assez  primitif. 

OWENIA  CERASIFOLIA  F.  Muell. 
Colons  anglais  de  l'Australie  :  Sioeet  plum. 

Petit  arbre  d'une  hauteur  moyenne  de  10  mètres,  sur  un 
diamètre  de  25-40  centimètres,  très  ornemental,  à  feuilles 
composées  de  6-10  folioles  obliquement  ovales-oblongues, 
obtuses,  glabres  en  dessus,  pubescentes  en  dessous,  croissant 
spontanément  au  Queensland. 

Son  bois,  d'une  belle  couleur  rouge  foncé,  agréablement 
veiné,  est  dur,  d'un  grain  fin  et  serré  lui  permettant  de 
prendre  un  très  beau  poli.  Excellent  pour  les  ouvrages  de 
tour,  il  convient  aussi  admirablement  aux  travaux  d'ébénis- 
terie  et  de  tabletterie,  et  forme  même,  pour  la  colonie,  un  im- 
portant article  de  commerce  avec  la  Chine. 

h'Owcnia  venosaF.  Muell.  {Sour  phcm  des  colons  anglais) 
est  un  arbre  de  dimensions  moyennes,  commun  au  Queens- 
land dans  les  taillis  des  Brigalows,  dans  le  district  des  Dar- 
ling  Downs.  Son  bois,  rouge,  dur,  solide  et  très  résistant,  est 
susceptible  d'être  utilisé  avec  avantage  dans  la  construction 
pour  petites  charpentes,  solives,  chevrons,  etc.,  ainsi  que 
pour  le  charronnage,  le  tour  et  autres  objets  divers.  Le  fruit 
contient  une  pulpe  légèrement  acide,  saine,  qui  est  mangée 
avec  plaisir  par  les  indigènes. 

SANDORIGUM    INDIGUM    Cav. 
Mangoustan  sauvage. 

JHelia  Koetjape  Brown. 
Sandoi'icum  nervosum  Bl. 

—  Ternatum  Blango. 

Trichilia  nervosa  Valh. 

Anglais  :  Sandal-tree.  Annamite  :  San  dûn.  Birmanie  :  Thitto.  Javanais  :  Sonlol, 
Kikatjapir.  Malacca  :  Suntool  outan.  Malais  :  Kitjapi,  Kctjapi.  Sondanais  : 
Hen  (ocl,  Katjapie. 

Bel  arbre  d'une  hauteur  de  25  mètres  environ,  sur  .un  dia- 
mètre moyen  de  00  centimètres,  à  feuilles  alternes,  longue- 


128  REVUE  DES   SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

ment  pétiolées,  composées  de  2  à  3  folioles  amples,  ovales, 
acumlnées,  entières,  lisses  en  dessus,  tomenteuses  en  dessous. 

Originaire  des  Indes  orientales,  on  le  rencontrti  en  Cocliin- 
chine,  à  Penang,  Siam,  Malacca,  Java,  Bornéo,  les  Moluques, 
Liiçon,  etc.,  ainsi  qu'aux  îles  Maurice  et  de  la  Réunion. 

Son  bois,  d'un  blanc  olivâtre  ou  gris-brun,  quelquefois  très 
joli,  est  très  tendre,  d'un  grain  moyen,  assez  résistant  et  ne 
se  fend  pas  en  séchant.  Employé  quelquefois  dans  la  construc- 
tion et  pour  la  fabrication  des  meubles,  on  le  débite  plus  sou- 
vent en  madriers  et  en  planches  pour  la  menuiserie  et  la  con- 
fection des  caisses  d'emballage  ;  on  en  fait  aussi  des  chaloupes 
et  des  charrettes. 

Le  fruit,  appelé  Mangouste  sauvage,  est  une  baie  charnue, 
de  la  grosseur  et  de  la  forme  d'une  orange,  marquée  de  côtes 
larges,  mais  peu  saillantes  ;  les  graines  sont  entourées  d'un 
arille  pulpeux,  blanchâtre,  fondant,  fortement  acide  et  géla- 
tineux, d'une  saveur  légèrement  alliacée,  que  l'on  peut  manger 
cru,  mais  qui  est  peu  estimé.  Préparée  en  conserves  avec  du 
sucre,  cette  pulpe  sert  à  faire  des  gelées,  des  confitures  et  des 
sirops  astringents  et  très  rafraîchissants,  dont  on  fait  usage 
contre  la  diarrhée. 

L'écorce  de  la  racine  est  aromatique,  stomachique  et  anti- 
spasmodique; ses  propriétés  astringentes  la  font  également 
employer  à  Java,  mélangée  à  l'écorce  du  Carapa  obovata, 
l>our  combattre  la  leucorrhée. 

Le  Sandorîcum  Harmandianum  Laness.  est  un  arbre 
forestier  de  Cochinchine  qui  fournit  un  bois  plus  dense  et 
d'une  durée  plus  longue  que  celui  de  l'espèce  ci-dessus. 

Le  Santoe-hodie  de  Sumatra  est  une  espèce  indéterminée 
du  même  genre,  dont  le  bois  est  utilisé  dans  les  constructions 
indigènes. 

SOYMIDA  FEBRIFUGA  A.  Juss. 

Cedrela  febrifuga  Roxb. 
Htoietenia  febrifuga  Roxb. 

—  Soytnida  Dunc. 

—  rubra  Rottl. 

Anglais  :  East  ludian  Mahogany.  Bengali  :  Rohn,  Rohm,  Sohn. 
Hindoustani  :  Rohuna, 

Bel  arbre  d'une  hauteur  de  20  à  30  mètres  dont  le  tronc  est 


LES  BOIS  INDUSTRIELS   INDIGENES  ET  EXOTIQUES.  129 

recouvert  d'une  écorce  rugueuse,  épaisse,  fibreuse,  noirâtre 
extérieurement,  d'un  rouge  assez  vif  en  dedans.  Feuilles 
alternes,  composées  ordinairement  de  six  paires  de  folioles 
ovales-oblongues,  obtuses,  lisses  et  luisantes. 

Originaire  de  l'Asie,  cette  espèce  croit  assez  abondamment 
dans  les  forêts  montagneuses  des  régions  centrales  et  méri- 
dionales de  la  péninsule  indienne. 

Son  bois,  d'un  rouge  éclatant,  est  solide,  très  durable, 
incapable  de  jouer  et  de  plier.  Très  estimé  pour  les  construc- 
tions, il  convient  admirablement  aux  travaux  d'ébénisterie 
et  pour  la  confection  des  panneaux  destinés  à  recevoir  des 
peintures  à  l'huile.  Cette  essence  est  fréquemment  employée 
dans  l'Inde  pour  la  sculpture  des  diverses  figures  placées  dans 
les  pagodes.  Ce  bois,  appelé  Bastard  cedar  par  les  colons 
anglais,  constitue  un  article  de  commerce  assez  considérable 
dans  rinde  et  que  l'on  exporte  aussi  en  Angleterre  sous  le 
nom  de  Red-iuood  de  Coromandel. 

L'écorce  est  inscrite  dans  la  pharmacopée  de  l'Inde  comme 
tonique  astringente;  on  la  regarde  comme  utile  dans  les  fièvres 
intermittentes,  la  période  avancée  de  la  dysenterie  et  de  la 
diarrhée,  ainsi  que  dans  les  cas  de  débilité  générale.  Son  prin- 
cipe actif  est  dû  à  une  substance  résineuse,  presque  incolore, 
soluble  dans  l'alcool  et  l'éther,  peu  soluble  dans  l'eau,  déter- 
minée par  Broughton.  L'écorce  de  Soymida  a  été  introduite 
dans  la  pratique  médicale  des  Européens  sur  les  indications 
de  Roxburgh  qui  la  préconisa  comme  succédané  du  Quinquina. 

SWIETENIA  MAHOGANY  L. 
Acajou  à  meubles,  Mahogany,  Cèdre  des  Antilles. 

'        Cedrus  Mahogany  Mill. 

Allemand  :  Maha/joiiibaum.  Amérique  espagnole  et  Espaf^ne  :  Caoba.  Anglais  : 
3Iahoga7iij  trce.  Hollandais  :  jMahônijbootn,  Nieuivbladboom.  Italiea  :  Acaju. 
Jamaïque  :  Curlet  mahotjanj/.  Mexique  :  Rosadillo,  Tepoimstli,  Caobo,  Zopi- 
lotl,  Zopiloquahwitl,  TzopilothontecoMitL  Portugais  :  Acajû. 

Grand  arbre  d'une  hauteur  moyenne  de  20  mètres,  consi- 
déré avec  raison  comme  une  des  plus  belles  essences  fores- 
tières des  régions  tropicales;  tronc  droit  et  élevé,  couvert 
d'une  écorce  cendrée  glabre  et  lisse,  atteignant  jusqu'à  3  mèires 
et  plus  de  diamètre  à  la  base.  Feuilles  pennées,  composées  de 

5  Février  1893.  9 


130  REVUE  DES  SCIENCES   NATURELLES  APPLIQUEES. 

8  folioles  opposées,  brièvement  pétiolées,  ovaUs -lancéolées, 
acuminées,  entières,  obliques  à  la  base,  siibcoriaces,  épaisses, 
luisantes,  d'un  vert  rougeâtre  caractéristique. 

Originaire  des  parties  chaudes  de  l'Amérique,  le  Swietenia 
Mahogany  se  rencontre  aux  Antilles,  au  Mexique,  à  la  Flo- 
ride, etc.,  où  il  se  plaît  surtout  dans  les  terrains  fermes,  durs, 
secs,  rocailleux  et  même  rocheux.  Les  arbres  qui  se  déve- 
loppent dans  les  sols  humides,  sur  le  bord  des  cours  d'eau,  ont 
ime  croissance  plus  rapide,  mais  ils  fournissent  un  bois  plus 
tendre  et  moins  bien  veiné.  Cette  espèce  croît  toujours  isolé- 
ment au  milieu  des  lianes  et  des  autres  essences  et  ne  se  ren- 
contre jamais  en  groupes  ni  en  bouquets. 

L'Acajou,  si  célèbre  par  sa  beauté  et  ses  qualités,  est  un  bois 
rougeâtre  d'une  teinte  claire,  mais  devenant  très  foncée  et 
même  presque  noire  par  une  longue  exposition  à  l'air;  il  n'est 
pas  rare  de  le  trouver  nuancé  agréablement  de  veines  fines 
ou  très  larges,  le  plus  souvent  ondulées,  ou  encore  semé  de 
taches  rondes  ou  ovales  dues  à  la  présence  dans  le  bois  d'un 
grand  nombre  de  nœuds  dont  la  couleur,  tantôt  sombre,  tant(3t 
claire,  tranche  sur  la  teinte  du  fond.  Assez  dur,  d'une  texture 
compacte,  d'un  grain  fin  et  très  serré,  l'Acajou  est  susceptible 
du  plus  beau  poli.  Solide,  tenace,  presque  incorruptible  lors- 
qu'il n'a  pas  à  supporter  des  alternatives  de  sécheresse  et 
d'humidité,  il  constitue  une  des  matières  premières  les  plus 
importantes  utilisées  dans  l'industrie  du  meuble.  Quoique  son 
emploi  ait  quelque  peu  diminué  dans  ces  derniers  temps,  il 
n'en  reste  pas  moins  un  des  bois  les  plus  recherchés  pour  la 
menuiserie  de  luxe,  l'ébénisterie,  la  tabletterie  et  la  marque- 
terie. On  l'emploie  soit  massif,  soit  en  placage,  pour  recouvrir 
des  bois  plus  communs.  Malgré  sa  solidité,  l'Acajou  se  prête 
mal  à  la  sculpture  et  se  casse  assez  facilement  sous  la  gouge; 
aussi  doit-on  se  contenter  d'exécuter  des  travaux  assez  large- 
ment traités,  car  il  serait  pour  ainsi  dire  presque  impossible 
d'obtenir  avec  ce  bois  les  détails  légers  et  délicats  qui  donnent 
la  valeur  artistique  aux  meubles  de  style.  Avant  l'introduction 
de  l'art  métallurgique  dans  l'architecture  navale,  l'Acajou 
était  largement  utilisé  par  les  Anglais  et  les  Américains  des 
Etats-Unis  pour  la  construction  de  leurs  navires,  mais  c'est 
encore  avec  ce  bois  que  se  font  en  partie  les  diverses  embar- 
cations de  plaisance.  En  Angleterre,  on  s'en  sert  aussi  pour 
le  montage  des  métiers  à  tisser,  et  en  France  pour  la  fabri- 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  131 

cation  des  appareils  électriques  bien  qu'il  soit  inférieur  au 
Teck  et  même  au  Noyer,  sous  le  rapport  des  conditions  de 
conductibilité. 

Les  Acajous  d'ébénisterie  sont  ordinairement  classés,  d'a- 
près leur  provenance,  en  Acajou  de  Haïti,  de  Honduras,  de 
Cuba,  de  Yucatan,  de  Cayenne  et  du  Sénégal  (1). 

L'Acajou  de  Haïti  est  le  plus  estimé  ;  il  est  d'un  rouge  vif. 
d'un  grain  fin  et  serré,  et  sa  densité  varie  entre  0.750  et  0.950.' 
Son  prix  élevé  le  fait  réserver  pour  l'ébénisterie  de  luxe.  Il 
arrive  en  billes  équarries  sous  le  nom  de  Mlles  canoiis,  longues 
de  2  mètres  50  à  3  mètres,  sur  40  à  70  d'équarrissage.°Les 
Mlles- fourchues  livoyiemiewt  de  l'endroit  où  l'arbre  se  ramifie 
en  présentant  des  dessins  variés  ;  leur  bois  est  plus  recherché 
et  se  désigne  sous  le  nom  (['Acajou  ronceux,  ces  billes  sont 
de  plus  faibles  dimensions. 

Les  Acajous  de  toute  provenance,  appelés  «  Bois  d'Acajou, 
Acajou  vrai,  Bois  de  Mahogony,  Mahononi,  Mahogon,  Mahony' 
Bois  d'Amaranthe,  etc.  (2),  se  qualifient  dans  le  commerce 

(1)  Nous  ferons  remarquer  à  ce  sujet  que  plusieurs  de  ces  bois 
portant  commercialement  le  nom  à' Acajou,  n'appartiennent  pas  tou- 
jours a  la  même  espèce,  mais  bien  quelquefois  à  des  arbres  de  genres 
différents.  ^ 

i: Acajou  du  Honduras  est  fourni  par  une  espèce  indéterminée   du 
genre  Swietenia  ;  c'est  un   des  meilleurs  après  celui  d'Haïti,  mais  il 
est  plus  difficile  à  travailler.  Ou  le  reconnaît  à  sa  couleur  rouge  paie 
qui  ne  brunit  pas   avec  le   temps.   Son  prix,  relativement  peu  ëleve 
permet  de  l'employer  dans  la  marine. 

V Acajou  de    Cuba  vient  de  Pespéce;  il  est  plus  lourd  que  celui  de 
Ilaiti,  mais   ses  fibres   sont  plas  grosses  et   sa  couleur  moins  belle 
e.elui  qui  est  importé    en  Europe  est  souvent  vendu  frauduleusement 
romme  bois  de  premier  choix. 

L'Acajou  du  Yucatan  ayant  pour  origine  une  variété  du  S.  Mahoaann 
est  une  qualité  inférieure  offrant  quelque  analogie  avec  celle  du  Hon- 
duras. 

i: Acajou  de  Cayenne  est  le  «  Bois  d'amaranlhe  »  attribué  par  Quel- 
ques auteurs  à  un  Cedrela,  mais  que  nous  croyons  plutôt  devoir  repor- 
ter  au  Sv-ietema.  ^ 

lensit^'"'^'"'  ''''  ^'"'^"'^  "''  d'Afrique  est  le  Caïlcedra  (Aliai/a  Seuega- 

V Acajou  a  planches  ou  Acajou  femelle  est  un  bois   rougeatre,  léger 
résineux  et  amer  provenant  de  plusieurs  espèces  du  ^^ome  Cedrela 

l^  Acajou  ou  CaôOano  du  Venezuela  est  une  variété  d'Acajou  de  qua- 
lité inférieure  que  l'on  emploie  surtout  pour  planches  et  madriers. 

(2)  Le  bois  d'Amaranthe  rouge  de  la  Guyane  ou  Acajou  de  Cayenne, 


132  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIO7EES. 

d'après  la  disposition  des  veines  ou  des  nodosités  qui  forment 
à  la  surface  les  différents  dessins  auxquels  ils  doivent  en 
partie  leur  valeur  et  qui  leur  font  donner  les  noms  d'Acajou 
uni,  veiné,  moiré,  flambé,  chenille,  moucheté,  tigré,  rubané, 
panaché,  etc.,  qui  en  indiquent  suffisamment  l'aspect. 

L'écorce  de  S.  Mahogony  est  amère,  astringente  et  tonique; 
elle  est  usitée  aux  Antilles  contre  les  ffèvres  intermittentes 
peu  intenses. 

Le  Stoietenia  Angolensis  Welw.  (Afrique  portugaise  :  Qui- 
baba  da  Quêta)  est  un  arbre  de  grande  taille  et  d'un  fort  dia- 
mètre, croissant  principalement  sur  les  versants  des  monts 
de  Quêta.  Son  bois,  de  couleur  rouge  oa  rougeâtre,  de  bonne 
qualité,  est  encore  peu  connu  et  mériterait  certainement  d'at- 
tirer l'attention  des  industriels  et  surtout  des  exploitants. 

TRIGHILIA  CATIGUA  A.  Juss. 

Moschoxylon  Catigua  A.  Juss. 

—  affilie  A.  Juss. 

TrichiUa  affinis  A.  Juss. 

Brésil  :  Catiguà,  Catagoâ.  Paraguay  :  Caà-tigiiâ.  République  Argentine:  Catigiiâ. 

Arbre  de  dimensions  moyennes  dont  le  tronc  acquiert  en- 
viron 50  centimètres  de  diamètre,  à  feuilles  pennées,  com- 
posées de  5  à  7  folioles  alternes,  oblongues-elliptiques,  lé- 
gèrement inégales  à  la  base ,  très  répandu  au  Brésil ,  au 
Paraguay-  et  à  la  République  Argentine,  surtout  dans  la  pro- 
vince des  Missions. 

Son  bois,  rouge,  assez  compact,  solide,  est  employé  tlans  la 
construction;  sa  flexibilité  le  fait  également  utiliser  pour  la 
confection  des  brancards  de  charrettes. 

L'écorce,  appelée  ylc/«ii^  au  Brésil,  est  riche  en  tanin  et 
s'emploie  surtout  pour  la  teinture,  à  laquelle  elle  fournit  des 
nuances  variant  du  jaune  orangé  intense  au  rouge  et  au  violet. 

est  un  bois  lourd  et  ccympact,  d'une  belle  couleur  rouge  uuiforme 
devenant  d'un  brun  rougeàlre  après  avoir  été  poli.  On  l'emploie 
comme  l'Acajou  et  pour  les  ouvrages  de  tour. 

Le  bois  d'Amaranihe  violet  est  une  autre  sorte  commerciale  de  bois 
et  provient  de  plusieurs  espèces  du  genre  Copaïfera,  du  Brésil  et  de 
la  Guyane,  dont  nous  aurons  à  nous  occuper  dans  la  famille  des  Lé- 
gumineuses. 


LES  BOIS  INDUSTRIELS   INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  133 

FAMILLE  DES  OLAGINÉES. 

Les  Olacinées  sont  des  arbres  ou  des  arbrisseaux  dressés, 
quelquefois  grimpants,  rarement  sous-frutescents,  inermes 
ou  épineux,  glabres  ou  munis  de  poils  rares.  Leurs  feuilles 
sont  généralement  alternes,  simples,  très  entières,  dépour- 
vues de  stipules,  assez  souvent  lisses  et  coriaces. 

Ces  végétaux  sont  dispersés  sur  tous  les  points  du  globe, 
entre  les  tropiques  ;  on  en  rencontre  aussi  dans  l'Australie 
extratropicale.  Cette  famille  renferme  peu  de  bois  intéres- 
sants, quelques  espèces  sont  astringentes,  mais  d'un  emploi 
presque  nul  en  médecine.  Un  petit  nombre  donnent  des  fruits 
comestibles  et  des  semences  oléagineuses. 

ANISOMALLON  GLUSI-ffiFOLIUM  H.  Bn. 

Arbre  forestier  à  cime  dense  et  à  rameaux  anguleux,  dont 
le  tronc  est  recouvert  d'une  écorce  blanche,  lisse,  mince 
dans  les  jeunes  arbres  ;  feuilles  alternes,  assez  amples,  ovales 
allongées,  acuminées,  épaisses,  coriaces,  très  luisantes  en 
dessus,  finement  ponctuées  de  noir  en  dessous. 

Cette  espèce,  croissant  spontanément  dans  les  sols  ferru- 
gineux de  la  Nouvelle-Calédonie,  fournit  un  bois  blanc  et 
mou,  se  travaillant  aisément,  mais  de  mauvaise  qualité  et  se 
pourrissant  rapidement  ;  son  emploi  principal  ne  consiste 
guère  qu'à  fabriquer  des  caisses  d'emballage  et  des  planches 
communes. 

HEISTERIA  COGGINEA  Jacq. 

Anglais  :  Partrid(je-vwod,  Partridgc  pea.  Guadeloupe  :  Bois  perdrix, 
Bois  de  perdrix.  Fois  perdrix. 

Arbre  de  petite  taille ,  ne  dépassant  guère  plus  de 
5-7  mètres,  à  feuilles  elliptiques,  oblongues,  arrondies  à  la 
base,  croissant  spontanément  aux  Antilles. 

Son  bois,  d'un  gris  un  peu  brunâtre,  parsemé  d'une  multi- 
tude de  petits  points  blanchâtres  très  apparents  sur  une 
coupe  transversale  un  peu  oblique,  est  dur,  compact,  d'un 
gris  très  fin  lui  permettant  de  recevoir  un  poli  très  brillant. 
Convenant  admirablement  aux  ouvrages  de  tabletterie  et  de 


134-  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

marqueterie  et  autres  petits  travaux  de  luxe  tels  que  la 
confection  des  bois  d'éventails,  il  présente  tous  les  caractères 
du  Bois  de  pet^drix  du  commerce,  fourni  par  plusieurs  arbres 
de  la  famille  des  Légumineuses,  notamment  par  diverses 
espèces  du  genre  Andira. 

Ses  petits  fruits  charnus  procurent  une  nourriture  abon- 
dante aux  pigeons  et  autres  oiseaux,  d'oii  son  nom  vulgaire 
de  «  Pois  perdrix  ». 

OLAX  WIGHTIANA  Wall. 

Olax  psittacorum  Vahl. 
Fissilia  j^sittacoram  Lamk. 

Maurice  et  Réunion  :  Ecorce  blanc.  Bois  de  perroquet.  Perroquet 
à  petites  feuilles  rouges. 

Arbre  de  petites  dimensions,  à  feuilles  alternes,  ovales, 
oblongues  ou  lancéolées,  entières,  originaire  des  îles  Masca- 
reignes. 

Son  bois,  blanchâtre,  à  grain  moyen,  est  assez  dur,  très 
flexible,  mais  cassant  et  peu  résistant  à  l'humidité  ;  on  s'en 
sert  le  plus  souvent  pour  mâts  d'embarcations  et  aussi  pour 
quelques  travaux  abrités  demandant  peu  de  volume.  Sa 
densité,  après  une  année  de  coupe,  est  de  0,688. 

STROMBOSIA  JAVANIGA  Bl. 

Sondanais  :  Kilicitjang,  Kihatjang  laiit,  Kiketijiip,  Koyop,  Kilaoet. 

Arbre  d'une  hauteur  de  20  mètres  environ,  inerme,  à 
feuilles  alternes,  oblongues,  acuminées,  glabres  et  luisantes, 
croissant  naturellement  à  Java  et  dans  les  régions  monta- 
gneuses des  autres  îles  de  la  Sonde. 

Son  bois,  d'une  densité  moyenne  et  d'une  texture  fine  et 
assez  compacte,  est  très  durable,  inattaquable  par  les  termites 
et  résiste  bien  aux  intempéries;  il  est  peu  sujet  à  se  fendre 
parce  que  sa  dessiccation  ne  s'opère  que  très  lentement.  Les 
insulaires  s'en  servent  pour  construire  leurs  habitations, 
ainsi  que  pour  faire  des  pieux  et  des  pilotis  d'une  longue 
conservation  lorsqu'on  a  soin  de  ne  pas  écorcer  la  partie  qui 
doit  être  enterrée. 

L'écorce  est  usitée  dans  la  médecine  indigène. 


LES   BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  135 

XIMENIA  AMERICANA  L. 

HeymassoU  spinosa  Aubl. 
Ximenia  muUiflora  Jacq- 

Amérique  du  Sud  :  Âlvarillo  del  campo.  Anj^lais  :  False  Santal-ioood.  Angola  : 
Mvliinge.  Annamite  :  Câi/  tao.  Brésil  :  Ameixa  ;  le  l'ruit  :  Ameixa-da-terra. 
Congo  (l'ruilj  :  Gangi.  Cuba  :  Yaiia.  Guadeloupe  :  Oranger  des  falaises,  Pru- 
nier êj'inettx.  République  Argentine  :  Albaricof/ne,  Alharillo  ou  AhrihoqvAlla 
del  campo.  Trinité  :  Sca  side  plum.  Zambèze  :  Vmpeque. 

Arbrisseau  ou  arbuste  épineux,  d'une  hauteur  de  2  mètres 
environ,  à  feuilles  alternes,  entières,  ovales  -  oblongues, 
légèrement  écliancrées  ou  mucronées  au  sommet. 

Originaire  des  régions  tropicales  de  l'Amérique,  cette 
espèce  croît  au  Mexique,  à  la  République  Argentine,  à  la 
Trinité,  à  la  Floride,  etc.  ;  on  l'observe  également  en  Cochin- 
cliine,  dans  l'Inde,  dans  l'Australie  et  sur  la  côte  occidentale 
de  l'Afrique,  au  Sénégal,  au  Congo,  à  Angola  et  au  Zambèze. 

Son  bois,  de  très  faibles  dimensions,  est  jaunâtre,  dur, 
serré  et  odorant  ;  il  offre  une  certaine  analogie  avec  le  Santal 
auquel  on  le  substitue  quelquefois  pour  la  fabrication  de 
menus  objets  d'ameublement  généralement  faits  au  tour. 

Le  fruit  est  un  petit  drupe  oblong,  de  la  grosseur  d'une 
prune,  se  composant  d'un  épicarpe  jaune,  mince,  d'une 
saveur  amère  et  astringente ,  et  d'une  chair  pulpeuse,  d'un 
goût  acide  et  un  peu  âpre,  mais  non  désagréable.  Il  possède 
des  propriétés  purgatives  marquées  lorsqu'il  est  cru,  aussi, 
est-il  plus  recherché  pour  la  confection  de  confitures,  de 
conserves  à  l'eau-de-vie  et  pour  quelques  articles  de  confi- 
serie. Le  noyau  renferme  une  amande  blanche,  bonne  à 
manger  et  dont  les  nègres  de  l'Afrique  retirent  une  huile 
douce  qu'ils  utilisent  comme  aliment  et  conmie  cosmétique. 

L'écorce  et  la  racine  sont  employées  pour  le  tannage  et  la 
teinture  en  brun  clair  ;  les  feuilles  sont  purgatives. 

Le  Ximenia  Americana  se  recommande  pour  la  plantation 
des  haies,  tant  par  son  feuillage  élégant  que  par  ses  fleurs 
qui  possèdent  une  agréable  odeur  de  girofle  et  d'oranger. 

[A  suivre.) 


II.  EXTRAITS  DES  PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ, 


SÉANCE  GÉNÉRALE  DU  6  JANVIER  1893. 

PRÉSIDENCE    DE   M.    A.   GEOFFROY    SAINT-IIILAIRE,    PRÉSIDENT. 

Le  procès- verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  adopté. 
M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  corres- 
pondance. 

—  MM.  Bocquentin  et  Montillot  adressent  des  remercie- 
ments au  sujet  de  leur  récente  admission  dans  la  Société. 

—  M.  E.  Paillard  demande  à  recevoir  en  cheptel  divers 
oiseaux  aquatiques. 

—  M.  Trempé  écrit  d'Hyères  (Var),  à  M.  le  Président  : 

«  Je  croyais  qu'il  y  avait  une  loi  défendant  la  chasse  aux  petits 
oiseaux?  Je  rencontre  ici.  en  me  promenant,  beaucoup  de  chasseurs 
qui,  n'ayant  pas  d'autre  gibier,  il  est  vrai,  ne  font  que  la  chasse  de 
ces  aides  de  l'agriculture.  Je  vous  ferai  remarquer  qu'un  habitant  m'a 
dit  qu'il  y  avait,  dans  la  localité,  huit  cents  permis  réguliers  et  autant 
chassant  sans,  cela  sous  toutes  réserves. 

»  Comment  se  fait-il  que  M.  le  Préfet  autorise  celle  chasse  s'il  y  a 
une  loi  qui  la  défende?  » 

—  M.  Bougère,  d'Angers,  demande  quelle  est  l'origine  du 
Poulet  Capucin  ? 

M.  le  Secrétaire  fait  observer,  qu'à  sa  connaissance,  du 
moins,  il  n'existe  pas  de  race  galline  ainsi  dénommée. 

—  M.  Froissard,  de  Douai,  sollicite  l'envoi  de  renseigne- 
ments complémentaires  sur  le  foin  de  fagots,  dont  a  parlé  la 
Revue  de  décembre  dernier. 

Nous  avons  signalé  à  notre  confrère  un  mémoire  très 
étendu  publié  par  M.  Ch.  Girard,  en  1892,  dans  les  Annales 
agronomiques. 

—  M.  le  comte  de  Galbert  demande  à  prendre  part  à  la  ré- 
partition des  œufs  de  Truite  saumonée,  annoncée  par  la 
Société,  et  il  ajoute  : 

«  J'ai,  depuis  trois  jours,  quatre  mille  petites  Truites  e'closes  avec 
un  succès  incroyable.  Ma  réussite  de  l'an  dernier  a  e'té  exception- 
nelle et  j'en  espère  une  semblable  cette  anne'e. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  137 

»  D'ici  deux  ans,  je  serai,  en  mesure,  non  seulement  de  me  re- 
monter moi-même  seul,  mais  encore  de  fournir  aux  personnes  qui 
en  de'sireraient  une  certaine  quantité  d'œufs.  » 

—  M.  le  Secrétaire  rappelle  que  la  mise  en  valeur  des  ter- 
rains salés  est  une  des  questions  qui  occupe  à  juste  titre  notre 
Société,  et  à  maintes  reprises  elle  a  pu  faire  d'importantes 
distributions  de  plantes  halophiles,  grâce  au  généreux  con- 
cours de  M.  le  baron  von  Mueller, 

Mais,  jusqu'à  ce  jour,  aucun  travail  d'ensemble  na  été  fait 
sur  ces  végétaux  pourtant  si  intéressants. 

L'un  de  nos  collaborateurs,  M.  Vilbouclievitch,  que  l'im- 
portance et  la  nouveauté  du  sujet  avaient  séduit,  vient  de 
préparer  pour  notre  Revue  un  mémoire  dans  lequel  il  a  con- 
signé le  résultat  de  ses  premières  études.  —  Ce  travail  est 
déposé  sur  le  bureau. 

—  M.  le  Président  annonce  à  l'assemblée  que  notre  con- 
frère, M.  Vacher,  a  bien  voulu  offrir  à  la  Société  dix  à  douze 
mille  œufs  embryonnés  de  Truite  de  l'Iton  :  ils  seront  mis  à 
la  disposition  des  membres  qui  en  feront  la  demande. 

—  M.  Raveret-AVattel  appelle  l'attention  de  la  Société  sur 
un  récent  rapport  de  M.  Octave  Péan,  administrateur  de 
Sainte-Marie  de  Madagascar. 

Ce  rapport  signale  les  importantes  plantations  de  Caféier 
faites  par  M.  Deroux.  Commencées  sur  une  petite  échelle  et 
augmentées  graduellement,  ces  cultures  occupent  actuelle- 
ment une  étendue  de  220  hectares,  qui  seront,  dans  quelque 
temps,  en  plein  rapport.  Les  succès  obtenus  par  M.  Deroux  lui 
ont  valu  des  imitateurs  et  aujourd'hui  le  Caféier  est  cultivé 
par  un  certain  nombre  de  colons.  —  Renvoyé  à  l'examen  de 
la  Commission  des  récompenses. 

—  M.  le  Président  dépose  sur  le  bureau  un  mémoire  de 
M.  Ernest  Bergman,  secrétaire  général  adjoint  de  la  Société 
d'horticulture,  sur  les  Orchidées  de  semis. 

—  M.  J.  Grisard  donne  lecture,  au  nom  de  M.  d'IIamon- 
ville,  d'un  rapport  au  Conseil  général  de  Meurthe-et-xMoselle 
sur  la  chasse  aux  petits  oiseaux. 

—  A  propos  de  cette  communication,  M.  Pichot  signale  un 
fait  intéressant  qui  se  passe  en  ce  moment  en  Ecosse,  où 
l'cgne  une  invasion  de  Campagnols  et  de  Mulots  tellement 


'138  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

considérable  qu'elle  est  déyeniie  une  véritable  inquiétude 
pour  les  propriétaires  fonciers.  Le  gouvernement  lui-même 
s'en  est  ému  et  des  enquêtes  qu'il  a  ordonnées  est  résulté  une 
singulière  constatation.  On  se  rappelle  dans  quelles  gigan- 
tesques proportions  s'est  reproduit  le  Lapin  introduit  en  Aus- 
tralie, il  est  devenu  un  fléau.  Parmi  les  moyens  employés 
pour  en  réduire  le  nombre,  le  plus  sage  et  le  plus  pratique  a 
paru  être  la  destruction  du  Lapin  par  ses  ennemis  naturels. 
De  grandes  quantités  de  Putois, Fouines,  Hermines,  Belettes, 
etc.,  ont  donc  été  demandées  en  Angleterre.  Or,  beaucoup  de 
propriétaires  écossais  prétendent  que  la  multiplication  des 
Mulots  a  justement  coïncidé  avec  ces  exportations.  Quoi  qu'il 
en  soit  le  gouvernement  anglais  Tient  d'envoyer  une  mission 
en  Grèce  afin  d'y  recueillir  le  bacille  du  typhus  qui  sévit  en 
Tliessalie  sur  les  Souris  et  les  fait  périr  en  grand  nombre. 
Il  parait  que  ce  typhus  se  développe  avec  une  extrême  rapi- 
dité et  qu'en  peu  de  temps  les  Souris  sont  toutes  atteintes  et 
viennent  mourir  à  la  surface  du  sol.  Ce  bacille  a  été  cultivé 
l'année  dernière  à  l'établissement  bactériologique  d'Athènes 
et  de  là  on  l'a  répandu  en  Tliessalie  en  grande  quantité,  au 
moyen  de  petits  morceaux  de  pain  trempés  dans  cette  cul- 
ture et  répandus  ensuite  dans  les  champs  infestés,  le  résultat 
obtenu  a  été  absolument  concluant. 

—  M.  Hédiard  signale  l'intérêt  que  présente  la  culture  du 
Cognassier  de  Chine  {Cydonia  Sinensis)  en  Algérie.  Son 
fruit  très  parfumé  sert  à  faire  des  compotes  et  des  confitures  ; 
notre  confrère  en  a  aussi  obtenu  une  excellente  liqueur  ;  une 
pâte  agréable  est  soumise  à  l'appréciation  des  membres  pré- 
sents. 

L'Algérie  pourrait,  du  reste,  fournir  un  grand  nombre 
d'autres  fruits  exotiques,  mais,  jusqu'ici,  on  ne  paraît  pas 
encore  avoir  suffisamment  compris  l'intérêt  de  ces  cultures. 
Cependant,  la  consommation  qui  s'en  fait  à  Paris  devient 
d'année  en  année  plus  considérable.  C'est  ainsi  que  les 
Cherimoyas  qui,  autrefois,  étaient  presque  inconnus  à  Paris, 
s'y  rencontrent  fréquemment;  il  est  arrivé,  cette  année,  deux 
à  trois  mille  de  ces  fruits  ;  les  Bananes,  qui  se  consommaient 
peu,  se  vendent  par  milliers  de  régimes  chaque  année;  la 
Chayotte  commence  aussi  à  être  très  connue,  c'est  un  excel- 
lent légume  très  apprécié  des  créoles,  etc. 


PROCES -VERBAUX  DES  SÉANCES  D£  LA  SOCIÉTÉ.       139 

Mais  la  question  de  production  n'est  pas  tout,  il  y  a  encore 
celle  du  transport.  Il  laut  des  soins  minutieux  pour  que  les 
fruits  arrivent  en  bon  état  de  conservation. 

Notre  collègue  veut  bien  promettre  une  note  indiquant 
l'importance  de  certains  fruits  exotiques  et  signaler  le  mode 
d'emballage  qui  convient  à  chacun. 

—  M.  Bertlioule  fait  une  communication  sur  l'Olafs  fjord 
d'Islande. 

—  A  cette  occasion,  M.  Raveret-Wattel  présente  d'intéres- 
santes observations  sur  les  aptitudes  que  présentent  certains 
poissons  d'eau  salée  à  vivre  en  eau  douce  et  réciproquement. 

Pour  le  secrétaire  des  séances, 

Jules  Grisard, 
Secrétaire  du  Comité  de  rédaction. 


III.  CHRONIQUE  DES  COLONIES  ET  DES  PAYS  D'OUTRE-MER. 


Les  parcs  à  Daims  de  l'Angleterre. 

Aucun  pays  du  monde  ne  paraît  plus  favorable  que  la  France  à 
l'e'levage  du  gibier,  et  cependant  nous  sommes  oblige's  de  constater 
chaque  année  la  diminution  de  la  faune  sauvage  qui  pourrait  être 
une  source  de  richesse  et  un  appoint  important  dans  l'alimentation 
publique,  si  sa  multiplication  était  savamment  dirigée  et  soigneuse- 
ment re'gle'e  comme  en  Allemagne  ou  dans  la  Grande-Bretague.  Les 
transformations  de  l'agriculture  et  les  progrès  de  la  civilisation  ren- 
dent évidemment  chaque  jour  plus  difficiles  les  conditions  d'existence 
à  l'e'lat  libre  du  gibier,  grand  et  petit,  au  milieu  de  noire  re'seau  de 
voies  ferre'es  et  de  fils  te'le'graphiques;  mais  pourquoi  n'assurerait-on 
pas,  pendant  qu'il  en  est  temps  encore,  la  conservation  de  nos  espèces 
sauvages  par  la  cre'ation  de  re'serves  dont  les  parcs  à  Daims  de  l'An- 
gleterre sont  de  pre'cieux  exemples.  Là,  dans  des  milieux  favorables  à 
la  reproduction,  nos  grands  fauves  pourraient  prospe'rer,  et,  mis  en 
coupe  re'glée,  comme  ils  le  sont  en  Angleterre  et  en  Allemagne,  nous 
dispenser  d'une  partie  du  tribut  que  nous  payons  de  ce  fait  à  l'étran- 
ger, tandis  que,  livrés  à  eux-mêmes,  pourchasse's  et  tracassés  de  mille 
manières,  c'est  à  peine  s'ils  peuvent  encore  fournir  aux  plaisirs  du 
petit  nombre  des  favorisés  de  la  fortune. 

Les  parcs  à  Daims  de  l'Angleterre  sont  de  très  haute  antiquité  et 
datent,  pour  un  grand  nombre,  de  la  conquête  normande.  Ce  sont  de 
vastes  enclos  de  pâtis,  de  murs  et  de  fossés  qui  furent  dès  l'origine  des- 
tine's  à  mettre  le  grand  gibier  à  l'abri  du  braconnage  et  à  le  tenir  cons- 
tamment sous  la  main  de  son  proprie'taire.  Dans  plusieurs  on  remarque 
encore  des  traces  de  saut-de-loup  permettant  au  gibier  sauvage  d'y 
entrer,  mais  non  pas  d'en  sortir.  C'est  au  milieu  de  ces  parcs  que  se 
sont  dresse'es  les  somptueuses  habitations  de  l'aristocratie  anglaise, 
qui,  essentiellement  pratique  même  dans  ses  plaisirs,  exploite  aujour- 
d'hui le  fauve,  qui  s'y  est  multiplié,  aussi  industriellement  que  toute 
autre  production  du  sol.  Les  espèces  qui  trouvèrent  d'abord  un  abri 
dans  les  parcs  furent  nombreuses  ;  plusieurs  ont  disparu  par  l'élimina- 
tion naturelle  des  types  primitifs  inconciliables  avec  la  civilisation,  et 
on  n'y  rencontre  guère  plus  aujourd'hui  que  le  Daim  et  le  Cerf.  En 
1867,  M.  Evelyn  Shirley  a  publie'  une  intéressante  histoire  des  princi- 
paux parcs  à  Daims  de  l'Angleterre  {Deer  of  deer  parks),  mais  ce  tra- 
vail, qu'on  ne  trouve  plus* que  dans  les  collections  de  quelques  biblio- 
philes, vient  d'être  remis  en  lumière  par  M.  Whitaker,  qui  a  publie'  à 
son  tour  un  catalogue  raisonne'  de  ces  enclos  privilégiés  {A  descrip- 
tive lisi  of  deer-parks  and  paddocks  of  England).  La  liste  que  publie 
M.  Whitaker  est-elle  complète?  Peut-être  pas,  quoiqu'il  ait  consacré 
plusieurs  anne'es  à  son  investigation  ;  mais  toujours  est-il  qu'il  nous 


CHROiXlQUE  DES  COLONIES  ET  DES  PAYS  D'OUTRE -MER.  141 

présenLe  un  catalogue  de  395  parcs  où  les  Daims  et  les  Cerfs  sont 
entretenus  en  quantités  variables,  donnant  au  recensement  un  total 
de  68,331  têtes  do  Daims  et  de  5,477  têtes  de  Cerfs. 

Le  comté  d'York  est  do  beaucoup  celui  où  les  parcs  sont    les   plus 
nombreux,  quoique  le  Gloucestershire,  le  Staliordshire,-  le  Northam- 
tonshire  et  le  Sussex  le  suivent  de  près,  et  c'est  dans  le  Susses  que 
nous  trouvons  la  plus  grande  surface  de  sol  enclos  consacre'  à  l'e'levage 
du  fauve.  Le  plus  grand  parc   de  l'Angleterre  est    Savornake  au  mar- 
quis d'Ailesbury,  dans  le  Wiltshire,  qui  mesure  4,000  acres  d'étendue; 
il  renferme  un  troupeau  de  600  Daims  et  120  Cerfs.  Viennent  ensuite: 
Windsor  à  S.   M.   la  Reine,   3,000  acres,   1,000  Daims,  lÛO  Cerfs;  — 
Knowslex,  au  comte  de  Derby,  2,600  acres   clos    de  murs,    dont  450 
seulement    sont    aménagés    pour    contenir     environ    200    Daims    et 
230  Cerfs  ;   —  Eridge,  dans  le  Sussex,  au  marquis  d'Abergavenny,  le 
plus  ancien  parc  de  l'Angleterre,   le  seul   qui   soit  mentionné  dans  le 
Booms  daij  bool,  comme  contenant  déjà  des  Daims  ;  il  en  nourrit  400 
aujourd'hui  et  100  Cerfs;  —  Duncombe  park  dans  le  Yorkshire,  au 
comte  de  Feversham,  contient  320  Daims  et  300  Cerfs  sur  une  surface 
de  2,240  acres  ;  —  Blenheim,  au  duc  de  Marlborougb,  dans  l'Oxfordshire, 
quoique  mesurant  2,254  acres,  ne  possède  qu'une  barde  de  40  Cerfs. 
Les  différentes  espèces  ou  variétés  de  Daims  et  de  Cerfs  sont  repré- 
sentées dans  les  parcs  anglais.  L'espèce  la   plus  commune,  le  Daim, 
qui  y  paraît  avoir  étc  introduite  par  les  Romains,    car  le  Daim  n'est 
pas  un  animal  autochtone  dans  la  Grande-Bretagne  et  il  se  trouve  en- 
core à  l'état  sauvage  dans  quelques  forêts,  comme  la  New-Forest,  où 
furent  mis  en  liberté,  sous  Jacques  F%  des  Cerfs  importes  de  France. 
Ces    Daims  sauvages   et  les  Cerfs  sauvages    que    l'on  trouve   dans 
certaines    localités,    dans    le  Devon    et    Somerset,    par  exemple,    où 
M.  Charles  Basset  estime  leur  nombre  à  250,  sans  compter  les  Cerfs 
des  montagnes  d'Ecosse,  ne  sont  pas  compris  dans  le  recensement  de 
M.  Whitaker.  Dans  les  parcs  qui  nous  occupent,  plusieurs  bardes  sont 
composées  de  Daims  noirs  ou  foncés,  à  pelage  uniforme  dont  on  attri- 
bue à  tort  l'importation  de  Norvège  à  Jacques  D^''.   Ce  roi,  grand  im- 
portateur de  gibier  et  de  chiens  de  chasse,   fît  venir,  eu  effet,  de  ces 
Daims  noirs  en  1812.  mais  Leland,  dans  son  Itinéraire  de  i33ô,  signa- 
lait déjà  l'existence  de  cette  variété'.  Une  autre  espèce  tachete'e,  dc'si- 
gnée  sous  li^  nom  de  racs  de  men'ie.  aurait  ëte  importée  de  Manille,  ou 
môme  selon  quelques   auteurs    produite  par  des  croisements  avec  des 
Axis  rapportés  du  Bengal,    en  1742,  par  le  capitaine  Gough.    ce   qui 
n'est  guère  croyable.  Citons   un   troupeau  de  130   Daims   blancs  que 
nous  trouvons  dans  Welbeck  parc,   au  duc  de  Portland  dont  le  trou- 
peau de  Daims  ordinaires  est  de  360  têtes.  Ce  parc,  dans  le  Nottingham- 
shire,  a  1,640  acres  de  surface  et  nourrit  encore  130  Cerfs  ordinaires 
et  14  Cerfs  blancs.  Nous  trouvons  des  Cerfs  blancs  dans  Langley  park, 
dans  le  Buckinghamshire,  à  sir  Robert  Ilarvey,  qui  en  possède  :î5  tôles. 


142  KEVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Comme  bien  on  pense,  les  parcs  à  Daims  de  l'Angleterre  sont 
admirablement  disposés  pour  y  tenter  l'acclimatation  des  espèces 
étrangères.  L'Antilope  du  Cap,  Canna  ou  Elan,  a  e'te'  introduit  à  Tatton 
park  (Cbesliire),  cbez  lord  Egerton,  mais  ne  semble  pas  v  avoir  pros- 
pe're';  les  Kangurous  ont  été  lâchés  à  Waddoncbase  park  (Buckin- 
ghamsbire),  à  Leonardslee  park  (Susses);  des  Springbok  d'Afrique, 
des  Wapiti  d'Amérique,  des  Axis  de  l'Inde,  sur  différents  autres 
points.  Il  y  a  des  Chèvres  de  Cashmir  à  Stowe  park  (Buckinghamsbire!, 
à  Ilampton  (lîerefordsbire)  et  à  Arundel  P.  (Sussex^;  puis  des  Casoars 
d'Australie  dans  sept  parcs  différents  et  non  moins  de  21  Nandous, 
l'Autruche  d'Ame'rique,  dans  d'autres  propriétés.  Mais  l'acclimatation 
qui  semble  avoir  le  mieux  rc'ussi  est  celle  du  petit  Cerf  sika,  du  Japon 
et  de  Formose,  dont  la  venaison  a  déjà  fait  son  apparition  sur  le 
marché  de  Londres.  M.  Whitaker  en  a  compté  248  têtes  dans  huit 
parcs  différents;  le  troupeau  le  plus  important  étant  celui  de  Melbury 
park  dans  le  Dorsetshire,  au  comte  de  Ilchester.  Il  compte  80  tôles,  et 
ce  parc,  de  500  acres,  contient  en  plus  200  Daims  et  60  Cerfs  ordi- 
naires. Le  troupeau  de  slkas  de  Ilursley  park,  à  M.  Baxendale,  est  en 
pleine  formation  et  comptera  une  centaine  de  têtes. 

He'las  !  l'ancienne  race  de  Taureaux  sauvages  blancs  à  museau  noir, 
des  descendants  des  fameux  Urus  [Bos  prim>'geniu&)  de  Jules  Ce'sar,  ne 
se  trouve  plus  que  sur  deux  points  :  Chillingham  dans  le  Norlhum- 
berland,  au  comte  de  Tankarville  où  nous  en  comptons  75  têtes,  et 
Chartley  park,  dans  le  Staffordshire,  à  lord  Ferrers,  où  il  y  en  a  40. 
Mais  nous  avons  été  agréablement  sur[)ris  de  de'couvrir  une  colonie  de 
Castors  dans  le  Sussex,  chez  sir  Edmund  G.  Loder.  Son  parc  de 
Leonardslee  est  un  vrai  jardin  d'acclimatation,  peuplé  de  Kangurous, 
d'Antilopes  de  l'Inde,  de  Chevreuils,  d'Axis  et  de  Sikas. 

Sur  plusieurs  points,  les  grands  seigneurs  anglais  ont  essaye'  l'in- 
troduction du  Dindon  sauvage  d'Amérique,  à  Bickling  P.  et  à 
Holkam  P.  (Norfolk). 

Les  He'ronnières  sont  encore  plus  nombreuses  que  nous  ne  le  pen- 
sions. La  pre'sence  de  ces  éehassiers  est  signalée  sur  une  quinzaine  de 
points,  où  leurs  colonie?,  de  temps  immémorial,  continuent  à  construire 
en  paix,  sur  les  arbres  séculaires,  des  nids  groupés  comme  ceux  des 
Corbeaux.  Plusieurs  de  ces  héronniéres  comptent  jusqu'à  une  cen- 
taine de  nids  chaque  saison.  Les  e'tangs  et  lacs,  souvent  compris  dans 
l'enceinte  des  parcs  à  Daims,  sont  en  effet  le  refuge  de  sauvagines  et 
d'oiseaux  d'eau  de  toutes  espèces,  et  leur  offrent  pour  nicher  des 
conditions  toutes  spe'ciales  de  tranquillité  et  de  protection. 

C'est  ainsi  que  les  parcs  anglais  contribuent  non  seulement  à  con- 
server les  espèces  autochtones  en  les  utilisant,  mais  encore  aident  à 
l'introduction  des  animaux  étrangers;  ils  y  rencontrent  tout  ce  qui 
peut  favoriser  leur  acclimatation  en  Europe. 

{Le  Chenil.)  ■  Fauconnier. 


lY.  CHRONIQUE  GENERALE  ET  FAITS  DIVERS. 


Capture  d'un  Marsouin  dans  la  Solway  (Ecosse).  —  Au 

mois  de  septembre  dernier,  on  a  pris  uu  exemplaire  de  forte  taille  du 
Belphimis  (Grampus)  gladiator  Lagép.  près  d'Annam,  dans  la  rivière 
Sohvaj'.  C'est  le  second  cas  d'apparition  de  cette  espèce  dans  les  eaux 
e'ccssaises.  De  B. 

Exportation  des  Grives  et  des  Alouettes.  —  On  signale  le 
commerce  d'Alouettes  et  de  Grives  qui  se  pratique  entre  Brigiiton  et 
Paris  pendant  tout  l'hiver.  Ces  oiseaux,  pris  au  filet  sur  les  dunes  de 
Brighton,  sont  expédiés  chaque  jour  à  Paris  par  douze  à  vingt  paniers, 
sans  compter  ceux  qui  se  consomment  en  Angleterre.  Le  poids  du 
panier  est  d'environ  20  livres  anglaises  soit  9  kilos.  G. 

Concours  de  vitesse  pour  Pigeons  entre  Vienne-Berlin 
et  Berlin- Vienne.  —  D'après  les  MitfheHungen  des  OnUtholo- 
gischeii  Vereines,  un  concours  de  vitesse  pour  Pigeons  voyagenrs  doit 
avoir  lieu  prochainement  entre  les  deux  capitales.  A  Berlin,  les  So- 
ciétés colombophiles,  Phœnix,  Berolina  et  Comte  Mollke  s'y  sont  ins- 
crites. A  Vienne,  on  compte  sur  l'adhésion  de  la  plupart  des  proprié- 
taires de  Pigeons  et  de  la  Société  d'aviculture  de  Hudolfsheim.  On 
lâchera  dans  ces  deux  villes  cinq  à  six  cents  Pigeons.  L'expérience 
promet  d'être  intéressante,  car  on  ne  peut  prévoir  les  accidents  atmos- 
phériques qui  peuvent  retarder  les  voyageurs  dans  les  deux  sens.  Les 
lâchers  seront  contrôlés.  De  S. 

Protection  des  Alligators  en  Floride.  —  Une  loi  vient  d'in- 
terdire pendant  trois  ans  la  chasse  de  ces  Sauriens  dans  les  lleuves  de 
la  Floride.  Car  l'on  constatait  que  le>;  régions  d'où  on  les  exterminait 
étaient  bientôt  envahies  par  les  Rats  qui  dévastaient  toutes  les  plan- 
tations et  obligeaient  même  des  propriétaires  à  abandonner  leurs 
demeures.  Les  Alligators  se  nourrissant  surtout  de  ces  Rongeurs,  on 
pense  que  cette  mesure  arrêtera  leurs  ravages.  De  B. 

Commerce  des  Poissons  et  des  Mollusques  en  Angle- 
terre. —  On  a  débarqué  sur  les  côtes  anglo-galloises,  pendant  le 
mois  de  janvier  1892,  331,292  cwt.  de  Poissons,  représentant  un  poids 
de  286,984  livres. 

En  janvier  1891,  on  estimait  leurs  arrivages  à  une  valeur  totale  de 
435,944  cwt ,  d'un  poids  de  364,689  livres. 

Pour  les  coquillages,  ils  se  chillrent,  en  janvier  1892,  à  20,195  livres, 
contre  24,151  livres  en  janvier  1891.  De  S. 


V.  BIBLIOGRAPHIE. 


Les  Orchidées  de  semis,  par  Ernest  Bergman.  Paris,  1892. 

Au  gre  de  l'auteur,  ce  travail  a  seulement  pour  objet  de  mettre 
de  l'ordre  dans  la  nomenclature  des  hybrides  obtenus,  pendant  les 
trente  dernières  anne'es,  par  divers  cultivateurs  d'Orchide'es,  par 
la  maison  Veitch,  de  Londres,  par  M.  Bleu,  de  Paris,  et  tant 
d'autres  personnes. 

Aujourd'hui,  la  cre'ation  des  types  hybrides  n'est  pas  seulement 
un  passe-temps,  un  eflfort  scientifique,  elle  est  devenue  une  affaire 
commerciale,  car  bon  nombre  de  varie'le's  créées  sont  aujourd'hui  au 
commerce,  elles  viennent  prendre  leur  place  sur  les  catalogues  des 
horticulteurs  et  dans  les  collections  des  amateurs  et  des  jardins 
botaniques. 

La  facilite  avec  laquelle  s'opère  la  fécondation  des  végétaux  rend 
relativement  aisé  le  gain  des  hj^brides,  et,  pour  multiplier  ces  variéte's 
nouvelles,  on  n'a  pas  besoin  de  recourir  à  des  semis  puisqu'il  suffit 
d'e'clatcr  le  pied  mère  pour  avoir  un  autre  exemplaire  exactement 
semblable  à  celui  qui  l'a  fait  naître. 

Au  point  de  vue  de  la  notion  de  l'espèce,  la  cre'ation  des  variétés 
hybrides  a  un  intérêt  de  premier  ordre,  puisqu'on  peut  arriver  à 
constituer  des  types  nouveaux  qu'on  peut  vraiment  conside'rer  comme 
de  ve'ritables  espèces,  car  elles  ont  leurs  caractères  propres,  et  se  repro- 
duisent ensuite  par  semis  plus  ou  moins  semblables  à  elles-mêmes.  Ce 
ne  sont  pas  des  résultats  expérimentaux,  plus  ou  moins  dus  au  ha- 
sard, comme  ceux  que  nous  obtenons  avec  les  animaux,  ce  sont  des 
résultats  pratiques  aboutissant  à  des  résultats  commerciaux. 

Ces  re'flesions  ne  s'appliquent  pas  aux  seules  Orchidées,  car,  à  côté 
du  catalogue  descriptif  publie'  par  M.  Ernest  Bergman,  nous  pourrions 
donner  la  liste  des  hybrides  parfaitement  caracte'risés  de'crits,  nom- 
me's,  obtenus  par  le  croisement  d'espèces  très  nettement  différentes 
les  unes  des  autres,  prises  dans  des  familles  naturelles  comme  les 
Rosacées,   les   Aroïdées,   les    Primulace'es,   les   Gesnériace'es. 

On  ne  saurait  s'émerveiller  assez  des  re'sultats  obtenus  par  le  sa- 
voir et  l'adresse  de  ceux  qui  nous  enrichissent  ainsi  de  plantes  nou- 
velles en  faisant  des  croisements  ingénieux,  on  pourrait  dire  parfois 
audacieux. 

Est-ce  à  dire  que  tous  les  hybrides  aient  des  mérites  supérieurs  à 
ceux  des  plantes  dont  ils  sortent  ■?  Ce  serait  une  erreur  de  le  croire, 
naais  le  gain  d'une  belle  varie'té  re'compense  de  bien  des  déceptions, 
et,  au  point  de  vue  scientifique,  l'étude  de  ces  métis,  qu'ils  soient 
beaux  ou  laids,  présente  un  inle'rêt  toujours  e'gal.  G.  de  G. 


Le  Gérant  :  Jules  Grisard. 


I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIÉTÉ. 


REGNE  ANIMAL 


INFLUENCE  DE  LA  CONSTITUTION  GÉOLOGIQUE  D'UN  PAYS 
SUR  L'ACCLIMATEMENT  DES  ÉTRANGERS 

Par  m.  K.  GERMAIN, 

Vétérinaire    principal    en    retraite, 
Membre  honoraire  de  la  Société  d'Acclimatation. 


La  Revue  des  Sciences  naturelles  appliquées  du  5  avril 
1890  a  inséré,  sous  ce  titre,  une  note  exposant,  en  substance, 
qu'en Cochincliine  française,  région  géologiquement  pauvre  en 
éléments  calcaires,  les  produits  du  sol  ne  peuvent  fournir, 
dans  leur  intégralité,  les  éléments  de  réparation  des  pertes 
du  système  osseux  aux  êtres  originaires  des  régions  calcaires 
de  l'Europe  et  montrant,  comme  conséquence,  l'indication  du 
chaulage  des  terrains  afléctés  à  la  culture  maraîchère  pour  la 
consommation  des  troupes  et  des  résidents  européens. 

Cette  note  paraît  devoir  être  utilement  accentuée  pour  le 
fond  par  l'Appendice  suivant,  où  les  analyses  de  M.  Terreil 
sont  démonstratives  de  la  pauvreté  relative  des  produits  du 
sol  en  éléments  calcaires,  et  où  celles  de  M.  Bobierre  sont 
probantes  que  le  chaulage  des  terres  rend  riches,  sous  ce 
rapport,  les  sols  pauvres  en  ces  éléments. 

Enfin,  en  indiquant  les  règles  du  chaulage  et  par  les  obser- 
vations qui  suivent  leur  exposé,  cet  appendice  montre  la 
question  sous  un  jour  intéressant,  l'avenir  à  un  point  de 
vue  humanitaire  digne  d'être  pris  en  considération  pratique. 

Si  les  Canaques  de  la  Nouvelle-Calédonie  sont  des  athlètes 
et  si  nos  troupes  y  jouissent  d'un  état  sanitaire  si  remar- 
quable, cela  ne  dépend  pas  seulement  du  climat,  mais  ou 
peut  penser  que  la  richesse  des  aliments  végétaux  en  élé- 
ments calcaires  y  a  une  part  importante. 

20  Février  1893.  «0 


146 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


Cette  part  peut  être  faite  en  Cocliincliine  française  pour 
nos  soldats  et  nos  résidents  par  le  cliaulage  des  terrains  de 
culture  maraîchère  et  par  l'exclusion  de  l'alimentation  de 
tout  légume  provenant  de  terrains  non  chaulés.  —  Je  dis 
légume,  parce  que  certains  fruits  paraissent  utiles  :  bananes, 
mangues,  mangoustans,  papaj'es. 

Il  y  a,  pour  cette  opération,  dépense  et  travail,  mais  on  ne 
saurait  dépenser  trop  d'argent  et  de  peine  quand  il  s'agit 
d'une  moindre  dépense  de  vies  humaines. 

Périgueux,  le  28  janvier  1892. 


APPENDICE. 

ANALYSE  DES  CENDRES  DU  FOIN  DE  COCHINCHINE. 

«  Le  tableau  suivant  contient  la  composition  des  cendres 
»  du  foin  de  Cochinchine,  et,  comme  point  de  comparaison, 
»  ^anal3^se  des  cendres  du  foin  employé  au  Muséum  d'his- 
»  toire  naturelle  de  Paris  et  la  composition  des  différentes 
»  cendres  de  foin  analysées  par  M.  Boussingault. 


Résidu  insoluble  dans  les 

acides  

Chlore 

Acide  sulfurique 

Acide  phosphorique 

Acide  carbonique 

Potasse  

Soude 

Chaux 

Magne'sie 

Oxyde  de  fer  et  alumine . 
Charbon 


CENDRES 
DU  FOIN 

DE 
SAIGON. 


CENDRES 
DU  FOIN 

DU 
MUSÉUM. 


61.18 

7.09 
2.62 
5.31 
0.75 
10.52  l 
2.14 
2.97 
2.28 
1.44 
4.60 


100.90 


42.50 
1.02 
0.58 
4.36 
6.40 

10.50 

24.05 

10.32 

0.27 

Traces. 


100.00 


CENDRES  DE  FOINS 

ANALYSÉKS 

PAR    M.    BOUSSINGAULT. 


32.00 

31.50 

2.00 

2.60 

2.50 

2.70 

5.30 

5.40 

^> 

7.30 

24.00 

23.50 

18.00 

17.90 

7.00 

7.20 

» 

0.90 

» 

» 

90.80 

99.00 

47.17 
3.10 
2.28 

7.81 
9.49 

8.81 

20.58 
» 
0.75 
» 


99.99 


RÈGXE  AXDIAL.  U7 

»  Ces  analyses  démontrent  combien  les  cendres  du  foin  de 
»  Saïgon  sont  pauvres  en  substance  calcaire  comparées  aux 
»  cendres  des  foins  dont  les  analyses  sont  données  ici. 

ANALYSE  DES   RÉSIDUS  DU  RIZ   DE  SAIGON. 

«  Ce  riz  n'est  point  décortiqué  ;  après  la  combustion,  11 
»  laisse  4,28  "/o  de  cendres  dont  voici  la  composition  : 

Résidu  insoluble  dan-  les  acides 74.10 

Chlore 4  gg 

Acide  sulfurique 1 .  22 

Acide  phosphorique 1,06 

Acide  carbonique 3.92 

Gliaux 1  25 

Magne'sie 1  gg 

Oxyde  de  fer  et  albumine traces 

Potasse  et  soude 12. 10 

Cliari)on traces 

100.22 


»  Nous  n'avons  pu  trouver  d'analyse  de  riz  non  décor- 
»  tiqué  pour  mettre  en  regard  de  cette  analyse,  ce  qui  n'em- 
»  pèche  pas  de  faire  ressortir  la  très  faible  quantité  de  chaux 
»  contenue  dans  ces  cendres.  » 

Les  analyses  ci-dessus  ont  été  faites  en  1869,  par  M.  Ter- 
reil,  aide- naturaliste  et  chef  des  travaux  chimiques  au  Mu- 
séum d'histoire  naturelle  de  Paris. 

Les  matériaux  en  avaient  été  rapportés  de  Cochinchine 
comme  éléments  de  démonstration.  Celle-ci  a  été  pleinement 
faite  par  les  analyses . 


A  l'appui  de  l'indication  du  chaulage  intense  des  terrains 
livrés  à  la  culture  maraîchère,  la  reproduction  du  tableau 
suivant  présente  un  réel  intérêt. 


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REVUE  LES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


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RÉGNE  AXLMAL.  149 

«  Si  l'on  compare  les  chiffres  qui  expriment  la  composition 
»  du  Grand  ajonc  [Ulex  Europœus)  dans  les  deux  circons- 
»  tances  bien  définies,  où  il  a  été  choisi,  on  voit  que,  dans 
»  cent  parties  de  ce  végétal,  il  y  a  7,25  de  parties  solubles, 
»  lorsque  son  développement  a  eu  lieu  dans  la  lande,  tan- 
»  dis  que  sous  l'influence  du  chaulage  et  de  la  fumure,  ce 
»  chiffre  s'élève  à  13,50.  Cette  différence  est  remarquable. 

»  L'acide  phosphorique  a  peu  varié  contrairement  à  ce 
»  que  j'eus  supposé  à  priori,  mais  la  chaux  s'élève  dans  les 
»  cendres  du  Grand  ajonc,  et  par  le  fait  de  la  culture  [chau- 
»  lage)  de  0,30  à  9  % 

»  En  faisant  une  moyenne  des  feuilles  et  du  tronc  du 
»  Pin  que  j'ai  incinéré,  on  trouve  : 

Silice.  Sels  solubles.  Chaux. 

Cendres  du   Pin   des  landes  de        —  —  

Grandchamp,  tronc  et  feuilles  (arbre 
de  six  ans  environ)  ;  moyenne  de 
tro'S    analyses   de    Pins    faites   par 

MM.  Malayuti  et  Durocher 7.9  24.50  12.50 

Pin  du  Nord  [strobus]  et  d'Ecosse 
{si/lvestris) ,  provenant  des  alluvions 
argilo-sableuses  de  la  vallée  de  l'IUe, 
près  de  Rennes 10.63  16.50  59.50 

»  La  différence  des  chiffres  représentant  la  chaux  n'a  rien 
»  qui  puisse  surprendre  lorsqu'on  réfléchit  à  la  composition 
«  différente  des  terrains.  Ce  qui  devrait  plutôt  éveiller  l'at- 
»  tention,  c'est  l'aptitude  extrêmement  remarquable  de  di- 
»  verses  plantes  que  j'ai  analysées  à  extraire  la  chaux  et 
«  l'acide  phosphorique  d'une  lande  siliceuse,  dans  le  sol  de 
»  laquelle  l'analyse  serait,  le  plus  souvent,  impuissante,  non 
»  seulement  à  évaluer  ces  principes,  mais  encore  à  les  révé- 
')  1er  qualitativement.  » 

Ces  emprunts  au  savant  travail  de  M.  Bobierre  touchent  au 
fond  de  ma  note,  mais  pas  plus  dans  ce  travail  que  dans  les 
revues  agronomiques,  qui  s'occupent  de  l'effet  des  amende- 
ments sur  la  végétation,  la  question  n'est  envisagée  au  point 
de  vue  du  bien  des  consommateurs. 

Il  y  a  certainement  un  intérêt  considérable  à  ce  que  des 
études  en  ce  sens  soient  entreprises. 

11  n'est  pas  sans  intérêt  de  faire  ressortir  qu'il  ne  faut  voir 
dans  le  sujet  de  ma  note  qu'un  fait  précis  d'observation  ri- 


l'oO  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

goureiise,  qui  écarte  toute  considération  générale  ^ur  l'ali- 
mentation «  suivant  les  espèces,  les  races  et  les  climats  »  (1). 

Les  observations  suivantes  s'y  appliquent  plutôt  : 

«  Quelle  que  soit  la  région  que  l'homme  est  appelé  à  liaM- 
»  ter  en  dehors  de  celle  où  il  est  né,  où  il  s'est  constitué,  il 
»  n'3'  vivra  facilement  qu'autant  qu'il  y  trouvera  dans  l'ali- 
>>  mentation  les  éléments  de  son  organisation  dans  la  mesure 
»  exacte  qui  l'a  laite. 

»  Là  où  il  les  trouvera  en  plus  grande  proportion,  l'assimi- 
»  lation  ne  s'en  produira  en  lui  que  dans  la  mesure  nécessaire 
»  à  la  réparation  des  pertes  de  son  économie  et  il  vivra. 

»  Là  où  il  les  trouvera  moindres,  la  réparation  de  ces 
»  pertes  sera  incomplète  et  des  désordres  de  toute  nature  se 
»  produiront,  menaçant  son  existence. 

»  Dans  le  cas  qui  m'occupe,  le  système  osseux  en  est  le 
»  siège  ;  j'en  ai  démontré  la  cause  initiale. 

»  Cela  revient  à  dire  que  tout  être  vivra,  quelque  part  que 
»  ce  soit,  s'il  y  trouve  les  éléments  d'entretien  de  son  orga- 
»  nisation  première. 

»  Les  conditions  climatériques  sont  au  second  plan  pour  la 
»  continuation  de  son  existence. 

»  Si  cette  assertion  est  juste,  elle  montre  l'indication  d'ob- 
»  servations  et  de  mesures  prophylactiques  d'un  ordre  par- 
»  ticulier 

>  Il  est  probable  que  si  des  analyses  sérieuses  étaient  faites 
»  de  toutes  les  substances  alimentaires  (végétales),  des  ré- 
»  gions  coloniales  d'un  climat  très  différent  du  nôtre,  elles 
»  montreraient  des  raisons  de  recommandation  particulière 
»  pour  certaines. 

»  Tel  végétal,  plut(U  que  tel  autre,  peut  jouir  de  la  propriété 
»  de  contenir,  en  plus  grande  proportion,  un  élément  consti- 
»  tuant  utile  à  la  conservation  des  étrangers  (2).  » 

Tous  les  végétaux,  en  Cochinchine,  manquent  d'an  élément 
indispensable,  que  le  chaulage  des  terrains  de  culture  doit 
leur  donner. 

Arcachon,  le  25  mars  18â0. 

(1)  Observation  produite  dans  la  séance  du  o  lévrier  de  la  première  section, 
no  du  20  mars  1889. 

(2)  Les  alinéas  guillemetés  ci-dessus  sont  puisés  dans  les  Considérations 
d'ensemble  du  travail  qui  a  paru  dans  le  Recueil  de  Me'decine  Yélénnaire  en  1882, 
sa  rédaction  datant  de  1870. 


RÈGNE  ANIMAL.  J\oi 

EXTRAIT  DE  LA  Mcdsou  riisHqiie  du  X/X^"  siècle 

Sous  la  direction  de  Bailli/  de  Merlieux. 

«  Des  amendements  calcaires.  —  Les  principales  subs- 
tances comprises  sous  ce  nom  sont  la  chaux,  la  marne,  les 
plâtras  et  débris  de  démolition,  les  fahms  ou  substances 
coquillères. 

»  Des  divers  moyens  d'emx)loyer  la  chaux  sur  le  sol.  — 
Trois  procédés  principaux  sont  en  usage  pour  répandre  la 
chaux.  Le  premier,  et  le  plus  simple,  celui  que  l'on  emploie 
dans  la  plupart  des  lieux  où  la  chaux  est  à  bon  marché,  la 
culture  peu  avancée,  la  main-d'œuvre  chère,  consiste  à 
mettre  la  chaux  immédiatement  sur  le  sol  par  petits  tas  dis- 
tants entre  eux  de  6  mètres,  en  moyenne,  et  contenant,  sui- 
vant les  doses  du  chaulage,  depuis  18  décimètres  jusqu'à 
36  décimètres  cubes.  Lorsque  la  chaux,  par  suite  de  son 
exposition  à  l'air,  est  réduite  en  poussière,  on  la  répand  sur 
le  sol  de  manière  qu'elle  y  soit  exactement  répartie. 

»  Le  deuxième  procédé  diffère  du  premier  en  ce  qu'on  re- 
couvre chaque  tas  d'une  couche  de  terre  de  0"',16  à  0™,33, 
suivant  la  grosseur  du  tas,  et  qui  équivaut  à  cinq  ou  six  fois 
le  volume  de  la  chaux  éteinte.  Lorsque  la  chaux  commence  à 
se  gonfler  pour  fuser,  on  remplit  de  terre  les  fentes  et  les 
crevasses  qui  se  font  dans  la  terre  de  l'enveloppe,  et  lors- 
qu'elle est  réduite  en  poussière,  on  remanie  chaque  tas  en 
mélangeant  la  terre  et  la  chaux.  Si  rien  ne  presse  dans  les 
travaux,  on  recommence  quinze  jours  après  cette  opération, 
et  après  une  troisième  quinzaine  on  étend  le  tout  sur  le  sol. 

»  Le  troisième  procédé,  usité  dans  les  pays  les  mieux  cul- 
tivés, lorsque  la  chaux  est  chère,  et  qui  réunit  tous  les  avan- 
tages des  chaulages  ,  sans  offrir  aucun  de  leurs  inconvé- 
nients, consiste  à  faire  des  composts  de  chaux  et  de  terre  ou 
terreau. 

»  Pour  cela,  on  fait  un  premier  lit  de  terre,  terreau  ou  ga- 
zon d'un  pied  d'épaisseur,  d'une  longueur  double  de  sa  lar- 
geur ;  on  recoupe  les  mottes  de  terre  ;  on  recouvre  d'un  lit  de 
chaux  d'un  hectolitre  par  20  pieds,  ou  d'un  tonneau  par 
45  pieds  cubes  de  terre;  sur  cette  chaux,  on  place  un  second 
lit  de  terre,  puis  un  second  lit  de  chaux,  et  successivement  un 
troisième  lit  de  terre  et  de  chaux  qu'on  recouvre  encore  de 


152  REVUE  DES  SCIENXES  MATURELLES  APPLIQUÉES.     ^- 

terre.  Si  la  terre  est  humide  et  la  chaux  récente,  huit  à  dix 
jours  suffisent  pour  l'user  la  chaux.  On  coupe  alors  et  on. 
mélange  le  compost  :  on  le  recoupe  une  seconde  ibis  avant 
l'emploi,  qu'on  retarde  autant  que  possible,  parce  que  l'effet 
sur  le  sol  est  d'autant  plus  puissant  que  le  mélange  est  plus 
ancien,  plus  parfait  et  surtout  lorsqu'il  aura  été  fait  avec  de 
la  terre  contenant  plus  d'humus 

»  La  chaux  en  compost  ne  nuit  jamais  au  sol,  elle  porte 
avec  elle  le  surplus  d'engrais  que  comporte  le  surplus  du 
produit.  Les  sols  légers,  graveleux  ou  sablonneux  ne  peuvent 
jamais  en  être  surchargés.  Enfin,  ce  moyen  semble  le  plus 
suret  le  moins  dispendieux  d'appliquer  la  chaux  au  sol. 

»  Doses  des  chaidogcs.  —  Les  doses  varient  avec  les  con- 
sistances des  sols.  Elles  doivent  être  faibles  dans  les  sols  lé- 
gers et  sablonneux  ;  elles  peuvent,  sans  inconvénient,  être 
fortes  dans  les  terrains  argileux.  La  dose  doit  aussi  varier 
suivant  que  le  sol  est  plus  ou  moins  bien  égoutté  ;  les  faibles 
doses  dans  les  sols  où  les  eaux  ne  s'écoulent  pas  facilement 
sont  peu  sensibles,  mais  si  la  dose  est  forte  et  les  labours 
profonds,  la  chaux  facilite  l'écoulement  et  l'assainissement  de 
la  terre. 

»  Conduite  à  tenir  dans  les  sols  chaulés.  —  Après  avoir 
doté  le  sol  d'une  grande  fertilité,  l'avoir  mis  dans  le  cas  de 
produire  les  récoltes  les  plus  précieuses,  il  faut  lui  donner  des 
engrais  en  compensation  des  produits  obtenus 

»  Quantité  de  chaux  absorbée  par  la  végétation.  —  Les 
végétaux  des  sols  calcaires,  ou  devenus  tels  par  amende- 
ment, renferment  dans  leurs  cendres  50  "/o  de  carbonate 
ou  de  phosphate  de  chaux. 

»  Engrais  de  mer,  sable  ou  limon  de  mer,  langues, 
cendres  de  varech.  —  Tous  ces  divers  amendements  que  la 
mer  offre  à  ses  riverains  sont  à  la  fois  calcaires  et  salins  ; 
leur  effet  est  grand,  mais  ne  se  produit  pas  sur  toutes  les 
nuances  de  terrain.  Ces  amendements  stimulants  n'agissent 
pas  sur  les  laisses  de  mer  ni  sur  les  sols  qui  lui  doivent 
leur  formation  depuis  les  temps  modernes,  mais  principale- 
ment sur  les  sols  argilo-siliceux. 

»  Lorsque  l'engrais  de  mer  est  sablonneux,  il  est  aussi 
actif,  mais  n'est  pas  aussi  profitable  que  lorsqu'il  est  vaseux, 
et  qu'il  contient  des  substances  animales  et  végétales  en  dé- 
composition :  dans  ce  dernier  état,  c'est  une  espèce  de  com- 


RÈGNE  ANIMAL.  153 

post  de  sable  calcaire,  de  coquillages,  d'herbes  marines  et  de 
sel  ;  c'est  alors  l'un  des  engrais  les  plus  fortifiants  que  l'agri- 
culture connaisse 

» L'amélioration  par  l'engrais  de  mer  ne  devrait  pas 

se  borner  aux  lieux  voisins  de  ses  bords  ;  la  navigation  des 
rivières,  au  moyen  de  la  marée,  permet,  sans  doute,  qu'on  le 
conduise,  à  peu  de  Irais,  à  une  assez  grande  distance  dans 
l'intérieur  des  terres.  La  quantité  nécessaire  par  hectare,  7  à 
10  mètres  cubes  au  plus,  est  relativement  peu  considérable. 

»  Le  flux  et  le  reflux  de  la  mer  faciliteraient  beau- 
coup la  main-d'œuvre  ;  le  chargement  se  ferait  à  marée  basse 
sur  la  vase  découverte  et  la  marée  haute  emmènerait  le 
navire  et  son  chargement.  » 

J'ai  vu  intérêt  à  la  transcription  de  ces  enseignements 
agricoles  pour  dispenser  des  recherches,  pour  l'opération  du 
chaulage.  d'une  part,  et,  d'autre  part,  pour  l'indication  d'un 
autre  amendement  calcaire,  d'un  effet  puissant  aussi. 

Pour  le  chaulage  des  terrains  de  culture  maraîchère,  son 
effet  bienfaisant  n'étant  pas  douteux,  il  serait  d'un  grand  in- 
térêt qu'il  lut  pratiqué  pour  tous  les  terrains  actuellement 
consacrés  à  ces  cultures,  en  vue  de  l'approvisionnement  des 
marchés  de  Saïgon  et  des  troupes  dans  les  garnisons  princi- 
pales. Pour  les  troupes,  il  y  aurait  lieu  que,  partout  où  cela 
est  possible,  des  jardins  potagers  chaulés  fussent  créés  pour 
subvenir  exclusivement  aux  besoins  de  leur  alimentation  pour 
la  partie  végétale.  Comme  il  y  a  des  petits  postes  où  la  main- 
d'œuvre  pratique,  où  les  terrains  appropriés  font  défaut,  il 
serait  bon  qu'ils  fussent  approvisionnés  par  les  jardins  des 
grandes  garnisons,  jardins  étendus  dans  la  mesure  voulue. 

Le  résultat  bienfaisant  peut  paraître  non  douteux,  mais  la 
l)reuve  expérimentale  n'en  présenterait  i)as  moins  un  grand 
intérêt.  Elle  se  peut  par  deux  jardins  contigus,  l'un  chaulé  et 
l'autre  non  chaulé,  jardins  d'une  égale  étendue,  cultivés  en 
mêmes  légumes,  devant  fournir  à  la  consommation  d'un 
même  nombre  d'hommes,  autant  que  possible  exemi)ts  de  mu- 
tations. Ces  jardins  devraient  être  situés  de  manière  que  le 
chaulage  de  Tun  ne  puisse  s'étendre  sur  l'autre  par  les  infil- 
trations pluviales. 

■   Au  bout  d'un  an,  par  exemple,  la  statistique  sanitaire  des 
deux  sections  d'hommes  éclairerait  sur  l'effet. 


154  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Enfin.,  l'intérêt  hygiénique  de  nos  conserves  végétales,  de 
nos  légumes  secs,  de  nos  vins  originaires  des  territoires  cal- 
caires de  France  est  énorme  là-bas,  pour  l'alimentation  des 
Européens,  même  les  végétaux  locaux  s'améliorant  par  le 
chaulage  des  terrains  spécialisés  à  leur  culture. 

Celle  de  tous  nos  légumes  deviendrait,  sans  doute,  possible 
sous  l'influence  de  ce  cliaulage,  même  celle  de  la  Pomme  de 
terre  probablement,  dans  les  terrains  légers  consacrés  aux 
cultures  industrielles,  par  les  indigènes,  dans  la  saison  sèche, 
terrains  arrosables  par  des  puits  comme  ceux  du  Go-viap, 
par  exemple,  si  je  me  souviens  bien. 

En  tous  cas,  ce  tubercule  est  remplacé,  pour  les  troupes, 
par  les  Patates  ;  pour  celles-ci,  elles  devraient  être  deman- 
dées, aussi,  à  des  terrains  chaulés. 

Pourquoi  nos  troupes  de  Cochinchine  française  ne  rece- 
vraient-elles pas  régulièrement  des  distributions  de  con- 
serves végétales  de  France  qui  offrent,  au  point  de  vue  qui 
nous  occupe,  plus  d'intérêt  pour  leur  alimentation  que  les 
conserves  de  viande  ? 

Périgueux  possède  de  nombreuses  fabriques  de  ces  con- 
serves, dont  les  éléments  sont  tirés  de  la  région,  dont  le  sol 
est  essentiellement  calcaire. 

D'informations  prises  dans  la  principale  fabrique,  il  résulte 
que  l'Etat  pourrait  y  assurer  l'approvisionnement  de  ses 
troupes  dans  des  conditions  invraisemblables  de  bon  marché. 
Par  exemple,  pour  les  petits  Pois,  pour  les  Haricots  verts, 
pour  les  Cèpes  même,  des  boites  d'un,  de  d'eux  et  de  quatre 
kilos  ne  reviendraient  guère  qu'à  0,25  le  kilog.  (renseigne- 
ments émanant  du  chef  de  cette  fabrique,  qui  a  aussi  donné 
l'information  que  les  Anglais  et  les  Hollandais  usent  beaucoup 
de  ces  conserves  pour  leurs  troupes  coloniales.  Particularité 
intéressante  à  noter,  les  Anglais  s'approvisionnent  en  Péri- 
gord  par  Bordeaux). 

Il  serait  d'autant  plus  intéressant  que  le  Gouvernement 
français  fit  bénéficier  ses  troupes  de  Cochinchine  française  de 
ces  conserves  foncièrement  indiquées,  qu'il  n'en  ressortirait 
probablement  qu'une  très  faible  augmentation  de  dépense, 
sinon  une  économie.  Dans  un  kilo  de  conserves  végétales,  il 
doit  y  avoir  le  repas  de  huit  à  dix  hommes  en  tant  que 
légume. 

Ces  conserves  pourraient  être  distribuées  une  ou  deux  fois 


RÈrxNE  ANIMAL.  155 

par  semaine,  en  rations  normales,  et  constituer  la  part  végé- 
tale de  l'alimentation  pour  les  troupes  en  expédition. 

Enfin,  avant  de  terminer,  je  ne  puis  m'empèclier  de  signa- 
ler la  faiblesse  de  complexion  des  indigènes  de  la  Basse- 
Cochincliine,  et,  si  je  la  rapproche  de  la  stature  athlétique  et 
de  la  force  des  populations  des  îles  madréporiques  de  la 
Polynésie,  j'en  dois  conclure  que  la  première  est  surtout  due 
à  la  faible  proportion  des  principes  calcaires  dans  l'alimenta- 
tion végétale. 

Quel  magnifique  objectif  que  la  transformation  physique 
d'une  population  tout  entière,  surtout  cette  population  étant 
civilisée  et  intelligente! 

Mais  le  chaulage  de  toutes  les  cultures  alimentaires  est  im- 
possible par  suite  de  la  rareté  et  de  la  cherté  de  son  élément. 

On  peut,  cependant,  tendre  à  y  arriver  partiellement  par  le 
large  emploi  des  engrais  de  mer,  dans  tous  les  points  oii  ils 
peuvent  être  portés  par  les  cours  d'eau  ;  le  flux  et  le  reflux  de 
la  mer  favorisant  la  récolte  inépuisable  aux  embouchures 
des  rivières  et  l'apport  aux  terres  cultivées  abordables. 

On  peut  se  faire  idée  du  bienfait  :  les  rizières  de  la  région 
basse  de  la  Cochinchine  française  voyant  leur  récolte  aug- 
mentée d'un  tiers  par  exemple,  le  produit  acquérant  même 
une  valeur  alimentaire  supérieure. 

S'il  y  a  rêverie,  jusqu'à  un  certain  point,  à  exposer  ces 
dernières  observations,  on  peut  entrevoir  que  l'avenir  en 
permette  l'application  et,  en  tout  cas,  il  ne  peut  qu'y  avoir 
avantage  à  faire  connaître  aux  cultivateurs  indigènes  les 
données  de  La  Maison  rustique  sur  les  amendements  du  sol 
et  sur  les  engrais. 


NOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAUTERELLES 


Par  m.  J.  FOREST  aîné. 

(suite  *). 


LES  LÉVIROSTRES  (Brehm). 

Dans  les  nombreux  groupes  de  Lévirostres  nous  remar- 
quons les  espèces  utiles  :  les  Guêpiers,  les  Rolliers  et  les  Cou- 
cous régulièrement  de  passage  en  Algérie. 

I.  Les  Guêpiers.  —  Nous  avons  une  variété  de  la  nom- 
breuse famille  des  Guêpiers  qui  est  sédentaire  dans  le  nord 
de  l'Afrique  et  se  répand  dans  l'Europe  méridionale. 

Le  Merops  apiaster  ou  Guêpier  vulgaire,  le  «  Chasseur 
d'Afrique  w,  des  colons. 

Cet  oiseau  est  exclusivement  insectivore.  Toutefois  il  dé- 
truira aussi  bien  les  Abeilles  que  les  Guêpes  ;  mais  ce  dégât 
ne  doit  pas  être  une  cause  de  proscription  en  Algérie,  où  l'a- 
piculture est  très  peu  développée. 

Tous  les  Guêpiers  sont  des  oiseaux  excessivement  paciliques 
et  sociables,  nichant  en  communauté.  Les  falaises  aux  envi- 
rons de  Tanger  en  contiennent  d'immenses  colonies.  Une  par- 
ticularité de  ces  oiseaux  observée  aussi  pour  la  Glaréole  :  ils 
mangent  tous  les  insectes  en  régurgitant  les  ailes  et  les  autres 
parties  cornées  de  leurs  proies. 

L'Egypte  et  la  Syrie  possèdent  une  espèce  sédentaire  beau- 
coup plus  petite;  en  Asie  et  en  Malaisie  se  trouvent  les  géants 
de  l'espèce,  les  Guêpiers  à  fraise,  huppés,  le  «  Nyctiornis  ». 

L'Afrique  orientale  possède  le  Guêpier  écarlate,  oiseau  su- 
perbe qui  arrive  aussi  dans  ses  migrations,  mais  en  petit 
nombre,  jusque  sur  la  côte  occidentale.  Les  Guêpiers  ont  leur 
représentant  en  Australie,  le  «  Cosmerops  »,  de  plumage 
aussi  remarquable  par  la  variété  des  couleurs  que  toutes  les 
espèces  de  l'ancien  monde.  Les  Guêpiers  généralement  ne 
supportent  pas  la  captivité,  il  n'y  a  pas  à  songer  à  compléter 
l'espèce  existante  en  Algérie,  par  l'importation  des  autres 
variétés. 

[*)  Voyez  plus  haut,  page  97. 


NOS  ALLIES  CONTRE  LES  SAUTERELLES.         157 

IL  Le  Rollier  vulgaire  {Coracia  garrulus) .  —  Cet  oiseau 
est  assez  répandu  en  Algérie  ;  sa  nourriture  consiste  en  in- 
sectes de  toute  espèce  et  petits  reptiles,  notamment  de  co- 
léoptères, de  sauterelles,  de  vers,  de  petites  grenouilles  et 
de  lézards.  11  attrape  aussi  de  temps  en  temps  une  souris  ou 
quelque  jeune  oiseau  ;  il  est  très  friand  de  figues. 

IIL  Les  Coucous.  —  P  Le  Coucou  ordinaire  {Cuculiis 
canorus).  Cet  oiseau  de  passage  en  Algérie  est  un  grand  des- 
tructeur de  chenilles,  de  larves,  d'insectes  et  de  sauterelles. 

2"  Le  Coucou  sénégalais  [Centroptiis  Senegalensis).  Cet 
oiseau  observé  au  Cap  par  Verreaux  est  un  grand  destructeur 
de  chenilles,  de  sauterelles,  de  vers,  de  souris,  etc. . .  Ce  na- 
turaliste a  observé  les  deux  autres  espèces  très  fréquentes 
au  Cap. 

IV.  Le  Goccystes  Cafer,  oiseau  de  très  grande  taille,  et 
le  bijou  de  l'espèce. 

Y.  Le  Chalcite  vert  doré  [Chrysococcyx  auratus).  — 
Cet  oiseau,  le  plus  petit  des  Coucous,  est  très  employé  dans  la 
mode  et  vient  en  assez  grande  quantité  sur  le  marché  de 
Paris  et  de  Londres,  en  provenance  de  l'Afrique  équatoriale, 
de  la  Guinée  portugaise,  de  Sierra-Leone,  du  Gabon,  etc. . . 
«  Au  Cap,  sa  qualité  de  destructeur  d'insectes  et  de  saute- 
»  relies  le  protège  et  on  ne  le  poursuit  pas  dans  un  but  com- 
»  mercial.  » 

Les  Coucous  sont  remplacés  en  Australie  par  le  Scytrops, 
oiseau  de  grande  taille  ayant  les  mœurs  des  Coucous.  Dans 
les  savanes  de  l'Amérique  du  sud,  le  Coucou  est  remplacé  par 
l'Ani  (Crotophaga);  deux  espèces,  une  grande  et  une  plus 
petite,  de  même  plumage  toutes  deux. 

GALLINACÉS. 

Cette  famille  très  nombreuse  a  des  représentants  particu- 
liers à  toutes  les  contrées  du  monde  ;  suivant  les  latitudes,  le 
mode  de  nourriture  variera,  mais  ces  oiseaux  sont  générale- 
ment omnivores.  Nous  recommanderons  la  Pintade  commune 
le  type  le  plus  approprié  au  Nord  de  l'Afrique;  il  en  existe 
deux  autres  variétés  dans  l'Afrique  orientale  et  australe, 
qui  ont  les  mêmes  mœurs. 


158  RKVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

I.  La  Pintade  commune  {Numida  meleagris).  —  La  Pin- 
tade commune  est  l'espèce  souche  de  notre  Pintade  domes- 
tique et  parait  être  propre  à  l'ouest  de  l'Afrique  ;  on  la  trouve 
en  grand  nombre  dans  le  Soudan  central,  à  la  Côte  d'Or  et 
dans  les  îles  du  Cap-Vert. 

II.  La  Pintade  à  casque  [Numida  mitrata),  particulière 
à  l'Afrique  australe,  se  trouve  en  bandes  nombreuses  autour 
du  Zambèze  et  dans  la  région  des  grands  lacs, 

III.  La  Pintade  vulturine  {Numida  piilorhyncha)  se 
trouve  en  quantité  dans  le  sud-est  africain,  sur  le  littoral  de 
la  mer  Rouge  ;  dans  l'Abj-ssinie,  elle  est  répandue  dans  toute 
la  contrée,  dans  les  steppes,  dans  les  bois,  sur  les  montagnes. 

Le  régime  des  Pintades  varie  suivant  les  localités  et  les 
saisons.  Au  printemps,  lors  des  pluies,  elles  se  nourrissent 
principalement  d'insectes,  surtout  de  sauterelles.  Plus  tard, 
elles  mangent  des  baies,  des  feuilles,  des  bourgeons,  des 
pousses  d'herbes,  des  graines  de  toute  espèce. 

Elles  peuvent  faire  des  dégâts  dans  les  champs  cultivés  en 
mangeant  les  jeunes  pousses  des  plantes  et  en  fouillant  le  sol. 
En  un  instant,  elles  creusent  un  trou,  mettent  à  nu  les  graines 
en  germination  et  les  mangent.  Pourtant,  elles  ne  touchent 
pas  aux  pommes  de  terre.  Cette  famille  serait  désirable 
comme  oiseaux  de  chasse,  et  sa  diffusion  en  Algérie  me 
semble  facile. 

IV.  Le  Cupidon  des  prairies  [Cupidonia  Americana).  — 
Cet  oiseau,  très  commun  dans  les  prairies  de  l'Amérique 
septentrionale,  a  les  mêmes  habitudes  que  nos  Pintades.  C'est 
un  destructeur  de  sauterelles  de  premier  ordre  et  les  natu- 
ralistes américains,  à  ce  titre,  lui  ont  obtenu  la  protection 
officielle.  Depuis  une  cinquantaine  d'années,  une  loi  frappe 
d'une  amende  de  dix  dollars  quiconque  tue  un  de  ces  oiseaux 
hors  la  saison  de  la  chasse  qui  est  ouverte  en  octobre  et  en 
novembre.  Il  est  probable  que  cette  loi  a  eu  pour  conséquence 
une  multiplication  considérable  des  Cupidons  dans  certaines 
localités,  car,  tous  les  hivers,  il  en  arrive  des  quantités  sur 
les  marchés  et  on  peut  parfois  acheter  des  centaines-  d'indivi- 
dus vivants  (Wilson,  Audubon).  Je  ne  doute  pas  que  Faccli- 
matation  de  cet  oiseau  soit  possible  dans  la  région  des  hauts 
plateaux,  il  compléterait  utilement  la  Pintade  comme  oiseau 
de  chasse  et  destructeur  de  sauterelles. 


NOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAUTERELLE^.  159 

y.  Les  Gangas  ou  Ptéroclinés.  —  Les  Gangas  vivent 
uniquement  dans  les  contrées  chaudes  de  l'Afrique  et  leurs 
représentants  dans  l'Asie  et  l'Europe  orientale  sont  les 
Syrrhaptes  ;  leur  passage  en  Europe  n'est  qu'accidentel.  Ce 
sont  des  oiseaux  tout  particuliers  aux  déserts  et  aux  steppes. 

Ces  oiseaux  sont  granivores,  mais  exclusivement  destruc- 
teurs de  Sauterelles  lorsque  cette  nourriture  se  présentera. 
Dans  le  sud  de  l'Espagne,  ils  sont  assez  fréquents  dans  le 
campo  semblable  à  nos  hauts-plateaux  algériens,  et  ils  se 
nourrissent  de  graine  d'Alfa  et  des  insectes  qu'ils  y  trou- 
vent. L'aire  de  dispersion  des  Gangas  s'étend  sur  une  grande 
partie  de  l'ancien  continent. 

^  VL  Les  Syrrhaptes  [Sy7^rhaptes  paradoxus).  —  Diffèrent 
légèrement  comme  plumage  et  aspect  physique  des  Gangas. 
Leur  habitat  est  toute  l'Asie  septentrionale  et  centrale,  les 
steppes  de  la  Russie,  la  Hongrie  et  la  Bulgarie,  presque  toute 
la  vallée  du  Danube.  Cette  espèce  a  les  mêmes  mœurs  que  les 
Gangas. 

VIL  Les  Perdrix.  —  Le  nord  de  l'Afrique  et  le  sud- 
ouest  de  l'Europe  possèdent  la  Perdrix  rouge  {Perdix 
rubra).  Cet  oiseau  habite  les  montagnes,  surtout  les  parties 
cultivées.  L'Afrique  du  nord  possède  encore  la  Perdrix  gam- 
bra  (Pei-dix  pelrosa),  plus  particulière  aux  plaines?  Ces 
deux  espèces  granivores  et  insectivores  doivent  être  classées 
parmi  les  destructeurs  de  Sauterelles.  L'Europe  centrale  et 
occidentale  possède  l'espèce  voisine,  le  Starne  ou  Perdrix 
grise,  l'Europe  orientale  et  l'Asie  ont  la  Perdrix  grecque,  qui 
se  trouve  aussi  dans  la  péninsule  sinaïque. 

Vm.  Les  Francolins  iFrancolinus).  —  Cet  oiseau  a 
presque  totalement  disparu  de  l'Europe  et  de  l'Afrique  sep- 
tentrionale, mais  existe  dans  les  autres  parties  de  l'Afrique. 
On  le  trouve  assez  nombreux  à  Chypre,  dans  l'Asie-Mineure, 
en  Syrie,  sur  la  côte  sud  de  la  mer  Noire  et  dans  le  nord  des 
Indes.  A  les  habitudes  et  les  mœurs  des  perdrix. 

IX.  Le  Colin  de  Virginie  [Ortijx  Virgimcmiis).  —Le  Colin 
de  Virginie,  i)articulier  aux  montagnes  Rocheuses  des  États- 
Unis,  peut  surtout  être  comparé  à  notre  Starne  européen. 
Son  habitat  est  très  variable,  il  préfère  les  champs,  mais  il 
lui  faut  des  buissons,  d'épaisses  haies  où  il  puisse  se  réfugier; 


160  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

on  le  trouve  môme  parfois  au  milieu  des  forêts.  Dans  le  sud 
des  États-Unis,  c'est  un  oiseau  sédentaire  ;  dans  le  nord,  un 
oiseau  voyageur.  Le  Colin  de  Virginie  et  le  Cupidon  sont  les 
deux  oiseaux  qui  rendent  des  services  inappréciables  pour  la 
destruction  des  Acridiens. 

Nous  ajouterons  à  ces  deux  oiseaux  américains,  le  Colin  de 
Californie  [Lophortyx  Californicus) ,  destructeur  de  Saute- 
relles dans  les  déserts  de  TArizona  et  da  Colorado. 

X.  La  Caille  [Orlux  cotumix).  —  Cet  oiseau  a  des  repré- 
sentants dans  toutes  les  parties  du  monde,  et  l'espèce  euro- 
péenne, qui  lui  sert  de  type,  se  trouve  dans  la  moitié  du 
globe.  Leur  régime  est  le  même  que  celui  des  petits  Galli- 
nacés ;  on  peut  dire  cependant  qu'il  est  plus  animal  que  yé- 
gétal.  Chaque  automne,  chaque  printemps,  Ihomme  en 
détruit  des  centaines  de  mille  et  les  eaux  de  la  mer  en  en- 
gloutissent au  moins  autant,  sans  oublier  les  rapaces  de 
toutes  sortes  qui  leur  font  aussi  une  poursuite  acharnée. 
Nous  rappellerons,  pour  mémoire,  la  polémique  amusante 
suscitée,  en  1889,  par  la  Chambre  syndicale  des  restaura- 
teurs parisiens  à  l'effet  d'obtenir  une  dispense  sur  les  lois  et 
règlements  de  chasse  pour  l'introduction  des  Cailles  d'Egypte. 
Pour  la  circonstance,  on  avait  produit  un  type  spécial  «  la 
Caille  d'Egypte  »,  il  a  été  reconnu  que  c'était  notre  Caille  ha- 
bituelle. 

En  Syrie,  cet  oiseau  est  en  telle  abondance  au  moment  de 
la  poussée  du  blé,  qu'il  se  laisse  fouler  aux  pieds  des  Chevaux, 
sans  se  déranger  (1).  Cela  confirmerait  la  version  de  la  Bible 
relative  à  la  sortie  d'Egypte,  durant  laquelle  les  Hébreux 
purent  se  nourrir  de  Cailles  pendant  quelque  temps. 

Nous  croyons  que  la  Caille  est  un  destructeur  d'Acridiens, 
de  valeur  égale  aux  Colins  de  Virginie  et  de  Californie,  et 
souhaitons  que  cette  espèce,  digne  de  sollicitude,  soit  quelque 
peu  protégée  (les  exploits  cynégétiques  de  certains  chas- 
seurs en  Algérie  se  chiffrent  par  une  centaine  de  Cailles  par 
chasseur  dans  une  matinée),  et  qu^l  soit  fait  un  essai  sérieux 
d'acclimatation  de  Colins  qui  pourront  rester  sédentaires  en 
Algérie  et  compléteront  utilement  le  nombre  d'acridothères, 
dont  l'acclimatation  n'est  pas  particulièrement  difficile. 

(1)  D' Lortel,  La  Sijrie  d'aujourd'hui. 


NOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAUTERELLES.         -161 

ÉCHASSIERS. 

La  grande  famille  des  Échassiers  nous  fournira  les  auxi- 
liaires les  plus  précieux,  les  plus  redoutables  dans  la  lutte 
contre  les  Sauterelles,  dans  toutes  les  périodes  de  leur  exis- 
tence. Depuis  le  géant  de  l'espèce  jusqu'aux  infiniment 
petits,  tous,  avec  une  ardeur  égale,  se  nourriront  exclusive- 
ment de  Sauterelles,  lorsque  ces  insectes  se  trouveront  en 
abondance  à  leur  portée. 

I.  Les  Autruches  [Struthio).  Cet  oiseau,  dont  la  descrip- 
tion est  suffisamment  connue,  pourrait  devenir,  en  Algérie, 
un  élément  important  de  fortune  publique.  Il  n'est  pas  encore 
trop  tard  pour  rivaliser  avec  nos  concurrents  les  Anglais  du 
Cap  de  Bonne-Espérance,  Australie,  Nouvelle-Zélande,  etc., 
etc.  Le  moyen  pratique,  non  mystérieux,  serait  d'installer 
quelques  couples  reproducteurs  dans  les  oasis  du  Sahara  ; 
leur  reproduction  serait  certaine,  et  pour  éviter  des  pertes  de 
jeunes  oiseaux  par  maladie  ou  autres  causes,  il  faudra  les 
élever  en  demi-liberté.  Notre  objectif,  dans  cette  étude,  étant 
surtout  la  recherche  des  meilleurs  destructeurs  de  Saute- 
relles, nous  pouvons  déclarer  qu'il  n'existe  pas  d'oiseaux  qui, 
plus  que  les  Autruches,  pourraient  contribuer  à  faire  dimi- 
nuer, sinon  arrêter  le  fléau  des  invasions  de  Sauterelles. 

Durant  ces  deux  dernières  années,  ce  fléau  s'étant  répandu 
jusqu'à  Alger,  il  a  été  possible  d'expérimenter  in  anima  les 
observations  puisées  dans  les  relations  des  voyageurs  et  na- 
turalistes :  Barth,  Nachtigall,  Rohlfs,  Levaillant,  Verreaux, 
Holub,  etc.,  etc. 

L'expérience  de  consommation  des  Sauterelles  a  été  faite 
par  des  Autruches  nées  et  élevées  au  Jardin  d'Essai  d'Alger  ; 
malgré  la  nouveauté  de  cette  nourriture  certainement  in- 
connue à  ces  oiseaux,  leur  instinct  naturel  les  guidant,  il  ré- 
sulta que  les  Sauterelles  étaient  préférées  à  leur  nourriture 
habituelle.  M.  Ch.  Rivière  a  donné  à  ces  expériences  la  con- 
sécration de  son  contrôle  scientifique,  et  aujourd'hui,  il  est 
reconnu  que  l'Autruche  est  un  destructeur  d'Acridiens  de 
premier  ordre. 

L'Autruche  dévore  par  jour  plusieurs  kilogrammes  de  Sau- 
terelles à  l'état  d'insecte  parfait  ;  le  Criquet  pèlerin  {Pachy- 
iylus  migratorius)  pond  80,  90,  95  œufs,  jamais  100  ;  1'^- 

20  Février  1893.  Il 


462  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

cridhim  peregrinum  en  pond  80  à  90  ;  le  Stauronohis 
Maroccanus  en  pond  30  à  40  et  le  Caloptenus  spretus 
dépasse  rarement  la  trentaine  (Hmickel  d'Herculais)  ;  l'on 
compte  To  œufs  au  centimètre  cube.  A  El-Outaya,  il  a  été 
détruit,  le  4  avril  1891,  36  mètres  cubes  ;  le  Yï  avril  1891, 
42  mètres  cubes. 

Il  est  facile  de  se  rendre  compte  de  l'énorme  quantité  re- 
présentée par  plusieurs  kilogrammes  de  cet  Acridien  à  l'état 
de  larve  ou  d'œuf,  et  cette  destruction  sera  d'autant  plus 
appréciable,  si  l'on  considère  que  ces  deux  premières  phases 
de  leur  existence  correspondent  à  la  production  des  Autru- 
chons  qui,  dans  le  premier  âge,  doivent  exclusivement  se 
nourrir  des  œufs  et  des  larves  de  Sauterelles,  très  abondants 
dans  le  Soudan  désertique.  Ces  expériences  établissent  que 
le  résultat  de  la  disparition  des  Autruches  dans  le  Sahara  a 
contribué  énormément  à  l'extension  et  à  la  diffusion  des 
Sauterelles  et  que  l'équilibre  de  la  nature  ne  se  trouvera  ré- 
tabli dans  le  Sahara  que  lorsque  les  nombreuses  Autruches, 
qui  y  ont  existé  s'y  retrouveront.  Le  rôle  de  l'homme  sera 
donc  de  réparer  le  mal  qu'il  s'est  fait  à  lui-même  par  esprit 
de  lucre  et  de  ce  mea  culpa  pourront  résulter  deux  grands 
biens  •  atténuation  du  fléau  des  Sauterelles  ;  et  une  source  de 
richesse  :  production  des  plumes  d'Autruches  pour  lesquelles 
nous  sommes  tributaires  des  Anglais. 

Dans  la  séance  générale  de  la  Société  d'Acclimatation  du 
1er  niai  1891,  ces  observations  et  projets  concernant  l'ele- 
Tage  des  Autruches  ont  été  soumis  à  sa  haute  approbation. 
J'ai  eu  l'honneur  d'obtenir  son  puissant  patronage  et  j'en 
remercie  MM.  les  membres  du  bureau,  et  aussi  nos  collègues 
MM  Decroix  et  d'Esterno  qui,  spontanément  pour  la  réus- 
site de  mes  projets  et  leur  prise  en  considération  m'ont  offert 

leurs  services. 

M.  Cambon,  gouverneur  général  de  l'Algérie,  a  accorde 
son  attention  bienveillante  à  la  communication  que  j'ai  eu 
l'honneur  de  lui  faire  en  juin  1891,  au  sujet  des  Autruches 
et  des  Sauterelles.  J'avais  fait  l'offre  de  faire  à  mes  frais  la 
démonstration  pratique  de  ces  études  par  l'installation  dans 
le  Sahara  d'un  troupeau  d'Autruches  reproductrices,  dont  la 
pro-éniture,  essaimée  dans  toutes  les  oasis  du  sud  algérien, 
aurait  pu  nous  aider  dans  la  lutte  contre  les  Sauterelles  et 
nous  soustraire  à  l'obligation  d'acheter  des  plumes  au  Cap. 


NOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAUTERELLES.         16Î 

Après  de  nombreuses  recherches  pour  la  création  d'une 
autrucherie,  et  ne  trouvant  rien  de  convenable  en  emplace- 
ment privé,  je  me  décidai  à  faire  la  demande  de  concession 
partielle  de  la  Smala  d'El  Outaya  (1),  actuellement  «  l'unique 
emplacement  favorable  »  dans  le  Sahara,  comme  sécurité 
richesse  en  eau  et  desservi  par  le  chemin  de  fer.  Je  pensais- 
qu'il  n'y  aurait  pas  de  grandes  difficultés  pour  l'obtenir  me 
basant  surtout  sur  le  précédent  de  la  concession  Dufôuro- 
dans  le  même  territoire.  "^ 

Les  hautes  recommandations  de  MM.  les  honorables  séna- 
teurs et  députés  amis  de  l'Algérie,  de  MM.  de  Quatrefages 
Milne-Edwards,  membres  de  l'Institut,   directeurs   du  Mu- 
séum de  Paris,  de  la  Société  de  Géographie,  d'Acclimatation 
de    Pans,   des    Sociétés   d'agriculture    et    Comice   agricole 
d'Alger,  de  Constantme,  etc. . .,  des  Chambres  de  commerce 
de  Paris,  Alger,  Constantine,  Philippeville,  etc. . .,  etc. . ., 
pas  plus  que  mes  démarches   personnelles  n'ont  amené  de 
solution  favorable,  et  ma  demande  n'a  pas  été  prise  en  consi- 
dération. Qu'il  me  soit  permis  d'adresser  mes  remerciements 
chaleureux  à  la  presse  algérienne  et  à  tous  ceux  qui  ont  bien 
voulu  ra'accorder  leur  appui  désintéressé.  Puisse  cet  échec 
être  réparé  par  un  mortel  plus  favorisé  ou  plus  malin  ! 

«  L'avantage  particulier  de  quelques  Français,  résultat  de 
leur  initiative  et  de  leurs  créations,  ne  peut  qu'augmenter  le 
patrimoine  national.  »  L'opinion  contraire  n'aidera  pas  dans 
la  résolution  du  problème  :  reconstitution  des  troupeaux 
d'Autruches  en  Algérie.  Je  souhaite  qu'en  haut  lieu  il  soit 
tenu  compte  de  ces  observations  d'ordre  général  qui,  en 
d'autres  pays,  surtout  chez  nos  rivaux  en  Angleterre,'  en 
Allemagne,  obtiendraient  toutes  les  faveurs  officielles,  ainsi 
que  l'appui  des  capitalistes  clairvoyants. 

La  conclusion  de  cette  note  est  que  la  reconstitution  de 
nombreux  troupeaux  d'Autruches  serait  incontestablement 
un  remède  contre  la  propagation  endémique  des  Sauterelles 
et  produirait  des  revenus  importants  par  l'utilisation  des 
steppes  du  Sahara  au  profit  du  développement  de  la  coloni- 
sation et  permettrait  enfin  la  marche  en  avant  du  nord  au 
sud  vers  le  Tchad  et  le  Niger'.  [A  suivre.) 


(1)  El  Outaya  est   une  immense  plaine  cullivable,  en   partie  irriguée,  entre 
Hatna  et  Biskra,  deux  places  fortifiées,  lieux  de  garnison  importante. 


INSECTES 

QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES 

HARICOTS,   POIS,    ETC.    BLÉS,    ORGES,    ETC.    FARINES 

MOYENS  DE  DESTRUCTION  (1) 

Par  m.  DECAUX, 
Membre   de  la  Société   Entomologique  de   France. 


La  question  des  insectes  qui  attaquent  les  substances  ali- 
mentaires dans  les  greniers  et  magasins  a  une  importance 
incalculable  pour  le  monde  entier.  Elle  a  de  tous  temps  pré- 
occupé les  économistes  de  tous  les  pays  ;  elle  est  de  plus  hu- 
manitaire ;  combien  de  malheureux  affamés  il  serait  possible 
de  soulager  avec  les  millions  d'hectolitres  de  graines  alimen- 
taires dévorées  par  les  insectes  chaque  année? 

Pour  simplifier  notre  étude,  nous  la  diviserons  en  deux 
parties  bien  distinctes  : 

lo  Les  insectes  qui  attaquent  les  légumineuses  :  haricots, 
pois,  fèves,  lentilles,  etc. 

2°  Les  insectes  qui  attaquent  les  céréales  :  blé,  orge,  seigle, 
maïs,  riz  et  les  farines. 

PREMIÈRE  PARTIE. 

Les  insectes  qui  attaquent  les  légumineuses  :   hari- 
cots, pois,  fèves,  lentilles,  etc. 

D'après  la  dernière  Statistique  du  Ministère  de  l'Agricul- 
ture, la  France  consacre  825,090  hectares  à  la  culture  des 
légumineuses,  qui  ont  produit  15,000,000  d'hectolitres  de 
graines  d'une  valeur  d'environ  quatre  cents  millions  de 
francs  : 

[\]  Communication  faite  au  Congrès  des  Sociétés  savantes  à  la  Sorbonne, 
9  juin  1892.  Réponse  à  la  question  15  du  programme. 


L\SECTES  QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES.     165 


HECTARES.  HECTOLITRES. 


VALEUR. 


Jardins 143,000 

[  Fèves  et  fèveroUes.  154,000 

Grande       )  Haricots 102,000 

culture,     j  Pois 61,000 

f  Lentilles 14,500 

/"'*"^«  \   350,000 

fourragère .  ) 


2,450,000   95,000,000 


3.000,000 

1,620,000 

1,100,000 

221,000 


60.000,000 

49,000,000 

30.000,000 

6,630,000 


6,000,000  125,000,000 


L'Algérie  emploie  95,000  hectares  à  la  culture  des  légu- 
mineuses, qui  produisent  1,300,000  hectolitres  de  graines  va- 
lant environ  35,000,000  de  Irancs. 


Jardins 

HECTARES. 
9.500 

48,000 

25,000 

6,300 

1,200 

4,600 

HECTOLITRES. 
160,000 

615,000 

355.000 

■76,000 

14,000 

80,000 

VALEUR. 

5,000,000 

Grande 

[  Fèves  et  fèverc 
)  Haricots 

lies. 

13,000,000 
13,000,000 

culture 

j  Pois 

2,500,000 

Culture 

(   Lentilles 

î    

. . . . 

480,000 
1,700,000 

fourragère . 

) 

La  Tunisie  produit  pour  15  à  20,000,000  de  francs  de  fèves, 
haricots,  etc. 

L'extension  énorme  que  l'on  compte  donner  à  la  culture 
de  l'Olivier  en  Tuni.sie  et  en  Algérie  (1)  augmentera  forcé- 
ment dans  de  grandes  proportions  la  culture  des  légumi- 
neuses, qui  peut  se  faire  en  ligne,  entre  les  oliviers. 

Toutes  les  légumineuses  :  fèves ,  pois ,  haricots ,  len- 
tilles, etc.,  de  France,  et  du  monde  entier,  sont  dévorées  par 
des  coléoptères  de  la  famille  des  Briichus,  dont  la  larve 
ronge  l'intérieur  de  la  graine.  Les  dégâts  causés  par  ces  in- 
sectes sont  considérables  ;  en  France,  ils  varient  de  10  à  30 
et  50  °/o  selon  les  années;  dans  nos  Colonies,  ils  atteignent 
de  20  à  10  et  80  "/o,  comme  nous  avons  pu  le  constater,  pour 
des  haricots  provenant  du  Sénégal  (80  o/o)  (2)  par  B.  ornaius; 
de  la  Nouvelle-Calédonie,   par  B.  irresectus  (25  à  40  Vo)  ; 

(1)  Decaux,  L'Olivier,  son  avenir,  etc.  {Revue  des  Sciencus  naturelles  appU- 
qui'es,  n»'  11  à  13,  1892). 

(2)  Etude  sur  les  insectes  nuisibles,  recueillis  à  l'Exposition  universelle  de 
1889.  Société  des  Agriculteurs  de  France,  n<"  20  et  21  (1890!. 


^66 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


•d'Algérie  et  de  Tunisie,  par  B.  irresectus  (importé),  15  à 
30  %  ;  t^u  Tonkiii  et  d'Annam,  par  B.  chinensis,  20  à  40  %  ; 
■des  Indes  françaises,  par  B.  chinetisis,  20  à  40  %  ;  de  la 
Réunion,  par  B.  phaseohis,  20  à  45  «/o  ;  des  Antilles,  par 
B.  irresectus,  20  à  40  %,  etc. 

Il  ne  faut  pas  se  le  dissimuler,  le  Briichiis  est  un  ennemi 
implacable;  il  n'existe  pas  un  champ,  dans  le  monde  entier, 
si  petit  qu'il  soit,  -voire  même  dans  un  jardin,  une  bande  de 
quelques  mètres  carrés,  plantée  en  fèves,  pois,  ou  autres  légu- 
mineuses, dont  les  graines  soient  exemptes  de  Bruchus. 

Mœurs  des  bruchus  en  général. 


Pour  faciliter  ma  démonstration,  je  prends  comme  exemple 
le  Bruchus  pisorum  Boh.  (figure  1),  dont  la  larve  bien  con- 
nue des  ménagères,  vit  dans  le  pois,  Pisum  saiivum  L.  des 
■environs  de  Paris. 

C'est  au  commencement  d'avril,  lorsque  les  pois  sont  en 

fleurs,  que  le  B.  pisorion  Boh. 
femelle  vient  déposer  un  œuf 
dans  la  jeune  gousse  en  for- 
mation. La  larve ,  aussitôt 
éclose,  choisit  une  graine,  s'y 
enfonce  et  se  nourrit  de  la 
partie  interne ,  sans  jamais 
s'attaquer  au  hile.  Ce  parasite, 
au  lieu  de  nuire  à  la  première 
végétation  de  la  graine,  déter- 
mine une  irritation  qui  a  pour 
l'ésultat  une  exubérance  de 
sève  qui  permet  au  pois  de  se 
■développer  avantageusement  et  d'arriver  à  la  maturité 
presque  toujours  plus  gros  que  les  autres  graines  saines 
contenues  dans  la  même  gousse.  La  larve  arrive  à  son  en- 
tier développement  un  peu  avant  la  maturité  de  la  graine  ; 
avant  de  se  métamorphoser  en  nymphe,  elle  creuse  une  ga- 
lerie dans  le  pois  jusqu'au  péricarpe,  qu'elle  n'entame  jamais, 
puis  elle  se  forme  une  coque  avec  les  débris  provenant  de 
son  travail,  qu'elle  agglutine  avec  un  mucus  qu'elle  dé- 
gorge par  la  bouche  ?  L'insecte  parfait  reste  enfermé  dans 
la  graine  et  normalement  ne  doit  sortir  qu'au  mois  de  mars 


r      p^      \  \' 

Pig^   1^  —  Le  Bruchus  pisorum. 

A.  Insecte  très  grossi. 

B.  Une  antenne  très  grossie. 

C.  Grandeur  de  l'insecte. 


INSFXTES  QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES.     167 

de  l'année  suivante.  Il  est  alors  facile  de  comprendre  com- 
ment le  cultivateur  emporte  avec  sa  semence  l'ennemi  qui 
dévorera  plus  tard  sa  récolte.  Le  Briiehiis,  parfaitement  à 
l'abri  dans  le  pois,  peut  impunément  braver  l'humidité  de  la 
légère  couche  de  terre  qui  le  recouvre,  son  instinct  lui  indi- 
quera le  moment  précis  où  il  doit  percer  sa  prison  et  prendre 
son  vol  pour  accomplir  la  mission  qui  lui  est  échue  de  per- 
pétuer son  espèce. 

J'espère  avoir  suffisamment  démontré  que  l'insecte  est 
toujours  enfermé  dans  la  graine  de  pois,  haricot,  len- 
tille, etc.,  au  moment  de  la  récolte.  Supposons  un  instant 
qu'il  soit  possible  de  déterminer  tous  les  cultivateurs  d'un 
pays,  ou  seulement  d'une  contrée,  à  stériliser  la  petite  quan- 
tité de  graines  réservées  pour  la  semence,  immédiatement 
après  la  récolte  (comme  il  sera  indiqué  plus  loin).  Il  est  facile 
de  prévoir  que  les  insectes  qui  doivent  servir  à  la  reproduc- 
tion de  l'espèce  dans  les  champs,  l'année  suivante,  seraient 
détruits  d'un  seul  coup,  et  qu'il  ne  resterait  plus,  au  mois  de 
mars,  que  les  Bruchus  contenus  dans  les  graines  réservées 
dans  les  magasins,  pour  la  consommation  du  printemps, 
c'est-à-dire  très  peu  d'insectes  susceptibles  de  prendre  la 
liberté  et  de  regagner  les  champs  cultivés. 

Destruction. 

Le  produit  à  employer  doit  réunir  plusieurs  qualités  indis- 
pensables. Pour  les  graines  comestibles,  il  est  essentiel  de  ne 
se  servir  que  d'un  produit  ne  laissant  aucune  mauvaise  odeur 
et  ne  pouvant  en  aucune  faron  nuire  à  la  santé.  Il  faut  encore 
que  la  faculté  germinative  de  la  graine  ne  soit  en  rien  alté- 
rée, que  ce  produit  soit  bon  marché  et  que  son  mode  d'em- 
ploi soit  simple  et  facile. 

Depuis  l'année  1880  (1),  où  nous  avons  commencé  nos  re- 
cherches avec  l'aide  et  le  concours  de  M.  le  docteur  Charles 
Decaux,  nous  avons  fait  de  nombreuses  expériences,  en  em- 
ployant divers  produits  chimiques,  l'étuve,  la  dessiccation  des 
graines,  etc.  Le  sulfure  de  carbone  nous  a  donné  les  meilleurs 
résultats. 


(1)  Étude  (Société  des  Agriculteurs  de  France)  déjà  citée. 


168  revue  des  sciences  naturelles  appliquées. 

Emploi  du  sulfure  de  carbone. 

Ce  procédé  est  basé  sur  la  rapidité  avec  laquelle  le  sulfure 
de  carbone  se  Yolatise  et  dégage  des  vapeurs  toxiques.  Son 
mode  d'emploi  consiste  à  enfermer  les  graines  à  stériliser 
dans  un  tonneau  cerclé  en  fer  ou  autre  récipient  susceptible 
d'une  fermeture  aussi  complète  que  possible.  Dans  mes  essais, 
j'ai  employé  le  sulfure  de  carbone  à  la  dose  d'un  millième, 
c'est-à-dire  un  décilitre  pour  un  hectolitre  de  graines.  J'ai 
laissé  les  graines  en  contact  avec  les  vapeurs  du  sulfure  de 
carbone  pendant  15  à  24  heures;  mais  je  suis  certain  que  la 
quantité  de  liquide  et  le  temps  nécessaire  pour  tuer  les  in- 
sectes peuvent  être  réduits. 

Soins  a  prendre. 

Les  manipulations  devront  être  faites  à  l'air  libre,  sous  un 
hangar  couvert,  pour  éviter  de  respirer  les  vapeurs  qui  se 
dégagent  pendant  l'opération,  surtout  lorsque  l'on  aura  à 
traiter  de  grandes  quantités  de  graines  à  la  fois.  11  faut  éAiter 
de  s'approcher  avec  du  feu  des  récipients  contenant  les 
graines  en  traitement;  les  vapeurs  du  sulfure  de  carbone, 
comme  celles  de  l'éther,  font  explosion.  Il  n'est  pas  démon- 
tré qu'en  opérant  à  l'air  libre,  cette  explosion  soit  à  craindre  ; 
mais  on  ne  saurait  s'entourer  de  trop  de  précautions  ;  on  fera 
bien  de  prévenir  l'ouvrier  chargé  des  manipulations  de  ne 
pas  fumer  et  d'opérer  le  jour. 

Le  traitement  terminé,  les  graines  devront  être  ventilées 
au  van  à  manivelle  (tarare)  pour  les  aérer.  Le  sulfure  de  car- 
bone est  tellement  volatil  qu'il  ne  restera  plus  trace  des  va- 
peurs après  ce  traitement.  Nous  nous  sommes  assuré  que  la 
faculté  germinative  de  la  graine  reste  intacte  après  le  trai- 
tement. 

En  réalité,  rien  de  plus  facile,  de  plus  simple  et  de  plus 
économique  que  ces  manipulations  :  remplir  un  tonneau  par 
la  bonde,  avec  un  entonnoir  (aux  9/10),  avec  la  graine  à  stéri- 
liser, y  ajouter  im  décilitre  de  sulfure  de  carbone  par  hecto- 
litre, bien  boucher  le  tonneau,  le  remuer  une  ou  deux  fois, 
pour  bien  mélanger  la  graine,  et  l'abandonner  pendant  15  à 
24  heures  ;  ensuite  renverser  la  semence  et  la  passer  au  ta- 
rare, et  c'est  fini.  La  dépense  est  d'environ  5  à  10  centimes 
par  hectolitre. 


INSECTES  QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES.     169 

RÉSUMÉ. 

Nous  avons  vu  par  la  statistique  officielle,  que  la  culture 
en  France  des  fèves,  pois,  etc.,  avait  une  valeur  d'environ 
400,000,000  de  francs.  Que  la  même  culture,  en  Algérie  et  en 
Tunisie  rapportait  plus  de  .50,000,000  de  francs  (nos  colonies 
doivent  produire  .50,000,000  ou  60,000,000  de  francs),  et  que 
les  dégâts  causés  à  ces  excellentes  graines,  chaque  année, 
varient  de  10  à  30  et  50  p.  100,  c'est  donc  une  perte  réelle 
de  50  à  70  millions  de  francs,  chaque  année,  que  nous  font 
subir  les  Bruchics,  sans  compter  le  dégoût  que  nous  inspire 
la  larve  dans  les  graines  mangées  vertes  et  les  déjections 
dans  les  graines  sèches. 

Nous  pouvons  affirmer  la  possibilité  de  détruire  les  Bni- 
cliiis  renfermés  dans  les  graines,  en  employant  le  sulfure  de 
carbone,  comme  nous  l'avons  indiqué. 

Le  plus  difficile,  selon  nous,  est  d'obtenir  cette  simple  opé- 
ration de  tous  les  cultivateurs  d'une  même  contrée  ?  Il  existe 
une  loi  en  France  qui  rend  obligatoire  l'échenillage,  l'échar- 
donnage,  etc.  On  pourrait  donc  exiger  des  agriculteurs  la 
.stérilisation  de  la  petite  quantité  de  fèves,  pois  et  autres  lé- 
gumineuses réservées  pour  la  semence,  immédiatement  après 
la  récolte?  La  chose  en  vaut  la  peine  et  mérite  d'être  dis- 
cutée. 

A  défaut  de  l'application  de  la  loi  qui  froisse  toujours 
quelque  personne,  il  existe  en  France  et  en  Algérie  un  assez 
grand  nombre  d'Instituts  agronomiques,  d'Ecoles  d'agricul- 
ture, etc.  Nous  comptons  sur  les  sentiments  humanitaires 
bien  connus,  et  l'intelligente  sollicitude  pour  les  intérêts  agri- 
coles, de  M.  Tisserand,  directeur  au  Ministère  de  l'Agricul- 
ture, pour  espérer  qu'il  voudra  bien  faire  appliquer  ce  pro- 
cédé, sans  retard,  dans  ces  Écoles,  qui  le  feront  connaître. 
D'ici  quelques  années,  les  cultivateurs  en  reconaîtront  l'avan- 
tage, et,  entraînés  par  l'exemple,  ils  feront  d'eux-mêmes  ce 
que  l'on  supposait  impossible  d'obtenir. 

Il  en  sera  de  même  pour  toutes  nos  colonies,  où  les  hari- 
cots et  les  fèves  jouent  un  rôle  très  important  pour  la  nour- 
riture journalière  des  populations  indigènes  et  dont  la  moitié, 
ou  les  trois  quarts  de  la  récolte  sont  souvent  dévorés  par  les 
BriicJms. 


170  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


DEUXIEME  PARTIE. 

Les  insectes  qui  attaquent  les  céréales  :  blés,  orges, 

farines,  etc. 

La  France  est  le  pays  qui  consacre,  proportionnellement, 
la  plus  grande  étendue  de  terre  à  la  culture  des  céréales,  en 
général  et  spécialement  du  blé.  La  superficie  totale  de  la 
France  est  de  52,857,600  hectares. 

En  1890,  environ  15,000,000  d'hectares  (14,807,000)  ont  été 
cultivés  en  céréales.  Sur  ce  nombre,  7,000,000  d'hectares 
sont  consacrés  au  froment  ;  le  méteil  accapare  300,000  hec- 
tares ;  Vavoine  4,000,000  d'hectares  ;  le  seigle  1,500,000  hec- 
tares ;  Yorge  environ  900,000  hectares  ;  le  sa?'rasin  5  à 
600,000  hectares  ;  le  maïs  autant. 

Bien  que  nous  produisions,  chaque  année,  environ  275  mil- 
lions d'hectolitres  de  grains,  dont  107,000,000  d'hectolitres 
de  blé,  en  moyenne,  nous  sommes  obligés  de  demander  à 
l'importation  des  céréales  étrangères  le  complément  de  notre 
consommation.  C'est  ainsi  qu'en  1890  nous  avons  importé 
environ  114,000,000  d'hectolitres  de  tons  grains  et  de  farines, 
dont  18  à  20,000,000  d'hectolitres  de  blé. 

Ces  immenses  productions  de  céréales  :  blés,  orges,  riz, 
maïs,  etc.,  d'une  valeur  déplus  de  S  milliards  de  francs, 
sont  dévorées  dans  les  greniers  et  magasins  par  plusieurs  in- 
sectes dont  le  plus  nuisible  est  un  coléoptère  de  la  famille  des 
Charançons,  le  Calandra  granaria  Linné,  pour  les  céréales 
européennes,  et  le  Calandra   Oryzœ  Linné,    pour  le  riz, 

maïs,  et  les  blés  venus  d'Amérique  ■  et 
des  Indes  (quelquefois  ces  derniers  sont 
aussi  attaqués  par  le  C.  granaria). 

Calandra  granaria  Linné  (fig.  2). 
Longueur  2  1/2  à  4  1/2  millimètres, 
allongé,  d'un  brun  marron.  Pronotum 
garni  de  points  oblongs,  espacés.  Elytres 
concolores  fortement  striées,  ponctuées. 

Calandra  Oryzae  Linné  2  1/2  à  4  1/2 

Fig.  i'.  —  Le  Calandra  millimètres  allongé,  un  peu  oblong,  d'un 
granaria  très  grossi,     iji'un  marron  :  prouotum  gariii  de  points 


INSECTES  QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES   ALIMENTAIRES.     171 

subaiTondis,   serrés.   Elytres  crénelées,   striées,  avec  deux 
taches  rousses  sur  chaque  élytre. 

Mœurs. 

Les  CALANDRA  sont  des  ennemis  qui,  en  général,  ne 
s'écartent  guère  des  habitations,  ils  sont  cachés  dans  les 
entrepôts,  dans  les  greniers,  un  peu  partout  où  séjournent 
longtemps  des  céréales  ;  ils  ne  s'emparent  de  la  graine  qu'a- 
près la  récolte. 

En  France,  c'est  vers  la  fin  d'avril  que  les  C.  granaria 
se  recherchent  pour  s'accoupler,  quelques  jours  après  la  fe- 
melle s'enfonce  dans  le  tas  de  blé  (jamais  nous  n'en  avons 
trouvé  sur  les  grains  extérieurs),  elle  fait  une  piqûre  à  l'en- 
veloppe du  grain,  qu'elle  soulève  avec  son  rostre  ;  sous  cette 
pellicule,  elle  pratique  un  trou  elliptique,  puis  elle  se  re- 
tourne et,  à  l'aide  de  son  oviducte,  elle  dépose  un  seul  œuf, 
après  quoi  l'ouverture  est  bouchée  par  une  sorte  de  gluten 
de  la  couleur  du  blé.  L'œuf  a  un  demi-millimètre  de  long,  il 
est  ovoïde,  transparent.  La  larve  arrivée  à  tout  son  dévelop- 
pement est  épaisse,  charnue,  sa  taille  est  d'environ  2  milli- 
mètres 1/2  de  longueur  sur  1  à  1  1/2  millimètre  de  largeur  ; 
elle  se  tient  habituellement  sur  le  côté,  pliée  en  arc  ;  elle  est 
allongée,  blanchâtre,  molle;  son  corps  est  composé  de  neuf 
anneaux,  de  consistance  cornée  ;  sa  tète  est  de  couleur  mar- 
ron, ses  mandibules  sont  fortes  et  armées  de  dents  arrondies 
et  se  terminent  brusquement  en  pointe.  Cette  larve  est  privée 
de  pattes,  elle  se  métamorphose  en  nymphe,  reste  dans  cet 
état  huit  à  dix  jours  et  se  transforme  en  insecte  parfait  qui 
perce  le  grain  pour  sortir.  J'estime  que  la  ponte  entière 
comporte  de  trente  à  quarante  œufs.  La  larve  se  nourrit  de 
la  partie  farineuse  du  grain,  sa  croissance  et  ses  métamor- 
phoses exigent  deux  mois  environ  pour  arriver  de  la  ponte  à 
l'insecte  parfait. 

Lorsque,  vers  le  mois  d'octobre,  la  température  descend  et 
tend  à  se  rapprocher  de  10  degrés  centigrades,  par  un  instinct 
de  prévoyance  et  de  conservation,  un  grand  nombre  des  C. 
granaria,  arrivés  à  leur  état  parfait,  quittent  les  tas  de 
graines  et  vont  se  cacher  dans  les  fentes  des  murs,  des  pai'- 
quets,  quelquefois  des  bois  de  charpentes,  etc.,  pour  y  pas- 
ser l'hiver  dans  un  i)arfait  état  d'engourdissement. 


172  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

Dans  les  climats  tempérés,  le  C.  gi^miaria  a  deux  ou  trois 
générations  par  an  ;  mais  dans  les  pays  intertropicaux,  il  doit 
se  métamorphoser  plus  promptement  et  avoir  quatre  ou  cinq 
générations. 

D'après  un  calcul  de  De  Geer,  un  seul  couple  de  C.  grana- 
ria,  y  compris  les  générations  auxquelles  il  donne  naissance, 
peut  avoir  produit,  au  bout  de  l'année,  23,600  individus.  Nos 
expériences  répétées  plusieurs  fois  en  vase  recouvert  d'une 
toile  métallique  sont  moins  effrayantes  ;  après  la  troisième 
génération  le  nombre  des  grains  contaminés  était  d'environ 
7,500  individus  ;  mais  en  continuant  l'expérience  jusqu'à  la 
fin  de  la  seconde  année,  un  bocal  contenant  un  litre  de  blé, 
dans  lequel  j'avais  déposé  un  seul  couple  d'insectes,  ne  con- 
tenait plus  que  quelques  grains  sains,  presque  tous  les  grains 
avaient  été  dévorés.  Cette  expérience  démontre  suffisamment 
l'utilité  de  ne  pas  laisser  séjourner  dans  les  greniers  des  tas 
de  grains  pendant  plusieurs  années  si  l'on  veut  éviter  un 
désastre. 

Expérience  sur  Vinfluence  d'une  température  basse.  — 
Un  bocal  rempli  de  blé  sain  dans  lequel  j'ai  enfermé  cinq 
couples  de  C.  r/ranaria,  au  mois  d'avril,  a  été  descendu  dans 
une  cave  très  sèche,  dont  la  température  varie  entre  5°  et  7° 
centigrades.  Après  un  an,  j'ai  retrouvé  huit  insectes  vivants, 
il  m'a  été  impossible  de  découvrir  une  seule  larve.  Les  in- 
sectes étaient  engourdis ,  je  n'ai  pas  trouvé  de  parties  de 
grain  rongées  au  fond  du  bocal,  ce  qui  me  fait  supposer  qu'ils 
ont  très  peu  mangé;  si  toutefois  ils  ne  sont  pas  restés  com- 
plètement privés  de  nourriture. 

Expérience  sur  sa  résistance  au  froid.  —  Des  C.  grana- 
ria  ont  été  ex[)0sés  toute  une  nuit  dehors,  par  une  tempéra- 
ture de  —  19°  centigrades,  ils  ont  très  bien  résisté  et  se  sont 
accouplés  au  printemps. 

Résistance  à  la  privation  de  nourriture.  —  J'ai  enfermé 
dix  C.  granaria  dans  autant  de  petits  tubes  séparés,  recou- 
verts de  toile  métallique.  J'avais  choisi  ces  insectes  à  mesure 
des  éclosions,  du  15  au  20  août,  et  avant  qu'ils  se  soient  ac- 
couplés ;  j'ai  pris  la  précaution  de  les  tenir  au  grenier,  mais 
dans  l'obscurité.  Ils  ont  vécu  :  4  exemplaires  du*  20  août  au 
10  avril  ;  3  exemplaires  jusqu'à  la  fin  d'avril  ;  2  exemplaires 
jusqu'au  10  mai  et  le  dernier  jusqu'au  24  mai. 


INSECTES  QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES.      173 

Le  C.  granaria  a  une  «épulsion  marquée  pour  les  odeurs. 

Première  expérience.  —  En  1884,  j'ai  rempli  20  vases 
ouverts  pouvant  contenir  chacun  2  litres  de  blé  :  dans  14  de 
ces  vases,  j'ai  introduit,  au  milieu,  un  tampon  lait  avec  une 
des  plantes  suivantes  : 

Les  fleurs  et  feuilles  de  sarriette  (Sahireia  horleyisis). 

—  de  camomille  {Anthémis  cotiild). 

Les  fleurs  et  feuilles  d'absinthe  (Artemisia  aljsinthiwn). 

—  —      de  tanaisie  [Tanacetum  vulgare). 

—  —      de  lavande  {Lavandula  spica). 

—  —      de  menthe  {Mentha  piperi(a). 

—  —      de  thym  [Thymus  vulgaris). 

—  —      d'hysope  {Hysopiis  officinalis). 

~  —      de  vomariniRosmarinus  officinalis). 

Les  feuilles  sèches  de  tabac  {Nicoliana  tabacuni). 

Les  bulbes  concassés  et  feuilles  d'ail  [Alliion  savitum). 

Les  feuilles  et  graines  de  fenouil  (Fœninulum  vulgare). 

Les  fleurs  de  houblon  (Humulus  lupiilus). 

Les  6  autres  vases  ne  contenaient  pas  de  mélange  odorant. 

Ces  20  vases  ainsi  préparés  ont  été  disséminés  dans  le  gre- 
nier d'une  maison  que  je  savais  fréquentée  par  le  C.  granaria, 
et  laissés  une  année  entière  sans  y  toucher.  Aucun  des  vases 
de  blé  contenant  des  plantes  odoriférantes  n'a  été  attaqué 
par  les  insectes  ;  les  6  autres  vases,  laissés  comme  témoins, 
en  contenaient  tous  plus  ou  moins. 

Deuxième  expérience.  —  En  1885,  j'ai  placé  dans  l'inté- 
rieur d'un  tas  de  blé  contenant  10  liectolitres,  une  douzaine 
de  tampons,  formés  de  plantes  différentes  (indiquées  plus 
haut)  ;  le  grenier  contenait,  en  outre,  5  ou  6  autres  tas  de 
blé,  orge  et  seigle,  qui  se  sont  trouvés  bien  plus  attaqués, 
que  le  tas  stérilisé.  Cependant,  je  dois  à  la  vérité  de  dire 
que  ce  dernier  n'est  pas  resté  complètement  indemne. 

Des  expériences  qui  précèdent,  on  peut  conclure  que,  si  les 
odeurs  ne  font  pas  mourir  les  charançons,  elles  peuvent, 
dans  une  certaine  mesure,  les  éloigner  des  tas  de  graines  que 
l'on  veut  préserver. 

Il  nous  a  été  démontré  que,  dans  un  grenier  contenant  di- 
verses Céréales,  l'orge  était  contaminée  dans  la  i)lus  forte 
proportion  et  l'avoine,  la  moins  attaquée.  {A  suivre.) 


LA  QUESTION  DES  «  SALT-BUSHES  » 

Par  m.  Jean  VILBOUCHEYITCH. 


y- 

Introduction.  —  Depuis  une  dizaine  d'années,  la  Société 
nationale  d'Acclimatation  de  France  reçoit  presque  tous  les 
ans  d'Australie,  du  baron  von  Mueller,  et  à  son  tour  distribue 
dans  le  Midi,  en  Algérie  et  en  Tunisie,  des  graines  de  di- 
verses Salsolacées  fourragères  connues  chez  les  colons  aus- 
traliens sous  le  nom  coinmun  de  «  Salt-buslies  »  —  brous- 
saille  saline. 

La  Société  nationale  d'Agriculture  a  été  aussi  entretenue  à 
plusieurs  reprises  de  ces  intéressants  végétaux,  dont  elle  a 
eu  des  graines,  en  1882,  par  M.  Grosjean,  inspecteur  de  l'En- 
seignement agricole,  et  M.  le  professeur  Prillieux. 

Des  distributions  de  graines  sont  faites  tous  les  ans  à  des 
agriculteurs  et  acclimateurs  habitant  les  régions  salantes,  par 
le  Directeur  du  Jardin  de  la  villa  Thuret,  et  les  rapports 
annuels  de  M.  Ch.  Naudin  à  M.  le  Ministre  de  l'Agriculture, 
publiés  dans  le  Bulletin  du  Ministère,  font  régulièrement 
mention  des  observations  relatives  aux  nombreux  exem- 
plaires cultivés  à  la  villa  Thuret  même. 

Des  informations  sur  les  «  Salt-bushes  »,  quelque  peu  fan- 
taisistes, il  faut  le  reconnaître,  ont  même  pénétré  dans  les 
journaux  quotidiens.  Malgré  tant  d'honneur,  on  chercherait 
en  vain,  sans  excepter  la  presse  agricole,  des  détails  précis 
sur  les  résultats  agricoles  obtenus  ;  les  données  sur  les  «  Salt- 
bushes  »  en  eux-mêmes,  sur  leur  utilisation  et  leurs  conditions 
d'existence  naturelles  dans  leur  patrie,  ne  sont  pas  davantage 
répandues,  et,  en  général,  le  sujet  ne  paraît  pas  encore  avoir 
été  considéré  dans  son  ensemble,  et,  au  point  de  vue  des  inté- 
rêts pratiques  de  l'agriculture  des  terrains  salants.  Cette 
lacune  nous  a  frappé  tout  de  suite  quand  nous  avons  com- 
mencé la  bibliographie  des  choses  relatives  à  ces  terrains,  dont 
quelques  chapitres  détachés  ont  été  communiqués  à  différentes 
reprises  ici-même  et  ailleurs.  Dès  le  début,  nous  avons  donc 
cherché  à  nous  entourer  sur  la  matière  de  renseignements 
complets;  nous  avons,  en  effet,  pu  en  recueillir  quelques-uns, 
par  voie  bibliographique,  par  correspondance  et  au  cours  de 


LA  QUESTION  DES  «  SALT-BUSHES  ».  175 

deux  tournées  dans  les  régions  salantes  du  Midi,  en  automne 
de  1891  et  au  printemps  de  1892;  il  en  est  résulté  un  petit 
dossier,  que  M.  le  professeur  Maxime  Cornu  a  bien  voulu 
présenter  à  la  Société  nationale  d'Agriculture  qui  l'a  publié 
in  extenso  (1). 

Le  désir  de  voir  faire  un  historique  de  la  question,  expri- 
mé par  réminent  Président  de  la  Société  nationale  d'Acclima- 
tation à  l'occasion  d'un  récent  envoi  de  graines  de  la  part  de 
M.  le  baron  von  Mueller,  a  été  le  mobile  immédiat  de  cette  pu- 
blication. Le  présent  mémoire  résume  ce  que  nous  avons  pu 
apprendre  de  plus  essentiel  et  donne  les  conclusions  qui  se 
dégagent  pour  nous  de  la  comparaison  des  différents  témoi- 
gnages. Nous  le  considérons  aussi,  et  surtout,  comme  une 
sorte  de  questionnaire  adressé  à  la  vaste  publicité  de  la  So- 
ciété nationale  d'Acclimatation,  et  nous  espérons  fermement 
que  des  réponses  nous  récompenseront  de  notre  peine. 

Les  «  Salt-bushes  »  chez  eux.  —  Une  préface  publiée 
dans  VlconograpJiy  of  Auslraliayi  salsolaceoiis  plants  (2) 
nous  apprendra,  sans  autre  préambule,  comment  la  question 
se  pose  en  Australie  même,  et  ce  qui  guide  M.  le  baron  von 
Mueller  dans  son  excellente  activité  en  faveur  de  la  propaga- 
tion des  «  Salt-bushes  »  dans  les  autres  pays. 

«  La  famille  des  Salsolacées  »,  écrit-il,  «  présente  en  Aus- 
tralie une  multitude  de  formes  endémiques  du  plus  haut  inté- 
rêt botanique,  et  comprend  un  nombre  considérable  de  végé- 
taux utiles,  d'une  importance  de  premier  ordre  dans  l'écono- 
mie du  pays. 

»  11  existe  dans  ce  continent  de  vastes  étendues,  où  les  salt- 
Tjushes  constituent  le  gros  de  la  végétation  et  où  l'élevage  du 
bétail  et  des  chevaux  est  basé  principalement  sur  eux. 

w  Ce  genre  de  nourriture  s'est  môme  montré  si  particuliè- 
rement profitable  aux  animaux  que,  déjà  depuis  de  longues 
années,  les  pays  à  salt-bushes  [salt-busli-coiintry)  ont  acquis 
dans  le  monde  des  éleveurs  australiens  une  excellente  répu- 
tation, d'autant  mieux  justifiée  que  ces  Salsolacées  persistent 
pendant  toute  la  durée  des  périodes  sèches  les  plus  rigou- 
reuses. Rien  d'étonnant  que,  systématiquement  détruites  par 

(1)  Mtfmotres,  1802,  et  tirafres  à  part  ;  40  pajçes. 

(2)  Paraissant  depuis  1889  par  décades  de  dix  planches  avec  dénomination  de 
figures  sans  texte. 


176  REVUE  DES   SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

la  pâture  continuelle,  elles  finissent  par  se  faire  rares.  Les 
propriétaires  des  pâturages  arriveront  forcément  à  la  nécessité 
de  reconstituer  artificiellement  la  végétation  des  salt-bushes 
par  des  semis  méthodiques. 

»  D'ailleurs,  déjà  aujourd'hui  beaucoup  de  fonds  de  pâturage 
auraient  bien  pu  être  considérablement  améliorés,  si  leurs 
propriétaires  le  voulaient ,  par  l'introduction  de  certaines 
espèces  particulièrement  précieuses  et  qui  y  manquent. 

»  La  tâche  s'impose  donc  de  se  mettre  à  chercher  parmi  les 
diverses  Salsolacées  de  notre  pays  celles  qui  sont  préférées 
par  les  animaux  et  le  mieux  faites  pour  repeupler  les  terrains 
appauvris  par  l'exploitation  déraisonnée  des  éleveurs. 

»  C'est  pour  faciliter  ces  recherches  et  pour  permettre  de 
faire  un  choix,  que  nous  avons  entrepris  de  présenter  dans 
un  ouvrage  spécial  les  figures  de  toutes  nos  espèces  d'herbes 
et  arbrisseaux  salsolacées. 

»  Nous  ne  devons  pas  ceci  seulement  à  notre  paj's,  qui, 
comme  nous  venons  de  l'exposer,  y  a  réellement  intérêt  au 
point  de  vue  de  la  pratique  agricole. 

»  Xous  avons  aussi  contracté  des  obligations  morales  envers 
les  autres  pays  de  l'univers  auxquels  nous,  Australiens,  em- 
pruntons continuellement  ce  qu'ils  possèdent  de  bon  et  d'utile 
en  fait  de  plantes.  C'est  le  moins  que  nous  les  mettions  à 
même,  en  revanche,  de  profiter  de  nos  trésors  à  nous.  » 

ÉnUMÉRATION    des    «   SALT-BUSHES  »    D'AUSTRALIE.  —    NoUS 

avons  cherché  à  connaître  par  des  sources  australiennes  les 
noms  botaniques,  les  conditions  d'existence  et  la  valeur  agri- 
cole des  principaux  «  salt-bushes  ».  Nous  n'avons  trouvé, 
sous  ce  rapport,  que  sur  quelques  espèces,  dans  les  ouvrages 
dont  nous  disposions  (1),  plus  ou  moins  de  détails  d'ordre 
pratique.  Ces  espèces  sont  : 

(1)  1»  Baroa  von  Mueller.  Select  extra  tropical  plants,  etc.  Edition  indienne. 
Calcutta,  1880. 

2"  Baron  von  Mueller  et  Ch.  Naudin,  Manuel  de  Vacclimateur,  1887. 

30  Bentham  et  Mueller,  Flora  australiensis,  vol.  V,  1870. 

40  Memorij  on  Bushes  herbages  and  grasses,  by  M. -P.  Vaile,  scieatifically 
classed  by  D'  Schomburgk,  petite  notice  imprimée  dans  le  Officiai  catalogue  of 
exhibits  in  South-Australian  Court.  Colonial  and  Indian  exhibition,  London, 
1886.  Adélaïde,  1886,  pp.  47-48. 

0°  Diverses  notices  et  rapports  de  M.  Ch.  Xaudin,  mentionnés  plus  haut. 

6"  Dixon.  On  Salt-bushes,  native  fodder  plants  of  New  Sottth-Wales  (in-8», 
1880  ,  travail  d'environ  dix  pages,  primitivement  publié  dans  les  Proceedings  of 


LA  QUESTION  DES  «  SALT-BUSIIES  ».  177 

Kochia  villosa  Lindley  («  Cotton-biisli  »). 

—  —        var.  humUis  («  Bastard  cottoii- 
and  salt-biish  »). 

Koclila  villosa  var.  sedifoUa  vonMueller  («Blue-busli  «) 
Ainplex  nummiUaria  Lindley  («  Oldmaii  salt-bush  «) 
Alrlplex  vesicarium  Heward   («  Poldawoo  «  ;  «  small 

salt-bush  »). 
Atriiilex  halimoïdes  Lindley. 

—  holocarpa  et  Alriplex  spongiosa  von  Mueller. 
Un  certain  nombre  d'autres  espèces  sont  également  citées 

mais  sans  qu'on  puisse  voir  où  et  comment  elles  viennent  ni 
ce  qu'elles  valent,  notamment  : 

Kochia  pyramidataBEmu.  («  Blue-bush  »). 
Chenolea  bicornis  («  Cotton-bush  »). 
Alriplex  cainpanulata.  Be^h. 

—  semi'baccala.  Br. 

—  Muelleri  Benth. 
Kochia  eriantha  von  Mueller. 

Il  est  curieux  de  constater  que  nos  sources  ne  contiennent 
pas  de  renseignements  pratiques  sur  le  Chenopodium  nilra- 
riaceicm  MILLER  («  Swamp  salt-bush  ,>),le  seul  «  salt-bush  « 
d  Australie  comme  nous  le  verrons,  qui  a  été  l'objet,  dans 
le  Midi,  d'un  essai  de  quelque  importance. 

En  général,  les  renseignements  d'ordre  agricole  qu'on  peut 
puiser  sur  les  «  salt-buslies  .  dans  leur  patrie  ,  dans  les 
sources  australiennes  et  autres  nommées  plus  haut,  sont  fort 
incomplets  et  sont  décidément  insuffisants  pour  procéder 
en  connaissance  de  cause,  à  des  cultures  d'étude  compara- 
tive des  différentes  espèces,  dans  le  Midi  de  la  France  ou 
ailleurs. 

Nous  sommes  convaincu,  à  priori,  qu'il  doit  exister 
encore  d'autres  descriptions  sur  lesquelles  nous  n'avons  pas 
eu  la  chance  de  mettre  la  main.  Nous  formulons  en  consé- 
quence cette 

P«  Question.  -  Nous  prions  les  lecteurs  australiens  delà 
aevuc  des  Sciences  naturelles  appliquées  de  vouloir  bien 

/fli?/f  f'\,°f/\  *'■  ,^'  "^o'  ^^P'"''"''  en  partie  dans  le  Manuel  des  culture, 
jra/«  de  MM.  Raoul  et  Sa^ot.  Ce  dernier  livre  contient  aussi  sur  la  ma- 
tière quelques  données  personnelles  à  M.  Raoul. 

20  Février  1893.  ^2 


178  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

communiquer  ou  indiquer  à  la  Société  ce  qu'ils  connaissent 
en  fait  de  mémoires,  notices  ou  autres  documents  traitant 
des  divers  «  salt-bushes  »  au  point  de  vue  géo-botanique  et 
agricole. 

SÉLECTION  A  FAIRE.  —  En  attendant,  tâchons  de  profiter 
du  peu  que  nous  connaissons  par  les  sources  déjà  nommées. 
La  première  conclusion  qui  se  dégage  de  la  lecture  de  ces 
documents  est  celle-ci:  que  la  plupart  des  végétaux  dé- 
nommés «  salt-bushes  »  ne  sont  que  des  fourrages  de  pacages 
et  ne  sont  nullement  faits  pour  payer  une  véritable  culture, 
en  vue  de  coupes  réglées. 

Dans  les  écrits  de  M.  le  baron  von  Mueller  et  plus  particu- 
lièrement, dans  ses  lettres  à  la  Société  nationale  d'Acclima- 
tation, il  n'est  parlé,  en  réalité,  le  plus  souvent  que  de  repeu- 
plements à  effectuer  par  voie  semi-naturelle  et  non  de  vraies 
cultures  à  établir. 

La  préface,  reproduite  plus  haut,  nous  semble  conçue  dans 
le  même  sens. 

Ce  procédé  a  aussi,  en  effet,  rendu  à  l'économie  agricole, 
notamment  dans  les  colonies ,  quelques  précieux  services  ; 
l'excellent  Manuel  des  cultures  tropicales  de  MM.  Sagot  et 
Raoul  en  contient,  entre  autres,  quelques  beaux  exemples. 
Mais  nous  ne  croyons  pas  qu'on  puisse  beaucoup  compter  sur 
lui,  dans  le  Midi  de  la  France  et  en  Algérie,  pour  des  plantes 
australiennes  qui  auront  à  y  soutenir,  dans  les  conditions 
naturelles,  une  concurrence,  probablement  -très  difficile.  Et 
d'ailleurs,  dans  le  Midi  de  la  France  au  moins,  les  conditions 
économiques  générales  sont  telles  que  les  milieux  agricoles 
ne  voudront  jamais  s'y  occuper  d'un  fourrage  halophite  exo- 
tique autrement  qu'avec  l'espérance  d'une  culture  régulière 
et  rémunératrice  ;  c'est  une  impression  très  nette  que  nous 
avons  rapportée  de  nos  entretiens  sur  place  avec  de  nom- 
breux propriétaires  et  fermiers. 

Il  convient  donc,  pour  des  essais  dans  le  Midi,  de  faire  un 
triage  attentif  des  espèces,  et  de  ne  prendre  comme  point  de 
départ,  que  celles  qui  offrent  dans  leurs  conditions  naturelles 
un  développement  végétal  très  considérable.  Des  salsolacées 
de  pacage,  il  y  en  a  assez  d'indigènes. 

Autant  qu'on  peut  juger  par  les  documents  précités,  dont 
nous  avons  d'ailleurs  déjà  fait  remarquer  l'insuffisance,  et 


LA  QUESTIOX  DES   «  SALT-BUSHES   ».  ^9 

parles  expériences  d'introduction,  sur  lesquelles  nous  avons 
pu  trouver  des  renseignements  (1),  les  espèces  suivantes  mé- 
ritent seules,  dans  ces  circonstances,  notre  attention  ;  dans  le 
cas,  bien  entendu,  où  les  conditions  climatériques  leur  se- 
raient favorables  : 

En  première  ligne:  VAtriplex  nummularia  et  VA.  halU 
moïdes. 

Moins:  le  Chenopodmm  nitrariaceum. 

Enfin,  peut-être  encore  :  le  Kochia  vUlosa. 

Voyons  un  peu,  pour  chacune  de  ces  quatre  espèces  ce 
qu'elle  représente,  comment  elle  vient  et  les  chances  qu'il  v 
a  de  l'acclimater  et  de  la  faire  entrer  dans  la  pratique  agri- 
cole. ^ 

L'Atriplex  nummularia  (Lindley).  _  La  plus  grande 
espèce  du  genre  actuellement  connu,  puisqu'elle  atteint  une 
taille  de  3  et  4  mètres,  se  rencontre,  à  partir  du  Queensland 
a  travers  tout  le  désert  et  jusqu'en  Victoria  et  l'Australie 
méridionale.  C'est  un  arbrisseau  ramifié  et  touffu  couvert 
d'un  abondant  feuillage  gris  argenté  qui  lui  donne  un  aspect 
très  singulier.  Il  vient  de  préférence  sur  les  bords  des  cours 
d  eau  et  marécages. 

Dans  leur  patrie,  les  arbrisseaux  prennent,  arrivés  à  une 
certaine  hauteur,  la  forme  en  parasol,  à  cause  des  bestiaux 
qui  broutent  aussi  haut  qu'ils  peuvent  atteindre  ;  ils  sont 

tellement  avides  de  ce  fourrage  qu'ils  ont  fini  par  presque 

anéantir  l'espèce,  qui,  d'ailleurs,  ne  paraît  jamais  avoir  été 

représentée  très  abondamment. 
On  prétend  que  les  moutons  qui  se  nourrissent  des  pousses 

de   VAtriplex    nummularia,   ne   sont  point  atteints  de  la 

douve  (Disloma). 

M.  Naudin  a  donné  à  plusieurs  reprises  des  nouvelles  sur 
«  le  ixnma  Atriplex  presque  arborescent  »,  qui  fait  sa  joie  à 
la  villa  Thuret  et  auquel  il  donne,  dans  ses  rapports,  tantôt 
ie  nom  iVAtriplex  arborea,  tantôt  celui  A'Atriplex  num.- 
mularia,  tantôt  celui   i\'Airlplex  halimoïdes  ;  l'espèce  est 

nlm  ^^';  ^^r*^'"-  ^f^'^'  ^'  ^^  ^'"^-  «"'•  'l' -Acclimatation,  1883,  pp.  G77-681  • 
billet,  du  Mtntsf.  ,1e  V Agriculture,  18S8,  p.  48  ■   1800  p.  W.\  ■   1891    d    V.î; 

l\lP;>-''ortkcBoardoriicgentsortLUni;L^^ 

Mac-Owan       ^^'  ^'"'''  '^'  ^^^^^  ^°"''  ^^^'^'^'  ^^'  «'vière,  A.  Leroy. 


180  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

dioïque  et  l'individu  unique  de  la  villa  Tliuret  mâle.  M.  Nau- 
din  en  est  donc  réduit  à  multiplier  i)ar  boutures ,  qui 
prennent  aisément,  mais  ne  peuvent  pas  être  introduites  en 
Algérie,  à  cause  des  règlements  antiphylloxériques. 

En  Californie,  où  VAtriplex  nummularia  a  été  essayé  sur 
une  petite  échelle,  depuis  1885,  au  Jardin  du  Collège  agri- 
cole, à  Berkeley,  par  plusieurs  correspondants  du  Collège 
agricole,  habitant  des  régions  salantes,  il  a  lait  généralement 
l'impression  de  pouvoir  fournir  une  grande  quantité  de 
fourrage  vert  succulent,  d'un  goût  salin  agréable,  M.  S.  G. 
Baker,  Norwalk,  Los  Angelos  County,  décrivait,  dans  son 
rai)port,  ses  exemplaires  comme  étant,  généralement,  des 
toulîés,  toujours  vertes,  de  3  pieds  de  haut  et  de  10  ineds  de 
circonférence  ;  MM.  H,  H.  Gird,  Fallbrook,  San -Diego 
County,  a  vu  les  siens  devenir  au  bout  de  deux  ans  «  d'é- 
paisses touffes  hautes  de  six  pieds  » . 

Point  important  :  Les  communications  des  différents  cor- 
respondants du  Collège,  que  nous  avons  citées  in  extenso 
ailleurs,  laissent  entrevoir  que,  tout  en  se  plaisant  parfaite- 
ment bien  dans  les  sols  imprégnés  de  salant  Jusqu'à  un  certain 
point,  VAtriplex  nummularia  ne  supporte  guère  le  salant 
très  concentré.  Le  bétail  de  toute  espèce  s'est  montré  très 
friand  des  pousses  de  VAtriplex  nummularia  chez  certains 
correspondants  et  a  les  nettement  refusées  chez  d'autres,  ce 
qui  arrive  communément  pour  tous  les  nouveaux  fourrages  et 
tient  tant  aux  caprices  individuels  de  tel  ou  autre  animal  qu'à 
la  nature  de  la  nourriture  habituelle  servie  au  bétail  dans 
telle  ou  telle  ferme. 

Un  correspondant,  de  Moro,  San  Luis,  Obispo-County, 
M.  Riley,  a  consigné  dans  sa  communication  cette  observa- 
tion intéressante  au  point  de  vue  pratique:  «  La  plante  », 
écrit-il,  «  me  parait  en  général  assez  délicate  et  semble  de- 
voir être  facilement  abîmée  par  le  bétail  » . 

La  facilité  du  bouturage  et  marcottage,  mentionnée  par 
M.  Naudin,  s'est  confirmée  également  en  Californie. 

L'Atriplex  iiALiMoÏDES  (Lindley).  —  Serait  répandu  dans 
la  plus  grande  partie  du  désert  intérieur  de  l'Austrahe,  sou- 
vent en  compagnie  de  VAtriplex  holocarpa,  auquel  il  res- 
semblerait beaucoup,  comme  port  et  valeur  alimentaire.  Ce 
serait  une  herbe  vivace  ou  un  sons-arbrisseau  procumbent 


LA  QUESTION  DES  «  SALT-BUSHES  ».  181 

OU  tli/ïus,  d'ai)rès  le  «  Flora  Australiensls  »,  «  un  des  meil- 
leurs salt-buslies  de  pacage  d'après  le  «  Select-Plants  »,  «  un 
arbuste  formant  des  touffes  épaisses  et  hautes  de  deux  à 
trois  mètres  ».  d'après  M.  Armand  Leroy,  qui  Fa  élevé  de 
graines  à  Oran  et  l'a  vu  «  taillé  bas,  repousser  des  tiges 
de  plus  d'un  mètre,  garnies  de  nombreuses  feuilles  larges 
d'environ  six  centimètres  » . 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  la  contradiction  de 
ces  diverses  données  dont  l'insuffisance  des  renseignements 
ne  nous  permet  pas  de  présenter  une  explication. 
.  Une  maison  d'Italie  avait  mis  à  un  moment  dans  le 
commerce  une  variété  horticole  décorative  CCAtriplex  hali- 
moïdes,  caractérisée  pgir  un  port  pyramidal  et  atteignant, 
autant  que  nous  nous  en  souvenons  d'après  l'entrefilet  du 
«  Gantenflora  »  où  il  en  était  question,  la  hauteur  de  1  mètre 
à  r",50.  La  figure  qui  accompagnait  la  notice  faisait  bien 
Itenser 'ciVAiriplea^haUniKS  delà  région  méditerranéenne. 

D'après  le  «  Select-Plants  »  il  existe  en  Australie  de  vastes 
surfaces  occupées  exclusivement  par  VAlriplex  vesicarium 
et  VAtriplex  /mlimoïdes,  à  l'exclusion  de  toutes  autres  con- 
génères. 

D'après  M.  Leroy,  la  plante  se  reproduit  aisément  par 
semis  aussi  bien  que  par  bouturage  ;  mais  ce  dernier  procédé 
serait  préférable,  le  semis  étant  moins  rapide  et  «  pouvant 
donner  des  plantes  dégénérées  ». 

Le  Chenopodium  nitrariaceum  (von  Mueller)  n'est,  nous 
l'avons  déjà  dit,  que  simplement  mentionné  dans  les  sources 
australiennes,  sans  autres  détails.  Il  a  cependant  été  beau- 
couj»  recommandé  en  France.  Après  avoir  rencontré  ce  nom 
dans  toutes  les  communications  et  dans  tous  les  articles  de 
journaux,  j'ai  été  quelque  peu  désillusionné,  je  l'avoue,  par  la 
lettre  suivante,  de  M.  Louis  Reich,administrateur,du  domaine 
de  Faraman  : 

«...  Pour  le  moment,  je  crois  être  encore  seul  à  avoir 
essayé  la  culture  ou  plut(H  l'acclimatation  des  sall-bushes  en 
Camargue.  Je  ne  crois  pas  que  le  Chenopodium  nitrariaceum 
soit  fauchable  et  utilisable  comme  fourrage  sec.  Son  aspect 
rappelle  celui  du  Lycium  harharitm;  il  se  peut  qu'en  le  fau- 
chant ou  le  recéi)ant  souvent  le  fourrage  s'améliore;  la  plante 
atteint  son  maximum  de  taille  en  trois  ou  quatre  ans.  Je  crois 


182  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

que  notre  sol  ne  convient  pas  à  ces  plantes  et  il  serait  inté- 
ressant de  savoir  quelle  est  la  nature  des  terrains  que  ces 
salt-hushes  préfèrent  en  Australie.  Je  pense  que  c'est  l'hu- 
midité des  six  mois  d'octobre  à  avril,  qui  fait  périr  ici  beau- 
coup de  ces  plantes  d'Australie.  » 

Il  ne  faudrait  pas  déduire  de  ces  lignes  que  le  Cli.  nitraria- 
ceum  se  soit  refusé  à  végéter  à  Faraman.  Après  tout,  il  y  est 
venu  assez  bien. 

Le  terrain  où  M.  Reicli  avait  semé  les  salt-bushes  était  argi- 
leux, très  salé  et  peu  élevé  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 
Les  plantes  occupaient  au  début  la  surface  de  quelques  ares  ; 
au  mois  de  mai  1892,  je  n'ai  pas  pu  en  trouver  beaucoup. 
D'après  M.  Reicli,  les  plantes  auraient  disparu  d'elles-mêmes 
peu  à  peu.  Peut-être  a-t-il  eu  tort  de  ne  pas  les  couper 
assez  souvent.  Le  bétail  n'en  voulait  pas.  Nous  avons  vu, 
à  propos  de  VAtriplex  nummidaria,  qu'une  pareille  obser- 
vation isolée  ne  suffit  pas  pour  condamner  une  plante  en  tant 
que  fourrage.  Dans  une  autre  ferme,  elle  aurait  peut-être  été 
dévorée  avidement. 

D'après  la  notice  de  M.  Naudin,  lue  à  la  Société  nationale 
d'agriculture  de  France,  en  1885  (séance  du  23  décembre),  le 
Ch.  nitrariaceimi ,  essaj^é  par  M.  le  général  Loysel  dans  les 
terrains  salés  de  l'oasis  de  Ghardaïa,  «  aurait  commencé  à  s'y 
acclimater  i»;  à  la  villa  Thuret,  le  Chenopodium  niirariaceum 
s'est  montré  «  un  grand  arbrisseau,  très  ramifié,  très  feuillu, 
résistant  à  toutes  les  sécheresses  et  se  proi)ageant  de  lui-même 
par  ses  graines  tombées  à  terre  »,  ce  qui  l'y  rend  même  quel- 
que peu  envahissant,  comme  nous  avons  pu  nous  en  assurer 
de  visu. 

Le  KocHiA  viLLOSA  (Lindley)  se  rencontre  dans  la  plupart 
des  régions  basses  et  salines  de  la  zone  de  l'Australie  qui 
s^étend  entre  le  34°  et  le  27°  ;  un  sol  argileux ,  sur  le  bord 
d'un  cours  d'eau,  avec  un  bon  sous-sol,  lui  conviendrait  le 
mieux;  il  croîtrait,  cependant,  souvent  aussi  dans  les  terrains 
inondés.  Dans  les  stations  sèches,  ses  longues  racines  iraient 
chercher  de  l'humidité  dans  le  sol  jusqu'à  des  profondeurs  de 
4  mètres  ;  ce  qui  donne  à  la  plante  la  faculté  de  résister  aux 
sécheresses  et  chaleurs  les  plus  extrêmes,  même  dans  le  climat 
difficile  de  l'Afrique  méridionale. 

Cependant,  les  quelques  essais  de  son  acclimatement  tentés 


LA  QUESTION  DES  «  SALT-BUSHES  ».  183 

en  Algérie  et  dans  le  Midi  ne  semblent  pas  avoir  réussi. 
M.  Reicli  a  dû  renoncer  au  Kochia  dès  le  début.  D'après 
M.  Rivière,  il  souffre  lacilement  dans  sa  jeunesse,  pendant 
l'hiver,  de  la  pourriture  du  collet,  maladie  atteignant  beau- 
coup des  végétaux  venant  d'Australie.  M.  Rivière  a  indiqué, 
dans  1'  «  Algérie  agricole  »  (1886,  15  déc),  un  procédé  per- 
mettant d'éviter  ce  mal,  mais  les  empotages  et  transplanta- 
tions assez  compliqués  qu'il  comporte,  nous  semblent  inappli- 
cables en  grande  culture  fourragère  agricole;  c'est,  d'ailleurs, 
l'opinion  de  M.  Rivière,  qui  se  prononce,  en  général,  contre 
les  tentatives  d'introduction  des  «  salt-bushes  «  australiens. 

Même,  en  admettant  que  le  Kochia  s'acclimaterait,  il  nous 
semble  douteux  qu'il  puisse  payer  les  frais  de  culture  ;  nous 
n'avons  pas  pu  trouver,  dans  les  sources  australiennes,  d'in- 
dications nettes  sur  sa  taille,  qu'il  serait  imprudent  de  juger 
sur  les  exemplaires,  fatalement  rabougris,  des  jardins  bota- 
niques, à  sol  dépourvu  de  sel,  mais  cette  taille  ne  doit  pas 
être  bien  grande. 

D'après  les  documents  australiens,  le  Kochia  villosa  est  un 
bon  fourrage  pour  les  moutons  et  les  bœufs,  et  tout  spéciale- 
ment recherché  pour  les  chevaux. 

Il  est  à  remarquer  que  les  renseignements  sur  les  résultats 
des  essais  d'introduction  en  Algérie  et  dans  le  Midi  sont,  pour 
toutes  les  quatre  espèces,  tout  à  fait  en  disproportion,  comme 
nombre,  avec  la  quantité  considérable  de  distributions  faites; 
ce  qui,  malheureusement,  est  le  sort  de  toutes  les  distri- 
butions. 

Cependant,  en  Amérique,  —  nous  venons  de  le  voir  —  on 
sait  bien  se  faire  répondre  dans  ces  cas.  N'est-ce  pas,  par  ha- 
sard, parce  que  les  correspondants  des  établissements  améri- 
cains sont  toujours  sûrs  de  voir  leurs  lettres  publiées  intégra- 
lement les  unes  à  la  suite  des  autres  et  ainsi  rendues  utiles  à 
tout  le  monde? 

IP  Question  :  Quelles  sont  les  i)ersonncs  ayant  semé  ou 
planté  une  espèce  quelconque  de  «  Salt-lîushes  »  australiens 
en  quantité  sulllsante  pour  pouvoir  dire  (pielque  chose  par 
expérience  et  en  chiffres,  sur  leur  exploitation  et  leur  ren- 
dement? 


184  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

IIP  Question  :  A-t-il  été  fait  quelque  expérience  de  cette 
nature  en  Australie  même? 

Les  Salt-Bushes  indigènes.  —  Les  envois  réitérés  de  sal- 
solacées  exotiques  ont  eu  pour  résultat  de  fixer  l'attention  de 
quelques  hommes  doués  d'initiative,  sur  les  bonnes  salso- 
lacées  fourragères  de  nos  pays.  Parmi  elles,  il  y  en  a  une, 
qui  paraît  mériter  la  plus  sérieuse  attention,  comme  culture 
fourragère  ;  c'est 

L'Atriplex  halimus  L.  («  guetaf  »  de  l'Algérie;  «  arroche 
halyme  »,  «  pourprier  de  mer  ou  de  Provence  »  ;  «  bleu  »  de 
l'Aude  ;  «  arse  blanche  ou  d'Afrique  »  ou  «  tarque  »  des 
Pyrénées-Orientales),  que  tous  ceux  qui  ont  visité  les  con- 
trées maritimes  connaissent  pour  l'avoir  vu  en  bordures  et 
haies  vives,  très  gracieuses  quand  elles  sont  bien  taillées, 
et  sur  lequel  M.  Ch.  Rivière  nous  écrivait,  en  1889,  ceci  : 

«...  J'ai  toujours  préconisé  la  culture  de  cette  plante  qui 
me  paraît  être  le  meilleur  type  du  genre,  et  qui,  de  plus,  est 
dans  son  milieu.  Multiplication  facile  :  boutures,  éclats  de 
souche,  etc. 

»  Mon  beau-frère,  M.  Couput,  directeur  de  la  Bergerie  na- 
tionale de  Montjebeur,  située  en  pleine  steppe,  a  même  fait 
des  semis  au  semoir  mécanique  très  bien  réussis.  Cependant 
il  ne  faut  pas  livrer  la  jeune  culture  aux  moutons  et  encore 
moins  aux  chameaux  ;  elle  doit  être  l'objet  de  coupes  mé- 
thodiques ...» 

IV  Question  :  Nous  nous  permettons  de  poser  à  ce  sujet 
à  M.  Couput  ou  aux  personnes  qui  ont  suivi  l'exemple  donné 
par  lui,  ces  questions  :  Quel  est,  exactement  évalué,  le  ren- 
dement ?  Quelle  quantité  de  semence  faut-il  mettre  par  hec- 
tare ?  Est-il  possible  de  faire  du  foin  •?  Ceci  est  peu  probable, 
surtout  avec  un  terrain  salant  qui  rend  les  feuilles  et  tiges 
encore  particulièrement  grasses.  Dans  ce  cas,  a-t-il  été  fait 
des  essais  d'ensilage  ? 

VA .  halimus  ne  doit  pas  pouvoir  supporter  énormément 
de  sel  dans  le  sol  :  nous  doutons  aussi  qu'il  vienne  bien  dans 
les  terres  compactes. 

L'Halogeton  sativus,  annuel,  cultivé  jadis  pour  l'obtention 


LA  QUE&TIUN  DES  «  SALT-UUSHES  ».  <ijS 

de  la  soiule  naturelle,  a  été  recommandé  comme  culture 
fourragère  pour  terrains  salants,  par  MM.  Trabut  et  Bat- 
tandier  (Algérie  agricole,  1889,  15  déc).  D'après  ce  que  ces 
Messieurs  ont  vu  à  l'état  spontané,  chaque  touffe  leur  semble 
pouvoir  donner  de  500  gr.  à  2  kilos  de  fourrage  frais.  Y  a-t-il 
eu  des  cultures  faites  sur  cette  indication  ? 

Autres  Salsolacées  non-australiennes  méritant  d'être 
ESSAYÉES  en  CULTURE  FOURRAGÈRE.  Nous  nous  demandons 
s'il  n'y  aurait  pas  quelque  chose  à  faire  avec 

L'Obione  ou  Atriplex  portulacoides,  sous-arbrisseau 
très  commun  dans  la  région  méditerranéenne  («  fraoumo  » 
en  provençal;  «blanquette»  et  «  soreille  »  en  catalan),  et 
prospérant  particulièrement  dans  les  endroits  franchement 
salés,  humides,  et  plus  ou  moins  argileux  ;  cette  plante  ne 
dépasse  guère  en  hauteur,  pour  la  plupart,  40  cent.,  mais  elle 
présente  parfois  une  végétation  si  touffue  de  pousses  feuillues 
et  tendres,  que  le  rendement  d'une  coupe  pourrait  peut-être 
se  trouver  considérable.  Nous  n'osons  cependant  pas  insister. 

Le  «  fraoumo  »  jouit  de  la  réputation  d'un  fourrage  très 
nourrissant.  On  nous  a  signalé  encore  :  certaine  variété  de 
Chenopodîum  album,  le  Salsola  sclerantha  F.  et  M.,  le 
Chenopodium  allissima  Moc,  le  KocMa  piibescens  MoQum, 
le  K.  Jndica  FI.  Br.  Ind.,  VHaloxijlon  multiflorum  Bunge  ; 
mais  nous  n'en  savons  pas  davantage  sur  les  mérites  écono- 
miques de  ces  espèces. 

Les  salsolacées  de  toutes  les  régions  doivent  contenir  bien 
des  exemples  de  bons  et  abondants  fourrages.  Notre  incom- 
pétence personnelle  ne  nous  permet  pas  de  citer  des  noms  ; 
mais  nous  sommes  sûr  qu'il  y  a  là  un  domaine  fructueux  à 
exploiter,  et  que  sur  les  550  salsolacées  de  notre  globe  il 
s'en  trouvera,  en  cherchant,  encore  bien  des  espèces  dignes 
d'être  cultivées  comme  fourragères  au  plus  grand  avan- 
tage de  l'agriculture  des  terrains  salants. 


II.  EXTRAITS  DES  PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 


SÉANCE  GÉNÉRALE  DU  20  JANVIER  1893. 

PRÉSIDENCE   DE   M.    A.    GEOFFROY    SAINT-HILAIRE,    PRÉSIDENT. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  adopté. 
M.  le  Président  proclame  les  noms  des  membres  récem- 
ment admis  par  le  Conseil  : 

MM.  PRÉSENTATEURS. 

(  A.  Berthoule. 
Chirac  (Georges),  propriétaire,  à  Thiers     ^^.^^_^^.^^  Renard. 

(Puy-de-Dôme).  (   ^    oustalet. 

!A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
E   Ro"er 
MarqJ'is  de  Sinety. 

iA.  Berthoule. 
A.  GeoËfroy  Saint-Hilaire. 
D""  J    Michon. 

!A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
Jules  Grisard. 
D'  Laboulbéne. 

!A.  Berthoule. 
A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
E.  Oustalet. 

Lainsecq  (comte   René  de),  château  de  (  A.  Berthoule. 
Lavergne,  à  Bouliac,  par  Floirac  fGi-  <  E.  Roger. 
rondei.  (  Marquis  de  Sinély. 

(   A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
Martin  (Antonin),  propriétaire,  rue  Mar-  )  ^    -^o"ec 

silian,  à  Montpellier  (Hérault).  (  ^'^^^^.^  ^^  ^.^^^^^ 

!  Jules  Fallou. 
A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
D'-  Laboulbéne. 

—  M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  cor- 
respondance. 

—  M.  Decaux  adresse  des  remerciements  au  sujet  de  sa 
récente  admission. 


PROCES-VERBAUX  DES  SEANCES  DE  LA  SOCIETE.  487 

—  Des  demandes  d'œiifs  de  Salmonidés  sont  adressées  par 
MM.  Turner  et  le  comte  de  Corberon. 

—  MM.  le  D""  Lafon  et  le  comte  de  la  Bédoyère  font  par- 
venir des  demandes  de  Cheptels. 

—  Des  comptes-rendus  de  leurs  Cheptels  sont  envoyés  par 
MM.  le  comte  de  la  Bédoyère  et  Garnotel. 

—  M.  de  Confévron  écrit  de  Flagey  (Plante-Marne)  : 

«  Voici  un  fait  anormal  qui  peut  avoir  son  intérêt  pour  la  Société 
d'Acclimatation.  Quelques-uns  de  nos  confrères,  plus  savants  ou  plus 
avisés  que  nous,  pourront  peut-être  en  de'terminer  les  causes. 

»  Ordinairement,  dans  nos  campagnes  de  la  Haute-Marne,  pendant 
les  rudes  hivers,  comme  celui  que  nous  subissons,  alors  que  la  terre 
fortement  gele'e  est  couverte  d'une  épaisse  pelisse  de  neige,  nous 
voyons  beaucoup  d'oiseaux,  de  passage  ou  autres,  qui  se  rapprochent 
des  habitations.  Ce  sont  de  nombreuses  bandes  de  Corbeaux  et  de 
Corneilles  qui,  croassant  et  tournoyant,  s'abattent  sur  les  routes  ou 
dans  les  champs  où  la  terre  est  un  peu  à  découvert.  Dans  les  prés  ou 
les  coteaux,  sur  le  bord  des  ruisseaux  qui  près  de  leur  source  ont 
fait  fondre  la  neige,  des  Merles,  Grives,  Draines,  Litornes  et  autres, 
cherchent  leur  nourriture  en  nombreuse  compagnie.  Les  Tarins,  les  Li- 
nottes, les  Verdiers,  les  Pinsons,  les  Chardonnerets,  les  Rouges-Gorges, 
les  Bouvreuils,  etc.,  etc.,  se  donnent  rendez-vous  dans  nos  jardins  et 
nos  vergers.  Les  arbres  de  nos  cours  servent  de  perchoirs  aux  Me'- 
sanges  charbonnières,  petites  charbonnières  et  à  longues  queues.  Nous 
ne  pouvons  omettre  de  citer  les  gracieux  Roitelets  ni  les  Troglodytes 
les  plus  mignons  de  nos  oiseaux,  les  seuls  qui  l'hiver  nous  égaient  de 
leur  chant.  Quand  nous  aurons  parle  des  Geais  et  des  Pies  qui  sou- 
vent cherchent  noise  à  tout  ce  petit  monde,  nous  aurons  à  peu  prés 
dressé  la  liste  de  nos  compagnons  habituels  de  l'hiver. 

»  Celte  année,  rien  de  tout  cela,  on  ne  voit  pas  d'oiseaux,  pas  de 
Grives,  pas  de  Pinsons,  pas  même  de  Corbeaux  ou  quelques  rares 
couples  de  la  région,  ce  qui  est  très  remarquable.  La  campagne  est 
morne  et  triste.  Quelques  Merles,  quelques  Mésanges,  en  petit  nombre, 
et  c'est  tout. 

»  D'où  cela  vieut-il?  Est-ce  que  les  oiseaux  de  la  protection  desquels 
on  s'occupe  si  peu  efficacement  sont  en  train  de  disparaître,  ou  faut-il 
attribuer  leur  rareté  à  la  rigueur  de  l'hiver,  à  une  cause  atmosphérique 
ou  autre  ?  » 

—  M.  Beauchamp  de  Lhommaizé  (Vienne)  adresse  une  de- 
mande de  Vigne  mexicaine. 

—  M.  R.  Bérenger,  membre  de  l'Institut,  sénateur,  adresse 
une  note  sur  le  Mûrier  du  Tonkin  dont  nous  extrayons  ce 
qui  suit  : 


488  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

«  Le  Mûrier  du  Toukin  esl  uu  arbuste  de  moyenne  grandeur.  Si  sa 
feuille  n'a  ni  les  dimensions,  ni  peut-être  quelques-unes  des  qualités 
de  celles  du  Mîirier  cultivé  en  France,  il  a  sur  ce  dernier,  à  divers 
points  de  vue,  de  très  se'rieux  avantages. 

»  P  II  se  reproduit  très  facilement  par  boutures  ; 

*  2''  Il  atteint  sou  maximum  de  croissance  en  deux  ans,  trois  ans 
au  plus  ; 

»  3°  Il  a  peu  de  racines  et  peut  facilement  se  planter  en  bordure 
des  champs,  sans  aucune  perte  de  récoltes  ; 

»  4°  La  cueillette  de  ses  feuilles  peut  se  faire  sans  e'chelle  ; 

»  5°  Il  peut  sans  inconvénient  être  dépouillé  plusieurs  fois  de  ses 
feuilles. 

»  Au  cas  où  la  sériciculture  viendrait  à  se  développer  en  Franco, 
il  permettrait  de  reconstituer  en  très  peu  de  temps  et  presque  sans  dé- 
penses, les  plantations  aujourd'hui  disparues. 

»  11  permettrait  en  outre  d'e'lever  les  races  polyvoltines,  qui,  en  don- 
nant au  cultivateur  le  moyen  de  tripler  le  faible  bénéfice  actuellement 
retiré  de  nos  éducations  uniques,  l'encouragerait  assurément  à  revenir 
à  la  se'ricicullure. 

»  Ces  races  ont  déjà  ëtd  à  la  vérité  l'objet  d'expériences  et  ont  e'ie' 
abandonne'es.  Mais  tout  porte  à  croire  que  la  cause  principale  de  leur 
insuccès  a  été'  l'impossibilité'  d'obtenir  de  nos  Miîriers  plusieurs  re'- 
coltes  de  feuilles.  —  S'il  e'tait  vrai  que  le  Mûrier  nouveau  peut  être 
plusieurs  fois  de'pouillé,  le  problème  serait  peut-être  sur  le  point  d'être 
re'solu. 

»  C'est  cette  expe'rience  que  M.  Arnal  désire  être  mis  en  situation 
de  poursuivre. 

»  Déjà,  au  cours  de  cette  année,  il  a  e'té  en  mesure  de  remettre  à  la 
condition  des  soies  de  Lyon  et  au  Ministère  de  l'AgricuUure  dos 
e'chanlillons  de  cocons  et  de  soies  obtenus  en  trois  re'coUes  suc- 
cessives, qui  n'ont  pas  été  trouvés  sans  valeur.  Mais  ces  essais  faits 
sur  des  quantités  très  minimes  ne  seront  réellement  de'monslratifs 
qu'autant  qu'il  aura  pu  en  obtenir  la  confîrmalion  dans  des  éducations 
normales. . .  » 

—  M.  le  Président  dépose  sur  le  bureau  la  suite  des  études 
de  M.  Marois  sur  les  grands  établissements  d'aviculture  (éle- 
vage de  MM.  Voitellier  frères,  avec  deux  plans). 

—  M.  le  Secrétaire  annonce  une  création  à  laquelle  nous 
ne  saurions  trop  applaudir,  celle  d'un  Institut  et  Musée  colo- 
nial à  Marseille. 

Cet  établissement  scientifique,  placé  sous  la  direction  de 
notre  collègue  M.  Heckel,  l'éminent  professeur  de  la  Faculté 
des  Sciences,  aura  pour  but  de  faire  connaître  aux  négociants 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.      489 

et  industriels  français  les  produits  coloniaux  et  le  parti  qu'on 
peut  tirer  de  ces  productions  naturelles,  soit  végétales,  soit 
minérales. 

L'Institut  sera  complété  par  un  laboratoire  d'études  et 
de  recherches,  dans  lequel  M.  Heckel  dirigera  les  travaux 
botaniques,  chimiques  et  de  matière  médicale,  tandis  que 
M.  Vasseur,  également  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences, 
aura  la  direction  des  travaux  minéralogiques  et  celle  des 
cartes  géologiques  de  nos  colonies  ;  M.  Callot,  professeur  au 
Lycée,  remplira  les  fonctions  de  conservateur,  et  celles  de 
bibliothécaire  seront  confiées  à  M.  Fleury,  qui  occupe  ce 
poste  à  la  Faculté  des  Sciences. 

Avec  les  savants  distingués  placés  à  sa  tête,  et  le  con- 
cours assuré  des  médecins  et  des  pharmaciens  de  la  marine, 
cet  utile  établissement  est  sans  nul  doute  appelé  à  une  pros- 
périté et  à  une  extension  des  plus  rapides,  et,  par  son  but 
pratique,  il  pourra  rendre  d'importants  services. 

M.  le  Secrétaire  dépose  en  outre  sur  le  bureau  l'annuaire 
de  la  station  séricicole  du  Caucase. 

—  A  cette  occasion,  M.  Vilbouchevitch  fait  ses  offres  de 
service  pour  la  traduction  des  parties  de  cette  publication  qui 
lui  seraient  signalées  comme  pouvant  intéresser  la  Société. 

—  M.  Raveret-Wattel  fait  hommage  à  la  Société  de  quelques 
exemplaires  de  sa  conférence  à  la  dernière  exposition  de  la 
Société  d'Insectologie,  sur  les  Insectes  envisagés  au  point  de 
vue  de  la  pisciculture. 

—  M.  J.  Grisard  donne  lecture,  au  nom  de  M.  .1.  Vilbou- 
chevitch, d'un  mémoire  sur  les  Sall-bushes. 

—  M.  le  Président  présente  quelques  observations  sur  la 
résistance  au  froid  de  certains  animaux  du  Jardin  d'Accli- 
matation. Puis  il  fait  une  communication  sur  le  nouveau 
Musée  pratifjue  (animaux  et  plantes)  que  le  Jardin  d'Accli- 
matation organise  en  ce  moment. 

Pour  le  secrétaire  des  séances, 

Jules  Grisard, 
Secrétaire  du  Comilé  de  rédaclion. 


III.  CHRONIQUE  DES   COLONIES  ET  DES  PAYS  D'OUTRE-MER. 


Le  Riz  noir  de  Birmanie. 

Ce  Riz,  que  l'on  sème  en  avril  et  que  l'on  coupe  en  octobre,  est 
beaucoup  plus  nourrissant  que  le  Riz  ordinaire  ou  que  le  Riz  noir  du 
Bengale  que  l'on  cultive  aussi  à  Chitlagong.  Il  devient  particulière- 
ment gluant  en  cuisant  et  prend  une  nuance  pourpre.  On  en  fait  dos 
puddings.  Sa  culture  réclame  très  peu  d'eau.  On  le  mélange  ge'néra- 
lement  avec  le  Riz  blanc. 

Un  échantillon,  envoyé  au  Jardin  de  Kew,  fut  analyse  par  le  profes- 
seur Cburch.  La  matière  colorante  se  trouve  dans  l'épiderme.  Elle  est 
identique  à  celle  du  raisin  rouge,  des  baies  noires,  des  feuilles  du 
hêtre  brun  et  de  beaucoup  d'autres  feuilles,  de  fleurs  et  de  fruits.  On 
l'appelle  gene'ralement  Ounolino,  Erythrophyline,  Coleine  ou  Antho- 
cyanine.  Elle  est  reprësenlee  par  la  formule  :  C"  H"  0'". 

Si  l'on  recouvre  quelques  grains  de  ce  Riz  noir  d'un  peu  d'espril-de- 
vin,  la  matière  colorante  se  dissout  et  prend  une  belle  couleur  écarlate. 

Voici  l'analyse  trouve'e  par  le  professeur  Ghurch,  comparée  aux 
sortes  de  Riz  blanc  ordinaire  de  l'Inde  : 

CENTIÈMES. 

RIZ    NOIR.         RIZ    BLANC. 

Eau 13,2  12,4 

Albumine 9,2  7,3 

Fe'cule  sucroo 74,1  78,3 

Huile 2,2.  0,6 

Fibres 0,6  0,4 

Cendres 0,7  0,6 

Proportion  nourrissaulo 1:     8,6  1:  10,8 

Valeur  nutritive 88,4  86,5 

Le  caractère  le  plus  remarquable  de  celle  sorte  de  Riz  est  la  ri- 
chesse extraordinaire  en  albumine  et  huile. 

Quelques  sortes  de  Riz  du  Japon ,  les  plus  estimes  et  les  plus 
gluants,  contiennent  de  1  i  à  2  pour  cent  d'huile  au  lieu  de  0,4  ou  0,5 
pour  cent,  dans  les  Riz  des  Carolines,  mais  ils  sont  comparativemeut 
pauvres  en  albumine. 

C'est  à  celle  richesse  en  albumine  qu'il  faut  attribuer  la  valeur 
nutritive  du  riz  noir  de  Birmanie,  qui  contient  aussi  beaucoup  plus 
d'acide  phosphorique. 


CHRONIQUE  DES  COLONIES  ET  DES  PAYS  D'OUTRE-MER.         191 


Culture  du  Café  aux  Philippines. 

Le  Cafë  est  cultivé  aux  Philippines  par  des  Indiens,  sous  la  direc- 
tion d'Européens  ou  de  Métis  et  il  est  probable  que  sa  bonne  qualité' 
est  due  à  l'exclusion  des  ouvriers  chinois.  On  peut  se  demander  ce 
que  serait  cette  qualité  si  l'on  y  apportait  les  soins  qu'y  prodiguent 
les  planteurs  en  d'autres  colonies.  C'est-à-dire  que,  contrairement  à  ce 
qui  se  fait  aux  Philippines,  on  cueille  le  fruit  lorsqu'il  est  bien  mûr 
et  on  le  fait  sécher  h  l'air  bien  sec. 

En  1S50,  la  production  était  de  20,000  quintaux;  en  1870,  elle  dé- 
passait plus  de  80,000  piculs  dont  75,000  furent  exportés. 

L'année  1891,  cette  production  était  de  120,000  piculs;  dans  ce 
chiffre  la  province  de  Batangas  seule  figure  pour  85,496  piculs. 

Le  prix  moyen  est  de  20  piastres  le  picul  (1  picul  =  62  1/4  kilogr.). 
Ce  prix  varie  beaucoup  d'une  année  à  l'autre  ;  en  .1891  il  e'tait  de 
37  piastres  et  l'année  d'avant  de  10  à  J4  piastres.  On  estime  que  les 
bénéfices  des  planteurs  de  Café  s'élevaient  à  la  somme  de  2,400,000 
piastres. 

Des  120,000  piculs  en  1891,  45,000  ont  été  exportes  presque  exclu- 
sivement en  Espagne.  En  1890,  l'exportation  était  de  75,000  piculs. 
C'est  une  source  très  riche  de  revenus.  Et  pourtant  la  culture  se  fait 
avec  peu  de  soins.  On  en  ressent  les  effets  en  beaucoup  d'endroits. 
11  est  à  craindre  que,  dans  ces  conditions,  on  ne  puisse  combattre 
la  concurrence  des  pays  de  l'Amérique  du  Sud,  où  l'on  cultive  le 
Café'  avec  un  soin  extrême. 

De  plus,  la  plante  souffre  depuis  quelques  années  d'un  insecte 
qui  ronge  les  branches  et  les  feuilles  et  n'épargne  pas  les  fèves.  Un 
grand  nombre  de  plantations  ont  été  ainsi  détruites  et  l'on  n'a  pris 
aucune  mesure  contre  cet  animal,  qui  gagne  du  terrain  tous  les  jours. 
Les  provinces  de  Batangas,  Laguna  et  Tayabas,  où  l'on  cultive  le  plus 
de  Café,  sont  contaminées. 

C'est  ici  que  l'on  peut  se  rendre  compte  du  peu  de  soins  des  indi- 
gènes, qui  ne  s'inquiètent  pas  le  moins  du  monde  de  cet  olat  de  choses. 

D'   M.   d'EsTREY. 


IV.  CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS. 


L'Etourneau  et  les  Olives.  —  A  Triesle,  les  Etourneaux  hi- 
vernent eu  grand  nombre.  Vers  le  soir,  on  les  aperçoit  par  vols  consi- 
dérables réunis  sur  les  tours  et  les  clochers  où  ils  restent  pendant  la 
nuit.  Mais  h  l'aube,  ces  oiseaux  gagnent  les  plantations  d'Oliviers  des 
environs  pour  se  nourrir  des  Olives  miires.  Ils  mangent  les  fruits  dans 
leur  entier;  car  on  reconnaît  même  en  ville,  au  pied  des  bâtiments 
qui  servent  de  stations,  d'innombrables  noj'aux  d'Olives  dans  leurs 
excréments.  —  L'Etourneau  dévaste  en  hiver  les  plantations.       De  S. 

Les  Perles  du  Mexique.  —  Depuis  quelque  temps,  les  Perles 
mexicaines  priment  lesPeiles  orientales  par  leurs  dimensions  et  par 
leur  e'clat  ;  leur  faveur  augmente  de  jour  au  jour.  La  plupart  des  mai- 
sons princières  en  achètent.  La  provenance  principale  de  ces  magni- 
fiques perles  est  La  Paz,  le  chef-lieu  de  la  Basse-Californie.  De  B. 

Pèche  du  Hareng  en  Russie.  —  Les  bancs  de  Harengs  sont 
surtout  abondants  à  rextrémilé  me'ridionale  de  l'île  de  Saghalien.  On 
expe'die  ces  poissons  dans  la  Russie  d'Europe.  Malgré  la  distance  qu'ils 
doivent  franchir,  ils  reviennent  cependant  moins  cher  que  les  Harengs 
de  l'e'tranger.  L'impôt  pour  une  livre  de  poisson  indigène  est  de 
25  kopeks,  tandis  qu'il  est  de  28  kopeks  d'or  pour  le  poisson  étranger. 

G. 

Culture  des  Pêchers  dans  la  Nouvelle-Angleterre  -- 

M.  J.-H.  Haie  cultive  avec  le  plus  grand  succès  les  Pêchers  dans  la 
Nouvelle-Angleterre.  Dans  le  rapport  sur  les  fruits  de  verger  qu'il  vient 
d'adresser  au  département  d'Agriculture  du  Massachuselt  il  signale 
l'emploi  dans  sa  culture  de  1,200  livres  d'os  et  de  400  à  800  livres  de 
muriatc  de  potasse  par  acre  (4,0 i6  métrés  carrés).  De  S. 

Utilité  des  vases  en  grès  à  huile.  —  Les  grands  et  beaux 
vases  dont  on  se  sert  pour  transporter  l'huile  la  plus  fine  d'Italie  à 
Londres  trouvent  leur  emploi  comme  vases  d'ornement  dans  les  jar- 
dins d'Angleterre.  On  y  conserve  diverses  plantes,  Myrtes,  grands 
Héliotropes,  Orangers,  que  l'on  peut  transporter  intégralement  en  serre 
froide  avant  l'hiver.  De  S. 


Le  Gérant  :  Jules  Grisard. 


I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIÉTÉ. 


NOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAUTERELLES 

Par  m.  J.  FOREST  aîné, 
(suite  et  fin  *). 


D'autres  espèces  d'oiseaux,  dont  nous  décrirons  les  plus 
remarquables,  pourront  contribuer  dans  cette  œuvre  de  pré- 
servation ;  mais  le  ^^rand  remède  ne  se  produira  que  par  des 
perturbations  atmosphériques,  soit  pluies  et  humidité  durant 
l'éclosion  et  l'état  de  larves,  ou  grands  froids  qui  détruiraient 
les  œufs.  Ces  phénomènes  sont  accidentels  dans  le  Soudan, 
patrie  de  nos  acridiens;  souhaitons  leur  prochaine  appa- 
rition. 

IL  Les  Nandous  [Rhea).  —  Les  Nandous  sont  les  repré- 
sentants, en  Amérique,  de  l'Autruche;  ils  ont  avec  celle-ci  de 
très  grands  rapports  de  mœurs  et  d'organisation.  Ces  oi- 
seaux sont  herbivores  et  insectivores  à  l'état  sauvage;  en 
domesticité,  ils  sont  omnivores.  Les  Nandous  supportent  les 
climats  les  plus  extrêmes  et  leur  introduction  sur  les  hauts 
plateaux  algériens  serait  désirable,  comme  destructeurs  de 
Sauterelles  et  producteurs  des  plumes  employées  pour  la 
mode  et  la  fabrication  des  plumeaux,  dénommés  faussement 
plumeaux  de  Vautour. 

Les  Nandous  et  les  Autruches  sont  représentés  en  Nou- 
velle-Guinée par  les  Casoars  dont  il  existe  un  exemplaire  au 
Jardin  d'essai  d'Alger  ;  mais  les  déserts  de  l'Australie  sont 
habités  par  l'Emeu  dont  le  plumage  a  un  emploi  pour  la  mode, 
alors  que  celui  du  Casoar  n'en  a  pas.  Ces  deux  espèces  sont 
omnivores. 

ni.  Les  Outardes  [Otis).  —  L'Amérique  exceptée,  on 
trouve  des  Outardes  dans  toutes  les  parties  du  monde,  mais 

i»)  Voyez  plus  haut,  pa{,'es  97  et  loG. 

j  Mars  1893.  43 


194  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

surtout  en  Afrique  et  en  Asie  ;  ce  sont,  en  effet,  des  oiseaux 
des  steppes.  Leur  genre  de  vie  rappelle  celui  des  Gallinacés  ; 
ces  oiseaux  se  nourrissent  en  Europe,  surtout  de  matières 
végétales,  les  jeunes  ne  mangent  que  des  insectes  et  périssent 
quand  ils  n'en  trouvent  pas.  Les  observations  faites  par  Ho- 
lub  au  Cap  établissent  que  les  Sauterelles,  les  mille-pieds, 
les  reptiles  sont  leur  principale  nourriture  l'été,  et  durant 
l'hiver  les  termites  et  les  reptiles. 

Malgré  les  services  que  ces  oiseaux  rendent  aux  agricul- 
teurs, l'excellence  de  leur  chair  les  fait  détruire  par  les 
Boers  qui  les  vendent  sur  le  marché  des  exploitations  dia- 
mantifères depuis  10  schelling  (12  fr.  50)  jusqu'à  une  livre 
(25  francs).  Parmi  les  Otidés,  diverses  variétés  pourraient 
être  domestiquées  en  Algérie. 

TV.  L'Outarde  barbue  {Otis  tarda].  —  Cette  espèce,  au- 
trefois très  répandue  dans  les  plaines  de  l'Europe,  se  trouve 
encore  dans  le  sud  de  la  Suède  et  au  centre  de  la  Russie, 
ainsi  que  dans  une  grande  partie  de  l'Asie  ;  en  Afrique,  elle 
ne  se  montre  que  dans  le  nord-ouest  en  très  petit  nombre, 
en  quelque  sorte  isolément  et  seulement  en  hiver.  Elle  est 
assez  rare  en  Allemagne,  très  rare  en  France  et  en  Espagne. 
C'est  en  Hongrie,  dans  les  steppes  de  la  Russie  et  dans 
l'Asie  centrale  qu'elle  est  la  plus  nombreuse. 

L'Outarde  barbue  recherche  les  endroits  où  l'on  cultive  des 
céréales,  évite  les  grandes  forêts  où  chaque  buisson  lui  est 
un  obstacle. 

V.  La  Canepetière  {Tetrax  campestris).  —  Cette  espèce, 
plus  petite  que  l'Outarde,  est  connue  en  Algérie  sous  le  nom 
de  Poule  de  Carthage.  Elle  a  les  mêmes  mœurs  que  l'Outarde, 
toutefois,  elle  n'est  pas  autant  un  oiseau  de  plaine  ;  elle 
s'étabht  aussi  dans  la  montagne.  En  Espagne  on  la  trouve 
surtout  dans  les  vignobles,  les  plaines  ou  sur  le  flanc  des 
montagnes.  La  Canepetière  a  un  régime  à  la  fois  animal  et 
végétal  ;  cependant  elle  se  nourrit  principalement  de  vers, 
d'insectes,  surtout  de  Sauterelles,  de  larves,  etc.  Dans  VOr- 
nithologie  européenne  de  Degland  et  L.  Gerbe,  Paris,  1867, 
t.  II,  p.  102,  se  trouvent  d'intéressantes  observations  sur  l'é- 
levage en  captivité  de  cet  oiseau.  Nous  les  recommandons 
aux  futurs  éleveurs  de  Canepetières  en  Algérie. 


NOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAUTERELLES.         495 

VI.  La  Grue  de  Paradis  {Tetrapterijx  iJaradisea).  — 
Cette  belle  variété  d'écliassier  est  particulière  aux  plateaux 
herbeux  du  centre  et  du  nord  de  la  colonie  du  Cap,  du  Nama- 
qualand,  du  West-Griqualand,  de  l'État  libre  d'Orange,  de  la 
partie  centrale  et  méridionale  du  Transwaal,  du  sud  du 
Betschuanaland  et  du  Kalahari.  On  le  trouve  aussi  sur  le  lit- 
toral, mais  plus  rarement.  Ses  séjours  préférés  sont  les  prai- 
ries herbeuses,  sans  végétation  arborescente.  Nous  avons 
précisé  l'habitat  de  cet  oiseau  qui  est  aussi  celui  de  l'Autruche 
en  demi-liberté . 

A  l'état  domestique,  la  Grue  est  omnivore  ;  cependant  on 
observe  qu'elle  préfère  la  viande  hachée  même  aux  insectes 
qui,  à  leur  tour,  sont  préférés  à  toute  autre  nourriture,  y 
compris  pain  et  maïs.  A  letat  sauvage,  la  nourriture  delà 
Grue  de  Paradis  se  compose  de  larves,  de  termites,  de  rep- 
tiles, de  mollusques,  de  poissons,  etc.,  mais  principalement 
de  Sauterelles.  Elle  mange  aussi  des  grains,  des  graines  et 
des  baies. 

Il  serait  désirable  que  ce  superbe  oiseau  fût  introduit  et 
domestiqué  en  Algérie  pour  la  destruction  des  animaux  de 
toutes  sortes  nuisibles  aux  cultures  et  que,  à  l'exemple  des 
fermiers  du  Cap,  les  mêmes  résultats  favorables  fussent  re- 
cherchés par  les  fermiers  algériens. 

La  Cigogne,  le  Héron  pourpre  sont  aussi  d'appréciables 
destructeurs  de  Sauterelles. 

Parmi  les  représentants  de  la  famille  des  échassiers  pré- 
cieux pour  la  destruction  des  insectes  ennemis  de  nos  planta- 
tions, nous  citerons  :  l'CEdicnème  criard,  les  Pluviers,  les 
Vanneaux,  les  Courtvite,  les  Glaréoles. 

VIL  La  Glaréole  [Glareola  pratineola).   —  Lorsque  les 
Sauterelles  font  leur  apparition  dans  l'Afrique  australe,  pres- 
que tous  les  oiseaux  se  mettent  à  leur  poursuite,  les  grands 
rapaces,  ainsi  que  les  insectivores.  Tous  rivalisent  dans  la 
destruction  du  terrible  Acridien.  Ce  sont  surtout  les  Glaréoles 
qui  en  font  les  plus  grands  ravages  ;  il  en  arrive  des  bandes 
innombrables  alors  que  d'habitude  cet  oiseau  n'est  pas  com- 
nuui  et  ne  se  trouve  qu'en  petits  groupes  dans  les  plaines  ma- 
récageuses. La  Glaréole  se  trouve  de  passage  l'hiver  et  au 
printemps  sur  les  hauts-plateaux  algériens.  Nous  souhaitons 
sa  paisible  pi'opagation  en  Algérie;  alors  un  destructeur  de 


196  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Sauterelles  de  premier  ordre  pourrait  être  classé  au  nombre 
de  ses  oiseaux  indigènes. 

VITI.  Le  Chevalier  à  longue  queue  (Tringa  Bartramici)^ 
—  Ce  petit  écliassier  remplace  la  Glaréole  aux  États-Unis 
comme  destructeur  important  d'Acridiens.  La  description 
scientifique  de  cet  écliassier  est  assez  confuse,  certains  natu- 
ralistes le  désignent  sous  le  nom  d'Upland  Plover,  Aciiturus 
Barh^amius  \V,  alors  que  dans  Wilso7i''s  American  Oi  ni- 
ihologij,  vol.  II,  p.  358,  il  est  décrit  sous  le  nom  de  Bartramis 
Samlpiper  {Tringa  Bariramia)  correspondant  au  Totanus 
Bartramius  de  Temminck. 

IX.  Le  G2irô.e-hcBMÏ  {Ardea  ttubidcus) .  —  Cet  oiseau  du 
genre  des  Hérons  et  voisin  des  Aigrettes,  était  autrefois 
très  répandu  dans  l'ancien  continent.  Sa  destruction  intem- 
pestive peut  et  doit  être  attribuée  à  Terreur  de  beaucoup 
de  gens,  chasseurs  par  lucre,  à  la  recherche  des  Aigrettes. 
Cette  erreur  est  doublement  regrettable  puisqu'elle  nous 
prive  des  services  d'un  oiseau  supérieurement  utile  et  que 
sa  valeur  commerciale  est  insignifiante.  L'erreur  peut  s'at- 
tribuer à  l'aspect  général  de  l'oiseau  dont  le  plumage  est 
d'une  blancheur  éclatante  à  l'exception  de  la  couverture 
occipitale  dont  les  plumes  à  barbules  flottantes  de  couleur 
rousse  Isabelle,  à  notre  avis,  sont  causes  du  massacre.  Cet 
oiseau  est  l'ami  des  troupeaux  de  ruminants  et  autrefois 
leurs  lieux  de  pâture  en  contenaient  des  quantités,  en  rap- 
port au  nombre  des  ruminants.  Il  fait  sa  nourriture  prin- 
cipale des  taons,  des  tiques  qui  s'attachent  aux  animaux  et 
des  sauterelles.  Dans  l'Afrique  australe,  les  Boers  le  nom- 
ment «  Spring-Haan-Vogel  »,  oiseau  à  sauterelles.  Cet  oiseau 
est  essentiellement  sociable  et  pacifique,  et  aime  à  vivre  en 
troupes  de  plusieurs  centaines  et  se  perche  volontiers  sur 
les  arbres.  Il  fréquente  indistinctement  le  bord  des  eaux  et 
les  plaines  découvertes,  quelquefois  même  les  bois.  Ses  ha- 
bitudes varient  suivant  les  saisons  et  les  lieux,  et  on  le  verra 
souvent  à  l'afiïït  au  bord  des  cours  d'eau  ou  des  étangs, 
comme  tous  les  hérons. 

Delegorgue,  dans  son  Voyage  de  l'Afrique  australe,  nous 
dit  (1)  :  «  Je  le  surpris  plus  fréquemment  se  tenant  à  petite 

(1)  Page  534,  tome  I. 


NOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAUTERELLES.         197 

»  distance  de  la  ligne  de  feu  des  incendies  d'herbes  sèches. 
»  Le  feu  ne  l'effraie  aucunement  ;  il  saisissait  dans  leur  vol 
»  indécis  les  Sauterelles  asphyxiées  ou  les  ramassait  à  la  tom- 
»  bée  tandis  que  le  Milan  planait  au-dessus  de  lui,  afin  d'attra- 
»  per  avec  ses  griffes  et  de  happer  celles  qui  gagnaient  une 
»  région  plus  élevée.  Dans  la  plaine,  il  aime  le  voisinage  des 
»  bêtes  à  cornes,  auxquelles  il  se  mêle  en  se  tenant  à  terre 
»  cherchant  sur  le  sol  des  tiques  détachées  et  gonflées  de 
»  sang.  Dans  les  bois,  c'est  aux  Buffles  qu'il  s'adresse  ;  il  se 
M  place  sur  leur  dos  sans  que  le  quadrupède  s'en  effraie,  et 
»  de  son  bec  détache  les  tiques  qui  le  couvrent.  Le  Buffle 
»  peut  marcher  et  paître,  ses  mouvements  ne  gênent  pas 
»  notre  Héron.  On  conçoit  facilement  combien  il  est  aisé  de 
»  soupçonner  la  présence  d'un  Buffle  lorsqu'à  travers  les 
»  hautes  herbes  l'on  voit  se  mouvoir  cette  blancheur  sup- 
»  portée  à  plusieurs  pieds  du  sol.  » 

Les  relations  de  divers  explorateurs  africains  nous  dé- 
peignent le  Garde-bœuf  rendant  les  mêmes  services  à  l'Elé- 
phant. Livingstone,  dans  son  exploration  du  Zambèze,  vit  des 
Eléphants  couverts  de  notre  Garde-bœuf  dans  les  marais  du 
Chiré.  Baker,  Voyage  aux  grands  lacs  de  V Afrique  orien- 
tale, nous  dit,  page  371  :  «  Vers  l'époque  de  l'année  qui  cor- 
»  respondra  à  notre  automne,  l'x^rdea   (l'oiseau  blanc  des 
»  rizières  de  l'Inde)  se  rencontre  partout  vers  le  Tanganika, 
»  les  étangs  et  leurs  bords.  Dans  le  Soudan,  il  a  été  observé 
»  partout  et  de  préférence  dans  le  voisinage  des  localités 
»  habitées  par  l'homme.  (A.u  nombre  des  dessins  relatifs  au 
»  dernier  voyage  du  commandant  Monteil,  celui  représen- 
>^  tant  l'entrée  à  Kouka,  figure  un  arbre  couvert  de  Garde- 
»  bœuf.)  J'ai  eu  le  vif  plaisir  de  le  voir  au  Maroc  et  toutes 
»  les  observations  décrites  ont  pu  être  confirmées.  » 

Ne  pourrait-on  pas  spécialement  en  faveur  de  cet  oiseau 
très  intéressant  obtenir  sa  protection  légale  et  encourager  sa 
reproduction.  Comme  valeur  commerciale,  il  ne  peut  tenter 
la  cupidité  ;  pour  la  cuisine  il  n'offre  aucune  ressource.  Pour 
terminer,  aux  Indes,  en  Birmanie,  sur  la  côte  du  Coromandel 
il  y  a  deux  espèces  voisines,  l'une  à  plumes  occipitales  mar- 
ron, l'autre,  à  iilumes  jaune  clair,  plates,  se  rapprochant  de 
celles  de  A.  egreita,  mais  non  érectiles.Les  oiseaux,  en  Asie, 
rendent  les  services  du  Garde-bœuf,  mais  sont  fortement 
poursuivis.  Leur  dépouille  vient  régulièrement  aux  ventes 


198 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


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NOS  ALLIÉS  CONTRE  LES  SAUTERELLES.         199 

publiques  des  Docks  de  Londres  ;  l'aigrette  de  ces  oiseaux 
vaut  de  2  à  5  sliellings  l'once,  et  son  emploi  en  mode  est  fort 
délaissé.  Il  serait  sage  de  les  comprendre  dans  ces  mesures 
de  protection  de  toute  l'espèce. 


\ 


Nous  ajoutons  à  l'étude  des  oiseaux  acridothères  la  carte 
d'expansion  du  Pachyiylus  migratorius ,  Criquet  pèlerin 
d'après  F. -Th.  Kœppen,  publiée  en  1871  dans  Petennanu's, 
MUtheilungen,  en  complément  d'une  note  sur  : 

1.  Caloptenus  ifalicus,  L.,  le  grand  fléau  en  Espagne,  sud 
de  la  France  et  l'Italie  :  il  se  répand  plus  au  loin  en  Hon- 
grie, Russie  méridionale,  atteint  la  Sibérie  méridionale  et 
l'Algérie. 

2.  Caloptenus  fémur  ruhrum,  de  G.  {Caloptp.nus  spreitts), 
dans  l'Amérique  du  Nord,  aux  montagnes  Rocheuses. 

3.  Acridium  peregrinum,  01.  {Pachyiylus  migratorius), 
le  grand  dévastateur  en  Algérie,  s'étend  jusqu'en  Syrie, 
Perse,  Arabie,  Europe  orientale. 

4.  Pachytylus  vastator,  Lichtst,  dans  l'Afrique  australe. 

5.  Stauronoius  cruciatus,  Charp.  {Stauronotus  Marocca- 
nus),  dans  la  Russie  méridionale,  l'Asie  mineure.  File  de 
Chypre  et  l'Algérie. 

(C'est  ce  dernier  qui  paraît  être  sédentaire  sur  les  hauts- 
plateaux  et  sur  l'Atlas), 


La  véritable  patrie  des  Sauterelles  de  l'ancien  monde,  au- 
trefois un  mystère,  est  aujourd'hui  dévoilée.  Les  investiga- 
tions entreprises  par  ordre  du  gouvernement  russe,  en  1890, 
dans  le  district  du  Kouban,  ont  prouvé  que  les  îles  de  la 
rivière  Kouban,  lieux  bas  et  marécageux,  situés  entre  son 
embouchure  dans  la  mer  d'Azov,  et  les  contreforts  ouest  du 
Caucase,  sont  de  colossaux  nids  de  Criquets,  où  ces  insectes 
se  multiplient  avec  une  rapidité  étonnante  pour  aller,  de  là, 
faire  leurs  incursions  dévastatrices  dans  les  régions  voisines 
du  Kouban,  dans  le  sud   de  la  Russie,  quelquefois  jusque 


200  REVUE  DKS  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

dans  l'Europe  centrale  et  occidentale.  —  Tant  que  les  îles  du 
Bas-Kouban  existeront  dans  cet  état,  11  sera  inutile  de  com- 
battre ces  insectes  Yoraces  ;  aussi  a-t-on  formé  le  projet  de 
dessécher  les  lies  au  moyen  d'un  réseau  de  canaux  de  drai- 
nage. A  cet  effet,  une  Commission  fut  envoyée  sur  les 
lieux,  au  [irintemps  de  1891,  pour  faire  les  études  hydrogra- 
phiques nécessaires  et  le  devis  des  travaux  indispensables. 
Nous  ignorons  la  suite  donnée  à  ces  projets  de  préservation 
européenne. 


*** 


L'Afrique  centrale  renferme  un  lac  ou  plutôt  un  immense 
marais  «  le  Tschad  »  (1),  qui,  d'après  les  observations  de 
Barth,  Nachtigall  et  Rohlfs,  etc.,  serait  la  patrie  de  VAcridiimi 
peregrinwn  ou  Pachyhjlus  ynigratoHus  et  du  Stauronotus 
criicialus  ou  S.  Maroccanus ,  Sauterelles  émigrant  au  nord. 
Les  immenses  régions  des  grands  lacs  de  l'Afrique  équato- 
riale  sont  la  patrie  du  Pachytyliis  vastator,  et  Œdipoda 
migraioria,  émigrant  au  sud. 

Les  prévisions  humaines  ne  trouveront  pas,  de  longtemps, 
une  limitation  au  fléau,  dans  ses  lieux  d'origine.  Toutefois, 
dans  quelques  siècles,  lorsque  ces  immenses  contrées  seront 
plus  peuplées,  par  conséquent  plus  cultivées,  les  espaces 
actuellement  sauvages  disparaîtront ,  sans  doute ,  le  fléau 
également.  La  mouche  Tsétsé,  particulière  aux  régions  sau- 
vages, domaine  des  grands  ruminants  et  des  fauves,  dispa- 
raît dans  les  régions  cultivées  et  exploitées  par  l'homme; 
n'est-il  pas  permis  d'espérer  le  même  résultat  pour  les  Sau- 
terelles ! 

Les  Africains  n'ont  pas  de  répugnance  pour  l'emploi  ali- 
mentaire des  Sauterelles.  Il  n'y  a  même  pas  de  prescription 
religieuse  les  interdisant  ni  dans  la  Bible,  ni  dans  le  Koran. 
J'étais  fort  surpris  d'en  voir  manger  comme  friandise,  à  Mo- 
gador,  dans  une  maison  juive,  préparées  à  l'eau  salée,  les 
pattes  et  ailes  enlevées,  complétant  le  thé  vert  obligatoire, 
parfumé  à  la  menthe,  etc.,  sucré  comme  un  sirop.  Cela  avait 
l'air  d'une  Crevette  grise  ;  je  ne  pus  pas  surmonter  ma  répu- 
gnance à  goûter  ce  nouvel  aliment,  malgré  les  invitations 

(1)   Description  du  lac  Tschad.  Algérie  agricole,  1»' octobre  1891. 


NOS  ALLIES  CONTRE  LES  SAUTERELLES.         201 

réitérées  de  notre  hôtesse.  Les  Arabes  les  mangent  après  les 
avoir  séchées  au  soleil  et  les  conservent  dans  des  silos.  Les 
Nègres  de  IWfriqiie  centrale  et  équatoriale  rôtissent  les  Sau- 
terelles dans  riiuile  de  palme  et  autre,  après  leur  avoir  arra- 
ché les  pattes  et  les  cuisses.  Ils  trouvent  fort  à  leur  goût  les 
Sauterelles  ainsi  préparées. 

David  Livingstone  [Explorations  de  l'Afrique  australe) 
rapporte  que,  dans  les  périodes  de  sécheresse,  il  fut  souvent 
très  heureux  d'accepter  un  plat  de  Sauterelles,  qui  sont, 
pour  les  habitants  de  ces  contrées,  une  véritable  manne.  C'est 
au  point  que  les  docteurs  ès-pluie  font  usage  de  leurs  incan- 
tations pour  les  attirer  dans  le  pays.  Elles  ont  un  goût  végé- 
tal très  prononcé  qui  varie  suivant  la  plante  dont  elles  ont 
fait  leur  nourriture  ;  il  y  a  une  raison  de  physiologie  pour 
qu'on  les  mange  avec  du  miel;  grillées  et  réduites  en  poudre, 
elles  se  conservent  pendant  plusieurs  mois  ;  préparées  de  la 
sorte  et  légèrement  grillées,  on  ne  peut  pas  dire  qu'elles 
soient  mauvaises  ;  bouillies,  elles  sont  détestables  ;  grillées, 
il  les  préférait  aux  Crevettes.  Néanmoins,  il  évitait  d'en 
manger  toutes  les  fois  que  cela  lui  était  possible. 

Paris,  juin  1892. 


L'OLAFSFJORD    D'ISLANDE' 

Par  m.  Amédée  BERTHOULE, 
Secrétaire  général  de  la  Société. 


A  l'extrémité  du  monde  habitable  s'étend,  perdue  dans  les 
mers  du  nord,  une  île  considérable  par  sa  surface,  mais  d'une 
désolante  pauvreté  ;  la  terre  de  glace,  l'Islande.  Durant  les 
mois  d'hiver,  la  froide  nuit  ininterrompue  la  couvre  de  ses 
voiles,  et  cjuand  un  pâle  et  timide  soleil  franchit  de  nouveau 
la  ligne  de  l'horizon,  d'épaisses  brumes  se  forment  le  plus 
souvent,  paralysent  ses  rayons  bienfaisants. 

L'Islande  est  le  pays  des  grands  contrastes  :  aux  jours 
sans  fin  succèdent  périodiquement  les  longues  nuits  ;  les  vol- 
cans et  les  glaciers,  dans  une  lutte  corps  à  corps  et  sans 
repos,  s'en  disputent  le  sol  ;  auprès  des  champs  arides,  où 
broutent  de  rares  et  maigres  troupeaux,  le  domaine  des  eaux 
regorge  de  sève  et  de  vie. 

Cette  rare  fécondité  a  pour  principal  effet  d'attirer,  chaque 
année,  dans  ces  parages,  une  nombreuse  population  étran- 
gère. Danois,  Norvégiens,  Russes  disputent  ces  richesses  aux 
insulaires:  mais  les  plus  aventureux  sont  encore  les  marins 
français  qui,  sans  même  attendre  la  fin  de  l'hiver,  se  ris- 
quent imprudemment  sur  leurs  fragiles  goélettes,  dans  ces 
lieux  inhospitaliers.  Aussi  bien  n'est-il  guère  de  campagne 
qui  ne  soit  marquée  par  de  lamentables  sinistres  ;  la  dernière, 
en  particulier,  a  été  désastreuse  :  sur  3,000  marins  partis  des 
ports  de  Dunkerque,  de  Paimpol,  de  Saint-Brieuc,  140  ont 
manqué  à  l'appel,  enlevés  par  Pouragan. 

Nos  marins  s'aventurent  plus  volontiers  au  large  ;  la  pèche 
dans  les  fjords  qui  échancrent  les  côtes  serait  sans  dangers, 
pourtant,  et  non  moins  productive  ;  mais  elle  ne  peut  être 
pratiquée  aussi  librement,  ni  se  prolonger  aussi  longtemps 
qu'en  pleine  mer,  par  cette  double  raison  que  les  espèces 
migratrices  ne  s'y  engagent  qu'assez  tard  dans  l'année,  et 
que,  d'ailleurs,  sous  leur  épais  manteau  de  glace,  ils  restent 
impraticables  jusqu'à  une  époque  très  avancée  de  juillet. 

(1)  Compte-rendu  sténographique  d'une  communication  faite  en  séance  gé- 
nérale, le  17  février  1893. 


L'OLAFSFJORD  D'ISLANDE.  203 

Cependant,  lorsque  les  glaces  ont  dérivé,  les  eaux  de  l'in- 
térieur offrent  aux  filets  des  ressources  inépuisables  ;  les 
poissons  auxquels  on  s'attaque  alors  sont,  avec  le  Saumon, 
le  Hareng  et  la  Morue,  la  Morue  principalement,  car  le  Ha- 
reng n'est  guère  utilisé  que  comme  boette. 

Parmi  les  plus  remarquables  de  ces  riches  viviers  natu- 
rels, rOlaCsfjord  mérite  une  attention  toute  particulière. 

Cette  vaste  baie,  située  dans  la  partie  nord-ouest  de  l'île 
dans  le  district  de  Vlade,  présente  aujourd'hui  une  configu- 
ration très  différente  de  ce  qu'elle  fut  jadis.  C'était,  il  y  a 
plusieurs  siècles,  d'après  d'anciens  documents,  un  fjord  lar- 
gement ouvert  sur  la  mer;  plus  tard,  vraisemblablement  par 
suite  de  violents  phénomènes  sismiques,  un  seuil  émergea 
des  flots,  interrompant  toute  communication  avec  FOcéan,  et 
transformant  cette  anse  en  un  lac  complètement  fermé. 

Vers  1760,  deux  savants  danois,  Olafsen  et  Povelsen,  au 
cours  d'un  voyage  d'exploration,  furent  conduits  sur  ses 
rives.  Ils  consignèrent  leurs  observations  dans  un  très  cu- 
rieux rapport  que  publia,  en  1772,  l'Académie  des  sciences 
de  Copenhague  (1).  Il  ne  sera  pas  sans  intérêt  d'en  insérer 
ici  textuellement  quelques  lignes,  qu'a  bien  voulu  traduire 
pour  nous  notre  excellent  confrère  et  ami  M.  Feddersen. 

«  L'Olafsfjord  est  un  lac  riche  en  poissons,  qui  n'est  pas 
seulement  une  grande  merveille  pour  l'Islande,  mais  aussi 
pour  les  royaumes  (2)  ;  car  on  y  trouve  des  poissons  de  mer 
acclimatés  dans  l'eau  douce  :  des  Eglefins,  des  Morues,  des 
Raies,  des  Flétans,  tous  d'une  grandeur  médiocre. 

»  Ces  poissons  ont  un  goût  doux  et  agréable,  mais  non 
liourtant  comme  leurs  congénères  des  eaux  salées  ;  ils  sont 
péchés,  le  plus  souvent,  pendant  le  printemps.  Les  indigènes 
pratiquent  des  trous  dans  la  glace  pour  leurs  lignes. 

»  Le  lac  a  une  lieue  de  longueur,  et  n'est  séparé  de  la  mer 
que  par  une  presqu'île  de  peu  de  largeur,  et  à  travers  celle-ci, 
la  rivière  de  la  vallée,  qui  parcourt  le  lac,  a  forcé  son  embou- 
chure dans  la  mei*. 

»  11  est  évident  que  le  fjord,  jadis,  s'est  étendu  si  loin  dans 
le  pays,  et  que  le  lac,  par  l'eflet  d'un  tremblement  de  terre 
ou  par  d'autres  événements  violents,  fut,  un  jour,  coupé  ou 
partagé  en  deux  parties  par  la  presqu'île  déjà  indiquée. 

(1)  Eggert  Olafsen  et   Biarne   Povelsen.    —  Reise  ifrjennera    Island-Soroï. 

(2)  Le  Danemark  et  la  Norvège  étaient  alors  unis  sous  le  môme  sceptre. 


204  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

»  Les  poissons  de  mer  devinrent  alors  prisonniers,  et  par 
la  salure  décroissante  sous  l'action  de  la  rivière,  ils  se  sont  de 
plus  en  plus  accoutumés  à  l'eau  douce.  Tous  ces  poissons 
sont  aussi  péchés  dans  la  mer,  ou  dans  le  fjord  voisin.  » 

Ces  notes  originales  nous  inspirèrent  le  désir  de  connaître 
la  constitution  de  ce  même  fjord  de  notre  temps,  et  nous 
avons  pu  satisfaire  cette  légitime  curiosité ,  grâce  à  des 
instructions  qu  a  notre  demande  M.  le  Ministre  de  la  marine 
voulut  bien  transmettre  à  notre  stationnaire  en  Islande,  au 
cours  d'une  des  dernières  campagnes  de  pêche. 

M.  le  capitaine  de  vaisseau  Littré,  commandant  le  Châ- 
teaiirenault,  a  pris  la  peine  d'explorer  le  lac,  d'en  tracer  le 
dessin,  de  le  sonder,  et  d'y  faire  quelques  pèches  avec  une 
précision  et  un  soin  dont  ne  saurions  trop  le  remercier. 

Vous  remarquerez,  dès  l'abord,  le  changement  notable  qui 
paraît  s'être  produit  sur  l'état  ancien.  Au  lieu  d'un  lac  com- 
plètement fermé,  déversant  ses  eaux  douces  par  un  étroit 
émissaire  infranchissable  pour  les  espèces  marines,  le  fjord 
s'est  rouvert  en  partie,  et  ses  berges  abaissées  livrant  l'accès 
à  la  mer  pendant  les  grandes  marées,  les  eaux  qui  l'emplis- 
sent sont  mi-partie  douces,  mi-partie  saumâtres. 

Nous  ne  saurions  mieux  faire,  d'ailleurs,  que  de  repro- 
duire la  description  du  commandant  Littré,  pour  le  rappro- 
cher du  récit  des  savants  danois  : 

«  Le  lac  d'Olafsfjord  peut  avoir  2,000  mètres  de  longueur 
sur  400  de  largeur  dans  ses  parties  les  plus  larges  ;  il  est 
étranglé  vers  le  miheu  par  deux  deltas  formés  par  des 
grandes  cascades  qui  s'y  déversent.  Cet  endroit  resserré  peut 
avoir  150  mètres  de  large. 

»  La  plus  grande  profondeur  de  l'eau  a  été  trouvée  de 
10"», 50,  elle  est  dans  la  partie  supérieure  du  lac.  Les  fonds, 
dans  cette  partie,  varient  entre  10  mètres  et  5  mètres,  ils 
diminuent  régulièrement  en  s'approchant  des  berges  et  du 
passage  rétréci  oi^i  il  n'y  a  plus  que  4  mètres  et  3  mètres. 
Dans  la  partie  inférieure,  qui  est  rapprochée  du  fjord,  les 
bords  ne  dépassent  pas  3  mètres,  et  s'en  vont  en  diminuant 
vers  l'embouchure  oii  il  n'y  a  plus  que  O^'.^ô. 

»  Dans  la  communication  avec  la  mer,  qui  a  50  mètres  de 
large,  il  y  a  un  petit  chenal  indiqué  par  des  flèches,  et  dans 
lequel  une  embarcation  légère  peut  arriver  à  flot  jusqu'à 
50  mètres  de  la  mer. 


^Jiiv'teve 


CdSCSLcLe. 


CdSCàde 


C^^câde  ^^^^r.  L  ardeur 


206  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

»  A.  cet  endroit,  elle  est  arrêtée  par  un  barrage  en  galets 
sur  lequel  il  ne  reste  plus  que  0-,10  d'eau  à  marée  basse. 

»  La  surface  du  lac,  à  ce  moment,  est  alors  soulevée  de 
1",50  environ  au-dessus  du  niveau  du  fjord  oii  il  débouche. 

»  A  marée  haute,  le  niveau  commun  se  rétablit  et  sur  le 
barrage  il  y  a  environ  30  centimètres  d'eau,  c'est-à-dire  suf- 
fisamment pour  permettre  au  poisson  d'accéder  du  fjord  au 
lac.  En  1881,  des  milliers  de  Harengs  s'jMutroduisirent  ainsi 
et  fournirent  inopinément  aux  habitants  une  ressource  à 
laquelle  ils  étaient  bien  loin  de  s'attendre. 

»  Le  25  juillet,  nous  avons  constaté  qu'à  marée  haute,  l'eau 
avait  monté  de  0'",25  dans  le  lac. 

»  La  langue  de  sable  noir,  qui  sépare  le  fjord  du  lac,  me- 
sure 720  mètres  à  marée  haute;  elle  doit  être  couverte 
lorsque  les  vents  soufflent  du  large  avec  violence,  car  nous 
y  avons  trouvé  des  bois  flottés,  des  racines  d'herbes  marines, 
des  coquilles  qui  ont  dû  y  être  laissés  par  la  mer. 

»  Nous  avons  pris  dans  le  lac  une  Truite  et  une  Morue 
assez  fortes  ;  toutes  les  deux  ressemblent  complètement  aux 
poissons  que  nous  avons  précédemment  péchés  soit  à  la  mer, 
soit  sur  des  rivières  communiquant  avec  la  mer. 

»  J'ai  fait  mettre  ces  poissons  dans  l'alcool,  je  tous  les 
adresserai,  suivant  vos  ordres.  Monsieur  le  Ministre,  dès  que 
je  serai  arrivé  à  Cherbourg. 

»  Il  en  sera  de  même  des  bouteilles  d'eau  que  nous  avons 
puisée  aux  profondeurs  suivantes  :  2™,50,  7"", 50,  10  mètres.  » 

Sans  être  redevenu  un  fjord,  dans  toute  l'acception  du 
mot,  l'Olafsfjord  n'est  donc  plus,  à  proprement  parler,  un 
lac.  L'analyse  de  ses  eaux,  dont  le  commandant  Littré  a  eu 
l'extrême  obligeance  de  nous  rapporter  de  nombreux  échan- 
tillons, puisés  dans  différentes  parties,  et  à  des  profondeurs 
variables,  en  fournit  la  preuve  manifeste.  Il  y  a  lutte  entre 
l'apport  constant  des  rivières  qui  s"y  jettent  de  tous  côtés,  et 
celui  de  la  mer,  dont  les  puissantes  vagues  l'envahissent  aux 
grandes  marées.  Ces  conditions  physiques  ne  peuvent  man- 
quer de  produire,  à  certains  moments,  de  très  brusques  et 
très  notables  modifications  dans  la  composition  chimique  de 
l'eau  ;  il  semble,  néanmoins,  que  le  débit  des  torrents  leur 
maintienne  encore  la  prépondérance. 

D'après  les  analyses  de  notre  savant  ami,  M.  le  D""  Hen- 
neguv,  l'eau  recueillie    dans  l'intérieur  de  l'Olafsfjord  ,    à 


L'OLAFSFJÛRD  D'ISLANDE.  207 

2'", 50  de  profondeur,  offre  une  densité  de  1,000.  La  densité  de 
l'eau  prise  par  10  mètres  de  fond  est  1,011. 

L'eau  n°  1  est  de  l'eau  douce  pure,  peut-être  avec  un  den- 
simètre  extrêmement  sensible,  trouverait-on  une  différence 
avec  celle-ci;  mais  cette  différence,  assurément,  serait  très 
légère.  L'eau  n"  2,  d'après  les  tables  de  densité  des  solutions 
de  sel  marin,  renfermerait  environ  1  gr.  75  p.  %  de  sel  (1). 

La  collection  comprenait  21  bouteilles,  dont  une  partie  a 
été  envoyée  au  Muséum,  avec  l'ensemble  des  documents, 
animaux  et  objets  divers  rapportés. 

Il  est  curieux  de  connaître  la  faune  qui  peuple  un  tel  mi- 
lieu. Sans  nous  en  donner  la  composition  complète,  les  quel- 
ques coups  de  senne  jetés  au  passage  par  les  marins  du  Châ- 
teaurenauU  nous  en  montrent  l'étrangeté,  puisqu'on  voit 
s'y  maintenir  l'une  des  espèces  essentiellement  marines, 
reconnues,  il  y  a  plus  d'un  siècle,  parles  explorateurs  danois, 
la  Morue. 

Depuis  quel  temps  vivaient-elles  là  ?  S'y  étaient-elles  in- 
troduites récemment,  à  la  faveur  de  quelque  violent  raz  de 
mer?  N'y  vivaient-elles  pas,  au  contraire,  de  longue  date,  et 
n'avaient-elles  pas  subi  cet  acclimatement  supposé  par  les 
naturalistes  cités  plus  haut  ?  ce  sont  autant  de  points  obscurs 
qu'il  serait  bien  intéressant  d'éclaircir. 

Ce  n'est  pas,  sans  doute,  qu'il  puisse  être  jamais  question 
d'étendre  à  nos  eaux  douces  l'habitat  de  la  Morue,  au  moj-en 
de  reproductions  artificielles.  L'acquisition  serait  fâcheuse 
au  point  de  vue  économique,  car  l'incroyable  voracité  de  ce 
poisson  en  ferait  un  commensal  incommode  autant  que  dan- 
gereux pour  les  espèces  plus  précieuses  qui  peuplent  nos 
lacs  ;  il  y  vivrait  d'abord  à  leurs  dépens,  et  après  les  avoir 
rapidement  épuisées,  s'y  trouverait  bientôt  lui-même  réduit 
à  la  demi-ration.  Mais,  scientifiquement,  les  observations  déjà 
faites,  ou  encore  à  faire  à  l'Olafsfjord  peuvent  donner  la 
mesure  de  l'élasticité  présentée  par  certains  êtres  au  point  de 
vue  des  conditions  de  leur  existence. 


(1)  Une  solution  de  sel  à   1  "/o  a  une  densité  de  1,007'2o,  et  une  solution  à 
2  o/„  =r  1,0145,  la  densité  étaut  prise  à  150  c. 


208  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

OBSERVATIONS 

A  L'OCCASION  DE  LA  COMMUNICATION  PRÉCÉDENTE 
Par  m.  RAVERET-WATTEL. 


A  l'occasion  de  la  très  intéressante  communication  faite 
par  M.  le  Secrétaire  général,  il  n'est  peut-être  pas  inutile  de 
rappeler,  Messieurs,  que  certains  poissons  de  mer  présentent 
une  remarquable  facilité  d'adaptation  au  séjour  en  eau  douce. 
Le  fait  a  été  signalé,  il  y  a  longtemps  déjà,  par  M.  le  docteur 
Gillet  de  Grandmont,  auquel  une  mission  sur  les  côtes  de 
l'Océan  avait  été  confiée  par  la  Société.  Le  Mullet  [Mugil 
capito),  des  Blennies,  etc.,  ont  été  tout  particulièrement  si- 
gnalés à  ce  sujet  par  notre  Collègue,  qui  a  trouvé  des  alevins 
de  ces  diverses  espèces  jusque  dans  l'eau,  complètement 
souillée  de  savon,  d'un  bassin  servant  de  lavoir.  Le  Bar 
{Làbrax  lupus)  peut  être  aussi  mentionné  comme  s'en- 
gageant  très  volontiers  en  rivière  dans  des  eaux  à  peine 
salées,  ou  même  tout  à  fait  douces.  C'est  ainsi  qu'à  Boulogne- 
sur- Mer,  par  exemple,  on  voit  fréquemment,  en  automne,  des 
bandes  de  jeunes  Bars  remonter  la  Liane  jusqu'au  Pont-Pit- 
tendal,  où  ils  paraissent  rechercher  le  voisinage  des  bouches 
d'eau  chaude  de  l'usine  à  ciment.  Divers  Pleuronectes  ont 
des  habitudes  analogues  ;  mais  l'espèce  la  plus  remarquable 
sous  ce  rapport  est  le  Flet  [Flesits  ri(lga?ns),  qui  remonte 
souvent  dans  les  rivières  jusqu'à  30  ou  40  kilomètres  de  la 
mer. 

D'un  autre  côté,  certains  poissons  d'eau  douce,  et  beaucoup 
de  Salmonidés  en  particulier,  peuvent  vivre  et  même  pros- 
pérer d'une  façon  tout  à  fait  remarquable  en  eau  saumâtre, 
voire  même  en  eau  salée.  Des  observations  très  curieuses  ont 
été  faites  à  ce  sujet,  sur  la  Truite  et  sur  des  poissons  qui  sem- 
blaient fort  peu  préparés  à  un  pareil  changement  de  miheu. 
Il  s'agit  de  TOmble-Chevalier  (Salmo  vel  Salvelinu.s  iimUa) 
d'Europe,  et  d'un  autre  Salvelin,  le  Salmo  [Salvelinus)  fon- 
tlnalis  de  l'Amérique  du  Nord.  L'Omble-Chevalier,   qui  est 


A  PROPOS  DE  L'OLAFSF.TORD  D'ISLANDE.  209 

surtout  un  habitant  des  lacs  du  centre  et  du  nord  de  l'Europe, 
modifie  parfois  notablement  ses  habitudes.  Particulièrement 
en  Laponie,  mais  aussi  dans  des  régions  moins  septentrionales, 
en  Suède,  en  Norvège,  l'Omble-Chevalier  se  rencontre  très 
fréquemment  dans  les  rivières,  et  il  descend  souvent  dans  les 
eaux  salées,  où  il  passe  une  partie  de  son  existence.  Vers  1869 
ou  1870,  M.  Hetting,  de  Christiania,  a  fait  parvenir  à  notre 
Société  des  Ombles-Chevaliers  qui  avaient  été  péchés  en  pleine 
mer,  sur  la  côte  de  Finmark.  Dans  les  fleuves  de  cette  con- 
trée, rOmble-Chevalier  présente  les  habitudes  anadromes  du 
Saumon  et  de  la  Truite  de  mer,  c'est-à-dire  qu'il  descend 
chaque  année,  pour  un  temps  plus  ou  moins  long,  à  la  mer, 
où  il  prend  un  développement  rapide,  sans  doute  à  cause  de 
la  nourriture  abondante  qu'il  y  trouve.  Le  séjour  en  eau  salée 
exerce  encore  sur  lui  une  autre  influence  :  Sa  coloration  gé- 
nérale se  modifie  ;  il  perd  ses  teintes  propres,  pour  revêtir  la 
livrée  .argentée  particulière  aux  Salmonidés  qui  vont  à  la 
mer.  Mais,  que  des  sujets  ainsi  modifiés  se  trouvent  appelés 
de  nouveau  à  vivre  uniquement  en  eau  douce,  et  l'on  voit 
reparaître,  au  bout  d'un  certain  temps,  l'aspect  primitif  et  les 
couleurs  de  la  livrée  normale. 

Des  observations  absolument  semblables  ont  été  faites,  en 
Amérique,  sur  le  Sabno  f07itinalis  qui,  dans  les  cours  d'eau 
aboutissant  à  la  mer,  gagne  volontiers  les  eaux  salées  et 
prend  des  habitudes  anadromes,  en  subissant  les  mêmes  mo- 
difications de  couleurs  que  celles  observées  en  Europe  sur 
rOmble-Chevalier. 

Mais  il  est  un  autre  poisson  qu'on  s'attendrait,  sans  doute, 
moins  encore  à  s'accommoder  du  séjour  en  eau  saumâtre  et 
qui,  cependant,  y  prospère  à  merveille  :  c'est  la  Carpe,  qui, 
dans  ce  milieu  anormal,  prend  un  développement  remar- 
quable, ainsi  que  l'a  tout  particulièrement  constaté  M.  le  pro- 
fesseur Rasch . 

Il  semble  donc  qu'on  pourrait  assez  facilement  arriver  à 
faire  vivre  bon  nombre  de  poissons  d'eau  douce  en  eau  salée 
et  réciproquement.  Nous  savons,  du  reste,  que  beaucoup 
d'espèces  passent  alternativement  leur  existence  dans  les 
eaux  douces  et  dans  les  eaux  salées.  Parmi  les  poissons  ana- 
dromes, le  Saumon  est  assurément  un  de  ceux  dont  les  habi- 
tudes ont  été  le  plus  étudiées,  et,  cependant,  il  nous  reste 
beaucoup  à  apprendre  sur  son  compte.  Un  fait  assez  remar- 

5  Mars   1893.  14 


210  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

quable,  c'est  que  ce  poisson,  qui  paraît  avoir  besoin  de  vivre 
pendant  un  certain  temps  dans  la  mer  pour  acquérir  tout  son 
développement,  ne  saurait  accomplir,  à  toute  époque  de  sa 
vie,  ces  passages  de  l'eau  douce  dans  l'eau  salée.  A  l'aquarium 
de  Brighton  (établissement  qui  avait  été  créé,  tout  d'abord, 
dans  un  but  de  recherches  scientifiques),  on  a  fait,  il  y  a  une 
vingtaine  d'années,  des  observations  assez  curieuses  à  ce 
sujet  :  Chacun  sait  que  les  jeunes  Saumons  portent,  pendant 
le  premier  âge,  une  livrée  spéciale,  qu'ils  quittent,  pour  le 
plus  grand  nombre,  au  bout  d'une  année,  pour  prendre  une 
robe  argentée.  De  parrs,  pour  employer  les  appellations  en 
usage  dans  la  Grande-Bretagne,  ils  deviennent  des  smolis.  A 
cet  âge,  les  jeunes  Saumons  émigrent  et  descendent  à  la  mer. 
Eh  bien,  si  avant  qu'ils  n'aient  revêtu  cette  livrée  argentée 
spéciale,  on  les  place,  comme  on  l'a  observé  à  Brighton,  su- 
bitement ou  même  peu  à  peu  dans  l'eau  de  mer,  ils  meurent 
immédiatement  ;  il  leur  est  impossible  de  supporter  la  salure 
de  l'eau.  Mais  si  l'on  attend  le  moment  où  commence  à 
s'effectuer  la  transformation  en  smolts,  c'est-à-dire  le  moment 
où  ils  commencent  à  prendre  leurs  reflets  argentés,  on  peut, 
sans  qu'ils  n'en  souffrent  nullement,  les  faire  passer,  même 
brusquement,  en  eau  salée  ;  ils  supportent  parfaitement  le 
changement  de  milieu,  dont  l'action  se  traduit  uniquement 
par  une  transformation  plus  rapide  de  l'aspect  du  poisson 
que  dans  les  conditions  normales.  Il  y  aurait  un  intérêt  très 
grand  à  multiplier,  en  les  variant,  des  expériences  de  cette 
nature,  qui  pourraient  éclairer  sur  l'origine  de  certaines 
espèces.  Ainsi,  il  paraît  probable  que  divers  salmonidés  ont 
subi,  à  une  époque  plus  ou  moins  éloignée  de  nous,  des  mo- 
difications notables  dans  les  conditions  de  leur  existence  : 
telles  espèces  qui  se  rendaient  autrefois  périodiquement  à  la 
mer,  ont  été,  par  suite  des  certains  événements,  de  phéno- 
mènes sismiques  ou  autres,  mises  dans  l'impossibilité  de  le 
faire,  et  elles  ont  accepté,  en  se  modifiant  plus  ou  moins,  le 
nouveau  genre  de  vie  qui  leur  était  imposé. 


INSECTES 

QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES 

HARICOTS,    POIS,    ETC.    BLÉS,    ORGES,    ETC.    FARINES 

MOYENS  DE  DESTRUCTION 

Par  m.  DECAUX, 

Membre    de  la   Société   Entomologique   de   France. 

(suite   ET  FIN   *) 


Procédés  de  destruction. 

Nous  avons  vu  que  la  culture  française  produisait  environ 
275,000,000  d'hectolitres  de  Céréales.  Ces  immenses  quantités 
de  graines  sont  conservées  presque  en  entier  dans  les  gre- 
niers des  milliers  de  cultivateurs  ruraux. 

Les  graines  importées,  114,000,000  d'iiectoîitres,  sont  en 
général  déposées  dans  des  magasins  ou  entrepôts  contenant 
des  quantités  variant  de  1,000  à  20,000  hectolitres. 

Pour  simplifier  les  opérations,  nous  adopterons  deux  mé- 
thodes :  1°  pour  les  greniers  des  cultivateurs  ruraux  ;  2<»  pour 
les  magasins  et  les  grands  entrepôts. 

Dans  les  greniers  ruraux. 

Le  moment  le  plus  propice  pour  désinfecter  un  grenier  est 
du  mois  de  juillet  au  mois  de  septembre.  A  cette  époque,  les 
graines  diverses  de  la  récolte  précédente  sont  réduites  dans 
de  grandes  proportions,  il  sera  donc  facile  de  stériliser  à 
peu  de  frais  les  graines  restantes,  sans  en  excepter  le 
moindre  petit  tas,  par  l'emploi  du  sulfure  de  Carbone  en 
vase  clos,  comme  nous  l'avons  indiqué  à  la  première  partie. 

Soins  à  donner  aux  greniers.  —  Aussitôt  la  stérilisation 

(*)  Voyez  plus  haut,  p.  164. 


212  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

des  graines  terminées,  le  grenier  sera  balayé  avec  soin  (les 
balayures  devront  être  jetées  au  feu),  puis  on  lavera  les  par- 
quets ou  carrelages,  avec  une  solution  de  potasse  assez  forte  ; 
les  murs  seront  badigeonnés  dans  toute  leur  étendue,  avec 
du  coaltar  additionné  d'un  peu  de  pétrole  (5  à  10  0/0  en- 
viron), on  fera  de  même  pour  les  bois  de  charpente,  afin  de 
détruire  les  C.  granaria  réfugiés  dans  les  fentes.  A  défaut 
de  coaltar,  le  badigeonnage  à  la  chaux  peut  donner  de  bons 
résultats,  mais  il  est  moins  sur  que  le  coaltar. 

En  résumé,  il  est  possible  et  même  facile  d'empêcher  les 
immenses  désastres  causés  aux  Céréales  par  C.  granaria 
dans  les  greniers  des  cultivateurs  ;  qu'il  me  soit  permis  de  le 
lirouver  par  un  exemple. 

Au  mois  d'août  1882,  je  me  trouvais  dans  une  ferme  assez 
importante  du  département  de  la  Somme  ;  (la  récolte  de  blé 
atteint  8  à  900  hectolitres,  chaque  année),  le  grenier  est 
vaste,  bien  aéré  par  des  lucarnes  percées  dans  le  toit  ; 
m'étant  approché  d'un  mont  de  blé,  je  le  trouvai  infesté  de 
C.  grenaria,  au  point  que  certaines  parties  du  tas  semblaient 
se  mouvoir  ;  le  grenier  contenait  en  outre  d'autres  plus  petits 
tas  de  graines  diverses,  dont  plusieurs  provenaient  de  récoltes 
antérieures.  Ce  grenier  se  trouvant  dans  d'excellentes  con- 
ditions pour  tenter  une  expérience  sérieuse,  j'offris  au  cul- 
tivateur de  le  débarrasser  de  ces  coûteuses  bestioles.  Tous 
les  tas  de  Céréales  diverses  furent  désinfectés  par  le  sulfure 
de  Carbone,  à  l'aide  du  tonneau,  comme  il  a  été  recom- 
mandé ci-dessus.  Pour  le  tas  de  blé,  qui  contenait  environ 
15  hectolitres,  je  résolus  d'essayer  la  stérilisation  sur  place, 
en  faisant  pénétrer  en  divers  endroits  du  mont  de  blé  un 
litre  de  sulfure  de  Carbone,  puis,  avec  l'aide  du  fermier, 
nous  avons  recouvert  le  mont,  aussi  hermétiquement  que 
possible,  avec  une  bâche  de  toile  goudronnée  pliée  en  double 
et  préparée  à  l'avance.  Le  lendemain,  nous  avons  passé 
tous  les  grains  au  van  (tarare)  et  recueilli  près  de  deux  litres 
de  C.  granaria,  morts,  ce  qui  suppose  un  nombre  incalcu- 
lable d'insectes. 

Le  poids  d'un  hectolitre  de  ce  blé  n'était  plus  que  de  65  ki- 
logrammes ;  le  même  blé,  au  moment  de  la  récolte,  pesait 
80  kilogrammes  :  c'est  donc  15  kilos  de  farine  que  les  insectes 
avaient  dévorés  par  hectolitre. 

Le  grenier  fut  balayé  avec  soin,  le  sol  lavé  avec  une  solu- 


INSECTES  QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES.     213 

tion  de  potasse,  les  murs  et  la  charpente  badigeonnés  à 
la  chaux.  Cette  dernière  opération  a  été  renouvelée  chaque 
année,  en  outre  on  évite  de  garder  des  graines  plusieurs 
années  dans  le  grenier.  Le  C.  granaria  n'a  plus  reparu,  au 
grand  profit  du  cultivateur. 

Je  ne  conseille  pas  de  traiter  sur  place  les  graines,  comme 
je  l'ai  fait,  cela  n'est  pas  prudent  pour  les  personnes  inex- 
périmentées, il  faut  toujours  opérer  à  l'air  libre  et. suivre 
les  recommandations  déjà  indiquées. 

Pour  démontrer  au  fermier  que  le  blé,  ainsi  traité,  ne  pré- 
sente aucun  danger,  au  point  de  vue  alimentaire,  nous  avons, 
pendant  deux  jours,  distribué  des  graines  à  satiété  à  de  la 
volaille  enfermée  dans  une  étable  ;  pas  une  béte  n'a  montré 
la  plus  légère  indisposition. 

Dans  les  grands  magasins  et  entrepôts  contenant 
de  grandes  quantités   de  graines 

(1,000  A  20,000  HECTOLITRES). 

Les  Céréales  importées  et  plus  particulièrement  les  blés 
d'Amérique  et  des  Indes,  sont  presque  toujours  contaminées 
(plus  ou  moins),  à  leur  arrivée  en  France,  soit  qu'elles  aient 
été  attaquées  dans  les  entrepôts  d'embarquement,  soit,  le 
plus  souvent,  dans  les  paquebots  qui  les  transportent. 

Moyens  de  destruction. 

Les  nombreux  systèmes,  bien  connus,  de  greniers  où  le 
blé  est  remué  sans  cesse  et  ventilé  mécaniquement,  sont 
coûteux  et  ne  sont  pas  d'une  efficacité  absolue  ;  on  m'assure 
qu'ils  ont  été  abandonnés  par  la  Société  des  Magasins  Géné- 
raux et  autres  grands  dépositaires  de  blés  ?  Cependant  il  est 
à  notre  connaissance  que  la  manutention  militaire  en  fait 
«ncore  usage. 

Procédé  à  basse  iempcralure.  —  Nous  avons  multiplié 
nos  expériences  sur  l'influence  continue  d'une  température 
basse  ;  il  nous  a  été  démontré  que  le  C.  granaria  ne  pouvait 
pas  se  re[)roduire  à  une  temi)érature  constante  ne  dépassant 
pas  +  5  à  6  degrés  centigrades  pendant  toute  l'année,  et 
qu'il  ne  commettait  pas  de  dégâts. 


214  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

S'il  était  possible  de  construire  à  bas  prix  des  silos  sou- 
terrains, imperméables  à  l'humidité,  ils  donneraient  de  bons 
résultats,  parce  que  la  température  n'y  dépasserait  -h  5  à 
6  centigrades,  que  du  15  juillet  au  15  septembre,  et  qu'il  se- 
rait facile,  sans  de  grandes  dépenses,  d'y  envoyer  de  temps 
en  temps,  un  courant  d'air  glacé  pour  combattre  Tefitet  exté- 
rieur de  ces  mois  caniculaires  ? 

Procédé  au  sulfure  de  Carbone.  —  Le  mode  d'emploi  du 
sulfure  de  Carbone,  en  vase  clos,  qui  nous  a  donné  de  si 
bons  résultats  pour  les  greniers  des  cultivateurs,  lorsqu'il  ne 
s'agit  de  traiter  que  des  quantités  de  graines  dépassant  ra- 
rement 100  hectolitres,  est  impraticable  pour  des  magasins 
renfermant  plusieurs  milliers  d'hectolitres. 

Procédé  à  l'acide  sulfureux.  —  A  la  suite  de  nombreuses 
expériences  faites  séparément  et  répétées  en  commun  par 
le  Docteur  Charles  Decaux  et  moi,  il  nous  a  été  démontré 
qu'un  bâton  de  soufre  d'un  kilogramme,  coûtant  vingt  cen- 
times, produisait,  en  le  brûlant,  l'acide  sulfureux  nécessaire 
pour  désinfecter  siirement  tout  le  blé  contenu  dans  un  local 
fermé,  d'une  capacité  de  .33  à  35  mètres  cubes,  et  qu'en  re- 
nouvelant l'opération  deux  fois  par  an,  on  pouvait  conserver 
impunément  des  graines  deux  et  trois  années,  sans  perte 
aucune  de  la  part  des  Calandra,  Buialis  cerealella  (alucites), 
Tinea  granella,  etc. 

Nous  ne  saurions  trop  appeler  l'attention  de  la  ville  de 
Paris  et  de  l'Administration  de  la  Guerre  sur  l'importance  de 
ce  procédé  économique,  en  vue  d'assurer  la  stérilisation  des 
immenses  approvisionnements  de  céréales  à  créer  (300,000 
hectolitres  de  blé)  pour  assurer,  en  cas  de  guerre,  l'alimen- 
tation de  la  Capitale  et  de  ses  défenseurs. 

Sur  un  emplacement  sec  et  bien  exposé  (au  midi,  de  préfé- 
rence), il  serait  facile  de  construire,  avec  peu  de  frais,  des 
magasins  légers,  en  pierre  ou  en  bois,  ayant  8  mètres  de  long, 
sur  6  mètres  de  large  et  5  mètres  de  hauteur  ;  la  partie  essen- 
tielle consiste  à  recouvrir  les  parois  intérieures,  sol,  murs  et 
voûtes,  d'une  couche  de  béton,  d'environ  cinq  centimètres 
d'épaisseur,  de  façon  aies  rendre  imperméables.  On  laisserait 
une  seule  ouverture  ou  porte  pour  y  emmagasiner  environ 
2,000  lijectolitres  de  graines  ;  pour  empêcher  les  graines  d'obs- 
truer l'ouverture,  on  peut  disposer  une  barrière  en  tôle  légère 


INSECTES   QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES   ALIMENTAIRES.     215 

pour  les  retenir.  Le  magasin  rempli,  on  placerait,  dans  l'es- 
pace resté  libre,  devant  la  porte,  un  fourneau  en  tôle  d'une 
forme  spéciale,  rempli  de  soufre  en  canon  (brisé  en  très  petits 
morceaux);  puis  on  fermerait  la  porte  du  magasin,  le  plus 
hermétiquement  possible.  A  l'aide  d'un  fort  soufflet  placé  à 
l'extérieur,  et  communiquant  avec  le  fourneau  par  un  tube, 
on  envoie  un  puissant  courant  d'air  qui  accélère  la  combustion 
du  soufre  et  chasse  les  vapeurs  sulfureuses  dans  toutes  les 
parties  du  magasin. 

Par  économie  de  construction,  rien  n'empêche  d'établir  des 
magasins  contigus  et  doubles  en  profondeur,  en  les  divisant  de 
façon  à  obtenir  une  capacité  de  240  mètres  cubes  pour  chacun, 
capacité  suffisante  pour  contenir  2,000  hectolitres  de  graines 
et  qu'on  peut  désinfecter  sûrement  avec  8  à  10  kilos  de  soufre  ; 
soit  une  dépense  de  un  franc  soixante  centimes  à  deux  francs 
à  répéter  deux  fois  par  an,  si  les  graines  doivent  être  conser- 
vées en  magasin  plusieurs  années,  ou  chaque  fois  que  l'on 
ouvrira  le  magasin  pour  retirer  une  partie  de  la  provision. 

L'emploi  de  ces  magasins  dans  nos  colonies  rendrait  des 
services  inappréciables  pour  la  conservation  des  approvi- 
sionnements de  céréales,  riz,  maïs,  etc.,  dévorés  chaque  an- 
née dans  des  proportions  considérables. 

Enfin,  ces  magasins  donneraient  d'excellents  résultats  pour 
conserver  les  approvisionnements  militaires  dans  les  places 
fortes. 

A  défaut  de  constructions  neuves,  nous  espérons  que  nos 
ingénieurs  trouveront  moyen  de  transformer,  à  peu  de  frais, 
les  magasins  existant  déjà,  en  les  appropriant  pour  ce  nou- 
veau mode  de  conservation,  d'une  immunité  incontestable, 
et  pour  ainsi  dire  sans  frais  ? 

On  obtiendrait  également  la  conservation  des  graines  dans 
ces  magasins  neufs  ou  transformés,  en  employant  : 

1»  L'acide  carbonigite  agissant  comme  atmosphère  irres- 
pirable (Les  siphons  d'acide  carbonique  liquéfié  sont  très 
commodes  pour  produire  ce  gaz  en  grande  quantité)  ; 

2°  Le  sulfure  de  carbone  à  très  petite  dose,  soit  20  litres  de 
sulfure  de  carbone  par  magasin  contenant  2,000  hectolitres. 

Mode  d'emploi.  — Pour  retarder  la  volatilisation,  on  laisse- 
rait le  sulfure  de  carbone  dans  des  bouteilles  contenant  un 
litre  et  bouchées  avec  un  tampon  d'ouate  ;  ces  20  bouteilles 


216  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

disséminées  dans  toutes  les  parties  du  magasin,  on  fermerait 
la  porte  aussi  hermétiquement  que  possible.  Par  ce  moyen 
nous  avons  obtenu  une  vaporisation  lente  et  continuelle  pen- 
dant vingt  à  trente  jours. 

Ce  procédé  est  basé  sur  de  nombreuses  observations,  qui 
nous  ont  démontré  que  les  insectes  peuvent  s'abstenir  de  res- 
pirer pendant  quelque  temps,  ce  qui  leur  permet  de  résister 
dans  un  milieu  d'émanations  toxiques  très  puissant,  mais  de 
peu  de  durée  ;  tandis  qu'ils  meurent  sûrement  en  employant 
le  même  toxique  très  faible,  lorsqu'ils  sont  forcés  de  séjourner 
longtemps  dans  ce  milieu. 

M.  Balland,  pharmacien-major  au  laboratoire  de  l'Inten- 
dance (1),  a  examiné  des  farines  laissées  dans  un  magasin 
traité  à  l'acide  sulfureux  à  la  dose  de  60  grammes  par  mètre 
cube  pendant  36  heures;  ce  savant  a  reconnu  que  le  gluten, 
sous  l'action  de  la  sulfuration,  se  désagrège,  perd  sa  cohésion 
et  devient  impropre  à  la  panification;  par  diverses  expé- 
riences, il  démontre  que  le  gluten  est  simplement  modifié, 
mais  non  détruit:  qu'il  conserve,  par  suite,  toutes  ses  proprié- 
tés nutritives  et  que  le  biscuit  sans  sel  ni  levain,  préparé  ex- 
clusivement avec  la  farine  sulfurée,  offre  tous  les  caractères 
d'une  bonne  fabrication,  et  que  rien  ne  peut  faire  supposer, 
physiquement  ou  chimiquement,  que  le  gluten  a  été  désagrégé 
par  la  sulfuration. 

S'il  était  reconnu,  par  la  suite,  que  la  sulfuration  peut  avoir 
les  mêmes  inconvénients  sur  le  blé,  il  faudrait  remplacer  l'acide 
sulfureux  par  l'acide  carbonique  ou  le  sulfure  de  carbone, 
comme  il  a  été  dit,  pour  la  conservation  du  blé  seulement  ; 
les  autres  graines  :  riz,  maïs,  avoine,  etc.,  biscuit  de  troupe, 
n'ayant  rien  à  craindre  de  la  sulfuration. 

Dans  l'état  actuel  de  nos  entrepôts,  on  peut  diminuer  les 
dégâts  d'une  façon  notable  : 

lo  En  badigeonnant  les  murs  des  magasins  au  goudron  pé- 
trole, lessivant  les  parquets,  etc.,  chaque  année,  comme  il  a 
été  dit. 

2°  En  disposant  un  tas  d'orge,  d'un  hectolitre  ou  deux, 
comme  piège,  près  des  monts  de  blé,  et  en  remuant  ces  der- 

(1  :  De  l'action  de  l'acide  sulfureux  sur  les  farines  [Revue  du  service  de  l'Inten- 
dance »Mî7t^fl«/f,  juillet  1890). 


INSECTES  QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES.     217 

niers  deux  ou  trois  lois  chaque  année  (l'''"  mai,  l*""  juillet  et 
15  août;  les  Charançons  se  réfugient  dans  le  tas  d'orge,  il  est 
alors  facile  de  les  détruire  en  traitant  ce  dernier  par  le  pro- 
cédé au  sulfure  de  carbone  {en  vase  clos). 

3°  En  employant  les  tampons  de  plantes  à  odeur  forte  citées 
ci-dessus  et  laissant  le  tas  d'orge  comme  piège  à  désinfecter, 
trois  ou  quatre  fois  de  mai  à  septembre. 

Les  céréales  sont  encore  attaquées,  dans  les  greniers  et  en- 
pôts,  par  : 

L'Alucite  {Dutalis  Cerealella,  Dur.). 

La  Teigne  des  grains  [Tbiea  granella,  Linné). 

L'ALUCITE  (Butalis  Cerealella,  Dup.). 

Longueur  5  à  6  millimètres,  couleur  gris-cendré,  antennes 
simples  filiformes  ;  les  ailes  sont  couchées  sur  le  dos  et  paral- 
lèles au  plan  de  position.  Les  supérieures  briqueté-pâle;  les 
inférieures  sont  cendrées  et  frangées  à  leur  bord  interne. 

Mœurs. 

Le  papillon  apparaît  en  juillet,  s'accouple  le  soir,  au  coucher 
du  soleil,  sur  les  épis  de  blé,  de  seigle,  d'orge  ou  d'avoine.  La 
femelle  pond  un  seul  œuf  sur  la  pointe  du  grain,  entre  les 
écailles  ou  balles  qui  l'enveloppent  ;  elle  dépose  1  à  20  œufs 
sur  l'épi  qu'elle  a  choisi  et  continue  sur  d'autres  épis  jusqu'à 
l'épuisement  de  sa  ponte.  Ces  œufs  sont  rouges,  très  petits  ;  ils 
éclosent  au  bout  de  quelques  jours. 

La  petite  chenille  se  tient  d'abord  cachée  dans  le  sillon  du 

grain  et  se  recouvre  d'une  très  fine  toile  de  soie,  puis  elle  perce 

le  grain  et  engage  sa  tête  dans  le  trou  ;  elle  mange  la  farine  et 

approfondit  son  excavation  dans  laquelle  elle  est  bientôt  ca- 

îhée.  Le  petit  trou,  par  lequel  elle  est  entrée,  est  bouché  par 

ses  excréments.  Lorsqu'elle  a  pris  tout  son  accroissement,  elle 

la  6  millimètres  de  longueur,  elle  est  cylindrique,  blanche,  sa 

jtéte  est  un  peu  brune,  elle  est  pourvue  de  seize  pattes;  avant 

Ide  se  chrysalider,  elle  ronge  et  prépare  à  l'intérieur  du  grain 

[le  trou  par  lequel  sortira  le  papillon. 

Le  temps  nécessaire  i)Our  ses  évolutions,  depuis  l'œuf  jus- 
[qu'à  la  sortie  du  papillon,  exige  de  trente  à  quarante  jours, 
[selon  la  température.  Les  chenilles  nées  sur  les  épis  passent, 


218  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

en  général,  l'hiver  dans  la  graine,  sons  forme  de  chrysalides, 
et  sont  ainsi  amenées  dans  les  greniers  après  le  battage.  Fin 
avril,  le  papillon  sort,  s'accouple  et  pond  sur  les  grains  con- 
servés dans  le  grenier.  Si  l'année  est  chaude,  il  peut  y  avoir 
deux  générations  dans  les  greniers  ;  si  elle  est  froide,  il  n'y  a 
qu'une  génération;  en  ce  cas,  les  papillons  nés  de  la  généra- 
tion d'avril  s'envolent  par  les  fenêtres  et  vont  gagner  la  cam- 
pagne. 

Destruction. 

Nous  ne  connaissons  pas  de  moyens  simples  pour  détruire 
cet  insecte,  sur  les  épis  des  céréales  avant  la  ponte. 

On  peut  recommander  de  faire  battre  les'  blés,  le  plus 
promptement  possible  après  la  récolte,  pour  écraser  les 
petites  chenilles,  avant  leur  entrée  complète  dans  l'intérieur 
du  grain. 

Dans  les  greniers.  —  Le  traitement  au  sulfure  de  carbone, 
en  vase  clos,  comme  il  a  été  recommandé  ci-dessus,  détruira 
sûrement  VAlucite. 

Le  passage  des  grains  au  four  ou  à  l'étuve  chauffée  à 
+  40  à  .50  centigrades  pendant  une  heure,  donnera  également 
de  bons  résultats;  malheureusement  ce  procédé  est  assez 
coûteux. 

L'emploi  des  magasins,  traités  à  l'acide  sulfureux  arrêtera 
les  dégâts.  —  L'Alucite  résiste  moins  aux  divers  traitements 
que  les  Calandra  (1). 

TINEA  GRANELLA  (Linné). 

Longueur  5  à  6  millimètres,  d'un  cendré  obscur,  les  ailes 
supérieures  sont  grises  ou  cendrées,  irrégulièrement  tachées 
et  ponctuées  de  brun  ;  les  inférieures  sont  entièrement  noi- 
râtres. 

(1)  Nous  avons  trouvé  une  petite  mouche  à  quatre  ailes,  parasite  de  l'Alucite 
de  la  famille  des  Chalculites, . .  indéterminée?  Longueur  2  à  3  millimètres, 
vert  bronzé,  abdomen  de  la  longueur  du  thorax  et  de  la  tête  réunis,  légèrement 
conique,  ailes  hyalines.  Heureux  les  cultivateurs  qui  rencontreront  celte  mouche 
qu'il  ne  faut  pas  détruire;  dans  leurs  greniers,  elle  se  chargera  de  détruire 
l'Alucite  en  déposant  ses  œufs  dans  le  corps  des  chenilles  de  celle-ci. 


ixskctes  qui  attaquent  les  substances  alimentaires.    2-19 

Mœurs. 

Le  papillon  lait  son  apparition  dans  les  greniers  au  com- 
mencement de  juillet,  il  pond  sur  les  tas  de  blé  ;  aussitôt 
après  1  eclosion,  la  petite  chenille  se  tient  à  la  surface  des  tas 
de  blé  ou  de  seigle,  et  lie  ensemble,  avec  des  fils  de  soie,  plu- 
sieurs grains  entre  lesquels  elle  se  cacbe  ;  elle  attaque  le 
grain  le  plus  à  sa  portée,  le  perce  à  un  bout  et  en  mange  la 
farine,  elle  entame  ensuite  un  autre  grain  et  parvient  à  son 
entier  développement  vers  la  fin  d'août.  Elle  a  alors  6  milli- 
mètres de  long,  elle  est  cylindrique,  blanchâtre,  le  premier 
segment  porte  en  dessus  une  grande  tache  d'un  fauve  pâle  et 
les  autres  des  points  verruqueux  de  chacun  desquels  sort  un 
poil  ;  elle  est  pourvue  de  seize  pattes. 

Lorsque  la  Teigne  est  abondante,  il  n'est  pas  rare  de  voir 
tous  les  grains  situés  à  la  surface  d'un  tas  de  blé  liés  les  uns 
aux  autres  et  former  un  tapis  de  un  ou  deux  centimètres 
d'épaisseur  qu'on  peut  lever  d'une  seule  pièce  ou  par  lam- 
beaux. 

Les  auteurs  ne  sont  pas  d'accord  sur  le  lieu  qu'elle  choisit 
pour  se  métamorphoser  ;  les  uns  ont  constaté  qu'elle  reste 
dans  le  grain  qu'elle  a  vidé,  d'autres,  qu'elle  monte  le  long 
des  murs  des  greniers  et  entre  dans  les  fissures  ;  d'après  nos 
observations  personnelles,  elles  quittent  en  masse  les  tas  de 
blé,  et  vont  se  métamorphoser  dans  les  crevasses  des  murs  et 
les  fentes  des  charpentes,  oii  elles  passent  l'hiver  à  l'état  de 
chn'salides.  Le  papillon  éclôt  au  mois  de  juin. 

Moyens  de  destruction. 

Le  plus  sûr  moyen  est  de  désinfecter  les  tas  de  blé,  par  le 
procédé  au  sulfure  de  carbone,  en  vase  clos,  comme  il  a  été 
dit  (1"  au  10  août). 

On  peut  également,  dans  la  première  quinzaine  d'août,  ba- 
digeonner les  murs  du  grenier  avec  le  coaltar  pétrole  ;  aus- 
sitôt cette  opération  terminée,  on  remuera  les  tas  de  blé 
contaminés  à  la  pelle,  en  déchirant  et  désunissant  les  fils  qui 
les  couvrent  ;  les  chenilles  s'enfuiront  et  grimperont  le  long 
des  murs  oîi.elles  resteront  engluées. 


220  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Farines  dans  les  entrepots. 

Les  approvisionnements  de  farine  sont  très  souvent  souillés 
par  la  chenille  d'un  papillon  Ephesiia  Knehniella  (Zeller), 
qu'on  suppose  venu  d'Amérique  (Caroline  du  Nord,  Mexique 
et  du  Chili),  avec  les  farines,  et  signalé  en  Europe  pour  la 
première  fois  en  1879,  dans  le  Stettiner  entomologische  Zei- 
tung,  par  Zeller.  Les  Américains  prétendent,  de  leur  côté,  que 
ce  papillon  avait  été  signalé  en  France,  dès  1840,  comme 
faisant  de  sérieux  dégâts  dans  les  approvisionnements  de  blé 
et  qu'il  aurait  été  importé  en  Amérique  par  les  Européens  ;  il 
est  de  toute  évidence  que  les  savants  américains  ont  fait 
confusion  entre  E.  Knehniella  et  d'autres  microlépidoptères 
Tinea  granella,  Bulalis  Cerealella,  etc.,  qui  s'attaquent  au 
blé,  tandis  que  jusqu'ici  E.  Knehniella  vit  de  préférence  dans 
la  farine. 

Sa  première  apparition  en  France  a  été  signalée  par  Mau- 
rice Girard,  qui  l'avait  reçu  de  Narbonne  avec  des  farines. 
(Société  Entomologique  de  France.  Séance  du  8  mai  1884), 
Depuis  il  s'est  multiplié  à  l'infini. 

EPHESTIA  KUEHNIELLA  (Zeller)  {Fig.  o.) 

Envergure  20  à  S'Z'"",  ailes  supérieures  grises  à  petits  points 
blancs  ;  ailes  inférieures  blanchâtres.  Chenille  blanc  rosé, 
avec  la  tête  d'un  brun  roux.  p]lle  se  change  en  une  chrysalide 
fauve,  dans  un  léger  cocon  de  soie. 

Mœurs  (1). 

La  ponte  d'une  femelle  comporte  200  à  250  œufs,  très  petits, 
ovoïdes,  transparents,  fortement  aplatis,  le  petit  bout  est  un 
tiers  moins  gros  que  l'autre  bout.  Si  on  ouvre  le  corps  d'une 
femelle,  on  constate  que  tous  les  œufs  ne  sont  pas  arrivés  à 
maturité  en  même  temps,  ceci  explique  pourquoi  le  papillon 
prolonge  sa  ponte  pendant  environ  5  à  7  jours. 

(1)  Nous  devons  à  l'oblifçeance  de  M.  le  D'  Charles  Decaux,  médecin  militaire, 
qui  a  étudié  avec  beaucoup  de  soin  les  mœurs  de  E.  Kuehniella,  pour  chercher 
à  combattre  ses  ravages,  la  plus  grande  partie  de  nos  renseif^nements.  Nous 
sommes  heureux  de  l'en  remercier. 


INSFXTES  QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES.  221 

La  contamination  a  lien  de  trois  manières  : 

1°  Les  œufs  sont  pondus  directement  sur  la  farine  con- 
servée en  tas  ; 

2"  Sur  les  sacs  contenant  de  la  farine  ;  dans  ce  cas,  3  ou  4 
jours  après  sa  naissance,  la  chenille  pénètre  dans  le  sac  en 
rongeant  la  toile  du  sac  avec  ses  mandibules,   cornées,  très 


Fifj.  s. 

A  Bphestia  Kîcekiiiella,  ailes  déployées  (grossi  3  fois). 
B  —  ailes  repliées  — 

C  Chenille  adulte  — 

D  Chrysalide  mise  à  nu  — 

E  —         dans  son  cocon  ouvert  — 


puissantes  ;  au  besoin  la  nature  l'a  pourvue  d'une  sécrétion, 
qui  lui  permet  de  ramollir  le  tissu  et  lui  facilite  la  besogne. 

3°  Dans  les  angles  des  magasins,  partout  où  'le  papillon 
trouve  un  amas  de  poussières  farineuses. 

Aussitôt  née,  la  chenille  forme  dans  la  farine  des  galeries 
tubulaires  de  soie,  ressemblant  un  peu  à  des  toiles  d'arai- 


222  KEVUK  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

gnées  ;  ces  toiles  agglutinent  la  farine  et  lui  donnent  un  as- 
pect répugnant;  d'un  autre  côté,  les  excréments  retenus  dans 
ces  fils  peuvent  se  détacher  dans  les  manipulations  et  se 
mélanger  à  la  farine,  ce  qui  donnera  un  goût  désagréable  au 
pain. 

Dans  les  magasins,  le  papillon  éclôt  en  juin  et  juillet  ;  on 
le  trouve  encore  en  novembre  et  décembre  ;  les  éclosions  de 
juin  sont  beaucoup  plus  considérables  que  celles  d'automne. 

Depuis  quelques  années  E.  Kuehniella  (Zeller)  s'est  ré- 
pandu et  multiplié  d'une  façon  désastreuse  chez  les  minotiers  ; 
on  estime  que  15  à  20,000  moulins  sont  infestés  en  France. 
Les  moulins  mus  par  la  vapeur  sont  plus  particulièrement 
éprouvés  ;  cette  espèce,  trouvant  dans  ces  derniers  une  tem- 
pérature constante  descendant  rarement  au-dessous  de  +  12° 
centigrades  en  hiver  et  pouvant  s'élever  dans  certaines  par- 
ties du  moulin  jusqu'à  25°  et  30"  centigrades,  peut  se  déve- 
lopper avec  la  plus  grande  facilité,  elle  se  reproduit  indéfi- 
niment par  une  succession  de  générations  ;  les  accouplements 
et  les  pontes  ont  lieu  à  toute  époque.  Nous  avons  remarqué 
que  toutes  les  chenilles  d'une  même  ponte  n'arrivent  pas 
adultes  en  même  temps,  et  qu'il  peut  exister  plusieurs  mois 
d'intervalle  entre  l'éclosion  du  premier  et  du  dernier  pa- 
pillon. Dans  les  conditions  les  plus  favorables,  il  faut  compter 
65  à  70  jours,  entre  la  ponte  et  l'éclosion  du  papillon  ;  Tétat 
de  chrysalide  dure  au  minimum  un  mois.  On  peut  estimer 
que  dans  les  moulins  à  vapeur  E.  Kuehniella   peut  avoir 

environ  4  à  5  générations  en  une  année. 

« 

Destruction. 

A  V état  de  chenilles.  — M.  le  D'"  Ch.  Decaux  a  expérimenté 
divers  procédés  pour  détruire  E.  Kuehniella  ;  le  plus  simple 
et  le  plus  pratique  consiste  à  tamiser  ou  à  bluter  la  farine 
contaminée,  pour  enlever  :  les  œufs,  les  chenilles,  les  nym- 
phes et  leurs  toiles,  qu'on  détruit  par  le  feu  ou  l'eau  bouil- 
lante (dans  ce  dernier  cas  on  peut  faire  de  la  colle  avec  la 
farine  qui  se  dépose  au  fond  du  récipient).  Pour  faire  cette 
opération,  on  peut  employer  le  blutoir  n"  70,  sans  craindre  de 
voir  échapper  les  œufs  avec  la  farine. 

Les  sacs  ayant  contenu  de  la  farine  infestée  devront  être 
passés  à  l'eau  bouillante  ou  à  l'étuve  à  120°  pendant  20  mi- 


INSECTES  QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES.     223 

nutes  pour  être  sûr  de  tuer  les  œufs  du  papillon.  On  ob- 
tiendra un  bon  résultat  avec  le  sulfure  de  carbone,  en  les 
empilant  dans  une  caisse  en  fer  blanc  ou  autre  récipient, 
ayant  une  fermeture  hermétique  ;  la  dose  nécessaire  est  d'un 
demi-litre  par  mètre  cube,  en  laissant  séjourner  les  sacs  pen- 
dant une  nuit  (12  heures).  Par  prudence,  cette  manipulation 
devra  être  faite  sous  un  hangar  à  l'air  libre,  comme  il  a  été 
dit  à  la  première  partie. 

On  a  préconisé  l'emploi  d'acide  sulfureux  et  l'étuvage  de 
la  farine,  pour  détruire  les  chenilles  ;  ces  procédés  doivent 
être  prohibés,  ils  empêchent  la  panification,  en  transformant 
le  gluten  de  la  farine. 

Le  i')apillon  et  les  locaux  infestes.  —  On  ne  saurait  trop 
recommander  le  nettoyage  minutieux  des  moulins,  de  visiter 
les  angles  où  les  poussières  s'accumulent  ;  de  badigeonner  les 
murs  des  magasins,  les  piliers  de  soutien,  les  plafonds  dans 
toute  leur  étendue,  avec  du  coaltar  additionné  d'un  peu  de 
pétrole,  5  à  10  %  environ  ;  de  laver  les  parquets  avec  une 
forte  solution  de  potasse  d'Amérique.  De  cette  façon  on  dé- 
truira les  chenilles  et  les  papillons  cachés  dans  les  fentes  et 
crevasses.  Il  arrive  souvent  que  les  papillons  grimpent  après 
les  murs  pour  s'accoupler  ;  ils  se  trouveront  arrêtés  et 
asphyxiés  par  le  coaltar  pétrole.  Ce  procédé  doit  être  renou- 
velé lorsque  le  goudron  est  sec,  ou  trop  encrassé  par  les 
poussières  du  moulin. 

Il  arrive  trop  souvent  que  des  papillons  déposent  leurs 
œufs  dans  les  blutoirs,  en  ce  cas,  les  jeunes  chenilles  percent 
la  soie  de  nombreux  trous  et  causent  de  réels  dégâts  ;  dès 
qu'on  s'aperroit  de  la  présence  des  chenilles,  il  faut  nettoyer 
le  blutoir  avec  soin,  le  passer  à  l'eau  bouillante,  ou,  si  l'on 
préfère  au  sulfure  de  carbone  en  vase  clos,  ou  à  l'étuve 
comme  il  a  été  dit. 

M.  Maurice  Girard  a  préconisé  la  naphtaline,  ou  la  poudre 
insecticide  de  Vicat,  projetée  sur  les  toiles  pour  détruire  les 
chenilles.  Ce  procédé  n'a  pas  donné  le  résultat  qu'on  en  atten- 
dait, les  chenilles  ont  résisté. 

Nos  expériences  ont  démontré  que  la  poudre  extrêmement 
fine  (non  falsifiée)  de  fleurs  de  Pyrèthre  du  Caucase,  produit 
d'excellents  effets  contre  le  papillon  et  les  chenilles.  On  peut 
la  projeter  avec  un  souffiet  (en  dose  minime),  2  ou  3  grammes 


224  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

par  mètre  cube,  sur  chaque  sac,  les  murs  et  les  plafonds  des 
chambres  à  farine,  de  blutage,  partout  où  on  voit  voler  des 
papillons  ;  il  nous  a  paru  que  l'odeur  seule  de  la  poudre  de 
Pyrèthre  suffit  pour  faire  périr  le  papillon  ;  peut-être  bien 
aussi,  cette  poudre  fine  et  légère,  dont  une  grande  partie 
reste  en  suspension  dans  l'air,  est-elle  la  cause  de  cette 
mort  ? 

Pour  n'avoir  pas  à  démonter  les  blutoirs  contaminés  on 
pourrait  ajouter  à  la  poudre  de  Pyrèthre  1  pour  %  de  nico- 
tine, ou  1  pour  %  de  sublimé  corrosif,  les  chenilles  péri- 
ront sûrement.  La  nicotine  et  le  sublimé  sont  des  poisons 
violents,  il  faut  avoir  soin  de  brosser  et  nettoyer  minutieu- 
sement les  blutoirs  après  l'opération. 

Pièges. 

On  obtiendra  un  bon  résultat  en  disséminant  (pendues  aux 
mnrs  des  magasins  et  surtout  des  moulins)  des  planches  en- 
duites d'une  solution  épaisse  de  miel,  de  mélasse,  de  glucose 
du  commerce,  en  un  mot,  d'une  matière  sucrée  et  visqueuse, 
les  papillons  attirés  s'y  englueront  et  périront. 

La  lampe  à  feu  nu  donne  d'assez  bons  résultats,  mais  elle 
doit  être  proscrite  comme  dangereuse  dans  un  moulin. 

Nous  avons  la  certitude,  qu'en  employant  ces  divers  pro- 
cédés aussi  souvent  que  possible,  on  parviendra  à  arrêter  la 
multiplication  exagérée  de  ce  papillon  et  à  le  réduire  dans 
des  proportions  infimes. 

RÉSUMÉ. 

Nous  savons,  par  la  statistique,  que  la  culture  des  céréales 
en  France  produit  environ  275,000,000  d'hectolitres  en 
moyenne  chaque  année,  et  que  l'importation  nous  fournit 
114,000,000  d'hectolitres,  représentant  ensemble  une  valeur 
de  plus  de  5  milliards  de  francs  ! 

Nous  avons  consulté  de  nombreux  auteurs,  ils  estiment  la 
perte  causée  aux  céréales  par  les  insectes  de  3  à  8  0/0  de  la 
consommation  totale.  Selon  nous,  ces  chiffres  paraissent  heu- 
reusement exagérés  ;  nous  estimons  que  la  perte  réelle  atteint 
de  1  à  1  1/2  0/0,  ce  qui  représenterait  la  somme  énorme  de 
50  à  70,000,000  de  francs? 


INSECTES  QUI  ATTAQUENT  LES  SUBSTANCES  ALIMENTAIRES.     225 

Pour  les  légumineuses  :  fèves,  pois,  etc.,  nous  avons  vu 
que  les  dégâts  pouvaient  être  estimés  50  à  70,000,000  de 
francs  ? 

Soit  un  ensemble  de  100  à  140,000,000  de  francs. 

Nous  ne  saurions  trop  le  répéter,  nous  avons  la  conviction 
qu'en  appliquant  les  procédés  de  destruction  que  nous  avons 
indiqués,  et  qui  sont  basés  sur  vingt  années  d'observations 
et  d'expériences  pratiques  : 

1°  On  supprimera  immédiatement  les  dégâts  causés  aux 
diverses  céréales  dans  les  greniers  de  fermes  ;  nous  espérons 
Ï8i\oiv  prouvé  par  un  exemple. 

2"  Qu'il  n'y  aura  plus  de  pertes,  dans  les  grands  entrepôts, 
si  l'on  adopte  le  procède  à  l'acide  sulfureux  dans  des  maga- 
sins appropriés. 

Qu'on  peut  diminuer  les  dégâts  dans  de  grandes  propor- 
tions, en  suivant  nos  recommandations  pour  les  entrepôts, 
tels  qu'ils  existent  aujourd'hui. 

Enfin  pour  les  légumineuses  :  fèves,  pois,  haricots,  etc., 
nous  avons  démontré  qu'il  ne  doit  plus  y  avoir  de  dégâts  en 
stérilisant  les  semences. 

Nous  formons  le  vœu  que  M.  le  Ministre  de  l'Agriculture 
engage  toutes  les  Ecoles  d'Agriculture  de  France  et  d'Algérie 
à  stériliser  leurs  semences  de  légumineuses  comme  il  a  été 
indiqué  ;  il  n'est  pas  douteux  que  les  cultivateurs  ne  tarde- 
ront pas  à  suivre  ce  bon  exemple.  Dès  lors,  ces  excellents 
légumes  nous  arriveront  sains,  avec  toute  leur  saveur,  au 
grand  profit  de  l'hygiène  et  de  l'économie. 


5   Mars  1893.  <i> 


II.  EXTRAITS  DES  PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 


SÉANCE  GÉNÉRALE  DU  3  FÉVRIER  1893. 

PRÉSIDENCE   DE  M.    A.  GEOFFROY    SAINT-IIILAIRE,    PRÉSIDENT. 

Le  procès- verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  adopté. 
M.  le  Président  proclame  les  noms  des  membres  récemment 
admis  par  le  Conseil  : 

-„,  PRÉSENTATEURS. 

MM. 

(  A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
Bouts    (Louis),    docteur    en    médecine,  |  p_^^p.^jj^j^ 
11  Us,  avenue  de  la  Révolte,  à  Neuilly.  j  ^   ^^^^^^ 

!A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
Raveret-Wattel. 
Marquis  de  Sinéty. 
!J.  de  Claybrooke. 
J.  Grisard. 
Raveret-Wattel. 

M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  corres- 
pondance. 

—  MM.  le  D^  Ridreau  et  Joseph  Hébert  adressent  des  re- 
merciements au  sujet  de  leur  récente  admission. 

_  MM.  L.  Fatin,  E.  Wiet  et  Laborde  demandent  à  rece- 
voir divers  oiseaux  en  cheptel. 

—  M.  Raveret-Wattel  écrit  à  M.  le  Secrétaire  général  : 

«  Malgré  le  froid  intense  qui  sévissait  alors,  l'envoi  d'œufs  de  Truite 
que  la  Société  a  bien  voulu  faire  à  la  station  aquicole  du  Nid  de  Ver- 
dier  est  arrivé  dans  de  bonnes  conditions.  Un  emballage  soigne  les 
avait  préservés  de  la  gelée  en  route. 

»  Tout  paraissait  donc  aller  fort  bien  au  début.  Malheureusement  ces 
œufs  me  semblent  provenir  de  sujets  qui  n'avaient  pas  atteint  une 
suffisante  maturité  sexuelle.  L'évolution  embryonnaire  marche  assez 
mal,  et  je  n'augure  rien  de  très  bon  des  alevins  qui  commencent  à 
éclore.  Je  ne  manquerai  pas  de  vous  tenir  au  courant  du  résultat 
final.  » 

—  M.  Jean  Vilbouchevitch  adresse  à  M.  le  Président  la 

note  suivante  : 

«  Je  tiens  à  vous  signaler  la  domestication  du  Maral  [Cervus  alM- 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  227 

rosh'us]  dans  rarrondissement  Verkhneoudinsk  du  territoire  Transbaï- 
cahen  et  les  arrondissements  Marunslc  et  Biysk,  du  gouvernement 
Tomsk;  cet  élevage  d'un  nouveau  genre  se  fait  pour  les  ramures 
vendues  aux  Chinois  comme  drogue,  à  raison  de  15  roubles  (le  rouble 
vaut  de  2  fr.  50  à  4  fr.)  la  livre  russe  (450  grammes  env.).  L'arron- 
dissement de  Verkhneoudinsk  en  exporte  en  Chine,  à  lui  seul  pour 
nne  valeur  totale  de  30,000  roubles  par  an.  En  outre.  le  Maral  fournit 
un  excellent  duvet,  comparable,  dit-on,  à  celui  de  l'ëdredon-  sa  chair 

S'p'f  T''"'';;on  ''•  '^'''°'''"  '  "''''''''^  dans  V Agriculteur,  de 
Samt-Petersbourg  (1892,  n»  32),  un  calcul,  naturellement  sujet  à  cau- 
tion comme  tous  les  calculs  de  ce  genre,  d'après  lequel  le  profit  net 
s  élèverait  jusqu  à  150  roubles  par  tête  et  par  an.  Le  prix  marchand 
dun  Maral  adulte  est,  dans  le  pays  :  70  à  80  roubles  par  tête  de  fe- 
melle; 100  à  150  roubles  par  tête  de  mtlle. 

'l^n'lf  "'  ^''''''*'''  "^^  l'arrondissement  de  Bijsk  possèdent  déjà  jus- 
qu à  50  Marais  chacun. 

»  Les  ramures  ne  sont  récoltées,  naturellement,  que  sur  les  mâles 
Le  premier  produit  est  obtenu  au  mois  de  juin  de  la  deuxième  année 
de  la  vie  du  Maral  :  c'est  5  à  6  livres  russes  ;  le  produit  delà  3e  année 
est  de  12  livres  russes  environ;  celui  de  la  4°,  15;  celui  de  la  5«,  20 
Le  produit  augmente  ainsi  d'année  en  année  jusqu'à  la  10'  ou  12= 
année  de  la  vie  de  l'animal,  où  il  atteint  50  à  60  livres  par  an.  A  partir 
de  la  18e-20«  année  le  produit  se  met  à  diminuer.  Il  est  rare  qu'un 
Maral  vive  plus  de  trente  ans.  - 

»  M.  Lissovski  se  demande  si  les  ramures  du  Renne  ne  se  prête- 
raient  pas  à  la  préparation  de  la  même  drogue.  Les  ramures  sont  en- 
levées, a  la  scie,  au  moment  où  elles  ont  atteint  le  maximum  de  la 
grandeur  qui  correspond  à  l'ûge  de  l'animal,  mais  que  leur  consis- 
tance est  encore  tendre  et  l'intérieur  sanguinolant.  D'habitude,  on 
enlevé  les  ramures  le  20  juin;  après  quoi  on  les  fait  bouillir  dans  du 
the-brique  ou  dans  de  l'eau  salée;  on  les  sèche  à  l'ombre  dans  un 
endroit  bien  aerë,  exposé  au  vent  ;  c'est  sous  cette  forme  qu'elles  se 
vendent.  ^ 

»  La  figure  donnée  dans  VAgriadieur  est  empruntée  à  la  source 
commune  de  toutes  les  illustrations  concernant  les  objets  de  l'Asie 
centrale  —  dans  Prjevalski. 

»  Les  individus  sauvages,  vivant  en  liberté,  deviennent  de  plus  en 
plus  rares,  à  cause  de  la  destruction  impitoyable  de  l'espèce  par  les 
chasseurs  de  ramures  de  Maral.  Par  contre,  l'élevage  artificiel  de  ce 
cerf  prend  de  plus  en  plus  d'extension.  » 

—  M.  le  D'-  Wiet  écrit  de  Reims  à  M.  le  Président  : 

«  Mon  coui)le  de  Kangurous  supporte  très  bien  la  température  ri- 
goureuse que  nous  subissons. 
»  Je  crois  augmenter  leur  résislance  en  leur  donnant,  en  dehors  de 


228  ,  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

leur  nourriture  ordinaire,  à  chacun  une  tasse  de  lait  chaud,  dont  ils 
sont  très  friands,  le  matin,  et,  le  soir,  une  bonne  ration  d'avoine  qu'ils 
mangent  également  avec  grand  plaisir.  » 

—  M.  le  baron  d'Yvoire  écrit  à  M.  le  Secrétaire  général  : 

«  Pourriez-vous  savoir  si  la  Société  a  déjà  eu  l'occasion  de  s'occu- 
per de  l'acclimatation,  dans  les  lacs  ou  rivières  de  France,  d'un  certain 
Crabe  qui  est  très  abondant  en  Italie,  dans  le  grand  réservoir  du  lac 
d'Albanon  et  dans  certains  affluents  du  P(3? 

»  Elisée  Reclus,  dans  sa  Géographie  universelle,  tome  P',  pages  440 
et  441,  prétend  que  c'est  un  animal  marin  qui  s'est  peu  à  peu  habitué 
à  vivre  en  eau  douce. 

»  Je  regrette  de  n'avoir  pu  étudier  ce  Crabe  pendant  les  hivers  que  , 
j'ai  passés  à  Rome;  mais  j'en  ignorais  l'existence  ou,  du  moins,  je  ne 
me  suis  pas  douté  que  ce  Crabe  pouvait  avoir  été  péché  dans  de  l'eau 
douce.  11  me  semble  que  son  acclimatation  pourrait  compenser  un  peu 
la  regrettable  diminution  qui  se  fait  remarquer  partout  dans  les  eaux 
où  pullulaient  autrefois  les  écrevisses. 

»  Je  ne  suis  pas  en  situation  de  me  procurer  maintenant  quelques 
Crabes  pour  essayer  de  les  introduire  dans  nos  lacs  et  cours  d'eau. 
Mais  les  relations  de  la  Société  doivent  rendre  cette  acquisition  facile, 
si  l'essai  n'a  pas  été  déjà  vainement  tenté.  » 

—  M.  le  D""  Heckel,  directeur  du  Musée  et  de  l'Institut  bo- 
tanico-géologique  de  Marseille,  écrit  à  M.  le  Secrétaire  : 

«  Je  viens  de  lire,  dans  le  dernier  Bulletin  de  la  Société  nationale 
d'Acclimatation,  la  réponse  de  M.  Cbappellier  à  ma  lettre  sur  la  cul- 
ture, aux  environs  de  Paris,  de  VIgname  de  Chine.  J'ai  été  heureux  d'j 
voir  la  preuve  de  l'existence  de  cette  culture  auprès  de  la  capitale, 
mais  mou  contradicteur  n'a  pas  pu  prouver  que  ce  tubercule,  comme  il 
l'avançait,  est  cultivé  couramment  dans  le  Midi.  Sur  ce  point  seulement 
j'avais  pu  être  très  alfirmatif,  en  ce  qui  concerne  Paris  et  sa  banlieue 
je  n'émettais  que  des  doutes  qui  sont  aujourd'hui  dissipés  après  les 
preuves  de  M.  Chappellier.  Il  en  est  une  que  j'accepte  plus  particu- 
lièrement :  c'est  l'envoi,  que  me  propose  mon  contradicteur,  de  deux 
tubercules  de  sa  récolte.  Je  recevrai  avec  plaisir  son  envoi  pour  le 
•soumettre  à  la  première  réunion  de  notre  Société  d'horticulture.  Je  ne 
doute  pas  que  cet  exemple  et  ces  résultats  ne  servent  puissamment 
à  stimuler  le  zèle  de  nos  horticulteurs  méridionaux  pour  reprendre 
cette  culture.  Ce  sera  le  principal  avantage  qui  se  dégagera  de  notre 
discussion  courtoise  et,  si  je  l'obtiens,  ni  M.  Chappellier  ni  moi  n'au- 
rons à  regretter  de  l'avoir  engagée.  » 

—  M.  Portanier  annonce  l'envoi  d'un  ouvrage  sur  les 
Principales  races  canines  qu'il  désire  voir  soumettre  à  la 
Commission  des  Récompenses. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  229 

—  M'"e  la  -vicomtesse  de  Boislandry  adresse  dans  le  même 
but  :  V élevage  pratique  du  Lapin,  traité  de  toutes  les  races. 

—  M.  Raveret-Wattel  dépose  sur  le  Bureau  uiie  note  sur 
un  nouveau  système  d'échelle  à  Saumons. 

—  A  propos  de  la  communication  de  M.  Vilbouchevitcli  sur 
Be  Maral,  M.  le  Président  fait  remarquer  que  le  nom  scien- 
tifique de  cette  espèce  est  Cervus  Maral  et  il  ajoute  qu'il 
n'y  a  aucune  espèce  de  rapport  entre  les  bois  de  ce  Cerf  et 
•ceux  du  Renne,  par  conséquent  la  substitution  proposée  par 
M.  Lissovski  ne  saurait  se  faire.  Les  bois  du  Maral  sont  plus 
lourds,  la  matière  en  est  plus  dense,  plus  serrée,  il  n'y  a 
•donc  pas  à  se  flatter  de  tirer  un  produit  analogue  des  bois 
de  Renne. 

Quant  au  duvet,  il  est  en  efïet  une  source  importante  de 
revenu  et  sa  production  peut  pour  ainsi  dire  être  réglée  ;  sui- 
vant que  l'animal  habite  des  régions  plus  ou  moins  chaudes, 
il  fournit  plus  ou  moins  de  duvet.  Il  est  donc  certain  que  si 
on  transporte  le  Maral,  originaire  du  nord  de  la  Perse,  dans 
des  pays  encore  plus  septentrionaux,  on  arrivera  à  une  pro- 
duction plus  intense,  ce  qui  représentera  une  certaine  valeur; 
ce  duvet  est,  en  effet,  de  belle  qualité  et  peut  rendre  de  réels 
services. 

Le  Maral  a  été  importé  à  diverses  reprises  et  il  a  multiplié 
fréquemment  au  Muséum  ;  les  produits  ont  été  vendus  pour 
repeuplement  et  ont  dû  faire  souche  dans  nos  bois. 

M.  le  Président  dépose  ensuite  sur  le  Bureau  une  lettre  de 
M.  Huet  fils  qui,  à  propos  de  la  communication  de  M.  d'Ha- 
monville,  insiste  vivement  pour  que  la  question  sur  la  pro- 
tection due  aux  petits  oiseaux  soit  prise  en  considération  par 
la  Société. 

—  M.  Decaux  présente  d'intéressantes  observations  pra- 
tiques sur  les  insectes  qui  attaquent  les  substances  alimen- 
taires dans  les  greniers  et  les  magasins. 

—  M.  de  Schaeck  donne  lecture,  au  nom  de  M.  Mégnin,  de 
la  première  partie  d'un  important  Mémoire  sur  nos  Chiens  de 
iierger. 

Pour  le  secrétaire  des  séances, 

Jules  Gbisard, 
Secrétaire  du  Comité  de  rédaction. 


III.  COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES  DES  SECTIONS. 


Ire    SECTION    (MAMMIFERES). 
SÉANCE  DU  27  DÉCEMBRE  1892. 

PRÉSIDENCE  DE  M.  DECROIX,  PRÉSIDENT. 

La  section  procède  à  la  nomination  de  son  bureau  pour  1893. 
Sont  élus  :  MM. 

Decroix,  président  ; 

Mégnin,  vice-président  ; 

Mailles ,  secrétaire  ; 

J.  de  Claybrooke,  vice-secrétaire . 

M.  Mailles  est,  en  outre,  de'signe'  pcrur  remplir  les  fonctions  de  Rap- 
porteur de  la  section  auprès  de  la  Commission  des  re'compenses. 

Une  note  de  M.  Lesbre,  sur  les  Léporides,  donne  lieu  à  une  discus- 
sion dont  les  conclusions  sont  conformes  à  celles  du  mémoire  de  notre 
collègue,  M.  Remy  Saint-Loup. 

La  Section  exprime  de  nouveau  le  vœu  qu'une  place  soit  re'servée 
aux  Chèvres  dans  les  concours  agricoles,  et  que  des  prix  leur  soient 
donnés,  comme  cela  se  fait  déjà  en  Angleterre.  Dans  ce  but,  il  y  au- 
rait lieu  de  faire  une  démarche  auprès  du  Ministre  de  l'Agriculture. 

M.  Decroix  rappelle  qu'au  début  de  l'occupation  algérienne,  les 
Chevaux  arabes  n'e'taient  pas  ferrés.  La  ferrure  ne  commença  à  être 
appliquée  qu'après  l'établissement  des  premières  routes,  vers  1840-45, 
et  alors  la  cavalerie  ne  ferrait  guère  que  les  pieds  de  devant.  Au  mo- 
ment où  un  grand  nombre  de  cavaliers  étaient  re'unis,  près  d'Alger, 
pour  une  fantasia,  notre  collègue  a  pu  examiner  les  pieds  d'un  grand 
nombre  de  Chevaux  ;  il  a  constaté  que  ces  pieds  n'étant  pas  ferrés, 
conservaient  leur  dimension  normale  jusque  dans  l'âge  le  plus  avance, 
tandis  qu'en  France,  où  la  ferrure  est  appliquée  même  avant  ITige 
adulte,  la  plupart  des  Chevaux  ont  les  pieds  de'formés  prématurément. 
De  là,  l'encastelure,  les  bleimes,  les  seimes,  inconnues  chez  les 
Arabes.  Les  maréchaux  ont  la  malheureuse  habitude  de  parer  la  four- 
chette qui  devait,  au  contraire,  rester  intacte  et  servir  de  soutien,  et 
cela  est  si  vrai  qu'une  industrie  s'est  établie  pour  fournir  des  four- 
chettes artificielles  en  caoutchouc. 

M.  Decroix  critique  l'usage  adopté  par  la  remonte  militaire  d'a- 
cheter les  Chevaux  trop  jeunes,  c'est-à-dire  à  3  ans  1/2.  Ces  Chevaux 
sont  envoyés  dans  les  dépôts  et  remontes  où  ils  se  trouvent  dans 
des  conditions  moins  favorables  que  chez  les  cultivateurs  ou  un  tra- 
vail léger  augmente  leur  force  et  leur  énergie.  11  y  aurait  avantage 


COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES  DES  SECTIONS.  231 

pour  l'État  à  n'acheter  que  des  Chevaux  faits  de  cinq  ou  même  six 
ans,  en  les  payant  plus  chers. 

On  aurait,  en  efifet,  des  Chevaux  complètement  adultes  et  on  e'vite 
rait  les  pertes  qui  se  produisent  entre  l'époque  de  l'achat  et  l'âge  au' 
quel  un  Cheval  peut  être  utilise'.  Dans  tous  les  cas,  on  ne  devrait  pas 
ferrer  les  Chevaux  avant  l'âge  de  4  à  5  ans.  Un  Cheval  de  3  ans  ne 
doit  pas  travailler  plus  que  l'usure  normale  du  pied.  D'après  des  rele- 
vés qu'a  faits  M.  Decroix,  les  Chevaux  achetés,  de  3  à  4  ans,  ne  font 
pas  un  aussi  long  service  que  les  Chevaux  achete's  à  5  ou  6  ans,  et 
ils  reviennent  à  remplir  un  prix  beaucoup  plus  e'ievé. 

M.  Rathelot  fait  remarquer  que  la  partie  brûlée  empêche  le  déve- 
loppement de  la  corne  vive. 

M.  Decroix  dit  qu'à  une  certaine  e'poque  on  avait  préconisé  le  sys- 
tème de  ferrer  à  froid,  mais  qu'il  avait  plus  d'inconvénients  que 
d'avantages  ;  on  a  donc  an  y  renoncer.  Les  brûlures  du  pied  sont, 
d'ailleurs,  extrêmement  rares. 

M.  Ralhelot  demande  le  renvoi  à  la  Commission  des  récompenses 
du  me'moire  de  M.  Remy  Saint-Loup. 

Pour  le  Secrétaire, 
Jules   Grisard. 


4<^   SECTION    (INSECTES). 
SÉANCE  DU  17  JANVIER  1893. 

PRÉSIDENCE    DE    M.    JONQUOY. 

M.  le  Secrétaire  lit  une  lettre  de  M.  Fallou  qui  s'excuse  de  ne  pou- 
voir assister  à  la  séance.  Il  remercie  ses  collègues  de  l'avoir  renomme' 
Président  depuis  sept  années,  et  en  raison  de  l'e'tat  de  sa  santé',  les 
prie  de  vouloir  bien  lui  donner  un  successeur. 

La  Section,  à  l'unanimité,  décide  de  conserver  M.  Fallou  comme 
Président  et  désire  lui  témoigner  ainsi  sa  gratitude  pour  tout  le  de- 
vouement  dont  il  a  toujours  fait  preuve  envers  elle. 

La  Section  procède  au  renouvellement  de  son  bureau,  dont  les  di- 
vers membres  sont  maintenus,  et  qui  se  trouve,  par  suite,  composé 
comme  suit  : 

Président,  M.  Fallou. 
Vice- préside  Ht,  M.  Mégnin. 
Hecrélaire,  M.  Clément. 
Vice-secrétaire,  M.  Sédillot. 
Rapporteur  de  la  Commission  des  récompenses,  M.  Fallou. 


232  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Lecture  est  donnée  d'une  lettre  de  M.  Arnal  sur  le  Mûrier  du  Tonkin 
et  les  races  de  Vers  à  soie  polyvoltines  e'ievées  avec  ses  feuilles. 

Une  discussion  s'engage  à  ce  propos  sur  les  diverses  soies,  entre 
autres  celle  du  Bombyx  de  l'Allante,  dont  on  observe  ge'néralement 
plusieurs  géne'rations  dans  l'année,  trois,  quand  la  tempe'rature  est  fa- 
vorable. 

M.  Cle'ment  fait  remarquer  que  les  Chenilles  provenant  de  la  der- 
nière génération  n'arrivent  pas  toujours  à  leur  complet  développe- 
ment, et  que,  sans  cela,  l'espèce  déjà  très  commune,  et  qui  se  multi- 
plie si  facilement  deviendrait  un  véritable  fléau. 

M.  Decaux  appelle  l'attention  de  ses  collègues  sur  la  Noctuelle  des 
moissons. 

Les  moyens  de  destruction  conseillés  jusqu'à  ce  jour  et  indiqués 
par  M.  Blanchard,  consistaient  dans  le  roulement,  la  recherche  des 
œufs  et  le  ramassage  des  chrysalides.  Ils  ne  sont  pas  applicables  en 
grand  et  ne  produisent  que  des  re'sultats  insuffisants.  Notre  collègue 
a  fait  des  essais  comparatifs  et  a  obtenu  de  bien  meilleurs  résultats 
en  employant  des  chiSons  de  laine,  des  déchets  d'e'toupe  ou  même  de 
la  paille  mélange's  avec  10  °  o  de  pe'trole.  Ces  mélanges  s'emploient  à 
raison  de  30  k.  par  are  et  constituent  d'excellents  engrais,  surtout 
les  chiffons  de  laine,  dont  la  décomposition  dure  six  à  sept  ans. 

M.  Decaux  fait  remarquer  que  les  mœurs  de  ce  Papillon  sont  encore 
peu  connues,  et  il  annonce  qu'il  compte  publier  prochainement  un 
mémoire  sur  ce  sujet  dans  notre  Bulletin. 

Le  Secrétaire, 
A.-L.    Clément. 


5«    SECTION    (VEGETAUX). 
SÉANCE    DU    24  JANVIER  1893. 

PRÉSIDENCE    DE    M.    PAUL    CHAPPELLIER. 

M.  le  Secrétaire  donne  lecture  d'une  lettre  par  laquelle  M.  Paillieux 
fait  connaître  qu'en  raison  de  son  grand  âge  et  de  sa  santé,  il  se  voit 
dans  la  nécessite'  de  donner  sa  démission  de  vice-président  de  la  Sec- 
tion des  végétaux. 

M.  le  Président,  se  faisant  l'interprète  de  la  Section,  exprime  tous 
ses  regrets  de  voir  notre  de'voue'  confrère  prendre  cette  re'solufion. 
Pendant  de  longues  années,  M.  Paillieux,  grâce  à  ses  relations  e'ten- 
dues  dans  toutes  les  parties  du   monde,  faisait  à  presque   toutes  nos 


COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES  DES  SECTIONS.  233 

séances  des  distributions  gracieuses  de  graines  qu'il  recevait  de  ses 
correspondants  et  toujours  une  noie  inte'ressante  accompagnait  ces 
dons  répe'te's.  Notre  confrère  avait  ainsi  su  donner  à  la  Section  une 
vie,  une  activité'  qui  sera  difficilement  surpassée.  Le  Conseil  d'admi- 
nistration a  offert  à  M.  Paillieux  le  titre  de  membre  honoraire  du  Con- 
seil, c'est  un  juste  témoignage  de  la  gratitude  de  la  Socie'té  pour  les 
longs  et  si  dc'voués  services  rendus  à  notre  cause. 

La  section  procède  à  la  nomination  de  son  bureau  et  du  De'Iégue'  à 
la  Commission  des  récompenses.  Sont  de'signés  pour  remplir  ces 
fonctions  : 

Président,  M.  Henry  de  Vilmorin  ; 

Vice-Président,  M .  P.  Chappellier  ; 

Secrétaire,  M.  Jules  Grisard; 

Vice- Secrétaire,  M.  Soubies  ; 

Délégué  aux  Récompenses,  M.  le  D''  Mène. 

M.  le  Secrétaire  distribue,  entre  les  membres  pre'sents,  une  variété' 
d'Ail  remarquable  par  la  grosseur  de  ses  bulbes;  l'envoi  en  est  dîi  à 
M.  Brierre,  de  Saint-Hilaire-de-Riez  (Vendée')^ 

M.  J.  Grisard  dépose  sur  le  Bureau  :  P  un  volume  ayant  pour  titre  : 
Manuel  pratique  des  cultures  tropicales,  par  MM.  Sagot  et  E.  Raoul; 
2"  la  cinquième  e'dilion  de  Y  Art  de  greffer,  par  M.  Charles  Baltet. 

A  propos  du  premier  de  ces  ouvrages,  M.  Chappellier  fait  remarquer 
que  le  Manuel  signale  (p.  66)  des  variétés  nombreuses  d'Ignames  de 
Chine  à  tubercules  gros  et  courts. 

II  serait  des  plus  intéressants  de  pouvoir  se  procurer  ces  varie'tés,  et 
M.  Raoul  rendrait  un  roel  service  aux  cultivateurs  et  amateurs  eu  leur 
procurant  des  indications  plus  pre'cises  qui  permettraient  d'entrer  en 
possession  de  ces  précieux  tubercules  à  forme  arrondie  et  d'une  ex- 
traction facile. 

Le  Manuel  ajoute  que  ce  n'est  qu'après  quatre  ou  cinq  ans  de  cul- 
ture qu'une  bulbille  peut  donner  un  pied  de  force  passable. 

C'est  une  erreur  qu'il  importe  de  rectifier,  la  multiplication  par  bul- 
billes  est  beaucoup  plus  rapide,  et  M.  Chappellier  pre'sente  un  pied  de 
première  année  qui,  déjà  d'une  certaine  force,  donnera  à  l'automne 
prochain  un  beau  tubercule.  On  pe.ut  encore  planter  au  printemps  les 
collets  des  Ignames  ayant  déjà  été'  ulilise'es  pour  le  service  de  la  cui- 
sine (voyez  plus  loin  la  noie  de  M.  Chappellier). 

Quant  à  l'Igname  de  Decaisne  qui  a  été  recommandée  ici  même  à 
diverses  reprises,  M.  le  Pre'sident  estime  qu'elle  ne  mérite  pas  les 
éloges  qu'on  en  a  faits  ;  elle  est  à  peine  mangeable  et  son  produit  est 
à  peu  près  nul.  Toute  son  utilild  se  bornerait  à  servir  à  des  essais 
d'hybridation. 

M.  Ilédiard  entretient  la  Section  des  Ignames  qui  sont  le  plus  géné- 
ralement consommées  à  Paris.  Le  Dioscorea  alata  appelé  Igname  por- 


234  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

tugaise,  puis  l'Igname  dite  de  Guine'e  et  enfin  l'Igname  digitée  ou 
Couscouche.  Cette  dernière  serait  la  plus  intéressante  h  acclimater 
pour  notre  climat  parisien;  sa  chair  fine  est  très  agre'able. 

Notre  confrère  parle  ensuite  de  la  Chayotte  iSechncm  edule)  qui 
pousse  admirablement  en  Alge'rie.  Non  seulement  elle  produit  im  fruit 
très  apprécie'  des  Cre'oles,  mais  sa  racine  elle-même  offre  un  mets 
agre'able . 

M.  le  Secre'taire  signale  un  article  important  sur  l'Arbre  à  laque 
{Rhus  vernicifera)  publié,  en  français,  dans  le  Kolonial  Muséum  de 
Haarlem. 

C'est  un  petit  arbre  du  Ne'paul  et  du  Japon  où  il  est  l'objet  d'une 
culture  raisonnée.  Cette  espèce  est  assez  rustique  ;  on  la  rencontre  dans 
l'Himalaya  jusqii'à  une  altitude  de  2,C00  mètres.  La  laque  si  renommée 
est  fournie  par  la  sève.  Les  fruits  donnent  aussi  de  la  cire  ;  mais  il 
est  préférable  de  ne  pas  exploiter  l'arbre  à  ce  point  de  vue,  si  l'on 
veut  obtenir  une  plus  grande  production  de  laque. 

M.  Chappellier  présente  quelques  observations  sur  les  vignes  améri- 
caines. MM.  Rathelot,  Decaux  et  Fallou  prennent  part  à  la  discussion 
que  cette  question  soulève. 

M.  Rathelot  présente  à  la  Section  des  branches  de  vigne  sur  les- 
quelles des  rameaux  de  seconde  pousse,  produits  après  la  taille,  ont 
donné  des  raisins  qui  ont  mûri.  Ce  fait  assez  rare  est  dû  aux  chaleurs 
exceptionnelles  que  nous  avons  eues  à  la  fin  de  l'été  dernier. 

Le  Secrétaire, 

Jules  Grisard. 


IV.  CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS. 


Du  renouvellement  de  la  corne  chez  le  Rhinocéros 
unicornis  (L.)  de  l'Inde.  —  La  chute  des  bois  chez  certains  Rumi- 
nants à  cornes  caduques,  les  Cerfs,  constitue  un  phénomène  qui  a  été 
constate'  par  les  plus  anciens  naturalistes.  On  sait  que  chez  ces  ani- 
maux, les  cornes,  formées  d'une  substance  osseuse,  se  remplacent 
chaque  anne'e. 

Plus  récemment,  M.  Barlett  e'tudia  le  même  fait  sur  des  Cariacous 
ame'ricaius  conservés  au  Jardin  de  la  Société  zoologique  de  Londres. 
Le  mémoire  de  M.  W.  Marshall,  publié  dans  le  Zoologische  Oarten  (1), 
traite  de  ce  sujet  en  détail.  En  parlant  de  Ja  corne  du  Rhinoce'ros, 
l'auteur  nous  assure  qu'elle  ne  se  remplace  jamais.  M.  Marshall  cite 
cependant  des  observations  de  Blyth  d'après  lesquelles  l'animal  arrivé 
à  un  certain  âge  la  perd. 

Des  observations  nouvelles  (2),  releve'es  par  M.  le  D'  Wunderlich, 
Directeur  du  .Jardin  Zoologique  de  Cologne,  font  supposer  que  ce  Pa- 
chyderme change  régulièrement  de  corne  à  des  époques  e'ioignées  les 
unes  des  autres. 

En  1880,  au  commencement  de  l'année,  le  Rhinocéros  unicorne  mâle 
du  Jardin  de  Berlin  perdit  sa  corne  ;  il  s'ensuivit  une  hémorragie  con- 
sidérable. Une  corne  nouvelle  se  développa  lentement  ;  elle  tomba  à 
son  tour  en  automne  1891.  A  cette  époque,  la  femelle  perdait  aussi  la 
sienne. 

Dans  le  Jardin  de  Cologne,  le  même  l'ait  se  produisit  en  1880  chez 
un  Rhinocéros  unicorne.  Mais,  au  printemps  de  1888,  la  corne  e'tait 
entièrement  remplace'e  ;  l'animal  s'en  servait  pour  se  jeter  avec  vigueur 
contre  son  enclos.  Un  jour,  le  3  février  1891,  sa  corne  se  brisa  à  sa 
base  pendant  cet  exercice  ;  il  n'y  eut  pas  d'hémorragie.  Le  Pachyderme 
ne  conserva  pas  longtemps  la  marque  de  la  rupture.  Un  mois  ai)rès,  la 
cicatrice  était  recouverte  d'une  peau  solide  et  élastique  et  l'on  vit  ap- 
paraître une  nouvelle  corne  qui,  en  juillet  1892,  atteignait  déjà  prés 
do  10  centimètres  en  longueur.  M.  Wunderlich  pense  que,  dans  une 
dizaine  d'anne'cs,  le  Rhinocéros  la  renouvellera. 

Le  fait  constaté  sur  l'exemplaire  de  la  Me'nagerie  de  Cologne  prou- 
verait que  la  caducité  n'a  pas  lieu  seulement  chez  l'animal  très  âge'. 
Car  ce  Rhinocéros  arriva  au  Jardin  en  1872,  à  l'âge  de  deux  ans  en- 
viron. Dans  l'espace  de  vingt  années  il  a  donc  renouvelé  deux  fois 
sa  corne. 

Il  serait  intéressant  de  rechercher  si  ce  phénomène  se  pre'sente  chez 

(1)  1891,  XXXII,  p.  163. 

(2)  Publiées  dans  la  Festschrift  zum  siebenzigsten  Gebiirtstage  Rudolf  Leuc- 
karts.  Leipsick,  18'J2. 


236  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

d'autres  Rhinocéros  des  Indes,  le  Rh.  sondaicus,  Desm.,  ceux  à  deux 
cornes  Rhinocéros  lasiotis  Sel.  et  Rh.  sumatrensis  Cuv.,  et  chez  les 
espèces  africaines,  ou  s'il  est  particulier  à  l'Unicorne. 

Dans  tous  les  cas,  l'Unicorne  e'tant  la  seule  espèce  de  son  genre  qui 
habite  nos  possessions  d'Asie,  on  pourrait  peut-être  mettre  à  profit 
ces  notions  pour  l'élever  en  plus  grand  nombre.  La  valeur  des  produits 
multiples  tirés  de  cet  animal,  surtout  celle  de  la  corne,  rendrait  proba- 
blement l'entreprise  rémunératrice. 

Dans  la  Suite  de  la  relation  du  premier  voyage  des  Hollandais  aux 

Indes,  nous  lisons  (p.  57)  à  propos  des  Rhinocéros  :  «  Leurs  cornes, 

leurs   dents,  leurs  ongles,  leur  chair,   leur   peau,    leur    sang,   leurs 

excréments  et  même  leur  eau,  tout  en  est  estime'  et  recherché  par  les 

Indiens  qui  y  trouvent  des  remèdes  pour  diverses  maladies.  » 

M.  le  D""  Ilarmand  a  publié,  dans  la  Revue  des  sciences  naturelles  ai)- 
piiquées  (1),  des  renseignements  curieux  sur  les  grands  Mammifères 
de  rindo-Chine.  Nous  y  relevons  le  passage  suivant  :  «  le  Rhinocéros 
se  chasse  pour  sa  peau,  sa  chair  et  surtout  sa  corne,  qui  se  vend 
excessivement  cher,  beaucoup  plus  cher  qu'en  France  même.  Elle 
sert  à  fabriquer  des  médecines  et  des  coupes  précieuses  auxquelles  on 
attribue  toutes  sortes  de  vertus  imaginaires.  »  de  S. 

Croisement  de  Tisserins  en  captivité  {Hyphantomis  textor 
Gray,  mâle  avec  E.  vitellinus  Fsch.  et  IIartl.).  —  On  a  vu  des 
Oiseaux  exotiques  s'accoupler  en  cage  avec  des  espèces  indigènes  et 
produire  des  me'tis.  Le  Canari  se  croise  souvent  avec  le  Chardon- 
neret, le  Tarin  ou  le  Linot.  On  a  parfois  noté  des  cas  d'hybridation 
entre  des  Oiseaux  indigènes,  comme  le  Bouvreuil  avec  le  Chardon- 
neret. Enfin,  on  en  observe  entre  deux  espèces  exotiques.  Un  exemple 
nouveau  vient  s'ajouter  à  cette  dernière  cate'gorie. 

M.  Sauermann  élève  depuis  quelque  temps  ensemble  deux  espèces 
de  Ploce'ides  ou  Tisserins  ;  l'un  est  le  Tisserin  à  tête  noire  {Hyphan- 
tornis  textor  Gray)  qui  habite  l'ouest  de  l'Afrique;  l'autre  est  le 
Tisserin  jaune  d'oeuf  {H.  vitellinus  Fsch.  et  Hartl.)  originaire  de  l'A- 
frique centrale.  Il  en  obtint,  en  1890,  plusieurs  métis.  Cependant  le 
mâle  et  la  femelle  de  chaque  espèce  étaient  repre'sente's  dans  la  cage. 
En  1891,  M.  Sauermann  observa  de  nouvelles  hybridations.  A  ce 
moment,  il  se  procura  un  second  mule  de  Tisserin  à  tête  noire  qui 
s'accoupla  à  son  tour  avec  la  femelle  du  Tisserin  jaune.  Il  en  re'sulta 
deux  pontes  successives,  l'une  produite  par  l'ancien  mSle  de  l'année 
préce'dente,  l'autre  par  le  nouveau.  Ce  cas  paraît  surtout  extraordinaire 
quand  on  tient  compte  des  différences  de  taille  entre  les  deux  espèces. 
Y! H.  textor  a  les  dimensions  de  notre  Etourneau;  1'^.  vitellinus  est  de 

(1)  1881,  p.  Lxxiii. 


CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS.  237 

la  taille  du  Moineau.  On  se  demande  pourquoi  chaque  espèce  de  Tis- 
serin n'a  pas  plutôt  niche'. 

Proce'demment,  l'écrivain  des  Mittheilungen  de  Vienne  avait  commu- 
niqué des  observations  analogues  sur  une  espèce  le  «  Bec  de  corail  » 
[Quelea  sanç/uiniroslris  Bp.)  qui  se  croisa,  en  cage,  avec  le  Moineau  de 
Swainson  {Pyrgita  Stoainsomi  Bp.). 

Au  sujet  des  deux  Tisserins,  M.  Sauermann  nous  donne  encore  les 
de'tails  suivants  :  l'incubation  dura  de  douze  à  treize  jours  ;  les  jeunes 
sortirent  du  nid  au  vingtième  jour,  soit  plus  d'un  mois  après  la  ponte. 
A  cette  e'poque,  ils  étaient  déjà  plus  forts  que  la  femelle  du  Tisserin 
jaune.  Malheureusement  sur  les  douze  hybrides,  nés  dans  l'espace  de 
deux  ans,  il  ne  s'y  trouvait  aucune  femelle.  Par  leur  forme,  ces  pro- 
duits se  rapprochent  du  Tisserin  à  tête  noire,  mâle,  mais  ils  sont  plus 
petits.  Tous  ceux  nés  en  1890  prirent,  l'année  suivante,  la  môme  livre'e 
complète.  Leur  chant  se  rapproche  de  celui  du  Tisserin  à  tête  noire, 
mais  il  est  beaucoup  plus  doux.  Il  n'a  aucune  ressemblance  avec  le 
chant  du  Tisserin  jaune  d'œuf.  de  B. 

Protection  des  Oiseaux  à  la  Nouvelle-Zélande.  —  Depuis 
quelque  temps  on  s'occupait  dans  la  Nouvelle-Zélande  et  en  Angle- 
terre des  mesures  à  prendre  pour  protéger  certains  Oiseaux  néo- 
zélandais  qui  deviennent  rares.  L'on  cite  deux  sortes  de  Traquets,  le 
Miro  australis  Sparrm,  désigné  sous  le  nom  de  Tautamoai  par  les  Maori, 
et  le  Mii'o  albifrons  Gm.  ;  V Heterolocha  aaUirostns  Gould  ou  Huia  des 
Maori  qui  est  voisin  des  Paradisiers  et  des  Sturnopastors;  dans  le 
groupe  des  Perroquets,  le  fameux  Slrigops  liahroptilm  Gray,  aux  habi- 
tudes souterraines,  et  le  Cijanorham finis  Novœ-Zealandiœ  Sparrm.  (1)  ; 
enfin  les  Aptéryx  {Apteri/x  australs  Shaw  ou  Kiioi  et  Apt.  Otoeni 
Gould)  et  quelques  autres  espèces. 

Sur  la  proposition  du  Gouverneur  de  la  Nouvelle-Zélande  S.  E. 
lord  Anslow,  un  de'cret  interdit  maintenant  la  chasse  et  la  capture  de 
ces  Oiseaux.  En  outre,  on  a  décidé  d'en  prendre  un  certain  nombre 
dans  la  Nouvelle-Zélande  et  les  îles  adjacentes  pour  les  lâcher  dans 
d'autres  régions  qui  leur  seront  réservées.  On  a  choisi  au  nord  l'île 
d'Hauturu  et  au  sud  celle  de  la  Résolution. 

Les  chefs  des  Maori  ont  appuyé'  ces  mesures  de  protection.  VHete- 
rolocha  ou  Huia  fut  toujours  leur  Oiseau  pre'fe'ré.  Ils  chantent  ses 
louanges,  s'ornent  la  tête  de  ses  grandes  plumes.  Une  de  leurs  Hapit 
ou  tribu  tire  son  nom  de  l'espèce  :  Vgati  Huia.  On  raconte  que  le 
Gouverneur  baptisa  son  fils  du  nom  de  Huia.  Un  jour,  il  se  rendit  à 
Otaki  pour  présider  une  assemblée  des  principaux  chefs  Maori.  L'un 
d'eux  lui  tint  ce  langage  :  «  Oh  !  Gouverneur,  empêche  les  blancs  de 
»  tuer  notre  Oiseau  favori,  pour  que  ton  fils,  une  fois  grand,  puisse 
»  encore  admirer  ce  bel  Oiseau  dont  il  a  reçu  le  prénom.  »         G. 

(1)  Cette  espèce  reproduit  facilement  dans  les  volières  d'Europe. 


238  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Pisciculture  en  Australie  et  aux  États-Unis.  —  L'on  sait 
que,  dans  les  questions  de  pêche,  il  serait  désirable  que  les  éléments 
de  destruction  et  de  reproduction  se  fissent  e'quilibre.  D'après 
M.  Buckland,  sur  1000  œufs  de  Poissons  qui  sont  abandonnés  à  leur 
condition  de  nature,  un  seul  roussit,  c'est-à-dire  produit  un  Poisson 
qui  atteint  son  développement  complet.  La  culture  artificielle  reme'die 
beaucoup  à  cet  état  de  choses.  Les  Saumons  et  les  Truites  en  sont 
principalement  l'objet.  Dans  la  Nouvelle-Zélande,  en  1868,  on  com- 
mença par  utiliser  seulement  800  œufs,  et,  aujourd'hui,  les  cours  d'eau 
sont  riches  en  Truites.  En  1874,  on  lâcha  quelques  alevins  dans  le 
Conneclicut,  où  le  Saumon  avait  disparu  depuis  près  d'un  siècle. 
Quatre  ans  plus  tard,  quelques  centaines  de  Saumons  y  furent  pris,  et 
leur  poids  variait  de  dix  à  quinze  livres  anglaises.  Ces  dernières  an- 
nées, l'on  s'est  occupé  de  repeupler  le  Sacramento,  et  la  pêche  dans 
ce  fleuve  a  été'  plus  que  double'e.  Il  y  a  deux  ans,  on  a  introduit  dans 
le  lac  Vyrnwy  des  ialevins  de  Truite.  Dans  la  dernière  saison,  on  y 
pécha  4,000  Truites  et  l'on  constata  une  augmentation  double  dans 
leur  poids;  au  lieu  d'une  livre  de  croissance  moyenne  normale,  elles 
en  pesaient  deux  et  davantage.  De  S. 

Culture  de  l'Igname.  —  Dans  la  dernière  réunion  de  la  section 
des  végétaux,  M.  Chappellier,  après  s'être  associé  aux  e'ioges  qui,  de 
tous  côtés,  ont  accueilli  l'ouvrage  remarquable  de  MM.  Sagot  et 
Raoul  sur  les  cultures  coloniales,  a  appelé'  en  ces  termes  l'attention 
de  la  Section  sur  le  passage  suivant  de  cet  ouvrage  : 

«  En  tout  pays,  dans  le  sol  le  meilleur,  il  faut  quatre  ou  cinq  ans  de 
»  pépinière,  sans  arrachage  des  tubercules,  pour  qu'un  jeune  plant 
»  grêle  soit  devenu  un  plant  robuste  et  capable  d'un  beau  dévelop- 
»  pement.  » 

Cette  perspective  d'une  culture  préparatoire  de  quatre  ou  cinq  ans 
serait  vraiment  décourageante  ;  heureiisement  que  si  ce  long  délai  est 
nécessaire  dans  les  pays  intertropicaux,  il  n'en  est  pas  ainsi  en  tous 
pays,  notamment  sous  nos  climats  tempe're's. 

Je  mets,  en  efifet,  sous  vos  yeux,  de  jeunes  tubercules  issus  de  bul- 
billes  seme'es  au  printemps  dernier,  et  qui,  mis  en  terre  en  avril  pro- 
chain, donneront,  six  mois  après,  un  très  bon  produit.  Donc,  deux  an- 
nées, au  plus,  pour  obtenir  une  re'colte  normale. 

Ces  jeunes  tubercules  sont,  d'ailleurs,  beaucoup  plus  gros  que  lès 
plus  gros  Salsifis,  et  pourraient,  au  besoin,  être  déjà  livrés  à  la  con- 
sommation. 

Cette  culture  annuelle  par  le  semis  des  bulbilles  serait-elle  un 
moyen  bizarre  de  remplir  le  desideratum  de  notre  Société? —  La  grosse 
difficulté  de  l'arrachage  aurait  disparu,  puisque  ces  tubercules  ne  sont 
pas  plus  longs  que  des  Salsifis. 


CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS.  239 

Mais  le  semis  des  bulbilles  n'est  qu'un  procédé  accessoire  et  excep- 
tionnel. Voici,  en  eflfet,  comment  on  procède  le  plus  souvent  : 

Avant  de  livrer  un  tubercule  à  la  cuisine,  on  en  enlève  la  tête,  c'est- 
à-dire  la  portion  supérieure,  effilée,  longue  d'environ  20  centimètres. 

Cette  tête,  plante'e  au  printemps,  donne,  sis  mois  après,  un  légume 
pareil  à  celui  dont  elle  a  e'té  détache'e.  On  renouvelle  cette  opération 
tous  les  ans. 

Ce  procédé  est,  en  somme,  très  analogue  à  celui  usité  pour  la 
pomme  de  terre.  Pour  cette  dernière  plante,  lorsque  vous  arrachez  une 
touffe  composée,  je  suppose,  de  dix  tubercules,  vous  en  consommez 
neuf  et  vous  en  conservez  un  pour  la  plantation  de  l'année  suivante. 
De  même  pour  l'Igname,  vous  consommez  la  partie  infe'rieure  et  forte- 
ment renflée  qui  constitue  plus  des  neuf  dixièmes  du  volume  total,  et 
vous  conservez  la  tête  pour  la  plantation  de  l'année  suivante. 

En  résumé,  avec  le  procédé  exceptionnel  du  semis  des  bulbilles,  deux 
années  sont  nécessaires  pour  l'obtention  d'un  tubercule  de  volume 
normal  ;  mais,  avec  le  procédé  usuel  —  la  plantation  de  la  tête  — 
une  seule  année  suffit. 

Il  est  bien  entendu  que  mon  observation  ne  concerne  pas  les  pays 
intertropicaux  et  qu'elle  a  trait  seulement  à  nos  climats  tempérés,  no- 
tamment aux  environs  de  Paris  et  au  centre  de  la  France. 

Si  je  me  suis  permis  de  vous  soumettre  cette  observation,  c'est  sur- 
tout en  vue  de  la  publication  probable  d'une  deuxième  édition  que  le 
mérite  exceptionnel  de  l'ouvrage  de  MM.  Sagot  et  Raoul  ne  manquera 
pas  de  nécessiter  prochainement. 

Le  ('.  Mock  Orange  »  à  petites  feuilles  {Philadelphus  micro- 
phyllus).  —  On  cultive  beaucoup  cette  plante  mexicaine  dans  les  jar- 
dins d'Angleterre.  Cet  arbuste  est  de  petite  taille,  aussi  convient-il  de 
le  planter  le  long  des  allées.  Ses  feuilles  ressemblent  à  celles  du  Myrte, 
mais  elles  sont  plus  petites.  Quand  ses  branches  sont  fleuries,  elles 
descendent  jusqu'au  sol  et  embaument  l'air  à  plusieurs  métrés  de  dis- 
tance. Le  feuillage  forme  un  très  joli  fond  aux  fleurs  })lauches.  Le 
MocJi  Orange  est  robuste;  dans  les  comtés  du  nord,  on  le  garde  en 
pleine  terre  pendant  tout  l'hiver.  de  B. 


V.  BIBLIOGRAPHIE. 


Zoologie.  —  Traité  élémentaire  d'histoire  naturelle^  par  L.  Gérardin, 
professeur  aux  écoles  Turgot  et  Monge.  —  Un  volume  in-S"  de 
450  pages  avec  500  figures  dans  le  texte.  Librairie  J.-B.  Baillière  et 
fils,  19,  rue  Hautefouille  (près  du  boulevard  Saint-Germain),  à  Paris. 
Prix,  broche',  5  francs. 

La  Zoologie  de  M.  Léon  Gérardin  s'adresse  aux  jeunes  gens  qui 
sortent  des  lyce'es  et  qui  vont  aborder  les  e'iudes  spéciales  (Ecoles 
nationales  d'agriculture.  Institut  agronomique,  Ecoles  ve'tërinaires, 
Ecoles  de  pharmacie,  Faculté'  de  me'decine)  ou  les  e'tudes  supe'rieures 
(licence  es  sciences  naturelles). 

Ce  livre  constitue  un  manuel  général  pouvant  servir  de  base  com- 
mune à  toutes  ces  études  ;  il  peut  en  même  temps  rendre  service  aux 
professeurs  de  l'enseignement  secondaire  qui  y  trouveront  réunis  les 
e'iéments  ne'cessaires  à  la  préparation  de  leurs  leçons. 

Sous  une  forme  condense'e,  M.  Le'on  Gérardin  a  re'sumé  les  grands 
traite's  classiques  et  aussi  les  cours  donnés  par  les  principaux  profes- 
seurs de  l'enseignement  supe'rieur  ;  qu'il  nous  suffise  de  citer  : 
MM.  GiARD,  Yves  Delage,  J.  Chatin,  Pruvot,  de  la  Faculté  des 
sciences  ;  MM.  Edmond  Périer,  G.  Pouchet,  Beauregard,  du  Mu- 
séum d'Histoire  naturelle,  et  Re'my  Périer,  Mathias  Du  val,  et  Raph. 
Blanchard,  de  la  Faculté  de  me'decine;  Guignard,  de  l'Ecole  de 
pharmacie;  Henneguy,  du  Collège  de  France;  Paul  Regnard,  de 
l'Institut  agronomique;  Sicard  (de  Lyon),  G.  Moquin -Tandon  (de 
Toulouse),  P.  GiROD  (de  Clermont-Ferrand),  Joubin  (de  Rennes),   etc. 

L'auteur  a  choisi  la  méthode  analytique  ;  il  a  adopte'  comme  cadre 
la  Zoologie  pure,  négligeant  volontairement  les  théories  et  les  doc- 
trines synthétiques  déplace'es  dans  un  traité  e'iémentaire.  L'ouvrage 
contient  en  outre  les  éléments  de  la  physiologie,  de  l'histologie  et  de 
l'embryologie. 

Chaque  chapitre  est  termine'  par  des  indications  pratiques  sur  la 
recherche,  la  préparation  et  la  conservation  des  animaux.  Les  figures 
instructives  sche'matiques  ou  réelles,  ont  été  multipliées  à  dessein, 
pour  mener  rapidement  l'élève  à  la  connaissance  des  principaux 
types.  Enfin,  de  nombreux  tableaux  synoptiques  d'embranchements, 
d'ordres,  de  clisses,  permettent  aux  élèves  de  revoir  et  de  se  graver 
dans  la  mémoire  les  de'tails  de  la  classification.  G.  de  G. 


Le  Gérant  :  Jdles  Grisard. 


I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIÉTÉ. 


LES  CHIENS  DE  BERGER 

Par  m.  p.  MÉGNIN. 


Lorsqu'il  y  a  sept  on  huit  ans,  je  réunissais  les  matériaux 
pour  une  histoire  coni])lète  des  races  de  Chiens,  je  constatai 
que,  si  les  auteurs  cynégétiques  avaient  assez  clairement  dé- 
crit les  différentes  races  de  Cliiens  de  chasse,  courants  ou 
d'arrêt,  par  contre,  la  jjIus  grande  contradiction  régnait 
entre  les  auteurs  naturalistes  ou  zootechniciens  qui  avaient 
parlé  des  Chiens  de  herger. 

Deiiuis  Buffon,  les  naturalistes  ne  connaissent  qu'un  Chien 
de  berg-er,  qui  est  ainsi  décrit  dans  la  traduction  française 
de  Brehm,  un  des  ouvrages  les  plus  récents  : 

^(  Caractères.  —  Cette  race  se  distingue  par  une  taille 
moyenne,  un  poil  grossier  disposé  par  mèches  longues  partout 
le  corps,  excepté  à  la  tête  et  sur  les  pattes  ;  sa  robe  est  sou- 
vent noire  ou  noirâtre,  avec  du  jaune  de  rouille  au  museau, 
autour  des  yeux  et  aux  jambes  ;  la  queue,  lorsqu'elle  n'a  pas 
été  mutilée  dans  le  premier  âge,  est  garnie  de  longs  poils,  sur- 
tout à  la  face  inférieure.  L'animal  la  porte  horizontale  ou 
pendante.  (A  l'appui  de  cette  description,  l'auteur  donne  la 
figure  d'un  Chien  de  berger  dans  lequel  il  est  facile  de  recon- 
naître le  Chien  que  nous  avons  nommé  depuis  :  vieux  Chien 
de  berger  français  ou  Chien  de  Beauce). 

»  Aptitude  et  emploi.  —  Cet  animal  est  remarquable  par 
sa  sagacité  ;  ses  dispositions  à  garder  les  troupeaux  parais- 
sent innées  et  héréditaires. 

»  Au  bout  de  fort  peu  de  temps,  il  connaît  chaque  signe, 
chaque  regard  du  berger,  et  remi)lit  avec  une  patience,  une 
obéissance  rares  les  tâches  qu'il  lui  impose.  11  en  est  qui 
comprennent  toutes  les  paroles.  Un  observateui-  «ligne  de  foi 

2C  Mars  IS'JS.  16 


242  REVUE  DES   SCIENCES    NATUHELLES   APPLIQUÉES. 

m'a  assuré  avoir  enteiidn  recommander  à  son  Chien  de  res- 
pecter les  champs  de  colza;  le  Chien  parut  hésiter  un  mo- 
ment, il  n'avait,  probablement,  jamais  entendu  ce  mot  ; 
seigle,  blé,  orge,  avoine,  prairie,  champ,  c'était  là  choses 
connues,  mais  le  colza  !  Il  fit  le  tour  du  troupeau,  examina 
chaque  champ  l'un  après  l'autre  et  s'arrêta  devant  celui  dont 
la  récolte  lui  était  inconnue  ;  ce  devait  ttre  là  le  champ  de 
colza  et  ce  l'était,  en  efïet,  » 

Le  traducteur  de  Brehm  continue  : 

«  Le  Chien  de  Berger  offre  plusieurs  variétés. 

»  En  France,  on  distingue  comme  telles  : 

»  Les  Chiens  de  B>-ie,  caractérisés  par  leur  pelage  long  et 
soyeux  (!)  généralement  de  couleur  fauve  et  Isabelle.  Ces 
Chiens  étaient  autrefois  (')  très  en  renom.  »  (Les  mots  à  la 
suite  desquels  nous  avons  placé  des  points  d'exclamation 
prouvent  que  l'auteur  ne  connaissait  pas  les  chiens  de  Brie. 
II  cite  encore  comme  variété  française)  : 

»  Les  Chiens  toucheurs  de  Bœufs,  à  formes  fortes  et  mas- 
sives à  poil  noir  et  rude.  C'est  à  eux  que,  dans  certaines  con- 
trées de  la  France  et  de  l'ilngleterre,  la  surveillance  des  trou- 
peaux et  surtout  leur  conduite  sont  entièrement  aban- 
données. Ces  Chiens  sont  des  auxiliaires  précieux,  car  ils 
empêchent  les  bœufs  de  s'égarer  hors  de  la  route,  ifs  accé- 
lèrent leur  marche  et  maintiennent  le  bon  ordre  dans  les  pas- 
sages difficiles.  » 

Enfin  il  décrit  encore  et  figure  assez  exactement  le  Chien  de 
berger  d'Ecosse,  ou  Colley  ;  mais  ce  qu'il  dit  du  Chien  de 
berger  anglais  prouve  qu'il  ne  le  connaît  pas  du  tout. 

Les  zootechniciens,  représentés  par  M.  Sanson,  ne  parlent 
que  du  Chien  de  Brie  comme  Chien  de  berger  : 

«  Je  parle,  bien  entendu,  dit-il,  de  l'élite  de  la  fonction  du 
Chien  de  berger  aux  aptitudes  cultivées  par  une  éducation 
que  j'appellerai  de  famille,  à  la  fois  douce  et  sévère,  soumis 
au  maître  dont  il  est  le  meilleur  ami,  le  plus  fidèle  compa- 
gnon, dont  il  prévient  les  désirs  et  les  ordres  avec  une  intel- 
ligence et  un  dévouement  dont  l'humanité  ne  lui  donne 
l'exemple  que  bien  rarement,  hélas  !  je  parle,  en  un  mot,  du 
Chien  de  Brie,  dont  la  race  est  vouée  de  temps  immémorial  à 
cette  fonction  devenue  pour  elle  un  véritable  héritage. 
(M.  Sanson  ne  décrit  pas  ce  Chien,  mais  il  en  donne  une 
excellente  figure  en  reproduisant,  d'après  de  Penne,  le  por- 


LZS  CHIENS  DE  BERGER.  SiS 

trait  de  Charmante,  chienne  de  berj^er  de  la  Brie,  prix 
d'honneur  à  l'Exposition  universelle  des  races  canines  en 
1863.) 

Quant  à  dire  qu'elle  est  connue  cZe  temps  immé>norial,te\\e 
que  nous  la  connaissons,  c'est  une  erreur,  car  il  n'y  a  pas 
cinquante  ans  qu'elle  existe.  Ce  qu'on  appelait  autrefois  C/iie)i 
de  Brie,  et  ce  que  beaucoup  d'auteurs  appellent  encore  de  ce 
nom,  c'est  le  vieux  Chien  gaulois  ou  de  Beauce. 

«  On  rencontre  de  ces  Chiens-là,  continue  M.  Sanson,  sur 
tous  les  points  de  la  France.  Partout  ils  répondent  au  nom  de 
Laljrie,  qui  a  été  conservé  à  leur  famille,  comme  une  sorte 
de  titre  de  noblesse.  Ils  apportent  en  naissant  l'aptitude  au 
métier.  Ils  naissent  gardiens  de  troupeaux  comme  on  nait 
rôtisseur.  Les  autres,  les  Mâtins,  peuvent  le  devenir  par  une 
éducation  soignée  ;  eux  se  dressent  tout  seuls.  » 

Comme  on  voit,  M.  Sanson  ne  connaît  pas  le  vieux  Chien 
de  berger  français,  ou  Chien  de  Beauce  ;  il  ne  connaît  pas 
davantage  le  Chien  du  Languedoc,  ou  de  la  Crau,  qui  accom- 
pagne les  troupeaux  transhumants  dans  leurs  pérégrinations 
périodiques  dans  les  Pyrénées  ou  dans  les  Alpes,  dont  nous 
parlerons  plus  loin,  et  qui  ont  autant  .d'aptitude  à  leur  mé- 
tier que  le  Chien  de  Brie. 

Si  les  Chiens  de  berger  sont  bien  connus  au  point  de  vue 
de  leur  intelligence  et  de  leurs  qualités  morales,  nous  venons 
de  montrer  qu'ils  le  sont  encore  peu  au  point  de  vue  des  ca- 
ractères et  de  la  diversité  de  leur  race.  C'est  ce  qui  nous  a 
engagé  à  combler  cette  lacune. 

Nous  avons  commencé  l'étude  des  races  de  Chiens  de  ber- 
ger, dès  1887,  et  nous  l'avons  poursuivie  dans  différents  ar- 
ticles parus  dans  Y  Eleveur  jusqu'à  ces  derniers  tem^is.  Nous 
allons  résumer  nos  études  dans  le  présent  travail. 

Origine  des  chiens  de  berger.  —  La  première  question 
que  nous  nous  sommes  posée  est  celle  de  l'origine  des  Chiens 
de  berger. 

Pour  Bufibn,  le  Chien  de  berger  est  le  représentant  le  plus 
voisin  du  type  primitif,  c'est  le  vrai  Chien  de  la  nature,  celui 
qu'on  doit  regarder  comme  la  souche  de  l'espèce  entière. 

Si  la  première  partie  de  cette  proposition  est  vraie,  la 
seconde  l'est  beaucoup  moins.  En  eflèt,  il  est  parfaitement 
démontré  aujourd'hui,  pour  les  naturalistes  modernes,  que 


2i4 


REVUE  DES  SCIENCES   NATURELLES  APPLIQUÉES. 


nos  nom])reiises  races  de  Chiens  ont  eu  plusieurs  souches 
primitives  et  que  le  rôle  que  Buffon  taisait  jouer  aux  climats 
est  beaucoup  trop  considérable;  personne  ne  croit  plus, 
comme  il  le  disait,  «  que  le  Mâtin  qui,  au  nord,  se  métamor- 
phose en  grand  Danois  devient  un  Lévrier  au  midi  ». 


Fig.  4.  —  Cràue  de  Loup.  A  Profil.  B  Face  supérieure. 
C  Dent  carnassière  iui'érieure. 


Il  Y  a  eu  au  moins  trois  souches  sauvages  de  nos  Chiens 
domestiques  :  une  d'Europe,  représentée  par  le  Chien  fossile, 
ou  Chien  des  tourbières  ;  une  d'Asie,  représentée  encore  au- 
jourd'hui par  le  Chien  du  Tliibet,  et  une  d'Afrique,  représen- 


LES  CUIENS  DE  BEKllER. 


245 


tée  probablement  par  le  Lévrier  sauvage  d'Abyssinie  dont  on 
a  fait  le  type  du  penre  Simenia  (c'était  du  moins  l'opinion  de 
Paul  Gervais).  Et  ces  trois  types  sont  parfaitement  distincts 
des  espèces  des  genres  Lupus  et  Vulpes  dont  certains  auteurs 
ont  voulu  aussi  faire  descendre  nos  Chiens. 

Il  suffit,  du  reste,  pour  le  démontrer,  de  comparer  les 
crânes  de  ces  différentes  espèces  ou  types. 

Nous  représentons  dans  la  figure  1  ci-contre  un  crâne  de 


Fiff.  2.  —  Crâne  de  Chacal. 

Loup  vu  de  face  et  de  profil,  dessiné  d'après  nature,  comme, 
du  reste,  toutes  les  figures  qui  vont  suivre  (1).  —  Nous  cons- 
tatons que  le  front  est  plat  et  que  la  ligne  du  nez  à  la  crête 
occipitale  est  à  peu  près  droite,  sans  dépression  inter-occu- 
laire  (cassure  du  nez)  ;  que  les  apophyses  orbitaires  du  fron- 
tal n'ont  pas  de  saillie  en  hauteur  et  sont  très  étroites  latéra- 
lement; que  les  arcades  zygomatiques  sont  très  écartées  en 
arrière  et  dessinent  les  deux  brandies  d'un  V  et  que  le  trou 
de  l'oreille  est  bien  au-dessus  du  niveau  de  la  ligne  dentaire. 
Ce  sont  ces  caractères  crâniens  qui  donnent  à  la  tète  du 


(11  Nous  possédons  une  collection  de  crânes  des  races  Ijpes  des  Chiens  do- 
mestiques qui  nous  ont  servi  de  modèles  ;  les  dessins  des'canidés  sauva-es  ont 
été  pris  sur  des  pièces  du  Muséum.  "  '^ 


246 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


Loup  sa  forme  conique,  son  front  plat,  sans  saillie,  ses  yeux 
obliques,  enfin  cette  physionomie  bestiale  et  féroce  si  diffé- 
rente de  la  physionomie  intelligente  et  du  regard  franc  et 
droit   du   Chien  de  berger,  le  plus  rapproché  du  type  sau- 


vage. 


Le  crâne  du  Chacal  [fig .  2)  ressemble  à  celui  du  Loup,  il  a 
seulement  la  crête  occipitale  un  peu  moins  saillante  et  les 
arcades  zygomatiques  moins  écartées. 


i'ïy. 


Crâne  de  Lévrier  du  Soudan. 


Le  crâne  du  Lévrier  d'Abyssinie  ne  se  distingue  guère  de 
celui  du  Chacal  que  par  des  dimensions  plus  grandes  et  une 
ligne  frontale  un  peu  ondulée  [pg.  o).  Le  crâne  d'un  Lévrier 
scJiUmghi  en  diffère  par  des  saillies  orbitaires  plus  pronon- 
cées, bien  que  moins  saillantes  que  celles  du  crâne  de  nos 
chiens  d'Europe  et  par  une  dépression  inter-oculaire  qui  est 
un  principe  de  cassure  du  nez. 

Le  crâne  du  Renard  {fig.  4)  a  le  front  encore  plus  plat  que 
celui  des  Loups  (Loup  commun,  ou  Chacal),   mais  le  trou  de 


LES  CHIENS  DE  BERCtER. 


247 


l'oreille  se  rapproche  plus  de  la  ligne  des  dents  et  l'ensemble 
des  arcades  zygomatiques  dessine  un  U  et  non  un  V. 

Le  crâne  de  Dingo  {fig.  S)  représente  exactement  celui  du 
Chien  des  tourbières  [Canis paticstris,  Rutimeyer)  de  l'époque 
préhistorique,  comme  nous  avons  pu  le  constater  en  faisant 
la  comparaison  pièces  en  main;  la  saillie  de  son  Iront  et 
surtout  de  ses  apophyses  orbitaires,  aussi  bien  en  largeur 
qu'en  hauteur,  le  distingue  nettement  des  espèces  précédentes, 
bien  que  ses  .arcades  zygomatiques  aient  un  peu  de  tendance, 


Fiff.  i. 


Crâne  de  Ueuard. 


comme  celles  du  Loup,  à  former  un  V.  La  distance  de  l'orbite 
aux  incisives  est  aussi  bien  plus  courte  que  chez  le  Loup  et 
le  Renard,  et  le  trou  de  l'oreille  est  bien  plus  bas  que  chez  le 
premier.  Les  différences  sont  cai)itales,  et  il  n'est  pas  possible 
de  rattacher  le  Chien,  ni  au  Loup,  ni  au  Chacal,  ni  au  Re- 
nard. Il  appartient  bien  à  un  genre  différent  de  ceux  de  ces 
derniers,  genre  qui  a  pour  principal  caractère  la  saillie  et  les 
dimensions  plus  grandes  des  apophyses  orbitaires,  caractère 
qu'on  ne  peut  i)as  attribuer  à  l'influence  de  la  domestication, 
et  que  présentent  toutes  plus  ou  moins  les  espèces  du  genre 
Caiiis  sauvages  ou  domestiques  et  qui  leur  donne  une  phy- 
sionomie si  différente  de  celle  des  Loups. 


248 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


Le  crâne  représenté  figure  3  appartenait  à  nn  représentant 
«le  l'ancienne  race  des  Lévriers  d'Orient  dont  les  Grecs  se 
servaient  à  la  chasse  aux  grands  fauves,  concurremment 
avec  plusieurs  autres  races  de  Chiens,  existe  encore  dans  le 
Kordolan.  C'est  de  ce  dernier  pays  que  venait  le  Chien  qui 
nous  a  fourni  cette  pièce. 

Nous  voyons  que  ce  crâne  est  aussi  long  que  celui  du 
Loup,  mais  il  est  bien  plus  étroit  en  largeur  et  en  hauteur,  et 
puis  la  ligne  frontale,  au  heu  d'être  presque  droite  de  l'ou- 
Yerture  nasale  à  la  saillie  occipitale,  forme  une  ligne  ondulée 


Fig. 


Crâne  de  BinffO^  semblable  au  crâne  du  Chien  des  lour'uières. 


au  milieu  du  front  et  s'incline  en  arrière  ;  le  front  est,  par 
suite,  plus  saillant  et  plus  large  que  chez  le  Loup,  quoiqu'il  le 
soit  moins  que  chez  le  Dingo  dont  il  diffère  aussi  par,  la  lon- 
gueur et  par  le  peu  de  saillie  de  sa  crête  sagittale  et  de  l'apo- 
physe orbitaire.  Le  Lévrier  a  donc  des  caractères  crâniens 
différents  de  ceux  du  Loup. 

Comme  crâne  du  type  asiatique  de  Chien  du  centre  de 
l'Asie,  nous  représentons  {fig.  6]  celui  d'un  beau|Dogue  à  poil 
ras,  originaire  de  Russie,  où  il  avait  été  acheté  3,000  francs 
par  M'"«  de  la  H . . .  et  qui  est  mort  du  diabète  dans  notre  in- 
firmerie. C'est  le  plus  typique  de  tous  ceux  que  nous  avons 
pu  examiner  et  représente  pour  nous  l'ancien  Dogue^des 
Cimbres  qui  était  le  gardien  de  leurs  camp>^,  ou  des  Assj'- 
riens  du  temps  d'Assurhimpal  V,  employé  par  ce'.prince  à 
la  chasse  aux  chevaux  sauvages,  comme  le  montrent  des 


LES  CHIENS  DE  BERGER, 


249 


has-reliefs  de  son  palais  de  Koiiyendjik  et  dont  nous  pos- 
sédons deux  bonnes  photographies.  —  Nous  en  donnons  le 
décalque  ci-contre  [fig.  7).  —  On  voit  que  le  crâne  {ftg.  6)  est 
remarquable  par  la  saillie  du  front,  et  surtout  des  a[)ophyses 
sourcillières  et  par  la  brièveté  de  l'espace  qui  sépare  l'ou- 


Fifj.  G.  —  Crfine  do  Dof^ue  de  Russie. 

A  Profil.  B  Face  supéiieiire.  C  Dent  carnassière  inl'érieure. 

a  Incisives,  c  Canine.  /'///  Fausses  molaires,  ca  Carnassière,  m  Muiaires. 


verturo  nasale  de  l'orbite  ;  mais  il  a  le  trou  auriculaire  placé 
plus  haut  que  chez  le  Dingo,  les  arcades  zygoniatiques  plus 
arrondies  que  chez  le  Loup,  enfin  il  a  une  paire  de  molaires 
de  plus  que  chez  les  autres  Chiens,  la  dernière  de  l'arcade 
supérieure,  et  qui  est  tuberculeuse  comme  les  deux  précé- 
dentes, ce  qui  lui  lait  trois  paires  de  tuberculeuses  en  haut  et 


230 


KEVIIE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 


deux  en  bas.  Tous  ces  caractères  en  font  encore  une  espèce 
bien  distincte. 


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2. 
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Tous  les  autres  crânes  de  Chiens  que  nous  avons  examinés 
se  rattachent   plus  "jdw  moins    directement  aux  trois  types 


LES  CHIENS  DE  BERfrER.  2o'l 

spécifiques  que  nons  venons  de  décrire  et  de  figurer,  ou  sont 
le  résultat  de  combinaisons  de  deux  ou  plusieurs  d"entre  eux, 
ou  même  avec  le  Loup  qui  donne  avec  les  différentes  espèces 
canines  des  produits  féconds  ;  à  moins  qu'ils  ne  soient  du 
type  aberrant  du  Bouledogue,  du  Basset  ou  des  petits  Chiens 
d'appartement  à  tête  ronde  due  à  des  arrêts  de  déve- 
loppement et  qui  sont  de  véritables  dégénérés. 

On  voit  donc  que  nous  avons  raison  d'admettre  trois  es- 
pèces-types de  Chiens  qui  ont  été  l'origine  et  le  point  de 
départ  des  nombreuses  races  que  nous  voyons  actuellement, 
qui  ont  apparu  successivement  et  qui  se  créent  même  encore 
de  nos  jours,  comme  certaines  races  de  Bassets.  (Voyez 
Y  Eleveur  des  15  et  29  janvier  1893.) 

Ces  trois  types  spécifiques  sont  : 

1°  Le  Chien  des  tourbières  ou  fossile  [Canis  palustris) 
dont  dérivent  directement  le  Chien  de  berger,  le  Braque  et 
l'Épagneul,  forcément  rapprochés  par  la  similitude  de  leurs 
crânes  et  par  suite  tous  les  Chiens  d'arrêt. 

2°  Le  Lévrier  {Canis  celer),  originaire  du  nord-est  de 
l'Afrique  et  de  l'Asie  mineure,  souche  des  difî'érentes  races 
de  Lévriers  et  qui,  par  son  croisement  avec  l'espèce  pré- 
cédente, a  donné  le  groupe  des  Chiens  courants;  ceux-ci  avec 
addition  de  sang  de  loup  —  croisement  que  pratiquaient  fré- 
quemment les  Graulois  —  ont  donné  les  Mâtins  qui  établissent 
la  transition  entre  les  Chiens  de  chasse  et  les  Dogues. 

3"  Le  Dogue  {Canis  molossus),  ramené  d'Assyrie  par  les 
Grecs  qui  en  fournissaient  les  cirques  de  Rome,  venu  aussi 
du  nord  et  du  centre  de  l'Asie  avec  les  différentes  hordes  de 
Barbares  et  en  dernier  lieu  avec  les  Huns  à  qui  ils  servaient 
comme  aux  Cimbres  de  gardes  de  camp.  Il  est  représenté 
encore  par  le  Dogue  du  Thibet  et  est  la  souche  des  différents 
Dogues,  russes,  danois,  allemands,  anglais,  français,  espa- 
gnols, et  des  Chiens  de  montagne,  puis  de  la  race  aberrante 
des  Bouledogues. 

A  ces  trois  espèces,  il  y  en  a  une  quatrième  à  ajouter  :  celle 
du  Terre-neuve,  introduite  en  Europe  au  milieu  du  siècle 
dernier. 

Toutes  les  races  de  Chiens,  répéterons-nous,  dérivent  de 
ces  quatre  espèces  soit  directement,  soit  de  leur  mélange,  soit 
de  produits  primitifs  ou  secondaires  dégénérés. 


252  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Domestication.  —  Le  Chien  sauvage,  qui  a  été  la  souche 
du  Chien  de  berger,  a  été  domestiqué  à  une  époque  extrê- 
mement reculée  ;  la  preuve  en  a  été  donnée  par  Rutimeyer, 
de  Bâle,  et  rapportée  ainsi  qu'il  suit  dans  les  Leçons  sur 
ïhomme,  de  Karl  Vogt  : 

«  Le  plus  ancien  animal  domestique  connu  jusqu'à  présent 
est,  sans  aucun  doute,  le  Chien  dont  on  a  trouvé  les  restes, 
tant  dans  les  Kjenncimœdclwg  (restes  de  cuisine  des  peuples 
primitifs  du  Danemark)  que  dans  les  habitations  lacustres 
de  l'âge  de  la  pierre,  découvertes  en  Suisse. 

»  Ce  Chien  ancien  appartenait,  d'après  Rutimeyer,  à  une 
race  constante  jusque  dans  ses  moindres  détails,   de  taille 
moyenne,  d'une  conformation  légère  et  élégante,  à  boîte  crâ- 
nienne spacieuse  et  arrondie,  à  orbites  grandes,   à  museau 
court,  peu  pointu,  à  mâchoires  médiocres  dont  les  dents  for- 
ment une  série  régulière.   Ce   Chien,    qu'on  peut  nommer 
Chien  des  tourbières  [Canis  palustris],    ressemble,   par    la 
grandeur,  l'étroitesse  des  membres  et   la  faiblesse  des  at- 
taches musculaires,   entièrement  à  l'Épagneul  et   au  Chien 
d'arrêt  à  poil  ras,  et  paraît,  par  la  largeur  et  la  voussure  de 
son  crâne,  avoir  fourni  le  modèle  de  i'Épagneul,   et  par  ses 
contours  extérieurs  et  la  longueur  du  crâne,  celui  du  Chien 
courant.  Ce  Chien  de  l'âge  de  pierre  est  entièrement  distinct, 
comme  espèce,  du  Loup  et  du  Chacal,  que  certains  ont  voulu 
considérer  comme  les  ancêtres  du  Chien  actuel,  et  comme  il 
a  apparu  aussi  bien    en   Danemark  qu'en   Suisse,  il  n'y  a 
aucun  doute  que  cette  espèce,  propre  à  l'Europe,  fut  soumise 
par  l'homme  et  utilisée  par  lui,  dès  Torigine,  pour  la  chasse, 
et,  plus  tard,  pour  la  garde  de  la  maison  et  du  bétail.  Ruti- 
meyer cite  à  l'appui  de  cette  opinion  la  circonstance  que  l'on 
ne  rencontre  que  rarement  des  os  brisés  pour  l'extraction  de 
la  moelle  (comme  cela  se  remarque  pour  les  ossements  de 
tous  les  autres  animaux  servant  à  la  nourriture)  ;  que  pour 
la  plupart  les  crânes  des  Chiens    sont    bien    conservés    et 
appartiennent  à  de  vieux  animaux,  d'où  il  conclut  avec  jus- 
tesse  que  le   Chien  a  pu  servir   de  nourriture   exception- 
nellement, en  cas  de  besoin,  mais  pas  habituellement  et  qu'on 
lui  laissait  atteindre  un  âge  avancé  avant  de  le  tuer  pour 
s'en  nourrir. 

»  Plus  tard,  à  l'époque  des  métaux,  on  voit  apparaître,  soit 
en  Danemark,  soit  en  Suisse,  des  races  de  Chiens  plus  grandes 


LES  CHIENS  DE  BERGER.  253 

et  pins  fortes,  se  rapprochant  par  leurs  mâchoires  beaucoup 
plus  du  Dogue  que  du  Chien  des  tourbières  et  qui  paraissent 
avoir  été  introduites  du  dehors. 

»  La  constance  des  caractères  du  Chien  des  tourbières,  la 
concordance  complète  des  restes  qu'on  a  trouvés  dans  diffé- 
rents endroits,  la  distinction  spécifique  évidente  d'avec  le 
Loup,  le  Chacal  et  le  Renard,  prouvent  clairement  la  justesse 
d'une  assertion  fondée  d'ailleurs  sur  d'autres  motifs,  et  d'a- 
près laquelle  les  nombreuses  races  actuelles  de  Chiens  ne  se- 
raient point  le  résultat  des  modifications  d'une  seule  espèce, 
mais  bien  celui  des  mélanges  multipliés  d'espèces  voisines 
entre  elles.  » 

Le  Chien  ne  fut  d'abord  qu'un  parasite  de  l'homme,  vivant 
des  restes  de  sa  chasse.  En  effet,  quand  l'homme  de  l'âge  de 
la  pierre,  avait  tué  un  des  gros  gibiers  qu'il  poursuivait  avec 
ses  armes  de  silex,  Auroch,  Renne  ou  Cheval  sauvage,  il  ne 
l'emportait  pas  tout  entier  dans  sa  hutte  ou  dans  sa  grotte  ; 
il  détachait  les  parties  qui  contenaient  les  morceaux:  de 
choix,  les  membres  avec  les  os  à  moelle,  la  cervelle,  etc.,  et 
abandonnait  le  reste  qui  devenait  la  proie  des  bandes  de 
Chiens  sauvages,  comme  on  le  voit  encore  dans  les  pays 
orientaux. 

Peu  à  peu  le  Chien  s'associa  plus  intimement  à  l'homme, 
|et,  comme  tout  animal  qui  vit  en  société  obéit  par  instinct  à 
un  chef  de  bande,  il  finit  par  reconnaître  l'homme  pour  son 
[chef  et  à  se  regarder  comme  faisant  partie  de  la  société  ou 
[famille  qui  obéissait  à  ce  dernier  ;  il  se  considéra  comme  co- 
propriétaire de  la  hutte  ou  de  la  caverne,  ayant  le  devoir  de 
jla  défendre  contre  tout  intrus,    bipède   ou  quadrupède,  et 
d'aider  son  chef  à  la  chasse  de  ces  derniers. 

Quand  l'homme  reconnut  la  nécessité  de  se  créer  une  ré- 
iserve  de  gibier,  en  parquant  dans  des  coins  de  prairie  des 
groupes  déjeunes  animaux  des  espèces  qu'il  chassait,  —  ce 
qui  fut  l'origine  de  la  vie  pastorale,  —  le  Chien  fut  naturelle- 
ment le  gardien  de  ces  parcs,  tout  en  conservant  ses  autres 
fonctions. 

Ce  n'est  que  bien  des  siècles  après  ces  temps  i)rimitifs  que 

s'opéra  la  spécialisation  des  différents  emplois  auxquels  nous 

voyons  le  Chien  affecté.  Pendant  les  temps  héroïques  de  la 

Grèce  antique,  cette  spécialisation  n'existait  pas  encore,  ainsi 

ique  le  prouve  la  fable  d'Ovide  sur  le  chasseur  Actéon  :  Sa 


2'ii  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

meute,  qui  le  dévora  quand  Diane  l'eut  métamorphosé  en 
cerf,  et  dont  l'auteur  indique  la  composition  en  désignant 
chaque  Chien  par  son  nom,  accompagné  le  plus  souvent  de  la 
désignation  de  son  origine,  de  ses  caractères  saillants  et  de 
son  emploi,  comprenait  des  Lévriers,  des  Chiens  à  nez  très 
fin,  des  Molosses,  des  métis  de  loup,  et  des  Chiens  de  berger 
a  qui  avaient  suivi  les  troupeaux  ». 

Sous  Columelle,  un  des  agronomes  latins  dont  les  écrits 
nous  sont  restés,  et  qui  vivait  au  siècle  d'Auguste,  la  spécia- 
lisation en  question  commençait  à  se  faire,  car  il  nous  parle 
de  trois  espèces  de  Chiens  employés  dans  les  fermes  de  son 
temps  :  un  Chien  pour  la  garde  delà  métairie  et  des  hommes. 
un  Chien  pour  la  garde  des  troupeaux  et  un  Chien  de  chasse. 

Jusqu'à  la  Révolution  française,  le  Chien  de  berger  est 
resté  exclusivement  le  protecteur,  le  défenseur  des  trou- 
peaux contre  les  Loups  ;  ce  n'est  qu'après  l'extrême  division 
de  la  propriété  qu'il  est  devenu  l'inteHigent  conducteur,  le 
protecteur  sagace  des  récoltes  que  nous  connaissons  ;  et 
encore  seulement  dans  les  pays  débarrassés  de  carnassiers 
comme  la  Grande-Bretagne,  ou  ceux  où  ils  sont  devenus 
rares,  comme  les  plaines  de  la  France,  de  la  Belgique  et 
du  nord  de  l'Allemagne.  Partout  ailleurs  il  est  encore  à  peu 
près  exclusivement  leur  défenseur. 

Nous  allons  maintenant  aborder  l'étude  des  races  de  Chiens 
de  berger  signalées  dans  les  difî'érentes  contrées  de  l'Europe. 

[A  suivre.) 


VISITES  FAITES 

AUX  ÉTABLISSEMENTS  D'AVICULTURE 

Par  m.  mardis 


ÉLEVAGE    DE    M.    J.-J.    LEJEUNE 

AUX    ESSABTS-LK-BOI    (SE1NE-ET-0ISE). 

Il  ne  m'a  jamais  été  donné  de  voir  nn  élevage  aussi  com- 
plet que  celui  de  M.  Lejeune,  par  sa  situation,  la  grandeur  de 
ses  parquets  couverts  et  grillagés,  le  bien-être  des  volailles  ; 
en  un  mot,  cet  établissement  est  le  rêve  auquel  chaque  avi- 
culteur doit  aspirer. 

Figurez-vous  une  très  vaste  prairie,  avec  grands  arbres, 
taillis,  pièces  d'eau,  exposition  au  soleil,  de  l'air,  de  la  lu- 
mière, de  l'ombre  à  volonté  dans  le  cas  de  forte  chaleur, 
abris  spacieux  en  hiver,  la  partie  couverte  des  poulaillers 
étant  fermée  en  cas  de  besoin  par  de  grandes  toiles  et  des 
paillassons.  Pour  la  gent  frileuse  un  grand  couvoir  chauâe; 
enfin  je  ne  puis  mieux  exprimer  ma  pensée  qu'en  disant: 
C'est  beau,  très  beau,  très  commode,  bien  agencé  et  il  n'est 
pas  possible  en  France  de  trouver  un  élevage  mieux  installé. 

On  comprend  difficilement  que  cet  intéressant  élevage  n'ait 
pas  encore  été  visité  d'une  faron  officielle,  car  l'aviculture 
entre  pour  beaucoup  dans  le  rendement  de  notre  pays  et  elle 
appelle  a  elle,  pour  la  soutenir  dans  la  lutte  contre  les  pro- 
duits étrangers,  la  bienveillance  des  représentants  de  notre 
pays. 

DESCRIPTION   DE    l'ÉI.KVAGE. 

En  entrant  sur  le  point  culminant  de  la  propriété,  les  écu- 
ries et  les  communs,  à  la  suite  le  pavillon  du  garde-chef  fai- 
sandier.  Ce  pavillon  sera  détaillé  après  l'élevage. 

A  droite  contre  le  mur  de  clôture  :  quatre  volières  chacune 
de  7  mètres  de  longueur  sur  2'". 55  de  largeur  et  2"',35  réduit 
de  hauteur.  Ces  quatre  volières  sont  adossées  à  un  mur  de 
clôtui'e  en  meulière  ;  la  face  de  ces  volières  est  griUagée  avec 


2i)6  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

porte  à  un  vantail  sur  le  devant  ;  couvertes  en  bois  et  recou- 
vertes sur  le  dessus  en  zinc.  Le  sol  de  ces  cabanes  est  en 
terre  avec  sable  fin  à  volonté.  Dans  chacune  de  ces  volières, 
un  poulailler  de  2  mètres  x  i"\20  et  l'",70  de  hauteur  avec 
porte  pour  l'entrée  et  la  sortie  des  volailles  ;  perchoirs  plats 
en  bois,  trous  d'aération,  le  plancher  en  bois  est  mobile  se 
démontant  à  volonté,  ainsi  que  les  perchoirs  ;  ce  poulailler 
est  à  0'",';5  du  sol,  laissant  en  dessous  un  endroit  où  les  vo- 
lailles vont  taire  leur  poudrette.  En  été,  pour  protéger  les 
volailles  contre  la  forte  chaleur  et  la  pluie,  une  toile  de  tente 
se  développant  à  volonté  et  cachant  entièrement  la  façade  de 
chaque  volière.  En  hiver,  cette  toile  protège  contre  la  neige 
et  le  froid.  Elle  est  doublée  par  des  paillassons  en  paille, 
l'e  volière:  1  coq,  4  poules,  race  Crèvecœur,  noire. 
2®        • —       1  coq,  4  poules,  race  Campine,  argentée  ;   Pi- 
geons Culbutants. 
3^        —       1  coq,  3  poules,  race  Padoue,  argentée. 
4^        —       1  coq,  5  poules,  race  de  la  Flèche. 
Dans  cette  volière  seulement,  M.  Lejeune  a  fait  ouvrir  une 
baie  dans  le  mur,  permettant  aux  volailles  de  prendre  leurs 
ébats  dans  un  pré  situé  contre  la  partie  occupée  par  les  Oies 
et  Canards  et  aj'ant  environ  300  mètres  superficiels  avec 
verdure,  arbres,  etc. 

La  séparation  entre  chaque  volière  est  en  grillage  avec 
feuille  de  zinc  partant  du  sol  de  la  cabane  sur  une  hauteur  de 
0'",80,  recouvrant  le  bas  de  chaque  séparation.  Précaution 
excellente  pour  empêcher  les  coqs  de  se  voir  et  de  se  battre 
et  par  conséquent  de  s'abimer  la  crête. 
En  retour  contre  ce  mur  : 
4  grandes  volières  dont  trois  semblables. 
Détail  d'une  volière  :  Un  grillage  tout  au  pourtour,  porte 
sur  la  face  sur  route  et  porte  de  communication  intérieure 
entre  chaque  compartiment. 

Le  bas  de  chaque  séparation  entre  les  compartiments  est 
recouvert  d'une  feuille  en  zinc  de  0"%80  de  hauteur  sur  toute 
la  longueur  pour  les  coqs. 

La  partie  grillagée  a  vingt-deux  mètres  de  longueur  sur 
sept  mètres  de  largeur.  Le  sol  est  en  verdure  :  prairie  natu- 
relle avec  grands  arbres. 

Au  fond,  poulailler  couvert  de  3  mètres  de  largeur  sur 
1  mètres.  Ce  poulailler  couvert  peut  se  diviser  en  deux  com- 


'      VISITES  AUX  ÉTABLISSEMENTS  D'AVICULTURE. 


257 


20  Mars   1893. 


17 


2ii8i  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

partiments  ;  il  est  en  bois,  couvert  en  bois  avec  zinc  sur  le 
dessus  ;  le  devant  est  grillagé  avec  porte  de  communication 
en  grillage,  avec  contre-poids  pour  la  fermeture,  séparation 
entre  les  poulaillers  en  bois. 

Le  bas  du  poulailler  couvert  est  à  environ  0"%70  du  sol  ;  le 
plancher  en  bois  est  mobile  ainsi  que  les  perchoirs  ;  le  sol  du 
poulailler  est  en  terre  avec  sable  fin  à  volonté.  Le  devant  du 
poulailler  est  fermé  par  une  toile  de  tente  comme  les  com- 
partiments ci-dessus. 

1'^  volière  :  1  coq,   2  poules,  race  Combattants  indiens  ; 
Pigeons  Hirondelles  et  Pies  blanc  et  rouge. 

2''        —       1  coq,  4  poules,  race  Andalouse  noire. 

3e        —  Idem.  Idem. 

4"        —       1  coq,  6  poules,  race  Andalouse  bleue  et  Pi- 
geons Bisets. 

Description  de  la  4"  volière  : 

La  volière  au  devant  semblable  à  celle  ci-dessus.  Poulailler 
couvert  divisé  en  six  compartiments  au  rez-de-chaussée  et 
à  l'entre-sol  en  deux;  la  partie  réservée  pour  le  poulailler 
volailles  montant  jusqu'à  la  toiture.  Partie  couverte  de  7"', 15 
de  longueur  sur  3  mètres  de  largeur.  Le  premier  compar- 
timent pour  les  volailles  a  2'",  05  de  largeur  sur  1  mètre  et 
2"\  13  réduit  de  hauteur  ;  le  2'  compartiment  pour  gros  pi- 
geons a  2"^, 50  X  1  mètre  et  quatre  compartiments  à  la  suite 
pour  petits  pigeons,  de  0'",65  x  1  mètre  X  0"i,90  de  hauteur. 

Au-dessus  de  ces  derniers  compartiments,  deux  comparti- 
ments pour  gros  pigeons,  de  2'", 50  x  1  mètre  xO"', 90  de  hau- 
teur. Les  planchers  sont  en  bois  démontables  ainsi  que  les 
perchoirs.  Le  devant  est  en  grillage  avec  porte  communiquant 
dans  chaque  compartiment.  La  porte  du  poulailler  des  poules 
est  en  bois,  pleine  avec  contrepoids  en  fonte  pour  la  fermeture. 

Ces  diverses  cabanes  sont  toujours  en  surélévation  du  sol 
de  0"\'75  de  hauteur. 

Sol  en  sable  fin,  fermeture  du  poulailler  couvert  en  gril- 
lage, avec  toile  de  tente  pour  la  pluie,  le  soleil  et  le  froid. 

Couvoir  chauffé  pour  l'hiver. 

Construction  en  maçonnerie  de  briques  couverte  en  ar- 
doises. 

Petite  pièce  en  entrant  renfermant  un  appareil  de  chauffage 
avec  réservoir  d'eau  bouillante  se  déversant  dans  une  cana- 
lisation spéciale  régnant  tout  au  pourtour  du  couvoir. 


VISITES  AUX  ÉTABLISSEMENTS  D'AVICULTURE.  259 

Ce  coiivoir  a  13"^, 40  de  longueur  sur  4  mètres  de  largeur, 
non  compris  la  pièce  de  chauffage  qui  a  4  mètres  x  S"», 60. 
Ce  couvoir  est  divisé  en  six  compartiments  d'élevage  de 
chacun  l'",25  x  2  mètres  et  l'",60  de  hauteur.  Chaque  com- 
partiment a  une  porte  spéciale  sur  le  derrière  et  sur  le  devant 
un  châssis  vitré  donnant  accès  sur  la  pelouse  au  devant  du 
couvoir.  Au-dessus,  châssis  vitré  pour  éclairer  le  couvoir. 
Les  jeunes  élèves  contenus  dans  chaque  compartiment  et 
leurs  mères  peuvent,  si  bon  leur  semble,  rester  dans  la  partie 
chauffée  ou  sortir  au  dehors  suivant  leur  bon  plaisir.  Ce  cou- 
voir ne  sert  que  dans  les  temps  froids. 

Il  n'est  pas  fait  emploi  de  couveuses  artificielles  ;  les  cou- 
vées sont  obtenues  au  moyen  de  dindes  ou  poules  et  la  réus- 
site est  prodigieuse.  Le  sol  du  couvoir  est  du  sable  fin, 
couche  très  épaisse. 

En  ce  moment,  le  couvoir  est  occupé  par  une  très  belle  col- 
lection de  Pigeons  Romains  bleus,  Cravatés,  etc. 

En  contre-bas  de  chaque  séparation  des  compartiments, 
feuille  en  zinc. 

A  la  suite  du  couvoir  : 

Une  volière  et  un  poulailler  semblable  à  la  4"  volière  ci- 
dessus  avant  couvoir. 

1  coq,  5  poules,  race  du  Mans,  ce  compartiment  actuel- 
lement occupé  par  une  belle  couvée  de  Canards. 

Pigeons,  race  Montauban,  blanche,  Mondains,  Culbutants, 
Polonais. 

A  la  suite,  8  volières  semblables. 

Détail  d'une  partie  grillagée  :  largeur  10">,15  sur  22  mètres 
de  longueur;  zinc  en  contre-bas  de  la  séparation  de  chaque 
compartiment  sur  une  hauteur  de  0'",80.  Porte  sur  le  devant 
et  porte  communiquant  entre  chaque  compartiment  avec 
contre-poids  en  fer  pour  la  fermeture.  Sol  en  prairie  natu- 
relle avec  ombrage  de  grands  pommiers.  Au  fond  contre-mur, 
partie  couverte  de  2"', GO  de  largeur  sur  10"', 15,  couverte  en 
ardoises,  sol  en  sable  fin,  toile  de  tente  fermant  la  partie 
grillagée  au  devant,  porte  d'entrée  sur  le  devant  de  la  partie 
couverte. 

La  partie  couverte  au  fond  est  divisée  en  neuf  compar- 
timents à  rez-de-chaussée,  deux  de  2  mètres  x  1  mètre,  pou- 
lailler à  la  suite  de  2'", 10  x  1  mètre  et  de  2'",30  de  hauteur; 
à  la  suite  six  compartiments  d'une  longueur  totale  de  4"», 05 


260  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

sur  1  mètre  de  largeur  ;  au-dessus  de  ces  compartiments, 
sauf  dans  la  partie  occupée  par  le  poulailler  qui  monte  jusqu'à 
la  couverture,  quatre  grands  compartiments  pour  coqs  ou 
grosse  race  de  pigeons.  Ces  compartiments  sont  toujours  à 
0°",'75  en  contre-haut  du  sol.  Sol  de  la  partie  couverte  en  sable 
fin  de  forte  épaisseur. 

Les  planchers  sont  toujours  mobiles  pour  faciliter  le  net- 
toyage et  les  perchoirs  sont  plats  et  mobiles. 

l^""  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Campine,  dorée.  Pigeons 
Pies,  Alouettes,  Gazzis,  Romains  fauves. 

2«  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Hambourg,  argentée, 
Pigeons  Romains  rouges.  Dindons  blancs. 

3e  parquet  :  1  coq,  5  poules,  race  Dorking,  argentée,  Pigeons 
Bisets  de  Rouen,  Polonais  noirs,  Romains  bleus,  Carriers  noirs. 

4«  parquet  :  1  coq,  5  poules,  race  Dorking,  argentée,  Pigeons 
Queue-de-Paon  blancs,  Romains  bleus  et  fauves. 

5"^  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Dorking,  argentée,  Pigeons 
Capucins,  rouges,  noirs,  Montauban,  noirs  et  papillotes. 

6"  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  de  Langshan,  Pigeons 
Tambour  de  Boukharie. 

7^  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Brahma,  herminée.  Pi- 
geons Capucins,  Boukharie  blancs. 

8«  parquet  :  1  coq,  4  poules,  race  Brahma,  herminée,  Pi- 
geons Hirondelles  de  Saxe. 

Au  devant  d'un  de  ces  compartiments,  M.  Lejeune  avait 
commencé  une  galerie  couverte  devant  circuler  tout  autour 
de  son  élevage,  pour  faciliter  la  visite  des  volières  en  cas  de 
mauvais  temps  ou  de  froid,  mais  comme  cela  entraînait 
une  dépense  considérable  et  que  le  nombre  de  visiteurs  ne 
répond  pas  à  ce  luxe  de  promenoir  couvert,  M.  Lejeune  y  a 
renoncé.  D'ailleurs,  ce  promenoir  aurait  entraîné  une  partie 
de  vitrage  considérable  qui  aurait  plutôt  nui  à  la  ventilation 
et  à  l'aération  du  compartiment  couvert  au  fond  de  chaque 
volière. 

Au  fond,  habitation  du  deuxième  garde. 

A  gauche  de  cette  habitation  :  24  parquets  de  coqs  destinés 
à  y  mettre  seuls,  pendant  quelques  jours,  les  coqs  destinés 
aux  concours  ou  aux  expositions. 

Détails  d'un  compartiment  pour  tous  : 

Partie  grillagée  de  8  mètres  x  1"\60,  au  fond,  partie  cou- 
verte de  3  mètres  X  1"\60,  sur  une  hauteur  de  2  mètres.  La 


VISITES  AUX  ÉTABLISSEMENTS  D'AVICULTURE.  261 

partie  couverte  est  en  bois,  couverture  en  zinc,  porte  de 
communication  entre  chaque  parquet  fermant  avec  contre- 
poids. Sol  de  la  partie  grillagée  en  prairie  naturelle  ;  sol  de 
la  partie  couverte,  sable  fin  en  contre-bas  des  séparations, 
zinc  sur  une  hauteur  de  0"%80.  Comme  les  grandes  volières, 
la  partie  couverte  au  besoin  est  fermée  sur  le  devant,  pour 
empêcher  la  pluie  ou  la  neige,  par  une  toile  de  tente. 

Au  devant,  parquets  de  coqs  et  contre-potager  : 

Grands  parquets  grillagés  tout  au  pourtour  avec  porte 
particulière  pour  chacun  ;  sur  le  C(3té  séparant  chaque  par- 
quet, zinc  ou  paillasson  sur  une  hauteur  de  O^jSO.  Le  sol  est 
en  prairie  naturelle,  arbres,  arbrisseaux,  taillis.  Cabane  en 
bois  forme  chalet,  posée  sur  dés  en  pierre  ou  briques,  sol  en 
sable  fin  et  tout  au  pourtour  couverte  en  zinc  ou  papier  gou- 
dronné, perchoirs  plats  en  bois,  démontables.  Cheminée  d'aé- 
ration en  zinc  dans  la  couverture,  système  du  propriétaire. 
Trappe  grillagée  sur  les  côtés  pour  l'aération,  porte  à  un 
vantail  sur  le  devant  pour  la  sortie  et  rentrée  des  volailles. 

Parquet  au  devant  :  coqs. 

Deux  parquets  de  chacun  1  coq,  3  poules  race  Combattant. 

Contre-potager,  trois  parquets  : 

l*""  parquet  :  1  coq,  4  poules,  race  Cochinchine  fauve. 

2«  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Bresse  noire. 

3^  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Dorking  argentée. 

En  partant  de  l'habitation  du  deuxième  garde,  en  longeant 
la  route  à  droite  allant  vers  le  pavillon  du  garde-chef,  partie 
boisée  forme  circulaire. 

Cinq  parquets  de  volailles  : 

Grillage  en  fil  de  fer  tout  au  pourtour  avec  porte  de  com- 
munication pour  chacun  ;  sol  en  prairie  naturelle,  bois  et 
taillis,  séparation  en  zinc  ou  en  paille  sur  0">,80  de  hauteur 
entre  cliaquc  compartiment  :  cabanes  comme  celle  détaillée 
ci-dessus. 

!«■■  parquet:  1  coq,  2  poules,  race  Cochinchine  perdrix. 

2«  parquet  :  1  coq,  2  poules,  race  Cochinchine  perdrix. 

3«  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Brahma  herminée. 

4"  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Doi'king  argentée. 

.5«  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Cochinchine  fauve. 

A  la  suite,  même  côté,  après  allée  :  trois  parquets  de 
])Ptites  poules. 

Grillage  en  fil  de  fer  tout  au  pourtour,  avec  porte  spéciale, 


262  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES 

sol  en  prairie,  taillis,  séparation  en  zinc.  Cabane  en  bois  de 
0™,70  sur  0"\85  et  1  mètre  de  hauteur  avec  plancher  en  bois 
démontable  et  perchoirs  plats  surélevés  de  0"',70.  Ces  ca- 
banes sont,  posées  sur  briques.  Le  dessous  de  la  cabane  et 
partie  au  pourtour  sont  en  sable  fin.  Ces  cabanes  sont  cou- 
vertes en  papier  goudronné.  Le  dessous  de  la  cabane  sert  aux 
volatiles  pour  faire  leur  poudrette  et  en  cas  de  pluie  pour  les 
mettre  à  l'abri.  Ces  cabanes  sont  pourvues  de  cheminées 
d'aération. 

1er  parquet  :  1  coq,  4  poules,  race  Java,  noire. 

2®  parquet  :  1  coq,  4  poules,  race  Java,  noire. 

3e  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Combattant,  argenté. 

A  la  suite  : 

Elevage  spécial  de  Dindons  et  Dindes  dans  une  partie  boi- 
sée d'une  dimension  extraordinaire,  environ  22  mètres  sur 
22  mètres  au  moins.  Comme  abris  pour  les  élèves,  cabane  en 
rustique  et  paille,  faite  avec  des  branches  d'arbres,  couverte 
en  paille. 

A  la  suite  de  l'élevage  spécial,  huit  parquets  semblables. 

Détail  d'un  parquet  : 

Grande  volièVe  grillagée  tout  au  pourtour  avec  zinc  ou 
paille  en  bas  de  chaque  séparation  :  arbres  verts,  sol  en 
gazon,  cabanes  en  bois  de  l'",25  x  1"%65  et  de  2"',30  de  hau- 
teur, compris  partie  entre  sol  et  plancher  de  la  cabane  qui  a 
0'",70  de  hauteur,  cheminée  d'aération  en  zinc,  trappe  d'ou- 
verture recouverte  en  grillage  sur  les  côtés,  porte  pleine  en 
bois  sur  la  face,  parquet  et  perchoirs  en  bois  mobile,  couver- 
ture en  bois  et  papier  goudronné,  sous  la  cabane  partie  cou- 
verte pour  la  poudrette  des  volailles,  sol  en  sable  fin. 

Chaque  volière  a  une  surface  d'environ  120  mètres  à 
150  mètres. 

l*""  parquet  :  1  coq,  6  poules,  race  de  Houdan. 

2'^  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  de  Leghorn,  dorée. 

3e  parquet  :  1  coq,  3  poules,  race  Courtes-pattes. 

4^  parquet  :  1  coq,  2  poules.  Dindon  bronzé. 

5^  parquet  :  1  coq,  4  poules,  race  Langshan. 

6",  7^  et  8''  parquets  :  1  coq,  4  poules,  race  Langshan. 

En  face  les  communs  contre  route,  trois  parquets  pour  les 
volailles. 

Sol  gazon,  grillage  au  pourtour  en  fil  de  fer,  boite  d'éle- 
vage de  0"\75  de  largeur  sur  In^jSo  de  longueur,  divisée  en 


VISITES  AUX  ÉTABLISSEMENTS  D'AVICULTURE.  263 

deux  compartiments,  celui  du  fond  pour  la  mère  et  celui  du 
devant  pour  les  poussins,  avec  facilité  de  se  répandre  sur  le 
gazon  au  devant. 

A  droite,  conmiun  dans  une  partie  boisée  : 

Parquet  de  Dindons  sauvages,  arbre  de  haute  futaie,  tail- 
lis, etc.,  d'une  superficie  d'environ  1,500  à  2,000  mètres,  n- 
touré  tout  au  pourtour  par  un  grillage  en  fer. 

Derrière,  écurie,  pavillon  du  garde-chef. 

Parquet  des  Oies,  Canards  et  Cj'gnes. 

1"  Derrière  le  chalet,  six  parquets  pour  les  canards  : 

Volière  pourtour  en  grillage  avec  porte  de  communication 
entre  chaque  parquet,  sol  en  gazon  aboutissant  d'un  côté  à 
une  pièce  d'eau,  de  l'autre  à  un  poulailler  couvert. 

Le  poulailler  couvert  est  en  bois  tout  au  pourtour,  sol  en 
terre  recouvert  de  paille  de  2'", 65  de  largeur  et  1"\95  de  hau- 
teur moyenne,  fermé  sur  le  devant  en  bois  avec  porte  à  un 
vantail  et  châssis  vitré  de  six  carreaux  au-dessus,  couvert 
sur  le  dessus  en  ardoises. 

1",  2^  et  3^  parquets  :  Canards  Mignons  gris. 

4^  parquet  :  Cygnes  blancs. 

5«  et  6«  parquets  :  Canards  de  Rouen. 

Parquets  sur  la  pelouse  : 

Deux  parquets  :  Oies  de  Toulouse. 

Trois  parquets  :  Oies  de  Guinée. 

Trois  parquets  :  Oies  ordinaires. 

Deux  parquets  :  Canards  de  Barbarie,  blancs  et  bronzés. 

Un  parquet  :  Canards  Cayuga.  / 

Trois  parquets  :  Canards  de  Pékin. 

Un  parquet  :  Canards  de  Duclair. 

Un  parquet  :  Canards  Tadornes. 

Chacun  de  ces  parquets  a  environ  100  mètres  de  superficie; 
-e  sol  est  en  gazon,  entouré  d'une  clôture  en  grillage  en  fil 
de  fer. 

Cabane  en  bois  de  1"',30  x  l"s85  et  1"\25  de  hauteur; 
couverture  en  bois  et  sur  le  dessus  papier  goudronné.  Porte 
en  bois  avec  trous  d'aération  pour  chaque  cabane  ;  sol  en 
terre  avec  sable  fin. 

Grand  bassin  pour  les  Canards,  Oies,  Cygnes,  avec  eau 
courante  où  tous  les  volatiles  prennent  leurs  ébats  chacun 
à  leur  tour,  car  chaque  parquet  est  distinct  pour  éviter  les 


264  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

croisements  et  les  mélanges  de  races.  Vaste  prairie,  entourée 
sur  trois  côtés  de  bois  de  haute  futaie. 

Entre  les  volières,  au  devant  des  communs  et  chalet  d'ha- 
bitation du  garde -chef,  vaste  prairie  avec  partie  boisée, 
bordée  de  chaque  côté  par  une  route,  une  pièce  d'eau  avec 
pont  rustique  sur  le  parcours  de  cette  prairie.  Route  carros- 
sable tout  au  pourtour.  Arbres,  massifs  de  verdure,  en  un 
mot  ce  qui  est  nécessaire  pour  rendre  un  élevage  parfait,  où 
l'on  reconnaît  non  seulement  le  propriétaire  distingué,  mais 
encore  l'aviculteur  amateur  ayant  présidé  à  l'installation  et  à 
la  confection  de  ces  beaux  parquets,  car  lui  seul  en  a  fait  le 
plan  et  l'installation  et,  permettez  moi  de  le  dire,  il  a  travaillé 
en  maître.  D'ailleurs,  chacun  est  à  même  de  juger  ce  bel 
établissement,  situé  à  environ  vingt  minutes  de  la  gare  des 
Essarts-le-Roi.  Chacun  y  recevra,  acheteur  ou  visiteur,  le 
meilleur  accueil. 

.J'ai  fait  observer  à  M.  Lejeune  que,  pour  un  établissement 
aussi  complet,  il  aurait  été  désirable  de  voir  à  chaque  parquet 
un  tableau  fournissant  au  visiteur  les  renseignements  sur  la 
race  des  pigeons,  canards,  oies,  dindons  contenus  dans 
chaque  volière.  Ce  à  quoi  il  m'a  été  répondu  que  ce  n'était 
pas  un  oubli,  mais  que  chaque  visiteur  étant  toujours  accom- 
pagné par  le  faisandier,  celui-ci  supplée  aux  renseignements 
en  se  mettant  à  la  disposition  de  chacun  pour  répondre  à 
toute  question.  Malgré  cela,  j'insiste  encore  à  nouveau  pour 
des  tableaux  indicateurs  contenant  la  race,  la  provenance, 
l'origine,  le  rapport  de  chaque  volaille  contenue  dans  le 
parquet,  car  cela  engage  souvent  le  visiteur,  voulant  acheter 
et  ne  sachant  au  juste  la  race  à  laquelle  il  doit  s'arrêter,  à 
faire  des  points  de  comparaison  et  à  choisir  suivant  son  goût, 
ponte,  finesse  de  chair  ou  beauté  du  sujet. 

Pour  les  compartiments  pour  l'hiver,  je  me  demande  aussi 
si,  par  suite  de  la  situation  de  l'élevage  sur  ce  haut  plateau, 
la  toile  étendue  au  devant  de  chaque  parquet  suffit  à  protéger 
les  volatiles  et  pigeons  contre  la  rigueur  du  froid,  car  si 
l'emplacement  est  splendide  en  été,  en  revanche,  l'hiver,  le 
froid  doit  être  très  vif  et  la  toile  n'est  qu'un  faible  préser- 
vatif contre  lui. 

Les  cabanes  en  bois  dans  les  parquets  contre-route  en 
venant  de  chez  le  deuxième  garde,  sont  en  hiver  ou  en  cas 
de  pluie  trop  petites  pour  le  nombre  de  volatiles,  surtout  en 


VISITES  AUX  ETABLISSEMENTS  D'AVICULTURE.  265 

comparaison  des  volières  parallèles  où  là  il  y  a  tout  le  con- 
fortable. Il  faudrait  au  moins  un  parcours  couvert  tout  au 
pourtour  de  la  cabane  en  bois  et  garantissant  les  volailles 
contre  le  mauvais  temps,  la  cabane  fermée  formant  centre. 
Pour  les  Oies,  Canards  et  Cygnes,  les  cabanes  en  bois  dans 
les  parquets  sont  beaucoup  trop  étroites  pour  le  nombre  des 
volatiles. 

Le  couvoir,  en  été,  est  placé  sous  le  sol  du  rez-de-chaussée 
du  garde  ;  les  volatiles  sont  dans  des  paniers  fermés  pour 
couver.  Cette  pièce,  par  moments,  par  suite  du  nombre  des 
habitants,  pèche  un  peu  par  l'aération,  car,  au  lever  et  au 
coucher  des  sujets  renfermés  dans  cette  pièce  fermée,  il  s'en 
dégage  parfois  une  odeur  désagréable.  Je  préfère  voir  les 
nombreuses  Canes  couvant  leurs  œufs  en  plein  air,  l'une 
sous  un  fagot,  l'autre  dans  un  buisson,  dans  un  trou  de  mur. 
Cela  est  très  original,  et  l'on  voit  â  l'éclosion  des  bandes  de 
jeunes  Canards  débouchant  de  partout  et  venant  prendre 
leurs  ébats  dans  la  grande  pièce  d'eau  sur  la  pelouse.  Rien 
n'est  curieux  comme  de  voir  des  Dindes  ou  des  Poules  ayant 
couvé  Oies  ou  Canards  s'alarmer,  battre  des  ailes,  faire  mille 
sauts  autour  de  la  pièce  d'eau  en  voyant  leurs  enfants  se 
mettre  à  l'eau.  J'ai  même  vu  une  Poule  qui,  tourmentée  de 
voir  ses  petits  sur  l'eau  et  ne  pas  accourir  â  son  appel,  se 
jeter  â  l'eau  pour  les  faire  revenir.  Heureusement  qu'il  y  a 
toujours  quelqu'un  pour  les  surveiller.  Pour  éviter  cette 
ardeur  de  la  mère,  on  l'enferme  dans  un  parquet  grillagé  et 
couvert  et  l'on  ménage  dans  un  des  côtés  une  petite  ouver- 
ture pour  que  les  élèves  puissent  se  baigner.  En  ce  moment, 
on  peut  voir  sur  la  pièce  d'eau  environ  100  petits  Canards  et 
Oies  de  tout  âge  prendre  leurs  ébats  et,  dans  les  volières, 
sans  compter  ceux  existant  dans  les  fermes  appartenant  au 
propriétaire,  on  peut  compter  environ  150  à  200  élèves  de 
toutes  races.  Poules  et  Dindons.  Le  chalet  en  bois,  formant  le 
centre  de  l'élevage  en  entrant,  est  occupé  au  sous-sol,  en 
été,  par  des  couveuses,  au  premier  étage,  par  le  logement  du 
garde-chef,  M.  Broutechoux  et  par  le  bureau  particulier  de 
M.  Lejeune,  où  sont  rangés  de  nombreux  prix  d'honneur  et 
médailles  remportés  par  l'élevage  ;  au  deuxième  étage,  deux 
chambres  à  coucher  et  salle  de  travail  du  propriétaire , 
balcon  formant  galerie  au  pourtour  du  chalet. 

Au-dessus,  grand  belvédère  d'où  l'on  jouit  d'un  coup  d'œil 


266  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

féerique  sur  cette  belle  plaine  vallonnée  et  surtout  sur  les 
magnifiques  bois  entourant  la  propriété  des  Essarts.  Les 
parois  extérieures  du  chalet  sont  recouvertes  par  les  plaques 
des  concours,  décoration  très  originale  et,  dans  très  peu  de 
temps,  la  place  manquant,  il  faudra  rehausser  le  chalet  ou  en 
faire  faire  un  autre  pour  les  nouveaux  prix  à  acquérir. 

Garenne. 

La  Garenne  est  une  propriété  appartenant  à  M.  Lejeune, 
située  sur  le  haut  de  la  côte,  en  face  de  la  maison  d'habi- 
tation, de  l'autre  côté  de  la  vallée.  Cette  propriété,  com- 
plètement entourée  de  murs,  renferme  les  diverses  races 
de  Lapins. 

Dans  des  tonneaux,  dans  des  paniers,  dans  des  boites 
d'élevage,  dans  des  cabanes  en  bois,  en  plein  air,  dans  des 
celliers,  sous  les  auvents,  dans  le  jardin,  partout,  vous  ne 
voyez  que  lapins. 

Béliers  de  toutes  nuances,  Géants  des  Flandres  ;  Lapins 
communs,  Lapins  argentés.  Lapins  russes,  Léporides  (exact), 
Lajdns  angoras.  Lapins  japonais. 

J'ai  compté  : 

Lapins  béliers:  6  de  diverses  couleurs;  femelles  clUo,  13; 
jeunes  béliers,  25. 

Lapins  angoras  bleus  et  blancs  :  mâles,  2  ;  femelles,  4  ; 
jeunes,  10. 

Géants  des  Flandres  :  mâles,  5  ;  femelles,  6  ;  jeunes,  30. 

Lapins  argentés  :  mâles,  2  ;  femelles,  7  ;  jeunes,  54. 

Lapins  russes  :  1  mâle,  2  femelles  et  4  jeunes. 

Lapins  ordinaires  :  2  mâles  ;  4  femelles  ;  10  jeunes. 

Il  faut  voir  le  bien-être  de  ces  animaux,  l'organisation,  les 
bons  soins,  la  propreté.  Cet  élevage  est  dirigé  par  la  mère  de 
M.  Broutechoux,  qui  y  apporte  du  soin  et  du  dévouement. 

Nourriture  des  animaux. 

Volailles  :  le  matin,  1  jour  de  l'avoine  ;  1  jour  du  maïs, 
sarrasin,  orge  ou  blé  ;  le  soir,  pâtée  farine  d'orge  et  son, 
verdure,  salade,  etc. 

Oies  et  Canards  :  Pâtée  farine  d'orge. 

Pigeons  :  Pois  jarras  et  maïs. 


VISITES  AUX  ÉTABLISSEMENTS  D'AVICULTURE.  267 

Jeunes  volailles  :  ortie  pilée,  laitue,  jaune  d'œufs,  pâtée  de 
riz  cuit,  mie  de  pain,  millet. 

Lapins  :  matin,  son  et  avoine  ;  midi,  herbe  ;  soir,  herbe.  En 
hiver,  carotte  blanche,  son,  avoine,  pommes  de  terre  cuites  à 
l'eau.  En  été,  pas  d'eau  ;  en  hiver,  de  l'eau  tiède. 

Il  n'est  pas  fait  emploi  de  couveuses  artificielles. 

L'élevage  de  M.  Lejeune  est  un  enseignement  pour  tous  et 
nous  en  conseillons  la  visite  à  toute  personne  ayant  le  goût 
de  l'aviculture.  Quand  on  vient  de  le  parcourir,  on  est 
renseigné  sur  les  soins  à  donner  aux  animaux,  sur  l'espace 
nécessaire  à  fournir  à  chaque  lot  pour  le  voir  se  reproduire, 
en  un  mot,  on  a  vu  le  dessus  du  panier  de  l'élevage  au  point 
de  vue  de  l'installation,  du  confortable  et  de  la  bonne  organi- 
sation. 

Pour  la  beauté  des  sujets,  il  y  en  a  de  remarquables,  mais 
pour  les  juger  il  faut  attendre  une  époque  plus  favorable,  les 
jeunes  élèves  et  la  mue  faite,  c'est-à-dire  septembre  ou 
octobre.  Ce  jugement  ne  peut  être  fait  que  par  les  soins  d'une 
Commission  et  non  par  un  simple  amateur. 

J'engage  chacun  à  visiter  ce  bel  établissement,  unique  en 
France  comme  grandeur,  et,  chacun  en  sortant,  emportera 
un  bon  souvenir  au  point  de  vue  de  l'art  avicole. 


LES    BOIS    INDUSTRIELS 

INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES 

Par  Jules  GRISARD  et  Maximilien  VANDEN-BERGHE. 

(  SUITE  *  ) 


FAMILLE    DES   ILIGINEES. 

Cette  petite  famille,  qui  comprend  quatre  genres  et  environ 
cent  quatre-vingts  espèces,  se  compose  d'arbres  ou  d'arbris- 
seaux toujours  verts,  à  feuilles  opposées  ou  alternes,  le  plus 
souvent  raides  et  coriaces,  glabres  et  luisantes,  entières  ou 
bordées  de  dents  épineuses,  dépourvues  de  stipules. 

Répandues  sur  presque  tous  les  points  du  globe,  sans  être 
très  nombreuses  nulle  part,  les  Ilicinées  sont  plus  rares  dans 
l'Asie  tropicale  et  en  Europe  que  partout  ailleurs. 

Diverses  espèces  du  genre  Ilex  renferment  un  principe 
amer  qui  les  a  fait  préconiser  comme  fébrifuges  et  diapho- 
rétiques  ;  d'autres  sont  légèrement  astringentes  et  regardées 
comme  toniques,  diurétiques  et  sudorifiques;  plusieurs  sont 
stimulantes  et  possèdent  en  même  temps  des  propriétés  pur- 
gatives et  vomitives.  C'est  à  cette  famille  qu'appartient  le 
Maté  ou  thé  du  Paraguay  dont  l'emploi  des  feuilles  en  infu- 
sions théiformes  est  d'un  usage  très  répandu  dans  toute 
l'Amérique  méridionale,  et  tend  même  à  s'introduire  peu  à 
peu  en  Europe. 

ILEX  AQUIFOLIUM  L.  Houx  commun. 

Aquifolium  Ilex  Sgop.  Ilex  ferox  Ait. 

—         spinosum  G.ertn.  —  variegata  Hort. 

Allemand  :  Hulse,  Stechpalme.  Anj^lais  :  Holly,  Petty-iohin.  Arabe  :  Aoud 
eck-chouk.  Danois  :  Sti/ipalme.  Espagnol  :  Acebo.  Hollandais  :  Hulstboom, 
Huhenboom.  Italien  :  Agrifoglio,  Alloro  spinoso.  Japonais  :  Chiragni.  Ka- 
byle :  Irsel,  Iguersel.  Polonais  :  Ostokrzen.  Portugais  :  Azevinho,  Agrifolia. 
Russe  ;  Ostrolistmk,  Viazogeld. 

Grand  arbrisseau  toujours  vert,  très  rameux,  d'une  hau- 

(*)  Voyez  Revue,  années  1891,  note  p.  542;  1892,  \°'  semestre,  note  p.  583, 
et  2*  semestre,  note  p,  517  ;  et  plus  haut,  p.  28  et  124. 


LES  BOIS   INDUSTRIELS  INDIGENES  ET  EXOTIQUES.  269 

teur  de  4-5  mètres,  mais  atteignant,  dans  des  conditions  favo- 
rables, une  élévation  de  10  mètres  environ,  recouvert  d'une 
écorce  lisse  et  verte  sur  les  jeunes  rameaux,  d'un  gris  cendré, 
puis  ensuite  noirâtre  sur  les  branches  et  la  tige.  Feuilles  per- 
sistantes, alternes,  ovales-aiguës  ou  ovales-oblongues,  on- 
dulées, épaisses,  coriaces,  luisantes  et  d'un  beau  vert  foncé  en 
dessus,  plus  pâles  en  dessous,  à  lobes  aigus  épineux,  déjetés 
alternativement  en  dehors  et  en  dedans,  stipules  nulles. 

Indigène  dans  toutes  les  contrées  de  l'Europe  et  au  nord 
de  l'Afrique,  le  Houx  commun  croît  principalement  dans  les 
forêts  des  pays  montagneux.  Il  est  souvent  cultivé  en  bou- 
quets et  en  massifs  dans  les  parcs  et  les  jardins  d'agrément, 
et  sert  aussi  à  faire  des  haies  presque  infranchissables,  d'un 
aspect  assez  pittoresque. 

Son  bois,  d'un  blanc  mat,  quelquefois  d'un  blanc  verdâtre, 
est  légèrement  teinté  de  brun  rougeâtre  ou  noirâtre  vers  le 
cœur,  mais  seulement  dans  les  vieux  arbres.  Ses  couches  an- 
nuelles sont  reconnaissables  sous  l'aspect  d'une  ligne  claire, 
ses  rayons  médullaires  sont  fins  et  assez  visibles  ;  on  observe 
aussi  souvent  sur  la  coupe  longitudinale  des  mailles  bril- 
lantes, fines,  très  apparentes.  Lourd,  très  dur  et  d'une  grande 
ténacité,  le  Houx  est  d'une  texture  homogène,  extrêmement 
fine  et  serrée,  qui  lui  permet  de  prendre  un  poli  brillant  qui 
lui  donne  l'apparence  de  l'ivoire.  Ce  bois  se  déjette  beaucou}) 
et  se  réduit  fortement  par  la  dessiccation,  aussi,  doit-on 
avoir  soin  de  ne  le  débiter  que  lorsqu'il  est  entièrement  sec, 
et  de  ne  pas  l'exposer  aux  rayons  du  soleil  qui  altèrent  sa 
blancheur  et  lui  font  perdre  ainsi  une  partie  de  son  prix  mar- 
chand. Il  est  désigné  dans  le  commerce  sous  les  noms  de 
«  Bois  de  Houx  »  ou  de  «  Bois  franc  »  et  l'arbre  lui-même 
sous  ceux  de  «  Alquifoux,  Aigrefoux,  Gréou,  Housson,  Par- 
don, Meslier  épineux  »,  etc.  Utilisé  en  ébénisterie  comme 
bois  plein  et  pour  le  placage,  on  s'en  sert  aussi  en  marque- 
terie pour  filets  et  incrustations,  en  tabletterie  pour  cases  de 
damiers  et  d'écliiquiers  de  luxe,  pour  coffrets,  boites  à  gants 
et  à  bijoux,  ainsi  que  pour  un  grand  nombre  d'autres  objets 
de  fantaisie.  Les  couteliers  en  tirent  un  excellent  pai'ti  parce 
qu'il  se  teint  facilement  en  noir,  ce  qui  le  fait  ressembler  à 
de  l'ébène.  On  l'emploie  également  pour  confectionner  des 
cannes,  des  manches  de  parapluies  et  d'ombrelles,  etc.  Excel- 
lent pour  le  tour,  les  pièces  de  petite  mécanique  et  les  instru- 


270  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

ments  d'agriculture,  c'est  encore  un  bois  de  charpente  et  de 
menuiserie,  lorsque  les  dimensions  de  l'arbre  i^ermettent  de 
le  débiter  en  planches  et  en  madriers.  Les  branches  sont 
flexibles  et  résistantes;  on  en  fait  surtout  des  manches  de 
louet  et  des  houssines  pour  battre  les  vêtements. 

Le  Houx  vit  plusieurs  siècles,  mais  croit  lentement.  Comme 
la  reprise  du  plant  s'opère  diflîcilement,  on  le  reproduit  de 
graines  semées  aussit(3t  après  leur  maturité,  en  terre  légère, 
couverte  d'un  peu  de  mousse  ou  de  feuilles,  lorsqu'il  a  pris 
un  certain  développement.  Tous  les  terrains  lui  sont  favo- 
rables, pourvu  qu'ils  ne  soient  pas  trop  humides,  et  il  peut 
alors  supporter  les  froids  les  plus  rigoureux.  Cette  espèce 
comprend  un  grand  nombre  de  variétés  différant  entre  elles 
par  la  forme  de  leurs  feuilles  et  la  couleur  de  leurs  fruits. 
Ces  variétés  sont  ordinairement  greff"ées  sur  l'espèce. 

Les  diverses  parties  du  Houx  possèdent  une  saveur  amère, 
mais  les  feuilles  seules  peuvent  encore  olfrir  quelque  intérêt 
au  point  de  vue  médical. 

ILEX  LAXIFLORA  Lamk. 
Ilex  opaca  Ait. 

Arbre  de  10-15  mètres,  à  feuilles  ovales,  aiguës,  épineuses, 
glabres,  planes,  moins  luisantes  que  celles  du  Houx  commun 
et  d'un  vert  sombre,  croissant  en  Floride,  en  Louisiane  et  les 
états  du  midi  des  États-Unis  jusqu'en  Pensylvanie. 

Le  bois  de  cette  espèce  ressemble  beaucoup  à  celui  de 
notre  Houx  d'Europe.  Comme  lui,  il  est  pesant,  compact, 
brun  vers  le  cœur  et  à  aubier  d'une  grande  blancheur.  Son 
grain,  qui  est  très  fin  et  très  serré,  le  rend  très  propre  aux 
ouvrages  de  tour.  Dans  l'Amérique  du  Nord,  suivant  Loise- 
leur-Deslongchamps,  les  ébénistes  l'emploient  pour  faire  les 
fllets  et  les  écussons  dont  ils  décorent  les  meubles  de  bois 
d'acajou.  Comme  il  prend  très  bien  la  couleur  noire,  ils  s'en 
servent  aussi,  teint  en  cette  couleur,  pour  remplacer  Tébène. 

ILEX  SEBERTII  Panch. 

Petit  arbre  d'une  hauteur  de  10  mètres  environ,  dont  le 
tronc,  élancé  et  d'un  faible  diamètre,  est  recouvert  d'une 
écorce  blanchâtre,  un  peu  rugueuse  d'une  épaisseur  moyenne. 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDICENES  ET  EXOTIQUES.  271 

Feuilles  alternes,  éparses,  ovales  ou  arrondies,  épaisses,  co- 
riaces, luisantes  et  d'un  beau  vert  foncé  en  dessus. 

Originaire  de  la  Nouvelle-Calédonie,  cette  espèce  croit 
dans  les  sols  ferrugineux,  sous  les  hautes  futaies.  Elle  fournit 
un  bois  d'un  blanc  un  peu  jaunâtre,  lourd,  dur,  d'un  travail 
facile,  d'une  bonne  conservation,  mais  se  déjetant  assez  faci- 
lement par  la  dessiccation;  on  le  débite  ordinairement  en 
planches  pour  la  menuiserie,  bien  qu'il  convienne  également 
pour  le  tour  et  divers  autres  objets. 

Mentionnons  encore  dans  ce  genre  les  espèces  suivantes 
appartenant  au  Japon  : 

Ilex  crenata  Thunb  [Inu  tsuge,  Lioiitsougné),  arbuste  ou 
petit  arbre  assez  semblable  au  Buis  par  son  port,  ses  dimen- 
sions et  ses  feuilles,  croissant,  assez  fréquemment,  dans  les 
régions  montagneuses  des  îles  Kiousiou,  de  Nippon  et  de 
Yeso,  où  il  se  rencontre  de  préférence  dans  les  terres  argilo- 
sableuses  et  les  argiles  rocheuses.  Son  bois,  blanc,  assez  dur, 
d'une  densité  mo5'enne  et  d'une  texture  fine,  se  rapproche  un 
peu  du  Buis,  mais  il  lui  est  inférieur  sous  le  rapport  des  qua- 
lités. Les  Japonais  s'en  servent  principalement  pour  le  tour 
et  pour  la  gravure  des  ouvrages  soignés  demandant  un  grand 
tirage.  Les  cendres  de  ce  bois,  mélangées  à  la  pierre  blanche 
de  Kaseda,  sont  utilisées  pour  glacer  les  faïences.  Cette  es- 
pèce a  été  introduite  en  Europe  par  Thunberg. 

Ilex  intégra  Thunb.  (Inu  tsuge,  Mochi,  Mochinohi).  Arbre 
de  taille  moyenne,  croissant  naturellement  sur  les  collines 
et  dans  les  vallées  des  îles  de  Kiusiu  et  de  Nippon,  prin- 
cipalement dans  les  provinces  de  Sagami,  d'Awa,  de  Kii, 
de  Satsuma,  de  Yamoto,  etc.  Son  bois,  blanchâtre  et  d'une 
texture  assez  grossière,  est  utilisé  pour  la  confection  des 
meubles,  objets  tournés  et  autres.  Cette  espèce  est  la  plus 
recherchée  des  Japonais  pour  la  préparation  de  la  glu. 

Ilex  Intifolia  Thunb  [Mochi  noki,  Araragni,  Tarayo, 
Taraitt;.  Arbre  d'une  hauteur  de  15  mètres  environ,  à  feuilles 
larges,  épaisses,  coriaces,  luisantes,  que  l'on  rencontre  à 
l'état  sauvage  dans  les  régions  élevées  de  Kiusiu  et  de 
Nippon,  particulièrement  sur  le  mont  Iwaja  et  les  montagnes 
d'Abakone.  Cette  espèce  est  souvent  cultivée  dans  les  jardins 
pour  son  port  ornemental  et  la  beauté  de  son  feuillage.  Son 
bois,  blanc  ou  blanchâtre,  dur,  serré,  homogène,  est  em- 


272  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

ployé  pour  la  fabrication  des  petits  objets  tournés  de  second 
choix  ;  les  Japonais  en  font  aussi  des  éventails  et  des  ba- 
guettes à  manger.  L'écorce  est  utilisée  pour  la  préparation 
de  la  glu. 

Ilex  Olclhami  Miq.  {Nanamenohi,  Siroki).  Arbre  de  pe- 
tites dimensions ,  croissant  spontanément  dans  plusieurs 
provinces  de  l'île  Kiusiu  et  surtout  aux  environs  de  Na- 
gasaki. Son  bois  est  utilisé  pour  la  fabrication  de  divers 
petits  objets. 

Ilex  rotiinda  Thunb.  {Kuroganemochi).  Arbre  d'une 
hauteur  de  18  mètres  environ,  dont  le  bois,  blanc,  assez 
dur  et  serré,  est  employé  pour  la  confection  de  petits  meu- 
bles, pour  le  tour,  etc.  Cette  espèce  fournit  également  de 
la  glu. 

Une  espèce  brésilienne,  VIlex  Macoucoua  Pers.  [Macucû, 
des  Brésiliens),  est  un  arbre  d'une  hauteur  de  10  mètres  en- 
viron, abondant  au  Para  et  surtout  dans  les  forêts  de  la 
province  des  Amazones,  dans  les  terrains  secs;  son  bois, 
blanchâtre  et  très  résineux,  est  employé  dans  les  travaux 
intérieurs  et  sert  à  faire  des  torches.  Les  fruits  servent  à 
préparer  une  teinture  que  l'on  obtient  en  râpant  les  baies  et 
en  faisant  macérer  la  pâte  dans  de  l'eau,  pendant  deux  jours; 
on  filtre  alors  le  liquide  et  on  s'en  sert  pour  teindre  en 
rouge  les  calebasses  et  les  objets  en  bois,  en  les  laissant 
quelque  temps  en  contact.  Ces  objets  acquièrent  ensuite  une 
couleur  noire  lorsqu'on  les  expose  aux  émanations  ammo- 
niacales. 

Citons,  enfin,  de  la  presqu'île  de  Malacca  et  de  Java  Vilex 
cymosa  Bl.,  «  Munseera  »,  petit  arbre  qui  fournit  un  bois 
blanc  sale,  à  grain  moyen,  tendre,  se  gerçant  légèrement  à 
la  dessiccation,  et  VIlex  macropJiylla  Wall.  (/.  Wallichii 
Steud.)  «  Pasak  Lenga  »  de  Malacca,  petit  arbre,  dont  le  bois 
rouge  foncé,  terne,  à  grain  fin  et  très  dur,  est  employé  à 
faire  des  chevilles  pour  les  constructions  navales. 


FAMILLE  DES  GELASTRINEES. 

Les  Célastrinées  sont  des  arbres,  plus  souvent  des  arbris- 
seaux parfois  épineux  ou  grimpants  ;  leurs  feuilles  sont 
opposées  ou  alternes,  simples,  entières  ou  dentées,  ordinal- 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  273 

rement  coriaces,  pourvues  de  stipules  caduques  très  petites, 
parfois  nulles. 

Ces  plantes  sont  répandues  sur  toute  la  surface  du  globe, 
sauf  dans  les  régions  froides  ;  elles  sont  surtout  fréquentes 
entre  les  tropiques,  qu'elles  dépassent  rarement  ;  elles  crois- 
sent peu  dans  les  régions  tempérées. 

L'écorce  et  les  feuilles  de  plusieurs  espèces  sont  souvent 
riches  en  principe  amer  et  astringent,  ordinairement  uni  à 
des  substances  acres,  purgatives  ou  vomitives,  quelquefois 
légèrement  stimulantes,  rarement  utilisées  en  médecine.  Les 
Célastrinées  fournissent,  en  général,  des  bois  d'excellente 
qualité,  mais  de  faibles  dimensions. 

Les  Celastrus  sont  des  végétaux  souvent  grimpants  qui 
produisent  un  bel  effet,  soit  en  bouquets  dans  les  jardins,  soit 
pour  couvrir  des  murs  ou  des  berceaux.  Quelques-unes  de  ces 
plantes  peuvent  être  cultivées  en  plein  air  dans  les  sols  frais 
et  profonds  ;  d'autres  demandent  la  serre  d'orangerie. 

CELASTRUS  FOURNIERI  Panch.  et  Sebert. 

Petit  arbre  d'une  hauteur  de  10  mètres  sur  un  diamètre  de 
30  centimètres  environ,  dont  le  tronc,  terminé  par  une  cime 
dense  et  diffuse,  est  recouverte  d'une  écorce  brunâtre;  feuilles 
alternes,  subopposées  vers  le  sommet  des  ramules,  lancéo- 
lées ou  ovales-arrondies,  crénelées  à  la  partie  supérieure, 
d'un  vert  pâle  et  luisant  en  dessus. 

Originaire  des  coteaux  boisés  de  la  Nouvelle-Calédonie,  où 
elle  croit  surtout  dans  les  sols  argilo-schisteux,  cette  espèce 
fournit  un  beau  et  bon  bois,  dur,  d'une  texture  fine  et  serrée, 
excellent  pour  le  tour  et  un  grand  nombre  d'autres  usages. 

Les  principales  espèces  ligneuses  utiles  sont  les  suivantes  : 

Celastrus  aciiminatus  L.  (Gap  (colons  anglais)  :  Silk  Bark, 
(Hollandais)  :  Zybast).  Cet  arbre,  que  l'on  suppose  contenir 
de  la  gutta-percha  f?),  donne  un  bois  dur  et  serré,  employé  à 
divers  travaux  de  tour  et  d'ébénisterie,  ainsi  qu'à  la  confec- 
tion d'instruments  de  musique. 

Celastrus  dispermus  F.  Muell.  Très  petit  arbre  glabre,  à 
feuilles  alternes  elliptiques  ou  obovales-oblongues.  Son  bois, 
à  grain  fin  et  prenant  un  beau  poh",  est  susceptible  d'être 
utilisé  pour  confectionner  de  menus  objets  de  fantaisie. 

2U  Mars  1893.  48 


274  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Celastrus  ellivticus  Thunb.  (Cap  :  Kamassie).  Cette  espèce 
africaine  fournit  un  bois  jaunâtre,  très  fin,  paraissant  pos- 
séder toutes  les  qualités  pour  les  travaux  de  gravure  et  d'im- 
pression. Une  petite  quantité  de  ce  bois  fut  importé  autrefois 
à  Londres,  mais  il  n'obtint  guère  la  faveur  des  marchands  ; 
tout  en  tenant  compte  des  défectuosités  qui  ont  pu  se  produire 
parmi  les  échantillons,  il  ne  faut  oublier  les  préjugés  du 
marché,  toujours  un  peu  récalcitrant  à  la  nouveauté. 

Celastrus  wululatus  Lamk.  {Senacia  undulata  Lamk.). 
Cette  espèce,  du  Cap  et  des  îles  Mascareignes,  est  connue 
sous  les  noms  de  «  Joli  cœur,  Bois  de  joli  cœur.  Bois  de 
merle,  Manguier  marron  ».  Son  bois,  blanc  et  solide,  est 
propre  à  la  petite  construction.  A  Maurice,  les  nègres  em- 
ploient la  racine  pulvérisée  contre  la  gonorrhée. 

Celastrus  rliomUfolius  Eckl.  et  Zeyh.  Originaire  de  la 
colonie  du  Cap  où  elle  porte  le  nom  de  «  Pendoorn  »  cette 
espèce  produit  un  bois  fin  et  serré,  recherché  pour  le  tour  et 
la  lutherie,  flûtes,  clarinettes,  hautbois,  etc. 

ELiEODENDRON  CROCEUM  DC.  Bois  d'or  du  Cap, 

Olivetier  jaune. 

Ilex  crocea  Thunb. 
Bhamnus  Capensis  Spreng. 
Crocoxylon  exceîsum  Egkl.  et  Zeyh. 

Cafre  :  Umkuîu  Umbovani.  Cap  et  Natal  (Anglais)  :  Safron  wood. 
(Holland.)  :  Saffraanhout. 

Arbre  toujours  vert,  à  feuilles  elliptiques,  coriaces,  bordées 
de  dentelures  aristées,  originaire  du  Cap  de  Bonne-Espé- 
rance. 

Son  bois  est  légèrement  rougeâtre,  dur,  lourd,  dune  texture 
fine  et  serrée  ;  très  résistant  à  la  rupture  et  d'une  longue 
conservation,  il  est  très  recherché  pour  la  construction  des 
canots  ainsi  que  pour  divers  travaux  de  menuiserie.  Sa  flexi- 
bilité le  rend  excellent  pour  la  confection  des  jantes  de  roues 
et  autres  pièces  pour  la  fabrication  des  chariots. 

L'écorce  possède  des  propriétés  astringentes  énergiques 
qui  en  font  une  des  meilleures  matières  tannantes  de  la 
colonie  du  Cap  ;  on  l'emploie  également  en  teinture.  l^Écorce 
de  Saffraan  est  couverte  intérieurement  d'une  sorte  d'enduit 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  275 

résineux  jaunâtre  et  jouit,  dans  le  pays,  d'une  grande  répu- 
tation comme  remède  contre  les  piqûres  de  serpents. 

ELiEODENDRON  ORIENTALE  JaCQ. 

Aralia  Chabrieri  A.  Van  Gkert. 
Ulceodeiidron  ladiciun  G.iiRXN. 
Rubentia  olivina  Gmel. 
—       Mauritiana  Desf. 

Maurice  :  Bois  olive,  Bois  d'olive,  Nourroiic.  Réunion  :  Bois  rouge,  Rourje 
oriental,  Ronge  à  petites  feuilles,  Ronge  blanc  à  grandes  feuilles  (var.). 

Grand  arbre  à  tronc  droit,  d'un  diamètre  de  50  centimètres 
environ,  à  ieuilles  opposées,  linéaires-lancéolées  et  ponctuées 
sur  les  jeunes  rameaux,  ovales  et  entières  sur  les  rameaux 
adultes. 

Originaire  des  îles  Maurice  et  de  la  Réunion,  cette  espèce 
croit  communément  dans  toutes  les  parties  de  notre  colonie, 
où  on  la  rencontre  sur  les  montagnes  élevées,  jusqu'à  la 
limite  des  neiges. 

Son  bois  est  rouge,  à  grain  uni,  non  veiné,  marqué  de 
quelques  petites  taches  d'une  nuance  plus  foncée;  dur  et 
assez  dense,  d'une  raideur  au-dessus  de  la  moyenne,  il  offre 
le  défaut  de  se  fendre  assez  facilement  lorsqu'on  le  débite  en 
planches  un  peu  minces,  et  d'être  d'une  conservation  limitée, 
du  moins  à  la  Réunion.  A  Maurice,  cette  essence  passe  pour 
être  durable  et  assez  élastique.  On  l'emploie  généralement 
dans  les  constructions  pour  charpentes,  solives,  etc.  Les  indi- 
gènes du  littoral  en  font  surtout  des  pirogues.  Sa  cassure  est 
sèche  et  très  courte  ;  sa  densité,  après  une  année  de  coupe, 
est  de  0,731. 

Cette  espèce  est  regardée,  comme  possédant  des  propriétés 
adoucissantes,  utiles  dans  les  affections  de  poitrine. 

Elœodendron  arboreion  Panch.  et  Sebert.  Arbre  d'une 
hauteur  de  15  mètres  environ,  sur  un  diamètre  de  près  d'un 
demi-mètre,  â  feuilles  opposées,  ovales-arrondies,  crénelées, 
coriaces  et  luisantes.  Cette  espèce,  qui  croît  spontanément  â 
la  Nouvelle-Calédonie  sur  les  bords  des  eaux  saumâtres  qui 
avoisinent  le  littoral,  fournit  un  bois  d'excellente  qualité, 
propre  à  divers  usages. 

Elœodendron  australe  Vent.  [Porlenschlagia  australis 
Tratt.  ;  P.  inlegrifolia  Tratt.  ;  Elœodendron  inlegrifolium 


276  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

G.  Don).  Arbre  d'une  hauteur  de  8-12  mètres  sur  un  dia- 
mètre de  20-30  centimètres,  à  feuilles  opposées,  ovales  ou 
oblougues-lancéolées,  croissant  au  Pégou,  à  Rangoon,  au 
Queensland  et  dans  la  Nouvelle-Galles  du  Sud.  Son  bois, 
connu  des  Anglais  de  l'Australie  sous  le  nom  à' Olive-ioood, 
est  blanc,  agréablement  veiné,  dur  et  d'une  texture  serrée; 
on  l'emploie  surtout  pour  le  tour  et  l'ébénisterie. 

Elœodendron  glaucum  Pers.  {Celastrus  glaucus  Vahl., 
Mangifera  glauca  Rottb.,  Schrehe^'^a  aWens  Retz.,  Se7iacia 
glauca  Lâmk.)  Arbre  de  taille  moyenne,  soit  une  hauteur  de 
20  mètres  environ,  sur  un  diamètre  de  40  centimètres  et  plus, 
à  feuilles  opposées,  pourvues  de  petites  stipules  caduques. 
Cette  espèce,  originaire  de  l'Inde  continentale,  de  Ceylan  et 
des  forêts  de  la  Cochinchine,  donne  un  bois  rougeâtre  ou 
brun  rougeâtre,  à  grain  fln  et  serré,  d'un  travail  facile,  se 
polissant  aisément  et  d'une  longue  durée,  pouvant  être  utilisé 
avantageusement  pour  les  travaux  d'ébénisterie  et  autres, 

Elœodendron  Roxhurghii  Wright,  et  Arn.  (Neerija  di- 
chotoma  Roxb.,  Rhamnus  Nerija  Spr.)  Tamoul  :  Neeriya. 
Petit  arbre  très  rameux,  à  feuilles  opposées,  quelquefois 
alternes,  ovales-oblongues,  serretées,  lisses,  se  rencontrant 
dans  diverses  régions  de  l'Asie  tropicale,  surtout  dans  la  pé- 
ninsule indienne.  Comme  ses  congénères,  cette  espèce  fournit 
un  bois  excellent,  mais  depetites  dimensions,  convenant  très 
bien  pour  le  tour.  L'écorce  passe  pour  un  poison  violent. 
Dans  l'Inde,  ses  propriétés  fortement  astringentes  la  font 
utiliser  pour  panser  les  blessures  et  les  brûlures.  Les  feuilles, 
séchées  et  pulvérisées,  sont  usitées  comme  sternutatoire;  les 
médecins  indiens  les  ordonnent  aussi  en  fumigations  pour 
combattre  certains  accidents  nerveux,  notamment  l'hystérie. 

EVONYMUS  EUROP-fflUS  L.  Fusain  d'Europe. 

Jivonpnus  vulgaris  Mill. 

Allemand  :  Spindelbanm .  Anglais  :  Dog  wood,  Spindle  tree,  Prick  wood. 
Bohême  :  Bicslen.  Espagnol  :  Boneiero.  Hollandais  :  Papenhont,  Papenhoed, 
Spilboom.  Italien  :  Fusaggine,  Silio.  Portugais  :  Evongmo,  Zaragafoa.  K\isse  : 
Bercshlet  ou  Vcrescled. 

Charmant  arbrisseau,  dont  la  tige,  très  ramifiée  et  recou- 
verte d'une  écorce  lisse,  verdâtre,  puis  d'un  gris  cendré  clair, 
atteint  une  hauteur  de   4-5  mètres  sur  un  diamètre  de 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  277 

8-10  centimètres  ;  feuilles  opposées,  simples,  oblongues  ou 
ovales-oblongues,  acuminées,  finement  dentelées,  glabres, 
lisses,  subcoriaces,  luisantes  et  d'un  beau  vert  en  dessus, 
accompagnées  de  deux  stipules  petites  et  caduques. 

Indigène  dans  toutes  les  contrées  de  l'Europe,  le  Fusain 
croit  communément  dans  toutes  les  forêts,  dans  les  haies,  etc., 
dans  tous  les  terrains  et  à  toutes  les  expositions.  Il  est  très 
souvent  cultivé  comme  plante  d'ornement  dans  les  parcs  et 
les  jardins,  soit  en  bordure,  soit  en  massifs. 

Son  bois  est  d'un  jaune  blanc  très  pur;  d'une  contexture  très 
fine,  il  ressemble  beaucoup  au  buis;  ses  couches  d'accroisse- 
ment sont  marquées  par  des  lignes  claires.  Dur,  mais  cassant, 
assez  léger,  à  fibres  longues  et  tenaces,  le  Fusain  se  travaille 
aisément  et  se  fend  difficilement  ;  malgré  ses  dimensions  assez 
faibles,  il  constitue  une  matière  première  d'un  usage  très 
répandu  dans  nos  régions.  Convenant  admirablement  pour  le 
tour,  on  l'emploie  aussi  avec  avantage  dans  la  tabletterie  et 
la  lutherie,  ainsi  que  pour  un  grand  nombre  d'autres  petits 
travaux  de  fantaisie,  parfois  sculptés,  parmi  lesquels  nous 
citerons  les  fuseaux,  règles,  lardoires,  curedents,  aiguilles  à 
tricot,  chevilles  de  cordonniers,  touches  de  pianos,  tuyaux 
de  pipes,  cages  pour  les  oiseaux,  etc.  Les  horlogers  s'en 
servent  quelquefois  pour  nettoyer  les  trous  dans  lesquels 
roule  l'extrémité  des  pivots.  Ce  bois  donne  un  charbon 
extrêmement  léger  utilisé  dans  la  fabrication  de  la  poudre  de 
chasse.  Les  rameaux  carbonisés  dans  un  petit  tube  de  fer 
qu'on  fait  rougir,  fournissent  aux  dessinateurs  les  petits 
bâtons  de  charbons  droits  et  cylindriques,  légers  et  très 
tendres,  connus  dans  le  commerce  sous  le  nom  de  fusains. 
Ceux  qui  proviennent  des  morceaux  de  bois  refendus  sont 
souvent  recourbés  ou  rompus.  Le  Fusain  et  son  bois  sont 
connus  en  France  sous  un  grand  nombre  de  noms  vulgaires 
tels  que  «  Garais,  Bonnet  de  prêtre,  Bonnet  carré,  Bois  de 
lardoire  ou  à  lardoire,  Bois  loustau,  Bois  carré  »,  etc. 

Plusieurs  parties  de  cette  plante,  l'écorce,  les  feuilles  et 
les  fruits,  possèdent  des  propriétés  éméto-cathartiques,  et 
peuvent  même  occasionner  une  violente  inflammation  du 
tube  digestif  (1). 

(1)  Le  fruit  de  l'Evonymus  Europceus  est  une  pclile  capsule  globu- 
leuse, déprimée,  marque'e  de  3-5  cotes  saillantes,  prenant  une  couleur 


278  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Il  conyient  encore  de  citer  dans  ce  genre  les  espèces  sui- 
vantes : 

Evonymus  alalus  Sieb.  etZucc.  (Celastrus  alaiiis  Thu'sb.) 
Japon  :  Nichihigni.  Arbuste  ou  petit  arbre  à  rameaux  dressés 
et  à  feuilles  glabres,  acuminécs,  dentées  en  scie,  croissant 
spontanément  au  Japon  dans  les  îles  de  Kiusiu,  de  Nippon 
et  de  Yeso,  près  de  Nangasaki,  de  Miako  et  d'Hakodate, 
commun  dans  la  province  d'Idzu.  Le  bois,  assez  dur  et  serré, 
peut  être  utilisé  pour  la  confection  de  menus  objets.  L'écorce 
est  usitée  dans  la  médecine  japonaise  contre  les  inflammations 
et  les  affections  syphilitiques. 

Ei'onijyims  fimbriatus  Wall.  {Lophopelahim  fimhriatum 
WiGHT.)  Espèce  des  Indes  orientales  à  feuilles  persistantes, 
ovales,  aiguës,  dentelées,  dont  le  bois,  assez  dur  surtout  vers 
le  centre,  se  pourrit  rapidement  lorsqu'il  est  exposé  aux 
intempéries. 

Evonymus  Hamiltonianus  Wall.  (Cochinchine  :  Xoay.) 

d'un  rouge  vif  à  la  maturité  ;  il  renferme  quelques  graines  hlancbaires 
enveloppe'es  dans  un  arille  rouge  orangé. 

Ces  fruits,  très  recherchés  naguère  pour  la  teinture  en  jaune,  sont 
encore  quelquefois  utilisés  dans  les  campagnes  pour  guérir  la  gale  des 
animaux  domestiques  en  les  faisant  infuser  dans  du  vinaigre.  Quoique 
d'un  usage  assez  restreint  a\i  point  de  vue  industriel,  les  graines  et 
leur  arille  sont  surtout  intéressantes  sous  le  rapport  de  leur  composi- 
tion chimique  e'tudiée  assez  re'cemment  par  M.  Lepage.  Les  graines 
seules,  séchéea  à  l'air  libre,  contiennent  de  la  gomme,  des  matières 
protéiques,  du  sucre  incristallisable,  un  principe  amer,  etc.  ;  elles 
renferment  en  outre  41,r)0  "  o  d'une  huile  fixe,  fluide,  d'une  couleur 
jaune  tirant  sur  le  brun,  presque  insoluble  dans  l'alcool,  et  supportant 
jusqu'à  —  10  degrés  sans  se  congeler;  sa  densité  est  de  0,921.  Celte 
huile  donne  avec  la  soude  caustique  un  savon  dur  propre  aux  usages 
domestiques,  et  produit  sur  les  Chiens  un  effet  légèrement  purgatif. 
Employe'e  pour  l'éclairage,  surtout  en  Allemagne,  elle  produit  une 
lumière  vive  et  belle.  Quelques  auteurs  la  disent  bonne,pour  l'alimen- 
tation, quoique  posse'dant  une  odeur  particulière  et  une  saveur  qui 
rappelle  un  peu  celle  de  la  plante.  Le  rendement  est  d'environ  un 
litre  par  10  litres  de  graines.  Quant  aux  arilles,  M.  Lepage  en  a  extrait 
environ  25  »/o  d'une  huile  grasse,  d'une  belle  couleur  rouge,  présen- 
tant une  consistance  gélatineuse  à  —  11  degrés. 

Le  principe  amer  ou  Evonymine  a  pu  elre  obtenu  sous  forme  de 
cristaux  solubles  dans  l'alcool,  d'une  saveur  amère  et  désagréable. 
Le  tanin  des  graines  colore  en  vert  les  sels  de  sesquioxyde  de  fer. 
Enfin,  M.  Kubel  a  retiré  du  canibium  un  principe  ternaire  isomère 
avec  la  mannite  et  qui  en  diffère  par  sa  structure  cristalline  et  sou 
point  de  fusion:  c'est  VEvoni/mite. 


LES  BOIS  INDUSTRIELS   INDIGÈxNES  ET  EXOTIQUES.  279 

Arbrisseau  dont  la  tige,  haute  de  quelques  mètres,  est  recou- 
verte d'une  écorce  blanche;  ses  feuilles  sont  amples,  lan- 
céolées et  finement  dentelées.  Originaire  du  Népaul  et  de  la 
Cochinchine,  cette  espèce  se  rencontre  également  au  Japon, 
dans  les  régions  montagneuses  des  environs  de  Nangasaki, 
sur  le  mont  Fuzi-Yama,  dans  la  province  d'Owari,  etc.  Son 
bois,  d'un  gris  blanchâtre,  assez  dur  et  serré,  parait  bon  pour 
le  tour. 

Evonymus  Japonicus  Thunb.  (Japon  :  MasaM,  Marrouha- 
masaki.)  Arbre  de  petite  taille  ou  arbuste  toufï'a  dans  les 
cultures,  à  feuilles  persistantes,  ovales,  obtuses,  un  peu 
coriaces,  d'un  vert  gai,  croissant  naturellement  dans  les 
montagnes  de  l'Himalaja  et  au  Japon,  sur  le  littoral  de  la 
principauté  de  Fizen,  aux  environs  de  Nangasaki,  Yoko- 
hama, etc.  Son  bois  offre  les  mêmes  qualités  que  celui  de  la 
plupart  des  espèces  de  ce  genre,  et  peut  servir  à  fabriquer 
divers  petits  objets  d'économie  domestique.  Cette  espèce,  la 
plus  ornementale  du  genre,  comprend  un  grand  nombre  de 
variétés  se  distinguant  par  leur  aspect  et  la  couleur  de  leur 
feuillage  vert,  jaune  ou  panaché. 

Evonymus  Javanicus  Bl.  Arbuste  de  4-6  mètres  de  hau- 
teur, â  feuilles  persistantes,  opposées,  stipulées,  croissant 
naturellement  dans  les  forêts  de  Java  et  de  la  Cochinchine. 
Son  bois,  d'un  gris  brun,  d'une  texture  homogène  et  très 
fine,  est  propre  à  divers  petits  travaux  d'ébénisterie. 

Evonymus  Sieboldiamis  Bl.  (Japon  :  Mojume,  Mayoïimi.) 
Cette  espèce,  originaire  de  la  Chine  et  du  Japon,  se  rencontre 
surtout  dans  les  forêts  montagneuses  de  l'île  de  Kiusiu,  sur 
le  mont  Fuzi-Yama,  dans  les  vallées  du  Mont  Homan-Dake, 
dans  la  province  de  Shinano  et  dans  l'île  de  Yeso.  Son  bois, 
d'un  blanc  jaunâtre,  à  grain  serré,  est  employé  par  les  Japo- 
nais pour  confectionner  de  petits  meubles,  notamment  des 
cadres  sculptés  ;  les  Chinois  l'utilisent  surtout  pour  faire  des 
sabots. 

[A  suivre.) 


II.   EXTRAITS  DES  PROCÈS-VERBAUX  DES  SEANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ, 


Faletan    (  Henri    de  ) ,    propriétaire  , 
Fismes  (Marne). 


SEANCE  GENERALE  DU  18  FEVRIER  1893. 

PRÉSIDENCE    DE   M.    A.    GEOFFROY    SAINT-HILAIRE,    PRÉSIDENT. 

Le  procès- verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  adopté. 

M.  le  Président  proclame  les  noms  des  membres  récem- 
ment admis  par  le  Conseil  : 

MM.  PRÉSENTATEURS. 

Jules  Grisard 

C.  Raveret-Wattel. 

Choppin  (Albert),   ancien   professeur,  di-  (  A.  Berthoule. 

recteur  au  ministère  de  l'Intérieur,  29,  <  A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
rue  de  Londres,  à  Paris.  {  Comte  de  Puyfoutaine. 

A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
E.  Leroy. 
E.  Roger. 

Trabut   (le    docteur),  professeur    de   la  r  D'' Le  Fort. 

Faculté  de  médecine,  rue  Desfontaines,  <  Marquis  de  Sine'ty. 
à  Alger.  (  De  Vilmorin. 

,  ,  . .     .       ,  f  A.  Berthoule. 

Terminarias  (Léo-Justin),  propriétaire,  a  \   y  ,      p  •      j 

Brantôme   (Dordogne).  /  ,,         •    j    o-    '* 

^  ^     '  [  Marquis  de  Sinety. 

—  M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  cor- 
respondance. 

—  MM.  Joseph  Hébert  et  Bidault  adressent  des  demandes 
de  Cheptels. 

—  M.  Decaux  adresse  la  note  suivante  à  M.  le  Président  : 

«  Au  sujet  de  la  communication  faite  à  la  dernière  se'ance  par 
M.  Pichot,  concernant  une  invasion  de  Campagnols  et  de  Mulots  en 
Ecosse  et  à  de'faut  du  précieux  bacille  du  typhus  qui  se'vit  sur  les  Sou- 
ris de  la  Grèce,  nous  pensons  devoir  indiquer  un  moyen  simple,  qui 
nous  a  donne'  un  plein  succès,  dans  l'arrondissement  de  Cambrai,  il  y 
a  quinze  ou  seize  ans,  pour  combattre  une  invasion  analogue. 

»  A  l'aide  d'un  plantoir  à  colza  (pieu  rond  garni  de  fer,  de  8  à  10 
centimètres  de  diamètre),  on  perce  des  trous  lisses  de  35  à  40  centi- 
mètres de  profondeur  dans  les  terres  les  plus  envahies  :  luzernes, 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  281 

trèfles,  blés,  etc.  (2  à  300  trous  à  l'hectare);   ces  bestioles  sortent  à  la 
nuit,  tombent  dans  les  trous  et  ne  peuvent  plus  s'e'chapper. 

»  Chaque  jour  le  fermier  visite  les  trous  avec  une  fourchette  en  fer 
emmanchée  au  bout  d'un  bâton  et  embroche  les  Mulots  ;  ce  procède'  a 
permis  de  détruire  jusqu'à  10,000  individus  à  l'hectare  en  une  quin- 
zaine de  jours  et  d'arrêter  la  propagation  de  ces  rongeurs.  » 

—  M.  Ramelet  accuse  réception  et  remercie  des  œufs  de 
Truite  qu'il  a  reçus  de  la  Société.  Arrivés  pendant  les  grands 
froids  ces  œufs  étaient  presque  tous  gelés  et  notre  confrère 
a  peu  d'espoir  de  conserver  les  quelques  sujets  qui  en  pro- 
viendront. 

—  M.  J.  Vilbouclievitch  communique  une  lettre  de  M.  Al- 
phonse de  Candolle  qui  le  remercie  de  l'envoi  qu'il  lui  a  fait 
de  la  note  sur  le  Saxaoul  publiée  dans  la  Revue  en  collabo- 
ration avec  M.  J.  Grisard  et  il  ajoute  : 

«  Je  n'ai  rien  appris  sur  le  Saxaoul,  dont  vous  pouvez  avoir  main- 
tenant des  graines  par  les  ingénieurs  qui  travaillent  aux  chemins  de 
fer  dans  le  Turkestan.  Il  me  paraît  avoir  peu  d'avenir,  à  cause  de  sa 
difficulté'  à  germer  et  de  la  lenteur  de  sa  croissance.  » 

Les  auteurs  sont  très  heureux  de  se  trouver  en  com- 
munauté d'idées  avec  l'illustre  savant;  sa  manière  de  voir  est 
absolument  conforme  aux  faits  avancés  dans  le  mémoire 
précité. 

—  M.  Arn.  Leroy  écrit  d'Oran  à  M.  le  Président  : 

«  J'ai  l'honneur  de  vous  remercier  de  l'envoi  que  vous  avez  bien 
voulu  me  faire  des  brochures  de  MM.  Grisard  et  Vilbouchevitch  sur 
le  Saxaoul  et  les  plantes  halophites,  brochures  que  j'ai  lues  avec  in- 
térêt. 

»  Ainsi  que  l'énoncent  les  auteurs,  j'ai  obtenu  le  Saxaoul  en  1887. 
N'ayant  eu  que  peu  de  graines  à  ma  disposition,  je  n'ai  pu  faire  qu'un 
essai  restreint  dans  un  sol  argilo-calcaire,  contenant  un  peu  de  sable. 
Les  quelques  plants  que  j'ai,  n'étant  pas,  probablement,  dans  les  con- 
ditions voulues,  poussent  lentement  et  n'ont  guère  que  50  centimètres 
de  hauteur,  quoique  les  troncs  aient  de  3  à  4  centimètres  de  circonle- 
rence  à  la  base. 

»  Je  ne  possède  plus  que  deux  touffes  de  cette  plante,  un  ouvrier 
ayant  eu  la  maladresse  d'arracher,  l'hiver  dernier,  des  boutures  enra- 
cinées qu'il  avait  prises  pour  du  bois  sec. 

»  Ayant  passé  l'été'  de  1892  en  France,  je  n'ai  pu  ve'rifier  si  mes 
plants  de  1887  ont  fleuri  ;  je  surveillerai  le  fait  cette  année,  et  si  j'ob- 
tiens des  graines,  Je  m'empresserai  de  vous  en  informer. 


282  REVUE  DES  SCIENCES  NATURLLLES  APPLIQUÉES. 

»  En  ce  qui  concerne  les  salsolacées  d'Australie,  j'ai  cultivé  avec 
sncc'es  V A (riplex  halimoïdes,  arbuste  vigoureux,  à  feuillage  e'pais, — 
VAtriplex  spongiocarpa,  plante  de  28  centimètres  environ,  donnant 
beaucoup  de  graines,  mais  pe'rissant  chaque  hiver  —  un  autre  Âtriplex 
de  même  nature  que  le  pre'ce'dent,  et  dont  je  ne  connais  pas  le  nom 
et  n'ai  plus  de  graines,  —  le  Kochia  villosa  que  j'ai  conservé,  plu- 
sieurs années,  et  qui  se  reproduisait,  de  lui-même,  par  graines. 

»  J'ai  donné  beaucoup  de  graines  de  ces  plantes,  mais  il  ne  m'a  pas 
encore  été  possible  de  conuaîlre  les  résultats  obtenus  par  les  per- 
sonnes qui  en  ont  fait  l'essai.  » 

—  M.  Mac  Owan,  botaniste  du  gouvernement  à  Cap-Town, 
écrit  à  M.  le  Président  pour  le  remercier  d'un  envoi  analogue 
et  il  ajoute  : 

«  Nous  avons  ici,  dans  la  colonie  du  Cap  de  Bonne-Espe'rance,  beau- 
coup d'endroits  où  la  terre  est  plus  ou  moins  salée,  soit  par  le  chlo- 
rure de  sodium,  soit  par  le  chlorure  de  magnésium,  avec  accompa- 
gnement en  petite  quantité  de  sulfate  de  soude  ou  de  chaux,  on  les 
nomme  «  Brak  ground  ».  Les  espèces  fourragères  propres  à  ces  en- 
droits sont  :  Atrlplex  halimus  L.  var.  Capensis,  Kochia  pubescens  MoQ., 
Caroxylod  salsola  Thuxb.,  Tetragoniasp.,  Glinus  sp.,  Galenia  et  Exomis 
oxyrioides  Fenzl. 

»  A  Van  Wyk's  Yley,  où  existe  un  grand  réservoir  formé  par  le 
Gouvernement  pour  l'exploitation  de  quelques  milliards  d'hectares  de 
terres  arides,  mais  fertiles  en  elles-mêmes,  mon  ami,  M.  Alston,  dans 
ces  deux  dernières  années,  s'est  mis  avec  enthousiasme  à  répandre 
partout  des  semences  de  VAtriplex  nummularia  Lindl.,  qu'il  a  fait 
croître  en  quantité  dans  les  terres  arrosées  par  le  dit  Vley.  J'attends 
de  lui  un  rapport  circonstancié  sur  ses  essais,  essais  faits  sans  aucun 
encouragement  officiel  et  sans  subvention.  Nous  n'avons  que  trop  peu 
de  ces  hommes-là. 

»  Si  le  petit  opuscule  que  je  vous  envoie  peut  avoir  de  l'intérêt  pour 
voire  Société,  je  vous  autorise  bien  volontiers  à  en  publier  la  traduc- 
tion en  tout  ou  partie. 

»  Je  vous  adresserai  un  exemplaire  du  travail  de  M.  Alston  lorsqu'il 
sera  paru.  » 

—  M.  Burky,  de  Longpraz  (Suisse),  adresse  un  compte- 
rendu  de  ses  cultures  de  Ramie,  Igname  et  Pitcli-Pin. 

—  En  réponse  à  une  demande  faite  par  la  Société,  M.  Dam-[ 
mann,  de  Teduccio  (Italie),  écrit  à  M.  le  Président  : 

«  Nous  nous  empressons  de  vous  dire  que  bien  qu'il  soit  exact  que 
nous  avons  introduit  la  nouvelle  vigne  du  Mexique,  Cissus  Mexicana, 
jusqu'à  présent  les  tubercules  n'ont  pas  donné  un  bon  résultat,  et  nous 
n'avons  pas  encore  réussi  à  l'acclimater  chez  nous. 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  283 

»  Nous  regrettons  donc  infiniment  de  ne  pas  pouvoir  vous  fournir 
ni  plant  ni  boutures,  mais  en  automne  nous  croyons  pouvoir  vous 
envoyer  des  graines.  » 

—  M.  VilboïKîhevitch  fait  la  communication  suivante: 

«  L'année  dernière,  la  Société  a  e'té  entretenue  par  M.  le  professeur 
Maxime  Cornu  et  par  moi-même,  du  Kendyr  [Apocynum  Sibiricum), 
plante  du  Turkestan  que  l'on  s'efforce  beaucoup,  dans  ces  derniers 
temps,  en  Russie,  de  mettre  en  culture  régulière,  pour  sa  fibre,  douée 
d'une  finesse  et  en  môme  temps  d'une  résistance  des  plus  remar- 
quables. Des  périodiques  russes  et  des  lettres  particulières  m'ap- 
portent sur  ce  vége'tal  un  nouveau  détail  qui  rejouira  les  agriculteurs 
français  de  certaines  régions  du  Midi  et  ceux  de  l'Afrique. 

■>  Notamment,  un  de  ces  documents  (1)  confirme  une  supposition 
que  j'avais  émise  en  me  basant  sur  quelques  signes  indirects,  à  savoir 
que  le  Kendyr  est  une  plante  halophite. 

»  Les  sols  où  il  croît  spontanément  sont  salants,  et  ceci  dans  une 
forte  mesure. 

/'  Il  a  aussi  parfaitement  réussi  en  culture  dans  un  sol  que  le  signa- 
lement de  sa  vége'tation  spontane'e  [Salsola  davifolia,  S.  soda,  Haloc- 
nemon  Caspicum),  m'autorise  à  qualifier  de  très  imprégné  (2j  ;  sur  un 
vrai  •"  takyr  »  (  «  sansouire  »  des  Provençaux,  »  salobre  »  des  Cata- 
lans, «  tcbaklak  »  des  Tartares  de  Crimée). 

»  Aucune  de  nos  plantes  agricoles  ordinaires  n'y  aurait  jamais 
poussé,  excepte' peut-èlre,  et  encore  !  la  betterave,  l'asperge  et  le  riz. 

»  Or,  le  Kendyr  s'y  est  développé  si  bien,  que  des  rejets  de  racine 
plantes  au  printemps  de  1884  (la  multiplication  par  graines  est  peu 
recommandable,  paraît-il)  devinrent  à  la  fin  de  la  saison  de  fortes 
touffes  de  1"',80,  dont  il  fut  extrait  environ  16  %  de  filasse  par  rap- 
port au  poids  brut  des  tiges  récoltées  en  novembre.  A  côté,  sur  une 
parcelle  de  terre  de  loess,  n'offrant  point  de  symptômes  apparents  de 
salure,  les  touffes  de  Kendyr  s'élevèrent  encore  plus  haut,  mais  de- 
vinrent en  même  temps  si  ligneuses  qu'il  fallut  renoncer  à  l'idée  d'en 
extraire  de  la  filasse  ;  ce  qui  amène  l'auteur  de  la  communication  cilcc 
à  douter  de  la  possibilité  même  d'une  culture  profitable  du  Kendyr 
dans  des  sols  non  salants. 

»  Si  je  ne  me  trompe,  le  Kendyr,  qui  a  la  faculté  de  supporter  le 
salant  à  hautes  doses,  joint  encore   celle  de  subir  sans  dommage  les 

(1)  Gazette  agricole,  1893,  n«  3. 

(2)  La  végétation  sponlanée  d'un  terrain  est  un  excellent  terme  de  compa- 
raison pour  juger  du  degré  de  sa  slérililé  par  le  fait  du  salant  ;  on  a  tort,  à  mon 
avis,  de  ne  pas  l'indiquer  assez  souvent;  je  me  suis  expliqué  plus  longuement 
sur  ce  point  dans  un  mémoire  présenté  par  les  bons  soins  de  M.  J.  Poisson, 
assistant  au  Muséum,  à  la  session  extraordinaire  de  la  Société  de  BoUnique, 
tenue  à  Biskra,  en  avril  1802. 


284  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

eaux  stagnantes  des  pluies  hivernales  ;  les  agriculteurs,  qui  exercent 
dans  les  régions  salantes,  sauront  appre'cier  l'avantage  de  cette  der- 
nière adaptation,  car,  dans  la  presque  totalité  des  cas,  ces  re'gions  sont 
à  peu  près  dépourvues  de  drainage  naturel. 

»  Depuis  trois  ans,  j'ai  indique'  ici-même  de'jà  un  certain  nombre 
de  végétaux  utiles  de  terrains  salants  ;  mais  les  produits  de  la  plupart 
d'entre  eux  n'ont  guère  de  valeur  marchande. 

»  Je  considère  que,  pour  une  fois  que  nous  tenons  un  produit  réelle- 
ment commercial,  comme  l'est  la  filasse  de  Kendyr,  il  faut  y  faire 
bien  attention.  » 

—  Il  est  déposé  sur  le  Bureau  un  numéro  des  comptes- 
rendus  de  la  Société  helvétique  des  Sciences  naturelles  ren- 
fermant deux  notes  de  notre  confrère,  M.  Goll,  l'une  sur  la 
faune  du  Maroc,  l'autre  sur  une  nouvelle  forme  de  Corégone. 

—  M.  le  professeur  Maxime  Coi^nu  présente  à  l'Assemblée 
un  plant  de  Solanum  betaceum  portant  des  fruits  encore 
incomplètement  mûrs,  mais  dont  les  graines  peuvent  néan- 
moins servir  à  la  reproduction.  Notre  confi^ère  donne  d'inté- 
ressants détails  sur  la  culture  et  les  emplois  de  cette  plante 
dont  il  met  gracieusement  les  fruits  à  la  disposition  de  la 
Société. 

M.  le  Président  remercie  M.  Cornu  de  cette  présentation. 
Les  graines  qu'il  veut  bien  nous  offrir  seront  envoj-ées  à  ceux 
de  nos  correspondants  qui  se  trouvent  dans  les  conditions 
voulues  pour  cultiver  cette  plante  avec  succès. 

—  M.  Hédiard  présente  des  petits  citrons  obtenus  par 
M.  Fontaine,  de  Blidah,  de  fruits  venant  de  la  Martinique,  où 
on  les  désigne  sous  le  nom  de  citrons  galets  ;  ces  petits 
fruits  sont  très  parfumés  et  très  juteux. 

Un  autre  gain  de  M.  Fontaine  est  également  présenté  par 
M.  Hédiard,  c'est  une  petite  Mandarine  du  Cambodge,  de  la 
grosseur  d'une  Mirabelle.  Le  mérite  de  cette  petite  Orange 
est  de  pouvoir  être  préparée  en  entier  par  le  confiseur  de  la 
même  manière  que  le  Phy salis.  Son  succès  a  été  très  grand 
et  notre  confrère  n'a  pu  suffire  aux  demandes  qu'il  a  reçues 
de  ce  fruit.  Rien  n'est  plus  joli  que  l'arbuste  chargé  de  ces 
petites  Mandarines  qu'on  a  pu  admirer  au  concours  agricole. 

—  M.  Mégnin  fait  une  communication  sur  nos  Chiens  de 
berger  et  présente  de  nombreuses  figures  des  différentes 
races. 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.      285 

—  A  propos  des  Chiens  à  queue  rudimentaire  dont  a  parlé 
notre  confrère,  M.  le  M'*  de  Sinéty  rappelle  l'existence,  à  l'île 
de  Man,  de  Chats  qui  naissent  avec  une  queue  très  courte. 

—  M.  Cornu  a  vu  l'un  de  ces  Chats  chez  M.  Baker,  bota- 
niste au  Jardin  de  Kew;  c'est  une  race  particulière  qui  se 
reproduit  ainsi  et  qui  est  bien  connue  en  Angleterre. 

—  M.  Pichot  ajoute  que  la  variété  du  Chat  à  queue  courte 
se  trouve  répandue  un  peu  partout.  Il  y  'a  au  Japon  notam- 
ment une  race  assez  curieuse  qui  joint  à  cette  anomalie  des 
oreilles  tombantes  et  un  peu  cassées. 

—  M.  le  vicomte  de  Potiche  demande  si  le  Chien  de  berger 
allemand,  dont  a  parlé  M.  Mégnin,  n'est  pas  aussi  dressé  en 
même  temps  à  la  chasse  à  l'homme? 

—  M.  Mégnin  répond  que  la  traduction  de  Beckmann  qu'il 
a  vue  ne  parle  pas  de  ce  dressage,  mais  il  y  a  en  Hongrie  un 
Chien  de  berger,  excessivement  fort  qui,  certainement,  pour- 
rait faire  la  chasse  à  l'homme  au  besoin. 

—  M.  Pichot  pense  qu'il  s'agit  des  Chiens  de  Leonberg,  ou 
d'un  type  s'en  rapprochant,  que  quelques  grands  éleveurs  en 
Allemagne  dressent  à  attaquer  l'homme. 

—  M,  Chazal  confirme  ce  qu'a  dit  M.  Mégnin  au  sujet  des 
Chiens  de  douars  et  des  Lévriers.  En  Afrique,  le  Lévrier  n'est 
pas  considéré  comme  un  Chien  ;  il  est  regardé  par  les  Arabes 
comme  une  race  absolument  différente,  une  race  noble  qui  vit 
sous  la  tente. 

—  M.  Remy  Saint-Loup  demande  à  M.  Mégnin  si  l'absence 
de  cassure  nasale  chez  le  Lévrier  ne  lui  paraît  pas  constituer 
un  type  intermédiaire  entre  la  forme  du  Chien  proprement 
dit  et  la  forme  du  Loup. 

—  M.  Mégnin  dit  que  presque  tous  les  Chiens  ont  la  cas- 
sure à  peu  près  au  môme  degré  et  qu'il  n'y  a  que  le  Lévrier 
qui  s'en  écarte.  Le  Chien  courant  l'a  moins  marquée  ;  mais  il 
paraît  être  un  produit  mixte.  Les  Gaulois,  comme  tête  de 
meute,  tenaient  beaucoup  à  avoir  un  métis  de  Loup  et  toutes 
les  Chiennes  en  chasse  étaient  attachées  dans  la  forêt,  on 
était  sûr  qu'elles  étaient  couvertes  par  des  Loups,  et  les 
sujets  qui  provenaient  de  ces  unions  étaient  très  prisés. 

—  M.  le  Président  fait  observer  que  M.  Mégnin  laisse  sup- 


286  RliVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APl'LIQUÉES. 

poser  que  nos  races  actuelles  descendent  plus  ou  moins  di- 
rectement d'un  certain  nombre  de  types,  ancêtres  de  nos 
Chiens  modernes.  N'est-il  pas  plus  juste  de  croire  que 
l'homme  a  mis  à  profit,  pour  son  usage,  certaines  mons- 
truosités qu'il  a  su  rendre  héréditaires  et  que  les  différentes 
races  ne  sont  pas  la  suite  naturelle  d'espèces  primitives  qu'il 
n'a  eu  qu'à  entretenir  ? 

—  M.  Mégnin  répond  que,  dans  sa  communication,  il  n'a  eu 
en  vue  que  les  types  d'où  lui  paraissent  descendre  les  Chiens 
de  berger,  tandis  qu'il  y  a  une  foule  d'autres  races  qui  sont  en 
effet  les  produits  d'accidents  que  l'homme  a  su  fixer  ;  cette 
étude  fera  l'objet  d'une  autre  conférence. 

Pour  le  secrétaire  des  séances, 

Jules  Grisard, 
Secrétaire  du  Comité  de  rédaction. 


m.  CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS. 


Le  marché  d'Ivoire  à  Londres.  —  Au  mois  de  janvier  der- 
nier on  a  vendu  17,000  kilos  d'Ivoire,  dont  1,000  provenant  des  Indes 
Orientales,  500  d'Egypte,  et  15,500  de  la  côte  occidentale  d'Afrique. 
Le  28  de  ce  mois  on  en  gardait  en  réserve  dans  les  docks  180,000 
kilos.  En  1892,  à  la  môme  époque,  on  en  avait  174,000  kilos.     De  S. 

Alouettes  introduites  d'Angleterre  dans  la  République 
Argentine.  —  Sur  une  centaine  d'Alouettes  {A .  arvensis)  que 
le  Re'sident  anglais  à  Buenos-Ayres  a  fait  venir  re'cemment  de  Lon- 
dres, une  vingtaine  a  surve'cu  au  voyage.  On  les  lâcha  dans  un  champ 
d'orge  récemment  fauche'.  «  Quelques  gazouillements,  ajoute  le  cor- 
»  respondant  du  Laud  and  Water,  te'moignérent  de  leur  bonheur  d'avoir 
»  recouvré  la  liberté  ;  mais,  peut-être  à  cause  de  leur  longue  capti- 
»  vite',  aucune  ne  prit  son  vol  vers  le  ciel.  Si,  comme  il  est  probable. 
»  leur  faculté  procro'atrice  est  excitée  par  la  chaleur  et  le  soleil, 
»  nous  en  verrons  bientôt  prospérer  quelques  couve'es.  »  G. 

Pêche  des  Phoques  et  des  Baleines  —  A  Dundee,  on  hâte 
les  préparatifs  pour  la  pêche  des  Phoques  à  Terre-Neuve  et  celle  des 
Baleines  au  Groenland.  On  enverra  à  Terre-Neuve  trois  navires  de 
pêche  :  YAurora,  la  Terra-Nova,  VEsquimau.  De  B. 

Remède  contre  les  mucosités  des  poissons  dans  les 
étangs.  —  Un  moyen  bien  simple  de  débarrasser  les  poissons  des 
«  champignons  »  a  été'  essayé  dernièrement  par  l'e'tablissement  de 
pisciculture  de  Heidelberg.  Il  consiste  à  introduire  dans  l'eau  des 
branches  fraîches  de  Pin  sylvestre,  mesurant  deux  ou  trois  mètres, 
dont  les  rameaux  reposent  sur  le  fond,  et  dont  les  tiges  sont  fixées  sur 
les  bords  de  l'e'tang.Le  poisson  vient  s'y  frotter,  il  est  bientôt  nettoyé'. 
Dans  les  viviers  entourés  de  murs,  on  place  les  branches  en  faisceaux. 

De  s. 

Introduction  du  Lavaret  dans  le  lac  de  Freyberg   — 

5,000  Lavarets  [Coregonus  Wartmanni  (Heck.  &  Knerr.)  ont  été  lâchés 
dans  le  lac  de  Freyberg  (Saxe),  à  Oberstdorf.  Ce  lac,  mesurant 
20  hectares  en  superficie,  ne  posse'dait  jusqu'ici  aucun  Coregone. 

De  B. 


IV.  BIBLIOGRAPHIE. 


Les   plantes    potagères    et   îa    culture   maraîchère,    par 

M.  Eru.  Berger,  chef  des  cultures  au  fleuriste  de  la  ville  de 
Bordeaux.  —  1  vol.  in-16  de  400  pages,  avec  64  figures,  cartonné 
{Bibliothèque  des  connaissances  utiles).  Librairie  J.-B.  Baillière  et  fils, 
■J9,  rue  Hautefeuille,  à  Paris,  4  francs. 

Les  ouvrages  traitant  de  la  culture  maraîchère  pratique  ne  sont  pas 
très  nombreux  ;  au  moins,  ceux  qui,  écrits  par  des  hommes  du  métier, 
peuvent  être  consultes  avec  avantage.  Les  uns,  les  bons,  coûtent  cher  ; 
les  autres  sont  incomplets,  trop  anciens  ou  e'crits  spe'cialement  pour 
certaines  contrées. 

Le  livre  de  M.  Berger  comble  cette  lacune. 

Ce  travail,  conçu  sur  un  plan  nouveau,  peut  aussi  bien  être  consulte 
par  l'Amateur  que  par  le  Jardinier  :  chacun  y  trouvera  des  renseigne- 
ments qui  rintéresseront. 

L'auteur  n'a  fait  ressortir  que  le  côté  pratique  des  cultures,  ce  qu'il 
est  nécessaire  de  connaître  pour  arriver  à  bien  faire. 

Après  avoir  donné  des  idées  générales  sur  la  création  et  l'installa- 
tion  à    peu  de    frais  d'un  jardin   maraîcher,   il  donne  pour  chaque 

plante  : 

1°  VOrigine  ;  2°  la  Culture  de  j^leine  terre  et  la  Culture  de  primeurs 
sur  couches  et  sous  châssis,  appropriées  aux  difiérents  climats  ;  3°  la 
description  des  meilleures  variétés  à  cultiver  ;  4°  les  Graines,  les 
moyens  pratiques  de  les  récolter,  de  les  conserver,  leur  dure'e  germi- 
native;  5°  les  Maladies  et  Animaux  nuisibles,  les  meilleurs  moyens 
pour  les  détruire;  6°  les  Usages  et  les  Propriétés  économiques  et  ali- 
mentaires des  plantes. 

Une  dernière  partie  comprend  un  calendrier  des  semis  et  plantations 
à  faire  pendant  les  douze  mois  de  l'anne'e. 

L'ouvrage  est  orné  de  64  figures  qui  donnent  l'aspect  des  espèces 
de'crites  et  permettent  de  les  reconnaître  plus  facilement. 

Toutes  les  plantes,  même  toutes  les  variéte's  mentionnées,  ont  e'te' 
cultivées,  expérimentées  et  étudie'es  par  l'auteur  avec  le  plus  grand 
soin.  Eu  suivant  exactement  ses  indications  de  culture,  qui  sont  le 
fruit  d'observations  se'rieuses  et  sûres,  on  obtiendra  de  bons  résultats. 

G.  DE  G. 


Le  Gérant  :  Jules  Grisard. 


I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIÉTÉ. 


LES  CHIENS  DE  BERGER 

Par  m.  p.  MÉGNIN. 

(SL'ITE  *.) 


§  1.  —  Les  Chiens  de  berger  français. 

Nous  avons,  en  France,  au  moins  quatre  races  de  chiens  de 
berger  :  le  vieux  chien  de  berger  Irançais  que  nous  avons 
nommé  Chien  de  Beauce,  le  Chien  de  Brie,  le  Chien  dit 
Languedoc  et  le  Chien  des  Alpes  ou  des  Pyrénées. 

Nous  dirons  d'abord  que  la  distinction  que  l'on  lait  entre 
le  Chien  de  berger  et  le  Chien  de  bouvier,  ou  de  toucheur  de 
bœufs,  ne  comporte  pas  une  distinction  de  race,  mais  sim- 
plement une  distinction  de  taille  et  d'emploi  :  ce  sont  les 
plus  grands  et  les  plus  forts  de  chaque  race  dont  on  fait  des 
chiens  de  bouviers. 

Chien  de  la  Bcauce  ou  Ancien  Chien  de  berger  gaulois. 
—  Ce  chien,  dont  l'origine  remonte  aux  temps  préhistori- 
ques, se  rencontre  encore  dans  beaucoup  de  régions  de  la 
France,  comme  l'Anjou,  le  Maine,  l'Ile-de-France  et  surtout 
la  Beauce.  Cependant,  le  Chien  de  Brie  est  en  voie  de  le 
sui)planter  presque  partout,  surtout  dans  les  pays  oti  l'on 
élève  ^jarticuliérement  les  races  de  moutons  perfectionnées 
et  où  les  cultures  industrielles  sont  le  plus  pratiquées  et  ont 
le  plus  besoin  d'être  protégées  contre  la  dent  des  troupeaux. 
C'est  que  l'ancien  chien  de  berger,  qui,  pendant  des  siècles,  a 
été  surtout  le  défenseur  des  troupeaux  contre  les  loups,  n'a 
pas,  au  même  degré,  la  sagacité  merveilleuse  du  chien  de 
Brie  pour  la  conduite  des  troupeaux  au  milieu  de  récoltes  à 
protéger,  et  puis  il  a  plus  souvent  la  dent  dure  à  l'égard  de 

(*)  Voyez  plus  haut,  p,  241. 

;;   Avril    1803.  49 


290  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

ses  sujets.  Enfin,  les  bergers  Ini  reprochent  d'être  moins 
résistant  aux  mouches  pendant  les  grandes  chaleurs  et  de 
rechercher  plus  souvent  l'ombrage  des  buissons  et  le  far 
nienie  que  le  chien  de  Bine. 

Notre  vieux  chien  de  berger  a  l'aspect  sauvage  et  l'abord 
rude,  mais  en  y  regardant  de  près  on  découvre  en  lui  de  la 
sveltesse  et  même  de  l'élégance,  et  avec  des  soins  il  peut 
devenir  un  vrai  chien  de  salon  comme  le  montre  le  sujet 
dont  nous  donnons  le  portrait  et  comme  l'est  devenu  son 
confrère  écossais  «  le  colley  »  avec  lequel  il  a  beaucoup 
d'analogie  et  qui  évidemment  dérive  de  la  même  souche.  Il 
est  de  taille  moyenne  et  bien  proportionné  ;  sa  tête,  qui  n'est 
pas  trop  grosse,  parait  un  peu  allongée,  mais  si  le  museau 
parait  un  i)eu  étroit,  le  Iront  est  larj;e  et  spacieux,  ce  qui 
prouve  l'intelligence  ;  ses  yeux  sont  petits,  roux-jaunâtre  et 
ses  oreilles  droites  et  courtes.  Ses  membres  et  ses  pieds  sont 
robustes  et  bien  laits.  Son  corps  est  couvert  d'un  poil  rude  et 
fourni,  de  couleur  noire  ou  gris  brun  mélangé  en  dessus,  gris 
clair  ou  fauve  en  dessous  et  en  dedans  des  membres  et 
souvent  avec  du  blanc  aux  fesses.  Ce  poil,  abondant  sur  le 
corps  et  surtout  en  arrière  des  membres  et  â  la  queue  qui  est 
très  touffue,  est  naturellement  ras  à  la  tête  et  à  l'extrémité 
des  membres. 

Nous  donnons  [fig .  S),  comme  un  magnifique  spécimen  de 
la  race  des  chiens  de  berger  de  Beauce  et  d'a\)rès  une  pho- 
tographie, le  portrait  d'un  chien  de  cette  race.  Fido,  apparte- 
nant à  M.  d'Heudières,  châtelain  du  Bois-David,  dans  l'Eure. 
Ce  chien  est  de  grande  taille,  il  mesure  66  centimètres  au 
garrot  ;  il  est  d'une  belle  couleur  noire  aile-de-corbeau  avec 
les  extrémités  feu  pâle  mouchées  de  noir  ;  sur  chaque  sourcil, 
il  a  une  petite  tache  ronde  de  même  couleur  orangée  —  il  est, 
ce  que  les  anciens  Teneurs  appelaient  quatrœill'^.  —  Ce  sont 
les  couleurs  du  Setter-Gordon,  et  aussi  celles  de  beaucoup  de 
Collies  ;  par  le  fait,  c'est  un  Colley  colossal  par  sa  confor- 
mation, la  couleur,  la  longueur  et  la  distribution  du  poil, 
et  parle  volume  du  panache  caudal.  Il  démontre  excellem- 
ment la  parenté  étroite  qui  existe  entre  notre  vieux  chien 
gaulois  et  le  chien  de  berger  écossais,  et  nous  verrons  q)ie 
cette  parenté  ne  s'arrête  pas  là  et  que  le  chien  de  berger 
belge  et  même  certains  chiens  de  berger  allemands  rappel- 
lent complètement  notre  chien  de  berger  de  Beauce. 


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292  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

Voici  les  proportions  de  ce  beau  chien  : 

Hauteur  de  l'e'paule 0'n,66 

Distance  du  bout  du  nez  à  l'origine  de  la  queue.  1",10 

Longueur  de  la  queue  (sans  poil) 0"',37 

Longueur  de  la  tôle,  du  bout  du  nez  à  la  nuque.  0'",27 

Tour  de  la  tête,  en  arrière  des  yeux 0'",48 

Tour  du  museau  au  milieu  du  cbaufrein 0'",27 

Tour  de  la  poitrine,  près  du  coude 0"\75 

Tour  du  ventre,  en  arriére  des  côtes 0'",59 

Tour  de  l'avant-bras,  prés  du  coude 0^,21 

Poids  du  Chien  :  31  kilogr. 

Le  Chien  de  Brie.  —  Beaucoup  d'auteurs  regardent  notre 
chien  de  berger  de  Brie  actuel  comme  très  ancien  ;  cer- 
tains même  disent  que  son  origine  se  perd  dans  la  nuit  des 
temps.  C'est  une  erreui*  et  qui  est  due  à  ce  que  beaucoup 
de  personnes  et  même  de  naturalistes  confondent,  sous  le 
nom  de  Chien  de  Brie,  l'ancien  chien  de  berger  dont  nous 
venons  de  parler  et  le  Chien  de  Brie  actuel  ;  pour  beaucoup 
le  nom  de  La  Brie,  de  Briard,  est  un  terme  générique 
qu'on  applique  à  tout  Chien  de  berger  indigène  indistincte- 
ment. Cette  confusion  doit  cesser. 

Le  Chien  de  Brie  actuel  est  très  distinct  du  précédent  et 
ressemble  à  un  barbet  à  oreilles  droites.  De  fait,  il  résulte 
du  croisement  du  vieux  Chien  de  Beauce  avec  le  barbet, 
croisement  qu'on  jugea  nécessaire,  lorsque,  vers  le  commen- 
cement du  siècle,  on  reconnut  que  le  njle  du  Chien  de  berger 
devait  changer  et  qu'au  lieu  d'un  simple  protecteur  de  trou- 
peaux, il  devait  devenir  surtout  un  protecteur  des  récoltes. 
On  chercha  à  augmenter  son  intelligence  par  l'infusion  du 
sang  du  barbet  reconnu  pour  être  le  plus  intelligent  de  tous 
les  chiens  et  on  obtint  ainsi  un  chien  qui  fait  l'admiration  de 
tous  ceux  qui  le  voient  travailler.  C'est  de  lui  que 
M.  Menault,  inspecteur  de  l'agriculture,  a  dit  :  «  Le  Chien  de 
berger  (îst  le  premier  ministre  du  berger  ;  il  exécute  tous  ses 
ordres,  il  maintient  le  troupeau  dans  la  légalité  ;  il  rappelle 
les  délinquants  à  l'ordre,  avertit  de  la  voix-celui-ci,  mord 
celui-là  qui  l'a  mérité.  Il  est  tout  à  la  fois  ministre,  préfet  de 
police  et  garde-champêtre.  Pour  remplir  tant  de  fonctions,  il 
faut  qu'il' soit  intelligent.  » 

C'est  encore  au  Chien  de  Brie  que  peut  s'appliquer  mot 


LES  CHIENS  LE  BERGER. 


»93 


pour  mot,  ce  que  notre  confrère  de  Bruxelles,  M.  Reul,  a  dit 
du  bon  chien  de  berger  en  général  : 

«  Le  Chien  de  berger  est  remarquable  par  sa  sagacité.  Ses 
dispositions  à  garder  les  troupeaux  paraissent  innées  :  elles 
sont  héréditaires.  Au  bout  de  fort  peu  de  temps,  il  connaît 


Fig.  !).  —  Faro,  chien  de  berp;er  de  Brie  à  M.  Maillard,  berger  communal 

à  Boves  (Somme). 


chaque  signe,  chaque  regard  du  berger  et  remplit  avec  une 
patience,  une  obéissance  rare, les  tâches  qu'il  lui  impose.  Il  en 
est  qui 'comprennent  toutes  les  paroles.  «  Un  observateur 
digne  de  foi  m'a  assuré,  rapporte  Brehm,  avoir  entendu  un 


294  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

berger  recommander  â  son  chien  de  faire  respecter  les  cliamps 
de  colza  ;  le  chien  parut  hésiter  nn  moment,  il  n'avait  proba- 
blement jamais  entendu  ce  mot;  seigle,  blé,  orge,  avoine, 
prairie,  champ,  c'était  là  choses  connues,  mais  le  colza  !  Que 
l'aire?  Il  fit  le  tour  du  troupean,  examina  chaque  champ 
J'un  après  l'autre  et  s'arrêta  devant  celui  dont  la  récolte  lui 
était  inconnue  :  ce  devait  être  là  le  champ  de  colza  ;  et  ce 
l'était  en  effet.  » 

Le  Chien  de  Brie  a  les  mêmes  proportions  que  le  Chien  de 
Beauce  tout  en  étant  généralement  un  peu  plus  petit;  comme 
lui  il  a  les  oreilles  courtes  et  droites,  mais  il  en  diffère  par  son 
pelage  long  et  laineux  en  grandes  mèches,  qui  couvre  aussi 
bien  la  face  où  il  forme  des  sourcils  épais  et  proéminents, 
moustaches  et  barbiches  et  les  extrémités  que  le  reste  du 
corps  comme  cliez  son  ancêtre  le  Barbet  ;  ce  pelage  est  géné- 
ralement gris  ardoisé  foncé,  noir  mal  teint,  ou  gris  fauve  plus 
ou  moins  clair. 

On  lui  rogne  souvent  la  queue,  ce  qui  est  un  tort,  car  c'est 
un  balancier  nécessaire  aux  grandes  allures  :  des  expériences 
ont  prouvé  en  effet  que,  des  Chiens  de  berger  courant  sur  une 
étroite  chaussée,  ceux  qui  étaient  privés  de  queue  tombaient 
souvent  dans  le  fossé,  ce  qui  n'arrivait  pas  aux  autres.  Du 
reste,  cette  ancienne  habitude,  qui  avait  sa  raison  d'être  autre- 
fois, lorsque  les  Chiens  de  berger  étaient  souvent  aux  prises 
avec  les  Loups,  est  maintenant  un  anachronisme. 

Comme  type  de  cette  race,  nous  donnons  [fig.  9)  le  por- 
trait de  Faro,  Chien  de  Brie  à  M.  Maillard,  berger  communal 
à  Boves;  ce  Chien,  de  couleur  gris  fauve  terreux,  a  les  propor- 
tions suivantes  : 

Hauteur  du  parrot 0'",65 

Longueur  du  corps,  du  bout  du  nez  à  l'origine  de 

la  queue l'",03 

Longueur  de  la  queue 0'",40 

Longueur  de  la  tête,  du  bout  du  nez  à  la  nuque.  0"\30 

Tour  de  la  tête,  en  arrière  des  yeux 0"',41: 

Tour  du  museau,  au  milieu 0'",25 

Tour  de  la  poitrine 0'",78 

Tour'du  ventre 0">,61 

Nous  donnons  aussi  le  portrait  de  Papillon  [f\ g .  10),  Chien 
de  la  même  race,  mais  d'une  forte  taille,  car  il  mesure  0'",'70 


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296  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

au  g-arrot,  et,  à  cause  de  cela,  il  peut  être  considéré  comme 
un  modèle  de  Chien  de  bouvier. 

Le  Chien  de  T^erger  du  Languedoc.  —  «  Dans  la  région  de 
la  Garonne,  écrivait  M.  de  Brévan  dans  le  Journal  d'Agri- 
culture pratique  de  1886,  il  existe  une  race  de  Chiens  de 
berger  très  répandue,  différant  totalement  des  autres  comme 
aspect  et  naturel.  Ce  sont  des  Chiens  plus  vigoureux,  au  poil 
rude,  lauve  foncé,  à  fortes  mâchoires  qui  évidemment  dou- 
blent leur  rôle  de  celui  de  protecteur.  En  ceci  ils  se  rappro- 
chent des  grands  Chiens  de  montagne  des  Alpes  et  des  Pyré- 
nées. » 

Le  Chien  de  berger  du  Languedoc  [ftg-  ^i)  est  un  véri- 
table mâtin  à  poil  rude  de  griffon,  aussi  bien  Chien  de  garde 
de  la  ferme  que  Chien  de  garde  des  troupeaux.  Transporté 
dans  le  nord,  on  y  a  renoncé  pour  la  conduite  des  Moutons, 
il  est  trop  brutal,  méchant  et  surtout  sournois. 

Dans  les  régions  du  Pas-de-Calais  où  l'on  fabrique  de  la 
toile,  on  l'emploie,  dans  les  blanchisseries,  pour  garder  les 
pièces  étalées  dans  les  prairies  et  c'est  un  rude  gardien.  i 

Dans  l'est,  en  Lorraine,  on  l'emi)loie  à  garder  les  Cochons, 
ou  comme  mâtin  pour  la  chasse  du  Sanglier  qu'on  tue  à  l'é- 
pieu  quand  il  est  coiffé  par  ces  terribles  chiens. 

Chims  des  Alpes,  des  Pyrénées  ou  de  la  Camargue.  «  Le 
Chien  des  Alpes,  dit  Brehm,  que  l'on  connaît  aussi  sous  le 
nom  de  Chien  des  Pyrénées,  Chien  de  la  Camargue,  a  le  poil 
dur,  presque  laineux,  frisé  dans  le  jeune  âge,  blanc  et  taché 
de  larges  plaques  noires  ;  il  est  de  haute  taille,  court  et  mus- 
clé ;  il  a  les  doigts  largement  palmés,  la  tète  large,  déve- 
loppée, les  oreilles  assez  pointues  et  tombantes,  le  museau 
long  carré,  et  de  grands  yeux  bleus,  saillants,  annonçant  l'in- 
telligence, la  douceur,  l'intrépidité. 

«  Aptitude  (i  emploi.  —  Ce  Chien  est  le  défenseur  des 
troupeaux  ;  on  entoure  son  cou  d'un  fort  collier  hérissé  de 
pointes  qui  lui  sert  d'armure  quand  il  livre  combat  aux 
Loups. 

»  Le  Chien  des  Alpes,  le  Chien  des  Grisons  et  le  Chien  loup 
italien  ne  sont  probablement  que  des  variétés  d'une  même 
race.  » 


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298  REVUE  LES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Et  nous  ajouterons  :  le  Chien  des  Pyrénées  n'est  qu'une 
variété  de  la  race  du  Languedoc  ;  et  l'un  ou  l'autre,  suivant 
les  circonstances,  sont  employés  indifféremment  à  accompa- 
gner les  immenses  troupeaux  de  moutons  qui,  chaque  année, 
comme  en  Espagne,  vont  passer  l'été  sur  les  montagnes  et 
redescendent  l'hiver  dans  les  plaines. 

Il  est  nécessaire  que  les  chiens  des  troupeaux  transhu- 
mants soient  plus  forts,  plus  puissants  que  les  chiens  de  Brie, 
car  ils  ont  surtout  à  défendre  les  animaux  qu'ils  conduisent, 
soit  contre  les  attaques  des  Loups,  ou  même  contre  celles  des 
Ours,  qui  existent  encore  dans  les  Alpes  et  dans  les  Pyrénées. 

Malgré  notre  richesse  en  honnes  et  belles  races  de  chiens 
bergers,  nous  n'avons  pas  encore,  comme  en  Angleterre  et  en 
Belgique,  de  clubs  s'occupant  de  leur  amélioration  ;  il  est 
vrai  qu'ils  s'en  passent  facilement  et  que  les  principaux  inté- 
ressés, les  bergers,  savent  très  bien  perfectionner  leurs  races 
en  faisant,  comme  nous  l'avons  dit,  de  la  sélection  sans  le 
savoir,  en  recherchant  pour  leurs  chiennes  eïi  folie  des  mâles 
de  grande  réputation,  fallùt-il  faire  des  dix  ou  quinze  lieues 
pour  les  trouver. 

Pourquoi  ces  auxiliaires  si  utiles  de  l'agriculture  ne  figu- 
rent-ils pas  encore  dans  les  concours  agricoles,  généraux  ou 
régionaux?  Tout  ce  que  l'administration  de  l'agriculture  a 
fait  pour  eux  jusqu'à  présent,  c'est  l'octroi  de  quelques  mé- 
dailles, qui  leur  sont  distribuées  aux  expositions  canines, 
organisées  par  des  sociétés  particulières. 

Un  comice  agricole,  un  seul,  celui  de  Rouen,  vient  cepen- 
dant, à  l'instigation  d'un  de  ses  membres,  M.  Emmanuel 
Boulet,  manufacturier  à  Elbeuf,  de  les  admettre  dans  ses 
concours.  Espérons  que  son  exemple  sera  suivi. 

[A  suivre.) 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ELEVEUR 

Par  m.  le  marquis  de  BRISAY. 

(  SUITE  *) 


VII 

A  la  Trémissinière,  près  Nantes,  on  voit  des  choses  assez 
curieuses.  C'est  d'abord  ce  que  les  personnes  un  peu  exal- 
tées appellent  un  site  enchanteur.  L'Erdre  y  forme  un  petit 
étang,  et  puis,  se  resserrant  en  amont,  elle  offre  ses  deux 
rives  à  l'appui  des  culées  d'un  pont  qui  unit  le  l'aubourg  de 
Rennes  à  celui  de  Carquel'ou.  Sur  l'eau  calme  et  verdâtre 
fleurissent  les  nénuphars,  se  dressent  les  joncs  flexibles,  et, 
parmi  cette  végétation  aquatique,  bordant,  les  prairies  aux 
berges  desqueUes  ils  s'amarrent,  des  bateaux  de  blanchis- 
seuses résonnent  au  son  du  battoir  de  Virginie,  entremêlé 
des  chansons  d'un  Coupeau  quelconque.  11  y  a  là  quelque 
chose  de  champêtre  qui  repose  du  bruit  de  la  grande  ville. 
C'est  agreste  et,  en  même  temps,  civihsé  par  le  passage  d'un 
grand  boulevard  à  trottoirs  de  granit  plantés  de  platanes. 

C'est  un  lieu  charmant,  où  la  résidence  est  très  agréable.  Au 
midi  s  étage,  au-dessus  de  la  rivière,  un  coteau  fort  bien 
percé  de  rues  tirées  au  cordeau,  le  long  desquelles  se  dresse 
(•à  et  là  une  élégante  villa,  entourée  de  son  parc,  et  plus  loin 
la  maisonnette  couverte  en  tuiles  rouges  qu'liabitent  un  ma- 
raîcher, ou  des  lavandières  constamment  occupées  à  étendre 
du  linge  au  soleil. 

Au  milieu  d'un  jardin  anglais,  soigneusement  planté  de 
conifères,  arbustes  et  divers  plants,  massifs  de  rosiers  et 
autres  bibelots  horticoles,  est  assis  le  chalet  de  M.  Martin(^au, 
dont  la  porte  s''ouvre  gracieusement  à  notre  appel. 

En  entrant,  entre  les  arbres  verts  déjà  forts,  on  remarque, 
par  places  très  bien  choisies,  des  régimes  de  volières  qui  em- 
pruntent à  l'entourage  ombragé   qui  les  sépare  les  unes  des 

(*)  Voyez  Hevue,  années  1891 ,  2'  semestre,  p.  479  ;  1892,  1"  semestre,  p.  TylO, 
et  2"  semestre,  p.  498. 


300  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

autres,  le  mérite  de  ne  pas  présenter  nn  aspect  trop  tech- 
nique, c'est  un  ensemble  pittoresque  et  bien  compris. 

La  laisanderie  de  M.  Martineau  n'a  pas  été  créée  en  un  Jour. 
Elle  n'est  pas  le  résultat  d'une  fantaisie  momentanée  et  coû- 
teuse, comme  il  en  est  pour  tant  d'autres.  Son  propriétaire  a 
voulu  en  faire  moins  une  installation  de  luxe  qu'un  objet  de 
rapport.  C'est  donc  lentement,  et  d'une  façon  progressive, 
qu'elle  a  été  montée,  s'augmentant  chaque  année  de  compar- 
timents nouveaux  et  de  nouveaux  pensionnaires  ;  selon  le 
rendement  de  l'année  précédente  et  le  bénéfice  acquis  sur  la 
vente  des  sujets  élevés,  des  volières  étaient  ajoutées  aux  vo- 
lières et  des  oiseaux  non  encore  possédés  y  étaient  introduits. 

C'est  cette  progression  lente  et  raisonnée,  cette  croissance 
constante  de  l'élevage  qui  fait  l'intérêt  de  notre  visite  ici  re- 
latée, et  permet  de  présenter  aux  jeunes  aviculteurs  la  faisan- 
derie de  la  Trémissinière  comme  un  modèle  du  genre,  utile 
à  étudier  et  avantageux  à  reproduire. 

Au  début  de  la  carrière  —  pardon  de  ce  style  pompeux  — 
M.  Martineau  s'est  contenté  d'un  groupe  de  huit  volières 
juxtaposées  les  unes  aux  autres,  formant  un  bloc  à  comparti- 
ments égaux.  Toutes  construites  sur  le  même  plan,  elles  pré- 
sentent un  coup  d'œil  agréable  par  leur  structure  en  bois 
peint  en  blanc  et  recouvert  de  grillage  en  fil  de  fer.  C'est  ce 
groupe  que  nous  apercevons  en  face  la  maison,  et  très  près 
du  logis  du  maître.  L'exposition  est  nord,  mais  elle  est 
adoucie  par  un  rideau  d'arbres  qui  reflètent  et  répercutent 
les  rayons  du  soleil,  tout  en  s'opposant,  pendant  l'hiver,  au 
filtrage  des  bises  froides.  Chaque  compartiment  a  son  abri 
couvert,  large  de  3  mètres,  profond  de  2  mètres  seulement. 
En  avant  s'étend  le  parquet  mesurant  6  mètres  de  long  sur 
3  de  large.  Des  châssis  vitrés  ferment  la  partie  supérieure  de 
l'abri,  laissant  libre  une  ouverture  de  1"', 50  jusqu'au  sol.  La 
toiture  est  en  bois  recouvert  de  feuilles  de  zinc  ;  le  sol  bien 
sablé,  tenu  très  propre,  est  planté  de  quelques  fusains. 

C'est  là  que  M.  Martineau  a  logé  et  entretenu  ses  premiers 
reproducteurs.  11  a  commencé,  comme  tout  le  monde  peut- 
être,  par  les  Faisans  doré  et  argenté.  Il  en  trouva  l'élevage 
si  facile  qu'il  déclare  lui-même  que  ces  iaisandeaux-là  ve- 
naient chez  lui  «  comme  des  poulets  ».  Dès  la  première  année 
il  obtint  cinquante-quatre  élèves.  C'était  un  beau  succès, 
bien  fait  pour  l'encourager  à  persévérer  et  à  poursuivre.  Des 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  301 

Lady  Amlierst  furent  donc  acquis.  Ces  magnifiques  oiseaux 
étaient  encore  cotés  un  prix  fort  :  150  francs  la  paire. 
Mais  l'installation  leur  parut  si  bonne,  les  soins  prodigués  si 
parfaits  et  si  constants,  qu'ils  donnèrent  aussit(3t  des  produits. 
Quinze  jeunes  furent  très  aisément  élevés,  exactement  comme 
les  Dorés,  avec  la  pâtée  de  mie  de  pain,  bœuf  cuit  et  salade, 
le  tout  haché,  mélangé  d'œufs  durs  et  de  quelques  larves  de 
fourmis.  D'année  en  année,  la  reproduction  de  cette  espèce 
fut  constante  jusqu'à  ce  jour  où  nous  trouvons  encore  quel- 
ques jeunes  Amherst  suivant  la  poule  qui  les  a  couvés. 

Une  autre  espèce  vient  aussitôt  après  :  l'Euplocome  de 
Swinhoë,  bel  oiseau  au  plumage  splendide,  aux  mœurs  inté- 
ressantes, à  la  vie  facile,  pour  lequel  M.  Martineau  dit 
avoir  toujours  eu  une  prédilection  particulière.  Il  la  base 
surtout  sur  ce  que  l'espèce  est  rustique,  peu  sujette  aux  ma- 
ladies qui  affligent  ordinairement  les  autres  faisans,  telles 
que  diphtérie,  diarrhée,  rachitisme,  pattes  torses  ;  les  jeunes 
sont  faciles  à  élever  et  viennent  très  vite.  Pendant  l'espace 
de  quatre  ou  cinq  ans  une  centaine  de  ces  jeunes  ont  été 
produits  sans  qu'on  en  vit  périr  autrement  qu'acci- 
dentellement. Aussi,  après  une  telle  expérience,  peut-on  dé- 
clarer le  Swinhoë  tout  à  fait  recommandable,  surtout  dans 
l'ouest. 

A  la  suite  du  Swinhoë,  et  dans  les  mêmes  conditions  de 
réussite,  se  placent  les  Euplocomes  de  Raynaud,  dont  nous 
voj^ons  un  très  joli  couple  dans  un  des  compartiments  de  la 
petite  volière.  Oiseau  peu  sauvage,  facile  à  apprivoiser  comme 
à  élever,  et  peu  sujet  aux  maladies  du  jeune  âge.  Depuis 
quatre  ans,  M,  Martineau  produit  régulièrement  de  jeunes 
sujets  de  cette  espèce,  à  laquelle  il  accorde  presque  autant 
d'estime  qu'au  Swinhoë,  et  dont  le  joli  plumage  chiné  et 
vermiculé  lui  rappelle,  en  certaines  parties,  la  livrée  si  re- 
marquable du  Prélat. 

La  comparaison  est  faite,  car,  dans  le  compartiment  voisin, 
voici  un  très  beau  couple  d'Euplocome  Prélat,  l'écennuent 
importé,  et  arrivé  depuis  trois  mois  de  Marseille.  Il  est  en  si 
bel  état  qu'on  le  croirait  en  volière  dei)uis  deux  ans.  Ce  sont 
des  sujets  qui  paraissent  adultes.  Souhaitons  à  notre  collègue 
autant  de  succès  avec  eux  qu'avec  leurs  congénères  précé- 
demment passés  en  revue,  bien  que  la  reproduction  dans  cette 
espèce  soit  tellement  rare,  qu'on  en  cite  fort  peu  d'exemples. 


302  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

En  descendant  nn  peu  plus  bas  dans  le  jardin  de  M.  Mar- 
tineau,  nous  accédons  à  une  seconde  terrasse,  où  se  déve- 
loppe un  régime  de  volières  plus  nouveau,  construites  sur  le 
même  plan  et  dans  les  mêmes  conditions  que  les  précédentes, 
mais  dans  de  plus  grandes  proportions.  Je  compte  douze 
compartiments  de  5  mètres  de  large  sur  12  de  profondeur, 
abri  ouvert  à  toit  bas,  parquet  bien  sablé  de  gros  gravier,  et 
planté  de  conifères  nains.  Le  grillage  est  à  mailles  fines,  ce 
qui  permet  d'y  loger  des  pensionnaires  de  très  petite  taille, 
avec  de  plus  gros.  Nous  trouvons  ici  un  exemple  du  système 
excellent  pratiqué  par  notre  collègue,  et  qu'il  préconise  d'ail- 
leurs avec  raison,  comme  un  des  plus  pratiques  et  des  plus 
avantageux.  Cbaque  compartiment  contient  un  couple  de 
gros  gallinacés,  un  couple  de  Pigeons  ou  colombes  exotiques 
et  un  couple  de  petits  oiseaux  étrangers.  Cette  réunion  est  si 
inoffeusive  pour  cbaque  espèce  ainsi  assortie,  que  chacune  se 
reproduit  à  l'aise  sans  s'inquiéter  en  quoi  que  ce  soit  du 
voisin.  Approchons-nous,  examinons  chaque  volière  en  dé- 
tail. 

Voici  d'abord  des  Lophopliores.  Ils  ont  été  donnés  en 
cheptel  par  la  Société,  en  1887.  Dès  la  première  année,  la 
poule  a  pondu  cinq  œufs,  dont  quatre  fécondés.  Il  y  a  eu 
quatre  éclosions,  et  trois  jeunes  ont  été  élevés.  Remarquez  que 
ce  fait  s'est  produit  très  peu  de  temps  après  l'installation  des 
sujets  envoyés,  puisque  ces  trois  jeunes  Lophophores  datent 
de  1887.  Ordinairement  ces  capricieux  oiseaux  prennent  une 
année  entière  pour  connaître  les  êtres,  et  ne  se  décident  à 
fonder  famille  qu'après  s'être  familiarisés  avec  l'endroit. 
En  1888,  il  y  eut  six  élèves  sur  sept  œufs  pondus  et  six  éclo- 
sions. En  1889,  cinq  jeunes  sur  six  œufs  pondus,  le  sixième 
œuf  ayant  été  cassé.  C'était  donc  un  succès  à  peu  près  com- 
plet. Malheureusement  la  femelle  devint  goutteuse  et  périt.  Il 
fallut  la  remplacer,  et  alors  apparut  l'un  des  obstacles  les  plus 
graves  à  franchir  dans  l'alliance  des  Lophophores  ;  l'incompa- 
tibilité réciproque  des  deux  conjoints. 

Le  coq  tua  proprement  la  nouvelle  poule  qu'on  lui  passait . 
Pourquoi '?  Il  ne  préférait  pourtant  pas  le  veuvage,  la  stéri- 
lité. . .  assurément,  mai's  habitué  à  la  précédente,  qu'il  aimait 
sans  doute,  il  se  refusait  à  connaître  la  seconde.  C'est  idiot, 
mais  c'est  tout  à  fait  Lophophore.  Enfin,  on  lui  donna  une 
troisième  femme,  —  et  c'est  un  sacrifice,  car  on  n'a  pas  une 


I 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ELEVEUR.  303 

conjointe  de  cette  espèce  à  moins  de  200  francs,  et  elle  n'ap- 
porte pas  de  dot.  Il  se  mit  à  la  maltraiter  aussi,  on  la  lui 
retira.  Elle  est  là,  dans  le  compartiment  juxtaposé,  prudem- 
ment séparée  de  Barbe  bleue  par  un  épais  et  solide  grillage. 
Au  printemps,  quand  le  sultan  cherche  à  lui  passer  le  mou- 
choir, on  entr'ouvre  la  ])orte  de  communication,  on  le  laisse 
approcher  de  la  belle.  S'il  s;accouple,  tout  est  pour  le  mieux  ; 
s'il  la  bat,  on  la  lui  enlève.  Jusqu'à  présent  cette  tactique 
habile  n'a  produit  rien  de  bon.  En  1890  et  en  1891,  des  œufs 
ont  été  pondus,  mais  clairs  ;  en  conséquence,  pas  de  jeunes 
sujets  élevés. 

Les  Tragopans,  que  nous  voyons  ensuite,  et  qui  sont  ici 
depuis  deux  ans,  n'ont  i)as  donné  de  résultats  très  heui-eux. 
En  1890,  le  couple  Temminck  a  produit  des  œufs  fécondés, 
sei)t  poussins  sont  nés,  et  quatre  seulement  ont  pu  être  menés 
à  bien.  Quant  aux  Satyres,  ces  magnifiques  oiseaux  rouge  et 
noir  qu'on  admire  toujours,  même  au  milieu  des  plus  belles 
espèces,  il  n'a  pu  encore  en  être  élevé  qu'un  seul  jeune.  Cette 
année,  tous  les  jeunes  Satyres  ont  péri.  L'élève  de  cette  es- 
pèce, qui  semble  plus  délicate  que  la  précédente,  présente  une 
difficulté  contre  laquelle  il  est  fort  difficile  de  réagir.  Les 
poussins  viennent  bien  pendant  les  quinze  premiers  jours, 
puis  ils  se  montrent  tristes  et  languissants,  perdent  leur  vi- 
vacité et  cessent  de  manger,  après  avoir  fait  preuve,  iieudant 
les  i)remiers  temps,  d'un  appétit  glouton.  C'est  à  cette  voi'a- 
cité  excessive  que  M.  Martineau  attribue  en  grande  partie  les 
maladies  qui  les  frappent,  et  auxquelles  ils  succombent.  A 
l'autopsie,  on  constate  que  les  jeunes,  qui  ont  montré  cette 
tendance,  ont  tous  le  foie  malade.  Il  est  vrai  de  dire  qu'ils 
sont  élevées  ici  en  volière,  par  conséquent  privés  d'exercice, 
d'herbe  et  d'insectes,  choses  très  nécessaires  à  leur  éiliica- 
tion.  Le  Tragopan  est,  de  toutes  les  espèces  de  gallinacés  de 
volière,  celle  qui  a  le  plus  besoin  d'exercice  et  de  liberté  jjour 
grandir. 

Dans  le  compartiment  que  j'ai  maintenant  sous  les  yeux, 
je  remarque  deux  ou  trois  belles  poules  Vénérées,  ])as  de  co(i. 
C'est  dommage,  une  si  belle  variété  de  phasianide!. . .  Si  in- 
téressante, si  facile  à  élever  !.  . .  —  Détrompez-vous,  me  dit 
M.  Martineau,  j'y  ai  renoncé  par  découragement,  vous  voyez 
là  mes  derniers  produits,  je  me  suis  défait  du  reste. 

«  Je  me  suis  lancé  dans  l'élevage  du  Vénéré,  il  y  a  six 


304  REVUE  DES  SCIENCES  I^ATURELLES  APPLIQUÉES. 

années  déjà,  —  c'est  M.  Martineavi  qui  parle,  —  avec  un 
excellent  couple  que  m'avait  cédé  M.  Boucher  de  la  Ville- 
jossy,  de  Nantes.  Là  ont  commencé  mes  déboires.  Les  jeunes 
se  montraient  délicats,  beaucoup  succombaient  à  la  diarrhée, 
leurs  pattes  tournaient...;  bref,  les  deux  tiers  au  moins 
périssaient  dans  la  première  quinzaine  de  leur  naissance. 
Mais,  je  dois  dire  qu'à  partir  de  cette  époque,  ceux  qui 
avaient  survécu  se  développaient  avec  une  rapidité  extraor- 
dinaire :  à  six  semaines  ils  étaient  sauvés,  et  presque  aussi 
forts  que  père  et  mère.  Cette  remarque,  je  la  ferai  également 
au  sujet  du  Faisan  d'Elliot,  auquel  nous  passons  maintenant, 
et  dont  la  croissance  est  aussi  très  rapide  —  passée  la  pre- 
mière quinzaine.  » 

Guidé  par  le  maître  de  céans,  j'admire,  alors,  un  superbe 
coq  EUiot,  d'une  taille  remarquable,  la  tète  haute,  le  col 
allongé,  la  queue  longue  et  relevée  sur  le  sol,  qui  cherche,  en 
nous  voyant  approcher,  à  se  dissimuler  avec  ses  deux  poules, 
derrière  un  petit  massif  de  buis  et  d'aucubas.  Mais  le  maître 
l'appelle  :  ko,  ko  !  et  lui  offre  quelques  miettes  de  pain.  Le 
bel  ami  ne  se  fait  pas  prier  ,  il  vient  jusqu'au  grillage,  pen- 
dant que  je  me  retire  de  quelques  pas. 

Ah  !  le  bel  oiseau,  le  magistral  Faisan,  il  a  tout  pour  lui,  la 
taille,  le  plumage,  le  port,  la  santé,  la  rusticité.  Comme  il 
forme  un  genre  spécial,  aussi  magnifique  que  recherché,  et 
l'un  des  derniers  importés  du  centre  de  la  Chine,  nous  nous 
étendrons  un  peu  sur  son  compte,  et  nous  apprendrons  de 
l'un  des  éleveurs  de  France  les  plus  habiles  à  le  produire, 
quelques  détails  utiles  et  quelques  renseignements  sûrs,  au 
sujet  de  son  éducation,  laquelle  exige  des  soins  particuliers. 

Ce  Faisan,  découvert  en  1872,  par  M.  Swinhoë,  dans  la 
province  de  Tche-Kiang,  a  été  rencontré.  Tannée  suivante, 
dans  le  Fokien,  par  le  Père  David,  qui  en  rapporta  un  sujet 
mâle  vivant  au  Jardin  des  Plantes.  Bien  qu'il  eût  alors  huit 
mois  de  captivité,  le  jeune  drôle  se  montrait  encore  très  sau- 
vage. Les  Chinois,  qui  considèrent  l'Elliot  comme  un  oiseau 
rare  le  nomment  Poule  des  lieux  secs,  car  ils  ne  le  trouvent 
jamais  sur  les  sols  humides,  point  important  à  considérer  pour 
l'acclimatement  d"un  animal,  que  les  vents  et  les  grandes 
pluies  semblent  éprouver  en  captivité.  C'est  AVilliam  Jam- 
rack  qui  importa,  en  1883,  la  première  paire  de  Faisans 
Elliot.  Elle  fut  acquise,  au  prix  de  3,000  francs,  par  M.  Rodo- 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ELEVEUR.  305 

canaclii,  pour  sa  faisanderie  d'Andilly.  Il  en  obtint  la  repro- 
duction dès  l'année  suivante,  et  répandit  aussitôt  l'espèce 
par  l'entremise  du  Jardin  d'Acclimatation  de  Paris.  La  re- 
production d'un  côté,  et  de  l'autre  l'importation  marchèrent 
si  bien,  qu'en  1888  l'espèce  n'était  plus  cotée  que  250  francs 
la  paire.  Elle  en  vaut  aujourd'hui  120,  chez  l'éleveur. 

Comme  plumage,  l'Elliot  l'emporte  sur  tous  les  autres  Fai- 
sans. Comme  allure  et  mœurs,  il  ressemble  beaucoup  au  Vé- 
néré. A  ce  titre,  il  présente  certains  défauts,  il  est  sauvage, 
féroce  (quelques  sujets)  pour  les  poules  qui  sont  impitoyable- 
ment mises  à  mort,  si  elles  se  refusent  aux  exigences  d'accou- 
plement du  coq.  Il  est  même  très  difficile  et  périlleux  d'intro- 
duire une  poule  nouvelle  dans  un  parquet  ;  les  autres  poules 
l'attaquent  aussi  bien  que  le  coq,  et  l'on  n'est  à  l'abri  de  toute 
'  bataille  et  massacre  qu'en  maintenant  ensemble  des  sujets 
élevés  dans  une  même  nichée. 

La  ponte  est  très  hâtive,  ce  qui  est  un  inconvénient  dans 
les  hivers  froids  et  prolongés,  car  alors  les  œufs  sont  clairs, 
ou  les  petits  meurent  en  naissant.  Autrement  et  en  temps 
ordinaire,  l'espèce  est  très  féconde;  chaque  poule  donne  de 
15  à  18  œufs  qui  sont  tous  bons,  et  qu'il  est  nécessaire  de 
mettre  en  incubation  le  plus  tôt  possible,  car  c'est  dans  cette 
espèce  principalement  que  se  présentent  les  cas  fréquents  de 
poussins  morts  dans  la  coquille,  au  moment  de  l'éclosion,  ce 
qui  provient  uni([uement  d'une  incuibation  retardée .  Les 
petits,  lorsqu'ils  viennent  au  jour,  se  montrent  susceptibles 
au  froid  et  à  l'humidité.  Ils  dénotent  aussi  une  sauvagerie 
inhérente  à  l'espèce,  ne  reconnaissent  pas  la  poule  qui  les  a 
couvés,  dont  les  gloussements  et  les  allures  semblent  les 
effrayer  tout  d'abord,  et  à  laquelle  ils  ne  s'habituent  qu'après 
une  épreuve  de  plusieurs  heures. 

«  C'est  pour  parer,  dans  la  mesure  du  possible,  à  cet  incon- 
vénient, me  dit  M.  Martineau,  que  j'ai  adopté  la  petite  boite 
d'élevage  vitrée  sur  le  dessus,  sans  laquelle  je  considère 
comme  impossible  l'élève  de  l'Elliot.  Cet  appareil  est  composé 
comme  suit  : 

A.  Boite  à  laire  couver  mesurant  0"',35  de  longueur,  sur 
idem  lai'gour,  s'adaptant  à  la  boite  d'élevage  au  moyen  de 
crochets. 

B.  Boite  d'élevage  se  composant  de:  1°  Une  caisse  avec 
plancher  mesurant  1  mètre  de  longueur  sur  0'",65  de  lar- 

5  Avril  18V3,  20 


306 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 


geiir,  comprenant  un  grand  compartiment  qui  communique 
avec  la  boite  à  couver  où  se  tiennent  la  poule  et  les  poussins, 
et  un  compartiment  plus  petit  destiné  à  recevoir  la  pâtée,  où 
les  poussins  seuls  peuvent  pénétrer  ;  —  2"  un  couvert  gril- 
lagé ;  —  3°  un  couvert  vitré  s'élevant  à  volonté  sur  char- 
nières ;  —  4°  une  trappe  sur  le  devant  donnant  communica- 
tion dans  le  parc  mobile. 

C.  Parc  mobile  en  grillage,  mesurant  1^,70  de  long  sur 
1  mètre  de  large,  s'adaptant  à  la  boite  d'élevage,  et  destiné  à 
donner  plus  d'espace  aux  élèves,  lorsque  le  temps  le  permet, 
à  partir  du  6°  jour  qui  suit  la  naissance.  Ce  parc  est  suffisant 


pendant  les  15  premiers  jours  ;  après  quoi,  si  le  temps  est 
beau,  on  soulève  au  moyen  d'une  pierre  l'une  des  extrémités 
pour  que  les  jeunes  puissent  s'échapper  en  dessous  en  toute 
liberté,  sans  permettre  l'issue  à  la  poule  qui  doit  rester  cap- 
tive pour  rappeler  les  poussins.  Ce  n'est  qu  a  l'âge  de  un 
mois  que  poule  et  poussins  sont  mis  en  volière  pour  y  achever 
leur  éducation. 


«  Voici  maintenant  comment,  dès  le  début,  je  me  sers  de  cet 
ustensile.  Après  avoir  laissé  les  nouveaux-nés  sous  la  poule 
pendant  le  temps  réglementaire,  je  transporte  poule  et  petits 
dans  la  boite  qui  a  servi  à  l'incubation,  et  sans  les  déranger 
aucunement,  près  de  la  boîte  d'élevage  à  laquelle  elle  s'adapte 
exactement.  Cette  boîte  a  été  placée  au  soleil,  ou  si  le  temps 
est  froid,  dans  une  pièce  chauffée,  et  je  m'assure  qu'à  l'inté- 
rieur la  température  est  bien  montée  à  25  degrés.  Cette 
constatation  laite  j'ouvre  la  porte  de  communication  des  deux 
boîtes  juxtaposées,  et  je  m'éloigne  de  manière  à  voir,  sans 
être  vu,  et  à  suivre  ce  qui  va  se  passer. 


L'AVICULTURE  CUEZ  L'ÉLEVEUR.  307 

»  Au  bout  de  quelques  instants  la  poule  sort,  et  les  jeunes, 
les  uns  après  les  autres,  pénètrent  dans  le  parquet  vitré.  Mais 
alors  il  se  produit,  chez  ces  derniers,  une  alerte,  une  déban- 
dade effrayante.  Terrorisés  sans  doute  par  l'aspect  encore  in- 
connu des  choses  d'ici-bas,  celles  du  moins  qui  se  trouvent,  en 
assez  petit  nombre,  enfermées  dans  les  quatre  planches  qui  les 
entourent,  ils  se  jettent  tète  baissée  contre  les  parois,  cher- 
chant une  issue  pour  fuir,  et  n'en  trouvant  pas,  courent  en  tous 
sens,  se  culbutent,  sautent,  tombent  à  la  renverse,  se  relèvent 
pour  courir  encore,  affolés,  et  se  tapir,  meurtris  et  désem- 
parés, dans  les  coins  de  l'ustensile,  sans  écouter  les  appels 
désespérés  de  la  mère,  qui  semblent,  au  contraire,  être  la 
cause  de  leur  panique.  Ce  manège,  cette  danse  macabre  dure 
quelquefois  une  heure  et  plus,  et  serait  assurément  la  cause 
du  trépas  de  tous,  si  la  chaleur  intérieure  de  la  boite  ne  sup- 
pléait à  celle  de  la  poule  et  ne  maintenait  les  poussins  en  état 
de  vigueur  suffisante.  Enfin,  les  pauvres  petits,  essoufflés  par 
l'exercice  prodigieux  auquel  ils  se  sont  livrés,  n'en  pouvant 
plus,  commencent  à  se  calmer  et  à  prêter  l'oreille  aux  appels 
de  la  mère.  Ils  comprennent  que  là  est  le  repos  et  le  bien-être. 
Ils  se  rapprochent  peu  à  peu,  se  traînent  vers  celle-ci,  et 
finissent  par  se  blottir  tous  sous  son  aile. 

»  Alors  un  grand  pas  est  fait.  Les  jietits  Faisans  connais- 
sent le  giron  qui  entretient  leur  force  et  leur  chaleur.  Couvés 
une  première  fois  par  la  mère  adoptive,  ils  reviendront  sous 
elle  chaque  fois  que  le  besoin  du  repos  se  fera  sentir,  ou  à  peu 
près. 

»  Les  petits  EUiots  commencent  à  s'humaniser.  Le  troi- 
sième jour  est  écoulé,  et  toute  crainte  peut  être  bannie  dès 
[lors  au  sujet  de  leur  primitive  sauvagerie.  Mais  un  autre  in- 
convénient apparaît  :  les  digestions  mauvaises,  la  dysen- 
terie. Pour  y  obvier,  il  ne  faut  pas  donner  à  boire  dans  les 
premiers  jours.  Au  cinquième  seulement,  je  commence  à 
donner  de  l'eau  rougie.  Comme  nourriture  il  n'y  a  pas,  pour 
eux,  plus  de  difficulté  qu'avec  les  autres  espèces  :  la  pâtée  aux 
œufs  durs  et  quelques  asticots  leur  suffisent.  Un  peu  de  grains 
écrasés,  millet,  chènevis,  froment,  sont  aussi  une  bonne  chose. 
,Ils  ne  dédaignent  pas  non  plus  les  larves  de  fourmis.  » 

C'est  en  1889  que  M.  Marf.ineau  a  reçu, du  Jardin  d'Accli- 
mation,  ses  reproducteurs  EUiot.  La  première  année,  sur 
quinze  œufs  pondus,  et  quinze  éclos,  cinq  jeunes  seulement 


308  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

furent  élevés,  car  il  n'avait  pas  encore  confectionné  sa  boite 
d'élevage.  En  1890,  onze  jeunes  ont  été  menés  à  bien  sur 
vingt  éclosions  ;  mais,  en  1891,  le  résultat  a  été  moins  bon. 
Sur  trente-quatre  œufs,  donnés  par  deux  poules,  douze  jeunes 
seulement  ont  été  élevés.  La  température  très  froide  en  avril 
et  en  mai  a  fait  échouer  toutes  les  premières  couvées. 

J'ai  dit  que  M.  Martineau  avait  l'excellente  habitude  de 
loger,  avec  ses  Faisans,  un  couple  de  colombes  ou  pigeons,  et 
un  couple  Passereaux  ou  Perruches  dans  chaque  comparti- 
ment. C'est  ainsi  que  je  remarque  des  Colombes  Diamant  et 
des  Tranquilles,  qui  reproduisent  régulièrement,  il  y  en  a 
toute  une  famille  ;  de  très  jolies  petites  Colombes  écaillées, 
provenant  de  chez  M.  Delaurier  et  nées  chez  lui,  mais  jus- 
qu'à présent  stériles  ;  des  Perruches  Edward's  qui  ont  pondu 
des  œufs  clairs  ;  des  Diamants  Mandarins  et  d'Australie  qui 
réussissent  parfaitement.  Cette  année,  26  jeunes  Diamants  à 
Gouttelettes,  d'Australie,  ont  été  élevés  par  deux  couples  de 
sujets  adultes  ;  un  des  deux  couples  a  produit  15  jeunes.  Aucun 
soin  particulier  n'est  nécessaire  à  cette  charmante  espèce. 
Elle  se  nourrit  principalement  avec  du  millet  en  grappe  et  du 
mouron  blanc.  Par  contre,  voici  deux  couples  de  Gould  qui 
n'ont  rien  donné,  et  des  Psittaculaires  qui  pondent,  couvent 
et  ne  conduisent  jamais  dehors  du  nid  leurs  petits.  Il  est 
vraisemblable  qu'ils  les  mangent. 

M.  Martineau  est  un  grand  amateur  de  pigeons,  et  j'en  vois 
beaucoup  chez  lui,  des  beaux  et  des  rares.  Dans  un  grand 
pigeonnier  placé  en  haut  du  jardin,  se  trouve  un  grand 
nombre  de  sujets  ordinaires.  Satins,  Capucins,  Lune,  Gazzis 
de  Modène,  Pies,  Tambour  de  Dresde  ;  mais,  entassés  par  es- 
pèces différentes,  ces  oiseaux  se  disputent  sans  cesse,  et  ne 
font  presque  rien.  Séparément  logés,  comme  je  l'ai  dit  plus 
haut,  les  variétés  les  plus  recherchées  donnent  jusqu'à  6  ou 
7  couples  par  an. 

Cet  ajouté  ne  nuit  en  rien  aux  autres  oiseaux,  et  est  très 
avantageux  au  produit  de  la  faisanderie. 

Dans  ces  dispositions  se  trouvent  : 

1"  Un  couple  Queue-de-Paon  .d'Ecosse  blanc,  de  race  très 
pure,  dont  les  parents  ont  été  payés  200  francs. 
■    2°  Un  couple  Queue-de-Paon  bleu,  très  beau  également  et 
de  grande  valeur. 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  309 

3°  Un  couple  Mookees  noir,  espèce  indienne  d'impor- 
tation récente.  Le  plumage  est  entièrement  noir,  sauf  le 
dessus  de  la  tète  et  les  deux  dernières  rémiges  des  ailes  qui 
sont  de  nuance  blanche.  C'est  un  oiseau  trembleur  comme  le 
Queue-de-Paon. 

4°  Un  couple  Mookees  brun  qui  teinte  en  chocolat  ce  que 
les  précédents  ont  noir. 

5°  Un  couple  de  petits  Tumblers  almond  tricolores  très 
réussis, 

6»  Un  couple  Damascènes  blancs  barré  noir  sur  les  ailes  et 
à  l'extrémité  de  la  queue. 

Enfin  de  beaux  Capucins  anglais  des  variétés  rouge,  cha- 
mois et  blanche  unicolore. 

Un  élevage  en  aussi  bonne  voie  de  prospérité  ne  peut  que 
s'accroître.  Aussi,  M.  Martineau  vient-il  de  faire  construire, 
en  bonne  exposition  un  nouveau  groupe  de  volières,  dont  le 
confortable  est  encore  mieux  compris,  s'il  est  possible,  que 
chez  les  précédentes.  C'est  d'abord  une  grande  volière  expo- 
sée au  midi,  comprenant  quatorze  compartiments  de  7-", 50  de 
long,  sur  2"\70  de  large  chacun.  Au  fond  de  chaque  parquet 
existe  une  partie  complètement  close,  de  6  mètres  carrés 
environ,  avec  porte  vitrée  sur  le  devant.  Cette  volière  sera 
uniquement  consacrée  à  l'élevage. 

C'est  ensuite  une  autre  volière,  exposée  au  sud-ouest,  com- 
prenant sept  compartiments  de  l'^,bO  de  long  chacun,  sur 
S*", 50  de  large.  Celle-ci  sera  destinée  aux  poules  des  espèces 
couveuses  que  toute  faisanderie  doit  posséder  en  quantité 
suffisante,  et  aux  jeunes  faisans  de  deux  mois,  récemment 
sevrés.  De  même  que  les  parquets  de  reproducteurs,  ces  vo- 
lières contiendront,  dans  chaque  compartiment,  des  Pigeons, 
des  Colombes,  des  Diamants,  dont  la  présence  ne  nuit  en 
rien  aux  gros  pensionnaires,  et  égaie  l'établissement  en  meu- 
blant très  bien  les  parties  supérieures  du  parquet  grillagé. 
C'est  ce  système  agréable,  et  utile  aussi,  qu'on  ne  saurait 
trop  conseiller  aux  éleveurs  de  mettre  en  pratique.  Il  consti- 
tue la  réelle  mise  en  rapport  d'une  faisanderie  bien  montée. 

{A  Sîtivre.) 


LA    PECHE 

DANS  LES  EAUX  DU  BASSIN  DE  LA  MER  D'ARAL 

Par  Cath.  KRANTZ. 


Il  nous  a  semblé  d'une  intéressante  actualité  d'esquisser 
l'état  d'une  industrie  naturelle  dans  un  de  ces  pays  transcas- 
piens,  qui  sont  appelés  à  de  si  profondes  transformations, 
par  suite  de  la  construction  du  chemin  de  fer  récemment 
inauguré.  Nous  avons  pu  le  faire  grâce  aux  renseignements 
que  publie  le  Journal  de  pêche  de  Pétershourg . 

Les  eaux  du  bassin  de  l'Aral,  pauvres,  en  général,  en 
grosses  espèces,  sont  cependant  habitées  par  l'Esturgeon, 
dont  la  pêche  a  une  certaine  importance  commerciale.  Parmi 
les  autres  espèces  de  moins  forte  taille,  les  plus  abondants 
sont  la  Carpe,  le  Silure,  le  Sandre,  deux  variétés  du  Chabot 
(meunier),  la  Brème,  le  Gardon,  le  Rason,  le  Chabot  de  ri- 
vière ;  le  Brochet  et  la  Perche  sont  peu  nombreux.  La  «  Cha- 
maïa  »,  —  une  variété  de  Hareng  commun  —  entre  souvent 
dans  l'Amou-Daria,  mais  n'y  est  point  prisée. 

Les  engins  ordinaires  de  la  pêche  sont,  dans  les  rivières, 
les  filets  flottants  et  les  hameçons,  et  les  filets  fixes  dans  la 
mer.  Les  fleuves  Amou  et  Syr,  étant  excessivement  rapides 
et  leurs  rocailleux  rivages,  coupés  â  pic,  il  est  impossible 
de  se  servir  de  filets  pour  la  pêche  dans  ces  eaux.  Cet  engin 
n'est  utilisé  que  pour  pêcher  de  menus  poissons  dans  les  lacs 
et  sur  la  plage.  Enfin,  comme  ustensiles  de  pêche  plus  parti- 
culiers au  pays,  nous  mentionnerons  la  bordigue,  la  «  kers  » 
—  un  cadre  triangulaire  auquel  est  fixé  un  sac  en  filet,  —  la 
trouble,  le  harpon. 

La  pêche  de  l'Esturgeon  a  lieu  pendant  les  mois  de  juin, 
juillet  et  août.  Les  poissons,  péchés  au  harpon,  sont  salés 
immédiatement  et  conservés  dans  des  glacières  jusqu'en  au- 
tomne, tandis  que  les  Esturgeons,  pris  dans  des  filets  fixes 
ou  fiottants,  sont  transportés  dans  des  viviers,  formés  par 
une  haie  de  pieux  et  de  fagots,  dans  la  rivière  même. 


LA  PÈCHE  DANS  LES  EAUX  DU  BASSIN  DE  LA  MER  D'ARAL.       3H 

Aux  embouchures  du  Syr,  une  grande  partie  de  ces  pois- 
sons attendent  l'automne  dans  les  viviers;  à  cette  époque, 
on  les  repêche,  et  on  les  dirige  sur  Orenbourg,  frais  ou  légè- 
rement salés.  Au  contraire,  ce  genre  d'élevage  ne  réussit 
guère  dans  le  delta  de  l'Amou-Daria  où  les  Esturgeons,  pla- 
cés dans  des  viviers,  périssent,  en  été,  d'une  maladie  de  peau 
particulière.  —  Le  poisson,  emballé  dans  des  nattes,  est 
transporté  à  dos  de  chameau,  à  Orenbourg  principalement 
et  dans  de  moins  grandes  proportions,  à  Taschkent.  Ce 
voyage  demandant  vingt  à  vingt-cinq  journées,  la  saumure 
s'écoule  et  le  poisson,  qui  arrive  altéré,  est  fort  peu  prisé 
sur  les  lieux  de  débit.  Le  mauvais  état  de  conservation  des 
salaisons  tient,  en  partie,  à  l'emploi  du  sel  amer  du  pays. 
Seuls,  les  poissons  provenant  du  bas  Syr  sont  expédiés 
pendant  tout  l'hiver  et  se  conservent  d'une  façon  satisfai- 
sante. 

D'ailleurs,  par  la  route  à  caravanes  de  Khiva,  conduisant 
du  bas  Amou  à  Orenbourg,  en  passant  par  le  fort  Ternira, 
toute  communication  cesse  vers  la  moitié  du  mois  d'octobre, 
de  terribles  bourrasques  (Bourann)  interdisant  l'accès  dans 
la  partie  nord  de  la  steppe.  Le  poisson  gelé  ne  peut  donc  pas 
être  transporté  par  cette  voie. 

Les  menus  poissons,  qui  ne  trouvent  guère  de  débit,  sont 
péchés  dans  des  proportions  insignifiantes.  Les  pays  en  aval 
du  Syr  sont  seuls  à  exporter  à  Orsk  des  Carpes  et  des  Sandres 
glacés  (jusqu'à  12,000  pouds  par  an.  Le  poud  =  14  kilogr. 
environ),  tandis  que  16,000  pouds  de  Carpes  et  de  Silure  fraî- 
chement salés,  provenant  du  bas  Amou,  prennent  le  chemin 
de  Boukhara.  Dans  l'intérieur  de  l'oasis  de  Khiva,  on  con- 
somme environ  32,000  pouds  de  petits  poissons,  et,  au  total, 
le  produit  de  la  pêche  de  menus  poissons  dans  le  bas  Amou 
et  le  bas  Syr  atteint  60,000  pouds. 

Il  a  été  récolté,  en  1885,  dans  le  bas  Syr  et  sur  la  plage 
voisine,  15,000  pièces  de  gros  poisson  («  poisson  rouge  »,  se- 
lon l'expression  russe),  et  23,000  dans  la  partie  du  fleuve 
Amou,  à  partir  de  la  ville  de  Pôtro-Alexandrovsk,  et  en  tout 
38,500  grosses  pièces.  Enfin,  si,  en  chiffres  ronds,  nous  ad- 
mettons 40,000  poissons  et  si  nous  traduisons  ce  chiffre  en 
pouds,  à  raison  de  25  livres  le  poisson  préparé,  nous  arrivons 
à  25,000  pouds,  c'est-à-dire  cinq  fois  et  demi  moins  que  l'on 
ne  pêche  de  gros  poissons  dans  l'Oural  seul.  En  outre,  la 


312  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

pêche  de  gros  poissons  n'offre  guère  de  chances  d'accroisse- 
ment, car  l'exploitation  de  ces  eaux  est  menée  d'une  façon 
très  intense  au  moyen  des  engins  défendus  tels  que  les  filets 
flottants,  le  harpon,  les  bordigues  barrant  les  rivières,  etc. 
Le  peu  d'abondance  des  grosses  espèces  dans  la  mer  d'Aral, 
doit  d'ailleurs  être  attribué  à  la  faible  salure  de  son  eau.  La 
mer  d'Aral ,  continuant  à  se  dessaler,  cette  circonstance 
doit  amener,  dans  un  avenir  peu  éloigné,  l'extinction  com- 
plète de  l'espèce  Esturgeon,  qui  vit  de  mollusques  marins. 

La  situation  est  plus  favorable  en  ce  qui  concerne  les  es- 
pèces de  taille  moins  considérable.  Les  eaux  du  bassin  de 
l'Aral  servent  d'un  véritable  vivier,  surtout  pour  les  Carpes 
et  les  Silures,  mais  toute  cette  richesse  reste  improductive  — 
et  cet  état  de  choses  ne  peut  changer  qu'avec  l'amélioration 
des  voies  de  communication.  Il  n^  a  pas  lieu  de  s'attendre 
à  un  progrès  quelconque  dans  ce  sens,  du  moins  pour  un 
avenir  prochain,  en  ce  qui  concerne  les  communications  avec 
Orenbourg,  Orks  ou  Irghize  ;  au  contraire,  le  pays  est  relié 
au  moyen  de  la  vapeur,  avec  le  Turkestan  du  Sud,  les  pays 
transcaspiens  et  Boukhara.  Le  chemin  de  fer  transcaspien 
a  déjà  réuni  les   parties  navigables  de  l'Amou-Daria  avec 
Merv  et  Askhabad.  La  navigation  à  vapeur  des  embouchures 
de  l'Amou  ira  rejoindre  la  ligne  de  ce  chemin  de  fer.  Ainsi 
donc,  tous  les  centres  de  population,   ci-dessus  énumérés, 
formeront  autant  de  marchés  ouverts  au  débit  des  produits 
de  poissons  de  l'Aral.  Si,  jusqu'à  ce  jour,  le  poisson  n'était 
expédié  que  dans  des  proportions  minimes  à  Taschkent  et  à 
Merv,  cela  tient  surtout  à  la  nécessité  où  l'on  était  réduit  de 
transporter  par  caravanes,  —  moyen  d'expédition  aussi  dé- 
fectueux que  coûteux.  Le  poisson,  arrivant  aux  lieux  de  des- 
tination en  mauvais  état,  n'était  guère  d'un  débit  facile  parmi 
la  population  indigène. 

Tous  ces  inconvénients  sont  appelés  à  disparaître  avec  le 
nouveau  chemin  de  fer,  qui  doit  provoquer,  en  outre,  un 
afllux  de  l'immigration  russe.  D'un  autre  côté,  nous  le  répé- 
tons, le  commerce  de  l'Esturgeon,  dirigé  sur  Orenbourg,  n'a 
aucun  avenir  devant  lui  :  le  poisson,  après  un  séjour  de 
vingt  à  vingt-cinq  jours  sur  le  dos  d'un  chameau,  perd  une 
bonne  moitié  de  sa  valeur.  Si  donc,  comme  tout  le  fait 
croire,  l'exportation  prend  la  direction  esquissée,  l'Esturgeon 
ne  devra  pas  être  pris  dans  l'Amou  au-dessous  de  Houkous, 


LA  PÈCHE  DANS  LES  EAUX  DU  BASSLN  DE  LA  MER  D'ARAL.   313 

car  c'est  seulement  en  amont  de  cette  localité  que  l'on  réus- 
sit à  élever  les  poissons  dans  des  viviers,  tout  l'été.  Aux 
premières  gelées,  il  pourra  être  expédié,  par  eau,  frais  ou 
légèrement  salé,  jusqu'à  la  gare  de  Tscliardjaï. 

Une  autre  circonstance,  qui  semble  devoir  favoriser 
l'orientation  du  commerce  dans  cette  direction,  est  la  con- 
gélation tardive  de  l'Amou-Daria  qui,  grâce  à  son  courant 
très  rapide,  n'est  prise  que  longtemps  après  les  premières 
grandes  gelées. 

Le  total  général  de  la  pèche  an-nuelle  dans  les  eaux  du 
bassin  de  la  mer  d'Aral  peut  être  évalué  à  305,000  roubles. 
L'Etat,  qui  prélève  jusqu'à  5  7o  en  divers  impôts  et  droits", 
devrait  avoir  à  toucher,  de  ce  chef,  15  à  25,000  roubles.  En 
fait,  la  somme  perçue  ne  dépasse  guère  8  à  9,000  roubles;  s'il 
fallait  entretenir  une  police  coûtant  30,000  roubles  de  trai- 
tement, il  y  aurait  eu  déficit.  Le  système  d'affermage  de  la 
pêche  par  lots  ne  paraît  pas  non  plus  applicable  dans  ce 
pays,  où  tout  le  contingent  des  pêcheurs  est  représenté  par 
des  peuplades  à  moitié  sauvages  de  Karakalpaks  et  de  Kir- 
ghizes.  C'est  sous  la  forme  de  patente  que  l'impôt  semble  de- 
voir être  adopté. 


NOTE 

SUR 

LA   TOMATE    EN    ARBRE 

{CYPHOMâNDRA  BETACEA  Sexdt.) 
Par  m.  Maxime  CORNU. 


J'ai  riionneiir  de  placer  sous  les  yeux  de  la  Société  un  pied 
Yivant  d'une  Solanée  à  fruits  comestibles  qui  mériterait  d'être 
propagée  dans  les  paj's  chauds.  C'est  la  Morelle  à  feuilles  de 
betterave,  Solanum  betaceum  Cav.  Cyphomandra  betacea 
Sendt.  qui  porte  des  groupes  de  fruits  rouges  ,  ayant  la 
forme  et  presque  la  grosseur  d'un  œuf  de  poule. 

Ces  fruits  sont  comestibles  ;  ils  peuvent,  comme  ceux  de  la 
Tomate,  être  consommés  à  l'état  de  cuisson,  ou  frais  ;  mais 
dans  ce  dernier  état  seulement  lorsqu'ils  sont  parfaitement 
mûrs;  ils  sont  rafraîchissants  et  même  laxatifs,  d'un  goût 
agréable  qu'on  a  comparé  à  celui  de  l'Abricot.  Ils  constituent 
même  un  dépuratif  puissant,  dit-on. 

La  plante  est  originaire  de  l'Amérique  tropicale.  Elle  est 
cultivée,  dit-on,  fréquemment  dans  les  jardins  au  Brésil,  et 
dans  les  régions  plus  septentrionales  et  plus  méridionales  ;  on 
la  nomme  «  Tomate  de  la  Paz  »,  ce  qui  indique  suffisamment 
l'emploi  du  fruit. 

Le  pied  qui  est  placé  sous  vos  yeux  provient  des  cultures 
du  Muséum  d'histoire  naturelle  ;  il  porte  dix  fruits  mûrs  ; 
nous  avons  eu  un  certain  nombre  d'autres  plantes  moins 
belles  et  moins  fructifères  que  celle-ci. 

Depuis  plusieurs  années  j'ai  fait  mon  possible  pour  la  ré- 
pandre dans  nos  colonies  ;  j'en  ai  envoyé  dans  la  plupart  de 
celles  qui  pouvaient  en  tirer  profit  ;  mais  je  n'ai  pas  obtenu 
de  nouvelles  des  essais  qui  ont  dû  être  faits. 

J'en  ai  adressé  à  divers  correspondants  de  l'Afrique  occi- 
dentale, Sénégal,  Soudan,  Gabon,  Congo  ;  j'en  ai  envoyé  à  la 
Réunion,  en  Nouvelle-Calédonie,  à  Saigon  ;  mais  dans  beau- 


NOTE  SUR  LA  TOMATE  EN  ARBRE.  315 

coup  de  cas  le  changement  de  résidence  et  les  mille  causes  de 
destruction  ou  de  défaillance  ont  empêché  les  résultats  d'être 
obtenus  ou  peut-être  seulement  de  les  signaler. 

11  est  bon,  je  crois,  d'insister  encore  sur  cette  curieuse 
plante  qui  peut  être  utilisée  et  rendre  de  réels  services  dans 
les  pays  chauds. 

Les  graines  sont  nombreuses,  la  fructification  très  rapide, 
il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  si  l'on  y  apporte  quelques  soins  la 
diffusion  sera  très  possible. 

Le  CypJiomandra  peut  être  obtenu  de  graines.  On  fait  le 
semis  en  janvier  ou  février  en  serre  chaude  comme  pour  les 
autres  Solanum  ;  on  repique  les  jeunes  plantes  qu'on  garde 
en  godets,  successivement  de  plus  en  plus  grands,  jusqu'au 
milieu  de  mai,  époque  à  laquelle  on  les  confie  au  sol. 

On  les  place  dans  une  terre  très  riche,  à  bonne  exposition. 
Il  vaut  mieux  les  cultiver  sur  couche  ;  les  jeunes  plantes  font 
alors  de  rapides  progrès,  mais  ce  n'est  pas  la  première  année 
qu'on  peut  avoir  en  général  des  fleurs  et  des  fruits  ;  c'est 
seulement  la  seconde  année. 

Les  jeunes  fruits  sont  ovoïdes,  un  peu  fusiformes,  verts  et 
grossissent  plus  ou  moins  vite.  Quand  ils  ont  atteint  la  gros- 
seur normale,  ils  sont  striés  de  blanc  et  de  vert  ;  ils  ne  per- 
dent cette  couleur  que  successivement  et  se  colorent  en 
rouge  vermillon  sale,  puis  en  vermillon  vif;  à  la  maturité 
complète  ils  tournent  un  peu  au  jaune  orange.  Quand  ils  ne 
sont  pas  très  mûrs,  ils  sont  encore  fermes  et  durs  ;  ils  peu- 
vent se  transporter  aisément  :  leur  goût  n'est  pas  agréable 
chez  nous.  Ils  ne  paraissent  acquérir  leur  saveur  véritable 
qu'à  la  maturité  complète,  que  nous  ne  connaissons  guère, 
et  sous  le  climat  des  tropiques.  Le  D'"  Morris,  l'habile  direc- 
teur adjoint  des  jardins  royaux  de  Kew,  recommande  de 
laisser  mûrir  complètement  le  fruit  sur  l'arbre. 

Quand  il  est  bien  mûr,  il  peut  être  consommé  à  l'état  na- 
turel ;  soit  cuit,  comme  la  Tomate,  en  confitures  et  en  mar- 
melades. 

Dans  les  pays  chauds,  à  la  fin  de  la  première  année,  on 
voit  la  i)lante  se  dépouiller  plus  ou  moins  de  ses  feuilles  sui- 
vant que  la  saison  est  plus  ou  moins  sèche.  Mais  le  tronc  ne 
UKîurt  pas.  11  en  est  de  même  dans  la  région  de  l'oi'anger. 
Sous  le  climat  de  Paris,  la  plante  n'est  pas  rustique  et  il  faut 
lui  appliquer  le  traitement  qui  lui  convient. 


346  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Si  la  plante  n'a  pas  fructifié  et  si  l'on  ne  tient  pas  à  lui  voir 
poursuivre  sa  végétation,  on  peut,  pour  la  conserver  jusqu'à 
l'année  suivante,  la  relever  en  motte  avant  les  gelées  et  Thi- 
verner  en  serre  froide  ou  en  orangerie  près  de  la  lumière. 

Les  feuilles  tombent,  un  certain  nombre  de  rameaux  trop 
tendres  périssent  et  se  dessèchent,  mais  la  plante  continue  à 
rester  parfaitement  vivante,  surtout  si  l'on  a  épargné  les 
racines  et  bien  conservé  la  motte. 

Au  premier  printemps  on  met  le  Cyphomandra  en  végé- 
tation à  l'aide  de  la  ciialeur  et,  sur  les  plantes  de  seconde 
année,  la  floraison  s'établit  bien  plus  rapidement. 

Quand  le  Cyphomandra  provient  d'un  semis,  il  peut 
s'élever  à  1"\80,  se  ramifier;  il  ressemble  à  un  petit  arbre 
souvent  mal  fait,  ses  branches  assez  irrégulièrement  placées  ; 
il  fleurit  un  peu  difficilement,  à  moins  que  la  plante  n'ait 
trois  ou  quatre  années  et  quelle  n'ait  point  été  dérangée: 
les  semis  conduisent  lentement  à  la  fructification, 

Il  y  a  un  autre  moyen  de  propagation,  qui  est  plus  simple 
et  qui  donne  une  mise  à  fruits  plus  rapide,  c'est  le  boutu- 
rage. 

On  emploie  un  pied  qui  a  été  hiverné,  qui  est  resté  en 
végétation  en  serre  chaude,  ou  bien  qui,  après  un  repos,  a  été 
poussé  activement  au  premier  printemps  et  se  met  à 
pousser. 

Le  bouturage  se  fait  en  serre  chaude  avec  de  jeunes 
rameaux  pourvus  d'un  talon  ;  la  formation  du  bourrelet  et  la 
naissance  des  racines  est  assez  rapide;  on  obtient  alors  de 
jeunes  plantes  à  végétation  bien  plus  lente,  qui  restent  plus 
naines  et  portent  rapidement  de  nombreuses  fleurs.  C'est  la 
méthode  employée  pour  la  culture  des  Tomates  forcées  et  qui 
peut  donner  des  résultats  excellents. 

Il  vaut  mieux  encore  faire  le  bouturage  à  la  fin  de  l'été  ou 
septembre,  sous  cloche,  à  froid  ;  l'enracinement  se  fait  assez 
facilement  et  réussit  bien  ;  on  hiverne  en  serre  tempérée  et 
la  floraison  se  produit  à  coup  sûr  l'été  suivant. 

Quand  la  saison  froide  arrive,  il  est  possible  de  relever  la 
plante  comme  nous  l'avons  dit,  de  la  placer  dans  la  serre 
froide  en  pot  ou  en  caissette.  Si  on  la  porte  dans  une  serre 
chaude,  le  résultat  est  différent. 

Ainsi  traitée  et  avec  précaution,  la  plante  continue  à 
végéter;  la  transition  se  fait  sans  qu'elle  souff"re  trop,  les 


NOTE  SUR  LA  TOMATE  EN  ARBRE.  347 

fruits  continuent  à  se  développer  et  même  à  mûrir.  On  a 
dans  la  serre  chaude  ou  tempérée  chaude  un  arbuste  qui  est 
très  ornemental. 

La  plante  qui  est  mise  sous  vos  yeux  a  été  traitée  de  cette 
manière  :  elle  a  porté  10  fruits,  plusieurs  sont  déjà  tombés. 

Elle  provient  d'une  bouture  faite  au  mois  de  sep- 
tembre 1891  ;  elle  a  été  cultivée  sur  couche  et  relevée  à 
l'automne  ;  placée  enfin  en  serre  tempérée  chaude  où  elle  a 
mûri  ses  fruits,  lentement  d'ailleurs. 

Dans  la  région  de  l'oranger,  le  Cyphomandra  est  rus- 
tique ;  il  fleurit  et  porte  de  nombreux  fruits  ;  nos  plantes 
proviennent  d'un  fruit  des  environs  d'Alger  ;  chez  M.  le 
Chevalier  Hanbury,  à  la  frontière  italienne,  dans  l'admirable 
jardin  de  la  Mortola,  près  de  Vintimille,  j'ai  vu  en  avril  1889 
un  pied  haut  de  2'"  et  couvert  de  baies  nombreuses. 

Mais  ce  n'est  pas  dans  ce  climat  que  le  Cyphomandra  est 
appelé  à  rendre  des  services,  c'est  sûrement  dans  les  régions 
tropicales  dont  la  saison  sèche  est  nettement  caractérisée, 
c'est  là  qu'il  convient  de  le  répandre  et  de  le  cultiver. 

On  trouvera  une  excellente  notice  sur  ce  fruit,  dans  le 
Bidlelm  des  Jardins  Royaux,  de  Kew  (n°  XIII,  1887)  ; 
l'habile  directeur  de  CL't  établissement,  M.  le  D""  Th.  Dyer,  a 
très  largement  répandu  la  plante  dans  les  colonies  anglaises 
et  il  cite  à  ce  propos  de  nombreuses  correspondances  attes- 
tant la  valeur  considérable  qu'on  attribue  à  cette  espèce. 

Il  y  a  bien  longtemps  qu'elle  a  été  décrite  et  figurée  par 
Cavanille,  Icon.  T.  VI,  n°  599,  PI.  5-24  (1801)  ;  mais  quoique 
cultivée  assez  fréquemment,  parait-il,  dans  l'extrême  sud  de 
l'Europe,  à  Madère  et  aux  Canaries,  elle  était  peu  connue 
dans  le  nord  ;  c'est  la  Revue  horticole  qui  la  signala  d'une 
manière  spéciale  à  l'attention  des  horticulteurs,  1880,  p.  150, 
où  se  trouve  une  belle  planche  —  avec  des  fruits  un  peu  trop 
fusiformes. 

Un  article  assez  court  de  M.  Alliaume,  jardinier-chef  de 
riiôpital  militaire  de  Vincennes,  signale  les  qualités  de  cette 
espèce,  ainsi  que  la  manière  pratique  de  la  cultiver  sous  notre 
climat  ;  Tannée  suivante,  M.  Carrière,  p.  670,  donne  une 
figure  nouvelle  également  très  élégante,  où  la  forme  parait 
trop  ovoïde.  La  couleur  orangée  chez  certains  fruits  et  jaune 
chez  les  autres  jjourrait  tenir  non  pas  à  une  difierence  de 
variété,  comme  il  le  pense,  mais  peut-être  à  une  difierence 


318  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

de  maturité.  Sur  des  fruits  très  mûrs  la  couleur  rouge  semble 
laire  place  à  ime  teinte  plus  orangée. 

La  plante  est  cultivée  désormais  dans  les  jardins  bota- 
niques un  peu  complets  ;  c'est  là  qu'on  est  sûr  de  la  retou- 
ver  ;  ces  jardins  sont  des  sortes  d'archives  oîi  les  espèces 
«  botaniques  »  sont  conservées  et  cultivées  malgré  l'oubli  qui 
les  entoure  après  une  célébrité  éphémère  ;  cette  célébrité  et 
cet  oubli  sont  souvent  aussi  immérités  l'un  que  l'autre. 

Nous  mettons  le  Ct/phomandra  betacea  en  distribution 
depuis  bon  nombre  d'années,  dans  notre  Index  seminum. 

Les  premières  graines  m'ont  été  remises  par  M.  Paul  Mares, 
vice-président  de  la  Société  d'agriculture  d'Alger.  La  plante 
avait  été  cultivée  chez  lui  par  un  jardinier  mahonais,  qui 
était  friand  de  ces  fruits  et  en  avait  fait  quelques  semis.  Un 
fruit  unique  me  fut  remis  en  1884.  La  même  année,  déjeunes 
plantes  figurèrent  comme  plantes  à  feuillage  dans  les  par- 
terres, et  depuis  lors  elle  y  fut  conservée  plutôt  pour  ses 
fruits  que  pour  son  feuillage. 

On  peut  la  voir  chaque  année  au  Muséum  d'histoire  natu- 
relle dans  le  Jardin  d'hiver,  pendant  presque  toute  l'année, 
portant  des  fleurs  ou  des  fruits  qui  attirent  l'œil  par  leur  cou- 
leur et  leur  volume. 

Dans  la  serre  tempérée  chaude,  la  végétation  est  continue, 
les  fleurs  se  succèdent  à  des  intervalles  plus  ou  moins  rap- 
prochés et  on  a  des  fruits  à  divers  états  sur  la  même  plante 
pendant  le  cours  de  l'année. 

Il  est  probable  que  sous  les  tropiques  il  doit  en  être  de 
même  et  la  floraison  ne,  doit  pas  être  restreinte  à  une  seule  et 
unique  époque. 

Le  bois  de  la  plante  est  mou  et  léger  ;  l'écorce  est  long- 
temps herbacée  ;  les  feuilles  sont  elliptiques,  velues,  d'une 
couleur  vert  jaunâtre  dans  la  jeunesse  qui  devient  sombre 
quand  la  plante  est  très  vigoureuse. 

Leur  forme  est  elliptique,  lancéolée,  cordiforme  à  la  base, 
quand  elles  sont  peu  développées,  quand  elles  appartiennent 
à  une  plante  en  pleine  végétation,  elles  sont  diversement 
ondulées  sur  les  bords  et  acquièrent  une  longueur  bien  plus 
considérable.  Quand  on  les  froisse  elles  exhalent  une  odeur 

vireuse. 

La  ramification  est  irrégulière,  les  rameaux  très  nerveux 
s'étalent  dans  divers  sens  ;  c'est  sur  ces  rameaux  que  naissent 


NOTE  SUR  LA  TOMATE  EN  ARBRE.  319 

des  pédoncules  floraux,  dont  les  branches  se  bifurquent  ou  se 
superposent.  Les  fleurs  sont  pâles,  lilacées.  Les  fruits  qui  leur 
succèdent  pendent  élégamment  à  l'extrémité  de  pédoncules 
grêles. 

Le  Cyphomanclra  a  été  indiqué  dans  la  Revue  horticole 
comme  plante  à  développement  rapide  pouvant  servir  à 
l'ornement  par  son  feuillage  ;  les  feuilles  sont,  en  eff'et,  assez 
larges,  d'une  couleur  un  peu  diflerente  de  celle  des  autres 
végétaux,  mais  il  en  est  une  foule  d'espèces  plus  avanta- 
geuses. L'emploi  que  nous  avons  tenté  à  plusieurs  reprises 
n'a  pas  donné  de  résultats  satisfaisants,  et  nous  avons  fini 
par  la  rejeter  de  nos  parterres. 

L'un  des  inconvénients  qu'elle  présente,  c'est  que  les 
feuilles  se  couvrent  d'une  multitude  de  pucerons  contre  les- 
quels il  faut  lutter  sans  relâche,  par  exemple  à  l'aide  du  jus 
de  tabac,  et  qui  nuisent  beaucoup  à  la  végétation. 

Dans  les  pays  chauds,  le  Cypiiomandra  devra  être  cultivé 
comme  un  arbuste  utile  et  il  mérite  comme  tel  de  recevoir 
la  difl'usion  la  plus  étendue  ;  il  ne  constituera  pas  une  acqui- 
sition de  premier  ordre,  mais  il  grossira  la  liste  des  végé- 
taux appelés  à  prendre  place  dans  les  plantations  où  l'on 
veut  voir  du  nouveau  et  varier  un  peu  l'ordinaire  des  tables 
dont  le  service  est  trop  monotone. 


II.  EXTRAITS  DES  PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 


SEANCE  GENERALE  DU  3  MARS  1893. 

PRÉSIDENCE   DE    M.    LE    MARQUIS    DE    SINÉTY,    VICE-PRÉSIDENT 
PUIS    DE   M.    A.    GEOFFROY    SAINT-HILAIRE,    PRÉSIDENT. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  adopté. 

M.  le  Président  proclame  les  noms  des  membres  récem- 
ment admis  par  le  Conseil  : 

MM.  PRÉSENTATEURS. 

FossEY  (baron  Enguerraad  Mathieu  de),  [  A.  Berlhoulc. 

professeur ,    à    la  Madeleine    d'Evreux  }  D''  Laboulbéne. 

(Eure).  (  Marquis  de  Sine'ly. 

Germain   (Edouard- Victor),   commis   ré-  f  ,    _ 

.  ,    ^  ■        .      ,^  -  A,       .  ^       ■    \  A.  Berlhoule. 
daclcur  a  la  Caisse  des  Dépôts  et  Consi-  )         ,    ,      , 

ir>  nr     ^       •        X  ,vT     -M     \  D""  Laboulbéne. 

ijnations,  19,  rue  Montrosier,  a  Neuilly  J  „         . 

^  .     ,  (  Romam. 

(Seine).  \ 

HOFFER    (  Paul- Arsène),    négociant,    65,  \         ^     „,       „   .      ^-r..  . 

j    XT     -n      X  xT     -Il     ^o  •     \         S  ^-  Geofifroy  Saint-Hilaire. 
avenue  de  Neuillv,  à  Neuilly   Seine).        i  ^    ,.    ,. 

(G.  Mathias. 

Imbert  (Albert),  administrateur  judiciaire  T  Dieu. 

au  tribunal  civil  de  la   Seine,  17,  rue  <  Pilastre. 

Bonaparte,  à  Paris.  (  Marquis  de  Sine'ty. 

Struch  (Ernesl),  receveur  particulier  des  (  J.  de  Claybrooke. 

finances  en  retraite,  3,  rue  Saint-James,  |  A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 

à  Neuilly  (Seine).  (  E.  Wuirion. 

—  M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  cor- 
respondance. 

—  MM.  Paul  Boulineau,  baron  E.  de  Fossev  et  B'  H.  Bouts 
adressent  des  remerciements  au  sujet  de  leur  récente  admis- 
sion dans  la  Société. 

—  MM.  Fournier-Sarlovèze,  Rathelotet  E.  Dubard-Brenot 
accusent  réception  et  remercient  de  l'envoi  qui  leur  a  été  lait 
d'œuis  de  Truite  saumonée. 

—  M.  Raveret-Wattel  remercie  d'un  envoi  analogue  et 
ajoute  : 

«  Je  saisis  celte  occasion  pour  vous  donner  des  nouvelles  de  l'envoi 
qui  nous  a  été  fait  l'an  passé.  Il  vous  souvient  peut-être  que  ces  œufs 
nous  donnèrent  beaucoup  d'alevins  atteints  de  la  maladie  de  la  vcsi- 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  321 

cule.  Les  pertes  furent,  par  suite,   nombreuses.  Mais  les  sujets   que 
nous  avons  pu   sauver   sont  maintenant,  comme    la    plupart   de   nos 
Truitelles  d'un  an,  des  poissons  de  10  à  15  centimètres  de  longueur, 
ce  qui  constitue   un   développement   très  satisfaisant.  Rate  fraîche  et 
sang  cuit  de  la  maison  Voitellier,  pendant  le  premier  âge,  puis   mou 
de  bœuf  et  viande  de  cheval,  telle  est  la  nourriture  de  nos  Truitelles 
qui  trouvent,  en  outre,  des  Gammarus  à  foison  dans  nos  cressonnières 
d'alevinage  ;  d'où  leur  croissance  rapide.  Ces  Yearlings  nous  reviennent 
à  6  centimes  pièce,  environ.  Or,  on  ne  trouverait  pas  à  se  les  procurer 
dans  le  commerce  à  moins  de  20  ou  25  centimes,  même  en  les  ache- 
tant par  grandes  quantités  ;  l'écart  de  prix  est  donc  très  beau.  Ce  sont 
cos   poissons,   vigoureux  et  bien  en   état  de   se  défendre,   que    nous 
allons  verser  dans  les  cours  d'eau   du  de'partement,  où   ils  re'ussiront 
mieux,  je  l'espère,  que  de  frêles  alevins  venant  tout  juste  de  re'sorber 
leur  vésicule  vitelline.  » 

—  M.  A.  Délavai  écrit  de  Saint-Max  par  Nancy  : 

«  J'aurais  dû  vous  rendre  compte  plus  tôt  des  résultats  de  mon 
cheptel  de  «  Perruches  omnicolores  ».  S'ils  avaient  été'  heureux,  je 
n'aurais  pas  manqué  de  le  faire,  malheureusement  elles  n'ont  rien 
produit,  bien  que  leur  assiduité'  à  tenir  le  nid  m'ait  laissé  longtemps 
l'espoir  de  les  voir  réussir. 

»  Aurai-je  deux  femelles?. .  Je  le  saurai  à  la  prochaine  mue. 

»  Je  suis  e'merveille'  de  la  façon  dont  elles  ont  supporté  la  longue 
période  de  froid  que  nous  venons  de  traverser,  dans  une  volière  en 
plein  air,  couverte  en  partie  mais  non  vitre'e.  La  température  s'est 
abaissée  souvent  au-dessous  de  26''  sans  remonter  au-dessus  de  IS"»  ou 
20°.  Les  Omnicolores  n'ont  pas  perdu  de  leur  gaîté. 

»  Pendant  la  première  nuit,  le  froid  est  arrivé  par  surprise  accom- 
pagne' d'un  grand  vent.  J'attribue  surtout  au  vent  la  perte  d'une 
vingtaine  de  mes  Ondulées  et  des  Madagascar;  14  Ondulées  ont  sur- 
vécu —  le  lendemain  j'ai  fait  installer  des  paillassons,  laissant  cepen- 
dant une  partie  ouverte.  Et  à  partir  de  ce  jour,  maigre'  l'abaissement 
encore  plus  oonsido'rable  de  la  tempërature,  plus  une  seule  n'est  morte. 

»  Voilà  donc  un  brevet  de  rusticité'  accordé  aux  Omnicolores.  » 

—  M.  H.  Goll,  de  Lausanne,  adresse  un  mémoire,  le  Capra 
Hispanica. 

—  M.  Vilbouclievitcli  écrit  à  M.  le  Président  : 

«  Je  tiens  à  vous  signaler  le  Medkago  satioa  var.  Turkestanica,  sur 
lequel  les  journaux  russes  apportent  des  renseignements  très  curieux. 
Je  suis  convaincu  que  l'essai  de  celte  le'gumineuse,  parallèlement  avec 
les  Luzernes  françaises  ordinaires,  pre'senterait  le  plus  haut  intérêt  agri- 
cole. 11  y  a  longtemps  qu'on  cherche  en  France  îi  bien  connaître  les 
variéte's  de  Luzerne  spéciales  aux  re'gions  arides  de  l'Asie  Russe.  La 
ii  Avril  1893.  21 


322  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

station  d'essai  des  semences  du  Ministère  de  l'Agriculture  s'inle'resse 
très  vivement  à  la  chose  ;  mais  je  crois  que  la  Société  nationale  d'Ac- 
climatation de  France  a  seule  des  relations  assez  étendues  en  Russie 
pour  pouvoir  obtenir  des  graines  en  quantités  suffisantes  pour  cette 
saison  même  déjà.  Je  m'empresse  de  vous  communiquer,  Monsieur  le 
Président,  l'information  que  je  viens  d'exposer,  afin  que  la  Société 
aie  le  temps  de  se  faire  venir  des  graines  avant  le  printemps.  » 

—  M.  le  Secrétaire  général  fait  connaître  que  la  Société  a 
reçu  récemment  25  ou  30,000  œufs  embryonnés  de  Truite 
saumonée  qui  ont  été  répartis  entre  ceux  de  nos  collègues 
qui  en  avaient  fait  la  demande.  Ces  envois  sont  arrivés  par- 
tout dans  d'excellentes  conditions  et  sans  perte  aucune.  Voici 
les  noms  des  Sociétaires  qui  ont  reçu  des  œufs  : 

MM.  Rivoiron,  D''  Laborde,  Fournier-Sarlovèze,  Ramelet, 
Denizet,  Dubard-Brenot,  comte  de  Galbert,  comte  de  Mont- 
bron,  Rathelot  et  Raveret-Wattel. 

—  M.  le  Président  annonce  à  l'assemblée  que  le  Jardin 
d'Acclimatation  inaugurera  samedi  4  courant  le  palais  d'hiver 
qui  vient  d'être  récemment  construit.  Il  donne  des  détails  sur 
les  divers  services  qu'il  comporte  et  dépose  sur  le  bureau  un 
certain  nombre  de  cartes  d'invitations  pour  cette  cérémonie. 

—  M.  de  Claybrooke  fait  une  communication  sur  les  engins 
de  chasse  et  de  pêche  du  nouveau  musée  du  Jardin  d'Accli- 
matation. 

—  M.  J.  Grisard  donne  lecture  d'une  note  de  notre  col- 
lègue M.  Lataste,  secrétaire  général  de  la  Société  scientifique 
du  Chili,  sur  les  Lapins  domestiques  vivant  en  liberté  dans 
l'îlot  de  l'étang  de  Cauquenes. 

—  M.  Remy  Saint-Loup  présente  quelques  observations  qui 
seront  reproduites  à  la  suite  du  mémoire  de  M.  Lataste. 

—  M.  le  Secrétaire  général  entretient  l'assemblée  de  la 
situation  satisfaisante  de  nos  laboratoires  de  pisciculture  de 
l'Aude. 

—  Au  cours  de  la  séance  MM.  Decaux,  J.  Decroix,  J.  Fal- 
lou,  Mailles  et  Rathelot,  réunis  en  commission,  ont  procédé 
au  dépouillement  des  votes  pour  la  nomination  du  bureau  et 
des  membres  du  conseil  sortants. 

Le  nombre  des  votants  était  de  315. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  323 

Voici  les  cliifFres  obtenus  par  chacun  des  candidats  : 

Président  :  M.  A.  Geoffroy  Saint-Hilaire 313 

Vice-présidents  :  MM.  D''  L.  Le  Fort 314 

Marquis  de  Sinéty 312 

Léon  Vaillant 313 

H.  de  Vilmorin 314 

Secrétaire  général  :  M.  Am.  Bertlioule 301 

Secrétaires:  MM.  Ed.  Roger  [intérieur) 315 

Raveret-Wattel  [conseil]..  311 

Remy  St-Loup  [séances). . .  314 

P.  A.  Picliot  [étranger]...  315 

Membres  du  Conseil  :  MM.  St-Yves  Ménard ...  315 

D-- J.  Michon 315 

Ed.  Perrier 314 

Cte  de  Puyfontaine.  315 

En  conséquence  sont  élus  pour  1893  : 

Président  ;  M.  A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 

Vice-présidents  :  MM.  D"-  L.  Le  Fort,  marquis  de  Sinéty, 
L.  Vaillant.  H.  de  Vilmorin. 

Secrétaires:  MM.  Ed.  Roger  [intérieur),  Raveret-Wattel 
[conseil),  Remy  Saint-Loup  [séances),  P.  A,  Picliot 
[étranger] . 

Membres  du  Co)iseil  :  MM.  St-Yves  Ménard,  D-'  J.  Mi- 
chon, Ed.  Perrier,  comte  de  Puyfontaine. 

—  Il  est  déposé  sur  le  bureau,  de  la  part  de  l'auteur,  M.  le 
D^  Trabut  : 

Rapport  à  M.  le  Gouverneur  général  de  l'Algérie  sur  les 
études  de  botanique  agricole  entreprises  en  1892  et  sur  le' 
programme  des  recherches  pour  1893. 

La  Chayotte  [Seclmim  edule).  Plusieurs  exemplaires. 

Pour  le  secrétaire  des  séances, 

Jules  Grisard, 
Secrétaire  du  Comité  de  rédaction. 


m.  COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES  DES  SECTIONS. 


3«   SECTION    (AQUICULTURE), 
SÉANCE  DU  15  FÉVRIER    1893. 

PRÉSIDENCE    DE    M.   MÉGNIN. 

M.  E.  Perrin  et  M.  le  baron  de  Guerne  s'excusent  de  ne  pouvoir 
assister  à  la  réunion. 

M.  le  Secrétaire  général  rend  compte  d'une  visite  qu'il  vient  de  faire 
aux  laboratoires  crées  par  la  Société  dans  le  de'partement  de  l'Aude. 

L'installation  matérielle  est  aujourd'hui  parfaite  ;  le  nombre  des  in- 
cubations en  fonctionnement  est  assez  grand  pour  suffire  à  tous  les 
besoins.  D'autre  part,  sur  les  instances  de  la  Socie'té,  le  service  des 
Ponts  et  Chaussées  a  construit  de  grands  viviers  mesurant  10  mètres 
de  longueur  sur  6  de  largeur,  qu'alimentent  abondamment  des  sources 
d'eau  vive  d'un  de'bit  considérable.  14  à  1500  jeunes  sujets  de  deux 
ans  y  sont  installe's,  et  tout  porte  à  croire  que,  grâce  à  une  géne'reuse 
alimentation,  ils  seront  assez  développés  pour  donner  une  ponte  abon- 
dante dès  la  saison  prochaine. 

En  outre,  la  Commission  fe'déralc  des  États-Unis,  dont  les  pre'cieux 
envois  ont  été  interrompus  pendant  ces  deux  dernières  années,  nous 
donne  l'espoir  qu'ils  seront  repris  en  1893. 

En  conséquence,  tout  nous  permet  d'espérer  que  la  prochaine  cam- 
pagne sera  marque'e  par  une  très  grande  activité,  et  que  notre  entre- 
prise avancera  sensiblement  vers  le  but  que  nous  nous  sommes 
propose'  d'atteindre. 

Lecture  est  donnée  d'une  note  sur  une  utilisation  nouvelle  des  œufs 
de  serpents  pour  la  production  d'une  huile  médicinale.  La  capture  do 
ces  animaux  n'est  pas  sans  pre'senter  de  graves  dangers  pour  ceux  qui 
les  recherchent.  M.  Mégnin  indique,  à  ce  propos,  comme  remède  sou- 
verain à  ces  redoutables  accidents  l'usage  du  permenganate  de  po- 
tasse ou  de  l'acide  chromique  à  la  dose  de  1  %•  L'injection,  de  la  so- 
lution dans  un  temps  rapproche'  de  celui  de  la  morsure,  au  moyen 
de  la  seringue  de  Pravaz,  assure  une  immunité  à  peu  près  complète. 

A.  B. 


4e    SECTION    (INSECTES). 
SÉANCE  DU  21  FÉVRIER  1893. 

PRÉSIDENCE    DE   M.    J.  PALLOU. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu  et  adopté. 

M.   Berthoule   demande    quelques    renseignements   au     sujet   d'un 


COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES  DES  SECTIONS.  323 

insecte  qui  attaque  les  jeunes  semis  de  Pitch-Pin,  au  point  d'avoir  fait 
échouer  tous  les  essais  d'introduction  qu'il  a  tentes  de  ce  conifère. 

Un  seul  de  ces  insectes  a  pu  être  pris  par  lui  et  communiqué  au 
docteur  Laboulbène  ;  il  appartient  à  l'ordre  des  diptères. 

M.  Berthoule  cite  ensuite  un  fait  des  plus  intéressants,  l'apparition 
d'un  puceron  attaquant,  en  Auvergne,  les  choux  de  Bruxelles. 

Ce  légume  était  complètement  inconnu  dans  les  régions  où  notre 
collègue  l'introduisit  par  graine,  et  le  puceron  qui  l'attaqua  bientôt 
n'avait  jamais  été  vu  auparavant  dans  ces  mêmes  localités. 

•M.  Berthoule  appelle  ensuite  l'attention  des  membres  de  la  section 
sur  les  ravages  causés  eu  1892  par  des  Chenilles  de  Psyché.  Il  les  a 
observées  en  Auvergne  à  différentes  reprises  et  des  envois  de  four- 
reaux ont  été'  faits  de  divers  pays  au  docteur  Brocchi  et  au  docteur 
Ilenneguj^. 

M.  Fallou  qui  en  a  reçu  communication  a  réussi  à  en  faire  l'e'duca- 
tion,  et  a  constate  avec  surprise,  qu'il  s'agissait  d'une  espèce  encore 
rare  dans  les  collections,  le  Psyché  Atra  Est». 

Notre  collègue  donne  quelques  détails  sur  les  mœurs  des  Psychés 
et  en  fait  passer  sous  les  yeux  de  ses  collègues  une  intéressante  col- 
lection. 11  se  propose  de  faire  pour  la  Socie'té  un  travail  accompagné 
de  figures  sur  ce  sujet. 

On  a  proconisé  comme  moyen  de  destruction  le  chaulage.  M.  Fallou 
pense  que  le  ramassage  au  râteau  doit  donner  aussi  des  résultats 
satisfaisants. 

M.  Decaux  présente  à  la  section  des  rameaux  de  Buis  attaqués  par 
le  Cecidomya  Bnxi.  Les  larves  contenues  dans  les  feuilles  ont  supporté 
sans  périr  les  froids  rigoureux  de  l'hiver,  elles  se  portent  actuellement 
parfaitement  bien.  Notre  collègue  pense  que  cet  insecte  a  deux  ge'ne'- 
rations  par  an.  Il  ajoute  que  les  Roitelets  savent  parfaitement  trouver 
les  larves  du  Cecidomya  dans  les  feuilles  du  Buis. 

Le  Seci'éiaire^ 

A.-L.  Clément. 


5e    SECTION    (VEGETAUX). 
SÉANCE  DU  28  FÉVRIER  1893. 

PRÉSIDENCE    UE    M.    PAUL    CHAPPELLIER,   VICE-PRÉSIDENT. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  adopté. 

M.  le  Président  s'excuse  de  ne  pouvoir  assister  à  la  séance. 

M.  Chappellier  présente  la  photographie  de  deux  jeunes  ignames  de 
forme  sphe'rique  provenant  de  ses  semis  ainsi  que  d'une  tige  florifère 
qui  porte  à  la  fois  des  fleurs  mïïles  et  des  fleurs  femelles. 


326  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

M.  le  Secrétaire  de'pose  sur  le  Bureau  et  donne  lecture  d'une  note  de 
M.  le  D""  Trabul,  publiée  par  le  service  botanique  du  gouvernement 
gênerai  de  l'Algérie,  sur  la  Chayotte. 

Cette  communication  donne  lieu  à  plusieurs  remarques  intéressantes 
de  la  part  de  M.  Hédiard  qui  indique  les  diverses  manières  dont  on 
peut  préparer  la  Chayotte.  Ce  légume  ne  possède  pas  de  goût  spécial 
par  lui-même,  ce  qui  fait  qu'il  s'assimile  parfaitement  celui  des  sauces 
auxquelles  on  l'accommode.  En  dehors  de  ses  fruits  il  donne  encore  lieu 
à  une  production  de  petits  tubercules  qui  se  mangent  aux  colonies. 

A  la  Réunion,  la  Chayotte  croît  presque  à  l'état  sauvage  et  y  est 
vivace  ;  on  l'y  nomme  Chouchoute. 

M.  le  Secre'taire  fait  connaître  à  la  section  que  la  Socie'te'  vient  de 
recevoir  un  nouvel  envoi  de  graines  de  Pitch-pin  et  de  Tulipier,  et 
donne  lecture  d'une  note  sur  chacun  de  ces  deux  arbres. 

M.  le  Secrétaire  général  rappelle  qu'à  trois  reprises  diffe'rentes  la 
Société  a  distribué  des  graines  de  Pitch-pin  et  qu'aucun  compte  rendu 
de  culture  ne  lui  a  été  adressé.  Il  a  voulu  se  rendre  compte  par  lui- 
même  de  la  valeur  des  graines  et  en  a  semé  eu  Auvergne  et  à  Fon- 
tenay  près  Paris  ;  la  germination  a  été  très  abondante,  mais  ces  graines 
sont  longues  à  lever.  Les  sujets  obtenus  en  Auvergne  ont  prospéré, 
mais  à  Paris  ils  ont  tous  été  coupés  au  collet  par  les  insectes. 

En  résumé  les  graines  distribuées  étaient  bonnes  et  M.  le  Secrétaire 
"•énéral  exprime  l'espoir  que  nos  Collègues  mettront  tous  leurs  soins 
à  leur  culture,  et  rendront  compte  des  résultats  obtenus  quels  qu'ils 

soient. 

A  cette  occasion  une  discussion  s'engage  sur  la  plantation  des 
Pins  à  laquelle  prennent  part  MM.  Berthoule,  Decaux  et   Chappellier. 

A  propos  du  Pitch-pin,  M.  Vilbouchevitch  fait  remarquer  que  s'il 
vient  bien  dans  les  terrains  salés  ce  sera  le  seul  du  genre  Pinus. 
D'autres  poussent  bien  dans  les  dunes  même  très  proches  de  la  mer, 
mais  aucun  ne  végète  véritablement  en  sol  salant.  Pour  se  rendre 
compte  de  l'exactitude  de  ce  fait,  il  serait  bon  de  faire  une  enquête 
qui  ferait  connaître  quelles  sont  les  plantes  qui  l'accompagnent  habi- 
tuellement. Cette  flore  permettrait  de  le  cultiver  chez  nous  dans  des 
conditions  analogues. 

M.  le  Secrétaire  présente  des  haricots  noirs  du  Mexique  et  donne 
quelques   détails  sur  la  façon   de   les   apprêter  dans  son    pays   d'o- 

ligine. 

M.  Hédiard  dit  que  cette  variété  est  excellente  ;  elle  est  naine  et 
son  parchemin  est  très  fort.  Ce  Haricot  n'a  pas  l'inconvénient  de 
noircir  les  sauces  comme  le  noir  de  Belgique. 

Le  Secrétaire, 
Jules  Grisard. 


COMPTES  RENDUS  DES  SEANCES  DES  SECTIONS.      W 

2e    SECTION    (OISEAUX). 
SÉANCE  DU  14  MARS  1893. 

PRÉSIDENCE   DE  M.    MAGAUD    d'aUBUSSON,    PRÉSIDENT. 

M.  Fallou  demande  si  M.  Mathias  a  déposé  son  rapport  sur  la  pro- 
tection à  accorder  aux  oiseaux. 

Ce  rapport  n'a  pas  été  encore  déposé. 

M.  le  Président,  dans  le  cours  d'un  voyage  scientifique  qu'il  a  fîiit 
cet  hiver  sur  les  côtes  françaises  de  la  Méditerranée,  a  remarqué  sur 
les  marchés  d'Hyères,  d'Antibes,  de  Nice  et  de  Menton  une  grande 
quantité  de  Traquets  motteux  (Saxicola  œnanthe).  Ces  oiseaux  très  gras 
vers  la  fin  de  l'été  oui,  en  effet,  une  chair  exquise,  et  lorsqu'ils  émigrent 
ou  ne  manque  pas  de  les  comprendre,  avec  d'autres  espèces  du  même 
groupe,  telles  que  le  Traquet  slapazin  [Saxicola  stapazina)  et  le  Traquet 
oreillard  {Saxicola  aurita],  dans  les  hécatombes  que  l'on  fait  dans  le 
midi  de  la  France  de  presque  tous  les  petits  oiseaux.  Le  Stapazin  et 
l'Oreillard,  ce  dernier  surtout,  se  rencontrent  moins  commune'ment. 
Mais  le  Motteux,  à  son  double  passage  au  printemps  et  à  l'automne, 
est  excessivement  abondant  sur  les  côtes  de  la  Méditerranée  oîi  on  en 
fait  des  massacres  d'autant  plus  regrettables  que  cet  oiseau  détruit  un 
grand  nombre  de  larves,  de  chenilles,  de  petits  coléoptères  dangereux. 

M.  Magaud  d'Aubusson  prend  occasion  delà  constatation  qu'il  vient 
d'indiquer  pour  signaler  les  services  e'minents  que  rendent  les  oiseaux 
des  genres  Traquet  et  Tarier,  et  les  recommander  tout  spécialement  à 
l'attention  des  agriculteurs  et  des  personnes  qui  s'intéressent  à  la  pro- 
tection si  désirable  et  si  nécessaire  des  oiseaux. 

Tous  les  Traquets,  en  effet,  sont  presque  exclusivement  insectivores 
ot  dans  certaines  circonstances  baccivores.  Mais  c'est  l'insecte  qui  do- 
mine dans  leur  alimentation  :  coléoptères,  sauterelles,  mouches,  larves, 
chenilles,  papillons,  etc.,  qu'ils  saisissent  à  la  course  ou  en  volant. 

Ces  oiseaux  se  recommandent  encore  par  leur  plumage  dont  les  cou- 
leurs et  leur  distribution  sont  assez  heureuses  et  par  leur  chaut  dont 
la  simplicité  n'exclut  pasl'agre'ment,  etqui  est  même  rempli  de  charme 
et  de  me'lodie  chez  plusieurs  espèces.  Ils  y  joignent,  surtout  les  Ta- 
riers,  un  grand  talent  d'imitation,  reproduisant  avec  habileté  le  chant 
des  autres  oiseaux  qui  vivent  dans  leur  voisinage,  fauvettes,  pinsons, 
bouvreuils,  etc. 

Par  contre,  les  Traquets  sont  farouches,  sauvages  et  querelleurs.  Ils 
sont  d'humeur  peu  sociable,  et,  s'ils  se  re'unissent  par  troupes  vers  la 
fin  de  l'été  pour  émigrer,  le  lien  qui  les  unit  n'est  pas  fort  étroit,  et  on 
les  voit  toujours  dispersés  dans  un  assez  grand  espace.  Dans  la  belle 
saison  si  deux  couples  s'établissent  près  l'un  de  l'autre,  ce  sont  entre 
eux  des  querelles  continuelles. 


328 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 


Les  Traquets  nichent  à  terre,  au  pied  des  arbrisseaux  ou  des  plantes 
touffues,  au  milieu  des  herbes  ou  des  amas  de  pierre,  dans  le  sable  et 
quelquefois  dans  des  creux  de  rochers  ou  des  trous  de  murailles. 

Ces  oiseaux  ne  supportent  pas  la  captivité.  Au  bout  de  quelques 
jours,  ils  deviennent  tristes  et  meurent  à  moins  que,  dans  un  transport  de 
sauvagerie  et  de  désespoir  d'avoir  perdu  la  liberté,  ils  ne  se  brisent  la 
tête  contre  les  barreaux  de  leur  cage.  On  a  vu  cependant,  dit-on,  des 
Tariers  vulgaires  {Pratincola  rubetra)^  vivre  plusieurs  années  en  cage 
et  chanter.  M.  Magaud  d'Aubusson  ne  se  porte  pas  garant  de  l'exacti- 
tude parfaite  de  ces  assertions  ;  dans  tous  les  cas,  il  considère  ces  faits 
comme  devant  être  fort  rares,  s'ils  sont  vrais. 

Les  Traquets  vivent  dans  les  lieux  incultes,  pierreux,  sur  les  mon- 
tagnes arides,  d'où  ils  descendent,  vers  la  fin  de  l'été,  dans  les  terres 
labourées.  Ils  aiment  à  se  percher  sur  des  points  culminants,  plante 
éleve'e,  branche  nue  de  buisson  ou  d'arbuste,  pierre,  motte  de  terre, 
aspérité  bien  saillante  d'un  rocher. 
Leur  vol  est  court,  bas  et  filé. 

Les  Tariers  diffèrent  un  peu  des  Traquets  proprement  dits  par  les 
mœurs.  Aux  pays  arides,  ils  préfèrent  les  plaines  cultivées,  les  prairies 
et  les  pâturages.  Comme  les  Traquets,  ils  aiment  à  se  percher  sur  les 
cimes  des  arbustes  et  des  plantes  herbacées.  Leur  chair  est  moins 
estimée. 

Après  avoir  donne'  ces  renseignements  généraux  sur  ce  groupe  im- 
portant d'insectivores,  M.  Magaud  d'Aubusson  soumet  à  la  section  des 
exemplaires  de  différentes  espèces  de  Traquets  européens  et  exotiques 
rapportes  par  lui  de  ses  voyages. 

1°  Le  Traquet  motteux,  espèce  bien  connue  dans  nos  campagnes, 
oiseau  vif  et  agile,  toujours  en  mouvement,  insociable  et  prudent,  que 
l'on  voit  dans  les  champs  sur  une  pierre  ou  une  motte,  le  corps  droit, 
hochant  sans  cesse  la  queue  ou  sautillant  sur  le  sol  avec  rapidité. 

2°  Une  espèce  très  voisine  rapportée  de  l'Afrique  orientale,  le  Tra- 
qaet  sauteur  iSaxicola  saUatrixK 

2P  Le  Traquet  Stapazin,  au  plumage  roux  et  à  la  gorge  noire,  assez 
répandu  dans  le  Midi  de  la  France. 

4*^  Le  Traquet  oreillard,  roussâtre  avec  les  côtés  de  la  tête  d'un  noir 
profond;  jolie  espèce  que  l'on  rencontre  également  dans  le  Midi  de  la 
France,  mais  en  moins  grand  nombre  que  l'espèce  pre'ce'dente. 

5*^  Le  Traquet  leucoméle  [Saxtcola  leucomela),  qui  habite  l'Europe 
orientale  et  l'Asie  occidentale. 

6°  Le  Traquet  deuil  (Haxicola  /«^e«s),  forme  africaine  de  l'espèce  pré- 
ce'denle,  dont  elle  ne  paraît  se  distinguer  que  par  une  taille  plus  forte 
et  la  couleur  plus  rousse  des  sous-caudales.  Rapporte'  d'Egypte.  Très 
abondant  aux  environs  du  Caire. 

"7°  Le  Traquet  rieur  [Saxtcola  leucura).  Celte  belle  espèce,  noire  avec 
le  croupion  et  une  partie  de  la  queue  blancs,  vit  sur  les  montagnes  nue^ 


COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES  DES  SECTIONS.  329 

et  rocailleuses.  On  le  trouve  dans  le  Midi  de  la  France  où  il  est  séden- 
taire, sur  les  Pyre'nées,  les  hautes  et  basses  Alpes.  Les  exemplaires 
pre'sente's  ont  e'té  rapportés  d'Afrique. 

8°  Le  Traquet  à  calotte  blanche  {Saxixola  leucopigia),  très  belle  espèce 
noire  à  reflets  violace's,  avec  la  tête  et  la  queue  blanches.  Rapportée 
d'Egypte.  Vit  très  solitairement  dans  les  rochers  les  plus  arides  de  la 
chaîne  lybique,  sur  les  parois  e'ieve'es  des  ouadis.  Farouche,  difficile  à 
approcher,  peu  commune  dans  les  ouadis  des  massifs  du  Mokattam  et 
de  Thoura,  où  ont  e'té  tués  les  exemplaires  présentés.  Plus  commune 
dans  la  Haute-Egypte,  la  Nubie  et  surtout  l'Abyssinie.  Détruit  les 
sauterelles. 

9°  Le  Traquet  moine  [Saxicola  Monacha).  Rapporte'  de  la  Ilaute- 
Égypte.  Espèce  de  taille  assez  forte.  Très  farouche.  De'truit  les  saute- 
relles. 

10"  Le  Tarier  vulgaire  {Pratmcola  rubetra),  commun  en  France. 
Mange  des  sauterelles,  des  larves,  des  chenilles,  des  mouches,  de  petits 
coléoptères. 

11°  Tarier  rubicole  {Pratùicola  rubicola).  Mœurs  et  genre  de  nourri- 
ture du  précédent.  Commun  surtout  dans  le  Midi  de  la  France,  comme 
le  Tarier  vulgaire  est  plus  abondant  dans  le  Nord. 

M.  Decaux  donne  des  de'tails  sur  la  position  du  nid  du  Tarier  vul- 
gaire, place'  souvent  au  revers  d'un  talus,  recouvert  et  presque  dissi- 
mulé par  la  mousse. 

M.  le  Président  réclame  une  protection  très  se'rieuse  pour  ces 
insectivores. 

On  les  prend  aux  gluaux  dans  le  Midi;  à  la  raquette  dans  l'Ouest  et 
le  Nord,  d'après  M.  Decaux. 

M.  Decaux  signale  la  multiplication  des  Autruches  comme  un  moyen 
d'aider  à  la  destruction  des  sauterelles  en  Afrique. 

L'Étourneau  et  la  Caille  de'truisent  aussi  beaucoup  de  sauterelles. 

M.  Decaux  recommande  aussi  le  Crapaud  qu'il  voudrait  voir  multi- 
plier en  Algérie.  On  lui  a  objecte'  le  manque  d'eau  dans  certaines  loca- 
lités, elle  est  ne'cessaire  pour  le  Têtard.  En  Algérie,  il  commence  à 
pleuvoir  vers  la  fin  de  décembre,  et  les  mares  se  conservent  jusqu'en 
fe'vrier. 

M.  Mégnin  dit  que  les  Romains  savaient,  en  Afrique,  recueillir  l'eau 
par  des  travaux  dont  les  traces  existent  encore.  Il  serait  question  de 
refaire  les  e'tangs  des  Romains. 

M.  Decroix  dit  que,  dans  les  provinces  d'Oran  et  de  Constanliue,  il 
existe  de  nombreux  vestiges  de  ces  travaux. 

xM.  Decaux  dit  que  l'Alouette  est  très  friande  d'œufs  de  sauterelles 
et  de  jeunes  larves  de  criquets.  La  Caille,  do  son  côte',  eu  de'truit  des 
quantités. 

M.  Fallou  constate  la  diminution  croissante  des  oiseaux  insectivores, 
et  cependant  leur  concours  est  indispensaiilc.  Notre  collègue  présente 


330  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

une  boîte  contenant  les  débris  des  Hannetons  détruits  dans  son  jardin 
par  un  couple  de  Fauvettes  à  tête  noire  et  un  couple  de  Me'sanges. 

M.  Cretté  de  Palluel  fait  remarquer  que  l'on  de'truit  surtout  les  petits 
oiseaux  dans  les  pays  où  manque  le  gibier.  Le  meilleur  moyen  de  pro- 
téger les  insectivores  serait  de  repeupler  la  France  en  Perdrix,  en 
Faisans  et  en  Lièvres.  Chasser  est  pour  l'homme  une  sorte  de  besoin  ; 
lorsqu'il  ne  peut  pas  tirer  sur  des  perdrix  ou  des  faisans,  il  tire  sur 
des  traquets  et  des  rouges-gorges.  On  commence,  du  reste,  à  s'occuper 
en  grand  de  la  culture  du  gibier  pour  re'pandre  dans  les  chasses. 

M.  Decaux  fait  observer  que  la  méthode  employée  pour  les  assole- 
ments et  l'usage  des  prairies  artificielles  ont  porté  un  coup  terrible  au 
gibier  plume. 

M.  Fallou  fait  remarquer  que  Ton  abat  maintenant  beaucoup  plus 
souvent  qu'autrefois  tout  arbre  où  l'on  reconnaît  un  trou.  C'est  e'ioi- 
gner  un  grand  nombre  d'oiseaux  insectivores  qui  nichent  dans  les 
trous  des  arbres. 

On  peut  y  supple'er  au  moyen  de  nids  artificiels.  M.  Decaux  en  a 
fait  l'expe'rience  pour  les  Étourneaux  auxquels  il  a  oSert  des  espèces  de 
boîtes  placées  au  faîte  de  peupliers,  et  ils  les  ont  adoptées  très  facile- 
ment. En  Allemagne,  du  reste,  ce  moyen  est  employé  depuis  longtemps 
et  a  parfaitement  réussi. 

M.  Decaux  signale  le  Coucou  comme  un  grand  destructeur  de  che- 
nilles velues.  M.  le  Président  observe  qu'il  a  disséqué  des  Coucous 
dont  l'estomac  était  comme  feutré  T^av  l'agglome'ration  de  ces  poils  .sur 
les  parois. 

M.  le  Pre'sident  termine  la  se'ance  en  signalant  le  fait  suivant  qu'il  a 
lu  dans  une  revue  :  Un  lieutenant  de  l'armée  russe  serait  parvenu  ù 
dresser  des  Faucons  pour  porter  des  de'pêches.  Cette  éducation  lui  pa- 
raît si  difficile  lorsqu'on  connaît  les  mœurs  et  les  habitudes  du  Faucon, 
qu'il  considère  comme  très  inte'ressant  de  se  renseigner  sur  le  mode  de 
dressage  auprès  de  l'officier  russe  qui  en  est  l'inventeur  et  dont  on  a 
cité  le  nom  :  M.  Smoïlotf.  Ce  fait,  dans  tous  les  cas,  doit  bien  sur- 
prendre toutes  les  personnes  qui  se  sont  occupées  de  fauconnerie. 

Pour  le  Secrétaire, 

I.    JONQUOY. 


IV.  CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS. 


Chevaux  australiens  et  hongrois  aux  Indes  orientales. 

—  Le  consul  gênerai  d'Autriche-Hongrie  à  Bombay  signale  dans  son 
rapport  de  1892  la  nécessite  d'introduire  le  Cheval  hongrois  aux  Indes. 

On  y  reçoit  des  Chevaux  d'Australie,  de  Perse  et  d'Arabie.  Jusqu'ici 
ces  deux  derniers  pays  avaient  le  monopole,  car  les  riches  propriétaires 
de  l'Inde  emploient  uniquement  des  betes  de  sang  arabe  pour  leurs 
montures  et  leurs  attelages.  Depuis  quelque  temps,  l'Australie  expédie 
ses  Chevaux  pour  les  besoins  de  l'armée,  des  tramways,  etc.  ;  des 
navires  d'une  construction  particulière  en  amènent  jusqu'à  500  ou  GOO 
par  voyage.  Ces  animaux  sont  bien  plus  forts  que  le  petit  Cheval  arabe 
et  coiitent  moins  cher  ;  aux  Indes,  on  les  paye  environ  600  roupies  par 
tête  (1,400  francs). 

Mais  on  constate  que  le  Cheval  australien  est  difficile  à  gouverner  ; 
en  outre,  il  supporte  mal  le  climat.  La  compagnie  des  tramways  de 
Bombay  s'en  sert  ;  elle  doit  souvent  interrompre  son  service  pendant 
l'été,  entre  onze  et  quatre  heures  ;  malgré  leurs  harnachements  spé- 
ciaux, les  Chevaux  tomberaient  d'apoplexie.  Il  paraît  certain  que  le 
Cheval  hongrois  remplacerait  avantageusement  l'australien. 

{Fremden  Blatt.)  De  S. 

Création  d'un  parc  à  Gerfs  à  Genève.  —  On  s'occupe  actuelle- 
ment d'installer  un  parc  pour  les  Cerfs,  Daims  |et  Chamois  dans  le 
domaine  Revilliod  prés  de  Genève.  11  leur  offrira  un  pavillon  rustique 
demi-circulaire  d'où  rayonneront  cinq  enclos.  Dans  l'enclos  des  Cha- 
mois on  installera  une  rocaille,  une  pièce  d'eau,  etc..  Cette  création 
est  due  à  l'initiative  de  l'Association  des  intérêts  de  Genève. 

DeB. 

Les  poulaillers  ambulants.  —  Les  fermiers  ne  laissent  pas 
volontiers  leurs  Poules  sortir  de  la  basse-cour,  sous  prétexte  qu'elles 
font  du  mal  dans  les  jardins,  en  y  picorant  les  débris  de  plantes,  les 
graines  ou  les  insectes  dont  elles  se  nourrissent.  Dans  la  plupart  des 
cas,  ils  ont  raison. 

Cependant,  si  l'on  examine,  au  mois  de  mai,  les  champs  et  les 
prés,  on  y  remarquera  une  quantité  prodigieuse  de  vers,  d'insectes, 
de  chenilles;  un  aussi  grand  nombre  vit  sous  terre,  souvent  à  une 
faible  profondeur.  A  l'époque  des  récoltes,  on  constatera  que  beau- 
coup de  grains  et  de  graines,  de  mauvaises  herbes  restent  sur  les 
champs.  Enfin,  plus  tard,  si  l'on  suit  le  labourage,  on  verra  que  la 
charrue  met  à  de'couvert  une  foule  de  vers  et  larves  rampantes.  Tous 
ces  animaux  sont  les  fléaux  de  l'agriculture.  On  a  songe'  à  en  tirer 
profit  pour  l'élevage  des  volailles.  D'abord,  il  paraissait  nécessaire  de 


332  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

les  élever  sur  les  champs  mêmes.  Autrement,  les  Poules,  que  l'on  y 
transporterait  en  char,  le  matin,  ne  se  laisseraient  pas  facilement 
saisir  dans  la  soirée.  En  les  poursuivant,  on  risquerait  de  les  effrayer  ; 
cela  nuirait  h  leurs  fonctions  de  pondeuse  et  à  leur  chair.  En  outre, 
ces  déplacements  seraient  trop  compliqués. 

Un  propriétaire  de  Neuhans,  M.  Schirmer,  s'est  avisé  d'un  autre 
moyen.  Il  s'est  procuré  une  ancienne  voiture  de  poste,  qui  servait  au 
transport  des  paquets.  Il  l'a  transformée  en  poste  à  Poules.  Des  quatre 
Poules  couveuses  qui  y  furent  installées,  il  obtint  bientôt  une  cin- 
quantaine de  poussins.  —  Il  y  a  avantage  à  ce  qu'ils  soient  à  peu 
près  du  même  âge.  Ces  Poussins  restèrent,  les  premiers  jours,  dans 
la  voiture  où  on  les  nourrissait.  Ensuite,  on  disposa,  près  de  la  porte, 
un  plancher  oblique  pour  faciliter  leurs  alle'es  et  venues. 

Au  bout  d'une  semaine,  les  Poulets  furent  habitués  à  leur  nouveau 
poulailler  ;  on  emmena  la  voiture  d'abord  dans  un  pacage,  puis,  dans 
un  champ  de  Trèfle  où  elle  y  resta.  L'expérience  réussissait,  car  les 
oiseaux  semblaient  s'y  plaire  et  prospéraient.  Quelques  Corneilles  en- 
levaient avec  audace  la  provende  qu'on  distribuait  aux  volailles  ;  on 
s'en  aperçut  è  temps  et  l'on  y  reme'dia.  Il  n'est  pas  nécessaire  de  l'aire 
couver  toutes  les  Poules  dans  le  char;  quand  quelques-unes  sont  ha- 
bitue'es  à  y  rentrer  re'gulièrement,  on  pourra  leur  en  adjoindre  d'autres 
qui  les  suivront  ;  la  bande  ne  se  dispersera  pas. 

Jusqu'au  moment  des  rc'colles,  on  conduisit  la  «  posie  ù  Poules  » 
dans  les  champs  de  Trèfle  et  de  Luzerne,  de  Pommes  de  terre  ou  de 
Raves.  Les  volailles  cherchaient  leur  nourriture  ;  vers  le  soir,  on  ré- 
pandait quelques  grains  dans  le  char  pour  les  y  attirer.  En  cas  de 
mauvais  temps,  on  en  introduisait  une  certaine  provision. 

Quand  on  commença  les  récoltes,  la  «  poste  à  Poules  »  fut  mene'e 
sur  les  chaumes  où  la  pûture  était  abondante.  Au  moment  des  la- 
bours, les  Poules  suivaient  la  charrue  et  prenaient  les  graines,  les 
Vers  et  les  Insectes  qu'elles  découvraient.  On  les  y  laissa  en  plein  air 
jusqu'en  novembre;  elles  rentrèrent  à  la  basse-cour,  fortifiées  et 
en  parfaite  santé'.  On  dut  alors  les  habituer  peu  à  peu  au  poulailler 
ordinaire,  autrement  elles  se  fussent  cachées  dans  tous  les  coins. 
On  les  garda  dans  une  l'table  chauffée  ;  elles  commencèrent  bientôt 
à  pondre. 

En  suivant  cette  me'thode,  notre  éleveur  de  Neuhans  engraissa  des 
chapons  qu'il  vendit  à  des  prix  élevés.  Les  connaisseurs  trouvèrent 
que  leur  chair  possédait  plus  de  fumet  que  celle  de  la  volaille  de 
basse-cour  et  rappelait  le  goût  du  gibier. 

M.  Schirmer  fît  d'abord  ses  essais  sur  un  petit  nombre,  comme  nous 
venons  de  le  voir.  La  construction  de  son  char  est  simple  :  on  ame'- 
nage  une  porte  sur  l'un  des  grands  côte's  du  poulailler;  l'autre  côte', 
que  l'on  recouvre  pour  empêcher  la  violence  du  courant  d'air,  possède 
des   ouvertures   de  dix  centimètres.  Le  toit  est  formé  de  toile  imper- 


CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVEUS.  333 

méable.  On  place  des  perchoirs  dans  l'iulérieur.  Cent  à  cent  vingt 
Poules  peuvent  être  là  renfermées.  Notre  éleveur  se  propose,  l'an 
prochain,  d'ajouter  un  e'tage  à  sa  «  poste  à  Poules  »,  qui  pourra  con- 
tenir plus  de  200  volailles,  et  de  construire  deux  autres  vi^agons 
semblables.  Une  personne  suffira  pour  surveiller  ses  600  Poules. 

Pendant  la  saison  dernière,  ces  Poules  ont  rendu  des  services  dans 
les  champs,  en  éliminant  surtout  un  grand  nombre  de  Chenilles  grises 
et  de  Coléoptères  fossoyeurs.  Enfin,  derrière  la  charrue,  elles  recher- 
chaient avec  avidité  les  larves  de  Hanneton  (Vers  blancs)  et  toute  sorte 
d'insectes.  De  S. 

Sans  vouloir  diminuer  en  rien  le  mérite  de  M.  Schirmer,  nous  rap- 
pellerons que,  dès  1867,  notre  confrère  M.  Giot  préconisait  déjà  l'em- 
ploi des  Poules  pour  la  destruction  des  insectes  en  plein  champ.  Nos 
lecteurs  trouveront,  à  cette  date,  dans  le  Bulletin  de  la  Socie'té,  p.  42, 
une  note  sur  Le  Poulailler  roulant,  avec  figure.  {Rédaction.) 

Produits  accessoires  du  Houx.  —  Les  feuilles  de  Houx,  inu- 
sitées aujourd'hui  en  médecine,  ont  e'te  pre'conisëes  pendant  longtemps 
comme  remède  dans  un  grand  nombre  de  maladies.  Plusieurs  prati- 
ciens, entre  autres  le  D""  Rousseau,  ont  tente'  leur  réhabilitation  comme 
agent  thérapeutique  et,  après  de  nombreuses  expériences  faites  dans 
les  hôpitaux,  n'ont  pas  hésité  à  leur  attribuer  des  propriétés  antifébriles 
égales  et  même  supérieures  à  celles  du  Quinquina. 

D'après  l'analyse  de  Lassaigne,  ces  feuilles  se  composent  chimique- 
ment de  cire,  de  gomme,  de  chlorophylle,  de  sels  minéraux  et  d'une 
substance  amère,  neutre.  M.  Deleschamps  a  donné  le  nom  d'Ilicine  à 
une  matière  cristalline,  d'un  jaune  brunâtre  et  d'une  saveur  très 
amère,  qui  a  été  recommandée  comme  un  médicament  très  puissant 
contre  les  fièvres  intermittentes.  Toutefois,  d'après  quelques  auteurs, 
l'ilicine  ne  constituerait  qu'une  partie  du  principe  actif.  La  matière 
colorante  ou  Iloxanthine  a  été  extraite  par  Moldenhanes  sous  forme 
de  cristaux  aciculaires,  d'un  jaune  très  pâle,  inodores  et  insipides, 
teignant  en  jaune  les  étoffes  mordancées  aux  sels  de  fer  et  à  l'alu- 
mine. 

Dans  quelques  campagnes  de  l'Allemagne,  les  feuilles  de  Houx 
sont  séchées  au  soleil  et  employées  comme  succédané  du  thé 
chinois. 

On  retire  de  la  partie  intérieure  de  la  tige,  au  moyen  de  la  tritura- 
tion et  de  la  décoction  concentrée,  une  substance  particulière  connue 
sous  le  nom  de  Glu.  Cette  matière  se  trouve  dans  le  commerce  sous 
forme  d'une  masse  pâteuse,  d'un  gris  verdâtro,  visqueuse,  collante, 
filante  et  d'une  ténacité  proverbiale.  Sa  saveur  est  amère  et  son 
odeur  rappelle  un  peu  celle  de  l'huile  de  lin.  L'air  la  dessèche  un  peu 
et  lui   donne  une  couleur  brune.   La  Glu   est  insoluble  dans   l'eau. 


334  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

mais  elle  se  dissout  dans  l'etber  et  les  alcalis;  les  acides  la  ramollis- 
sent et  la  dissolvent  partiellement.  Ce  produit  singulier,  connu  de 
tous  les  temps  et  chez  tous  les  peuples,  uc  semble  jamais  avoir  eu 
d'autre  application  que  celle  que  nous  lui  connaissons  tous,  c'est-à- 
dire  de  prendre  des  oiseaux  au  moj-en  de  petites  baguettes  enduites 
de  cette  substance. 

Le  Japon  est  un  des  pays  où  la  fabrication  de  la  Glu  [Mochi  des 
Japonais)  se  pratique  sur  une  grande  e'cbelle  et  constitue  un  article 
important  de  trafic.  Les  moyens  rae'caniques  de  fabrication  employe's 
par  les  Japonais  pour  l'extraction  de  cette  substance,  lui  donnent  une 
supériorité  incontestable  sur  celle  que  l'on  pre'pare  en  Europe  par  les 
procéde's  ordinaires  de  décomposition.  La  meilleure  qualité'  est  blan- 
châtre, exempte  d'écorce,  très  visqueuse  et  d'une  consistance  granu- 
leuse ;  elle  conserve  toutes  ses  propriétés  pendant  plusieurs  années. 
Le  marché  principal  de  ce  produit  est  Osaka,  qui  le  reçoit  surtout  des 
provinces  de  Yamoto,  Kii,  Tosa  et  Awa.  Les  Japonais  font  grand 
usage  de  la  Glu,  non  seulement  pour  capturer  de  petits  oiseaux,  mais 
encore  pour  saisir  les  Rats,  les  Mouches,  les  Moustiques,  etc.,  ainsi 
que  pour  chasser  les  Canards  sauvages  et  autres  oiseaux  aquatiques. 
Suivant  M.  IL  Dupont,  les  médecins  l'emploient  également  contre  les 
maux  d'yeux,  les  douleurs  d'entrailles,  pour  panser  les  contusions, 
les  blessures  et  pour  fabriquer  des  sortes  d'emplâtres. 

Les  fruits  sont  de  petites  baies  rouges,  inodores,  mais  d'une  saveur 
acre,  composées  d'acides  organiques,  de  sucre  et  de  pectine  ;  on  les 
regarde  comme  un  purgatif  violent.  Les  graines  séchées  et  torre'fiées 
ont  été'  essaye'es,  avec  quelque  succès,  dit-on,  comme  succédané  du 
Café'  pendant  les  guerres  de  l'Empire,  époque  à  laquelle  cette  pré- 
cieuse rubiace'e  était  devenue  rare  et  très  chère.  J.  G. 

Colonie  allemande  de  Cameroun.  —  On  cultive  partout,  dans 
cette  colonie,  le  Caoutchouc.  C'est  le  plant  du  Brésil  que  l'on  a  adopté, 
et  qui  a  l'air  de  bien  réussir. 

Le  Bois  d'ébéne  pousse  surtout  dans  le  haut  Mango.  Le  commerce 
se  montre  très  satisfait  des  bois  exportés,  qui  se  vendent  bien  et  à  de 
bons  prix. 

Le  Cacao  vient  bien  dans  les  montagnes  et  est  très  estimé.  Il  est 
tant  soit  peu  ferrugineux.  Bon  nombre  de  nègres  se  livrent  à  cette  cul- 
ture et  leurs  plantations  ont  bonne  apparence. 

Les  essais  de  Café  Libéria  ont  donné  de  bons  résultats  dans  le  dis- 
trict Victoria.  On  essaie  aussi  le  Café  arabe  ;  à  la  fin  de  cette  anne'eon 
en  aura  la  première  récolte.  Dans  les  montagnes  du  Cameroun  on  trouve 
plusieurs  sortes  de  Cafés  sauvages.  Ces  montagnes,  avec  leur  couche 
profonde  d'humus,  de  terre  volcanique,  ont  indubitablement  un  grand 
avenir  pour  cette  culture. 

Pour  la  culture  du  Tabac  on  n'est  pas  encore  tîxé.  Les  expériences 


CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS.  535 

faites  n'ont  pas  été  très  satisfaisantes,  mais  il  faut  dire  qu'aucun  des 
planteurs  du  Cameroun  ne  connaît  cette  culture. 

Le  gouvernement  continue  ses  essais  de  toutes  sortes  au  Jardin  bo- 
tanique de  Victoria,  qui  a  e'té  agrandi  considérablement  eu  1892.  Ou 
y  cultive  les  plantes  tropicales  de  toutes  sortes  et  surtout  le  Café,  le 
Cacao  et  la  Gomme. 

La  culture  de  la  Vanille  n'est  pas  non  plus  perdue  de  vue  au  Came- 
roun. Les  plants  de  février  dernier  ont  en  quelques  endroits  déjà 
5  pieds  de  haut. 

Prochainement,  nous  donnerons  des  renseignements  sur  les  cultures 
des  possessions  allemandes  dans  l'Afrique  orientale  où  les  plantations 
marchent  également  avec  une  grande  activité'.  M.  d'D. 

Floraison  du  «  Victoria  regia  »  à  Vienne.  —  Les  visiteurs 
affluent  dans  le  beau  parc  de  Schônbrunn,  près  de  Vienne,  pour  con- 
templer un  fait  inte'ressant. 

Le  9  novembre  dernier,  le  Victoria  regia  e'talait  sa  seconde  fleur  ; 
une  troisième  s'ouvrira  prochainement. 

On  a  renverse'  l'une  des  onze  feuilles  qui  ornent  cette  plante  pour 
montrer  mieux  la  remarquable  structure  de  sa  face  infe'rieure.  Le  ren- 
flement de  ses  nervures  atteint  deux  pouces  d'e'paisseur  et  donne  à  la 
feuille  une  résistance  extraordinaire.  Avec  la  plus  grande,  on  vient  de 
renouveler  l'expérience  en  la  chargeant  de  briques  d'un  poids  total  de 
32  kilos.  Ce  ne  fut  qu'au  33°  kilo  que  la  feuille  commença  à  céder 
dans  sou  milieu. 

On  sait  que  le  Victoria  royal  appartient  au  groupe  des  Nymphe'acées. 
Il  est  originaire  des  grands  fleuves  du  Brésil  et  de  la  Guyane.  Ses 
graines  nourrissantes  sont  connues  sous  le  nom  de  Mais  d'eau.        G. 

Fibres  de  Sida.  —  Ces  fibres  sont  à  la  fois  plus  fines  et  plus 
fortes  que  celle  du  Jute,  et  conviennent  par  conséquent  pour  des  fabri- 
cations plus  fines.  Cette  matière  mérite  l'attention  des  filaleurs  de 
chanvre.  On  peut  cultiver  le  Sida  avec  succès  là  où  la  culture  du  Jute 
est  impossible.  EUere'ussirait  surtout  dans  le  sud  de  l'Inde  ou  de  l'Indo- 
Chine  plutôt  que  dans  les  contrées  humides  du  Bengale.  Il  paraît  qu'il 
eu  existe  cinq  espèces,  mais  les  expériences  ont  porte  jusqu'à  présent 
exclusivement  sur  la  varie'té  Sida  rhomboldea.  Le  major  Ilannay  de 
l'Assam  fut  le  premier  qui,  en  1853,  fixa  l'attention  du  commerce  sur 
cette  plante  et  il  est  étonnant  que,  malgré  les  nombreux  avis  favorables 
relatifs  au  Sida,  on  n'ait  fait  jusqu'à  présent  aucune  tentative  pour  le 
cultiver  sur  une  vaste  échelle.  La  culture  n'est  pas  difficile  et  sa  valeur 
commerciale  paraît  être  très  grande. 

Une  des  causes  qui  ont  fait  négliger  cette  culture  est  que,  peu  après 
la  découverte  du  major  Ilannay,  l'attention  des  fabricants  à  Calcutta 
fut  attire'e  sur  la  fabrication  du  Jute  eu  concurrence  avec  Dunda,  de 


336 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


sorte  que  pendant  quarante  ans  le  Sida  fut  oublié.  En  1880,  le  gouver- 
nement de  Bengale  envoya  de  nouveau  à  la  Société  d'agriculture  des 
Indes  des  e'chantillons  de  Sida  qu'il  avait  reçus  de  Balibar.  M.  Cogs- 
well,  homme  pratique  très  compe'tent,  fit  sur  cet  article  deux  rapports 
très  favorables.  La  fibre,  dit-il,  a  une  nuance  très  claire  et  brillante, 
elle  est  forte,  fine  et  ronde  et  se  laisse  admirablement  filer.  Comparée 
au  Jute,  elle  est  relativement  riche  en  celluloïd.  Le  D""  Wort  parle 
également  du  Sida  et  en  fait  un  grand  éloge.  La  plante  pousse  à  l'e'tat 
sauvage  dans  le  district  de  Nellore  (Indes).  On  pourrait  la  cultiver  à 
peu  de  frais.  M.  d'E. 

Utilité  de  deux  Palmiers  américains  {Chamœrops  Palmetto 
MiCHX.  et  Ortodoxa  oleracea  Mart.).  —  Le  bois  du  Palmetto  est  re- 
cherché depuis  longtemps  dans  les  constructions,  vu  sa  grande  résis- 
tance contre  les  attaques  des  Tarets.  En  outre,  l'on  pre'pare  avec  ses 
fibres  textiles  du  papier  végétal.  Le  Milivanker  Hevold  annonce  qu'on 
fabrique  maintenant  avec  les  fibres  extraites  de  ses  racines  des  brosses 
bonnes  surtout  pour  étriller  les  chevaux.  Une  seule  machine  peut  pro- 
duire 36,000  brosses  par  jour.  Les  feuilles  fraîches  servent  à  rem- 
bourrer les  matelas  et  les  coussins.  Cette  industrie  en  a  cre'é  une 
autre.  On  pave  les  rues  de  Jacksonviile  [Floride)  avec  le  bois  du  Pal- 
miste. Les  feuilles  de  ces  deux  arbres  servent  encore  à  fabriquer  des 
e'ventails  et  des  chapeaux  de  paille,  objets  très  appre'ciés  des  étrangers 
qui  séjournent  en  hiver  dans  la  Floride.  Ces  produits  sont  principa- 
lement vendus  sur  le  continent.  Le  reste  est  exporte'  en  Angleterre. 

De  s.      . 

Des  clous  dans  les  arbres.  —  VAgrïcuUurit  de  la  Floride  dit 
qu'en  enfonçant  des  clous  dans  les  arbres  fruitiers,  on  prévient  ces 
arbres  et  leurs  fruits  de  l'attaque  des  vers.  Le  Fruit  trade  journal,  de 
New-York,  confirme  ce  fait  et  ajoute  qu'il  faut  l'attribuer  à  l'oxy- 
dation du  fer  par  le  suc  de  l'arbre  qui  se  développe,  de  l'ammo- 
niaque qui  pénétre  dans  toutes  les  parties  de  l'arbre.  Il  conseille 
d'enfoncer  une  demi-douzaine  de  clous  dans  chaque  arbre.  Le  succès 
est  certain.  M.  d'E. 


Le  Gérant  :  Jules  Grisard.' 


I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIii,TE. 


LES  CHIENS  DE  BERGER 

Par  m.  p.  MÉGNIN. 

(suite  *.) 


§  2.  —  Les  Chiens  de  berger  anglais. 

Dans  les  Iles-Britanniques  il  y  a  deux  races  de  Chiens  de 
berger  :  le  vieux  Chien  de  berger  sans  queue,  et  le  Chien  de 
berger  écossais,  le  Colley. 

Le  vieux  Chien  de  'berger  anglais  sans  queue.  [The  old 
english  bobtaU  Sheepdog).  —  Ce  Chien  {fig.  12)  ressemble  un 
peu  à  notre  cliien  de  Brie  tout  en  ayant  le  poil  plus  grossier, 
plus  hirsute  et  il  naît  sans  queue  :  une  ancienne  loi  anglaise 
exemptait  de  la  taxe  tout  Chien  de  berger  qui  n'avait  pas  de 
queue  et  on  la  leur  coupait  toujours  ;  par  suite  de  cette  muti- 
lation pratiquée  pendant  des  siècles,  cet  organe  a  disparu  et 
les  chiens  de  cette  race  naissent  aujourd'hui  sans  queue. 
Jonathan  Franklin  raconte,  dans  sa  Vie  des  Animaux,  com- 
ment on  pratiquait  autrefois  cette  opération  :  quand  l'animal 
était  encore  jeune,  les  bergers  extra3'aient  avec  les  dents  l'os 
qui  l'orme  la  racine  de  cet  appendice  !...  Le  lait  est  que  c'est 
un  excellent  moyen  d'éviter  les  hémorrhagies  qui  sont  inévi- 
tablement la  conséquence  d'une  opération  semblable  laite 
avec  l'instrument  tranchant. 

Ce  Chien,  comme  notre  Chien  de  Brie,  est  d'une  sagacité 
admirable  :  il  gouverne  son  troupeau  avec  un  ordi-e  parlait, 
dit  l'auteur  que  nous  venons  de  citer,  il  connaît  chaque 
mouton  confié  à  ses  soins  ;  aussi,  lorsque  l'ensemble  de  son 
troupeau  se  trouve  démembré  par  les  ventes,  il  ramène  avec 
wwii  cei'titude  imperturbable  tout  individu  qui  a  (piitté  sa 
section  pour  en  suivre  une  autre. 

(*)  Voyez  plus  haut,  p.  241   et  iS'.l, 

'2U  Avril   18V3.  22 


338  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Le  Colley  {Chien  de  berger  écossais)  [fîg.  15)  fait  depuis 
longtemps  rornement  des  expositions  canines,  et,  à  cause  de 
sa  beauté,  est  autant  chien  de  luxe  que  d'utilité  ;  il  est  cepen- 
dant tout  aussi  intelligent  que  le  précédent  et  susceptible  de 
rendre  les  mêmes  services. 

Les  caractères  d'un  beau  Colley  sont  les  suivants,  d'après 
les  points  fixés  par  le  CoUie-Club  de  Londres,  fondé  en  1885. 

Le  Colley  a  le  crâne  large,  plat,  et  le  museau  long  et  effilé, 
la  mâchoire  supérieure  dépassant  un  peu  l'inférieure;  les 
yeux,  en  forme  d'amande,  sont  très  écartés  et  obliques  ;  la 
peau  de  la  tète  est  ])ien  lisse  et  les  commissures  des  lèvres  ne 
sont  pas  tonibantes.  Les  oreilles,  très  petites,  rejetées  habi- 
tuellement en  arrière  et  noyées  dans  la  collerette,  se  relèvent 
à  moitié  lorsque  l'attention  du  chien  est  éveillée. 

Le  cou  est  fort,  musclé  et  arqué  ;  les  épaules  longues,  obli- 
ques et  minces  au  garrot  ;  la  poitrine  profonde,  étroite  en 
avant,  mais  vaste  en  arrière.  Le  dos  est  horizontal  ;  les  reins 
larges  et  courts,  harpes  et  puissants  ;  les  hanches  larges  et 
un  peu  avalées.  La  queue  longue,  portée  basse  avec  la  pointe 
relevée. 

Les  membres  sont  bien  d'aplomb ,  les  paturons  un  peu 
longs  et  minces,  et  les  doigts  bien  arqués  et  secs. 

Le  pelage  est  fourni  et  très  épais,  à  poils  aussi  longs  que 
possible  surtout  à  l'encolure  où  ils  doivent  faire  collerette  ; 
à  la  tète  et  aux  pattes  le  poil  est  presque  ras.  Le  poil  du  dos 
et  des  flancs  est  un  peu  rude,  mais  celui  du  dessous  est  très 
fourré  et  moelleux.  Il  forme  festons  en  arrière  des  avant-bras 
et  culotte  en  arrière  des  cuisses. 

Il  y  a  une  variété  à  poil  ras  qui,  quoique  moins  nombreuse. 
a  autant  de  mérite  et  est  aussi  appréciée  que  celle  à  poils 
longs  {/ig.  i4). 

Les  couleurs  les  plus  recherchées  c'est  la  robe  dlack  and 
tan,  c'est-à-dire  noir  en  dessus  et  fauve  orangé  en  dessous 
aux  extrémités  et  à  la  face  interne  des  membres,  avec  du 
blanc  au  poitrail  formant  quelquefois  collier  ;  la  robe  sable 
and  ivhite,  c'est-à-dire  fauve  plus  ou  moins  clair  en  dessus 
et  blanche  en  dessous,  est  aussi  recherchée. 

Le  Colley  a  les  formes  bien  symétriques  et  est  assez  haut 
sur  jambe  ;  il  mesure  au  garrot  22  à  24  pouces  (50  à  55  centi- 
mètres), ses  mouvements  sont  dégagés  et  gracieux. 

Les  défauts  à  éviter  sont  :  une  tète  conformée  sur  le  type 


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340  REVUE  DES  SCIEx\CES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

de  celle  du  lévrier  qui  lui  donnerait  une  physionomie  stupide  ; 
on  doit  aussi  éviter  le  type  du  Setter,  de  grands  yeux  ronds  et 
des  oreilles  longues  et  pendantes. 

Les  Collies  transportés  dans  le  sud  de  l'Afrique  sont  deve- 
nus très  promptement  d'une  habileté  remarquable  à  la  garde 
des  Autruches  dont  on  élève  de  grands  troupeaux  dans  la 
colonie  du  Cap.  Les  Autruches,  terribles  pour  les  animaux 
et  même  pour  l'homme  pendant  la  saison  de  la  reproduction, 
restent  très  soumises  aux  Collies,  se  réunissent  en  troupeaux 
comme  les  Moutons  et  n'essayent  jamais  de  se  révolter. 


§  3.  —  Chiens  de  berger  belges. 

Nos  voisins  de  Belgique  ont  commencé  depuis  deux  ans  à 
s'occuper  sérieusement  de  leurs  Chiens  de  berger  ;  un  club 
s'est  formé  pour  en  établir  les  points  caractéristiques  et 
veiller  à  leur  amélioration  en  organisant  des  épreuves  sur  le 
terrain  et  des  expositions. 

Pour  fixer  les  caractères  des  Chiens  de  berger  belges,  le 
club  en  question  a  fait  un  appel  à  leurs  possesseurs  ;  117  su- 
jets ont  été  réunis  et  examinés  ;  on  a  choisi  les  plus  beaux, 
et,  de  l'ensemble  des  caractères  les  plus  remarquables,  des 
types  ont  été  établis  pour  servir  à  juger  tous  les  autres. 

Jusqu'à  présent  le  club  du  Chien  de  berger  belge  admet 
qu'il  n'existe  qu'une  race  pour  la  Belgique,  race  qui  com- 
prend trois  variétés  distinctes,  par  la  nature  et  la  longueur 

du  poil. 

Les  caractères  généraux  et  spéciaux  de  la  race  sont  les 
•suivants  :  a'spect  général  dénotant  un  animal  intelligent  soli- 
dement bâti,  rustique  et  ayant  des  aptitudes  naturelles  pour 
la  garde  des  troupeaux  et  des  propriétés. 

Conformation  :  Tète  longue  à  museau  pointu,  à  crâne 
large,  mais  plat,  à  oreilles  petites  et  droites,  à  cassure  du  nez 
modérée,  à  yeux  intelligents  de  couleur  brunâtre.  Cou  cylin- 
drique peu  allongé.  Ligne  du  dos  horizontale  large  et  pui- 
sante. Queue  (quand  elle  existe,  car  elle  peut  manquer  plus 
ou  moins  naturellement  ou  artiflciellement;  basse  au  repos, 
relevée  en  sabre  en  action.  PoUrinc  étroite  en  avant,  mais 
profonde.  Vciiire  à  développement  moyen.  Epaule  longue  et 
oblique.  Membres  à  avant-bras  et  jambes  longs,  bien  mus- 


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342  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

clés  et  bien  d'aplomb.  Pied  rond  en  patte  de  chat.  Taille  : 
53  centimètres  en  moyenne. 

RoT)e  très  variée  :  noire,  noir  mal  teint,  brun,  brun  bronzé, 
gris  sale,  jaune  terreux,  etc. 

Poil  toujours  abondant,  serré,  formant  par  ses  caractères 
trois  variétés  : 

A.  Variété  à  poil  long  :  poil  long  et  lisse  sur  toute  la  sur- 
face du  corps  excepté  à  la  tète,  à  la  face  externe  des  oreilles 
et  à  l'extrémité  des  membres  où  il  est  rare  ;  il  est  plus  long 
au  cou  où  il  forme  collerette  ;  en  arrière  des  membres  où  il 
forme  franges  en  avant  et  culottes  en  arrière,  et  à  la  queue 
où  il  constitue  un  beau  panache. 

B.  Variété  à  poil  dur  :  le  poil  n'est  plus  lisse,  mais  dur, 
ébouriffé  et  à  peu  près  également  demi-long  partout,  même 
à  la  tête  où  il  forme  sourcils,  moustache  et  barbiche  comme 
chez  les  Griffons. 

C.  Variété  à  poil  ras  :  ici  le  poil  est  court  partout,  cepen- 
dant un  peu  plus  long  au  cou,  aux  fesses  et  à  la  queue. 

Nous  donnons  le  portrait  d'un  type  de  cette  race  dessiné 
par  notre  confrère  M.  Van  der  Snickt  [fig.  lo). 

§  4.  —  Les  Chiens  de  berger  'allemands. 

Les  Chiens  de  berger  allemands  ont  été  décrits  et  figurés 
par  Ludwig  Beckmann  dans  le  journal  le  Himd  en  janvier 
1891  [fig.  16).  Une  traduction  en  français  de  ce  travail  a  paru 
dans  le  journal  Chasse  et  Pêche,  de  Bruxelles,  et  c'est  d'après 
cette  traduction  que  nous  allons  résumer  les  caractères  du 
Chien  de  berger  allemand.  Louis  Beckmann  n'admet,  comme 
en  Belgique,  qu'une  race  de  Chien  de  berger  allemand,  avec 
trois  variétés  constituées  par  des  différences  de  longueur  et 
de  nature  du  poil. 

Le  Chien  de  berger  allemand  a  des  formes  et  un  caractère 
dans  le  maintien  et  les  allures  qui  dénotent  un  croisement 
avec  le  Lévrier  ;  il  a  le  museau  très  pointu  et  le  nez  saillant 
surplombant  les  lèvres  qui  sont  fines  et  minces,  les  oreilles 
pointues  et  droites;  la  cassure  du  nez  peu  prononcée;  le  front 
plat  et  s'élargissant  à  la  base  ;  les  j-eux  plutôt  petits  et 
obliques,  mais  vifs  et  expressifs  ;  cou  de  longueur  moyenne 
et  arqué  ;  poitrine  étroite  en  avant  mais  fortement  descen- 


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344  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

due  ;  ventre  levreté  ;  dos  horizontal  ;  reins  arqués  larges  et 
puissants  ;  croupe  avalée  et  courte  ;  queue  descendant  au- 
dessous  du  jarret  se  relevant  en  sabre  dans  l'excitation 
(quelquefois  écourtée,  naturellement  ou  artificiellement)  ; 
épaules  longues  et  obliques  ;  membres  antérieurs  bien 
d'aplomb  ;  cuisses  larges,  plates  ;  jambes  longues  ;  jarrets 
bien  développés  ;  canons  courts  ;  pieds  petits  et  ronds  à  sole 
dure  et  à  ongles  résistants. 

Couleur  de  la  rode  :  noire,  gris  de  1er,  gris- cendré,  rousse  ; 
unicolore  ou  tachée,  sur  fond  plus  clair  ou  blanc. 

Pelage  constituant  par  sa  nature  et  sa  longueur  trois  va- 
riétés, comme  chez  le  chien  de  berger  belge  :  1"  Variété  à  poil 
long  ;  2'  variété  à  poil  ras,  et  3°  variété  à  poil  dur.  C'est 
la  riremière  variété  qui  est  griffonne,  c'est-à-dire  dont  la 
tête  est  aussi  couverte  de  poils  formant  d'épais  sourcils,  des 
moustaches  et  des  barbiches  ;  le  poil,  qui  est  soyeux,  tombe 
de  cha  {ue  côté  de  la  tète  et  du  corps  en  formant  une  hgne  de 
part;^^-e  qui  s'étend  de  la  tête  au  bout  de  la  queue.  Les  pattes 
portent  an  poil  assez  court  presque  ras. 

La  taille  du  Chien  de  berger  allemand  varie  considérable- 
ment suivant  la  qualité  du  terrain  :  dans  les  vastes  pâturages 
incultes  se  trouvent  de  plus  grands  Chiens  que  dans,  les 
terres  cultivées  composées  de  petites  parcelles,  où  l'on  a 
ordinairement  de  petits  Chiens  vifs  et  remuants. 


§  5.  —  Les  Chiens  de  berger  russes  et  hongrois. 

Nous  connaissons  une  race  de  Chien  de  berger  russe  par 
une  note  et  une  gravure  communiquées  par  M.  Lang  au 
Chenil  et  que  nous  reproduisons  ci-après  {fig.  17).  Sans 
doute,  il  y  a  d'autres  races  dans  l'immense  empire  moscovite. 
Celle-ci  ressemble  à  un  énorme  Chien  de  Brie  : 

«  Les  Chiens  de  la  race  Afscharka  à  laquelle  appartient 
l'animal  représenté  dans  le  numéro  de  ce  jour  sont  d'une 
taille  variable.  Courageux  pour  défendre  les  moutons  contre 
les  Loups  et  agiles  pour  diriger  les  innombrables  troupeaux 
confiés  à  leur  garde,  très  intelligents,  ces  Chiens  sont  fort 
estimés  des  grands  propriétaires  fermiers,  des  contrées 
méridionales  de  la  Crimée  et  de  la  Bessarabie,  etc. 

«  La  robe  de  l'Afscharka  présente  différentes  nuances  : 


346  REVUE  DES  SClEiNCES   NATURELLES  APPLIQUÉES. 

parfois  gris  bleu,  parfois  aussi,  blanche  mélangée  de  tâches 
grises  ou  fauves.  La  fourrure  est  très  épaisse  et  forme  des 
mèches  qui  se  feutrent  si  le  Chien  n'est  pas  tenu  proprement. 
Lorsque  l'animal  est  peigné  et  entretenu  avec  soin,  il  est 
d'un  aspect  agréable  et  son  intelligence  vive  en  fait  un 
précieux  compagnon. 

«  Après  avoir  vu  les  Gollies  et  les  Chiens  de  berger  fran- 
çais jouir  d'une  grande  vogue  parmi  les  amateurs,  peut-être 
verrons-nous  un  jour  les  Aftscharka  bénéficier  de  la  même 
laveur.  Ce  serait  justice,  car  ce  sont  de  beaux  animaux,  de 
précieux  auxiliaires  pour  la  garde,  d'agréables  et  fidèles 
compagnons.  » 

ï)'nn  autre  côté,  M.  Arthur  Zecha,  dans  le  Der  Hund  du 
22  janvier  1885,  donne  les  renseignements  suivants  sur  les 
Chiens  de  berger  russes  : 

«  Dans  les  steppes  de  la  Russie  les  champs  cultivés  n'exis- 
tent pas,  donc  il  n'est  pas  besoin  de  Chiens  pour  les  défendre 
contre  la  dent  des  troupeaux.  Dans  ce  pays,  le  devoir  du 
Cliien  de  berger  consiste  à  protéger  ses  brebis  contre  les  loups 
et  autres  bètes  sauvages. 

»  Le  Chien  de  berger  russe,  connu  aussi  sous  le  nom  de 
Chien  d'ours  ou  pincher  russe,  est  celui  qu'on  emploie  le  plus 
souvent;  on  le  retrouve  quelquefois  sous  ce  dernier  nom  dans 
d'autres  parties  de  l'Europe  où  il  a  été  introduit  récemment. 
A  l'exposition  canine  de  Vienne  de  1884,  on  a  remarqué  trois 
de  ces  Chiens,  dont  un  noir,  appartenant  au  prince  Rudolf.  Il 
est  probable  que  ces  Chiens  descendent  du  dogue  du  Thibet 
avec  lequel  ils  ont  beaucoup  de  ressemblance.  » 

Le  même  auteur  donne  les  renseignements  suivants  sur  le 
Chien  de  berger  hongrois  : 

«  Dans  son  pays  il  est  connu  sous  le  nom  de  Chien  Juliasz 
(Chien-berger);  il  est  très  grand,  couvert  de  poils  laineux,  et 
aussi  courageux  que  docile.  Sans  lui,  les  énormes  troupeaux 
qui  paissent  sur  les  plaines  hongroises  seraient  sans  défense 
contre  les  loups  encore  redoutables  dans  ce  pays. 

»  Malheur  au  voyageur  qui  s'aventure  près  d'une  bergerie, 
car  il  sera  inévitablement  mis  en  lambeaux  si  le  berger  n'ar- 
rive pas  à  temps  pour  rappeler  son  Chien  Juhasz  !  Ces  Chiens 


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348    •  KKVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

sont  la  propriété  des  bergers;  il  est  dans  leur  intérêt  de 
veiller  à  ce  qu'ils  soient  de  race  pure  et  de  les  dresser  avec 
soin  afin  de  trouver  en  eux  un  compagnon  fidèle  et  utile.  Un 
croisement  avec  d'autres  races  serait  difficile,  presque  impos- 
sible, vu  la  vie  isolée  qu'ils  mènent,  été  comme  hiver,  sur  la 
Pursta  et  l'habitude  qu'ils  ont  de  déchirer  tout  autre  Chien 
qui  les  approche. 

»  Un  Chien  bien  dressé  est  nécessaire  au  berger  [Judasz], 
mais  aussi  au  propriétaire,  car  un  mauvais  chien  qui  effraie 
ou  qui  chasse  les  animaux  inutilement  d'un  endroit  à  l'autre, 
peut  causer  de  grands  malheurs,  tandis  qu'un  bon  Chien,  qui 
comprend  bien  ses  devoirs,  doit  empêcher  les  troupeaux  de 
courir  sur  les  champs  cultivés  en  se  promenant  de  long  en 
large  à  côté  d'eux,  au  commandement.  Il  doit  les  précéder  et 
les  forcer  ainsi  à  paître  lentement  ;  il  doit  savoir  les  rassem- 
bler, les  chasser  devant  lui,  courant  tantôt  à  droite,  tantôt  à 
gauche  ;  bref,  il  doit  comprendre  chaque  parole,  chaque  signe 
de  son  maître  et  lui  obéir  promptement.  Deux  de  ces  Chiens 
sufllsent  pour  garder  un  troupeau  de  800  à  1,000  moutons. 

»  D'autres  bergers  se  servent  d'une  race  de  Pincliers 
appelés  BulU,  petits  et  d'une  laideur  révoltante;  ils  surpassent 
les  Chiens-loups  en  docilité,  mais  ils  ne  sont  d'aucune  utilité 
contre  le  vol. 

»  Le  Chien-loup  est  très  sauvage  avec  tout  Chien  étranger, 
même  avec  ceux  de  sa  race,  à  la  première  rencontre;  mais 
une  fois  habitués  les  uns  avec  les  autres,  ils  deviennent  bons 
camarades.  En  1883,  on  a  vu  à  Tordo,  dans  le  comitat  To- 
rontal,  un  Chien-loup  rester  trois  semaines  auprès  d'un  cama- 
rade qu'il  venait  de  perdre.  On  voit  que  ces  chiens  ne  man- 
quent pas  de  cœur  malgré  leur  sauvagerie.  Ces  Chiens  sont 
nourris  de  matières  exclusivement  animales,  soit  de  moutons 
morts,  soit  de  chevaux  dépouillés  et  vendus  par  les  bohémiens 
pour  quelques  kreutzers.  Il  est  regrettable  qu'on  ait  si  rare- 
ment l'occasion  de  voir  la  vraie  race  de  ces  Chiens  dans  les 
pays  occidentaux  ;  ils  étaient  très  mal  représentés  à  l'Expo- 
sition de  Vienne  de  1884  ;  deux  de  ces  Chiens  mâles  y  figu- 
raient seuls.  Pour  finir,  je  me  permettrai  de  conseiller  à 
tous  ceux  qui  possèdent  une  bergerie  ou  une  maison  dans 
un  lieu  désert,  de  se  procurer  un  Chien-loup  hongrois.  Gardé 
par  un  de  ces  animaux,  le  propriétaire  peut  dormir  en 
toute  tranquillité.  » 


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350  REVUE  LE6  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

§  6.  —  Chiens  de  berger  italiens. 

Enfin,  pour  terminer  cette  étude  sur  les  Chiens  de  berger 
européens,  citons  encore  les  courtes  lignes  suivantes  que 
nous  lisons  dans  le' journal  italien  le  Sporto  ilustrato  du 
18  février  dernier,  et  qui  constituent  tous  les  renseignements 
que  nous  ayons  pu  réunir  sur  les  chiens  de  berger  de  l'autre 
côté  des  Alpes. 

«  Nous  aussi,  en  Italie,  nous  devrions  instituer  des  con- 
cours d'épreuve  en  pleins  champs  {field-triale)  et  des  exposi- 
tions spéciales  pour  Chiens  de  berger  et  de  garde,  car,  comme 
notre  voisine  la  France,  nous  avons  aussi  de  bonnes  races  ; 
entre  autres  une  très  belle  race  que  possède  Fingénieur 
Rossi,  de  Sondrio,  et  qu'il  appelle  Leonherg  (c'est-à-dire 
Lions  de  montagne).  Ces  chiens  sont  extrêmement  fidèles  et 
gardiens  extraordinaires  ;  ils  ont  le  poil  laineux,  long,  lui- 
sant et  blanc,  et  il  y  en  a  qui  ont  le  museau  et  les  oreilles 
noires.  Ils  souffrent  assez  de  la  chaleur,  et  un  vr^ii  bonheur 
pour  eux,  c'est,  en  hiver,  de  se  rouler  dans  la  neige.  » 

[La  fin  au  prochain  nwnêro.) 


LES    MERLES    METALLIQUES 

LAMPROTORNID.E 
Par    m.    FOREST    aîné. 


Les  Merles  métalliques,  dans  diverses  contrées  de  l'Afrique^ 
remplacent  les  Étourneaux.  Leur  limite  extrême  au  Nord  se 
trouve  au  Sénégal;  l'Afrique  orientale  possède  plusieurs 
espèces  qui  poussent  leurs  migrations  â  l'Ouest  jusqu'à 
l'Atlantique.  Les  descriptions  du  Soudan  égyptien  et  de 
l'Abyssinie  des  naturalistes  Brelim,  Heuglin,  d'Arnaud,  etc., 
établissent  que  ces  oiseaux  s'y  trouvent  en  petites  compa- 
gnies, jusqu'à  une  altitude  de  1,300  mètres;  Le  Vaillant  les 
trouvait  au  Cap  de  Bonne-Espérance  par  bandes  de  trois  à 
quatre  mille  individus,  notamment  le  Lumpr^oiornis  bicolor 
et  L.  pJiocnicopterus. 

Quelque srenseignements  pris  auprès  de  M.  de  Rochebrune, 
assistant  au  Muséum,  me  permettent  de  confirmer  les  ob- 
servations du  naturaliste  allemand  Hartret  (I),  sur  le  carac- 
tère sénégalien  très  caractérisé  de  la  faune  ornithologique  du 
pays  Haoussas.  Il  trouva,  en  particulier,  nombre  d'oiseaux 
du  nord-est  africain,  entre  autres  le  LamprocoUus  chvyso- 
r/aster.M  Dybowski  a  rencontré  des  Merles  métalliques  dans 
tout  son  parcours  vers  le  Ghari. 

Cette  famille  a  les  mœurs  des  Sturnidés,  ils  ont  le  croas- 
sement des  Corbeaux,  d'une  clef  qui  grince  dans  une  serrure. 

D'habitude,  ces  oiseaux  vivent  sur  le  sol,  tout  à  fait  à  la 
façon  des  Pies,  et  les  espèces  à  queue  longue,  portent  à 
terre,  comme  les  Pies,  leur  superbe  queue  métallique  relevée; 
perchés,  la  queue  est  rabattue.  Ils  nichent  dans  les  trous 
d'arbre  ou  dans  les  ravins  des  terres  éboulées,  et  suivent  les 
troupeaux  pour  chercher  leur  nourriture  dans  les  excréments 

(1)  Membre  de  la  mission  Staudinj^er  portant  les  présents  de  l'empereur  d'Aï- 
lemaf^ne  au  schérif  de  Sokol«>-,  qui  »v»ient  été  promis  par  les  explorateurs 
Rohlfs  et  Flégel. 


3o2  REVUE  LES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

des  bestiaux.  Outre  les  vers  qu'ils  y  cherchent,  ils  se  nour- 
rissent de  fruits,  de  graines,  d'insectes,  de  petits  mollusques, 
exceptionnellement  de  charogne;  ils  sont  très  friands  de 
larves  et  de  sauterelles,  et  se  posent  sur  le  dos  des  bœufs  et 
des  quadrupèdes  sauvages  pour  manger  les  poux  et  les  taons  ; 
ils  recherchent  avec  avidité  toutes  sortes  de  baies  dont  une, 
entre  autres,  appelée  par  les  Hottentots  Goirée,  très  commune 
vers  la  rivière  Gamtoos,  ce  qui,  probablement,  y  attire  ces 
oiseaux  en  si  grande  quantité  (Le  Vaillant). 

Toutes  les  espèces  ont  un  plumage  brillant  et  superbe  qui 
est  cause  d'une  nombreuse  destruction  de  ces  oiseaux  recher- 
chés pour  l'ornement  des  chapeaux  de  nos  élégantes.  En  1865, 
les  premiers  Merles  métalliques  vivants  furent  apportés  en 
Europe;  depuis  cette  époque  ils  figurent  assez  régulièrement 
dans  divers  jardins  zoologiques.    Il   nous    paraît    que    ces 
Oiseaux,  particulièrement  favorisés  par  la  nature,  pourraient 
avantageusement  enrichir  la  faune  ornithologique  algérienne, 
si  pauvre,  d'ailleurs,  sous  le  rapport  utilitaire  et  économique. 
Leur  acclimatation  n'offre  pas  de  difficultés  particulières, 
puisque  les  altitudes  élevées  de  l'Abyssinie  leur  conviennent. 
Nous  croyons  que  ces  oiseaux  pourraient  trouver  en  Algérie 
les  divers  climats  qu'ils  recherchent  et  qui  sont  ceux  de  leur 
patrie.  Pendant  l'été,  les  parties   boisées   de  l'Atlas  et  de 
l'Aourès,  sur  les  hauts-plateaux  et  le  littoral,  leur  convien- 
draient fort  bien  ;  pendant  la  saison  froide  ils  se  réfugieront 
dans  les  parties  abritées  des  montagnes  et  dans  les  oasis, 
dont  ils  augmenteraient  le  charme  et  les  attraits. 

Leur.s  migrations  sous  l'Equateur,  de  l'Est  à  l'Ouest,  se  pro- 
duisent de  Juillet  à  Septembre,  époque  à  laquelle  on  les  trouve 
en  Guinée  et  au  Congo. 

Leur  importation  en  Algérie  serait  facilitée  par  les  services 
de  navigation  régulière  entre  la  côte  occidentale  d'Afrique  et 
Marseille  :  pendant  la  traversée  en  mer,  le  régime  en  capti- 
vité leur  convenant,  pour  éviter  le  déchet  de  route,  serait  : 
eau  douce  à  discrétion,  œufs  de  fourmis  mêlés  à  des  raisins 
secs,  figues  coupées  menu,  et  même  de  la  viande  cuite  ha- 
chée menu. 

En  maintenant  une  grande  propreté  dans  leurs  cages,  il  est 
permis  de  croire  au  succès  de  l'entreprise  pleine  d'avenir,  car 
n'oublions  pas  que  la  dépouille  d'un  Lamprotornis  a  une  va- 
leur qui  n'est  pas  à  dédaigner. 


LES  MERLES  MÉTALLIQUES.  353 

Nous  décrirons  sommairement  cinq  yariétés  bien  remar- 
quables : 

1°  Le  Juida  cuivré  [Lamprotornis  œneus),  PI.  VII,  B. 
(lu  Bocage.  —  Ce  superbe  oiseau  se  trouve  dans  l'Afrique 
équatoriale.  Heugiin  a  trouvé  le  Juida  jusqu'à  l'altitude  de 
1,300  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  (15  déc.  1852, 
rivière  Rahad,  Abyssinie).  Cette  variété  se  distingue  par  sa 
longue  queue  métallique  en  écran,  semblable  à  celle  de  nos 
Pies,  dont  il  a  les  mêmes  mouvements.  Les  planches  coloriées 
de  Brelim  et  de  B.  du  Bocage  sont  très  réussies  et  donnent 
bien  l'aspect  de  cet  oiseau  et  des  suivants. 

2°  Le  Merle  du  Gabon  [Lamprotornis  superdus).  —  Cet 
oiseau  est  de  la  taille  et  de  la  forme  d'un  Merle  de  nos  con- 
trées. Son  plumage  est  le  plus  richement  coloré  de  toute  la 
famille.  Il  est  très  commun  dans  l'Abj^ssinie  et  près  du  Nil 
Blanc.  Il  vient  en  septembre  au  Congo  et  en  Sénégambie. 

3°  Le  Merle  vert  {Lamprocolius  acuticaudics),  PL  YI, 
B.  du  Bocage.  —  Cette  espèce  habite  l'Afrique  centrale  depuis 
l'Abyssinie  jusqu'en  Sénégambie  ;  c'est  l'espèce  la  plus  com- 
mune, le  vert-bronze  et  bleu- acier  sont  les  dominants  de 
son  coloris.  Il  est  de  passage  au  Sénégal  après  l'hivernage. 

4°  Le  Spréo  bicolor  [Lamprotornis  chrysog aster).  —  Les 
oiseaux  de  cette  espèce  sont  très  communs  au  Cap  de  Bonne- 
Espérance  et  dans  toute  la  colonie  où  ils  sont  connus  sous  le 
nom  deWUgat-Spremv.  On  les  trouve  toujours  à  terre  parmi 
les  troupeaux.  Ils  volent  en  troupes  quelquefois  de  plus  de 
trois  à  quatre  mille  individus,  et  nichent  sur  les  habitations, 
dans  les  trous  d'un  mur  ou  sous  les  toits,  entre  les  poutres,  et 
souvent  dans  les  granges  ;  dans  les  déserts  ils  placent  leurs 
nids  dans  des  trous  en  terre,  avec  les  Martinets  et  les  Guê- 
piers, ou  dans  des  trous  d'arbres,  comme  les  Pies.  Dans  le 
temps  de  la  maturité  du  raisin,  ils  font  beaucoup  de  dégâts 
dans  les  vignes;  ils  sont  très  délicats  à  manger  dans  cette 
saison.  Le  ramage  du  Spréo  ressemble  à  celui  de  notre  Etour- 
neau.  (Le  Vaillant.) 

ô"  Le  Merle  Évêque  [Pholidanges  leucogaslrr).  —  Se 
distingue  des  divers  Merles  métalliques  par  son  plumage  d'un 
violet  pourpre  à  redets  bleu  d'acier,  les  plumes  de  la  base  du 

20  Avril  1893.  23 


354  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

COU,  du  dos  et  du  croupion,  marquées  près  de  l'extrémité  d'une 
taclie  transversale  bleue  et  terminées  de  violet-pourpre,  poi- 
trine et  abdomen  blancs.  Chez  la  femelle,  les  plumes  des  par- 
ties supérieures  sont  brunes  bordées  de  roux  pâle.  Le  jeune 
en  premier  plumage  ressemble  à  la  femelle.  C'est  sur  le  dos, 
le  croupion  et  les  ailes  que  commencent  à  se  montrer  les  pre- 
mières plumes  d'un  violet  pourpre  du  plumage  parfait. 

Ce  superbe  oiseau  habite  le  centre  de  l'Afrique  et  atteint 
dans  ses  migrations  l'Ouest  de  l'Arabie.  Il  est  répandu  dans 
les  forêts  arrosées  de; cours  deau,  les  bois  clairsemés  des 
steppes  et  les  plateaux  des  montagnes  où  il  niche  dans  les 
rochers;  dans  la  plaine  il  niche  dans  les  buissons  touffus.  Le 
Congo  possède  une  espèce  différant  légèrement,  le  PhoUdauges 
Verreauxii  :  on  le  trouve  dans  les  possessions  portugaises 
d'Angola,  dans  l'intérieur  de  Benguella  et  sur  les  bords  du 
Cunène.  Andersson  et  Chapman  la  rencontrèrent  dans  le  pays 
des  Damaras  et  dans  la  région  des  Lacs.  Au  Nord  du  Zaïre, 
MM.  Falkenstein  (1)  et  Lucan  l'ont  recueillie  à  Landana  Chin- 
chonxo,  sur  la  côte  de  Loango.  Brehm  a  observé  la  Merle 
Évêque  en  Abyssinie,  sur  les  montagnes  de  Habesch,  à  l'alti- 
tude de  3,500  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer;  il  y  niche 
en  juin-juillet.  Il  le  rencontra  généralement  par  famille  de 
six  à  vingt  individus  et,  après  l'époque  de  la  pariade,  en  nom- 
breuses bandes.  Les  deux  PJwlidauges  leucogasger  et  Ver- 
reauxii ont  été  trouvés  à  Rustenberg  (Transvaal)  par  Th. 
Ayres  (Ibis  (5),  vol.  4,  p.  282,  298).  Le  Ph.  Verreauxii  se 
trouve  en  mai  le  long  de  la  rivière  Gambie  et  disparaît  en 
juin,  se  retire  alors  à  l'Est  jusque  Natal.  Cet  oiseau  a  les 
mœurs  et  se  nourrit  comme  les  Lamprotornidés, 

(1)  Loango  Expédition  D'  Falkenstein, 


LES   TRAVAUX 


DE 


NOS  LABORATOIRES  DE  L'AUDE  ''' 

Par  m.  Amédée  BERTHOULE, 


Secrétaire  général. 


Avant  d'exposer  la  situation  actuelle  de  nos  laboratoires 
de  l'Aude,  que  j'ai  eu  l'occasion  de  visiter,  en  janvier  der- 
nier, il  n'est  peut-être  pas  hors  de  propos  de  faire  un  rapide 
retour  en  arrière,  en  nous  reportant  à  la  dernière  commu- 
nication dont  ils  ont  fait  l'objet  en  séance  générale. 

Vers  le  milieu  de  l'hiver  1891,  nous  avions  eu,  s'il  vous  en 
souvient,  la  bonne  fortune  de  recevoir,  dans  les  conditions 
les  plus  favorables,  un  envoi  de  près  de  100,000  œufs  de 
Salmo  Quinnat.  C'était  un  nouveau  don  de  la  Commission 
fédérale  des  États-Unis,  envers  laquelle  nous  avons  contracté 
une  très  ancienne  dette  de  reconnaissance.  L'expédition  avait 
été  entourée  de  tels  soins,  la  traversée  fut  si  heureuse,  qu'à 
l'arrivée,  les  pertes  subies,  pendant  le  long  voyage  de  l'ouest 
Amérique  en  France,  étaient  absolument  insigniliantes  et  ne 
s'élevaient  pas  au  delà  de5à6  7„,  ce  qui  ne  s'était  encore 
jamais  produit.  Les  éclosions  se  poursuivirent  également 
bien,  sans  mortalité  anormale  ;  les  alevins  se  montrèrent 
vigoureux,  et  au  bout  de  quelques  semaines,  nos  laboratoires 
étaient  peuplés  d'une  colonie  très  nombreuse,  alerte  et 
pleine  de  santé.  Outre  les  derniers  venus,  on  y  comptait 
plusieurs  centaines  d'individus  des  deux  générations  précé- 
dentes, conservés  en  vue  de  la  reproduction  artificielle  qu'on 
pouvait  en  attendre. 

Entre  temps,  les  laboratoires  avaient  été  dotés  d'un  complé- 
ment de  matériel  ami)lement  suffisant  pour  faire  face  dans 
l'avenir  à  des  incubations  si  importantes  qu'elles  fussent. 

D'autre  part,  en  même  temps  qu'on  donnait  aux  jeunes  tous 

M)  Compte  rendu  sténographique  d'une  communication  faite  en  séance  géné- 
rale le  3  mars  18'J3. 


356  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

les  soins  désirables,  le  service  des  Ponts  et  chaussées  s'occu- 
pait d'assurer  le  libre  passage  du  poisson  sur  tout  le  cours  du 
fleuve. 

L'Aude  est  un  torrent  capricieux,  toujours  rapide  dans  sa 
partie  supérieure,  sujet  à  des  crues  subites  autant  que  redou- 
tables, et  coupé  de  chutes  difficiles  à  franchir.  Il  était  essen- 
tiel, pour  rendre  possibles  les  migrations  des  nouveaux  hôtes 
de  ses  eaux,  de  pourvoir  chaque  barrage  d'échelles  convena- 
blement aménagées.  Oh  a  utilisé  pour  cela  les  anciens  trous 
de  flottage,  autrefois  appropriés  pour  la  circulation  du  bois, 
mais  depuis  un  certain  temps  sans  intérêt  par  suite  de  la 
disparition  des  forêts,  ou  de  la  création  de  scieries  hydrau- 
liques dans  les  hautes  vallées.  Trente- deux  échelles  fonc- 
tionnent actuellement  de  Quillan  à  l'embouchure  du  fleuve. 

Enfin,  pour  atteindre  l'objectif  que  nous  nous  étions  pro- 
posé dès  le  début,  il  fallait  creuser  des  viviers  assez  spacieux 
pour  y  entretenir  en  permanence  un  certain  nombre  de 
sujets  reproducteurs.  En  eff'et,  pour  être  complète,  l'expé- 
rience d'acclimatation  entreprise  ne  devait  pas  se  borner  à 
l'éclosion  des  œufs  à  demander  à  l'Amérique,  ces  arrivages 
étant  toujours  incertains  et  entourés  de  difficultés;  son 
succès  dépendait  bien  plus  encore  de  la  production  de  généra- 
tions obtenues  sur  place  ;  c'est  pourquoi  nous  n'avions  cessé 
de  demanderinstamment  l'établissement  de  bassins  suffisants 
pour  conduire  nos  Saumons  jusqu'à  leur  quatrième  ou  cin- 
quième année. 

Les  choses  n'allèrent  pas,  malheureusement,  aussi  vite  que 
nous  le  désirions.  Des  difficultés  de  diverse  nature  entravè- 
rent ces  travaux,  qui  ne  purent  être  achevés  en  temps  voulu. 

Après  deux  années,  nos  jeunes  se  trouvaient  encore 
entassés  dans  des  réservoirs  beaucoup  trop  petits  pour  leur 
nombre  et  pour  leur  âge  :  ils  y  étaient  gênés  et  exposés  aux 
accidents  et  aux  épidémies  si  fréquents  en  cas  pareil.  Ce 
n'est  qu'au  commencement  de  l'année  dernière  qu'on  put  les 
mettre  plus  au  large  dans  les  nouveaux  bassins.  La  petite 
colonie  comprenait  à  ce  moment  138  sujets  de  1888,  mesurant 
0'",30  à  0"',40  de  longueur  ;  565  de  0"\15  à  0"',25,  provenant  des 
éclosions  suivantes,  et  1982  de  la  dernière  génération  (1891)  ; 
ceux-ci  étaient  maintenus  dans  les  petits  bassins  de  Gesse. 

Dès  l'automne  de  1891,  on  avait  sous  la  main  un  nombre 
considérable  de  beaux  poissons   parfaitement    adultes,   qui 


LES  TRAVAUX  DE  NOS  LABORATOIRES  DE  L'ALDE.      357 

promettaient  une  ponte  prochaine  ;  mais  des  circonstances 
multiples  retardèrent  la  récolte  jusque  fin  octobre,  et  au 
moment  oii  on  allait  enfin  pouvoir  y  procéder,  toute  l'atten- 
tion du  service  en  fut  de  nouveau  détournée  par  de  fâcheux 
événements.  Des  inondations,  telles  qu'il  n'y  en  avait  jamais 
eu,  de  mémoire  d'homme,  désolèrent  le  pays  ;  la  rivière  subi- 
tement débordée  roulait  ses  eaux  furieuses,  causant  sur  son 
passage  d'énormes  désastres.  Le  personnel  des  Ponts  et 
chaussées  s'absorba  dans  la  lutte  contre  le  torrent,  et  l'hiver 
se  passa  à  réparer  les  ruines  qu'il  avait  causées. 

Le  printemps  venu,  il  était  trop  tard  pour  penser  aux 
récoltes  d'œufs.  Les  prisonniers  avaient  souffert  de  leur 
claustration  prolongée  dans  une  prison  dans  laquelle  ils 
n'avaient  pas  pu  eflféctuer  leur  ponte,  et  se  trouvaient  par 
suite  dans  des  conditions  détestables.  Aussi  bien,  une  cruelle 
mortalité  ne  tarda- t-elle  pas  à  sévir  dans  leurs  rangs  :  «  Ils 
ne  mouraient  pas  tous,  mais  tous  étaient  frappés.  » 

Les  premières  chaleurs  eurent  raison  des  plus  résistants, 
et  bientôt  il  ne  restait  plus  que  de  rares  survivants  de  cette 
colonie  naguère  si  prospère  ;  encore  étaient-ils  eux-mêmes 
anémiés  et  atteints  de  langueur.  En  quelques  semaines,  toutes 
les  espérances  se  trouvaient  irrévocablement  anéanties. 

Quatre  sujets  me  furent  adressés,  mais  un  peu  tard,  le 
mal  était  alors  sans  remède.  L'examen  de  ces  dépouilles  lais- 
sait voir  le  funeste  envahissement  du  Saprolegnia  ;  il  per- 
mettait aussi  de  conclure  sans  hésitation  que,  parmi  les 
causes  de  mort,  la  principale  était  le  défaut  de  ponte.  Ces 
pauvres  animaux  avaient  dû  rester  chargés  de  leurs  œufs 
dont  la  résorption  ne  s'était  pas  faite;  leur  décomposition 
interne  avait  amené  fatalement  une  inflammation  mortelle. 

Le  bien  sort  quelquefois,  dit-on,  de  l'excès  du  mal.  Tout 
me  porte  à  espérer  qu'il  en  sera  ainsi  pour  notre  grande  et 
belle  entreprise.  De  telles  épreuves  sont  toujours  fertiles  en 
utiles  enseignements. 

Depuis  ces  mauvais  jours,  les  viviers  ont  été  complètement 
achevés  et  l'entrée  de  l'eau  y  a  été  heureusement  modifiée. 
Ils  sont  au  nombre  de  deux,  conniris  dans  un  espace  clos  de 
murs  élevés  qui  les  abritent  contre  les  maraudeurs.  Chacun 
d'eux  mesure  10  mètres  de  longueur,  sur  T  à  8  mètres  de 
large  et  l'",50  à  2  mètres  de  creux.  Le  fond  est  bétonné,  les 
parois  sont  en  glacis,  gazonnées  à  leur  partie  supérieure.  Tls 


338  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

sont  alimentés  par  les  eaux  d'une  magnifique  source,  qui  sort 
du  rocher  à  quelque  cinquante  mètres  de  là.  Cette  source,  soi- 
gneusement captée,  est  reçue  dans  un  bac  collecteur,  sorte  de 
cliâteau-d'eau,  sur  lequel  est  branchée  une  double  conduite 
en  tuyaux  de  0™,10  de  diamètre  intérieur.  Les  tuyaux  se 
relèvent  en  siphon  dans  les  viviers,  et  l'eau  en  jaillit  avec 
force  de  façon  à  assurer  l'aération  de  la  masse.  Une  toiture 
sur  charpente  recouvre  un  tiers  environ  des  réservoirs , 
formant  pour  le  poisson  abri  contre  le  soleil,  d'ailleurs  peu 
redoutable  dans  ces  fonds  de  gorges  où  il  ne  pénètre  guère 
que  quelques  heures  durant,  au  milieu  de  l'été. 

Cette  installation,  parfaitement  comprise,  est  voisine  du 
laboratoire  de  Gesse,  sur  la  rive  gauche  de  l'Aude  dans 
laquelle  se  déverse  le  trop  plein  des  eaux  ;  elle  occupe  un 
terrain  acquis  en  toute  propriété  à  cette  fin  par  l'adminis- 
tration. 

En  somme,  on  peut  tenir  désormais  pour  complet  l'amé- 
nagement des  laboratoires  ;  notre  entreprise  va  donc  entrer 
dans  sa  phase  la  plus  intéressante  et  la  plus  active. 

La  population  des  viviers  se  compose  d'environ  1,500  indi- 
vidus des  éclosions  de  1891,  tout  le  surplus  des  incubations 
de  cette  année- là  ayant  été  mis  en  liberté  dans  la  rivière; 
ils  paraissent,  d'ailleurs,  se  plaire  dans  ses  eaux,  car  on  en 
capture  fréquemment,  trop  fréquemment  même,  sur  tout  son 
cours;  pendant  notre  voyage,  on  nous  en  a  signalé  deux,  du 
poids  de  3  kilogrammes  l'un,  qui  s'étaient  laissés  prendre  en 
franchissant  la  dernière  échelle  d'aval,  par  conséquent,  au 
moment  où  ils  allaient  gagner  la  mer.  Ils  n'étaient  pas  seuls, 
assurément,  à  accomplir  cette  migration  ;  espérons  qu'on  les 
verra  bientôt  effectuer  le  voyage  de  retour. 

L'alimentation  des  pensionnaires  de  Gesse  se  composait 
précédemment  de  mous  de  veau,  de  bœuf  ou  de  mouton,  avec 
lesquels  on  hachait  du  hareng  ;  mais  le  prix  d'achat,  auquel 
s'ajoutaient  les  frais  de  transport  de  Carcassonne,  constituait 
une  dépense  excessive,  que  le  budget  restreint  des  labora- 
toires ne  pouvait  pas  permettre  de  supporter  longtemps  (1). 


(I)  D'après  une  note  de  M.  Albouy,  conducteur  des  ponts  et  chaussées,  notre 
très  zélé  collaborateur,  la  dépense  mensuelle  se  décomposait  ainsi  :  4Î2  kil. 
mous  de  mouton  à  0  Ir.  50  =  206  l'r.  ;  15  kil.  mous  de  veau  à  0  Ir.  80  =  12  fr.  ; 
16  kil.  mous  de  bœuf  à  0  fr.  70  =  11  fr.  20;  transport,  34  fr.  10.  Total  — 
263  fr.  30. 


LES  TRAVAUX  DE  NOS  LABORATOIRES  DE  L'AUDE.  351 

Nous  avons  insisté  pour  qu'on  adoptât  la  viande  de  cheval, 
dont  le  prix  de  revient  et  la  salaison  en  barils  sont  à  très  bon 
marché,  et  qui,  si  on  prend  soin  de  choisir  les  meilleurs 
morceaux,  constitue  une  nourriture  parfaitement  saine  et 
beaucoup  plus  substantielle.  Les  poissons  s'y  font  en  peu  de 
temps  et  s'en  trouvent  très  bien.  Au  surplus,  l'expérience  a 
été  faite  dans  tous  les  grands  établissements  d'élevage,  avec 
des  résultats  aujourd'hui  absolument  acquis.  Il  y  aura,  de  ce 
chef,  une  économie  considérable,  sans  le  moindre  dommage  à 
redouter  pour  la  culture. 

Les  gardes-pèche  ou  cantonniers  préposés  aux  laboratoires 
sont  soigneux,  assidus  et  très  au  courant  des  diverses  mani- 
pulations intérieures  ;  par  une  sage  prévoyance,  M.  l'Ingé- 
nieur en  chef  a  voulu  également  qu'ils  se  fissent  la  main  in 
anima  vili,  sur  de  simples  truites  de  rivière,  pour  les  fécon- 
dations artificielles.  Ils  y  ont  pleinement  réussi.  Nous  avons 
même,  pendant  notre  séjour  à  Gesse,  recueilli  sous  leurs 
yeux  les  œufs  d'une  femelle  de  S.  Quinnat,  la  seule  qui  fût 
à  maturité.  A  cet  égard,  ils  ont  donc  l'acquit  nécessaire  pour 
les  opérations  et  les  travaux  subséquents. 

Il  est,  dès  à  présent,  permis  de  prévoir  que  la  campagne 
prochaine  sera  féconde.  Les  1,500  sujets  actuellement  en 
stabulation  seront,  à  l'automne,  en  bonne  forme  pour  effectuer 
une  première  ponte,  qui,  si  elle  peut  être  faite  normalement, 
donnera  des  produits  abondants.  Ces  produits  auront  une 
grande  valeur  pour  nous,  car  ils  proviendront  de  sujets 
ayant  déjà  réalisé  un  degré  d'acclimatement  dans  nos  eaux. 

D'autre  part,  M.  le  colonel  Mac  Donald,  l'éminent  commis- 
saire fédéral,  dans  une  lettre  qu'il  nous  faisait  l'honneur  de 
nous  écrire,  à  la  date  du  6  janvier  dernier,  nous  donne 
l'espoir  qu'il  nous  sera  adressé  avant  la  fin  de  cette  année, 
une  expédition  d'œufs  de  Californie.  Nous  ne  saurions  trop 
nous  réjouir  de  l'annonce  de  cette  nouvelle  largesse  si  pré- 
cieuse pour  le  succès  de  nos  travaux,  et  nous  en  exprimons 
à  l'avance  notre  gratitude  à  la  généreuse  commission  des 
pêcheries. 

La  visite  que  je  viens  de  faire  à  Quillan  et  à  Gesse  n'avait 
pas  seulement  pour  but  de  juger  de  l'aménagement  des  labo- 
ratoires ,  de  l'état  de  leurs  travaux  et  de  leur  situation 
présente,  elle  devait,  en  outre,  montrer  l'intérêt  soutenu 
que  notre  a.ssociation   attache  à  la  bonne  conduite  et  à  la 


360  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

suite  des  opérations  qui  y  sont  pratiquées.  Nous  ne  croyons 
pas  nous  abuser  en  en  tirant  les  meilleurs  augures. 

Je  ne  saurais  mieux  faire,  en  terminant  ce  rapide  compte 
rendu,  que  de  vous  citer  les  dernières  paroles  adressées  par 
M.  l'Ingénieur  en  chef  à  ses  subordonnés ,  comme  lui  sincère- 
ment dévoués  à  notre  œuvre,  car  elles  montrent,  d'une  ma- 
nière manifeste,  tout  l'intérêt  qu'il  y  prend  :  «...  Consi- 
dérez, Messieurs,  que  ce  à  quoi  j'attache  le  plus  d'importance 
dans  votre  service,  ce  sont  les  travaux  des  laboratoires  de 
Gesse  et  de  Quillan,  travaillez  donc  en  conséquence. . .  » 

Une  direction  ainsi  donnée  ne  peut  manquer  d'être  féconde. 
Rien  n'est  plus  propre,  en  vérité,  à  effacer  la  fâcheuse  impres- 
sion des  pertes  regrettables  subies  l'an  dernier,  et  à  nous 
inspirer  pour  l'avenir  pleine  confiance  dans  le  succès  d'une 
entreprise  qui,  par  son  objet  même  et  par  sa  portée  écono- 
mique, est  une  entreprise  véritablement  nationale. 


COMPTE   RENDU 

DE    SES 

CULTURES  D'IGNAMES  ET  DE  STAGHYS 

Par  m.  Paul  CHAPPELLIER. 
Séance  du  25  décemlre  4892.. 


Stachys.  —  A  l'une  des  séances  de  mars  1892,  je  vous  ai 
présenté  une  nouvelle  espèce  de  Stachys  que  je  venais  de 
recevoir  de  la  Floride,  sur  laquelle  l'expéditeur  ne  m'avait 
donné  aucun  renseignement.  Ayant  cultivé  cette  plante,  je 
puis  aujourd'hui,  en  vous  la  présentant  de  nouveau,  vous 
fournir  quelques  détails  à  son  sujet. 

La  végétation  a  été  très  faible,  tiges  d'à  peine  20  centi- 
mètres de  hauteur,  tandis  que  celles  des  Stachys  chinois 
atteignent  50  à  60  centimètres  au  moins.  J'attribuai  d'abord 
cette  faiblesse  de  végétation  à  ce  fait  que  les  tubercules 
m'étaient  parvenus  dans  une  saison  tardive  et  qu'ils  avaient 
pu  souffrir  d'une  assez  longue  exposition  à  l'air,  comme  cela 
a  lieu  pour  toutes  les  espèces  de  Stachys  à  rhizomes  ;  aussi, 
je  m'attendais  à  n'obtenir  à  l'arrachage  qu'une  bien  faible 
récolte  ;  j'ai  été  agréablement  surpris,  en  trouvant  au  con- 
traire à  chaque  pied  des  tubercules  en  grand  nombre  et 
d'une  grosseur  exceptionnelle,  comme  vous  pouvez  en  juger 
par  les  spécimens  que  je  dépose  sur  le  Bureau.  Ainsi,  avec 
une  faible  végétation  aérienne,  production  abondante  de  très 
gros  rhizomes  souterrains,  donc,  succès  complet  de  ce  côté. 
Malheureusement  la  dégustation  a  donné  ua  résultat  beau- 
coup moins  favorable  que  la  culture  ;  la  saveur  est  âpre  et 
sauvage.  Pour  essayer  de  corriger  ce  défaut,  j'ai  fait  cuire 
les  tubercules  à  deux  eaux  successives,  après  les  avoir  divi- 
sés en  plusieurs  morceaux  en  long  ou  en  travers.  Ainsi  pré- 
parés, ils  sont  mangeables,  mais  ils  ne  constituent  pas  un 
légume  vraiment  comestible  qui  mérite  d'être  livré  l\  la  con- 
sommation. 

Est-ce  une  raison  pour  l'abandonner  ?  Je  ne  le  [)cnse  pas. 

D'abord  il  ne  faut  pas  <niblier  que  ce  Stachys  était  encore. 


362 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


il  y  a  six  mois,  à  l'état  sauvage  dans  sa  station  d'origine  ; 

fiuelqiies    années    de    culture    ne    pourraient- elles   adoucir 

l'âpreté  de  sa  saveur  comme  cela  a  eu 
lieu  pour  d'autres  légumes?  Puis  il  a 
fleuri  dès  cette  année  malgré  sa  plan- 
tation tardive,  et  il  est  probable  qu'a- 
vec une  culture  plus  régulière,  il  fleu- 
rira abondamment  et  donnera  des 
graines  dont  le  semis  produira  vrai- 
semblablement des  variétés  améliorées. 
Enfin  ce  sera  un  sujet  précieux  à 
faire  intervenir  dans  l'hybridation  avec 
ses  congénères,  le  Tuberifera,  qui  est 
de  trop  laible  volume,  et  manque  un 
peu  de  goût,  et  le  Palustris  qui  est  à 
peine  tubérifié,  même  celui  de  la  va- 
riété de  Noyon. 

Ce  n'est  donc  pas  aux  maraîchers, 
ni  aux  propriétaires,  que  je  recom- 
mande dès  aujourd'hui  le  Fboridana, 
mais  seulement  aux  chercheurs,  aux 
semeurs,  aux  hybridateurs. 

Ignames.  —  Je  persévère  dans  mes 
tentatives  de  création  d'une  variété  à 
tubercules  courts. 

L'année  1892  m'a  donné  près  de  500 
graines  de  bonne  apparence  et  une  cin- 
quantaine de  jeunes  tubercules  prove- 
nant de  graines  récoltées  en  1891.  La 
plupart  de  ces  tubercules  retournent, 
comme  il  fallait  s'y  attendre,  au  type 
lusiforme  ;  une  dizaine  seulement  que 
je  dépose  sur  le  Bureau,  ont  une  forme 
bien  moins  allongée  ;  mais  je  ne  me  fais 
i,^i^.,/._jea..es  tubercule,  pas  beaucoup  d'illusious  à  leur  égard, 
d'Ignames  issus  d'un  se-  gâchant  par  expérience  que  cette  forme 
"  raccourcie  spéciale  à  la  première  année 

qui  suit  le  semis  pourra  bien  s'allonger 
dès  l'été  prochain.  C'est  ce  qui  est  arrivé  aux  cinq  jeunes  se- 
mis de  1891  que  je  vous  avais  présentés  le  8  janvier  1892. 


mis  de   1892,  réduits  aux 
deux   tiers. 


Fig.  i.  —  Tige  d'Igname  mâle  portant  en  même  temps  des  fleurs  mâles 
et  des  fruits,  grandeur  naturelle. 


364  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Toutefois,  parmi  les  10  que  je  mets  sous  vos  yeux,  il  en  est 
deux  (fig-.  1,  page  362),  sur  lesquels  j'appelle  votre  attention 
et  qui  me  semblent  mériter  une  mention  spéciale  en  raison  de 
leur  forme  presque  spliérique  bien  caractérisée.  Je  ne  puis 
m'empêclier  de  fonder  un  certain  espoir  sur  ces  deux  sujets  ; 
je  vous  dirai  dans  un  an  si  cette  espérance  s'est  réalisée  ou 
si  elle  a  été  déçue. 

Avant  de  terminer,  permettez-moi  de  vous  signaler  une 
particularité  qui  pourra,  je  l'espère,  vous  intéresser. 

On  sait  que  l'Igname  est  une  plante  dioïque,  c'est-à-dire 
que,  parmi  ses  pieds,  les  uns  ne  produisent  que  des  fleurs 
mâles,  et  les  autres  que  des  fleurs  femelles.  Or.  j'ai  trouvé 
cette  année,  sur  un  pied  mâle,  un  épi  portant  en  même  temps 
des  fleurs  mâles  et  des  fleurs  femelles,  et  ces  dernières  ont 
donné  naissance  à  des  fruits  parfaitement  conformés,  que  je 
mets  sous  vos  yeux  (fig.  2,  page  363).  Je  ne  crois  pas  que 
cette  anomalie  ait  jamais  été  signalée  sur  l'Igname. 

Elle  présente  donc  un  certain  intérêt,  non  seulement  au 
point  de  vue  botanique,  mais  encore  au  point  de  vue  pra- 
tique. En  eff'et,  si  ces  capsules  renferment  des  graines  fer- 
tiles, ne  peut- on  espérer  que  les  individus  qui  sortiront  de 
ces  graines  soient  hermaphrodites  ou  au  moins  polygames? 
N'a-t-on  pas  dit  que  les  fleurs  de  l'Igname  ne  deviennent 
purement  femelles  que  par  suite  de  l'avortement  des  éta- 
mines  ?  Si  l'Igname,  au  lieu  de  ne  donner  que  des  fleurs  uni- 
sexuées  dioïques,  devenait  hermaphrodite  ou  polygame,  cette 
transformation  supprimerait  ou  réduirait  de  beaucoup  la 
difficulté  de  la  fécondation  artificielle,  amènerait  une  produc- 
tion naturelle  et  abondante  de  graines,  et  rendrait  plus  facile 
la  réalisation  du  desideratum  de  notre  Société  :  création 
d'une  variété  à  tubercules  courts  et  de  facile  arrachage. 

On  peut  dire  encore  que  cette  modification  importante  — 
fleurs  hermaphrodites  remplaçant  des  fleurs  unisexuées 
dioïques,  —  constituerait  au  plus  haut  degré  l'ébranlement  de 
la  stabilité.  On  sait  que  cet  ébranlement  est  l'une  des  condi- 
tions qui  favorisent  le  plus  la  tendance  des  plantes  à  produire 
des  variétés. 


RENSEIGNEMENTS 


SUR 


DES  PLANTES  DE  TERRAINS  SALANTS 

SALT-BUSHES,  KENDYR,  LUZERNE  DU  TURKESTAN 
MELITOLUS  DI:NTAT0B,  etc. 

ftXÏRAIT    DUNE    LETTRE    ADRESSÉE    A     M.    LE    PRESIDENT 

PAR  M.  Jean  VILBOUGHEVITCH. 


L'enquête  sur  les  Sall-bushes,  que  la  Société  a  bien  voulu 
ni'aider  à  organiser,  continue  à  amener  des  renseignements 
variés.  Voici  c|eux  lettres  de  M.  J.-J.  Bosc,  propriétaire 
camargois  et  directeur  du  Bas-Rhùne,  journal  agricole  heb- 
domadaire paraissant  à  Nîmes.  Elles  répondent  à  une  ques- 
tion que  j'avais  directement  posée  :  à  savoir  qu'on  me  nommât 
les  agriculteurs  du  Midi  ayant  essayé  de  cultiver  les  Salt- 
dushes;  je  n'avais  pu  obtenir  par  moi-même  qu'un  seul  témoi- 
gnage, celui  de  notre  collègue,  M.  Louis  Reich,  dont  les  appré- 
ciations ont  été  publiées  dans  la  notice-questionnaire.  Je  laisse 
la  parole  à  M.  Bosc  : 

/"-"  Lettre  :  «  J'ai  moi-même  essayé  dans  ma  proprie'té  de  Laforêt  des 
Salt-biishes  dont  les  graines  m'avaient  été  cnvoye'es  par  M.  Naudin  ; 
quelques  plantes  s'étaient  bien  développées  dans  le  jardin,  et  au  prin- 
temps dernier,  j'en  avais  transplanté  une  certaine  quantité  dans  un 
terrain  contenant  une  certaine  proportion  de  sel.  La  sécheresse  de  l'e'te' 
leur  avait  beaucoup  nui  et  je  crains  fort  que  l'hiver  rigoureux  ne  les 
ait  complètement  détruites.  Je  n'ai  pas  du  reste  grande  confiance  dans 
la  valeur  de  celte  plante  comme  fourrage.  . . 

»  Votre  note  sur  le  Peuplier  de  l'Euphrate  que  je  viens  de  par- 
courir m'a  particulièrement  intéressé.  Si  cet  arbre  s'acclimatait  dans 
notre  pays  et  pouvait  ve'géler  dans  nos  sols  salés  un  peu  secs,  il  ren- 
drait d'immenses  services.  Dans  le  cas  où  vous  auriez  des  graines  ou 
des  boutures  de  diverses  plantes,  je  me  mets  volnnlicis  à  votre  dispo- 
sition pour  les  essais  à  faire. . . 


366  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

»  Ma  propriété  de  Laforêt  contient  des  sols  de  nature  bien  difife'- 
rente  :  argilo-calcaire,  silice-calcaire  et  argilo-siliceux,  bien  sains 
dans  certaines  parties,  légèrement  salés  dans  d'autres  qui  pourraient 
convenir  pour  des  essais. 

2'^  Lettre  :  «  Au  sujet  des  Salt-bushes ,  c'est  le  Chenopodiurn  nitrariaceum 
que  M.  Naudin  m'avait  adressé.  Les  premières  graines  qu'il  m'avait 
envoyées  pendant  Ihiver  1891  étaient  déjà  anciennes;  sur  environ 
15  grammes  je  n'ai  eu  qu'environ  40  à  50  plantes.  La  première  année 
la  pousse  a  atteint  sur  une  seule  tige  environ  ()^,2ô  de  hauteur.  L 
l'automne  1892  celles  de  ces  plantes  qui  étaient  restées  en  place  dans 
le  jardin  potager  de  ma  propriété'  de  Laforêt  avaient  atteint  environ 
G™, 50  el  s'étaient  très  ramifiées,  la  tige  devenue  ligneuse  était  très 
dure  même  sur  les  petites  ramifications  ;  chaque  plante  avait  environ 
0'",25  de  circonférence.  Elles  ont  parfaitement  graine.  J'avais  au 
printemps  1892  transplanté  la  moitié  de  ces  plantes  dans  un  terrain 
dont  une  partie  était  un  peu  salée.  Après  avoir  repris,  ces  plantes 
ont  beaucoup  souffert  de  la  sécheresse  ;  une  ]}artie  s'était  séche'e,  les 
tig3S  de  quelques-unes  jusqu'au  ras  de  terre. 

»  A  la  suite  des  froids  de  cet  hiver  tous  les  Salt-bushes  qui  étaient 
restés  verts,  aussi  bien  dans  le  jardin  qu'en  plein  champ,  ont  jauni  ; 
j'espère  ne'anmoins  qu'ils  repousseront  au  printemps. 

»  Au  mois  de  janvier  1892,  étant  à  Nice,  j'allai  voir  M.  Naudin  qui 
me  remit  de  la  graine  récolte'e  par  lui  en  1891,  que  j'ai  semé',  au  prin- 
temps. La  réussite  n'a  pas  été'  meilleure  que  mes  semis  de  1891,  les 
plantes  qui  ont  atteint  à  peu  près  la  même  dimension  se  sont  jaunies 
également  cet  hiver.  Notre  hiver  a  e'te'  excessivement  sec  et  si  les 
Salt-bushes  ont  souffert  du  froid  ils  n'ont  pas  eu  à  souSrir  de  l'hu- 
midité. » 


II 


Vous  TOUS  souvenez  que  M.  Mac-0^van,  botaniste  du  gou- 
vernement du  Cap  de  Bonne-Espérance,  a  répondu  à  notre 
questionnaire  par  l'envoi  d'un  travail  imprimé  sur  les  plantes 
fourragères  spontanées  de  la  colonie  en  général. 

C'est  un  tirage  à  part  d'une  impression  faite  en  1887  dans  le 
South  African  AgriculturisVs  Almanach,  et  c'est  la  tr(3isième 
édition,  augmentée,  d'un  rapport  présenté  par  M.  Mac-Owan, 
en  1817,  à  une  «  Commission  gouvernementale  pour  l'examen 
des  Causes  de  la  dégradation  des  pâturages  et  des  maladies 
du  bétail  ».  Cette  destination  spéciale  se  reconnaît  bien  dans 
tous  les  passages  du  mémoire;  elle  ne  lui  en  donne,  d'ailleurs, 
qu'encore  plus  de  mérite;  je  me  borne,  pour  le  moment,  à 


ENQUÊTE  SUR  LES  PLANTES  DES  TERRALXS  SALANTS.    367 

VOUS  donner  la  traduction  du  passage  annoté  d'un  trait  rouge 
par  Fauteur  et  qui  répond  aux  questions  posées  au  sujet 
des  Salt-bushes  : 

«  V Atriplex  Halimus  L.  var.  Capensis,  le  «  Vaal  Bosjc  »  des  Boërs, 
couvre  des  surfaces  considérables  de  sol,  impre'gné  de  «  soda  »  (1)  ; 
géne'ralement  elle  est  entremêlée  d'autres  plantes  et  arbustes  d'une 
valeur  fourragère  analogue,  parmi  lesquelles  on  remarque  des  Kochia 
pubescens  Moq.,  Oaroxijlon  salsola  Thunb.,  Tetragonia  arbusmila  Fenzl., 
Exoniis  axyrioiies  Fenzl.,  et  diverses  espèces  de  Giinus  et  de  Ga~ 
lenia.  Toutes  ces  plantes  sont  broutées  par  les  bestiaux,  mais  ceux- 
ci  ne  les  appre'cient  pas  toutes  de  même  ;  je  viens  de  les  onume'rer 
précisément  dans  l'ordre  de  la  pre'fo'rence  que  les  bestiaux  leur 
témoignent.  De  toutes  ces  plantes,  le  «  Vaal  Bosje  ->  est  la  seule  qui 
se  prêle  à  une  propagation  rapide.  A  l'eucontre  de  ses  compagnons, 
cet  arbuste  fournit  des  graines  que  l'on  n'a  point  de  peine  a  re'colter, 
qui  conservent  longtemps  leur  faculté'  germinative  et  germent  vi;e. 
Pour  ce  qui  est  de  la  dégradation  par  excès  de  pacage  «  overtocking  », 
je  constate  que  les  Moutons  causent  infiniment  moins  de  tort  au 
«  Vaal-Bosje  »  que  les  Chèvres  ;  ces  dernières  ont  la  fâcheuse  habi- 
tude de  pie'tiner  les  rameaux  late'raux  pour  atteindre  les  pousses 
parliculièremeut  tendres  du  sommet  ;  or,  les  Salsolace'es  arbustives 
sont  géne'ralement  fragiles,  et  un  semblable  piétinement  leur  cause 
plus  de  dommage  que  ne  l'aurait  fait  le  broutage  proprement  dit  le 
plus  féroce.  VAtriplex  Halimus  var.  Capensis  est  un  fourrage  particu- 
lièrement utile  pour  changer  de  nourriture  les  Moutons  et  Autruches, 
qui  accusent  des  signes  d'infection  par  les  parasites  intestinaux.  Il  v 
aurait  à  ménager  ses  stations  naturelles,  et  à  le  propager  artificiel- 
lement par  le  semis  sur  des  surfaces  suffisantes,  partout  où  il  existe 
dans  la  colonie  des  terrains  salants  «  bra]\'  grounds  ». 

»  M.  le  baron  Ferd.  von  Mueller,  de  Melbourne,  a  eu  l'obligeance 
de  m'envoyer,  à  plusieurs  reprises,  des  graines  ii' A  triplex  nummiilaria 
Lindl.,  A  cinerea  Poir.,  Kochia  seclifoUa  F.  Muell.  et  d'autres  «  Salt- 
bushes  »  australiens  ;  aucun  ne  vaut  notre  Atriplex  indigène,  mais  je 
ne  doute  point  qu'ils  s'adapteraient  parfaitement  à  notre  sol  et  à  notre 
climat.  M.  Garwood  Alston,  à  Van  Wyic's  Vley,  va  d'ailleurs  en  tenter 
l'expe'rience  sur  sa  vaste  concession  de  terrains  alcalins. 

»  Tous  les  intervalles  entre  les  pieds  d'Atriplex  sont  géne'ralement 
comblés  par  diverses  espèces  de  Mesemhrianthemum  :  M.  geniculi- 
floi'um    L,    undi/lorum  L.,    communément   utilisé  pour  robleution   de 

;1)  L'auleur  entendrait-il  dire  «  sodium  i  simplement,  ou  «  carbonate  de 
sodium  •  ?  Le  point  présente  une  importance  considérable;  voj'ez  mon  iiiétr.ojix» 
«  sur  l'étude  géo-botanique  des  terrains  salants  >.  Bulletin  de  la  Suci<'l<f  bota- 
nique de  France,  l.  X.XX1X,  1892.  Session  extraordinaire  en  Algérie. 


368  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

cendres  à  savon  (carbonate  de  soude\  M.  crystaïlinum  L.,  et  M.angu- 
latum  Thunb.,  reconnaissables  aux  papilles  miroitantes  qui  couvrent 
les  feuilles  et  tiges.  Les  deux  dernières  espèces  doivent  pC)Uvoir  rendre 
de  bons  services  en  temps  de  se'cheresse,  en  raison  du  jus  aqueux  dont 
elles  sont  gorgées,  et  qui  n'est  point  salé  et  astringent  comme  celui 
des  M.  edule  L.  (,T'Goukum)  et  M.  acinaciforme  L.  (T'Gouna),  mais 
insipide.  Pendant  que  j'y  suis,  je  ferai  observer  qu'elles  sont  aussi 
excellentes  comme  herbes  potagères  ;  elles  valent  mieux  que  l'Épi- 
nard  ordinaire  des  jardins,  et  autant  que  le  Tetragronia  expansa  Murr. 
de  la  Nouvelle-Zélande. 

»  Il  va  de  soi,  que  les  végétations  de  Salt-bushes  ayant  servi  de  par- 
cours et,  pour  ainsi  dire,  d'inlîrmerie,  à  des  troupeaux  atteints  de  vers 
intestinaux,  devraient  toujoiirs  sans  de'lai  être  coupe'es  ras  de  terre, 
seche'es  et  brûlées  ;  on  de'truirait  ainsi  les  larves  évacue'es  par  les 
bêtes  dans  leurs  déjections,  en  même  temps  qu'on  aurait  un  béne'fice 
accessoire  par  le  fait  du  carbonate  de  soude  obtenu. 

»  Il  y  a  encore  d'autres  Mesenibrianthemum  croissant  en  société,  sur 
de  vastes  superficies  de  «  carroid  flats  »  (le  «  Carro  »  est  le  de'sert  du 
Cap)  ne  présentant  pas  de  caractère  net  de  terrains  salants,  et  qui 
constituent  une  excellente  pâture  ;  le  M.  fioribundum  Haw.,  remar- 
quable par  ses  spleudides  fleurs  de  couleur  pourpre,  et  le  M.  obllquum 
Haw.,  méritent  sous  ce  rapport  une  attention  particulière  ;  leur  succu- 
lence les  rend  spécialement  convenables  pour  les  Brebis  pendant  la 
période  de  lactation.  11  serait  cependant  difficile  de  propager  artificiel- 
lement ces  Me&embriantltemum,  car  les  capsules  ne  sont  pas  commodes 
à  récolter.  Si  on  voulait  tout  de  même  faire  quelque  chose  pour  favo- 
riser leur  vége'tation,  le  proce'dé  le  plus  e'conomique  consisterait  à 
combattre  dans  les  stations  naturelles  le  Bulbine  aspodeloides  Kth.  et  le 
Chysocoma  tenuifolia,  Berg.,  plantes  complètement  inutiles  et  qui  leur 
y  disputent  le  terrain  d'une  façon  intole'rable,  et  deviennent  tout  à 
fait  envahissantes  à  mesure  qu'augmente  l'encombrement  des  pâturages 
par  le  be'tail. 

»  Naturellement,  il  faudrait  aussi  laisser  ensuite  les  pâturages  en 
repos  pendant  la  durée  de  la  floraison  et  de  la  fructification  des 
Mesembrianthernum.  Je  ne  vois  cependant  pas  pourquoi  on  n'adjoindrait 
pas  à  ces  derniers  artificiellement,  le  Pentzia  virgata  Less.,  dont  les 
mérites  sont  expose's  ailleurs  et  qui  vient  souvent  même  spontanément 
très  bien  ensemble  avec  les  «  succulentes  »  en  question.» 

Dans  une  autre  partie  de  son  mémoire,  M.  Mac-Owan  fait 
mention  de  la  résistance  relative  au  salant,  que  manifeste,  sur 
certains  points  du  territoire,  le  Portulacaria  afra  Jacq., 
le  «  Spek-boom  »  des  Boërs,  une  plante  fourragère  arbores- 
cente de  la  plus  haute  valeur  et  dont  l'éminent  Government's 
Botanist  du  Cap  préconise,  en  des  termes  enthousiastes,  la 


ENQUÊTE  SUR  LES  PLANTES  DES  TERRAL\S  SALANTS.    369 

propagation  artificielle.  Cependant,  si  j'ai  bien  compris  le 
texte  de  M.  Mac-Owan,  il  n'y  aurait  pas,  contrairement  à 
ce  qui  en  est  dit  dans  le  Mamtel  de  M.  Naudin,  à  songer  à 
introduire  cette  espèce  dans  le  Midi  ou  dans  l'Afrique  septen- 
trionale; le  Portulacaria  en  question  étant  particulier  à  la 
partie  de  la  colonie  du  Cap,  qui  se  rapproche  déjà  de  la  zone 
tropicale,  c'est-à-dire  caractérisée  par  une  saison  humide  coïn- 
cidant avec  le  maximum  des  chaleurs.  Les  individus,  élevés 
au  Jardin  botanique  de  Cape-Town,  ont  bien  atteint  un  beau 
développement,  mais  ne  fleurissent  pas.  D'autres  colonies 
irançaises  pourront  probablement  utiliser  davantage  cette  re- 
marquable plante;  par  exemple,  le  Sénégal,  où  il  doit  y 
avoir  des  terrains  saumâtres  en  tout  analogues  à  ceux  dont 
M.  Mac-Owan  fait  mention  à  propos  des  stations  naturelles 
du  Porlidacaria  dans  la  colonie  du  Cap. 

Les  quelques  extraits  que  je  viens  de  donner  de  l'opuscule 
de  M.  Mac-Owan  peuvent  vous  servir  d'illustration  de  la  va- 
riété et  du  caractère  éminemment  pratique  des  observations 
qui  s'y  trouvent  réunies.  Le  résumé  plus  complet,  que  je 
ne  tarderai  pas  à  vous  présenter,  intéressera  sûrement  les 
lecteurs  de  la  Revue  et  rendra  même,  je  crois,  des  ser- 
vices immédiats  à  ceux  d'eux  qui  ont  des  intérêts  person- 
nels engagés  dans  des  régions  pastorales  à  climat  chaud 
et  aride. 


IIL 

J'ai  aussi  à  vous  communiquer  quelques  faits  nouveaux 
au  sujet  du  Kendyr. 

D'abord  j'ai  reçu,  par  l'intermédiaire  de  la  Société,  de 
M.  Mignon,  de  Sainte-Lucie,  Hyères  (Var),la  lettre  que  voici  : 

«  .Monsieur,  j'ai  lu  dans  le  numéro  G  de  la  Revue  des  sciences  natu- 
relles apjHlqiKies  le  très  curieux  article  que  vous  avez  fait  paraître  sur 
le  Kendyr  {Ayocyaum  Hibirlcum). 

»  Entoure'  de  terrains  salants  de  dillerontes  natures,  je  serais  très 
l)ien  placé  pour  faire  ou  faire  faire  une  expérience. 

»  Je  vous  serais  donc  très  o))ligé  de  me  dire  oii  je  pourrais  avoir 
-^oit  des  graines,  soit  des  boutures.  » 

.Te  vous  avoue,  je  ne  me  doutais  pas  qu'il  existait  des  ter- 

2u  Avril  1893.  24 


370  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

rains  salants  dans  le  Var.  J'en  avais  même  cherché,  en  1891, 
sans  en  rencontrer.  Je  suis  content  de  pouvoir  vous  montrer 
par  cet  exemple  combien  les  terrains  salants  sont  beaucoup 
plus  répandus  en  France  qu'on  ne  le  pense. 

En  ce  qui  concerne  la  demande  de  graines,  j'ai  pu  la  satis- 
faire moi-même,  grâce  à  un  petit  paquet  reçu  de  M.  Diakow, 
directeur  du  champ  d'expériences  subventionné  de  Poltava, 
Russie.  J'en  ai  fait  parvenir  d'autres  à  MM.  le  prof.  Cornu,  de 
Vilmorin,  Charles  Rivière,  Hilgard,  et  à  la  direction  de  l'Ins- 
titut botanique  de  Montpellier,  et  il  m'en  est  encore  resté  une 
petite  pincée  que  je  tiens  à  la  disposition  de  nos  collègues. 
L'envoi  de  M.  Diakow  était  accompagné  de  quelques  ren- 
seignements sur  la  culture  du  Kendyr,  qui  offrent  un  intérêt 
immédiat.  Voici  la  traduction  de  la  lettre  : 

«  Le  *  Kendyr  »  ou  <■■  Tourka  »  a  ete'  introduit  par  mon  pre'déces- 
seur  au  champ  d'expe'rience  de  Poltava  en  1887  ;  le  semis  fut  fait 
d'une  part  en  des  pots  qui  furent  gardés  dans  la  maison  :  d'autre  part 

sur  couclies. 

»  Les  graines  seme'es  dans  les  pots  et  gardées  en  chambre  ont  bien 
germe  au  bout  de  six  jours,  mais  les  jeunes  plantules  ont  bientôt  péri: 
il  paraît  que  c'est  surtout  le  manque  d'éclairage  qui  leur  a  nui. 

»  Le  semis  en  pots,  placés  sur  couches  réussit  mieux  ;   il   fut  fait  le 
19  avril  (vieux  style  ;  par  conse'quent  le  7  mai  français)  ;  les  premières 
plantules  se  montrèrent  le  27  du  même  mois.    Vers  la  mi-mai,  elles 
furent   repiquées    des    pots   dans    le    terreau  de  la  couche  même  ;  le 
3  juin,  elles  avaient  atteint  la   taille  de  0'",15  environ,  c'est  à  ce  mo- 
ment  que   fut   faite   la  transplantation  en  terre  franche,  à  demeure. 
L'endroit  choisi  à  cet  effet  se  trouve  au  fond  d'une  dépression,  sur  le 
bord  d'une  rigole  d'assèchement  ;  le  sol   y   est  humide,  mais  point 
marécageux.    Comme  soins   culturaux,    le  Kendyr  n'a  eu,  dans  cette 
première  année,   qu'un  le'ger  binage   à  la  main.  Vers  la  fin  de  l'au- 
tomne, la  taille  des  touffes  était  de  0™,60  ;  les  tiges  se  desséchèrent  et 
périrent,  mais  repoussèrent   l'année   suivante   avec  une   nouvelle    vi- 
gueur et  atteignirent  la  hauteur  de  plus  d'un  mètre  ;  en  1889,  la  taille 
atteinte   fut   enfin   de  près   de  r",50;  les  touffes  acquirent  aussi  une 
ampleur  considérable.   C'est  cette  année-là    qu'il   y  eut  pour  la    pre- 
mière   fois    floraison  (vers  le  14  juillet,  vieux  style  ;  le  26  juillet  en 
date  française)  ;  mais  les  graines  n'eurent  pas   le  temps   de  miirir.  Ce 
n'est  que  le  10  septembre  (vieux  style]   1890  que  l'on  put  récolter  les 
premières  graines  (en  fort  petite  quantité).  Depuis,  les  touffes   fleu- 
rissent et  grainent  régulièrement  et  de  plus  en  plus  abondamment. 

»  Les  graines  fraîches  sont  brun-clair;  il  en  germe  à  30-35°  C,  90 
à  95  °/o. 


EN-QUÊTE  SCR  LES  PLANTES  DES.  TERRAINS  SALANTS.  371 

»  En  1892,  c'est-à-dire  à  leur  cinquième  année,  les  Eendyrs  produi- 
sirent des  tiges  de  IMO  à  1^.50,  mais  il  y  en  eut  qui  mesuraient  jus- 
qu'à  1™,85.  '' 

»  Leur  grosseur  a  été,  en  moyenne,  celle  d'une  forte  plume  d'oie 
(a  la  base),  mais  il  y  en  eut  aussi  de  bien  plus  grosses.  Les  rhizomes 
qui  perpétuent  la  plante  d'une  saison  à  l'autre,  sont  très  développés  et 
gros  de  0-,013  et  davantage.  Ces  rhizomes  sont  très  vivaces;  ils  peu- 
vent bien  servir  à  la  multiplication  artificielle  (1). 

»Le  semis  ne  pourra  guère  être  fait  sur  place;  les  graines  sont  trop 
petites;  Il  faut  semer  dans  des  pots  ou  dans  des  caisses,  comme  cela  se 
fait  pour  les  choux  ou  le  tabac,  et  repiquer  ensuite. 

»  xNous  avons  pu  comparer  la  végétation  de  quelques  touffes  plan- 
tées dans  un  endroit  plus  élevé  avec  celles  des  bas-fonds  •  les  pre- 
mières sont  loin  de  végéter  aussi  bien  que  les  dernières;  le' manque 
d'humidité  y  est  probablement  pour  beaucoup;  mais  la  compacité 
plus  grande  du  terrain  doit  y  entrer  pour  quelque  chose  ;  il  serait 
naturel  que  ces  plantes,  qui  vivent  principalement  par  le  rhizome 
exigeassent  un  sol  meuble,  léger.  ' 

»  Nous  n'avons  pas  encore  eu  l'occasion  de  nous  livrer  à  l'extraction 
de  la  fibre,  notre  culture  étant  de  trop  peu  d'étendue;  mais  la  récolte 
doit  pouvoir  être  énorme,  puisque  nous  obtenons  sur  une  surface  de 
4  mètres  1/2  carrés,  environ  six  bottes  de  tiges,  la  circonférence  de 
chaque  botte  étant  de  O^^jSO  à  l'",10  environ. 

»  Puisque  vous  voulez  vous  charger  de  faire  étudier  en  France,  par 
des  hommes  compétents,  les  meilleurs  procédés  d'extraction  de  la 
filasse,  je  vais  adresser  à  la  Société  nationale  un  fagot  de  tiges  de 
notre  récolte. 

»  Nous  n'avons  pas  encore  essayé  de  cultiver  le  Kendyr  en  terrain 
salant,  mais  je  vais  profiter  de  votre  indication  et  la  chose  sera  essayée 
cette  année. . .  » 


IV. 

Je  suis  aussi  en  état  de  vous  présenter  des  détails  plus  pré- 
cis sur  la  Youngjà  ou  Luzerne  du  Turkestan,  que  je 
TOUS  ai  déjà  rapidement  signalée  dans  une  séance  précé- 
dente ;  je  les  ai  puisés  dans  un  article  de  M.  Tcherno- 
glasov  (2). 

(1)  Par  ce  moyen  l'on  pourra  probablement  aussi  obtenir,  dès  la  première 
saison,  des  tiges  de  taille  normale;  un  petit  dessin,  joint  à  la  lellre  de  M.  Dia- 
kow,  fait  penser  que  le  rhizome  porte  des  bourgeons  assez  rapprochés  les 
uns  des  aitres.  Evidemment,  chaque  bourgeon  peut  reproduire  l'individu. 

^2)  Gazette  agricole  (en  russe;  Saint-Pétersbourg,  1893.  N»  7j. 


372  REVUE  LES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

La  Luzerne  est  généralement  cultivée  dans  la  plupart  des 
régions  salantes  et  désertiques  du  globe,  où  seulement  on 
fait  de  l'agriculture:  en  Egypte,  au  Sahara,  en  Californie, 
dans  l'Asie  centrale,  etc.,  etc. 

Ce  n'est  pas  aux  membres  de  la  Société  d'Acclimatation 
que  nous  allons  apprendre  du  nouveau  en  leur  disant  l'im- 
portance primordiale  que  la  culture  de  la  Luzerne  présente 
dans  les  terrains  salants  delà  Provence  et  du  Roussillon. 

Dans  ces  conditions,  il  est  singulier  que  l'on  n'ait  pas  encore 
songé  à  examiner  comparativement  les  nombreuses  variétés 
de  la  Luzerne  cultivée,  pour  voir  si  telle  ou  autre  variété 
locale  ne  se  montrerait  pas  plus  résistante  que  le  reste  de 
l'espèce,  au  salant  et  à  la  sécheresse.  C'est  qu'en  effet,  la  Lu- 
zerne [Medicago  saliva)  varie  comme  pas  une  autre  plante; 
chaque  pays  en  possède  un  type  particulier.  Celle  du  Turkes- 
tan  [M.  saliva  var.  Turhestanica]  présenterait  des  adapta- 
tions biologiques  toutes  spéciales  :  stomates  enfoncées  et 
protégées  par  d'épais  poils,  tomentum  abondant,  excrétions 
minérales  sur  diverses  parties  de  la  %nante  et,  comme  ré- 
sultat de  ces  multiples  précautions,  une  évaporation  foliacée 
considérablement  inférieure  à  celle  de  la  Luzerne  française 
(comparaison  faite  avec  l'évaporimètre  de  Richard). 

Essayée  dans  Toasis  de  Merv  (Asie  centrale  russe)  côte  à 
côte  avec  la  Luzerne  du  pays,  la  Luzerne  française  s'est  mon- 
trée tout  à  fait  inférieure  comme  productivité  ;  ses  exigences 
au  point  de  vue  de  l'arrosage  se  sont  trouvées  bien  plus  diffi- 
ciles à  satisfaire;  son  enracinement,  plus  grêle  et  moins  pro- 
fond, son  développement  végétal  moindre.  Ces  différences  se 
voient  très  bien  sur  la  photographie  qui  accompagne  l'article. 
A  toutes  ces  qualités  le  Medicago  saliva  var.  Turhestanica 
joindrait,  d'après  M.  Tchernoglasov,  une  adaptation  particu- 
lière au  salant. 

Nous  pensons  qu'il  serait  nécessaire  de  faire  dans  le  Midi 
quelques  essais  bien  organisés  avec  cette  variété' de  Luzerne' 
si  remarquable  qu'on  nous  signale.  Il  serait  téméraire  de 
promettre  que  la  luzerne  duTurkestan  conservera,  effective- 
ment, dans  le  midi  de  la  France,  la  supériorité  sur  sa  sœur 
française,  telle  qu'elle  a  été  constatée  dans  sa  patrie,  au  Tur- 
-  kestan  ;  le  contraire  pourrait  même  parfaitement  arriver. 
'Nous  croyons  cependant  que  lorsqu'il  s'agit  d'une  plante 
dune  aussi  haute  et  générale  importance  économique  que  la 


ENQUÊTE  SUR  LES  PLANTES  DES  TERRAINS  SALANTS.    373 

Luzerne,  il  ne  faudrait  jamais  négliger  rien  de  ce  qui  peut 
seulement  être  supposé  devoir  apporter  le  moindre  perfec- 
tionnement. Si  l'essai  aboutit  à  un  résultat  négatif,  on  en  sera 
pour  ses  frais;  d'habitude  ceux-ci  ne  sont  déjà  pas  si  grands. 

En  ce  qui  concerne  plus  particulièrement  la  résistance  au 
salant,  l'expérience  comparative  devrait  être  faite  dans  une 
luzernière,  où  la  Luzerne  vient  mal  pour  cause  d'excès  de 
salure,  mais  où  elle  vient  encore  tout  de  même;  vouloir  faire 
venir  la  luzerne  du  Turkestan  dans  un  terrain  imprégné  de 
salant,  au  point  de  ne  plus  pouvoir  porter  de  la  Luzerne  indi- 
gène, serait  peut-être  un  peu  trop  lui  demander  du  premier 
coup,  même  en  supposant  que  l'observation  de  M.  Tcherno- 
glasov  soit  juste. 

En  même  temps  que  l'on  expérimentera  la  variété  turkesta- 
nienne,  il  ne  serait  point  déplacé,  à  notre  avis,  pendant  qu'on 
y  est,  de  passer  en  revue  aussi  les  variétés  locales  cultivées 
en  terre  salante  au  Sahara,  en  Egypte  et  ailleurs. 

M.  Hilgard  a  trouvé  dans  la  ligure  que  vous  voyez  ici, 
de  la  Luzerne  turkestanienne,  beaucoup  de  ressemblance 
avec  celle  cultivée  en  Californie  et  qui  vient,  à  ce  qu'il  parait, 
du  Chili. 


Je  vous  signale,  en  même  temps,  une  autre  plante  fourra- 
gère halophite  russe  : 

Le  Melilotus  dentatus;  c'est  une  espèce  de  Mélilot  spéciale 
aux  sols  salants,  bien  humides  au  printemps  ;  elle  vient  fré- 
quemment en  compagnie  de  V Aster  T/ipolium,  commun  dans 
les  terrains  salants  du  midi  de  la  France.  C'est  le  meilleur  des 
Mélilots,  au  point  de  vue  de  la  valeur  fourragère,  le  seul  qui 
n'ait  pas  ce  parfum  trop  fort  qui  caractérise  les  Mélilots  et 
les  rend  en  partie  inutilisables  pour  les  animaux;  c'est  aussi 
le  plus  tendre  des  Mélilots.  L'espèce  est  répandue  un  peu  par- 
tout à  travers  l'Europe.  Elle  paraît,  cependant,  manquer  en 
France.  En  Russie  elle  est  fréquente  et  y  a  été  aussi  recom- 
mandée pour  la  culture  sur  les  terrains  salants  (par  M.  Pavlo- 
vitch)  sans  que  cependant  de  i)areilles  cultures  paraissent 
avoir  été  tentées  en  Russie.  J'ai  vu  un  jour  dans  la  steppe  de 
Crimée  (cercle  Dnieprovski,  domaine  Bekhteri,  i)ropriété  de 


374  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

M.  KoulikoYski)  une  prairie  naturelle  (spontanée) de  Melilolus 
dentatus,  d'une  beauté  remarquable  ;  or,  on  était  au  mois 
d'août,  dans  une  période  de  sécheresse  désolante,  et  les 
feuilles,  les  tiges,  toutes  les  parties  des  Mélilots  étaient  cou- 
vertes d'excrétions  salines  qui  miroitaient  au  soleil.  Le  seul 
inconvénient  de  la  plante  est  de  n'être  que  bisannuelle;  par- 
fois même  elle  meurt  déjà  à  la  première  année,  si  elle  a  pu 
fleurir  et  grainer.  Peut-être  des  coupes  régulières  et  répétées, 
en  empêchant  la  floraison,  prolongeraient-elles  la  durée  de 
notre  Mélilot. 

M.  le  professeur  Louis  Grandeau  a  reçu  dernièrement  un 
peu  de  graines  de  Melilotus  dentaius  de  M.  Bataline,  le  nou- 
veau directeur  du  Jardin  botanique  de  Saint-Pétersbourg. 
Malheureusement  elles  germent  très  difficilement,  comme 
cela  arrive  encore  souvent  pour  les  légumineuses  des  pays 
secs  en  général. 


II.  EXTRAITS  DES  PROCÈS-VERBAUX  DES  SEANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 


SÉANCE  GENERALE  DU  17  MARS  1893. 

PRÉSIDENCE    DE   M.    A.  GEOFFROY    SAINT-IIILAIRE,    PRÉSIDENT. 

Le  procès- verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  adopté. 

M.  le  Président  demande  à  M.  Remy  Saint-Loup  de  vouloir 
bien  venir  prendre  place  au  Bureau,  en  qualité  de  Secrétaire 
des  séances. 

M.  Remy  Saint-Loup  remercie  la  Société  de  la  flatteuse 
distinction  qu'elle  lui  a  accordée  en  le  nommant  Secrétaire 
des  séances,  et  termine  ainsi  une  courte  allocution  : 

«  Vous  avez  apprécié,  Messieurs,  le  zèle  et  le  dévouement 
de  mon  prédécesseur;  je  ne  me  risque  pas  à  faire  son  éloge, 
parce  que  je  ne  pourrais  établir  son  mérite  sans  blesser  sa 
modestie.  M.  le  docteur  Saint- Yves  Ménard,  débordé  par  les 
soins  de  ses  nombreuses  occupations,  a  cru  devoir  renoncer 
à  remplir  les  fonctions  de  Secrétaire,  et  ceci  me  fait  supposer 
que  ces  fonctions  sont  absorbantes.  Aussi,  Messieurs,  je  ne 
vous  promets  pas  merveille,  mais  je  puis  vous  assurer  de  ma 
bonne  volonté.  » 

M.  le  Président  proclame  les  noms  des  membres  récemment 
admis  par  le  Conseil  : 

MM.  PRÉSENTATEURS. 


BoNTOux  (Nosky),  18,  rue  de  la  Faisan- 
derie, à  Paris. 

Damagney,  propriétaire,  21,  rue  des  Pois- 
sonniers, à  Neuilly  (Seine). 


A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
A.  Porte. 
E.  Wuirion. 

Caroly. 

J.  de  Claybrooke. 

E.  Wuirion. 


^  //-1,     ,    A        •     ,.   *       ,  ,         ,..    (  J-  de  Claybrooke. 

EiSLER  (Charles  ,  aviculteur,  plateau  d  A- \    .    „     ,^       „  .      ,^.,  . 

,„  .        .  ^.    N  A.  Geotfroy  Saint-Hilaire. 

vron  (Seine-et  Oise).  1 


Lajeune  (Pierre-Marcel),  propriétaire,  75, 
avenue  de  Neuilly,  à  Neuilly  (Seine). 

Lambert  (baron  de),  propriétaire,  à  Don- 
nemarie-en-Montois  (Seine-ct-Oise). 


Naudin. 

A.  Berthoule. 

Dieu. 

Gaudisson. 

A.  Berthoule. 

Darien. 

Voitellier. 


376  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

MM.  PRÉSENTATEURS. 

,      „^  ,      (  A.  Berthoule. 

ViLBOUCHEViTCH    .Jean),    o2,    rue    des  i  ,    ^,  . 

{  J.  Grisard. 

Ecoles,  à  Pans.  I  r^   -r,  .  ^t7  ..  i 

'  (  C.  Raveret-Wattel. 

M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  corres- 
pondance : 

—  M.  J.  Vilbouchevitch  adresse  des  remerciements  au  sujet 
de  sa  récente  admission  dans  la  Société. 

—  Des  remerciements  sont  adressés,  d'autre  part,  par 
MM.  Martel-Houzet,  Debreuil,  Garnotel,  Laborde,  pour  les 
cheptels  qui  leur  sont  confiés  par  la  Société. 

—  M.  Germain,  de  Périgueux,  qui  a  reçu  des  Yokohama 
en  cheptel,  demande  si  des  renseignements  peuvent  lui  être 
donnés  relativement  au  régime  particulièrement  convenable 
à  ces  oiseaux.  La  question  est  renvoj-ée  à  la  Section  spé- 
ciale. 

—  M.  le  Président  a  reçu  de  M.  Mairet,  faisandier  de 
M.  Rodocanachi,  au  château  d'Andill},  l'information  sui- 
vante : 

«   M.    Delaurier,   d'Angoulême,  vous    fait   savoir  quïl  avait 

élevé'  chez  lui,   l'anne'e  dernière,  quatre  jeunes  Argus. 

»  M.  Rodocanachi  a  été  moins  heureux.  En  1891,  nous  en  avons 
élevé  une  paire  -,  les  oiseaux  ont  atteint  aujourd'hui  toute  leur 
grosseur,  et  j'ai  l'espoir  qu'ils  reproduiront  cette  année.  Le  mâle  a  déjà 
le  chant  d'un  adulte,  et  la  femelle  est  magnifique. 

»  L'anne'e  dernière,  nous  n'avons  e'ieve'  qu'un  jeune,  du  sexe  mâle  ; 
en  somme,  cela  fait  trois  sujets.  Les  palmes  reviennent  à  M.  De- 
laurier » 

—  M.  le  D-"  Lecler,  â  Rouillac,  nous  écrit  que  ses  essais  de 
culture  d'Igname  n'ont  pas  donné  de  résultat  satisfaisant 
dans  les  sols  calcaires.  Dans  les  terrains  siliceux,  au  con- 
traire, les  récoltes  sont  fort  belles  trois  ans  après  la  plan- 
tation des  bulbilles.  M.  Lecler  demande  un  pied  femelle 
d'Igname  et  un  Bambou  carré. 

—  Une  lettre  de  M.  Fontaine  signale  l'action  de  vers  ou  de 
larves  parasites  des  bourgeons  du  Poirier.  Les  arbres  atteints 
présentent  le  même  aspect  que  ceux  qui  ont  profondément 
souffert  de  la  gelée  pendant  l'hiver;  toutes  les  espèces  de  Poi- 
riers ne  sont  pas  également  attaquées. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  377 

—  Des  demandes  de  graines  sont  adressées  par  MM.  De- 
nizet  et  D^"  Wiet. 

—  M.  Cil.  Bezanson  adresse  une  demande  d'œufs  de  Sau- 
mon de  Californie. 

—  M.  Raveret-Wattel  communique  la  lettre  suivante, 
adressée  par  M.  Vidon,  de  l'établissement  de  pisciculture  de 
Bessemont,  près  Villers-Cotterets  (Aisne),  appartenant  à 
M.  de  Marcillac  : 

« Il  paraît  que  ma  communication  relative  aux  Truites  her- 
maphrodites a  rencontre'  des  incre'dules.  J'ai  cependant,  au  printemps 
dernier,  récolté  des  œufs  de  ces  Truites  ;  ils  étaient  encore  en  incu- 
bation lors  de  votre  visite  à  Bessemont  et  ils  ont  aussi  bien  réussi 
que  d'autres  oeufs.  Je  soutiens  avoir  des  truites  qui  donnent  h  la  fois 
des  œufs  et  de  la  laitance,  laitance  toutefois,  qui  brûle  en  moins  d'une 
minute,  les  œufs  avec  lesquels  on  la  recueille.  On  doit  procéder 
imme'diatement  à  un  lavage  énergique  de  ces  œufs,  pour  les  fécon- 
der ensuite  avec  la  moitié'  de  la  laitance  d'un  bon  maie.  On  fait  un 
nouveau  lavage  complet,  sous  le  robinet  d'une  fontaine ,  puis  on 
arrose  encore  avec  la  laitance  d'un  deuxième  .mâle,  pour  assurer  la 
fe'condation,  à  laquelle  on  ne  saurait,  du  reste,  apporter  trop  de  soins. 
Il  importe  de  bien  assortir  les  sujets,  de  les  choisir  même,  autant  que 
possible,  de  même  couleur.  Faute  des  pre'cautions  ne'cessaires,  quan- 
tité' des  œufs  embryonne's  que  livre  le  commerce  e'closent  mal,  ou 
donnent  des  alevins  qui  ne  vivent  guère.  Tout  d'abord,  ils  semblent 
bien  constitués  ;  mais  au  bout  d'un  mois,  quelquefois  de  6  ou  7  semaines, 
on  les  voit  tous  pe'rir  successivement.  Des  précautions,  que  certaines 
personnes  considéreraient  peut-être  comme  trop  minutieuses,  sont  in- 
dispensables pour  éviter  de  semblables  perles.  Un  lavage  bien  fait 
des  œufs,  après  la  fe'condation,  est  surtout  important  si  l'on  ne  veut 
pas  s'exposer  à  de  graves  mécomptes.  Et  encore,  maigre'  tous  ces 
soins,  ne  re'ussit-on  pas  toujours.  La  pisciculture  est  une  œuvre  de 
soins  et  de  patience. 

»  En  1885  ou  1886,  j'ai  lu  dans  les  journaux  qu'on  avait  jelé  dans 
la  Seine,  à  l'embouchure  de  la  Marne,  17,000  alevins  de  Saumon 
quinnat.  Il  y  a  deux  ans,  le  journal  le  Chenil  annonçait  qu'on  venait 
de  pêcher  dans  la  Seine-Inférieure  5  ou  6  Saumons  quinnat  de  je  ne 
sais  plus  quel  poids.  Enfin,  le  Petii  Parisien  du  7  janvier  dernier 
rendait  compte  de  la  pêche  faite  récemment  à  Nemours  de  Saumons 
de  3  ans  pesant  six  livres.  Il  est  triste  de  voir  qu'on  ne  prend  en- 
core que  quelques  Saumons  çà  et  là,  par  hasard,  quand  on  a  verse'  des 
milliers  d'alevins  dans  la  Marne  et  dans  la  Seine.  J'estime  qu'il  serait 
de  beaucoup  pre'fe'rable  de  les  placer  dans  un  petit  ruisseau,  en  les  y 
retenant  au  moyen   de   barrages,  de  les  y  nourrir  copieusement  pen- 


L 


378  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

dant  quelques  mois,  puis  de  les  laisser  gagner  le  fleuve  à  leur  guise. 
Je  crois  qu'en  proce'danf  ainsi,  on  obtiendrait  une  re'ussite  certaine  ; 
tandis  que,  mettre  en  grande  eau  de  trop  jeunes  alevins,  c'est  travailler 
en  peu  près  en  pure  perte.  Presque  tous  ces  petits  poissons  ne  tardent 
pas  à  périr  de  faim,  pour  le  plus  souvent  ;  et  voilà  pourquoi  on  en  re- 
trouve si  peu.  Vous  avez  pu  voir  combien  l'élevage  se  fait  bien  dans 
nos  petits  bassins,  d'où  le  poisson  passe  en  étang  quand  il  a  pris  le  dé- 
veloppement voulu,  pour  être  remplace',  l'an  d'après,  par  de  nouveaux 
alevins,  et  ainsi  de  suite.  On  proportionne  les  dimensions  des  viviers 
à  la  grosseur  du  poisson,  et,  dans  ces  conditions,  les  pertes  sont  nulles 
et  le  développement  rapide. 

»  Permettez-moi  de  vous  dire  aussi  un  mot  de  nos  Quinnats,  dont 
j'ai  été,  à  un  moment,  si  satisfait.  La  première  année,  nos  e'ièves  ont 
fait  merveille  ;  ils  étaient  très  gros  pour  leur  âge.  La  deuxième 
année,  ils  ont  peu  grossi.  Eu  octobre  de  la  troisième  anne'e,  je  les  ai 
pêche's.  0  surprise!  pas  d'œafs,  pas  de  laitance.  Au  lieu  de  faire  une 
récolte  de  quelques  milliers  d'œufs,  comme  je  m'y  attendais,  je  trouve 
une  centaine  d'alevins,  métis  de  Saumon  et  de  Truite,  cinq  mâles  de 
Truite  arc-en-ciel  ayant  franchi  la  grille  de  se'paratiou  et  pe'ne'tre'  dans 
notre  bassin  à  Saumons.  Rien  de  plus  joli  que  ces.  alevins  (qui  ont 
aujourd'hui  7  ou  8  mois]  avec  leur  petit  ruban  rouge  sur  toute  la 
longueur  du  corps.  Je  les  ai  mis  avec  nos  alevins  d'irideus  de  race 
pure.  Que  sont-ils  devenus  ?  Je  le  saurai  au  moment  de  la  pêche  du 
bassin. 

»  Pour  en  revenir  au  Quinnat,  si  c'est  un  beau  et  bon  poisson, 
amusant  par  ses  bonds  continuels  hors  de  l'eau,  il  est  trop  aisé  à 
pêcher,  mordant  facilement  à  la  ligne,  sans  crainte  du  danger.  Sur 
le  marché,  il  n'aura  jamais,  en  raison  de  sa  couleur  blanche,  le  prix 
de  la  Truite.  Il  semble,  d'ailleurs,  trop  de'licat  pour  le  transport, 
même  à  petite  distance.  Mais  il  est  charmant  pour  les  pièces  d'eau, 
dans  un  parc,  à  cause  de  sa  familiarité'  et  de  ses  culbutes  à  la  surface 
de  l'eau.  Il  se  plaît  avec  la  Truite  arc-en-ciel,  qui  remue  la  vase  et 
pourchasse  les  insectes,  dont  il  s'empare  à  merveille.  * 

M.  Raveret-Wattel  ajoute  que  les  faits  d'hermaphrodisme 
auxquels  il  est  fait  allusion  dans  la  première  partie  de  cette 
lettre  présentent  un  certain  intérêt.  Si  quelques  détails  sont 
un  peu  obscurs  et  demandent  des  renseignements  complé- 
mentaires, les  observations  faites  sur  ce  point  méritent  tou- 
tefois d'être  suivies  avec  attention. 

L'hermaphrodisme  est  un  cas  assez  rare  chez  les  poissons, 
et  cependant  on  en  cite  des  exemples,  particulièrement  dans 
la  famille  des  Percides,  chez  les  Perches  ordinaires  et  aussi 
chez  quelques  espèces  marines  de  la  même  famille,  les  Ser- 


i 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  379 

rans.  On  en  cite  également  des  exemples  clans  la  famille  des 
Salmonidés,  et  en  particulier  chez  les  Truites. 

M.  Andrews,  qui  a  créé  à  Guildford,  dans  le  comté  de 
Surrey,  une  importante  ferme  aquicole,  possédait  une  Truite 
hermaphrodite  qui,  pendant  deux  années  successives,  lui  a 
donné  des  produits. 

Ce  qui  fait  le  côté  particulièrement  remarquablQ  de  cet  her- 
maphrodisme, c'est  que  cette  Truite  fécondait  elle-même  ses 
œufs.  La  Truite  étant  venue  à  périr,  M.  Andrews  l'a  offerte 
au  Musée  du  Collège  royal  des  chirurgiens  de  Londres,  où 
elle  a  été,  de  la  part  de  ^l.  le  professeur  Stewart,  l'objet 
d'une  étude  publiée  avec  planches  dans  le  journal  de  la  Société 
linnéenne  de  Londres. 

—  M.  Raveret-Wattel  fait,  en  outre,  une  communication 
sur  les  essais  d'empoissonnement  tentés  dans  le  bassin  de 
l'Allier,  communication  qui  sera  publiée.  M.  le  Président  de- 
mande le  renvoi  du  travail  d'analy.se  de  ces  essais  à  la  Com- 
mission des  récompenses. 

—  M.  Vacher  rapporte  les  observations  suivantes  :  Plu- 
sieurs milliers  d'œufs  de  Truite  ont  été  fécondés  le  22  fé- 
vrier et  dès  le  11  mars  ils  étaient  parfaitement  embryonnés. 
L'eau  était  à  la  température  de  "7"  centigrades.  Ce  fait  est 
absolument  étrange,  car  ordinairement  l'éclosion  n'a  lieu 
qu'au  bout  de  42,  45,  48  jours.  M.  Vacher  a  observé  aussi, 
à  l'occasion  de  ses  travaux  de  pisciculture  pratique,  qu'un 
grand  nombre  de  mâles  de  Truites  étaient  stériles. 

M.  Dareste  demande  si  ces  mâles  stériles  ont  été  étudiés 
spécialement  ;  M.  Vacher  déclare  que  cette  étude  n'est  pas  de 
sa  compétence,  mais  il  fournira  volontiers  des  spécimens  à 
M.  Dareste. 

D'après  M.  Raveret-Wattel  la  stérilité  a  été  constatée  chez 
les  femelles  dans  plusieurs  établissements  de  pisciculture, 
mais  à  sa  connaissance  aucun  fait  de  stérilité  des  mâles  n'au- 
rait jusqu'ici  été  relaté. 

—  M.  J.  Grisard  donne  lecture  d'un  travail  de  M.  Decaux, 
sur  la  Cheimaiobia  Brumata. 

A  la  suite  de  cette  lecture,  M.  Fallou  demande  à  rappeler 
qu'il  a  lui-même  fourni  de  nombreux  documents  à  M.  De- 
caux pour  ce  mémoire.  Il  y  a  longtemps,  ajoute  M.  Fallou, 
que  les  moyens   de  destruction  préconisés  par   M.  Decaux 


380  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

sont  connus,  et  la  destruction  peut  être  obtenue    par  des 
procédés  moins  compliqués. 

M.  le  B'  Laboulbène  dit  qu'en  effet  des  moyens  très  simples 
déjà  indiqués  par  M.  Fallou  dans  une  note  manuscrite,  sont 
efficaces;  il  serait  bon  que  cette  note  lut  publiée  dans  la 
Revue  des  Sciences  naturelles  appliquées. 

—  M.  Hédiard  présente  à  la  Société  une  Igname  de  petite 
dimension,  originaire  de  la  Martinique  et  de  la  Guadeloupe. 
Cette  Igname  pourrait  être  cultivée  avantageusement  en  Al- 
gérie. Notre  collègue  présente  aussi  des  Haricots  noirs  du 
Mexique,  dont  la  culture  réassit  aux  environs  de  Paris.  Il 
tiendra  ces  graines  à  la  disposition  de  ceux  des  membres  de 
la  Société  qui  voudraient  étendre  ces  essais  d'acclimatation. 

—  M.  le  Président,  avant  de  lever  la  séance,  rappelle  la 
récente  inauguration  du  Palais  d'Hiver  au  Jardin  zoologique 
du  Bois  de  Boulogne.  Cet  événement  ne  peut  manquer  d'inté- 
resser la  Société  d'Acclimatation  aussi  bien  en  raison  de  l'im- 
portance et  du  charme  de  la  cérémonie  qu'en  raison  de 
l'utilité  de  l'établissement  pour  l'instruction  pratique  et 
rendue  agréable. 

La  salle  principale  du  Palais  d'Hiver  sera  mise  à  la  dispo- 
sition de  la  section  d'Aviculture  de  la  Société  d'Acclimatation 
pour  sa  prochaine  exposition. 

Cette  exposition  s'annonce  comme  devant  être  extrême- 
ment brillante. 

Le  Secrétaire  des  séances, 

Remy  Saint-Loup. 


III.  COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES  DES  SECTIONS. 


r 


5e    SECTION    (VEGETAUX). 
SÉANCE  DU  11  AVRIL  1893. 

PRÉSIDENCE    DE    M.    P.    CHAPPELLIER,    VICE-PRÉSIDENT. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  pre'cédente  est  lu  et  adopté. 
A  cette   occasion   M.    le   Président  fait   remarquer  que  le  nom   de 
PUdi  pin  (Pin  résineux)  est  appliqué  à  plusieurs    espèces  de  conifères, 
notamment  aux  Pliim  rigida  des   États-Unis  du  nord  et  australis   des 
États  du  sud  ainsi  qu'à  VAbies  Douglasii  des  Étals  du  nord-ouest. 

M.  Dosne  demande  à  la  Société'  si  elle  pourrait  lui  procurer  des 
semences  de  Castanea  pumila  et  de  Quercus  chinquapin  pour  un  essai  à 
tenter  dans  les  Corbières  de  l'Aude. 

M.  de  Vilmorin  dit  qu'il  se  fera  un  plaisir  d'oflfrir  des  graines  de  ces 
végétaux  à  l'automne  prochain.  Puis  il  dépose  sur  le  bureau  une  ré- 
cente publication  ayant  pour  titre:  Les  plantes  de  grande  culture. 

M.  le  Secrétaire  donne  lecture  d'une  lettre  de  notre  collègue 
M.  Sicre  qui  met  à  la  disposition  de  la  Société  un  certain  nombre  de 
boîtes  de  poudre  insecticide  de  Pyrèllire  pure. 

Les  membres  pre'sents  acceptent  de  vouloir  bien  faire  des  essais  de 
ce  produit  et  de  rendre  compte  des  résultats  qu'ils  en  obtiendront. 

M.  Paillieux  rappelle  qu'il  y  a  deux  ans  il  a  reçu  de  la  Société  d'Ac- 
climatation de  Moscou  un  certain  nombre  de  graines  de  plantes  du 
Pamir  et  du  Kaschgar. 

L'un  des  sachets,  qui    portait   l'inscription   Osumê,  renfermait   deux 
varie'tés  de  salades;  l'une,  la  romaine  gigogne,  ainsi  nomme'e  par  notre 
confrère  à  cause  de   la  production  abondante  de   bourgeons   qui  en- 
tourent ses  tiges  ;  l'autre,    la  romaine  asperge.  Cette  dernière  est  une 
plante  très  distincte  et  ne  ressemble  à  aucune  autre  romaine  ;  elle  ne 
forme  pas  de  pomme  et  monte  promptement.  Ce  sont  ses  liges  grosses 
et  renfle'es  qu'on  utilise  lorsqu'elles    ont  environ  Qn^jSO   de  hauteur. 
Cuite  et  accommodée  au  jus  ou  à  la  crème  elle  fournit  un  bon  légume. 
Notre  confrère  distribue  des  graines  de  cette  intéressante  variété. 
M.  Vilbouchevitcb    re'sumc  verbalement  les  premiers  re'sultats   de 
l'enquôle  entreprise  sous  les  auspices  de  la  Socie'te'  sur  les  plantes  des 
tenains  salants. 

M.  Ilediard  présente  des  haricots  du  Transvaal  qui  ollreut  une 
grande  ressemblance  avec  la  variété'  qui  porte  son  nom,  mais  qui  sont 
remplis  de  larves  de  Bruchus,  tandis  que  le  haricot  Hediard  eu  a  été 
jusqu'à  prc'sent  indemne. 

M.  le  Président  offre  à  ses  collègues  :  1°  des  pommes  de  terre  demi- 
haiives  Heine  des  Polden  ;  2o  des  graines  de  navet  rouge  du  Cache- 
mire ;  3°  des  graines  de  giroflée  jaune  parisienne  1res  hiUive. 

Le  Secrétaire,  Jules  Grisard. 


IV.  CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  SAVANTETS. 


Académie  des  Sciences.  —  On  lira  avec  intérêt  l'extrait  sui- 
vant des  observations  présentées  à  l'Académie  des  sciences  par 
M.  Laboulbène  sur  un  moyen  de  pre'server  les  jeunes  végétaux  contre 
les  attaques  des  insectes  : 

Les  Vers  gris,  ou  Chenilles  de  diverses  espèces  d'Àçrofis,  sont  ex- 
trêmement nuisibles  aux  vége'taux  de  grande  culture  et  des  jardins 
potagers.  Pour  combattre  leurs  ravages,  on  peut  employer,  suivant 
les  conseils  de  M.  Emile  Blanchard,  les  semis  et  la  plantation  faite 
de  bonne  heure  ;  le  roulage,  le  plombage  du  sol,  sur  une  profondeur 
de  plusieurs  centimètres,  est  très  utile  ;  les  Chenilles  ne  peuvent  que 
difficilement  se  mouvoir  sur  une  terre  durcie,  plus  tard  les  chrysa- 
lides sont  empêchées  de  remonter  pour  l'éclosion. 

A  ces  moyens  on  peut  ajouter  remploi,  en  arrosements,  des  de'coc- 
tions  de  plantes  renfermant  des  alcaloïdes  énergiques.  Ces  derniers 
ont  la  propriété'  de  s'oxyder  rapidement,  d'e'prouver  des  transforma- 
tions mole'culaires  et  de  ne  pas  persister  à  l'état  toxique,  soit  sur  la 
plante  à  préserver,  soit  dans  le  sol,  tandis  que  les  poisons  mine'raux 
offrent,  au  maximum,  ce  dernier  inconve'nient. 

On  sait  que  beaucoup  de  Renonculace'es  vertes  sont  dangereuses 
pour  les  bestiaux  qui  les  mangent,  mêle'es  à  l'herbe  des  prairies, 
tandis  que  desséche'es  elles  peuvent  être  consomme'es  sans  péril,  à 
l'état  de  fourrage.  Les  mace'rations,  les  décoctions  de  parties  vertes 
ou  de  graines  des  végétaux  renfermant  des  alcaloïdes,  poisons  éner- 
giques, pourraient  donc  rendre  de  grands  services,  en  arrosements  sur 
les  jeunes  betteraves  et  autres  plantes  récemment  levées,  contre  les 
Vers  gris  et  les  diverses  larves  dévastatrices. 

«  Mes  expériences  varie'es,  répe'tées,  dit  M.  Laboulbène,  m'ont  paru 
probantes  et  elles  ont  été  faites  en  grande  partie  avec  les  tiges  et  les 
feuilles  du  Delphinium  graiidiflorum  vivace,  ainsi  qu'avec  les  semences 
des  D.  graiidiflorum  et  D.  ÂJœds.  Je  ne  doute  pas  que  celles  du  D. 
stapliysagria  ne  soient  encore  plus  énergiques. 

»  J'estime  donc  que  les  alcaloïdes  végétaux  peuvent  rendre  à  l'a- 
griculture et  à  l'horticulture  de  grands  services  par  la  macération  ou 
la  décoction  des  plantes  et  graines  qui  les  renferment.  Les  mace'rations 
constituent  le  proce'de'  le  plus  simple,  le  plus  pratique;  peut-être  faut- 
il  rendre  les  solutions  plus  énergiques  en  les  acidulant,  pour  dissoudre 
le  plus  possible  des  alcaloïdes  toxiques. 

»  Enfin,  les  Renonculacées  telles  que  les  Delphiniion  ne  sont  pas  les 
seules  auxquelles  on  peut  avoir  recours,  mais  aussi  les  Aconits  et  en- 
core les  Datura,  la  Belladone,  la  Jusquiame,  etc.  Il  y  a  là,  en  réalité, 
une  mine  à  exploiter  avec  utilité  pour  l'agriculture  et  l'horticulture.  » 


V.  CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS. 


Cas  d'albinisme  chez  le  Hérisson.  —  Les  Hérissons  blancs 
sont  rares.  M.  Rowland  Ward  vient  d"en  trouver  un  près  de  Henley, 
sur  la  Tamise.  Cet  exemplaire  est  caracte'risé  par  le  museau,  les  yeux 
et  les  pattes  normalement  roses;  par  les  piquants  du  sommet  du  dos 
de  couleur  brun-jaunâtre.  Mais  le  reste  du  corps  est  très  clair;  la 
poitrine  et  les  flancs  sont  d'un  blanc  pur.  De  S. 

Gibier  exotique  acclimaté  en  Bohême.  —  Dans  les  domaines 
de  Konopichst,  appartenant  à  l'arcbiduc  François-Ferdinand  d'Esté,  on 
a  tué,  pendant  la  saison  dernière,  2  Mouflons,  35  Dindons,  Pintades 
et  Paons  sauvages.  Dans  ceux  du  prince  de  Schwarzenbeig,  à  Frauen- 
berg,  on  a  tiré  10  Mouflons  et,  à  Wiltingau,  19  Dindons.      De  B. 

Un  train  arrêté  par  des  Antilopes.  —  On  e'crit  de  Spokake 
(Washington)  que  l'express  du  Nord  a  rencontré,  prés  de  Black-Foot 
(Montana],  un  troupeau  composé  d'une  centaine  d'Antilopes,  dont  sept 
furent  e'crasées.  Le  train  dut  stopper  ;  la  collision  ayant  causé  une 
avarie  à  la  machine,  on  chercha  une  autre  locomotive  pour  continuer 
la  route.  De  S. 

Présence  d'une  pierre  dans  l'estomac  d'un  Cheval.  — 

M.  H.  Ramsbolham  rapporte  dans  le  Zoologist  qu'il  a  trouvé  dans  l'es- 
tomac d'un  vieux  Cheval  que  l'on  venait  d'abattre,  une  pierre  arrondie 
mesurant  près  de  quatorze  pouces  de  diamètre,  et  d'un  poids  de  trois 
livres  (anglaises).  L'animal  était  âge  de  vingt-quatre  ans.  Son  pro- 
priétaire le  garda  pendant  seize  ans  durant  lesquels  il  ne  cessa  pas  de 
travailler.  Quelques  mois  avant  sa  fin,  il  souffrit  d'une  constipation, 
cause'e  probablement  par  l'obstacle  du  caillou.  Mais  il  s'en  était  com- 
plètement remis.  G- 

Commerce  du  café  au  Guatemala.  —  La  culture  du  café  se 
développe  dans  le  Guatemala.  Elle  y  a  été  introduite  par  les  Jésuites 
en  1770.  Ce  ne  fut  qu'en  1835  qu'on  entreprit  des  plantations  ré- 
gulières. Depuis  trente  ans  à  peine  l'exportation  a  commence'.  Do  1861 
à  1870,  elle  s'élevait  à  11,000  livres.  Dix  années  plus  lard,  en  1891,  la 
république  en  exporta  i)Our  52,000  livres  d'une  valeur  de  54,634,925 
francs  ;  mais  il  faut  y  ajouter  7,000  livres  qui  furent  consommées 
dans  le  pays.  La  culture  du  cale  réussit  surtout  entre  500  et  1,500 
mètres  d'altitude.  Les  meilleures  qualités  sont  dirigées  sur  Ham- 
bourg; les  autres  sont  envoye'es  à  San  Francisco  et  en  Anglolerre. 

De  B. 


VI.  BIBLIOGRAPHIE. 


L'Aquarium  d'eau  douce  et  ses  habitants,  animaux  et 
végétaux,  par  Henri  Coupin,  licencie  es  sciences  naturelles  et 
es  sciences  physiques,  préparateur  d'histologie  zoologique  à  la 
Sorbonne.  —  1  volume  in-16  de  320  pages  avec  228  figures,  de  la 
Bibliothèque  des  Connaissances  utiles.  Cartonne',  4  francs.  —  Librairie 
J.-B.  Baillière  et  fils,  19,  rue  Hautefeuille,  Paris. 

'L'Aquarium.  —  L'Eau  et  son  aération.  —  Les  Plantes  dans  l'Aqua- 
rium. —  Chasse  et  transport  des  Animaux.  —  L'étude  des  Animaux. 
—  Les  Protozoaires.  —  Les  Cœlente're's.  —  Les  Spongiaires.  —  Les 
Vers.  —  Les  Crustacés  et  les  Insectes.  —  Les  Mollusques.  —  Les  Ba- 
traciens et  les  Reptiles. 

Ce  livre  s'adresse  aux  jeunes  naturalistes  et  aux  gens  du  monde 
qui  s'intéressent  aux  choses  de  la  Nature.  Prenant  un  sujet,  en  ap- 
parence un  peu  spécial,  mais  en  re'alité  très  vaste,  l'auteur  s'est  ef- 
forcé de  montrer  que,  sans  grandes  connaissances  scientifiques 
préalables,  et  en  ne  se  servant  presque  jamais  du  microscope,  on 
peut  faire,  avec  le  plus  simple  des  aquariums,  une  multitude  d'obser- 
vations aussi  varie'es  qu'intéressantes. 

Il  indique  les  moyens  de  re'colte,  do  conservation,  d'étude  de  quel- 
ques-uns des  types,  animaux  et  végétaux,  pris  ge'ne'ralement  parmi 
les  plus  communs  et  qui  habitent  nos  fleuves,  nos  rivières,  nos  lacs, 
nos  étangs  et  même  de  la  plus  modeste  mare. 

L'e'tude  des  animaux  vivants,  envisage's  dans  leurs  mœurs,  leur 
biologie  et  leur  e'volution,  est,  à  notre  avis,  un  peu  délaissée  par  les 
amateurs.  C'est  un  aperçu  sur  cet  horizon  que  M.  Coupin  a  voulu 
donner  ;  après  l'avoir  lu,  on  sera  bien  convaincu  qu'un  aquarium 
n'est  pas  seulement  un  «  répicient  pour  élever  des  poissons  rouges  », 
mais  que,  dans  des  mains  même  inexpérimentées,  il  peut  devenir  un 
sujet  d'études  des  plus  instructifs  et  des  plus  attrayants. 

Pour  la  re'daction  des  chapitres,  il  a  surtout  fait  appel  à  ses  obser- 
vations personnelles  et  à  ses  souvenirs. 

Pour  rehausser  la  valeur  du  texte,  il  a  donné  plusieurs  extraits  des 
auteurs  les  plus  compétents  qui  se  sont  occupés  de  la  question,  tels 
que  Trembley,  Re'aumur,  Lëou  Dufour,  Ed.  Perrier,  Vaillant,  etc. 

Enfin  il  a  multiplié  les  figures  autant  qu'il  était  possible  de  le  faire; 
c'est  là  un  point  que  les  lecleurs  apprécieront  tout   particulièrement. 

G.   DE  G. 


Le  Gérant  :  Jules  Grisard. 


I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIÉTÉ. 


LES  CHIENS  DE  BERGER 

Par  m.  p.  MÉGNIN. 

(suite  et  fin  *.] 


Dressage  du  chien  de  berger. 

a  On  ne  saurait  donner  trop  de  soin,  —  a  dit  Magne  (1),  — 
à  dresser  les  Chiens  de  berger,  à  les  accoutumer  à  faire  la 
sentinelle,  à  tenir  le  troupeau  convenablement  massé  et  sur- 
tout à  ne  pas  effrayer  les  moutons  et  à  ne  pas  les  mordre. 

»  Pour  les  dresser,  il  faut  les  prendre  jeunes  et  employer 
beaucoup  de  persévérance,  des  caresses,  des  friandises  et 
au  besoin  des  châtiments.  Il  faut  surtout  leur  donner 
l'exemple  d'un  cliien  bien  dressé. 

»  Les  premières  fois  qu'on  les  commet  contre  un  mouton, 
il  faut  être  à  côté  d'eux  et  les  surveiller  attentivement;  s'ils 
ont  l'air  de  vouloir  mordre,  on  les  saisit  et  on  les  corrige; 
on  doit  laisser  pendre  une  ficelle  à  leur  cou  afin  de  pouvoir 
les  arrêter  plus  promptement. 

»  Au  moyen  de  cette  corde  on  peut  même  les  corriger,  leur 
faire  sentir  qu'ils  ont  mal  fait. 

»  Si  on  a  des  Chiens  précieux  à  cause  de  leur  activité  et 
de  leur  intelligence,  mais  qui  ont  malheureusement  le  défaut 
d'être  un  peu  méchants  et  de  mordre  les  bêtes  à  laine,  il  faut 
les  museler  ou  mieux  leur  briser  les  dents  canines.  »  —  Un 
berger  de  notre  connaissance  nous  disait  qu'il  est  préférable 
d'émousser  seulement  ces  dents  en  en  brisant  la  pointe  qu'on 
lime  ensuite. 

D'après  Villeroy  (2i  on  distingue  les  chiens  de  berger  en 
coureurs  et  en  pointeurs. 

(*1  Voyez  plus  haut,  p.  241,  289  et  337. 

(1)  Mapne,  Hyairne  vûc'riiiaire  apjiiiqiiée. 

(2)  Villeroj,  Manuel  de  Vcleveur  dex  b''tes  à  laine. 

5  Mai  1893.  23 


386  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

«  Le  coureur,  dit-il,  est  un  chien  ardent,  allant  et  revenant 
sur  ses  pas,  et  courant  continuellement  sur  les  côtés  du 
troupeau.  Si  le  troupeau  pâture  sur  un  champ  vide,  près 
d'un  autre  champ  qui  lui  est  interdit,  le  coureur  ne  cesse  de 
parcourir  la  ligne  que  les  bêtes  ne  peuvent  pas  franchir .  Et 
cependant  il  inspire  peu  de  crainte  aux  hôtes,  qui  souvent, 
immédiatement  après  qu'il  est  passé,  vont  brouter  le  fmiit 
défendu.  Les  coureurs  s'imposent  une  fatigue  extraordinaire 
à  laquelle  ils  ne  résistent  pas  longtemps,  et  ils  ne  comptent 
pas  parmi  les  bons  chiens  de  berger. 

»  Ije  pointeur,  au  contraire,  est  couché  aux  pieds  du  berger 
ou  dans  la  raie  de  champ,  que  les  bêtes  ne  peuvent  dépasser. 
Les  yeux  à  demi  fermés  il  a  l'air  de  sommeiller.  Mais  que  le 
berger  prononce  son  nom  et  lui  fasse  un  signe,  ou  qu'il  voie 
une  bête  dépasser  la  limite  du  champ  abandonné  au  pâtu- 
rage, alors  il  s'élance  comme  une  flèche  et  les  délinquants 
sont  promptement  remis  à  l'ordre.  Ces  Chiens  se  font  res- 
pecter sans  tourmenter  inutilement  les  bêtes  :  ils  se  fatiguent 
beaucoup  moins  que  les  précédents,  durent  plus  longtemps 
et  sont  certainement  les  meilleurs.  Leur  intelligence  est  vrai- 
ment admirable,  et  souvent  je  m'étonne  en  voyant  comme 
ils  comprennent  un  mot,  un  signe  de  la  main  ou  seulement 
de  la  tête,  ou  un  coup  de  sifflet  du  berger. 

»  Quand  on  voit  le  berger,  calme  et  immobile,  appuyé  sur 
sa  houlette,  ajoute  Villeroy,  et  près  de  lui  son  Chien,  la  tête 
haute,  l'œil  animé,  l'oreille  tendue,  attendant  un  signe  ou  un 
mot,  prêt  à  s'élancer  pour  obéir  à  l'ordre  de  son  maître  ; 
alors  on  admire  cet  empire  de  l'homme,  qui  a  fait  son  esclave 
de  l'animal  le  plus  intelligent,  pour  arriver,  par  son  aide,  à 
soumettre  ou  à  dompter  les  autres  animaux.  » 

Le  célèbre  Charles  Darwin,  dans  une  expédition  scienti- 
fique dans  l'Amérique  du  sud,  a  vu  et  entendu  raconter 
comment  on  dresse  les  Chiens  de  berger,  et  le  rapporte 
ainsi  :  «  Pendant  mon  séjour  dans  une  estancia  (ferme)  à 
Montevideo,  j'éprouvai  une  agréable  surprise  en  entendant 
raconter  et  en  suivant  de  près  le  mode  d'éducation  adopté 
pour  les  Chiens  de  berger  du  pays.  Il  est  fort  ordinaire  de  ren- 
contrer là-bas  d'immenses  troupeaux  de  moutons  qui,  éloi- 
gnés d'une  dizaine  de  kilomètres  des  habitations,  ne  sont  pas 
même  accompagnés  d'un  berger-homme,  et  dont  la  garde 
est  confiée  à  un  ou  deux  Chiens.  Je  métonnai  souvent  de 


» 


LES  CIIIEXS  DE  BERGER.  387 

l'attachement  mutuel  des  Chiens  et  des  moutons,  mais  on 
peut  dire  littéralement  que  cet  attachement  prend  naissance 
à  la  mamelle. 

»  Le  système  d'éducation  consiste  à  séparer  de  bonne 
heure  le  jeune  chien  de  sa  mère  et  à  l'habituer  au  troupeau 
dont  il  aura  la  garde  future.  Trois  ou  quatre  fois  par  jour  on 
fait  têter  une  brebis  au  jeune  animal,  puis  on  le  dépose  sur 
une  couchette  de  laine.  Jamais  on  ne  lui  permet  de  commu- 
niquer avec  un  chien  étrang-er  ou  avec  les  autres  membres 
de  sa  famille.  On  lui  fait  subir  en  outre  la  castration,  de 
sorte  que,  arrivé  à  l'âge  adulte,  il  a  à  peine  le  sentiment 
de  l'existence  de  son  espèce.  Il  résulte  de  cette  éducation 
que  l'animal  ne  témoigne  pas  le  moindre  désir  d'abandonner 
le  troupeau,  et,  de  même  qu'un  chien  défend  son  maître,  il 
prend  la  défense  des  moutons  menacés .  Lorsqu'on  s'approche 
d'un  troupeau  le  chien  s'avance  en  aboyant,  et,  à  ce  signa- 
lement, tous  les  moutons  se  réunissent  et  s'abritent  derrière 
lui .  Ces  chiens  savent  aussi  fort  bien  ramener  le  soir,  à  une 
certaine  heure,  le  troupeau  à  la  bergerie. 

»  Leur  plus  grand  défaut,  tant  qu'ils  sont  jeunes,  est  de 
vouloir  jouer  avec  les  moutons,  et  de  ne  laisser  aucun  repos 
à  celui  de  leurs  pauvres  subordonnés  qui  devient  l'objet  de 
leur  passe-temps. 

»  Chaque  jour  le  chien  de  berger  se  rend  à  l'habitation  de 
son  maître  afin  d'y  prendre  sa  ration  de  viande,  et,  aussitôt 
qu'on  la  lui  a  donnée,  il  s'échappe,  la  queue  entre  les  jambes 
parce  que  les  autres  Chiens  de  la  maison  le  considèrent 
comme  un  étranger  et  le  harcèlent  ;  le  moindre  roquet  le 
poursuit  et  cherche  à  le  mordre.  Mais,  du  moment  où  il  a 
rejoint  son  troupeau,  il  s'arrête,  fait  volte-face,  se  met  à 
aboyer  et  ses  poursuivants  décampent  aussitôt.  Les  Chiens 
sauvages  se  hasardent  rarement  et  seulement  qijand  ils  sont 
poussés  par  la  faim,  à  attaquer  les  moutons  gardés  par  des 
bergers  aussi  fidèles.  » 


'  o"- 


Les  sheep-dogs-trials. 


Nous  empruntons  à  notre  confrère  M.  le  Professeur  Reul, 
de  Bruxelles,  dans  le  livre  duquel  nous  avons  trouvé  les 
citations  qui  précèdent,  les  renseignements  suivants  sur  les 
Epreuves  sur  le  ici  rain  des  Chiens  de  berger  qui  servent  à 


388  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

classer  ces  animaux  non  plus  d'après  la  somme  de  leurs 
beautés  physiques,  mais  bien  d'après  leur  degré  d'aptitude  au 
service. 

Les  Sheep-dogs-Trials  des  Chiens  de  berger  correspondent 
absolument  aux  Field- Trials  des  Chiens  d'arrêt.  C'est  dans 
les  montagnes  de  l'Ecosse,  dans  les  Highlands,  que  les  Sheep- 
dogs-Trials  ont  pris  naissance,  voici  comment  :  Il  y  a  bien 
des  années,  écrit  M.  Samson  dans  The  Lice  Stor-h  journal, 
la  comtesse  de  Beeturd  mit  en  avant  l'idée  de  fonder  une  so- 
ciété pour  améliorer  encore  les  aptitudes  déjà  si  remar- 
quables du  Colley.  Celui-là  seul  qui  connaît  les  sites  sauvages 
des  montagnes  dans  les  comtés  du  nord  de  l'Ecosse  est  à 
même  d'apprécier  l'utilité  de  ces  fidèles  auxiliaires  des  pro- 
priétaires de  troupeaux.  Les  moutons  de  races  aborigènes, 
ISlack-Faccd,  Chevlot,  Hardwicks  et  leurs  croisements,  vi- 
vent en  liberté  sur  ces  immenses  territoires  incultes  et  non 
clôturés  ;  aussi,  sans  le  concours  de  l'intelligent  Colley, 
serait-il  de  toute  impossibilité  aux  fermiers  de  rassembler 
leurs  troupeaux  disséminés  dans  la  montagne.  Le  Colley  leur 
est  d'une  indispensable  nécessité.  L'époque  de  la  tonte  étant 
arrivée,  ce  sont  les  Chiens  qui  se  chargent  d'aller  chercher 
dans  les  pâturages  abruptes  les  moutons  qu'il  s'agit  de 
dépouiller  de  leur  toison.  Une  ancienne  habitude  veut  que 
les  fermiers  écossais  s'entr'aident  mutuellement  pour  mener 
cette  besogne  à  bonne  fin  ;  un  certain  jour,  déterminé  long- 
temps d'avance,  est  fixé  pour  opérer  la  tonte  des  moutons, 
dans  chaque  ferme,  et  ce  jour-là  les  fermiers  de  plusieurs 
lieues  à  la  ronde  arrivent  avec  leurs  hommes,  tous  se  mettent 
à  tondre,  chacun  rivalisant  d'adresse  et  de  célérité. 

Ces  réunions,  d'antique  origine,  entretiennent  des  relations 
de  bonne  amitié  entre  voisins  sont  l'occasion  de  fêtes  cham- 
pêtres, qui  rappellent  les  fer  rades  de  la  Camargue  ;  le  chef 
de  l'exploitation  où  se  pratique  la  tonte  se  charge  de  nourrir 
et  de  rafraîchir  ses  aides  d'un  jour,  et  la  journée  de  travail 
se  termine  généralement  par  des  danses  entre  jeunes  et  des 
parties  de  cartes  entre  vieux. 

Le  Colley,  qui  durant  toute  la  journée  a  dépensé  une 
somme  énorme  d'intelligence,  d'habileté,  reçoit-il,  lui  aussi, 
sa  part  du  gâteau  ?  C'est  probable. 

Dans  tous  les  cas  l'idée  de  la  comtesse  de  Beeturd  ren- 
contra de  nombreux  adhérents  parmi  les  principaux  proprié- 


LES  CHIEXS  DE  BERGER.  389 

taires  des  comtés  du  nord  et  il  y  a  déjà  plusieurs  années  que 
la  Northern  Counties  association  organise  alternativement 
des  Trials  dans  le  Gumberland,  le  Lancasliire,  le  Yorksliire, 
le  Westmoreland,  etc.  Le  promoteur  des  premières  épreuves 
de  Chiens  de  berger  est  M.  Thomson,  de  Sclattys.  Les  ré- 
compenses aux  lauréats  de  ces  épreuves  consistent  en  des 
prix  importants  et  en  des  coupes  d'argent. 

C'est  ainsi  que  les  Collies  ont  appris  à  faire  la  démonstra- 
tion publique  de  leurs  qualités,  et  que  leur  réputation  s'est 
étendue  dans  le  monde  entier. 

Voici  en  quoi  consiste  les  Sheep-dogs-Trials  écossais  : 

Chaque  concurrent  doit  aller  chercher  dans  la  montagne 
ou  plutôt  sur  le  versant  d'une  colline  à  pente  inclinée  du 
côté  des  spectateurs,  les  trois  brebis  qu'on  y  a  lâchées  à  son 
intention  et  hors  de  sa  vue  ;  il  doit  les  pousser  devant  lui  à 
environ  800  mètres  de  là,  en  10  à  lo  minutes,  en  les  faisant 
passer  par  dessus  des  talus,  à  travers  des  haies  vives,  ou 
des  barrières  dans  lesquelles  ont  été  pratiquées  d'étroites  ou- 
vertures, entre  des  claies  placées  parallèlement,  etc.,  pour 
finir  par  les  faire  entrer  dans  un  parc  établi  près  des  specta- 
teurs. . .  et  sans  doute  des  parieurs,  car,  dans  le  Royaume- 
Uni,  tout  sport  s'accompagne  de  pari. 

La  durée  de  chaque  épreuve  se  trouve  limitée,  mais,  outre 
le  temps,  les  juges  doivent  envisager  surtout  la  façon  dont 
le  Chien  s'est  comporté  pendant  toute  la  durée  du  travail 
iuiposé.  Voici,  d'après  \q  Stoch-Keepcr,  comment  le  juge  de 
ces  concours  répartit  habituellement  son  total  de  100  points  : 

40  —  Se  diriger  directement  vers  le  but  et  trouver  les 
Moutons  ;  se  tenir  à  distance  du  troupeau;  obéir  au 
coup  de  sifflet  et  faire  de  la  bonne  besogne  sur  la 
montagne;  décrii-e  de  bons  cercles,  etc.,  là  oîi  le 
Chien  n'est  pas  sous  la  surveillance  de  son  maître. 

10  —  Faire  passer  les  Montons  par  dessus  les  talus,  les 
murs  et  par  les  portes  de  clôture. 

10  —  Par  les  premiers  obstacles  et  entre  les  poteaux. 

10  —  Entre  les  claies  placées  parallèlement. 

10  —  Entre  les  seconds  poteaux  et  les  drapeaux. 

10  —  Faire  entrer  les  Moutons  dans  le  parc. 

10  —  Le  temps  employé  pour  effectuer  le  travail. 

100 


390  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

On  peut  yarier  les  épreuYes,  mais  elles  restent  toujours 
intéressantes  parce  qu'elles  donnent  lieu  à  une  foule  d'inci- 
dents qui  mettent  le  public  en  belle  humeur.  Elles  sont  inof- 
lensives,  car  aucun  animal  n'en  souffre  ;  elles  sont  utiles  au 
plus  haut  point,  pour  obtenir  d'excellents  Chiens  de  berger. 

C'est  au  CoUie-cliib  bruxellois  et  au  Club  du  Chien  de 
berger  belge  que  revient  l'honneur  d'avoir  importé  ce  genre 
de  sport  sur  le  continent. 

Les  premières  épreuves  de  Chiens  de  berger  au  travail  ont 
eu  lieu  dans  les  vastes  prairies  de  la  Société  des  Marchés 
et  Abattoirs  de  Cureghem,  les  P'  et  2  mai  1892  ;  elles  ont 
parfaitement  réussi  et  vivement  intéressé  les  spectateurs  ; 
vingt-deux  concurrents,  presque  tous  de  race  belge,  se  sont 
présentés  au  poteau.  Les  épreuves  se  courant  en  plaine,  une 
piste  immense  et  parsemée  d'obstacles  avait  été  tracée  à  tra- 
vers la  prairie.  Voici,  au  surplus,  quelles  étaient  les  condi- 
tions du  programme. 

Chaque  Chien  devra  conduire  10  Moutons  qu'il  prendra  dès 
leur  sortie  de  l'enclos  et  viendra  les  parquer  près  du  public  en 
leur  faisant  exactement  suivre  tout  le  parcours  d'une  piste 
en  S,  de  200  mètres  de  longueur  d'une  largeur  variant  de 
6  à  8  mètres  comprise  entre  deux  sillons  tracée  à  la  chaiTue 
dans  le  gazon  Le  berger  devra  marclier  devant  le  petit  trou- 
peau ;  il  ne  pourra  intervenir  que  pour  donner  des  ordres  à 
son  Chien. 

Les  Moutons  doivent  passer  entre  des  poteaux  et  des  dra- 
peaux, traverser  un  étroit  pont  de  bois,  gravir  un  talus,  fran- 
chir un  ruisselet,  etc.,  avant  d'être  introduits  par  une  petite 
porte,  dans  l'enclos  qui  servira  de  terminus. 

Le  maximum  de  temps  accordé  à  chaque  Chien  pour  ac- 
complir tout  le  trajet,  avec  sa  petite  bande  de  Moutons,  est 
de  dix  minutes  ;  s'il  dépasse  ce  laps  de  temps,  il  est  mis  hors 
concours  (1). 

Le  maximum  de  points  accordé  par  le  jury  est  de  100. 

Chaque  fois  que  le  Chien  laissera  sortir  un  Mouton  de  la 
piste,  il  perdra  un  point;  pour  deux  Moutons  ou  plus,  il  per- 
dra 2  points. 

Tout  Chien  qui  mordrait  un  Mouton  au  membre  antérieur 

(1)  L'expérience  nous  a  appris  que  ce  temps  est  beaucoup  trop  long  pour  la 
plupart  des  bous  Chiens.  Certains  de  nos  concurrents  onl,  en  etlet,  accompli  le 
trajet  en  3  minutes,  voir  même  en  2  1/2  minutes. 


LES  CUIEXS  DE  BERGER.  391 

on  à  l'oreille,  perdrait  5  points;  celui  qui  le  saisirait  à  la 
gorge  perdrait  10  points. 

Tout  Chien  qui  aboierait  pendant  la  durée  de  son  travail 
perdrait  5  à  10  points,  selon  la  persistance  qu'il  mettrait  à 
donner  de  la  voix. 

Pour  tout  le  reste  (irrégularités  dans  la  marche,  cercles  ex- 
centriques, etc.,  le  jury  appréciera  comme  il  l'entendra. 

Les  Chiens  trop  mo)'dants  seront  immédiatement  mis  hors 
concours. 

La  plupart  des  concurrents  ont  t'ait  preuve  de  beaucoup 
d'intelligence  et  d'une  bien  grande  aptitude  à  la  direction  des 
tron[)eaux  lors  du  Sheep-dog-Trial  de  Cureghem.  Et  cepen- 
dant les  bergers  n'avaient  pu  procéder  à  la  moindre  répéti- 
tion avant  le  concours,  attendu  que  beaucoup  ignoraient  les 
dispositions  de  la  {)iste  et  jusqu'à  la  nature  du  travail  qui 
allait  leur  être  demandé. 

L'on  devrait  vulgariser  le  plus  possible  ce  genre  de  sport, 
qui  n'offre  aucun  danger,  qui  est  intéressant  et  utile  tout  à  la 
fois  et  nous  voudrions  le  voir  inscrit  au  programme  de  toute 
solennité  agricole  de  quelque  importance. 

En  1893,  les  SIk  ep-dogs-irials  de  Belgique  auront  lieu  à 
Spa,  selon  toute  prévision,  à  l'occasion  de  l'Exposition  canine 
de  la  Société  royale  Saint-Hubert,  le  7  ou  le  8  août. 


UNE  NOUVELLE  ECHELLE  A  SAUMONS 

SYSTÈME  HOCKIN 
Par    m.    RAYERET-WATTEL. 


La  question  des  échelles  à  Saumons  présente  une  très  grande 
importance  au  point  de  vue  du  repeuplement  des  cours  d'eau  ; 
aussi  s'occupe-t-on  constamment,  soit  d'améliorer,  de  per- 
fectionner les  systèmes  d'échelles  déjà  connus  et  utilisés, 
soit  d'en  trouver  de  nouveaux,  fonctionnant  d'une  façon  plus 
satisfaisante  que  ceux  actuellement  en  usage. 

Chacun  sait  que  le  but  auquel  on  tend  dans  la  construction 
d'une  échelle  à  Saumons  c'est  de  fournir  aux  poissons  migra- 
teurs un  passage  toujours  aisément  praticable  lorsque  Fétat 
de  la  rivière  peut  inciter  ces  poissons  à  remonter.  Toute 
échelle  qui  ne  répond  pas  complètement  à  cette  condition 
ne  peut  être  considérée  comme  vraiment  satisfaisante.  Une 
bonne  échelle  doit  être  de  facile  accès  et  se  trouver  en  con- 
venable situation  pour  attirer  le  poisson.  Il  faut  qu'elle  ne 
soit  pas  d'une  construction  coûteuse  ;  enfin,  qu'elle  n'exige 
pas  de  fréquentes  réparations  et  qu'elle  ne  dépense  qu'une 
faible  quantité  d'eau  pour  fonctionner.  Or,  il  est  certain  que, 
jusqu'à  ce  jour,  peu  d'échelles  ont  satisfait  complètement  à 
ces  divers  desiderata  :  Ici,  la  pente  de  l'échelle  est  trop  forte 
et,  par  suite,  la  violence  du  courant  gêne  la  remonte  du 
poisson.  Là,  c'est  l'emplacement  qui  a  été  mal  choisi,  de  sorte 
que  le  poisson  s'y  présente  peu  ou  pas  du  tout.  Ailleurs, 
c'est  l'alimentation  en  eau  qui  n'est  pas  assurée  d'une  façon 
permanente,  ou  bien  encore  ce  sont  les  crues  et  les  glaces 
qui  causent  fréquemment  des  avaries,  mettent  l'échelle  hors 
de  service  et  nécessitent  de  continuelles  et  coûteuses  répara- 
tions. 

Lors  d'un  récent  voyage  en  Amérique,  M.  Guthrie  Smith, 
vice-président  du  Fishery  Board  for  Scotland,  a  eu  occa- 
sion de  voir  un  nouveau  système  d'échelle  à  Saumons  qui  l'a 
frappé  par  sa  simplicité  et  qui,  par  son  mode  de  construc- 
tion, parait  s'affranchir  d'une  grande  partie   des  inconvé- 


UNE  NOUVELLE  ECHELLE  A  SAUMONS  393 

nients  signalés  ci-dessus.  L'inventeur  de  cette  échelle  est 
M.  Robert  Hockin,  l'un  des  inspecteurs  des  pêches  de  la 
Nouvelle-Ecosse.  Cette  échelle,  brevetée  au  Canada  et  aux. 
Etats-Unis,  a  déjà  reçu  de  très  flatteuses  approbations,  no- 
tamment celle  de  M.  Samuel  Wilmot,  surintendant  de  la  pis- 
ciculture au  Canada,  et  celle  de  M.  le  colonel  Marshall  Me 
Donald,  commissaire  fédéral  des  pêcheries  des  Etats-Unis, 
qui  est  un  juge  d'une  si  haute  compétence  en  pareille  ma- 
tière. 

Comme  je  l'ai  indiqué  dans  un  précédent  travail  sur  les 
échelles  à  Saumons  (1),  une  foule  de  systèmes  très  différents 
ont  été  imaginés  pour  frayer  un  passage  au  poisson  :  plans 
inclinés,  échelles  à  gradins,  couloirs  en  zig-zag,  etc.,  et  cer- 
tains d'entre  eux  ont  été  employés  avec  plus  ou  moins  de 
succès  sur  divers  points,  tant  en  Europe  qu'en  Amérique. 
Mais  il  est  rare  cependant  que  leur  application  ne  laisse  pas, 
pour  une  raison  ou  une  autre,  quelque  chose  à  désirer. 

D'après  M.  Guthrie  Smith,  l'invention  de  M.  Hockin  offri- 
rait des  avantages  qui  lui  donneraient  la  supériorité  sur 
tous  les  types  mis  en  essai  jusqu'à  ce  jour.  Le  principal  de 
ces  avantages  résiderait  dans  la  position  qu'occupe  l'oriflce 
d'alimentation  de  l'échelle.  L'eau  ne  peut  jamais  faire  défaut 
(ce  qui  est  considéré  comme  un  point  important),  car  cet 
orifice  se  trouve  situé  bien  au-dessous  du  niveau  que  l'eau 
atteint  dans  le  bief  supérieur,  en  amont  du  barrage  que  doit 
franchir  le  poisson.  Dans  un  très  grand  nombre  d'éclielles, 
l'alimentation  a  lieu  au  moyen  d'une  entaille  faite  dans  hi 
crête  du  barrage;  de  sorte  que  si  le  niveau  de  l'eau  vient 
à  descendre  au-dessous  de  cette  crête,  la  veine  liquide  qui 
doit  se  déverser  par  l'échelle  cesse  de  couler  et  l'appareil  de- 
vient inutile.  Cet  inconvénient,  évidemment,  n'est  pas  à 
ci'aindre  avec  l'échelle  Hockin,  dont  nous  allons  faire  con- 
naître le  dispositif  ;  mais  peut-être  pourrait-on  se  demander 
si,  en  raison  même  du  niveau  auquel  se  trouve  l'orifice 
d'amont,  des  apports  de  sable  ou  de  vase,  en  temps  de  crues, 
ne  sei'aient  pas  susceptibles  d'obstruer  cet  orifice  et  d'arrêter 
le  fonctionnement  de  l'appareil. 

Voici  la  description  que  l'inventeur  lui-même  donne  de 
son  système  :  Considérant,  dit  M,  Hockin,  que  le  défaut  prin- 

(1)  Les  poissons  miqrateitrs  et  les  échelles  à  Saumons  {Bulletin,  1884.  p.  14, 
321 ,  326  el  636. 


394  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

cipal  des  échelles  actuellement  en  usage,  c'est  d'être  alimen- 
tées par  le  haut,  et  jugeant  qu'il  serait  très  avantageux  d'en 
établir  une  qui  fût  alimentée  par  dessous,  j'instituai,  l'hiver 
dernier,  une  série  d'expériences  tendant  à  résoudre  le  pro- 
blème, et  j'ai  réussi  à  trouver  un  dispositif  qui  me  parait 
fournir  une  solution  bien  simple  de  la  question.  C'est,  en 
somme,  une  ouverture  qui,  pratiquée  à  la  base  du  barrage, 
donne  passage  à  un  courant  dont  la  vitesse  se  trouve  si  atté  • 
nuée  qu'un  poisson  peut  le  remonter  aisément  et  passer 
sans  difficulté,  en  nageant,  du  bief  d'aval  dans  le  bief 
d'amont.  L'appareil  qui  permet  d'obtenir  ce  résultat  consiste 
en  une  série  de  compartiments  ayant  leur  radier  à  peu  près 
horizontal,  et  dont  les  bajoyers  ainsi  que  les  cloisons  trans- 


Fiij.   I.  —  Coupe  dune  échelle  Hockiu. 

versâtes,  distantes  entre  elles  d'environ  quatre  pieds  (l'",:50), 
s'élèvent  de  la  base  de  la  digue  ou  barrage,  jusqu'au-dessus 
du  plan  d"eau  (voir  la  fig^ire  1).  Ces  compartiments  commu- 
niquent entre  eux,  ainsi  qu'avec  le  bief  d'amont  et  celui 
daval,  par  des  ouvertures  ménagées  à  peu  près  à  une  même 
hauteur  et  sur  un  même  alignement,  pour  rendre  le  passage 
plus  facile  au  poisson.  Le  niveau  de  l'eau  va  en  baissant  de 
compartiment  en  compartiment,  depuis  le  premier  (c'est-à- 
dire  celui  où  se  trouve  l'orifice  supérieur  du  passage)  jus- 
qu'au dernier,  et  la  veine  liquide  qui  s'échappe  par  la  der- 
nière ouverture,  sous  une  couche  d'eau  d'environ  deux  pieds 
(0'",60)  présente  si  peu  de  vitesse  que  le  poisson  peut  la  re- 


TNE  NOUVELLE  ÉCHELLE  A  SAUMONS 


39o 


monter  avec  une  parfaite  aisance.  Nous  avons  ainsi  une 
échelle  qui,  sans  atteindre  une  grande  longueur  ^28  ou  32 
pieds]  peut  suffire  pour  tout  barrage  de  hauteur  ordinaire. 


>«*«ij  •••■»••» 


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A 


Fig,  ^.  _  Coupe  schémalique  d'une  échelle  Hockin,  au  barrage  de  Cumminger, 

Les  ligDCS  ponctuées  indiquent  la  hauteur  de  l'eau  dans  les  divers 
compartiments  de  l'échelle. 

A  Niveau  de  l'eau  dans  le  bief  d'amont,  contre  le  barrage.  —  B  Niveau  de  Feau 
dans  le  biei'  d'aval.  —  G  Ontice  d'amont  de  l'échelle.  —  D  Orifice  d'aval. 

Le  passage  se  trouvant  S07is  l'eau,  ne  peut  être  gêné  par 
les  glaces  et,  par  la  disposition  de  ses  cloisons  transversales 
de  quatre  pieds  en  quatre  pieds,  la  construction  présente  une 


( 

A 

f 

^ 

( 

\      i      ' 

1         -"''' 

)_^- — — ' — ^ 

B 

.    ^.-J-"^ 

Fig.  J.  —  Coupe  schématique  d'une  échelle  Hockin,  au  barrage  de  Doyle, 

à  Tidniss. 

Les  lignes  ponctuées  iudiquent  le  niveau  de  l'eau  dans  les  divers 
compartiments  de  l'échelle. 

Les  lettres  A  et  B  donnent  les  mêmes  indications  que  dans  la  figure  %. 


solidité  très  grande.  Les  crues  n'y  déterminent  pas  de  cou- 
rant torrentueux  susceptible  d'occasionner  des  avaries.  Les 


396  HEVUK   DES  SCIENCES  NATURELLES  API-LIQUÉES. 

ouvertures  étant  submergées  ne  peuvent  pas  être  obstruées 
l)ar  les  corps  flottants,  faciles,  d'ailleurs,  à  enlever  s'il  s'en 
engageait  dans  les  compartiments.  Ce  qu'il  y  a  peut-être  de 
plus  important,  c'est  que  le  système  fonctionne  quelle  que 
soit  la  hauteur  de  Teau  en  amont  du  barrage.  L'avantage 
apparaît  surtout  si  l'on  songe  qu'une  échelle  à  poissons  n'est 
jamais  regardée  d'un  bon  œil  par  l'usinier  qui  utilise  le  bar- 
rage, parce  qu'il  y  voit  une  cause  d'amoindrissement  de  la 
force  motrice  dont  il  dispose.  Or,  dans  l'échelle  de  mon  in- 
vention, si  réduite  est  la  vitesse  du  courant  que  la  dépense 
en  eau  se  trouve  très  restreinte,  et  qu'elle  ne  représente 
qu'une  perte  absolument  insignifiante  par  rapport  au  débit 
do  la  rivière.  » 

La  figure  II  présente  le  schéma  d'une  échelle  Ilockin  éta- 
blie au  barrage  de  Cummingers,  comté  de  Guysboro  (Nou- 
velle-Ecosse}. 

La  figure  III  donne  également  une  coupe  schématique  de 
l'échelle  construite  au  barrage  de  Doyles,  à  Tydniss,  comté 
de  Cuniberland  (N.  E.). 


SUR  LES  VEGETAUX 

QUI    PRODUISENT 

LE  BEURRE   ET  LE  PALN  D'  «  O'DIKA  » 

DU  GABON -CONGO 

ET 

SUR  LES  ARBRES  PRODUCTEURS  DE  LA  GRATNE 
ET  DU  BEURRE  DE  «  CAY-CAY  ■> 

DE    COCHINCHINE    ET    DU    CAMBODGE 
VALEUR    COMPARÉS    DE    CES    DKl'X    IMiODUITS 

Par  m.  le  D^  Edouard  HECKEL, 

Processeur  à  la  Faculté  des  Science?  de  Marsdilo. 


Si  les  nègres  du  Soudan,  dans  les  hantes  vallées  d;i  llr.:!!- 
Nigei-  et  dans  la  région  du  Congo  franrais  (vers  4"  de  lat.  N.], 
savent  préparer  pour  leurs  besoins  alimentaires  la  graisse 
fournie  parles  semonces  du  Ce  ou  Kariié  (11,  les  Pahouins 
du  Gabon,  moins  industrieux,  utilisent  journellement,  pour 
leurs  apprêts  culinaires,  une  pâte  solide  et  grasse  tout  à  la 
l'ois,  qu'ils  nomment  O' Dilia.  Elle  est  laite  des  graines  tor- 
réfiées de  V Irvliiyia  (jabo  lensis  Bâillon,  végétal  propre  à 
l'Afrique  tropicale. 

Ce  produit  a  déjà  excité  la  curiosité  de  quelques  chercheurs 
jiotamment  de  O'Rorke  (-2)  ;  plus  tard,  Bâillon  en  a  repris 
l'examen  surtout  au  point  de  vue  de  ses  origines  végétales. 
Ce  savant,  qui  s'est  appesanti  sur  la  question  botanique  [^], 
mais  sans  donner  une  figure  de  cet  important  végétal,  a 
cependant  ajouté  aux  données  de  O'Rorke  quelques  rensei- 
gnements nouveaux.  Sa  description  l.'otanique,  quoique  dé- 
taillée, avait  aussi  besoin  d'être  complétée. 

(1)  Voir  pour  la  préparation  de  ce  beurre,  sa  cjrapoiiliuu  cliijii>|uc  cl  son 
emploi  industriel  en  France,  ir.oti  article  iulilulé  Sur  nit  arhre  pnditrte<ir  <lc 
(lutta  et  de  corjjs  {jras,  dans  le  juuraal  La  Salti,c  Je  G.  Tissundicr,  ISSii. 

(2)  Note  sur  le  pain  de  Diha,  Rep'.rtoiic  de  /.hainiarie,  l'évntr  IS.iK. 

(3)  Études  sur  Iherb  er  du  Gabon  du  mus('e  des  co'.o  lics  françaises  ';Adauso- 
r.ia,  t.  Vil,  p.  248). 


398  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Il  m'a  paru  intéressant  de  revenir  sur  cette  étude  pour  la 
parfaire,  autant  qu'il  était  en  mon  pouvoir,  tant  au  point  de 
vue  botanique  qu'économique.  Il  était  aussi  nécessaire,  au 
double  point  de  vue  de  la  science  pure  et  de  ses  applications 
bromatologiques  et  industrielles,  de  comparer  le  beurre  et 
le  pain  à'O'DiUa  aux  produits  similaires  nommés  Cay-Cay, 
fournis  par  des  végétaux  congénères  de  VOba  [h^vingla  ga- 
'bonensis),  mais  indigènes  de  la  Cocliinchine  et  du  Cambodge. 

I 
HISTORIQUE. 

Les  Pahouins  du  Gabon  emploient  pour  leur  nourriture 
quatre  aliments  gras  différents  tirés  des  végétaux  : 

1°  Le  O'dikâ,  2°  Le  N'javé  [Badlonella  toxisperma  Pierre), 
3°  le  NouNEGOu  [Tieghcmella?  Jollyana  Pierre),  4°  I'Owala 
{Pentacleilwa  macrophylla  Bentliam). 

Je  me  suis  déjà  occupé  de  cette  dernière  semence  (1)  et  je 
crois  en  avoir  montré  tous  les  avantages  comme  graine  indus- 
trielle d'une  très  grande  valeur  pour  la  stéarinerie.  Les  autres, 
on  le  verra,  car  je  compte  m'en  occuper  en  leur  temps,  ont 
une  importance  égale  :  je  veux  parler  du  N'javé  et  du  Nou- 
NEGOU.  Entre  les  plantes  à  matières  grasses  de  cette  région, 
je  traiterai  aujourd'hui  seulement  de  VOba. 

CHAPITRE  I. 
BEURRE  ET  PAIN  DE  O'DIKA. 


En  langage  M'pongué  ,  l'arbre  (Irvingia  gàbonensis)  qui 
fournit  les  graines  avec  lesquelles  on  fabrique  le  pain  de 
O'Diha  ('2),  s'appelle  Oba  et  son  fruit  Iba:  en  langage  Pahouin 

(1)  Sur  les  (/raines  de  I'Owala  [Répertoire  de  pharmacie,  décembre  1892). 

(2)  M.  le  professeur  Marchand  [Anacardiacées ,  105]  dit  à  propos  du  3Iangi- 
fera  Africana  Oliv.  [Fegimanra  Africana  Pierre)  :  «  11  ne  nous  paraît  pas  im- 
possible d'admettre  que  cette  plante  fournisse  une  partie  du  pain  de  Dika,  car, 
au  dire  des  voyageurs,  beaucoup  de  fruits  aux  semences  oléagineuses  portent 
ce  nom  à'Ola.  Or,  le  M.  Africana  est  dans  ce  cas.  »  Il  m'a  été  impossible  de 
contrôler  celte  prévision,  n'aj'ant  pas  pu,  jusquici,  me  procurer  les  graines  du 
Fegimanra  africana.  Mais  je  sais  sûrement  que  les  graines  à'Oioala  sont  cou- 
ramment mêlées  à  celles  de  VOba  vrai  pour  la  fabrication  du  pain  à'O'Dika, 
qui,  de  ce  fait,  se  trouve  enrichi  de  20  %  en  matières  albuminoïdes. 


LE  BEURRE  ET  LE  PAIX  D'O'DIKA,  DU  GABON-CONGO.  399 

(dialecto  Mazonmin]  l'arbre  s'appelle  Endogo  et  le  fruit  Dogo, 
mais  la  dernière  syllabe  est  presque  muette  et  forme  une 
sorte  d'expiration  difficilement  appréciable  pour  une  oreille 
européenne.  Le  pain  de  O'Dika  est  appelé  en  pahouin 
N'Dogu  comme  le  fruit  de  l'arbre. 

Habitat.  —Description.  — h'Oba  [frvingia  gaboneusis) 
qui  abonde  dans  les  forets  de  l'intérieur  du  Gabon  est  un  grand 
arbre  qui  atteint  25  à  30  mètres  de  hauteur  (d'après 
M.  Gouyon)  ;  c'est  par  conséquent  un  des  grands  végétaux 
qui  dominent  la  brousse  et  forment  la  voûte  supérieure  des 
bois.  En  dehors  du  bassin  de  l'Ogooué,  VOba,  d'après  les  notes 
que  vent  bien  me  transmettre  M.  Fondère,  chef  d'explora- 
tion du  Congo,  se  trouve  dans  la  vallée  du  Niari-Quillou, 
disséminé  au  milieu  de  la  foret  de  Mayomha.  Il  disparaît  à  la 
sortie  de  cette  forêt,  et  on  ne  le  retrouve  plus  dans  les  plaines 
des  environs  des  postes  de  Loadina  et  de  Bonenza,  mais  il 
reparaît  dans  le  bassin  du  Congo,  dans  la  vallée  du  Djoné^ 
affluent  du  Congo  qui  coule  non  loin  de  Brazzaville.  Dans 
rOuB.ANGHi,  on  le  trouve  depuis  le  confluent  de  cette  rivière 
jusqu'à  4°, 30'  lat.  Nord,  c'est-à-dire  jusqu'au  poste  de  Dangid 
au  pied  des  rapides  de  Zongho  (1).  Au-dessus,  pays  de  plaines, 
VOba  disparaît,  la  végétation  change  absolument  (2).  Dans  la 

(1)  D'après  les  inllorescences  de  VOba  que  j'ai  reçues  du  Conpo  (par 
feu  Pierre,  Directeur  du  jardin  de  Libreville,  au  retour  d'un  voyajie  à  Loançroj, 
jincliiie  à  croire  que  l'espèce  dominante,  dans  cette  région,  serait  VIrvinjta 
Siiiithii  Ilook.  f.;  c'est,  du  reste,  là,  l'opinion  de  Smith,  qui  indique  celte  es- 
pèce dans  le  Conf^o,  tandis  que  Barter  la  signale  dans  le  Ni^er.  Je  rappelle 
ici  que  celte  espèce  ne  se  dill'érenoie  de  {'Iroin(jia  gabonensis  que  par  des  ca- 
ractères peu  marqués  dont  le  plus  important  est  celui  d'un  embryon  albumi- 
neux  (lan«!  la  foraine.  Par  ailleurs,  l'ia  forme  des  feuilles  très  coriaces,  ovales 
elliptiques,  arromiies  à  la  base  avec  un  sinus  étroit  et  cordifortne  à  l'insertion 
du  pétiole  ;  2°  les  inflorescences  axillaires  ou  terminales  en  irrappcs  paniculées 
éf^alautou  dépassant  la  lonjjueur  des  feuilles,  les  pédoncules  lloraux  insérés  un 
à  un  le  lon^  de  l'axe  floral  tandis  qu'ils  sont  rassemblés  par  ri  ou  0  dans  V Ir- 
vingm  g/ibiDiensis  ;  3»  le  style  de  la  loni^ueur  de  l'ovaire,  constituent  des 
caractères  do::t  la  constance  me  paraît  fort  douteuse.  On  trouve,  du  reste,  des 
états  intermédiaires  entre  la  manière  d'être  à.'Irviii(jia  gabonensis  et  celle  d'7. 
Smithii. 

[T]  D'iiprès  MM.  Grisard  et  Vanden-Berghe  {Les  bois  industriels  exotiques. 
Ri-vue  des  scienres  naturelles  applir/it^cs,  n»  21,  5  novembre  1892,  p.  429-430), 
Vlrvi'ifjifi  Gabonensis  remonterait  sur  le  littoral  de  l'Afrique  tropicale,  depuis 
le  (xabon  jusqu'à  Sierra-Leoue.  D'un  autre  côté,  mon  zélé  correspondant 
M.  Autran,  de  Libreville,  m'écrit  que  ce  véffétal  se  trouve  au  Dahomey,  d'où 
la  firaine  serait  exportée  par  la  maison  Mantes  frères,  de  Marseille,  Ces  reusei- 
"nemenls  semblent  coulJrmulifs  l'un  de  l'autre. 


400  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

forêt  de  Mayomha,  les  indigènes  préparent  et  consomment 
ÏO'Dika  :  cette  pratique  ne  se  retrouve  plus  que  dans  les 
tribus  anthropophages  Bonjos  qui  occupent  les  deux  rives  de 
rOubanghi,  entre  1°  et  3'^  de  lat.  Nord.  Ailleurs,  sur  le 
Congo,  ils  se  servent  du  fruit,  mais  sans  recourir  à  la  prépa- 
ration spéciale  qui  en  transforme  la  graine  en  pain  de  O'Diha. 

O'Rorke  dit,  d'après  Aubry-Lecomte,  que  ce  végétal  est 
connu  sur  la  côte  depuis  Sierra-Leone  jusqu'au  Gabon.  Oliver 
[Flora  of  trop.  Africa,  t.  I,  p.  314)  cite  les  localités  sui- 
vantes pour  ce  végétal  :  Ile  des  Princes  (Barter,  Mann);  Ri- 
vières, Muni  et  Cameroon  {Mann].  La  variété  tewàfolia  de  ce 
végétal,  établie  par  Hooker  fils  [Linn.  Tran'<actions  23-167), 
a  les  feuilles  faiblement  coriaces  ou  submembraneuses,  large- 
ment elliptiques,  obtuses  ou  courtement  et  largement  apicu- 
lées.  Le  style  est  grêle  et  allongé  comme  dans  le  type.  Une 
seule  localité  est  indiquée  par  Oliver  [Flor-a  of  trop.  Africa, 
I,  p.  314),  c'est  Abbcokida  (Irving).  C'est  cette  même  variété 
que  Barter  ai>pelle  le  Mango  sauvage  des  indigènes  de  Sierra- 
Leone:  je  serais  porté  à  croire,  d'après  quelques  spécimens  que 
j'ai  eus  entre  les  mains,  qu'elle  règne  mêlée  au  type  et  quelque- 
lois  dominante  sur  toute  la  C(3te  occidentale  d'Afrique  située 
au-dessus  de  l'équateur,  c'est-à-dire  depuis  Sierra-Leone  jus- 
qu'au Gabon.  Au-dessous  de  l'équateur,  c'est-à-dire  dans  le 
Congo,  nous  avons  vu  que,  vraisemblablement,  VOha  des  in- 
digènes de  cette  région  est  constitué  par  Y  Irving  ia  Smithii 
Hooker  fils. 

Voici  la  description  de  la  plante  du  Gabon  :  Irvingia  gabo- 

ncnsis  : 

Dans  les  régions  qui  constituent  son  habitat  connu,  VOba  est  un  bel 
arbre  ayant  l'aspect  de  notre  chèuc  De  son  tronc  se  dégagent  des 
blanches  longues,  étalées,  peu  rameuses.  Les  rameaux  sont,  comme 
elles,  recouverts  d'une  écorce  grisùlre  (1),  avec  les  extrémite's  verles, 
strie'es  irrégulièrement  selon  la  longueur.  Les  stipules  supra-axillaires 
qui  appartiennent  à  la  dernière  feuille  se  comportent  ici  comme  dans 
Icu?  les  Irvingia,  de  la  même  façon  que  dans  les  Artocarpe'es,  et 
enveloppent  toute  la  portion  cxirême  du  jeune  rameau,  jusqu'au  jour 

(1)  €  Le  bois,  d'une  dureté  et  d'une  densité  moyennes,  d'une  texture  assez 
.  fine  et  serrée,  est  susceptible  de  poli  et  peut  être  employé  à  divers  travaux, 
.  mais  comme  l'arbre,  par  les  fruits  qu4l  produit,  rend  de  plus  grands  services 
.  aux  indigènes,  ceux-ci  préierent  le  conserver  et  exploiter  d'autres  essences 
•  pour  leurs  besoins  économiques.  »  (Grisard  et  Vanden-Berghe,  loc.  cit.) 


LE  BEURRE  ET  LE  PAIN  D'Û'DIKA,  DU  GABON- CONGO.  401 

où  elles  se  détacheront  à  peu  près  circulairement  par  leur  base,  pour 
dégager  les  feuilles  suivantes.  Les  feuilles,  dont  le  pétiole  est  assez 
court  (1/2  centimètre  environ),  sont  très  variables  de  taille  (voir  flg.  1); 
elles  ont  souvent  1  décimètre  de  longueur  sur  5  centimètres  de  lar- 
geur ;  mais  il  y  en  a  dont  les  dimensions  sont  doubles.  Leur  forme  est 
ovale  ou  elliptique-aiguë,  à  sommet  brièvement  acuminé  dans  un  grand 
nombre  de  cas.  Leur  base  est  plus  souvent  atténuée  en  coin  qu'arron 
die  et  fréquemment  insymétrique,  l'une  des  deux  moitiés  présentant 
une  tendance  à  former  une  sorte  d'auricule  peu  prononcée.  Lisses  et 
brillantes  en  dessus,  quand  elles  sont  fraîches,  plus  ternes  en  dessous, 
minces  et  sèches,  même  quand  elles  sont  vivantes,  elles  possèdent 
une  belle  teinte  d'un  vert  sombre.  Leurs  nervures  pennées,  formant  un 
réseau  assez  délicat,  sont  surtout  visibles  et  proéminentes  à  la  face 
inférieure,  où  elles  présentent  une  teinte  blanchâtre.  Les  inflorescences 
situées  h  l'aisselle  des  feuilles,  et  en  grappes  simples  ou  rameuses  de 
c//mes  pauciflores  (fîg.  1  et  fig.  3)  sont  plus  courtes  ordinairement  que  les 
feuilles. 

Les  axes  sont  grêles,  noirâtres  sur  la  plante  sèche,  renflés  cà  et  là 
au  niveau  des  divisions.  Ce  végétal  fleurit  au  Gabon-Congo  plusieurs 
fois  par  an.  La  récolte  se  fait  surtout  en  novembre  et  en  décembre  (1). 

Les  fleurs  normalement  tétramères  présentent,  sur  un  court  récep- 
tacle convexe,  un  calice  gamosépale  à  quatre  divisions  plus  ou  moins 
profondes,  obtuses  et  arrondies  au  sommet,  et  dont  la  préjloraison  est 
valvaire  {  fig.  2  A).  Les  pétales  blanchâtres  ou  d'un  jaune  pâle  et 
légèrement  verdâtre  sont  libres,  caducs  et  imbriqués  dans  la  préflorai- 
son. L'androcée  est  diplostémoné  :  avec  quatre  pétales  on  observe 
huit  élamines,  dont  quatre  oppositipétales  sont  longtemps  plus  courtes 
que  les  quatre  autres.  Leurs  filets  sont  corrugués  dans  le  bouton  et 
leurs  anthères  biloculaires  sont  orhiculaires  ou  elliptiques  et  d'abord 
introrses  (lig.  2,  C  et  D).  L'insertion  des  étamines  se  fait  en  dehors 
de  la  base  d'un  disque  hypogyne  qui  présente  huit  sillons  ou  encoches 
correspondant  aux  filets  étaminaux  ;  ce  disque  est  à  l'état  frais  d'une 
belle  couleur  jaune  citron.  L'ovaire  est  atténué  en  un  style  à  tète 
sligmalifère  très  peu  prononcée,  qui  est  plus  court  que  Vovaire  :  ce  style 
est  accrescent  (fig.  4).  IL'ovaire  renferme  un  seul  ovule  dans  chacune  de 
ses  deux  loges.  Cet  ovule,  incomplètement  anatrope,  est  suspendu  à 
l'âge  adulte  avec  le  microphile  dirigé  en  haut  et  en  dehors. 

Le  fruit  de  l'Oba  (fig.  4)  est  une  drupe  verte  de  la  force  d'un  œuf  de 

(1)  Celte  récolte  est  des  plus  faciles,  cependant  l'incurie  des  nègres  est  telle 
qu'une  immense  quantité  des  semences  est  laissée  sur  le  sol  où  les  rats  très 
communs  dans  les  forêts  du  Gabon,  s'en  montrent  si  friands,  qu'au  bout  de 
quelques  jours  tous  les  noyaux  sont  ouverts  et  les  amandes  dévorées  par  ces 
rongeurs.  Ces  noyaux  sont,  du  reste,  moins  résistants  que  ceux  de  l'I.  O'.iveri 
et  de  \'l.  Mahyana  de  Cociiinchine  et  du  Cambodge,  qui  sont  aussi  brises  par 
certains  animaux  pour  en  dévorer  l'amande. 

0  Mai  1893.  26 


i02  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

cygne,  recouverte  d'un  mésocarpe  pulpeux  et  filandreux  :  de  saveur 
tére'benthacée  analogue  à  celle  du  Mangot  (fruit  du  Mangifera 
indica  sauvage),  mais  plus  prouonce'e  encore  (1).  L'endocarpe  osseux 


Fiy.   I .  —  Rauieau  lleuri  A'Irvingia  Gabontnsis  [Oôa)  1/4. 

p{(f^  2.  —  A,  bouton  floral  à  demi  ouvert  16/1  ;  13,  fleur  ouverte  coupée  longi- 

ludinalement  16/1;  C,  fleur  grossie   pour  montrer  l'ovaire,  son  disque  et  une 

étamine  32/1  ;  D,  élamine  grossie  3i/l. 
Fiff.  3.  —  lotlorescence  de  jeunes  fruits  1/4. 
Fig.  4.  —  Fruit  mûr  1/4. 

(1)  C'est  cette  particularité  qui  a  valu  à  la  plante  son  nom  primitif  de  Man- 
gifera gabonensis,   donné  fautivement  par  A'jbry-Lejomle  ;    pour    une   raison 


LE  BEURRE  ET  LE  PAIN  D'O'DIKA,  DU  CxABON- CONGO. 


403 


forme  un  noyau  allonge  et  plat,  filandreux  à  la  surface,  plus  ou  moins 
-allongé,  amygdaliforme  ou  irrégulièrement   ovale   (fig.  7),   comprime' 
^vec  une  paroi  ligneuse  assez  dure,  épaisse.  Lorsqu'on  fend  ce  noyau 
suivant  ses  bords,  on   voit  quelquefois,  qu'outre  une  vaste  cavité'  qui 


ndenlique,  les  colons  du  Gabon  appellent  VOha  du  nom  de  Manguier  sauvage, 
de  môme  que  les  colons  anglais  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  appellent  l'/r- 
vingia  Barteri  Hook   Qls,    qui  ne    semble  être  qu'une  forme  de  l'Oba,  du  nom 
■de  Wild-Mattgo. 


404 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


contient  la  praine,  il  renferme  une  loge  ste'rile,  étroite,  en  forme  de 
croissant,  parallèle  à  la  surface  convexe  d'un  des  bords  du  noyau  et 
quelquefois  réduite  à  une  sorte  de  fissure  linéaire  et  arquée  extrême- 
ment peu  prononce'e  (fig.  5,  Is).  La  graine  est  à  peu  prés  aussi  de  la 
même  forme  que  celle  de  l'Amandier,  mais  plus  grosse,  lisse,  luisante 
à  la  surface.  Le  te'gument  séminal  est  double  ;  à  V extérieur  et  le  long  du 
raplié,  se  voient  des  fibres  qui  s  épanouissent  en  faisceaux  digités,  transver- 
saux entre  V endocarpe  et  le  spermoderme  et  forment  comme  des  griffes  de 
renforcement  sur  les  points  d'insertion  de  la  graine  au  placenta  (fîg.  6,  g). 
L'embryon  épais  et  charnu  blanc  e'burne',  pre'sente  deux  gros  coty- 
lédons gras  et  de  légère  saveur  amère  applique's  l'un  contre  l'autre 


A 


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Fig.  S.  —  Coupe  langenlielle  de  Vlrvingia  gahoncii.sis  (embrj'oii]. 
Fig.  9.  —  Lacune  à  mucilage  de  V Irvingia  galonensis. 

(fig.  5,  c).  La  radicule  cylindroconique  est  cacliée  dans  une  sorte  de 
canal  formé  par  les  espèces  d'auricules  que  pre'sente  la  base  des  coty- 
le'dons  (fig.  5,  b).  Le  sommet  de  la  radicule,  très  brièvement  apiculé, 
se  voit  seul  dans  l'ouverture  extérieure  et  circulaire  de  ce  canal. 
L'embryon  est  de'pourvu  d'endosperme  (1). 

Une  coupe  de  l'embryon  (cotylédons)  m'a  offert  la  constitu- 


[1)  Je  me  suis  borné  à  reproduire  ici,  en  la  complétant,  pour  ce  qui  touche 
aux  fleurs,  à  l'inllorescence  et  à  la  graine,  la  description,  par  ailleurs,  fort 
exacte,  de  M.  Bâillon  [loc.  cit.).  Les  parties  ajoutées  ou  rectifiées  sont  en  ita- 
liques. 


LE  BEURRE  ET  LE  PAL\  D'û'ûIKA,  DU  GABON -CONGO.    405 

tion  suivante  :  au-dessous  de  l'épiderme  à  cellules  "vides 
{fig.  8,  ép)  règne  un  parenchyme  de  cellules  grasses  [fig.  8, 
p  g]  interrompu  fréquemment  par  des  lacunes  mucilagineuses 
[fig.  8,  l  m)  qui  régnent  dans  toute  son  épaisseur.  Ces  lacunes 
qui  sont  de  nature  essentiellement  léissogènes,  ainsi  qu'on 
peut  le  voir  (Jlg.  9,  l  m),  se  retrouvent,  du  reste,  dans  les 


Fig.  10. 


Fragment  d'aspect  amygdaloïde  d'un  pain  de  O'Dika. 


feuilles  et  dans  la  tige  de  ce  végétal.  Elles  donnent  un  pro- 
duit gommeux  qui  se  confond  chimiquement  avec  Varabine. 
Les  corps  gras  renfermés  dans  les  cellules  du  parenchyme 
cotylédonaire  sont  formés  non  de  globules,  mais  de  masses 
d'une  forme  variable  entourées  de  granules  graisseux.  Les 
cellules  en  sont  i)leines. 

La  graine  seule  sert  à  préparer  VO'DUia  (pain),  de  la 
manière  suivante  :  on  brise  les  noyaux,  les  graines  sont 
broyées  dans  un  mortier,  puis  jetées  dans  une  marmite  préa- 


406  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

lablement  garnie  à  l'intérieur  de  feuilles  de  bananier.  Sous 
l'influence  d'un  feu  lent  et  doux,  la  fusion  du  corps  gras  se 
produit,  puis  la  substance  refroidie  se  prend  en  une  masse 
assez  analogue  au  benjoin  amijgdaloïde  [fig.  10),  tachetée  de- 


Fig.   H.  —  Panier  indigène  renfermant  un  pain  cylindrique  de  O'Dika» 

brun  et  de  blanc.  Elle  est  d'un  gris  brun,  onctueuse  au  tou- 
cher, d'odeur  intermédiaire  entre  le  cacao  torréfié  et 
l'amande  grillée  ;  sa  saveur  est  agréable,  légèrement  amère 
comme  la  graine  fraîche,  d'une  astringence  analogue  à  celle 
du   cacao.  Ce   rapprochement    est  frappant  ;   toutefois,   ce 


LE  BEURRE  ET  LE  PAIN  D'O'DIKA,  DU  GABON -CONGO. 


407 


produit  n'a  pas  l'arôme  agréable  du  cacao  (1).  C'est  cette 
similitude  qui  a  porté  M.  O'Rorke  à  en  faire  une  espèce  de 
chocolat  (qu'il  a  nommé  Chocolat  des  pauvres),  en  y  joignant 
du  sucre  et  des  aromates. 

Les  nègres  du  Gabon  donnent  à  VO'Diha  la  forme  d'un 
pain  cylindrique  qu'ils  enferment  dans  une  enveloppe  très 
solide  et  très  résistante  faite  de  nervures  de  palmier.  Chaque 
pain  mesure  0'",35  de  haut  sur  0'",35  de  diamètre  à  la  circon- 
férence de  la  base  ;  sa  valeur  vénale  est  d'environ  15  francs 
pour  un  poids  de  6  kilogr.  {voir  fîg.  11).  Mais  les  Gabonais 
conservent  encore  les  graines  d'O&a  d'une  autre  façon  et 
sans  faire  intervenir  la  torréfaction.  Après  avoir  séparé  les 
deux  cotylédons  qui  les  cons- 
tituent, ils  les  enfilent  en  cha- 
pelet et  les  pendent  dans  leurs 
cases  [fig.  12)  où  ils  se  dessè- 
chent bientôt  et  ne  tardent 
pas  à  être  piqués  des  vers. 
Ces  chapelets  leur  servent 
pour  leurs  apprêts  culinaires; 
ils  en  détachent  une  à  une, 
suivant  leurs  besoins ,  les 
graines  grasses  nécessaires  à 
leur  alimentation  journalière, 
sans  se  préoccuper  de  savoir 
si  ces  semences  sont  intactes 
ou  piquées  ;  les  Gabonais  n'y 
regardent  pas  de  si  près. 
Toutefois,  il  faut  remarquer 
que  les  Pahouins  ,  qui  em- 
ploient couramment  le  pain 
de  O'Diha  associé  à  difle- 
rents  mets,  notamment  aux 
bananes  cuites,  tiennent  à 
avoir  cette  matière  grasse 
aussi  exempte  que  possible 
de  parasites  animaux.  Dans 

ce  but,  ils  soumettent  les  gros  Fig.  H.  —  Chapelet  de  graines  d'Oba. 

(1)  Nous  verrons  bientôt  que  la  composition  chimique  de  ce  produit  ne  rap- 
pelle en  rien  celle  du  cacao,  ni  dans  son  corps  gras,  ni  dans  la  conslilutiou 
(le  son  amande. 


408  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

pains  dont  nous  avons  parlé,  à  l'action  de  la  fumée,  et,  pour 
cela,  ils  les  suspendent,  durant  plusieurs  mois,  au  faîte  inté- 
rieur de  leurs  habitations  où  s'accumule  la  fumée  de  tout  le 
feu  qui  s'allume  dans  leurs  cases  pour  les  divers  besoins 
domestiques.  Ces  cases  sont,  bien  entendu ,  dépourvues  de 
toute  cheminée. 

Nous  allons  donner  maintenant  les  recherches  que  M.  le 
professeur  Schlagdenhauften  a  faites,  sur  ma  demande,  tou- 
chant la  composition  chimique  de  ce  pain  de  O'Dika  [l). 
Jusqu'ici,  aucun  travail  de  ce  genre  n'avait  été  entrepris  ;  on 
ne  s'était  occupé  que  du  corps  gras  sous  le  nom  impropre  de 
beurre  de  Dika  qu'il  faut  rectifier  en  O'Dika.  Il  était  cepen- 
dant d'un  haut  intérêt  de  connaître  dans  quelle  mesure  ce 
produit  est  nutritif, 

A.  —  Pain  d'O'Dika. 

1.  Traitement  à  Vélher  de  pétrole.  —  La  matière  est 
traitée  dans  un  appareil  à  extraction  continue  par  de  l'éther 
de  pétrole  bouillant  à  60°.  On  opère  sur  20  grammes  et  l'on 
arrête  l'opération  au  bout  de  six  heures.  Le  liquide  jaune, 
évaporé  au  bain-marie,  abandonne  un  corps  gras  d'une 
odeur  spéciale,  fusible  aux  environs  de  40°.  Le  rendement 
est  de  72  %  ;  il  peut  même  aller  jusqu'à  85  %  suivant  la 
façon  dont  on  opère.  En  n'épuisant  que  le  gâteau  brut,  on 
n'atteint  que  la  limite  inférieure;  mais  quand,  après  cette 
première  opération,  on  pulvérise  les  graines  restées  entières 
ou  grossièrement  concassées  seulement,  pour  les  soumettre  à 
nouveau  à  un  deuxième  traitement,  on  arrive  à  en  retirer 
encore  jusqu'à  13  %  de  corps  gras,  ce  qui  élève  le  rendement 
à  85  %. 

2.  Traitement  à  V alcool.  —  Le  liquide  alcoolique,  obtenu  à 
la  suite  d'un  traitement  analogue  au  précédent,  est  brun 
foncé  et  présente  une  légère  odeur  d'empyreume.  Il  contient 
du  glucose,  du  tannin  et  un  peu  de  résine.  Soit  : 

Glucose,  tannin,  matière  aœére 2,40 

Re'sine 0,55 

Poids  de  l'extrait  alcoolique 2,95 

(1  Cette  composition  chimique  se  confond  évidemment  avec  celle  des  graines 
qui  composent  VO^Dika. 


LE  BEURRE  ET  LE  PAIN  D'O'DIKA,  DU  GABOX-CONGO.  409 

3.  Traitement  à  l'eau.  —  En  faisant  bouillir  le  résidu  des 
opérations  précédentes  avec  de  Teau,  on  dissout  un  peu  de 
matière  gommeuse,  soit  0,623  ^o-  L'extrait  aqueux  fournit 
0,257  %  de  cendres  blanches,  par  conséquent,  on  obtient  par 
ce  traitement  : 

Matières  gommeuses 0.623 

Cendres 0,257 

Poids  de  l'extrait  aqueux 0,880 

4.  Recherche  des  matières  albuminoîdes.  —  L'incinéra- 
tion du  résidu  avec  un  peu  de  sodium  donne  un  résidu  qui, 
convenablement  traité  par  le  mélange  de  sels  ferroso-fer- 
riques,  fournit  un  précipité  bleu  qui  indique  la  nature  azotée 
de  la  matière,  en  admettant  que  cet  azote  soit  sous  forme  de 
principe  protéique,  on  obtient  son  poids  en  multipliant  la 
quantité  d'azote  trouvé  par  6,25.  Le  dosage  à  la  chaux 
effectué  d'après  la  méthode  de  AVill  et  Varentrapp  nous  a 
fourni  pour  le  poids  des  matières  albuminoîdes  10"\857. 

5.  Incinération.  —  En  incinérant  la  poudre,  on  obtient  le 
poids  des  sels  fixes  qui  est  de  3,7375  %. 

En  ajoutant  ce  nombre  à  ceux  que  nous  venons  d'indiquer 
ci-dessus,  c'est-à-dire  au  poids  des  produits  extraits  à  l'aide 
de  l'éther  de  pétrole,  de  l'alcool  et  de  l'eau  et  à  celui  des 
matières  albuminoîdes,  obtenues  par  calcul  d'après  le  dosage 
à  la  chaux  et  en  retranchant  la  somme  de  100,  on  trouve, 
comme  différence,  le  poids  du  ligneux  et  de  la  cellulose.  Nous 
pouvons  donc  d'après  ces  données  établir  comme  suit  la 
composition  du  pain  de  O'Dlha  : 

Corps  gras  (acides  laurique  et  myristique) .       72  gr.  15        Sol.  dans  éther  de 

péiiole. 

Glucose,  tanniu  et  matière  amère 2  40     1  ^^^^  ^^^^  ^^^^^^  _ 

Re'siue 0  55     ) 

Matières  gommeuse.s 0  (523  )  g^j_  j^^,  ^.^^^^ 

Cendres 0  257   \ 

Matières  albuminoîdes 10  857 

Cendres 3  7375 

Ligneux  et  cellulose  (dillorence) S)  4255 

100  g  r.      ... 

Nous  allons  examiner  d'une  manière  spéciale  les  divers 


410  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

produits  obtenus  successivement  par  l'action  de  nos  dissol- 
vants. 

B.  —  Produit  extrait  par  Véther  de  pétrole.  {Corps  gras). 

Il  fond  à  41^,6  et  se  prend  de  nouveau  en  masse  à  34^8.  Il 
possède  une  odeur  spéciale  beaucoup  plus  prononcée  à  chaud 
qu'à  froid.  A  l'état  liquide,  il  est  jaune  orangé,  mais,  fondu 
et  sec,  il  présente  une  teinte  gris-jaunâtre. 

Il  est  entièrement  soluble  dans  trois  fois  son  volume 
d'acétone  et  dans  vingt-cinq  fois  son  volume  d"alcool  à  90°. 
Ces  solutions  laissent  déposer  après  refroidissement  des 
aiguilles  très  fines  qu'on  peut  obtenir  d'un  blanc  de  neige  à 
la  suite  de  plusieurs  cristallisations  répétées. 

Il  se  dissout  aisément  dans  le  chloroforme,  l'éther  et  le 
sulfure  de  carbone.  A  l'état  solide  ou  en  solution  chlorofor- 
mique,  il  ne  se  colore  pas  au  contact  de  l'acide  sulfurique 
concentré. 

A  la  température  du  bain-marie,  on  voit  se  produire  une 
teinte  orange.  L'acide  sulfurique  concentré  additionné  d'une 
trace  de  chlorure  ferrique,  fait  apparaître  une  couleur  bleue 
qui  ne  vire  pas  au  ponceau  et  exclut  par  conséquent  la 
présence  probable  de  la  cholestérine.  Des  essais  directs 
effectués  en  vue  d'y  retrouver  ce  composé  n'ont  amené 
d'ailleurs  que  des  résultats  négatifs. 

Le  corps  gras  est  aisément  saponifiable  par  la  potasse  ou 
la  soude  alcoolique  à  la  température  du  main-marie.  Il  suffit 
de  quelques  minutes  de  contact  pour  arriver  à  la  formation 
du  savon. 

En  opérant  sur  300  grammes  de  matière  nous  avons  pré- 
paré la  combinaison  potassique  qui,  dissoute  dans  l'eau  et 
traitée  par  de  l'acide  clilorhydrique  en  excès,  nous  a  fourni 
un  gâteau  assez  volumineux  d'acides  gras.  Après  les  lavages 
nécessaires  pour  éliminer  l'excès  d'acide  et  de  chlorure  alca- 
lin, nous  avons  obtenu  un  produit  presque  blanc,  fusible  vers 
40°,  complètement  sec.  L'alcool  à  90°  à  chaud  dissout  parfai- 
tement ce  mélange  et  abandonne  après  refroidissement  des 
cristaux  aiguillés  fusibles  à  37'',4. 

Pour  connaître  la  nature  de  la  composition  de  ce  mélange, 
nous  ajoutons  à  la  solution  alcoolique  une  solution  alcoolique 
d'acétate  de  magnésie  et  procédons  ainsi  à  des  précipitations 


LE  BEURRE  ET  LE  PAIN  D'O'DIKA,  DU  GABON-CONGO-  4M 

fractionnées  successives.  Les  précipités  sont  jetés  séparément 
sur  filtre,  lavés  à  l'alcool,  puis  décomposés  par  l'acide  chlo- 
rhydrique.  Les  acides  gras  correspondants  sont  soumis  à  des 
cristallisations  répétées  dans  l'alcool,  et  l'on  obtient  finale- 
ment, à  la  suite  de  ces  diverses  opérations,  deux  produits 
dont  l'un  cristallise  à  43"  et  l'autre  à  53",5. 

Ce  sont,  d'après  les  indications  des  aut-eurs,  les  points  très 
voisins  de  la  fusibilité  des  acides  laurique  et  r.iyristiqne. 
Les  autres  précipités  magnésiens  décomposés  de  la  même 
façon  par  l'acide  chlorhydrique  fournissant  des  acides  gras 
dont  le  point  de  fusion  est  intermédiaire  entre  ces  derniers, 
ne  doivent  être  considérés  que  comme  des  mélanges.  Nous 
admettons  donc  que  les  acides  gras  du  beurre  de  O'Dîka  sont 
constitués  par  de  Vacide  laurlqiie  et  de  Vaclde  myrislique, 
et,  si  d'autre  part,  nous  nous  appuyons  sur  les  travaux  de 
Heintz  (1)  et  de  Oudemanns  (2),  dont  les  noms  font  autorité 
dans  la  technique  des  corps  gras,  nous  pouvons  affirmer  sans 
crainte  d'être  démenti  que  ces  deux  acides  lai(riqi(e  et  my- 
7^istiqiie  se  trouvent  à  peu  près  à  parts  égales  dans  ce 
beurre.  Nous  croyons  pouvoir  affirmer,  en  outre,  l'absence 
complète  (Voléine  dans  ce  produit,  d'abord  en  raison  de  la 
production  d'un  mélange  qui  n'est  ni  liquide  ni  même  buty- 
reux,  extrait  du  gâteau  des  acides  gras,  et  ensuite  à  cause 
de  l'impossibilité  dans  laquelle  nous  nous  sommes  trouvé  de 
préparer  un  savon  plombique  soluble  dans  l'éther.  Les  acides 
gras  du  beurre  de  Dika  ne  renferment  donc  pas  d'acide 
oléique  et  sont  uniquement  formés  d'acides  laurique  et 
myristique. 

C.  —  Produits  extraits  par  Valcool. 

Nous  obtenons,  comme  nous  l'avons  indiqué  plus  haut,  un 
mélange  de  divers  i»rincipes  faciles  à  déceler  par  les  réactifs 
chimiques,  mais  dont  les  caractères  organo-leptiques  sont 
d'autant  moins  aisés  à  reconnaître  que  la  solution  aqueuse 
présente  une  réaction  franchement  acide  au  tournesol. 

L'acidité  est-elle  due  au  tannin  ou  à  un  acide  particulier? 
Nous  serions  tenté  d'admettre  cette  dernière  hy[)othèse  et 


(1)  Annales  de  Pogg.,  xc,  p.  137. 

(2)  Répertoire  de  chimie  appliq.,  18C0,  p.  390. 


*'I2  hEVUE  DES  tiClENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

d'attribuer  la  présence  de  cet  acide  à  un  produit  pyrogené 
formé  lors  de  la  préparation  du  pain.  D'ailleurs  il  doit  se 
former  et  il  se  forme  en  réalité,  par  suite  de  la  température 
élevée  à  laquelle  on  porte  le  mélange  des  graisses,  un  pro- 
duit spécial  qui  ne  peut  provenir  que  de  l'altération  de  la 
matière  protéique  y  contenue.  Ce  produit,  mal  défini,  ne 
constituant  pas  une  entité  chimique,  mais  pouvant  le  devenir 
dans  certaines  conditions  de  température,  donne  à  la  solution 
aqueuse  une  saveur  légèrement  amère  et  se  comporte,  à 
l'égard  des  réactifs,  comme  les  ptomaïnes.  Il  précipite,  en 
effet,  au  contact  des  iodio^es  doubles  et  du  cyanoferride 
ferrique. 

Une  expérience  comparative  faite  avec  des  amandes 
douces  nous  fournit  un  résultat  absolument  identique.  Mêmes 
précipités  avec  Yiodure  iodnré  de  potassium,  avec  Viodure 
de  mercure  et  de  potassium,  Viodure  de  bismidh  et  de  'po- 
tassium et  formation  de  bleu  de  Prusse  avec  le  cyanure 
rouge  additionné  de  chlorure  ferrique. 

Faudrait-il  conclure  de  là  que  les  extraits  alcooliques  ou, 
ce  qui  revient  au  même,  les  liquides  provenant  du  traitement 
par  l'eau  du  pain  (YO'Diha  ou  des  amandes  grillées,  soient 
toxiques  en  raison  de  la  minime  quantité  de  composé  aAa- 
logue  aux  ptomaïnes  dont  nous  venons  de  déceler  la  pré- 
sence ?  Nous  ne  le  pensons  pas,  car  l'immunité  complète  de 
la  matière  alimentaire  si  répandue  chez  les  Pahouins,  jointe 
à  celle  des  gâteaux  nommés  petits-fours  par  nos  pâtissiers, 
j)rouve  bien  qu'il  n'en  est  rien. 

Il  se  dégage  cependant  de  cette  discussion  une  question  à 
examiner  de  plus  près  et  à  trouver  les  conditions  de  tempé- 
rature qui  coïncident  avec  le  rendement  maximum  du  com- 
posé à  fonction  alcaloïdique  dont  nous  venons  de  signaler 
l'existence  dans  les  amandes  grillées  de  VOba. 

Ce  sera  l'objet  d'une  étude  spéciale  et  d'un  caractère  géné- 
ral, qui  ne  serait  pas  ici  à  sa  place. 

D.  —  Produit  extrait  par  l'eau. 

La  matière  gommeuse  que  l'on  obtient  après  traitement 
par  l'eau  de  la  poudre  épuisée  par  l'alcool  ne  présente  rien  de 
particulier.  La  solution  précipite  par  Valcool,  le  chlorure 
ferrique  et  V acétate  triplombique  et  jouit,  par  conséquent, 


LE  BEURRE  ET  LE  PAIN  D'O'DIKA,  LU  CtABON  COXPrO.  41 3 

des  propriétés  générales  de  la  gomme  arabique  [araMne).  Ce 
produit  est  fourni  par  les  lacunes  à  mucilage  dont  tout  le 
tissu  parenchymateux  de  la  graine  est  rempli. 

En  résumé,  le  gâteau  de  O'Diha  est  un  aliment  complet 
composé  comme  il  suit  :  les  quatre  cinquièmes  sont  consti- 
tués par  des  corps  gras,  glycérides  des  acides  Uiurique 
et  myrisHqiie,  10  %,  de  principes  albuminoïdes,  une  petite 
quantité  de  sucre  et  d'autres  éléments  qu'on  retrouve  en 
général  dans  les  graines  alimentaires. 

Il  résulte  nettement  de  cette  analyse  que  le  pain  de  VO'Dika 
est  une  matière  nutritive  appréciable.  Dès  lors,  s'il  est  vrai, 
comme  le  laissent  pressentir  certains  auteurs,  notamment 
O'Rorke  [loc.  cit.),  que  ce  produit  est  employé  pour  adulté- 
rer le  cacao  dans  la  labrication  du  chocolat,  il  ne  faut  pas 
s'en  inquiéter  outre  mesure  au  point  de  vue  de  la  santé  pu- 
blique. Cette  fraude  serait  plus  supportable  que  celle  qui  con- 
sisterait (comme  le  pratiquent,  dit-on,  certains  industriels 
pour  la  préparation  de  chocolats  inférieurs)  à  mêler  au  cacao 
des  tourteaux  d'amandes  ou  d'arachides,  des  noisettes,  de  la 

farine  de  fève,  de  la  stéarine,  etc.,  etc J'ajoute  qu'en 

raison  du  degTé  de  fusibilité  du  corps  gras  de  ÏOVJika,  si  rap- 
proché de  celui  du  cacao,  cette  fraude,  au  moins  dans  les 
mélanges  adultérins  où  la  proportion  iVO'Dika  ne  serait  pas 
trop  élevée,  resterait  fort  difficile  à'reconnaitre.  Voici  com- 
ment s'exprime  O'Rorke  au  sujet  de  son  chocolat  des  pau- 
vres qu'il  eut  l'idée  de  préparer  avec  le  pain  (ÏO^Dika  seule- 
ment. «  La  ressemblance  du  pain  de  Dika  avec  le  cacao  m'a 
»  donné  l'idée  d'en  fabriquer  du  chocolat  avec  le  ^ucre  et  un 
»  aromate.  Le  résultat  est  certainement  encourageant.  Ce 
»  chocolat  préparé  au  lait,  à  la  façon  ordinaire,  a  été  goûté 

»  avec  plaisir  par  les  personnes  non  prévenues Le  pain 

»  de  Dilia,  d'après  son  premier  importateur  Aubry-Lecomte, 
»  peut  valoir  au  Gabon  de  GOàlS  centimes  le  kilogramme (1).  » 
Nous  avons  vu  que  le  cor[)s  gras  de  ÏO'Bika  y  existe  en 
quantité  appréciable  ;  ijidnstrieliement  on  peut  aisément, 
par  la  pression  ou  i)ar  le  traitement  au  sulfure  de  cai-bone, 

(1)  Ce  renseignement  ne  conconie  pas  avec  celui  que  m'a  fourni  (eu  Pierre, 
dircclcur  du  Jardin  d'essai  de  Lil)ruville,  qui  voulut  bien  in'ac(|uérir  un  pain 
do  6  kilofi;.  (celui  dont  j'ai  donné  la  ligure),  et  qui  le  paya  un  lusil  <le  Irailc  de 
la  valeur  de  15  francs.  A  ce  prix,  le  kilo  de  pain  de  Dika  revient  à  plus  de 
2  Irancs.  Mais,  pour  les  besoins  industriels,  il  suffirait  d'aclieier  la  f,'raine  en 
nature  non  manipulée,  (jui  serait  évidemment  d'un  prix  bien  inférieur. 


4<4  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

en  obtenir  de  48  à  10  %  de  la  graine  privée  de  son  endo- 
carpe ou  18  à  21  °/o  de  la  graine  pourvue  de  cette  enveloppe 
coriace.  Ainsi  extrait,  ce  corps  se  présente  sous  l'aspect 
d'une  masse  d'un  blanc  teinté,  rappelant  un  peu  le  beurre  de 
cacao,  moins  l'odeur  particulière  à  ce  dernier  corps.  Lecomte, 
agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  en  a  fait  une  étude 
d'application  pratique  en  fabricant  avec  ce  corps  un  très 
beau  savon  à  base  de  soude  ;  il  a  fabriqué  aussi  de  la  bougie. 
J'ai  moi-même  donné  à  essayer  ce  produit  dans  la  grande 
usine  à  stéarinerie  de  MM.  Fournier  à  Marseille  ;  il  a  été  em- 
ployé comparativement  avec  le  produit  similaire  provenant 
de  YIrvingia  Oliven  Pierre  'de  Cochinchine),  appelé  beurre 
de  Ca'y  Cay.  Voici  le  résultat  de  cet  essai  industriel  : 

BEURRES   DIRVINGIÂ. 

Irviiigia  Oliven  Pierre,  de  la  Cochinchine  et  du  Cambodge. 

Rendement  en  huile  parle  sulfure  de  carbone 

sur  la  graine  non  décortique'e 12,80  °/o 

Rendement  en  huile  par  le  sulfure  de  carbone 

sur  la  graine  décortiquée 61    » 

Saponificalion-déchet 10    » 

Rendement  en  glyce'rine H     " 

Rendement  en  stéarine  de  saponification 8i,97 

Fusion  des  acides  gras  de  saponification  ....  35<^,50 

Fusion  sle'ariue 36'^, 50 

Irvingia  gabonensis  II.  Bâillon,  du  Gabon-Congo. 

Rendement  en  huile  par  le  sulfure  de  carbone 

sur  la  graine  non  de'cortique'e 21     »  °/o 

Rendement  en  huile  par  le  sulfure  de  carbone 

sur  la  graine  décortique'e 48    » 

Saponification-de'chet 10    » 

Rendement  en  glycérine 10,80 

Rendement  en  stéarine  de  saponification.   . .  .  82,53 

Fusion  des  acides  gras  de  saponification 39'^  » 

Fusion  stéarine 38°, 50 

La  comparaison  des  chiffres  ci-dessus  montre  la  presque 
complète  identité  qui  existe  entre  le  corps  gras  fourni  par 
les  deux  graines  iVl}^vmgia,  au  point  de  vue  de  l'emploi  en 
stéarinerie.  Ces  deux  huiles  concrètes  présentent  la  parti- 


LE  BEURRE  ET  LE  PAIN  D'O'DIKA,  DU  GABON-CONGO.    415 

■CLilarité  d'avoir  des  acides  gras  à  point  de  fusion  peu  élevé, 
bien  qu'elles  soient  à  l'état  neutre  d'une  consistance  solide 
accentuée. 

Les  acides  gras  de  saponification  pressés  donnent  une 
stéarine  dont  la  fusibilité  est  sensiblement  la  même  que  celle 
des  acides  gras  avant  pression,  ce  qui  indique  une  composi- 
tion particulière  pour  ces  huiles,  composition  presque  homo- 
gène, puisque  l'élimination  des  acides  gras  liquides  n'a  point, 
par  la  pression,  changé  sensiblement  la  fusibilité  de  la  ma- 
tière avant  pression  ;  tandis  que  les  huiles,  en  général,  don- 
nent toujours  une  différence  plus  ou  moins  grande  entre  le 
point  de  fusion  des  acides  gras  et  celui  de  la  stéarine  corres- 
pondante. Le  déchet  de  10  %  à  la  saponification  confirme 
encore  cette  composition  spéciale  du  beurre  des  Irvingia, 
puisque  le  déchet  théorique  est  de  5  %.  Cet  excédent  de  dé- 
chet indique  qu'il  entre  dans  la  composition  de  cette  huile 
des  acides  gras  solubles,  tels  que  l'acide  buti/rique,  Vacide 
caiirylique  et  caproïque  qui  sont  éliminés  à  la  saponification. 
Ce  déchet  anormal  rapproche  les  huiles  (ï Irvingia  de  l'huile 
de  Coco,  qui  donne  aussi  un  déchet  élevé  à  la  saponification. 
On  trouve  aussi,  au  point  de  vue  physique,  un  rapprochement 
entre  ces  deux  huiles,  dans  l'odeur  qui  est  identique  de  part 
•et  d'autre. 

Le  beurre  de  O'Diha  (Gabon)  pourrait  donc  être  employé 
sinon  par  l'industrie  de  la  stéarinerie,  du  moins,  avec  grand 
avantage,  par  celle  de  la  fabrication  des  savons  ;  les  expé- 
riences de  Lecomte  l'établissent  nettement.  D'autre  part,  la 
parfumerie  et  la  pharmacie  pourraient  en  faire  un  large  em- 
ploi pour  les  pommades  à  grain  lisse,  cold-cream,  cérals 

odoriférants  et  translucides ,  cosmétiques  fins,  etc En 

J858,  MM.  Mazurier  (du  Havre)  proposaient,  d'après  O'Rorke. 
le  beurre  pur  de  O'Diha  tout  préparé  au  prix  de  1  fr.  .50  le 
kilog.  Ce  prix  pourrait  être  moindre  encore  aujourd'hui,  en 
raison  de  la  plus  grande  facilité  des  approvisionnements  en 
matière  première  (1).  D'après  Bâillon,  «  MM.  Gellé  frères,  à 

(1)  A  ceUe  époque,  notre  colonie  du  Gabon,  seul  point  où  l'on  i)ùt  su  pro- 
curer des  frraines  d'Oba,  était  isolée  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique,  sans  coiii- 
municalious  périodiques  avec  la  France,  et  sans  voie  de  pénétraiioa  dans  les 
régions  intérieures  boisées  où  le  végétal  producteur  abonde.  Aujourd'hui,  il  n'en 
est  plus  ainsi:  le  Gabon  et  le  Congo  français  ue  forment  plus  qu'une  immense 
possession,  et  des  lignes  de   paquebots,  parlant  de   Marseille,  visitent  réguliè- 


416  REVUE  DES  SCIEN'CES  NAÏUKELLES  APPLIQUÉES, 

»  Paris,  Pilastre  à  Rouen,  ont  proposé,  avec  MM.  Mazurier, 
»  d'employer  cette  matière  grasse  â  plusieurs  usages  indus- 
»  triels  ;  on  en  a  préparé  une  substance  analogue  à  la  siéa- 
»  rine,  des  parfumeries  fines,  des  cérats,  des  savons  à  'ba>>c 
»  de  soude.  «  La  pharmacie  pourrait  trouver  grand  avantage 
à  substituer  au  beurre  de  cacao  notre  substance  un  peu  moins 
fusible  que  ce  dernier  corps,  pour  la  préparation  des  sup- 
positoires médicamenteux  (glycérocones,  etc.)  ;  ceux  qu'on 
prépare  actuellement,  à  enveloppe  de  beurre  de  Cacao,  étant 
d'un  prix  très  élevé.  En  dehors  de  sa  moindre  valeur  vénale, 
le  beurre  de  O'Diha  aurait,  sur  le  beurre  de  cacao,  la  supé- 
riorité de  se  travailler  plus  facilement  â  la  machine  à  fabri- 
quer les  cônes  de  suppositoires,  et  de  ne  pas  fondre  dans 
les  doigts  de  la  personne  qui  doit  en  assurer  l'emploi. 

On  se  demande  comment,  avec  des  applications  si  multiples, 
si  variées  et  si  importantes,  sans  compter  la  facilité  de  se  le 
procurer  en  abondance  dans  nos  immenses  possessions  ac- 
tuelles de  l'Afrique  tropicale  (Gabon,  Congo  français  et  Congo 
belge),  ce  produit  de  haute  valeur  n'est  pas  devenu  encore 
d'emploi  usuel  dans  notre  industrie  européenne.  Serait-il 
bien  téméraire  d'espérer  que  cette  modeste  étude  ne  restera 
pas  étrangère  à  la  diffusion,  dans  un  avenir  prochain,  de  la 
graine  de  VOha  jusqu'ici  méconnue  dans  sa  valeur,  tant 
comme  substance  alimentaire  que  comme  matière  grasse  '? 
L'espèce  principale  qui  donne  VO'Dika  devrait,  est-il  besoin 
de  l'ajouter,  être  propagée  dans  nos  colonies  françaises  tro- 
picales, la  reproduction  par  les  graines  étant  absolument 
assurée  ,  à  la  condition  qu'elles  soient  aussi  fraîches  que 
possible. 

{A  suivre). 


rement,  une  fois  par    mois,    notre  nouvelle  colonie  d'Afrique  tropicale,    faisant 
escale  à  Libreville  (capitale  du  Gabon]   et  à  Loango  (dans  le  ConRo), 


II.   EXTRAITS  DES  PROCES-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 


SÉANCE  GÉNÉRALE  DU  7  AVRIL  1893. 

PRÉSIDENCE    DE    M.    A.    GEOFFROY    SAINT-HILAIRE,    PRÉSIDENT. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  adopté. 
M.  le  Président  prononce  l'allocution  suivante  : 

«  Messieurs,  la  Société  apprendra  avec  émotion  que  le  Conseil  a  été 
dans  la  triste  nécessite  d'accepter  la  démission  de  M.  Berthoule,  notre 
Secrétaire  géne'ral. 

»  Je  crois  être  l'interprète  de  tous  en  rappelant  en  quelques  mots 
le  bien  que  M.  Berthoule  a  fait,  en  particulier  à  nos  publications. 
C'est,  en  effet,  Me.'^sieurs,  au  moment  où  M.  Berthoule  a  pris  le  poste 
très  occupant  de  Secrétaire  général,  que  nous  avons  juge  à  propos  de 
transformer  le  Bulletin  mensuel  de  la  Société  nationale  d'Acclimatation 
on  Revue  des  Sc'enccs  naturelles  appliquées,  paraissant  deux  fois  par 
mois.  Sous  l'impulsion  de  M.  Berthoule,  ce  recueil  a  pris  l'importance 
que  vous  savez  et  a  pu  obtenir,  en  très  peu  de  temps,  dans  le  monde 
des  publications  scientifiques,  une  place  assez  considérable. 

»  M.  Berthoule  n'est  pas  un  collègue  perdu  pour  nous.  Son  cœur 
est  toujours  avec  la  Socie'lé  d'Acclimatation.  Ce  que  nous  perdons, 
c'est  son  concours  effectif,  c'est  son  concours  quotidien  en  quelque 
sorte,  et  nous  conserverons  un  souvenir  excellent  du  temps  et  des 
efforts  qu'il  a  consacrés  à  notre  association.  » 

M.  le  Président  proclame  les  noms  des  membres  récem- 
ment admis  par  le  Conseil  : 


PRESENTATEURS. 

J.  Grisard. 
Vacher. 
L.  Vaillant. 


MM. 

Bey  (Paul),  aviculteur,  20,  rue  de  Londres,  \ 
à  Paris.  j 

r.  /T   1     ^     <.  1    •        .1  ,   1    A.  Geoffroy  Saint-IIilaire. 

Gilbert  (Jules),  labncanl  de  crayons,  a  \   ^  '' 

^.     ,  / .     ,  v  1  G.  Mathias. 

Givct  (Ardcnjes).  / 

V  Comte  de  Puyfontaine. 

Kunsti.er,    professeur   à  la    Faculté'   des  ,'   A.  Geoffroy  Saint-IIilairc. 
sciences,    IJl,    cours    Viclor-llugo,    à|  Comte  de  l'uyfonlaiue. 
Bordeaux.  (   L.  Vaillant. 


Lk   Feuvre,   directeur  de  la  Quinta  Nor- 
mal d'Agriculture,  à  Santiago    Chili  . 

5   Mai   13V3. 


A.  Geoffroy  Saiul-IIilairc 

Uavcret-Wallcl. 

L.  ^'ailliHll. 


'o'Jj 


( 


Teil  (baron  Pierre-Marie  du);  4,  rue  Mon- 
sieur, à  Paris. 


418  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES   Al'FLlQUÉES. 

MM.  PRÉSENTATEURS. 

PiNEr,  (Auguste-Amédéc-Joseph),  proprio'-  (  A.  Gcoffroj^  Saiat-Hilaire. 
taire,  au   château   d'Haussemagae,  par  |  E.  Roger. 
Conches  (Eure).  '   Marquis  de  Sine'ty. 

_,  /T-.     j-        j  T-i        .\     T 10  (  J-  ^<^  Claybrooke. 

Sandoz  (Ferdmand-Ernest),   113,  avenue  ) 

,^.  .       -T  ■   i^    ■  1  ^-  Geoffroy  Samt-Hilaire. 

Viclor-Hugo,  a  Pans.  / 

E.  Wuirion. 

A.  Berlhoule. 
E.  Roger. 
Marquis  de  Sinély. 

—  La  Société  est  informée  de  la  perte  d'un  de  nos  collè- 
gues :  celle  de  M.  Jean-Josepli  Lafon,  qui  était  un  des 
membres  les  plus  anciens  de  la  Société  et  un  des  chepte- 
liers  les  plus  consciencieux  que  nous  ayons  eus  dans  le 
courant  de  ces  dix  ou  douze  dernières  années.  M.  Laibn  ré- 
pondait très  exactement  à  toutes  les  questions  qui  lui  étaient 
posées  et  rendait  compte  exactement  de  ce  qu'il  avait  observé 
chez  lui.  Nous  perdons  en  lui  un  collaborateur  des  plus 
utiles. 

—  M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  corres- 
pondance. 

Remerciements  pour  envois  de  cheptels  de  la  part  de 
MM.  Arn.  Leroj-,  sous-inspecteur  des  Domaines,  Le  Mojne, 
Sassere,  Silhol,  .1.  Hébert  et  Gust.  Delanney. 

—  M.  Tourchot,  d'Ottawa  (Haut-Canada),  écrit  : 

«  Nous  avons  eu  un  hiver  exceptionnellement  long,  trois  mois 
de  froids,  sans  interruption;  mon  élevage  a  été'  cruellement  e'prouvé  ; 
j'ai  perdu  4  femelles  et  2  mâles  Faisans  dore's,  1  femelle  Lady,  1  mâle 
et  2  femelles  Perdrix  grises,  1  mâle  Faisan  argenté  (mais  ce  sujet  e'tait 
défectueux)  ;  sans  compter  Pigeons,  Coucous  de  Bretagne,  Combat- 
tants et  autres. 

»  Tous  mes  Faisans  sont  hivernes  dans  une  bâtisse  divisée  en  par- 
quets, bâtisse  à  trois  e'tages.  —  J'ai  fait  poser  deux  poêles  ;  je  ne 
chauS"e  ordinairement  qu'avec   un  seul,  mais  pour  nos  gros  froids  ; 

—  30*^  c,  35°  c.  et  même  41°  c,  il  faut  absolument  chauffer  les  deux. 
»  Mon  maximum  de  température  est  +  10°  c;  le  plus  froid  —  2°  ou 

—  3°,  l'eau  n'a  jamais  gelé  que  superficiellement. 

»  Il  est  à  remarquer  la  résistance  des  Colins  de  Californie  eu  com- 
paraison de  nos  Perdrix  grises  d'Europe  placées  dans  les  mêmes 
conditions. 

»  Je  dois  ajouter  que  mes  Faisans  ont  de  la  terre  à  discre'tion,  de 


PROCÈS-VEBBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  419 

la  lumière,  et  un  système  d'aération  ;  exposition  au  levant-midi-cou- 
chant. J'ai  assez  de  succès  avec  les  Pintades.  —  J'en  donnerai  une 
explication  dans  ma  prochaine  correspondance;  seulement  la  consé- 
quence de  l'hivernage  force  fait  que  la  ponte  est  tardive  et  que, 
comme  conséquence,  les  petits  sont  trop  jeunes  et  trop  faibles  pour 
supporter  l'hivernage.  » 

M.  le  Secrétaire  fait  remarquer  que  cette  lettre  est  intéres- 
sante en  raison  des  observations  qu'elle  contient  sur  l'action 
dn  froid.  Il  rappelle  qu'à  plusieurs  reprises,  notamment  de  la 
part  de  M,  Milne  -  Edwards ,  directeur  du  Muséum,  et  de 
M  Geoffroy  Saint-Hilaire,  des  communications  nous  ont  été 
faites  sur  l'action  que  peut  avoir  le  froid  sur  les  animaux 
pendant  les  hivers  rigoureux.  Il  sera  intéressant  de  réunir 
toutes  ces  notions  et  d'en  tirer  des  observations  générales. 

—  M.  Forest  aîné  adresse  une  communication  sur  les 
Merles  métalliques  qui  habitent  l'Afrique  et  qui  ont  des 
mœurs  assez  semblables  à  celles  des  Pies  de  nos  pays.  M.  Fo- 
rest demande  qu'on  fasse  des  essais  pour  acclimater  les 
Merles  métalliques  en  Algérie.  La  valeur  marchande  de  ces 
oiseaux  est,  paraît-il,  très  considérable,  à  cause  de  l'éclat  et 
du  brillant  de  leur  plumage. 

—  Nous  avons  reçu  de  M.  Louis  Rouillé  une  monographie 
de  la  race  des  Langshan.  Cette  monographie  est  conçue  dans 
un  esprit  excellent.  Mais  il  ne  faudrait  peut-être  pas  en  faire 
lui  éloge  sans  réserve,  à  cause  de  certaines  tendances  à  intro- 
duire dans  la  nomenclature  généralement  employée  en  agri- 
culture, des  termes  un  peu  savants,  si  savants  qu'on  n'arrive 
l>as  toujours  à  les  comprendixs  même  avec  l'habitude  de  la 
terminologie  scientifique.  11  faut  reconnaître  d'ailleurs  que 
les  descriptions  sont  très  exactes,  et  qu'en  outre  des  planches 
liarfaitement  gravées  et  qui  semblent  très  consciencieuse- 
ment dessinées  accompagnent  l'ouvrage. 

—  M.  Lefèvre,  dans  une  lettre  à  M.  le  Président,  rend 
compte  d'une  visite  à  l'établissement  de  pisciculture  de  M.  de 
Marcillac.  Cette  lettre  fournit  un  nouveau  témoignage  en 
faveur  de  la  soigneuse  direction  donnée  à  cet  établissement. 

—  M.  Kunstler,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de 

Jîordeaux,  écrit  : 

«  Veuillez  me  permettre  de  vous  annoncer  qu'il  a  cte'  fonde  à 
Bordeaux   une  Société   de  pisciculture,  dont  le    but   est   parallèle   à 


420  REVUE  DES  SCIENCES   NATURELLES  APPLIQUÉES. 

l'un  de  ceux   que  vous  poursuivez  depuis  si   longtemps  et   avec  tant 
de  succès. 

»  J'ai  vu  que  vous  faisiez  des  distributions  d'œufs  et  d'alevins, 
auxquelles  nous  désirons  vivement  prendre  part,  pour  les  disse'miner 
dans  nos  eaux  du  sud-ouest.  » 

A  cette  lettre  sont  jointes  plusieurs  brochures.  L'une  est 
l'exposé  des  statuts  de  cette  Société  de  pisciculture;  les 
autres  comprennent  les  discours  qui  ont  été  prononcés,  tant 
pour  expliquer  le  rôle  de  cette  Société  que  pour  indiquer  aux 
personnes  qui  voudraient  en  l'aire  partie,  les  conditions  à 
remplir. 

—  Des  demandes  d'œufs  embryonnés  de  Truite  Arc-en- 
Ciel  sont  adressées  par  MM.  D''  Léo  Laborde,  Raveret-Wattel.  ' 
directeur  de  l'établissement  de  pisciculture  du  Nid  de  Verdier 
(Seine-Inférieure),  Ch.  Bezanson,  J.  Ramelet,  Ad.  Jacque- 
mart, VejTassat  et  la  Société  d'horticulture  de  la  Sarthe. 

—  Nous  avons  de  M.  Rocha  Peixoto  l'envoi  d'un  opuscule 
où  il  traite  des  stations  d'aquiculture,  plutôt  au  point  de  vue 
des  observations  scientifiques  qu'au  point  de  vue  pratique  ; 
le  catalogue  de  l'Exposition  universelle  de  Chicago,  pro- 
gramme, règlement  et  informations  générales  à  l'usage  des 
exposants,  et  surtout  celui  relatif  à  la  pisciculture. 

—  Une  communication  d'un  autre  caractère  nous  est  en- 
voyée par  le  Père  Gamboué,  de  Madagascar.  Cette  communi- 
cation est  relative  aux  essais  de  viticulture  qui  ont  été  faits 
â  Madagascar.  On  se  trouve  là  dans  des  conditions  extrê- 
mement défavorables  à  la  culture  du  raisin,  mais  le  Père 
Camboué  nous  rend  compte  des  difficultés  rencontrées  et  des 
efforts  soutenus  qui  ont  permis  un  succès  relatif. 

—  Parmi  les  communications  intéressant  la  botanique,  il  y 
en  a  une  très  importante  de  M.  Vilbouchevitch,  qui  continue 
l'enquête  ordonnée  par  la  Société  d'Acclimatation  relative- 
ment aux  Salt-huslies . 

—  M.  Brierre,  de  Saint-Hilaire-de-Riez  (Vendée),  écrit  à 
M.  le  Président  : 

«  Les  Haricots  envoye's  des  jardins  de  la  mission  russe  lors  de  la 
jirise  de  Pékin,  se  sont  de  moins  en  moins  reproduits  identiquement 
et  ont  fini  par  se  confondre  avec  nos  anciens.  Ci-joint  un  colis  de  plu- 
sieurs kilos  pour  ceux  de  nos  honorables  collègues  qui  de'sireraieut  en 
semer  au  printemps  1893    » 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.      421 

Cette  lettre  est  intéressante  parce  qu'elle  Indique  une  es- 
pèce de  graine  exotique  qui  a  fini  par  fournir  des  produits 
qui  se  sont  confondus  avec  les  races  existantes,  soit  sous  l'in- 
fluence des  croisements ,  soit  sous  les  influences  climaté- 
riques. 

—  Brochure  de  M.  Sébastiani  de  Mantoue  contenant  une 
étude  sur  l'influence  du  froid  sur  les  végétaux.  Cette  étude 
parait  assez  sérieuse  pour  que  la  Société  en  donne  sinon 
la  traduction  au  moins  l'analjse. 

—  M.  Denizet,  président  du  Syndicat  des  agriculteurs  du 
Loiret,  adresse  une  demande  de  Pitcli-pin  et  faire  connaître 
que  les  œufs  de  Truite,  que  la  Société  lui  a  adressés,  sont 
arrivés  en  boii  état  et  ont  été  répartis  entre  cinq  de  ses 
collègues. 

—  M.  Fallou  soumet  à  la  Société  une  brochure  qui  lui  a 
été  offerte  par  l'auteur,  M.  E.  Lecœur,  sur  le  Ciiématobie 
hiémale.  C'est  un  résumé  de  ce  qui  a  été  fait  depuis  un  siècle 
en  vue  de  détruire  cet  insecte. 

—  M.  Vilbouchevitch  lit  une  communication  sur  les  sta- 
tions agricoles  et  d'acclimatation  en  Californie  et  termine  en 
disant  que  M.  Hilgard  l'a  prié  d'informer  l'assistance  qu'il 
serait  heureux  de  pouvoir  donner  des  renseignements  plus 
précis  à  tous  ceux  qui  le  désireraient,  sur  des  points 
spéciaux. 

—  M.  le  Président  donne  la  parole  à  M.  le  commandant 
Vannetelle,  pour  une  communication  sur  les  filets  considérés 
comme  engins  de  pèche  et  leur  emploi. 

Le  Secrétaire  des  séances, 

Remy  Saint-Loup. 


III.  COMPTES  RENDUS  DES  SEANCES  DES  SECTIONS. 


l'-e    SECTION    (MAMMIFERES). 
SÉANCE  DU  17  AVRIL  1893. 

PRÉSIDENCE    DE    M.    DEGROIX,    PRÉSIDENT. 

La  section  émet  le  vœu  que  la  Socie'lé  recueille  des  renseignemenls 
sur  les  meilleures  races  de  Chèvres  laitières  et  les  vulgarise. 

La  section  e'met  aussi  le  vœu  que  les  Chèvres  soient  admises  dans 
les  concours  régionaux  et  qu'on  s'occupe  de  leur  amélioration 
comme  de  celle  des  autres  animaux  domestiques. 

A  propos  d'un  écho  de  journal  lu  par  un  membre  et  dans  lequel  il 
est  dit  qu'en  Tasmanie  on  vient  de  découvrii  une  maladie  très  conta- 
gieuse sur  les  Lapins  et  consistant  en  une  vraie  tuberculose  du  foie, 
M.  Mégnin  rappelle  qu'il  a  étudie'  cette  maladie,  il  y  a  quelques  an- 
ne'es  déjà,  et  qu'il  l'a  de'crite  dans  un  mémoire  publie'  dans  la  Revue 
des  sciences  aaturelles  appliquées  sous  le  nom  de  plitliisle  coccUUeane  du 
foie  du  Lapin. 

M.  Mégnin  donne  des  détails  sur  la  Maléine,  substance  très  en 
vogue  en  ce  moment  et  dont  l'inoculation  permet  d'établir  le  diagnos- 
tic de  la  morve  latente,  c'est-à-dire  sans  signe  exte'rieur. 

C'est  une  préparation  analogue  à  la  Tiiberculine,  résultant  d'une  cul- 
ture de  baciles  morveux  et  qui,  inoculée  sous  la  peau,  donne  une 
fièvre  spéciale,  appréciable  au  thermomètre,  aux  Chevaux  qui  sont 
morveux,  tandis  qu'elle  ne  produit  aucun  effet  sur  ceux  qui  ne  le  sont 
pas. 

C'est  par  son  moyen  que  tout  récemment,  dans  un  dépôt  de  transi- 
tion pour  les  jeunes  chevaux  de  l'armée,  celui  de  Montoire,  on  a  pu 
reconnaître  l'existence  de  la  morve  chez  un  grand  nombre  de  ces  che- 
vaux, qui  ont  été  par  suite  abattus  et  on  a  ainsi  lait  disparaître  la 
maladie. 

A  propos  de  ce  de'pôt  de  transition  où  l'on  réunit  des  jeunes  Che- 
vaux de  trois  à  quatre  ans,  qui  sont  versés  ensuite  dans  les  re'gimenls 
à  fâge  de  cinq  ans,  M.  Decroix  tient  à  déclarer,  qu'à  son  avis,  la  cre'a- 
tion  de  ces  de'pôts  est  une  mauvaise  mesure. 

Pour  le  seci'étaij'e  absent, 

P.    MÉGNIN. 


IV.  CHRONIQUE  DES  COLONIES  ET  DES  PAYS  D'OUTRE-MER. 


La  production  de  Sucre  dans  la  République  argentine. 

La  culture  de  la  Canne  à  sucre  et  des  industries  qui  s'y  rattachent 
ont  pris,  depuis  quelques  anne'es,  un  développement  considérable  dans 
la  République  argentine,  ce  qu'il  faut  attribuer  surtout  à  l'amélioration 
des  machines  et  rétablissement  des  chemins  de  fer  qui  rendent  les 
transports  plus  faciles. 

Autrefois,  on  eraplovait  des  cylindres  en  bois  pour  e'craser  la  Canne 
et  en  fait  do  moteurs  on  avait  des  bœufs,  ou  des  mules  ;  ce  proce'de' 
permettait  d'en  extraire  à  peine  la  moitié'  du  jus.  Aujourd'hui  on  a 
des  cylindres  en  fer  qui  donnent  60  à  80  %  de  rendement.  Le  résidu, 
en  sortant  du  moulin,  est  complètement  sec  et  sert  de  combustible. 

Les  fabriques  ont  un  outillage  des  plus  modernes  et  produisent  du 
sucre  brut  pour  la  raffinerie  et  de  la  cassonade  pour  l'épicerie.  Elles 
ont  toutes  des  triples  effets,  des  turbines,  etc.,  choses  qui  manquent 
encore  dans  bien  des  plantations  tropicales. 

La  dilTusion  a  été  dernièrement  adoptée  dans  quelques-unes  de  ces 
entreprises.  Ce  système,  généralement  en  usage  dans  presque  toutes 
les  fabriques  de  sucre  de  betteraves,  paraît  devoir  se  généraliser  ici. 
Pour  le  travail  de  la  Canne  à  sucre,  il  a  eu  quelque  peine  à  se  faire 
adopter  parce  que  son  installation  est  beaucoup  plus  coûteuse  et  qu'il 
demande  énorme'menl  de  combustible. 

Dans  plusieurs  fabriques,  on  a  des  machines  françaises  parce  que 
les  fabricants  français  accordent  toutes  facilités  de  paiement  aux  pro- 
priétaires des  usines.  Il  y  a  quelques  années,  on  a  augmenté  les  droits 
d'entrée  sur  les  sucres  importe's,  ce  qui  a  mis  les  fabricants  complète- 
ment à  leur  aise. 

A  Tucuman,  il  s'est  vendu  aussi  beaucoup  de  machines  allemandes, 
mais  elles  ne  peuvent  pas  lutter  contre  les  machines  anglaises,  qui 
sont  même  supérieures  à  celles  de  France  au  point  de  vue  de  la  soli- 
dité et  de  la  force.  Alais  ces  dernières  sont  préfe'rablos  pour  leur  sim- 
plicité' et  la  douceur  du  travail 

La  province  de  Tucuman  produit  le  plus  de  sucre  ;  viennent  ensuite 
Santiago  del  Estero,  Salta,  Corrientes  et  Missiones. 

La  Canne  est  renouvelée  tous  les  dix  ou  quinze  ans  et  toujours  soi- 
gneusement irriguée. 

Chaque  fabricant  cultive  une  certaine  quantité'  de  Canne  et  on 
achète,  en  outre,  des  plantations  voisines.  La  récolte  commence  en 
mai  ou  juin  et  dure  jusqu'en  août  et  septembre.  Le  rendement  varie 
de  8(1  à  100  tonnes  par  4  1/4  d'acre,  selon  la  saison  et  l'ilge  des 
])lants.  Le  rendement  en  jus  varie  de  70  à  85  ^,'o.  On  calcule  que  100 
tonnes  de  Cannes  donnent  de  6  îi  7  °jo  de  sucre  brut  au  moyen  de  la 
turbine.  La  première  molasse  que  l'on  obtient  est  bouillie  et  l'on  ré- 


424 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


pète  ce  proce'de'  deux  à  trois  fois.  Finalement,  le  re'sidu  est  distillé  de 
sorte  que  les  100  tonnes  de  Cannes  donnent  environ  100  litres  d'alcool 
de  38°  à  42°  Cartier. 

Il  est  difficile  d'indiquer  exactement  la  quantité  de  sucre  produite 
dans  la  République,  mais  ou  peut  en  avoir  une  idée  approximative  par 
les  quantités  transportées  par  le  chemin  de  fer  de  Tucuman  qui  se 
chiËfrent  par  41,835  tonnes  en  1891,  contre  25,000  en  1880.  La  con- 
sommation locale  n'est  pas  comprise  dans  ce  chiffre. 

Tout  récemment,  il  s'est  établi  une  grande  raffinerie  à  Rosario,  sur 
le  Parana,  qui  raffine  20  à  25,000  tonnes  de  sucre  par  an. 

C'est  seulement  dans  ces  derniers  temps  que  le  sucre  du  Tucu- 
man a  e'té  introduit  dans  les  provinces  de  la  côte.  Aujourd'hui,  il  lutte 
avec  succès  contre  les  sucres  importés.  Une  loi  récente  frappe  les  fa- 
briques de  sucre  d'un  droit  de  proprie'te'. 

Cette  taxe  donne,  pour  les  36  fabriques  existantes,  un  revenu  de 
77  millions  et  demi  de  francs. 

L'importation  des  sucres  étrangers  s'est  élevée  pendant  les  sept  der- 
nières anne'es,  à  : 


ANNEES. 


1886. 

1887. 
1888. 
1889. 
1890. 
1891. 
1892. 


.  IMPORTÉES. 

RECOLTES 
DANS  LE  PAYS 

18.200 

30  000 

22.900 

30.000 

19.400 

35.000 

34.500 

40  000 

•29.500 

...   35.000 

12.800 

42.000 

. — 

51.000 

Si  la  production  indigène  continue  à  augmenter,  les  importations  de 
sucre  de  l'e'tranger  ne  tarderont  pas  à  cesser  complètement. 

Le  droit  d'entrée  sur  les  sucres  raffine's  est  de  456  fr.  25  la  tonne  ; 
sur  les  sucres  bruis,  il  est  de  355  francs. 


D""  IL  Meyners  d'Estrey. 


V.  CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS. 


Le  Coccidium  oviforme  chez  les  Lapins  d'Australie.  — 

Lo  Courrier  de  Taamanie  signale  la  découverte  d'une  maladie  chez  les 
Lapins  de  Melton  «t  Mowbray  que  l'on  pourrait  chercher  à  propager 
pour  détruire  ces  Rongeurs.  M.  A.  Page  avait  remarque  que  les  Lapins 
de  ses  domaines  se  montraient  lents  d'allures;  il  en  fil  capturer  une 
trentaine  qu'il  envoya  à  x\L  Archibald  Park,  medecin-véterinaire  du 
Gouvernement.  M.  Park  reconnut  chez  eux  les  .symptômes  du  Coccidium 
ov' forme,  analogue  au  cancer  de  l'homme.  Clans  (1)  donne,  d'après 
Leuckart,  des  dessins  de  cet  endo-parasite  qui  nous  montrent  les 
diverses  phases  de  la  formation  des  spores.  Or,  dans  ces  localités,  celte 
maladie  se  de'clare  de  la  même  manière  que  dans  les  régions  boisées 
où  on  l'a  constatée  en  premier  lieu;  cette  Coccidie  apparaît  sous  la 
forme  de  nodules  plus  ou  moins  nombreux,  atteignant  la  grosseur 
d'une  noisette,  qui  se  développent  dans  le  foie  de  l'animal  ;  il  en 
meurt  généralement. 

En  ce  moment  où  cette  affection  sévit  à  l'elat  d'e'pidcmic  dans  un 
giand  nombre  de  garennes,  il  est  bien  rare  qu'un  Lapin  y  échappe. 

Ue  s. 

Protection  du  gibier  en  Pennsylvanie.  —  Dans  une  réunion 
tenue  ro'cemmeat  à  Ilarrisbourg,  les  chasseurs  pcnnsylvaniens  ont  dé- 
cidé do  demander  au  gouvernement  des  États-Unis  de  réviser  certaines 
lois  sur  la  chasse  des  gibiers  à  poil  et  à  plume.  On  espère  obtenir  la 
m.ôme  date  d'ouverture  pour  les  diffe'rentcs  ro'gions.  En  outre,  l'on 
introduira  en  Pennsylvanie  des  Faisans  de  Mongolie  [Phasianus  mon- 
golicu^  Brandt.)  et  des  Cupidons  des  prairies  [Cupidouia  americana 
Reich.);  ce  Tétras  habite  déjà  une  grande  partie  des  Étals-Unis,  de- 
puis l'est  des  Montagnes  Rocheuses  jusqu'aux  lacs,  au  Kentucky  et 
au  golfe  du  Mexique.  La  chasse  de  ces  deux  espèces  sera  interdite 
pendant  deux  ans.  Dr.  B. 

Sur   des   Oiseaux    néozélandais    qui    disparaissent.  — 

La  Revue  des  Sciences  naturelles  appliquées  renseignait  dernièrement  ses 
lecteurs  sur  les  mesures  que  le  Gouverneur  de  la  Nouvelle-Ze'lande 
vient  de  prendre  pour  protéger  cerlains  Oiseaux  indigènes.  Laiilcnr 
de  cette  notice  (2)  cite  pl'jsieurs  espèces  qui  sont  principalement 
visées,  n  conviendrait  cependant  d'ajouter  à  celte  liste  :  un  Corvidé, 
Strulhidea  cinerea  Gould,  et  une  sorte  de  Merle,  Turnagra  crassirostris 
G.  M.,  espèces  que  Sir  James  Hector  observa  (18()3''  en  grand  nombnj 

(1)  Zoologie  (1884),  p.  l'.t.ï,  fig.  196. 

(2)  RevM,  1893,  I,  237. 


426  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

sur  la  côte  occidentale;    elles    sont  devenues   très   rares.    Quant  au 
Turnagra  Bectori  Bull.,  on  doit  le  couside'rer  comme  éteint. 

D'entre  les  MellipLages,  VAnthornis  nielanura  Sparrm.  ou  Macomaco, 
autrefois  commun  partout,  se  montre  encore  dans  le  Sud  ;  mais  il  a 
totalement  disparu  des  régions  du  Nord. 

La  Poffonorw's  cùicta  Dubus,  ou  Tiora  des  indigèwes,  abondait  il  y 
a  trente  ans  dans  la  province  de  Wellington  ;  aujourd'hui  on  ne  la 
rencontre  plus  sur  le  continent  ;  elle  est  confine'e  en  petit  nombre 
sur  lîle  d'Hauturu  (golfe  d'Hauraki).  ~  VOrdionz/x  albiciUa  Less.  a 
subi  le  même  sort  que  l'espèce  pre'cédente.  On  suppose  que  le  No- 
tnrnis  Manlelli  Owen,  Poule  d'eau  de  forte  taille,  subsiste  dans  l'île 
de  la  Résolution.  Trois  exemplaires  de  cette  rare  espèce  ont  été  re- 
cueillis jusqu'ici  à  la  Nouvelle-Ze'lande  ;  deux  sont  conserve's  au 
Musée  National,  la  troisième  au  Muso'e  de  Dresde.  Le  spécimen  que 
le  British  Muséum  reçut  en  1849  de  M.  W.  Mantell  fut  capture  iiar 
des  chasseurs  de  Phoques  à  Duck  Cove  (Résolution).  Les  Maoris 
trouvèrent  le  même  oiseau  sur  l'île  du  Secrétaire  en  face  de  Deas- 
Covc,  dans  la  baie  de  Thomson  :  enfin,  un  autre  fut  tué,  en  1881,  par 
des  chasseurs  de  Lapins  près  du  lac  Te  Anau. 

De  nos  jours,  l'habitat  des  Aptéryx  est  très  restreint.  L'espèce  du 
Nord  {Aptéryx  Bulleri)  se  rencontre  seulement  dans  les  hauteurs 
boisées  de  Pirouzia  et  Wanganni.  Celle  du  Sud  {A.  austraUs  Shaw) 
vil  dans  quelques  coins  des  côtes  occidentales.  Les  Aptéryx  maxima 
Verr.  et  Haastl  sont  aussi  devenues  très  rare=!  dans  les  bois  élevés  de 
rî'.c  Steward.  VApterix  Oiceiii  Gould,  qui  existait  par  milliers  il 
y  a  quelques  anne'es,  a  été  surtout  détruit  par  les  petits  animaux 
carnassiers,  par  les  Chats  sauvages  et  par  les  Chiens.  Les  collection- 
neurs de  minéraux  vécurent  parfois  exclusivement  de  la  chair  de  ces 
Oi-eaux.  G. 

Jaseurs  à  Paris.  —  On  remarquait  dernièrement,  sur  le  marché 
d'Oiseaux  à  la  Cité,  quatre  Jaseurs  en  cage. 

Cette  espèce,  dont  le  Chenil  a  signale  dans  deux  de  ses  derniers 
numéros  l'invasion  re'cente  en  Angleterre,  se  reproduit  dans  les  ré- 
gions du  cercle  arctique.  Elle  apparaît  accidentellement  dans  nos 
contrées,  en  vols  parfois  considérables.  De  S. 

L'élevage  des  Faisans  [Phasianus  colcJtiais)  sur  les  «  Neil- 
gherry  Hills  »    (chaîne  des  Montagnes   Bleues,  Inde).  — 

A  Kuhutty,  où  l'on  élève  les  Faisans,  on  a  obtenu,  d'avril  à  juil- 
let 1892,  500  œufs,  dont  la  plupart  furent  clairs.  Cependant  soixanie 
jeunes  ont  grandi.  Le  climat  de  Kuhutty  ayant  été  jugé  trop  chaud 
pour  les  Faisans,  on  en  a  transporté  à  Oolocamund,  où  l'air  est  plus 
vif  et  la  température  plus  froide.  On  a  l'intention  de  répandre  ce  beau 
gibier  dans  les  Montagnes  Bleues.  De  B. 


CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS.  427 

Consommation  du  gibier  à  plumes  et  du  poisson  à 
Paris.  —  Les  Halles  avaient  reçu  en  1891,  de  France  : 

300,000  Perdreaux,  98,000  Faisans,  20,000  Bécasses,  145,000  Cailles 
et  200,000  Alouettes. 

De  l'étranger:  400,000  Perdreaux  et  1,100,000  Alouettes. 

La  statistique  pour  1892  n'est  pas  encore  définitivement  arrêtée, 
mais  on  pense  que  ses  résultats  ne  le  céderont  en  rien  à  ceux  de  l'an- 
née dernière.  Nous  rappellerons,  comme  point  do  comparaison,  qu'en 
1879,  les  arrivages  se  montaient  à  :  397,000  Perdreaux,  54,000  Fai- 
sans, 46,000  Bécasses,  29.000  Bécassines  et  1,600,000  Alouettes.  Mais 
à  cette  e'poque,  on  réunissait  les  ventes  du  gibier  de  provenance  na- 
tionale avec  celles  du  gibier  étranger. 

La  consommation  du  poisson  dans  la  capitale  nous  oflfre  aussi  des 
chiffres  élevés.  En  1890,  Paris  a  consommé  20,435,257  kilogrammes  de 
poisson  commun,  ne  payant  pas  de  droits  d'octroi;  1,986,442  kilo- 
grammes de  poissons  de  luxe  de  la  deuxième  catégorie,  payant 
21  francs  par  100  kilos,  et  2,189,618  kilogrammes  de  poissons  de  luxe 
de  la  première  cate'gorie,  payant  40  fr.  20  par  100  kilos.  En  outre, 
Paris  a  consommé,  pendant  la  même  anne'e,  5,882,580  kilogrammes  de 
moules  et  de  coquillages 

«  C'est  sur  Paris,  ajoute  VÉvénemeiit,  que  sont  dirigés  tous  les  beaux 
»  poissons  péchés  dans  les  eaux  françaises.  Et,  ce  n'est  pas  un  para- 
»  doxe  de  dire  qu'on  ne  peut  pas  manger  un  Turbot,  un  Saumon  dans 
»  nos  ports  de  mer,  sans  le  faire  venir  de  Paris.  »  G. 

Culture  du  Saumon  en  Bohême.  —  Les  nouvelles  sont  assez 
salislaisanles.  M.  Jaroschka,  forestier  de  Herrnskrelscben,  obtint 
86,000  œufs  fécondés  et  M.  Haab  de  Schrôbersdorf  sur  la  Wot- 
tawa  en  reçut  40,000.  A  Schiittenhofen  et  Obrislwi  la  forte  crue  des 
eaux  a  beaucoup  nui  aux  essais  de  repeuplement. 

La  Société  de  pêche  de  Berlin  envoya  en  Bohême  400,000  Saumons 
du  Rhin  |)rovenant  de  l'eUablissemont  de  M  C  Schuster  à  Fribourg 
(Bade)  et  200,000  de  celui  de  Seewiese  près  Gmûndcn  (Bavière).  Le 
premier  envoi  éprouva  une  perte  de  5.526  œufs  ;  le  second  en  perdit 
4,597.  Ou  a  réparti  le  reste  dans  onze  établissements  situés  prés  de 
l'embouchure  de  l'Elbe  et  de  la  Moldau.  En  mai,  on  a  pu  lâcher  un 
très  grand  nombre  d'alevins  dans  les  régions  suivantes  : 

163.634  alevins  dans  la  Woltawa  pré-  de  Schiittenhofen  ,  et  59,<556 
près  de  Schrôbersdorf  ;  45,040  dans  les  aflluenls  de  ce  cours  d'eau  à 
Zaluz  et  19,471  prés  de  Slraschilz  ;  29,012  dans  les  alfluenls  do  1»? 
Volynka  et  de  la  Wottava  îi  Zalesi  ;  8,319  dans  les  petites  rivières 
qui  se  de'verscut  à  Kellue,  57,370  à  Tusset  et  19,025  à  Eleouorenhain. 
Ou  eu  a  mis  une  forte  quantité  dans  lo  bassin  de  TElbe  ;  148,898  à 
Nekor  (Wilde  Adier)  et  148.339  à  Gabel  (Slille  Adlerj. 

Près   de   Rok'tniz,  M.  Ezcr,  maître  Ibreslier,  cultiva  pour  son  propre 


428  REVUE  LES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

compte  17,308  alevins  qu'il  répartit  dans  les  affluents  de  la  Wilde 
Adler. 

En  re'sumé,  nous  arrivons  au  total  de  710,132  alevins,  mesurant  en 
raovenue  trente  railliraèlres  de  taille  qui  ont  éle'  distribués  dans  tout 
le  bassin  des  deux  plus  grands  fleuves  de  Bohême,  l'Elbe  et  la  Moldau. 

Un  lait  digne  d'intérêt,  c'est  la  capture  au  printemps  dernier  d'un 
Saumon  prés  de  Gabel  (Stilie  Adler).  De  mémoire  d'homme  on  n'en 
avait  signale'  dans  cette  localité'.  Récemment  on  en  pécha  une  cen- 
taine dans  la  Wotlawa  en  aval  de  Schiittenhofen. 

Si  ces  données  sont  encourageantes,  l'avenir  ne  l'est  pas.  On  craint 
surtout  que  les  fabriques  de  cellulose,  augmentant  de  jour  en  jour 
dans  la  forêt  de  Bohême,  ne  rendent  bientôt  l'existence  des  Saumons 
dans  les  rivières  impossible.  De  S. 

Capture  d'un  grand  Esturgeon.  —  Le  22  décembre  dernier, 
les  pêcheurs  du  Danube  prirent  près  de  G^ongyo  (district  de  Raab) 
un  Esturgeon  [Ac>,penser  sturio)  de  forte  taille  qu'ils  amenèrent  vivant 
à  Vienne.  11  pesait  8  quintaux.  La  de'pouille  de  cet  exemplaire, 
mesurant  3^,30  en  longueur,  figure  aujourd'hui  dans  le  muse'e  de 
Vienne.  C'est  le  plus  grand  poisson  qui  remonte  les  cours  d'eau 
d'Europe  ;  il  nous  arrive  généralement  de  la  mer  Caspienne  ou  de  la 
mer  Noire.  De  B, 

L'huile  extraite  d  œufs  de  Serpents.  —  Dans  le  Connecticut, 

et  principalement  près  de  Hambourg,  on  chaise  les  Crotales  ou  «  Ser- 
pents à  sonnettes  »  pour  l'huile  qu'on  retire  de  leurs  œufs.  Les  Amé- 
ricains s'en  servent  contre  le  rhumatisme  et  la  neurologie.  Une  once 
coiite  de  25  à  30  dollars  (125  à  150  francs).  Le  i^hasseur  de  Crotales  est 
armé  d'une  sorte  de  lance,  dont  l'extre'mite'  porte  une  lame  acére'e,  à 
l'aide  de  laquelle  il  excite  l'animal  et  lui  tranche  la  tête  quand  il  se 
dresse  devant  lui.  Puis  il  lui  ouvre  le  ventre  pour  prendre  les  œufs 
(quand  le  Serpent  en  possède)  et  il  les  fait  cuire  dans  de  l'eau  pendant 
quelque  temps.  La  matière  huileuse  vient  à  la  surface;  on  la  recueille, 
puis  on  l'introduit  dans  un  alambic  pour  la  débarrasser  de  l'eau  qu'elle 
pourrait  encore  contenir.  Une  fois  filtrée  à  travers  de  la  toile  fine,  on  la 
met  en  flacons.  Cette  huile  a  l'aspect  de  la  vaseline;  appliquée  à  l'e'tat 
pur  sur  la  peau,  elle  détermine  une  inflammation.  Aussi  s'en  sert-on  à 
l'état  atténue'.  Elle  est  très  recherchée.  Il  en  re'sulte  que  les  Crotales 
diminuent  dans  la  contrée  et  que  les  chasseurs  s'apprêtent  à  gagner 
d'autres  régions  pour  continuer  leur  métier.  G. 


VI.  BIBLIOGRAPHIE. 


Les  Plantes  industrielles,  par  Gustave  Heuzé,  Tome  F''  :  Plantes 
textiles  ou  filamenteuses,  de  s'parterle,  de  vannerie  et  à  carder.  Un  vu- 
lume  in-12.  —  Libraire  agricole  de  la  Maison  rustique,  26,  r:ie 
Jacob,  Paris. 

L'ouvrage  que  nous  annonçons  est  la  troisième  édition  d'un  travail 
du  plus  haut  inte'ret  pour  tous  ceux  qui  s'occupent  de  l'applicalion 
des  sciences  naturelles. 

Les  espèces  botaniques  décrites  dans  ce  volume  sont  très  nom- 
breuses ;  elles  comprennent  les  plantes  annuelles  ou  vivaces  cultive'es 
en  France  et  à  l'e'tranger  pour  l'utilisation  des  fibres  textiles  contenues 
dans  la  tige,  les  feuilles  ou  les  capsules  de  ces  végétaux. 

Le  plan  suivi  par  l'auteur  est  simple,  mais  conçu  méthodiquement. 
Nous  pensons  donner  une  ide'e  assez  exacte  de  ce  livre  en  suivant  au 
hasard  un  des  chapitres  consacrés  à  chacun  des  textiles  indigènes  ou 
exotiques  : 

Nous  trouvons  tout  d'abord  un  excellent  résumé  historique,  des  no- 
tions claires  et  précises  de  culture,  choix  du  terrain,  semis,  engrui> 
nécessaires,  soins  d'entretien,  etc.  A  cette  partie  se  rattachent  égale- 
ment les  maladies  de  la  plante  elle-même,  l'étude  des  animaux  ou 
insectes  nuisibles  à  son  de'veloppement. 

La  partie  technique  renferme  tout  ce  qu'il  est  indispensable  de 
connaître  sur  la  récolte  des  parties  exploitées,  les  opérations  de  rouis- 
sage et  de  filage  des  fibres,  leurs  applications  industrielles,  rapports 
divers  des  produits,  pertes  et  déchets  causés  par  les  opérations  méca- 
niques, commerce  des  filasses,  etc. 

Nous  voyons  traiter  successivement  dans  le  même  ordre  d'exposi- 
tion :  le  Lin,  le  Chanvre,  le  Sunn,  le  Colon,  la  Ramie,  la  Ketmie,  le 
Phormium,  le  Chanvre  Pitte  d'Amérique,  l'Abaca,  les  fibres  de  Yucca, 
d'Ananas,  de  Palmiers,  etc.,  etc. 

Les  principales  plantes  de  sparlerie,  de  vannerie  et  papyrifércs  men- 
tionoées  dans  la  deuxième  partie  sont  :  l'Alfa,  le  Sparte,  les  Bambous, 
roseaux,  joncs  et  rotins,  l'Osier,  etc.;  les  écorces  de  Tilleul  cl  de  Bou- 
leau sont  aussi  étudiées  sous  le  rapport  des  produits  filamenteux  de 
leurs  couches  libériennes. 

Tel  qu'il  est  présenté,  le  livre  de  M.  Gustave  Ilcuzé  est  un  de  ceux 
que  nous  voudrions  voir  entre  les  mains  de  tous  ceux  qui,  ii  un  titre 
quelconque,  s'intéressent  à  l'('tude  des  productions  agricoles  et  de 
leur  utilisation  dans  l'industrie.  M.  \'.-\\. 


LISTE 

DES 

PRINCIPAUX  OUVRAGES  FRANÇAIS  ET  ÉTRANGERS 

TRAITANT     DES 

ANIMAUX  DE  BASSE-COUR 


I 

OUVRAGES    FRANÇAIS 

BÉNION  (Ad,).  —  Traité  de.  l'élevage  et  des  maladies  des  anlmauv  et 
oiseaux  de  basse-cour  et  des  oiseaux  d'agrément.  —  1  vol.  in- 18,  avec 
nombreuses  figures,  cartonné  à  l'anglaise.  Paris,  Asselin  et  Hou- 
zeaii,  1873,  1  vol.  in-18,  500  p.  (T  francs). 

BENOIT  l'C.-L.).  —  La  vraie  ïiianière  d'élever.,  de  multiplier  et  d'en- 
graisser les  Oies,  moyen  de  se  faire  3,000  francs  de  rente.  —  Paris,  Le 
Bailly,  1885,  in  18  de  36  p.  avec  figures. 

BERN  DE  BOISLANDRY  (M'"'^'  la  vicomtesse  du).  —  Élevage  pratique 
des  Lapins.  Traite' de  toutes  les  races.  —  Paris,  Roussel,  imprimerie 
d'Auteuil,  in-8°,  59  pages,  fig. 

BILLIARD  (J.).  — Notes  sur  l'élevage  des  Autruches  et  f  incubation  arti- 
ficielle des  œufs.  —  Montpellier,  Htimelin,  1883,  in-8°,  8  p. 

BLA.NCHÉRE  (H.  de  la).  —  Basse-cour,  Pigeons  et  Lapins.  —  Figures. 

BOIS.  —  Nouvel  art  d'' élever  et  de  multiplier  les  Pigeons  de  colombier  et 
de  volière  à  la  ville  et  à  la  campagne.  —  Paris,  Le  Bailly,  1883,  in-12 
de  3G  p. 

BOITARD    et    CORBIÉ.  —   Les  Pigeons  de  volière  et  de  colombier.  — 

Paris,  1824.  238  p.  in-8'\  avec  figures  colorie'es. 
—  3Ionograp)hie  des  Pigeons  domestiques.  —  Paris,  1824. 

BOUCtIEREAUX  (A,).  —  Le  petit  guide  de  l'éleveur.  Faisans,  Poules, 
Oies,  Dindons,  Pigeons,  Canards  ordinaires  et  de  luxe,  Lapins,  etc. 
1877,  108  p.  in-18,  60  figures. 

BREIIM.  —  Les  Oiseaux  (e'd.  fr.  par  X.  Gerbe).  Voy.  Gallinacés.,  Pigeons. 

BUCHOZ.  —  Traité  économique  et  physique  des  oiseaux  de  basse-cour.  — 
Paris,  Lacombe,  1877,  in-12,  xxvi-312  p. 

CIIAPUIS  (F.).  —  Le  pigeon  voyageur.  —  Verviers,  1876,  242  p.  in-12. 


OUVRAGES  TRAITANT  DES  ANIMAUX  DE  BASSE -COUR.  431 

CHOUIPPE  (D'A.).  —  Motifs  et  exposé  sommaire  d'une  classification  des 
races  gallines .  —  [Bulletin  de  la,   Société  d'Acclimatation,  sept.  1858.) 

DARESTE.  —  Influence  des  basses  températures  sur  le  développement  de 
V embryon  de  la  Poule.  —  1865,  1  plaquette  in-8°. 

—  Sur  le  développement  de  l'embryon  de  la  Poule  à  des  températures 
relativement  basses  {Mémoires  de  la  Société  des  sciences  de  Lille, 
3e  série,  t.  II,  p.  291,  1865). 

—  Sur  les  moyens  de  s'assurer  de  la  fécondation  des  œufs  de  galli- 
nace's  [Bulletin  de  la  Société  d'Acclimatation,  t.  IX,  1862,  p.  933). 

—  Sur  les  caractères  qui  distinguent  !a  cicalricule  fe'conde  de  la  cica- 
tricule  inféconde  {Comptes  rendus,  t.  LIX,  p,  255,  1861). 

—  Sur  les  œufs  clairs  {Bulletin  de  la  Société  d' Acclimatation,  3°  série 
t.  III,  no  1.  1876.) 

—  Sur  quelques  faits  relatifs  à  la  nutrition  de  l'embryon  dans  l'œuf 
de  la  Poule  [Comptes  rendus,  t.  LXXXIII,  p.  836,  18*6). 

—  Sur  la  suspension  des  phénomènes  de  la  vie  dans  l'embryon  de  la 
Poule  [Com.ptes  rendus,  t.  LXXXVI,  p.  723,  1878,  et  t.  LXXXVII, 
p.  1043,  1878). 

—  Sur  le  développement  de  vége'talions  cryptogamiques  à  l'exteVieur 
et  à  l'intérieur  des  œufs  de  Poule  [Comptes  rendus,  t.  CXIV,  p.  46, 
1882). 

—  Sur  la  production  des  monstres  dans  l'œuf  de  la  Poule  par  l'effet 
de  t'incubation  tardive  {Comptes  rendus,  t.  XCV,  p.  254,  1882,  et 
t.  XCVI,  p.  444,  1883). 

—  Sur  la  pr(jducliou  des  monstruosités  par  îes  secousses  imprimées 
aux  œufs  de  Poule  {Comptes  rendus,  t.  XCVI,  p.  511,  1883). 

—  Sur  l'incubation  des  œufs  de  Poule  dans  l'air  confine'  et  sur  le  rôle 
de  la  ventilation  dans  l'évolution  embryonnaire  [Comptes  rendus, 
t.  XCVIII,  p.  924,  1884). 

—  Sur  le  rôle  physiologique  du  retournement  dos  œuts  pendant  Tln- 
cul)ation  {Comptes  rendus,  t.  C,  p   834,  1885). 

—  Sur  l'influence  des  secousses  sur  le  germe  de  l'œuf  de  la  Poule, 
pendant  la  période  qui  sépare  la  ponte  de  la  mise  en  incubation 
{Comptes  rendus,  t.  CI,  p.  813,  1885). 

—  Sur  quelques  faits  relatifs  à  l'incubation  artilîcielle  {Revue  des 
Sciences  naturelles  appliquées,  \^.  169,  1889). 

—  Etudes  expérimentales  .'^ur  l'incuhalion  [Bulletin  de  la  Société  d'Ac- 
climatation^ 3*^  série,  t.  X,  p.  137,  1883,  et  4"  série,  t.  I,  p.  1, 
1881). 

—  De'lerminalion  des  conditions  physiologiques  cl  physiques  de  l'évo- 
lution normale  de  l'embryon  de  la  Poule.  —  Mémoire  présenté  le 
1<)  août  1886  à  l'Association  française  pour  l'avancemeul  di;s  si^ionces 
(Congrès  de  Nancy,  Comptes  rendus  de  la  16°  section,  p.  553). 


432  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

DIIKHSE  (A.)- —  Manuel  d'élevage,  suivi  d'une  monographie  des  Pba- 
sianidés.  ~  Chez  Tauleur,  à  Longueval  (A.isne),  in-18. 

DUMONT.  —  L'art  d'élever  les  Poules,  Poulardes  et  Chapons.  —  Paris, 
Blanc,  iu-32,  15  p. 

—  Éducation  (De  1')  des  volailles  {au  point  de  vue  des  proff.ts).  —  Nîmes, 
Roger  et  Laporte,  1877,  32  p.  iu-S». 

ÉLEVEUR  (L')-  —  Journal  hebdomadaire  illustré  de  zootechnie,  d'accli- 
matation, de  chasse,  etc.  —  Réd.  en  chef,  M.  Pierre  Mégnin,  lauréat 
de  rinstitut.  —  A  consaller  une  série  d'articles  parus  depuis  1885 
et  dont  la  liste  suit  : 

18S5.  —  Autruches,  leur  élevage,  p.  31,  211. 

—  Aviculture,  par  P.  Mégnin,  p.  401,  414,  439,  473,  496,  568,  594. 

—  Canard  Mandarin  (Le),  par  M.  d'H.,  p.  157. 

—  Coq  Phénix  du  Japon,  p.  109. 

—  Dindon  (Le),  par  M.  d'il.,  p.  313. 

^-  Incubation  artificielle  en  Annam,  p.  82. 

—  Maladies  des  oiseaux  (Correspondance',  par  E   Bouvet,  p.  127. 

—  Pigeons  voyageurs,  par  M.  d'H.,  jk  97. 

—  Pigeons  du  Yorkand,  p.  421. 

—  Poule,  gale  des  pattes,  traitement  du  D''  Regnord,  p.  165. 

—  Poule  huppée,  conjouctivitd  spéciale,  par  Bouvet,  p.  152. 

—  Poule,  obstruction  du  jabot,  ope'ralion,  guérison,  p.  163. 

—  Poule  Padoue  herminée,  par  M.  d'H.,  p.  445. 

—  Poussins,    jeunes    oiseaux,    rhumatisme    et   goultc,    par    Bouvet, 
p.  165. 

—  Tuberculose  et  diphtérie  chez  les    Gallinacés,  par   Cornil  et    Mé- 
gnin, p.  5,  18,  30,  42,  64,  77  et  78. 

—  Tuberculose,  nouveaux  cas  de  transmission  de  l'homme  à  la  Poule. 

—  Volailles  françaises  (Échec  aux),  p.  10. 

—  Volailles,  nourriture  (^trad.  de  l'anglais),  p.  346. 

—  Volailles,  grandes  races  asiatiques,  nourriture  qui  leur  convient, 
p.  118. 

—  Volailles,  races  propres  à  être  élcve'es  en  parquet,  p.  417. 

1886.  Aviculture  [suite),  par  P.  Mégnin,  p.  4,  16,54,  67,  77,  163,  185. 

—  Canard  d'Aylesbury,  par  Benoist,  p.  546. 

—  Canard  de  Barbarie,  par  Benoist,  p.  544. 

—  Canard  (Quelques  mots  de  l'e'levage  du),  par  G.  M.,  p.  222. 

(i.  suivre.) 


Le  Gérant  :  Jules  Grisard. 


I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIÉTÉ. 


LES 

STATIONS  AGRICOLES  ET  D'AGCLIMATATIOiN 

EN  CALIFORNIE 

Par  m.   E.  W.   HILGARD, 

Professeur  au  Collège  agricole  de  Berkeley,  près  San-Fraacisco, 
directeur  des  stations  agronomiques  de  Californie. 


Les  Stations  agricoles  de  l'état  de  Californie  sont  toutes 
essentiellement  chargées  des  études  d'acclimatation;  pour 
plusieurs  d'entre  elles  ce  sont  même  ces  travaux  qui  viennent 
en  première  ligne. 

Pour  en  comprendre  l'organisation  il  faut  se  rendre  compte, 
d'abord,  des  grandes  dimensions  et  de  l'extrême  diversité  des 
climats  de  cet  Etat,  qui  du  reste  ne  comprend  pas  dans  ses 
limites  la  péninsule  de  la  Basse-Californie,  qui  appartient 
au  Mexique.  Ce  grand  territoire,  dont  la  longueur  (parallèle 
à  la  côte  de  l'Océan  et  au  sud  de  la  latitude  de  Rome)  est  de 
1,100  kilomètres,  la  largeur  moyenne  de  330  kilomètres, 
présente  donc  une  superficie  de  près  de  400,000  kilomètres 
carrés,  ce  qui  équivaut  aux  4/5"^  du  territoire  de  la  France. 

Avec  de  telles  dimensions  on  comprend  que  «  le  climat  de 
la  Californie  »  doit  être  très  varié  ;  la  topographie  y  ajoute 
encore  de  puissantes  influences  modificatrices.  La  frontière 
de  l'est  est  longée  par  la  haute  chaîne  de  la  Sierra  Nevada, 
qui  présente  une  pente  douce  à  l'ouest,  mais  à  l'est,  un 
escarpement  au  pied  duquel  s'étend  le  grand  plateau  inté- 
rieur de  Nevada.  A  partir  de  l'altitude  de  1,100  mètres  envi- 
ron la  Sierra  est  boisée  d'abondants  et  excellents  conifères, 
jusqu'à  la  région  des  neiges;  la  partie  basse  de  la  pente,  à 
l'ouest  (les  Foothills)  est  une  région  autant  minière  (lu'agri- 
cole,  où  se  produit  une  grande  partie  des  meilleurs  fruits  de 
l'Etat,  surtout  pour  l'exportation.  C'est  dans  cette  région 
qu'a  été  établie  l'une  des  plus  importantes  stations  culturales. 

20  Mai  1893.  28 


434  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

Le  long  de  la  côte  du  Pacifique  il  y  a  une  bande  de  100 
kilom.  de  largeur  de  montagnes  dont  peu  excèdent  l'altitude 
de  1,000  mètres  ;  ce  sont  pour  la  plupart  de  courtes  chaînes 
disposées  en  deux  ou  trois  rangées  presque  parallèles  à  la 
côte;  donnant  lieu  à  l'écoulement  des  eaux,  et  partant  à  l'em- 
bouchure des  vallées,  dans  la  direction  nord-ouest.  Au  sud 
la  Sierra  et  les  montagnes  de  la  côte  se  réunissent  en  for- 
mant les  monts  Tehachipi  et  plus  loin  la  Sierra  Madré,  au 
sud  de  laquelle  est  située  la  partie  subtropicale  par  excel- 
lence de  l'Etat  —  la  «  Californie  du  Sud  »,  dont  la  métropole 
est  Los  Angeles,  et  où  se  produisent  les  neuf  dixièmes  des 
oranges  exportées.  Ici  encore  il  a  fallu  établir  une  station 
spéciale  d'acclimatation. 

Mais  le  trait  caractéristique  et  le  plus  important  de  la  Cali- 
fornie, en  matière  d'agriculture,  c'est  la  grande  vallée  cen- 
trale qui  s'étend  entre  la  bande  de  montagnes  de  la  côte  et  la 
Sierra  Nevada,  sur  une  longueur  de  650  kilom.  avec  une 
largeur  d'environ  100  kilomètres.  C'est  la  neuvième  partie  de 
ce  grand  Etat;  une  énorme  plaine  alluviale  avec  des  sols 
d'une  fertilité  extraordinaire.  Autrefois  c'était  le  fond  du 
bassin  d'un  grand  lac  d'eau  douce,  dont  les  eaux  s'écoulaient 
alors  par  la  baie  de  Monterey,  tandis  qu'actuellement  l'eau 
s'écoule  par  la  «  Porte  d'Or  »  près  de  la  ville  de  San  Fran- 
cisco. Du  côté  nord  c'est  le  fleuve  de  Sacramento  qui  porte 
les  eaux  de  la  Sierra;  au  sud,  c'est  le  San  Joaquin  qui  en  fait 
autant,  car  les  eaux  des  montagnes  de  la  côte  ne  coulent  pas 
du  côté  de  la  vallée.  Les  deux  fleuves  se  réunissent  vers  le 
milieu  (nord-sud)  de  la  vallée,  et  puis  entrent  dans  la  mer 
par  la  baie  de  San  Francisco.  11  va  sans  dire  que  ces  deux 
fleuves  sont  nourris  en  chemin  par  de  nombreuses  rivières 
grandes  et  petites  ;  celles-ci  avant  de  sortir  de  la  Sierra,  sont 
des  torrents  de  montagne,  dont  les  eaux  peuvent  se  recueillir 
à  des  altitudes  suffisantes  pour  l'irrigation,  non  seulement  de 
la  vallée,  mais  encore  de  la  basse  Sierra  elle-même. 

La  plus  grande  partie  de  la  vallée  centrale  requiert  l'irriga- 
tion pour  la  culture  régulière.  Il  est  vrai  qu'on  y  produit,  sur- 
tout dans  la  partie  nord  dite  «  du  Sacramento  »,  de  grandes 
récoltes  de  blé  sans  irrigation.  Cela  tient  à  ce  que.  dans  ce 
qu'il  est  convenu  d'appeler  le  climat  Franciscain,  les  pluies 
tombent  toutes  de  novembre  à  mai.  C'est  la  période  de  la  vé- 
gétation, car  il  y  a  à  peine  quelques  gelées  dans  cette  saison  ; 


LES  STATIONS  AaRICOLES  ET  D'ACCLIMATATION  EN  CALIFORNIE.      435 

la  moisson  a  lieu  en  mai  et  en  juin.  De  mai  à  novembre  il 
n'y  a  pas  de  pluies;  et  l'air  est  très  chaud  et  très  sec.  Mais 
personne  ne  s'en  plaint  parce  que  tout  le  système  ao-ricole 
s'est  conformé  à  ce  régime.  On  croirait  que  les  arbres  frui- 
tiers des  climats  tempérés  de  l'Europe  n'en  feraient  pas 
autant;  néanmoins,  la  pratique  a  démontré  que  dans  des  sols 
bien  profonds,  presque  tous  se  trouvent  bien  et  y  produisent 
d'abondantes  récoltes  dont  les  produits  sont  d'une  douceur 
et  d'un  arôme  particuliers. 

Mais  si  cela  est  vrai  pour  la  vallée  du  Sacramento  et  les 
vallées  de  la  côte,  il  en  est  autrement  dans  la  partie  sud 
c'est-à-dire  dans  la  vallée  du  San  Joaquin,  où  la  précipitation 
annuelle  descend  jusqu'à  100  millimètres  et  quelquefois 
encore  moins.  Là,  c'est  l'irrigation  seule  qui  permet  de  faire 
et  de  maintenir  des  cultures  utiles  ;  mais  avec  l'irrigation 
nous  nous  trouvons  en  face  d'une  fertilité  surprenante. 

C'est  là  encore  qu'a  dû  être  établie  une  des  premières  sta- 
tions d'acclimatation,  et  c'est  là  aussi  que  l'on  rencontre  le 

phénomène  caractéristique  de  toutes  les  régions  arides les 

terrains  chargés  plus  ou  moins  de  sels  alcalins.  Ces  terres, 
d'une  richesse  intrinsèque  extrême,  opposent  cependant  des 
difficultés  toutes  spéciales  à  la  culture.  Le  sol  y  contient  non 
seulement  des  sels  neutres,  comme  ceux  des  terrains  marins 
dits  salés  en  France,  mais  encore,  le  carbonate  de  sonde  y 
prédomine  largement.  Ce  sel,  beaucoup  plus  nuisible  encore 
que  le  sel  marin,  doit  être  détruit  avant  tout.  J'ai  imaginé 
pour  cela  le  remède  chimique  du  plâtrage,  lequel  convertit  en 
sulfate  neutre  et  presque  inerte  le  carbonate  de  soude  cor- 
rosif; ceci  met  fréquemment  fin  à  toute  difficulté.  Les  expé- 
riences à  cet  égard  se  sont  faites  d'abord  à  la  station  de 
Tularé  ;  mais  à  présent  la  pratique  de  ce  simple  procédé  s'est 
faite  générale;  elle  a  rendu  à  la  culture  beaucoup  de  terres 
qui  avaient  été  négligées  de  tout  temps,  et  d'autres,  qu'on 
avait  été  forcé  précédemment  d'abandonner  après  quelques 
années  de  culture.  C'est  d'une  grande  imi)ortance  dans  ce 
pays  de  terres  énormément  productives,  qui  de  pins  ont  la 
prérogative  spéciale  de  la  production  la  plus  avantageuse  du 
raisin  sec,  marchandise  dans  laquelle  le  pays  l'ait  une  con- 
currence très  sérieuse  à  l'Espagne.  En  1892,  la  récolte  des 
raisins  secs  a  presque  égalé  l'importation  annuelle  de  raisins, 
telle  qu'elle  se  faisait  aux  Etats-Unis  des  ports  d'Espagne, 


436  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

avant  que  cette  industrie  ne  fût  développée  en  Californie.  De 
plus,  la  prune  d'xlgen,  l'abricot,  la  pêche,  la  poire,  l'amande, 
la  figue  et  bien  d'autres  fruits,  et  dans  la  grande  culture  les 
blés,  la  luzerne,  la  ramie,  le  coton,  etc.,  réussissent  admira- 
blement. Pour  toutes  ces  cultures,  l'étude  des  meilleures 
variétés  et  méthodes  est  poursuivie  avec  énergie  à  la  station 
de  Tulare. 

Dans  la  vallée  du  Sacramento,  il  n'a  encore  été  établi 
aucune  station,  faute  de  fonds  disponibles. 

Quant  à  la  côte,  et  à  sa  bande  de  montagnes,  il  y  faudrait 
au  moins  trois  stations  culturales  pour  que  tous  les  climats 
fussent  représentés.  Il  en  a  été  établi  une  dans  la  partie 
supérieure  de  l'importante  vallée  du  Salinas  ;  le  climat  y  est 
presque  aussi  sec  que  celui  de  la  grande  vallée  l'est  à  Tulare, 
mais  avec  de  fortes  oscillations  journalières  de  température, 
dues  à  l'altitude  élevée  (500  m.). 

Mais  le  climat  de  la  côte  même  est  encore  tout  à  fait  diffé- 
rent. Les  vents  alises  du  sud-ouest  et  le  courant  d'eau  froide 
d'Alaska  qui  longe  la  côte ,  concourent  à  produire  une 
température  qui  varie  peu  d'un  bout  de  l'année  à  l'autre,  et 
en  même  temps  des  brumes  persistantes.  Dans  les  mois  de 
juillet  et  d'août,  ces  brumes  sont  parfois  si  froides  qu'à  San- 
Francisco,  les  vêtements  et  le  chauffage  d'hiver  deviennent 
de  rigueur.  Ce  climat  constitue  donc  un  contraste  bien 
brusque  avec  la  chaleur  et  la  sécheresse  intenses  de  la 
grande  vallée ,  qui  n'est  cependant  qu'à  moins  de  deux 
heures  de  chemin  de  fer.  La  station  centrale  à  Berkeley,  au 
siège  de  l'Université  de  l'Etat,  est  celle  qui  représente  le 
climat  de  la  côte.  C'est  là  que  se  font,  en  outre,  les  travaux 
scientifiques  et  administratifs  pour  toutes  les  stations,  aussi 
bien  que  pour  l'Institut  agronomique  de  l'Etat.  C'est  là  aussi 
que  se  publient  les  bulletins  au  moins  mensuels,  et  les  rap- 
ports annuels  sur  toutes  les  expériences  faites. 

Mais  nos  expériences  d'acclimatation  ne  sont  pas  res- 
treintes aux  stations  mêmes,  qui  sont  trop  peu  nombreuses 
pour  satisfaire  aux  exigences  du  public  agricole.  Nous  sus- 
citons tous  les  ans  la  collaboration  d  un  grand  nombre  de 
propriétaires  intelligents,  auxquels  nous  offrons  le  choix  d'un 
nombre  limité  d'espèces  de  plantes  culturales,  soit  complète- 
ment nouvelles  dans  le  pays,  soit  pas  encore  établies  dans 
toutes  lès  régions  où  leur  culture  nous  semble  promettre  de 


LES  STATIONS  AGRICOLES  ET  D'ACCLIMATATION  EN  CALIFORNIE.      437 

bons  résultats.  Ces  offres  se  font  par  la  voie  d'un  bulletin 
spécial  dit  des  distributions,  qui  donne  la  liste  générale  des 
graines,  boutures  ou  plantes  vivaces  disponibles,  avec  des 
détails  sur  la  provenance,  l'utilité  et  la  culture  de  chaque 
espèce  ou  variété.  L'expérience  nous  a  démontré  que  ce  qui 
s'acquiert  sans  peine  est  peu  apprécié  par  celui  qui  le  reçoit  ; 
guidés  par  ceci  nous  faisons  payer  le  coût  d'emballage  par  les 
postulants,  et  nous  leur  imposons  carrément  l'obligation  de 
nous  faire  des  rapports,  soit  des  succès,  soit  des  insuccès, 
et  nous  leur  rappelons  leur  engagement  par  carte  postale 
en  temps  utile.  Il  y  en  a  naturellement  qui  ne  répondent  pas 
surtout  en  cas  d'insuccès;  cela  nous  sert  cependant  aussi 
comme  témoignage  :  qu'aucun  résultat  éclatant  ni  positif,  ni 
négatif  n'a  été  obtenu.  Car  les  réels  échecs,  nos  correspon- 
dants ne  manquent  jamais  de  nous  les  annoncer  avec  une  sorte 
de  satisfaction.  Nous  avons  réuni  par  ces  procédés  un  grand 
nombre  de  rapports  de  cultures  très  importants,  dont  la  dis- 
cussion nous  a  convaincus  soit  de  l'utilité,  soit  de  l'inutilité 
de  donner  suite  à  telles  ou  telles  expériences.  Dans  l'hiver 
de  1890-91,  nous  avons  distribué  11,200  colis  à  514  postu- 
lants. 

Quant  aux  ressources  financières  de  notre  système,  il  faut 
dire  que  les  terres  et  les  bâtiments  des  stations  culturales 
ont  été  fournis  par  des  souscriptions  régionales  bénévoles  ; 
les  frais  de  culture  et  d'administration  sont  couverts  par  une 
dotation  spéciale  de  75,000  francs  par  an,  faite  à  cette  fin, 
par  le  gouvernement  des  Etats-Unis  à  chacun  des  états  de 
l'Union  américaine,  en  1888.  Les  frais  de  la  station  centrale 
à  Berkeley  et  de  l'Institut  agronomique  sont  à  la  charge  de 
l'Université  de  l'Etat  (1). 

(1)  On  trouvera  dans  les  comptes  rendus  de  la  Société  de  géographie  de 
Berlin,  1893,  une  carte  pluviale  de  la  Californie,  sur  laquelle  les  stations  diri- 
gées par  M.  Ililfjard  sont  portées. 

Le  Bulletin  de  la  Société  nationale  d' Agriailture  de  France  de  celte  année 
contient  une  autre  communication  du  même  auteur  qui  donne  des  détails  sur 
les  terrains  salants  et  alcalins  de  la  Californie,  dont  l'étude  constitue  une  spé- 
cialité de  la  station  du  Tulare.  J.  V. 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ELEVEUR 

Par  m.  le  marquis  de  BRISAY. 

{  SUITE*) 


VIII 

L'établissement  créé  par  M.  Ollivry ,  à  la  Chapelle-sur- 
Erdre  (Loire-Inférieure),  n'est  pas  aussi  considérable  que 
ceux  que  nous  venons  de  passer  en  revue  ;  mais  il  se  recom- 
mande par  le  choix  des  sujets  y  contenus.  L'éclectisme  le 
plus  raffiné  préside  à  l'introduction  des  pensionnaires  chez 
M.  Ollivry  ;  il  ne  s'y  glisse  pas  un  Faisan  vulgaire,  pas  même 
un  Euplocome  ;  le  common  people  des  volières  n'a  point  sa 
place  ici. 

Dans  le  premier  parquet  que  l'on  trouve  sur  la  gauche,  en 
pénétrant  dans  la  propriété,  on  remarque  un  couple  de  Lo- 
phophores  et  un  couple  de  Colombes  tigrées  du  Sénégal,  tout 
ce  qu'il  y  a  de  plus  sélect.  Un  conifère  se  dresse  au  milieu  du 
carré,  sur  un  gazon  que  les  Lophophores  piochent  et  retour- 
nent à  leur  aise,  pendant  que  dans  les  ramures  aux  panaches 
ombreux,  roucoulent  les  Pigeons  au  manteau  de  satin,  ponc- 
tué d'étincelles  blanches,  en  gonflant  leurs  collerettes  rouge- 
feu.  Ces  pigeons,  —  Roussards  au  Sénégal  et  Ramiers  du 
désert  —  sont  nés  en  France  (c'est  moi  qui  les  ai  cédés  à 
M.  Ollivry,  et  leurs  parentâ  m'ont  donné  en  six  ans  plus  de 
quinze  couples  de  leurs  jeunes),  mais  ils  ne  semblent  pas  dis- 
posés à  se  reproduire.  Depuis  trois  ans  on  n'en  a  rien  obtenu, 
et  je  crois  que  cette  belle  espèce,  si  désirable  à  propager, 
présente  généralement,  dans  les  sujets  indigènes,  cet  incon- 
vénient. 

Les  Lophophores  se  comportent  bien.  Depuis  cinq  ans,  sept 
ou  huit  jeunes  ont  été  élevés  chaque  saison.  Cette  année,  sur 
deux  couples  reproducteurs,  quatorze  ont  été  menés  à  bien. 

(*)  Voyez  Bévue,  années  1891,  2'  semestre,  p.  479  ;  1892,  2»  semestre,  p.  498» 
et  plus  haut,  p.  299. 


L'AVICULTURK  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  439 

L'élevage  de  cette  espèce  réussit  mieux  en  liberté  qu'en 
captivité  Dans  les  premiers  jours  qui  suivent  la  naissance, 
on  les  tient  enfermés  dans  la  boîte  d'élevage;  au  huitième,  si 
le  temps  le  permet,  on  ouvre  la  boite  sur  la  pelouse,  et  vogue 
la  galère  ;  la  poule  conduit  ses  poussins  à  la  recherche  des 
insectes,  à  l'herbe,  etc.,  puis  les  rentre  pour  le  souper  et 
pour  la  nuit.  Ainsi  menée,  cette  espèce,  réputée  délicate,  s'est 
toujours  montrée  très  rustique,  et  de  tous  les  Faisans,  la  plus 
facile  à  réussir.  Ce  n'est  qu'après  le  sevrage,  quand  les  oi- 
seaux déjà  très  gros  commencent  à  s'émanciper  et  prennent 
leur  vol  par  dessus  les  murs  de  la  propriété,  qu'on  les  re- 
prend le  soir  au  bercail  et  qu'on  réduit  leurs  velléités  d'indé- 
pendance en  leur  coupant  les  plumes  d'une  aile,  d'abord, 
puis  en  les  cloîtrant  en  volière,  après  la  mue. 

Le  compartiment  voisin  des  Lophophores  contient  des  Pin- 
tades couronnées  de  Verreaux.  Ces  gallinacés  africains  ont  été 
élevés  en  France.  Ils  proviennent  de  la  faisanderie  de  Gai- 
manche,  près  Caen.  Ce  sont  des  sujets  jeunes  encore  et  qui 
continuent  à  se  montrer  déhcats.  Leur  croissance  s'achève 
bien  avec  des  soins  ;  mais  il  faut  les  rendre  carnivores,  leur 
offrir  des  languettes  de  chair  crue  et  sanguinolente,  qu'ils 
avalent  précipitamment,  en  les  prenant  pour  des  lombrics 
enluminés.  C'est  le  régime  hématique  si  favorable  aux  ané- 
miés. Une  fois  parvenues  à  l'âge  adulte ,  les  Pintades  se 
nourrissent  de  graines  et  d'herbe,  comme  de  simples  i)Oulets. 

Nous  passons  de  suite  aux  Tragopans.  M.  Ollivry  est  de 
tous  les  amateurs  que  j'ai  rencontrés,  celui  qui  obtient  le  plus 
beau  et  le  plus  constant  succès  avec  ces  oiseaux  remar- 
quables. Voici  un  très  beau  couple  Cabot  à  sa  seconde  année, 
en  couleurs,  et  qui  promet  une  prochaine  reproduction;  cet 
oiseau  attire  l'attention  par  ses  taches  brun-rouge  sur  fond 
abricoté,  et  par  sa  face  en  peau  d'orange.  On  sait  la  grande 
difficulté  de  conserver  les  importés.  Ceux-ci  sont  nés  en  Bel- 
gique et  se  montrent  enchantés  de  vivre.  Voilà  ensuite  le 
Temminck  dont  plusieurs  générations  se  sont  reproduites  ici, 
et  pour  lesquels  on  a  toujours  employé  le  procédé  en  liberté 
appliqué  aux  Lophoi)hores.  Vient  enfin  le  Satyre,  que  sa  déli- 
catesse, même  adulte,  a  fait  si  rare  à  présent  dans  toutes  les 
faisanderies.  Quel  splendide  oiseau  que  ce  Tragopan  !  Unifor- 
mément rouge  vi(,  comme  un  beau  coucher  de  soleil,  tout 
diamanté  de  points  blancs  entourés  d'un  liseré  noir.  C'est  un 


440  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

éblouissement  !  Et  comme  plumage  il  vaut  tous  les  Lopho- 
phores.  Il  se  conserve  bien  et  s'élève  parfaitement  à  la  Cha- 
pelle. Depuis  sept  ans  qu'il  est  ici,  une  moyenne  de  douze 
jeunes  a  été  produite  et  menée  à  bien  chaque  année.  En  1889, 
deux  couples  reproducteurs  ont  donné  seize  jeunes  ;  en  1890 
les  mêmes  en  ont  produit  quinze,  dont  l'éducation  a  été  facile, 
en  liberté,  avec  l'ordinaire  des  faisans  :  mie  de  pain  et  œufs 
avec  persil  haché,  asticots  et  vers  de  farine  qui  sont  utiles 
surtout  aux  Tragopans  Satyres,  puis  les  graines  ordinaires, 
le  mil,  le  chènevis,  le  maïs,  d'abord  concassées,  puis  entières. 
Un  couple  de  Tragopans  de  Blyth  a  donné  huit  œufs  ce  prin- 
temps, pour  la  première  fois.  Cinq  étaient  fécondés,  et  les 
petits  sont  nés,  mais  si  faibles  qu'ils  n'ont  vécu  que  quelques 
jours.  C'est  un  essai  à  reprendre. 

L'élevage  du  Tragopan  a  été  généralement  moins  brillant 
cette  année  (1891)  que  l'année  dernière.  Cependant  la  saison 
avait  bien  débuté!  beaucoup  d'œufs  et  beaucoup  d'éclosions. 
Mais  l'extrême  humidité  du  printemps,  succédant  à  l'hiver 
tardif  et  froid,  a  été  pernicieuse.  L'élevage  pratiqué  en  liberté 
est  parfait  dans  une  saison  chaude,  mais  il  devient  désastreux 
en  temps  pluvieux.  Alors,  si  la  poule  n'est  pas  extrêmement 
douce,  patiente  et  familière,  la  couvée  est  bien  compromise  ; 
beaucoup  de  mères,  en  effet,  abusent  de  la  liberté  qui  leur  est 
accordée,  couchent  sur  les  arbres,  abritent  mal  leurs  petits, 
dès  le  matin  les  traînent  dans  l'herbe  mouillée,  ou  même, 
comme  cela  a  été  signalé  souvent  à  la  Chapelle,  sous  la  pluie, 
tombant  en  brume  épaisse  et  froide.  Il  résulte  de  cet  incon- 
vénient que  sur  douze  Satyres  éclos,  cette  année,  quatre 
seulement  ont  été  élevés,  tous  de  la  même  couvée,  ce  qui 
prouvç  bien  que  la  conduite  de  la  poule  est  pour  beaucoup 
dans  la  réussite  ou  l'insuccès  de  cette  éducation. 

Depuis  deux  ans,  M.  Ollivry  tient  le  faisan  de  Wallich, 
vulgarisé  par  M.  Maillard  ;  le  couple  a  reproduit  dès  la  pre- 
mière année.  Sept  jeunes  ont  été  menés  à  bien.  Cette  saison, 
bien  que  médiocre,  en  a  produit  dix-sept.  L'oiseau  est  des 
plus  faciles  à  élever,  malgré  son  naturel  sauvage.  On  en 
ferait  un  bon  faisan  de  chasse.  C'est  là  sa  seule  utilité,  car 
comme  beauté,  il  laisse  à  désirer,  ce  qui  le  fera  abandonner 
promptement  par  les  amateurs,  qui  lui  préféreront  toujours, 
à  bon  droit,  l'EUiot  ou  le  Vénéré. 
Dans   la  grande  volière,   où  nous   remarquons   tous  ces 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  444 

splendides  animaux,  M.  Ollivry  conserve  aussi  un  heureux 
choix  de  Colombes  exotiques.  Il  a  élevé  —  il  est  peut-être  le 
seul  en  France,  —  des  Colombi-gallines  à  tête  bleue,  de  la 
Martinique.  Il  a  aussi  des  Poignardées  qui  lui  donnent  des 
produits,  et  je  vois  un  jeune  à  peine  sevré,  tournant  autour 
des  parents  qui  l'ont  nourri,  pour  en  obtenir  encore  une  bec- 
quée. Le  lait  n'est  pas  unique,  mais  il  n'est  pas  commun  non 
plus.  Le  plus  ordinairement,  cette  variété  s'accouple,  pond, 
couve  assidûment  pendant  quelques  jours,  et  abandonne  ses 
deux  œufs  —  très  souvent  il  n'y  en  a  qu'un  —  pour  refaire 
un  nouveau  nid  et  une  autre  ponte. 

Les  Grivelées,  ces  gros  Pigeons-poules  d'Australie,  dont 
l'envie  vous  prend,  en  les  voyant,  de  tenir  l'une  d'elles  à  la 
fourchette;  familières  et  douces,  et  toutes  dodelinantes  dans 
leur  parquet  sablé,  autant  qu'elles  semblent  devoir  être  suc- 
culentes dans  l'assiette,  assises  sur  une  barde  de  lard,  réus- 
sissent très  parfaitement  à  la  Chapelle.  Combien  d'amateurs, 
et  des  plus  sérieux,  ont  essayé  d'en  produire  sans  y  parvenir! 
Là,  elles  vont  toutes  seules  ;  elles  pondent,  couvent  et  nour- 
rissent, c'est  un  plaisir.  Elles  donnent  deux  ou  trois  paires 
d'élèves  par  an.  Les  rigueurs  de  l'hiver  ne  les  préoccupent 
en  rien.  Dès  janvier  l'amour  les  réchauffe  et  leur  fait  braver 
les  frimas.  Sur  la  neige  et  par  les  rafales,  jusqu'en  mai  sous 
un  soleil  printanier,  elles  procèdent  au  grand  travail  pour 
lequel  tout  être  au  monde  est  créé.  Avec  ces  bonnes  et  gras- 
souillettes bestioles,  logent,  s'agitent  et  pullulent  d'infini- 
tésimales Tourterelles,  des  Colombes  Diamant  de  la  gros- 
seur d'un  moineau,  une  foultitude  de  petits  amours  pigeon- 
nants,  aux  yeux  rouges,  entourant  la  volière  d'une  guirlande 
de  nids,  grands  comme  le  creux  de  la  main,  où  des  généra- 
tions quasi-spontanées  poussent  à  la  vapeur.  Et  là,  surtout, 
on  signale  l'heureuse  étoile  qui  préside  à  tout  l'élevage  du 
cher  confrère.  Partout  ailleurs  deux  mâles  Diamant  ne  peu- 
vent se  supporter  ensemble ,  ne  cessent  de  se  battre,  de 
s'entre-déchirer . . .  chez  lui  plus  de  vingt  colombes  de  cette 
espèce  si  jalouse,  vivent  en  commun,  mâles  et  femelles,  et 
nichent  et  élèvent,  et  renichent,  avec  la  plus  admirable  cor- 
dialité. 

M.  Ollivry  sait  échelonner  son  goût  des  volatiles  en  des- 
cendant des  plus  grands  aux  plus  petits.  Dans  un  coin  <le  son 
parc,  il  entretient  un  couple  de  Nandous,  sorte  de  cavalerie 


4^2  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

numide  qui  charge  à  fond  de  train,  et  se  trouve  arrêtée  par 
le  plus  petit  obstacle,  un  léger  grillage  d'un  mètre  de  haut. 
Dans  un  enclos  voisin,  se  prélassent  deux  belles  Grues  cou- 
ronnées, au  manteau  gris  perle,  à  l'aigrette  dorée,  à  la  dé- 
marche noble,  le  plus  bel  ornement  d'une  pelouse,  ici  très  à 
l'aise,  et  comme  les  Nandous,  enfermées  dans  le  plus  mince 
réseau.  Ces  Grues  ont  pondu.  La  femelle  a  couvé  ses  deux 
œufs  pendant  quatre  ou  cinq  jours,  puis  un  beau  matin, 
pendant  qu'elle  était  allée  paître,  le  mâle  inquiet  les  a 
brisés.  C'est  dans  ce  parquet  qu'a  été  construite,  dans 
une  position  agréable  et  ombragée ,  une  volière  rustique 
longue  de  dix  mètres  environ,  large  de  quatre,  possédant 
un  abri  ouvert  par  devant  et  couvert  de  chaume.  Elle 
recèle  un  couple  de  jeunes  Argus,  né  en  Anjou,  et  vendu 
par  M.  Roflay  qui,  paraît-il,  les  aurait  élevés  chez  lui,  à  Sau- 
mur.  Ces  oiseaux  ont  dix-huit  mois  et  sont  loin  d'avoir 
atteint  leur  taille.  Ils  ne  seront  adultes  qu'à  trois  ans.  Leur 
plumage  n'est  pas  encore  caractérisé.  Ils  semblent  doués 
d'une  santé  robuste,  et  leur  rusticité  permet  de  croire  qu'ils 
supi)orteront  bien  un  hiver  moyen.  Ils  ont  subi  déjà  une  tem- 
pérature de  7  degrés  au-dessous  de  0  sans  paraître  en  souffrir. 
Dans  un  bassin  voisin  du  potager  s'ébattent  sur  une  eau 
sinueuse  et  peu  profonde,  entre  des  touffes  de  bambous,  des 
Sarcelles  à  ailes  bleues  faisant  bon  méaage  avec  des  poissons 
rouges.  Dans  un  enclos  voisin,  arrosé  par  la  même  rivière, 
sont  deux  Cygnes  à  col  noir,  provenant  du -Croisic,  et  de- 
meurés jusqu'à  ce  jour  inféconds. 

En  compagnie  des  Tragopans,  parmi  les  thuyas  et  les 
fusains  ombrageant  les  parquets  de  la  grande  volière,  vivent, 
comme  en  un  pâquis  d'Adélaïde,  des  Passereaux  minuscules 
au  merveilleux  plumage.  Il  y  a  plusieurs  variétés  de  Dia- 
mants, dont  chacune  est  logée  en  un  compartiment  différent, 
mais  représentée  par  plusieurs  sujets  de  la  même  espèce 
vivant  ensemble,  dans  les  meilleurs  termes.  Je  reconnais  le 
Moucheté,  le  Psittaculaire,  le  Pape  de  prairie,  le  Gould,  le 
Mirabilis,  le  Masqué. 

Rien  de  plus  attrayant,  dans  cette  grande  volière  si  bien 
aménagée  et  plantée,  que  cette  petite  population,  au  cos- 
tume éclatant  et  varié,  aux  mœurs  intéressantes,  aux  allures 
vives  et  gracieuses,  se  supportant  sans  dispute,  sans  plumes 
volantes,  en  un  bel  espace,   rustique  au  point  de  passer  la 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  443 

pins  grande  partie  de  l'hiver  —  sauf  le  temps  des  fortes  ge- 
lées —  au  dehors,  et  qui  se  reproduit  là  comme  en  pleine 
liberté.  Car  c'est  encore  un  des  points  les  plus  importants  à 
signaler  dans  l'élevage  de  M.  Ollivry  ;  après  les  Tragopans, 
après  les  Colombes, voici  les  Diamants  qui  reproduisent  comme 
des  champignons.  On  ne  trouve  nulle  part  ailleurs,  l'exemple 
d'une  réussite  aussi  générale.  Sans  parler  du  Moucheté,  dont 
la  reproduction  est  assez  vulgaire,  que  dire  du  Masqué  (Ama- 
ranthe  à  masque)  connu  depuis  quatre  ans  à  peine,  et  dont 
je  vois  le  nid,  au  milieu  d'une  brousse,  formé  de  feuilles, 
plumes  et  coton  amoncelés.  La  femelle  a  pondu  cinq  œufs. 
C'est  bien  la  première  fois  que  ce  fait  est  signalé  en  Europe. 
Malheureusement  ils  n'ont  point  été  couvés.  Il  y  a  plus  de 
quatre  ans  que  M.  Ollivry  élève  avec  succès  le  Diamant  psit- 
taculaire,  de  la  Nouvelle-Calédonie,  dont  la  reproduction 
a  été  obtenue  pour  la  première  fois,  à  Beaujardin,  en  1882 
ou  1883.  Un  couple,  venu  de  Beaujardin,  après  la  mort  de 
M'"^  Cornély,  a  donné  une  quantité  prodigieuse  de  petits, 
couvés  et  élevés  sur  un  fusain,  dans  un  gros  nid  formant 
une  informe  masse  herbeuse,  ayant,  comme  celui  du  Roi- 
telet, une  ouverture  sur  le  côté.  L'incubation  est  très  rapide, 
la  croissance  plus  lente  ;  les  petits  ont  en  naissant,  et  portent 
encore  à  la  sortie  du  nid,  trois  petites  verrues  bleues  de 
chaque  côté  du  bec.  Ils  s'élèvent  parfaitement  avec  le  millet 
en  grappe,  le  mouron,  la  pâtée  d'insectivores  en  petite  quan- 
tité. Ce  sont  les  parents  qui  président  à  leur  éducation  d'un 
bout  à  l'autre.  Le  PaU'on  n'a  qu'à  les  regarder  faire,  et  avoir 
soin  que  les  provisions  ne  manquent  pas. 

Le  Diamant  de  Gould  avait  déjà  été  reproduit  comme  le 
précédent  chez  M.  Cornély  à  Beaujardin,  mais  notre  collègue 
M.  Ollivry  est  le  premier  amateur  qui  ait  fait,  sur  ce  genre 
de  passereau,  une  étude  aussi  complète  que  suivie.  Les  ré- 
sultats obtenus  intéressent  même  l'histoire  naturelle,  en  ce 
sens  qu'ils  confirment  un  fait  encore  à  peine  indiqué.  Mac- 
gillivray  avait  prétendu,  avec  raison,  que  le  genre  d'oiseaux 
dédié  à  Gould  ne  se  divisait  pas  en  deux  variétés,  qu'il  for- 
mait une  seule  et  même  famille,  représentant  des  sujets  dont 
la  tête  subissait  une  coloration  diflérente.  Mais  comme  la 
rareté  de  cet  oiseau  n'avait  pas  permis  de  l'observer  atten- 
tivement, il  fut  décrété,  lors  de  l'importation  assez  nombreuse 
qui  en  fut  faite,  il  y  a  quelques  années,  qu'il  y  avait  lieu  d  é- 


444  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

tablir  une  distinction  entre  l'oiseau  à  tête  noire,  sous  le  nom 
de  Diamant  de  Gould,  et  l'oiseau  à  tête  rouge,  qu'on  dé- 
nomma Diamant  Mirabilis.  Ce  fut  une  erreur.  La  découverte 
qu'a  faite  M.  Ollivry,  dans  son  élevage  de  Diamants  de  Gould, 
confirme  entièrement  l'opinion  émise  par  l'explorateur 
australien.  Les  deux  prétendues  variétés  ne  forment  qu'une 
seule  et  même  espèce,  et  l'on  doit  être  amené  à  reconnaître 
que  le  type  originaire  est  l'oiseau  à  tête  rouge,  dont  celui  à 
tête  noire  n'est  qu'une  dégénérescence. 

Il  y  a  trois  ans  que  M.  Ollivry  possède  un  couple  de 
Gould  provenant  de  Belgique,  et  un  couple  Mii'abilis  acheté 
chez  Casartelli  à  Bordeaux.  Il  est  donc  bien  établi  que  ces 
quatre  oiseaux  sont  d'origine  très  différente,  et  n'ont  aucun 
rapport  entre  eux.  Depuis  lors,  vingt-cinq  jeunes  Gould  à 
tête  noire,  ont  été  élevés  à  la  Chapelle  et  tous  ont  présenté 
la  coloration  identique  du  père  et  de  la  mère.  Quant  aux 
Mirabilis  à  tête  rouge,  la  même  constance  de  plumage  n'a 
pas  été  signalée.  Sur  8  jeunes  élevés  la  première  année,  5 
avaient  la  tête  rouge,  et  3  l'avaient  noire.  La  seconde  année 
sur  une  seule  nichée  de  5  petits,  il  y  eut  4  tête  rouge  et 

I  tête  noire.  Enfin  cette  année,  sur  12  jeunes  JNIirabilis  me- 
nés à  bien,  8  ont  la  tête  garnie  de  plumes  rouges,  et  les  4 
autres  l'ont  entièrement  noire.  L'expérience  est  concluante. 

II  était  toutefois  intéressant  de  la  compléter  en  obtenant  la 
reproduction  des  Mirabilis,  nés  à  la  Chapelle,  et  d'étudier 
la  coloration  de  leurs  jeunes.  M.  Ollivry  l'a  fait.  lia  mis  à 
part  un  couple  de  Mirabilis  à  tête  noire,  né  en  1890,  de  ses 
tête  rouge,  et  il  en  a  obtenu,  cette  année,  5  petits  qui  tous 
ont  la  tête  noire  comme  les  Diamants  de  Gould. 

De  cette  expérience,  qui  ne  manque  pas  d'intérêt,  on  doit 
donc  conclure  : 

1°  Que  le  Gould  et  le  Mirabilis  ne  sont  qu'un  même  oiseau. 

2"  Que  le  Mirabilis  est  le  type  pur,  ce  qui  se  reconnaît  à  sa 
taille  plus  forte,  à  sa  queue  plus  longue  ;  et  que  le  Gould  est 
un  dégénéré  du  Mirabilis,  ce  qui  apparaît  à  sa  taille  moindre 
et  à  sa  queue  écourtée.  La  coloration  du  premier  est  plus  vive 
et  il  engendre  du  Gould,  tandis  qu'il  n'a  pas  été  signalé  jus- 
qu'à présent  qu'un  couple  Gould  ait  produit  du  Mirabilis. 

L'élevage  de  ces  remarquables  oiseaux,  les  plus  beaux 
passereaux  granivores  du  globe,  est  assez  facile,  en  ce  sens 
qu'il  va  tout  seul  une  fois  commencé,  sans  soins  ou  nourri- 


L'AVICULTURE  CHEZ  L'ÉLEVEUR.  445 

ture  particulière  ;  millet  en  grappe  et  mouron  blanc  sont 
indispensables.  Mais  il  arrive  souvent  que  des  reproducteurs 
délicats,  fatigués  par  les  premiers  soins,  dévorent  leurs  petits 
vers  le  huitième  jour,  pour  réparer  leurs  forces  épuisées.  Et  ils 
se  remettent  à  pondre,  à  couver,  puis  à  manger  encore  leurs 
produits,  cela  sept  ou  huit  fois  en  saison,  ce  qui  est  mons- 
trueux. Et  il  n'y  a  aucun  moyen  de  les  en  empêcher,  et  ils 
meurent  à  la  peine,  ce  qui  est  une  juste  punition  pour  leurs 
méfaits.  Autre  inconvénient:  ils  nichent  tard,  ne  commencent 
à  pondre  qu'en  juillet  —  ils  muent  en  juin  —  de  sorte  que 
le  temps  de  l'incubation  et  les  25  jours  que  les  petits  passent 
au  nid  mènent  aux  nuits  froides,  qui  sont  parfois  la  cause 
de  la  mort  des  jeunes.  La  seconde  couvée  est  surtout  éprou- 
vée sous  ce  rapport,  et,  pour  plus  de  sûreté,  il  est  bon  de  la 
rentrer,  dès  que  les  petits  sont  sortis  du  nid,  dans  de  bonnes 
cages,  en  serre,  où  l'éducation  s'achève  au  mieux.  Il  y  a 
une  certaine  analogie  entre  cette  espèce  de  passereau  et  le 
Diamant  Psittaculaire,  bien  que  l'apparence  soit  très  diffé- 
rente :  les  jeunes  Gould  et  Mirabilis  naissent  avec  deux  pe- 
tites verrues  jaunes  de  chaque  côté  du  bec.  Nous  avons  dit 
que  les  Psittaculaires  en  portaient  trois  bleues.  Tels  sont  les 
moyens  de  séduction  de  ces  petits  animaux  au  berceau.  L'é- 
levage de  1892,  à  La  Chapelle,  a  produit  25  Lophophores, 
1  Tragopans  satyres,  1  Demoiselle  de  Numidie,  5  Mirabilis. 
Maintenant  que  dire  du  pays  où  les  Australiens  les  plus 
nouvellement  débarqués  se  comportent  si  vaillemmant  ?  Ja- 
mais trop  de  louanges.  La  Chapelle  est  sur  la  rive  droite  de 
l'Erdre,  une  rivière  sans  courant,  dont  l'onde  étale,  par 
places,  en  d'immenses  étangs  dissimulant  ses  bords,  pour  se 
resserrer  plus  loin  —  tel  un  étroit  canal  de  halage  —  entre 
les  collines  verdoyantes,  hérissées  de  parcs,  de  chalets,  de 
clochers,  de  manoirs.  Au  milieu  de  cette  villégiature  char- 
mante, le  cottage  de  M.  Ollivry,  ouvert  d'un  amical  accueil, 
est  un  point  à  noter  pour  l'éleveur  qui  veut  s'instruii-e  au 
contact  d'une  expérience  intelligente  et  heureuse  (1). 

[A  suivre.) 


(1)  Je  liens  à  rappeler  que,  parmi  ses  succès  les  plus  remarquables,  M.  Olli- 
vry compte  la  reproduclioa  du  ïanj^ara  septicolore,  obtenue  eu  1888,  à  la 
Chapelle,  dans  les  conditious  que  j'ai  relatées  eu  détail,  à  la  page  274  de  moD 
volume  d'aviculture  :  Dans  nos  volières. 


DES  FILETS 

CONSIDÉRÉS  COMME  ENGINS  DE  PÊCHE 
ET  DE  LEUR   EMPLOI 

Par  m.  le  commandant  L.  YANNETELLE. 


L'invention  des  filets  remonte  à  une  époque  immémoriale  ; 
les  plus  anciens  monuments,  les  reliques  des  populations 
disparues  en  font  foi. 

Des  lianes  entrelacées  auront  suffi  d'abord  à  la  fabrication 
des  filets,  puis,  le  progrès  aidant,  on  aura  assemblé,  avec  plus 
d'industrie,  les  fils  de  diverses  matières  textiles,  et  le  filet  a 
été  tout  trouvé  dans  ses  éléments  fondamentaux. 

La  confection  des  mailles  régulières,  l'appropriation  des 
diverses  formes  et  espèces  d'engins,  suivant  les  besoins  et  les 
lieux,  découlent  comme  une  conséquence  nécessaire  de  cette 
première  donnée. 

De  nos  jours,  le  tissage  des  filets,  soit  à  la  main,  soit  à  la 
mécanique,  est  arrivé  à  sa  dernière  perfection,  mais  nous 
devons  cependant  ajouter  que  très  peu  de  pécheurs,  surtout 
les  pêcheurs  amateurs,  savent  tisser  eux-mêmes,  leurs  filets  et 
nous  dirons  que  presque  tous  les  pêcheurs  de  profession  et 
même  les  fabricants  ne  confectionnent  leurs  filets  que  par 
routine  et  obtiennent  ainsi  des  engins  qui  pèchent  mal. 

On  pêche  aux  filets  à  la  mer  comme  en  rivière  ;  nous  allons 
d'abord  traiter  des  filets  en  eau  douce,  nous  réservant  de 
parler  plus  tard  de  ceux  employés  à  la  mer  quoique  cependant 
la  plupart  des  filets  employés  en  rivière  servent  aussi  à  la 
pêche  en  mer  sous  des  noms  différents 

Les  filets  de  pêche  en  eau  douce,  d'après  leur  nature  et 
l'usage  auquel  ils  sont  destinés,  peuvent  se  diviser  en  deux 
catégories  :  les  uns  ont  besoin,  pour  remplir  leur  ofl^ce,  de  la 
présence  et  de  l'action  immédiate  du  pêcheur  :  on  les  appelle 
filets  de  main  ;  les  autres,  abandonnés  dans  l'eau  pendant  un 
temps  plus  ou  moins  long,  accomplissent  d'eux-mêmes  leur 


DES  FILETS  CONSIDÉRÉS  COiDIE  ENGINS  DE  PÈCHE.  4  i7 

destination  et  n'exigent  l'intervention  du  pêclieur  que  pour 
être  placés  et  retirés  à  de  certains  intervalles  ;  on  les  désigne 
sous  le  nom  de  filels  sédentaires  ou  dormants. 

Dans  la  première  classe  se  placent  Vépcrvier,  le  gile  ou 
épervier  de  traîne,  l'échiquier,  la  balance  à  écrevisses,  la 
truble,  la  senne  et  le  tramail,  ce  dernier  participant,  à  un 
certain  degré,  du  caractère  propre  à  chacune  des  deux 
classes,  car  le  tramail  se  traîne  ou  peut  rester  sédentaire  à 
l'eau. 

Dans  la  seconde  classe  se  rangent  le  vet^veiix  et  ses  variétés 
qui  sont  :  la  louve  ou  verveux  à  ailes,  le  tambour,  le  tam- 
bour à  ailes,  le  vervotin  à  écrevisses  et  la  nasse  qui  est  faite 
ou  en  osier  ou  en  fil  de  fer  galvanisé.  En  parlant  de  chacun 
de  ces  filets,  je  vous  en  présenterai  un  spécimen  en  réduction 
miniature,  mais  à  une  échelle  exacte  se  rapportant  parfaite- 
ment au  filet  lui-même,  dans  ses  dimensions  normales  et 
mathématiquement  établi  et  tissé  selon  ma  méthode. 


De  l'épervier  (1). 

L'é2)ervier  se  lançant  à  la  main  et  dit  épervier  de  jet,  de 
tous  les  filets  de  pèche  est  celui  qui  exige,  du  pêcheur,  le 
plus  de  pratique  pour  être  bien  lancé,  mais,  c'est  celui  qui  lui 
procure  le  plus  d'agréments. 

Il  est  composé  d'une  nappe  plate  circulaire  qu'une  longue 
corde,  fixée  au  centre,  relève  en  forme  de  C(3ne  au  bas  duquel 
est  un  large  ourlet,  relevé  dans  l'intérieur  par  des  coi'delettes 
placées  de  distance  en  distance  et  de  différentes  longueurs 
suivant  le  diamètre  de  l'épervier.  —  Le  bord  du  filet,  relevé 
en  ourlet,  est  garni  d'un  chapelet  de  balles  de  i)lomb,  nmdes 
ou  en  forme  d'ohves,  monté  sur  une  corde  à  laquelle  viennent 
se  rattacher  les  cordelettes  qui  relèvent  le  bord  du  filet  dans 
l'intérieur  et  forment  les  bourses.  —  Cette  conle,  nuinie  de 
ses  plombs,  se  nomme  la  plombée  ou  couronne  des  balles  ;  la 
partie  de  l'épervier  qui  va  de  la  plombée  au  sommet  du  cône 

[\)  Épervier  de  jet,  de  410  mailles  aux  bourses,  à  la  maille  de  0"',031 
aux  bourses,  a  vaut  r>"',53  de  diamèlre  à  l'allache  des  bourses  ut  5", 7:^ 
de  diamèlre  à  la  couronne  dos  balles. 

Ce  filet  est  composé  de  15  cylindres  formant  142  tours,  comprenaul 
eux-mêmes  36,558  mailles. 


448  hEVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

s'appelle  la  coiffe  et  la  longue  corde  qui  est  attachée  au 
sommet  de  la  coiffe  se  nomme  corde  de  jet  ;  elle  porte  à  son 
extrémité  une  boucle  destinée  à  former  un  nœud  coulant 
autour  du  poignet  gauche  du  pêcheur. 

Il  y  a  deux  laçons  de  pêcher  à  l'épervier,  l'une  en  le  jetant 
de  la  rive  ou  d'un  bateau,  l'autre  en  le  traînant. 

Avant  de  jeter  l'épervier,  il  faut  le  parer ^  opération  qui 
consiste  (après  avoir  assujetti  la  corde  au  poignet  gauche 
par  un  nœud  coulant)  à  saisir,  de  la  main  gauche,  le 
filet  rassemblé ,  à  70  centimètres  environ  de  la  corde 
•plombée,  pour,  avec  la  main  droite,  développer  succes- 
sivement les  bourses  afin  de  s'assurer  qu'il  n'y  a  pas  de 
plombs  accrochés  dans  les  cordelettes,  et  retirer  les  pierres, 
herbes,  branches,  etc.,  et  tout  ce  qui  pourrait  empêcher  le 
filet  d'être  convenablement  lancé  et  déployé. 

L'épervier  ainsi  paré,  on  tend  la  coiffe,  on  saisit  le  filet 
rassemblé,  dans  la  main  gauche,  à  60  centimètres  environ  des 
plombs,  en  ayant  soin  de  laisser  ceux-ci  à  terre,  puis,  par  un 
mouvement  de  va  et  vient,  exécuté  par  la  main  droite,  cette 
main  replie,  dans  la  main  gauche,  la  coiff'e  et  la  corde  sur 
elles-mêmes  par  longueurs  de  40  à  45  centimètres  environ, 
en  commençant  parle  filet  d'abord,  la  corde  ensuite  et  non, 
comme  le  font,  à  tort,  certains  pêcheurs,  en  roulant  d'abord 
la  corde  de  jet  dans  la  main  gauche.  Cela  fait,  on  soulève  le 
tout  de  la  main  gauche  qu'on  porte  à  la  hauteur  de  la  poi- 
trine, on  prend  de  la  main  droite  vers  la  gauche  du  filet  ras- 
,  semblé  le  quart  environ  du  filet  qu'on  place  au-dessus  du 
coude  sur  le  bras  gauche  horizontalement  tendu  et  non  sur 
l'épaule,  comme  l'enseignent  certains  auteurs,  parce  que  cette 
portion  du  filet  étant  placée  sur  l'épaule,  fait  que  l'épervier 
tombe  toujours  à  l'eau  en  deux  fois,  ce  qui  n'arrive  pas  lors- 
qu'elle est  placée  sur  le  bras  ;  on  saisit  ensuite,  de  la  main 
droite,  le  petit  doigt  touchant  la  corde  plombée,  la  portion  du 
filet  simple  tournée  vers  la  poitrine,  on  en  prend  ?a  moitié 
dans  cette  main,  laissant  le  surplus  dans  la  main  Tranche 
pendre  devant  soi  et,  ainsi  préparé,  on  s'ap}»roche  de  l'en- 
droit où  on  veut  lancer  l'épervier,  avec  précaution  et  sans 
bruit  ;  on  s'eff'ace  fortement  à  gauche,  l'épaule  droite  en 
avant,  puis,  prenant  son  élan,  on  fait  tourner  subitement  le 
corps  de  gauche  à  droite  en  lançant  les  bras  en  avant  et  en 
lâchant,  en  même  temps,  des  deux  mains,  tout  l'épervier,  en 


DES  FILETS  CONSIDÉRÉS  COMiME  ENGINS  DE  PÊCHE.  449 

ayant  soin  que  le  petit  doigt  de  la  main  droite  développe  le 
filet  en  l'arrondissant  lorsqu'il  se  déploie.  Si  ce  mouvement 
des  deux  bras  et  de  l'épaule  a  été  bien  exécuté,  l'épervier 
tombe  à  l'eau  comme  une  nappe  circulaire,  la  corde  de  jet  en 
occupant  le  centre. 

Le  filet  lancé  et  arrivé  au  fond  de  l'eau,  on  tire  légèrement 
sur  la  corde  de  jet  ce  qui  fait  tendre  les  cordelettes,  ouvrir 
les  bourses  et  permet  au  poisson  de  s'y  introduire,  puis  on 
relève  lentement  l'épervier  en  tirant  successivement  à  droite 
et  à  gauche  pour  rassembler  les  plombs  et,  lorsqu'ils  sont 
réunis  (ce  qui  se  distingue  facilement),  on  sort  promptement 
l'épervier  et  on  le  dépose  sur  la  rive. 

On  déploie  alors  successivement  les  bourses  en  soulevant 
les  plombs,  on  retire  les  pierres,  branches,  etc.,  etc.,  qui  peu- 
vent s'y  trouver,  on  s'empare  du  poisson,  on  lave  l'épervier 
s'il  contient  de  la  vase,  on  le  tord  et  on  continue  la  pèche  en 
le  parant  et  le  lançant  comme  il  vient  d'être  expliqué. 

On  peut  aussi  jeter  l'épervier  étant  en  bateau,  il  faut  pour 
cela  être  accompagné  d'une  personne  chargée  de  diriger  la  na- 
celle sur  le  point  où  on  veut  lancer  le  filet  et  de  le  maintenir 
en  place  pour  permettre  au  pêcheur  de  relever  convenable- 
ment et  facilement  son  épervier.  —  Dans  l'un  et  l'autre  cas,  il 
faut  que  le  pêcheur  soit  vêtu,  autant  que  possible,  d'un  pan- 
talon et  d'une  vareuse  en  grosse  laine  ou  en  caoutchouc, 
surtout  sans  agrafes  ni  boutons  susceptibles  de  s'accrocher 
aux  mailles,  car  il  pourrait  être  entraîné  à  l'eau  en  même 
temps  que  le  filet. 

Les  endroits  les  plus  convenables  pour  y  jeter  l'épervier 
sont  :  les  anses,  les  abords  des  remous,  les  têtes  des  courants 
peu  rapides  et  en  général  tous  les  endroits  où  il  n'y  a  pas 
plus  de  deux  ou  trois  mètres  de  profondeur,  mais  avant  tout, 
si  on  veut  surprendre  et  prendre  le  poisson,  il  est  indispen- 
sable de  garder  le  plus  grand  silence,  soit  en  marchant  sur  la 
rive  soit  en  manœuvrant  le  bateau. 

On  peut  aussi  attirer  le  poisson  en  amorçant  sur  les  diffé- 
rentes places  où  on  doit  lancer  l'épervier. 

Avant  de  pêcher  et  pour  s'habituer  h  lancer  l'épervier,  on 
peut  le  jeter  quelquefois  sur  une  prairie  ou  sur  tout  autre 
terrain  bien  uni,  mais  le  meilleur  apprentissage  sera  toujours 
celui  que  le  i)êcheur  fera  en  jetant  ré[)('rvier  à  la  rivière,  de 
la  rive  d'abord  et  ensuite  du  bateau. 

20  Mai  1893.  29 


450  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Du  gile  ou  épervier  de  traîne  (1). 

Le  gile  est  un  épervier  de  pins  grandes  dimensions  que 
les  éperviers  ordinaires,  beaucoup  plus  lourd  de  fil,  plus 
chargé  de  plomb  et  ne  pouvant,  pour  ces  motifs,  être  lancé  à 
la  main.  On  l'emploie  dans  les  grandes  rivières  ainsi  que  dans 
les  fleuves,  et  la  pêche  se  fait,  à  l'aide  d'une  barque,  de  la  ma- 
nière suivante  : 

Il  faut  être  au  moins  deux  personnes  ;  le  rameur  n'a  d'au- 
tres fonctions  que  de  maintenir  la  nacelle  dérivant  en  travers 
et  perpendiculairement  à  l'axe  du  courant;  le  pêcheur  ac- 
croche à  deux  chevilles  fichées  à  un  mètre  environ  de  chaque 
extrémité  de  la  barque,  sur  le  bord  d'amont,  une  partie  de  la 
corde  plombée  qui  restera  tendue  entre  ces  deux  chevilles, 
puis  il  jette  le  surplus  du  filet  à  l'eau,  la  coiffe  du  gile  restant 
soutenue,  au  moyen  de  la  corde  centrale,  attachée  à  son  poi- 
gnet, mais  qu'il  tient  à  la  main.  Dans  cette  position,  la  plus 
grande  partie  du  filet  est  à  leau,  les  plombs  traînant  sur  le  fond, 
pendant  que  la  nacelle  descend,  poussée  par  le  courant,  mais 
maintenue  en  travers  et  surtout  dirigée,  sans  bruit,  par  le 
rameur. 

Le  gile  ainsi  tendu,  la  barque  parcourera  deux  ou  trois 
cents  mètres,  ou  même  moins,  si  le  pêcheur  qui  soutient  la 
corde  centrale  est  prévenu  par  une  secousse  d'un  poisson  don- 
nant dans  le  filet;  alors,  à  un  signal  que  celui-ci  fait  à  son 
rameur,  aussi  promptement  que  possible,  tous  les  deux  dé  - 
gagent  la  corde  plombée  des  chevilles  qui  la  retiennent  et, 
ensemble,  la  laissent  tomber  à  l'eau  où  les  plombs  gagnent  le 
fond,  puis,  le  filet  est  fermé,  retiré  et  remonté  dans  la  barque 
comme  pour  un  épervier  ordinaire. 

De  l'échiquier  (2). 

L'échiquier,  qui  porte  aussi  et  suivant  les  localités,  les  dif- 

(1)  Épervier  de  tratne  ou  Gile,  de  900  mailles  aux  bourses,  à  la 
maille  de  0"\031  aux  bourses,  ayant  8'", 70  de  diamètre  à  l'attache  des 
bourses  et  9"\95  de  diamètre  à  la  couronne  des  balles. 

Ce  filet  est  composé  de  17  cylindres  formant  254  tours  et  comprenant 
eux-mêmes  132,884  mailles. 

(2)  Échiquier  pour  pêcher  à  la  main.  Ce  filet  a  environ  2™,50  de 


DES  FILETS  CONSIDÉRÉS  COMME  ENGINS  DE  PÉCIIE.  451 

rérents  noms  de  :  carreau,  carrelet,  carré,  calen,  étiquet, 
furet  et  veninron,  est  un  filet  de  forme  carrée,  'formant 
poche  et  monté  sur  deux  courbes  attachées  en  croix  faites  en 
bois  léger  et  élastique  dont  la  longueur  est  proportionnée  et  à 
la  grandeur  du  filet  et  à  la  profondeur  des  eaux  dans  les- 
quelles on  est  appelé  à  pécher. 

La  pêche  à  l'échiquier  se  fait  de  diverses  manières,  soit 
avec  des  grands  échiquiers  établis  à  demeure  et  qu'on  relève 
au  moyen  d'une  poulie  ou  d'une  bascule,  la  perche  qui  sup- 
porte le  filet  étant  d'une  longueur  proportionnée  à  l'endroit 
de  la  rive  où  a  été  installée  la  pêcherie;  soit  encore  en  bateau, 
le  système  de  poulie  ou  de  bascule  étant  solidement  établi  à 
l'arrière;  mais  le  mode  de  pêche  à  l'échiquier  le  plus  générale- 
ment employé  dans  nos  fleuves  et  rivières,  se  fait  à  la  main 
avec  des  filets  de  dimensions  moyennes,  pouvant  être  facile- 
ment manœuvres  par  le  pêcheur  qui,  ne  restant  pas  en  place, 
pourra  tendre  son  filet  de  la  rive,  mais  en  évitant  de  pêcher 
<lans  des  eaux  ayant  plus  de  deux  mètres  de  profondeur,  en 
recherchant  de  préférence  les  endroits  oiiil  existe  des  remous 
ou,  encore,  à  l'entrée  d'une  arche  de  pont,  enfin  dans  tout  en- 
droit où  on  sait  que  les  poissons  ont  l'habitude  de  séjourner. 

Pour  pêcher  à  la  main,  l'échiquier,  monté  sur  ses  courbes, 
est  porté  par  une  forte  gaule  qui  sert  à  le  manœuvrer  et  de  4 
à  5  mètres  de  longueur,  suivant  que  l'on  est  appelé  à  pêcher 
dans  des  endroits  plus  ou  moins  écartés  de  la  rive.  On  pose  le 
filet  à  l'eau,  en  faisant  le  moins  de  bruit  possible,  mais  en 
appuyant  légèrement  la  gaule  sur  les  courbes  pour  faire  des- 
cendre l'échiquier  jusqu'à  ce  qu'on  sente,  à  la  main,  que  les 
extrémités  des  courbes  reposent  également  sur  le  sol,  au  fond 
de  l'eau.  On  laisse  le  filet  à  l'eau  pendant  un  quart  d'heure 
environ  et  on  le  relève  en  se  plaçant  à  cheval  sur  la  gaule  que 
l'on  saisit  des  deux  mains,  le  plus  loin  possible  du  corps  pour, 
en  se  renversant  en  arrière,  en  pliant  les  jarrets,  faire  bas- 
cule et  sortir  le  filet  de  l'eau  sans  secousses  et  sans  bruit,  afin 
de  pouvoir  poser  l'échiquier  une  ou  deux  fois  au  même  en- 

côlé,  il  osl  compose  de  6  carres  fornlanl  490  tours,  compreuanl  eux- 
mêmes  19,630  mailles. 

La  maille  dansée  fond  du  filcl  esL  de  O^.OIS. 

L'ccliiiiuicr  type  plus  grand  et  ai)polp'  hunier,  pour  la  poche  en  nier, 
a  4  mèlres  environ  de  côLé,  il  est  compose'  de  8  carres,  formant  29  nappes 
de  (500  tours,  comprenant  eux-mOmes  *.>,.V7:?  mailles. 


452  REVUE  DES  SCIENXES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

droit  avec  chance  de  succès.  Cette  pèche  à  l'échiquier,  à  la 
main,  se  fait  également  en  bateau,  sur  les  bancs  de  sable,  où 
l'eau  est  peu  profonde  et  où  le  pêcheur  attire  le  goujon  et 
autre  fretin  au  moyen  d'un  bouloir  à  l'aide  duquel  il  trouble 
l'eau  en  remuant  le  sable  un  peu  au-dessus  du  filet.  Lorsque 
les  eaux  sont  troublées  par  une  crue  et  en  bonne  saison,  la 
pêche  à  l'écliiquier  est  toujours  fructueuse. 

De  la  balance  à  écrevlsse. 

La  balance  pour  la  pêche  à  Técrevisse  est  un  petit  filet  en 
forme  de  poche,  comme  pour  l'échiquier,  mais  rond  et  monté 
sur  un  cercle  en  fil  de  fer  de  5  â  6  millimètres  de  diamètre. 
On  fixe  au  cercle  trois  ficelles  qui  se  réunissent  ensemble  â 
40  centimètres  au-dessus  de  la  balance  et  donnent  â  l'appareil 
la  figure  de  l'instrument  d'où  vient  son  nom;  une  quatrième 
ficelle  de  l'^,50  envii'r)n  relie  les  trois  autres  par  un  nœud 
coulant  â  une  baguette  en  bois,  de  la  grosseur  du  doigt  et  dont 
l'extrémité  opposée  est  taillée  en  pointe  afin  de  pouvoir  être 
facilement  et  horizontalement  enfoncée  dans  le  sol  de  la  rive 
où  l'on  pêche. 

La  pêche  aux  écrevisses  se  fait  le  plus  favorablement  depuis 
le  mois  de  juin  jusqu'aux  premières  gelées  et  pendant  3  ou 
4- heures  après  le  coucher  du  soleil,  car  c'est  plutôt  la  nuit  que 
l'écrevisse  sort  des  trous  qu'elle  se  creuse  dans  les  berges  et 
qu'elle  quitte  peu  dans  la  journée.  11  faut,  pour  pêcher  fruc- 
tueusement avec  la  balance,  en  tendre  une  quinzaine  â  la  fois, 
en  les  distançant  de  10  à  12  mètres  l'une  de  l'autre,  en  ayant 
soin  que  le  cercle  de  fer  repose  à  plat  sur  le  fond  et  de  piquer 
en  terre  la  baguette,  de  manière  que  la  corde  de  suspension 
et  les  cordelettes  soient  légèrement  tendues.  On  amorce  cha- 
que balance  en  attachant  au  centre  du  filet,  comme  appât,  de 
la  viande  fraîche  légèrement  frottée  avec  de  l'assa-fétida, 
mais,  ce  qui  est  préférable,  c'est  un  morceau  de  morue  ou  de 
îiareng  saur. 

(1)  Balance  à  ëcrevisse?,  à  la  maille  de  0"',015,  ayant  44  centimètres 
de  diamètre.  Ce  filet  compose  d'une  nappe  carrée  et  de  5  cylindres, 
formant  48  louis,  comprenant  eux-mêmes  1,892  mailles. 


DES  FILETS  CONSIDÉRÉS  COMME  ENGINS  DE  PÈCHE.  435 


De  la  truble  (1). 

La  irnUe  ou  trouble,  qui  porte  encore  différents  noms  sui- 
Tant  les  localités,  quels  que  soient  ses  dimensions  et  le  but  au- 
quel on  le  destine,  est  un  filet  en  forme  de  poche  ou  chausse 
et  se  montant  le  plus  ordinairement  sur  une  courbe  en  bois, 
dont  la  grosseur  est  proportionnée  à  la  dimension  du  filet. 
Sur  cette  courbe,  légère  et  pliée  en  demi-cercle,  on  engage, 
par  le  dernier  tour  des  mailles,  comme  un  rideau  sur  une 
tringle,  environ  les  deux  tiers  du  filet,  et,  dans  la  partie  res- 
tante, on  passe  une  corde  grosse  comme  le  doigt  qui,  attachée 
aux  deux  extrémités  de  la  courbe,  en  maintient  la  courbure, 
et,  dans  cette  situation,  le  demi-cercle  de  bois  figure  un  arc 
tendu  par  la  corde  sectrice.  Puis,  les  mailles  étant  cousues  en 
surjet,  aussi  bien  sur  la  courbe  que  sur  la  corde  du  diamètre, 
on  assujettit  sur  la  courbe  une  fourche  dont  les  deux  branches 
sont  légèrement  plus  longues  que  la  flèche  et  dont  la  longueur 
totale,  y  compris  le  manche,  est  de  4  à  5  mètres  ;  fourche  dont 
les  extrémités  des  branches  sont  solidement  attachées  au  dia- 
mètre en  corde  et  la  partie  supérieure  au  centre  de  la  courbe 
en  bois,  au  moj'en  d'une  ficelle  de  grosseur  suffisante. 

On  fait  la  pêche  à  la  truble,  en  eau  douce,  de  plusieurs 
manières  : 

1°  Lorsque  les  eaux  sont  troublées  par  une  crue  et  que  le 
poisson  s'approche  des  rives  où  le  courant  est  moins  rapide, 
le  pêcheur  projeté  son  filet  aussi  loin  qu'il  peut  devant  lui, 
l'enfonce  en  le  maintenant  sur  le  fond  pour  l'attirer  à  lui 
vers  la  rive,  le  sortir  de  l'eau,  en  retirer  le  poisson  prison- 
nier et  jeter  un  autre  coup  un  peu  plus  loin,  mais  toujours  en 
remontant  le  courant  de  la  rivière.  On  pêche  aussi  très  fruc- 
tueusement sur  les  parties  basses  des  prairies  envahies  i)ar 
les  eaux  d'une  crue,  où  on  prend  toujours  beaucoup  de  me- 
nus poissons  qui  recherchent  ces  endroits  et,  souvent  aussi, 
de  la  Perche  et  du  Brochet  qui  viennent  y  chasser. 

2°  Pour  pêcher  d'une  seconde  manière,  il  faut  être  au 
moins  deux  pêcheurs  et  mieux  encore  trois.  Celui  qui  porte 

(1)  Truble  à  la  maille  de  0"',015,  ayant  :  3'n.55  de  profondeur, 
6  métrés  de  circonférence,  composée  de  1  nappe  carrée,  5  cyliadres, 
no  tours,  comprenant  eux-mêmes  28,720  mailles. 


454  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

le  filet  le  place  à  l'eau,  soit  -vis-à-vis  des  racines  d'arbres 
comme  il  s'en  rencontre  souvent  sons  les  rives  de  certains 
cours  d'eau,  soit  contre  des  touffes  d'herbes  ou  de  roseaux, 
soit  contre  tout  antre  endroit  de  la  rive  où  on  suppose  des 
remises  à  poissons,  et  il  le  maintient  au  fond  et  bien  parallè- 
lement à  l'endroit  que  l'on  veut  bloquer. 

Les  deux  autres  pécheurs,  munis  d'un  bouloir  {longue 
perche  à  Vexlrémilé  de  laquelle  est  clouée  une  planchette 
ou  mieux  encore,  à  cause  de  sa  flexibilité,  une  semelle  de 
vieille  chaussure)  battent  l'eau  à  droite  et  à  gauche  de  la 
truble,  en  dirigeant  les  coups  vers  l'entrée  du  filet  pour  y 
chasser  le  poisson  ;  le  pécheur,  qui  tient  la  truble,  saisit  le 
moment  où  les  derniers  cou[)S  de  bouloir  sont  donnés  contre 
le  filet,  pour  le  relever  promptement  et  en  retirer  le  poisson 
qui  s'y  trouve  pris. 

3°  Il  y  a  une  troisième  manière  de  pécher  à  la  truble  qui 
demande  aussi  deux  pécheurs  et  ne  se  pratique  que  dans  la 
saison  des  chaleurs  et  sur  des  endroits  guéables.  Le  pécheur 
qui  porte  la  truble  reste  sur  la  rive  et  place  son  filet,  l'orifice 
tournée  à  l'amont  du  courant,  en  travers  et  le  plus  près  pos- 
sible de  la  rive  ;  l'autre  pêcheur  se  met  à  l'eau  à  15  ou  20 
mètres  plus  haut  que  l'endroit  où  le  filet  est  posé  et,  à  l'aide 
du  bouloir,  il  bat  fortement  sous  les  racines  de  la  rive,  dans 
les  roseaux,  les  herbes  et  dans  tous  autres  endroits  où  le 
poisson  peut  se  tenir  caché,  en  descendant  vers  le  premier 
pêcheur  qui,  lorsqu'il  est  rejoint  par  son  camarade,  relève  le 
filet,  en  retire  le  poisson  et  recommence  un  nouveau  coup  à 
quelques  mètres  plus  haut  que  l'endroit  où  le  deuxième  pê- 
cheur s'est  mis  à  l'eau  pour  déloger  le  poisson  de  ses  remises. 
Je  ne  parlerai  pas  de  l'épuisette  qui  est  en  réalité  une  truble 
de  très  petite  dimension  et  qui  n'est  pas  considérée  comme 
un  engin  destiné  à  prendre  le  poisson,  mais  à  aider  le  pêcheur 
à  la  ligne,  à  envelopper  et  à  porter  à  terre  un  poisson  qui, 
pris  à  l'hameçon,  pourrait  briser  la  ligne  à  laquelle  il  est 
accroché. 

De  la  senne  (1). 
Presque  tous  les  auteurs  ayant  traité  de  la  pêche  aux  filets 

(1)   Senne,   à  la  maille   de  0'",31,  ayant  27  mètres  de  longueur  à 


DES  FILETS  CONSIDÉRÉS   COMME  ENGINS  DE  PÈCHE.  455 

disent,  en  parlant  de  la  senne,  que  ce  grand  engin  de  pêche 
est  toiijouy^s  un  filet  en  tiappe  simple,  ayant  plus  de  longueur 
que  de  chute  ;  nous  ne  sommes  pas  de  cet  avis  et  nous  dirons 
que  ce  genre  de  filet,  pour  bien  pêcher  et  capturer  sûrement 
le  poisson,  doit,  au  contraire,  être  toujours  composé  de  trois 
parties  bien  distinctes.  Une  grande  poche  formant  le  milieu 
du  filet  et  deux  nappes  ou  bras  reliés  à  cette  poche  sur  les 
côtés  de  son  entrée. 

On  donne  à  ce  filet  une  longueur  de  nappes  proportionnée 
à  l'étendue  des  eaux  dans  lesquelles  on  est  appelé  à  pêcher 
et,  dans  les  grandes  rivières,  dans  les  fleuves  et  à  la  mer,  on 
emploie  des  sennes  ayant  50  et  60  mètres  de  longueur  de 
nappes  sans  compter  le  diamètre  de  la  poche. 

Povu'  pêcher  à  la  senne  on  se  sert  d'une  barque  sans 
laquelle  on  serait  très  embarrassé,  et  il  faut  être  au  moins 
six  pêcheurs,  quatre  pour  tirer  sur  le  filet  et  deux  pour  diri- 
ger le  bateau  pendant  la  pêche.  On  prépare  le  filet  en  le 
pliant  sur  un  des  bords  de  la  nacelle  et  on  fait  choix,  autant 
que  possible,  sur  l'une  ou  l'autre  rive,  d'un  endroit  en  pente 
régulière  et  douce,  oii  on  puisse  y  rassembler  et  y  tirer  faci- 
lement le  filet  à  terre.  Quatre  des  six  pêcheurs  montent  dans 
la  nacelle  pendant  que  les  deux  autres  restent  à  terre  avec 
un  des  bras  du  filet  ;  les  deux  hommes  chargés  du  bateau  le 
dirigent  vers  la  rive  opposée  pendant  que  les  deux  autres 
jettent  le  filet  à  l'eau,  en  le  dépliant  avec  attention  pour 
qu'il  ne  s'accroche  pas  au  bateau.  Quand  la  nacelle  a  gagné 
la  rive  opposée,  quatre  des  pêcheurs,  les  deux  descendus  du 
bateau  et  les  deux  restés  sur  la  rive  du  point  de  départ, 
tirent  sur  chaque  bras  du  filet  et  le  traînent  en  remontant  la 
rivière  pendant  que  les  deux  pêcheurs  restés  dans  le  bateau 
se  sont  placés  derrière  le  filet,  pour  en  suivre  les  mouve- 
ments, s'assurer  qu'il  marche  bien,  pour  le  décrocher  s'il 
venait  à  être  arrêté  par  une  racine,  une  grosse  pierre  ou  par 
toute  autre  chose,  enfin  pour  veiller  et  remédier  aux  acci- 
dents qui  pourraient  survenir. 

Quand  le  filet  a  été  traîné  pendant  un  certain  temps,  les 
deux  pêcheurs  qui  sont  descendus  du  bateau  y  remontent  en 

chaque  bras  (soil  54  mèlrcs),  sur  3  mèlres  de  hauteur,  avec  poche  de 
6  mètres  de  profondeur  et  G  mètres  de  diamètre  ii  l'ouverture. 

Ce  filet  comprend,  dans  son  ensemble,  1,536  tours  et  141,544  mailles. 


456  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

gardant  le  bras  du  filet  sur  lequel  ils  ont  tiré  et  ils  repassent 
sur  la  rive  de  départ,  le  bateau  décrivant  une  ligne  circulaire 
que  suit  le  filet,  pour  rejoindre  les  deux  autres  pêcheurs 
restés  sur  cette  rive  où  le  filet  doit  être  retiré  de  l'eau. 

Quand  on  tire  le  filet  de  Teau  il  faut  veiller  à  le  tirer  éga- 
lement sur  chaque  bras  pour  que  le  poisson  se  rende  dans  la 
poche,  et  nous  dirons  qu'il  est  toujours  utile  d'être  muni  de 
bouloirs  pour  battre  les  rives,  afin  d'en  déloger  le  poisson 
qui  s'y  cache  et  le  pousser  dans  le  filet,  opération  faite  à 
l'aide  du  bateau  et  par  les  pêcheurs  qui  le  montent. 

Du  tramail  (1). 

Ce  filet  tire  son  nom  de  ce  qu'il  est  composé  de  trois  nappes 
de  mailles  [trois  mailles)  superposées  les  unes  aux  autres;  les 
deux  nappes  extérieures  ,  qui  se  nomment  alignées  ,  sont 
faites  en  mailles  carrées  assez  grandes  pour  laisser  facilement 
passer  les  poissons  de  toutes  grosseurs  ;  la  nappe  intérieure, 
qui  se  nomme  la  flue  parce  qu'elle  est  destinée  à  rester  flot- 
tante entre  les  deux  autres,  est  faite  en  mailles  en  losange 
assez  petites  pour  empêcher  le  poisson  de  les  traverser,  et, 
comme  cette  toile  doit  former  des  poches  ou  bourses,  à  tra- 
vers les  mailles  de  l'aumée  opposée,  où  le  poisson  vient  s'em- 
barrasser et  s'emprisonner,  elle  se  fait  généralement  une  fois 
et  demie  plus  longue  et  plus  large  que  les  aumées.  Ce  genre 
de  filet  se  fait  de  toutes  dimensions,  suivant  les  cours  d'eau 
où  l'on  est  appelé  à  pêcher;  il  est  garni  de  lingots  de  plomb 
sur  l'un  des  grands  côtés  du  parallélogramme  et  de  disques  de 
liège  au  côté  opposé,  ce  qui,  grâce  au  plomb  qui  l'entraîne  par 
le  bas  et  au  liège  qui  le  retient  en  haut,  lui  fait  prendre  dans 
l'eau  une  position  verticale  et  barrer  le  passage  à  tout 
poisson  qui  viendra  se  bourser  dans  ses  plis. 

La  pêche  au  tramail,  dans  les  fleuves  et  dans  les  rivières, 
se  fait  de  la  même  manière,  et,  suivant  la  largeur  du  cours 
d'eau,  avec  ou  sans  bateau.  Dans  les  fleuves  ainsi  que  dans  les 
grandes  rivières,  trois  bateaux  sont  nécessaires;  deux  pour 


(1)  Tramail,  de  9  mètres  de  longueur  sur  4  métrés  de  hauteur, 
maille  carre'e  de  0'°,15  de  côte',  aux  aumées  et  à  la  maille  en  losange 
de  0"^,024,  à  la  flue.  Il  est  composé,  aumées  et  flue  réunies,  de 
718  tours  et  de  134  532  mailles. 


DES  FILETS  COXSIDÉRÉS  COMME  ENaiNS  DE  PÊCHE.  457 

maintenir,  à  chacune  de  ses  extrémités,  le  fliet  tendu  per- 
pendiculairement dans  l'eau  afin  de  barrer  ainsi  une  partie  de 
la  rivière  égale  à  la  longueur  du  filet,  l'autre  bateau  servant 
aux  pêcheurs  pour,  à  l'aide  de  bouloirs,  battre  la  rivière  au 
milieu  et  sur  ses  rives,  ^  déloger  le  poisson  et  le  faire  fuir 
vers  le  tramail  où  il  passe  facilement  à  travers  les  grandes 
mailles  des  aumées  pour  rencontrer  la  nappe  flottante  de  la 
flue  qui  cède  sous  sa  pression  et  forme  une  poche  ou  bourse, 
à  travers  une  des  mailles  de  l'aumée  opposée,  et  dans  laquelle 
il  reste  enveloppé  et  complètement  emprisonné. 

Dans  les  petites  rivières  et  quand  le  tramail  est  assez  long 
pour  en  barrer  entièrement  le  cours,  on  ne  se  sert  pas  de 
bateau;  on  attache  chacune  des  deux  extrémités  du  filet 
contre  chaque  rive,  et,  les  pêcheurs,  remontant  la  rivière,  à 
100  ou  150  mètres  de  l'endroit  où  le  filet  est  tendu,  battent 
les  berges  au  moyen  des  bouloirs  pour  faire  fuir  les  poissons 
vers  le  tramail.  On  emploie  également  le  tramail,  pour  en- 
tourer les  abords  des  crosnes,  sous  les  racines,  sous  les 
berges  et  autour  de  tout  endroit  qui,  servant  de  remise  au 
poisson,  peut  être  enveloppé  par  le  filet  et  où  le  bouloir  peut 
remplir  son  office  en  en  délogeant  les  poissons  qui  s'y  ca- 
chent. 


Du  verveux  (1). 
Le  verveux  est  un  filet  cjdindrique  de  la  classe  des  filets 

(1)  Verveux  à  enire'e  circulaire  et  à  2  goulets,  à  la  maille  de  C^.OIS. 
45  centimètres  de  diamètre  daus  le  corps  du  verveux,  l'",60  d*^  à  l'entrée. 
4  mètres  environ  de  longueur  de  la  tête  à  la  queue. 

Il  est  composé  de  35  cylindres  formant  254  tours,  comprenant  eux- 
mêmes  13,322  mailles. 

Verveux  à  un  seul  goulet  (même  maille),  2''\20  environ  de  la  tête  à 
la  queue,  même  diamètre  que  les  précédents  et  il  est  composé  de 
24  cylindres,  formant  158  tours,  comprenant  eux-mêmes  8,292  mailles. 

Verveux  à  ailes,  comme  le  verveux  à  2  goulets,  et  en  plus  2"", 50 
environ  de  longueur  des  ailes,  ce  qui  ^ui  donne  près  de  7  mètres  de  lu 
queue  à  l'extrémité  des  ailes.  Il  est  composé  de  34  cylindres  formant 
avec  les  ailes  412  tours,  comprenant  eux-mêmes  16,486  mailles. 

Vervuliu  à  e'crevisses,  à  la  maille  de  0"',015.  1  mètre  environ  de 
longueur  de  la  lête  à  la  queue.  Il  est  compose'  de  20  cylindres  formant 
93  tours,  comprenant  eux-mêmes  2,79i  mailles. 

Tambour,  maille  de  0'°,013,  même  diamètre  que  le  premier  verveux. 


458  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

sédentaires  et  dans  rintérieiir  duquel  il  existe  un  ou  deux 
goulets  empêchant  le  poisson  d'en  sortir  lorsqu'il  y  est  entré. 

Le  verveux  est  composé  de  plusieurs  parties  :  Centrée, 
le  corps  de  tête,  le  corps  de  queue,  la  queue,  le  goultt  de 
tête,  le  goulet  de  queue  et  les  cerceaux  qui  servent  à  main- 
tenir le  filet  dans  sa  forme  cylindrique. 

Il  existe  plusieurs  variétés  du  verveux. 

1"  Le  verveux  à  un  seul  goulet,  filet  qui  pêche  mal,  et 
dont  on  se  sert  beaucoup  en  Seine,  probablement,  peut-être,, 
parce  qu'il  coûte  meilleur  marché  que  : 

2°  Le  verveux  à  deux  goulets,  le  seul  pratique,  pouvant 
être  placé  partout,  et  péchant  bien,  monté  sur  entrée  circu- 
laire, ou  demi-circulaire. 

3°  Le  verveux  à  ailes  ou  louve,  variété  du  verveux  à  l'en- 
trée duquel  il  est  ajouté  deux  nappes  en  filet,  appelées  ailes 
et  qui  servent  à  barrer  le  plus  d'espacé  possible  dans  les 
eaux  où  l'on  pèche  pour  diriger  le  poisson  vers  l'entrée  du 
verveux. 

4°  Le  tambour,  sorte  de  verveux  à  deux  entrées  monté 
aussi  sur  cerceaux  maintenus  solidement  entre  eux  par  trois 
barres  de  bois  longitudinales.  A  chacune  des  entrées  existe 
un  goulet  semblablement  tendu  comme  le  goulet  de  queue  du 
verveux  à  deux  goulets.  On  emploie  le  tambour  dans  les 
étangs  où  aucun  courant  ne  porte  le  poisson  à  suivre  une 
route  déterminée. 

5°  Le  vervotin  à  écrevisses,  petit  verveux  à  un  goulet, 
spécialement  employé  à  la  pêche  aux  écrevisses  et  qui  a,  sur 
la  balance,  dont  nous  avons  parlé,  l'avantage  de  rester  tendu 
le  jour  comme  la  nuit  pendant  un  laps  de  temps  de  plusieurs 
heures. 

On  pose  généralement  les  verveux,  qu'ils  soient  à  un  ou 
deux  goulets,  à  entrée  circulaire  ou  demi- circulaire  ou  à 
ailes,  le  long  des  rives  et  aux  endroits  les  plus  propices  au 
passage  du  poisson,  qu'on  peut  d'ailleurs  y  attirer  aussi  en 
mettant  un  appât  quelconque  dans  le  corps  de  queue  du  filet, 
surtout  du  tourteau  de  chénevis. 

environ  2  mètres  de  longueur.  Il  est  composé  de  20  cylindres,  formant 
160  tours,  comprenant  eux-mêmes  8,204  mailles. 

Tambour  à  ailes,  maille  de  O^.OIS,  même  diamètre,  longueur  2'",îîO. 
Composé  de  30  cylindres,  formant  390  tours,  comprenant  eux-mêmes 
6,860  mailles. 


DES  FILETS  CONSIDÉRÉS  COMME  ENGINS  DE  PÈCHE.  439 

Pour  poser  convenablement  im  verveiix,  on  fera,  à  la 
corde  de  la  queue,  une  boucle  dans  laquelle  on  assujettira 
solidement  une  perche  rendue  pointue,  à  la  serpe,  par  le 
gros  bout  et  assez  longue  pour  que,  étant  enfoncée  dans  le 
sol,  de  30  à  40  centimètres,  elle  dépasse  d'au  moins  un  mètre 
la  surface  de  l'eau.  On  fixera  aussi  et  au  moyen  des  petites 
ficelles  qui  s'y  trouvent,  une  autre  perche  semblable,  au  cer- 
ceau d'entrée,  puis,  à  l'aide  d'un  maillet,  on  enfoncera  d'abord 
la  perche  de  queue,  de  telle  sorte  que  le  filet,  poussé  par  le 
courant,  ne  puisse  la  déraciner  du  sol  ;  on  enfoncera  ensuite 
et  aussi  solidement  la  perche  de  l'entrée,  mais  en  ayant  soin 
de  veiller  à  ce  que  le  verveux  soit  bien  tendu,  qu'il  soit  exac- 
tement placé  dans  la  direction  du  courant,  s'il  y  en  a,  et  que 
le  cerceau  d'entrée  repose  sur  le  fond. 

En  général,  on  se  sert  d'une  barque  ou  d'un  bateau  de 
pêcheur  pour  poser  les  verveux,  à  la  rivière,  en  prenant  la 
précaution  de  tenir  les  perches  assez  écartées  de  la  rive  pour 
que  les  maraudeurs  ne  puissent  y  atteindre. 

Les  verveux  sont  habituellement  relevés  après  vingt-quatre 
heures  de  pose  et,  avant  d'être  replacés,  ils  doivent  être  par- 
faitement lavés  et  nettoyés,  si  on  veut  éviter  leur  prompte 
destruction  par  la  pourriture  du  fil  (1). 

{V  Fabrication  et  emploi  des  filets  de  pêche,  par  le  commandant  L. 
Vannetelle.  —  Bernard  Tignol,  éditeur,  53  bis,  quai  des  Grands- 
Augustins. 


SUR  LES  VEGETAUX 

QUI    PRODUISENT 

LE  BEURRE  ET  LE  PALM  D'  «  O'DIKA  » 

DU   GABON -CONGO 

ET 

SUR  LES  ARBRES  PRODUCTEURS  DE  LA  GRAINE 
ET  DU  BEURRE  DE  «  CAY-CAY  » 

DE    COCHINCHINE   ET    DU   CAMBODGE 
VALEUR    COMPARÉE    DE    CES    DEUX    PRODUITS 

Par  m.  le  D'  Edouard  HECKEL, 

Professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Marseille. 


(suite  et  fin  *.) 

CHAPITRE  IL 
BEURRE  DE  CAY-CAY. 

Le  beurre  de  Cay-Cay  est  le  pendant  asiatique  du  beurre 
d'O'Dika  africain.  Il  est  fourni  par  un  végélal  congénère  de 
celui  qui  donne  le  produit  dont  je  viens  de  faire  l'examen  dé- 
taillé. Dans  ces  conditions,  il  n'était  pas  possible  de  séparer 
l'examen  de  l'un  de  l'étude  de  l'autre  :  le  rapprochement  s'im- 
posait en  raison  des  origines  végétales  congénères  de  ces 
deux  produits.  Il  était  intéressant  en  outre,  comme  je  l'ai  dit 
déjà,  de  connaître  les  similitudes  ou  les  différences  de  com- 
position qui  séparent  ou  unissent  ces  deux  produits. 

Irvingia  Oliveri.  Pierre  (en  annamite  vulgaire,  Cay-Cày  ; 
Mand,  Afôc-rô«^  ;  Cambodge,  Châm-Bâc). 

1.' Irvingia  Oliveri  Pierre  et  V Irvingia  Malayana  Oliver, 
sont  les  deux  seuls  végétaux  connus  comme  producteurs  du 
beurre  de  Cay-Cay. 

Le  premier  est  un  grand  et  bel  arbre  forestier  d'une  hau- 

(*)  Voyez  plus  haut,  page  397. 


LE   BEURRE  ET  LE  PAIN  D'O'DIKA,  DU  GABON-CONGO.  461 

teur  de  30  à  35  mètres  environ  sur  un  diamètre  moyen  de 
1  mètre,  mais  mesurant  souvent  jusqu'à  2"\50  à  la  base(l). 
Son  tronc  droit  et  élancé  est  terminé  par  des  rameaux  nom- 
breux garnis  d'un  feuillage  touffu  :  l'écorce  est  grisâtre, 
verruqueuse,  parsemée  de  taches  jaunâtres  dues  à  l'exfolia- 
tion  de  sa  partie  superficielle  (périderme).  Les  jeunes  rameaux 
présentent  une  teinte  rougeâtre  et  çà  et  là  quelques  lenti- 
celles.  Cette  écorce  est  amère  et  riche  en  principes  astrin- 
gents. 

Feuilles  alternes,  simples,  entières,  coriaces  et  glabres,  courtement 
pétiolées,  ovales  allongées,  arrondies  ou  subcorde'es  à  la  base,  le'gére- 
ment  acumine'es  au  sommet.  A  teinte  vert  pâle  ou  un  peu  glauque,  à 
nervure  médiane  saillante  sur  la  face  supérieure,  ces  feuilles  sont 
munies  de  dix  à  onze  petites  côtes  de  chaque  côte',  distinctes  sur  les 
deux  faces,  reliées  par  des  nervures  et  des  côtes  éleve'es,  les  pre- 
mières transversales,  les  secondes  parallèles  aux  petites  côtes. 

Les  nervures  late'rales  se  détachent  de  la  nervure  me'diane,  se  diri- 
gent vers  les  bords  en  s'incurvant  vers  le  sommet  et  se  re'unissant 
l'une  à  l'autre  de  manière  à  former  une  sorte  de  nervure  marginale 
ondule'e  h  h  millimètres  environ  du  bord.  Les  feuilles  des  arbres  éle- 
vés ont  une  longueur  de  5  centimètres  environ,  leur  sommet  est  légère- 
ment obtus  Ici,  comme  dans  tous  les  Irvingia,  le  bourgeon  terminal 
est  enveloppé  dans  une  sorte  de  spathe,  en  forme  de  capuchon,  cons- 
tituée par  les  stipules  extra-axillaires  de  la  dernière  feuille  qui  se  sont 
soudées  de  la  même  façon  que  celles  des  Arlocarpe'es  et  enveloppent 
toute  la  portion  extrême  du  jeune  rameau,  jusqu'au  jour  où  elles  se 
détacheront  à  peu  prés  circulairement  par  la  base,  ne  laissant  sur 
Taxe  d'autre  vestige  qu'une  cicatrice  circulaire.  L'arbre  fleurit  en 
mars  ou  en  avril.  Inflorescences  axillaires  en  grappes  simples  ou 
ramifiées  plus  courtes  ou  de  même  longueur  que  les  feuilles,  en 
moyennes  à  6  centimètres  de  longueur  :  elles  sont  différentes  de  celles 
de  VIrvingia  gabonensis.  Les  pédicelles  floraux  pourvus  à  la  base  d'une 


(1)  Son  boi?,  de  couleur  jaune  très  pâle,  assez  joli  étant  verni,  est  d'une  tex- 
ture fine,  1res  serrée,  à  Cbres  longues  el  légèrement  contournées.  Dur,  lourd, 
coriace,  dillicile  à  travailler,  il  se  pourrit  dil'ticilement  et  n'est  pas  attaqué  par 
les  insectes.  Contrairement  à  l'assertion  de  Mottloy,  cette  essence  ne  résisterait 
pas  aux  ravages  des  tarets.  C'est,  du  moins,  la  conviction  des  Annamites.  Sa 
densité  approximative  est  de  0,960.  Lorsque  le  bois  n'est  pas  creux  (et  il  l'est 
souvent),  il  peut  être  employé  pour  la  charpente,  le  charronnage,  la  menuiserie, 
la  conleclion  des  herses,  rouleaux  el  autres  instrumenta  en  usage  dens  les  tra- 
vaux des  champs.  Les  Annamites  n'en  l'ont  guère  que  des  tJloaLCS  de  casec 
dse  pilotis  el  dilférenles  pièces  de  leurs  embarcations.  [Le:  lois  industricis  et 
exotiques,  par  Grisard  et  Vauden-Berghe,  Revue  des  sciences  naturelles  appli- 
quées, n»  21 ,  5  novembre  1892.) 


462 


REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 


bractée  et  mesurant  1/4  de  millimëlres  portent  des  fleurs  petites,  ver- 
dûti'es.  Le  calice  est  forme'  de  cinq   se'pales  à  limbes  obtus  (mesurant 

1  1/2  ou  1  1/5   de   millimètre)  qui   sont  membraneux  :  les  pétales  de 

2  3/4  mm.  sont  concaves.  Les  étamines  ine'gales  ont  des  filets  subulés, 
longs  de  1  à  2  millimélres.  Les  anthères,  au  nombre  de  dix,  insérées  à 
la  base  du  disque,  sont  ovales,  e'margine'es  ;  le  disque  (de  1/2  milli- 
mètre sur  1  millimètre)  est  entier  et  pourvu  de  légers  sillons  qu'on  voit 
plus  accentués  sur  Vlrvingla  gabonensis.  Le  style  dressé  (1/5  de  milli- 
mètre), tronqué,  est  deux  fois  plus  court  que  l'ovaire.  Le  stigmate  est 
très  petit.  L'ovaire  est  à  deux  loges  uniovulées,  à  ovules  semi  ana- 
tropes.  Le  fruit  a  45  millimètres  de  long  sur  27  millimètres  de  large,  sa 
face  comprime'e  n'a  que  15  millimètres  de  diamètre.  La  pulpe  de  son 


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..,./-t» 


'•«!•  CiX 


Fig.  45.  —  Fruits  à'irvingia  Oliveri  dépouillés  de  leur  sarcocarpe. 


épicarpe  et  sarcocarpe  est  juteuse  avec  un  goût  légèrement  amer,  ce 
qui  ne  l'empêche  pas  d'être  recherchée  par  certains  animaux  (Cervi- 
dés). L'endocarpe  est  épais  de  2  millimètres  et  envoie  de  nombreuses 
fibres  à  travers  le  sarcocarpe,  sa  surface  interne  est  lisse  et  vernissée. 
Le  spermoderme  est  coriace  et  n'a  pas  plus  d'un  1/2  millimètre 
d'épaisseur.  Les  cotyle'dons  sont  à  peine  plan -convexe  et  de  5  milli- 
mètres d'épaisseur  environ  (1). 

Le  fruit,  sur  lequel  il  faut  revenir,  est  une  drupe  de  forme  ovoïde, 
comprime'e,  à  peine  atte'nuée  et  obtuse  au  sommet,  grosse  comme  un 
œuf  de  pigeon,  à  me'socarpe  fibreux  et  à  endocarpe  lignifie',  osseux.  A 
sa  maturité'  complète,  le  fruit  est  jaune.  Au  moment  de  la  récolte,  lors- 
que l'épicarpe  a  e'té  de'lruil,  le  fruit  re'duit  à  son  endocarpe  a  la  forme 
et  la  grosseur  d'une  amande  de  petite  dimension  ;  sa  surface  est  grise 
et  comme  veloutée  (fig.  13,  A].  Cette  apparence  est  due  à  la  persis- 
tance des  fibres  qui  traversent  le  mésocarpe  après  la  destruction  du 
parenchyme  sarcocarpique.  La  coque  fendue  présente  souvent,  comme 

(1)  Leur  goût  est  agréable  et  rappelle  tout  à  fait  celui  des  amandes  d;  Vlf- 
vingia  gabonensis  ,■  elles  laissent  une  arrière-saveur  de  très  légère  amsrtuma 
comme  ces  dernières,  elles  sont  mucilagineuses. 


LE  BEURRE  ET  LE  PAIN  D'O'DIKA,  DU  GABON -CONGO. 


463 


le  fruit  de  Vlrvlngia  gabonensis,  la  trace  d'une  deuxième  loge  avortée 
(fig.  13,  C).  L'unique  loge  présente  une  graine  revêtue  d'un  spermo- 
derme  brun  marron,  lisse  et  cassant,  le  raptié  s'e'panouit  aussi  laté- 
ralement sur  le  spermoderme  en  griffes  transversales  (fig.45,  ^).  Quel- 
quefois il  y  a  deux  graines,  une  dans  chaque  loge.  Ce  spermoderme 
est  formé  de  deux  enveloppes  dont  la  plus  interne  subéreuse  est  sil- 
lonnée par  des  faisceaux  blanchâtres  et  transversaux.  L'embryon 
charnu  est  formé  de  deux  cotylédons  appliqués  l'un  contre  l'autre 
(fig.  13  C,  c)  :  la  radicule  minime  est  cachée  au  sommet  de  la  graine 

Fig.  U. 


Fig.  13. 


■L 


^^nx 


■  / 


^Jm^ 


Fig,  44.  —  Coupe  transversale  d'un  cotylédon  à''Lvingia   Olioeri  : 
Im,  lacune  mucilagiaeuse  ;  cg,  cellules  grasses. 

Fig.  1S.  —  Coupe  transversale  très  grossie  d'une  lacune  à  mucilage  Im  entourée 

de  cellules  grasses  cg. 

et  à  la  base  des  cotylédons  (fig.  13  C,  b)  qui  présentent  en  cet  endroit 
une  dépression  pour  la  loger,  mais  pas  d'auricules  comme  dans  1'//'- 
vingia  gabonensis  :  ivâces  d'albumen  jaune  grisâtre  dans  la  graine  mure. 

Si  on  fait  une  coupe  à  travers  ces  cotylédons,  on  trouve, 
comme  dans  Irvingia  gabonensis,  un  parenchyme  interrompu 
par  des  lacunes  mucilagineuses  de  nature  leissogène  (fig.  14 
et  15  bn).  M.  Vignoli  (1),  pharmacien  de  la  marine,  a  indiqué 


(1)  Le  Cay-Cay  ou  Irvingia   Oliveri  (Thèse  de  l'Ecole  supérieure   de  Phar- 
macie de  Montpellier,  1886).  PI.  1, 


464  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

les  mêmes  organes  dans  les  feuilles  (pétioles)  et  l'écorce,  il  les 
a  désignées  sons  le  nom  de  réservoirs  à  gomme,  mais  il  ne  les 
a  pas  cherchés  dans  l'embn'On.  M.  Pierre,  dans  son  beau  tra- 
yail  sur  la  Flore  forestière  de  CoGhincliiue  (PI.  263),  au  texte 
duquel  je  fais  de  nombreux  emprunts  pour  cette  descrip- 
tion, ne  les  signale  pas  non  plus.  Ils  sont  suffisamment 
caractéristiques  et  par  la  gomme  [aradine)  produite  et  par 
leur  forme,  pour  permettre  de  reconnaître  un  mélange  de 
cacao  et  de  Cay-Cay. 

Originaire  du  sud  de  l'Indo-Chine  dont  elle  constitue  une 
des  plus  belles  essences  forestières,  cette  espèce  se  rencontre 
dans  VAssain,  au  Laos,  au  Cambodge,  à  PhuQuoc  et  en 
Cochinchine  où  elle  est  surtout  abondante  à  Baria,  à  Long- 
ay,  Tramban  et  dans  la  légion  boisée  qui  entoure  le  Nid- 
ba-den  près  de  Tay-Ninh,  tout  en  croissant  disséminée  et 
commune  dans  les  clairières  et  sur  la  lisière  des  forêts  (1). 

L'Jrvwgia  Malayana  Oliver  (en  annamite  Cay-Cay  \  en 
Kmer,  Kramoon  Cham-bâc  ;  en  Malacca,  Mirlaug),  arbre 
de  15  à  20  mètres  de  haut  (2),  donne  aussi  par  ses  graines  du 
beurre  de  Cay-Cay  (3).  Il  se  confond  presque ,  d'après 
M,  Pierre  (4)  avec  Vlrvingia  Oliveri,  en  a  le  faciès  et 
en  diffère  par  les  caractères  suivants  :  «  Feuilles  un  peu  plus 
»  petites,  pédicelles  sans  bractéole,  disque  non  lobé  et  à 
»  parois  à  peine  sillonnées,  enfin  fruit  plus  petit  (5).  » 

{1]  Voici  comment  M.  Pierre  [FI.  for.  de  Coch.  PI.  263)  justifie  la  fréquence 
de  ce  vélépal  dans  les  clairières  :  «  Deux  causes  expliquent  celte  l'réquence. 
»  Son  bois  est  très  coriace,  très  difficile  à  couper  et  ses  jrraines  sont  alimen- 
»    taires.  11  est  donc    toujours   conservé  dans  les   défrichements.  Son  amande  a 

•  un  goût  afrréable  même  pour  l'Européen,  c'est  une  réserve  excellente  pour  les 

•  populations  forestières  qui  ne  connaissent  ou  ne  peuvent  pratiquer  que  la 
»  jachère.  » 

(2)  Bois  de  couleur  chamois  pâle,  tirant  sur  le  jaune,  dur,  à  forain  fin  et 
ne  se  «jeiçaût  pas  tn  se  séchant,  employé  pour  fabriquer  des  manches  de  Kriss 
(Giifard  et  Vand>  D-Berfjhe,  Les  bois  exotiques,  Ice.  cit.).  M.  Pierre  dit  que  ce 
bois  peut  être  comparé  à  celui  du  Mangrftra  indica  et  à  celui  du  Bouea,  qu'il 
est  très  difficile  à  trdvaiiler,  qu'il  n'est  utilisé  que  pour  des  auf^es  et  des  pilotis 
dans  les  terrains  humides. 

(3)  Cette  {graine,  comme  celle  de  l'espèce  précédente,  renferme  de  la  matière 
crasse,  mais  en  quantité  moindre. 

(4)  Pierie,  Flore  forestière  de  Coekinchine  {loc.  cit.). 

(5)  Celle  espèce  a  été  décrite,  pour  la  première  fois,  par  Oliver  dans  FI. 
Brit.  Ind.  Hookfr  fils,  I,  p.  522.  Plus  tard,  M.  Pierre,  directeur  du  Jardin 
botanique  de  Saifion,  l'avait  nommée  7.  Harmandiana  (du  nom  de  son  collec- 
teur ->-.  iHuiTiian.)  dans  les  cultures  du  Jardin  botanique  de  Saigon  (i886)  ; 
plus  lard  tùcoie,  a  ajant  pas  pub.ié  r:fpice,  M.  Pierre  rc;c  rrut  que  c'était 


LE  BEURRE  ET  LE  PAL\  D'Û'ÛIKA,  DU  GABON -CONGO.  465 

Ce  végétal,  moins  répandu  que  /.  Oliveri  en  Basse-Cochin- 
chine  et  au  Cambodge,  habite  surtout  dans  la  province  de 
Compong-Xoai  (Cambodge),  d'après  Harmand  (1). 

Voici  la  diagnose  de  cette  espèce  telle  que  la  donne 
M.  Pierre  (2)  : 

«  Feuilles  ovales  lancéolées  ou  ovales  oblongues  arrondies 
»  à  la  base,  terminées  en  une  pointe  subaiguë,  glabres,  mu- 
»  nies  de  vingt-quatre  petites  C(3tes  reliées  par  des  nervures 
»  transversales  subparallèles  et  des  veines  aréolées.  Fleurs 
»  disposées  en  grappes  axillaires  assez  courtes  ;  entièrement 
»  glabres,  munies  à  la  base  d'une  bractée  et  d'une  bractéole. 
»  Disque  capuliforme  à  cinq  lobes  arrondis  et  courts  termi- 
»  nant  cinq  C(3tes  longitudinales  (3) ,  parallèles  et  élevées, 
»  Fruit  sphérique,  comprimé,  arrondi  aux  deux  extrémités 
»  contenant  une  à  deux  loges  monospermes.  » 

En  voici  maintenant  la  description  d'après  le  même  auteur  : 

«  Arbre  de  15-20  mètres.  Rameaux  grêles  portant  des  traces  stipu- 
»  laires.  Stipules  géminées  longues  de  22  millimètres.  Pétiole  long  de 
»  12  à  15  millimètres.  Limbe  long  de  11  à  12  centimètres,  large  à  la 
»  base  de  6  centimètres.  Grappes  à  peine  compose'es  ou  simples, 
»  longues  de  4  à  5  centimètres.  Pédoncule  long  de  1  centimètre  1/2. 
»  Sépales  obove's  longs  de  1  millimètre  1/4.  Pétales  longs  de  2  milli- 
»  mètres  3/4.  ELamines  10  millimètres,  les  alternes  un  peu  plus 
»  courtes,  à  filets  longs  de  2  millimètres  1/2  à  3  millimètres,  tordus. 
»  Anthères  ovales,  basifixes,  un  peu  émarginées.  Disque  long  de 
»  1  millimètre  formant  gynophore  à  la  base,  très  concave  et  portant 
»  un  ovaire  à  deux  loges  ovule'es.  Le  style  est  tordu  et  se  termine  par 
»  un  stigmate  pelté  et  concave  au  centre.  L'ovule  est  inse'ré  un  peu  au- 
»  dessus  du  milieu  de  la  loge.  Il  a  le  microphyle  extérieur  et  supère. 
^>  Le  fruit  a  57  à  62  millimètres  de  longueur  et  34  millimètres  de  lar- 
»  geur.  Sa  face  transversale  n'a  que  17  millimètres.  L'épicarpe  est 
»  mou,  le  sarcocarpe  est  traverse'  par  des  productions  fibrovasculaires 

celle  fie  la  Flore  de  l'Inde,  éditée  en  1875.  Entre  temps,  M.  de  Lanessan  l'avait 
signalée  sous  le  nom  de  /.  Harmandiana  Pierre,  dans  ses  Plantes  utiles  des 
colonies  françaises,  p.  3U6,  en  1886.  En  1890,  M.  Pierre  a  publié  la  description 
magistrale  de  celte  espèce  et  d'/.  Oliveri  Pierre,  accompagnée  d'une  magnifique 
planche  très  détaillée,  dans  son  bel  ouvrage  en  cours  de  publication  sur  la 
Flore  forestière  de  Cochinchine  (O.  Doin,  éditeur). 

(1)  M.  Pierre  [loc.  cit.)  inclinerait  à  croire  qu'il  existe  à  Bornéo,  d'après 
l'exemplaire  sans  iructification  provenant  de  cette  île  qui  figure  au  musée  de 
Leyile.    Cette  question  est  à  élucider. 

(2)  Pierre,  Flore  forestière  de  Cochinchine,  pi.  263. 

(3J  La  figure  de  M.  Pierre  [loc.  cit.]  porte  non  pas  un  disque  à  5  lobes,  mais 
à  D)  lobes  terminant  10  côtes  verticales. 

20  Mai  1893.  30 


466  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

»  de  l'endocarpe  exactement  comme  dans  le  Mangifera  indica  et  le 
»  Bouea,  genres  avec  lesquels  cette  plante  a  beaucoup  d'affinités. 
»  L'endocarpe  a  2  millimètres  1/2  à  3  millimètres  d'épaisseur.  11  est 
»  vernisse'  en  dedans.  Le  te'gument  est  coriace  et  n'a  pas  plus  d'un  1/2 
»  millimètre  d'e'paisseur.  Il  adhère  à  un  albumen  à  peu  près  aussi 
»  épais.  Les  cotylédons  sont  chacun  épais  de  3  millimètres  et  à  peine 
»  plan  convexes  (1).  La  radicule  est  supère  et  courte.  » 

«  Cette  espèce  contiendrait  beaucoup  moins  de  matière 
»  grasse  que  1.  Oliveri  :  mais  je  n'ai  point  vérifié  ce  point, 
»  n'ayant  jamais  pu  avoir  des  graines.  D'après  les  indigènes 
»  ses  amandes  sont,  comme  celles  de  cette  dernière  espèce, 
»  très  agréables  à  manger  ;  elles  sont  aussi  utilisées  pour  la 
>j  fabrication  des  bougies.  » 

Le  bois,  d'après  Pierre,  serait  employé  comme  celui  de 
1'/.  Oliveri.  Une  note  de  Mottley  à  Kew  affirme  que  cette 
essence  est  à  l'épreuve  du  taret  :  d'après  M.  Pierre  ce  n'est 
pas  l'avis  des  indigènes  pour  le  Cay-Cay. 

RÉCOLTE  DES  FRUITS.  —  Nous  allous  faire  maintenant  l'his- 
torique de  la  récolte,  de  l'emploi  des  fruits  et  de  l'extraction 
des  corps  gras  par  les  indigènes  en  ce  qui  touche  à  Vlrvingia 
Oliveri.  Nous  suivrons  ici  les  indications  fournies  par  M.  Vi- 
gnoli  (2)  et  prises  sur  les  lieux  mêmes  par  cet  auteur  : 

«  L'arbre  fleurissant  de  février  à  avril,  les  fruits  ont  at- 
»  teint  leur  maturité  complète  de  fin  juillet  à  octobre.  Ils  se 
»  détachent  alors  des  rameaux  et  se  répandent  sur  le  sol  où 
»  les  Annamites  viennent  les  rassembler  en  tas.  Ils  les  aban- 
»  donnent  ainsi  sur  les  lieux  mêmes  pendant  deux  mois,  pour 
»  laisser  les  parties  molles  se  détruire,  et  ce  n'est  qu'en  oc- 
*>  tobre  que  la  récolte  est  faite.  Les  fruits  de  Cay-Cay  sont 
»  alors  transportés  dans  les  habitations  et  exposés  aux 
»  rayons  du  soleil  pour  hâter  leur  dessiccation. 

»  Nous  ferons  remarquer  ici  que  certains  animaux,  tels 
»  que  :  Singes,  Comans,  Sangliers,  Comings,  encore  assez 
»  nombreux  dans  les   forêts  de  la  Cocliinchine  ,   sont  très 

(1)  11  est  probable,  sans  que  je  puisse  l'affirmer  toutefois,  n'ayant  jamais  eu 
les  graines,  qu'on  trouve  dans  cette  plante  les  mêmes  lacunes  à  mucilage  que  j'ai 
signalées  dans  les  cotylédons  de  sa  voisine  I.  Oliveri.  M.  Pierre  est  muet  sur 
ces  organes  dont  il  signale  la  présence,  comme  je  l'ai  dit,  dans  les  pét'.oles  et 
l'écorce  de  l'7.  Oliveri. 

(2)  Le  Cay-Cay,  etc.,  p.  36  et  suivantes. 


LE  BEURRE  ET  LE  PALH  D'O'ÛIKA,  DU  GABON-CONGO.     467 

»  friands  des  amandes  du  Cay  -  Cay  qu'ils  arrivent  très 
"  bien  à  avoir  malgré  la  dureté  des  téguments  qui  les  en- 
»  veloppent.  De  l'abandon  qui  leur  est  fait  de  ces  fruits 
»  pendant  deux  mois,  doit  donc  résulter  une  perte  sensible 
»  dans  la  récolte. 

»  Extraction  du  corps  gras.  —  Les  fruits  secs  sont  ou- 
»  verts  à  l'aide  d'un  fort  couteau  [Cai-ruà),  et  les  amandes 
»  qui  en  sont  extraites  sont  d'abord  exposées  au  soleil  pen- 
»  dant  quelque  temps  ,  puis  broyées  dans  un  mortier.  La 
»  pulpe  ainsi  obtenue  est  passée  dans  des  tamis  en  bambou 
»  tressé  (don),  soumise  ensuite  à  des  procédés  de  liquéfaction 
»  et  d'expression  dont  il  nous  faut  donner  ici  quelques  dé- 
»  tails.  Nous  verrons,  en  effet,  par  cet  exposé,  que  les  pro- 
»  cédés  d'extraction  ,  actuellement  employés  par  les  indi- 
»  gènes,  laissent  perdre  une  grande  partie  du  corps  gras. 

»  Liquéfaction.  —  Dans  une  marmite,  aux  deux  tiers 
»  remplie  d'eau  et  posée  sur  un  trépied,  on  place  une  autre 
»  marmite  dont  le  fond  en  bambou,  finement  tressé,  n'arrive 
»  pas  jusqu'à  la  surface  de  l'eau.  C'est  dans  cette  deuxième 
»  qu'est  mise  la  pulpe  des  amandes  de  Cay-Cay.  L'orifice 
»  étant  hermétiquement  clos,  on  porte  l'eau  à  une  tempéra- 
»  ture  élevée,  en  évitant  toutefois  de  déterminer  son  ébulli- 
»  tion. 

')  Lorsque  la  pulpe,  suffisamment  pénétrée  par  la  vapeur 
»  d'eau,  est  devenue  une  pâte  gluante,  on  la  sort  et  on  l'en- 
'>  veloppe  dans  une  natte  en  paille  de  riz  ;  ou  bien  encore, 
»  prenant  une  gerbe  de  paille  de  riz,  on  lie  solidement  une 
»  des  extrémités,  écartant  alors  les  brins  de  paille  par  leurs 
»  parties  libres,  on  place  entre  eux  la  pâte  de  Cay-Cay  ;  puis, 
»  rassemblant  la  paille  au-dessus  du  produit,  on  ficelle  le 
»  faisceau  par  l'autre  extrémité  de  façon  à  bien  emprisonner 
»  la  substance. 

»  Expression.  —  La  presse,  à  l'action  de  laquelle  doivent 
»  être  soumis  les  pains  de  matière  grasse  ainsi  préparés,  se 
»  compose  d'un  tronc  d'arbre  percé  transversalement  d'un 
»  orifice  carré  de  30  centimètres  de  côté  environ,  communi- 
»  quant  dans  la  partie  centrale  avec  une  longue  cavité  cylin- 
»  drique  dirigée  dans  le  sens  même  de  l'axe  et  à  diamètre 
»  moindre   que  celui  de  la  cavité  transvei'sale.  C'est  dans 


468  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

»  cette  cavité  cylindrique  que  Ton  engage  les  boules  de  ma- 
»  tière  grasse. 

»  Lorsque  l'appareil  est  garni,  on  applique,  contre  la  boule 
»  la  plus  rapprochée  de  la  cavité  transversale  et  carrée,  une 
»  ou  plusieurs  rondelles  de  bois  du  diamètre  de  la  cavité 
»  cylindrique,  et  entre  ces  rondelles  et  l'autre  paroi  de  la 
»  cavité  transversale ,  on  fait  avancer  à  grands  coups  de 
»  maillet  un  long  coin  en  bois.  La  matière  liquide  exprimée 
»  tombe  dans  une  rigole  qui  longe  la  cavité  cylindrique,  et 
»  sort  par  une  ouverture  pratiquée  dans  la  partie  la  plus  dé- 
>j  clive  de  l'appareil. 

»  Lorsque  le  coin  a  produit  tout  son  effet,  on  le  sort  ;  on 
»  ajoute  de  nouvelles  rondelles  de  bois  et  l'opération  est  re- 
»  commencée  ;  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  que  le  coin  refuse 
»  d'entrer.  A  ce  moment,  on  sort  le  tout  ;  la  pâte  est  broyée 
»  de  nouveau,  soumise  à  l'action  de  la  vapeur  d'eau,  puis  ex- 
»  primée  comme  il  a  été  dit  plus  haut.  Cette  dernière  opéra - 
»  tion  est  renouvelée  encore  une  fois,  après  quoi  les  tour- 
»  teaux  sont  mis  de  côté.  Ils  servent  ensuite,  soit  à  faire  du 
»  feu  ou  de  l'engrais,  soit  à  nourrir  les  bestiaux  (1). 

.)  Rendement.  —  Dans  un  rapport,  en  date  du  27  no- 
»  vembre  1884,  adressé  à  M.  le  Secrétaire  Général  de  Saïgon 
»  par  M.  Lacan,  administrateur  de  Tay-Ninh,  nous  trouvons 
»  le  passage  suivant  :  «  Pour  obtenir  un  pain  de  cire  de 
»  %  kilos  il  faut  deux  Gia  ou  50  kilos  de  noix,  qui  donnent 
»  10  kilos  d'amandes.  Ces  proportions  ne  sont  pas  rigoureu- 
»  sèment  exactes,  elles  dépendent,  en  effet,  de  la  qualité  de 
»  l'amande  et  de  sa  manipulation.  » 

Les  procédés  employés  par  les  indigènes  ne  leur  permet- 
traient donc  d'extraire  que  20  %  de  matière  grasse.  Or,  nous 
avons  vu  dans  le  tableau  comparé  de  l'emploi  des  deux 
beurres  ^'Irinngia  pour  la  fabrication  des  bougies,  que  les 
amandes  sèches  de  Cay-Cay  contiennent  61  %  de  corps 
gras,  ce  qui  semblerait  indiquer  une  perte  de  41  °/o.  En 
réalité  cette  perte  n'est  que  de  31  %,  si  nous  tenons  compte 
dans  nos  calculs  de  l'état  plus  avancé  de  dessiccation,  dans 
lequel  se  trouvaient  les  amandes  qui  ont  servi  au  dosage 

(1)  L'aaalyse  chimique  de  ces  graines  nous  renseignera,  plus  loin,  sur  leur 
valeur  nutritive,  elle  démontre  que  ce  tourteau  est  beaucoup  plus  riche  (du 
double  environ)  en  azote  que  celui  à'O^Dika. 


LE  BEUME  ET  LE  PAIN  D'O'DIKA,  DU  GABON -CONGO.  469 

de  la  matière  grasse,  clans  l'essai  industriel  fait  au  sulfure 
de  carbone.  Les  indigènes  perdent  donc  plus  de  la  moitié 
du  produit. 

Le  corps  gras  ainsi  obtenu  est  employé  à  la  fabrication  de 
bougies  d'un  commerce  restreint  dont  la  paire  vaut  20  cen- 
times. La  flamme  de  ces  bougies  est  plus  brillante  que  celle 
de  nos  chandelles,  moins  que  celle  des  bougies  ;  elle  n'émet 
aucune  odeur  désagréable. 

On  trouve  le  plus  souvent  le  beurre  de  Cay-Cay  sous  la 
forme  d'un  cône  tronqué  du  poids  de  2  k.,  500  environ  (1).  11 
est  d'un  jaune  grisâtre,  onctueux  au  toucher  et  d'une  odeur 
particulière,  qu'une  élévation  de  température  rend  forte  et 
désagréable. 

Voici,  d'après  les  recherches  du  professeur  Schlagden- 
hauffen,  faites  sur  ma  demande,  l'analyse  des  graines  d'Irvin- 
gia  Oliveri  dépouillées  de  leur  endocarpe  osseux  : 

Matière  grasse 73,60 

Sucres 1,25 

Mat.  alb.  sol 0,40 

Mat.  alb.  ios. 18,35 

Sels  fixes 3,45 

Cellulose,  gomme  et  tannin 2,95 

100,00 

La  de'terraination  de  ces  divers  principes  a  e'té  faite  de  la  manière 
suivante  : 

Les  graines  pulve'risées  ont  été  épuisées  par  l'élher  de  pétrole  dans 
un  appareil  à  déplacement  continu,  à  chaud.  La  solution  pe'lrolique  a 
été'  évaporée  au  bain-marie  pendant  le  temps  nécessaire  jusqu'à  dis- 
parition complète  du  dissolvant.  Le  poids  du  résidu  a  été  de  73,60. 

Quand  on  exprime  les  graines  à  la  presse,  le  tourteau  qui  en  re'sulte 
renferme  encore  33,33  0/0  de  corps  gras  que  l'élher  de  pétrole  enlève 
très  facilement. 

La  matière  épuisée  cède  à  l'eau  une  faible  proportion  de  sucre 
1,25  0/0,  0.40  seulement  de  matières  albuminoïdes  et  du  mucilage 
gommeux  [arabiné). 

Le  re'sidu,  soit  24,75  0/0,  a  e'te'  divise'  en  deux  parties  :  l'une  a  servi 
au  dosage  des  matières  albuminoïdes  insolubles  par  le  proce'de'  à  la 

(1)  J'ai  reçu  de  Cochinchine  des  pains  de  \  k.  500  environ  qui  avaient  la 
forme  propre  aux  pains  de  camphre  du  commerce,  c'est-à-dire  de  véritables  ca- 
iotles  sphériques. 


470  REVUE  DES  SClEiNCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

chaux.  La  quantité  d'ammoniaque  mise  en  liberté,  absorbée  par  un 
volume  déterminé  d'acide  sulfurique  1/5  normal,  a  permis  de  calculer 
le  poids  des  matières  prote'iques,  soit  18,35  0/0. 

L'autre  a  fourni,  après  incinération,  3,45  0/0  de  sels  fixes. 

En  reprenant  le  résidu  par  l'eau,  on  décèle  Is  présence  des  chlo- 
rures, de  sulfates  et  de  carbonates  de  potasse  et  de  soude.  Dans  la 
partie  insoluble,  se  trouvent  principalement  des  sulfates,  carbonates  et 
phosphates  de  chaux. 

Il  n'existe  point  de  lithine  dans  les  cendres. 

La  cellulose  a  e'té  obtenue  par  différence,  en  ne  retranchant  du  poids 
total  21,475,  celui  delà  matière  prote'ique  et  des  sels  fixes. 

La  petite  quantité  de  tannin  qui  accompagne  la  cellulose  ne  provient 
pas  du  pèrisperme.  La  graine  ne  renferme  pas  de  matière  amylace'e. 

Comme  on  le  voit  par  cette  analyse,  la  graine  (ïlrvingia 
Oliveri  reconnaît  une  composition  très  rapprochée  de  celle 
dV.  gahonensis;  la  quantité  de  corps  gras  est  à  peu  près 
équivalente  dans  les  deux  graines,  et,  dans  la  première, 
les  matières  protéiques  y  sont  à  peu  près  en  quantité  égale 
aussi,  ce  qui  implique  le  même  degré  de  valeur  nutritive. 
Les  autres  éléments  composants  sont  équivalents  de  part  et 
d'autre.  Il  n'en  est  pas  ainsi  avec  le  beurre  de  O'Dika  (1). 

Mais  les  affinités  entre  ces  deux  plantes  sont  poussées  plus 
loin  et  se  retrouvent  jusque  dans  la  composition  chimique  du 
corps  gras  similaire  qui  caractérise  les  deux  graines.  Il  ré- 
sulte, en  effet,  des  études  de  M.  le  professeur  Schlagdenhauf- 
fen  que  la  matière  grasse  du  Cay-Cay  est  formée  par  les 
acides  myristique  et  laurique  comme  celle  de  VOdiha.  La 
ressemblance  entre  deux  espèces,  si  éloignées  par  leur  habitat 
et  si  rapprochées  morphologiquement,  est,  comme  on  le  voit, 
poussée  très  loin.  Ce  fait  démontre  jusqu'à  quelles  hmites 
peut  être  fructueusement  poursuivie  la  recherche  des  affi- 
nités entre  les  espèces.  C'est  une  voie  féconde  à  élargir. 

La  similitude  entre  les  deux  produits  des  Irvingia  du 
Gabon  et  de  Cochinchine  est  donc  complète,  mais  on  peut  en 
poursuivre  la  preuve  jusque  dans  la  composition  chimique 
des  cendres  de  la  graine. 

Voici  cette  analyse  faite  par  M.  Schlagdenhauffen,  à  ma 
demande  : 

(1)  L'analyse  des  graines  û' Irvingia  Oliveri,  qui  vient  d'être  faite  par 
M.  Schlagdenhauffen,  établil  uellement  que  le  beurre  à'O'Dika  n'est  pas  com- 
posé exclusivement  avec  ces  graines  :  la  différence  de  composition  est  trop 
grande. 


LE  BEURRE  ET  LE  PAL\  D'Û'DIKA  DU  GABON -CONGO.     471 

ANALYSE   COMPARATIVE 

DES 

CENDRES  DE  LA  GHALNE  WIRVINGIA  OLIVEUI  ET  D'7.  GABONENSIS 

POIDS    DKS   CKNDRES   o/o- 

ESPÈCES   VÉGÉTALES.  ENDOCARPE  (l) 


COTYLEDONS  AVEC 
LEUR  SPEBMODERME. 


7.  Oliver i 1,028  (2)  1,958  (3) 

7.  gabomnsis 1,413  (2)  2,922  (3) 


(^)  Il  est  remarquable  de  voir  que  cet  endocarpe  osseux  (surtout  dans  I.  OU- 
veri  où  il  est  très  dur)  renferme,  dans  les  deux  cas,  environ  moitié  moins  de 
cendres  que  Tamande  :  c'est  le  contraire  qu'on  aurait  pu  supposer  à  priori. 
■Quant  à  la  dill'érence  de  poids  entre  les  cendres  des  coques  et  des  amandes  dans 
les  deux  graines,  elle  tient  à  la  différence  de  poids  des  graines  et  à  leur  gros- 
seur dissemblable.  Les  graines  d'7.  Oliveri  sont  bien  plus  petites  que  celles 
d'7.  gabonensis.  Mais  la  composition  chimique  de  ces  graines  est  identique  de 
part  et  d'autre,  bien  que  les  végétaux  croissent  sur  des  terrains  de  nature  toute 
différente  physiquement  et  chimiquement. 

(2)  Ces  cendres  renferment  :  silice,  soude,  potasse,  pas  de  lithine. 

(3)  Ces  cendres  renferment  les  mêmes  éléments  chimiques. 


II.   EXTRAITS   DES  PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ, 


SEANCE  GENERALE  DU  21  AVRIL  1893. 

PRÉSIDENCE   DE   M.    A.    GEOFFROY    SAINT-HILAIRE,    PRÉSIDENT. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté 
M.  le  Président  proclame  l'admission  de 

M.  PRÉSENTATEURS. 

KuNSTLER,   professeur  à   la   Faculté   des 


,,  .        ,    ,     1  j    ,    o     •  '.  -  1  À.  Geoffroy  Salnt-Hilaire, 

sciences,  secrétaire  g-eneral  de  la  Société  ;  ^  ,    " 

,      .     .     ,.         ,  .,  T7-  .      TT  1  Comte  de  Puyfoiitaiue. 

de  pisciculture,  141,  cours  Victor-Hugo,  ^  ^     t-.-h     l 

à  Bordeaux. 


'^^°'  (  L.  Vaillant. 


—  M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  corres- 
pondance : 

—  Des  remerciements  sont  adressés  à  la  Société  par  M.  le 
Dr  Wiet  pour  un  cheptel  d'Agoutis  et  par  M.  Tourchot  pour 
un  cheptel  de  Faisans, 

—  La  correspondance  adressée  par  M.  Tourchot  complète 
les  renseignements  déjà  fournis  par  notre  collègue  au  sujet 
de  ses  essais  d'acclimatation  de  divers  oiseaux  au  Canada.  La 
rigueur  du  climat  semble  taire  un  sérieux  obstacle  à  la  repro- 
duction des  Faisans  et  notre  correspondant  demande  aux 
membres  de  la  Société,  expérimentés  dans  cette  question 
d'élevage,  de  vouloir  bien  lui  adresser  quelques  conseils. 

Les  questions  seront  renvoj^ées  à  la  section  spéciale. 

—  M.  Garnotel  informe  M.  le  Président  de  la  remise  au 
Jardin  d'acclimatation  d'une  femelle  de  Canard  carolin  ;  le 
mâle  est  mort  subitement. 

—  M.  le  D"-  Morel  écrit  de  Téhéran  à  M.  le  Président  : 

«  J'ai  rhoDneur  de  vous  informer  que  je  serais  fort  heureux,  pen- 
dant mon  séjour  en  Perse,  de  pouvoir  contribuer,  dans  la  faible  me- 
sure de  mes  moyens  a  l'œuvre  que  votre  Société'  a  poursuivie  en 
France  avec  tant  de  gloire  et  de  succès. 

»  Je  dois  prochainement  entreprendre  un  voyage  dans  les  monta- 
gnes de  l'Elbourz,  jusqu'au  littoral  Caspien,  et  je  me  mets  entière- 
ment à  votre  disposition  pour  tout  ce  qui  pourrait  inte'resser  votre 
Société.  » 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  473 

Dans  la  même  lettre,  M.  le  D""  Morel  demande  quelques 
échantillons  de  graines  iVAttacus  Cynthia  vera  et  de  Attn- 
cus  arrmdia.  Bonne  note  est  prise  de  cette  demande  relati- 
vement au  Bombyx  Cynthia,  mais  VAr^Hnclia  n'existe  plus 
dans  la  culture  européenne. 

—  M.  P.  Dosne,  qui  s'intéresse  aussi  à  la  culture  des  vers 
à  soie,  désirerait,  pour  cette  saison  encore,  posséder  quel- 
ques graines  de  Bombyx  de  l'Ailante  et  du  Bombyx  du 
Chêne. 

—  M.  H.  Gâté  demande  quel  est,  à  notre  point  de  vue,  le 
meilleur  traité  de  sériciculture.  Plusieurs  traités  pourraient 
être  indiqués  à  M.  Gâté,  et,  notamment,  celui  de  M.  Maillot, 
qui  est  un  des  plus  récents  :  Leçons  sur  le  Ver  à  soie  du 
Mûrier.  Le  même  correspondant  demande  si  des  Chèvres 
de  Numidie  pourraient  lui  être  envoyées  en  cheptel.  Il  nous 
informe  qu'il  élève  tous  les  ans  des  Chèvres  du  pays  (Ille-et- 
Vilaine),  mais  comme  rendement  en  lait  elles  laisseraient 
beaucoup  à  désirer. 

—  M.  Vidon,  de  l'établissement  de  pisciculture  de  Besse- 
mont,  par  Villers-Gotterets  (Aisne j,  l'ait  connaître  qu'il  sera 
prochainement  en  mesure  de  faire  à  la  Société  un  premier 
envoi  d'œufs  de  Truite  Arc-en-Ciel. 

Une  deuxième  lettre  annonce  l'envoi  de  8,000  œufs  em- 
bryonnés. 

Dans  une  troisième  lettre,  annonce  est  faite  d'un  envoi  de 
7,500  œufs. 

Ces  œufs  ont  été  répartis  entre  ceux  de  nos  collègues  qui 
nous  en  avaient  fait  la  demande  :  MM.  Jacquemart-Ponsin, 
Rathelot,  Rivoiron,  D-^  Laborde,  Ramelet,  Plontz,  Berthoule, 
Raveret-Wattel,  D""  Wiet,  Dubard,  Fournier-Sarlovèze, 
comte  de  Galbert,  Ragot,  la  Société  linnéenne  du  Nord  de  la 
France,  agrégée  à  notre  Société,  et  le  Jardin  d'acclimatation 
du  Bois  de  Boulogne. 

—  Des  remerciements-  pour  des  envois  d'œufs  de  Truite 
sont  adressés  par  MM.  Lefebvre,  Ramelet  et  Jacquemai-t- 
Ponsin. 

—  Dans  la  correspondance  relative  aux  végétaux  nous 
trouvons  une  lettre  de  M.  Michel  Baronnet,  ingénieur  civil 
à  Gabès  (Tunisie).  Les  graines  qu'il  a  reçues  de  la  Société 


474  KKVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES   APPLIQUÉES. 

ont  été  semées  et  M.  Baronnet  nous  tiendra  au  courant  des 
résultats  obtenus. 

—  M.  Gros,  instituteur  à  Carcassonne,  a  l'intention  de  ten- 
ter l'acclimatation  dans  la  Corbière  occidentale  de  deux  ar- 
brisseaux originaires  de  l'Amérique,  le  Cliéne  Chincapin  et  le 
Châtaignier  nain.  Il  demande  à  la  Société  de  vouloir  bien, 
sil  se  peut,  lui  confier  des  graines.  —  M.  de  Vilmorin  a  l'o- 
bligeance de  promettre  des  échantillons. 

—  Nous  recevons  de  M.  A.  Sicre  les  renseignements  sui- 
vants : 

«  Si  l'on  examine  les  poudres  de  Pyrèlhre,  delivre'es  parle  commerce, 
on  constate  quelquefois  qu'elles  contiennent  des  matières  végétales 
ou  mine'rales  n'ayant  aucune  relation  avec  la  fleur  de  Pyrèlhre,  mais 
ce  cas  est  assez  rare  ;  le  plus  souvent  l'examen  ne  dévoile  aucune 
sophistication,  et  c'est  à  la  mauvaise  qualité'  des  fleurs  qu'il  faut  at- 
tiihuer  le  peu  d'efficacité  de  la  poudre. 

»  On  distingue  dans  le  commerce  deux  variétés  de  fleurs  de  Py- 
réllire:  Les  fleurs  violettes  et  les  fleurs  jaunes.  Les  fleurs  violettes  ne 
donnent  qu'une  poudre  peu  active  et  le  mélange  de  leur  poudre  avec 
la  poudre  de  fleur  jaune  est  considéré  comme  une  ve'ritable  falsifica- 
tion. Les  fleurs  jaunes  sont  beaucoup  plus  actives,  mais  leur  énergie 
est  très  variable  et  dépend  de  l'époque  de  la  floraison,  durant  laquelle 
la  fleur  a  été'  cueillie,  les  fleurs  récoltées  après  épanouissement  ayant 
perdu  la  majeure  partie  de  leur  principe  toxique.  » 

M.  Sicre  joint  à  cette  communication  quelques  boîtes  de 
poudre  de  Pyrèthre  préparée  par  ses  soins  et  dont  il  désire 
taire  examiner  l'efficacité. 

—  M.  A.  Roussin  transmet  un  extrait  du  Journal  des  Cha- 
r entes  sur  la  Cousoude  rugueuse  du  Caucase,  plante  fourra- 
gère dont  les  journaux  agricoles  se  sont  beaucoup  occupés 
depuis  une  dizaine  d'années. 

—  M.  de  Vilmorin  offre  à  la  Société  son  livre  sur  les 
Plantes  de  grande  culture.  C'est  un  ouvrage  écrit  avec  beau- 
coup de  précision  et  qui  pourra  être  consulté  utilement. 

Un  autre  livre  est.adressé  par  M.  Coupin,  intitulé  :  X Aqua- 
rium d'eau  douce.  Ce  livre  nous  rappelle  un  autre  petit  ou-- 
vrage  qui  a  été  publié  sous  le  même  titre,  il  y  a  quelques  an- 
nées, et  que  toutes  les  personnes  s'occupant  d'aquiculture 
ont  connu.  Le  livre  de  M.  Coupin  est  un  peu  plus  technique 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  475 

et  contient  des  renseignements  scientifiques  plus  circons- 
tanciés. 

Nous  recevons  en  même  temps  un  livre  du  docteur  Troues- 
sart  ayant  pour  titre  :  An  bord  de  la  mer.  C'est  d'abord  une 
étude  géologique  extrêmement  simplifiée,  intéressante  et  mise 
à  la  portée  des  personnes  qui  n'ont  pas  le  loisir  de  faire 
d'études  spéciales.  A  la  suite  de  l'étude  géologique  vient  l'his- 
toire des  plantes  qu'on  rencontre  au  bord  de  la  mer,  et  enfin 
une  description  ordonnée  des  animaux  qu'on  peut  récolter  en 
se  promenant  sur  les  plages.  C'est  donc  un  ouvrage  qui  inté- 
resse toutes  les  personnes  qui  s'occupent  de  sciences  natu- 
relles élémentaires. 

—  M.  le  Président  prend  la  parole  en  ces  termes  : 

«  Je  voudrais.  Messieurs,  attirer  voire  attention  sur  les  services 
que  peuvent  rendre  les  commerçants  qui,  tout  en  poursuivant  l'objet 
de  leur  négoce,  sont,  en  fait,  les  collaborateurs  les  plus  utiles  des 
établissements  zoologiques  qui  ont  eu  vue  les  progrés  de  la  science  et 
l'élude  des  animaux.  De  tout  temps,  les  navigateurs,  les  capitaines 
ont  importe'  des  animaux  et  des  plantes  avec  l'arrière-pensée,  très  na- 
turelle d'ailleurs,  de  les  vendre  à  l'arrivée  le  plus  cher  possible. 

»  Mais,  dans  le  courant  de  ces  trente  dernières  anne'es,  ce  mouve- 
ment a  pris  un  caractère  spécial,  et  on  peut  dire  que  le  principal  pro- 
moteur de  ce  mouvement  a  été  le  roi  Victor-Emmanuel.  Ce  souverain 
avait  couslilué  dans  le  parc  de  la  Mandria,  qui  ne  réunit  pas  moins 
de  3,000  hectares  de  surface  clos  de  murs,  un  parc  de  chasse  des 
plus  intéressants,  dans  lequel,  à  un  moment  donné,  il  a  voulu  avoir 
à  l'état  de  liberté,  les  Cerfs  de  l'Amérique  du  nord,  les  grands 
"Wapiti  que  vous  connaissez  tous,  que  vous  pouvez  voir  au  Jardin  ;  il 
a  voulu  avoir  l'Antilope  Nylgau  de  l'Inde  ;  et  un  certain  nombre 
d'autres  animaux  qui  étaient,  à  ce  momcnl-là  l'objet  de  son  atten- 
tion et  de  sa  prédilection.  Ces  résultats  ont  été  obtenus  assez  rapide- 
ment grâce  aux  moyens  dont  disposait  le  roi,  et  j'ai  pu  voir,  dans  le 
parc  de  la  Mandria,  des  troupeaux  d'Antilopes  Nylgaux.  Il  y  en  avait, 
à  l'époque  où  je  cheminais  dans  ce  parc,  250  à  300,  vivant  à  l'état  de 
liberté.  Dans  une  autre  partie  de  cet  immense  enclos  se  trouvaient  des 
hordes  très  nombreuses  et  très  importantes  de  Cerfs  Wapiti. 

»  A  un  autre  moment,  quand  le  roi  eut  créé  le  jardin  zoologique  de 
Turin,  il  fallut  importer  des  Tigres,  des  Lions,  des  Léopards,  des  Pan- 
thères, des  Jaguars,  et  le  roi  envoya  différents  officiers  de  sa  maison 
dans  divers  pays,  pour  chercher  les  animaux  qu'il  avait  le  désir  de 
se  procurer.  Sur  ces  entrefaites,  il  entra  en  relations  avec  un  Italien 
nommé  Casanova,  qui  était,  à  cette  époque,  un  dompteur  forain  et  qui 
se  transportait  d'une  ville  dans  l'autre   en  exhibant  une  ménagerie- 


476  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

L'homme  était  intelligent,  il  intéressa  le  roi,  qui  le  commandita  pour 
aller,  en  Nubie,  cbercher  des  Éléphants,  des  Girafes,  etc.  Casanova 
fit,  pendant  plusieurs  années,  une  série  d'expéditions  qui  enrichirent 
d'abord  les  ménageries  et  les  parcs  de  son  maître,  mais  bientôt  ces  im- 
portations devinrent  trop  abondantes  pour  que  le  roi  pût,  à  lui  seul, 
être  le  client  de  Casanova  ;  il  vendit  alors  dans  diffe'rentes  me'nageries 
de  l'Europe,  dans  difTérents  jardins  zoologiques,  l'excès  de  ses  apports. 
L'exemple  donné  par  Casanova  fut  suivi.  Plusieurs  marchands,  et  en 
particulier,  M.  Hagenbeck,  de  Hambourg,  suivirent  cette  voie  et  mon- 
tèrent à  leur  tour  des  expéditions  annuelles.  Les  explorateurs  allaient 
s'installer  à  Kassala,  et,  prenant  cette  ville  comme  le  centre  de  chasse, 
s'éloignaient  à  plusieurs  journées  pour  chercher  le  gibier  dont  ils 
avaient  besoin,  en  vue  des  apports  d'animaux  vivants  à  faire  aux  me'- 
nageries. Bientôt  après,  M.  Reiche,  d'\lreld,  eu  Allemagne,  suivit  la 
même  voie  et  monta  des  expéditions  dans  le  même  pays,  de  telle  sorte 
que  ces  efforts  combines  amenèrent  une  abondance  relative-  des  ani- 
maux les  plus  divers  de  la  Haute-Nubie,  de  l'Abyssinie-  Et,  en  effet,  à 
ce  moment,  pour  un  prix  relativement  très  modique,  on  se  procurait 
une  Girafe,  un  Rhinoce'ros,  une  Antilope  Caama,  etc.  Les  temps  sont 
bien  changes.  Le  Mahdi  intervint,  Kassaka  devint  une  ville  perdue  au 
point  de  vue  de  la  chasse,  les  expéditions  cessèrent  absolument  et  le 
mouvement  se  de'tourna.  M.  Reiche,  qui  avait  fait  plusieurs  expé- 
ditions très  intéressantes  dans  la  Haute-Nubie,  eu  entreprit  de  non 
moins  fructueuses  dans  l'Afrique  australe,  et,  depuis  un  certain  nombre 
d'années,  périodiquement,  il  importe  des  Zèbres,  des  Antilopes  de 
toutes  sortes,  des  Grues,  enfin  les  différents  animaux  qui  peuplent  ces 
lointaines  régions. 

»  C'est  à  l'occasion  d'un  de  ces  arrivages  que  je  prends  la  parole  pour 
vous  en  signaler  l'inte'rêt.  Le  dernier  convoi  de  M.  Reiche  ne  comprenait 
pas  moins  de  25  Zèbres  de  Burchell,  c'est-à-dire  des  Dauw,  un  certain 
nombre  de  Gnous  bleus,  plusieurs  Gnous  ordinaires,  des  Antilopes 
Caamas,  des  Grues  de  Paradis-  En  même  temps,  nous  avons  vu  arri- 
ver, ces  temps  derniers,  une  importation  très  intéressante  d'animaux  de 
l'Himalaya.  Le  Jardin  d'Acclimatation,  en  particulier,  s'est  enrichi, 
ces  jours-ci,  de  deux  Muscs,  le  Chevrotain-Musc,  qui  donne  cette  ma- 
tière si  précieuse  qui  est,  comme  vous  savez,  le  véhicule  et  le  fixatif  de 
tous  les  parfums  et  vaut  à  peu  prés  trois  fois  le  poids  de  l'or.  Cela  vous 
fait  comprendre  avec  quelle  ardeur  la  chasse  est  faite  à  ces  malheu- 
reux animaux.  Le  Jardin  d'Acclimatation  a  fait  emplette  d'une  paire 
de  ces  curieux  animaux,  que  vous  verrez  dans  nos  parcs. 

»  De  la  même  source,  nous  avons  pu  acquérir  un  animal  extrême- 
ment rare  que,  pour  ma  part,  je  n'avais  pas  vu  vivant  jusqu'à  présent  : 
c'est  leThar.  Le  Thar  n'est  ni  Chèvre  ni  Mouton-  C'est  un  animal  qui 
fait  le  passage  d'un  groupe  à  l'autre,  dont  les  cornes  offrent  un  aspect 
particulier,  d'un  médiocre  développement,  mais  dont  la  forme,  le  ca- 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  477 

ractère  sont  tout  à  fait  remarquables.  Cet  animal  a  tout  l'avant-train 
chargé  d'une  immense  toison,  d'une  crinière  qu'un  naturaliste,  un  peu 
poète  peut-être,  compare  à  celle  du  lion.  Le  Musc  et  le  Thar  sont  origi- 
naires des  plus  hautes  montagnes  de  l'Himalaya.  De  ces  mêmes  ré- 
gions on  vient  de  faire  l'importation,  en  même  temps,  comme  chaque 
année  à  peu  près,  de  Lophophores  et  de  Tragopans  de  Ilasting.  Vous 
connaissez  tous  maintenant  ces  beaux  oiseaux  à  plumage  rouge  ocellé 
de  blanc  ou  de  blanc  -  bleuté,  qui  ont  d'abord  e'ie'  importés  de 
Chine;  parmi  ces  espèces,  celle  des  Tragopans  de  Hasting  est  reste'e  la 
plus  rare  de  toutes.  Son  plumage  est  noir  rehaussé  de  rouge  ;  c'est  un 
des  plus  beaux  oiseaux  qu'on  puisse  voir.  Vous  en  pourrez  admirer  la 
magnificence  dans  les  galeries  du  Muséum,  où  un  grand  nombre  de  ces 
sujets  sont  naturalisés  et  plus  faciles  à  examiner  que  ceux  qui  sont 
dans  les  volières.  Je  vous  signale  aussi,  dans  ces  importations  des 
montagnes  de  l'Inde,  le  Pucrasia,  cet  intéressant  Faisan  que  nous  n'a- 
vons pas  encore  réussi  à  multiplier  d'une  façon  satisfaisante.  Ce  serait 
certainement  un  fort  beau  gibier  pour  les  pentes  des  Alpes  et  des  Py- 
réne'es,  où  il  re'ussirait  plutôt  que  dans  nos  chasses  de  plaine.  » 

—  M.  Lesèble  lit,  au  nom  de  M.  de  Bellerive,  un  mémoii'e 
sur  les  Chiens  dans  V armée. 

A  la  suite  de  cette  lecture  quelques  échanges  de  vues  sont 
faits  par  plusieurs  membres  de  la  Société  sur  l'utilisation 
militaire  du  Chien. 

M.  Mégnin  dit  que  le  Chien  de  Beauce  lui  pai^aît  devoir  être 
employé  avec  autant  de  succès  que  le  Co]le3^  Il  ne  pense  pas 
que  les  Chiens  puissent  être  utilisés  en  campagne  pour  l'atte- 
lage, mais  seulement  pour  le  service  des  avant-postes.  «  Si 
les  Allemands  et  les  Anglais  ont  pensé  au  Chien  pour  trans- 
porter les  blessés,  c'est  qu'ils  n'ont  pas  le  cacolet,  ils  n'ont 
pas  le  Mulet.  Je  crois  que  le  Mulet  est  rare  en  Angleterre  et  en 
Allemagne.  Nous  avons  en  France  un  excellent  mode  de 
transport  pour  les  blessés  :  le  cacolet  à  un  ou  deux  hommes 
qui  sont  portés  par  des  Mulets.  J'ai  vu  fonctionner  ces  caco- 
lets  en  1870  et  je  sais  les  services  immenses  qu'ils  rendent, 
services  tels  que  je  ne  crois  pas  que  le  Chien  puisse  y  sup- 
pléer. » 

M.  le  Président  demande  si  réellement,  au  point  de  vue  du 
transport  des  dépêches  et  des  munitions,  le  Chien  de  guerre 
est  d'une  utilisation  pratique.  Le  Chien  dépaysé,  obligé  de 
parcourir  un  terrain  nouveau  pour  se  rendre  en  un  point  i^dé- 
déterminé,  saura-t-il  s'orienter  comme  dans  les  cas  bien  con- 
nus du  retour  au  domicile  fixe. 


478  REVUE  DES  SCIENCES   NATURELLES  APPLIQUÉES. 

M.  Lesèble  fait  observer  qu'en  fait  les  Chiens  de  contre- 
bandiers qui  savent  ruser  avec  les  douaniers  et  les  éviter  ne 
sont  habiles  à  ce  manège  que  parce  qu'ils  connaissent  le  point 
où  ils  doivent  revenir, 

M.  Pichot  désirerait  qu'à  l'appui  de  la  discussion  on 
apportât  un  fait  précis,  une  expérience  sérieuse. 

.M.  Remy  Saint-Loup  appuie  cette  manière  de  voir;  il 
pense  que  c'est  à  l'occasion  des  grandes  manœuvres  que  la 
question  devrait  être  pratiquement  étudiée  et  qu'alors  seule- 
ment nous  pourrions  connaître  l'utilité  du  Chien,  tant  pour  le 
transport  des  dépêches  que  pour  la  recherche  des  blessés. 

M.  Mégnin  ne  pense  pas  que  le  Chien  puisse  servir  à  autre 
chose  qu'à  garder  les  sentinelles  pendant  la  nuit.  Mais  cela 
non  seulement  si  cette  sentinelle  lui  est  connue,  mais  si  elle 
appartient  au  régiment  auquel  le  Chien  est  habitué. 

M.  Vaillant  fait  observer  que,  s'il  en  est  ainsi,  l'animal  con- 
naissant son  régiment  peut  servira  porter  des  munitions  aux 
postes  avancés. 

Les  questions  relatives  à  l'utilisation  du  Chien  en  cam- 
pagne restent  donc  pendantes,  il  serait  à  désirer  que  des  ex- 
périences déjà  commencées  autrefois  par  un  officier  du  32« 
de  ligne,  M.  Jupin,  fussent  continuées  et  encouragées. 

—  M.  Grisard  lit  une  communication  de  M.  le  professeur 
Heckel  sur  «  le  beurre  et  le  pain  d'O'Dika,  du  Gabon  ». 

Le  Secrétaire  des  séances, 

Remy  Saint-Loup. 


III.  COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES  DES  SECTIONS. 


4e   SECTION    (INSECTES). 

SÉANCE  DU  28  AVRIL  1893. 

La  séance  est  ouverte  à  quatre  heures  sous  la  présidence  de 
M.  Jonquoy,  M.  Jules  Fallou  s'étant  excuse'  par  lettre  de  ne  pouvoir 
venir. 

Le  procès-verbal  de  la  pre'cédeute  séance  est  lu  et  adopte. 

M.  Fallou  envoie  un  intéressant  travail  sur  les  mœurs  et  les  méta- 
morphoses du  Molytes  coronatiis,  charançon  nuisible  aux  carottes- 

Notre  collègue  a  publie'  ses  premières  observations  sur  cet  insecte 
en  1882  et  ce  n'est  qu'en  1892  qu'il  a  pu  parvenir  à  en  observer  l'évo- 
lution complète. 

La  larve  sort  de  l'œuf  en  mai  et  juin  et  acquiert  tout  son  dévelop- 
pement en  octobre  et  novembre. 

Elle  s'enfonce  alors  en  terre  à  10  ou  20  centimètres  de  profondeur, 
s'y  façonne  une  loge  dans  laquelle  elle  se  transforme  en  nymphe. 

L'insecte  parfait  éclot  aux  mois  de  juillet  et  aoîit,  passe  l'hiver  eu 
terre  et  reparaît  au  printemps,  époque  à  laquelle  a  lieu  la  ponte- 

Les  carottes  attaque'es  ne  contiennent  ge'néralemeut  qu'une  larve. 

Comme  moyen  de  destruction,  M.  Fallou  conseille  l'arrachage  prc'- 
coce,  suivi  d'un  labour  profond  de  20  centimètres. 

Il  faut  ensuite  surveiller  attentivement  les  carottes  récoltées,  elles 
peuvent  contenir  de  jeunes  larves  qui  se  développeront  plus  tard  Q). 

Le  Secrétaire, 

A.-L.  Clément. 


(1)  Voir  Revue  des  Sciences  naturelles  appliquées,  1889,   page  63.   Note   el 
figure. 


IV.  BIBLIOGRAPHIE. 


Chez  les  Oiseaux,  par  M.  E.  Leroy.   —  Paris,  librairie  Firmin- 
Didol  et  C'^,  1893,  in-40,  norabrenses  gravures.  Prix  :  5  francs. 

Sous  ce  titre,  la  maison  Firmin-Didot  vient  de  faire  paraître  un 
volume  à  la  fois  intéressant,  instructif  et  très  original,  dû  à  la  plume 
de  M.  E.  Leroy. 

Ce  sont  des  études  très  ressemblantes.  C'est  l'Ornithologie  ve'cue  et 
raconte'e  sous  une  forme  attachante,  anecdotique  et  humoristique. 
Rien  ne  saurait,  au  surplus,  donner  une  plus  juste  idée  du  point  de 
vue  de  l'auteur  que  la  reproduction  suivante  de  la  pre'face  du  livre. 

«  Nous  coudoyons  tous  les  jours  des  masses  de  gens,  bipèdes  eux 
aussi,  mais  vêtus  de  plumes,  avec  lesquels  le  hasard  des  rencontres 
nous  met  à  chaque  instant  nez. . .  à  bec. 

»  La  corporation  embrasse  tout  un  monde  :  travailleurs,  artistes, 
chasseurs,  pêcheurs,  gens  d'épe'e,  messagers,  clowns,  vélocipe'distes, 
etc.,  etc.,  que  nous  pouvons  nous  attacher  à  titre  de  serviteurs,  ou 
même  élever  au  rang  de  camarades.  Mais  elle  renferme  aussi,  helas  ! 
pas  mal  d'individus  très  mal  famés  :  des  braconniers,  des  maraudeurs, 
et  autres  gibiers  de  potence,  auxquels  on  ne  saurait  serrer  la  patte 
sans  se  compromettre,  ni  gratter  l'occiput  sans  se  faire  mettre  à 
l'index. 

»  II  y  a  chez  eux  des  incompris  à  réhabiliter,  des  faux  bonshommes 
à  démasquer;  des  couples  que  nous  pourrions  prendre  pour  modèles 
des  vertus  de  famille,  et  des  mères  de'nalurées  qui  abandonnent  leurs 
enfants. 

»  Pour  nous  mettre  à  même  de  nous  comporter  vis-à-vis  de  chacun 
d'eux,  en  connaissance  de  cause,  je  viens  vous  proposer  de  jeter  un 
coup  d'oeil  par  dessus  le  mur  de  la  vie  privée  des  types  les  plus 
connus,  de  les  observer,  de  les  filer  à  l'occasion,  de  les  surprendre  sur 
le  fait  ;  et  ainsi  nous  pourrons  nous  faire  une  opinion  à  peu  près  rai- 
sonnable au  sujet  de  la  valeur  re'elle  de  tous  ces  gens-là  :  Rapaces, 
Grimpeurs,  Échassiers,  Palmipèdes,  Passereaux,  Gallinacés,  Colom- 
bide's,  en  un  mot,  de  toutes  les  classes  de  la  socie'te'.  » 

Le  volume,  imprime'  sur  papier  fort  et  dont  l'édition  a  été'  soigne'e 
comme  tout  ce  qui  sort  de  la  maison  Firmin-Didot,  est  splendidement 
illustre'  de  dessins  dus  au  crayon  de  MM.  Riou,  Bellecroix,  Bodmer, 
Bogaërt,  Mahlet,  etc.,  etc.  Il  se  de'veloppe  en  près  de  300  pages,  de  la 
lecture  desquelles  vous  sortez  très  amusé  et  aussi  complètement  que 
possible  au  courant  de  la  classification,  des  mœurs,  des  originalite's 
de  tout  ce  monde  emplumé  qui  partage  avec  nous  les  destine'es  du 
globe  habité.  G.  de  G. 


Le  Gérant  :  Jules  Grisard. 


I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIÉTÉ. 


LES  CHIENS  DANS  L'ARMEE 

Pak  m.  du  BELLEHIVE. 


En  noti'e  temps,  où  l'utilité  du  Chien  pour  le  service  de 
l'armée  semble  être  démontrée,  il  nous  parait  intéressant  de 
résumer  les  données  pratiques  de  son  emploi. 

Un  peintre  animalier  très  connu.  M.  Jean  Bungartz,  étudie 
cette  question  depuis  nombre  d'années  et  il  la  développe 
dans  deux  brochures  1)  qui  viennent  de  paraître.  C'est  dans 
la  seconde  dont  le  titre  est  :  Le  Chien  mi  serrice  de  la  Croix- 
Rouge,  que  nous  trouvons  une  application  nouvelle  de  son 
di-essage. 

L'histoire  nous  api)rend  que  le  Chien  fut  d'abord  dressé 
plutôt  pour  attaquer  les  ennemis  que  pour  servir  son  camp. 
Aujourd'hui,  on  1  y  élève  pour  diflei'ents  usages  :  la  garde,  le 
service  déclaireur  et  des  avant-postes,  la  transmission  des 
nouvelles  ;  la  recherche  et  le  transport  des  morts  ou  des 
blessés. 

Cei)endant,  les  Grecs  et  les  Romains  l'ont  utilisé  pour  en- 
voyer des  messages.  La  dépêche,  écrite  sur  parchemin,  éîait 
introduite  dans  un  morceau  de  viande,  i)uis  présentée  à  l'ani- 
mal qui  l'avalait.  Quand  il  parvenait  à  sa  destination,  on  le 
tuait  pour  retrouver  le  message  dans  son  corps.  Les  Romains 
ont  surtout  i)ratiqué  cette  mode  barbare.  D'après  Pline,  les 
Castabalences  et  les  habitants  de  Colophon  s'en  servaient 
en  temps  de  guerre,  comme  éclairours,  et  les  chevaliers  d.- 
Rhodes  en  avaient  dans  leurs  avant-postes  ;  un  Chien,  pour 
le  moins,  accompagnait  chaque  patrouille.  Au  moyen  âge, 
Henri  Vil  d'Angleterre  envoya  au  roi  Charles  L""  des  ren- 
forts qui  consistaient  en  quatre  mille  soldats  et  quatre  mille 
Chiens. 

Pendant  le  siège  de  Valence,  les  Chiens  de  l'armée  Iran- 

(1)  Der  Krieffshuntl  ttinl  seine    D'-:ssin-  el    I)t  Ilunl   im  Disist    les   .othen 
Kreuzes,  Leipzij^,  1892. 

5  Juiu   1893.  :il 


.iS2  KEVUE  DES  SCIENCES    NATURELLES   APPLIQUÉES. 

çaise  se  rencontrèrent  a\ec  ceux- des  troupes  espagnoles; 
une  lutte  acharnée  s'en  suivit  et  beaucoup  lurent  égorgés 
jtar  leurs  adversaires.  On  raconte  que  le  roi  Charles  apos- 
tropha un  jour  ses  soldats  en  ces  termes  :  c  Je  compte  que 
vous  serez  aussi  courageux  que  vos  Chiens.  » 

Bonaparte,  dans  sa  campagne  d'Italie,  emmena  plusieurs 
de  ces  animaux.  On  continua  à  les  employer  aux  colonies 
Irançaises.  De  même,  dans  les  Indes  hollandaises,  il  arrive 
que  le  service  télégraphique  est  interrompu.  On  y  remédie 
au  moyen  de  Chiens,  en  attachant  les  dépèches  à  leur  collier. 
On  cite  l'exemple  suivant,:  Kota-Kadja  est  éloigné  de  six 
lieues  de  Pakan-Krœng-Tjoet  ;  les  Chiens  i)arcourent  facile- 
ment cette  distance  en  dix  minutes.  Cela  ]^ei)résente  une  vi- 
tesse moyenne  de  six  cents  mètres  par  minute. 

1.  —  Service  des  ambulances. 

Dans  une  réunion  récente  de  la  délégation  autrichienne 
des  ambulances,  M.  le  prof.  Billroth,  conseiller  aulique  à 
Vienne,  relevait  le  lait  qu"à  l'avenir,  les  canii)s  seront  tou- 
jours i)lus  éloignés  les  uns  des  autres,  si  l'on  tient  compte  de 
la  portée  toujours  plus  considérable  des  armes  à  l'eu.  lùi  ad- 
mettant que  chacun  des  brancards  doive  faire  seulement  400 
jias  de  plus,  on  i)révoit  que  leur  service  sera  retardé,  sinon 
interrompu.  Si  l'on  hésite  à  multiplier  le  nombre  des  ambu- 
lances ou  des  jiorteurs,  c'est. uniquement  par  crainte  de  sur- 
chai'ger  le  train  de  campagne,  \ussi.  l'emiiloi  du  Chien  i)Our 
cet  usage  semble  tout  indiqué. 

Notre  auteur  nous  décrit  la  construction,  d'ailleurs  très 
simple,  du  char  où  on  l'attelle.  Il  se  compose  de  deux  parties  : 
1"  la  civière,  2"  le  train  du  chai'iot.  La  civière,  qui  est  divisée 
au  milieu,  est  assez  large  pour  recevoir  deux  blessés.  Les 
l)aroissont  recouvertes  de  toile;  à  chaque  extrémité,  l'on  fixe 
deux  poignées  pour  faciliter  le  transport.  Inutile  d'ajouter 
que  d'excellents  ressorts  la  soutiennent.  Le  chai*  est  peu  dis- 
tant du  sol  ;  ses  roues  sont  faites  en  aciei'  mince.  On  y  attelle 
un  seul  Chien.  L'expérience  prouve  qu'il  peut  franchir  une 
distance  de  mille  pas  en  l'espace  d'une  heure  et  faire  environ 
(h'x  voyages  sans  se  reposer.  Deux  hommes  sont  là  pour  le 
suivre  ;  l'un  dirige  le  Chien  et  l'autre  suit  à  l'arrière  pour 
aider  à  sa  niarche,  s'il  y  a  quelque  pente  à  gravir. 


LES  CHIENS  DANS  L'ARMÉE.  483 

Un  point  important  est  le  choix  d'une  race  qui  soit  la 
mieux  approitriée.  Les  Chiens  aux  allures  lourdes  comme  le 
Mastiff,  le  Dogu€  allemand,  le  Terre-Neuve  et  le  Saint-Ber- 
nard sont  à  rejeter.  Le  Spitz,  qui  est  très  utile  dans  d'autres 
emplois,  n"est  pas  assez  fort  pour  ce  genre  de  service.  Quant 
au  Caniche,  il  ne  supporterait  probablement  pas  les  fatigues' 
de  la  guerre;  son  poil,  trop  laineux,  ne  supporterait  pas 
riiumidité. 

Les  essais  de  dressage  de  Chiens  de  chasse  n'ont  pas 
réussi.  Pour  servir  en  campagne,  l'animal  devra  posséder  des 
qualités  indispensables  :  obéissance  parlaite,  attachement  à 
son  chef  de  service,  vigilance,  persévérance,  résistance  ;  son 
intelligence  devra  être  développée.  Or,  ces  qualiîés  se  trou- 
vent réunies  chez  le  Scolcli  Colley  ou  Chien  de  berger  de  race 
écossaise.  D'autres  Chiens  de  berger  pourraient  peut-être  s'a- 
dapter à  cet  usage.  Le  «  Scotch  colley  »  reste,  néanmoins,  le 
type  le  plus  parfait  de  son  genre  ;  il  représente  une  des 
formes  ancestrales. 

Le  Colley  vit  sur  les  hauts  plateaux  marécageux  de  l'E- 
cosse. Dans  cette  région  où  les  bergers  sont  peu  nombreux, 
on  lui  confie  souvent  la  garde  de  très  grands  troupeaux. 
Gr<àce  à  son  extrême  vigilance  la  perte  d'une  tête  de  bétail  est 
rare.  Habitué  à  rester  toute  l'année  en  plein  air,  il  possède 
une  vigueur  extraordinaire.  Ses  os  sont  forts;  ses  muscles 
d'acier;  les  plantes  de  ses  pattes  sont  aussi  dures  que  du 
cuir. 

On  ne  peut  pas  en  juger  d'après  les  spécimens  que  nous 
voyons  parfois  dans  nos  expositions  et  qui  sont  souvent  dégé- 
nérés. Carie  «  Colley  «  est  apprécié  comme  Chien  de  luxe. 
Mais  la  race  typique  se  reconnaîtra  aux  caractères  suivants  : 
sa  tête  est  allongée,  le  museau  est  étroit,  le  nez  bien  déve- 
loppé ;  les  oreilles  courtes  sont  sensiblement  dressées,  mais 
elles  s'abaissent  par  devant  ;  le  cou  est  allongé,  arqué  ;  les 
épaules  peu  proéminentes  sont  obliques  ;  la  poitrine  est  large; 
le  dos  est  large  et  musculeux;  les  pattes  antérieures,  arron- 
dies, sont  bien  droites  ;  les  ongles  sont  très  recourbés. 

La  queue  développée  est  dirigée  en  bas. 

Le  pelage  du  «  Colley  «  varie  en  couleurs;  il  est  générale- 
ment noir,  niais  le  pourtour  des  yeux,  les  joues,  le  museau  et 
les  i)attes  sont  marqués  par  du  rouge  jaunâtre  ;  la  tête  porte 
des  taches  l)lnnrlies.  Le  collier  et  les  pattes  sont  aussi  blancs. 


484  UEVUK   DES    sClENCESi    NATURELLE»    APPLIQUÉES. 

On  rencontre  encore  des  individus  chez  lesquels  le  poil  est 
tacheté  de  gris,  de  brun  ou  de  gris  noirâtre. 

Il  existe  une  autre  race  à  poil  ras,  le  Smoolh  coat"d 
Colley,  dont  le  poil  est  très  serré.  Tout  porte  à  croire  qu'elle 
se  prêterait  encore  mieux  aux  services  de  l'armée.  Malheu- 
reusement, elle  est  extrêmement  rare  dans  nos  pays. 

M.  P.  Mégnin  dans  son  ouvrage  Le  Chieu  (p  85)  nous 
donne  la  description  du  «  Scotch  colle}',  qui  atteint  de  21  à 
24  pouces  de  taille.  Les  volumes  de  MM.  Stonehenge  :  the  D nj 
in  health  and  disease  (p.  119:,  Hugh  Dalziel  :  British  Dogs 
(pp.  195,  206),  Vero  Schaw  :  the  illustrated  Booh  of  the 
Dog  fp.  8i)  contiennent  des  renseignements  détaillés  sur 
cette  race,  ainsi  que  les  portraits  de  ses  variétés. 

Le  mode  d'attelage  de  notre  Chien  n'est  pas  compliqué.  On 
l'habitue  d'abord  à  son  harnais.  On  s'assure  qu'il  peut  traîner 
lacilement  pendant  plusieurs  heures  une  charge  de  5  kilos. 
Son  collier,  large  d'environ  cinq  centimètres,  est  fait  de  cuir 
léger  mais  résistant  ;  on  y  fixe  un  anneau  où  passeront  les 
courroies.  De  chaque  côté,  des  boucles  servent  aux  courroies 
des  sacs.  Ceux-ci  faits  en  toile  imperméable  se  trouvent 
réunis  par  une  sangle.  Une  autre  courroie  les  retient  au  dos. 
Les  .sacs  ont  deux  compartiments.  L'un  contiendra  une  pro- 
vision de  nourriture  concentrée  pour  l'animal.  Celle-ci  se  com- 
pose de  2  kilos  et  demi  de  biscuits  spéciaux  qu'on  pourra 
lui  donner  dans  de  l'eau  ;  mais  secs ,  le  Chien  les  mangera 
aussi.  Cette  mesure  suffira  amplement  à  le  nourrir  pendant 
deux  jours. 

Dans  le  second  compartiment  on  placera  les  pharmacies  et 
leurs  accessoires.  Ces  sacs  sont  naturellement  marqués  de  la 
croix  rouge  sur  un  fond  blanc. 

L'attirail  comprend  encore  deux  objets  très  utiles  :  a)  la 
couverture  pour  le  Chien  ;  faite  de  toile  épaisse,  elle  mesurera 
un  mètre  de  longueur  sur  soixante  centimètres  de  lai'geur  ; 
&)  la  lanterne  que  l'on  fixera  au  harnais. 

Le  Chien  des  ambulances  réclame  pendant  son  dressage 
certains  soins.  En  été,  on  peut  le  laisser  dans  son  chenil  dé- 
couvert. Mais  en  hiver,  il  est  nécessaire  de  lui  aménager  un 
abri  avec  de  la  paille  sèche. 

Son  poil  doit  être  nettoyé  ;  à  cet  effet  on  se  servira  de 
quelques  gouttes  de  térébenthine  qui  le  préservent  en  même 
temps  des  parasites. 


Lt,S   CHJENS   DANS  L'ARMÉK.  //8o 

A  rordiiiaire  on  le  nourrit  de  gâteaux  préparés  avec  des 
fibres  de  viande  (1)  qu'on  lui  donne  secs  on  trempés.  Ce  ré- 
gime parait  lui  convenir.  On  peut  aussi  varier  sa  nourriture 
avec  de  la  soupe,  des  légumes,  des  pommes  de  terre,  etc.  On 
recommande  de  donner  du  lait  aux  Chiots  et  de  multiplier 
leur  ration.  Quant  aux  adultes,  une  soupe  à  midi  suffira  pen- 
dant rété  ;  en  hiver,  on  la  leur  distribuera  matin  et  soir. 

Jusqu'ici  on  s'égarait  dans  le  choix  des  races  et  l'on  man- 
quait de  système  dans  le  dressage.  On  s'est  demandé  si  Ton 
avancerait  plus  rapidement  en  obtenant  le  concours  d'ama- 
teurs et  de  Sociétés  cynologiques,  comme  cela  a  lieu  pour  la 
colombophilie.  L'élevage  et  le  dressage  des  Chiens  infir- 
miers pourraient  être  confiés  à  des  Sociétés  ou  à  des  particu- 
liers. Mais  quant  aux  emplois  du  camp  on  ne  doit  pas  y 
songer.  Le  matériel  et  l'entretien  seraient  trop  onéreux  pour 
un  grand  nombre  et  l'on  n'obtiendrait  jamais,  sous  le  rapport 
du  dressage,  les  vrais  Chiens  militaires. 

Pour  le  choix  des  produits,  une  question  non  moins  im- 
portante se  pose  ici.  Prendra-t-on  des  mâles  ou  des  fe- 
melles ? 

On  devine  aisément  les  inconvénients  que  cela  pourrait 
avoir  si  les  mâles  d'une  armée  passaient  dans  les  rangs  oppo- 
sés. Si  l'on  se  sert  seulement  de  Chiennes,  on  s'en  verrait  privé 
dans  les  moments  où  elles  seraient  le  plus  u  iles.  En  prati- 
quant la  castration  des  mâles  on  surmontera  cette  difficulté. 

Les  premières  règles  du  dressage  du  Chien  de  guerre  sont 
les  mêmes  que  dans  l'élevage  du  Chien  de  chasse.  Dès  l'âge 
de  six  mois, on  habituera  le  Chiot  à  obéir,  à  revenir  à  l'appel. 
Tl  faut  un  certain  temps  pour  y  arriver.  En  appuyant  avec  la 
main  sur  son  train  de  derrière,  on  lui  appi'endra  plus  facile- 
ment à  s'asseoir.  Au  commandement  «  couche  »,  il  devra  se 
coucher  en  plaçant  sa  tète  entre  ses  pattes  de  devant.  Inutile 
d'ajouter  que  la  persévérance,  la  patience,  le  calme,  l'obser- 
vation et  l'amour  de  sa  vocation  sont  les  qualités  du  dres- 
seur. ]1  doit  connaître  à  fond  la  nature  de  son  élève. 

Dans  le  service  des  ambulances,  le  Chien  donne  des  si- 
gnaux d'appel.  On  lui  apprfMidi-a  donc  à  aboyer  au  comman- 
dement. Vers  l'âge  d'un  an,  quand  ce  dressage  préliminaire 
est  terminé,  notre  élève  entrera   dans  la  vraie  phase  mili- 

(1,  Celle  compoBilion  a  été   trouvée  par  M.  Spratt.   Elle  contient  de  la  fa- 
rine d'os,  des  filamenis  de  viande,  du  seigle  et  diverses  épices. 


480  KEVUK  DES   ^ClE.NGEt;  iNAi  LllKLLES   APPLIQUEES. 

taire.  Pour  cela,  le  dresseur  doit  avoir  un  compagnon  qui  si- 
mulera un  blessé.  En  tenant  d'abord  l'animal  en  laisse,  il  se 
dirigera  vers  son  compagnon  couché  à  une  certaine  distance . 
Au  déparf,  on  excitera  la  curiosité  de  l'animal  en  lui  répé- 
tant "  cherche  ».  Quand  le  Chien  aura  retrouvé  le  blessé  et 
aboyé  auprès  de  lui,  on  recommencera  l'expérience  en  lâ- 
chant l'animal.  On  travaillera  d'abord  sur  un  terrain  plat, 
découvert,  ensuite  dans  une  région  accidentée.  On  augmen- 
tera les  distances.  On  dissimulera  le  pseudo -blessé  dans  les 
ravins,  on  le  recouvrira  de  branches.  Enfin  on  rendra  la 
recherche  du  Chien  toujours  plus  difficile.  Puis  on  le  mettra 
en  présence  de  nombreux  blessés. 

II.  —  Service  de  la  garde  du  camp,  des  patrouilles 

ET   DES   dépèches. 

Nous  avons  mentionné  dans  la  Revue  (1)  plusieurs  races 
que  l'on  a  essayé  de  dresser  pour  ces  différents  usages.  Ce- 
pendant, on  reconnaît  que  c'est  le  Scotch  Colley  qui  s'y  prête 
le  mieux. 

Dans  ce  genre  de  service,  le  Chien  exige  encore  un  certain 
équipement.  Son  collier,  marqué  du  numéro  du  régiment 
auquel  il  appartient,  est  en  cuir  large  d'environ  cinq  centi- 
mètres et  se  ferme  au  moyen  d'une  boucle.  Si  on  l'emploie 
aux  avant-postes,  on  le  munira  d'une  ou  deux  sacoches  qui 
contiendront  quelques  cartouches  de  réserve,  des  remèdes, 
enfin  une  provision  de  biscuits  concentrés  dont  nous  avons 
parlé  à  propos  des  ambulances.  S'il  est  destiné  au  transport 
des  dépêches,  on  attachera  à  son  collier  un  sac  de  dix  à 
quinze  centimètres  de  longueur  avec  fermeture  de  sûreté. 

La  couverture  et  la  lanterne  sont  encore  indispensables. 

Les  animaux  ainsi  équipés  devront  vivre  dans  le  camp  et 
accompagner  les  exercices.  On  a  reconnu  qu'une  marche  de 
huit  heures  ne  les  fatiguait  nullement. 

L'habileté  du  dresseur  se  traduira  bientôt  en  succès.  Les 
l)remiers  enseignements  sont,  en  général,  vite  compris  par 
l'animal.  Au  commandement  «  halte  »  il  s'arrêtera  dans  sa 
course.  Quand  on  lui  dira  «  attention  »  ou  simplement  sf,  sf, 
il  restera  en  éveil.  Il  est  plus  difficile  de  l'habituer  à  ne  pas 

(1)  1892.  I,  p.  604. 


LES  CHIEXS  DAXS   L'AU.MÉE.  487 

aboyer.  Dans  ûe'i  circonstances  dan'reronses  le  Chien  de 
guerre  doit  se  taire  on  tout  an  plus  nuinitester  sa  vigilance 
par  de  sourds  grognements.  Son  rôle  de  sentinelle  consiste  à 
épier  l'ennenii  et  tout  ce  qui  l'ii  semble  suspect.  Par  ses  al- 
lures, il  en  instriiit  son  maître. 

Il  est  utile  de  lui  apprendre  à  distinguer  les  uniroi-mos  des 
troupes  opposées.  ;Mais,  de  nuit,  cette  précaution  deviendrait 
inutile.  Dans  ce  cas,  son  r<)le  est  plus  restreint;  son  odorat 
seul  peut  le  guider.  Or,  c"est  précisément  la  nuit  que  sa 
garde  est  indispensable. 

Son  maître  devra  le  dresser  au  crépuscule.  Pour  cela  il 
l)rendra  un  compère  en  lui  indiquant  les  manœuvres  à  suivre. 
Quand  ce  dernier  aura  disparu,  le  dresseur  en  avertira  son. 
Chien  en  lui  criant  :  attention.  Puis  il  le  fera  chercher  en 
évitant  le  moindre  aboiement. 

L'emploi  des  Chiens  dans  le  service  des  dépèches  oftVe  en- 
core des  avantages  incontestables  en  vitesse  et  en  sùri'té.  Ces 
animaux  surmontent  les  difficultés  du  terrain  et  économisent 
voitures  et  cavaliers.  Leur  dressage  est  assez  comi)liqué. 
Pour  y  arriver,  deux  personnes  se  placent  à  environ  cent 
pas  l'une  de  l'autre.  Le  Chien  envoyé  à  tour  de  rôle  par  son 
maître  ou  par  le  compagnon  de  celui-ci  devra  atteindre  le 
but.  On  augmente  graduellement  la  distance  à  franchir. 
Quand  on  est  à  mille  pas,  il  est  nécessaire  de  laisser  l'animal 
reprendre  haleine.  Ce  dressage  se  pratique  d'abord  en  plaine 
découverte,  a  lieu  plus  tard  sur  un  terrain  accidenté,  boisé, 
avec  des  haies  ou  des  fossés  que  le  Chien  traversera.  Aucun 
obstacle  ne  devra  l'arrêter  dans  .sa  course. 


SUR  LES  MONSTRUOSITÉS 

DU  CYPRIN  DORÉ  DE  LA  CHINE 

ET  LA   REPRODUCTION  AU  MUSÉUM  DE  LA  VARIÉTÉ 

DITE  TÉLESCOPE 

Pah    m.   Lkon    vaillant, 
Prolessiir  au  Muséum. 


Les  modifications  moiistriieiises  que  peuvent  offrir  les  pois- 
sons n'ont  pas  d'exenijjle  pins  frappant  que  celui  présenté 
par  le  Cyprin  doré  rîe  la  Chine  (Carassius  aurains,  Lixné), 
vulgairement  connu  en  France  sous  le  nom  de  Poisson  rouge, 
l'espèce  sans  contredit  la  plus  connue  et  la  mieux  étudiée 
sous  ce  rapport. 

Le  lait  fut  constaté  dès  l'origine  de  leur  importation  en 
Europe  au  commencement  du  xviiit^  siècle,  d'après  l'histo- 
rique de  la  question  donné  par  Valenciennes,  auquel  je  me 
])orne  ici  à  renvoyer  (1),  et  l'iconographie  la  plus  complète  de 
ces  différentes  monstruosités  est  encore  la  peinture  chinoise 
sur  rouleau,  donnée  en  1772  par  les  Missionnaires  au  ministre 
secrétaire  d'Etat,  Bertin,  laquelle  a  servi  pour  le  travail,  par 
malheur  inachevé,  de  Martinet  et  Sauvigny  (2).  Ce  rouleau, 
actuellement  conservé  à  la  bibliothèque  du  Muséum  d'his- 
toire naturelle,  était  accompagné  d'une  notice,  analysée  par 
Valenciennes,  dans  laquelle  les  Missionnaires  indiquent  les 
jirincipales  variétés  admises  en  Chine,  avec  les  noms  qu'on 
leur  applique  en  ce  pays. 

D'après  les  détails  donnés,  les  qualités  qu'on  recherche 
sont  dénatures  diverses.  Tantôt  il  s'agit  de  modifications  plus 
ou  moins  bizarres  de  la  forme,  telle  est  YŒuf  de  Cane  à 
corps  raccourci,  Y  Œil  de  Di^agon  dans  lequel  le  globe  ocu- 

(1)  Cuvier  et  Valenciennes,  Hi.^toiie  des  Poissons,  t.  XVI,  p.  lOS  et  suiv.. 
1842. 

(2)  Marlinet  et  Sauvigny,  Histoire  naturelle  fl's  Dorades  de  la  Chine,  in-fol., 
3C  pi.,  24  pages,  1780. 


LE  CYPRIN  DORE  DE  LA  CHINE.  isy 

laire  devenu  proéminent  sort  en  quelque  sorte  <le  l'orbite. 
D'autres  fois  ce  sont  des  colorations  particulières,  telle  est  la 
variété  dite  Nymphe,  dans  laquelle  la  robe  est  tendre  et 
irisée,  celle  dite  le  Lettré  dont  le  corps  porte  des  maculations 
rappelant  l'écriture  chinoise,  cette  dernière  serait  obtenue, 
dit-on,  artificiellement  par  une  opération  spéciale  faite  an 
tégument.  Enfin  des  variétés  sont  basées  sur  des  habitude'^ 
biologiques,  dont  quelques-unes  d'ailleurs  pourraient  bien 
être  en  rapport  avec  des  modifications  anatomiques  défi- 
nies, tel  est  le  Dormeur,  ainsi  nommé  parce  qu'il  se  tient  de 
préférence  au  fond  de  l'eau,  ne  sont-ce  pas  les  individus  chez 
lesquels  Valenciennes  a  constaté  la  présence  d'une  vessie 
natatoire  anormale  réduite  à  la  poche  antérieure?  Citons 
encore  parmi  les  variétés  éthologiques  le  Cahrioleuv  qui 
«  est  dans  l'habitude  de  sauter  fréquemment  au-dessus  de 
l'eau,  obliquement  comme  le  font  d'ailleurs  nos  Carpes  (1)  ». 

Ces  faits  montrent  assez  l'attention  prêtée  par  les  peuples 
de  l'Extrême-Orient  à  l'élevage  de  ces  poissons  et  aux  modi- 
fications que  la  culture  peut  leur  imprimer. 

Bien  qu'aujourd'hui  en  Europe,  nou.s  ayons  vu  à  différentes 
reprises  arriver  quelques-unes  de  ces  variétés  domestiques, 
plusieurs  nous  sont  encore  inconnues,  et  dans  nos  musées,  où 
-les  spécimens  sont  nombreux,  il  n'est  possible  d'avoir  égard 
qu'aux  modifications  anatomiques  ou  mieux  morphologiques, 
puisque  seules  elles  demeurent  appréciables  et  fournissent 
des  caractères  positifs  pour  classer  ces  anomalies. 

C'est  la  méthode  qu'a  suivie  M.  Gunther  dans  son  catalogue 
des  poissons  du  British  Muséum  (t.  VII,  p.  33,  1868)  en  grou- 
pant les  différentes  variétés  de  la  manière  suivante  : 

1°  Forme  du  corps  et  nageoires  normales  ; 

2°  Colonne  vertébrale  déformée,  nageoires  parfaites  ; 

3°  Dorsale  réduite  à  un  rayon  dentelé  et  quelques  rayons 
mous  ;  les  autres  nageoires  normales  ; 

4°  Dorsale  réduite  comme  dimension,  épine  anale  double  ; 

5°  Dorsale  manquant;  les  autres  nageoires  parfaites  ; 

6°  Caudale  tri  ou  quadrilobée;  dor.sale  présente; 

7«  Caudale  tri  ou  quadrilobée  ;  dorsale  nulle  ;  yeux 
normaux  ; 

(1)   Cuvier  et  Valenciennes,  loc.  cit.,  p.  Ilîi. 


490  REVUE   DES   SCIENCES    NATURELLES   APPLIQUEES. 

8»  Caudale,  trilobée;  dorsale  nulle;  yeux  très  grands,  sail- 
lants. 

Ces  divisions  répondent-elles  à  toutes  les  anomalies  anato- 
miques  observées  et  possibles,  certainement  non,  et  cette 
disposition,  acceptable  lorsqu'il  s'agit  de  faire  connaître  les 
individus  que  renferme  une  collection  donnée,  devient  insuf- 
fisante si  on  veut  l'appliquer  à  l'universalité  des  cas.  Elle 
présente  de  plus,  dans  la  pratique,  l'inconvénient  de  ne  pas 
se  prêter  aux  intercalations,  que  le  progrès  de  nos  connais- 
sances rendrait  nécessaires,  et  lorsqu'un  type  nouveau  vient 
à  se  rencontrer,  on  est  dans  l'obligation,  s'il  est  intermé- 
diaire, de  changer  complètement  la  notation  des  groupes,  ce 
qui  peut  amener  des  confusions. 

Quoique  la  question  n'ait  en  somme  qu'une  importance 
secondaire,  puisqu'il  s'agit  là  de  groupes  mal  définis,  ou,  plus 
justement,  indéfinissables  par  leur  essence  même  en  dehors 
des  règles  normales  de  la  nature,  il  parait  cependant  possible 
davoir  une  base  meilleure  en  adoptant  la  méthode  introduite 
par  Isidore  Geoffroy  Saint-Hilaire,  dans  son  ouvrage  juste- 
ment célèbre  de  Tératologie,  c'est-à-dire  en  appliquant  aux 
groupes  des  noms  résumant  les  principales  anomalies,  qui 
caractérisent  les  êtres  réunis  dans  chacun  d'eux. 

En  laissant  de  côté,  comme  cela  vient  d'être  dit,  les  altéra- 
tions éthologiques  et  celles  qui  concernent  les  changements 
de  coloration,  n'ayant  par  suite  égard  qu'aux  variations  mor- 
phologiques proprement  dites,  on  reconnaît  que  les  modifi- 
cations portent  principalement  :  1"  sur  la  forme  générale  du 
corps  ;  2"  sur  les  nageoires  ;  '3°  sur  l'organe  visuel. 

Les  premières  sont  de  deux  sortes.  Dans  le  cas  le  plus  fré- 
quent le  tronc  se  raccourcit  suivant  l'axe  longitudinal  et 
s'élargit  transversalement  prenant  une  forme  plus  ou  moins 
globuleuse  {Sphérosomië).  D'autrefois  la  modification  porte 
sur  la  dii-ection  de  la  colonne  vertébrale  et  le  dos,  au  lieu  de 
présenter  une  courbe  régulière,  est.  en  quelque  sorte,  angu- 
leux produisant  une  véritable  gibbosité  [Cijpliosomié). 

Les  monstruosités,  qui  dépendent  des  nageoires  pouvant 
atïècter  chacune  d'elles,  sont  par  cela  même  nombreuses,  mais 
n'atteignent  pas  au  même  degré,  ni  avec  la  même  fréquence 
chaque  sorte  de  ces  organes.  D'une  manière  générale  on  peut 
poser  en  principe,  que   les  nageoires   impaires  (Epiptère, 


LE  CYPRIN  LOIΠ LE  LA  CHINE.  491 

llypoptère,  Uroptère)  sont  plus  profondément  et  plus  ordi- 
nairement modifiées  que  les  nageoires  paires  {Pleuropes, 
Catopes). 

Les  seules  modifications  à  signaler  pour  la  nageoire  dorsale 
sont,  pourrait  on  dire,  dégénérescentes.  Le  nombre  des 
rayons  diminue  et  la  dimension  de  l'organe  s'amoindrit  [Mei- 
é/'ipiérie),  dans  certains  cas  cela  peut  aller  jusqu'à  dispari- 
tion complète  [Anépiptérie]  ;  cette  monstruosié  ne  paraît  pas 
excessivement  rare,  cependant  elle  a  été  jusqu'ici  peu  vue  en 
Europe. 

La  nageoire  anale  ne  manque  jamais,  mais  elle  se  modifie 
en  se  dédoublant  d'une  manière  plus  ou  moins  complète  dans 
le  plan  vertical  [DipllLypoidérie).  Cette  division  peut  être 
partielle  et  porte  alors  sur  l'épine  dure,  qui,  divisée,  forme 
une  sorte  de  gouttière  antérieure,  le  reste  de  la  nageoire 
étant  simple  [Mérodiplhyfioptérie)  ;  plus  souvent  elle  est 
totale,  la  nageoire  se  trouvant  sur  toute  son  étendue  partagée 
en  deux  lames  indépendantes,  l'une  droite,  l'autre  gauche 
(  Paniadipl/typoptérie). 

La  nageoire  caudale  est  celle  qui  subit  les  modifications  les 
plus  frappantes.  Parfois  il  se  produit  à  la  partie  supérieure 
une  sorte  de  duplicature  de  l'organe,  le  bord  libre,  au  lieu 
dètre  tout  à  fait  supérieur,  s'infléchissant  sur  le  côté  par  une 
sorte  de  reploiement  de  la  nageoire  en  ce  point  [Piychuro- 
plérié).  Cotte  monstruosité,  qui  n'avait  pas  que  je  sache  été 
encore  signalée,  n'a  pas  d'ailleurs  l'importance  de  celle,  plus 
fréquente,  qui  résulte,  comme  pour  la  nageoire  anale,  du  dé- 
doublement [Dlpluroptérie).  Celui-ci  est  également  partiel 
ou  complet  [Mérodiplnroptàrie  et  Pantadipluroptérie) .  Le 
dédoublement  s'effèctuant  de  bas  en  haut,  le  bord  supérieur 
subsiste  parfois,  mais  si  la  fissure  l'entame  et  le  fait  dispa- 
raître, la  queue,  étalée,  se  divise  en  lobes,  donnant  lieu  à  une 
monstruosité  d'un  aspect  assez  spécial  pour  mériter  d'être 
considérée  comme  distincte  (Loplncroptérie). 

La  dipluroptérie  peut  exister  sans  qu'il  y  ait  diplhypop- 
térie,  mais  la  condition  inverse  n'a  jamais  été  signalée 
jusqu'ici,  du  moins  je  n'en  trouve  aucune  mention  faite  par 
les  auteurs  et  je  ne  l'ai  pas  observée. 

Quant  aux  nageoires  paires,  les  seules  modifications  sont, 
pourrait -on  dire,  accrescentes  et  portent  sur  leur  élon- 
'^3Ltion{. \Jac)Opodie),  qui  peut  devenir  considérable,  jusqu'à 


492  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

transformer    ces  organe?  en  sortes  de  panaches  flottants. 

Enfin  pour  les  yeux,  leur  Yokime  peut  augmenter  dans  de 
telles  proportions,  qu'ils  deviennent  proéminents  sur  les  cOtés 
de  la  tète  [Exophthaimie).  Il  est  à  noter  que,  d'après  nos 
observations,  cette  monstruosité  ne  serait  pas  primitive,  les 
petits  ont  toujours  au  début  les  yeux  régulièrement  déve- 
loppés et  c'est  avec  l'âge  que  ces  organes  deviennent  sail- 
lants. Dans  certains  cas  la  difformité  peut  être  unilatérale. 

Des  phénomènes  de  coloration  du  tégument  me  paraissent 
être  corrélatifs  de  cette  exo[)hthalmie. 

Le  Cyprin  doré,  le  fait  est  connu  depuis  Baster  (1),  ne  revêt 
que  tardivement,  quand  il  doit  les  prendre,  les  brillantes  cou- 
leurs de  l'adulte.  A  l'état  jeune  sa  coloration,  d'un  vert  olive 
ou  mordorée,  rappelle  celle  de  la  Carpe  et  de  bon  nombre 
d'autres  Cyprins.  Toutefois  on  a  pu  constater  dans  nos  éle- 
vages que  les  individus  exophthalmiques  ont  à  un  certain 
moment  une  coloration  sombre,  noir  bleuâtre,  avec  une  ap- 
parence pruineuse,  en  sorte  qu'ils  tranchent  sur  les  animaux 
de  la  même  génération  pourvus  d'yeux  normalement  déve- 
loppés. Les  recherches  de  M.  le  professeur  Pouchet  relatives 
aux  changements  de  couleurs  des  poissons,  ayant  montré 
une  liaison  entre  l'intégrité  de  l'organe  visuel  et  la  possibilité 
de  ces  changements,  n'est-il  pas  permis  de  penser  que  la 
différence  d'aspect  des  deux  sortes  de  petits  Cyprins  dé- 
pend de  la  différence  de  constitution  de  l'organe  visuel,  carie 
D*"  Georges  Camuset  (2)  a  prouvé  que  des  altérations  patholo- 
giques très  sensibles  accompagnent  cette  anomalie. 

Sur  certains  individus,  on  vient  de  le  voir,  l'œil  d'un  côté 
est  proéminent,  tandis  que  celui  du  côté  opposé  reste  normal, 
dans  ce  cas  ce  dernier  parait  avoir  la  prépondérance,  la 
coloration  étant  alors  celle  des  petits  à  organe  visuel  régu- 
lièrement développé. 

L'exophthalmie  se  produisant,  comme  je  l'ai  dit  plus 
haut,  alors  que  les  poissons  ont  acquis  une  certaine  taille,  au 
moins  2  à  3  centimètres,  il  s'ensuit  qu'au  début  tous  les 
jeunes  sont  uniformément  et  normalement  colorés.  D'autre 
part,  lorsque  les  Carassins  dorés  de  Chine  de  la  variété  Téles- 
cope sont  parvenus  à  l'état  adulte  leur  coloration  est  aussi 

(1)  Cuvier  et  Valenciennes,  loc.  cit.,  p.  105,  1842. 

12)   Comptes  rendus  des  sifances  de   l'Acadc'mie   des  Sciences,  tome  LXXVIII, 
,  p.  198,  Séance  du  19  janvier  1874. 


LE  CYPRIN  DORÉ  DE  LA  L'HLN'E.  493 

diversifiée,  aussi  brillante,  que  dans  la  variété  domestique 
ordinaire,  mais  ces  teintes  si  riches  sont  dues  à  des  modifica- 
tions de  la  peau,  assimilables  plutôt  à  une  sorte  d'albinisme, 
c'est-à-dire  à  la  disparition  plus  ou  moins  complète  des  pig- 
ments et  des  cliromoblastes  normaux.  Il  y  aurait  là  une  suite 
de  recherches  spéciales  à  faire  sur  la  structure  de  la  peau 
dans  ces  différents  états,  recherches  ({ue  je  me  contente  de 
signaler,  me  bornant  ici  à  l'exposition  des  faits  morpholo- 
giques. 

Pour  fixer  les  idées  sur  les  considérations  précédentes,  je 
donnerai  le  tableau  suivant  qui  résume  cet  exposé  dans  ses 
traits  généraux  : 

^  (   irlobuleux Sphérosomic . 

Corps  '     .^,  ^     ,  . 

(  gibbeuK Cyphosoinic. 

,   „         .1  réduite Meiépiptérie. 

l   Dorsale           „  .... 

l  (  nulle Anepipteric. 

impaires.  )  Anale  dédoublée Diplhypopteric. 

/  [  replie'e Ptychuroptc'iie. 

Nageoires  <(  \  Caudale  <  dédoublée Dipluroptérie. 

(  lobée Lophuroplerie. 

paires  prolonj^ées Macropodie. 

Yeux  proe'mineuts Exophlhalmie. 

Il  ne  faut  pas  attacher  à  ces  considérations  systématiques 
et  surtout  à  cette  nomenclature  une  importance  exagérée. 
Pour  ce  qui  est  dps  premières,  la  monstruosité  étant,  par  es- 
sence, une  affaire  de  degré,  il  serait  puéril  de  regarder  les 
distinctions  établies,  comme  nettement  limitées,  elles  ne  peu- 
vent servir,  en  quelque  sorte,  que  d'étiquettes  pour  grouper 
d'une  manière  plus  ou  moins  heureuse  les  cas  qui,  dans  l'ex- 
trême variété,  présentent  entre  eux  plus  de  ressemblance 
qu'avec  les  cas  voisins.  D'ordinaire,  d'ailleurs,  plusieurs  de 
ces  difformités  coexistent  sur  un  même  individu.  Ainsi  dans  la 
variété  connue,  depuis  Lacôpède,  sous  le  nom  de  Télescope 
et  qu'on  peut  regarder  comme  un  exemitle  de  monstruosité 
des  plus  compliquées  chez  le  Cyprin  doré,  à  la  sphérosomie  se 
joint  la  pantadipluroptérie ,  la  lophuroptérie  et  l'exoph- 
thalmie  (1).  La  nomenclature  formulée  dans  le  tableau  ci- 


(1]  Voir  une  ligure,  d'après  Lacépède,  donnée  dans  :  Lcj  Poissons  d'aqujfium 
[Remte  des  Sciences  naturelles  applijuifes,  1S92,  1"  seoiestre,  p.  470). 


494  RfVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

dessus  est  proposée,  comme  susceptible  de  iaciliter  dans  les 
descriptions  l'exposé  des  laits  en  permettant  de  les  i>réciser. 

Valenciennes  a,  depuis  longtemps,  signalé  la  tendance  que 
montrent  les  Cyprins  dorés  monstrueux  à  revenir  au  type 
normal  dans  nos  climats.  «  On  est  arrivé,  dit-il,  à  ce  lait 
curieux  dans  l'étude  philosophique  des  espèces,  que  peu  à  peu 
la  forme  primitive  que  la  nature  a  créée  pour  cette  Dorade  a 
repris,  par  la  force  plastique  de  son  développement,  son  type 
originaire  »  (1).  Toutefois  aucune  observation  n'a  été  faite  à 
cette  époque  ou  depuis  pour  précise,r  la  marche  de  ce  retour 
à  rétat  normal.  Or,  il  m'a  paru  qu'il  se  faisait  avec  une  rapi- 
dité singulière  et  que  ce  n'est  pas  avec  lenteur  comme  le  dit 
l'auteur  précité,  mais  en  quelque  sorte  brusquement.  C'est  au 
moins  ce  que  tendent  à  montrer  des  expériences  entreprises 
à  la  ménagerie  des  Reptiles  du  Muséum  et  dont  il  me  reste 
à  parler. 

Les  premières  observations  furent,  en  quelque  sorte,  in- 
volontairement faites  sur  des  animaux  abandonnés  à  eux- 
mêmes. 

En  1885,  M.  G.  Beauvais  rapportait  de  Singapour  à  la  mé- 
nagerie du  Muséum,  six  Carassiu's  auratus  appartenant  plus 
ou  moins  à  la  variété  dite  Télescope.  Pendant  quatre  ou  cinq 
années,  ces  animaux,  placés  dans  un  des  bacs  de  la  salle  des 
Aquariums,  pondirent  à  différentes  reprises,  mais  les  édu- 
cations, abandonnées  à  elles-mêmes,  marchaient  assez  mal 
et  c'est  par  hasard  que  quelques-uns  des  petits  arrivaient 
à  bien. 

Remarquant,  d'autre  part,  que  des  Poissons  rouges  ordi- 
naires se  multipliaient,  sans  soin  aucun,  avec  la  plus  extrême 
facilité  dans  les  bassins  extérieurs  des  parcs  où  Ton  place 
des  Tortues  pendant  la  belle  saison,  et  que  leur  progéniture 
s'y  développait  en  abondance,  je  pensai  à  y  placer  nos  repro- 
ducteurs monstrueux,  ce  qui  fut  fait  au  printemps  de  1801. 

Il  ne  restait  plus  alors  qu'un  seul  des  exemplaires  ijrimitiis 
et  l'un  des  moins  parfaits  au  point  de  vue  de  la  monstruo- 
sité étant  bien  sphérosome,  mais  avec  exophthalmie  incom- 
plète et  la  queue  simple,  puis,  des  générations  successives, 
un  Individu  de  la  première  ponte  ayant  à  peu  près  l'apparence 

(1)  Cuvier  el  ^'ale  i.Icuulï,  loc.  cit.,  p.  12u. 


LE  CyPlUN  DORÉ  DE  LA   CU'A'E.  495 

du  précédent  sauf  une  diplnroptérie  prononcée,  cinq  autres 
individus  de  la  seconde,  à  peu  près  semblables  à  celui-ci, 
enfin  un  de  la  troisième,  mais  ayant  la  queue  moins  déformée. 
Ces  huit  poissons,  dont  les  sexes  respectifs  n'ont  pu  être 
exactement  déterminés,  furent  pris  comme  reproducteurs. 
Nous  avions  encore  deux  autres  individus  provenant  de  ces 
différentes  pontes,  dont  un  aj^ant  fait  absolument  retour  à  la 
forme  normale,  ils  furent  laissés  à  part.  On  voit  ttjutefois  que 
la  forme  typique  était  déjà  retrouvée. 

Dans  ces  conditions  nouvelles  la  reproduction  s'effectua 
parlaitement  et  l'on  vit  bientôt  un  grand  nombre  de  jeunes. 
La  plupart,  malheureusement,  disparurent  ayant  peut-être 
été  entraînés  dans  le  trop-plein  béant  du  bassin  ou  dévorés 
])ar  les  parents,  plutôt  encore  par  des  Tortues  d'eau  douce 
laissées  dans  le  parc,  ou,  enfin,  détruits  par  quelques-unes 
des  mille  causes,  qui  contrarient  toujours  plus  ou  moins  ces 
sortes  d'éducations.  Quoi  qu'il  en  soit,  au  mois  d'octok'e, 
on  put  recueillir  23  petits.  Sept  d'entre  eux  se  montrèrent 
spliérosomes,  2  en  même  temps  dipluroptères,  mais  sur  les 
5  autres  la  queue  était  simple;  on  a  noté  également  sur  un  de 
ces  exemplaires  la  tendance  marquée  à  tourner  sur  lui-même 
pour  se  tenir  au  repos  le  ventre  en  l'air.  Chez  le  reste  des 
sujets,  l'aijparence  était  à  peu  près  ou  tout  à  fait  normale, 
3  présentant  une  légère  diplnroptérie,  4  exophthalmes  avec 
la  caudale  simple,  mais  les  9  derniers  n'offrant  aucune  ano- 
malie bien  sensible. 

Ces  expériences  étaient,  comme  on  le  voit,  plutôt  prépara- 
toires et,  tout  en  confirnumt  nos  pi'évisious,  c'est-à-dire  la 
tendance  de  ces  monstres  à  retourner  rapidement  au  type 
l)rimitif,  ne  fournissaient  que  des  données  approchées  sur  la 
marche  du  phénomène,  car  les  reproducteurs  ne  pouvaient 
être  regardés  comme  suffisamment  bien  choisis  et  le  nombre 
réduit  des  nouveaux  individus  ne  permettait  pas  d'être  suffi- 
samment à  l'abri  de  graves  ei'r<'urs  sur  la  proportionn;ilifé  des 
sujets  modifiés  en  retour. 

Pour  obtenir  des  résultats  [)his  pi'écis,  j'ai  recommencé, 
l'année  suivante,  l'expérience  en  la  conduisant  d'une  manière 
lilus  méthodique.  On  s'est  d'abord  procuré,  i)ar  l'intermédiaire 
de  M.  .](Minet.  un  couple  de  ces  poissons  présentant  ce  (judii 
jieut  regarder  connue  monstruosité  extrême.  Fis  avaient,  en 
effet,  l'un  et  Tautn-,  le  coi-fis  globuleux,  la  nngf'oirc  ;iti;il(^  d(''- 


4!»(j       UL\UE  DES  SCIENCES  ^NATURELLES  APPLIQUÉES. 

doublée  complètement,  la  caudale  également  dédoublée  en  to- 
talité et  de  plus  quadrilobée.  enfin,  les  yeux  saillants.  Le 
bassin  dans  lequel  on  devait  les  placer,  lut  vidé  complè- 
tement, nettoyé,  et  resta  quelque  temps  à  sec,  pour  être 
certain  de  n'y  laisser  subsister  aucun  des  poissons,  qui  l'a- 
vaient occu[)é  précédemment  On  eut  la  précaution  de  retirer 
toutes  les  Tortues  d'eau  douce,  Emydes,  Cistudes,  etc.,  lais- 
sant dans  le  parc  les  Tortues  mauritaniques  seulement, 
espèce  terrestre  de  petite  taille,  plutôt  herbivore  et  qui,  en 
tout  cas,  n'attaque  pas  les  poissons. 

M.  Desguez,  commis  de  la  ménagerie,  qui  suivait  ces  expé- 
riences avec  son  zèle  ordinaire,  vit,  pendant  quelque  temps,  le 
couple  de  Cyprins  télescopes  nager  çà  et  là  sans  se  recher- 
cher, puis  on  n'en  aperçut  plus  qu'un,  la  femelle,  le  mâle 
avait  disparu.  Il  fut  heureusement  possible  de  s'en  procurer 
un  autre,  qui  vint  remplacer  le  premier. 

La  chaleur  augmentant  avec  le  cours  de  la  belle  saison,  les 
animaux  parurent  prendre  plus  d'activité  et  bientôt,  en  effet, 
eut  lieu  une  première  ponte,  car  le  27  juin,  se  montrè- 
rent une  multitude  de  petits  très  actifs,  qu'on  voyait  se 
chauffer-  au  soleil,  sur  le  bord  incliné  du  bassin  et  poursuivre 
avec  vivacité  les  animalcules  dont  ils  faisaient  leur  nour- 
riture. 

On  préleva,  à  cette  époque  (2S  juin  1892),  une  demi-dou- 
zaine de  ces  poissons  pour  un  examen  préparatoire.  Leur 
longueur  variait  de  O-^.UlO  à  0'",012  ;  la  forme  du  corps 
et  la  saillie  des  yeux  étaient  sensiblement  les  mêmes  chez 
tous,  on  n'observa  de  variation,  mais  très  appréciable,  que 
dans  les  nageoires  impaires  Trois  d'entre  eux  étaient  à  la  fois 
diplhypoptères  et  diplui-optères,  cette  dernière  anomalie  allant 
jusqu'à  la  division  de  la  caudale  en  lobes:  deux  avec  l'anale 
régulièrement  conformée,  présentaient  la  caudale  modifiée 
des  précédents;  le  dernier,  enfin,  n'avait  pour  toute  difîbrmité 
qu'une  caudale  à  bord  supérieur  simplement  replié  (ptjxhu- 
roptérie).  A  cette  période  du  développement,  les  écailles  ne 
sont  pas  encore  déveloi)pées  et  la  coloration,  il  est  à  peine 
besoin  de  le  dire,  était  chez  tous  uniforme. 

Le  restant  des  individus  fut  laissé  dans  le  bassin  où  ils  con- 
tinuèrent à  se  développer,  formant  une  population  des  plus 
remuantes  et  des  plus  vigoureuses  ;  il  est  vrai  que  la  chaleur 
et  la  continuité  du  beau  temps,  qui  caractérisèrent  cette  an- 


LE  CYPRIN  DORÉ  DE  LA  CHINE.  497 

née,  fut  particulièrement  favorable  à  ces  animaux.  Il  dut  y 
avoir  une  seconde  ponte,  car  à  un  moment  on  vit  apparaître 
des  individus  de  très  petite  taille  au  milieu  des  précédents  ; 
peu  de  temps  après  il  devint  impossible  de  les  distinguer  de 
ceux  de  la  première  génération. 

Au  mois  d'octobre  une  pêche  générale  fut  effectuée  et  l'on 
recueillit  117  individus.  Le  nombre  en  aurait  dû  être  certai- 
nement beaucoup  plus  considérable ,  mais  sans  parler  de 
quatre  exemplaires  donnés  au  mois  d'août  à  M.  le  professeur 
Sabatier  de  Montpellier,  plusieurs  des  causes  indiquées  pré- 
cédemment en  avaient  fait  disparaître  une  certaine  quantité. 

Ces  in  Cyprins  furent  examinés  un  à  un  et  répartis  par 
sortes,  en  ayant  particulièrement  égard  à  la  disposition  de 
l'anale  et  de  la  caudale. 

Le  premier  groupe  comprend  les  individus  rappelant  le  type 
des  parents,  c'est-à-dire  ayant'  l'anale  double  et  la  caudale 
entièrement  divisée,  étalée.  Il  renferme  36  sujets,  tous  sphé- 
rosomes  et  la  plupart  exophthalmiques,  quatre  seulement 
faisant  exception  pour  ce  dernier  point. 

Le  second  groupe  est  formé  des  individus  ayant  l'anale 
simple,  mais  la  caudale,  entièrement  divisée,  étalée  comme 
chez  les  précédents.  Quant  à  l'anale  il  est  bon  de  remar- 
quer que,  pour  ne  pas  multiplier  par  trop  les  divisions,  on  a 
compris  ici  quelques  individus,  deux  ou  trois,  ayant  bien  cette 
nageoire  simple  dans  sa  portion  molle,  mais  avec  l'épine  dure 
antérieure  divisée  (mérodiplhypoptérie).  Ce  gTou[)e  est  de 
beaucoup  le  plus  nombreux,  on  y  compte  63  individus.  Le 
corps  est  encore  globuleux;  quelques  sujets  n'ont  pas  les 
yeux  saillants,  mais,  normalement  à  fleur  de  tète. 

Enfin  dans  un  troisième  groupe  sont  placés  les  individus 
avec  l'anale  et  la  caudale  simples.  Ici  encore  je  fais  entrer  un 
certain  nombre  de  sujets  chez  lesquels  le  bord  supérieur  de  la 
caudale  se  replie  formant  duplicature  (ptychuroptérie).  Ces 
animaux  sont  au  nombre  de  18,  le  corps  tend  à  s'allonger,  les 
yeux  sur  trois  d'entre  eux  ne  sont  pas  saillants,  nous  trouvons 
donc  là  des  sujets  les  uns  se  rapprochant  beaucoup  du  type 
normal,  d'autres  le  redonnant  d'une  manière  complète. 

Ainsi  dès  une  première  génération  obtenue  de  sujets  choisis, 
la  tendance  à  la  forme  originelle  se  manifeste  avec  une  incon- 
testable énergie,  car  un  tiers  à  peine,  31  "/o,  reproduisent  en 
totalité  les  caractères  anormaux  des  parents.  Le  plus  grand 

D  Juin  181-3.  32 


498  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

nombre,  soit  54  0/0,  la  moitié  si  l'on  veut,  tout  en  conservant 
quelques-unes  des  particularités  anormales,  la  queue  divisée 
et  étalée,  ont  cependant  déjà  l'anale  simple.  Enfin,  le  reste, 
15  0/0,  environ  le  sixième  ou  le  septième  du  nombre  total, 
perdent  plus  ou  moins  complètement,  peut-on  dire,  les  carac- 
tères monstrueux  des  parents  pour  reprendre  l'apparence  du 
type  primitif. 

Il  n'est  donc  guère  douteux  que,  par  une  sélection  con- 
venable, c'est-â-dire  en  employant  pour  la  reproduction, 
comme  nous  comptons  le  faire,  les  sujets  du  dernier  groupe, 
la  forme  originelle  ne  devienne  de  beaucoup  prédominante 
et  que  dès  la  deuxième  ou  troisième  génération,  le  type 
primitif  seul  soit  reproduit. 


UN  NOUVEAU  FLÉAU 

DE  NOTRE  RICHESSE   POMOLOGIQUE 


LA   CIIEIMATOBIA   BRUMATA    (Duponchel) 
MOYENS  RATIONNELS  DE  DESTRUCTION  j 

Par  m.  DECaUX, 
Membre    de    la    Société    eulomologique    de    France, 


Depuis  cinq  ou  six  ans,  et  probablement  plus  longtemps, 
les  Pommiers  à  cidre  et  ceux  des  jardins  et  des  pépinières  du 
département  du  Calvados  et  pays  voisins,  sont  attaqués  par 
un  Papillon  de  la  lamille  des  nocturnes,  de  la  tribu  des  pha- 
lénites,  du  genre  (1)  CheimatoMa. 

La  CHEIMATOBIA  BRUMATA,  Dup.,  est  beaucoup  plus 
nuisible  aux  Pommiers  q\\Q'VAnthonome. 

Les  agriculteurs  de  la  Normandie,  de  la  Bretagne  et  de  la 
Picardie,  cultivant  le  Pommier  à  cidre,  effrayés  à  juste  titre 
de  ce  nouveau  fléau,  ont  émis  le  vœu  (Assemblée  de  la  Société 
des  agriculteurs  de  France,  février  1893)  que  le  transport  des 
jeunes  Pommiers  provenant  des  pays  infestés  par  la  Cheima- 
toMa,  soit  prohibé  pour  empêcher  la  propagation  de  cet  in- 
secte. Nous  ferons  connaître,  plus  loin,  l'insuffisance  de  cette 
mesure. 

Description  de  l'insecte. 

Pajiillon mâle  [flg.  1  a).  —Long.  12 millimètres,  envergure 
22  à  25  millimètres,  gris,  antennes  ciliées,  moins  longues  que 
le  corps;  tète  et  corselet  d'un  gris  brun  ;  abdomen  d'un  gris 
jaunâtre;  ailes  supérieures  d'un  gris  roussâtre,  traversées 

(1)  Il  a  passé  dans  divers  genres  et  s'est  appelé  :  Geometra  brumnta  (Linni';\ 
Phalœna  bi:umata  (Latr.),  l'Iialœiia  hijehialis  (DEuiiiiii.),  Acidalia  bnniiata 
(Treits.). 


500  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

par  quatre  petites  lignes  d'une  teinte  pins  Ibncée,  légèrement 
dentées  en  scie  ;  ailes  inierienres  gris-roiissâtre,  un  peu  plus 
pâle,  avec  l'apparence  de  deux  petites  raies  obscures. 

Papillon  feimdleifig.  1  &).  —  Long.  12 millimètres,  d'un  gris 
noirâtre,  avec  le  corps  épais  et  raccourci,  aptère  ou" plutôt 
n'ayant  que  deux  très  petits  moignons  d'ailes  grisâtres,  mar- 


i  a.  Ckeimatobia  hiumata  mâle.  —  -/  h.  Femelle.  —  7  r.  Clienille.  —  1  d.  Chry- 
^  i    salide.  —  -/  c.  Femelle  enj^'luee.  —   /  /;   Cocons  parasites  sur  la  Cheuille 
jTroEsie. 
.2  a.  Gcometra  defvliaiia  mâle.  —  ^  h.  Ftmelle. 


qués  d'une  petite   raie  noire  ;  pattes  longues,  annelées"  de 
blanc  et  de  noir  et  munies  d'épines. 

Clienille  [fig.  i  c).  —  Long.  12  à  15  millimètres,  vert  pâle  ou 
vert  blanchâtre,  portant  sur  son  dos  des  raies  longitudinales 
blanches^  trois  de  chaque  côté  de  la  ligne  dorsale,  qui  est 
d'un  vert  un  peu  pins  l'oncé  que  le  reste,  elle  n'a  que  dix 
pattes,  six  en  devant  sous  les  trois  premiers  segments,  deux 


UN  NOUVEAU  FLEAU  LE  NOTRE  RICHESSE  POMOLOGIQUE.        501 

sur  le  dixième  segment  et  deux  à  l'extrémité  de  son  corps.  On 
les  désigne  sous  le  nom  d'arpenteuses,  parce  qu'en  marchant 
elles  semblent  mesurer  l'espace,  en  y  appliquant  la  longueur 
de  leur  corps. 

t 

Historique. 

Dès  1777,  la  Ch.  brimiata  (Dur.)  a  été  signalée  en  Suède, 
par  Esper  (Die  Sclwietterlinge  in  abdildimgen  nach  der 
naiur.,  Erlanger  1777,  V.  1794,  supp.  Hs  1804). 

Ce  savant  professeur  fait  connaître  les  immenses  dégâts 
causés  par  la  Chenille,  aux  forêts  de  Chênes  des  environs 
d'Erlanger;  il  recommande  en  octobre  de  placer  autour  des 
arbres  une  bande  rendue  gluante,  avec  du  goudron  de  Nor- 
vège, qu'on  renouvelle  chaque  fois  qu'elle  se  dessèche;  par  ce 
procédé,  il  aurait  arrêté  28,000,000  de  femelles  qui  restèrent 
empêtrées  sur  les  bandes  gluantes. 

En  1785,  un  entomologiste  parisien,  Buc'hoz  (Histoire 
des  insectes,  p.  315,  éditée  chez  Guillot,  rue  Saint-Jacques) 
rapporte  au  sujet  de  la  ChewiatoMa  «  on  peut  enduire  tout 
»  le  tour  du  tronc,  à  la  largeur  de  deux  pouces  avec  une  ma- 
»  tière  gluante  et  visqueuse  ;  lorsqu'elles  veulent  se  tramer 
»  (les  chenilles  et  les  femelles)  sur  cette  barrière,  leur  pattes 
»  s'y  attachent,  et  elles  ne  peuvent  plus  avancer;  alors  il 
»  faut  avoir  soin  de  visiter  l'arbre  de  temps  en  temps,  afin 
»  d'ôter  les  insectes  qui  sont  pris  au  piège  qu'on  leur  a  tendu 
»  pour  les  écraser  ;  si  on  les  laissait,  leur  corps  servirait  de 
»  planche  à  d'autres  pour  traverser  la  barrière  sans  s'en- 
»  gluer.  » 

Le  même  savant  recommande  de  faire  brûler  sous  les 
arbres,  de  la  paille  mouillée  en  y  ajoutant  un  peu  de  soufre, 
la  fumée  très  épaisse  qui  monte  dans  l'arbre  étourdit  les 
Chenilles  qui  tombent  i)ar  terre,  il  faut  les  écraser  tout  de 
suite,  autrement,  dès  qu'elles  seraient  revenues  de  cet  état 
elles  regagneraient  les  arbres. 

M.  Briiand  d'Uzelle  [Catalogue  systématique  des  Lépidop- 
tères, Besançon,  1845)  conseille  également  de  placer  des  an- 
neaux gluants  autour  des  arbres,  pour  empêcher  les  chenilles 
et  les  femelles  de  monter  aux  arbres. 

M.  Delacourt  {Essai  sur  tes  insectes  qui  attaquent  les 
arbres  fruitiers,  1850)  fait  bien  connaître  les  mœurs  de  la 


502  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Clieimatobia  et  préconise  les  tandes  gluantes  pour  empêcher 
les  femelles  de  monter  aux  arbres. 

M.  Goureau,  dans  son  excellent  ouvrage  :  Des  insectes 
nuisibles  aux  arWes  fruitiers,  etc.,  1862,  signale  plusieurs 
insectes  qui  vivent  en  parasites  aux  dépens  des  chenilles  de 
Ch.  hrumata,  nous  en  parlerons  plus  loin. 

Il  appelle  l'attention  sur  une  maladie  de  la  chenille  Cheima- 
tobia,  qui  lui  paraît  plus  grave. 

a  Elles  nourrissent  dans  leur  corps  un  ver  de  la  grosseur 
»  d'un  fil,  long  de  4  à  5  centimètres,  ressemblant  exactement 
»  à  un  morceau  de  chanterelle  de  violon  pour  la  grosseur,  la 
»  couleur  et  la  consistance.  Ces  Vers  intestinaux,  du  genre 
»  FUaria,  arrivent  à  toute  leur  croissance  vers  le  com- 
»  mencement  de  juin  et  sortent  du  corps  des  chenilles  par 
»  l'anus,  ce  qui  indique  qu'ils  se  tiennent  dans  le  tube  intes- 
»  tinal.  » 

Il  ne  nous  a  pas  été  donné  de  pouvoir  vérifier  cette  obser- 
vation pour  cette  espèce  ;  mais  nous  avons  déjà  trouvé  des 
Vers  semblables  dans  plusieurs  autres  espèces  de  chenilles. 

M.  le  D""  Boisduval  (Essai  sur  Ventomologie  horticole, 
1866)  confirme  ce  qui  a  été  dit  par  ses  prédécesseurs  :  sur 
la  ponte  en  novembre  d'environ  250  œufs,  déposés  par  la 
femelle  par  petits  groupes  de  4  à  6  œufs  à  la  base  des  bour- 
geons, etc. . . 

Comme  on  le  voit,  tous  les  auteurs,  depuis  Esper  {17'77), 
ont  préconisé  les  bandes  gluantes  pour  détruire.  Ch.  bru- 
mata  sans  ajouter  aucun  autre  procédé.  Nous  allons  voir,  en 
étudiant  plus  intimement  les  mœurs,  que  les  bandes  gluantes, 
tout  en  donnant  d'excellents  résultats,  ne  suffisent  pas  dans 
le  cas  d'une  forte  invasion  de  Cheimaiobia. 

Dans  une  brochure,  Le  Pommier,  ses  principaux  ennemis 
(Ceuille  des  jeunes  naturalistes,  juillet  et  août  1892),  nous 
avons  déjà  exposé  succinctement  les  mœurs  et  les  divers 
moyens  à  employer  pour  détruire  Ch.  brumala.  Nous  nous 
proposons,  dans  cette  étude,  de  compléter  ce  travail  par  de 
nouvelles  observations  personnelles. 

Mœurs. 

La  Cheimatobia  b^mmata  (Dup.)  est  un  Papillon  crépus- 
culaire n'ayant  qu'une  génération  par  an.  La  ponte  a  lieu  du 


TJX  NOUVEAU  FLÉAU  DE  NOTRE  RICHESSE  POMOLOGIQUE.        o03 

24  octobre  au  6  ou  8  décembre.  La  femelle,  qui  n'a  que  des 
moignons  d'ailes  impropres  au  yoI  ,  grimpe  avec  la  plus 
grande  facilité  après  le  tronc  des  arbres  ;  après  l'accouple- 
ment qui  a  lieu  sur  le  Pommier,  elle  gagne  les  parties  les  plus 
élevées  pour  y  déposer  ses  œufs  par  petits  paquets  de  2  à  6 
œufs,  à  la  base  des  boutons  à  fleurs,  des  boutons  à  feuilles  et 
sur  les  lichens  qui  végètent  sur  Pécorce  des  jeunes  pousses 
de  deux  ans;  ces  œufs,  à  peine  visibles  à  l'œil  nu,  sont  d'un 
gris  verdâtre,  et  la  femelle  en  pond  200  à  250  ;  elle  les  assu- 
jettit au  moyen  d'une  gomme  qui  se  dessèche  et  que  les  pluies 
ne  peuvent  plus  dissoudre  ;  ils  peuvent  résister  aux  froids  les 
plus  rigoureux.  Il  n'est  pas  rare,  en  Suède,  de  voir,  en  hiver, 
la  température  s'abaisser  à  28"  ou  30  centigrades  au-dessous 
de  zéro,  les  œufs  de  CheimatoUa  n'en  ont  jamais  souffert. 

Les  éclosions  de  femelles  et  la  ponte  sur  l'arbre  se  prolon- 
gent pendant  environ  40  à  45  jours,  elles  commencent  géné- 
ralement vers  le  24  ou  le  28  octobre  et  se  terminent  vers  le 
5  au  10  décembre  ;  la  grande  montée  des  femelles  a  lieu  du 
2  au  28  novembre. 

On  comprend  sans  peine,  que  par  une  soirée  douce,  la 
montée  est  beaucoui)  plus  importante  que  par  un  temps  froid 
au-dessous  de  zéro  degré.  Cependant  nous  avons  observé 
qu'une  gelée  de  6  à  8°  centigrades  ne  tue  pas  les  Papillons 
éclos  de  la  veille,  ils  restent  engourdis,  cachés  dans  les 
herbes  ;  qu'en  outre ,  il  y  a  très  peu  de  montée  avec  de  la 
gelée. 

Les  œufs  commencent  à  éclore  au  printemps,  vers  le  mi- 
lieu d'avril,  selon  la  température,  l'éclosion  peut  se  continuer 
chaque  jour  jusqu'au  10  mai. 

En  naissant,  la  Chenille  attaipie  les  extrémités  encore 
tendres  des  bourgeons  qui  vont  s'épanouir,  bientôt  elle  s'en- 
fonce dans  le  bouton  et  s'y  installe,  mais  que  ces  boutons 
doivent  donner  des  fleurs  ou  des  feuilles,  elle  prend  presque 
toujours  la  précaution  d'en  lier  l'extrémité  avec  un  fil  de 
soie  pour  empêcher  que  les  écailles,  en  s'épanouissant,  ne  la 
laissent  sans  abri.  Lorsque  les  pétales  commencent  à  s'allon- 
ger, les  Chenilles  s'installent  dans  la  corolle  qu'elles  rongent 
jusqu'au  réceptacle  qui  i)orte  les  organes  de  la  fécondation,  il 
est  évident  que  les  fleurs  ainsi  mutilées  ne  se  nouent  pas  et 
ne  donnent  pas  de  fruit.  Si  quchpie  fruit  vient  à  se  nouer, 
elles  le  recherchent  avec  encore  plus  d'avidité  et  le  dévorent 


o04  KEVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

entièrement,  à  l'exception  de  la  queue.  Lorsque  cette  nour- 
riture Tient  à  leur  manquer,  elles  se  rejettent  sur  les  feuilles 
les  plus  tendres  ;  vers  le  15  au  20  mai,  elles  ont  de  10  à  12  mil- 
limètres de  longueur.  Lorsqu'elles  sont  nombreuses,  l'arbre 
est  bientôt  dépouillé.  Les  arbres  ainsi  dénudés  de  verdure 
paraissent  avoir  été  brûlés  par  la  flamme,  il  n'est  pas  rare 
d'en  voir  mourir  dès  la  première  année.  En  tout  cas,  ces 
arbres  demandent  plusieurs  années  de  soins  pour  se  refaire 
et  donnent  rarement  des  fruits  l'année  suivante;  si  les  feuilles 
sont  dévorées  plusieurs  années  de  suite,  l'arbre  ne  tarde  pas 
à  périr. 

Dans  les  pépinières,  les  Chenilles  mettent  les  jeunes  arbres 
dans  un  état  pitoyable,  dès  que  l'arbre  est  dépouillé,  elles  se 
hâtent  de  l'abandonner  pour  en  attaquer  un  autre  à  leur  por- 
tée ;  si  elles  n'en  trouvent  point,  elles  se  laissent  pendre  à  un 
fil  qui  les  conduit  à  terre,  où  souvent  elles  meurent  de  faim, 
sans  pouvoir  se  chrjsalider. 

Vers  le  5  au  10  juin,  la  Chenille,  arrivée  à  son  entier  déve- 
loppement, quitte  l'arbre  au  crépuscule,  pénètre  en  terre  à  la 
profondeur  de  6  à  10  centimètres,  ou  se  blottit  sous  une 
pierre,  sous  une  motte  de  terre,  pour  opérer  sa  transforma- 
tion en  nymphe  dans  un  cocon  qu'elle  forme  en  agglutinant 
autour  d'elle  des  parcelles  de  terre.  La  chrysalide  est  longue 
d'environ  un  centimètre  et  est  d'un  brun  clair. 

La  Chrysalide  reste  en  terre  sous  cette  forme  jusque  vers 
le  20  octobre,  époque  où  commencent  les  premières  éclosions 
de  Papillons. 

Remarques  importantes. 

En  1872,  nous  avons  eu  à  lutter  contre  un  envahissement 
de  CTieimatoMa  brimiaia  ,  dans  le  département  du  Nord 
(Beaurain).  Les  Pommiers  et  les  Poiriers  des  jardins  et  des 
vergers  furent  dépouillés  de  leurs  feuilles  et  de  leurs  fruits, 
plusieurs  arbres  moururent. 

Après  avoir  consulté  les  auteurs  dont  il  a  été  parlé  ci-des- 
sus, vers  le  20  octobre,  je  fis  appliquer  sur  le  tronc  des 
arbres  des  bandes  de  fort  papier,  de  20  centimètres  de  large, 
recouvertes  d'un  mélange  par  parties  égales  :  de  goudron  de 
Norvège  et  d'huile  commune,  ou  de  coaltar  et  huile  dans  les 
mêmes  proportions  ;  un  nombre  considérable  de  femelles  fu- 


UX  NOUVEAU  FLÉAU  DE  NOTRE  RICHESSE  POMOLOGTQUE.       50o 

rent  arrêtées  (12  à  1800  pour  certains  arbres),  en  outre,  une 
•  quantité  innombrable  d'insectes  de  divers  ordres  s'engluaient 
chaque  jour,  soit  en  volant,  soit  en  grimpant  ou  en  descen- 
dant de  l'arbre. 

Nous  avons  constaté  : 

1°  Que  le  vent  desséchait  le  mélange  gluant  et  lui  enlevait 
ses  qualités  poisseuses  après  trois  à  cinq  jours,  qu'il  lallait 
donc  renouveler  ce  mélange  au  moins  tous  les  cinq  jours. 

2°  Que  le  froid  au-dessous  de  zéro  degré  durcissait  le  mé- 
lange gluant  et  diminuait  son  action  préservatrice. 

3"  Que  lorsque  beaucoup  d'insectes  étaient  englués  sur  la 
bande,  si  l'on  ne  prenait  pas  soin  de  la  nettoyer  et  de  remettre 
une  nouvelle  couche  de  mélange,  un  certain  nombre  de  fe- 
melles trouvaient  moyen  de  franchir  le  piège  en  passant  par 
dessus  les  insectes  englués. 

4°  Qu'il  suffisait  de  50  à  100  femelles  ayant  franchi  le  piège, 
pour  voir  l'arbre  envahi  au  printemps  par  10,000  à  20,00() 
chenilles. 

5°  Mais,  ce  qui  est  beaucoup  plus  grave  et  complique  les 
difficultés  pour  arrêter  ce  fléau,  c'est  la  possibilité  pour  cette 
chenille,  de  vivre  sur  une  quantité  d'espèces  d'arbres  et  d'ar- 
brisseaux, nous  l'avons  trouvée  sur  : 

Le  pommier,  le  poii'ier,  l'orme,  le  marronnier,  le  chêne,  le 
frêne,  le  tilleul,  etc.,  les  haies  d'aubépine  et  même  sur  les  ro- 
siers d'une  corbeille,  qu'elles  ont  dépouillés  de  leurs  feuilles 
en  quelques  jours. 

^  Les  vergers  étant  entourés  de  haies  et  d'arbres  divers,  il  y  a 
là  un  foyer  d'infection  qu'il  est  impossible  de  combattre  avec 
les  anneaux  gluants.  Nous  ferons  connaître  plus  loin  les  pro- 
cédés que  nous  avons  adjoints  et  qui  nous  ont  permis  de  faire 
disparaître  ce  fléau  en  quelques  années. 

Contamination. 

Des  observations  qui  précèdent,  il  est  facile  de  comprendre 
qu'il  ne  suffit  jias  d'interdire  le  transport  dea  jeunes  pom- 
miers provenant  de  i)ays  contaminés  par  la  Cheimalobia 
brumata  pour  empêcher  la  propagation  du  mal;  pour  être  lo- 
gique, il  faudrait  aussi  prohiber  le  transport  de  presque  toutes 
les  espèces  d'arbres,  aubépines,  rosiers,  etc. 

Normalement  la  contamination  se  fait  de  proche  en  proche. 


506  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

un  peu  par  les  chenilles  et  beaucoup  par  le  papillon  femelle. 

Il  nous  a  été  donné  d'observer  en  novembre,  vers  10  heures 
du  soir,  dans  le  Bois  de  Boulogne,  sur  la  lanterne  d'un  bec  de 
gaz,  placé  sur  la  route  longeant  la  Seine,  en  lace  le  champ 
d'entraînement,  un  certain  nombre  de  J  et  $  de  CheimatoMa 
brumata,  les  uns  accrochés  après  la  lanterne,  d'autres  grim- 
pant après  la  colonne,  et  enfin,  quelques  accouplements  tom- 
bés à  terre.  Cette  partie  du  bois  étant  dénudée  à  part  quelques 
grands  peupliers,  j'ai  tout  lieu  de  croire  que  ces  femelles  pro- 
venaient du  château  de  Bagatelle  situé  à  4  à  500  mètres  de 
ce  bec  de  gaz. 

Quant  à  l'hj-pothèse  que  les  femelles  accouplées  sont  em- 
portées au  vol  par  les  mâles,  cela  me  paraît  impossible,  j'ai 
toujours  vu  la  femelle  traînant  le  mâle,  soit  sur  les  branches, 
soit  par  terre  ou  sur  le  tronc  de  l'arbre. 

Moyens  de  destruction. 

Le  papillon  femelle  de  la  Ch.  brwnata  n'ayant  que  des  ailes 
impropres  au  vol,  il  faut  l'empêcher  de  monter  pondre  sur  les 
arbres,  partout  où  cela  sera  possible,  avec  les  bandes  gluantes. 

Après  de  nombreux  essais,  nous  avons  simplifié  la  manière 
d'attacher  la  bande,  en  supprimant  les  ficelles,  et  obtenu  un 
mélange  poisseux  bien  supérieur  à  ceux  que  nous  avions  em- 
ployés en  1873. 

1°  Bandes  gluantes.  —  Du  23  octobre  au  8  décembre,  on 
devra  placer  des  bandes  de  fort  papier  de  20  centimètres  de 
large  et  d'une  longueur  appropriée  à  la  grosseur  des  arbres 
de  façon  à  ce  qu'elles  se  croisent  d'environ  10  centimètres,  la 
partie  à  croiser  sera  enduite  du  mélange  gluant  et  en  fera  un 
anneau  bien  ajusté  sur  l'arbre,  sans  avoir  à  employer  de  fi- 
celles. On  placera  ces  bandes  sur  les  arbres,  à  peu  près  à  égale 
distance  entre  le  sol  et  les  premières  branches  et  on  les  i^ecou- 
vrira  de  l'un  des  mélanges  suivants  : 

1er  mélange  :  Coaltar  —  une  partie,  glycérine  non  rectifiée, 
—  une  partie. 

2«  mélange  :  Goudron  de  Norvège  —  une  partie,  glycérine 
non  rectifiée,  —  une  partie. 

Ces  mélanges  conservent  leur  viscosité  pendant  huit  à  dix 
jours  et  quelquefois  plus  longtemps. 

Pour  empêcher  le  mélange  de  couler  sur  l'arbre,  on  fera 


TJN  NOUVEAU  FLÉAU  DE  NOTRE  RICHESSE  POMOLOGIQUE.        507 

bien  de  disposer  un  petit  lien  de  foin  au  bas  de  la  bande,  c'est 
un  nouvel  obstacle,  pour  empêcher  la  femelle  d'arriver  jus- 
qu'aux branches. 

On  peut  remplacer  la  glycérine  par  de  l'huile  de  poisson 
qui  est  meilleur  marché,  mais  ce  mélange  se  dessèche  bien 
plus  vite  (quatre  à  cinq  jours).  En  tous  cas,  il  estmdispensable 
de  s'assurer  souvent  du  degré  de  viscosité,  et  regarnir  les 
bandes  pour  les  entretenir  toujours  gluantes  et  propres  pen- 
dant toute  la  période  d'éclosion  :  du  23  octobre  au  8  décembre, 
c'est-à-dire  pendant  quarante-cinq  jours. 

2"  Les  mêmes  bandes  gluantes  placées  autour  des  arbres, 
du  10  mai  au  10  juin,  pourront  engluer  les  chenilles  tombées 
des  arbres  et  qui  grimpent  après  le  tronc  pour  arriver  aux 
branches. 

3^  Schmidberger,  savant  allemand,  assure  qu'il  a  obtenu  un 
«  succès  complet  au  moyen  d'une  caisse  sans  fond,  en  planches 
»  grossières  d'un  pied  de  haut,  enfermant  la  tige  de  l'arbre. 
»  On  l'enfonce  en  terre  à  une  profondeur  de  3  centimètres, 
»  après  avoir  cloué  le  quatrième  côté  resté  libre  pour  pouvoir 
»  la  passer  autour  du  tronc.  Sur  le  bord  supérieur,  on  attache 
»  une  petite  tringle  de  bois  de  8  à  10  centimètres  de  large, 
»  formant  corniche  tout  autour.  On  barbouille  fortement  le 
»  dessous  de  coaltar.  Cette  boîte  restera  en  place  du  20  octobre 
»  au  15  décembre,  elle  empêchera  sûrement  les  papillons  fe- 
»  melles  de  monter  à  l'arbre.  » 

Nous  avons  expérimenté  ce  piège  pour  deux  pommiers,  en 
remplaçant  la  corniche  en  bois  enduite  de  coaltar,  qui  se  des- 
sèche promptement  et  qu'il  faut  entretenir  gluante,  avec  les 
mêmes  soins  que  les  bandes  gluantes,  par  une  lame  en  zinc, 
lisse,  de5  à  8  centimètres,  légèrement  inclinée  en  gouttière.  Le 
succès  a  été  complet.  Ces  pièges,  remisés  après  les  éclosions, 
se  conservent  longtemps  et  peuvent  être  établis  à  bas  prix. 

Malgré  certains  avantages  de  ces  boites,  qui,  une  fois  en 
place,  n'exigent  aucune  surveillance  de  l'agriculteur,  nous 
leur  préférons  le  vieux  système  des  bandes  gluantes  bien  sur- 
veillées, qui  retiennent  i)risonnières  et  font  périr  les  femelles 
engluées  ;  tandis  que  les  boites  préservent  les  arbres  en  em- 
pêchant les  femelles  de  franchir  la  bande  de  zinc,  mais  les 
papillons,  après  des  essais  infructueux,  peuvent  toujours  aller 
perpétuer  leur  espèce  sur  d'autres  arbres  moins  bien  pré- 
servés et  augmenter  le  fléau. 


508  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

4°  Destruction  des  œufs.  —  Pendant  Thiver,  du  15  décem- 
bre au  15  février,  on  devra  badigeonner  les  pommiers  et 
autres  arbres  qu'on  suppose  contaminés  avec  un  lait  de  chaux 
fort.  A  la  fin  de  février,  on  enlèvera  avec  soin  les  lichens 
végétant  sur  les  jeunes  branches,  de  une  à  trois  années,  avec 
une  brosse  dure;  nous  savons  que  les  lichens  renferment  une 
partie  des  œufs  de  Ch.  bnimata;  tous  ces  résidus  devront  être 
détruits  par  le  feu. 

5°  Destruction  des  chrysalides.  —  Du  20  juin  au  20  oc- 
tobre, la  chrysalide  se  trouve  enfoncée  en  terre  à  une  prol'on- 
deur  de  6  à  10  centimètres.  Dans  les  parties  cultivables,  les 
jardins,  les  pépinières,  le  long  des  haies  (sous  les  pommiers 
des  vergers  s'il  est  possible),  on  devra  labourer  souvent  pour 
ramener  les  chrysalides  à  la  surface  du  sol  où  elles  seront 
dévorées  par  les  oiseaux  ou  détruites  par  la  sécheresse. 

6°  Destruction  des  chenilles  en  semant  sous  les  arbres,  au 
mois  de  mai  (10  au  15),  un  mélange,  par  portions  égales,  de 
suie  de  cheminée  et  de  cendres  de  bois  ou  de  tourbe.  Ce  pro- 
cédé de  destruction  est  basé  sur  les  nombreuses  observations 
faites  par  nous,  qui  ont  démontré  que  toute  larve  ou  chenille 
envelo'ppée  par  ce  mélange  est  prise  de  convulsions  et  ne 
tarde  pas  à  périr.  Or,  pour  entrer  en  terre,  les  larves  devront 
traverser  d'abord  la  légère  couche  de  suie  et  cendres  et  péri- 
ront sûrement.  Pour  les  pâture^,  on  éloignera  le  bétail  des 
parties  traitées  du  10  mai  au  15  juin. 

"7°  En  fumant  les  jardins,  les  pépinières  et  les  pâtures,  avec 
des  chiffons  de  laines  ou  des  déchets  de  coton,  des  étoupes 
imbibés  de  8  à  10  %  de  pétrole,  ou  des  chiffons  imprégnés  de 
pétrole  provenant  de  l'essuyage  des  machines  et  de  la  lam- 
pisterie  des  compagnies  de  chemins  de  fer  et  enfouis  dans  la 
proportion  de  3,000  kilos  à  l'hectare.  Des  expériences  renou- 
velées plusieurs  fois  nous  ont  démontré  qu'aucune  larve  d'in- 
secte :  chenilles,  vers  hlancs,  vers  gris,  courtilières,  etc.,  ne 
pouvait  vivre  dans  le  voisinage  immédiat  de  ce  foyer  continu 
d'émanations  infectes  pendant  des  années. 

8"  Destruction  en  développant  les  ennemis  naturels.  — 
En  introduisant  dans  les  jardins  et  les  vergers  deux  à  trois 
Crapauds  par  are  de  superficie.  Le  Crapaud  commence  sa 
chasse  aussitôt  après  le  coucher  du  soleil  et  la  continue  toute 
la  nuit;  il  dévore  chaque  jour  un  nombre  incalculable  de  che- 
nilles, de  charançons,  limaces  et  autres  insectes  nocturnes 


UN  NOUVEAU  FLÉAU  DE  NOTRE  RICHESSE  POMOLOGIQUE.        509 

des  plus  nuisibles.  La  chenille  de  Ch.  hrumaia,  soit  qu'elle 
tombe  de  l'arbre,  soit  qu'elle  descende  pour  se  métamor- 
phoser, ne  peut  échapper  à  sa  voracité.  En  outre,  il  a 
une  prédilection  pour  le  papillon  femelle  qu'il  avale  à  mesure 
des  éclosions  en  octobre  et  novembre,  lorsque  la  température 
reste  douce;  malheureusement  le  IVoid  l'engourdit  souvent 
Yers  le  15  novembre.  C'est  grâce  à  ce  précieux  auxiliaire  que 
je  suis  parvenu  à  arrêter  l'extension  de  la  Cheimatobia  dans 
le  Nord,  en  1873.  J'ai  indiqué  le  moyen  de  le  multiplier,  sans 
frais,  à  l'infini  (1). 

9°  En  protégeant  les  petits  oiseaux  insectivores  et  en  cher- 
chant à  les  fixer  dans  les  vergers,  en  leur  disposant  des  nids 
artificiels.  L'arpenteuse  "verte  est  une  des  chenilles  que  les 
oiseaux  recherchent  de  préférence  aux  autres  pour  la  nour- 
riture de  leurs  petits;  nous  avons  suivi  un  couple  de  mé- 
sanges charbonnières  :  chacun  d'eux  porte  à  ses  petits  une 
chenille  toutes  les  deux  à  trois  minutes;  il  devient  facile 
d'apprécier  l'immense  quantité  qu'elles  détruisent  et  tout 
l'intérêt  que  nous  avons  à  protéger  d'aussi  utiles  auxiliaires. 

En  attirant  les  étourneaux  à  proximité  des  vergers,  en  pla- 
çant au  haut  des  grands  arbres  (i)eupliers,  etc  )  des  nids 
artificiels  (boites  de  bois  de  35  à  40  centimètres  de  long  sur 
16  centimètres  de  large  et  de  hauteur,  ayant  à  l'un  des  bouts 
un  trou  suffisant  pour  le  passage  de  l'oiseau.  Comme  les 
étourneaux  cherchent  avant  tout  à  mettre  leurs  nids  à  l'abri 
des  oiseaux  de  proie,  ils  s'installent  volontiers  dans  ces 
demeures  qui  les  protègent,  or,  les  petits  sont  nourris,  d'a- 
près nos  observations,  presque  exclusivement  de  chenilles 
des  Cheimatobia  et  Gcometra  defuliaria.  Cl. 

10"  Parasites  naturels  de  la  clienille.  —  Nous  avons  obtenu 
l'éclosion  d'un  petit  liyménoptère  de  la  famille  des  clinl  itilens 
qui  vit  dans  le  corps  de  la  chenille;  nous  le  déterminerons 
plus  tard,  il  est  probablement  inédit?  Longueur  :  1  1/2 à  'Z'^/""; 
corps,  tête  et  corselet  vert  foncé,  pattes  testacées-jaunâtres, 
ailes  hyalines.  La  larve  se  transforme  dans  un  petit  cocon 
qu'elle  fixe  sur  la  chenille  infestée.  iFlg.  I  f.) 

M.  Goureau,  déjà  cité,  fait  connaître  deux  autres  parasites 
vivant  de  la  même  manière. 


(1)   Decaux,   Les  Acridiens,   etc.    [Revue  des  Sciences  naturelles   apjili//u(fcs 
novembre  1801). 


510  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Microgaster  sessilis  (N.  d.  E.).  Long.  3  mil.,  noir, 
assez  luisant,  antennes  épaisses,  sétacées  plus  longues  que 
le  corps,  noires;  tête  et  thorax  noirs;  abdomen  lisse,  noir; 
pattes  noires  avec  l'articulation  des  cuisses  et  des  tibias 
blanchâtre;  les  ailes  sont  hyalines  à  stigma  épais,  très 
noirs. 

L'insecte  parfait  s'échappe  de  la  chenille  au  commencement 
de  juin. 

Un  Diptère,  Masicera  flavicans  (Goureau).  Long.  4  mil., 
noire,  antennes  noires,  yeux  écartés,  face  d'un  gris  jaunâtre, 
bande  frontale  noire,  thorax  noir  à  raies  grises,  abdomen 
presque  cylindrique,  avec  de  larges  bandes  à  reflets  gris, 
pattes  noires,  ailes  hyalines,  jaunâtres  à  la  base  à  nervures 
noires. 

Ce  diptère  se  change  en  pupe  dans  la  chrysalide  et  sort 
sous  la  forme  de  mouche  dès  le  mois  d'avril. 

Moins  heureux  que  pour  les  parasites  de  l'Anthonome  (1), 
nous  ne  voyons  pas  la  possibilité  pratique  de  multiplier  ces 
ennemis  de  Ch.l>rumala\  cependant,  nous  avons  cru  devoir 
les  faire  connaître  afin  que  les  agriculteurs  ne  les  détruisent 
pas. 

GEOMETRA  DEFOLIARIA  (Cl.)  [Fig.  2  a). 

Les  mœurs  de  cette  espèce  ont  une  grande  ressemblance 
avec  celles  de  Ch.  hmmata;  aussi  ces  espèces  sont-elles  pres- 
que toujours  confondues  par  les  agriculteurs. 

Sa  chenille,  à  l'état  adulte,  se  distingue  à  sa  couleur  rou- 
geâtre,  avec  deux  lignes  latérales  jaune-soufre;  elle  entre  en 
terre  à  la  fin  de  mai  pour  s'y  transformer  en  une  nymphe 
d'un  rouge-brunâtre.  Le  papillon  se  montre  en  novembre. 
Le  mâle  est  une  fois  plus  gros  que  celui  de  Ch.  brumaia.  La 
femelle  [fig.  2  b),  aussi  plus  grosse,  est  tout  à  fait  dépourvue 
d'ailes,  elle  monte  sur  les  arbres  à  la  même  époque  que  la  pré- 
cédente, elle  dépose  ses  œufs  sur  les  branches. 

Destruction.  Elle  devra  être  combattue  par  les  mêmes 
moyens  que  Chcimatobia  brmnata. 

[\]  Decaax,  Les  Ennemis  du  Pommiei\  etc.'  [Feuille  desjcuii'S  Naturalistes, 
juillet  el  août  1892). 


un  nouveau  fléau  de  notre  richesse  pomologique.      km 

Conclusions. 

L'étude  intime  des  mœurs  de  Ch.  brianatanousi  a  démontré 
que  cet  insecte  pouvait  vivre  et  se  propager  sur  un  grand 
nombre  d'espèces  d'arbres  et  d'arbrisseaux  de  nos  vergers  et 
de  nos  jardins,  où  la  pose  des  bandes  gluantes  est  impraticable. 

D'après  les  résultats  Tournis  par  les  expériences  que  nous 
avons  entreprises  jusqu'à  ce  jour,  nous  pouvons  assurer  les 
agriculteurs  des  pays  infestés  par  la  Ch.  drimiata  et  la  Geo- 
meira  defoliaria  qu'ils  feront  disparaître  sûrement  ces 
insectes,  en  deux  ou  trois  années,  en  employant  concurrem- 
ment les  bandes  gluantes  avec  les  divers  procédés  que  nous 
avons  indiqués,  et  cela  sans  dépenses  spéciales. 

La  suie,  les  chiffons  pétroles  sont  des  engrais  qui  peuvent 
remplacer  ceux  qu'on  serait  obligé  d'employer  pour  rendre  de 
la  vigueur  aux  arbres  ;  les  labours,  les  crapauds,  les  nids  arti- 
ficiels pour  les  oiseaux  ne  demandent  que  des  soins. 

Nous  ne  saurions  trop  le  répéter,  l'emploi  des  bandes 
gluantes  autour  des  pommiers  pourra  sauver  quelques 
pommes,  mais  ce  procédé  est  insuffisant  pour  arrêter  la  pro- 
pagation qui  se  fait  par  les  haies  et  les  autres  arbres  ;  c'est  le 
fléau  à  perpétuité  et  la  ruine  de  l'industrie  cidrière  si  on 
n'agit  pas  sans  perdre  une  minute. 


LES    BOIS    INDUSTRIELS 

INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES 
Par  Jules  GRISARD  et  Maximilien  VANDEN-BERGHE. 

(  SUITE*) 


KURRIMIA  ROBUSTA  KuRZ. 

Annamite  vulgaire:  Snaï.  Cambodge  :  Sdei/.  Cochinchine  :  La  loa. 

Arbre  d'une  hauteur  de  35  mètres  environ,  sur  un  diamètre 
de  60-80  centimètres,  à  feuilles  alternes,  entières,  coriaces, 
penninerves,  pourvues  de  stipules  caduques,  croissant  assez 
communément  dans  les  ibrêts  de  la  Cochinchine  et  du  Cam- 
bodge. 

Cette  espèce,  ainsi  que  d'autres  du  même  genre  croissant 
dans  les  mêmes  localités,  fournissent  un  bois  d'une  belle 
nuance  brune,  rouge  ou  violacée,  d'une  densité  au  moins 
égale  à  celle  de  l'eau,  très  dur  et  d'une  texture  analogue  au 
Trâc  [DaWergia).  Excellents  pour  tous  les  travaux  d'ébénis- 
terie.  ces  bois  sont  recherchés  des  Annamites  pour  faire  des 
meubles  et  les  piliers  d'habitations  riches,  ainsi  que  pour  la 
confection  des  cylindres  servant  à  broyer  les  cannes  à  sucre. 

Nous  mentionnerons  encore,  parmi  les  Célastrinées,  les 
espèces  suivantes  : 

Cassine  Capensis  L.  {Maurocenia  Capensis  Mill.  ;  M. 
phyllirœa  Mill.)  Cette  espèce,  connue  des  colons  du  Cap 
sous  le  nom  de  «  Hottentot  cherry  tree  »,  donne  un  bois  uti- 
lisé pour  la  fabrication  des  meubles.  Le  Cassine  Colpoon 
Thunb.  (.C.  sphœrocarpa  Cels.  ;  Econymus  Colpoon  L.)  est 
une  autre  espèce,  également  originaire  du  Cap,  où  elle  porte 
le  nom  de  «  Lepelhout  ».  Son  bois  est  employé  pour  l'ébé- 
nisterie  et  la  marqueterie.  Le  Cassine  Maurocenia  L.  {Mauro- 

(*)  Voyez  Kevue,  années  1891,  note  p.  542;  1892,  l''  semestre,  note  p.  583, 
ei  2«  semestre,  note  p.  517  ;  et  plus  haut,  p.  28,  124  et  2(iS. 


LES  BOIS   INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  313 

cenia  frangularla  Mill.),  des  mêmes  localités,  fournit  un 
beau  bois  jaune,  veiné  de  brun,  emplo3'é  pour  la  (abrication 
des  instruments  de  musique. 

Denhamia  pittosporoides  F.  Muell.  Petit  arbre  élancé, 
d'une  hauteur  de  8-10  mètres  sur  un  diamètre  de  15-20  centi- 
mètres, à  feuilles  alternes  lancéolées,  croissant  au  Queens- 
land,  sur  les  lisières  des  taillis.  Son  bois  dur  et  à  grain  fin, 
est  susceptible  de  poli. 

Denhamia  obscura  Meiss.  {D.  xantosperma  F.  Muell., 
D.  lieterophylla  F.  Muell.,  Leitcocarpon  obscurwn  A. Rjch.) . 
Arbre  de  petites  dimensions  à  feuilles  alternes,  oblongues, 
lancéolées,  croissant  dans  les  taillis  du  Queensland  et  de 
North  Australia.  Son  bois,  solide  et  d'un  grain  fin,  peut  être 
utilisé  pour  le  tour  et  la  confection  de  menus  objets. 

Goupia  glabra  AuBL.  (?  G.  tomentosa  Xvbl.,  Glossope- 
talum  glabriim  Schreb.).  Petit  arbre  à  feuilles  alternes,  pé- 
tiolées,  entières,  coriaces,  glabres,  accompagnées  de  deux 
stipules  très  petites  et  caduques,  croissant  naturellement  à 
la  Guyane.  Son  bois,  blanc  et  peu  compact,  est  employé  par 
les  indigènes  pour  la  construction  de  leurs  pirogues.  Cette 
espèce  se  prescrit  quelquefois  comme  remède  astringent 
dans  les  cas  d'inflammations  et  d'ophtalmies. 

Maytenus  Boaria  ^iohm.  [CelasLrus  Maylemis  Willd., 
Senacia  Maytemis  Wjlld.  ,  Boaria  Molinœ  DC).  Arbre  de 
dimensions  assez  fortes,  à  feuillage  persistant,  croissant 
spontanément  dans  les  régions  méridionales  du  Chili.  Son 
bois,  d'une  dureté  excessive,  est  propre  à  divers  travaux 
exigeant  de  la  résistance.  Ses  feuilles  sont  utilisées  en  mé- 
decine comme  purgatives  et  fébrifuges  ;  elles  constituent,  en 
outre,  une  nourriture  passable  pour  les  bestiaux,  lorsque  les 
fourrages  ordinaires  font  défaut  en  hiver  et  pendant  les 
grandes  .sécheresses  de  l'été.  C'est  une  espèce  dont  M  Ch. 
Naudin  pro[)Ose  la  culture  dans  le  sud  de  l'Europe. 

Moya  spinosa  Griseb.  (République  argentine  :  Molle 
negro  ou  blanco).  Arbuste  ou  petit  arbre  croissant  assez 
communément  à  la  Réi)ublique  argentine,  dans  la  province 
de  Jujuy.  Son  bois  est  utilisé  pour  la  fabrication  de  menus 
objets. 

Pterocelastrus  rostratus  Meiss.  {Celastnis  i^ostratus 
Thunb.).  Cet  arbre,  croissant  dans  les  forêts  de  la  colonie  du 
Gap,  où  il  est  désigné  sous  le  nom  de  «  Witpeer  »  ou  «  White 

y  Juin  18y3.  33 


514  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

pear  »,  fournit  im  bois  que  l'on  utilise  le  plus  souvent  pour 
les  travaux  de  charronnage.  Celui  du  Pterocelaslrns  typicus 
Meiss.  {Asterocarpns  typicus  Eckl.  et  Zeyh.,  Celastrus 
pterocarpus  DC,  est  plus  particulièrement  recherché  pour 
la  fabrication  du  charbon  de  bois.  Cette  espèce  est  appelée 
«  Spekboom  »  par  les  colons  hollandais  du  Cap.  Enfin,  le 
Pterocelastrus  variadUis  appelé  «  Kirsch  bout  »  ou  «  Kcrse 
bout  »  donne  un  bois  que  nous  supposons  de  bonne  qualité, 
dont  les  usages  sont  indéterminés. 

Siphonodon  australe  Bentii.  Grand  et  bel  arbre  d'une 
hauteur  de  20  mètres  et  plus  sur  un  diamètre  de  60  centi- 
mètres environ,  à  branches  tortueuses,  peu  étendues,  for- 
mant au  sommet  une  cime  peu  compacte  et  gracieuse.  Ori- 
ginaire du  Queensland,  où  elle  croît  assez  fréquemment, 
notamment  dans  les  massifs  de  Rockhampton,  cette  espèce 
donne  un  bois  jaunâtre,  serré,  propre  à  de  nombreux  usages. 
Ses  fruits,  jaunâtres,  de  la  grosseur  d'une  prune,  sont  re- 
cherchés des  Kangurous  qui  en  sont  très  friands. 

Le  Siplionodon  celastrvs  Griff,  originaire  de  la  Cochin- 
chine,  est  un  arbre  de  15  mètres  de  hauteur  environ  sur  un 
diamètre  de  15-30  centimètres,  à  feuilles  alternes,  serretées, 
stipulées,  dont  le  bois,  lourd  et  jaunâtre,  est  peu  utilisé. 


FAMILLE   DES   RHAMNEES. 

Cette  famille  comprend  de  petits  arbres,  des  arbrisseaux  ou 
des  sous-arbrisseaux,  le  plus  souvent  dressés,  mais  parfois 
grimpants,  quelquefois  spinescents.  Leurs  feuilles  sont  géné- 
ralement alternes,  très  rarement  opposées  ou  subopposées, 
simples,  entières  ou  dentées,  souvent  coriaces,  munies  de 
deux  petites  stipules  caduques  ou  persistantes  et  épineuses. 

Les  espèces  se  rencontrent  dans  les  régions  modérément 
chaudes  des  deux  mondes;  elles  sont  rares  sous  la  zone 
torride. 

Les  Rhamnées  se  rapprochent  des  Célastrinées  par  leurs 
propriétés  amères,  acres,  astringentes,  quelquefois  émol- 
lientes,  suivant  les  espèces  ou  les  parties  employées.  Les 
végétaux  de  cette  famille  fournissent  des  médicaments  éva- 
cuants ou  toniques  et  fébrifuges.  Les  Rha^nmts  sont  fréquem- 
ment riches  en  matières  colorantes  dont  plusieurs  sont  uti- 


LES  BOIS  INDUSTRIELS   INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  515 

lisées  dans  les  arts  :  Tel  est  le  «  Vert  de  Chine  »  fourni  par 
les  R.  utllls  et  cMorophorus.  Les  Zizypims  donnent  des 
fruits  alimentaires  usités  en  médecine  comme  adoucissants. 

ALPHITONIA  EXGELSA  Reiss. 

Colubrina  excelsa  Fenzl. 

Queensland  :  Mountain  Ash. 

Bel  arbre  d'une  hauteur  de  25-30  mètres  sur  un  diamètre 
de  60  centimètres  en  moyenne,  à  feuilles  alternes,  variant 
de  largement  ovales  ou  presque  orbiculaires  et  très  obtuses, 
à  ovales  ou  lancéolées  et  aiguës  et  acuminées,  coriaces, 
glabres  ou  légèrement  blanches  dessus,  blanches  ou  rarement 
ferrugineuses  en  dessous. 

Originaire  de  l'Australie,  cette  espèce  croît  dans  la  Nou- 
velle-Galles du  Sud  et  au  Queensland  où  elle  est  surtout 
abondante  dans  les  forêts  et  les  taillis  de  la  côte  et  de 
l'intérieur. 

Son  bois,  à  grain  fin,  est  dur  et  d'une  longue  conservation; 
susceptible  de  prendre  un  beau  poli,  il  conviendrait  à  un 
grand  nombre  de  travaux,  mais  il  est  encore  peu  exploité. 

ALPHITONIA  SIZYPHOIDES  ReisS. 

Pomaderris  sizyphoîdes  Hook.. 

Tuïii  '.  Toi. 

Arbre  d'une  hauteur  moyenne  de  8-10  mètres  sur  un 
diamètre  de  40  centimètres  environ,  à  cime  large,  plane,  à 
rameaux  cotonneux.  Feuilles  alternes,  ovales,  entières, 
coriaces,  vertes  et  luisantes  en  dessus,  blanchâtres  et  tomen- 
teuses  en  dessous. 

Originaire  de  l'Océanie,  cet  arbre  croit  à  la  Nouvelle-Calé- 
donie, à  Taïti  et  dans  diverses  îles  de  la  Polynésie. 

Son  bois,  d'un  gris  violacé,  est  dur,  liant,  solide,  à  fibres 
droites  et  serrées;  il  exhale  étant  frais  une  odeur  balsamique 
analogue  à  celle  du  peui)lier  d'Europe.  D'un  travail  facile  et 
se  conservant  bien,  on  remploie  ordinairement  pour  l'ébénis- 
terie  et  la  menuiserie  Wna;  la  belle  teinte  rougeàtre  qu'il 
prend  étant  verni  et  ses  rellets  jaunâtres  lui  donnent  l'aspect 
de  l'acajou  pâle.  Sa  densité  moyenne  est  de  0,843. 


516  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Le  tronc  est  revêtu  d'une  écorce  d'un  rouge  foncé,  lisse, 
aromatique,  composée  de  feuillets  minces  et  serrés;  les  Taï- 
tiens  l'utilisent  en  lotions  pour  combattre  les  affections  cuta- 
nées, notamment  l'eczéma  chronique,  et  une  maladie  nommée 
Tane,  qui  est  une  variété  de  pityriasis  siégeant  à  la  partie 
supérieure  du  dos. 

BERGHEMIA  FOURNIERI  Panch.  et  Sebert. 

Petit  arbre  d'une  hauteur  de  5-7  mètres  sur  un  diamètre 
de  15  centimètres  environ,  à  cime  allongée,  dense  et  diffuse, 
dont  la  tige  est  recouverte  d'une  écorce  assez  épaisse,  très 
rugueuse,  d'un  gris  cendré  extérieurement.  Feuilles  alternes, 
petites,  lancéolées,  crénelées,  à  nervures  saillantes.  Commun 
sur  les  coteaux  pierreux  de  la  Nouvelle-Calédonie. 

Cet  arbre  fournit  un  bois  rouge  veiné,  à  grain  fin,  d'une 
grande  dureté.  Très  joli  étant  verni,  il  peut  être  utilisé  pour 
l'ébénisterie  et  les  petits  travaux  de  menuiserie  demandant 
de  la  solidité  et  de  l'élégance.  L'aubier  est  jaune  et  peu  épais 
dans  les  vieux  arbres. 

HOVENIA  DULCIS  Thunb. 

Hovenia  acerba  Lindl. 
—       inœqualis  DC. 

Anglais  :  Japanesc  Raisin-tree.  Chine  :    Onân  tsé  hj,  Tchè  kin  (se,  Xy  tchaâ. 
Japou  :  Kemponashi,  Kemponasi,  Ki  kou,  Kin  kori.  Népaul  :  Mun-kokoski. 

Arbre  d'une  hauteur  moyenne  de  15  mètres  sur  un  diamètre 
de  60  centimètres  et  plus,  à  feuilles  alternes,  ovales,  aiguës 
au  sommet,  obliques  à  la  base,  finement  dentées  sur  les  bords. 

Originaire  du  Népaul,  de  la  Chine  et  du  Japon,  cette  espèce 
se  rencontre  dans  le  voisinage  des  habitations  dans  les  iles 
de  Kiusiu  et  de  Nippon  ;  son  aire  d'habitat,  au  Japon,  pa- 
raît être  au  nord  du  Fuzy-Yama.  VH.  didcis  a  été  introduit 
en  Europe  par  Thunberg  ;  il  réussit  très  bien  en  Algérie  et 
mûrit  même  ses  graines  dans  le  midi  de  la  France.  Cet  arbre 
affectionne  particulièrement  les  terrains  argilo-sableux  assez 
compacts. 

Son  bois,  d'une  nuance  fauve  foncé,  rouge  brunâtre  et 
quelquefois  d'un  rouge  franc,  est  léger,  d'une  texture  fine  et 
assez  homogène  ;  ses  vaisseaux  sont  nombreux  et  condensés, 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  517 

surtout  dans  la  zone  de  printemps  de  chaque  couche  annuelle. 
On  le  déhite  ordinan^ement  en  madriers  et  en  planches  de 
dimensions  assez  fortes.  Une  petite  quantité  de  ce  bois,  qui 
est  apporté  de  Tokio,  est  réservée  à  la  confection  des  meubles 
de  luxe  et  atteint  même  un  prix  assez  élevé  dans  le  com- 
merce local;  c'est  de  plus  un  excellent  bois  de  menuiserie  et 
de  tour.  Les  Japonais  en  font  aussi  des  peignes,  des  encriers 
et  divers  autres  petits  objets  domestiques. 

L'écorce  est  prescrite  par  les  médecins  du  Japon  pour  com- 
battre les  affections  intestinales . 

Comme  dans  bien  des  cas,  nous  rappellerons  que  le  parfum 
désigné  dans  le  commerce  sous  le  nom  de  Hovenia  est  une 
composition  odoriférante  n'ayant  aucun  rapport  avec  la 
plante  du  Japon. 

RHAMNUS  ALAlTERNUS  L.  Nerprun  alaterae. 

Alateriius  Pk//lica  Mill. 
Bhainnus  Hispanicus  Hortul. 

Allemand  :  Inimergrân.  Anjlais  :  Barren  Pi-ivct.  Arabe  :  Amlilèce,  Safir. 

Arbrisseau  toujours  vert,  d'une  hauteur  de  3-5  mètres,  mais 
pouvant  acquérir  les  dimensions  d'un  arbre  de  troisième 
grandeur  dans  les  terrains  fertiles;  feuilles  alternes,  ovales 
ou  elliptiques,  dentées,  coriaces,  glabres,  lisses  et  luisantes. 

Originaire  du  midi  de  l'Europe  et  du  nord  de  l'Afrique,  cette 
espèce  croit  naturellement  sur  les  coteaux  arides  du  sud  de 
la  France  ;  on  la  rencontre  également  dans  toutes  les  forêts 
du  nord  de  la  Tunisie,  surtout  dans  les  régions  montagneuses 
de  la  Khroumirie.  La  beauté  de  son  feuillage  fait  souvent 
cultiver  le  Nerprun  alaterne  dans  les  parcs  et  les  bosquets 
d'hiver. 

L'aubier  est  jaune  et  son  bois,  à  l'état  parfait,  de  couleur 
brun  rougeàtre;  lourd,  homogène,  d'un  grain  très  fin,  ce  bois 
est  sujet  à  se  tourmenter  et  à  se  gercer.  Convenant  très  bien 
aux  ouvrages  de  tour  et  de  marqueterie,  il  est  également 
tiliiisé  pour  de  menus  travaux  d'ébénisterie  de  luxe;  on  en 
fait  aussi  des  échalas  excellents  qui  olfrent  une  durée  aussi 
longue  que  ceux  de  chêne.  Il  est  vendu  dans  le  commerce 
sous  les  noms  de  «  Bois  de  Nerprun,  de  Noirprun,  de  Bourg 
épine  «,  etc. 


ol8  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Les  feuilles  sont  astringentes  et  usitées  en  infusions  comme 
gargarismes.  L'écorce  de  la  tige  contient  nne  matière  colo- 
rante et  ses  baies  sont  purgatives. 

RHAMNUS  FRANGULA  L.  Bourdaine. 

Frangiila  almis  Mill. 

■ —        vulgaris  Rchbch. 

Allemand  :  Fawlhaum.  Anglais  :  Bog  wood,  Black  Aider. 

Arbrisseau  d'une  hauteur  de  3-4  mètres,  dont  la  tige  est 
recouverte  d'une  écorce  subéreuse  gris-noirâtre  extérieure- 
ment, lisse  et  d'un  brun  jaunâtre  en  dedans.  Feuilles  alternes, 
ovales,  acuminées,  entières,  glabres,  à  nervures  parallèles, 
nombreuses,  un  peu  saillantes. 

Indigène  dans  les  régions  tempérées  de  l'Europe,  la  Bour- 
daine est  très  répandue  dans  toutes  les  forêts  de  la  France, 
les  haies,  les  buissons,  où  elle  se  plaît  de  préférence  dans  les 
terrains  frais  et  humides. 

La  Bourdaine,  appelée  aussi  communément  Baurgène^ 
Pouverne  ou  Aune  7ioir,  fournit  un  bois  blanchâtre  à  la  péri- 
phérie et  rougeâtre  au  centre,  qui  prend  une  teinte  d'un 
rouge  assez  vif  sur  les  vieux  sujets.  Tendre,  flexible  et  d'une 
densité  assez  faible  (0,600),  ce  bois  n'offre  aucun  intérêt 
industriel,  mais  il  produit  un  charbon  très  léger  particulière- 
ment estimé  pour  la  fabrication  de  la  poudre.  Les  jeunes 
tiges,  souples  et  faciles  à  diviser  en  lanières,  sont  recher- 
chées pour  la  vannerie. 

L'écorce  fraîche  possède  une  odeur  faible  et  une  saveur 
douceâtre  et  uii  peu  amère,  nullement  désagréable  ;  elle  pos- 
sède alors  des  propriétés  éméto-cathartiques  qui  deviennent 
laxatives  et  purgatives  après  la  dessiccation.  L'écorce  de 
Bourdaine  a  été  proposée  en  France  comme  succédané  de  la 
Cascara  sagrada  de  Californie  qui  provient  du  Rha^nmis 
Purshiana  DC  ;  elle  est  d'ailleurs  inscrite  à  ce  titre  dans  la 
pharmacopée  anglaise. 

Rhaimiiis  glandulosa  Ait.  (Canaries  :  Sanguino).  Arbre  de 
haute  futaie,  à  feuillage  d'un  vert  brillant,  donnant  un  beau 
et  bon  bois  de  couleur  rouge,  employé  dans  l'ébénisterie  de 
luxe. 

Le  Granadillo  du  Paraguay,  espèce  indéterminée  du  genre 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET    EXOTIQUES.  519 

Rhamnus,  est  un  arbre  de  petite  dimension,  d'un  diamètre  de 
0'",20  environ,  dont  le  bois  assez  léger,  est  employé  dans  la 
construction  et  l'ébénisterie. 

Le  Guaiavirai,  Rhamnée  du  Paraguay,  dont  le  bois,  d'un 
diamètre  de  O'^jSO,  est  utilisé  pour  la  charpente  et  le  chaul- 
fage. 

ZIZYPHUS  JUJUBA  Lamk.  Jujubier  de  l'Inde. 

Bhamnus  jujuba  L. 
Zizyphus  Mauritiana  Wall. 

—  Sororia  Schult. 

—  trinervia  a  Roth. 

Afrique  portugaise  :  Maceira  brava.  Bengali  :  Kul,  Kool,  Budree,  Narihelee 
Jiool.  Hindouslani  :  Baijr,  Bcr,  Bier,  Beri,  Jharheri,  Bir,  Unab,  Nazuc. 
Inde  (colons)  :  Ber  trce.  Malais  :  Bidara.  Maurice  :  Masson.  Réunion  :  Pru- 
iiier  fcinclle.  Sanscrit  :  KoU  liurkhunda,  Vadari.  Tamoul  :  Carcnkouva- 
marom,  Elandei  Elandap-pazham,  Ilendcn-marom^  llandampajam.  Telenga  : 
Bengha,  Reyghoo. 

Arbre  de  moyenne  grandeur,  très  ramifié,  portant  des 
branches  longues  et  flexibles  s'étendant  horizontalement  et 
armées  d'aiguillons  crochus;  leuilles  obliquement  ovales  ou 
obtuses-lancéolées,  dentées  au  sommet,  Hsses,  d'un  blanc 
tomenteux  en  dessous,  à  trois  nervures  longitudinales. 

Originaire  de  la  Chine,  de  l'Inde  et  de  l'Australie  orientale, 
cette  espèce  se  rencontre  également  à  l'état  sauvage  dans 
l'Afrique  tropicale,  notamment  dans  les  possessions  portu- 
gaises. 

Son  bois,  de  couleur  brune,  à  grain  serré,  est  bon  pour  le 
tour  et  certains  travaux  de  menuiserie  ;  on  s'en  sert  aussi 
assez  communément  i»our  confectionner  des  outils  d'agricul- 
ture. 

Les  feuilles  nourrissent  le  ver  à  soie  Tussah  très  répandu 
dans  l'Inde. 

Le  fruit  est  un  drupe  globuleux  ou  ovoïde,  de  la  grosseur 
d'une  prune,  à  épicarpe  lisse,  coriace,  rouge  ou  jaune  à  la 
maturité.  Dans  l'Inde,  ce  fruit  est  estimé  de  toutes  les  classes 
de  la  population,  malgré  sa  saveur  un  ])eu  styptique. 
L'amande  est  oléagineuse. 

D'après  Ainslie,  la  racine  est  prescrite  contre  quelques 
fièvres,  en  décoction  avec  plusieurs  semences  chaudes. 


JJ20  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

ZIZYPHUS  LOTUS  Lamk. 
Jujubier  sauvage,  Lotos,  Lotier,  Lotus  des  anciens. 

Rhamnus  Lotus  L. 
Zizi/pfius  satlva  G-ertn. 
—       sylv^.stris  Mill. 

!  'Arabe  (Tunisie  €t  Tripolilaine  :  Sada,  Sedcr,  Sedeur,  Sedra  ou  Cedia,  Sidra 
Seedra  des  An;^lais).  Kabyle  :  Thaziougart. 

Arbrisseau  touffu  de  3-4  mètres  de  hauteur  sur  un  dia- 
•mètre  maximum  de  8-10  centimètres,  à  rameaux  glabres, 
flexueux,  horizontaux;  feuilles  alternes,  petites,  presque  ses- 
siles,  ovales  ou  elliptiques,  oblongues,  obtuses,  finement  cré- 
nelées, trinerviées,  glabres,  un  peu  rudes;  stipules  épineuses, 
inégales,  caduques,  souvent  avortées.  Écorce  brune,  profon- 
dément gercée  et  écailleuse,  ressemblant  beaucoup  à  celle 
des  Pins. 

Indigène  du  nord  de  l'Afrique,  on  rencontre  cette  espèce 
depuis  l'Egypte  jusqu'au  Maroc;  elle  est  très  répandue  sur  les 
coteaux  de  la  Tunisie  où  elle  constitue  même  un  obstacle 
sérieux  à  la  culture. 

Son  bois,  d'un  rouge  vif  semblable  à  celui  de  l'Acajou 
vieux,  très  dur,  compact,  homogène,  susceptible  d'un  très 
beau  poli,  conviendrait  certainement  pour  travaux  de  tour 
et  de  marqueterie,  mais  il  a  été  peu  employé  jusqu'à  ce  jour, 
sans  doute  à  cause  de  ses  dimensions  restreintes.  Sa  densité, 
supérieure  à  celle  du  Chêne,  est  de  1.090.  11  fournit  un  excel- 
lent chauffage  et  son  charbon  est  très  estimé.  Son  aubier  est 
jaune  ou  rougeâtre  pâle. 

Ses  racines  sont  traçantes  et  très  longues,  généralement 
beaucoup  plus  grosses  que  le  sujet  qui  les  a  produites;  elles 
sont  d'une  extraction  facile  et  donnent  un  volume  de  très 
bon  bois  de  feu,  qui  dépasse  souvent  toute  prévision. 

La  disposition  à  drageonner  de  ce  jujubier  est  très  remar- 
quable, disent  MM.  Reynard  et  de  Dianous,  et  le  plus  souvent 
l'abord  de  cet  arbrisseau  est  rendu  presque  impossible  par 
l'entourage  serré  des  drageons  épineux  qu'il  a  produits.  C'est 
grâce  à  cette  disposition  que  les  jeunes  pousses  peuvent 
échapper  à  la  dent  des  chameaux  qui  les  recherchent  avec 
avidité.  Il  se  reproduit  non  seulement  de  drageons,  mais 
.  aussi  de  graines  et  avec  la  plus  grande  facilité. 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  521 

Le  fruit  est  subglobuleux  ou  légèrement  ovoïde,  presque 
sessile,  jaune  ou  roussâtre,  de  la  grosseur  d'une  cerise, 
d'une  saveur  douce  et  sucrée.  Les  nomades  le  mangent  frais 
et  lorsqu'il  est  très  sec  ils  font  avec  la  pulpe  une  espèce  de 
farine  qui,  délayée  dans  un  peu  d'eau,  leur  fournit  un  ali- 
ment peu  substantiel,  mais  assez  IVéquemment  employé.  Il 
servait,  et  sert  même  encore,  à  préparer  une  boisson  fer- 
mentée  obtenue  en  faisant  macérer  la  pulpe  dans  l'eau. 

Il  est  possible  que  ce  fruit  soit  le  Lotos  ou  Lotus  des  an- 
ciens, mais  alors  il  serait  loin  de  mériter  son  antique  réputa- 
tion et  les  recherches  récentes  de  M.  Edouard  Blanc  sem- 
blent du  reste  infirmer  ce  dire. 

ZIZYPHUS  SPINA-GHRISTI  Willd. 

Rhamnus  Nabeca  Forsk.  non  L. 

—  spina-Chrisii  L. 
Zizi/phus  Africana  Mill. 

—  Napeca  Lamk. 

Arabe  (Tunisie  et  Tripolitaine    :  Nahk,  Nebga.  Le  fruit  :  Ncbik. 

Espèce  arborescente  de  grande  taille,  pouvant  atteindre 
jusqu'à  20-25  mètres  de  hauteur  sur  un  diamètre  de  3  à  3'", 50, 
à  cime  dense  et  touffue;  rameaux  allongés,  glabres,  à  écorce 
blanchâtre;  feuilles  alternes,  ovales,  à  base  arrondie  ou  sub- 
cordiforme,  aiguës  ou  obtuses  au  sommet,  à  bords  subserre- 
tés,  coriaces,  glabres  ou  légèrement  pubescentes  à  leur  face 
inférieure  près  des  nervures,  ces  dernières  au  nombre  de 
trois,  saillantes,  convergentes  à  leurs  deux  extrémités:  sti- 
pules épineuses  de  plusieurs  centimètres  de  longueur,  sou- 
vent souples  et  peu  lignifiées  (1). 

Originaire  de  la  Palestine,  de  la  Perse,  de  l'Arabie  et  du 
nord  de  l'Afrique,  cette  espèce  se  trouve  en  Egypte,  en  Nubie, 
en  Abyssinie,  en  Tunisie,  etc. 

Son  bois  très  dui*,  compact,  lourd  et  d'un  grain  uniforme 
est,  à  l'état  parfait,  d'un  rouge  marron  foncé;  les  couches 
annuelles  sont  peu  distinctes.  Sur  ce  fond,  de  nombreuses 

(1)  Les  jeunes  rameaux  armes  de  longues  épines  pre'seulcnt,  lorsqu'ils 
sont  entrelacés,  l'aspect  que  les  peintres  et  les  sculpteurs  donnent  à  la 
couronne  du  Christ,  c'est  celte  ressemblance  qui  a  valu  à  cet  arbre  sou 
nom  spécifique. 


522  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

petites  taches  arrondies  se  détachent  en  jaune  pâle;  elles  sont 
formées  par  un  tissu  fibreux  qui  entoure  de  gros  vaisseaux 
isolés,  égaux  et  épars  dans  toute  l'épaisseur  de  la  couche  an- 
nuelle. Il  n'a  pas  de  rayons  médullaires  visibles  à  l'œil  nu. 
C'est  un  bois  d'ébénisterie  de  premier  ordre.  Au  centre  se 
trouve  une  moelle  assez  volumineuse  et  persistante.  L'aubier 
assez  épais,  est  d'un  blanc  rougeâtre  et  très  distinct  du  bois 
parlait. 

Le  fruit  est  un  drupe  ovale-globuleux  qui  ressemble  à  une 
petite  pomme,  il  est  comestible  et  possède  une  saveur  douce 
et  agréable.  Ces  fruits  i)Oussent  en  grand  nombre  le  long  des 
rameaux.  De  couleur  jaune  à  maturité  ils  deviennent  rapide- 
ment brunâtres,  c'est  dans  cet  état  et  lorsqu'ils  sont  blets 
qu'on  les  consomme. 

En  Tunisie,  dans  les  oasis  à  sol  argilo-sablonneux,  légers, 
frais,  profonds  et  bien  arrosés,  la  croissance  de  cet  arbre  est 
généralement  rapide. 

M.  Edouard  Blanc,  auquel  nous  empruntons  les  détails  qui 
précèdent,  n'hésite  pas  à  reconnaître  dans  cette  espèce  le 
Lotus  des  anciens,  attribué  jusqu'alors,  par  la  plupart  des 
auteurs  au  Zizyplms  lotus,  et  nous  devons  ajouter  que  les 
raisons  qu'il  fait  valoir  en  faveur  de  sa  thèse  nous  paraissent 
des  plus  convaincantes. 

ZIZYPHUS  VULGARIS  Lamk. 

Bhamnus  Zizi/phus  L. 
Zizyphus  jujiiba  Mill.  non  Lamk. 
—       sativa  Duham. 

Japon  :  Natsoiimé,  Natstime,  Tunisie  :  Anneb. 

Petit  arbre  d'une  hauteur  de  10  mètres  environ,  dont  le 
tronc,  droit  et  cylindrique  ou  parfois  tortueux,  est  recouvert 
d'une  écorce  brune  ;  feuilles  alternes,  ovales-lancéolées,  cré- 
nelées, glabres  et  luisantes ,  pourvues  de  trois  nervures 
longitudinales  saillantes. 

Originaire  de  l'Orient,  surtout  de  la  Syrie,  cette  espèce  se 
rencontre  aussi  à  l'état  sauvage  dans  les  régions  septen- 
trionales de  l'Inde,  où  elle  croît  jusqu'à  une  altitude  de  2,000 
mètres.  Le  Jujubier  commun  est  cultivé  depuis  la  plus  haute 
antiquité  sur  tout  le  littoral  de  la  Méditerranée  et  s'est  même 
naturalisé  sur  divers  points. 


LES  BOIS  INDUSTRIELS  INDIGÈNES  ET  EXOTIQUES.  323 

Son  Lois,  rouge  ou  rougeâtre,  est  dur,  serré  et  d'une  tex- 
ture compacte  ;  on  l'emploie  quelquefois  en  ébénisterie  sous  le 
nom  d' Acajou  dC Afrique  parce  qu'il  reçoit  Lien  le  poli,  mais 
c'est  surtout  un  excellent  Lois  de  tour  pouvant,  aussi  être 
ntilisé  pour  un  grand  noniLre  de  menus  travaux. 

Ses  fruits,  appelés  jujubes,  sont  les  plus  estimés  du 
genre, 

ZIZYPHUS  XYLOPYRUS  Willd. 

Rhammis  xylopyrus  Retz. 

Hindoustani  :  Ghont.  Tamoul  :  Kattou-ilenden-marom.  Télenga  :  Goti^  Gotti. 

ArLre  de  dimensions  assez  fortes  dans  les  terrains  fertiles, 
mais  ne  dépassant  guère  la  taille  d'un  arLrisseaii  dans  les 
terrains  arides,  à  feuilles  pétiolées,  oLliquement  cordiformes, 
dentées  sur  les  Lords,  croissant  dans  les  forêts  et  partout  sur 
la  côte  de  Coromandel. 

Le  Lois,  de  couleur  jaune  orangé,  est  très  dur  et  d'une 
texture  flne  ;  il  est  très  estimé  des  indigènes  pour  un  grand 
nomLre  d'usages  à  cause  de  sa  longue  conservation.  Sa  Lelle 
couleur  et  son  grain  serré  le  rendent  propre  à  divers  travaux 
de  tour  et  d'éLénisterie. 

Les  feuilles  sont  recherchées  volontiers  par  les  animaux 
domestiques. 

Le  fruit,  d'un  vert  jaunâtre  à  la  maturité,  à  pulpe  fade  et 
peu  agréaLle,  est  mangé  par  les  natifs,  ainsi  que  l'amande  qui 
est  enfermée  dans  un  noj^au  très  dur,  à  surface  irrégulière 

[A  suivre.) 


II.  EXTRAITS  DES  PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 


SÉANCE  GÉNÉRALE  DU  5  MAI  1893. 

PRÉSIDENCE    DE    M.    LE    MARQUIS    DE   SINÉTY,    VICE-PRÉSIDENT. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  adopté. 
M.  le  Président  proclame  l'admission  dans  la  Société  de 

M.  PRÉSENTATEURS. 

,     .  (  A.  Geoffroy  Sainl-IIilaire. 

Bourbon   (Henri),  docteur  en  médecine,  )  .^  ,  „.  ,.  , 

^'  <  Raveret-Waltel. 

127  bis,  rue  du  Ranelaiib,  à  Pans.  J  ^,         •     j    o.-    -. 

'  (  Marquis  de  Sinety. 

—  M.  le  Président  lait  ensuite  connaître  les  pertes  que  la 
Société  vient  de  faire  dans  la  personne  de  MM.  Jacques 
Bigot,  Edouard  de  Glatignj^  et  Adrien  Bourgarel. 

—  M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  corres- 
pondance : 

M.  le  Président,  retenu  par  une  indisposition,  s'excuse  de 
ne  pouvoir  assister  à  la  séance. 

—  Lettre  de  M.  Ern.  Leroj'  annonçant  l'envoi  de  son  ou- 
vrage intitulé  :  Chez  les  oiseaux.  C'est  un  ibrt  beau  volume, 
illustré  de  nombreuses  gravures  ;  écrit  dans  un  style  facile  et 
bonhomme  qui  en  rendra  la  lecture  agréable,  cet  ouvrage  est 
à  la  portée  de  tous. 

—  M.  Brunet  signale  à  la  Société  la  note  présentée  récem- 
ment à  l'Académie  des  Sciences  par  M.  Emile  Blanchard  au 
nom  de  M.  Daguin  sur  l'acclimatation  en  France  de  nouveaux, 
salmonidés.  On  avait  jeté,  en  janvier  1891,  des  saumons 
Quinnat  provenant  de  l'aquarium  du  Trocadéro,  dans  le  réser- 
voir de  la  Liez,  situé  sous  Langres.  Ces  poissons  ont  prospéré. 
On  en  a  poché  ayant  16  centimètres  de  long  et  35  centimètres. 
On  en  a  trouvé  un  du  poids  de  2,500  grammes.  M.  Daguin  ap- 
pelle aussi  l'attention  sur  un  poisson  jusqu'alors  inconnu  en 
France,  également  découvert  dans  le  réservoir  de  la  Liez. 
M.  Jousset  de  Bellesme,  consulté,  a  reconnu  dans  ce  poisson  le 
Coregonns  claj^eoides,  espèce  localisée  dans  les  lacs  d'Angle- 
terre et  d'Ecosse.  D'où  vient  ce  i)oisson  ?  Il  est  vraisemblable 
qu'il  a  été  introduit  dans  le  réservoir,  sans  qu'on  s'en  doute, 


PROCÈS-'VERBAUX  LES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  323 

au  moment  de  l'empoissonnement  du  réservoir.  En  tout  cas, 
le  Corégone  paraît  acquis  aujourd'hui  à  la  faune  française.  On 
en  a  pris  déjà  dix-sept  de  500  à  700  grammes.  C'est  un  résultat 
qui  a  son  importance,  car  ce  poisson  a  la  chair  excellente. 

—  Des  remerciements  pour  les  œufs  de  Truite  Arc-en-Ciel 
qu'ils  ont  reçus  sont  adressés  par  MM.  le  comte  de  Galbert, 
Fournier-Sarlovèze,  D-"  Wiet,  Dubard  et  Rivoiron. 

—  M.  G.  de  Guérard  appelle  l'attention  de  la  Société,  à  pro- 
pos d'un  récent  article  de  La  Nature,  sur  les  nouvelles  mé- 
thodes d'apiculture.  Dans  cette  note,  trop  succincte  au  gré  de 
notre  confrère,  M.  Ch.  Derosne,  vice-président  delà  fédéra- 
tion des  apiculteurs  français,  fait  ressortir  l'avantage  de  l'éle- 
vage des  Abeilles  en  rayons  artificiels.  Il  signale  un  procédé 
intéressant  qui  n'est  pas  employé  en  France  :  Lorsque  les 
châssis  sont  remplis  de  miel,  l'apiculteur  les  fait  passer  dans 
une  sorte  d'essoreuse  où  l'action  de  la  force  centrifuge  dé- 
gage les  cellules  sans  que  le  pollen  et  les  poussières  viennent 
altérer  la  pureté  du  miel. 

—  M.  Baronnet,  ingénieur  à  la  C'*^  française  du  Sud  tunisien, 
adresse  de  Gabès  la  lettre  suivante  : 

«  Les  graines  que  vous  m'avez  données  à  mon  départ  de  Paris, 
elles  ont  toutes  levé  maintenant  sauf  les  CallUris. 

»  Voici  d'ailleurs,  si  cela  peut  intéresser  la  Socie'le',  exactement  les 
dates  des  semis  et  celles  de  la  première  apparition  de  la  plante. 

DATES  DES 
DATES    DES   SEMIS-       - 

iroa    POUSSES. 

Eucalyptus  incrassata 12  mars.  6  avril. 

iÂ.       \'ixv.  dumosu .  id.  id. 

id.  maculala id.  1°'' avril. 

id.  corynocalijx id .  26  mars. 

id.  citriodora id.  7  avril. 

Acacia  Neio-Houth-Wales id.  P""  avril. 

Atriplex  nummulan'um id.  3  avril. 

id.         hemibaccatum id.  27  mars. 

id.         halimoides id.  id. 

id.         Muelleri id.  14  avril. 

Casuariiia  glauca id.  15  avril. 

Acacia  pi/cuantha id.  9  avril. 

»  M.  Cornu  m'avait  donne'  des  graines  d'IJalimodeiidroii  argenleum. 
J"ai,  suivant  ce  que  m'avait  recommandé  M.  Vilbouchevitch,  forte- 
ment c'cbaudë  ces  graines  qui  ont  très  bien  germé.  Seme'os  le  12  mars, 


n26  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

elles  donnaient  leurs   premières  pousses  15  jours  après  le  semis.  Les 
premières  feuilles  de  cet  arbrisseau  sont  excessivement  délicates. 

»  Je  vous  signalerai  comme  croissant  avec  vigueur  (il  ne  s'agit, 
bien  entendu,  que  de  semis  en  pots  jusqu'à  pre'sent)  l'acacia  inde'ter- 
miné  du  Kem-South-Wales . 

»  Les  graines  de  Solanum  betaceum  n'ont  pas  encore  donne'  de  re'- 
sultat  ;  —  il  faut  dire  qu'il  n'a  pas  fait  chaud  ici  encore,  —  ce  qui 
doit  vous  surprendre.  Car,  depuis  40  jours  que  je  suis  à  l'Oued-Melali 
sauf  deux  jours  de  sirocco  (vont  d'ouest)  qui  ont  active'  un  peu  la  ve'- 
gétalion,  tout  le  reste  du  temps,  nous  n'avons  eu  que  des  brises  de 
mer  faibles  et  assez  froides. 

»  Je  vais  vous  adresser  un  échantillon  de  chacune  des  deux  espèces 
de  Taniarix  que  Ton  trouve  ici.  L'une  est  à  fleur  blanchâtre,  l'autre  à 
fleur  rouge-vineux.  Ces  arbrisseaux  poussent  avec  vigueur  dans  les 
terrains  sale's  ;  ils  atteignent  au  bout  de  quatre  à  cinq  ans  jusqu'à  5  à 
6  mètres  de  hauteur  :  ils  se  reproduisent  naturellement  de  semences 
avec  une  telle  abondance  que  dans  des  terrains  salés  (terres  de  lebiia) 
que  possède  la  compagnie,  oii  il  y  avait  quelques  Tamarix  il  y  a  sept 
à  cinq  ans,  il  en  existe  déjà  5  à  (5,000  qui  y  ont  pousse'  naturelle- 
ment. Les  Arabes  donnent  ici  au  Tamarix  le  nom  de  Tarfâa.  Chose 
curieuse  à  noter  :  la  rosée  recueillie  sur  les  branches  de  Tamarix  est 
très  sale'e ,  elle  donne  un  fort  précipité  avec  l'azotate  d'argent. 

—  M.  Edmond  Faucheur,  président  du  Comité  linier  du  nord 
de  la  France,  signale  à  l'attention  de  la  Commission  des  ré- 
compenses les  travaux  de  M.  Jean  Dalle.  —  Renvoi  à  la  com- 
mission spéciale. 

—  M.  Lepingleux-Deshajes  demande  à  être  compris  dans 
toutes  les  répartitions  de  graines  faites  par  la  Société. 

M.  le  Secrétaire  lait  remarquer  que  les  semences  dont  la 
Société  peut  disposer  sont  généralement  reçues  en  petites 
quantités  et  qu'elles  ne  suffiraient  même  pas  à  donner  satis- 
faction aux  demandes  des  membres  qui  se  font  inscrire  pour 
toutes  les  distributions.  Il  ne  peut  donc  être  répondu  qu'aux 
demandes  ayant  un  objet  spécial. 

—  M.  Rattel,  pharmacien,  à  Amiens,  écrit  à  M.  le  Prési- 
dent : 

«  La  Socie'té  d'Acclimatation  de  France  a  bien  voulu  me  demander, 
en  1890,  par  l'entremise  de  M.  Ferrand,  correspondant  de  l'Institut, 
quelques  notes  sur  les  hortillonnages  d'Amiens. 

»  Ce  modeste  opuscule,  qui  vous  a  été  dédie',  m'a  fait  faire  une 
ample  moisson  de  vues,  de  plans,  repre'seutant  ces  pittoresque  jar- 
dinages  et  ces  braves  maraîchers   avec    leurs  bateaux,  leurs    outils. 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  K27 

leurs  habits  de  travail,  l'antique  costume  de  leurs  aïeux.  Les  meil- 
leurs peintres  et  les  premiers  aquarellistes  d'Amiens  se  sont  plu  à  re- 
pre'senler  cette  Venise  horticole  sillonnée  par  ces  infatigables  tra- 
vailleurs. (J'ai  recueilli  aussi  les  outils  et  des  costumes). 

»  Celte  collection  m'a  e'tc  demandée  pour  le  Trocadéro,  mais  elle 
ne  doit  avoir  d'autre  destination,  à  mon  avis,  que  le  Jardin  d'Accli- 
matation, sous  les  yeux  de  ceux  qui  l'ont  fait  naître. 

>>  Le  Président  de  la  Société  d'Acclimatation  de  France,  en  accep- 
tant de  donner  asile  à  celte  collection,  montrerait  à  tous  les  visiteurs 
du  Jardin  qu'ils  peuvent  transformer  en  superbes  cultures  maraîchères 
les  terrains  qui  se  trouvent  dans  les  mêmes  conditions  que  les  marais 
de  la  Somme. 

»  Je  ne  désire,  pour  l'heure,  ni  donner,  ni  vendre  cette  collection 
d'un  nouveau  genre,  mais  si  un  jour  je  m'en  défais,  ce  sera  pour 
l'offrir  à  M.  Geoffro^'-Saint-Hilaire. 

»  Dans  l'espoir  qu'il  pourrait  vous  être  agréable  de  placer  à  côté 
de  plantes  et  d'animaux  exotiques  un  spe'cimen  d'un  coin  de  la  France, 
inconnu,  oublie',  et  d'une  population  robuste  et  infatigable  qui  a  con- 
servé depuis  huit  siècles  les  mêmes  mœurs,  le  même  costume,  le 
même  langage,  se  mariant  dans  la  même  corporation  et  dans  les  mêmes 
hortillonnages,  dans  cet  espoir,  j'attends  vos  ordres  pour  vous  adres- 
ser le  re'sultat  de  quelques  années  de  patience.  » 

—  M.  Ratlielot  accuse  réception  de  l'envoi  d'œufs  de  Truite 
Arc-en-Ciel  qui  lui  a  été  adressé  par  la  Société. 

—  M.  A.-W.  Fabre  lait  parvenir  divers  numéros  de  L'Indé- 
pendant de  Cochinchine  qu'il  dirige  et  dans  lesquels  il  a  repro- 
duit le  mémoire  de  M.  Germain  sur  l'inlluence  de  la  constitu- 
tion géologique  d'un  pays  sur  l'acclimatement  des  étrangers. 

—  M.  Rouiller  lait  une  communication  sur  l'incuhation  arti- 
ficielle. 

A  cette  occasion  M.  le  D''  Dareste  présente  quelques  obser- 
vations sur  les  excellents  résultats  qu'on  peut  obtenir  avec  de 
petits  ap[)areils  de  laboratoire,  dont  la  température  est  rendue 
très  régulière  ;  notre  conlrère  ne  s'est  occu-pé  d'incubation 
artificielle  qu'au  point  de  vue  scientifique,  il  est  vrai,  mais  il 
est  persuadé  qu'on  peut  arriver  dans  ces  conditions  à  DO  et 
même  95  "  o  d'éclosions.  Ces  résultats  ne  seraient  ])eut-être 
pas  possi])les  avec  les  couveuses  dont  on  se  sert  dans  une 
exploitation  industrielle. 

Le  Secrétaire  des  séances, 

Hi:my  Saint-Loup. 


m.  BIBLIOGRAPHIE. 


Les  Plantes  industrielies,  par  Guslave  Heuzé,  Tomo  20  :  Plantes 

oléagineuses,   tinctoriales ,  saponifères,   tannifères   et  salifères.   —  Li-  ^ 

brairie  agricole  de  la  Maifsoa  rustique,  26,  rue  Jacob,  à  Paris. 

Le  plan  suivi  par  l'auteur  pour  ce  volume  est  le  même  que  celui 
qu'il  a  adopte'  pour  ses  Plantes  textiles,  c'est-à-dire  que  chaque  cha- 
pitre comprend  les  parties  suivantes  :  synonymie  scientifique,  noms 
vulgaires,  historique,  culture,  parasites  et  maladies  de  la  plante,  uti- 
lisation des  produits,  transactions  commerciales. 

M.  G.  Heuzo'  divise  les  piaules  oléagineuses  en  trois  grandes 
classes  :  P  Les  plantes  herbacées  annuelles  :  Navette  et  Colza  d'hiver, 
Julienne,  etc.  ;  2*^  Les  plantes  herbacées  bisannuelles  :  Œillette,  Ara- 
chide, Sésame,  Madia,  Ramtil,  Cameliue,  Navette  et  Colza  de  prin- 
temps, Radis  ole'ifére,  etc.;  3°  Les  végétaux  ligneux^  comprenant  à  leur 
tour  les  arbres  à  huile  appartenant  à  l'Europe,  à  l'Afrique  et  à  l'Asie, 
tels  que  :  l'Arganier  du  Maroc,  le  Bancoulier  des  Moluques,  le  Mar- 
gousier  de  l'Inde,  le  Ben  aîlo'  et  aptère,  etc.  ;  les  arbres  à  matière 
grasse  concrète  originaires  des  pays  chauds  :  lUipe  et  Mowha,  Man- 
goustan, Gluttier  à  arbre  à  suif,  Cirier  de  la  Louisiane,  Palmiers  à 
cire  du  Bre'sil,  Muscadier  à  suif,  etc. 

La  seconde  partie  de  l'ouvrage  est  réserve'e  à  l'e'tude  des  proprie'tés 
saponifères  du  Savonnier  des  Antilles  ;  la  troisième  comprend  l'e'nu- 
mération  des  vo'ge'taux  utilisés  pour  les  produits  colorants  qu'ils  ren- 
ferment dans  leurs  diverses  parties. 

Nous  trouvons  alors,  dans  les  plantes  à  principe  colorant  jaune  :  la 
Gaude,  le  Safran,  l'Epine-vinette,  le  Nerprun,  IcCurcuma,  la  Gomme- 
gutte,  etc.  ;  dans  les  plantes  à  principe  tinctorial  bleu  :  le  Pastel,  le 
Tournesol,  l'Indigotier,  le  Persicaire  et  les  plantes  indigènes  ;  dans 
celles  où  le  principe  colorant  est  rouge,  nous  voyous  :  la  Garance, 
le  Saya-ver,  le  Carthamc,  le  Rocou,  etc.  Quelques  vo'ge'taux  four- 
nissent aussi  des  matières  colorantes  vertes. 

La  quatrième  partie  comprend  les  plantes  que  leur  richesse  en  tanin 
fait  employer  pour  la  pre'paration  des  cuirs,  le  mordançage  des  étoffes 
destinées  à  la  teinture,  la  fabrication  de  l'encre,  etc. 

Enfin,  un  chapitre  spécial  est  consacré  à  l'e'tude  de  la  Soude  com- 
mune {Salsola  Soda  L.),  petite  plante  dicolyle'done  de  la  famille  des 
Chénopodées  qui  donne  à  l'industrie  le  Carbonate  de  soude  pour  la 
fabrication  du  verre  et  du  savon. 

Nous  ne  reviendrons  pas  ici  sur  l'intérôt  qu'offre  le  livre  de  M.  G. 
Heuze';  toutefois,  disons  que  nous  espe'rons  bientôt  voir  l'ouvrage 
complet  entre  les  mains  de  tous  les  agriculteurs  et  des  industriels. 

M.  V.-B. 


Le  Gérant  :  Joles  Grisard. 


I.  TRAVAUX  ADRESSÉS  A  LA  SOCIÉTÉ. 


A  PROPOS  DE  LAPINS  DOMESTIQUES 

VIVANT  EN  LIBERTÉ 

DANS  L'ILOT  DE  L'ÉTANG  DE  CAUQUENES  (COLCHAGUA) 
Par  Fernand  LATASTE  (*). 


I.  Position  de  la  question. 

Quoique,  selon  toute  apparence,  elle  ait  été  instituée  dans 
un  but  purement  cynégétique  et  culinaire,  il  se  poursuit  ac- 
tuellement, clans  rilot  de  l'étang  de  Cauquenes  (Colchagua), 
une  expérience  qui  me  parait  présenter  quelque  intérêt  scien- 
tifique, et  sur  laquelle  je  désire  arrêter  un  instant  votre  at- 
tention. 

Que  deviennent  nos  animaux  domestiques,  quand  ils  sont 
rendus  à  la  liberté,  dans  des  conditions  compatibles  avec  la 
conservation  de  leiir  existence  ?  Telle  est  la  question  que  tend 
à  éclairer  la  susdite  expérience,  et  que  nous  allons  sommai- 
rement étudier  à  ce  propos,  non  pas  dans  toute  sa  généralité, 
—  cela  nous  mènerait  bien  loin!  —  mais  dans  le  cas  particu- 
lier du  Lapin,  sujet  de  cette  expérience 

A  p?Hori,  trois  solutions  distinctes  et  même  contradic- 
toires se  présentent  à  l'esprit  comme  également  possibles. 

Première  solution.  —  Aussitôt  soustrait  au  clapier  et  à  la 
main  de  l'éleveur,  le  Lapin  domestique  modifierait  ses  carac- 
tères zootaxiques  et  se  mettrait  à  converger  vers  la  formation 
d'une  espèce  distincte,  adaptée  au  nouveau  milieu. 

Deuxième  solution.  —  Il  se  hâterait,  au  contraire,  de  Caire 
retour  au  type  sauvage  originel. 

Troisième  solution.  —  Ou  bien  encore,  réduisant  ses  va- 
riations au  minimum,   il   conserverait,  à   la  fois,  les  carac- 

{*)  Extrait  partiel  dos  Actes  iJe  la  Hock't<'  scieiitifiijue  du  Chili,  t.  II  (1892). 
2'  livraison. 

20  Juin  1893.  34 


530  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

tères  primitifs  de  l'espèce  et  la  plupart  de  ceux  qu'il  avait  ac- 
quis à  l'état  de  domestication. 

Nous  allons  examiner  successivement  chacune  de  ces  trois 
hypothèses. 

II.  Examen  des  hypothèses. 

1.  Formation  d'une  espèce  nouvelle. 

Vous  connaissez  tous  la  fameuse  légende  des  Lapins  de 
Porto  Santo,  que  Darwin  a  rendus  célèhres  et  que  ses  parti- 
sans aiment  à  citer  comme  exemple  décisif  à  l'appui  de  leur 
thèse  :  elle  a  sa  place  marquée  dans  toute  conférence  sur  l'o- 
rigine et  la  transformation  des  espèces. 

«  En  Tannée  1419,  dit  Haeckel,  quelques  Lapins,  nés,  à 
bord  d'un  navire,  d'un  Lapin  espagnol  domestique,  furent 
déposés  sur  l'île  de  Porto  Santo,  près  de  Madère.  Comme  l'île 
était  dépourvue  d'animaux  de  proie,  ces  Rongeurs  se  multi- 
plièrent en  peu  de  temps,  et  d'une  façon  si  extraordinaire, 
qu'ils  devinrent  une  vraie  calamité,  et  même  amenèrent  la 
suppression  d'une  colonie  établie  dans  cette  localité.  Encore 
aujourd'hui,  ils  habitent  l'ile  en  grand  nombre;  mais,  dans 
l'espace  de  450  ans,  ils  ont  formé  une  variété  toute  spéciale, 
ou,  si  l'on  veut,  une  bomie  espèce,  caractérisée  par  une 
couleur  toute  particulière,  une  forme  qui  se  rapproche  de 
celle  du  Rat,  des  habitudes  noctambules-,  et  une  sauvagerie 
extraordinaire.  Mais  le  plus  important,  c'est  que  cette  nou- 
velle espèce,  dénommée  par  moi  Lepus  Huxleyi,  ne  se  croise 
plus  avec  le  Lapin  européen  dont  elle  descend,  et  ne  produit 
avec  lui  aucun  métis  bâtard  ou  hybride  (1). 

Malheureusement,  suivant  l'expression  que  j'ai  précédem- 
ment employée,  et  malgré  l'air  de  conviction  profonde  avec 
lequel  il  nous  est  raconté,  ce  récit  doit  être  regardé  comme 
une  simple  légende. 

Notons  d'abord  que  nous  ne  savons  pas  exactement  à 
quelle  date  l'ile  de  Poto  Santo  fut  abordée  par  le  navigateur 
portugais  qui  y  aurait  introduit  nos  Lapins  domestiques,  en 
y  lâchant  une  Lapine  avec  ses  Lapereaux  :  Darwin  hésite 
entre  les  années  1418  et  1419,  et  il  cite  en  note  l'année  1420  ; 
Haeckel  s'est  tiré  d'embarras  en  prenant  la  moyenne! 

(1)  Haeckel,  Histoire  de  la  création  des  êtres  organises  d'ajirès  les  lois  natu- 
relles, Paris,  1874,  p.  130. 


A  PROPOS  DE  LAPINS  DOMESTIQUES  VIVANT  EN  LIBERTÉ.      531 

En  outre,  comme  j'ai  eu  Toccasion  de  le  faire  remarquer 
ailleurs,  «  l'espèce  de  Porto  Santo  vit  aussi  dans  les  lies  Sal- 
vages;  j'en  possède  un  crâne  de  cette  provenance,  recueilli, 
le  5  août  1882,  par  M.  d'Albertis,  et  donné  par  M.  le  M'^  Do- 
n'a.  Aurait -on  aussi  lâché  des  Lapins  domestiques  dans  cet 
archipel,  et  leur  progéniture  aurait-elle  subi  exactement  les 
mêmes  modifications  que  celle  de  leurs  voisins  de  Porto 
Santo  (1)?  » 

<i  Enfin,  à  l'époque  où  ,  dit-on ,  le  navigateur  Gonzalès 
Zarco  lâcha  sa  Lapine  à  Porto-Santo,  cette  île  n'était  décou- 
verte que  depuis  cinq  ou  six  ans,  et,  vraisemblablement,  n'a- 
vait pas  été  soigneusement  explorée  :  il  est  donc  assez  natu- 
rel qu'on  n'ait  pas  pris  garde,  alors,  aux  Lapins  autochtones 
qui  la  peuplaient  et  qui,  quelques  années  plus  tard,  quand  on 
y  eut  créé  des  établissements,  manifestèrent  leur  abondance 
par  des  dommages  causés  aux  colons  (2).  » 

Cette  explication  si  simple  est  d'autant  plus  vraisemblable, 
que  le  Lapin  en  question ,  au  témoignage  de  Darwin  et 
d'Haeckel,  est  plus  timide  encore  et  plus  nocturne  que  le 
Lapin  sauvage  du  continent. 

En  somme,  le  Lapin  des  îles  Madère  et  Salvages  a  toute 
l'apparence  d'une  espèce  insulaire,  propre  à  la  région  qu'il 
habite,  et  rien  ne  prouve  qu'il  n'y  soit  pas  autochtone. 

Or,  on  n'a  jamais  allégué  aucun  autre  exemple  de  forma- 
tion d'espèce  nouvelle  de  Lapin  par  retour  à  l'état  sauvage 
du  Lapin  domestique. 

Rejetons  donc,  comme  dépourvue  de  toute  base  positive, 
l'hypothèse  d'une  telle  néoformation,  et  passons  à  l'examen 
de  l'hypothèse  suivante. 

2.  Retour  au  type  iirimitif. 

Depuis  Buffon,  qui  usait  de  ce  principe  comme  d'un  crité- 
rium pour  rechercher  les  caractères  de  la  forme  souche  de 
nos  diverses  races  de  Chiens,  on  admet  très  généralement 
que  nos  espèces  domestiques  font  retour  au  type  primitif, 
dès  qu'elles  sont  rendues  aux  conditions  naturelles  :  cette 
croyance  est  presque  un  article  de  foi  pour  les  partisans  de 
la  fixité  de  l'espèce,  et,  d'autre  part,  elle  est  assez  facilement 

(■1)  F.  Lalaste,  L'  Naturaliste,  15  mai  1883,  p.   269. 
(2)  F.  Latasle,  iOid. 


332  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

acceptée,  sauf  en  certains  cas  particuliers,  même  par  les 
transformistes 

A  priori,  d'ailleurs,  elle  me  semble  assez  invraisemblable. 
A  quelque  point  de  vue  que  je  me  place,  en  effet,  j'ai  peine  à 
concevoir  cette  restitutio  in  integriim,  cet  effacement  com- 
plet des  traces  du  passé,  ce  cheminement  en  sens  inverse  à 
travers  tous  les  dédales  de  la  voie  précédemment  suivie,  que 
suppose  rigoureusement  le  retour  à  un  t3-pe  primitif.  Un  tel 
phénomène,  bien  différent  de  ce  que  nous  appelons  régres- 
sion ou  rx'lrogradcdion  dans  la  vie  des  tissus  on  des  orga- 
nismes, serait  absolument  sans  analogue  dans  l'histoire  des 
êtres  organisés. 

La  réalité  de  ce  retour  est,  cependant,  comme  je  le  disais, 
très  couramment  admise,  du  moins  dans  le  cas  du  Lapin,  soit 
par  la  masse  du  public,  soit  même  par  les  zoologistes. 

«  Le  Lapin  domestique  provient  du  Lapin  sauvage ,  dit 
Brehm  :  celui-ci  se  laisse  apprivoiser  très  facilement  ;  celui- 
là,  en  quelques  mois,  redevient  complètement  sauvage,  et 
ses  petits  ont  la  couleur  des  Lapins  de  garenne  (1). 

Darwin  lui-même  croit  à  ce  retour,  du  moins  en  Europe  et 
sauf  exception  pour  certaines  races  domestiques  particu- 
lières :  «  En  Europe,  dit-il,  lorsqu'on  met  en  liberté  des  La- 
pins de  diverses  couleurs  et  qu'on  les  replace  ainsi  dans  leurs 
conditions  naturelles,  ils  reviennent  généralement  à  leur 
couleur  grise  primitive  ;  ce  phénomène  peut  être  dii,  en  par- 
tie, à  la  tendance  qu'ont  tous  les  animaux  croisés,  comme 
nous  l'avons  drjà  fait  o'bserver,  à  faire  retour  à  Leur  état 
primordial.  Mais  cette  tendance  ne  l'emporte  pas  toujours  ; 
ainsi  les  Lapins  gris  argenté,  conservés  en  garenne,  restent 
ce  qu'ils  sont,  bien  qu'ils  vivent  presque  à  l'état  de  nature. . . 
Lorsque  les  Lapins  redeviennent  sauvages  dans  les  pays 
étrangers,  dans  de  nouvelles  conditions  dexistence,  ils  n^^ 
font  pas  toujours  retour  à  la  couleur  primitive  (2)  ». 

Quant  à  la  distinction,  si  judicieusement  notée  par  Dar- 
win, entre  les  cas  de  retour  et  ceux  de  non-retour  au  type 
primitif,  suivant  que  les  Lapins  domestiques  sont  rendus  à 
la  liberté  dans  Tintérieur  ou  en  dehors  de  l'aire  occupée  par 

(1)  A.  E.  Brehm,  La  rie  des  animaux  iUv.iin'e,  éd.  française,  Mammifères, 
t.  I.  p.  238. 

(2]  Ch.  Darwin,  loc.  cit.,  p.  1-22-1-23. 


A  PROPOS  DE  LAPINS  DOMESTIQUES  VIVANT  EN  LIBERTÉ       533 

Tespèce  sauvage,  nous  verrons  tout  à  l'heure  qu'une  diver- 
gence aussi  extraordinaire  est  purement  apparente,  et  que 
les  phénomènes  observés  dans  les  deux  cas  sont  susceptibles 
d'une  explication  fort  simple 

En  m'adressant  des  crânes  de  Lapins  sauvages  que  je 

lui  avais  demandés  et  en  s'excusant  du  retard  apporté  à  leur 
envoi,  un  de  mes  correspondants  m'écrivait  de  Valence  (Es- 
pagne), en  décembre  1883  :  «  J'ai  voulu  attendre  l'ouverture 
de  la  chasse  à  l'intérieur  du  pays;  car,  par  ici,  les  enclos  sont 
souvent  repeuplés  à  Vaide  de  Lapins  domestiques.  » 

Un  autre  de  mes  correspondants  m'écrivait,  cette  fois  de 
Belgique,  en  1884  :  «  Le  Lapin  sauvage  [mais  je  suppose  que 
c'est  un  croisement  du  Lapin  sauvage  avec  le  Lapin  domes- 
tique) est  très  commun  dans  les  dunes  de  Newport  à  Os- 
tende  :  c'est  par  centaines  qu'on  en  tue.  » 

Or,  tous  les  nombreux  Lapins  sauvages  que  j'ai  eus  entre 
les  mains  et  que  j'ai  examinés,  reçus  de  ces  deux  correspon- 
dants ou  d'autres  et  provenant  des  localités  les  plus  variées, 
ne  m'ont  jamais  montré  aucun  passage,  aucun  achemine- 
ment vers  nos  races  domestiques. 

Quoique  d'ordre  purement  négatif,  cette  observation  me 
semble  suffisamment  décisive  ;  car  le  retour  au  tjpe  sau- 
vage, s'il  avait  lieu,  serait  nécessairement  fréquent  dans  les 
pays  d'Europe,  oîi  les  Lapins  sauvages  et  domestiques  sont 
également  abondants  et  où  les  derniers  s'élèvent  dans  un  état 
de  demi-liberté  ;  et  la  fréquence  de  ce  retour  multiplierait 
les  formes  intermédiaires,  dont  le  nombre  ne  manquerait  pas 
de  s'accroître  encore  par  le  métissage.  Comment  pourrait- 
on  concilier,  avec  l'absence  de  ces  intermédiaires,  la  réalité 
d'un  tel  retour? 

En  somme,  de  même  que  celle  de  la  convergence  vers 

un  type  spécifique  nouveau,  l'hypothèse  du  retour  vers  le  type 
originel,  en  ce  qui  concerne  le  Lapin  domestique,  ne  repose 
sur  aucune  observation  positive  et  doit  être  éliminée. 

Nous  nous  trouvons,  sur  ce  point,  tout  à  fait  d'accord  avec 
P.  Gervais  :  «  Ce  qui  est  certain,  dit  cet  auteur,  c'est  que  le 
Lai)in  domestique  était  autrefois  beaucoup  moins  répandu 
qu'il  ne  l'est  aujourd'hui.  Les  voyageurs  européens  l'ont 
porté  dans  la  plupart  des  pays  où  ils  se  sont  établis,  et,  dans 
quelques  endroits,  les  animaux  de  cette  espèce,  ayant  été 
abandonnés  à  eux-mêmes,  se  sont  considérablement  multi- 


534  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

plies  et  sont  devenus  sauvages,  sans  prendre  toutefois  les  ca- 
ractères de  notre  Lapin  de  garenne  (1).  » 

3.  Consei-'vation  des  principaux  caractères  de  la  race 

domestique. 

Reste  la  troisième  et  dernière  hypothèse,  à  savoir  que  le 
Lapin  domestique,  remis  en  liberté,  conserve,  à  la  fois,  ses 
caractères  spécifiques  et  la  plupart  de  ses  caractères  de  race 
domestique. 

Cette  hypothèse  est  rendue  déjà  très  vraisemblable  par 
l'exclusion  des  deux  autres  ;  en  outre,  si  Ton  veut  bien  se 
reporter  à  diverses  citations  qui  ont  déjà  trouvé  place  dans 
cette  note,  on  verra  qu'elle  est  pleinement  conciliable  avec 
l'opinion  de  Buffon,  qu'elle  est  admise  dans  la  majorité  des 
cas  par  Darwin,  et  qu'elle  est  particulièrement  soutenue  par 
Gervais  ;  enfin,  l'expérience  en  cours  à  Cauquenes  tend  à  la 
vérifier,  et  sa  vérification  est  complétée,  comme  nous  le  ver- 
rons, par  une  série  d'autres  expériences. 

Mais  il  est  temps  de  dire  ce  qu'est  cette  expérience  de 
Cauquenes,  point  de  départ  de  la  présente  note. 

Ayant  appris  qu'il  y  avait  des  Lapins  dans  l'îlot  de  l'étang  de 
Cauquenes,  où  ils  avaient  été  introduits  depuis  un  certain 
nombre  d'années,  et  ayant  aussitôt  manifesté  le  désir  de  les 
voir  chez  eux  et  d'en  rapporter  quelques  dépouilles,  nne  partie 
de  chasse  fut  organisée  dans  ce  but.  Elle  eut  lieu  le  24  janvier 
de  cette  année.  Elle  me  permit  de  constater,  comme  d'ail- 
leurs je  m'y  attendais,  que  lesdits  Lapins  étaient  d'origine  do- 
mestique, et  présentaient  nettement,  dans  la  robe,  dans  la 
taille,  dans  la  forme,  toutes  les  marques  de  cette  origine.  Je 
rapportai  un  de  ces  Lapins,  une  femelle  adulte,  dont  le  crâne, 
qui  fait  aujourd'hui  partie  de  ma  collection,  comparé  à  de; 
séries  de  crânes  de  Lapin  domestiq^ie  commun  et  de  Lapin  sau 
vage  d'Europe  et  d'Algérie,  se  montre,  par  les  dimensions  et 
la  structure,  tout  à  fait  semblable  aux  crânes  du  premier,  tan- 
dis qu'il  diffère  considérablement  de  ceux  du  second.  Quant  à 
la  robe  de  cette  femelle,  elle  était  gris  fauve,  rappelant  celle 
du  Lièvre  ;  d'ailleurs,  bien  que  cette  robe  gris  fauve  m'ait 
paru  la  plus  commune  parmi  les  douze  à  quinze  Lapins  que 

(1)  P.  Gçr\-B.\s,  Histoire  naturelle  des  Mammifères,  t.  I,  1S34,  p.  280. 


.S 


A  PROPOS  DE  LAPIXS  DOMESTIQUES  VIVANT  EN  LIBERTÉ.       S35 

j'ai  pu  apercevoir  sur  l'îlot,  j'en  ai  vu  aussi  de  noires  et  de 
jaunâtres. 

Ainsi,  dans  ce  cas,  on  n'observe  ni  variations  vers  un  type 
nouveau,  ni  retour  vers  le  type  du  Lapin  sauvage  {Lepus  CU' 
niciilus)  :  les  caractères  du  Lapin  domestique  {Lepus  dômes- 
ticus)  sont  parfaitement  conservés. 

C'est  seulement  au  point  de  vue  psychologique,  qu'il  est 
permis  de  dire  que  ces  animaux  sont  redevenus  sauvages.  Ils 
ont  en  effet  les  allures  de  Lapins  sauvages,  comme  eux  con- 
naissant le  danger,  se  sauvant  du  chasseur,  et  se  construi- 
sant des  terriers  dans  lesquels  s'écoule  une  partie  de  leur 
existence.  Au  dire  du  garde-chasse,  qui  leur  apporte  de  temps 
à  autre  un  supplément  de.  nourriture,  leur  nombre  dépassait, 
à  l'époque  de  ma  visite,  celui  que  pouvait  nourrir  la  super- 
ficie de  l'îlot  ;  et,  cependant,  comme  je  l'ai  dit,  je  n'ai  pu  en 
apercevoir  au  plus  qu'une  quinzaine,  et  je  n'ai  réussi  à  en 
tuer  qu'un  seul! 

Quoi  qu'il  en  soit,  pour  juger  de  la  valeur  de  l'expérience 
que  je  viens  de  relater,  il  importait  de  savoir  depuis  com- 
bien de  temps  elle  durait.  M.  le  D'"  Luis  Espejo,  V.  a  bien 
voulu  se  charger  d'écrire  à  ce  sujet  à  M.  Olegario  Soto,  pro- 
priétaire de  la  hacienda  de  Cauquenes,  et  il  en  a  reçu,  datée 
du  2  février  1892,  la  réponse  dont  j'extrais  ce  qui  nous  in- 
téresse ici  : 

«  Il  y  a  huit  ans,  répond  M.  Olegario  Soto,  qu'on  a  lâché 
des  Lapins  dans  l'ilot  de  l'étang;  mais,  en  1888,  les  eaux 
ayant  beaucoup  baissé,  les  Renards,  les  Oiseaux  de  proie  et, 
je  crois,  aussi  les  Serpents,  les  détruisirent  presque  complè- 
tement ;  je  ne  pense  pas  qu'il  en  restât  plus  de  trois  ou  quatre 
dans  Filot,  quand,  la  môme  année,  un  de  mes  frères  y  fit  lâ- 
cher quelques  nouveaux  couples  ;  c'est  de  ceux-ci  que  pro- 
viennent les  Lapins  qui  s'y  voient  actuellement. 

»  Ces  Lapins  étaient  de  la  race  grise,  commune  en  France 
et  en  Angleterre  .•  on  a  toujours  eu  soin  de  choisir  cette  li- 
vrée protectrice,  à  cause  des  Oiseaux  de  proie.  » 

Malheureusement,  on  le  voit,  l'expérience  ne  date  encore 
que  de  trois  ou  quatre  ans  :  dans  ces  conditions,  malgré  la 
rapidité  avec  laquelle  se  succèdent  les  générations  de  Lapins, 
elle  ne  saurait  avoir  une  grande  portée  :  il  faudrait  la  pro- 
longer des  années  encore,  avant  d'en  pouvoir  tirer  des  con- 
clusions solides. 


536  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Mais,  depuis  qu'elle  a  attiré  mon  attention,  je  me  suis 
aperçu  que  nous  n'avions  pas  besoin  d'attendre  ses  résultats, 
d'autres  expériences  s'étant  déjà  faites,  dans  des  conditions 
analogues,  sur  différents  points  de  l'Amérique. 

«  A  la  Jamaïque,  dit  Darv^in,  les  Lapins  redevenus  sau- 
vages, affectent,  dit-on,  une  teinte  ardoisée,  largement  sau- 
poudrée de  blanc  sur  le  cou,  les  épaules  et  le  dos,  et  tournant 
au  blanc  bleuâtre  sous  le  poitrail  et  l'abdomen. . .  Depuis  bien 
des  années,  il  y  a  des  Lapins  redevenus  sauvages  dans  les 
îles  Falkland;  ils  sont  abondants  dans  certains  endroits,  mais 
ne  se  répandent  pas  beaucoup.  La  plupart  affectent  la  cou- 
leur grise  ordinaire  ;  quelques-uns,  d'après  l'amiral  Sulivan, 
présentent  la  couleur  du  Lièvre  ;  beaucoup  sont  noirs  et  ont 
souvent  sur  la  face  des  marques  sj'métriques  blanches. 
M.  Lesson  a  décrit,  en  conséquence,  la  variété  noire  comme 
une  espèce  distincte,  sous  le  nom  de  L.  magellanicus,  erreur 
que  j'ai  déjà  relevée  ailleurs.  Les  pêcheurs  de  Phoques  ont 
récemment  approvisionné  de  Lapins  quelques  petits  îlots 
extérieurs  du  groupe  des  îles  Falkland,  et  l'amiral  Sulivan 
m'apprend  que,  sur  l'un  d'eux,  Peble-Islet,  les  Lapins  af- 
fectent pour  la  plupart  la  couleur  du  Lièvre,  tandis  que, 
sur  un  autre,  Rabbit-Islet,  la  plupart  ont  revêtu  une  couleur 
bleuâtre  qu'on  ne  voit  nulle  part  ailleurs.  On  ignore  quelle 
était  la  couleur  des  Lapins  qu'on  a  autrefois  lâchés  dans  ces 
petites  îles  (1),  » 

Ces  observations  nous  permettent  de  conclure. 

IIL  Conclusion. 

En  somme,  remis  à  l'état  de  liberté,  on  n'a  jamais  vu  le 
Lapin  domestique,  Lepus  domeslicus,  ni  former  une  espèce 
nouvelle,  ni  se  confondre  avec  le  Lapin  sauvage,  Lepus  cu- 
nîculv.s;  mais,  dans  tous  les  cas  bien  constatés,  on  l'a  vu 
maintenir  son  autonomie  et  conserver  ses  caractères  zoo- 
taxiques  propres. 

Je  suis  porté  à  croire  que  cette  conclusion,  justifiée  ici 
dans  le  cas  du  Lapin,  pourrait  être  généralisée  et  s'appliquer 
au  cas  de  tous  nos  animaux  domestiques. 


(1)  Darwin,  Ice.  cit.,  p.  123. 


SUR  LES  MODIFICATIONS  DE  L'ESPECE 

Par  m.  Remy  SAINT-LOUP. 


Le  mémoire  de  M.  Lataste,  sur  les  Lapins  de  l'étang  de 
Caiiquenes,  nous  fournit  des  renseignements  intéressants, 
relate  un  fait  précis,  mais,  comme  l'auteur  le  dit  lui-même, 
«  malheureusement  l'expérience  en  cours  ne  date  que  de  trois 
ou  quatre  ans;  elle  ne  saurait  avoir  une  grande  portée  :  il 
faudrait  la  prolonger  des  années  encore  avant  de  pouvoir 
tirer  des  conclusions  solides  ».  La  discussion  des  trois  hypo- 
thèses faites  par  M.  Lataste,  relativement  aux  modifications 
ou  à  la  permanence  d'une  espèce  domestique  rendue  à  la 
liberté,  ne  saurait  donc,  par  suite,  trouver  des  arguments 
dans  l'expérience  relatée,  et  le  problème  reste  posé.  Examinons 
cependant  ces  hypothèses  : 

1°  Formation  d'une  espèce  nouvelle. 

M.  Lataste  rejette  cette  hypothèse  en  traitant  de  légende 
riiistoire  des  Lapins  de  Porto-Santo,  rendus  célèbres  par 
Darwin.  Cette  histoire  ne  lui  paraît  pas  recevable  parce  que 
l'espèce  de  Porto-Santo  vit  aussi  dans  les  îles  Salvages.  Je  ne 
vois  pas  comment  cet  argument  est  décisif;  pour  qu'il  ait 
quelque  valeur  il  faudrait  pouvoir  assurer  que,  depuis  le 
xv«  siècle  jusqu'à  nos  jours,  aucun  transport  d'animaux  n'ait 
pu  se  faire  dans  la  région.  Laissons  cependant  ce  point  et 
répétons  avec  M.  Lataste  qu'on  n'a  jamais  allégué  aucun 
autre  exemple  de  formation  d'espèce  nouvelle  par  retour  à 
l'état  sauvage  du  Lapin  domestique. 

2"  Retour  au  type  primitif. 

Ici  nous  partageons  absolument  la  manière  de  voir  de 
M.  Lataste.  Imaginer  qu'un  animal  domestique  rendu  à  la 
liberté  retourne  au  type  primitif  est  incompatible  avec  tout 
ce  que  nous  connaissons  des  lois  biologiques.  Dabord  qu'est- 
ce  que  le  type  primitif?  Est-ce  le  type  sauvage  qui  ressemble 
le  plus  au  tj'pe  domestique?  Rien  ne  le  prouve,  car,  en  admet- 
tant la  communauté  d'origine  des  deux  types,  ils  peuvent 
différer  autant  l'un  que  l'autre  du  modèle  primitif. 

Pour  faire  revenir  un  animal  au  type  ancestral,  il  faudrait 


538  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUEES. 

que  nous  puissions  faire  tourner  la  terre  à  l'envers.  C'est  clil- 
ticile,  et  les  physiciens  prétendent  que  la  chose  aurait  des 
inconvénients. 

Quelques  auteurs  ont  imaginé  de  considérer  le  Lapin  sau- 
vage, le  Lapin  de  garenne  comme  l'ancêtre  de  nos  Lapins 
domestiques.  Cette  hypothèse  toute  gratuite,  admise  par 
Darwin  sans  démonstration  et  contre  l'opinion  de  Gervais, 
est  aujourd'hui  acceptée  par  tout  le  monde.  Cela  ne  yeut  pas 
dire  qu'elle  soit  exacte.  La  transformation  d'un  Lapin  domes- 
tique en  Lapin  de  garenne  ne  prouverait  donc  pas  à  mon 
avis  le  retour  au  type  primitif  mais  simplement  ceci  que  les 
Lapins  de  garenne  de  certaines  régions  pourraient  bien  être 
des  Lapins  domestiques  autrefois  et  mis  en  liberté  dans  les 
champs. 

3°  Conservation  des  principaux  caractères  de  la  race 
domestique. 

Ici,  M.  Lataste  nous  cite  l'expérience  de  l'étang  de  Cau- 
quenes;  elle  est  jugée.  Mais  la  formule  même  de  l'hypothèse 
nous  rapproche  de  cette  autre  formule,  formation  d'une  espèce 
nouvelle.  S'il  y  a  conservation  des  principaux  caractères,  il 
y  a  donc  des  modifications  de  caractères  secondaires?  et  si  la 
permanence  n'est  pas  intégrale,  pourquoi  ces  modifications 
secondaires  n'atteindraient-elles  pas  la  valeur  spécifique?  Il 
est  inutile  d'étendre  cette  discussion,  qui  nous  entraînerait 
dans  tout  le  verbiage  déjà  dépensé  pour  définir  l'espèce.  Nous 
inscrivons  seulement  nos  réflexions  et  M.  Lataste,  certai- 
nement, ne  verra  pas  ici  une  attaque,  mais  des  objections 
laites  surtout  pour  aboutir  à  une  solution  nette  de  questions 
très  difficiles. 

Nous  dirons,  en  manière  de  conclusion,  que  des  animaux 
domestiques  rendus  à  la  liberté  ne  semblent  pas  se  modifier 
rapidement,  mais  nous  ne  savons  nullement  quel  temps  et 
quelles  circonstances  sont  nécessaires  pour  qu'ils  se  trans- 
forment en  une  espèce  nouvelle.  La  véritable  question  est  là  : 
je  souhaite  que,  dans  quelques  années,  M.  Lataste  vienne 
nous  dire  que  les  Lapins  des  iles  Cauquenes,  maintenus  rigou- 
reusement de  pure  race,  ne  se  croisent  plus  avec  les  Lapins 
domestiques  dont  ils  sont  issus;  il  donnerait  un  argument 
sérieux  à  l'hypothèse  que  je  soutiens  :  celle  de  la  formation 
d'espèces  nouvelles. 


VISITES  FAITES 

AUX  ÉTABLISSEMENTS  D'AVICULTURE 

Par  m.  mardis. 


ELEVAGE 

MAISON   DE  COMMERCE  ET   FERME  AGRICOLE 

DE  MM.  VOITELLIER  FRÈRES, 

ANCIENNE   ROUTE   DE  PARIS   A   ROUEN,   A  LIMAY, 
CANTON   DE   MANTES   (SE1NE-ET-0ISE). 

L'établissement  de  MM.  Voitellier  se  compose  de  trois 
parties  bien  distinctes,  que  je  Yais  avoir  riionneur  de  pré- 
senter l'une  après  l'autre. 

I.  Fabrication,  maison  de  vente  et  habitation. 

Cette  première  partie  se  trouve  à  gauche  de  la  route  de 
Rouen  en  venant  de  Mantes. 

Elle  se  compose,  en  entrant,  du  bureau  particulier  de 
MM.  Voitellier  et  du  bureau  administratif.  A  la  suite  se 
trouve  le  couvoir. 

Le  couvoir  se  compose  de  22  appareils  alimentés  par  une 
canalisation  d'eau  chaude,  greffée  sur  une  chaudière  en  fer, 
reposant  sur  un  immense  fourneau  en  briques. 

Ce  fourneau  se  trouve  dans  une  petite  pièce  à  part  située 
contre  le  couvoir  au  fond.  Contre  le  mur  au  fond  du  couvoir 
face  à  la  cour,  se  trouvent  placées  les  plaques  indicatrices 
des  récompenses  obtenues  par  la  maison.  Le  sol  du  couvoir 
est  recouvert  de  sable  fin. 

A  la  suite  du  couvoir  sont  situés  le  bâtiment  de  la  fabrica- 
tion, l'atelier  de  cliarronnage,  menuiserie,  scierie  mécanique, 
tournage,  serrurerie  et  chaudronnerie,  etc.  Dans  l'atelier  se 
trouve  un  manège  à  chevaux  servant  à  faire  mouvoir  une 
machine  à  découper  les  bois,  à  les  dresser,  à  les  raboter,  à 
faire  marcher  les  tours. 

Au-dessus  de  cet  atelier,  au  1°''  étage,  se  trouve  l'atelier  de 


540 


REVUE   DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 


peinture  et  de  grillagerie.  Un  pont  jeté  au-dessus  de  la  cour 
relie  cet  atelier  à  un  magasin  à  droite  où  se  trouvent  en 
dépôt  des  grilles  en  fer,  des  couveuses,  éleveuses,  cabanes 
et  divers  instruments  avicoles. 

A  la  suite  de  l'atelier  de  chaudronnerie,  se  trouve  l'atelier 
des  emballages,  après  lequel  est  situé  un  chenil  couvert  pour 
les  chiens  et  un  promenoir  entouré  d'une  grille. 


Au  fond  de  la  cour,  à  droite  contre  le  mur,  on  voit  les  pre- 
mières cabanes  datant  de  l'ouverture  de  l'établissement  de 
MM.^Voitellier  en  1872,  se  composant  de  25  compartiments 
de  3.00  X  1.00,  contenant  des  volailles  de  diverses  races.  Le 
service  de  ces  cabanes  se  fait  par  un  petit  couloir  couvert, 
comme  cela  existe  dans  notre  Concours  général. 

La  partie  du  fond  est  à  deux  étages  et  le  fond  est  grillagé. 


VISITES  AUX  ETABLISSEMENTS  D'AVICULTUBE.  o4l 

Quoique  anciennes  de  date,  ces  cabanes  sont  très  com- 
modes. 

Dans  la  cour,  devant  le  chenil,  des  Canards  de  Rouen  et 
quelques  volailles. 

L'écurie  se  trouve  à  la  suite  et  peut  contenir  12  chevaux  : 
ce  nombre  est  occupé  dans  l'établissement  et  ses  dépen- 
dances. 

Au-dessus  de  l'écurie,  remise  avec  pigeonnier. 

Maison  d'habitation. avec  jardin  au-devant. 

La  maison  de  commerce,  de  fabrication  et  les  dépendances 
de  rétablissement  de  MM,  Voitelher  occupent  chaque  jour, 
en  dehors  des  patrons  qui,  comme  les  employés,  sont  occupés 
du  matin  au  soir,  des  commis,  faisandiers,  menuisiers,  char- 
rons, tourneurs,  serruriers,  plombiers,  charretiers,  garçons, 
etc.  au  nombre  de  cinquante  environ,  car  on  fabrique  tout 
dans  l'établissement  :  Le  bois  arrive  en  madriers,  on  le 
débite,  on  le  taille,  on  le  rabote,  et  il  sort  de  l'établissement 
en  appareil,  soit  vendu,  soit  prêt  à  être  vendu. 

La  plus  grande  activité  règne  dans  cette  maison. 

IL  Aviculture,  Horticulture,  Agrément. 

La  deuxième  partie  est  située  à  droite  de  la  route,  en  face 
de  la  fabrication. 

On  voit,  à  droite  et  à  gauche,  contre  le  mur  sur  rue  et  en 
retour  contre  le  mur  mitoyen  à  gauche,  de  grandes  volières, 
divisées  en  trois  compartiments  sur  la  hauteur. 

Ces  volières  sont  divisées  en  compartiments  renfermant 
chacun  et  isolément,  soit  un  coq,  une  poule,  un  lapin,  une 
paire  de  pigeons  et  formant  un  total  de  195  niches  séparées. 

Chaque  amateur  désirant  une  volaille  peut  choisir  ce  qu'il 
désire  et,  comme  on  dit,  faire  son  lot.  Ces  volières  servent 
aussi  à  MM.  Voitellier  à  mettre  les  volailles  destinées  aux 
concours. 

En  entrant  à  gauche  en  retour,  on  trouve  la  vacherie  peu- 
plée de  vaches  race  bretonne,  et  de  trois  taureaux  de  m(''mo 
race.  Cette  vacherie  est  très  bien  installée. 

Dans  le  jardin,  nombreuses  allées  peuplées  de  chaque  cùté 
de  massifs,  d'arbres  fruitiers  et  nombreuses  collections  de 
parcs  et  jjarquets  de  systèmes  différents  et  de  la  fabrication 
de  la  maison.  Chacun  de  ces  parquets  renferme  une  race  de 


oi2  lŒVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

volaille  différente ,  destinée ,  comme  les  yolières  contre  la 
route,  à  être  vendue  et  livrée  aux  amateurs  venant  visiter 
l'établissement. 

Dans  une  partie,  à  gauche  de  ce  jardin ,  on  trouve  une 
pièce  d'eau  pour  le  service  des  oies  et  des  canards. 

Je  signale  aux  amateurs  une  très  belle  et  nombreuse  collec- 
tion de  Canards  de  Rouen  et  Oies  de  Toulouse. 

Parmi  les  volÉtilles,  il  faudrait,  pour  être  juste  et  sincère, 
signaler  l'ensemble  de  la  collection  et  en  particulier  les  types 
des  races  Dorking,  Cochincliine  fauve  et  perdrix,  Wyandotte, 
Brahma  hermine  et  perdrix,  Malais,  Langshan,  petites  poules 
Houdan,  Fléchois,  Barbézieux,  Hambourg,  Campine,  Leghorn 
et  de  beaux  lots  de  Mantes.  Mais  là  n'est  pas  le  clou  de  ces 
volailles  de  Mantes  dont  nous  avons  vu  déjà  de  beaux  spéci- 
mens dans  nos  concours. 

Pour  la  partie  de  parquet,  chacun  de  nous  connaît  déjà  les 
différentes  installations  de  la  maison  Voitellier;  nous  avons 
vu  dans  ce  jardin  les  types  les  plus  variés  et  mis  à  la  portée 
de  la  bourse  de  chacun.  Chaque  visiteur  peut,  en  venant 
voir  l'établissement,  s'en  retourner  en  emportant  facilement 
avec  lui  le  poulailler  qu'il  aura  choisi  pour  y  loger  la  race 
de  volaille  qu'il  aurait  chez  lui  ou  qu'il  achèterait  à  ces 
Messieurs. 

Lorsque  l'on  voit  la  composition  de  ces  parquets  divers,  on 
n'est  pas  étonné  des  brillants  succès  remportés  par  la  maison 
Voitellier  dans  les  Concours  français  et  étrangers.  Il  y  a 
chez  eux  de  quoi  garnir  facilement  un  Concours  agricole  et 
presque  un  Concours  général  de  Paris. 

L'eau  coule  sans  interruption  dans  des  bacs  et  des  bassins 
pour  le  service  des  volailles  canards  et  oies,  etc.  Des  sources 
nombreuses  existent  sur  le  territoire  de  la  commune  et  vien- 
nent dans  l'établissement. 

Comme  jardin  potager  et  fruitier,  il  doit  y  avoir  là,  en  été, 
un  agréable  séjour  et  un  rapport  excellent  comme  récolte  de 
fruits.  Je  fais  abstraction  des  légumes. 

La  plupart,  pour  ne  pas  dire  toutes  les  cabanes  existantes 
dans  ce  parc  étant  mobiles,  c'est-à-dire  transportables  et  pou- 
vant se  changer  de  place  à  chaque  instant,  le  sol  des  cabanes 
est  celui  du  jardin.  Chaque  parquet  se  compose  d'une  cabane 
servant  d'abri  et  de  poulailler  et  est  fermé  au  pourtour  par 
des  panneaux  mobiles  en  grillage,  système  de  la  maison  Voi- 


\ 


-S^S^SI- 


544  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

tellier,  se  démontant  et  se  remontant  à  volonté,  selon  les 
besoins. 

La  gente  volaille,  oies,  canards,  lapins,  pigeons,  dindons 
est  chez  elle  dans  ce  beau  jardin. 

Aussi  de  tous  côtés  on  entend  célébrer,  par  des  cocorico,  la 
joie  des  habitants  de  ces  lieux. 

III.  Elevage,  aviculture,  agriculture. 

La  ferme. 

A  environ  quarante  minutes  à  pied  de  l'établissement,  sur 
le  territoire  de  la  commune  voisine  de  Limay,  MM.  Voitellier 
sont  locataires  d'une  belle  ferme  carrée  avec  50  à  60  hectares 
de  culture  au  pourtour.  Elle  porte  le  nom  de  «  Ferme  du 
Vicêlier  ». 

Les  terres  de  culture  se  composent  de  :  partie  destinée  à 
l'herbage  pour  les  élèves  de  la  race  bovine,  race  bretonne  ; 
partie  pour  l'élevage  avicole  ;  partie  pour  la  grosse  culture, 
et  une  autre  partie  pour  la  culture  maraîchère.  A  citer 
surtout  un  immense  champ  de  choux  et  fosse  d'asperges.  Il 
faut  voir  les  volailles  se  régaler  avec  les  choux  provenant  de 
cette  pièce  de  terre. 

La  ferme  se  compose  de  bâtiments  formant  un  carré  par- 
fait; à  droite  de  la  porte  d'entrée  se  trouve  une  ancienne 
vacherie  pour  les  vaches  bretonnes  ;  en  retour  à  droite  est 
située  la  grange  de  batterie,  le  poulailler. . .  et  quel  poulail- 
ler !  Figurez-vous  une  immense  voûte  en  pierre,  peuplée 
intérieurement  de  cent  à  cent  cinquante  volailles  de  la  race 
de  Mantes,  composées  de  deux  et  trois  générations  reprodui- 
'sant  exactement  le  même  type,  le  même  plumage,  la  même 
forme  et  s'améliorant  comme  régularité  de  jour  en  jour  et 
cela,  grâce  au  coup  d'œil  des  maîtres,  créateurs  de  cette  belle 
variété.  Je  n'avais  jamais  vu  que  dans  nos  concours  et  en 
très  petite  quantité  cette  volaille  ;  aussi  suis-je  resté  stupéfait 
lorsque  M.  Henri  Voitellier  m'a  conduit  à  ce  poulailler  et 
lorsqu'il  m'a  été  donné  de  contempler  dans  la  cour  de  cette 
grande  ferme  un  ensemble  de  volailles  race  de  Mantes.  Le 
coup  d'œil  est  superbe  et  je  regrette  de  ne  pas  avoir  été 
accompagné  par  quelques  collègues,  qui,  j'en  suis  certain,  se 
seraient  joints  à  moi  pour  féliciter  MM.  Voitellier. 

Au  fond,  en  face  de  la  porte  d'entrée,  sont  les  granges  et 


VISITES  AUX  ÉTABLISSEMENTS  D'AVICULTURE.  545 

remises  et  en  retour  se  trouve  la  maison  du  fermier  et  de  la 
fermière,  chargés  spécialement  de  la  ferme.  A  la  suite  est 
située  l'écurie  et  une  nouvelle  étable  en  construction  pour  les 
vaches  bretonnes.  Après  l'écurie  on  trouve  la  bergerie  et  la 
porte  d'entrée. 

Il  existe  sous  un  hangar  au  dehors  les  machines  les  plus 
nouvelles,  comme  charrue,  bineuse,  herseuse,  faucheuse, 
semoir,  etc. 

Dans  la  cour  de  la  ferme,  il  existe  un  conduit  d'eau  cou- 
rante alimentant  un  bassin,  abreuvoir  et  dépendances.  Dans 
ce  bassin,  des  lots  remarquables  d'Oies  de  Toulouse  et  de 
Canards  de  Rouen  prennent  leurs  ébats. 

La  tenue  de  cette  ferme  est  admirable  ;  il  y  règne  la  plus 
grande  propreté  et  l'on  reconnaît  que  l'œil  des  maîtres  y 
exerce  souvent  sa  surveillance.  Les  terres  de  la  ferme  sont 
aussi  remarquables  par  leurs  ensemencements,  leur  propreté 
et  leur  tenue.  Si  le  rapport  n'est  pas  satisfaisant  —  ce  dont 
je  doute  —  on  ne  pourra  pas  l'imputer  à  la  négligence  des 
fermiers,  car  aucun  soin  n'est  épargné.  On  peut  dire  que  la 
ferme  est  le  digne  complément  de  l'établissement  Voitellier. 

C'est  à  la  ferme,  au  printemps,  que  se  font  les  élèves:  les 
couvées  se  font  à  l'établissement;  quant  à  l'élevage,  il  a  lieu 
à  la  ferme  et  dans  les  grands  et  magnifiques  parquets  existant 
au  pourtour  des  bâtiments. 

Il  ne  s'y  fait  pas  que  l'élevage  avicole,  mais  encore  l'éle- 
vage de  l'espèce  bovine,  race  bretonne,  spécialité  de  la 
maison,  dans  de  très  beaux  pâturages  situés  contre  la  ferme 
et  sur  la  Seine,  dans  une  île  située  entre  les  deux  bras. 

A  partir  du  printemps  de  fort  beaux  troupeaux  de  vaches 
et  génisses  bretonnes  se  rendent  aux  pâturages. 

Il  existe  aussi,  en  dehors  de  cette  ferme,  entre  la  maison 
d'habitation  et  cette  dernière,  une  ancienne  carrière  à  sable 
destinée  à  l'élevage  du  gibier  et  surtout  de  la  volaille.  Dans 
cette  carrière  se  trouve  une  maison  d'habitation  servant  de 
logement  au  garde-chasse  et  au  dresseur  des  chiens  du  chenil 
de  MM.  Voitellier,  connue  sous  le  nom  de  Chenil  de 
l'Aviculteur. 

Il  y  a  dans  la  maison  Voitellier  frères  :  l'Industriel,  le 
Commerçant,  rAvicuiteur  et  l'Agriculteur;  chacune  de  ces 
l)arties  est  remplie  avec  un  zèle,  une  connaissance  et  un 
soin  particulier. 

20  .Juin   1893.  35 


546  REVUE  DES  SCIENXES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Avec  quelle  bonliomie,  l'aîné,  Paul  Voitellier,  cache  sous 
une  apparence  modeste  —  trop  modeste  —  les  facultés  d'un 
homme  hors  ligne,  car  il  est  le  créateur  des  diverses  indus- 
tries et  inventions  de  la  maison.  Quel  coup  d'œil  et  en  même 
temps  quelle  modestie  lorsqu'on  lui  parle,  s'effaçant  toujours 
aussitôt  qu'on  le  questionne,  trouvant  toujours  ce  qu'il  a 
lait  tout  naturel. 

Il  ne  se  vantera  pas,  lui,  le  patriote,  des  services  rendus  à 
la  patrie  lors  de  la  guerre  de  1870,  pendant  que  son  jeune 
frère  combattait  à  l'armée  de  la  Loire,  alors  qu'il  était  meu- 
nier et  que,  grâce  à  lui,  grâce  à  son  énergie  et  malgré  l'en- 
nemi, occupant  les  environ  de  Paris,  il  conduisait  les  voitures 
destinées  à  l'alimentation  de  Saint-Germain. 

Et  comment  cette  conduite  était-elle  faite,  car  les  ponts- 
sur  la  Seine  n'existaient  plus  ?  M.  Paul  Voitellier  transportait 
sur  des  barques,  d'une  rive  à  l'autre,  les  sacs  de  farine,  les 
chevaux  traversaient  la  Seine  à  la  nage  et  l'approvisionne- 
ment arrivait  à  destination. 

Qui  a  amené  à  Paris  pour  le  ravitaillement  le  premier  ba- 
teau de  farine  ?  le  modeste  Paul  Voitellier.  Qu'a-t-il  gagné  à 
ce  beau  dévouement  patriotique  laissé  sans  récompense  '?  La 
perte  de  son  capital,  ce  premier  bateau  ayant  été  coulé  en 
Seine  par  les  soldats  de  la  Commune  et  l'approvisionnement 
de  la  ville  de  Saint-Germain  ayant  été  soldé  au  fournisseur 
en  argent  allemand  ;  le  cliange  de  cette  monnaie,  après  la 
guerre  étant  très  élevé,  fut  pour  lui  encore  une  perte  beau- 
coup trop  sensible. 

Voilà,  Messieurs,  le  portrait  de  l'un  des  deux  propriétaires. 

Le  deuxième  propriétaire  de  l'établissement,  que  nous  con- 
naissons mieux,  est  M.  Henri  Voitellier,  Vice-Président  de 
de  notre  section  d'Aviculture  pratique. 

Chacun  de  nous,  Messieurs,  a  été  quelque  peu  en  relations 
avec  M.  Henri  Voitellier,  soit  dans  notre  section  d'Avicul- 
ture, soit  dans  nos  concours  généraux  et  concours  agricoles, 
soit  dans  nos  concours  de  Société. 

J'ai  été  moi-même,  pendant  nombre  d'années,  dans  les  con- 
cours, le  concurrent  plus  ou  moi  us  heureux  de  M.  Voitellier, 
mais  jamais,  je  puis  le  dire,  je  n'ai  eu  aucune  plainte  de  sa 
l)art  ;  toujours,  s'il  y  avait  discussion,  la  discussion  était 
courtoise,  polie,  agréable. 

Lorsque  j'ai  eu   l'honneur  d'être  choisi  par  le  Ministère 


VISITES  AUX  ÉTABLISSEMENTS  D'AVICULTURE.  517 

comme  membre  du  Jury  j'ai  eu  à  Juger  les  produits  de  la  mai- 
son :  j'ai  retrouvé  encore  en  M.  Voitellier  l'homme  du  monde 
ayant  toujours  l'abord  aimable  et  gracieux,  content  de  ce 
qu'on  lui  accorde  et  ne  vous  témoignant  jamais  le  moindre 
mécontentement. 

Comme  Vice-Président  de  notre  section,  chacun  n'a  qu'à 
se  louer  de  ses  rapports  avec  lui. 

Nos  voisins  les  Belges  l'ont  si  bien  jugé  que  cette  année, 
en  deux  mois,  il  a  eu  l'honneur  d'être  choisi,  seul  comme 
juré  Français,  trois  fois  pour  juger  les  concours  et  exposi- 
tions de  nos  voisins. 

M.  Henri  Voitellier  joint  aux  qualité  d'homme  du  monde 
celles  d'agriculteur,  d'aviculteur  et  de  journaliste  distingué. 
Il  dirige  depuis  une  douzaine  d'années  le  journal  V Aviculteur 
avec  un  esprit,  une  netteté  dans  ses  appréciations,  qui  font 
que  ce  journal  est  très  lu  dans  nos  diverses  écoles  agricoles 
et  à  l'Institut  agronomique. 

En  un  mot,  M.  Henri  Voitellier  est  le  digne  frère  de 
M.  Paul  Voitellier  et  son  alter  ego. 

Je  signale  aussi  un  ancien  aviculteur,  M.  J.  Martin,  et  le 
faisandier  chef,  M.  Adrien  Marchand,  collaborateurs  distin- 
gués de  la  maison  Voitellier. 

Je  me  résume  :  La  maison  Voitellier  frères  mérite  d'être 
visitée  dans  ses  trois  i)arties,  chacune  très  intéressante,  et 
répithète  de  marchands  qu'on  leur  donne  souvent  est  fausse, 
car  il  suffît  d'avoir  vu  leur  établissement  pour  reconnaître  en 
eux  des  inventeurs,  des  commerçants,  des  aviculteurs,  des 
agriculteurs  et  des  producteurs.  A  chacun  de  faire  comme 
moi  :  Allez  visiter  l'établissement  avant  de  le  juger. 

La  maison  Voitellier  frères  a  remporté,  depuis  sa  créa- 
tion en  IS'72  jusqu'à  ce  jour,  dans  les  divers  concours  des 
gouvernements  français  et  étrangers,  concours  et  exposi- 
tions de  Sociétés,  plus  de  1200  récompenses,  dont  plusieurs 
])rix  d'honneur  et  deux  médailles  d'or  à  l'Exposition  Univer- 
selle de  1889. 


LA  VIGNE  A  MADAGASCAR 

Par  le  R.  p.  CAMBOUÉ, 

Missionnaire  de  la  Compagnie  de  Jésus  à  Tananarive. 


Un  des  membres  de  la  mission  catholique  de  Tananarive 
jjubliait  naguère  une  note  relative  à  la  culture  de  la  Vigne 
en  Imérina,  province  centrale  de  Madagascar.  «  La  culture 
de  la  Vigne,  y  disait-il,  rencontre  ici  trois  obstacles  considé- 
rables :  le  premier  c'est  le  terrain.  La  plus  grande  partie  du 
sol  de  rimérina  consiste  en  terres  argileuses  extrêmement 
compactes  et  presque  imperméables.  Elles  demanderaient, 
pour  devenir  capables  de  recevoir  la  Vigne,  beaucoup  de 
travail  et  une  quantité  considérable  de  chaux,  dont  le  pays 
est  presque  dépourvu. 

»  Le  second  obstacle  consiste  dans  le  manque  de  pluies 
opportunes.  Ici,  on  passe  régulièrement  chaque  année  six  ou 
sept  mois  sans  pluies,  sous  un  soleil  encore  ardent  ;  une  telle 
sécheresse  est  funeste  à  la  Vigne.  De  plus,  les  pluies  des  au- 
tres mois  viennent  à  contre-temps  ;  elles  commencent  quand 
elles  devraient  finir  :  à  la  saison  où  le  raisin,  presque  à  ma- 
turité, demande  un  temps  sec,  on  a  des  pluies  continuelles 
qui  lui  enlèvent  ses  bonnes  qualités,  quand  elles  ne  le  pour- 
rissent pas  (1). 

»  Le  troisième  obstacle  est  une  chaleur  continuelle  qui  ne 
permet  pas  à  la  sève  de  se  reposer.  Nous  avons  vu,  non 
seulement  des  grappes  mûres  et  de  petites  grappes  vertes  sur 
le  même  cep,  mais  dans  la  même  grappe  des  grains  tout  à 
fait  mûrs  et  d'autres  encore  tout  petits  et  tout  verts.  Cette 
chaleur  n'est  pas  assez  forte  cependant  pour  faire  produire  à 
la  vigne  deux  récoltes  par  an  comme  dans  les  pays  plus 
chauds.  Mais  néanmoins  il  y  a  si  peu  d'hiver  dans  l'Imérina, 

(1;  Dans  la  répion  centrale  de  Madafrascar,  Tannée  se  divise  en  deux  saisons 
principales,  la  saison  sèche  et  la  saison  pluvieuse.  Celte  dernière  commence 
vers  novembre  pour  se  terminer  vers  avril.  P-  C. 


LA  VIGNE  A  >L\DAGASCAR.  549 

que  la  Vigne  est  en  végétation  à  peu  près  toute  l'année  ; 
aussi,  lorsqu'arrive  le  printemps,  non  seulement  elle  est 
lente  à  repousser,  mais  ses  pousses  sont  maigres,  les  fruits 
peu  nombreux,  souvent  chétifs,  parfois  avortés.  C'est  alors, 
au  printemps,  que  la  pluie  serait  nécessaire,  et  il  n'y  en  a 
point 

»  Quels  sont  les   résultats  obtenus  jusqu'ici  ?  —  M.   La- 
borde,   dont  il  faut  toujours  parler  lorsqu'il  s'agit  d'efforts 
tentés  pour  développer  à  Madagascar  l'agriculture  ou  l'indus- 
trie, cultiva  jadis  des  plants  de  vigne  de  diverses  espèces.  Il 
put  à  cette  époque,  grâce  à  la  faveur  de  la  reine  Ranava- 
lona  I,  choisir  un  terrain  et  une  exposition  favorables  ;  aussi 
fit-il  bient(3t  goûter  à  ses  amis  des  Muscats  d'un  fort  bon 
goût  et   quelques  bouteilles  d'un  vin  qui  fut  assez  apprécié, 
même  en  Europe.  Malheureusement  ses  plants  furent  envahis 
par  l'oïdium  Vannée  même  où  ce  fléau  fit  son  apparition  en 
France  ;  dès  lors    ils    commencèrent    à   dépérir.  Lorsque 
M.  Laborde  dut  se  retirer,  des  Malgaches,  alléchés  par  le 
prix    exorbitant    qu'ils    avaient    parfois    tiré    de    quelques 
grappes  de  raisin,  se  mirent  à  cultiver  chez  eux  la  vigne  ; 
mais,  faute   de  soins  intelligents,  ces   essais  ne  donnèrent 
généralement    que    d'assez  minces  résultats.   D'ailleurs  les 
Malgaches,  pressés  de  jouir  de  leurs  produits  de  peur  d'être 
volés,  et  peu  délicats  en  fait  de  fruits,  cueillaient  d'ordinaire 
et  vendaient  le  raisin  longtemps  avant  sa  maturité. 

»  Les  Missionnaires  français  ont  aussi  essayé  de  cultiver 
quelques  plants  de  Vigne  importés  d'Europe  ;  il  s'agissait 
pour  eux  d'un  point  capital,  d'avoir  du  vin  véritable  pour  le 
Saint  Sacrifice.  Mais  ils  ne  pouvaient  guère  choisir  le  terrain, 
ni  l'exposition  qu'il  eût  fallu  à  la  Vigne.  Néanmoins  plusieurs 
d'entre  eux  ont  adossé  une  treille  à  leur  logis,  ont  planté 
quelques  ceps  devant  leur  porte.  Une  petite  campagne,  dans 
un  terrain  si  renommé  pour  son  aridité  que  les  Malgaches 
l'appellent  «  Amholokandrina  »  (cheveux  sur  le  front),  — 
parce  qu'il  était  aussi  dépourvu  de  verdure  que  le  front  de 
cheveux  — ,  leur  a  aussi  permis  de  cultiver  à  grands  frais  un 
petit  carré  de  vigne.  Les  résultats  n'ont  pas  toujours  répondu 
au  travail  ni  aux  dépenses,  ni  surtout  aux  désirs  des  cultiva- 
teurs. Cependant,  en  dépit  des  conditions  défavorables  et  de 
l'oïdium,  on  a  pu  arriver  à  faire  une  petite  quantité  d'un  vin 


ooO  REVUE  LES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES, 

assez  médiocre,  mais  avec  lequel  on  peut,  du  moins,  dire  la 
Sainte-Messe  en  toute  assurance  (1). 

»  Plusieurs  Malgaches,  qui  pouvaient  disposer  de  meil- 
leurs terrains,  et  à  qui  les  Missionnaires  ont  fourni  des 
plants  et  enseigné  la  manière  de  les  cultiver  et  de  les  tailler, 
ont  obtenu  d'assez  bons  résultats  ;  mais  ils  se  bornent  au 
raisin  de  table  ;  encore  le  cueillent-ils  presque  vert.  Les 
plants  qui  ont  le  mieux  réussi  sont  les  plants  américains. 

»  Vu  ces  faits,  et  les  obstacles  énumérés  ci-dessus,  ii  pa- 
raît difficile  que  le  plateau  d'Imérina  puisse  faire  un  pays 
vignoble.  Mais  il  semble  qu'on  pourrait,  sans  trop  de  diffi- 
(^ultés,  surtout  si  l'on  avait  la  faculté  de  choisir  des  terrains 
appropriés  à  cette  culture,  se  procurer  du  raisin  de  table,  et 
fabriquer  un  vin  dont  la  provenance  du  moins  serait  hors  de 
doute  (I).   » 

(1)  Au  sujet  de  Tenvoi  que  je  lis  à  ia  Société  d'un  échantillon  de  ce  vin,  eu 
1888,  M.  le  Secrétaire  général  m'écrivit  :  —  t  Le  vin  maljjache  est  arrivé  ici 
en  parfait  état  de  conservation  :  en  votre  nom  je  lai  présenté  à  notre  Conseil 
qui  l'a  dégusté  avec  la  plus  grande  attention.  Ce  nouveau  produit  de  —  Mada- 
gascar —  est  pour  nous  d'un  haut  intérêt;  à  en  juger  par  lui  on  peut  espérer. 
avec  des  soins  de  culture  et  de  vinification,  obtenir  des  crûs  de  la  meilleure 
qualité.  Recevez  nos  félicitations  sur  ces  premiers  essais,  et  nos  plus  vifs  en- 
couragements. »  P.  C 

(2)  Cfr.  :  Resaka,  revue  mensuelle,  u»  102  yCultnre  de  la  Vigne  sur  le  pla- 
teau d'Imérina,  par  le  R.  P.  Pierre  Campenon  S.  J.),  Antananorivo,  1882.  — 
11  ne  sera  peut-être  pas  sans  intérêt  de  reproduire  ici  l'extrait  suivant  d'une 
lettre  envoyée  à  la  même  revue  au  sujet  de  1  article  du  R.  P.  Campeuon: 

«  Vous  avez  publié,  au  mois  de  juin,  dans  le  Resaka,  une  élude  sur  la  cul- 
ture de  la  Vigne.  Sans  contredire  les  assertions  de  l'auteur  de  l'article,  il  me 
semble  que,  mov'ennant  quelques  additions,  on  peut  arriver  à  des  conclusions 
moins  alarmantes  pour  les  amateurs,  même  dans  l'Imerina.  Si  les  essais,  ten- 
tés jusqu'à  ce  jour,  n'ont  pas  donné  des  résultais  satisfaisants,  ne  m'est-il  pas 
permis  de  croire  que,  entrepris  d'après  des  idées  préconçues^  ou  n'a  pas  assez 
consulté  les  circonstances  géologiques,  phj'siques  et  climatériques  de  l'ile. 

»  Examinons  brièvement  les  conditions  qui  nous  paraissent  indispensables  au 
succès  attendu. 

>  La  Vigne  est  de  toutes  les  plantes  celle  qui  est  le  plus  sensible  à  lactiou 
des  causes  extérieures.  Il  faut  donc  savoir  se  rendre  compte  des  circonstances 
iavorables  ou  défavorables  pour  arriver  à  un  produit  certain  et  abondant. 
L'exposition  et  la  nature  du  sol,  qui  varient  selou  la  latitude  el  l'altitude, 
doivent  avant  tout  attirer  l'attention. 

•  En  général,  la  Vigne  aime  les  lianes  des  coteaux  et  les  pentes  médiocrement 
inclinées.  Elle  redoute  les  sommets  trop  exposés  aux  vents  et  les  lieux  bas  et 
humides.  LIne  bonne  exposition  et  des  abris  naturels  modifient  la  condition  du 
climat. 

>  La  Vigne  s'accommode  de  tous  les  terrains,  convenablement  exposés  et  situés 
dans  un  climat  favorable,  quelle  que  soit  d'ailleurs  leur  composition  élémen- 
taire; mais  tous  ne  sont  pas  également  propices  à  sa  production.  Les  terrains 
sablonneux,  secs,  caillouteux,  vo.caniques,  sont  ceux  où  la  Vigne  prospère  le 


LA  VIGNE  A  MADAGASCAR.  531 

Ce  résultat  serait  peut-être  plus  facile  encore  à  atteindre 
(faisait  remarquer,  en  terminant,  l'auteur  de  la  note),  si, 
comme  on  l'assure,  il  se  trouve  à  Madagascar  une  Vigne  qui 
croit  spontanément  dans  les  forêts.  Ce  serait  un  plant  à 
essayer. 

Qu'il  existe  une  vraie  Yigne  (  Vitis)  croissant  sur  le  sol  de 
la  grande  lie  africaine,  outre  celles  d'importation  ou  d'intro- 
duction récente,  cela  semble  ne  plus  faire  de  doute  aujour- 
d'hui. 

Parmi  les  —  «  Herbes  remarquables  h  Madagascar  sem- 
blables à  celles  de  France  »  E.  de  Flacourt  citait  déjà  au 
dix-septième  siècle,  —  «  la  Vigne  véritable  apportée  pre- 
»  mièrement  dupais  A  Iflssac  h  par  moa  ordre 

»  La  Vigne  du  pais  d'Alfisach  est  vraye  Vigne  ;  il  y  en  a  par- 

w  tout  le  païs  ;  j'en  ay  planté  au  Fort-Dauphin  où  dans  peu 

»  de  temps,  l'on  en  fera  du  vin  en  bonne  quantité  :  pourveu 

»  que  l'on  continue  à  en  cultiver.  Elle  fructifie  fort,  et  j'en 

mieux,  au  moins  pour  la  qualité  des  vins,  —  Les  terres  grasses,  humides  ou 
subslantieiles  donnent  des  produits  abondants,  mais  médiocres  en  qualité.  — 
Les  terrains  ar^riieux,  compacts  et  imperméables  doivent  être  considérés  comme 
les  moins  propres  à  cette  culture. 

•  Ces  principes  posés,  à  quelles  conditions  le  sol  de  Madagascar  se  prêtera- 
l-il  à  un  résultat  plus  ou  moins  satisfaisant.  Etablissons  d'abord  une  dilFérence 
entre  les  so's  de  la  côte  et  ceux  du  plateau  central, 

»  Sur  la  côte  nul  doute  que  la  Vigne,  cultivée  dans  les  conditions  voulues, 
ne  soit  susceptible  d'un  bon  rendement.  Le  sol  est  un  sable  végétal,  conser- 
vant suffisamment  l'humidité.  Pour  l'abriter  contre  les  fortes  brises,  il  ne 
manque  pas  de  vallées,  dès  qu'on  s'enfonce  dans  les  terres  ;  et  dans  la  plaine, 
des  arbres  nombreux  lui  font  un  bon  rempart. 

»  Pour  la  soustraire  aux  ardeurs  du  soleil,  ou  plutôt  au  rayonnement  du  sol, 
la  vigne  doit  être  établie  en  vigne  haute  ou,  comme  Ton  dit,  en  hautain.  Cette 
élévation  préserve  le  l'ruit  des  rayons  rétléchis  par  le  sable  et  des  éclaboussures 
produites  par  les  fortes  pluies.  C'est  en  procédant  ainsi  que,  dans  les  bas,  on 
obtient  de  beaux  et  nombreux  raisins,  et  qu'un  propriétaire  à  Tamatave  a 
pu  faire  du  vin.  Il  ne  faut  pas  craindre  de  la  laisser  monter  haut.  J'ai  vu  une 
treille  vigoureuse,  de  belle  venue,  donner  beaucoup  de  fruits;  mais  ils  parve- 
naient rarement  à  une  maturité  complète.  Ayant  besoin  de  remplacer  les  sup- 
ports, le  jardinier  les  éleva  de  0"',50  à  O^jGO.  Depuis  lors,  la  mêms  vigne  est 
plus  productive  et  la  maturation  plus  régulière. 

•  Cette  condition  d'élévation  paraît  donc  essentielle. 

»  Dans  le  plateau  de  l'Imerlna,  la  réussite  est  plus  problématique,  à  cause  de 
la  nature  du  terrain  et  des  inlluences  climatériques.  Cependant  une  exposition, 
convenablement  abritée,  permet  d'espérer  un  résultat  satisfaisant.  Il  y  a  des 
vallées  nombreuses,  qui  ne  sont  pas  dépourvues  de  bonne  terre.  Leur  disposi- 
tion offre  des  abris  naturels,  et  des  conditions  telles  qu'on  peut  les  désirer.  Leur 
pente  laisse  s'écouler  les  eaux  des  grandes  pluies,  et  conserve  assez  d'humidité 
pour  nourrir  les  plîinls.  Nous  avons  une  preuve  de  ce  fait  en  cette  végétation 


552  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

»  ay  mangé  le  premier  raisin  au  mois  de  Janvier  de  l'an 
»  1655  (1).  » 

Des  voyageurs  ou  explorateurs  modernes  ont  rencontré  et 
signalé  la  Vigne  croissant  sur  divers  autres  points  de  Mada- 
gascar. D'ailleurs,  les  indigènes  semblent  distinguer  eux- 
mêmes  la  Vigne  récemment  introduite  dans  le  pays  par  les 
Européens  de  celle  qui  y  croit  spontanément.  Ils  appellent  la 
première  Voalobobazaha  (Vigne  des  Blancs),  tandis  qu'ils 
donnent  à  l'autre  le  nom  de  Voalobokagasy  (Vigne  des  Mal- 
gaches). 

Cette  Vigne  Voalodohagasy  constitue-t-elle  une  espèce 
particulière  indigène,  ou  bien  a-t-elle  été  elle-même  introduite 
dans  la  grande  île  africaine  à  une  époque  plus  ou  moins 
éloignée  ?  Il  ne  serait  point  surprenant  que  ladite  Vigne 
provînt  de  plants  importés  ou  introduits  à  Madagascar  par 
les  premiers  colons  de  l'île. 

M,  Naudin,  l'éminent  directeur  de  la  villa  Tliuret,  à  qui  j'ai 

si  vigoureuse,  qui  se  développe  dans  les  fossés,  creusés  autour  des  tokotany  (en- 
clos) en  guise  de  fortification. 

»  On  peut  aussi  utiliser  les  creux  des  roches  où  il  se  rencontre  des  détri- 
tus. Nous  sommes  dans  une  latitude  où  l'altitude  n'est  point  un  obstacle  au  dé- 
veloppement de  la  Vigne. 

»  Quoique  la  Vigne  haute  présente  plus  de  chances  de  réussite,  il  n"est  pas 
nécessaire  de  la  laisser  monter  aussi  haut  que  dans  les  bas.  Si  Ton  veut  essayer 
de  la  vigne  basse,  qu'on  laisse  le  pied  principal  atteindre  au  moins  la  hauteur 
de  O^jô.T.  Le  tailler  plus  bas  et  surtout  ras  de  terre,  c'est  le  condamner,  sinon  à 
la  stérilité,  du  moins  à  n'avoir  jamais  des  fruits  complètement  mûrs. 

■  Les  chaleurs  dans  llmerina  n'étant  pas  assez  fortes  pour  faire  produire, 
comme  sur  la  côte,  deux  récoltes  par  an,  il  faudra  fixer  la  taille  de  manière  à 
obtenir  le  raisin  à  l'époque  la  plus  opportune.  La  récoite  en  octobre  est  la  plus 
naturelle.  Cependant,  dans- cet  hémisphère,  la  taille  en  novembre,  pour  récol- 
ter en  mars  ou  en  avril,  offre  certaines  conditions  de  réussite.  La  pousse  aurait 
pour  elle  les  pluies  de  l'hivernage,  et,  au  moment  de  la  maturation,  le  soleil 
serait  encore  assez  fort  pour  faire  mûrir  le  raisin. 

•  Si  enfin  on  désire  ne  récolter  que  des  raisins  pour  la  table,  il  faut  planter 
la  Vigne  contre  les  murs  de  clôture,  qui  lui  serviront  d'abri  et  de  support,  et 
qui,  par  la  rétlexion  de  la  chaleur,  augmenteront  l'action  du  soleil. 

»  En  donnant  ici  notre  opinion,  nous  n'avons  pas  la  prétention  d'exclure 
tout  autre  système.  Nous  nous  trouvons  dans  une  région  où  les  essais  sont  à 
faire.  Nous  signalons  seulement  les  conditions  qui  nous  paraissent  les  plus  favo- 
rables à  la  réussite.  Après  tout,  faut-il  s'attendre  à  un  succès  infaillible?  Sou- 
venons-nous que  chaque  contrée  de  l'Europe  a  sa  manière  de  cultiver;  et  telle 
méthode  qui  réussit  fort  bien  en  un  lieu,  n'a  aucune  chance  de  réussite  dans 
un  autre.  L'expérience  seule  doit  en  fixer  le  choix.  > 

(F.  C.  Resaka,  n"  104.) 

(1)  Hiitoire  de  la  grande  isle  Madagascar,  composée  par  le  sieur  de  Flacourt, 
directeur  général  de  la  Compagnie  Irançaise  de  l'Orient  et  commandant  pour 
Sa  Majesté  dans  ladite  isle  et  islcs  adjacentes.  —  Paris,  1661,  chap.  xxxvi. 


LA  VKtNE  a  MADArTASCAR.  553 

envoyé  des  spécimens  de  Voalobohagasy,  m'écrivait  naguère, 
au  sujet  de  cette  Vigne  :  —  «  J'ai  reçu,  et  je  tiens  à  vous  en 
faire  mes  remerciements,  les  graines  de  cette  intéressante 
espèce  de  Vigne  de  Madagascar  que  vous  avez  eu  la  bonne 
idée  de  m'adresser.  J'en  ai  tout  de  suite  semé  quelques-unes, 
et  je  distribue  le  reste  à  divers  acclimateurs  d'Algérie  qui  s'y 
intéressent  tout  comme  moi.  Mais  trouvera-t-elle  dans  nos 
climats  la  chaleur  nécessaire  à  son  développement  ?  That  is 
tlie  question.  J'espère  cependant  que  le  Sud-Algérien  lui 
conviendra. 

«  Une  région  qui  me  paraît  devoir  convenir  entre  toutes, 

pour  les  plantes  de  Madagascar,  est  la  Nouvelle-Calédonie 

et  il  est  vraisemblable  que  votre  nouvelle  Vigne,  surtout 
améliorée  par  la  culture,  y  rendrait  des  services.  Il  y  aurait, 
le  Gouvernement  aidant,  quelque  chose  à  faire  de  ce  côté-là. 
Cela  viendra  peut-être. 

«  En  attendant  il  est  bon  que  cette  grande  île  de  Mada- 
gascar, presque  un  petit  continent,  soit  explorée  au  point  de 
vue  de  ses  productions  naturelles,  et  pour  y  faire  des  décou- 
vertes utiles  à  la  science  et  à  l'industrie,  il  n'est  rien  tel  que 
d'y  habiter  à  demeure.  C'est  le  rôle  des  missionnaires  mieux 
placés  que  personne  pour  rendre  ces  services.  » 

Quelque  temps  après,  M.  Naudin  m'apprenait  que  les  graines 
de  Voalobokagasy  n'avaient  point  levé  chez  lui,  mais  qu'un 
de  ses  amis,  acclimateur  à  Oran,  avait  été  plus  heureux.  — 
«  La  nouvelle  Vigne,  disait-il,  a  bien  réussi  entre  ses  mains 
et  il  doit  m'en  envoyer  des -sarments  à  bouture.  Est-ce  bien 
une  espèce  nouvelle  ou  une  variété  de  la  Vigne  d'Europe  qui 
se  sera  naturalisée  spontanément  à  Madagascar?  Ce  sera  une 
question  à  examiner.  » 

D'autre  part,  M.  Alfred  Grandidier,  le  savant  membre  de 
l'Institut  dont  on  sait  la  compétence  en  tout  ce  qui  concerne 
Madagascar,  m'écrivait  au  sujet  du  Voaloholiagasy  :  «  Je 
ne  veux  pas  tarder  à  vous  apprendre  la  bonne  arrivée  de  vos 

spécimens  de  Vigne Il  n'est  pas  douteux  que  c'est  le  vrai 

Yilis  vinifera,  notre  Vigne  d'Europe  (variété  très  voisine 
•duFrankenthal).  C'est  là  un  fait  curieux.  » 

Durant  un  séjour  de  quelques  mois  à  l'ile  de  la  Réunion, 
j'ai  eu  dernièrement  la  bonne  fortune  de  rencontrer  à  Saint- 
Denis  M.  Marchai,  un  des  colons  les  plus  expérimentés  de 
Madagascar,  hal)itant  la  région  de  Fort-Daui)liin  depuis  plu- 


d"J4    ■  REVUE  DES  SCIEN'CES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

sieurs  années.  L'ayant  interrogé  au  sujet  du  «  païs  Alfissacli  » 
cVoù  E.  de  Flacourt  dit  avoir  fait  venir  la  Vigne,  M.  Marchai 
me  répondit  riu'il  y  avait  vers  le  Nord  de  Fort-Dauphin,  dans 
la  région  de  l'Ambolo,  près  des  Zafimahery,  un  endroit 
appelé  par  les  «  Antanosy  a  Aïpissaha,  et  par  les  «  Hova  » 
Ahipisaka,  où  des  ruines  d'un  ancien  établissement  de  Blancs 
existeraient  encore.  M.  Marchai  m'affirma  avoir  reçu  lui- 
même  des  plants  de  Vigne  provenant  de  cet  endroit.  Il  est 
donc  probable  que  VAÏpissaka  des  «  Antanosy  »  ou  Ahipisaka 
des  «  Hova  »  n'est  autre  que  le  «  païs  Alflssach  »  de  E.  de 
Flacourt,  où  des  Blancs  établis  avant  lui  à  Madagascar  avaient 
introduit  et  cultiSé  la  Vigne. 

Quoi  qu"il  en  soit,  il  m'a  paru  utile,  au  point  de  vue  pra- 
tique, de  l'aire  quelques  essais  dans  le  but  de  me  rendre 
compte  du  vin  que  peut  donner  le  Voalobokagasy .  Je  n'ai 
malheureusement  pu  opérer  que  sur  une  fort  petite  quantité 
de  fruits,  difficiles  â  se  procurer  en  bonne  maturité  chez  les 
Malgaches.  Malgré  les  conditions  défavorables  de  la  récolte 
du  raisin  et  des  procédés  de  vinification,  j'ai  obtenu  un  vin 
fort  passable. 

En  même  temps  que  cette  note  j'envoie  à  la  Sociale  un 
minuscule  échantillon  dudit  vin.  J'y  joins  également  la  photo- 
graphie, prise  sur  nature,  d'une  grappe  de  Voalobokagasy .  • 
Au  moment  où  j'écris  ces  lignes,  l'un  de  nos  confrères,  le 
R.  P.  Landes,  s'occupe  d'une  petite  plantation  de  Voalûboka- 
gasy  sur  un  terrain  de  la  Mission  catholique  de  Tananarive. 
L'avenir  nous  dira  si  le  cépage  réalise  les  espérances  qu'il  fait 
concevoir. 


II.  EXTRAITS  DES  PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 


SEANCE  GENERALE  DU  19  MAI  1893. 

PRÉSIDENCE    DE    M.    A.   GEOFFROY    SAINT-ilILAIRE,    PRÉSIDENT. 

Le  procès-verbal  de  la  .séance  précédente  est  lu  et  adopté. 

M.  le  Président  proclame  les  noms  des  membres  récemmenj: 
admis  par  le  Conseil  d'administration  : 

MM.  PRÉSENTATEURS. 

A.  Geoffroy  Sainl-Hilaire. 


Delamardelle    (baron),    ;20,    boulevard 
d'Inkermann,  à  Paris. 


G.  Raverel-Wattel. 
Marquis  de  Sine'ty. 


!A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
G.  Mathias. 
-r,  c     -,.1     T  ^„r. 

Remy  bamt-Loup. 

(  A.  Geoffroy  Saint-Hilaire. 
RoGHÉ  (docteur  Georgesj,  20,  avenue  des  )  „    p,     ,  ,^. 

Gobelins,  à  Paris.  r   t    tr  -n      , 

{  L.  Vaillant. 

M.  le  Secrétaire  procède  au  dépouillement  de  la  corres- 
pondance : 

—  M.  Arn.  Leroy  écrit  d'Oran  à  M.  le  Président  : 

«  Les  Râles  d'Australie  que  la  Socie'te'  a  bien  voulu  m'accorder  en 
cheptel,  il  y  a  prés  de  deux  mois,  ne  paraissent  pas  souffrir  du  cban- 
"emeut.  Ils  manpent  bien  et  sont  fort  vifs  ;  leur  nourriture  consiste 
en  viande  bouillie  (bœuf  ou  cœur),  coupe'e  en  menus  moiceaux,  mé- 
lange'e  d'un  peu  de  millet  et  chénevis  ;  ils  mangent  volontiers  les 
vers  de  terre  et  petits  insectes,  mais  ne  loucbcnt  pas  aux  grosses  sau- 
terelles du  pays.  » 

—  M.  le  Comte  de  Saint-Innocent  adresse  un  compte 
rendu  de  son  cheptel  de  Lapins  russes  et  M.  Martel-Houzet 
de  ses  cheptels  de  Canards  â  bec  rouge  et  Faisans  vénérés, 

—  M.  J.  Gurlies-Savard  lait  connaître  â  la  Société  que, 
depuis  nombre  d'années,  il  s'est  occupé  de  contnMer  ce  qu'il 
pouvait  y  avoir  de  vrai  dans  la  concordance  des  brouillards 
de  mars  avec  les  gelées  de  mai. 

Le  résultat  de  ses  observations  a  été  négatif  et  ces  concor- 
dances lui  ont  paru  tout  à  t'ait  accidentelles. 


556  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

M.  le  Secrétaire  rappelle,  qu'il  y  a  une  vingtaine  d'années, 
la  Société  fit  procéder  à  une  enquête  de  même  nature  ;  les 
conclusions  du  rapport  présenté  alors  étaient  conformes  à 
celles  de  notre  correspondant. 

—  M.  le  Secrétaire  signale  un  cas  de  fécondité  assez 
curieux  qui  s'est  récemment  produit  au  Jardin  d'essai  du 
Hamma.  M.  Cli.  Rivière,  son  directeur,  l'annonce  en  ces 
termes,  dsnisV Algérie  agricole. 

•  «  Une  belle  chèvre  maltaise,  fécondée  par  un  bouc  d'Angora,  a 
donne'  naissance  à  ù'ois  petits,  bien  conformés,  vigoureux  et  d'excel- 
lente constitution. 

»  Les  chevrettes  vont  être  conservées  afin  de  suivre  de  près  le  re'sul- 
tat  de  ce  croisement  au  point  de  vue  laitier. 

»  On  reproche  à  la  race  d'Angora  la  limitation  de  ses  faculte's  lacti- 
fères,  on  reconnaît  que  son  lait  est  d'excellente  qualité'.  D'autre  part, 
la  race  maltaise  est  bonne  laitière  :  le  croisement  ne  peut  donc  qu'être 
très  heureux. 

»  Nous  rapprocherons  ces  résultais  de  ceux  déjà  obtenus  dans  des 
conditions  analogues.  » 

—  M.  Max.  du  Mont  demande  si  la  Société  ne  jugerait  pas 
utile  de  s'occuper  à  nouveau  des  séricigènes  exotiques  dont 
l'éducation  lui  paraît  à  peu  près  abandonnée  en  France. 

Les  espèces  américaines  et  indiennes  avaient  cependant 
donné  des  résultats  encourageants  comme  en  font  foi  les 
notes  publiées  dans  le  Bulletin  par  MM.  Fallou,  Clément, 
Wailly  et  autres. 

—  Le  Jardin  d'Acclimatation  nous  transmet  la  note  sui- 
vante qui  montre  combien  est  rustique  la  Truite  arc-en-ciel 
que  la  Société  d'Acclimatation  s'efforce  de  répandre  dans  nos 
eaux  françaises  : 

«  Le  Jardin  a  expédié,  le  2  février  1893,  à  M.  Fournial,  à  Trans 
(Var),  100  Truites  arc-en-ciel  qui,  au  moment  de  l'expe'dition,  pesaient 
de  20  à  30  grammes.  L'expe'dition  a  été  faite  dans  un  bidon  en  fer- 
blanc,  d'une  contenance  maximum  de  80  litres. 

»  Ces  Truites  sont  arrivées  en  bon  état,  malgré  un  trajet  de  1,005 
kilomètres,  d'une  durée  de  25  à  26  heures  au  moins. 

»  Parties  par  le  train  de  11  h.  15  du  matin,  elles  arrivaient  à  Mar- 
seille le  lendemain  à  6  heures  du  matin,  et  ne  pouvaient  arriver  à 
Trans  (Var)  qu'à  12  h.  46,  au  plus  tôt. 

»  Au  Jardin,  on  nourrit  ces  Salmonidés  avec  de  la  rate  hachée. 
M.  Fournial  les   nourrit  avec  des  Vairons,  pris  à  la  bouteille,  coupe's 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  557 

d'abord,  puis  entiers.  Il  les  voit  grossir  à  vue  d'oeil  et  est  émerveillé 
de  leur  rapide  croissance.  » 

M.  Fournial  se  propose  de  tenter  prochainement  une 
nouvelle  expérience  ;  à  cette  époque  de  Tannée  où  la  tempé- 
rature est  plus  élevée  les  risques  de  transport  seront  encore 

plus  grands. 

—  M.  le  comte  de  Galbert,  secrétaire  général  de  la  So- 
ciété horticole  dauphinoise,  écrit  à  M.  le  Président  : 

«  Permettez-moi  d'appeler  l'attention  de  la  Société  d'Acclimatation 
sur  la  de'cision  prise  par  les  Socie'te's  des  touristes  du  Dauphiné  et 
Horticole  dauphinoise,  re'unies  pour  la  cre'ation,  à  Champrousse  (1,800 
mètres  d'altitude),  d'un  jardin  alpin. 

»  Ce  jardin,  conçu  dans  le  genre  de  la  Linna-a  et  de  la  Daphnjea, 
sera  installe'  dés  cette  anne'e,  les  travaux  devant  commencer  le  l^""  juin 
et  tout  étant  pre'vu  pour  que  les  plantations  de  5  à  600  espèces  soient 
faites  avant  le  15  du  même  mois. 

»  Nous  vous  serions  reconnaissants  aussi  de  citer  dans  la  Revue  le 
vœu  e'mis  par  le  Conseil  départemental  de  l'Isère,  et  nous  espérons 
que  la  Société  d'Acclimatation  voudra  bien,  de  son  côté,  nous  venir 
en  aide  par  l'envoi  de  plantes  à  acclimater.  Nous  pourrons  en  recevoir 
et  les  soigner  d'une  façon  complète  dès  le  15  juin.  » 

Voici  le  texte  de  la  proposition  présentée  par  M.  le  comte 
de  Galbert  : 

»  Considérant  que  la  création  d'un  jardin  alpin  à  Champrousse  pré- 
sente pour  l'agriculture  et  l'horticulture,  aussi  bien  que  pour  la  science 
botanique,  les  plus  grands  avantages  ; 

'>  Que  ce  jardin,  qui  sera  un  véritable  refuge  pour  les  espèces  rares 
menacées  de  disparition  complète,  propagera  en  même  temps  les  va- 
riétés remarquables  par  leur  beauté  ou  leur  valeur  médicale  ;  qu'il 
protégera  la  flore  alpine  ; 

*  Considérant  que  des  expériences  agricoles  y  seront  faites  sur  une 
échelle  relativement  vaste,  pour  l'acclimatation  des  variétés  les  plus 
recommandables  des  pays  froids  ou  de  haute  altitude  ; 

»  Que  l'agriculture  pourra  ainsi  en  bénéficier  notablement  ; 

»  Approuve  la  création  de  cette  station  alpine,  organisée  par  la  So- 
ciété des  Touristes  du  Dauphiné,  en  collaboration  avec  la  Société  Hor- 
ticole Dauphinoise,  et  sera  heureux  de  voir  le  Ministère  de  l'Agricul- 
ture et  le  Conseil  général  de  l'Isère  la  comprendre,  à  l'avenir,  dans  les 
œuvres  utiles  auxquelles  ils  donnent  leur  appui.  » 

—  M.  G.  de  Guérard  appelle  l'attention  de  la  Société  sur 
l'intérêt  que  présenterait  la  culture  du  Ginseng  (pii  fournit 


.>^8  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

une  drogue  très  en  faveur  auprès  des  Chinois  qui  la  paient 
au  poids  de  l'or. 

M.  le  Secrétaire  fait  remarquer  que  si  cette  plante  n'a  pas 
produit  en  Europe  les  effets  merveilleux  qu'on  lui  attribue 
dans  l'Extrême-Orient,  elle  possède  néanmoins  des  proprié- 
tés toniques  et  stimulantes  réelles,  et,  à  ce  titre,  elle  méri- 
terait d'être  tirée  de  l'oubli  où  on  la  laisse.  Le  Ginseng  est 
le  Panax  quinquefoiium  des  botanistes. 

—  M.  Jules  Cloquet  écrit  d'Alger  à  M.  le  Président  : 

«  J'espérais  pouvoir  vous  donner,  celte  année,  le  résultat  des  essais 
de  1892,  dans  la  région  de  Lamartine,  sur  la  culture  du  «  Mash  de 
Mésopotamie  ».  J'ai  quitté  Orle'ansville,  il  y  a  un  an,  et  je  n'ai  pu  les 
suivre  de  visu.  J'avais  écrit,  le  mois  dernier,  à  l'administrateur  de 
Lamartine,  en  le  priant  de  me  communiquer  les  résultats  de  celte 
dernière  anne'e  ;  je  n'ai  pas  encore  reçu  de  re'ponse  : 

»  J'ai  la  crainte  que  la  grande  se'cberosse,  dont  a  souffert  toute  la 
plaine  du  Cheliff,  ait  détruit  le  résultat  de  nos  efforts  des  anne'es  pré- 
cédentes et  les  espc'ranccs  que  nous  fondions  pour  l'avenir  sur  cette 
plante.  » 

—  M.  le  Président  dépose  sur  le  bureau  un  ouvrage  de 
M.  Oustalet  ayant  pour  titre  :  La  Protection  des  oiseaux. 

D.ms  ce  volume,  notre  collègue  a  re'sumé  tout  ce  que  nous  savons 
sur  la  question  de  protection  des  Oiseaux.  Il  a  discuté,  avec  sa  haute 
compc'tence  d'ornithologiste  et  de  savant  éminenl,  le  pour  et  la  contre 
sur  toutes  les  espèces  qui  sont  considére'es  comme  méritant  d'être 
protege'es.  Le  Moineau  naturellement  tient  dans  ce  livre  une  place 
assez  importante,  car  nous  savons  que  c'est,  parmi  les  oiseaux  à  pro- 
te'gcr,  un  des  plus  discutes.  M.  Oustalet  plaide  en  faveur  du  moineau, 
mais  il  ne  va  pas  jusqu'à  admettre  sa  trop  grande  multiplication, 
pour  lequel,  comme  en  toute  chose,  d'ailleurs,  l'excès  devient  un 
de'faut.  Ce  livre  est  d'autant  plus  intéressant  que,  sortant  de  la  plume 
d'un  naturaliste  autorisé,  il  ne  contient  que  des  notions  absolument 
certaines,  absolument  sûres  dans  lesquelles  le  lecteur  peut  avoir  une 
coinpléte  confiance. 

—  A   l'occasion  de   la   correspondance ,  M.    le  Président 
'  signale  une  naissance  obtenue  au  Jardin  d'Acclimatation  qui 

jirésente  un  certain  intérêt  :   c'est  celle  de  jeunes  Casoars 
d'Australie. 

«  Ce  n'est  pas  le  fait  de  la  naissance  de  ces  oiseaux  en  lui-même 
qui  mérite  l'atlention,  dit  M.  le  Président,  puisque,  chaque  anne'e, 
régulièrement,  le  couple  d'animaux   qui   vivent    dans  les    parc5    du 


PROCÈS -VERBAUX  DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ.  559 

Jardin    d'Acclimatation    donne    naissance    à    un   certain    nombre    de 
jeunes,    mais  bien   ce  que  nous  avons  été  à  même  d'observer  cette 
année,  avec  plus  de  rigueur   que  d'ordinaire,  la  façon  dont  le  mâle 
se  comportait.   Vous  savez  que   l'incubation   des    œufs    de    ces   gros 
oiseaux  dure  ordinairement  de  56  à  57  jours.   La   température  ayant 
été'  beaucoup  plus  e'ieve'o  dans  le  courant  du   mois  qui  vient  de  s'e- 
couler  que  d'ordinaire,  la  dure'e  de  l'incubation  s'est  trouvée  réduite 
à  52  et    53  jours.    C'est  là  un    abrègement  de  délai    inléressant    à 
observer.   On  nous  avait   souvent    dit,    et   nous   avions    nous-même 
observe'  que,  pendant  toute  la  durée  de  celte  longue  incubation  de  56 
à  57  jours,  le  maie,  qui  seul  couve  d'ailleurs,   ne  se  levait  pas.  Mais 
il  était  assez  difficile  de  l'affirmer.  Mais,  cette  fois,  nous  avons  entoure' 
le  couveur  d'un  certain  nombre  de  moyens  d'observer  ses  mouvements 
et,    en   effet,    pendant   toute   la  durée  de  l'incubation,  il  ne  s'est  pas 
levé'-,  pendant  le    môme  temps   il  n'a  pas  mange;   pendant  le   même' 
temps  il  n'a  pas  déféqué.  Je  vous  demande  pardon  d'entrer  dans  ces 
détails  naturalistes,  mais  il  est  très  intéressant  de  constater  que  c'est 
seulement  le  lendemain  de  l'éclosion  des  jeunes  que  Tanimal  a  vide 
son  cloaque;  il  a  rendu   immédiatement  une  grande  quantité  d'un  li- 
quide verdàtre  qui   a   été  aussitôt  absorbé  par  les  jeunes  éclos  com- 
plètement. Il  re'sulle  de  ces  observations  des  faits  extrêmement  pré- 
cis :  le  jeilne  de  l'animal,    sa  persove'rancc   à  tenir  le   nid,    et  enfin 
le  fait  final,  qui  est  très  curieux  à  noter. 

»  Ces  observations  ont  été  rcc  leillics  bien  des  fois  au  Muse'um, 
mais  pas  avec  cette  précision.  Je  me  rappelle,  que  dans  mon  enfance, 
le  faisandier  affirmait  que  l'incubation  des  Casoars  durait  63  jours, 
ce  qui  est  une  erreur  ;  il  ajoutait  certainement  à  la  durée  de  l'in- 
cubation celte  période  tâtonnante  des  premiers  jours  au  Jardin 
d'Acclimatation,  il  ne  peut  y  avoir  de  confusion  puisque  les  œufs  sont 
tous  retire's  jusqu'à  ce  que  la  ponte  soit  terminée-  Nous  ne  laissions 
pas  les  œufs  au  nid,  car  les  gele'cs  pouvaient  survenir;  et  dans  ce  cas, 
nos  œufs  auraient  été  perdus.  Depuis  quinze  ans  de'jà,  on  sacrifie  les 
quatre  premiers  œufs,  on  les  marque,  et  tous  les  œufs  po>lc'rieurs 
sont  retirés  cbaque  jour,  et,  quand  la  ponte  est  tcrmine'c,  on  les 
confie  au  mSle  qui  les  prend  et  ne  s'en  se'parc  plus.  C'est  pour  cela 
que  nous  avons  de  si  bons  résultats.  » 

—  M.  le  professeur  Léon  Vaillant  lait  une  communication 
sur  la  reproduction  du  poisson  télescope  au  Muséum. 

—  M.  Forest  aîné  donne  lecture  d'une  note  sur  l' Autru- 
che et  la  colonisation  en  Algérie. 

—  ^I.  le  Président  prononce  en  ces  termes  la  clôture  de  la 
session  : 

«  Celle  séance  est  la  dernière  de  la  40°  session  de  la  Socie'té  d'Ac- 
climalalion.  Nous  allons  donc  nous  sc^)arer  pour  nous  réunir  de  nou- 


360  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

veau  dans  le  courant  du  mois  de  décembre  prochain.  Cette  anne'e, 
par  suite  de  circonstances  absolument  inde'pendantes  de  notre  bonne 
volonté',  la  Commission  des  récompenses  n'a  pas  pu  fonctionner.  Mais 
nous  n'entendons  pas  qu'il  on  soit  de  même  pour  l'anne'e  prochaine,  et 
nous  avons  déjà  adressé  à  la  plupart  des  sociétés  scientifiques  qui  se 
pre'occupent  de  questions  analogues  à  celles  qu'on  traite  dans  cette  en- 
ceinte, des  circulaires  pour  leur  demander  de  signaler  à  notre  atten- 
tion les  publications,  les  travaux  pratiques  qui  seraient  de  nature  à 
me'riter  nos  récompenses. 

Vous  allez,  Messieurs,  pendant  nos  longues  vacances,  aller  vivre  à 
la  campagne,  par  conséquent,  vous  serez  à  même  d'apprécier  les 
efforts,  de  vous  rendre  compte  des  résultats  obtenus  par  les  per 
sonnes  qui  se  préoccupent  d'horticulture,  d'acclimatation,  d'e'levage, 
de  basse-cour,  etc.  Faites  provision  de  documents  pour  nous  signaler, 
à  la  rentrée,  les  faits  qui  vous  paraîtraient  dignes  de  me'riter  les  en- 
couragements de  la  Société,  soit  sous  forme  de  prix,  soit  sous  forme 
de  médailles.  » 


Pour  le  secrétaire  des  séances, 

Jules  Grisard, 
Secrétaire  du  Comité  de  rédaction. 


III.  CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS. 


Pêche  de  la  Baleine  dans  les  mers  de  l'Amérique  du 
Nord.  —  D'après  la  statistique  officielle  émanant  de  Washington,  les 
résultats  de  la  pêche  aux  Baleines  furent  me'diocres  en  1889.  Ces 
Ce'tacés  deviennent  de  plus  en  plus  sauvages;  en  outre,  ils  diminuent 
par  suite  de  l'emploi  des  navires  à  vapeur  dans  leur  chasse.  Le  rapport 
compte  aussi  les  Phoques  et  les  Loutres. 

Dans  cette  année,  101  navires  (dont  11  à  vapeur),  jaugeant  ensemble 
22,600  tonneaux,  prirent  part  à  la  campagne.  Le  produit  total  atteint 
1,834,551  dollars  [9,172,755  francs);  nous  y  notons  124,983  dollars 
(724,915  francs)  pour  la  vente  des  Loutres  cl  des  Phoques  à  fourrures. 
Cela  représente  une  diminution  de  33,5  sur  1880.  L'on  compte,  pour 
cette  saison,  3,513  pêcheurs  dont  60  %  sont  des  Américains  et  23  °/o 
des  Portugais.  La  mer  de  Behring  et  les  eaux  arctiques  furent  parcou- 
rues par  42  bateaux;  l'océan  Atlantique  par  20;  les  mers  d'Okhotsk 
et  du  Jopon  par  9;  l'océan  Pacifique  par  8  ;  enfin  l'océan  Indien  par  6. 

On  a  capturé  780  animaux  dont  109  Baleines  proprement  dites, 
527  Cachalots,  121  Boioheads,  et  23  animaux  appartenant  à  des  groupes 
différents.  De  S. 

Sur  le  mode  de  transport  des  Jacots  [PsUtacus  erithacus  L.) 
par  mer.  —  Il  est  bien  rare  qu'un  paquebot  abandonne  l'Afrique 
occidentale  sans  emporter  en  Europe  des  Perroquets  cendre's.  Oiseaux 
accliûaatés  et  très  répandus  chez  nous.  Parfois,  il  s'en  trouve  plu- 
sieurs centaines  sur  un  seul  bâtiment.  Dans  les  comptoirs  du  Congo 
français,  en  particulier  à  Majumba,  on  les  élève  pour  les  vendre  aux 
équipages  et  aux  passagers  des  navires  qui  touchent  à  la  côte.  Les 
matelots  de  l'étranger  achètent  les  Jacots  en  grand  nombre  pour  s'en 
défaire,  avec  profit,  à  Hambourg. 

Souvent,  la  vie  renfermée  à  bord,  le  manque  d'eau  fraîche,  le  régime 
qui  consiste  généralement  en  pain  dur,  biscuits,  conserves,  ch'Jncvis 
et  autres  graines  oléagineuses,  détermine  des  maladies  chez  ces  Perro- 
quets ;  beaucoup  pe'rissent  pendant  le  trajet.  Car,  si  cette  espèce  est 
robuste,  elle  exige  cependant  plus  de  soins.  On  recommande  de  la 
tenir  autant  que  possible  à  l'air,  en  évitant  les  transitions  de  tempé- 
rature, de  lui  donner  des  graines  farineuses,  du  ble',  du  mais,  et  de 
mettre  à  sa  portée  de  l'eau  non  distillée,  l'acide  carbonique  qu'elle 
contient  facilitant  la  digestion.  A  l'arrivée,  on  modifiera  lentement 
ce  genre  d'alimentation.  Le  chéncvis  agissant  différemment  sous  notre 
climat  pourra  être  distribué,  surtout  en  hiver;  mais  il  ne  devra  pas 
former  la  base  de  la  nourriture. 

Un  bel    exemple   de  longévité,   d'après    Levaillanl,   est  celui    d'un 
Jacol  qui  vécut  en  cage  pendant  75  ans.  G. 

20  Juin   1893.  36 


562  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

La  culture  des  Salmonidés  à  Natal  (Colonie  du  Cap).  — 

En  1890.  on  reçut  les  premiers  œufs  de  Salmonidés  à  Natal.  On  cul- 
tiva 75,000  œufs  de  Truite  de  rivière  (Salmo  (ario)  et  autant  de  celle 
de  Lochleven  (S.  cœcifer).  La  première  espèce  manqua  complètement. 
La  Truite  de  Lochleven  re'ussit  un  peu  mieux  ;  sur  15,000  œufs  éclos, 
on  a  pu  lâcher  1,500  alevins,  en  lots  de  500,  dans  les  rivières  Mooli, 
Bushmann  et  Unngeni.  L'anne'e  suivante,  on  e'ieva  les  mêmes  espèces 
et,  en  plus,  10,000  de  Truite  américaine  {S.  fontinalis)  et  20,000  œufs 
de  Saumon  commun  (iS'.  salar).  S.  fontinalis  donna  des  résultats  mé- 
diocres ;  la  plupart  des  œufs  furent  perdus.  Sur  deux  cents  alevins, 
une  trentaine  seulement  fut  placée  dans  un  petit  cours  d'eau  de  Kar- 
kloof  ;  quant  aux  S.  fario  et  S-  cœcifer.,  les  re'sultats  de  culture  ne  dif- 
fèrent pas  sensiblement  de  ceux  obtenus  pendant  l'année  pre'ce'dente. 
1,500  alevins  furent  introduits  dans  l'Umgeni,  l'Umkomanzi,  le  Mooi, 
le  Bushmann,  l'Umsindusi,  l'Umooti  et  quelques  autres  cours  d'eau  de 
la  région. 

En  1892,  qui  est  donc  la  troisième  anne'e  d'expériences,  on  cultivait 
à  Natal  180,000  œufs.  De  B. 

Les  Graines  jaunes.  —  Sous  la  dénomination  de  Graines  jaunes, 
on  comprend  dans  le  commerce  les  fruits  des  diverses  espèces  de  Ner- 
pruns croissant  abondamment  dans  le  Midi  de  la  France,  en  Espagne, 
en  Grèce,  et  surtout  en  Turquie,  en  Perse  et  dans  l'Asie-Minourc. 

Ces  fruits,  cueillis  avant  leur  entière  maturité,  sont  de  petites  baies 
ge'ne'ralement  subglobuleuses  d'un  vert  foncé,  noirâtres  ou  jaunâtres. 
Leur  saveur  est  amère  et  leur  odeur  désagre'able. 

La  décoction  des  Graines  jaunes  donne  une  couleur  d'un  brun- 
verdâtre  que  les  alcalis  font  passer  à  l'orangé,  les  sels  de  cuivre  au 
vert-clair  et  les  sels  de  fer  au  vert-olive.  L'alun  e'claircit  la  tcinle  sans 
la  modifier. 

Le  principe  colorant  des  Nerpruns  est  dîi  à  un  glucoside,  la  Rhatn- 
négine  de  Lefort  qui  n'est  autre  que  la  Xanthorhamnine  de  Licbermann 
et  Horman.  Cette  substance  cristallise  en  aiguilles  jaunes  d'aspect 
soyeux,  inodores,  solubles  dans  l'eau  et  les  liquides  alcalins,  presque 
insolubles  dans  l'alcool  froid  et  l'élher-Les  acides  dilue's  la  de'doublent 
en  Rhamnétine  et  en  Isodulcite. 

Les  Graines  jaunes  fournissent  une  matière  colorante  jaune  très 
belle,  mais  peu  solide,  que  l'on  utilise  pour  la  teinture  des  laines  et 
des  cotons,  notamment  des  indiennes.  Par  son  mélange  avec  le  bleu, 
on  obtient  un  vert  magnifique  dont  la  nuance  se  rapproche  du  vert  de 
Chine. 

Ce  produit  tinctorial  ne  donne  des  couleurs  fraîches  et  vives  qu'au- 
tant que  les  décoctions  ont  été  re'cemment  préparées.  En  vieillissant, 
ces  décoctions  deviennent  grasses  et  filantes;  elles  s'altèrent  d'autant 
plus  vite  qu'elles  sont  plus   concentre'es.  Toutefois,  cet  inconve'nient 


CHRONIQUE  GÉNÉRALE  ET  FAITS  DIVERS.  563 

peut  être  évité  en  grande  partie  si  on  a  le  soin  d'ajouter  quelques  noix 
de  Galles  avant  de  faire  la  décoction  des  graines. 

Au  lieu  de  ce  procède'  ordinairement  en  usage,  on  a  propose'  d'ex- 
traire le  principe  colorant  au  moyen  de  l'alcool  à  50  degre's  et  à  chaud. 
En  ope'rant  ainsi,  on  obtient  une  dissolution  d'un  brun-jaunâtre  qui, 
par  la  concentration,  donne  une  matière  brune  très  soluble  dans  l'eau. 
Cette  matière  dissoute  dans  de  l'eau  bouillante  et  mordancée  à  l'alun, 
produit  un  bain  de  teinture  très  facile  à  doser  et  comparable  aux  meil- 
leures de'coctions  ;  cette  pre'paration  offre  en  outre  l'avantage  de  ne 
rien  perdre  de  son  principe  colorant  par  le  repos. 

Le  Siil  de  grain  est  une  sorte  de  laque  jaune  employe'e  en  peinture, 
obtenue  en  faisant  bouillir  les  Graines  du  Levant  ou  de  Turquie  avec 
du  blanc  de  céruse  ;  elle  est  en  général  peu  solide.  Le  Stil  de  grain  de 
Hollande  est  plus  beau  et  moins  fugace  que  celui  de  France. 

Le  vert  appelé  improprement  Vert  de  vessie,  parce  qu'il  est  d'usage 
de  le  renfermer  dans  de  petites  vessies,  se  fait  également  avec  les 
fruits  de  Rhamnus.  On  cueille  les  baies  lorsqu'elles  sont  parfaitement 
mûres  et  on  en  exprime  le  suc  à  la  presse,  il  est  visqueux  et  noir.  On 
laisse  évaporer  à  petit  feu  et  on  y  ajoute  un  peu  d'alun  de  roche  dis- 
sous dans  l'eau  et  de  l'eau  de  chaux.  Cette  couleur  doit  avoir  la 
consistance  du  miel;  on  croit  qu'elle  était  connue  des  anciens. 

Les  Graines  jaunes  portent  dans  le  commerce  le  nom  de  leur  pays 
d'origine  ou  de  celui  qui  les  expédie  :  Telles  sont  les  «  Graines  d'Avi- 
gnon, de  Perse,  du  Levant,  de  Valachie  »,  etc.  La  graine  d'Avignon, 
fournie  par  le  Nerprun  des  teinturiers  [Rhamnus  infectorius),  est  la 
moins  estimée:  celle  qui  est  la  plus  recherchée  pour  sa  richesse  en 
matière  colorante  est  la  Graine  de  Perse  produite  par  les  Rhamnus 
saxatilis  et  amygdalinus. 

Disons  de  plus  pour  finir,  que  c'est  encore  avec  les  fruits  et  surtout 
avec  l'e'corce  des  Rhamnus  utilis  et  chlorophorus  que  les  Chinois  pre'- 
parent  la  laque  de'signe'e  sous  le  nom  de  Lo-Kao,  mais  plus  connue  en 
Europe  sous  le  nom  de  Vert  de  Chine  et  de  Lo-za.  Cotte  couleur,  sus- 
ceptible d'être  nuancée  selon  le  goût  du  teinturier,  est  remarquable  par 
l'e'clat  qu'elle  prend  à  la  lumière  artificielle.  Nous  rappellerons  aussi 
que  le  Verl  de  Chine  a  été  l'objet  de  nombreuses  études  à  \A  Société' 
d'Acclimatation  tant  sous  le  rapport  de  la  culture  des  plantes  qui  le 
produi^^ent.  qu'au  point  de  vue  des  applications  industrielles  qu'il  peut 
recevoir  dans  notre  pays  et  qu'un  prix  de  500  francs,  non  encore 
de'cerne',  est  fonde'  par  la  dite  Société  pour  l'utilisation  du  Lo-za  par 
l'industrie  française.  M.  V.-B. 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  AUTEURS 


MENTIONNES    DANS   CE   VOLUME. 


Baronnet.  Naturalisation  de  végé- 
taux en  Tunisie,  523. 

Bellerive  (de).  Oiseaux  qui  peuvent 
se  passer  d'eou,  45. 

—  Fécondité     de    quelques    poissons 

de  mer,  47 . 

—  Elevage  des  Abeilles  dans  l'Afri- 

que centrale,  96. 

—  Capture  d'un  Marsouin,  143. 

—  Protection  des  Alligators  en  Flo- 

ride, 143. 

—  Les  perles  du  Mexique,  102. 

—  Croisement  de  Tisserin   en  capti- 

vilé,  236. 

—  Le  Mock  Orange  à  petites  feuilles, 

239. 

—  Pêche  des  Phoques  etdesBaleines, 

287. 

—  Introduction   du   Lavaret   dans  le 

lac  de  Freyberg,  287. 

—  Création  d'un  parc  à  Cerf  à  Ge- 

nève, 331. 

—  Gibier  exotique   acclimaté  en  Bo- 

hême, 383 . 

—  Commerce  du  café  au  Guatemala, 

383. 

—  Protection  du  gibier  en  Pensylva- 

nie,  423. 

—  L'élevage    des    Faisans    dans  les 

Neilgherry,  426. 

—  Capture   d'un    grand    Esturgeon, 

428. 
^  Les  Chiens  dans  l'armée,  481. 

—  La   culture     des     Salmonidés     à 

Natal,   362. 
Bellot     (Jules).      Reproduction    de 
Bulbuls,  86. 


Bekenger  (R.).    Le  Mûrier  du  Toii- 

kin,  188. 
Berthoule     (Amédée).     L'Olaf^jord 

d'Islande.  202. 

—  EtablisscKients  de  pisciculture  de 

l'Aude,  324. 

—  Les  insectes  en  Auvergne,  325. 

—  Les  travaux   de    nos    laboratoires 

de  l'Aude,  333. 

—  Compte-rendu  des  sauces  des  sec- 

tions : 
13  février  1893,  324. 
Bibliographie  des  ouvrages  traitant 
des    animaux    de   basse-cour,  430. 
Brierbe.  Haricots  de  Chine,  420. 
Bbisay    (marquis    de).      L'aviculture 
chez   l'éleveur,  110,  299.  438. 
Cambol-é     (le    R.    P.).    Taccacée    de 
Madagascar,  90. 

—  La  Vigne  à  Madagascar,  548. 
CANDOLLE(Alph.  de).  Surlc  Saxaoui, 

281. 
Chambre  consultative  d'agriculture  eu 

Tunisie,  43. 
Chappeli.ieh.    Observations  diverses 

sur  les  Ignames,  93,  233,  238. 

—  Compte     rendu     de    ses    cultures 

d'Ignames  et  de  Stachys,  361. 
Chatot.  Cultures  diverses,  90. 
Clément  (A.-L.).   Compte  rendu  des 
séances  des  sections  : 
17  janvier  1893,  231. 
21  février  1893,   324. 
28  avril  1893,  479. 
Cloql'et  (Jules).  Mash  de  Mésopo- 
tamie en  Algé.'ie,  538. 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  AUTEURS. 


565 


CoNFÉVRON  (de).  Disparition  des 
oiseaux,  187. 

Cornu  (Maxime).  Note  sur  la  To- 
mate en  arbre,  314. 

DAGurN.  Acclimatation  de  nouveaux 
Salmonidés,  lr2'i . 

Dammann.   Vigne  du  Mexique,  28-2. 

Decaux.  Insectes  qui  attaquent  les 
substances  alimentaires,  164, 
210. 

—  Insectes  nuisibles.  232,  325. 

—  CampagQols  et  Mulots,  280. 

—  La  Cheimatohia  brumata,  499. 
Decroix.    Les    Chevaux   et   la    fer- 
rure, 230. 

Delaval  (a.).  Cheptel  de  Perruches 

omnicolores,  321. 
Fallou.     Sur   le  Molytes  coronattis, 

479. 
Fauconnier.  Les  parcs  à  Daims  en 

Angleterre,  140. 
Forest  aîné  (J.).    Nos  alliés  contre 

les  Sauterelles,   97,   156,   193. 
FouBNiAL.    — •    Truite    Arc-en-Ciel , 

556. 

—  Les  Merles  métalliques,  351. 
Gabor.   Produits  des  Alligators,  45. 

—  Sebasiichtys  melanops,  47. 

—  Les  Souris  migratrices,  96. 

—  Exportation    des    Grives    et    des 

Alouettes,  1 43  . 

—  Pêche  du  Hareng  en  Russie,  192. 

—  Protection  des  oiseaux  à  la  Nou- 

velle-Zélande.  237. 

—  Alouettes  introduites  dans  la   Ré- 

publique argentine,  2S7. 

—  Floraison    du     Victoria    regia    à 

Vienne,    33.5. 

—  Présence  d'une  pierre  dans  l'esto- 

mac d'un  cheval,  3S3. 

—  Les  oiseaux  néozélandais  qui  dis- 

paraissent, 425. 

—  Consommation  du  gibier  à  plumes 

et  du  Poisson  à  Paris,  427. 

—  L'huile    extraite    d'œufs   de    Ser- 

pents, 42 S . 

—  Sur    le    mode    de    transport    des 

Jacots  par  mer,    361. 
Galhert  (Comte  de).  Truite  en  Dau- 
phiné,  136. 


Galbert  (Comte  de).  Jardin  alpin  de 
Champrousse,  557. 

Geoffroy  Saint-Hilairk  (Alb).  Al- 
locution prononcée  à  la  séance 
de  rentrée  en  session,  80. 

—  Sur  le  Cerf  Maral,  229. 

—  Le  commerce  des  animaux,  475. 

—  Rôle  du  mâle  Casoar  pendant  l'in- 

cubation, 558. 

—  Clôture  de  la  session,  558. 

Germain  (R.).  Influence  de  la  cons- 
titution géologique  sur  l'accli- 
matement, 145. 

Grisard  (Jules).  Procès-verbaux  des 
séancas  générales  de  la  Société  '. 

23  décembre  1892,  80. 
6  janvier  1893,  136. 
20  janvier  1893,  186. 
3  février  1893,  226. 
17  février  1893,  280. 
3  mars  1893,  320. 

19  mai  1893,  555. 

—  Comptes    rendus    des    séances    des 

sections  : 

27  décembre  1892,  230. 

24  janvier  1893,  232. 

28  février  1893,  325. 
17  mars  1893,  381. 

—  Institut  et  musée  colonial  de  Mar- 

seille, 188. 

—  L'arbre  à  laque  du  Japon,  23  4. 

—  Produits     accessoires    du    Houx , 

333. 

—  et  Vanden-Berghe.  Les  bois  in- 

dustriels indigènes  et  exotiques, 
28,  124,  268,  512. 
Guérard  (G.  de).   Les  Orchidées  de 
semis,    par    Ernest     Bergman, 
144. 

—  Zoologie.  Traité  élémentaire  d'his- 

toire   naturelle,  par    L.  Gérar- 
din,  240. 

—  Les  plantes  potagères  et  la  •culture 

maraîchère,    par    Ern.    Berger, 
288. 

—  L'aquarium    d'eau    douce    et     ses 

habitants,  animaux  et  végétaux, 
par  Henri  Coupin,  a84. 

—  Chez  les  oiseaux,  par  M.    E.  Le- 

roy, 480. 


566  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES 

-    Culture   du 


GuÉBARD    (G.    de)-    • 
Ginsenfî,  557. 

GunLiEs-SâVARD  (J.)-  Brouillards  de 
mars  et  gelées  de  mai,  555. 

Hamonville  (baron  v) .  —  La  chasse 
aux  petits  oiseaux,  60. 

Heckel.  Cultures  d'Ignames,  89, 
2-28. 

—  Sur  les  végétaux  qui  produisent  le 
beurre  et  le  pain  d'O'Dika  et  le 
beurre  de  Cay-Cay,  397,  460. 

Hédiard.  Fruits  et  légumes  exoti- 
ques, 138,233,284,  326,381. 

HiLGARD  (E.-W.).  Les  stations  agri- 
coles et  d'acclimatation  en  Cali- 
fornie, 433. 

JoNQUOY     (J-)'      Compte    rendu    des 
séances  des  sections  : 
14  mars  1803,  327. 

Kbantz  (Cath.).  Un  établissement 
pour  la  salaison  des  Harengs 
en  Ecosse,  2  4. 

—  La  pèche  dans  les  eaux  de  la  mer 

d'Aral,  310. 
KuNSTEB.  Société  de   pisciculture  de 

Bordeaux,  420. 
Laeoulbène    (D')-    Destruction    des 

insectes  nuisibles,  382. 
Lataste    (Fernand).     A    propos    de 

Lapins    domestiques   vivant  en 

liberté  dans  l'îlot  de  l'étang  de 

Cauquenes  (Chili),   520. 
Le  Pelletier  (baron).  Dindon  bronzé 

en  liberté,  88. 
Leroy    (Arn.).    Plantes    halophites, 

281. 

—  Râles  d'Australie,  555. 

Mac  Owan.  Plantes  halophites  du 
Cap,  282. 

Magaud  d'Aubusson.  Sur  les  Tra- 
quets,  327. 

Mairet.  Elevage  d'Argus,  376. 

Marois.  Visites  faites  aux  établisse- 
ments d'aviculture,  16,  255, 
530. 

Megnin  (P.).  Les  Chiens  de  berger, 
241,289,  337,  385. 

■—  Sur  la  Maléine,  422. 


—  Comptes  rendus  des  se'auces  des  sec- 

tions : 
17  avril  1803,  422. 
MetneRs  d'Estuey  (D'").   Une  nou- 
velle variété  de  Canne  à  sucre, 
48. 

—  Le  riz  noir  Je  Birmanie,  100. 

—  Culture  du  Café  aux  Philippines, 

101. 

—  Colonie  allemande  de  Cameroun, 

334, 

—  Fibres  de  Sida,  335. 

—  Des  clous  dans  les   arbres,    336. 

—  Production  du  sucre  dans  la  Ré- 

publique Argentine,  423. 
Mobel  (D').  Offres    de  services  pour 

la  Perse,  472. 
Mueller  (baron  F.   vo^^).  Végétaux 

australiens,  88. 
Paillieux.    Végétaux     alimentaires, 

381. 
PicnoT.  Volaille  de  Langshan,  02. 

—  Invasion  de  Campagnols  en  Ecosse, 

137. 

PiNGAUD  (E.j.  Champagne  russe,  48. 

Rattel,  Horlillonnages  d'Amiens, 
520. 

Raveret-Wattel.  Une  visite  à  l'éta- 
blissement de  pisciculture  do 
Bessemont,  20. 

—  A    propos    de    l'Olafsfjord    d'Is- 

lande, 208. 

—  Pisciculture,  226,  320- 

—  Truites  hermaphrodites,  378. 

—  Une  nouvelle  échelle  à  Saumons, 

302. 
Rivière  (Ch.).  Croisement  de  Chèvre 

maltaise   et    de    Bouc    Angora, 

556. 
Roussin   (A.).     Pommes     de    terre, 

Ritcher's  impera^or,  90. 
Saint-Loup  (Remy).   Les  Léporides 

et  la  notion  de  l'espèce,   1,  40. 

—  Procis-verlavx   des  séances  fje'iié- 

rales  de  la  Société  -. 
17  mars  1803,  375. 
7  avril  1803,  417. 
21  avril  1803,  472. 
5  mai  1803,  52  4. 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  AUTEURS. 


567 


Saint-Loup  (Remy).  — Sur  les  modi- 
fications de  l'espèce,  537. 

ScHAECK  (de).  Nouvelle  nourriture 
pour  les  oiseaux  insectivores ,  45  • 

—  Les  Faucons  messagers,  46. 

—  Œufs  de  Crocodile,  48- 

—  Empoisonnement  des  Faisans  par 

les  feuilles  d'If,  96. 

—  Concours  de  vitesse  pour  Pigeons 

voyageurs,  143- 

—  Commerce  de  Poissons  et  Mollus- 

ques en  Angleterre,  143. 

—  L'Étourneau  et  les  Olives,  192. 

—  Culture  des  pêches  dans  la  Nou- 

velle-Angleterre, 192. 

—  Utilité  des  vases  en  grès  à  huile, 

10-2. 

—  Renouvellement  de   la  corne  chez 

les  Rhinocéros,   233. 

—  Pisciculture   en    Australie  et  aux 

Etats-Unis,  238. 

—  Le  marché  d'ivoire  à  Londres,  287. 

—  Remède   contre  les  mucosités  des 

poissons,  287  . 

—  Chevaux  australiens  et  hongrois, 

aux  Indes  Orientales,  331. 

—  Les  poulaillers  ambulants,  331. 

—  Utilité  de  deux  Palmiers,  336. 

—  Cas  d'albinisme  chez  le  Hérisson, 

383. 

—  Un  train  arrêté  par  des  Antilopes, 

383. 

—  Le    Coccidium   oviforme  chez    les 

Lapins  d'Australie,  42o. 

—  Jaseurs  à  Paris,  426. 

—  Culture   du    Saumon  en  Bohême, 

427. 

—  Pêche  de  la  Baleine  dans  les  mers 

de  l'Amérique  du  Nord,  361. 


Sharland.  Elevage  en  Touraine, 
86. 

SiGRE.  Poudre  de  Pyrèlhre,  47  4. 

TcHERNiGOFF.  Le  Commerce  du  thé 
entre  la  Cbine  et  la  Russie,  74. 

TouRCHOT.  Elevage  au  Canada,  418. 

Trempé.  Chasse  aux  petits  oiseaux, 
136. 

Vacher.  Pisciculture,  379. 

Vaillant  (Léon).  Sur  les  monstruo- 
sités du  Cyprin  doré  de  la 
Chine  et  la  reproduction  au 
Muséum  de  la  variété  dite  Téles- 


cope^ 


488. 


Vanden— Berghe  (Maximilien).  Les 
plantes  industrielles ,  par  Gus- 
tave Heuzé,  429,  328. 

—  Les  graines  jaunes,  362. 
Voyei.  aîissi  Grisard. 

Vannetelle    (Le    commandant  L.). 

Des    filets   comme    engins    de 

pêche  et  de  leur  emploi,  446. 
ViDON.  Truites  hermaphrodites,  377. 
ViENKOFF.  La    pêche  de    la    Sardine 

d'Estonie,  71. 
ViLBOUGHEViTGH  (Jean).  La  question 

des  Sait  bushes,  174. 

—  Domesticatioa  du  Maral,  226. 

—  Sur  le  Kendyr,  283. 

—  La  Luzerne   du  Turkestan,    321. 

—  A  propos  du  Pitch-Pin,   326. 

—  Renseignements    sur   les  plantes 

des  terrains  salants,  363. 

WiET  (D'').  Cheptel  de  Kangurous, 
227. 

YvoiRE  (baron  d').  Sur  un  crabe  ita- 
lien, 228. 


FIN   DE   LA  TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES   AUTEURS. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  DES  ANIMAUX 


MENTIONNES   DANS   CE   VOLUME. 


GENERALITES. 

Aviculture,  16-10,  110-123,  233-267,  299-309,  418-419,  438-445, 

339-547. 
Commerce  des  animaux,  473-477. 
Filets  de  pêche,  446-430. 
Gibier,  423,  427. 

Hermaphrodisme  chez  les  poissons,  577-379. 
Insectes,   164-173,  211-223,  324-325. 
Ivoire,  287. 
Oiseaux,  43,  329-330,  424-425,  480. 

—  (Nourriture),  43. 

—  (Protection),  t'-U-7u.  136,  187,  237. 
Pêche,   143,  310-313. 

Perles,  i02. 

Pisciculture,  20-23,  238,  324,  333-360,  419-420. 

Poissons,  47,  208-210.  287. 

Poulaillers  ambulants,  331. 


Abeille,  96,  323. 
Agrotis,  382. 
Alligator,  4.3-46,  143. 
Alouette,  09-102,  143,  287. 
Alucite,  217-218. 
Antilope,  383. 
Argus,  376. 
Autruche,  161   163. 
Baleine,  361. 
Bondrée  apivore.  107. 
Bruchns,  166-169. 
Bulbul,  86-87. 
Buse,  107-108. 
Caille,  160. 

Calandre,  102,  170  173. 
CaDepetière,  194. 
Casoar,  337-338. 


Cerf,  331. 

Chalcite,  137. 

Chat,  283. 

Cheimatobia  hrtimata,  499-311. 

Cheval,  230-231,  331,  383,  422. 

Chevalier,  196. 

Chevêche,  108-109. 

Chèvre,  336. 

Cliien,  241-234,  284-286,  289-298. 

337-330,  383-391,  477-478,  481- 

487. 
Coccidie,  423. 
Coccystes  Cafer,  137. 
Cochevis,  102. 
ColiQ  de  Virginie,  159-160- 
Coucou,  157. 
Crabe,  228. 


INIiEX  ALPHABÉTIQUE  DES  ANIMAUX. 


569 


Crécerelle,  107. 

Crocodile,  48. 

Cupidon  des  prairies,  lo8. 

Cyprin  doré,  488-498. 

Daim,  140-142. 

Dindon,  88. 

Ilphestia  KuehnieUa,  'JiO-i^S. 

Esturgeon,  428. 

Etourueau,  102-103. 

Faisan,  96,  426. 

Faucon,  46-47. 

Francolin,  159. 

Ganga,  lo9. 

Garde-bœuf,  196-199. 

Geometra  defoliaria,  olO. 

Glaréole,  195. 

Grive,  143. 

Grue,  195. 

Guêpier,  156. 

Hareng,  24-27,  192. 

Hérisson,  383  . 

Hibou,  109. 

Jacot,  561. 

Jaseur,  426. 

Kangurou,  227-228. 

Kobez  vespéral,  107. 

Langshan  (volaille),  92. 

Lapin,  425,  529-538.     Voyez    aussi 

Léporide. 
I.avaret,  287. 
Léporide,  1-15,   49-59. 
Maral.  226-227,  229. 
Marsouin,  143. 
Martin  pastor,  10  '.-104. 

—     triste,  104-107. 


Masicera  flavicans,  510. 

Merle,  351-354. 

Microgaster  sessilis,  510. 

Mohjtes  coronatus,  479- 

Mulot,  137-138,  280-281. 

Nandou,  193. 

Noctuelle,  232. 

Outarde,  193-194. 

Perdrix,  159. 

Perruche,  321. 

Petit  Duc,  109. 

Pigeon,  143. 

Pintade,  158. 

Psyché,  325. 

Râle  d'AustralJp,  555. 

Rhinocéros,   235-236.  » 

Rollier,  157. 

Sardine,  71-73. 

Saumon,    377-378,     392-396,   427- 

428,  524-525,  562. 
Sauterelle,  97-109,  199-201. 
Scups,  109. 

Sebastichys  melanops,  47. 
Serpent  à  sonnettes,  428. 
Serpentaire,   108. 
Singe,  86. 
Souris,  96. 
Syrrhapte,  159. 
Tinea  ymnrlla,  218-219. 
Tisserin,  236. 
Traquet,  327-329. 
Truite,  136-137,226,  320-321,  377, 

556-557. 
Ver  gris,  382. 


FIN    DE    L  INDEX   ALPHABETIQUE    DES   ANIMAUX. 


INDEX  ALPHABETIQUE  DES  VÉGÉTAUX 


MENTIONNES   DANS    CE   VOLUME. 


GENERALITES. 

Beurre  de  Cay-Cay  et  d'Odika,  397-416,  460-471. 

Champagne  russe,  49. 

Jardin  alpin  de  Champroussp,  .jo7. 

HortiUonnages,  526-527. 

Pain  d'Odika,  408-414. 

Salt-bushes,  174-185. 

Végétaux,  88,  334-335,  336,  381,  525. 


Acajou,  29-30,  129-132. 
Arbre  à  laque,  234- 
Alphitonia,  515-516. 
Atriplex,    179-181,    184,    185, 

367. 
Azédarach,  12'4-125,   126-127. 
Bambou,  91. 

Berchemia  Foitrnieri,  516. 
Bois  d'Amboine,  37-38. 

—  d'or  du  Cap,  274-275. 

—  satiné  de  l'Inde,  32-33. 

—  de  Toon,  31  -32. 
Bourdaine,  518-519. 
Caféier,  191,  383. 
Caïlcedra,  41-42. 

Caune  à  sucre,   48,  423-424. 
Cassiiie,  512-513. 
Cèdre  bâtard,  33-34. 
Cedrela,  28-32. 
Celastrus,  273-274. 
Chamarops  pahnetto,  336. 
Chayolte,  326- 
Chenopodiiim,  181-182,  366. 
Chloroxylon  Sioleteiiia,  32-33. 
ïrasia,  33- 


Cissus  Mexicana,  282-283. 

Cyphomaiidra  hetaaa,  314-319. 

Denhamia,  513. 

Dioscorea,  89-90,  93-95. 

Dijsoxylon,  34-36. 

Elreodendron,  27  4-276. 

Hvonymus,  276-279. 

Flindersia,  37-39. 

Fusain,  276-279. 

Ginseng,  557-558 . 

Gouaré,  39-40. 

Goupia  glahra,  513. 

Guarea,  39-40. 

Halogeton,  184-185, 

Haricot,  420. 

Houx,  268-270,  333-334. 

Hovenia  dulcis,  516-517. 

If,  96. 

Igname,    89-90,    93-95, 

234,  238-239,  362-364. 
Ilex,  268-272. 
Jrvingia,  397-416,  460-471 
Jujubier,  519-523. 
Kendyr,  283-284,  369-371. 
Khaya,  41-42. 


•TOO 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  DES  VÉGÉTAUX. 


Ô7I 


Kocliia  villosa,  182-183. 
Kurrumia  robusia,  512. 
Lansiuiii  doi,iesticiim,  42. 
Lilas  des  Indes,  124-125. 
Luzerne  du  Turkeslan,  3'?  1-322, 

373. 
Mahogany,  120-132. 
Mandarinier  du  Cambodge,  284. 
Mangoustan  sauvage,  127-128. 
Mash,  558. 
Mat/tenus  Boaria,  513. 
Medkafio,  321-322. 
Melia,   124-127. 
Meïilotus  dentatiis,  373-374. 
JleseiiibriaiUhemum,  3 G 7-3 68. 
Mock  Orange,  239. 
Mojja  spinosa,   513. 
Mûrier  du  Tonkin,  188. 
Nerprun,  517-518,  562-5(53. 
Olivelier  jaune,  274-275. 


71- 


Olivier,  192. 

Orchidées,    144. 

Ornodoxa  oleracsa. 

330. 

Owenia,  127. 

Pocher,  102. 

Peuplier,  365. 

Philadelphis,  239. 

Pitch-pin,  326. 

Pomme  de  terre,  90. 

Portulacaria  afra,  368-369. 

Pterocelastrus,  513-514. 

Pyrèthre,  474  . 

Rhanmus,  517-519. 

Rhus  vernicifera^  234. 

Riz  noir,  190. 

Sandoricum,  127-128. 

Saxaoul,  281, 

Sida  rhomioidea,  335-336. 

Siphonodon,  514. 

Solarium  hetaceiim,  314-319. 

Soi/mida  febrifn/ja,  128-120. 

Stachjs,  90-01,  361-362. 

Sinietenia,  129-132. 

Tacra,  90. 

Tamarix,  526. 

Thé,  74-79. 

Tomate  en  arbre,  314-319. 

Trirhilia  catir/ua,  132. 

Vigne,  548-554. 

Victoria  regia,  335. 

Ximenia  Americana,  135. 

Ziajphus,  510-523. 


FIN    DE   l'index   ALPHABÉTIQUE   DES   VÉGÉTAUX. 


TABLE  DES  MATIERES 


GENERALITES. 

Création  d'une  chambre  consultative  d'agriculture  en  Tunisie 43  . 

R.  Germain.  —  Influence  de  la  constitution  géologique  sur  racclima- 

tement ■!  *"J 

De  Schaeck.  —  Utilité  des  vases  en  grès  à  huile 192 

De  Bellerive.  —  Les  Perles  au  Mexique 192 

De  Schaeck.  —  Le  marché  d'ivoire  à  Londres 287 

D''  Meyners  d'Estbey.  —  Colonie  allemande  de  Cameroun 334 

De  Bellerive.  —  Gibier  exotique  acclimaté  en  Bohême 383 

Le  même.  —  Protection  du  gibier  en  Pensylvanie 425 

Gaeor.  —  Consommation  du  gibier  à  plumes  et  du  poisson  à  Paris. .  .  427 
E.-W.  HiLGABD.  —  Les  stations  agricoles  et  d'acclimatation  en  Cali- 
fornie    ^•*'* 

Commandant  L.  Vannetelle.  —  Des  filets  et  de  leur  emploi 446 

PREMIÈRE  SECTION.  —  MAMMIFÈRES. 

Remy  Saint-Loup.  —  Les  Léporides  et  la  notion  de  l'espèce 1,   49 

Gabor-  —  Les  Souris  migratrices 96 

Fauconnier.  —  Les  parcs  à  Daims  de  l'Angleterre 140 

De  Bellerive.  —  Capture  d'un  Marsouin  dans  la  Solway 143 

De  Schaeck.  — Du  renouvellement  de  la  corne  chez  le  Rhinocéros  uni- 

cornis  de  l'Inde -•'•' 

P.  Mégmn.  —  Les  Chiens  de  berger 241,  289,  337,  385 

De  Schaeck.  —  Chevaux    australiens  et   hongrois  aux   Indes   orien- 
tales    •^•^^ 

De  Bellerive.  —  Création  d'un  parc  à  Cerfs  à  Genève 331 

De  Schaeck.  —  Cas  d'albinisme  chez  le  Héiisson 383 

Le  même.  —  Un  train  arrêté  par  des  Antilopes 383 

Gabor.  —  Présence  d'une  pierre  dans  l'estomac  d'un  Cheval 383 

De  Schaeck.  —  Le  Coccidivm  oviforme  chez  les  Lapins  d'.Australie.  .  .  425 

De  Bellerive.  —  Les  Chiens  dans  l'armée 481 

Fernand  Lataste.  —  A  propos  de  Lapins  domestiques  vivant  en  liberté 

dans  l'îlot  de  l'étang  de  Cauquenes  (Chili  ' 529 

Remy  Saint-Loup.  —  Sur  les  modifications  de  l'espèce 537 

De  Schaeck.  —  Pêche  de  la  Baleine  dans  les  mers  de  l'Amérique  du 

Nord ^61 


TABLE  DES  MATIÈRES  DU  PREMIER  SEMESTRE.  573 


DEUXIEME  SECTION.  —  OISEA.UX. 

Marois. —  Visites  faites  aux  établissements  d'aviculture. .  .        IG,   2j!i,  539 

De  Bellehive.  —  Oiseaux  qui  peuvent  se  passer  d'eau 43 

De  Schaeck.  —  Nouvelle  nourriture  pour  les  oiseaux  insectivores.  .  .  45 

Le  même.  —  Les  Faucons  messagers 46 

Baron  d'Hamon ville.  —  La  chasse  aux  petits  oiseaux 60 

De  Schaeck:.  —  Empoisonnement  des  Faisans  par  les  feuilles  de  l'If.  96 

J.  FoREST  aîné.  —  Nos  alliés  contre  les  Sauterelles 07,    l.'JG,  193 

Marquis  de  Brisay.  —  L'aviculture  chez  l'éleveu-- Ilij,    299,  438 

Gabor.  —  Exporiation  des  Grives  et  des  Alouetles 143 

De  Scuaech.  —  Concours  de  vitesse  pour  Pigeons  voyageurs 143 

Le  mêiiie.  —  L'Etourneau  et  les  Olives 192 

De  Bellerive.  —  Croisement  de  Tisserins  en  captivité 236 

Gaeor.  —  Protection  des  oiseaux  à  la  Nouvelle-Zélande 237 

Le  mfnie.  —  Alouettes  introduites  dans  la  République  argentine 287 

De  Schaeck.  —  Les  poulaillers  ambulants 331 

J.  Forest  aîné.  —  Les  Merles  métalliques 331 

Gabor.  —  Sur  des  oiseaux  néo-zélandais  qui  disparaissent 423 

De  Schaeck.  —  Jaseurs  à  Paris 426 

De  Bellerive.  —  Elevage  des  Faisans  dans  les  Neilgherry 426 

Gabor.  —  Sur  le  mode  de  transport  des  Jacots  par  mer 561 


TROISIÈME    SECTION.   —    POISSONS,   CRUSTACÉS 
MOLLUSQUES,  ETC. 

Raveret-Wattel.  —  Une  visite   à    l'établissement  de  pisciculture  do 

Bessemont  (Aisne) 20 

Cath.  Krantz.   —   Un  établissement  pour  la  salaison  des  Harengs  en 

Ecosse 2  4 

Gabor.  —  Produits  des  Alligators 43 

De  Bellerive.  —  Fécondité  de  quelques  poissons  de  mer 47 

Gabor-  —  Sebastichti/s  meiialops ^7 

Dii  Schaeck.  —  Œafs  de  Crocodile ^8 

ViBNKoFF.  —  La  pêche  de  la  Sardine  d'Eslhonie 71 

De  Bellerive.  —  Protection  des  Alligators  en  Flo.iile 143 

De  Schaeck.  —  Commerce  des  poissons  et  des  mollusques  en  Angle- 
terre   l'i't 

Gaboh.  —  Pêche  du  Hareng  en  Russie 

De  Schaeck.  —  Pisciculture  en  Australie  et  aux  Etals-Unis 238 

De  Bellerive.  —  Pêche  des  Phoques  et  des  Baleines 287 

De  Schaeck.  —  Remède  contre  les  mucosités  des  poissons 287 

Du  liELLERivE.  —  Inlroducliou  du  Lavaret  dans  le  lac  de  Freyberg .  .  .  287 

Cath.  Krantz.  —  La  pêche  dans  les  eaux  du  bassin  de  la  mer  d  Aral.  3lO 

Ainélée  Bertiioule.  —  Les  travaux  de  nos  laboratoires  de  l'Aude.  .  . .  333 

Raveret-Wattel.  —  Une  nouvelle  échelle  à    Saumons 392 

De  Schaeck.  —  Culture  du  Saumon  en  Bohême ''«27 

De  Bellerive.  —  Capture  d'un  grand  Esturgeon 428 


.-> 


574  REVUE  DES  SCIENCES  NATURELLES  APPLIQUÉES. 

Gabor.  —  L'huile  extraite  d'œufs  de  Serpents 42S 

Professeur  Léon  Vaillant.  —  Sur  les  monstruosités  du  Cyprin  doré  de 

la  Chine  et  la  reproduction  au  Muséum  de  la  variété  dite  Télescope,.        488 


QUATRIÈME  SECTION.  —  INSECTES. 

DeBellerive.  —  Sur  l'élevage  des  Abeilles  dans  l'Afrique  centrale.  00 

Decaux.  —  Insectes  qui  atta  juent   les  substances  alimentaires..  .      164,  211 
Le  mânie.  —  Un  nouveau  tléau  de  notre  richesse  pomologique.  La  Chei- 

matobia  brumata 499 

De  Bellerive.  —  La  culture  des  Salmonidés  à  Isalal 562 


CINQUIÈME  SECTION.  —  VEGETAUX. 

J.  Grisard  et  Maximilien  Vanden-Berghe.  —  Les  bois  industriels  indigènes 

et  exotiques 28,    124,   268,  312 

E   P:ngaud.  —  Champagne  russe 48 

D''  Meyners  d'Estrey.  —  Une  nouvelle  variété  de  Canne  à  sucre...  48 

Tchernigoff-  —  Le  commerce  du  Thé  entre  la  Chine  et  la  Russie.  .  .  74 

De  Schaeck.  —  Empoisonnement  des  Faisans  par  les  feuilles  d'If.  .  .  96 

Jean  Vilbouchevitch.  —  La  qu>^stion  des  Sait  Bushes 174 

D''  Meyners  b'Estrey.  —  Le  Riz  noir  de  Birmanie 190 

Le  même.  —  Culture  du  Caféier  aux  Philippines 191 

De  Schaeck.  —  Culture  des  Pêchers  dans  la  Nouvelle-Angleterre  ...  192 

Am.  Berthoule.  —  L'Olafsfjord  d'Islande 202 

Ravf.ret-Wattel.  —    Observations   à   propos  de    la    communication 

précédente 208 

Chappellier.  —  Culture  de  l'Igname 238 

De  Bellerive.  —  Le  Mock  orange  à  petites  feuilles 239 

Maxime  Cornu.  —  Note  sur  la  Tomate  en  arbre 314 

Jules  Grisard.  —  Produits  accessoires  du  Houx 333 

Gabor.  —  Floraison  du  Victoria  regia  à  Vienne 333 

D''  Meyners  d'Estrey.  —  Fibres  de  Sida 333 

Le  même.  —  Des  clous  dans  les  arbres 336 

De  Schaeck.  —  Utilité  de  deux  Palmiers  américains 336 

Paul  Chappellieh.  —  Compte  rendu  de  ses  cultures  d'Ignames   et  de 

Stachys. 361 

Jean  Vilbouchevitch.  —  Renseignements  sur  des  plantes  de  terrains 

salants 36.J 

De  Bellerive.  —  Commerce  du  Café  au  Guatemala 383 

D'' Edouard  Heckel.  —  Sur  les  végétaux  qui  produisent  le  beurre  et 
le  pain  d'O'Dika  et   sur  les  arbres  producteurs    de  beurre  de  Cay- 

Cay 397,  460 

D''  Meyners  d'Estrey.    —   La  production   du    sucre  dans   la    Répu- 
blique Argentine 423 

Le  R.  P.  Camboué.  —  La  Vigne  à  Madagascar 348 

Max.  Vaxden-Bergue.  —  Les  graines  jaunes 362 


TABLE  DES  MATIÈRES  DU  PREMIER  SEMESTRE. 


o/o 


EXTRAITS  DES  PROCES-VERBAUX  DES  SEANCES 
DE  LA  SOCIETE. 


Séances 

GÉNÉRALES. 

Séance 

du 

•23  décembre  189-2. 

80 

Séance  du 

— 

6  janvier  1893  .  .  . 

13G 

— 

— 

20          — 

186 

— 

— 

3  f.Hrier  1893  .  .  . 

226 

— 

— 

17          — 

280 

— 

— 

3  mars  —           ... 

320 

7  avril  1893, 
21        — 
5  mai  1893  , 
19        — 


1^'°  section.  —  Mammifères- 

Séance  du  27  décembre  1892.        230 
—  17  avril  1893 422 

2°  section.  —  Oiseaux- 
Séance  du  14  mars  1893.  .  .  .        327 

3"  section.  — Poissons,  crustacés,  etc- 
Siance  du  1.5  février  1893..  .        324 


Séances  des  Sections. 

4''  section. 


Insecl 


es. 


Séance  du  17  janvier   1893.  . 

—  21   février      —    .  . 

—  28  avril         —    .  . 

•6^  section.  —  Vé'gétaux- 

Séqnce  du  24  janvier  1893  .  . 

—  28   février     —    .  . 

—  1 1  avril         —    .  . 


37:; 

417 
473 


231 
324 

479 


232 
325 

381 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

Académie  des  Sciences 382 

BIBLIOGRAPHIE. 

Les  Orchidées  de  semis,  par  Ernest  Bergman 1  44 

Zoolopie.  — Traité  élértientaire  d'histoire  naturelle,  par  L.  Gerardin..  240 

Les  plantes  potagères  et  la  culture  maraîchère,  par  Ern.  Berger 288 

L'aquarium   d'eau   douce  et   ses    habitant?,    animaux  et  vépélaux.  par 

Henri  Coupin 384 

Les  plantes  industiielle.-;,  par  Gustave  Heuzé 429,  :')28 

Bibliographie  d'ouvrages  sur  les  animaux  de  basse-cour 430 

Chez  les  oiseau.x,  par  M.  E-  Li:roy 480 


FIN"    DE   LA    TABLE    DES    MATIERES. 


TABLE  DES  GRAVURES 


Boîie  d'éîevage    de  M.    Marti- 

neau 30G 

Bntchus  pisorum 160 

Calandra  granaria 17  J 

Chapelet  de  graines  dOba .  .  .  .  407 

Cheimatobia  hru-nata oUU 

Chien  de  berger  allemaad  ....  3  i7 

—  —       anglais       sans 

queue 330 

—  —       de  Beauce. .  .  .  291 

—  —        belge 3  4  j 

—  —       de  Brie 203 

—  —       de  Langiiedoc.  207 

—  —       russe 3  40 

—  de  bouvier  de  Brie 20'j 

—  CoU;y 3  il 

—  —  à  poil  cour 34) 

Crâne  de  Chacal 2  4'i 

—  Dingo 24S 

— '■        Dogue  lie  Uussie  ...  240 

—  Lapin 7.    11.    1  j 

—  Léporide 13,    1  î 

—  Lévrier  du  Soudan.  .  2  iG 

—  Lièvre 11,    14 

—  Loup 2  44 

—  Renard 2  47 


Dogue  assyrien 2.">i) 

Echelle     à    Saumon      syslème 

Ilockin 30  4,  30". 

JUphestia  Kuehiiiella 221 

Geometi'j  defoliaria oUO 

Igname  mâle  portant  des  ileurs 

et  des  fruits 363 

Ignames    rondes    provenant    de 

semis 362 

Iningia  Gahoiiensis 402,  4U3 

—  —         (coupe      de 

l'embryon)  404 

—  OliveA  (fruits) 462 

—  — ■      (coupe  d'un  co- 

tj'léioii. .  .  .  463 

LéporiJes  de  M.   Lamy 56 

Oiafsfjord  d'Islande.  .". 202 

Pain  d"Okika 40:; 

—            (panier  à; 406 

Perruche.-ie  de  M.  Rousse.  ...  110 
Plan   de    l'élevage  de  M     Le- 

jeune 2o7 

Pian    de  rétablissement  d'avi- 
culture   de    MM.    Voitellier 

frères 340,  343 

Volières  de  M.  Rousse 112 


FIN    DE   LA    TABLE    DES   GRAVURES. 


Le  Gérant  :  Jules  Grisard. 


VERSAILLES,  lurnaizniE  ctir.F  et  c""',  59,  rub  duple^sis. 


New  York  Botanical  Garden   Librar 


3  5185  00259  9254 


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